6 M. HENRI CORDIER. aujourd'hui inutiles à consulter, il n'acquit pas ses connaissances au hasard, puisqu'il pilla sans vergogne la grammaire de Varo, alors inconnue en Eu- rope. FoURMoNT étant mort en 1745 et son disciple DE GUIGNEs en 18oo, on peut grouper autour de leurs noms ceux qui ont été leurs maîtres, leurs rivaux ou leurs élèves dans l'étude du chinois. A chacun de ces noms corres- pond celui d'un missionnaire de Péking : à Fourmont, PRÉMARE; à De Gui- gnes, GAUBIL. Aussi bien jetterons-nous un coup d'œil sur les origines de la mission française de Peking. La mission des Jésuites fut fondée à Péking par Matteo RiccI qui y mourut le 1 1 mai 1 6 1 o; presque tous les premiers missionnaires furent italiens, por- tugais, espagnols, flamands, voire allemands et suisses, mais de français depuis 1 581, arrivée d'AlessandroVALIGNANI, jusqu'au 23 juillet 1 687, date de l'entrée en Chine des cinq jésuites de Louis XIV, je ne relève sur 162 noms marqués au Catalogus º) que ceux de Nicolas TRIGAULT, de Douai, + à Hang-tcheou, 1 4 novembre 1628; Pierre DE SPIRA, également de Douai, + à Nan-tch'ang, 2o décembre 1627; Martin BURGENT, + 1629, à Nan-king; Michel TRIGAULT, + 3o septembre 1667, à Canton, toujours de Douai; Étienne LE FÈVRE, d'Avignon, + 22 mai 1659, à Han-tchong; Jean VALAT, le premier vraiment français, + 7 octobre 1 697, à Tsi-nan; et la série des missionnaires arrivés en 1656 et 1657 : Humbert AUGER, + 7 juillet 1673, à Hang-tcheou; Jacques LE FAvRE, + 28 janvier 1 676, à Chang-haï; Jean FoRGET, + 9 octobre 166o, à Haï-nan; Adrien GRESLoN, + 1 695, à Kan-tcheou; Nicolas MoTEL, + 1 657, à Wou-tch'ang; Louis GoBBE, + 22 novembre 1663, à Nan-tch'ang; Claude MoTEL, + 1671, Jacques MoTEL, + 2 juin 1692, tous les deux à Wou-tch'ang; Germain MACRET, + 4 septembre 1676, à Fou-tcheou; J. TissANIER, c'est-à- dire 16 noms, tandis que de 1 687, à la fin de la mission, 8o Français exer- cèrent comme jésuites leur ministère dans l'Empire du Milieu. Nous ne pouvons dire ici, faute de place — et aussi parce que nous sor- tirions de notre sujet — les raisons politiques et autres qui expliquent le deinde sic curabuntur, ut sub verem habiturus º Catalogus Patrum ac Fratrum S. J. qui sim libros Regiomonte. Hoc a Te etiam atque a morte S. Franscisci Xaverii ad annum etiam peto. Vale M DCCCXCII Evangelio Christi propagando in « Tui obseruantissimus Sinis adlaboraverunt. Chang-hai, ex typogra- « BAYER. phia Missionis Catholicae in Orphanotrophio • d. 1 1.Jan. 1738. » Tou-sè-wè. — 1892, in-8°. Lettre autog. signée. — Collection H. C. 8 M. HENRI CORDIER. M. Melchisedec Thevenot. A Paris, ... M.DC.XCVI, in fol. La Grammaire tartare-mantchou, publiée, page 39 du vol. XIII des Mémoires concernant les Chinois sous le nom du P. Amiot et dont je possède l'original, n'est qu'une traduction, incomplète à la fin, du travail donné dans Thévenot. (Cf. Bibliotheca Sinica, col. 131 o-131 1.) Le P. BoUvET, sans avoir été Supérieur, fut un des hommes considérables de la mission, quoique ses ouvrages, sauf sa vie de K'ang Hiº), aient moins de réputation que ceux de ses confrères; c'est lui qui, rentré en Europe en 1697, assura, comme on le verra plus loin, le recrute- ment de l'établissement de Péking en ramenant avec lui Prémare, Domenge, etc. Louis LE CoMTE est pour nous le moins intéressant du groupe; renvoyé en Europe pour s'occuper de la question des rites, il ne fut pas l'une des parties les moins actives dans cette fameuse querelle que ne contribuèrent pas peu à raviver ses Nouveaux Mémoires sur l'état présent de la Chine º auxquels son titre de confesseur de la duchesse de Bourgogne donnera une importance spéciale. Le dernier, Claude DE VIsDELoU, ne le cède en valeur scientifique qu'à Antoine Gaubil; ses recherches sur l'histoire de la Tartarie, qui ne pa- rurent que longtemps après sa mort comme supplément à une nouvelle édition de la Bibliothèque Orientale de B. d'Herbelotº, auraient pu être ignorées grâce au parti qu'il prit contre sa propre Compagnie lors de la mission du patriarche d'Antioche, Charles-Thomas MAILLARD DE ToURNoN; nommé évêque in partibus de Claudiopolis, on peut dire qu'il mourut en exil chez les capucins de Pondichéry. A cette génération, qui ne le précède en Chine que de quelques mois, ap- partient le P. François Noël # # # Wei Fang-tsi. Noël était né dans le Nord, 2 vol. in-12. p. 5o8/536. Cf. Bibl. Sinica, col. 24-27. º Portrait historique de l'Empereur de la Chine, présenté au Roy, par le P. J. Bouvet, de la Compagnie de Jesus, Missionnaire de la Chine. A Paris, chez Estienne Michallet. .., M.DC.XCVII. Avec Privilege du Roy, in-12 p. 264, s. l'av., etc. º Nouveaux Memoires sur l'Etat present de la Chine. Par le P. Louis le Comte de la Com- pagnie de Jesus, Mathematicien du Roy. A Paris, chez Jean Anisson, Directeur de l'Imprimerie Royale, ruë de la Harpe, au- dessus de S. Cosme, à la Fleur-de-Lis de Florence, M.DC.XCVI.Avec Privilege du Roy. º Histoire de la Tartarie, contenant l'Ori- gine des Peuples qui ont paru avec éclat dans ce vaste pays, depuis plus de deux mille ans ; leur Religion, leurs Mœurs, Coutumes, Guerres & Révolutions de leurs Empires, avec la suite chronologique & généalogique de leurs Empe- reurs; le tout précédé & suivi d'Observations critiques sur plusieurs Titres de la Bibliothèque Orientale. [Par le P. Visdelou.] (Bibl. Orien- tale, de B. d'Herbelot, Supp., Paris, 178o, p. 18 et seq.) FRAGMENTS D'UNE HISTOIRE DES ÉTUDES CHINOISES. 9 à Hestrud, le 18 août 165 1 ; il est revenu mourir º dans son pays à Lille le 17 septembre 1729. Nous lui devons non seulement la traduction des Se-chou Du l;, qui nous étaient déjà connus par les versions des PP. Da Costa, Intor- cetta et autres (cf. Bibl. Sinica, col. 652-654º), mais aussi, pour la première fois, celles du Hiao-King # #, livre de la piété filiale, et du Siao-hio J, #, leçons destinées à l'usage des enfants. Ces traductions parurent en latin en 171 1 à Prague º) et furent retraduites plus tard en français par l'abbé Plu- quetº). Le séjour de ce missionnaire à Prague nous a valu également l'im- pression de savantes observations mathématiquesº et un ouvrage remarquable sur la philosophie chinoise º) qui a joué un rôle important dans les contro- verses suscitées par la question des rites. º « Il y a trois semaines que nos pères Noel Flaman et Castner Alleman partirent d'icy pour l'Europe par un vaisseau anglois nommé le Seaffort. Ils vont à Rome défendre nos opi- nions.Je leur ay remis un très grand nombre de lettres pour nos pères de France et de Rome. Ils ne savent pourtant pas où ils abor- deront. .. » (Lettre aut. du P. Pelisson, à Canton, ce 29 janvier 17o2, adressée au P. Verjus, Public Record Office, China, n° 1.) º Les premières éditions de ces traductions des Classiques chinois ont été imprimées dans le Kiang-si en 1662, dans le Kouang-toungen 1667, et à Goa. On trouvera d'amples détails sur ces impressions dans notre Bibliotheca Si- nica, col. 652-4, et dans notre Essai d'une Bi- bliographie, p. 13-16. — Si nous comptons Macao, colonie portugaise, comme dépendance chinoise, ces volumes ne sont donc pas les premiers produits de la presse étrangère dans l'Empire du Milieu. Nous reproduisons en fac- similé un livre du P. Ed. de Sande imprimé à Macao dès 159o, signalé par nous dans nos mémoires précédents, qui parait avoir toutefois été précédé d'autres ouvrages à cette même presse. Cf. Nota bibliográfica sobre un libro impreso en Macao en 1590 por José Toribio Medina. Sevilla, Imprenta de E. Rasco, Bustos Tavera, nùm. 1, MDCCCXCIV, br. in-4°, p. 15, tiré à 1oo exemplaires. — Cette plaquette a pour but de prouver que le livre du P. de Sande n'est pas le premier imprimé à Macao. º Sinensis Imperii Libri Classici Sex, ni- mirum Adultorum Schola, immutabile me- dium, liber sententiarum, Memcius, Filialis Observantia, parvulorum Schola, E Sinico idiomate in latinum traducti a P. Francisco Noël Societatis Jesu Missionario. Superiorum Permissu. Pragae, Typis Universitatis Carolo- Ferdinandeae, in CollegioSoc. Jesu ad S. Cle- mentem, per Joachimum Joannem Kamenicky p. t. Factorem, Anno 171 1, in-4°, p. 6o8, s. les prél., etc. º) A Paris, chez de Bure, Barrois aîné & Barrois jeune, 7 vol. in-18, 1783-86. º Observationes | Mathema- | ticae, | et | Physicae | in | India | et | China | factae | à | Patre Francisco Noël Societatis | Jesu, ab anno 1684. usque ad annum 17o8. | In Lucem datae Superiorum permissu. | — Pragae, typis Universit : Carolo-Ferdinandeae, in Collegio | Soc : Jesu ad S. Clementem, per Joachimum Joannem Kamenicky | Factorem Anno 171o, pet.in-4°, p. 134 + 1 pl. hors texte. º Philosophia Sinica tribus tractatibus, Primo Cognitionem Primi Entis, Secundo Ce- remonias erga Defunctos, Tertio Ethicam Juxta Sinarum mentem complectens, Authore P. Francisco Noël Societ. Jesu Missionario. De speciali licentia SS. D. N. D. Clementis Pa- pae XI. et Superiorum Permissu. Pragae Typis Universit. Carolo Ferdinandeae, in Collegio Soc. Jesu ad S. Clementem, per Joachimum Joannem Kamenicki Factorem anno 1 71 1,in-4°. - 12 M. HENRI CORDIER. quelques exemples dans une Dissertation, qui a été imprimée ici vers la fin de l'année précédente, & insérée dans le second Tome de l'Histoire critique de la République des Lettres. Et comme il etoit necessaire de faire voir les divers rapports du Chinois avec l'Hebreu, j'ai taché de faire voir ces divers rapports dans une autre Dissertation, qui sera insérée dans le troisième volume de la même Histoire critique, qui paroîtra à la fin de ce mois de juin. Si j'avais l'avantage que quelques unes de ces conjectures ne vous dépleus- sent pas entiérement, je me féliciterois beaucoup de mes petites découvertes, ayant tant de pénétration de & justesse dans vos jugements comme vous en avez. Trouvez bon, Monsieur, je vous prie, que j'ajoute ici quelques exemples de mes expli- cations chinoises. En voici une ou deux. nnvn, chaschara « obscurité » (Ps. 18.12) peut tirer son origine de héº) « noir, noirceur » en chinois (dans lequel mot il faut prononcer la lettre h comme un cheth Hebreu avec une forte aspiration) et du verbe chaldaïque Nnv, share « habiter, demeurer », comme si l'on disoit que l'obscurité est la demeure ou l'habitation de la noirceur. L'aleph et le he se changent souvent entr'eux, comme l'on sait. La signification d'obscurité que l'on donne à ce mot Hebreu chaschara peut etre aussi illustrée par le mot Arménien º q h2kp chischer, qui signifie « la nuit ». Le mot Hebreu nºr>nn>, Beromim « vêtements précieux » (Ézéch. 27.29), peut venir de nn2 choisir, d'ou l'on dit à l'jmpératif in2 berou « choisissez » (1. Sam. 17.8), et de mîm º) en chinois, « eclatter, briller ». Ainsi ce seroit la même chose que si l'on disoit « des vête- ments choisis et éclattans ». Le mot nn7np kehelata (Nombres, xxxII. 22.) est le nom du lieu ou s'assemblèrent et campèrent les Jsraélites après leur départ de Rissa, & il me semble qu'on le peut ex- pliquer « une grande assemblée » de bnp (Ps. 22.23.) « assemblée » & de t'aº en chinois, grand, grande. Je souhaite avec beaucoup d'ardeur d'avoir une grammaire chinoise et un Dictionnaire chinois complet : car celui que j'ai ne contient pas plus de six mille carac- tères. La grammaire me seroit fort utile pour les particules et la punctuation, & le Dic- tionnaire pour la résolution des caractères composez & pour apprendre la maniére dont les Chinois écrivent par abbreviation. Si j'avois le bonheur de m'entretenir avec le Chinois º) qui vous aide dans vôtre pénible travail, je tacherois de m'eclaircir sur di- verses difficultez, comme entr'autres si les Chinois ne considèrent pas la langue Man- darine aussi ancienne que leur Empire : si les langues provinciales n'en sont pas des dialectes : en quel tems les caracteres d'aujourdhuy ont été inventez & s'il est parlé de tout cela dans leurs Annales : les propres termes des Annales touchant l'Eclipse qui parut sous le Reigne de Quam-uu-ti º), & qui arriva lors que Jesus Christ souffrit la mort. Mais je m'apperçois que j'abuse trop long tems de vôtre patience, & d'un tems qui vous est si cher & si précieux & que vous scavez employer d'une maniére si avanta- . geuse pour le bien public. º # . º) BH, ming. º Epistola S. Pauli ad Chorinthios, et Cho- º) >k . rinthiorum ad S. Paulum armenicè, ex museo º Arcadius Hoang. viriclariss.PhilippiMassonii,versionem latinam º # # # Kouang Wou-ti (25-58 ap. accurante D.Wilkins.Amstelodami, 1715. J.-C.). FRAGMENTS D'UNE HISTOIRE DES ÉTUDES CHINOISES. 13 Je finis donc en vous priant de pardonner a ma liberté, et en vous priant aussi tres- humblement de me faire l'honneur de croire que je suis avec un tres profond respect, Monsieur, Vôtre très humble & très obéissant serviteur, Philippe MAssoN. A Utrecht ce 12. juin 17 13. Masson avait en effet fait insérer sous le voile de l'anonyme un long mé- moire dans le tome II de l'Histoire critique de la République des Lettres º); le véritable nom de l'auteur fut révélé dès le volume suivant dans une nouvelle Dissertation adressée à Relandº). Adrien RELAND, après avoir été professeur (1699) de philosophie et de langues orientales à Harderwyck, avait été, deux ans plus tard, transféré à Utrecht pour y enseigner les langues orientales et les antiquités ecclésiastiquesº). Une troisième étude suit les deux premièresº. Un savant de Berlin avait inséré dans le tome III de l'Histoire critique l'Oraison Dominicale « dans la langue Chio-chui tirée d'un joli manuscrit, écrit à la Chine par un Missionnaire Espagnol. Ce manuscrit contient une Grammaire & un Dictionnaire de cette Langueº », Masson profite de la circonstance pour donner des éclaircissements º) sur son mémoire précédent et pour tirer de l'Oraison dominicale récemment publiée de nouveaux arguments à l'appui de la thèse qu'il soutient pour montrer l'aide apportée par le chinois pour expliquer les º Dissertation Critique, où l'on tâche de faire voir, par quelques exemples, l'utilité qu'on peut retirer de la Langue Chinoise, pour l'in- telligence de divers mots & passages difficiles de l'Ancien Testament. (Art. III, Histoire cri- tique de la République des Lettres tant Ancienne que Moderne. Tome II. A Utrecht, chès Guil- laume à Poolsum, MDCCXIII, in-12, pages 96 à 153.) º Dissertation Critique sur la Langue Chi- noise, où l'on fait voir, autant qu'il est possible, les divers rapports de cette Langue avec l'He- braisque; adressée à Mr. Reland, Professeur en Langues Orientales dans l'Université d'Utrecht. (Art. II, ibid., Tome III. A Amsterdam. Chez Jaques Desbordes. MDCCXIII, in-12, pages 29 à 1o6.) Signé : Philippe MAssoN. AVliet ce 25. de Mars 1713. º Adrien Reland, né le 17 juillet 1676 au village de Ryp (Hollande septentrionale), est mort à Utrecht, le 5 février 1718. º Nouvelle Dissertation Critique, où l'on fait voir, par de nouveaux Exemples, l'usage de la Langue Chinoise pour l'intelligence de quelques endroits du Texte Hebreu de l'An- cien Testament. Par Mr. Ph. M. (Art. II, ibid., tome IV. ibid., MDCCXIII, in-12, pages 29 à 69.) º Lettre d'un sçavant de Berlin à un ami d'Utrecht, où l'on trouve une Pièce Chinoise assez curieuse. (Art. vIII, ibid., Tome III. Ibid., in-12, pages 272 à 275.) A Berlin le 2o. mai 1713. º Eclaircissemens au sujet de la Disserta- tion qui fait le second Article du Tome prece- dent, adressez à l'Auteur de cette Histoire Critique. (Art. Iv, ibid., tome IV, ibid., in-12, pages 85 à 93.)A Utrecht ce 9. de septembre 1713. FRAGMENTS D'UNE HISTOIRE DES ÉTUDES CHINOISES. 13 Je finis donc en vous priant de pardonner a ma liberté, et en vous priant aussi tres- humblement de me faire l'honneur de croire que je suis avec un tres profond respect, Monsieur, - Vôtre très humble & très obéissant serviteur, Philippe MAssoN. A Utrecht ce 12. juin 17 13. Masson avait en effet fait insérer sous le voile de l'anonyme un long mé- moire dans le tome II de l'Histoire critique de la République des Lettres º); le véritable nom de l'auteur fut révélé dès le volume suivant dans une nouvelle Dissertation adressée à Relandº). Adrien RELAND, après avoir été professeur (1699) de philosophie et de langues orientales à Harderwyck, avait été, deux ans plus tard, transféré à Utrecht pour y enseigner les langues orientales et les antiquités ecclésiastiquesº). Une troisième étude suit les deux premièresº. Un savant de Berlin avait inséré dans le tome III de l'Histoire critique l'Oraison Dominicale « dans la langue Chio-chui tirée d'un joli manuscrit, écrit à la Chine par un Missionnaire Espagnol. Ce manuscrit contient une Grammaire & un Dictionnaire de cette Langueº », Masson profite de la circonstance pour donner des éclaircissements º) sur son mémoire précédent et pour tirer de l'Oraison dominicale récemment publiée de nouveaux arguments à l'appui de la thèse qu'il soutient pour montrer l'aide apportée par le chinois pour expliquer les º Dissertation Critique, où l'on tâche de faire voir, par quelques exemples, l'utilité qu'on peut retirer de la Langue Chinoise, pour l'in- telligence de divers mots & passages difficiles de l'Ancien Testament. (Art. III, Histoire cri- tique de la République des Lettres tant Ancienne que Moderne. Tome II.A Utrecht, chès Guil- laume à Poolsum, MDCCXIII, in-12, pages 96 à 153.) º Dissertation Critique sur la Langue Chi- noise, où l'on fait voir, autant qu'il est possible, les divers rapports de cette Langue avec l'He- braisque; adressée à Mr. Reland, Professeur en Langues Orientales dans l'Université d'Utrecht. (Art. II, ibid., Tome III. A Amsterdam. Chez Jaques Desbordes. M DCCXIII, in-12, pages 29 à 1o6.) Signé : Philippe MAssoN. AVliet ce 25. de Mars 1713. º Adrien Reland, né le 17 juillet 1676 au village de Ryp (Hollande septentrionale), est mort à Utrecht, le 5 février 1718. º Nouvelle Dissertation Critique, où l'on fait voir, par de nouveaux Exemples, l'usage de la Langue Chinoise pour l'intelligence de quelques endroits du Texte Hebreu de l'An- cien Testament. Par Mr. Ph. M. (Art. II, ibid., tome IV. ibid., MDCCXIII, in-12, pages 29 à 69.) º Lettre d'un sçavant de Berlin à un ami d'Utrecht, où l'on trouve une Pièce Chinoise assez curieuse. (Art. vIII, ibid., Tome III. Ibid., in-12, pages 272 à 275.) A Berlin le 2o. mai 1713. º Eclaircissemens au sujet de la Disserta- tion qui fait le second Article du Tome prece- dent, adressez à l'Auteur de cette Histoire Critique. (Art. Iv, ibid., tome IV, ibid., in-12, pages 85 à 93.)A Utrecht ce 9. de septembre 1713. FRAGMENTS D'UNE HISTOIRE DES ÉTUDES CHINOISES. 19 tères hébreux, A visité les trois arabes de l'Imprimerie Royale et en fait réformer un, a expliqué avec l'abbé de Fourmont, son frère, la Feuille Thibéthienne envoyée par le Czar, dont personne en Europe ne connoissoit même le charactère et a eu l'honneur d'en lire l'explication au Roy, à Monseig. le Duc d'Orléans et à M'. le Comte de Clermontº. Sans parler de ses grammaires des autres langues, dictionnaires, commentaires, dissertations critiques et autres ouvrages dont la pluspart sont en estat d'estre imprimés, entre autres, le commentaire sur les pseaumes qui est un ouvrage unique et immense. Le duc d'Antinº remplace M. de Maurepas dans la direction des travaux de Fourmont : A Marly, le 7. fevrier 1725. M. le Duc fait expédier un ordre, Monsieur, pour que tous les caractères des langues étrangères que l'on fabrique depuis plusieurs années soient remis à l'Imprimerie royale comme il est de droit. Comme je sçais que vous êtes un excellent sujet et que je me fais un honneur particu- lier de protéger les gens d'un mérite distingué comme vous, je vous prie de m'instruire à fonds de tout ce qui s'est passé sur ce sujet des marchez qui ont été passez, de ce qu'il a été payé à compte et de ce qui est redeû et de l'état où est tout l'ouvrage. Conférez en avec M. de Foncemagne et je serai ravi de trouver l'occasion de vous faire plaisir étant, Monsieur, entièrement à vous. Le duc D'ANTIN. 2 pages in-fol., sign. autogr. º). En 1728, la grammaire de Fourmont était terminée, les fonds pour l'im- pression étaient disponibles chez le Contrôleur général, enfin le duc d'Antin avait donné des ordres en conséquence à l'Imprimerie royale, lorsque tout fut remis en question. Fréretº) et de Bozeº) qui n'avaient qu'une confiance mé- diocre dans la valeur scientifique de Fourmont, adressèrent sans le prévenir Commissaire avec M. Couture pour l'Inventaire des bâtiments, arts et manufactures. Il avait du Cabinet des médailles. » (Catalogue des Ou- vrages de Monsieur Fourmont l'aîné, p.78 et 79. º En 1722. — Cf. Abel Rémusat, Nouv. Mél. as., II, p. 295-297. º Louis-Antoine de Gondrin de Pardaillan, dit le marquis d'Antin, puis duc d'Antin, pair en 171 1, fils du marquis et de la marquise de Montespan, né vers 1665, mort à Paris le 2 novembre 1736. Il était directeur général des bâtiments de la couronne depuis 17o8, puis surintendant épousé, en 1686, M" d'Uzès. º Munich, Bibliothèque royale, Cod. gall., 656, 2 vol. in-fol. — II, Dossier XI. Neuf [il n'y en a que huit, 1725-1734 ] Lettres du duc d'Antin à Etienne Fourmont, 1725-1735. — Nous avons chiffré ces lettres, signées du - duc d'Antin, I-VIII. º) Nicolas Fréret, né à Paris, 15 fév. 1688; + à Paris 8 mars 1749; reçu à l'Académie des inscriptions et belles-lettres le 2o mars 1714. º Claude Gros de Boze, né à Lyon en 168o ; FRAGMENTS D'UNE HISTOIRE DES ÉTUDES CHINOISES. 25 thèque, ou à l'Imprimerie Royale. Quand je vous demanday cet essay, mon intention étoit d'inviter en même temps quelques uns de ceux qui ont cultivé la même langue, soit à la Chine, soit ailleurs, à traduire le même morceau : et la comparaison que nous aurions faite ici de ces différentes traductions avec la vôtre nous eust mis en état de prononcer, en connoissance de cause, sur vos progrès. Vous acceptâtes ma proposition et me pro- mîtes d'exécuter ce que j'attendois de vous. Cependant vous avez trouvé le secret d'éluder, sous divers prétextes, l'engagement que vous aviez pris; vous dites aujourd'hui, pour votre excuse, qu'il ne vous auroit pas esté possible de faire une traduction fidelle, sans le secours d'un dictionaire général des mots chinois auquel vous avez cru devoir tra- vailler d'abord; que vous avez donné tout votre temps à ce Dictionnaire et qu'enfin il sera bientôt achevé. S'il est vrai comme vous le laissez entendre, que vous n'ayez en effet besoin que de deux ou trois mois, pour le rendre parfait, je suspendray volontiers jusques là mon jugement sur vôtre travail; sauf à m'en défier absolument, si alors vous ne vous mettez pas en règle, en me donnant la traduction que j'exige. La continuation de la gravure des charactères chinois dépend de ce seul poinct : ainsi je vous conseille de l'interrompre dès aujourd'hui, et de renvoyer vos ouvriers jusqu'à nouvel ordre : ce qu'ils feront, dans cet intervalle, sera fait sans mon aveu, et roulera sur votre compte, mais, comme il ne seroit pas juste qu'ayant travaillé de bonne foi, depuis l'expédition de vôtre dernière ordonnance, ils ſussent privés de leur salaire, vous pouvez extraire du compte général les sommes qui leur sont deües, pour les quatorze mille six cent dix charactères nouveaux; je veux bien pour cette fois ci seulement apostiller le mémoire, sous deux conditions : la 1" que préalablement à toutes choses, vous donnerez au s" Anisson une reconnoissance tant des soixante et dix mille huit cent cinquante six charactères chinois portés en votre Etat, que des armoires qui les contiennent. Les effets appartiennent au Roy qui les a payés; je consens que vous en soyez encore le dépositaire.Je ferai donner au s" Anisson le modèle du récipissé que vous devez signer. La 2° condition est que vous raporterez après le payement de votre ordonnance les quittances générales de tous les ouvriers que vous avez employés. Quant à l'autre partie de votre compte qui concerne vos avances particulières, votre déménagement et vos loyers, il ne sera temps d'y penser que quand j'auray receu de vous la traduction que j'attens; peut être même cet article soufrira-t-il quelque réduc- tion; au premier coup d'œil, le total m'en a paru exorbitant : mais j'en renvoye la dis- cussion au terme que je vous marque. Au reste vous concerterez, s'il vous plaist, avec M" de Bose et Sallier º) quel ouvrage Chinois vous devez choisir pour vostre essay. Je suis Monsieur entièrement à vous. Le duc D'ANTIN. 4 pages in-folio. — Sign. autogr. º « Le 29 octobre 1726, la Bibliothèque du M. l'abbé de Targny, chargé de la garde des Roi perdit Monsieur Boivin, commis à la garde livres imprimés, voulut avoir celle des manu- des manuscrits; M. l'abbé Bignon proposa au scrits, qui lui fut accordée. » (Essai hist. sur la roi M. l'abbé Sallier, que Sa Majesté agréa; Bibl. du Roi, Paris, 1782, 91/2 pages.) Claude 4 . FRAGMENTS D'UNE HISTOIRE DES ÉTUDES CHINOISES. 27 J'ay approuvé les mémoires que Mr de Foncemagne m'a remis et je seray ravi de vous rendre tous les services qui pourront dépendre de moy. Je suis, Monsieur, tout à vous. Le duc D'ANTIN. 2 pages in-folio. — Sign. autogr. Monseigneur, Lorsque par désespoir et harassé par certains ignorans, j'ay bien voulu rendre un Jésuite juge de mes ouvrages chinois il falloit que je fusse bien sûr de mon fait; je n'igno- rais pas que depuis 15o ans la Société n'a jamais voulu donner aucune connoissance de la langue chinoise et en cas que Vostre Grandeur doutast de cette attention des Jésuites à éloigner toute idée de la littérature chinoise, à cause des disputes qu'ils ont là entre eux et de celles qu'ils ont eües avec M" des Missions étrangères, on en trouvera la preuve dans une lettre du P. Fouquet º) dont je vous envoye l'original; c'est donc, Monseigneur, avec cette confiance que la vérité inspire que j'en ay appellé au P. Contancin, comptant 2 choses. 1° qu'il pourroit n'être pas neuf dans la lecture des livres chinois et dans l'art de cette lecture; 2° qu'il seroit contraint de rendre justice à mon travail et qu'en ayant reconnu la justesse et l'uniformité avec les auteurs chinois, il rendroit à Votre Grandeur un témoignage authentique. Cependant, j'ay esté trompé, non dans mon travail (il est comme il doit être et je suis en estat de le prouver aux Jésuites par leurs auteurs mêmes), mais dans l'espérance que j'avois conçeüe que la vérité dans un Missionnaire l'emporteroit peut estre sur les veües de la Société et que le Jésuite, sachant que je suis depuis très longtems en relation intime ' avec ses confrères de la Chine ne s'aviseroit pas de dire que je manque ou de science ou de secours; je comptois aussi trouver un savant et en cela je me suis apperceu que je m'estois fort mal addressé, car ayant prié le P. Contancin de ne communiquer ma gram- maire ny l'essay de version à personne, d'abord il le communiqua au P. de Goville, qui a esté autrefois à la Chine et qui paroist (par sa conversation) avoir retenu peu de choses de la littérature chinoise; ensuite l'ayant esté voir trois fois pour causer avec luy des difficultés qu'il me pouvoit faire il n'a jamais voulu entrer chez luy en aucune discussion. Enfin j'ay sceu de luy qu'à la Chine il avoit presque toujours esté le procureur des mai- sons où il estoit et quand je l'ay mis sur quelques livres chinois que je portois avec moy, j'ay veu qu'il reculoit toujours, en me disant qu'il me rendroit justice pendant qu'il avoit envie de faire tout le contraire. Or, Monseigneur, afin que Votre Grandeur puisse elle même estre convaincüe de ce que je luy avance et que Fourmont que vous avez toujours protégé, qui est sincère, et º Jean-François Foucquet, né dans le diocèse d'Autun le 12 mars 1663; arrivé en Chine le 24 juin 1699; rentré en France; quitta la Compagnie de Jésus; évêque d'Eleutheropolis en mars 1725; mort en France vers 174o. 32 M. HENRI CORDIER. débrouiller cette multitude prodigieuse de charactères chinois, cependant je ne puis luy refuser la justice de certifier qu'il y est parvenu. Sur le récit qu'on m'en faisoit, j'avois de la peine à me le persuader, mais depuis que je l'ay pratiqué et après que j'ay vu et examiné en détail tous les ouvrages qu'il a composez sur cette langue, j'ay admiré comme les autres le grand progres qu'il y avoit fait. Il a rassemblé tous les principes de la langue chinoise, dont il a composé une gram- maire très ample, laquelle ayant été confrontée avec celles qui sont venues depuis de ce païs là, il se trouve conforme avec elles. Il a fait graver tous les charactères chinois aussy parfaitement qu'on pouvoit le faire à la Chine. 4 ", Il a fait aussy cinq dictionaires chinois, sçavoir un latin et chinois, un françois et chinois, un chinois latin, un historique et géographique, et un pour les tons, pronon- ciation ou accents. Enfin il n'a rien obmis de tout ce qui peut être utile et nécessaire à ceux qui voudront s'appliquer à l'étude du chinois pour leur en faciliter et l'intelligence des livres et la ma- nière de le parler; les règles qu'il donne sont d'autant plus sûres qu'elles sont toutes tirées des Chinois mêmes, qui étant très amateur de leur langue ont composé plusieurs ou- vrages pour en connoître les règles et les principes. Au reste il a tellement applani les difficultés qu'on se figuroit avoir à surmonter avant que de pouvoir arriver à entendre les livres de la Chine, et qui empêchoient les scavans d'oser entreprendre cette étude, qu'on peut en peu de tems avec le secours des livres de M. Fourmont se mettre en état d'entendre et de traduire le chinois. Si des personnes stu- dieuses veulent à l'avenir s'appliquer à cette langue et travailler à des traductions on tirera des livres chinois une infinité de connoissances en tout genre très utiles et très curieuses. Il seroit donc beaucoup à désirer que M. Fourmont donnat au plutôt au jour tous ses ouvrages car s'il venoit à manquer il ne seroit pas facile de trouver une personne qui put le remplacer, et il seroit facheux que le public fut privé de l'avantage qu'il s'est promis de tant de dépense que le Roy a faite, et de tant de peine que M. Fourmont s'est donnée; la littérature ne vous aura pas une petite obligation, si un si grand dessein vient à réussir de vôtre tems et sous vos auspices. J'ay l'honneur d'être avec un très profond respect, Monseigneur, Votre très humble et très obéissant serviteur, DE MoNTIGNI, Directeur du Séminaire des Missions étrangères, cy-devant missionnaire et provicaire apostolique à la Chine. La copie présente de ma lettre à M. le duc d'Antin est conforme à l'original. DE MoNTIGNY !). º Munich, Bibl. royale, C. gall., 656, II, dossier xII, n° 2.— Le post-scriptum est autographe et signé. — La lettre est une copie de la main de Fourmont. FRAGMENTS D'UNE HISTOIRE DES ÉTUDES CHINOISES. 35 36° Y a t'il une syntaxe ou non ? 37° S'il y en a une, peut on en donner des règles ou non ? 38° Y a t'il quelque marque particulière dans les noms, pour distinguer les genres et les nombres ? dans les pronoms de même ? et dans les verbes pour distinguer les tems et les modes ? 39° L'ordre de la phrase est-il de suite ou inverse ? 4o° Les phrases sont elles ordinairement distinguées par des virgules du non ? 4 1° Le sont elles partout, ou s'il y a des discours ou elles le soient et d'autres ou elles ne le soient point (!) ? Puis les doléances recommencent : Ce samedi 28 fevrier 1733. Monseigneur, Monsieur de Montigni qui a veu mes ouvrages a du avoir l'honneur de vous en écrire ; j'espère le voir demain pour scavoir s'il l'a fait ; il m'a assuré que toutes fois et quantes il en rendroit à Vôtre Grandeur un témoignage avantageux et authentique. A l'égard de M. Guigue il en a bien parlé en plusieurs endroits et en connoissance de cause, puisqu'il m'a rendu des visites très fréquentes et que j'ay aussi été chez lui passer bien des après dinées, mais il faut que je dise naturellement à Vôtre Grandeur, que s'il sçait bien la langue parlée des Chinois, il ne sçait presque rien des charactères, que sa communauté luy en a fait de grands reproches, que proprement il ne les étudie que depuis ce tems là, de sorte que je ne l'ay trouvé au fait ni de la grammaire ni des dic- tionnaires, en sorte même que chez moy, ayant avancé des choses toutes contraires à tous les livres en présence d'une assemblée de sçavans, je fus obligé de le prier en parti- culier d'être plus circonspect une autre fois, parce que je ne pourrois pas m'empêcher de le convaincre, ce qui me feroit de la peine à moy même. Comme il n'a jamais sçeu ce que c'étoit que principes, selon luy il ne faut point de grammaire, il ne connoist ni l'usage des clefs dans toute son étendüe, ni l'analogie d'un charactère à l'autre; il nous dit il y a quelques jours que l'on n'avoit jamais entendu parler de grammaires faites par les Chinois, pendant qu'il y en a des citations partout, et que les dictionnaires mêmes en donnent de longues listes. Selon luy il n'y a pas chez les Chinois aucuns charactères pour indiquer les voyelles et les consones, pendant que j'ay douze dictionnaires, ou elles sont les mêmes dans tous. Je souhaiterois, Monseigneur, qu'il eut été bien habile homme, mais je suis incapable de tromper Votre Grandeur, et quelque chose qui doive arriver de ma grammaire, je me crois obligé de dire à Votre Grandeur que son témoignage luy donneroit peu d'authorité parce qu'il est comme les marchands, qui sçavent la langue d'un païs, et ne scauroient en enseigner aux autres deux mots; îcy c'est bien plus, puisqu'on peut parler le chinois toute sa vie sans en entendre un charactère ni par conséquent aucun livre. º Munich, Bibl. royale, C. gall. 656, II, dossier x, pièce 2. FRAGMENTS D'UNE HISTOIRE DES ÉTUDES CHINOISES. 37 mettre ma grammaire entre ses mains, dabord que c'est l'ordre de Votre Grandeur je n'y répugne point, adieu ne plaise; mais j'apprends que c'est pour l'examiner avec le Père de Goville, qui ne sçait rien, pour y faire des remarques que l'on envoyera à un Chinois qui est à Naples, et si je ne suis pas content de celuy de Naples, qu'on envoyera à la Chine. Tout cela, Monseigneur, n'est que pour eluder et il n'est plus tems, puisque les Anglois, les Moscovites et les Allemands nous préviennent. C'est faire perdre à Votre Grandeur l'honneur qu'elle auroit après la gravure des charactères de faire imprimer. Et on ne vous prive de cet honneur que parce qu'on est bien aise d'oster à M" Fourmont la satisfaction de voir ses ouvrages imprimés.Je n'ay plus rien à dire à Votre Grandeur sinon de la supplier de me conserver une protection qu'elle m'avoit accordée avant que je me mel- lasse de chinois. A mon égard j'ay pris enfin le partie de me delivrer des chagrins qui m'acca- blent depuis 6 ans et qui m'ont rendu très valétudinaire. Le public va juger si je sçais en- seigner bien le chinois on non. Il est étonnant que M" de Foncemagne ne sçache pas ce que nous valons en fait de littérature et surtout ne se donne pas la peine de se mettre plus au fait d'une chose qui étoit pour l'honneur de M" le Duc d'Antin son protecteur comme le mien. Il ne s'agit pas d'étudier du chinois, mais de voir si un homme qui parle du chinois et cite ses authorités cite juste. Et cela se pouvoit faire si on y eut apporté la moindre attention. Je vous supplie, Monseigneur, de dire à M. de Foncemagne qu'il doit être mon ami, comme je le seray toujours de ceux qui vous seront attachéz !). J'ay l'honneur d'être avec le respect le plus profond, Monseigneur, Votre très humble et très obéissant serviteur. Ce 6 may 1733. Monsieur, Je vis hier M" de Foncemagne à l'Académie; il me dit que l'intention de M" le Duc d'Antin étoit que le cayer de vos remarques me fut communiqué, et qu'il vous l'avoit marqué de sa part, de sorte que je n'avois qu'a l'aller prendre; si j'avois pû avoir l'hon- neur de vous voir aujourd'huy, je n'y aurois pas manqué. Rien ne me peut être plus agréable que de profiter de vos lumières, mais comme il m'est impossible de sortir, j'es- père que vous voudrez bien le confier à mon neveu; si même vous aviez le tems je vous inviterais à notre conférence philosophique. Je ne crois pas que vous trouviez à tout cecy la moindre difficulté, vous pouvez compter que je vous le rendrai tel que vous me l'aurez envoyé; et j'ay tant de vénération pour M" des Missions étrangères et pour vous en parti- culier, Monsieur, qu'il seroit parfaitement inutile de rien appréhender de ma part; je vous assure que je ne cherche qu'à être instruit; dans les cayers de ma grammaire copiés par mon neveu et que vous avez examinés, je n'ay trouvé que trois endroits à coté des- quels vous avez écrit lettre erronée, et cela parce que mon neveu avoit oublié les charac- tères en lettre plus petite que j'y avois mis pour correction, il n'y en a même proprement que deux, car dans l'optatif des verbes, si vous l'avez remarqué chifre 72, il avoit écrit º Munich, Bibl. roy., Cod. gall., 656, II, dossier xII, n° 7. 40 M. HENRI CORDIER. VI A Paris le 8 may 1733. J'ay receu Monsieur votre lettre et je suis surpris que M. Guigues ne vous ait pas remis ses observations comme je luy avois fait ordonner par M. de Foncemagne; il luy reite- rera demain mes ordres; au surplus on n'a point donné de Memoire à M. le Cardinal contre vous; outre cela n'en soyés point en peine, puisque vous sçavez que je ne déguise point la vérité et que je vous feray sçavoir le pour ou le contre des choses que vous devez sçavoir. Je suis, Monsieur, tout à vous. Le duc D'ANTIN. 1 page in-folio, sign. autogr. M. de Fourmont. A Paris, le 15 may 1733. Monseigneur, Votre Grandeur n'est point obéie, et M. Guigues n'a voulu ni donner le cayer de ses remarques ni les dicter.Je passay lundi l'aprèsdinée entière chez luy avec mon frère et un ecclésiastique de nos amis. Nous le primes de toutes les façons, mais il nous fut im- possible d'en rien tirer. Toute la communauté des Missions étrangères est scandalisée de son procédé, et quelques-uns de ces Messieurs le luy ont marqué, mais il demeure in- ébranlable. Votre Grandeur conçoit, Monseigneur, qu'une telle résistance ne sçauroit être sans principes et sans veües, en voicy entre autres une qu'il nous découvrit luy-même et qui est de la première conséquence que Votre Grandeur sçache. M. Guigues a donné aux Anglois un dictionnaire chinois étant encore à la Chine. Ce dictionnaire avoit été apporté en Angleterre par M. Harisson et remis à un sçavant nommé M. Reyden; c'est pour ce M. Reyden, Monseigneur, que M. Mortimer, secrétaire de la Société de Londres 0) m'avoit, avant l'arrivée de M. Guigues, fait demander plusieurs fois les clefs chinoises. Comme en Angleterre on n'a point de charactères semblables aux nôtres, on y a pris la résolution de faire graver ce dictionnaire. Les retardemens de M. Guigues paroissent donc venir du dessein qu'il a que ce dictionnaire puisse être imprimé; et c'est sans doute pour cela qu'il me redemandoit la grammaire. Comme il n'a par luy-même aucune littérature grammaticale, qu'il sçait le chinois en négotiant et non pas en homme de lettres et que ce n'est que depuis qu'il est icy qu'à mon occasion il étudie les charactères, il a été tout étonné de voir cette langue réduite par méthode aux règles de l'art; et moi je n'ay pas º) Cromwell Mortimer, né dans le comté de la Société royale, 4 juillet 1728; il en d'Essex; + 1752; médecin; élevé sous Boer- devint, grâce à Sloane, le 3o novembre 173o, haave à Leyde; membre de la Société des An- deuxième secrétaire, poste qu'il garda jusqu'à tiquaires de Londres, 21 mars 1734; membre sa mort. FRAGMENTS D'UNE HISTOIRE DES ÉTUDES CHINOISES. 61 *zz (2…4- *-- a %-44 a 4 ... - #Z 2 . Â2-23-, az 6 3 %a (%-a-4-e A ( -- - --- # # %- … a Aa 3 A6 A-• - e  ^ • > A2 A#a<_ -%a * %- … 42-2a » -2 2º»era4 /oa-a- a4 a4 a azza-2- • 4º --- ran-c- *** * a … 2 - z <. # 2 … 59 - 2e2-a * -- … --------- ee-e…e pensée que les Chinois étaient une colonie égyptienne; cette hypothèse fut immédiatement combattue par le P. Parrenin dans une lettre du 18 septembre FRAGMENTS D'UNE HISTOIRE DES ÉTUDES CHINOISES. 69 La traduction qu'avait faite ce même missionnaire du Kia tseu houei ki, abrégé des Annales chinoises, est gardée manuscrite à la Bibliothèque royale de Munichº). Il est heureux que M. Mohl ait sauvé de l'oubli sa traduction du Chikingº comme du Y-king du P. Régisº). Le P. Florian Bahr a composé un dictionnaire dont on a beaucoup parlé : chinois-latin-français-portugais-italien- allemand. M. le comte Julien de Rochechouart, notre ancien ministre à Péking, m'a dit l'avoir vu au P'e-T'ang, dans la bibliothèque des Lazaristes; malgré l'obligeance de Mº Delaplace, je ne l'y ai pas trouvé; il y a peut-être eu con- fusion avec le manuscrit du P. de La Charme, décrit plus haut, et qui se trouve dans cette collection. L'ouvrage du P. Bahr est probablement égaré dans quelque coin ignoré, où il est fort probable que nous le retrouverons un jour. Le P. Bahr appartient à la génération très intéressante de mission- maires, qui, arrivée le 5 août 1738, comprend le frère Jean-Denis ATTIRET le plus remarquable des artistes européens qui aient visité Péking, et son col- lègue le frère Égide THÉBAULT, tous les deux Français, ainsi que les PP. An- toine GoGEIsL, de Bavière, Augustin voN HALLERSTEIN de Carniole, qui remplaça le P. Ignace Kögler comme président du tribunal des mathéma- moi — C'est à vous à parler, à moi à écouter — trois à quatre cents deniers — à voir l'état des choses je n'augure rien de bon. — Abaisser : — abaisser une perche pour pouvoir passer. » — Au recto de la deuxième page, les exemples con- tinuent : « abaisser un mandarin — mandarin être abaissé »; — puis viennent les mots abandon, abandonner, etc. Les feuilles restent blanches au verso jus- qu'au mot s'acquitter: à partir de ce mot, les deux pages d'une feuille sont généralement remplies. Le premier volume comprend les mots : A-Dyspesie (et non pas Dure comme il est in- diqué au titre manuscrit de la couverture). Vol. II : « E — à jeun (il faut communier à jeun). » Vol. III : « Jeune — nécessaire (un philosophe se contente du nécessaire). » Vol. IV : « Nécessaire (Un avare se refuse le nécessaire) — prévaloir (se prévaloir de la com- pagnie de son ami qui a de la force pour attaquer son ennemi). » Vol. V : « Profontié, navire — Seulement (il n'a pas seulement dit un mot pour moi). » Vol. VI : « Prévaricateur — Zybelline (four- rure, elle est des plus précieuses). » On s'apercevra immédiatement qu'une er- reur a été faite dans la reliure des deux derniers volumes : les trente premières pages environ du volume VI, — c'est-à-dire les mots prévaricateur — profondeur, — qui sont suivies par la page commençant par le mot seulet, auraient dû être reliées au commencement du volume V. Le papier de cet ouvrage est friable. Quel- ques feuilles sont détachées, d'autres piquées des vers, quelques-unes raccommodées avec des morceaux de papier qui cachent le texte; mais, somme toute, l'ouvrage est bien con- servé. — Cf. Bibl. Sinica, col. 744. (') Cf. Bibl. Sinica, col. 1583. º « Confucii Chi-kingsive Liber Carminum. Ex latina P. Lacharme interpretatione edidit Julius Mohl. Stuttgartiae et Tubingae. Sump- tibus J. G. Cottae, 183o, in-8°. » º Imprimé à Stuttgart en 1834 et 1839, 2 volumes in-8". : A'i'v | # ºZto, … 4 rtve. •/1ka. · •4ke a# | # r- # é3 # #. e4wy yn. - - • " | - - • * º * * m%…. % 4 , A. * 7N # # ... .. , . AZlºr»º. »u'. , , | # : • · • a, 4 4.4. «a• rxe.º : # #--- .. - * 242 … e. %.. , * | #is , • • • - zZ5 &%-y. A. - - " ! - • , , - ' .. zZède .. 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Aſea«seze. #I# + -, º 44u…e-92., tc.ré.A 4#|3ºJ %ïL . , •4avre 4-4 vaue-2.4 vº .. • • • | eMa• eAa•' 4ee . ' |)ſ#- A& iïi. . l1y4" z7èa xeeev Aaa ?ez a, ca, 4e. j# # {t. 3# #.4b.aiºji# 4&. •an ſav #º*-# #>k e . • • • • • • • « <° * º - • - • DICTIONNAIRE DU PÈRE D'INCARVILLE (Billiothèque Nationale, N. F. Chinois 5596) 7 l1 M. HENRI CORDIER. un spécimen comparé à celle de Legge º). On verra que Deshauterayes laissait parfois des lambeaux de phrase sans traduction par exemple dans le para- graphe 4 qui finit par ſj + 2 HH. TEXTE. 7'N " # # # V. O V, # s H) J # # C # # N o º Le manuscrit de la traduction se trouve à la Bibliothèque nationale, ms. français 14686 (supp. fr. 5555), in-4°; elle est précédée d'une préface de 3o pages écrite par le traducteur. La plus grande partie de cette préface et 7 pages consacrées à Yeou-ouang, le 12" em- pereur des Tcheou (règne 1 1 ans depuis 781 av. J.-C.), se trouvent également dans le Ms. Fr. 14685 (supp. Fr. 5554), in-4, qui contient quelques autres pièces venant de Deshauterayes, à savoir : - Une Chronique tartare de 79 pages com- mençant par : « 984 av. J.-C. La 17" année de Movang. Il fit une chasse vers la source du Hoangho, près du Lac nommé alors Yao tchi $k # )_i-t p Ei , : # 7L , # , V. # À V, H) J # #|j . #. et aujourdhuy par les Tartares de l'ouest Co- conor », et s'étendant jusqu'à 1697 de notre ère avec un supplément occupant les deux der- nières pages ; Une chronologie ; Des extraits des recueils des Lettres édifiantes. Une copie de cette traduction faite en juin 1831 sur le ms. original a été payée 33 fr. 5o à la vente des livres d'Abel Rémusat (n° 13o2); cette copie qui était marquée « fr. 36, n° 19o du Catalogue du libraire Dondey-Dupré, s. l. n. d. », se trouve aujourd'hui (août 1876) entre les mains de M. Trübner, libraire à Londres, et figure dans son catalogue (1876) au prix de 5.5 livres sterling. — Cf. Bibl. Sinica, col. 651 .