3>S NOTICE SUR LA CHINE Henki CORDIER Professeur à l'École des Langues orientales. cExtrait de la Grande Encyclopédie.) PARIS H. LAMIRAULT & C", ÉDITEURS 6l, RUE DE RENNES, 6l 189O TABLE DES MATIÈRES Pigei Chap. I. Géographie physique 5 § 1. Situation et superficie 5 § 2. Limites 6 | 3. Cotes et lies 8 § 4. Relief du sol 9 § 5. Géologie 10 § 6. Régime des eaux 11 § 7. Climat U ChAP. II. DÉMOGRAPhIE 17 Chap. III. Ethnographie 19 Chap. IV. Religions et mœurs 22 § 1. Religions nationales 22 § 2. Religions étrangères 28 Chap. V. Géographie politique 36 § 1. Gouvernement 38 § 2. Divisions politiques 40 § 3. Armée 44 § 4. Instruction 44 Chap. VI. Géographie économique 46 S 1. Industrie 46 § 2. V oies de communication 46 § 3. Commerce 49 § 4. Monnaies, poids, mesures 54 Chap. VII. Histoire 57 § 1. Histoire intérieure 57 § 2. Relations étrangères 6i Chap. VIII. Langue 90 Chap. IX. Littérature 96 Chap. X. Philosophie 102 Chap. XI. Beaux-arts 106 Biuliographie 112 NOTICE SUR LA CHINE CHAPITRE PREMIER Géographie physique. § 1. - SITUATION ET SUPERFICIE. Grand empire de l'Asie orientale et centrale. Les Chinois eux-mêmes désignent leur pays sous le nom de Tchoung- Kouo, empire du Milieu, nom qui est devenu général, après avoir appartenu en premier lieu au Ho-nan, fief de la dynastie des Tcheou; les indigènes répondent au nom de tchoung-Kouo jen, hommes de l'empire du Milieu; dans les instruments diplomatiques, la Chine est appelée du nom de Ta Ising Kouo, le grand empire Tsing (tsing veut dire pur) de même que sous la dynastie précédente, on disait Ta Ming Kouo la grande dynastie des Min» (ming veut dire brillant). Les Chinois emploient encore un grand nombre d'appellations pour leur pays, empruntées les unes à la géographie, comme Tien-Hia (sous le ciel), Seu-Haï (les quatre mers, l'empire chinois étant censé entouré d'eau de tous côtés); les autres sont poétiques, Tchoung Hoa Kouo, l'empire fleuri du Milieu; quelques-unes se rapportent aux dynasties célèbres du pays, Hoa-Hia, glo- rieux Hia (les Ma sont la première dynastie de la Chine); Han-jen ou Uan-Tseu, les hommes ou les fils de //an; Tang-Jen, les hommes de Tang, Tang-Chan, montagnes de Tang, mais on ne trouvera pas Ising-Jen ou Tsing-lseu, la dynastie actuelle qui règne en Chine étant mandchoue, partant étrangère. Le nom de Chine vient probablement de la dynastie des Tsin qui régnait au 1 LA CHINE 111e siècle avant notre ère et dont la renommée, s'étendant dans les pays voisins et particulièrement aux Indes, a passé de ces dernières en Perse, dans l'Asie antérieure, en Egypte et de là en Europe. Les Orientaux l'appelaient Ichin et Ma-ha tchin ou Ma-tchin, la grande Chine. Les anciens (Plolémée) désignent sous le nom de Situe un pays du S.-E. de l'Asie, au S. du pays des Seres, la Sèrique, Serica, qui se rapporte à la Chine; les voyageurs du moyen âge (Marco Polo, Odoric, etc.), divisaient la Chine en deux parties, la Chine du Nord ou Cathay et la Chine du Sud ou Mangi, Manzi. Les habitants du Cathay, dont le nom vient du mongol kitaï, terme que les Russes ont gardé pour désigner la Chine, traitaient de barbares, de Af«n-/seî(,'les peuples au S. du Kiang, d'où le terme manzi. Plus tard, lorsque le père de Andrade se rendit au Tibet, il appliqua par erreur à ce pays le nom de Catayo ou de Cathay qui s'est, par suite, conservé à tort dans la littérature européenne du xvne et du xvme siècles. § 2. - LIMITES. L'empire chinois (je ne parle ici que de ses dix-huit pro- vinces et de ses dépendances intimes, la Mandchourie, la Mongolie, les Tien-chan) est limité au N.-E., au N., et au N.-O. par les possessions russes. Cette frontière est marquée par une ligne, qui, aux termes mêmes du traité de 1881 avec la Russie, suit dans le territoire d'Ui « en partant des montagnes Bèdjin-taou, le cours de la rivière Khorgos, jusqu'à l'endroit oii celle-ci se jette dans la rivière Ili et, traversant cette dernière, se dirigera au S., vers les montagnes Ouzountaou, en laissant à l'O. le village de Koldjat. » Cette frontière prend au delà une direction géné- rale vers le N.-E. jusqu'au 54" degré de lat., pour redes- cendre ensuite au S. du Baïkal; puis une ligne artificielle vers HS. jusqu'à l'Argoun, qu'elle suit jusqu'à son con- fluent avec la Chilka à Oust Strelka; dès lors, elle suit le fleuve Amour jusqu'à son confluent avecl'Oiissouri. Depuis ce confluent jusqu'au lac Hinkai, la ligne frontière longe les ri- vières Oussouriet Son'gatcha. Aux termes du traité de 18B0 avec la Russie « la ligne frontière entre les deux empires, depuis le point de sortie de la rivière Son'gatcha, coupe le lac Hinkai, et se dirige sur la rivière Belén-ho (Tour); depuis l'embouchure de cette rivière, elle suit la crête des montagnes jusqu'à l'embouchure de la rivière Houpitou (Houptou), et de là les montagnes situées entre la rivière Khoùn-tchoun et la mer jusqu'à la rivière Thoumen kiang. Le long de cette ligne, également, les terres situées à l'E. appartiennent à l'empire de Russie et celles à l'O. à l'empire de Chine. La ligne frontière s'appuie à la rivière 1-2 I.A CHINE cipal affluent, le Wei; à partir de ce confluent, le Ho semble continuer le Wei vers l'E., formant une partie de la frontière entre le Chan-si et le Ho-nan. Au delà de Kaï- foung, il se dirige à travers le S. du Tche-li et le Chan- toung, dans une direction S.-E..N.-E., pour se jeter, depuis 1853, dans le golfe du Pe Tche-li; jadis, son cours au delà de Kaï-foung se continuait dans une direction E. et l'embouchure était au S. du promontoire de Chan-toung. Cet ancien lit du fleuve Jaune, ainsi que sa nouvelle embouchure, ont été explorés en 1867 par MM. Ney Elias et H.-G. Hollingwnrth. Les bords du Ho sont considérés comme le berceau de la race chinoise, et dans le dualisme des origines chinoises, le Ho est représenté par le Yin, principe femelle, qui correspond aux ténèbres et à la terre, comme le Kiang est représenté par le Yang, principe mâle, correspondant a la lumière et au ciel. L'autre grand fleuve de Chine est le Kiang, le fleuve, ou le Ta-Kiang (grand fleuve); c'est le cours d'eau désigné ordinaire- ment par les Européens sous le nom de fleuve Bleu et de Yang-tsc-kiang qu'ils traduisent par Fils de l'Océan. Or l'appellation de fleuve Bleu n'existe pas plus que celle de mer Bleue; d'autre part, Yang-Ue-kiang ne veut pas dire Fils de l'Océan; Yang est le nom d'une ancienne province qui comprenait le Kiang-sou, le Tche-kiang et le Ngan-houei; une légende voudrait qu'un certain lettré, Tse, nommé Yang, ayant découvert au milieu du grand fleuve une source d'eau particulièrement bonne pour faire le thé, la partie de la rivière qui s'étend de Kin-chan à Tchen-kiang, aurait été nommée d'après lui Yang-tse- kiang. Cette dernière appellation n'est d'ailleurs usitée que dans le style élevé et ne paraît être appliquée au fleuve que dans son cours inférieur. Marco Polo n a con- servé que le nom simple et populaire de Quian. Ce grand cours d'eau porte du reste des noms différents: Ta-kiang- keou (bouche du fleuve), en lace de l'Ile de Tsong-Ming; Yang-txe-kiang ou la-kiang, jusqu'aux environs do Tchen-kiang; Houei-kiang, le long de la prov. de Ngan- Tai-ping-lou, reçoit le nom de Ou—kiang, fleuve noir; Isang-kiting, le long de la prov. de Kiang-si; Ichou- kiang-lchou, nom de Ta prov. de Hou-kouang: Min-kiang dansleSe-Tchouan, et enfin Kin-cha-kiang (le fleuve qui charrie de l'or). Le Kiang est par excellence la grande voie de communication de la Chine; il naît non loin du fleuve Jaune, sur les plateaux du Tibet; il prend d'abord une direction générale N.-O.-S.-E. et lorme une partie de la frontière entre le Se-tchouan et le Tibet; puis, suivant une ligne générale O.-E., tout en se dirigeant d'une façon sensible vers le N.-E., il arrosi; successivement les prov. du Yun-nan, du Se-tchouan, ou il reçoit le Ya-loung- houei: la portion du llouei-ki: face de 16 LA distance de plus de 200 m. La latitude de l'observatoire est de 31M2'30" N.; sa longitude de 7 h. 56 m. 24 s. E. de Paris, l'altitude de la cuvette du baromêtreest de 7 m. environ. » Les premières observations météorologiques faites en 1873 ont été publiées parles PP. Colombel et Le Lec; depuis lors, l'observatoire a été dirigé avec une rare distinction par le P. Marc Dechevrens, et il publie régulièrement des bulletins; il est en rapport avec le bureau central de Washington et il reçoit des subventions des douanes impériales maritimes chinoises, et des conseils municipaux de Changhaï. « Tchang-kia-tchouang est un petit village chinois situé à 38° 17' de lat. N. sur le fi4°50' de long. E., dans la province de Pe Tche-li. Ce village, ou les missionnaires ont une résidence avec sémi- naire, collège, etc., se trouve à 160 kil. environ au S. de Peking, tout près de Shien-hien, sous-préfecture de quel- ques milliers d'habitants, et à 25 kil. environ de la pré- fecture de Ho-kien-fou. Ces deux villes sont traversées par la route impériale allant de Peking vers le S. » A ces deux observatoires il faut ajouter celui, moins important d'ailleurs, des Russes à Peking. CHAPITRE II Démographie. Il est extrêmement difficile de donner un chiffre exact de la population de la Chine qui a varié considérablement à toutes les époques. Sans remonter à des temps trop éloignes, nous notons d'après les documents chinois les 16,05-2,860 familles et 60,545.812 personnes ; en 1500, 9,113,446 familles, 53,281,158 personnes; en 1619, 10,621,426 familles, 60,693,856 personnes. La popu- lation augmente singulièrement sous la dynastie actuelle: les Mémoires concernant les Chinois donnent pour la première année du règne de Kien-loung (1736) 125 mil- lions 046,245 habitants; vers la fin du même règne, Lord Macartney (1792) portait le chiffre à 333,000,000. Les évaluations des auteurs modernes varient entre 300,000,000 et 400,000,000. Le chiffre de 380,000,000, donné par les rapports des douanes, paraît se rapprocher assez sensiblement de la vérité. Toutefois des rapports officiels (!) ont donné pur 1887, 302,088,114 hab., et pour 1888, 303,241,369 hab. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, la très grande déperdition de population, causée par des guerres intérieures, comme celle du Yun- nan et surtout par la grande révolte des Taï-ping, pendant laquelle des villes entières ont disparu. Il nous est plus facile d'avoir une idée vraie de la popu- 1 ation dans les ports ouverts au commerce étranger, grâce à la statistique des douanes de 1885; la population étrangère, au nombre de 6,698 personnes appartenant à 396 maisons, est ainsi répartie par nationalité : Grande-Bretagne, 233 mai- sons, 2,534 hab.; Etats-Unis d'Amérique, 27 maisons, 761 hab.; Allemagne, 57 maisons, 638 hab.; France, 2 CHAPITRE III Ethnographie. Il n'y a pas plus d'unité de races que d'unité de langue dans 1 empire chinois; généralement, le Chinois est de taille moyenne, plutôt petite, aux membres souvent grêles, aux extrémités fines; sa maigreur est extrême comme dans le cas des fumeurs d'opium et fait contraste avec l'obésité d'un certain nombre d'individus. La couleur do la peau varie depuis un jaune presque blanc jusqu'au brun-noirâtre; le nez, le plus souvent écrasé, est quel- quefois aquilin chez les mahométans et toujours chez les juifs chinois; les poils, noirs et grossiers, ne poussent que fort tard, la barbe est peu fréquente et les longues moustaches sont le privilège des gens âgés ou des hauts fonctionnaires, par conséquent murs; toute la force des cheveux se porte chez les hommes presque sur un seul point, pour former la longue natte caractéristique; ils ne laissent pousser toute leur chevelure qu'en cas de deuil; chez les femmes, la chevelure soigneusement peignée est également rude, mais la calvitie est fréquente dans l'un et l'autre sexe par suite de la fermentation qu'amène l'emploi des huiles et des graisses dans des coiffures qui ne sont pas faites tous les jours. L'écrasement du nez, l'élévation des os maxillaires, la saillie des pommettes, donnent à l'œil cette obliquité qui n'existe pas cependant dans un grand nombre de cas. Malgré une nourriture en général peu substantielle, les coolies et les bateliers chinois atteignent quelquefois un développement musculaire considérable, et ce sont d'excellents travailleurs pour les docks, où, à l'aide d'un grand bambou passé sur l'épaule, et aux extrémités duquel pendent deux cordes, ils portent des fardeaux considérables. Ce qui frappe surtout les étrangers chez les LA CHINE Chinois, c'est cette longue natte oui part de l'occiput et qu'ils laissent flotter librement le long du dos, et les longs ongles des doigts; l'image classique du Chinois, les deux bras relevés avec les index en l'air, des yeux obliques, une natte et un chapeau pointu, souvent couvert de grelots. La coutume de porter les cheveux longs est cependant d'origine récente; elle a été imposée aux Chinois par les conquérants tartares-mandchous lors de leurs pre- mières incursions au commencement du XVIIe siècle, liéau- roup de Chinois se réfugièrent au Japon plutôt que de se raser la tête, et lorsque les rebelles Taï-ping se révoltèrent contre la dynastie actuelle, renouant la tradition des Ming, ils laissèrent pousser tous leurs cheveux. Quand cet appendice caudal n'est pas suffisamment épais, les indi- gènes le complêtent avec de la soie noire en temps ordi- naire, blanche pour les deuils de famille et bleue pour le deuil impérial. Les ongles longs sont plutôt l'apanage des scribes et des lettrés, c'est le signe que l'on n'est pas employé à des travaux manuels; quelquefois ces ongles atteignent des dimensions extraordinaires et pour les pro- téger, on les revêt d'un étui en métal. Cette coutume est fort ancienne, elle est déjà signalée au commencement du xiv" siècle par le moine Odoric de Pordenone. L'usage qu'ont un grand nombre de femmes de déformer leurs pieds est purement chinois et d'une origine ancienne qui remonte, dit-on, a la dynastie des Tchin, vi" siècle de notre ère, époque à laquelle l'empereur Heou-tchou ordonna à l'impératrice Yao, sa femme, de lier ses pieds de façon à leur donner l'apparence d'une nouvelle lune; quoi qu'il en soit, de très bonne heure les doigts sont ramenés sous la plante du pied et le gros orteil qui les surmonte sert en quelque sorte de point d'attache; il en résulte un déve- loppement considérable du calcaneum, qui supporte entiè- rement les os de la jambe, et une déformation des os du tarse et du métatarse. Cette coutume, qui appartient aussi bien aux pauvres qu'aux riches, offre cependant de nom- breuses exceptions en Chine; outre les Mandchoues qui ne l'ont pas adoptée (les femmes de la famille impériale ont de grands pieds) un grand nombre de femmes, parti- culièrement dans le Midi, ont des pieds ordinaires. Comme nous l'avons dit plus haut, la population de la Chine est loin d'être homogène; peu à peu, les Chinois ont repoussé devant eux les premiers occupants du sol, qui, tout en se réfugiant dans les provinces frontières de l'Ouest et du Sud, ont laissé derrière eux de petites agglomérations. D'une façon générale, les Chinois désignent ces tribus sous le nom de man ou de t; ce nom de i était même appliqué autre- fois aux étrangers et par l'art. 51 du traité de Tien-tsin (-2(j juin 1858;, il a été stipulé que ce terme injurieux ne ETHNOGRAPHIE 21 serait plus emplové à l'égard de sujets britanniques. Le nom même de Man-tseu, dont on a fait au moyen âge man-zi pour désigner la Chine méridionale, est aujour- d'hui plus particulièrement réservé à certaines tribus du Se-tchouan, visitées en 1871 par l'abbé Armand David. On trouve plus spécialement dans le Kouang-si et le Kouei- tcheou les Miao-tseu, les Iao-jen, et les Chan-jen; les Miao-tseu, dont M. Bourne nous a rapporté un spécimen de l'écriture, s'étendent même jusqu'au Tche-Kiang. Ils ont donné assez d'inquiétudes à l'empereur Kien-Ioung pour donner lieu à une expédition en 1775. LesChan ou Pan-y paraissent être venus du Sud, des Indes peut-être, par la Birmanie, et ils occupent plutôt le massif montagneux qui sépare ce pays du Yun-nan, où ils se sont répandus. Le Yun-nan est plus particulièrement le pays d'origine des peuplades Lolos gut s'étendent jusqu'au Se-tchouan, avec les Si-fan. Ces Lolos, qui sont désignés par les Chinois sous le nom de man ou de t, suivant qu'ils sont indépen- dants ou soumis, ont une écriture hiéroglyphique qui existe encore, qui a été déchiffrée par MM. de la Couperie et Baber, et plus complêtement encore par le P. Paul Vial des missions étrangères (1890). Nous ne pouvons passer non plus sous silence les Hak-kas, répandus dans la pro- vince de Canton, qui ont leur religion, des chants popu- laires, un dialecte spécial. Depuis quelques années, de nombreux documents relatifs à ces tribus primitives arri- vent en Europe et, qu'ils soient lolo, mosso ou miao-tseu, leur déchiffrement jettera un jour absolument nouveau sur des questions ethnographiques à peine entrevues jus- qu'à ce jour. CHAPITRE IV Religions et mœurs. $ 1. - RELIGIONS NATIONALES. On désigne par le nom de San kiao les trois religions confucianisme; tao-kiao, religion des disciples de Lao-tse, taoisme ou taosséisme; Fo-kiao, religion de Fo ou Boud- dha, bouddhisme. Le jou-kiao est la religion enseignée par les maximes et les préceptes reDlermés dans les ouvrages de Confucius, de ses disciples et de ses commentateurs; c'est moins une religion qu'une morale, mais le coté religion se traduit d'une façon tangible par le culte rendu officielle- ment par l'empereur au Ciel et à la Terre. Nous aurons d'ailleurs occasion d'y revenir à l'art. Confucius. Le taoisme a été inventé par les disciples de Lao-tse. Lao-tse s'élève à des hauteurs inaccessibles à Confucius et son spiritualisme est incompréhensible pour ce dernier. Confucius est humain, vivant, pratique; Lao-tse se perd dans de profondes méditations sur les besoins de l'âme: il ramène la création à un premier principe existant par lui-même, se développant lui-même, source de toutes choses; il faut se débarrasser de tous soucis du monde, se renfermer en soi-même. Sa doctrine est renfermée dans le lao Te king, le livre de la Voie et de la Vertu, et le Kan ying pien, le livre des récompenses et des peines. Mais tique, sa philosophie pure, élevée, se perd, ses disciples, se livrant à l'alchimic et à l'astrologie, tombent dans la superstilion et l'idolâtrie, et inventent un panthéon. Le bouddhisme a éte déj:\ traité dans un article spécial, nous n'avons ici à en parler qu'au point de vue de son histoire en Chine. Dès le m" siècle avant notre ère, des pèlerins bouddhistes pénêtrent en Chine, mais ils n'y font RELIGIONS ET MOEURS 23 que peu de progrès et leurs partisans semblent préférer la masse des superstitions du taosséisme au système de morale créé par Contucius. Cependant, l'an 6i de notre ère, l'em- pereur Ming-ti reconnaît officiellement le bouddhisme comme Dharrna au soulier de bronze, (Musée Guimet.) troisième religion de l'empire et envoie aux Indes une am- bassade qui revient en 75 avec un prêtre bouddhiste, une statue de Bouddha et un livre sacré. A partir de cette époque des pèlerinages, des ambassades, des expéditions ont lieu en grand nombre pour obtemr les livres sacrés du bouddhisme, mais malgré ces efforts, ce n'est qu'en 1410 que les Chinois obtiennent enfin une collection complête des livres bouddhistes. Le bouddhisme s'éten- dit de la Chine en Corée (l372), puis au Japon, où il ne 26 LA CETST. varie suivant la classe; elle n'est pas chez l'empereur ce qu'elle est chez les princes, les grands, les lettrés ou le peuple. Car la piété filiale n'est plus ce sentiment simple d'amour de l'entant pour ses parents, c'est un sentiment complexe qui comprend tous les sentiments, une vertu mul- tiple qui renferme toutes les vertus, universelle « embras- sant tout depuis l'empereur jusqu'au dernier de ses sujets, ne commençant ni ne finissant à personne. » < 0 immensité de la piété filiale, s'écrie Tseng-tseu, que tu es admirable! Ce qu est la régularité des mouvements des astres pour le firmament, la fertilité des campagnes pour la terre, la piété filiale l'est constamment pour les peuples. » (lb., chap. vu.) Dans son intérêt même, l'empereur devra honorer ses parents pour que ses sujets imitent son exemple. Il devra être sans orgueil et dépenser avec éco- nomie. Les grands ne devront pas s'émanciper jusqu'à porter d'autres habits que ceux que permettent les ordon- nances des anciens empereurs, ni se hasarder à rien dire qui ne soit conforme aux lois qu'ils ont faites; quant à la multitude elle devra « mettre à profit toutes les saisons, tirer parti de toutes les terres, s'appliquer à ses devoirs et économiser avec sagesse pour nourrir le père et la mère. » Rien de plus précis que les devoirs de la piété filiale; et ce n'est pas seulement dans le Hiao-king qu'on les trouve énumérés. Le Li-ki, a côté d'une pensée délicate: « Un fils rempli de piété filiale entend ses père et mère sans qu'ils lui parlent, et il les voit sans être en leur pré- sence », nous donne les renseignements les plus circons- tanciés sur le deuil par exemple : « La rigueur du deuil ne doit pas aller jusqu'à trop s amaigrir ou jusqu'à affaiblir ni la vue, ni l'ouïe... Si on a une blessure à la tête, on peut la laver ; si on est échauffé, on peut prendre le bain; si on est malade, on peut manger de la viande et boire du vin ; mais on reprend les observances du deuil dès qu'on est remis; les négliger, ce serait outrager la nature et abjurer la piété filiale. » Le dernier chapitre même du Hiao-king donne les renseignements les plus méticuleux sur la manière d'ensevelir les parents; la conclusion de ce livre de préceptes, de ce guide de la vie quoti- dienne, est élevée et se rapproche de nos idées sur la piété filiale: « Honorer et aimer ses parents pendant leur vie, les pleurer et les regretter après leur mort, est le grand accomplissement des lois fondamentales de la société humaine. Qui a rempli envers eux toute justice pendant leur vie et après leur mort, a fourni en entier la grande carrière de la piété filiale. » La piété filiale, telle que nous la dépeint le Hiao-king, n'est plus le sentiment naturel qui se retrouve chez tous les peuples, le peuple chinois compris ; c'est une doctrine officielle. La piété filiale comme nous l'entendons est affaire individuelle; elle 30' LA CHINE ressaut de noter le peu d'attention que les juifs d'Europe, malgré les renseignements fournis par catholiques et pro- testants, ont accordée à leurs coreligionnaires de Chine; cependant, en 1760, dans une lettre écrite en hébreu et en anglais, que j'ai .publiée ailleurs, les marchands juifs de Londres essayèrent de se mettre en rapport avec les israélites du Ho-nan. Le seul juif qui se soit rendu à Kaï- joung-fou est un négociant de Vienne, J.-L. Liebermann, qui y est allé en 18b7, mais qui nia pas rapporté grand- chose d'intéressant. L'éyeque protestant Scherechewsky, juif converti, qui a voulu les visiter depuis, n'a pas obtenu des Chinois 1 autorisation de résider parmi ses anciens frères. Après cet historique des efforts tentés pour con- naître quelque chose des juifs en Chine, en voici le résul- tat : les juifs arrivèrent en Chine par la Perse, après la prise de Jérusalem par Titus, au premier siècle de notre ère, sous la dynastie des Han et sous l'empereur Ming-ti. On les a confondus, quelquefois, avec ceux qui pratiquaient les religions de l'Inde (Tien-tchou-Kiao), mais surtout et depuis des siècles d'une façon presque absolue, avec les mahométans (Houei-houei ou llouei-tseu) ; entre eux, ils s'appellent Tiao-Kin-Kiao (la religion qui extirpe les nerfs). Comme nous l'avons vu, ces juifs possédaient des livres; mais ils ne savaient pas plus l'hébreu que les musulmans chinois l'arabe du Coran, dont ils récitent les versets sans en comprendre le sens, comme d'ailleurs, beaucoup de gens chez nous, disent leurs prières en latin, dont ils n'entendent pas un mot. Lorsque les rebelles Tai- ping, venus du Kiang, remontèrent vers le Nord en 1857, la colonie juive de Kai-foung-fou fut, avec le reste de la population, dispersée, et ses membres se réfugièrent dans plusieurs villes jusque sur le littoral; ils avaient, comme les deux qui étaient venus à Changhaï en 1851, les traits caractéristiques de leur race, quoiqu'ils fussent vêtus comme les autres Chinois et portassent la natte. La plu- part sont retournés à Kaï-foung-fou, et le Dr W.-A.-P. Martin, qui les a visités en 18Gb, dit qu'ils n'étaient plus que trois ou quatre cents, tous pauvres. Quelques-uns îrentre eux étaient venus à Peking vers 1870, pour chercher des secours d'argent; mais n'obtenant pas grande aide, ils durent repartir. D'ailleurs ils finiront, comme toutes les autres races, par être absorbés par les Chinois; deux d'entre eux sont des mandarins, partant confucianistes, au moins pour la forme; un autre est prêtre bouddhiste. 4° Mahomêtisme. L'islamisme est connu en Chine sous le nom de Houei houei-kiao. Les musulmans sont venus de bonne heure en Chine, grâce aux marchands arabes et persans qui fréquentaient les ports ; les Arabes connais- saient la Chine sous le nom de Tchin, Mahar-tchin; RELIGIONS ET MOEURS 31 ils connaissaient Canton sous le nom de Sin Kilàn, Zaïtoun, Hang-Tcheou, la Quinsay de Marco Polo; ils désignaient l'empereur de la Chine sous le nom de Fagh- foûr, altération du mot persan Baghpoûr « Fils de Dieu » qui est l'équivalent du « Fils du ciel » des Chinois ; leurs voyageurs ou leurs géographes, Maçoudi, Aboulfeda, Ibn Batoutah, etc., décrivent les villes qu'ils ont parcourues; une rue de Ning-po porte encore le nom de rue des Per- sans; les mosquées étaient nombreuses et importantes. L'introduction de l'islamisme fut plus lente; répandu dans le Turkestan dès l'époque des Soui et des Tang, il a fini insensiblement, après la mort deDjenghis-Khan, par s'em- parer de tout le domaine de Djngatai, prenant la place du bouddhisme ; au milieu du xvii* siècle, c.-à-d. vers la fin de la dynastie chinoise des Ming, un certain Mohammed (Ma mo tô) descendant du Prophête à la vingt-sixième génération, devintl le premier roi de Kachgar; deux de ses descendants, Boromdôu et K'odzidchan, eurent à lutter en 1755 contre l'empereur Kien-loung (guerre des deux Kodjas). Le petit-fils de Boronidôu,tljihanguir, renouvela la lutte (18-20-18-28); le fils de ce dermer, Bourzouk, entreprit, avec l'aide de Yakoub, de nouveaux efforts en 1862. En dehors des musulmans nombreux répandus dans toute la Chine, leurs deux principaux centres sont les Tien-chan et le Yun-nan et ils ont été le lieu de rébellions, dont l'une a mis la Chine à deux doigts de sa perte. 5° Rébellion du Yun-nan. La rébellion commença au Yun-nan par une querelle entre mineurs, les uns musul- mans, les autres Chinois. Vers 1855, des gisements de galène argentifère situés à cinq jours de marche de Ta-li- tou, étaient en pleine voie d'exploitation; ils étaient fort riches ; musulmans et Chinois les exploitaient en commun. Cependant le Chinois, âpre au gain, chercha de bonne heure à écarter son compatriote musulman; celui-ci, d'abord peu heureux dans ses efforts, les avait vus deve- nir prospères, tandis que le contraire avait lieu pour sou concurrent qui, lui ayant demandé du travail, éprouva un refus. Des rixes eurent lieu, quelques hommes furent tués, les Chinois furent repoussés, un mandarin incapable ne réussit pas à calmer l'effervescence, eut peur, quitta son poste, et retourna à Yun-nan-fou, capitale de la province, où il rédigea un i-apport foudroyant contre les mahomé- tans. Les musulmans, craignant une nouvelle attaque, se fortifièrent; les Chinois revinrent en effet en nombre, battirent leurs adversaires, les poursuivirent jusque dans les villages voisins où ils massacrèrent tous ceux qu'ils purent saisir. Cependant les mandarins apaisèrent les combattants, les travaux furent repris, les troubles ces- sèrent, mais pour recommencer bientôt. Un certain Houang- chung, vice-président du ministère de la guerre et ennemi 32 LA CHINE mortel des musulmans, organisa un massacre général qui eut lieu le 19 mai 1856. Mais cette Saint-Barthélemy n'eut qu'un médiocre succès. Les musulmans prévenus se défendirent; leur grand-prêtre, Ma Teh-sing, vieillard de soixante-cinq ans, orgamsa la défense et aidé d'un jeune bachelier, Tou Wen-sieou, très considéré de ses coreli- gionnaires, qui se mit à la tête du mouvement, s'empara de Ta-li-fou, désormais la capitale et la forteresse des mahométans dans le Yun-nan. Né en 1793 de commer- çants établis non loin de Ta-li, le grand-prêtre musulman Ma Teh-sing lut mis à l'école dès son enfance; après avoir obtenu une teinture suffisante de la littérature chi- noise, il alla dans une mosquée suivre un cours de langue arabe. Plus tard (1839), il se joignit aux caravanes de marchands qui font le négoce entre le Yun-nan et la Bir- manie, descendit jusqu'à Rangoun, oti il s'embarqua à bord d'un voilier chargé de pèlerins qui se rendirent avec lui à la Mecque pour y célébrer les fêtes du Ramadan. Après avoir tait quelque séjour dans la ville sainte où il continua l'étude de la langue arabe, il parcourut toute l'Egypte et alla jusqu'à Constantinople ; il s'arrêta deux ans dans cette ville. Sa double qualité de Chinois et de prêtre musulman l'y avait fait bien accueillir; mais ses ressources touchant à leur fin, il lui fallut retourner dans son pays. D'Alexandrie, ou il s'arrêta peu de temps, il partit directement pour Singapour. Il demeura un an dans cette colonie, afin, dit M. Rocher, de s'assurer que les jours y sont égaux toute l'année, ainsi qu'un astronome de Constantinople le lui avait affirmé. Son retour eut lieu en 1846 par la rivière do Canton. L'intéressant vovage de sept années qu'il venait d'accomplir, les objets qu'il avait rapportés de l'étranger, les connaissances qu'il avait acquises, le renom de sainteté qui s'attache aux pèlerins de la Mecque, ne firent qu'accroître le prestige dont il jouissait avant son départ. Un certain Ma Hsien, dont le frère avait été tué dans une des premières échauf- fourèes de mineurs, fut le chef militaire qui seconda Ma Teh-sing, son maître, dans cette guerre. Ma Hsien qui, par ses connaissances, ses talents, son énergie poussée jusqu'à la témérité, avait mérité l'estime de ses coreligion- naires, fut, par la force même des choses, appelé au com- mandement des troupes que la révolution naissante se pro- posait de lancer contre ses persécuteurs. Les vingt mille nommes qui suivirent sa fortune se mirent bientôt en marche, et, sans entrer dans le détail de leur campagne, non plus que dans celui des opérations des troupes réu- nies sous les ordres de Tou Wen-sieou, on peut dire qu'en 1860, les musulmans étaient vainqueurs sur tous les points. Ma Teh-sing et Ma-Hsien, qui auraient pu dicter aux troupes impériales les plus dures conditions, consen- RELIGIONS ET MÛKURS d'opérer contre Kacbgar. Yakoub mourut épuisé par la maladie au moment où les Chinois, qui venaient de con- quérir la ville de Manas, dont la prise fut signalée par un massacre horrible, se dirigeaient vers lui. Avec Yakoub finit son œuvre : ses successeurs étaient incapables de lutter contre les Chinois, qui s'emparaient le 19 oct. 1877 d'Aksou, capitale de l'émir. Yarkand, le 21 déc., Kacbgar, le 26 déc. 1877, et Khotan le 4 janv. 1878, tombaient entre leurs mains. La Kach^arie était recon- quise. On verra ailleurs comment les difficultés qui sur- girent entre la Russie et la Chine à la suite de cette recon- quête furent aplanies par le traité signé à Saint-Péters- bourg le 12 fév. 1881. Suivant M. Dabry de Thiersant, on compte en Chine de 20 à 21,000,000 de musulmans, sur lesquels il faut compter 8,350,000 dans le Kan-sou, 6,500,000 dans le Chen-si, 3,500,000 à 4,000,000 dans le Yun-nan. 42 LA CHINE JVan (sud) -Iche-li que portait le Kiang-nan lorsque la capitale de l'empire était Nan-king (Kiang-ning). Comme on le voit, les capitales ont souvent changé en Chine; en voici la liste avec les noms modernes et la province entre parenthèses : sous les Tsin (349 av. J.-C.), Hien-Yang (Si-ngan, Chen-si); sous les Han (200 av. J.-C), Tchang- ngan (Si-ngan) ; sous les Han orientaux (25 ap. J.-C), Lo-Yang (Ho-nan, Ho-nan) ; à l'époque des Trois Royaumes (221 ap. J.-C), Tching-lou (Tching-tou, Se-tchouan); sous les Wou (vers 221), Wou-trhang (Wou-tchang, Hou-pé) ; sous les Wou (vers 229), Kien-yeh (Nan-king, Kiang-sou) ; sons les Wei (vers 225), Pou-tcheou (Tchang- té, Ho-nan); sous les Tsin occidentaux (280), Lo-yang; sous les Tsin orientaux (317), Kien-yeh; sous les Soui (582), Si-ngan et (529), Tchang-ngan; sous les Tang (018), Tchang-ngan et Lo-yang; sous les Soung (960), Pien-liang (Kai-foung, Ho-nan); et (1129) Lin-ngan (Hang-tcheou, Tche-kiang) ; sous les Youen (1262), Yen- king, Khàn bàliq, ville du Khan (Peking, Tche-li); sous les Ming (1368) Kiang-ning (Nan-king, Kiang-sou) et enfin 14M, Peking. Gouvernement provincial. Le gouvernement des dix- huit provinces est confie à des tsong-tou (vice-roi, gou- verneur général) et à des fou-tuï (gouverneur). Les Tsong-tou sont désignés par le nom des provinces qu'ils administrent et ils sont au nomhre de huit: 1° Le Tsong-tou, pour la province de Tche-li; 2° le Liang (deux) Kiang lsong-tou pour les prov. de Kiang- srtu, Ngan-houei, Kiang-si; 3° le Min Tche Tsong-tou |)our les prov. de Fou-kien et Tche-kiang ; 4° le Liang Hou Tsong-tou pour les prov. de Hou-pé et Hou-nan; 5° le Liang Kouang Tsong-tou pour les prov. deKouang-toung et Kouang-si; 6° le Yun Kouei Isong-tou pour les prov. de Yun-nan et Kouei-tcheou; 7° le Chen Kan Isong-tou pour les prov. de Chen-si et Kan-sou; 8° le lsong-tou pour la prov. de Se-tchouan. Sauf le Tche-li, le Kan-sou, et le Se-lchouan, les pro- vinces de la Chine proprement dite ont un fou-tai (gou- verneur) ; ces fonctionnaires sont donc au nombre de 15. Les fou-taï, à l'exception de ceux du Chan-toung, du Chan-si et du Ho-nan, qui sont à peu près indépendants, sont sous les ordres des Isong-tou. Ces derniers portent de droit le tilre de président du bureau de la guerre, et les fou-taï, celui de vice—président. A ces deux hauts fonctionnaires, pour compléter le gouvernement provincial (Tou fou Se Tao), il faut ajouter les quatre mandarins {Se Tao) suivants qui forment un conseil d'administration provinciale; 1° le receveur général des finances (Ptm- Tching Che-se, Fan-taï); le Kiang-sou en ayant deux, il y a 19 fan-taï); 2° le juge provincial (Xgan-tcha Che- GÉOGRAPHIE POLITIQUE 43 se, Nié-taï, il y a 18 nié-taï); 3° le contrôleur de la gabelle (Yen-Yùn Che-se, lou-tchouan), et 4° le con- trôleur cles grains, ou du moins de l'impôt sur les grains {Liang-tao). Au-dessous des fou-tai, viennent les tao-taï {Fèn Sun Tao), intendants de circuit, au nombre de 92 : Tche-li, 7; Chan-toung, 6; Chan-si, 4; Ho-nan, 5; Kiang-sou et Ngan-houei, 9; Kiang-si, 4; Tche-kiang, 6; Fou-kien, 6; Hou-pé, 5; Hou-nan, 5; Kouang-toung, 6; Kouang-si, 3; Yun-nan, 5; Kouei-tcheou, 3; Chen-si, 5; Kan-sou, 8; Se-tchouan, 5. Les provinces (seng) étant divisées en fou, ting, tcheou et hien, chacune de ces divisions territoriales est administrée par un tche-fou, un toung- tche(ido) un tche-tcheou (142) ou un tche-hien (1288) (du mot tche, savoir ; celui oui connaît) ; le tche-fou (au nombre de 182, il y en a 14 dans le Yun-nan, 7 dans le Chen-si) reçoit les rapports des autres officiers pour les faire parvenir au gouvernement provincial ou plutôt au tao-taï. Cependant les administrateurs de quelques ting et tcheou sont indépendants, c.-à-d. qu'ils ne dépendent pas d'un tche-fou, mais qu'ils relèvent directement d'un tao-taï ou du gouvernement provincial; on fait précéder leur titre des mots Tche-li qui marquent leur indépen- dance et ils sont par suite appelés Tche-li loung-tche (ils sont au nombre de 16: Tche-kiang, 2; Hou-nan, 3; Kouang-tounp, 3; Yun-nan, 4; Kouei-tcheou, 3; Se- tchouan, 1), et lche-li Tche-tcheou (68). Puis viennent, au-dessous du loung-tche: le Toung-pen (i5l); du Tche-trtu'ou: le Tcheou-toung (38) et le Tcheou-pen (46); du lche-hien: le Hien-tchun, etc. De même qu'il y a des Iche-li loung-tche et des Iche-li lche-tcheou, il y ades lche-li Ioung-pen (aujourd'hui il n'y en aqu'un, en a pas dans le Chan-si, le Kiang-sou, le Kiang-si, le Tche-kiang, le Yun-nan et le Kouei-tcheou) et des Tche-li Tcheou-pen (37), officiers indépendants des Toung-tche et des Iche-tcheou. Ces fonctionnaires, jusqu'au tao-taï inclusivement, ont droit à l'appellation de la-jen; de tche- fou jusqu'au tche-hien on les adresse Ta-Lao-yé. Les gouverneurs de province jouissent d'une grande autorité; ils sont responsables de tout ce qui se passe dans leur juri- diction qui s'étend pour les provinces maritimes aux Iles environnantes (Haï-nan, au Kouang-toung; Tai-ouan, au Fou-kien; les Tcheou-chan au Tche-kiang, etc.) et à la défense du littoral, et pour les provinces frontières aux l'intermédiaire du Liang Kouang Isong-tou a Canton, celles de l'Asie centrale par le Chen Kan lsong-tou a Lan-tcheou). LA CHINE § 3. - ARMÉE. L'armée de la Chine mandchoue, qui comprend des Mandchous, des Chinois deseendants de ceux qui ont aidé les conquérants actuels et des Mongols, est désignée sous le nom des huit bannières, Pa-ki, dont trois supérieures et cinq inférieures, qui se distinguent par leurs couleurs: jaune avec bordure, jaune, blanc, blanc avec bordure, rouge, rouge avec bordure, bleue, bleue avec bordure. Chacune de ces bannières est représentée par les trois nationalités Kou-chan désignées ci-dessus, ce qui fait en réalité vingt-quatre bannières ou huit Aï divisées en trois KcW-chan. Chaque Kcm-chan a à sa tête un lieu- tenant général, tou-tong. On peut considérer les huit bannières comme l'armée de la capitale; l'armée pro- vinciale chinoise est désignée sous le nom de l'étendard vert Lou-yiny; il se divise en forces de terre : Lou-lou, et forces de mer: Choui-che; les généraux en chef de provinces portent le titre de ti-tou, de ti—taï, puis viennent le général de brigade tsong-ping, le colonel fou-tsiang, le lieutenant-colonel tsan-tsiang, les comman- dants yo-ku les capitaines en premier tousse, en second cheou-pei, les lieutenants tsien-tsoung, les sergents pa- tsowiy, etc. L'armée régulière est d'ailleurs mal organisée, mal armée, et n'atteint pas pour un empire aussi consi- dérable le chiffre de 500,000 soldats. En cas de besoin, on fait des engagements temporaires irréguliers, Yong, que les Européens appellent généralement les braves. Grâce aux arsenaux de Fou-tcheou et de Kao-tchang- miao et de la flotte du Nord, la défense des côtes, quoique impossible contre une force européenne, est un peu mieux assurée, particulièrement par la série alphabétique des canonnières construites en Angleterre; malheureusement pour eux, les Chinois n'ont pas l'esprit de suite et ne savent pas retenir leurs serviteurs ; leur principal instructeur, le ca- pitaine de vaisseau anglais, Lan}!, qui faisait fonction d'ami- ral, qui aurait pu être pour la Chine ccqucHobart-pachaa été pour la Turquie, vient de donner sa démission à Li Hong- tchang, à cause de la difficulté insurmontable qu'il rencon- trait à l'endroit de la discipline dans son escadre (1890). § 4. - INSTRUCTION. Les fonctions publiques étant mises au concours, il en résulte que l'instruction est tenue en Chine en grand honneur; un livre Siao hio, Ecole des enfants, composé de petits paragraphes tirés des anciens classiques, sert à l'éducation; il y a un Niu-hio, traité de l'éducation des femmes. Généralement, on met entre les mains des en- fants le San tseu-King, livre de trois caractères, corn- GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 10 § 3. - COMMERCE. La valeur des importations des marchandises étrangères en Chine, en 1888, formait un total de Haikouan taëls de 124,782,893 (en comptant le Hk. tl à 5 fr. 93 c.), qu'on peut répartir ainsi: l'opium, Hk. tls: 32,330,506; mar- chandises de coton, 44,437,525; marchandises de laine, 5,097,605; autres marchandises en pièces, 121,866; les métaux, en particulier le fer, l'étain et le plomb, 6,887,123; divers, 35,908,268 (parmi lesquels je note le charbon, 1,657,164; le pétrole, 2,219,332; le riz, 9,633,829; le poisson, 2,637,132). La valeur des expor- tations indigènes & l'étranger en 1888 s'élevait à Hk. tls: 92,401,067. Parmi les principaux produits, les soies brutes en cocons, pungee, etc. Hk. tls : 32,180,298; les thés noirs, 23,739,972; les thés verts, 4,087,222; le thé en poudre, 12,640; le thé en briques, 2,453,417; le coton brut, 2,228,284; la porcelaine, 761,128; effets d'habillement, 2,106,970; feux d'artifice, 1,213,057; le papier, 1,650,298 ; la paille tressée, 1,989,842 ; le sucre, 2,489,989; le tabac, 737,860 ; la laine, 653,995; on remarquera que les thés de diverses sortes, représentés par Hk. Us 30,293,251, et la soie par 32,180,298, don- nent comme valeur les deux tiers de l'exportation totale. REVENU ANNUEL DE CHAQUE PORT POUR 1888 hk. Tb m. c. c. 374.817 9.8.8 591.494 9.6.6 317.436 2.6.4 189.937 5.7.9 2.103.434 9.5.4 1.088.917 0.2.2 521.218 9.1.7 656.531 9.7.1 6.169.783 8.2.9 1.182.230 8.2.2 37.185 0.0.5 2.262.486 2.1.1 598.383 6.8.6 404.205 9.5.4 1.210.222 6.9.4 1.427.822 0.5.2 2.508.291 8.3.3 635.926 1.3.3 408.942 2.5.8 189.337 9.2.7 289.794 2.4.1 4 Niou-tchouang Tien-tsin Tche-fou I-tchang Han-keou Kiou-kiang Wou-hou Tchen-kiang Chang-hai Ning-po Wen-tcheou Fou-tcheou Tam-soui Ta-kao Amoy Chanteou (Swatow). Canton Kao-loun (Kowlon). Lappa Kioung-tcheou Pakhoi. Tchen-kianc. Wou-hou (1). Kiou-kiang. Han-keou. I-tchang. Tai-ouan. Ta-kao. Tam-soui. Ki-loung. 61 Kioung-tcheou. Long-tcheou. Mon-tseu. II. — Sur le Yang-n18e Kiaxo Chinkiang. Wuhu. Kiukiang. Wankow. Ichang. Taiwan. Iir li ella Takow. Kiungchow. Lungchow. Mèngtsti. Kiang-sou. Ngan-houei. Kiang-si. Hou-pé. Traité anglais, 1818. Convention de Tche-fou, 1871. Règlements provisoires de 1811. Convention de Tche-fou, 1871. III. — Dans l'Ile Formose Formose. Fou-kien. Traites français, anglais et amé- ricain de Tien-tsin, 1818. Règlements provisoires des douanes, 1811. Traité français de Tien-tsin, 1818. Règlements provisoires des douanes, 1811. IV. — Dans l'Ile Hai-nan Kouang-toung. Traité anglais et français de Tien-tsin, 1818. V. — Chine méridionale (1) Kouang-si. Yun-nan. A la suite du traité avec la France après la guerre du Tonkin. Avril 1811. Avril 1877. Janvier 1861. Avril 1877. Septembre 1811. Mars 1811. Septembre 1811. Avril 1871. 1888. . La prononciation est canlonnaise; en mandarin lire Pe-hal. 1) Nanking, qui devait être ouvert au commerce étranger en vertu du traité de Tien-tsin de 1818, ne l'a pas été d'une manière effective. 80 LA CHINE à 376 de l.-C. Cette pièce très rare porte, en caractères archaïques dits tchouan, la légende Ta-youan-ho-tsiouen; le second nien-hao connu est celui de lan 454. Jusqu'au x" siècle, les monnaies ne sont pas toujours régulièrement datées, mais depuis Taï-tsou, le fondateur de la dvnastie des Soung, toutes les monnaies portent, avec la formule Toung-pao « monnaie courante », le nien-hao de l'empe- reur régnant et elles peuvent ainsi être classées chrono- Les anciennes légendes monétaires sont écrites en caractères tchouan; sous la dynastie des Youan, elles sont en caractères syllabiques de l'écriture mongole dite Pa- sse-pa. Depuis l'avènement de la dynastie actuellement régnante en Chine, qui est la famille mandchoue des Ta- tsing, les monnaies ont des légendes en chinois et en mandchou : la légende chinoise se compose à l'avers des quatre signes toung-pao avec le nien-hao, et, au revers, du nom de l'atelier monétaire en chinois avec la transcrip- tion en caractères mandchous. Une monnaie de l'empereur Kang-Hi (\iM)i-\li'i) porte par exemple sur l'A/. Kang- hitoung-pao et sur le R/. en chinois et en mandchou Timng, nom de l'atelier monétaire de Canton. Quelques monnaies du siècle dernier sont trilingues: chinois mand- chou et turc (émises à Kachgar ou à Varkand); d'autres ont des légendes en chinois et en tibétain. 11 existe encore un grand nombre de monnaies frappées à différentes époques par des rebelles, des médailles historiques ou reli- gieuses qui ont des légendes intéressantes et curieuses. Nous dirons quelques mots du papier-monnaie : la pre- mière tentative remonte à Hien-tsoung, vu" siècle, mais ce fut seulement sous la dynastie des Soung au x° siècle que ce système monétaire reçut son complet développement. Un donna successivement au billet de banque les noms de : fei-Uien (monnaie volante), pien-tsien (monnaie de commodité), tsien-yin (m. de crédit), tsing-ti (contre- partie de valeur), etc. L'expression moderne est kiao-tse (billet de change). E. Diouui. 60 LA CHINE capitale : Tchang-ngan). VI. Heou Han (-25-221, Han postérieurs ou Han orientaux, capitale Lo-yang) ; la Chine se trouve divisée en trois royaumes, San Kouo tchi ; l'Ies petits Han (221-264, 2 empereurs, capitale Tching-tou dans le Se-tchouan); 2° les Wei (220-264), capitale Lo-yang; 3° les Wou (222-277, capitale Kien-kang ou le Nan-king actuel). VII. Les Tsin occidentaux (265-317) et Tsin orientaux (317-419, 15 empereurs), capitale Lo-yang puis (317) Kien-kang (Nan-king). VIII. Soung (420-478, 8 empereurs), capitale Hang-tcheou dans le Tche- Kiang). IX. Tsi (479-502, ^empereurs, capitale Nan-King). X. Liang (502-556, 4 empereurs). XI. Tchin (557-589, 5 empereurs). XII. Soui (589-618, 4 empereurs, capitale Tchang-ngan). XUI. Tang (618-907, 20 empereurs, capi- tale Lo-yang). Période anarchique des cinq dynasties ou dix états 907-960 : 1° XIV. Ileou Liang ou Han posté- rieurs (907-923, 2 empereurs); 2° XV. Heou Tang (923- 936, 4 empereurs); 3° XVI. Hcou-Tsin (936-946, 2 em- pereurs); 4° XVII. Heou Han (947-951, 2 empereurs) et 5° XVIII. Heou Tcheou (951-960, 3 empereurs). XIX. Soung (960-1279, 18 empereurs, capitale Pien-liang ou Kaï-fong-fou, puis Hang-tcheou). XX. Youen (1280-1368, 9 empereurs, capitale Peking). XXI. Ming (1368-1644, 16 empereurs, capitale Nanking, puis Peking). XXII. Tsing (1644 ? dynastie régnante, 9 empereurs jusqu'à ce jour); cette dernière dvnastie comprend les empereurs Chuen Tchi (1644-1662); KangHi (1662-1722); Young-Tching (1723-1736); Kien Loung (1736-1796); Kia King (1796- 1820); Tao Kouang (1820-1851); Hicn Foung (1851- 1862;; Toung Tche (1862-1875); et Kouang Siu (1875). Yu le Grand, le fondateur de la dynastie des Hia, par- tagea son empire en neuf provinces ou tchc ou, s'occupa de l'agriculture, exécuta de grands travaux, donna des ins- tructions aux princes dans le Chou-King et laissa la répu- tation d'un des meilleurs souverains de la Chine. D'ailleurs la Chine était loin d'avoir la cohésion qui la caractérise aujourd'hui; les différents Ktats qui la composaient étaient en lutte les uns contre les autres et en réalité, ce sont plu- tôt des chefs d'Etats particuhers, ou de grands seigneurs qui portent le titre d'empereurs, suivant les hasards de la fortune ou de la guerre, que de véritables souverains avec une autorité bien établie. Les débauches et les cruautés du AT empereur Hia, Kie Kouei, le réduisirent à la fuite et il fut remplacé par Tching-tang (1766), le chef de l'Etat de Chang qui donna son nom à la seconde dynastie. A son tour, la principauté de Tcheou fournit une" 3° dynastie à l'Empire dont le premier prince est Wou-wang (1122), fils de Wen-wang, la véritable tête de cette lignée. Les neuf provinces des Hia, des Chang et des Tcheou avaient été reduites à sept en 405 et 413 avant l'ère chrétienne, 62 LA CHINE au N. les Tartares Kin, au S. les Soung méridionaux à Hang-tcheou, dansleTche-kiang; enfin l'invasion mongole renverse ces dynasties; les Kin, qui occupaient la Mand- chourie, y compris la province actuelle de Kirin, retour- nent vers le Zoungari et les Soung sont également déiws- sédés. L'Asie orientale était échue à l'un des petits-fils de Gengis Khan, Koubilai, qui monta sur le trône en 1280, quoique son avènement soit marqué en 1260. La dynastie de Koubilaï porte le nom chinois de Youen et lui-même porte les deux noms de règne de Tchoung-tung (1260) et de Tche Youen (1264) et le nom de temple de Chi-tsou. Les historiens chinois comprennent comme ancêtres de cette dynastie mongole Gengis-Khan (1206),Ogotai(1229), Gayouk (1246) et Mangou (1251), avec les noms chinois de temple (ils n'ont pas 'de nom de règne, nien-hao), Tai- tsou, Tai-tsoung, Ting-tsoung, Hien-tsoung. Ces Mongols, grâce à leur vaste empire asiatique,, à leur grande tolé- rance, à leur esprit d'entreprise, attirent de nombreux étrangers dans l'Asie orientale et c'est sous cette dynastie que nous trouvons ces grands voyageurs comme Marco Polo, dont nous parlons ailleurs. La faiblesse des derniers Khans permit à une dynastie purement chinoise de les chasser jusqu'en Tartarie et leur chef, montant sur le trône sous le nom de Houng-wou (1368), donna à sa dynastie le nom de Ming. La capitale des Ming est transférée de Nanking à Peking par Yong-lo, le second successeur de Houng-wou. C'est l'époque de Tamerlan (mort en 1405) et de l'arrivée des Portugais en Chine (1514). Cependant, les Tartares Kin ou Niou-tchi, ancêtres des Mandchous, qui avaient été chassés par Gengis-khan en 1235, menacent à nouveau les frontières Nord ; la faiblesse des derniers Ming encourage les rébel- lions. Devant l'attaque de Peking par Li Tseu-king, le 16" et dernier empereur Ming, Hoai-tsoung se pend en 1643; un autre général chinois, Wou San-kouei, refuse de recon- naître l'usurpateur Li, et appelle à son secours les Tar- tares mandchous, qui s'emparent de Peking et établissent à leur tour une nouvelle dynastie (1644) sous le nom de Tsing. Le premier prince effectif de cette dynastie est Chuen Tchi (1644-1662), qui continue l'œuvre de conquête. Son second fils, Kang-IIi (1662-1722), termine la lutte contre Wou San-kouei, la pacification de Formose, la guerre contre les Tartares Eleuths qui menacent le Fleuve Jaune, signe le premier traité russe, celui de Nertchinsk (1689), reçoit à sa cour les missionnaires de Louis XIV, est mêlé à la question des Rites, meurt, laissant la réputation d'un grand prince et d'un lettré, le 20 déc. 1722, à soixante- neuf ans. Il est remplacé par son quatrième fils Y'oung- tdiing (1723-1736). Celui-ci, très intelligent, a donné le commentaire du Saint Edit, écrit par son père, et s'est 64 LA CHINE (23 déc. 185-2) et de Wou-tchang (12 janv. 1853); ils descendirent le Kiang, prirent Kiou-kiang (18 févr. 1853) et Ngan-kin (24 fév. 1853) et enfin, la grande ville de Nanking tomba en leur pouvoir (19 mars 1853). Cette année même, ils continuèrent leur marche vers le Nord; après un assaut malheureux de Kai-foung-fou (22 juin 1853), ils traversèrent le Fleuve Jaune, parcoururent le Chen-si, pénétrèrent dans le Tche-li et envoyèrent leurs eclaireurs devant Tien-tsin (30 oct. 1853). Ils auraient pu prendre Peking; ils battirent en retraite sur le Kiang dont ils firent leur base d'opérations pendant plus de dix ans (1864). Tao-kouang mourut le 25 févr. 1850, lais- sant à son quatrième fils et successeur Hien-foung une terrible succession. L'histoire de Hien-foung et des deux empereurs Toung-tcheet Kouang-su (luttes contre les Taï- pingetles musulmans, guerres avec la France et l'Angle- terre, nouveaux traités, etc.), se confond désormais avec celle des relations étrangères et on la retrouvera plus loin. | 2. - RELATIONS ÉTRANGÈRES. 1° Temps anciens et moyen âge. Un passage d'Isaie (XLIX, 12), dans lequel il est parlé de Sinim, a tait croire a quelques commentateurs que par ce pays le prophête désignait la Chine ; historiquement, rien ne s'oppose à ce qu'un auteur hébreu, vivant à Babvlone, ou près de cette ville dans la seconde moitié du vi" siècle, ait entendu parler de l'empire chinois comme d'un pays fort éloigné. Peut-être même quelques colonies juives s'étaient-elles déjà dirigées de ce côté, quoique l'entrée des Juifs en Chine soit généra- lement considérée comme ayant eu lieu au 1er siècle de notre ère. Le nom de Chine est venu vers l'O. par les Indes et la Perse et nous voyons dans Ptolémée, à l'extrême E., au delà de la Scytlne, la Sérique, pays des Seres, au S. de laquelle se trouve la nation des Sinse. Les auteurs anciens, Strabon, Virgile, Horace, Pomponius Mêla, Pline, Ammien Marcellin, parlent des Seres; Florus les énumère parmi les nations qui envoyèrent des missions à Rome au temps d'Auguste. Les relations des Romains avec l'Asie orientale paraissent remonter à l'époque de Marc-Antoine qui s'était mis en rapport avec le célèbre Kanichka. Ces relations durèrent plusieurs siècles et une ambassade romaine se rendit en Chine à l'époque de Marc- Aurèle, en 166 de notre ère. Les contrées de l'extrême 0. étaient désignées à cette époque par les noms de Ta-tsing et de Fo-lin. Le moine Cosmas nous parle du commerce de l'Ile de Taprobane avec les Chinois; un grand commerce ne tarda d ailleurs pas à se développer par mer entre la Chine et l'Asie occidentale; sous la grande dynastie des HISTOIRE Tang (vn'-x" siècles de notre ère), les navires chinois allaient jusqu'a la côte de Malabar, et poussaient même jusqu'au golfe Persique, à Sirat; la principale escale des Chinois sur la côte de Malabar était Quilon (Coulam) ; les navires arabes, de jour en jour plus nombreux, suivaient uno route à peu près semblable, ils longeaient la côte du golfe Persique, transportaient les marchandises de Bas- sora et de Bagdad, s'arrêtaient en Chine, soit à Canton qu'ils appelaient Sin-kilan, soit à Zeitoun dans le Fou- kien, et surtout a Khan-fou dans le Tche-kiang. A la suite d'une grande révolte, qui éclata au ix" siècle au N.-E. de l'empire et dont eurent à souffrir beaucoup les colonies arabes, celles-ci transférèrent leur principal établissement dans la presqu'Ile de Malacca, à Kalah, qui suivant Aboul- féda, était le port de toutes les régions situées entre l'Oman et la Chine. Au xn° siècle, le célèbre Benjamin do Tudèle raconte d'une facon invraisemblable la manière de se rendre en Chine; des relations s'établirent plus tard entre les princes chrétiens et les Khans mongols. Le grand mouvement inauguré par le concile de Lyon eut pour résul- tat l'envoi de nombreux légats en Tartarie, dont le pre- mier fut Jean du Plan de Carpin (1245-1247); puis vint l'ambassade composée d'Asceliu, d'Albéric, d'Alexandre et de Simon de Saint-Quentin, envoyés par Innocent IV vers Batchou. Le point culminant de ces missions fut la fondation de l'archevêché de Peking par Jean de Monte- Corvino (né en 1247, mort en 1333) et de l'évèché de Zeitoun. On nous a conservé les relations et les lettres de quelques-uns des missionnaires, par exemple d'André de (mort le 14 janv. 1331), missionnaire à Peking; le cor- delier florentin, Jean dei Marignoli di San Lorenzo, légat du pape à Peking (1342-1346), nous donne le dermer récit de missions ecclésiastiques que la chute de la dynas- tie mongole des Youen allait arrêter. D'autre part, les rois de France entretenaient des relations satisfaisantes avec les khans mongols. Nous avons encore les lettres d'Argoun et d'Oeldjaitou à Philippe le Bel; auparavant, saint Louis envoyait le cordelier Guillaume de Rubrouck en ambassade en Tartarie (1253). Les marchands génois et vénitiens visitaient d'ailleurs la Chine ; on nous a conservé les noms de Lucalongo, compagnon de Monte-Corvino, parti de Tauris en 1291, d'Andulo di Savignone, et sur- tout des célèbres Vénitiens, Polo, dont le plus jeune, Marco, né en 1254, fils et neveu des deux autres, résida pendant dix-sept ans à la cour du grand khan, et nous a âge. Ces marchands allaient surtout chercher en Chine la 66 LA CHINE encore les notices sur la Chine de Jean de Nandeville, plagiaire d'Odoric, du célèbre voyageur arabe lbn-Batou- tah, de l'ambassadeur du roi Henri III de Castille, Ruy Gonçalez de Clavijo, à la cour de Tamerlan, du Vénitien Nicolo di Conti, et en6n le récit de l'ambassade envoyée par Schah-rokh, fils de Tamerlan, à la cour de Chine (1419-1422). Nous arrivons maintenant à la période des découvertes des Portugais et de la révolution apportée dans le commerce de l'Asie par la nouvelle route du cap de Bonne-Espérance. Nous allons étudier successivement l'histoire des différents peuples avec la Chine jusqu'au traité de Nanking (1842) qui marque véritablement le commencement des relations diplomatiques de l'empire du Milieu avec les puissances d'Occident. 2° Portugal. Le voyage de Vasco de Gama (1497) avait indiqué aux Portugais la route des Indes : la prise de Malaeca (24 juil. 1511) par le grand Albuquerque, leur ouvrit les portes de l'extrême Orient. Ils débarquent en Chine dès 1514, ainsi qu'il appert d'une lettre écrite de Cochin aux Indes (6 janv. 1515) par le Florentin Andréa Corsali au duc Julien de Médicis. Le premier Portugais qui soit allé à Canton dans une jonque et dont le nom nous ait été conserve (1516) est Raphaël Perestrello; l'année suivante (1517), s'organise une expédition composée de quatre navires portugais et de quatre navires malais, sous les ordres de Fernâo Pcres de Andrade, et avec Thomas Pires comme ambassadeur; pendant que Pirès se rendait à Peking, où il arrivait vers 1521, le frère d'Andrade, Simon, débarquait à Canton (1518), où son caractère hautain le fit prendre en haine par les autorités chi- noises ; il fut obligé de fuir (1521), et l'année suivante, un nouvel envoyé, Martin Alfonso de Mello Coutinho, eut son escorte massacrée en grande partie. Les Portugais qui s'étaient installés à Ning-po, dans le Tche-kiang, à une époque indéterminée, et dont l'établissement était en pleine Îirospérité en 1523, virent, par suite de leur insolence, eur colonie complêtement détruite en 1545, douze mille chrétiens, dont huit cents Portugais, massacrés, et trente- cinq navires et deux jonques brûlées; en 1549, le gou- verneur du Fou-kien détruisit pour les mêmes raisons l'établissement des Portugais à Tchin-tcheou. Obligés de fuir la côte orientale de Chine, les Portugais virent leur commerce réduit aux Iles du Kouang-toung, et ils créèrent deux comptoirs à Chang-tchuan (Sancian) et à Lam-pa- cao. Ils s'installèrent à Macao dans le district de Hiang- chan, sous Kia-tsing, le douzième empereur de la dynastie Ming, à une date qui est marquée tantôt 1553, tantôt 1557. En 1573, sous le règne de Wan-li, une barrière fut construite à travers l'isthme qui sépare l'établissement portugais du reste du territoire chinois de Hiang-chan. fis LA CHINE merciaux : ainsi, par exemple, avant le traité de Nanking de 1842, ils étaient les seuls étrangers ayant le droit de faire le commerce à Amoy; pendant longtemps, leur consul dans ce port a été le principal intermédiaire de l'émi- gration chinoise en Amérique. Au xvin" siècle, aucun navire étranger, sauf ceux des Espagnols de Manille, n'était autorisé par les Chinois et les Portugais à venir faire le commerce de la Chine à Macao. n4° Hollande. Les renseignements puisés par Corneille Houtman, d'Alkmar, prisonnier des Espagnols à Lisbonne, permirent aux Hollandais, qui avaient jusqu'alors dirige leurs efforts vers le N.-E., de chercher à prendre leur part du commerce dans l'océan Indien, de créer la Com- pagnie des Pays-Lointains, suivie bientôt des concur- rences de Zélande et de Rotterdam. A la suite d'une réu- nion des directeurs des différentes compagnies à la Haye, le 20 mars 1602 , une compagnie générale des Indes Orientales fut formée. Nous rappellerons ici que c'est de Batavia que les Hollandais dirigèrent leurs entreprises sur la côte chinoise; le gouverneur général Jean Pietersz Coen organisa une expédition sous les ordres de Comélis Rcyersz (1622-24); après un siège inutile de Macao, les Hollandais s'établirent dans le détroit de Formose, aux Pescadores ; en 1624, ils transfèrent leur établissement à Tai-ouan (Formose). On trouvera sur cette période de l'his- toire des Hollandais en Chine des détails intéressants dans les relations du capitaine Willem Ij'sbrantsz Bontckoe et de l'aumônier Seyger van Rechteren. La conquête de la Chine par les Mandchous et la chute des Mine refoulèrent vers les côtes et particulièrement dans le Fou-kien les partisans de ces derniers. Leur chet Tcheng Tcheng-kong, plus connu des Européens sous le nom de hoxinga, après une vigoureuse défense de Frédéric Cojct, Suédois d ori- gine, gouverneur de l'Ile, chassa, en 1661, les Hollandais de Tai-ouan. Cependant le P. Martini, qui était passé à Batavia, avait annoncé au grand conseil que les Mand- chous, qui venaient de se rendre maîtres de l'empire, auto- risaient tous les étrangers à trafiquer librement à Canton. Cette nouvelle, puis le désir plus tard de compenser la perte de Formose, fut l'origine des ambassades successives des Hollandais en Chine : Frédéric Schedel (1653), Pieter van Goyer et Jacob van Kcyser (1655-87 ), Pieter van Hoorn (1666), Jan van Campen et Constantin Nobel. Entre temps, le conseil de Batavia envoya en 1663 l'ami- ral Bort à la Chine avec une flotte de seize vaisseaux et des troupes nombreuses qui, de concert avec les Mand- chous, devaient attaquer tormose que la mort récente de Koxinga laissait sans grand chef. Les exigences des Hol- landais ne permirent pas aux Chinois d'aider jusqu'au bout leurs alliés dans leur entreprise, et après la rentrée 70 LA CHINE anciennes. Une compagnie de Chine, créée en 1660, fut réunie à la compagnie des Indes en 1664; cette dernière céda son privilège pour la Chine à une société Jourdan, de la Coulange et Cie (1697-1698), qui installa le commtrce de la France à Canton. Une troisième compagnie de 1713 ne fit aucun usage de son privilège; lors de la réunion de toutes les compagnies en une seule, en 1719, notre com- merce en Chine, sans être très important, eut un peu plus d'extension. Lors de la suspension du privilège de la com- pagnie des Indes orientales, un consulat de France fut créé à Canton le 3 févr. 1776; il ne dura que jusqu'à la fin du siècle (V. Canton); pendant cette période, l'in- fluence de la France ne s'exerce guère que par les missions catholiques, et surtout à Peking (V. plus haut). Le gou- vernement de la Restauration accrédite un agent a Canton en 1829, et enfin, M. de Lagrcné signe en 1844 (V. plus loin) le point de départ de nos relations régulières. 7° Pays divers, l'armi les nations dont nous ne parlons pas d'une manière spéciale et qui étaient représentées dans l'ancien commerce de la Chine, nous citerons les Danois qui eurent deux compagnies, l'une de 1612, l'autre de 1670. Ils créèrent, en 1616, les établissements de Tran- quehar et de Sérampour, qu'ils vendirent à l'Angleterre en 1845. L'Autriche tut représentée par deux compagnies impériales, celle d'Ostende incorporée le 17 déc. 1722, dont la charte fut suspendue pour sept ans, en 1727, et aux dépens de laquelle s'établit en partie la compagnie de Suède ; cette compagnie d'Ostende éprouva d'ailleurs toutes sortes de malheurs, fit faillite en 1784 et termina enfin son existence accidentée en 1793. L'autre compagnie impériale était celle de Trieste, qui fit beaucoup moins parler d'elle. La Prusse, avec la compagnie d'Emden, eut moins d'importance encore. De bonne heure, au xvir" siècle, les Suédois visitèrent les pays d'extrême Orient, mais leurs voyages n'étaient pas laits sous le pavillon de leur nation; ils servaient des compagnies étrangères et en particulier la compagnie néerlandaise des Indes orientales. Cependant, en 1627, le roi de Suède avait déjà établi une compagnie des Indes orientales. Nils Matson Kiœping, mort en 1667, qui avait servi tour à tour la Hollande, le chah de Perse et enfin son propre pays, en qualité de lieutenant de vaisseau du roi Charles-Gustave, visita la Chine eu 1655. La sus- fiension du privilège de la compagnie d'Ostende, en 1727, aissa disponibles un grand nombre de marins de nationa- lités différentes, particulièrement des Flamands et des Anglais. Ce noyau d'hommes de mer expérimentés donna l'idée à un habitant entreprenant de Stockholm, Henry Konig, de l'employer à créer une compagnie de commerce au nom de la Suède. Le roi Frédéric, à la demande de Konig et de ses associés, consentit à accorder, eu date de HISTOIRE 73 rien rapporté à son pays. Au commencement du siècle, à signaler les efforts malheureux des Anglais en 1802 et 1808 à cause de Macao, et la déconfiture de l'amiral Drury déjà notés. En 1816, nouvelle ambassade anglaise, sous la conduite de lord Amherst, qui s'embarqua sur VAlceste le 8 févr. ; la guerre du Népal, pays tributaire de la Chine, et la maladresse des négociateurs firent de cette ambas- sade, à l'époque de Kia-king, un véritable désastre diplo- matique. D'année en année, les difficultés surgissent à Canton entre Anglais et Chinois (V. Canton) ; une mission spéciale de lord Napier, envoyée à Canton par Guillaume IV (1833-34), ne réussit pas et se termine par la retraite et la mort par épuisement de lord Napier (en oct. 1834); enfin, la destruction de 20,283 caisses d'opium au mois de juin 1839 amena définitivement l'intervention armée de l'Angleterre. 10° Guerre d'opium. Le 9 juin 1840, sir John Gordon Bremer proclamait le blocus de la rivière de Canton et le 30 juin les forces anglaises arrivaient, formées de quinze navires de guerre, quatre vapeurs, vingt-cinq transports et environ quatre mille hommes de débarquement. Ce ne fut que l'année suivante que les hostilités turent poussées avec vigueur. Le 26 tévr. 1841, sir J.-G. Bremer s'empa- rait des forts de Boca Tigris, mais c'était au centre de la Chine que les opérations devaient être surtout dirigées. Le 7 juil., Bremer s'emparait de Ting—hai dans la grande Chousan, puis les plénipotentiaires anglais, l'amiral G. Elliot et Capt-Elliot se rendirent à l'embouchure du Pei-ho (11 août), où ils se mirent en rapport avec Ki-ying, gou- verneur général du Tche-li. Après de longues négociations, les hostilités furent reprises. Sir Henry Pottinger arriva comme plénipotentiaire et l'amiral sir William Parker comme commandant des troupes de l'expédition. L'expédi- tion anglaise se dirigeait vers le Nord le 21 août, sous le commandement de sir Hugh Gough et de l'amiral Parker; Amoy était pris le 27 août, la flotte anglaise pénétrait de nouveau à Ting-haï le 29 sept., forçait l'entrée de la rivière de Ning-po à Tchin-haï le 10 oct. et s'emparait enfin de Ning-po le 13. La prise de Chang-hai et enfin la flotte remontant le Kiang pour attaquer Nanking obligè- rent les Chinois, malgré leur entêtement, à signer dans cette dernière ville un traité. Le traité de Nanking du 29 août 1842 et ratifié à Hong-kong le 26 juin 1843, signé d'une part par le major général, sir Henry Pottinger, et de l'autre par les hauts commissaires Ki-ying et Ilipou à bord du navire de guerre anglais le Cornwallis, se com- pose de treize articles, dont le second est le plus impor- tant; il marque que les cinq ports de Canton, Amoy, Fou- tcheou, Ning-po et Chang-hai, sont ouverts au commerce britannique et que des consuls y seront installés ; par la HISTOIRE 73 rent des consulats dans les nouveaux ports qui leur étaient ouverts (V. Chang-HaI). Cependant d'une part les difficultés suscitées par la Chine pour entraver l'inQuence grandissante des étrangers, et le désir des nations européennes d'avoir accès aux ports du Nord et à la capitale de l'empire ; d'une autre, la ccmnunauté des intérêts de la France et de l'Angleterre après la guerre de Crimée permettaient et pré- paraient une action commune de ces deux puissances contre l'empire du Milieu ; il était facile de trouver des prétextes à l'intervention soit diplomatique, soit militaire. H° Traites de Tien-tsin. Le 29 févr. 1856, un prêtre des missions étrangères, le P. Auguste Chapdelaine, était mis à mort de la façon la plus cruelle dans le sud de la Chine. Le prétexte était bon pour la France : il fut moins bon pour l'Angleterre. Le lortcha Arrow était saisi à Canton le 8 oct. 1856 (on appelle lortcha un bâtiment à coque européenne, généralement commandé par un Européen, avec une mâture et un équipage indigènes). Les Chinois prétendaient que, depuis un mois, le terme de l'enregistre- ment de V Arrow était expiré. L'occasion était excellente pour obtenir de la Chine de nouvelles concessions. Hos- tiles a tout projet de guerre, Cobden et Gladstone obtinrent seize voix de majorité au Parlement, le 26 fevr. 1857. Ixird Palmerston n'hésita pas à faire dissoudre le Parle- ment; les élections générales donnèrent raison à sa poli- tique extérieure. La France et l'Angleterre d'accord, firent choix pour diriger leurs négociations en Chine, de Jean- Ilaptiste-Louis, baron Gros, et de James, comte d'Elgin et de Kincardine. Les troupes, mises à la disposition de ces derniers sous les oidres du général Ashburnham, furent détournées de leur destination primitive à Singapour, en juin 1857, et envoyées aux Indes pour aider à la répres- sion de la grande rébellion qui venait d'éclater le 11 mai, rébellion dont l'histoire trouvera place ailleurs dans cette Encyclopédie. Lord Elgin, qui était allé à Calcutta voir lord Canning, retourna en sept. 1857 à Hong-kong, où arrivait le baron Gros le 16 oct. Les plénipotentiaires adressèrent une lettre au gouverneur de Canton, Yeh (9 déc.), pour obtenir réparation. Le résultat des négocia- tions n'étant pas satisfaisant, Canton bombardé (28 déc. 1858), fut pris (29 déc.). Yeh, fait prisonnier, fut envoyé à Calcutta où il mourut. Les alliés, qui devaient occuper Canton jusqu'en 1861, installèrent un gouvernement pro- visoire de la ville, composé du fou-tai, du général tartare, et de trois commissaires étrangers: le commandant Marti- neau, de la marine française, Harry Parkes, consul d'An- gleterre, et le colonel Holloway, de l'infanterie de marine anglaise. Cependant, les plénipotentiaires se dirigeaient vers le Nord, et la barre du Pei-ho à Ta-kou avant été forcée (20 mai 1858) par sir Michael Seymour, les Chi- 76 LA CHINE nois, représentés par Kouei-liang et Houa Cha-na, se déter- minèrent à signer à Tien-tsin des traités avec l'Angleterre et la France. Le traité anglais (26 juin 1858) comprend cinquante-six articles; le traité français (27 juin 1858) en renferme quarante-deux. Les principales clauses de ces traités sont l'établissement d'ambassades française et anglaise à Peking, l'ouverture au commerce étranger de Kioung-tcheou, dans l'Ile de Haï-nan, de Tchao-tcheou, dans la province de Kouang-toung, de Tai-ouan et de Tam- soui, dans l'Ile de Formose, de Tang-tcheou (Tche-fou), dans le Chan-toung, et de Nanking (Nanking, qui est sti- pulé seulement dans le traité français, n'a pas été ouvert au commerce étranger); Niou-tchouang est marqué dans le traité anglais. Dans un article séparé, il a été convenu que les forces anglaises se retireraient de Canton après paie- ment d'une indemnité de deux millions de taels pour dom- mages et intérêts, et de deux millions de taels pour les frais d'expédition; même indemnité doit être donnée à la France pour frais de guerre; en outre, une indemnité doit être don- née aux Français et aux protégés de la France dont les pro- priétés ont été pillées ou incendiées par la populace de Can- ton avant la prise de cette ville par les troupes alliées. En outre, le mandarin, auteur du meurtre de Chapdelaine, était dégradé. Cependant, lord Elgin et le baron Gros, ren- trant en France, laissaient aux ministres désignés pour la Chine, de Bourboulon et Frederick Bruce, le soin d'échan- ger les ratifications des traités de Tien-tsin; ces derniers, en remplissant leur mission en juin 1859, sur les bâti- ments commandés pour l'Angleterre par l'amiral Hope, pour la France par le capitaine Tricot, turent reçus à coups de canon à Ta-kou (25 juin), dont l'accès avait été fortifié depuis l'année précédente. Les pertes des alliés étaient assez considérables; cette grave infraction au droit des gens devait forcément amener une nouvelle intervention mili- taire, lorsque la nouvelle en fut reçue en F.urope en sep- tembre. Les puissances alliées se décidèrent donc à faire conjointement une expédition. 12° Expédition de Chine. Par décret impérial du 1H nov. 1859, le général de division Cousin-Montauban était nommé commandant en chef des forces de terre et de mer, avec le général Jamin. comme commandant en second. Le 21 nov.,le corps expéditionnaire était composé d'une ma- nière définitive, c.-à-d. de deux brigades d'infanterie avec des troupes de différentes armes, dont l'effectif dépassait huit mille hommes; des détachements de gendarmes et du train des équipages, des infirmiers, cinquante cavaliers, et des troupes du quartier général complétaient le corps expédi- tionnaire. I-a première brigade (général Jamin) était for- mée du 2° bataillon de chasseurs à pied (8 compagnies), du 101e régiment d'infanterie de ligne (2 bataillons à 6 comp.), 78 LA CHINE naissance montrait que l'accès direct du Pei-ho n'étant pas Sraticable, le débarquement devait être opéré au N. de ce euve, à l'embouchure du Pe-tang. Après un dernier con- seil de guerre des alliés à Tche-fou, le 19 juil. 1860, les flottes alliées quittaient Ta-lien-ouan et Tche-fou, pour se diriger vers l'embouchure du Pe-tang; l'amiral Char- ner sur la Renommée, était suivi de la première escadre; le vice-amiral Page, sur la Némésis, de la deuxième escadre, le contre-amiral Protet, sur la Dryade, et le capi- taine de vaisseau Bourgois, sur la Dragonne. L'état de la mer ne permit l'embarquement des troupes que le 1er août; le lendemain, les forts de Pe-tang étaient occupés. Par une longue chaussée qui sépare le Pe-tang du Pei-bo, les forts de Ta-kou furent tournés, et après une violente attaque des forts du Nord, par Grant et Collineau d'une part, et par les flottes d'une autre, ceux-ci tombaient entre les mains des alliés: les loris du Sud se rendirent incon- tinent sans combat. En quelques heures (21 août), nous étions maîtres des cinq forts gui défendent l'entrée du Pei- ho, et l'échec de juin 1859 était réparé. Au large, le ministre des Etats-Unis, Ward, et le ministre de Russie, le général Ignatiev, surveillaient les opérations. La route de Tien-tsin était libre, et les plénipotentiaires y arri- vèrent le 26 août. Des ouvertures de paix avaient été faites aux alliés, dès le débarquement au Pe-tang, mais les garan- ties n'étaient pas ?ssez suffisantes pour les prendre en con- sidération. A Tien-tsin, Kouei-liang renouvela des offres de traité qui ne furent pas écoutées, et les chefs de l'ar- mée reçurent des plénipotentiaires l'ordre de marcher sur Peking. A la première étape, Yang-tsoun (10 sept.), Tsai, prince de I, et Hang-ki, ministre de la guerre, apportèrent de nouvelles propositions, qui ne furent acceptées que plus loin à Ho-Si-Wo; cependant, le parti de la guerre s'agitait auprès de l'empereur Hien-loung, et le général tartare San Ko-li-tsin, pendant que des communications s'établis- saient entre Ho-Si-Wo et la ville de Toung-tcheou par Tchang-kia-houang, préparait un guet-apens dans lequel devaient tomber les plénipotentiaires. L alarme heureuse- ment donnée permit aux généraux Montauban et Grant (18 sept.) de refouler l'ennemi qui menaçait leur front, et de le poursuivre jusqu'au delà de Toung-lcheou. Mal- heureusement, les Chinois avaient eu le temps de faire de trop nombreux prisonniers, dont quelques-uns seulement nous furent rendus vivants plus tard; parmi ces victimes, on comptait 11 Français, dont le colonel d'artillerie Foullon- Grandchamps, l'agent comptable Ader, le chasseur Ouzouf, l'intendant militaire Dubut, l'interprête Abbé de Luc, M. d'Escayrac de Lauture, chargé d'une mission scienti- fique, et 26 Anglais, dont le lieutenant Anderson, de la cavalerie irrégubère de Fane avec son escorte de 18 sikhs 80 LA CHINE son effet, le traité de Tien-tsin étant ratifié ce même jour (24 oct.); la grande Chousan devait être évacuée, enfin, Tien-tsin, Ta-kou et la côte Nord du Chan-toung, devaient être occupés par les alliés jusqu'au paiement de l'indem- nité. Le lendemain (2o oct.), une convention semblable en dix articles était signée par le baron Gros d'une part, et le prince de Kong de l'autre. L'indemnité de la France était la même que celle de l'Angleterre, et Tien-tsin était ouvert au commerce étranger. L'expédition de Chine était terminée dans un temps extraordinairement court, et avec un plein succès pour nos armes et notre diplomatie. Lord Elgin était de retour à Tien-tsin le 14 nov., à Chang-haï le 3 déc. 1860, et en Angleterre le 11 avr. L'art. 6 de la Convention française de Peking stipulait que conformé- ment à l'édit impérial rendu le 20 mars par l'em- pereur Tao-konang, les établissements religieux et de bienfaisance qui avaient été confisqués aux chrétiens pen- dant les persécutions dont ils avaient été les victimes, devaient être rendus à leurs propriétaires par l'entremise du ministre de France en Chine, auquel le gouvernement impérial devait les faire délivrer avec les cimetières et autres édifices qui en dépendaient. Par suite, le baron Gros remit ces établissements entre les mains du chef de la mission des Lazaristes, Joseph-Martial Mouly, évèque de Fussulan, vicaire apostolique du Pe Tche-li septentrio- nal, qui célébra en l'honneur du succès de l'armée tran- çaise un Te Deu m solennel. 13° La Chine depuis 1860. La situation était, en vérité, bien difficile en Chine au moment des signatures des con- ventions de Peking (oct. 1860). L'empereur était en fuite; dans le nord-ouest et dans le sud-ouest de la Chine, les musulmans étaient en rébellion; au centre, les Taï-ping, avec Nan-king comme capitale, se répandaient sur les bords du Kiang et occupaient les principales villes du Kiang-sou et du Tche-kiang, les étrangers n'avaient pas encore évacué les ports du Nord, ni Chang-hai, et ils tenaient Canton; le trésor impérial était vide. Il eût suffi qu'une puissance occidentale le désirât pour que le trône mandchou, ébranlé depuis Tao-kouang, croulât dans l'ignominie avec Hien- foung. Heureusement pour sa dynastie, ce malheureux empereur mourut à propos le 22 août 1861; une longue régence se préparait, il fallait faire lace au présent et préparer l'avenir: ce fut le frère même de 1 empereur, le prince de Kong, qui eut à prendre la terrible responsa- bilité du pouvoir. Des le 21 oct. 1861, Canton fut rendu officiellement par les alliés aux Chinois; le 7 nov., Yi-sin, prince de Kong, sixième fils de l'empereur Tao-kouang, frère de l'empereur Hien-foung, est nommé régent, con- jointement avec les impératrices douairières; le fils de Uienfoung, Tsai-tchoun, qui a remplacé son père sous msTOinE 83 Ecoles du génie maritime, de maistrance, des arts et mé- tiers, des mines, etc., retournent instruits dans les sciences européennes, après un séjour de trois ou quatre ans en Europe. L'année 1865 marque en quelque sorte la fin de la nouvelle période qui commençait à l'expédition de 1860; c'est en effet, cette année, au mois de juillet, que les troupes alliées sont définitivement retirées de Ta-kou et de Chang-hai; il semble même que pour mieux marquer le nouvel état de choses, le ministre d'Angleterre sir Frederick Bruce, nommé à Washington, est remplacé à Peking par son collègue du Japon, Rutherford Alcock. Comme après le traité de Nanking de 1842, après les traités de Tien-tsin de 1858 et les conventions de Peking de 1860, les nations étrangères s'empressèrent de profiter des avantages obtenus par la France et l'Angle- terre, en signant des traités particuliers. La Russie et les Etats-Unis d'Amérique avaient suivi d'une manière spé- ciale les opérations des alliés, aussi, au traité de Tien- tsin du 1/13 juin 1858 (comte Pou lia ti ne) vient s'ad- joindre lo traité additionnel, conclu à Peking pour la Russie, le 2/14 nov. 1860, par le général Ignatiev et le prince de Kong (ratifié à Pétersbourg le 20 déc., pro- mulgué le 26 dec. 1800). Ce traité rectifiait la frontière orientale des deux empires; le territoire N. de l'Amour appartenait à la Russie, le territoire S. à la Chine. Les négociants russes de Kiakhla pouvaient se rendre à Peking, et pouvaient faire le commeree a Kalgan et à Ourga, ou les Russes avaient le droit d'établir un consul, etc.; le 20 fevr.l4 mars 1862, une convention relative au commerce par terre était signée à Peking par le mi- nistre russe, M. de Balliouzek, et complétée dans la même ville par le général Vlangalv, le 15/27 avr. 1869. Les Etats-Unis qui avaient signé le 18 juin 1858 à Tien- tsin, par l'intermédiaire de leur ministre William B. Reed, un traité, le complétaient par des articles additionnels, à Washington, le 28 juil. 18J8, ratifiés à Peking le 23 nov. 1869. A la remorque des quatre grandes puis- sances, vinrent les autres nations. Le roi de Prusse, au nom du Zollverein, des grands-duchés de Mecklembourg- Schwerin et de Mecklembourg-Strelitz, et des villes Han- séatiques, envoyait dans l'Asie orientale (1859-1832) une expédition dont un des actes principaux fut la signature, par le comte d'Eulenbourg, d'un traité à Tien-tsin le 2 sept. 1861, ratifié à Chang-haï le 14 janv. 1863. Le gouverneur général de Macao, Isidoro Francisco Guimaraês, signait un traité le 13 août 1862 à Tien-tsin, dont la rati- fication fut refusée par le gouvernement chinois, par suite de la clause relative à Macao, diversement interprétée dans les textes portugais et chinois. Le traité danois, signé par HISTOIRE 85 démenti à ses théories de Chine libérale : c'était le mas- sacre de Tien-tsin. Le 21 juin 1870, le consul de France à Tien-tsin, M. de Fontanier, le chancelier du consulat, M. Simon, l'interprête de la légation de France, M. Thomassin et sa femme, un prêtre lazariste, l'abbé Chevrier, un négociant français, M. Chalmaison et sa femme, trois Russes, Barov, Protopov et sa femme, et neuf sœurs de Saint- Vincent de Paul, dont quatre Françaises, deux Belges, deux Italiennes, une Irlandaise, en tout, vingt étrangers étaient massacrés de la façon la plus barbare à Tien-tsin. La légation de France était alors gérée par le comte Julien de Rochechouart, qui avait remplacé le (i nov. 1868 le ministre comte Lallemand; une escadre française, commandée par l'amiral Dupré, vint jeter l'ancre à Tien- tsin; des négociations furent entamées: le vice-roi du Tche-li, Tseng Kouo-fan, fut déplacé, le commissaire des ports du Nord, Tchoung-heou, qui avait été assez faible, pour ne pas dire plus, dans les circonstances, fut chargé de présenter des excuses, au nom du gouvernement chinois; le massacre de Tien-tsin paraît, au reste, avoir été le résultat général d'un complot contre les étrangers, dont le contre-coup se fit sentir dans presque tous les ports ouverts, et auquel se rattache l'assassinat de Ma, vice-roi des deux Kiang, en juil. 1870. D'ailleurs, nous étions à l'époque de la terrible tourmente de la guerre 1870-1871, et la nouvelle du massacre arrivait en France trop tard pour que l'on pût en tirer la vengeance éclatante qu'il méritait. Tchoung-heou s'était transporlé de Marseille à Bordeaux, de Bordeaux à Tours, de Tours à Versailles, puis effrayé par les horreurs de la guerre et fatigué des lenteurs que mettait le gouvernement à le recevoir, il s'enluyait aux Etats-Unis, d'où il était ramené en France à grand'peine. Grâce surtout aux efforts des secrétaires français, MM. Novion et Imbert, qui l'ac- compagnaient, Tchoung-heou fut reçu par M. Thiers et lui présenta les lettres d'excuses. La France put craindre de nouvelles difficultés avec la Chine à la fin de 1871, lorsqu'un memorandum en huit articles fut dirigé par le gouvernement chinois contre les missionnaires catho- liques. Tout se passa heureusement en pourparlers diplo- matiques et en polémique de presse. Une question fort importante allait surgir : la longue régence prenait fin, le jeune empereur Toung-tche, qui s'était marié au mois d'octobre 1872, prenait en main le 23 fevr. 1873 le gouvernement eflectif de son empire. Le jour suivant (24 févr. 1873), les ministres ou chargés d'affaires à Peking, de France, de Grande-Bretagne, de Russie, d'Allemagne et des Etats-Unis envoyèrent au prince Kong une lettre-circulaire pour féliciter le jeune souverain de 80 I.A CHINE sa prise effective du trône. Les ministres étrangers désiraient qu'une audience leur fut accordée, et après de nombreux pourpalers, on leur apprit, le 27 juin, que le jeune souverain les recevrait en audience solennelle le 29 juin à cinq heures et demie du matin. \je ministre d'Allemagne, qui avait été forcé de rentrer en Europe, à cause du mauvais état de sa santé, n'y assistait pas. Etaient présents : pour la France, Louis de Geofroy; Frederick Low pour les Etats-Unis; Thomas Francis Wade pour la Grande-Bretagne; le général Vlangaly pour la Russie et J.-H. Ferguson pour les Pays-Bas, avec M. Bismarck, secrétaire interprête de la légation d'Alle- magne. Quelques instants après cette audience solennelle, une audience privée était accordée au ministre de France, M. de Geofroy, avec l'interprête de la légation, Gabriel Devéria, pour la remise de la lettre adressée par le gouver- nement de la République française, en réponse à la mission de Tchoung-heou. Os audiences qui devaient être le point de départ de relations nouvelles, n eurent de lendemain que pour les ministres de Belgique Serruys, de Russie, E. de Biitzov, et du Japon. Toung-lche mourait le 12 janv. 1875, et sa jeune femme quelques jours plus tard: une nouvelle régence allait commencer. Quelque temps avant la mort de Toung-lche, de graves difficultés avaient éclaté entre la Chine et le Japon. En 1874, quelques sujets japonais, originaires des Lou-tchou, ayant été massacrés par les aborigènes de Formose, et les Chinois ayant refusé d'in- tervenir pour donner satisfaction aux réclamations du Japon, celui-ci résolut de se faire justice lui-même, et envoya un cuirassé et des troupes sous les ordres de l'amiral Saigo, pour tirer une vengeance éclatante des meurtriers. Les Japonais débarquèrent sur la côte sud-est de Formose, et une guerre devenait imminente entre eux et l'empire du Milieu, lorsque l'Angleterre intervint et ût signer à Peking un arrangement, le 31 oct. 1874, par lequel le prince Kong accordait au ministre japonais Okubo pleine et entière satisfaction. Un traité avait déjà été signé par lia pour le Japon avec la Chine, représentée par Li Hong-tchang à Tien-tsin, le 13 sept. 1871; ce traité a été ratifié par l'empereur de la Chine, le même mois et par le Mikado, avec quelques modifications, le 1er nov. suivant. Le premier traité péruvien est égale- ment de la fin du règne de Toung-tche, négocié avec Li Hong-tchang, à Tien-tsin, le 26 juin 1874, par le capi- taine de vaisseau Aurelio Garcia y Garcia; il fut ratifié dans cette même ville le 7 août 1875. La succession de Toung-tche était assez difficile à recueillir, car il fallait que le nouvel empereur lut plus jeune que son prédécesseur pour pouvoir rendre à sa memoire les hommages accoutumés, suivant les rites du HISTOIRE S7 culte des ancêtres, basés sur la piété filiale dont nous avons déjà parlé. L'empereur Tao-kouang avait laissé neuf fils, et c'était Toung-tche, l'héritier de Hien-foung, le quatrième de ces fils qui venait de mourir. Le huitième prince, Yi-ho, prince de Tchoun, mort avant son neveu Toung-tche, avait adopté Tsaï-ying, fils de son frère, le prince Kong; il ne restait donc à la mort de Toung-tche que quatre fils de Tao-kouang : le cinquième, Yi-tsoung, prince de Toun, le sixième, Yi-sin, prince de Kong, Te septième, Yi-houan, prince de Tchoun, et le neuvième, Yi- houei, prince de Fou. Il aurait été facile alors au prince Kong, qui avait la toute-puissance, de donner l'empire a son fils Tsaï-tcheng, né vers 1856, mais cet excès i d'honneur l'eût empêché de prendre une part très active dans le gouvernement. II était en assez mauvais termes avec le septième prince, son frère, le prince de Tchoun; pour se débarrasser d'un rival, il prit le fils de ce dernier, Tsaï-tien, âgé de quatre ans, qui monta sur le trône sous le nom de Kouang-siu (succession brillante). De nouvelles difficultés allaient, d'ailleurs, surgir en Chine; l'Angleterre, désireuse de développer son com- merce avec l'extrême Orient, avait rejeté comme insuffi- sant un nouveau traité signé à Peking le 24 oct. 1869, par son ministre sir Rutherford Alcock, et elle cherchait à frayer à ses produits une nouvelle route de la Birmanie dans le Yunnan. Une expédition entreprise par le colonel Horace Browne, sur l'ordre du gouvernement des Indes, et autorisée par les autorités chinoises, fut attaquée à la frontière du Yun-nan et l'interprête Augustus Raymond Margary, qui était allé en avant comme éclaireur, fut assassiné à Manwyne; les négociations traînèrent en longueur entre l'Angleterre et la Chine, et la guerre était sur le point d'éclater, lorsque le gouvernement impérial se décida à traiter. Sir Thomas Wade, ministre d'Angle- terre et Li Ilong-tehang, gouverneur du Tche-li, signèient à Tche-fou, le 13 sept. 1876, une convention ratifiée par l'em- pereur de la Chinequatre jours plus tard. Cette convention est extrêmement importante : elle se divise en trois seclions: l'une, relative au règlement de l'affaire Margary (excuses et indemnité de 200,000 taëls); la seconde, aux rela- tions diplomatiques et consulaires, et la dernière, au commeree (ouverture des ports de I-tchang et de Wou- hou, sur le Kiang, de Wen-lcheou dans le Tche-kiang et de Pak-hoi dans le Kouang-toung, avec l'autorisation d'envoyer des fonctionnaires anglais à Tchoung-king, dans le Se-tchouan; enfin, un article additionnel auto- risait le gouvernement anglais à envoyer l'année suivante une mission d'exploration de Peking au Tibet et aux Indes, soit par le kan-sou et le Kokonor, soit par le Se- tchuuan. lue mission spéciale, composée de T. Grosvenor, I.A CHT5E secrétaire de la légation britannique à Peking, et des consuls Arthur Davenport et E. Colborne Baber, se rendit dans le Yun-nan pour assister au jugement des meurtriers de Margary, et fit un rapport remarquable sur les débouchés commerciaux du sud-ouest de la Chine. Cette convention de Tche-fou a une importance considérable, car elle est le point de départ des légations chinoises en Europe: le premier agent accrédité en 1876 lut Kouo Song-tao avec Lieou, comme second ministre, accrédité à Londres et à Paris. Kouo a eu le marquis Tseng comme successeur. D'ailleurs, une grosse question allait surgir pour la Chine. Nous avons vu que les deux rébellions musul- manes avaient été écrasées: celle du Yun-nan par la prise de Ta-li (19 janv. 1873), celle des Tien-chan par la mort de Yakoub et la prise de Khotan (4 janv. 1878). Par un traité en date du 25 juil. 1851, les Russes avaient obtenu la permission d'établir à Kouldja des maisons de commerce. Ce traité, signé par le colonel des ingénieurs des mines Kovalevsky, fut ratifié à Petersbourg le 13 nov. 1851 par l'empereur de Russie. En 1871, les Russes offrirent aux Chinois d'occuper le nord des Tien- chan et Kouldja jusqu'à pacification complête du pays; ils rendraient alors Kouldja contre remboursement des frais d'occupation. Les Chinois acceptèrent cette proposition. lorsque l'empire de Yakoub eut été détruit, et qu'il fallut rentrer en possession du nord des Tien-chan, il fallut négocier avec la Russie. Tchoung-heou, que nous avons vu en Europe, après le massacre de Tien-tsin, lut choisi pour mener à bonne fin cette affaire épineuse; arrivé en Europe en 1878, Tchoung-heou signait avec les Russes, en oct. 1879, un traite à Livadia, dont les teimes étaient dérisoires pour la Chine, qui, vaincue, les aurait à peine acceptés. Si les Russes s'engageaient à rendre le territoire de Kouldja, ils en gardaient la partie la plus riche : la vallée de la Tekkes au pied des Tien-chan et les passes, parmi lesquelles la plus importante, celle de Mouzarte qui conduit de Kouldja à Aksou, et coupe en deux la grande route militaire construite par Kien-loung pour mettre Kouldja en communication avec Kach^ar. immédiatement le censeur Tchang Tche-toung (aujourd hui vice-roi des deux Hou) fit un rapport terrible contre le malheureux diplomate. Tchoung-heou, de retour en Chine, fut condamné à mort, mais non exécuté, et ses biens confisqués ; le traité de Livadia rejeté : c'était un casus belli. Les Chinois n'évitèrent la guerre qu'en envoyant le marquis Tseng de Londres à Pctersbourg où, api-ès de longues et pénibles négociations, il réussit à signer avec MM. Nicolas de Giers et Eugène Bulzov, un traité le 1 -2, -24 févr. 1881, par lequel la Russie rendait aux HISTOIRE 8!) Chinois le territoire de Kouldja, sauf la partie occidentale, dans les limites que nous avons marquées au commence- ment de cet article. Débarrassés des rébellions musulmanes, des Russes et des Anglais, les Chinois n'avaient plus à s'occuper que des Français et de la frontière de l'Annam. Nous avons raconté (V. Annam) avec de grands détails l'intervention de la Chine au Tonkin; il ne nous reste donc plus qu'à citer les différents traités signés entre la France et la Chine pour le règlement de cette question : traité du 9 juin 1888 à Tien-tsin, par M. J. Patenôtre, qui avait été précédé d'une convention préliminaire, signée à Tien-tsin le H mai 1884; protocole du 4 avr. 1885, signé par MM. Billot et Campbell; convention com- merciale signée par M. VA',. Cogordan à Tien-tsin le 25 avr. 1886; convention additionnelle signée par M. Ernest Constans a Peking, le 26 juin 1887. A la suite de ces différentes conventions, des consulats ont été établis dans le Kouang-si, à Long-tcheou, et à Mong-tseu dans le Yun-nan. On vient (1890) d'inaugurer la ligne télégraphique, qui relie la frontière annamite, Lao-kai, à Mong-tseu. Le grand inspirateur de la politique chinoise pendant le règne de Toung-tche, le prince Kong, avait vu peu à peu son influence compromise par un nouveau venu, Li Hong- tchang que nous avons vu déjà jouer un rôle considérable dans la guerre des Taï-ping. Li est haut commissaire impérial, directeur général de la défense des frontières maritimes du Nord, surintendant du commerce, gou- verneur du prince impérial, membre du conseil privé, gouverneur général de la province de Pe Tche-li, comte de l'empire avec l'appellation Sou y. C'est un Chinois de pur sang. Il est né la deuxième année du règne de l'empereur Tao-Kouang, c.-à-d. en 1823. à Sen-chou, dans le district de Ho-Fei, dans la province de Ngan- houei. On a cru un instant que le marquis Tseng, aujour- d'hui mort, aurait contrebalancé l'influence de cet homme d'Etat : il n'en a rien été. D'ailleurs, les questions qui se sont posées à la majorité de Toung-tche se posent naturellement à celle de Kouang-siu, et après le mariage de l'empereur, nous aurons la difficulté de l'audience. LANGUE 93 au Collège de France d'Hervey de Saint-Denys. En dehors du Collège de France, le chinois est enseigné à l'Ecole des langues orientales vivantes: Bazin, qui fut chargé de cours de 1841 à 1843, vit, en 1843, son cours transformé en chaire, qu'il occupa jusqu'à sa mort, 1862. Julien lut alors chargé de cours jusqu'en 1871, époque à laquelle il lut remplacé comme professeur par le comte Kleczkowski (né le 27 févr. 1818, mort le 23 mars 1886) remplacé par Maurice Jamctel (mort le 17 mai 1889) et Gabriel Devèria. A côté de cette chaire, cette école enseigne le japonais (M. Léon de Rosny, autorisé en 1863 à faire un cours, est nommé professeur titulaire en 1868), et l'annamite (M. Abel Des Michels, chargé de cours en 1871, est nommé professeur en 1872); enfin, un cours d'histoire, de géographie et de législation des Etats de l'extrême Orient dont l'auteur de cet article a été chargé le 5 août 1881, a été transformé en chaire le 30 mars 1888. Il convient d'ajouter à tous ces noms celui d'un de nos consuls en Chine, M. Camille Imbault- Iluart, qui vient de terminer un grand Cours éclectique de langue chinoise parli'e, en 4 vol.. Dans les pays étran- gers les études chinoises sont représentées: en Angleterre par le Rév. James Legge. Sir Thomas Francis Wade (Hsin Ching Lu, Hong-kong, '1859; liu Ehr Chi, 1867), le professeur R. K. Douglas, du King's collège et A. Terrien de La Couperie; en Hollande par G. Schlegel, professeur à l'université de Leyde; en Allemagne par Georges von der Gabelentz, professeur à Berlin, C. Arendt, professeur au séminaire des langues orientales de cette même ville et le docteur F. Hirth des douanes chinoises (Wilhelm Schott est mort à Berlin et Pfizmaier à Vienne); en Russie par Vasiliev, Bretschneider, Pozdneiev (l'archimandrite Paila- dius est mort à Marseille en 1878) ; en Italie par Severini, Valenziani, Puini. L'impression des livres chinois en Europe a été l'objet de la préoccupation de tous les sinologues: notons les efforts de Fourmont et les caractères faits pour le diction- naire de De Guignes. Marcellin-Legrand donna en 1836 des caractères malheureusement trop grêles qui ont été lar- gement employés dans les publications de l'époque, notamment dans celles de Pauthier. Les Hollandais doivent au docteur J. Hoffmann leur fonte également employée dans l'impi imerie viennoise de Holzhausen. Mais c'est aux missionnaires protestants de Chine que l'on doit les plus grands progrès de la typographie chinoise et aujourd hui on emploie de préférence les caractères de l'American Presbyterian Mission Press, de Chang-hai, qui ont servi à l'impression des ouvrages de l'abbé Perny. CHAPITRE IX Littérature. Au point de vue chinois, suivant le système bibliogra- phique udopté pour la collection des ouvrages entreprise sur l'ordre de Kien-loung (1773), on divise les œuvres littéraires en quatre grandes classes que nous allons suc- cessivement examiner : 1° les livres classiques, Kinç; 2° les livres d'histoire, Che\ 3° les livres de philosophie, Tse ; 4° les belles-lettres, Tsi. 1° Livres classiques. Les livres classiques ou canoniques King, qui sont la base de la philosophie aussi bien que de la littérature, sont divisés en deux classes: A. livres canoniques du premier ordre ou grand Kings comprenant: 1° VY-king, 24,107 caractères, le livre des changements, explication des Koua de Fou-hi; ce livre mystérieux a été, dans ces derniers temps, l'objet d'interprétations nou- velles de MM. l'hilaslre, Legge, Douglas, Terrien de Lacouperie et C. de Harlez; 2° le Chou-king, le livre d'histoire, 58 chapitres, 2o,700 caractères; ce livre s'étend depuis Yao et Chun jusqu'à Ping-Wang de la dynastie des Tcheou (720 av. J.-C.). Traduit en Français par le P. Gaubil dont le travail a été publié avec des notes et des observations de De Guignes (Paris, 1770); en anglais par W. H. Medhurst (Shanghai, 1846), et Legge, Chinese-Classics ; 3° le Chi-king, le livre des Odes, 39,234 caractères, renferme les poésies populaires des petits Etats de la Chine recueillies par Contucius; 4° le Li-ki, livre des Rites, 49 chapitres y compris le la-hio et le Tchoung-young, 99,010 caractères; 5° le Tchoun- tsieou, le Printemps et l'Automne, le seul véritablement écrit par Confucius, environ 480 av. J.-C., comprend les annales de sa patrie, la principauté de Lou (portion de la LITTÉRATURE 97 province actuelle du Chan-(oung), de 7*22 à 481 av. J.-C. Le Yo-king, livre de la musique, a été perdu, sauf quel- canomques du second ordre ou petits Kings, comprenant: 1° les Se-chou, les quatre livres, c.-à-d. le la-hio, on Grande Science, le Tchoung-young ou le Juste Milieu (ces deux livres formaient deux chapitres du Li-ki), le Luen-yu. dialogues entre Confucius et ses diseiples, li,705 caractères, avec la paraphrase 76,736 caractères, et Meng-tseu, 34,685 caractères, avec le commentaire 209,749 caractères, le plus considérable des quatre livres, donne les conversations entre Mencius et les seigneurs de son temps; 2° les deux rituels I-li, étudié récemment par M. de Harlez, et Icheou-li, traduit par Biot; 3° le Hiao-king, livre de la piété filiale, 1,903 caractères, dont nous parlons ailleurs; 4° les trois anciens commentateurs du Ichoun-tsieou: Iso-chi, disciple de Confucius, Kong-yang, de la dynastie des Han, et Keou- lang qui vivait au 1er siècle avant notre ère; 5° le dic- tionnaire Eul-ya, qui comprend les termes employés à l'époque, répartis en dix-neuf divisions. 2° Livres d'histoire. Cette classe che se subdivise en quinze groupes: 1° histoire des différentes dynasties; 2° annales, Pien-men; 3° histoires générales; 4° histoires particulières; 5° histoires diverses; 6° documents offi- ciels; 7° biographies; 8° extraits historiques; 9° histoires d'Etals particuliers; 10" chronologie; 11° géographie; 12° administration et gouvernement; 13° constitution, lois, édits, etc.; 14° bibliographie; 15° critiques d'his- toires. Les histoires des differentes dynasties qui forment la plus importante subdivision. Tching-che, sont généra- lement faites sur le même modèle et comprennent trois sections: Ti-ki, chronique des différents empereurs de la dynastie; Tchi, mémoires sur les mathématiques, les rites, la musique, la jurisprudence, l'économie politique, les sacri- fices, l'astronomie, l'influence des éléments, la géographie et la littérature; Li-tchuen, biographies des personnes cé- lèbres et notes sur les peuples étrangers. Les histoires dynas- tiques sont au nombre de vingt-quatre; nous en donnons la liste dans le tableau de la page qui suit. Je ne puis passer en revue tous les ouvrages histori- ques, mais je ne peux pas passer sous silence le long- kien-kang-mou. Cet ouvrage, tiré et abrégé sous la direction du célèbre philosophe Tchou-hi du Tong-kien de Sse-ina Kouang, puis continué et corrigé à diverses reprises par des savants, comprend l'histoire des dynasties impériales jusqu'à celle des Youen. II a été traduit en français par le P. de Mailla et publié (1777 à 1780) à Paris par Grosier et Leroux Deshauterayes. Le Ichou- chou-ki-nien, ou Annales des livres écrits sur bambou, 7 08 LA CHINE chronique trouvée, dit-on, 284 ans ap. J.-C. dans un tombeau des princes de Wei, comprend un abrégé de l'histoire chinoise depuis Houang-ti jusqu'à l'an 299 av. J.-C. — Les histoires locales sont extremement nom- breuses; il n'y a pas de province, de prélecture, de ville même qui n'ait son histoire; ces documents sont souvent considérables, le Kouang-toung toung-tche, a 120 vol., le Se-tchouan toung-tche, 110, le Tche-kiang toung- tche, 100; l'histoire de Chang-haï, Chang-haï hien-tche a 16 vol., le Loyang-hien-tche, 23, etc.; les rivières et les lacs, comme celui de Hang-tcheou, Si-hou-tche, les montagnes par exemple les Liou-chan (Kiou-kiang), etc., ont leur monographie. — Les grands ouvrages que nous avons l'habitude de placer dans les encyclopédies rentrent dans la classe histoire ; le plus célèbre est le Wen-hien toung-kaou de Ma Touan-lin, en 348 livres, qui a pour base le Toung-tien; il a eu deux suppléments, l'un au xvie, l'autre au xviii" siècle. — Cette classe comprend également la bibliographie, et il nous suffira pour montrer quelle importance les Chinois accordent à cette science le Kiou-tingsc-kou tsiouen-chou tsoung-mou, catalogue de la bibliothèque impériale publié par ordre de Kien- loung de 1772 à 1790, divisé en quatre parties, Se-kou, que nous avons cnuinérées plus haut, et formant deux cents livres; il a été publié en abrégé sous le titre de Kin-ting se-kou tsiouen-chou kien-ming niou-lo. 3° Livres de Philosophie. Cette série d'ouvrages com- prend non seulement les philosophes, mais aussi les écri- vains sur l'art militaire, la jurisprudence, l'agriculture, la médecine, l'astronomie et les mathèmatiqnes, l'astrologie, les arts, les répertoires scientifiques, les polygraphes, les encyclopédies, les critiques, et les ouvrages sur le bouddhisme et le taoïsme, le tout réparti en 14 subdivi- sions. Nous ne parlerons pas naturellement des ouvrages relatifs au Jou-Kiao, au Tao-Kiao, au Fo-Kiao, qui trou- vent place ailleurs (V. le § consacré aux religions natio- nales). Les plus anciens livres qui nous soient parvenus sur l'art militaire des Chinois, sont le Sun-tse ping-fa, écrit en 82 chapitres dont il reste 13, puis le Ou tse, qui sont du vi" et du iv" siècles avant l'ère chrétienne. Les examens militaires portent sur six ouvrages qui sont clas- Sse-ma-fa, Lou-tao, Leao-tse et Tai-tsoung (V. ci-dessus le § Armée). On trouvera des renseignements sur ces livres, particulièrement sur les premiers, par le P. Amiot dans le t. VII des Mémoires concernant les Chinois. Comme il est d'usage d'attribuer aux Chinois beaucoup des inventions occidentales, rappelons qu'à la suite des travaux de W. F. Mayers, on sait que la poudre à canon n'a guère été connue, et d'après des sourees étran- outre le Sun-tse et le Ou-tse, LITTÉRATURE 101 recueils, comme le Kin kou ki kouan (quarante contes: le Luth brisé, la Matrone du pays de Soung), le Che eul teou, douze étages (les Saurs jumelles, le San yu leou, l'Enfant perdu, etc.), le Liao tchai tche yi, le Houng leou mong sont connus pur les traductions d'Âbel Rémusat, du F. Dentrecolles, de Stanislas Julien, d'Hervey de Saint-Denys, de Davis, de Samuel Birch, de Robert Thom, de C.-F.-R, Allen, de Schlegel, de Giles, du général Tcbeng Ki-tong. La collection de pièces de théâtre la plus connue est celle de Youen jin ne tchong keu, répertoire de cent pièces de théâtre de la dynastie mongole dont quelques-unes sont célèbres, particulièrement la quatre- vingt-cinquième, Tchao chi Hou eul, l'orphelin de la Chine, traduite en français par le P. de Prémare et mise à la scène par Voltaire. Ajoutons enfin une littérature pro- verbiale extrêmement riche. Dans cette immensité de la littérature, les Chinois ont fait un choix d'ouvrages d'écrivains de génie qu'ils désignent sous le nom de Tsai tseu chou ; les anciens Tsai-tseu sont sous la dynastie des Tcheou : Tso chi ou Tso Kieou-Ming, Tchouang-tseu; sous les Han : Sse-ma Tsien; sous les Tang : Tou-fou, Li Tai-pe, Han-yu, Lieou Tsong-vouen; sous les Soung : Sse-ma Kouang, Wang Xgan-chi, Ngheou Yang-Siou, Sou-che; sous les Youen : Hiu-Heng, Ou— T'ching. Les Tsai-tseu modernes sont au nombre de dix: 1° San kouo tchi (Histoire des trois royaumes, traduite en partie par Théodore Pavie); -1" Hao kieou tchouan (l'Union bien assortie, traduite en anglais par Davis et en français par Guillaid d'Arcy); 3° lu-kiao-li (Deux Cou- sines, trad. par Abel Rémusat et Stanislas Julien) ; 4" Ping vhan linq yen (Deux Jeunes Filles lettrées. trad. par Stanislas Julien); 5° Choxti hou tchouan (Histoire des rivages, analysée par Bazin, dans le Siècle des Youen); 6° Si Siang-ki (Histoire du pavillon d'Occident, trad. par St. Julien); 7° Pi pa ki (Histoire du luth, trad. par Bazin); 8° Hoa tsien ki (le Rouleau fleuri, trad. par P. P. Thoms, H. Kurz et G. Schlegel); 9° Ping kouei tchouan et i0° San Ho-tsien. Les grandes époques de la littérature chinoise sont celle des Tcheou et des Tsin, avec les philosophes Confu- cius, Mencius, Lao-tseu, Li-tseu, Yang-tseu, Tchouang-tseu; celle des Han avec ses historiens et ses hommes d'Etat, Sse-ma Tsien, l'Hérodote de la Chine; des Tang, avec les poêtes Li Tai-pe et Tou-fou et le philosophe Flan Wen- koung, surtout celle des Soung avec le poête Sou Tong-po, avec Sse-ma Kouang, avec Wang Ngan-chi; encore bril- lante sous les Youen mongols, la littérature chinoise périclite sous 1cs deux dynasties suivantes, et ee qu'elle gagne quelquefois en caractère scientifique, elle le perd 'ins le domaine de l'i CHAPITRE X Philosophie. La philosophie chinoise, dans sa partie essentielle, est renfermée dans les ouvrages relatifs aux trois religions d'Etat et plus particulièrement dans les King. Nous avons eu l'occasion d en parler à propos des religions et nous y reviendrons encore aux articles Confucius, Mencius, Lao- tseu. L'idée philosophique des Chinois doit moins ce- pendant à Confucius qu'au célèbre Tchou-hi qui développa le système de VY-king. Le livre des changements Y-king, commence au lai-ki, le grand absolu, le grand extrême. Les philosophes de la dynastie des Soung ajoutèrent au Tai-ki le Wou-ki c.-a-d. l'absolu rien, l'infini. Le chef de cette école fut le célèbre Tchou-hi (1130-1200 ap. J.-C.) qui naquit dans le Fou-kien d'un père originaire du Ngan- houei. Dans son système, l'absolu rien (\Vou-ki) produit le grand absolu {Tai-ki,) qui, animé par son souffle, crée le grand principe mâle (Yang): ce dernier, dans son repos, donne naissance au principe femelle (Yin). Lorsque ces deux principes mis en mouvement finissent par se reposer, ce qui se trouve en haut est le Ciel correspondant au Yang, ce qui reste en bas est la Terre correspondant au Yin. Puis, dans la suite de leur mouvement on voit se former le soleil et la lune, les étoiles et les planêtes, l'eau et le feu, les plantes, les minéraux, les hommes, les ani- nombre de quatre : 1° Ai, le souffle de la nature, qui représente 1 énergie; 2° Li, les lois de la nature, anté- rieures au Ki; 3° So, qui donne les proportions numé- riques; enfin pour rendre tangibles ces lois, les rendre matérielles, 4° Ying, la forme de la nature. On a repré- senté ce système philosophique par des diagrammes. PHILOSOPHIE 103 Quelquefois on s'est contenté des trois pouvoirs de la nature San-tsaï : ciel, terre, homme, indiqués par un A • Les deux principes primitifs sont marqués. 1 un par une ligne droite qui correspond au Yang, par conséquent au principe mâle, à la lumière et au ciel; l'autre par une ligne coupée _ _ qui correspond au Yin, par conséquent au principe femelle, aux ténèbres et à la terre. On en a déduit les quatre figures suivantes: 1, lai-yang, qui correspond au soleil, à la chaleur, à l'intelligence, aux yeux, etc.; 2, Tai-yin, qui correspond à la lune, au froid, aux passions, aux oreilles, etc.; 3, Chao- yang, qui correspond aux étoiles, à l'aurore, à la forme, au nez, etc.; 4, Chao-yin, qui correspond aux planêtes, à la nuit, à la forme humaine, à la bouche, etc. Ces quatre figures secondaires forment les huit trigrammes ou noua, dont l'invention est attribuée à Fou—hi, le premier des cinq souverains (2852-2738 av. J.-C). La légende raconte que ces signes étaient marqués sur un rouleau qui fut porté à l'empereur par un dragon sorti du Fleuve Jaune. Ces tri- grammes représentent: 5 6 7 8 1, le Ciel; les lignes étant pleines, ce trigramme marque le principe mtïle pur; 2, la Vapeur, les exhalai- sons aqueuses, les lacs; 3, le Feu, la chaleur, la lumière; 4, le Tonnerre; o, le Vent; 6, l'Eau; 7, les Montagnes; 8, la Terre; les lignes étant brisées, ce trigramme marque le principe femelle pur. Généralement, on arrange ces huit figures sous forme octogone, à laquelle on donne le nom de sien-lien : Chin-nong, le second des cinq sou- verains, passe pour avoir multiplié par 8 les Koua de Fou-hi pour en faire 64. Ces 64 figures, multipliées par 6, en donnent 384, chiffre maximum généralement cherché, quoique l'on pré- CHAPITRE XI Beaux-arts. Les Chinois ont considéré la peinture comme une des six formes de la calligraphie. D'après la tradition, elle remonterait à la plus haute antiquité, mais elle ne date guère que de l'introduction définitive du bouddhisme en Chine au i" siècle de notre ère, et le piemier grand peintre chi- nois qui nous est signalé est Tsao Fou-hing (m" siècle), qui a exécuté des peintures pour les temples bouddhistes construits alors en grand nombre. 11 excellait dans la pain- Tombeaux cles Ming, N. de Peking. ture des dragons. Notons au vi° siècle Ichang Sang-yeov, qui peignit pour l'empereur Wou-ti des scènes bouddhistes; au vu" siècle, indiquons Yen Li-le et son frère Yen Li- peun, peintres de portraits, et Tchang-yùe, mort en 730; au vin' siècle, le plus grand artiste, Won lao-hivan ou Wou Tao-tseu, au service de l'empereur, remarquable par ses peintures de la déesse Kouan-yin. L'époque des 408 LA CHINE pies, particulièrement celui du Ciel, à Peking, et quelques beaux ponts de marbre, à Peking, au palais d'été, près de Sou-tcheou, etc. Ces ponts ont quelquefois une grande hardiesse et les arches affectent souvent la forme d'un cercle parfait. Les pagodes {la) à cinq, sept, neuf étages, sont nombreuses dans le pays; l'une, la plus célèbre, était la lameuse tour de porcelaine de Nanking, cons- truite sous les Ming, et détruite dans les dernières luttes Monument rte Wou-'.chang. pour la reprise par les Impériaux de cette capitale qui était au pouvoir des rebelles Taï-ping (1864). Les monuments de marbre sont rares ; la tombe du Lama, mort a Peking, sous Kien-loung, est un bel exemple, ainsi que la tour de Wou-tchang, mais ceci n'est pas de l'architecture chinoise. Les temples sont souvent remarquables par leur ornemen- tation, mais ils n'ont jamais le caractère grandiose des édifices religieux de l'Orient et de l'Occident. On emploie assez souvent le granit, pour la construction des ponts, pour daller les routes, pour ces sortes de portes ou d'arcs BEAUX-ARTS 109 de triomphe, appelés paï-leou, en l'honneur des veuves méritantes, des fils dévoués, etc. On peut considérer la grande sculpture comme à l'état rudimentaire; quand ils font grand, les Chinois nous donnent d'immenses Bouddha en bronze ou en bois doré, des Kouan-ti, dieux de la guerre, à la figure convulsée, etc.; Brûle-parfums. (Musée Guimet.) mais je ne vois guère à signaler d'intéressant que les groupes gigantesques de figures d'hommes et d'animaux qui marquent les approches des tombeaux des Ming à Nan- king et à Péking. Parlois, dans leurs bas-reliets ou mieux dans la pierre sculptée, ils donnent des figures fort curieuses, par exemple dans la série trouvée dans le Chan-toung et qui date du 11e siècle avant notre ère. C'est surtout dans les petits objets que le sculpteur chinois excelle; il nous donne avec le bambou des figures charmantes et il arrive, soit dans les bois noirs et durs à Canton, soit dans les bois clairs à Ning-po, à fabriquer de petits chefs-d'œuvre. L'ivoire, particulièrement travaillé à Canton, ainsi que les métaux précieux, or et argent, est destiné aux travaux très délicats. Enfin, puisque de la sculpture, nous descen- dons aux bibelots, mentionnons les laques rouges et les BEAUX-ARTS Mi n'étant pas adoucis, les notes sont souvent lausses; enfin, la mélodie n'est jamais bien définie, ni en majeur, ni en mi- neur, et il s'ensuit qu'elle manque à la fois de force et de tendresse. Somme toute, la musique chinoise est bruyante, Hou-tchin. monotone et assommante. On pourra consulter sur cet art les Mémoires du P. Amiot (Mém. conc. les Chinois, VI), Mm Charlotte Devéria (Mag. pitt., 188S) et J.-A. van Aalst (Special series, n° 6, Imp. marit. Customs ; China, 1884). (Extrait de la Grande Encyclopédie, t. XI.) 1 Prix et Conditions de Souscription k LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE La GRANDE ENCYCLOPÉDIE formera environ 25 volumes gr. in-8 colombier de 1,200 pages. Elle se publie par livraisons de 48 pages paraissant chaque semaine alternativement, une le jeudi, deux le jeudi sui- vant, soit six livraisons par mois ou trois volumes par an. En vente le 31 Juillet 1890 : Tomes I à X. Prix de la livraison, 1 fr.; du volume broché, 25 fr.; du volume relié, 30 t'r. Les souscriptions à l'ouvrage complet (volumes bro- chés ou livraisons) sont reçues au prix de: 600 francs payables à raison de 10 francs par mois ou 500 francs payables comptant. Et les souscriptions en volumes relies au prix de: 750 francs payables à raison de 15 francs par mois ou 650 francs payables comptant. Port et Douane en lus pour l'Étranger 330. - Tours, imp. E. Arrault et O.