key: cord-326843-ehw4x5vv authors: Sellal, François; Tazii, Rim; Ahle, Guido; Hautecloque, Geoffroy title: Manifestations neurologiques dans la pandémie de Covid-19 date: 2020-08-14 journal: Pratique Neurologique - FMC DOI: 10.1016/j.praneu.2020.08.011 sha: doc_id: 326843 cord_uid: ehw4x5vv Résumé La Covid-19 peut comporter des troubles neurologiques qui se partagent en 5 grands groupes : Des encéphalopathies, souvent avec agitation, confusion, troubles psychotiques, dont la physiopathogénie est sans doute multiple (syndrome inflammatoire général lié au sepsis, hypoxie, insuffisance rénale, hypercoagulabilité, agression directe du virus). Des syndromes dysimmunitaires du système nerveux central (encéphalo-myélites aiguës disséminées, plus rarement syndrome de Miller Fisher, encéphalite aiguë nécrosante hémorragique…). Des AVC, majoritairement ischémiques, dont la Covid-19 est un facteur de risque indépendant, probablement par des phénomènes d’hypercoagulabilité. Des syndromes de Guillain-Barré. Des atteintes diverses de nerfs crâniens ou des nerfs périphériques. L’anosmie, qui est très fréquente est le plus souvent due à une atteinte de l’épithélium olfactif mais peut être due à une extension de l’agression virale au nerf et au cortex olfactifs. Des études complémentaires restent nécessaires pour mieux comprendre la physiopathogénie et donc la prévention et le traitement de ces complications neurologiques dues à la Covid-19. Summary Five major categories of Covid-19 related neurological disorders emerged : Encephalopathies, often with agitation, delirium and psychosis. Their physiopathology is probably mixed (general sepsis-induced inflammation, hypoxemia, renal failure, hypercoagulability, direct viral aggression). Dysimmune CNS disorders (acute disseminated encephalomyelitis, more rarely Miller Fisher syndrome, acute haemorrhagic necrotic encephalitis…). Ischaemic strokes associated with a prothrombotic state: Covid-19 appears to be an independant risk factor of stroke. Guillain-Barré syndrome. Various cranial nerves or peripheral nerves injuries. Anosmia, which is a key symptom, is most often the consequence of the olfactive epithelial insult, but may sometimes be due to the extension of viral aggression to the olfactive nerve and cortex. Prevention, early recognition and management of COVID-19-related neurological disorders are challenging and require a better understanding of their physiopathology. François SELLAL (1,2)*, Rim TAZII (1), Guido AHLE (1), Geoffroy HAUTECLOQUE (1). 2) Des syndromes dysimmunitaires du système nerveux central (encéphalo-myélites aiguës disséminées, plus rarement syndrome de Miller Fisher, encéphalite aiguë nécrosante hémorragique…). 3) Des AVC, majoritairement ischémiques, dont la Covid-19 est un facteur de risque indépendant, probablement par des phénomènes d'hypercoagulabilité. Des syndromes de Guillain-Barré. 5) Des atteintes diverses de nerfs crâniens ou des nerfs périphériques. L'anosmie, qui est très fréquente est le plus souvent due à une atteinte de l'épithélium olfactif mais peut être due à une extension de l'agression virale au nerf et au cortex olfactifs. Des études complémentaires restent nécessaires pour mieux comprendre la physiopathogénie et donc la prévention et le traitement de ces complications neurologiques dues à la Covid-19. Mots clés : Covid-19, neurologie, encéphalopathie, Five major categories of Covid-19 related neurological disorders emerged : (1) Encephalopathies, often with agitation, delirium and psychosis. Their physiopathology is probably mixed (general sepsis-induced inflammation , hypoxemia, renal failure, hypercoagulability, direct viral aggression). (2) Dysimmune CNS disorders (acute disseminated encephalomyelitis, more rarely Miller Fisher syndrome, acute haemorrhagic necrotic encephalitis…). (3) Ischaemic strokes associated with a prothrombotic state: Covid-19 appears to be an independant risk factor of stroke. (4) Guillain-Barré syndrome. (5) Various cranial nerves or peripheral nerves injuries. Anosmia, which is a key symptom, is most often the consequence of the olfactive epithelial insult, but may sometimes be due to the extension of viral aggression to the olfactive nerve and cortex. Prevention, early recognition and management of COVID-19-related neurological disorders are challenging and require a better understanding of their physiopathology. KeyWords : Covid-19; neurology; encephalopathy Il est rare de décrire une nouvelle maladie à l'échelle mondiale. C'est l'occasion qu'offre l'épidémie de Covid-19 qui, perçue au début comme étant surtout dominée par un syndrome respiratoire aigu, se révèle de sémiologie bien plus protéiforme voire surprenante. Les neurologues ont très rapidement été alertés par des manifestations cliniques de leur ressort, dont le périmètre exact est encore sujet d'investigations voire de controverses, notamment sur le plan thérapeutique. Une des questions reste de faire la part entre des troubles qui seraient directement dus au virus et d'autres qui procèderaient de mécanismes secondaires, par exemple immunomédiés ou dus au sepsis. Le SARS-CoV2. La SARS-CoV-2 partage beaucoup d'homologies avec le SARS-CoV-1. Ses protéines S (pour spike, pointe) de surface lui permettent de se fixer au récepteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine 2 (ACE2). La distribution de celui-ci dans le corps éclaire la sémiologie, puisqu'on en trouve dans l'épithélium des voies aériennes, des reins, de l'intestin grêle, des poumons, des vaisseaux et dans le système nerveux central (SNC) Dans le SNC les récepteurs de l'ACE2 seraient surtout distribués dans la substantia nigra, les ventricules, le lobe temporal moyen, le gyrus cingulaire postérieur et le bulbe olfactif [2] . Il reste à mieux préciser la nature et l'ampleur des symptômes neurologiques que suggère cette distribution des récepteurs de l'ACE2. Le neurotropisme de SARS-CoV-2 chez l'homme est encore sujet de discussions. Une des voies de contamination supposées est la voie trans-synaptique à partir de l'épithélium olfactif via les filets nerveux gagnant le bulbe olfactif. En faveur de cette hypothèse militent la fréquence de l'anosmie dans le Covid-19, mais aussi le fait que dans des modèles murins exprimant ACE2 l'inoculation intranasale de SARS-CoV-1 permet une invasion virale du SNC via la lame criblée [3] . Une alternative serait la voie hématogène par migration des globules blancs à travers la barrière hémato-méningée, ou encore l'infection endothéliale des vaisseaux du système nerveux central. Nous nous limiterons ici aux manifestations neurologiques connues, sans aborder les aspects thérapeutiques, encore peu aboutis. Dans une étude rétrospective sur 214 patients menée à Wuhan (Chine), il s'agissait des symptômes neurologiques les plus fréquents (16,8% des cas pour l'instabilité ; 13% des cas pour les céphalées), sans être influencés par la sévérité du tableau clinique. Leur manque de spécificité et la pauvreté de leur description sémiologique n'en font pas des caractères cliniques très discriminants [4] . Curieusement, dans la même étude chinoise ces plaintes n'étaient relevées que chez, respectivement, 5,1% et 5,6% des patients [4] , alors que leur prévalence était de 19,4% en Italie [5] et même de 85,6% pour l'anosmie et 88% pour la dysgueusie dans une étude majoritairement européenne, plus récente [6] . L'anosmie ne pouvait être imputée à une rhinite, puisque ceux qui n'avaient aucune congestion nasale étaient hyposmiques ou anosmiques dans 79,7% des cas. Les femmes étaient significativement plus touchées que les hommes. Les troubles étaient précoces, ce qui fait de ce symptôme un marqueur précoce du Covid-19 en contexte épidémique. Le délai de récupération des troubles de l'olfaction pouvait être rapide : en 1 à 4 jours dans 33% des cas ; en 5 à 8 jours dans 39.6% des cas ; en 9 à 14 jours dans 24.2% des cas et en plus de 15 jours dans 3.3% des cas [6] . Les différences de prévalence entre les populations chinoises et occidentales pourraient être liées à des mutations des protéines de surface du virus, voire à des différences d'ACE2, qui est le récepteur du SARS-CoV-2, qui pourraient être spécifiques à certaines populations [6] . On peut noter que dans l'étude ayant trouvé le plus d'anosmie, l'olfaction était examinée de façon systématique et non pas par un simple interrogatoire. Or on sait qu'il existe une profonde sous-estimation de l'anosmie dans les interrogatoires [7] . Ainsi, on a remarqué que 98% des patients Covid-19 présentaient une perte d'olfaction objective alors que seuls 38% la reportaient spontanément [8] . L'anosmie a été attribuée à une atteinte de l'épithélium olfactif, plutôt qu'à une atteinte nerveuse [7] . Toutefois, chez une femme de 25 ans présentant une anosmie imputée à SARS-CoV-2, on a récemment montré en IRM, de façon réversible, une hyperintensité FLAIR des deux bulbes olfactifs et du gyrus rectus, témoignant de l'invasion du cortex olfactif par le coronavirus [9] . Cette observation a été récemment dupliquée chez un Marseillais de 27 ans [10]. Les troubles de la conscience sont significativement plus fréquents dans les formes sévères de la maladie (14,8 vs 2,4%, dans l'étude de Mao) [4] . Leur mécanisme n'est pas univoque : agression directe Les méningo-encéphalites associées de façon directe au SARS-CoV-2 sont plutôt rares, de 6 à 9,5 % selon les séries [11, 12, 13] . Dans un cas radio-clinique démonstratif a été décrit un tableau d'encéphalite limbique, avec atteinte unilatérale mésio-temporale droite, ce qui conforte l'hypothèse d'une extension virale trans-synaptique depuis les régions olfactives [14] . Toutes les séries mentionnent une fréquente confusion mentale: 65% des malades en service de réanimation, avec fréquente agitation [16] . Dans une autre série des troubles de la conscience ont été observés dans 78% des cas d'encéphalopathie [11] , les mécanismes toxiques ou métaboliques pouvant être d'origine multiple: orage cytokinique, sepsis et son cortège inflammatoire, insuffisance rénale, troubles ioniques… [2, 11, 12] . Dans ces cas, ni l'IRM cérébrale ni l'examen du LCR ne montrent d'anomalie spécifique [12] . Les crises épileptiques, quoique considérées comme fréquentes chez les malades réanimés lors d'une infection à coronavirus [17] , n'ont pas souvent été rapportées dans la Covid-19. Dans une série chinoise de 304 patients souffrant de Covid-19 seuls 2 patients auraient manifesté des épisodes "d'allure épileptique" dans un contexte de troubles ioniques [18] . Dans une plus récente série française de 222 patients ne furent enregistrés que 8 cas ayant fait une crise épileptique isolée [11] . Il est donc peu probable que la genèse des troubles de la conscience relève de crises comitiales. Un sévère cas d'encéphalopathie aiguë nécrotico-hémorragique a été décrit [19] , longtemps de façon isolée. La ponction lombaire était stérile mais d'exploitation difficile et les auteurs ont attribué ce tableau, comme dans les infections à influenza, à l'orage cytokinique pouvant compliquer l'infection à SARS-CoV-2. Une série anglaise toute récente de 43 patients COVID neurologiques, dont seulement 29 prouvés virologiquement, a trouvé un nombre étonnamment élevé d'encéphalo-myélopathies aiguës disséminées (ADEM) ou des tableaux proches, dont le tiers (4/12) présentait des lésions hémorragiques. Alors que les images IRM étaient parfois impressionnantes, l'analyse du LCR ne montrait pas d'Ac spécifiques (tels que des Ac anti-NMDAr, MOG, AQP4, LGI1 ou GAD). Les malades furent traités par corticoïdes ou immunoglobulines polyvalentes, avec des réponses variables mais plutôt favorables [12] . Toutes les grandes séries mentionnent la survenue d'AVC [4, 20, 21] , à une fréquence allant de 6% [20] à 1,7% [21] . Si on se limite à la population faisant des complications neurologiques de la Covid-19, les AVC en représentaient de 28,4% des cas dans une série française [11] à 62% dans une série anglaise récente [13, 15] . Il s'agit dans l'immense majorité des cas d'AVC ischémiques. Leur physiopathogénie pourrait relever d'une perturbation des phénomènes de coagulation, du fait du syndrome inflammatoire, mais aussi d'un état d'hypercoagulabilité propre à la Covid-19, dont témoignent des taux plus élevés de D-dimères, comme ceci avait déjà été rapporté dans le MERS [2, 22] [15] . La Covid-19 apparaît ainsi comme un facteur de risque indépendant d'infarctus cérébral [25] . Elle est très largement dominée par le syndrome de Guillain-Barré, survenant 5 à 10 jours (avec une fourchette de 7 à 24 jours) après le début des signes d'infection virale. Il pourrait représenter 7% des complications neurologiques [2, 11] . Seulement trois patients ont eu une diarrhée précessive [11, 15] . De façon exceptionnelle ont été décrits un syndrome de Miller-Fisher [11, 26, 27] , des atteintes diverses de nerfs crâniens (outre le nerf olfactif), du nerf fibulaire péronier [2, 11, 15] . En plus des banales polyneuropathies de réanimation, particulièrement fréquentes du fait de la longueur des soins de réanimation, une mention particulière peut être faite du syndrome de Tapia, qui associe une atteinte du X e et du XII e nerfs crâniens. Celui-ci est une complication classique et rare de l'intubation oro-trachéale, mais a été décrit avec une particulière fréquence dans la Covid-19, du fait de la mise en position ventrale des malades intubés [11, 28] . Des précautions particulières ont été formulées pour les patients présentant une sclérose en plaques traités au long cours par des immunosuppresseurs. Les corticoïdes pour lesquels quelques craintes Recovery. L'interaction entre Covid-19 et SEP est résumée dans l'éditorial de J. de Sèze dans ce numéro de la revue [29] , qui cite les données du registre français multicentrique COVISEP. Il n'y avait pas d'association entre la durée du traitement immunomodulateur ou immunosuppresseur et la sévérité de la Covid-19. Les facteurs indépendants de gravité étaient l'âge, la sévérité du score EDSS et l'obésité [30] . Bien que la Covid-19 soit avant tout une infection respiratoire, les complications neurologiques se révèlent fréquentes. Si le mécanisme de la très fréquente anosmie témoigne le plus souvent d'une atteinte de l'épithélium olfactif, il peut être lié à une atteinte associée du nerf ou du cortex olfactif. Dans l'ensemble, les divers syndromes neurologiques décrits relèvent de mécanismes divers, parfois intriqués, qui vont de l'agression neuronale directe par le virus à des mécanismes dysimmunitaires ou généraux (syndrome inflammatoire général lié au sepsis, hypoxie, insuffisance rénale, hypercoagulabilité). La Covid-19 apparaît être un facteur de risque indépendant d'AVC, pour lequel des recherches thérapeutiques préventives sont en cours. D'une meilleure compréhension de la physiopathogénie des troubles déboucheront de meilleures stratégies préventives et curatives. L'auteur n'a pas transmis ses conflits d'intérêts éventuels en relation avec cet article. Early lessons from the frontline of the 2019-nCoV outbreak Neuropathogenesis and Neurologic Manifestations of the Coronaviruses in the Age of Coronavirus Disease 2019: A Review Lethal infection of K18-hACE2 mice infected with severe acute respiratory syndrome coronavirus Neurologic Manifestations of Hospitalized Patients With Coronavirus Disease Olfactory and gustatory function impairment in COVID-19 patients : Italian objective multicenter-study. Head Neck Olfactory and gustatory dysfunctions as a clinical presentation of mild-to-moderate forms of the coronavirus disease (COVID-19): a multicenter European study Online ahead of print Letter to the Editor about the Beltrán-Corbellini et al. Acuteonset smell and taste disorders in the context of Covid-19: a pilot multicenter PCR-based casecontrol study Smell dysfunction: a biomarker for COVID-19. Int Forum Allergy Rhinol Magnetic Resonance Imaging Alteration of the Brain in a Patient With Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) and Anosmia The emerging spectrum of COVID-19 neurology: clinical, radiological and laboratory findings UK-wide surveillance of neurological and neuropsychiatric complications of COVID-19: the first 153 patients A first case of meningitis/encephalitis associated with SARS-Coronavirus-2 Neurological associations of Covid-19 Psychiatric and neuropsychiatric presentations associated with severe coronavirus infections: a systematic review and meta-analysis with comparison to the COVID-19 pandemic Coronavirus HKU1 and other coronavirus infections in Hong Kong New onset acute symptomatic seizure and risk factors in coronavirus disease 2019 : a retrospective multicenter study COVID-19-associated acute hemorrhagic necrotizing encephalopathy: CT and MRI features Acute cerebrovascular disease following COVID-19 : a single center, retrospective, observational study Neurologic manifestations in hospitalized patients with COVID-19 : The ALBACOVID registry The neurological manifestations of COVID-19 : a review article SARS2-CoV-2 and Stroke in a New York Healthcare System Covid-19 is an independant risk factor for acute ischemic stroke Miller Fisher Syndrome and polyneuritis cranialis in COVID-19 COVID-19 presenting with ophthalmoparesis from cranial nerve palsy Tapia Syndrome at the Time of the COVID-19 Pandemic: Lower Cranial Neuropathy Following Prolonged Intubation Les manifestations neurologiques du Covid-19. Pratique Neurologique (XXX) Clinical Characteristics and Outcomes in Patients With Coronavirus Disease 2019 and Multiple Sclerosis