key: cord-020707-m8y0jhv5 authors: Bourée, P. title: Maladies exotiques : maladies émergentes du xx(e) siècle date: 2008-01-03 journal: Antibiotiques (Paris) DOI: 10.1016/s1294-5501(04)94267-7 sha: doc_id: 20707 cord_uid: m8y0jhv5 nan Considérées comme sujets de curiosité voire d'étonnement, il y a encore à peine un siècle en Europe, les maladies dites « exotiques » ont suscité un intérêt rapidement croissant dans tous les pays tempérés. De nombreux facteurs expliquent un tel phénomène. En effet, au XIX e siècle, les séjours outre-mer étaient l'apanage de quelques missionnaires, explorateurs et militaires, et les pathologies qu'ils contractaient étaient traitées soit sur place, soit en France dans les centres spécialisés comme les hôpitaux militaires ou quelques hôpitaux civils orientés vers les maladies infectieuses comme par exemple les hôpitaux parisiens Claude-Bernard ou Pasteur. Ces deux hôpitaux ont fermé leurs portes, courant XX e siècle, mais la prévalence des maladies infectieuses et en particulier tropicales n'a pas diminué pour autant, bien au contraire. Pourtant, vers le milieu du XX e siècle, les infectiologues étaient optimistes. De nombreux médicaments antibiotiques et antiparasitaires étaient efficaces et semblaient pouvoir faire régresser la plupart des infections. L'OMS envisageait la possibilité d'éradiquer un certain nombre de maladies comme la variole, la poliomyélite [1] , la dracunculose [2] et le paludisme. Le corps de santé militaire avait d'ailleurs beaucoup oeuvré dans le dépistage et le traitement des affections tropicales. Mais, seule, en fait, la variole a été éradiquée. En effet, il a vite fallu déchanter, car sont apparues d'une part des résistances aux médicaments anti-infectieux et d'autre part des nouvelles maladies : les fièvres hémorragiques tropicales, l'ulcère de Buruli, le sida, la maladie de Lyme, l'encéphalite spongiforme bovine (ou « maladie de la vache folle ») [3] et tout récemment le SRAS [4] . Est-ce la nature qui se joue des découvertes de l'homme, ou le « génie épidémique » qui joue avec l'homme, comme le prévoyait déjà Charles Nicolle, Prix Nobel 1928 ? Par ailleurs, les voyages outre-mer sont devenus très communs et fréquents (environ 8 millions d'européens vont dans le Tiers-Monde chaque année) pour des raisons touristiques, familiales ou professionnelles, En métropole, le nombre de sujets originaires de pays tropicaux est important, d'autant plus que les conflits militaires sur un fond de problèmes politiques et économiques sont multiples et récurrents dans ces zones, dégradant d'autant les infrastructures sanitaires des pays concernés. La pharmacopée antiparasitaire a fait d'énormes progrès ces dernières années, avec la mise sur le marché de médicaments proches du médicament « idéal » selon l'OMS, c'est-à-dire efficaces, bien tolérés, ayant un large spectre d'activité et en prise unique, comme le praziquantel, l'ivermectine ou l'albendazole. En échange, les études concernant les vaccins contre les maladies parasitaires ont échoué, malgré les résultats intéressants de l'équipe d'A. Capron (Lille) [5] sur la bilharziose, ou plus discutables de M. Pattaroyo (Colombie) sur le paludisme, mais les recherches continuent [6] . Cependant, si certaines maladies tropicales régressent, comme la lèpre [7] ou la dracunculose, d'autres progressent comme le sida (dont 95 % des patients se trouvent en pays tropical) avec son cortège d'affections opportunistes bactériennes, virales, fongiques ou parasitaires comme les leishmanioses [8] . La bilharziose s'étend parallèlement à l'extension des cultures et des besoins de l'irrigation. La trypanosomose humaine africaine (ou maladie du sommeil), a été reléguée dans la profondeur des forêts, après la démonstration de l'efficacité des équipes mobiles créées par Jamot. Mais elle réapparaît en force dans de nombreux pays africains, y compris dans les villes [9] malgré les travaux de l'IRD (Institut de Recherche pour le Développement, ex-Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer ou ORSTOM) ou de l'OCEAC (Organisation de Coordination pour la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale, dont le siège est à Yaoundé), et sa prévalence atteint aujourd'hui celle de 1920 : quel recul catastrophique ! Mais les équipes médicales repartent à l'assaut de ce fléau [10] . Le paludisme ne s'étend pas en surface, mais pose un autre problème : celui de la diffusion de la chimiorésistance du Plasmodium aux différents antipaludiques. En effet, la chloroquino-résistance, limitée à l'Amazonie et à l'Asie du Sud Est au milieu du siècle dernier, s'est étendue à toutes les zones d'endémie, nécessitant le recours à de nouvelles molécules, comme l'artémisinine, qui est d'ailleurs une plante utilisée en Chine depuis plus de 2000 ans contre les fièvres. De même, les nouveaux produits antipaludiques disponibles sont des associations de molécules avec le but de retarder l'apparition des résistances [11] . Et, à défaut d'éradication, l'OMS doit se résoudre maintenant à surveiller l'extension de la chimiorésistance, et voudrait faire reculer le paludisme : « Roll Back Malaria » : tel est le nouveau cri de guerre de l'OMS… espérons qu'il sera plus efficace que les mesures précédentes [12] . Malgré les progrès thérapeutiques, la morbidité et la mortalité des affections parasitaires restent toujours très importantes actuellement. Quelques statistiques annuelles de l'OMS sont éloquentes : paludisme 300 à 400 millions de malades et 1 à 2 millions de décès, ascaridiose 1 milliard de sujets infestés (dont 20 000 décès), ankylostomose 900 millions de sujets infestés (dont 60 000 décès), amibiase 400 millions de sujets infestés (dont 30 000 décès), bilharziose 200 millions dont 500 000 décès [5] . Et pourtant, ces affections seraient évitables en luttant contre le péril fécal et les transmissions vectorielles. Mais ces principes élémentaires sont rarement respectés, soit par ignorance, soit par coutumes ancestrales locales difficiles à modifier. Aussi, n'est-il pas étonnant de constater que plus de la moitié des voyageurs des zones tropicales ont un problème de santé soit sur place, soit au retour. Ainsi, les maladies tropicales et parasitaires en particulier sont-elles devenues très communes avec la multiplicité des échanges entre les pays tempérés et les régions tropicales, et en dehors des cas particuliers, ne sont plus réservées aux spécialistes. Tout médecin peut désormais être confronté aux conseils de prévention (vaccinations, chimioprophylaxie, hygiène de vie sur place) ou aux pathologies du retour. Etant donné le peu d'heures d'enseignement consacrées dans les facultés à ce domaine, il est important et nécessaire que les revues médicales compensent cela en consacrant de plus en plus d'articles à ces pathologies, appelées parfois « exotiques », mais qui devraient plutôt être considérées comme des maladies d'importation qui vont devenir de plus en plus fréquentes. Bientôt l'éradication mondiale de la poliomyélite Dracunculiasis (Guinea worm disease) and the eradication initiative The epidemics of bovine spongiform encephalopathy and variant Creutzfeldt-Jakob disease : current status and future prospects Severe acute respiratory syndrome Vaccine development against schistosomiasis from concepts to clinical trials Progress with new malaria vaccines Leprosy elimination : track record and prospects Visceral leishmaniasis in those infected with HIV : clinical aspects and other opportunistic infections L'épidémiologie de la trypanosomiase humaine africaine : une histoire multifactorielle complexe Situation de la maladie du sommeil en Prophylaxie et traitement du paludisme : problèmes, récents développements et perspectives Roll back malaria : technically feasible or just politically correct ?