key: cord-314111-bqmfmcfm authors: Yazdanpanah, Yazdan; Guéry, Benoît title: Les antirétroviraux ont-ils une place dans le traitement du syndrome respiratoire aigu sévère ? date: 2006-01-31 journal: La Presse Médicale DOI: 10.1016/s0755-4982(06)74531-6 sha: doc_id: 314111 cord_uid: bqmfmcfm Points essentiels L’inhibition d’une protéase ou d’une protéine de fusion est une approche générale en chimiothérapie antivirale et n’est pas spécifique du VIH. Les molécules qui provoquent ces phénomènes sont, en général, très spécifiques d’un virus ou d’une famille virale. Dans le traitement du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) liés à severe acute respiratory syndrome-Coronavirus (SARS-CoV), l’évaluation de l’efficacité des anti-VIH était essentiellement motivée par l’absence d’alternatives thérapeutiques devant un virus émergent, dans un contexte épidémique inquiétant. Aucun des traitements commercialisés dans la prise en charge des patients vivant avec le VIH ne semble efficace dans le traitement du du SARS-CoV. Les données in vitro sont non concluantes et les données cliniques fragiles. Des résultats préliminaires sur les inhibiteurs de protéase et les inhibiteurs d’entrée à un stade précoce de développement, très en amont des phases cliniques, ouvrent des perspectives intéressantes. Key points Inhibition of viral assembly (protease inhibitors) and of fusion of viral and target membranes (fusion inhibitors) are general approaches to antiviral treatment, not specific for HIV. Nonetheless, the agents that induce these phenomena are most often specific for a given virus or virus family. Drugs developed for HIV treatment were reevaluated for use against severe acute respiratory syndrome-coronavirus (SARS-CoV) during and after the epidemic in 2003, in view of the absence of any other available treatment. Of the protease and entry inhibitors approved for treating HIV-infected patients, none was effective against SARS-CoV, although in vitro activity against this virus was reported for the protease inhibitor lopinavir/ritonavir, in results that have not been confirmed in the most recent studies. The epidemiologic methods used to assess this drug's efficacy are not robust. Preliminary results for SARS treatment with protease and entry inhibitors, although at early stages of development, are promising. . Une résurgence de l'épidémie de SRAS est possible. Parmi les traitements antiviraux disponibles, la ribavirine a été utilisée chez les patients infectés par le SRAS au début de l'épidémie. Le bénéfice clinique de ce médicament n'a jamais été montré [4, 5] . Les études in vitro ont montré son inefficacité sur le SARS-CoV [6] . La ribavirine est associée à une fréquence élevée d'effets indésirables, parfois graves [7] . L'utilisation de la ribavirine n'est pas recommandée. De nombreuses équipes tentent d'identifier un traitement antiviral efficace. L'interféron et deux familles de traitements utilisées chez les patients vivant avec le VIH: les inhibiteurs de protéases (IP) et les inhibiteurs d'entrée, ont une activité potentielle [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] . L'inhibition d'une protéase ou d'une protéine de fusion est une approche générale en chimiothérapie antivirale et n'est pas spécifique du VIH. Les molécules qui provoquent ces phénomènes sont, en général, très spécifiques d'un virus ou d'une famille virale. Dans le traitement du SARS-CoV, l'évaluation de l'efficacité des anti-VIH, le virus pour lequel il existe le plus grand nombre de molécules, était essentiellement motivée par l'absence d'alternatives thérapeutiques devant un virus émergent, dans un contexte épidémique inquiétant. Le SARS-CoV contient une protéase virale (SARS-CL protease) qui intervient dans l'étape d'assemblage des protéines virales [13] . Des travaux ont été conduits pour rechercher une éventuelle efficacité in vitro des IP commercialisés, à un stade précoce de développement, ou abandonnés au cours de leur développement pour cause, notamment, d'effets secondaires. L'association lopinavir/ritonavir a été la seule à être efficace in vitro [8, 10] . Des données issues d'observations épidémiologiques et cliniques allaient dans le sens de l'efficacité des multithérapies antirétrovirales en général et du lopinavir/ritonavir en particu-lier [10, 16, 17] . Une première étude a montré l'absence de contamination chez 19 patients séropositifs pour le VIH hospitalisés au même moment et au même étage d'un hôpital de Guangdong en Chine, qui accueillait des patients atteints de SRAS. Des contacts non protégés avaient eu lieu entre les patients SRAS et les patients séropositifs pour le VIH [16, 17] . Parallèlement, 6 cas de SRAS ont été observés chez les 28 personnels soignants ayant travaillé au même étage (considérés comme groupe témoin). Compte tenu de ces observations, 2 hypothèses ont été proposées: l'interférence de l'infection par le VIH avec la réplication du SARS-CoV pouvant empêcher le développement du SRAS, et/ou un éventuel effet prophylactique des traitements antirétroviraux. Une autre étude de Chu et al. a évalué l'efficacité clinique de lopinavir/ritonavir chez les patients infectés par le SRAS [10] . Les auteurs ont observé un nombre significativement moins important de syndromes respiratoires aigus et de décès (2,4 %) chez 41 patients atteints de SRAS recevant dès l'admission un traitement par lopinavir/ritonavir (400/100 mg x 2/j) et ribavirine que dans une cohorte historique de 111 patients ayant reçu la ribavirine seule à leur admission (28,8 %). Les études in vitro plus récentes n'ont pas confirmé les données des premières études [9, 13] . La faible, voire l'absence d'efficacité in vitro de lopinavir/ritonavir, associée à une CI50 d'environ 25 μm, a été montrée dans l'étude menée de Wu et al. [13] . Les autres IP et antirétroviraux commercialisés n'ont jamais été montrés comme étant efficaces in vitro [13] . Seul un IP en phase très précoce de développement dans le VIH semble être efficace et prometteur [13, 18] . L'étude de Chen et al. rapportant l'absence de survenue des cas de SRAS chez 19 patients infectés par le VIH ne peut pas conclure à un effet prophylactique des traitements antirétroviraux car 8 des 19 patients de cette étude ne recevaient pas de traitement antirétroviral [16, 17] . Parmi ceux qui recevaient un traitement antirétroviral, seuls deux recevaient un IP et il s'agissait de l'indinavir, qui n'a jamais montré d'efficacité in vitro. La survenue d'un plus grand nombre de cas de SRAS chez le personnel soignant par rapport aux patients séropositifs pour le VIH est difficilement interprétable car le type de contact d'un soignant avec un patient ne peut être comparé aux contacts d'un patient avec un autre patient. Enfin, l'étude de Chu et al. montrant l'efficacité clinique de lopinavir/ritonavir chez les patients infectés par le SRAS était une comparaison historique [10] . La différence constatée entre les 2 groupes peut être liée à une évolution dans le temps de la prise en charge des patients en général et non au traitement par lopinavir/ritonavir. Compte tenu de l'absence de randomisation, la différence de l'efficacité dans les deux groupes peut être liée à des caractéristiques différentes des patients de ces deux groupes. D'autres études fondées sur des schémas d'études plus robustes et un plus grand nombre de patients sont donc nécessaires. Ces études ne pouvaient bien sûr pas être menées au cours de la première Mise au point infectiologie Les antirétroviraux ont-ils une place dans le traitement du syndrome respiratoire aigu sévère ? épidémie du SRAS, compte tenu de l'urgence dans laquelle se trouvaient les cliniciens, et de la méconnaissance de l'origine de l'épidémie au départ. Le rationnel de l'utilisation des inhibiteurs d'entrée dans le traitement du SARS-CoV, utilisés plus tardivement que les IP et seulement in vitro, résulte de la découverte d'une similarité entre les séquences des acides aminés composant les domaines HR1 et HR2 de la gp 41 du VIH et la protéine de spicule de SARS-CoV [11] . La protéine de spicule de SARS-CoV est, comme la gp 41 dans le VIH, une glycoprotéine de l'enveloppe virale qui permet la fusion de l'enveloppe du SARS-CoV et de la membrane cytoplasmique des cellules cibles. Comme dans le VIH, la protéine de spicule comporte deux domaines qui sont le HR1 et le HR2. Dans la pathologie VIH, la fusion du virus avec la membrane cytoplasmique des CD4 découle d'une interaction entre HR1 et HR2. Les inhibiteurs d'entrée et notamment l'enfuviritide se fixent sur HR1 et empêchent la fixation du HR1 sur HR2 et sur la membrane de la cellule cible. Compte tenu de la similarité retrouvée entre les séquences des acides aminés des domaines HR1 et HR2 de la gp 41 et de la protéine de spicule, la question soulevée est la suivante : peut-on recourir aux inhibiteurs de fusion utilisés dans le VIH ou comme dans le VIH synthétiser des peptides correspondant aux séquences des domaines HR1 et HR2 de la protéine de spicule et empêcher la fusion du SARS-CoV avec la membrane cytoplasmique des cellules cibles ? Les résultats préliminaires sont encourageants [11, [13] [14] [15] . Si aucune étude n'a montré que l'enfuviritide pouvait être efficace in vitro, un inhibiteur d'entrée, en phase très précoce de développement dans le VIH, semble être prometteur [13, 19] . Des peptides correspondant aux séquences des domaines HR1 et HR2 de la protéine de spicule ont été synthétisés et semblent être associés à une efficacité antivirale [11, 14, 15] . Ces résultats sont très en amont des phases cliniques et doivent être confirmé in vivo et dans les essais cliniques. Au total, aucun des traitements commercialisés dans la prise en charge des patients infectés par le VIH ne semble efficace dans le traitement du SRAS. Les données in vitro sont non concluantes et les données cliniques fragiles. Des résultats préliminaires sur les IP et les inhibiteurs d'entrée à un stade précoce de développement ouvrent des perspectives intéressantes. Les expériences acquises dans les domaines de recherche et développement pour le VIH ont certainement contribué aux avancées réalisées dans le développement des traitements antiviraux efficaces contre SARS-CoV. Si l'on assiste cette année ou dans les années à venir à une résurgence du SARS, compte tenu des avancés réalisées dans cette période post-épidémique, de multiples médicaments expérimentaux pourront être testés afin d'évaluer leur efficacité clinique. Conflits d'intérêt : aucun Identification of a novel coronavirus in patients with severe acute respiratory syndrome Probable cases of SARS by date of onset Infectious diseases. Mounting lab accidents raise SARS fears Severe acute respiratory syndrome (SARS) in Singapore: clinical features of index patient and initial contacts Clinical features and short-term outcomes of 144 patients with SARS in the greater Toronto area SARS treatment: who will lead the way forward? Common adverse events associated with the use of ribavirin for severe acute respiratory syndrome in Canada Treatment of severe acute respiratory syndrome with lopinavir/ritonavir: a multicentre retrospective matched cohort study In vitro susceptibility of 10 clinical isolates of SARS coronavirus to selected antiviral compounds Role of Lopinavir/Ritonavir in the treatment of SARS: initial virological and clinical findings Interaction between heptad repeat 1 and 2 regions in spike protein of SARS-associated coronavirus : implications for virus fusogenic mechanism and identification of fusion inhibitors Interferon alfacon-1 plus corticosteroids in severe acute respiratory syndrome: a preliminary study Small molecules targeting severe acute respiratory syndrome human coronavirus Suppression of SARS-CoV entry by peptides corresponding to heptad regions on spike glycoprotein Following the rule : formation of the 6-helix bundle of the fusion core from severe acute respiratory syndrome coronavirus spike protein and identification of potent peptide inhibitors Lack of severe acute respiratory syndrome in 19 AIDS patients hospitalized together Consideration of highly active antiretroviral therapy in the prevention and treatment of severe acute respiratory syndrome Rapid diversity-oriented synthesis in microtiter plates for in situ screening of HIV protease inhibitors Rapid diversity-oriented synthesis in microtiter plates for in situ screening: discovery of potent and selective alpha-fucosidase inhibitors