key: cord-329914-3b233vxl authors: Plantier, L.; Costes, F. title: Pratique des explorations fonctionnelles respiratoires pendant l’épidémie COVID-19 date: 2020-06-05 journal: Rev Mal Respir DOI: 10.1016/j.rmr.2020.06.002 sha: doc_id: 329914 cord_uid: 3b233vxl Due to proven risks of hospital-acquired transmission and contamination of healthcare personnel, the COVID-19 outbreak significantly disrupts lung function and exercise testing facilities. This document reports proposals made by the "Respiratory Function" and "Alvéole" working groups of the French language respiratory society with regard to the completion of lung function testing at rest, cardiopulmonary exercise testing and the 6-minute walking test, in the current period of activity resumption following the lifting of the strict lockdown in force from March 17 to May 11, 2020. Préambule et mise en garde L'objectif de ces propositions est de prévenir la transmission du virus SARS-Cov2 lors de la pratique des explorations fonctionnelles respiratoires au repos et à l'exercice, dans le contexte général de l'assouplissement progressif des mesures de distanciation sociale débuté le 11 mai 2020. L'ensemble des propositions rassemblées dans le présent document représente l'état des réflexions des groupes de travail « Fonction Respiratoire » et « Alvéole » de la SPLF en date de sa publication. Ces propositions reposent d'une part sur les données actuelles des connaissances concernant l'épidémiologie et la transmission du COVID-19, et d'autre part sur un consensus des praticiens francophones impliqués dans la réalisation et l'encadrement des explorations fonctionnelles respiratoires. Ces propositions n'ont pas de caractère opposable. Les arbitrages éventuels quant à l'attribution des équipements de protection individuelle ne sont pas de la responsabilité des personnels et des encadrants pratiquant ces explorations. Contexte Les données essentielles concernant l'épidémiologie et la transmission de SARS-Cov2 peuvent être résumées de la façon suivante. Une fraction minoritaire de la population française a développé des anticorps ciblant SARS-Cov2 témoignant d'un contact avec le virus. Il existe d'importantes variations sur ce point entre les régions françaises [1] . La contagiosité de l'infection par SARS-Cov2 est très importante 48h avant l'apparition des premiers symptômes [2] . La moitié des sujets infectés reste asymptomatique et est très probablement contaminante [3] . La persistance de l'ARN viral semble nulle dans la sphère ORL au-delà de 30 jours après le début des symptômes [2, 4, 5] , mais pourrait perdurer au-delà dans le poumon profond. Des quelques données disponibles sur le produit d'aspiration sous-glottique, on peut retenir la positivité de la RTPCR au-delà de 3 semaines chez 2 patients sur 3 [5] et 6 patients sur 9 [6] . On peut rappeler que la persistance dans le poumon profond de l'ARN viral au-delà du 50 e jour avait été observée chez des patients infectés par SARS-Cov1 [7] . La transmission interhumaine de SARS-Cov2 semble attribuable pour partie à des modalités « gouttelettes » et « contact » [8] . Des aérosols contenant l'ARN de SARS-Cov2 ont été détectés dans l'air des hôpitaux chinois. Les particules étaient de diamètre submicrométrique (0.25-1 µm) et >2.5 µm, c'est-àdire aéroportées. Leur concentration était maximale dans les locaux non ventilés [9] . Le virus SARS-Cov2 reste viable plus de 3h en aérosol [10] . Les bioaérosols représentent une voie de contamination possible. Cette notion est soutenue notamment par l'observation d'un foyer de cas distribués le long des flux aériens dans des locaux climatisés [11] . Cette possibilité est reconnue par le rapport de la Haute Autorité de Santé en date du 8 avril 2020 [8] . On rappelle que les manoeuvres expiratoires forcées effectuées au cours des EFR sont génératrices de bioaérosols en provenance du poumon profond [12] . Proposition 1 : Le déplacement d'un patient dans une structure d'EFR représente une levée des mesures de distanciation sociale et donc un risque infectieux, pour le patient comme pour les personnels. Par ailleurs, il est attendu que la mise en oeuvre des mesures complémentaires d'hygiène citées plus bas réduise de façon importante la disponibilité de l'EFR. Il est donc proposé que la réalisation d'EFR soit limitée aux situations où le résultat de l'examen modifie directement l'attitude thérapeutique. Un exemple indiscutable d'une telle situation est le bilan préthérapeutique en oncologie. En dehors du contexte de l'oncologie, l'indication de l'EFR doit faire l'objet d'une évaluation intégrant le bénéfice pour le patient, le risque pour les soignants, et la disponibilité de l'examen. Des exemples de situations où l'EFR peut être indiquée sont présentés ci-dessous. Cette liste n'est pas exhaustive. -Indication ou surveillance d'un traitement spécifique chez un patient présentant une pneumopathie interstitielle ou obstructive -Diagnostic d'un asthme difficile à contrôler, d'un asthme sévère, d'un asthme professionnel -Surveillance d'un patient exposé à un risque respiratoire, en l'absence de technique alternative (par exemple : risque de bronchiolite constrictive dans le contexte de l'allogreffe de moëlle) -Diagnostic d'une dysfonction neuromusculaire -Bilan pré transplantation d'organe -Protocoles thérapeutiques Proposition 2 : Il n'existe aucune indication à la réalisation d'EFR chez un patient considéré comme un cas suspect/probable d'infection COVID 19 active, sauf situation où la réalisation de l'EFR serait jugée indispensable. La structure d'EFR (service/secteur hospitalier ou cabinet libéral) doit donc être considérée comme un secteur à faible densité virale. Il est préférable que la structure d'EFR soit localisée dans un secteur non dédié à la prise en charge des patients COVID-19. Chez tout patient consultant une structure d'EFR on pratiquera au préalable : ⁻ Un interrogatoire à la recherche de signes ORL (odynophagie, rhinorrhée) ou respiratoires (toux, expectoration, dyspnée ou leur modification par rapport à l'état habituel), et de la notion d'un contage. Des procédures de ce type ont été mises en place à l'échelle de l'établissement entier dans de nombreuses structures de soins. ⁻ Eventuellement complété d'une mesure de la température En cas de signe clinique ou de fièvre (T° > 38°C) : ⁻ l'examen ne doit pas être réalisé, ⁻ on veillera à ce que le patient soit équipé d'un masque chirurgical, ⁻ on adressera le patient aux interlocuteurs adaptés (médecin traitant en médecine ambulatoire, médecin référent en médecine hospitalière). Le délai devant être respecté avant la réalisation d'une EFR chez un patient ayant présenté une infection COVID-19 n'est pas codifié. Un délai de 4 semaines est reconnu comme un minimum. Ce délai est justifié par 1) la notion de la génération de bioaérosols en provenance du poumon profond au cours des manoeuvres respiratoires forcées et 2) la notion de la persistance de l'ARN viral de SARS-Cov2 au-delà de 3 semaines dans le poumon profond. Proposition 3 : Bien que la structure d'EFR réponde à la définition d'un secteur à faible densité virale, nous considérons que des précautions complémentaires visant à protéger les personnels et les patients sont indispensables du fait 1) de la contagiosité des sujets asymptomatiques et 2) des particularités de l'EFR et notamment de la génération de gouttelettes et/ou d'aérosols potentiellement infectants lors des manoeuvres expiratoires [12] et la toux [13, 14] , du risque de déconnexion accidentelle du filtre antimicrobien et de la possibilité d'une toux induite par l'examen. De plus, le risque de contamination nosocomiale des patients ne peut être écarté. Dans le cas où la réalisation d'EFR est jugée indispensable à la prise en charge du patient, nous proposons donc de respecter les règles suivantes : 1-Port d'un masque protecteur par les opérateurs (techniciens, infirmiers, médecins). Compte-tenu du risque de transmission de SARS-Cov2 par les bioaérosols, le port d'un masque de type FFP2 est recommandé par les unités en charge de l'hygiène hospitalière consultées par le groupe Fonction. On rappelle que dans le seul essai randomisé ayant exploré cette question, la protection offerte contre l'infection grippale par un masque de type N95 (analogue à un masque FFP2) n'était pas différente de celle offerte par un masque chirurgical [15] représente une situation à risque élevé de transmission d'agents infectieux respiratoires. L'hyperpnée induite par l'exercice entraine une augmentation d'un facteur 5 de la concentration de l'air expiré en particules [16] . Du fait de la durée de l'exercice et du grand volume d'air expiré au cours de celui-ci, il est attendu que la réalisation d'une épreuve d'effort entraîne la libération d'une quantité importante de particules aérosolisées dans la pièce d'examen. Il existe donc un consensus sur le fait 1) que l'indication de l'EFX doit être soigneusement pensée en termes de rapport bénéfice/risque et 2) que la mise en oeuvre de mesures de protection soit indispensable au cours des EFX. En l'absence de données scientifiques suffisantes, la nature exacte des mesures de protection à proposer au cours des EFX reste discutée. En particulier, l'opportunité d'utiliser un filtre antimicrobien sur le circuit respiratoire est débattue. L'utilisation d'un filtre constitue un mode de fonctionnement dégradé privilégiant la sécurité des personnels au détriment du caractère exhaustif de l'examen. Le groupe Alvéole se positionne contre l'utilisation d'un filtre. Afin de guider le choix d'utiliser ou non un filtre antimicrobien au cours de l'EFX, on peut retenir les points suivants : -Les filtres antimicrobiens n'ont pas été évalués dans le contexte précis de l'épreuve d'exercice. Il est possible que leurs performances de filtration soient altérées par l'accumulation d'humidité. Pour autant, il est probable que les filtres antimicrobiens restent une barrière efficace à l'expectoration du virus par le patient au cours d'une épreuve d'exercice. -L'utilisation lors de l'EFX, impliquant une hyperpnée durant environ 10 min, expose le filtre à une humification qui augmente sa résistance de façon non linéaire. Il est donc attendu que l'utilisation d'un filtre entraîne une sous-estimation de la charge et de la VO2 maximales, en particulier pour les niveaux élevés de charge chez les sujets entraînés. Dans un travail mené chez 14 sujets jeunes et sportifs effectuant une EFX sur tapis roulant, l'utilisation d'un filtre antimicrobien sur le circuit expiratoire d'un dispositif comportant une valve inspiratoire/expiratoire entrainait une diminution moyenne de 1,1 ml/kg/min, soit 2,6%, de la VO2pic [17] . L'impact d'un filtre sur la performance et la VO2 maximale des patients explorés dans un cadre préopératoire n'est pas connu. 8. La pièce doit être ventilée pendant au moins 15 min entre chaque épreuve (fenêtre ouverte si possible). On propose d'augmenter la durée de ventilation si un filtre n'est pas utilisé. 9. L'usage d'un ventilateur pendant l'EFX est fortement déconseillé, afin de limiter la dissémination dans la pièce des particules expirées par le patient. En complément des mesures précédentes, certains centres préconisent la réalisation d'un test diagnostique du COVID-19 avant celle d'une EFX. Proposition 5 -Particularités des tests de marche de 6 minutes. L'impact du port d'un masque médical lors de la marche a été évalué chez de sujets sains. Le port d'un masque chirurgical ne modifie pas la distance de marche de 6 minutes mais accentue la sensation d'effort respiratoire chez les sujets sains [18] . En revanche, le port d'un masque filtrant analogue à un masque FFP2 entrainait une augmentation de la PCO2 transcutanée [19] . Chez les patients atteints de BPCO, le port d'un masque FFP2 est mal toléré [20] . A la lumière de ces données, il est proposé que la réalisation d'un test de marche de 6 minutes soit encadrée des mesures suivantes : -Port d'un dispositif limitant la dissémination des particules expirées par le patient, tel qu'un masque chirurgical. Le groupe Alvéole propose l'utilisation d'une visière plastique arrêtant le flux expiratoire. -Distanciation raisonnée. Concrètement, il est proposé de laisser un espace d'au moins 2 m autour du patient. Le lieu de réalisation du test de marche doit idéalement être peu passant. -Port d'un équipement de protection individuelle par le personnel incluant au minimum un masque chirurgical -Aération et ventilation du couloir où le test est effectué. Les modalités de cette aération doivent être établies localement en fonction de l'architecture des lieux. Centre des maladies respiratoires les Acacias Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France Temporal dynamics in viral shedding and transmissibility of COVID-19 CoV-2 Infections and Transmission in a Skilled Nursing Facility SARS-CoV-2 Viral Load in Upper Respiratory Specimens of Infected Patients Temporal profiles of viral load in posterior oropharyngeal saliva samples and serum antibody responses during infection by SARS-CoV-2: an observational cohort study Virological assessment of hospitalized patients with COVID-2019 Long-term SARS coronavirus excretion from patient cohort Avis relatif au risque résiduel de transmission du SARS-CoV-2 sous forme d'aérosol, en milieu de soin, dans les autres environnements intérieurs Aerodynamic analysis of SARS-CoV-2 in two Wuhan hospitals Aerosol and Surface Stability of SARS-CoV-2 as Compared with SARS-CoV-1 COVID-19 Outbreak Associated with Air Conditioning in Restaurant The effect of exhalation flow on endogenous particle emission and phospholipid composition Cough aerosol in healthy participants: fundamental knowledge to optimize droplet-spread infectious respiratory disease management Detection of Mycobacterium tuberculosis bacilli in bio-aerosols from untreated TB patients Surgical mask vs N95 respirator for preventing influenza among health care workers: a randomized trial Particle concentration in exhaled breath Effects of a Bacteriological Filter on VO2max Measured by a Computerized Metabolic System Physiological impact of the N95 filtering facepiece respirator on healthcare workers Risks of N95 Face Mask Use in Subjects With COPD Les présentes propositions ont été rédigées avec l'aide des praticiens suivants.Pour le groupe Fonction : Dr Catherine Bancal, CHU Bichat, Paris ; Pr Sam Bayat, CHU