key: cord-333810-57d4oopv authors: Leroy, Éric Maurice title: L’Émergence du virus EBOLA chez l’homme: un long processus pas totalement élucidé date: 2015-05-31 journal: Bulletin de l'Académie Nationale de Médecine DOI: 10.1016/s0001-4079(19)30940-9 sha: doc_id: 333810 cord_uid: 57d4oopv SUMMARY Since 1976 Ebola virus regularly has caused small deadly outbreaks in Central Africa, usually controlled in a few months. For the first time, an Ebola epidemic of exceptional magnitude dramatically engulfed several countries in West Africa since December 2013. Major failures of implementing measures to prevent human-to-human transmissions are the main cause of this large-scale Ebola outbreak. After about one-week incubation period, the Ebola virus disease is characterized by a sudden onset of high fever leading to multiple hemorrhages and to widespread organ failure. Several bat species constitute the main reservoirs of Ebola viruses. Human contamination would occur either directly from bats, widely consumed by the local populations, or through animal species susceptible to Ebola infection, such as chimpanzees and gorillas. Alongside this “natural cycle”, an “epidemic cycle” involving domestic animals living in villages such as dogs or pigs, is seriously suggested. Thus, according to the diversity of concerned animals and their clinical infection form, modalities of human contamination can be multiple and are still largely unknown. In this context, all efforts that could be made to unravel the mystery of the Ebola virus emergence in humans and clarify modalities of the virus transmission, would allow for predicting or for anticipating the future occurrence of epidemics. This review aims to provide an exhaustive inventory of the Ebola ecology to highlight events governing the virus transmission to humans that still remain unsolved. percer le mystère de l'émergence du virus Ébola chez l'homme et clarifier les modalités de la transmission du virus, permettront peut-être de prédire voire d'anticiper l'apparition des épidémies. L'objectif de cette revue est de dresser un état des lieux exhaustif de l'écologie du virus Ébola et de mettre en lumière les évènements qui gouvernent la transmission du virus à l'homme tout en précisant les points encore nombreux qui demeurent non élucidés. Une terrible et dramatique épidémie à virus Ébola (EBOV), d'une ampleur extraordinaire, sévit pour la première fois en Afrique de l'Ouest depuis le mois de décembre 2013 [1, 2] . Les analyses phylogénétiques ont identifié une souche virale similaire à celles responsables des épidémies qui ont sévi en Afrique Centrale depuis 1976, date de la découverte du virus Ébola [2, 3] . Apparue d'abord en Guinée Conakry, elle s'est propagée ensuite au Liberia, en Sierra Leone, puis au Nigeria. Alors que l'épidémie continue de se propager sans baisser de rythme et que de nombreux cas apparaissent chaque jour dans les pays touchés, l'OMS recense au 25/10/2014 un total de 12 164 cas dont 4439 décès, soit près de quatre fois plus que le nombre total de cas enregistrés au cours de toutes les épidémies survenues depuis 1976. Le nombre impressionnant de cas et de décès, qui est malheureusement loin d'être définitif, a contraint l'OMS à déclarer au mois d'août 2014 que la flambée épidémique à virus Ébola en Afrique de l'Ouest représentait « une urgence de santé publique de portée internationale et un risque de santé publique majeur pour les autres états » [4] . Et la situation ne fait qu'empirer. L'OMS a annoncé au mois d'octobre 2014 que cette épidémie représente désormais la plus grave crise sanitaire planétaire des 30 dernières années. La nouvelle dimension atteinte par cette épidémie d'Ébola bouleverse tous les paradigmes [5] . Minimisée et négligée par certains pendant près de 30 ans, principalement parce qu'elle ne faisait « pas assez de victimes », qu'elle ne touchait que des petits villages inconnus et perdus au coeur des forêts tropicales africaines et que son impact en santé publique était jugé ridicule comparé à d'autres maladies infectieuses comme le SIDA, le paludisme ou le choléra, la terrifiante épidémie qui sévit actuellement en Afrique de l'Ouest va indéniablement modifier les approches scientifique, sanitaire et politique de cette maladie voire des maladies infectieuses émergentes de manière générale. En effet, une crise sanitaire d'origine infectieuse doit certes être combattue dans l'urgence mais elle doit également être pensée et prédite sur la base de signes avant-coureurs réels comme c'est le cas du virus Ébola grâce aux enseignements qui auraient pu être déduits des épidémies précédentes. Car même si un processus d'émergence d'un virus est long et progressif, il peut déraper et s'emballer à tout moment, comme ce fut le cas du VIH SIDA et comme c'est le cas aujourd'hui du virus Ébola. Cette revue a pour objectif de porter un éclairage sur le phénomène « Ébola » et de faire une synthèse des évènements qui ont conduit à la crise sanitaire actuelle depuis la première identification du virus en 1976. Cette revue dressera un état des lieux exhaustif de l'écologie du virus Ébola et insistera sur les différentes étapes et modalités de la circulation du virus qui l'a conduit de son hôte naturel, le réservoir animal, à l'Homme. Le virus Ébola appartient à la famille virale des Filoviridae qui, avec les Rhabdoviridae (contenant par exemple le virus de la Rage), les Paramyxoviridae (contenant par exemple les virus de la Rougeole et des Oreillons) et les Bornaviridae, forment l'ordre des Mononegavirales, un groupe de virus possédant pour génome un seul brin d'ARN, linéaire, non segmenté et de polarité négative [6] . Les particules des virus appartenant à la famille des Filoviridae se présentent sous la forme caractéristique de filament, unique dans le monde de la virologie, d'environ 80 nm de diamètre et d'une longueur variant de quelques dizaines de nanomètres à 10-15 μm (Figure 1 ). D'autres formes peuvent être également parfois rencontrées principalement en culture cellulaire (Figure 1 ). Le génome comprend environ 19 000 nucléotides transcrits en sept ARN messagers codant sept protéines structurales (3′ leader, nucléoprotéine (NP), protéine virale (VP) 35, VP40, glycoprotéine (GP), VP30, VP24, et l'ARN polymérase (L) -5′ trailer). La partie centrale du virion est occupée par un complexe ribonucléoprotéique (RNP) qui est constitué du brin d'ARN entouré par la NP elle-même liée aux protéines de matrice VP30 et VP35 et à l'ARN polymérase. L'enveloppe du virus est exclusivement constituée de la GP organisée en trimères. [13, 14] ; enfin l'espèce Reston ebolavirus, qui n'existe qu'en Asie, contenant le virus Reston, pathogène pour le singe macaque et le porc, pour lequel aucun cas n'a été détecté chez l'homme [15, 16] . En conséquence, malgré la légère confusion taxonomique entre les noms des virus et ceux des espèces virales, le virus Ébola, dont il sera question tout au long de ce document, ne correspond qu'à l'espèce Zaïre ebolavirus. Le virus Ébola a été identifié pour la première fois le 1 septembre 1976 dans le nord-est du Zaïre, désormais dénommé République Démocratique du Congo (RDC), lorsqu'il a été isolé chez plusieurs malades d'une épidémie qui fit 318 cas dont 284 morts [17] . La dénomination d'Ébola fut attribuée en référence à la rivière du même nom qui coule près du village Yambuku, épicentre de cette épidémie. Après un silence épidémiologique d'une vingtaine d'années au cours de laquelle aucun cas ne fut répertorié, le virus Ébola réapparut et fut responsable de quatre épidémies successives entre 1995 et 1997 ( Figure 2 ). Cependant, malgré ces signaux, aussi forts que prédictifs, le feu médiatique et scientifique s'éteignit aussi rapidement qu'il ne s'était allumé. Le virus Ébola fit d'abord 256 victimes parmi 315 malades dans la ville de Kikwit et ses environs dans le sud-ouest de la RDC en 1995 [18] . Parallèlement, il tua quelques dizaines d'orpailleurs dans la zone de Mékouka au nord-est du Gabon où il récidiva quelques mois plus tard et un peu plus à l'Est sous la forme de deux épidémies rapprochées : la première au début de 1996 dans le village de Mayibout pour laquelle la majorité des 37 patients dont 21 décès étaient des enfants qui avaient participé au dépeçage d'un chimpanzé trouvé mort dans la forêt ; la deuxième plus vers le sud dans la région de Booué entre octobre 1996 et mars 1997 [19] . Cette dernière épidémie, qui compta 60 cas dont 45 décès, généra pour la première fois un foyer secondaire de 15 cas dont 11 décès dans la capitale Libreville, et un cas en Afrique du sud, une infirmière contaminée par un patient gabonais en provenance de Libreville. Essayons maintenant de nous pencher sur la source du virus Ébola, scientifiquement appelé réservoir. Comme tous les virus, Ébola ne peut pas se développer seul, il doit nécessairement utiliser la machinerie cellulaire d'un organisme, végétal ou animal, pour pouvoir se multiplier. N'étant pas adapté à l'homme, il est hébergé à l'intérieur d'un autre être vivant, longtemps resté inconnu et qui, encore aujourd'hui, n'est pas définitivement identifié. L'homme n'est en effet qu'un hôte accidentel qui se contamine lorsqu'il est en contact avec l'animal réservoir infecté. Depuis la première épidémie en 1976, les scientifiques ont tenté, dans plusieurs pays d'Afrique Centrale, d'identifier cet animal ou végétal mystérieux capable de vivre harmonieusement avec Ébola ; il était même devenu un véritable fantasme pour l'homme. Entre 1976 et 1997, de grandes quantités d'animaux, généralement capturés autour des foyers épidémiques, ont été sacrifiés pour cette fameuse quête. Au total, près de 7000 animaux vertébrés appartenant à de nombreuses espèces (singes, rongeurs sauvages, écureuils, chauves-souris, antilopes, porcs épics, potamochères, cochons domestiques, oiseaux, amphibiens, reptiles ...) et invertébrés (moustiques, punaises, puces, tiques, poux ...) ont été capturés près des habitations des malades lors des épidémies. Après de multiples études menées en RDC, au Soudan, en République centrafricaine, au Gabon et en Côte-d'Ivoire, les tentatives d'isolement et de détection d'anticorps spécifiques se révélèrent toutes infructueuses [17, [28] [29] [30] [31] [32] . À partir de 1998, les techniques de détection se sont considérablement améliorées avec l'introduction des outils de biologie moléculaire basés principalement sur la Polymerase Chain Reaction (PCR). Ainsi, de petites séquences génomiques du virus Ébola ont pu être amplifiées par PCR à partir des organes de six souris et d'une musaraigne [33] . Malheureusement, ces résultats n'ont pas été confirmés et aucune conclusion n'a pu être déduite. De même, les tentatives d'inoculations expérimentales de rongeurs, chauves-souris, oiseaux, reptiles, mollusques, arthropodes et de plantes ont toutes échoué. Toutefois, certaines chauves-souris appartenant aux genres Epomophorus et Tadarida ont développé une virémie transitoire d'environ quatre semaines, mais là encore, aucune preuve concluante sur le rôle des chauves-souris comme hôtes naturels du virus Ébola n'a pu être obtenue [34] . [44] . Dans la plupart des épidémies, la source de contamination de la première personne identifiée comme infectée (cas primaire) n'est pas connue. C'est le cas pour toutes les épidémies de la période 1976-1979, des épidémies de Mékouka (Gabon) en 1995, de Booué (Gabon) en 1996, et de Kikwit (RDC) en 1995. Deux modes de contamination de l'homme sont proposés aujourd'hui ( Figure 3 ) : (i) une contamination indirecte par l'intermédiaire d'espèces animales sensibles au virus ; (ii) une contamination directe auprès du réservoir. Plusieurs études ont montré que la contamination de l'homme s'est parfois produite lors de la manipulation de carcasses infectées de gorilles, chimpanzés et de céphalophes [21, 41] Les grands singes se contamineraient eux-mêmes probablement directement auprès des chauves-souris, en particulier lorsque les animaux de ces espèces animales consomment en même temps les fruits d'un même arbre. Afin d'élucider les modes de contamination des grands singes, des échantillons biologiques (muscle, peau ou organes) ont été systématiquement prélevés sur les carcasses de gorilles et de chimpanzés, puis la partie codante de la GP (gène le plus variable) caractérisée [45] . Ces analyses ont mis en évidence une séquence virale différente pour chaque carcasse. Des séquences virales différentes ont même été obtenues à partir de deux gorilles morts découverts à quelques mètres l'un de l'autre. Cette diversité génétique des souches virales observées chez les carcasses d'animaux morts exclut par conséquent une transmission du virus d'un individu à l'autre et suggère au contraire que l'infection des grands singes résulterait de contaminations simultanées mais indépendantes à partir de sources animales distinctes, probablement le réservoir naturel du virus Ébola [21, 45] . Comment les grands singes peuvent-ils se contaminer ? Les épidémies survenant la plupart du temps à la fin des saisons sèches, le passage du virus du réservoir aux grands singes peut s'accomplir à la faveur de conditions environnementales particulières. En effet, les enquêtes épidémiologiques menées à cette période ont montré que les mortalités des grands singes surviennent principalement à la fin des saisons sèches, à une période de l'année où les ressources alimentaires se raréfient [21, 41] . L'appauvrissement en ressources alimentaires augmenterait la fréquence de la consommation simultanée de mêmes fruits par les chauves-souris et les grands singes. Ces rassemblements augmenteraient alors la probabilité de contact entre ces deux espèces. De plus, un certain nombre d'évènements comportementaux et physiologiques se produisent chez les espèces de chauves-souris incriminées pendant cette période, tels que les compétitions entre mâles, et les mises bas groupées des femelles. Ces évènements participeraient à modifier la nature des réponses immunitaires, propices à la reprise de la réplication virale dans les organes voire à l'apparition de virus dans la circulation sanguine. La contamination des grands singes interviendrait alors à la faveur de contacts sanguins directs avec le sang ou les tissus placentaires des femelles chauves-souris au moment de la parturition [46] , ou alors dans une moindre mesure avec la salive, l'urine ou les fèces. Bien que la contamination directe des chauves-souris à l'homme n'ait jamais pu être prouvée de manière formelle, une étude, menée au cours de l'épidémie d'Ébola de 2007 en RDC, a mis en évidence pour la première fois un lien entre les chauvessouris et l'apparition d'une épidémie d'Ébola [47] . Les investigations épidémiologiques et écologiques ont en effet montré que l'épidémie était associée à l'arrivée massive de grandes colonies de chauves-souris près des villages touchés. Au cours d'une migration nord-sud, ces chauves-souris ont séjourné près des villages pendant environ deux mois, période pendant laquelle elles étaient massivement chassées et consommées par les villageois. La contamination se serait produite lors de la manipulation des animaux morts couverts de sang ou lors du dépeçage (Figure 3 ). Dans l'espoir d'obtenir des informations sur l'implication des chauves-souris dans la propagation et le maintien du virus au sein de l'écosystème, la circulation du virus dans les populations humaines a été évaluée. Pour cela, les IgG anti-EBOV ont été recherchés à partir d'un échantillonnage stratifié par province [48] . Les populations d'étude ont été sélectionnées dans chaque province par sondage aléatoire des villages de moins de 500 habitants de manière à cibler préférentiellement les populations rurales. Au total, 4358 personnes ont été prélevées. De manière surprenante, près de 15 % des personnes testées présentaient des IgG anti-EBOV. Cette prévalence atteint même 20 % dans les régions forestières comparativement aux régions savanicoles où la prévalence n'est que de 3 %. Ces résultats ont été confirmés par western-blot et, chez certaines personnes IgG+, par la mise en évidence d'une mémoire cellulaire spécifique exprimée par une augmentation significative des lymphocytes T CD3+CD8+ IFNγ+ à J2 et/ou J3 après la stimulation, comparativement à des personnes IgG négatives. Ces résultats font état de prévalences étonnamment très élevées non compatibles avec les modes d'apparition du virus Ébola chez l'homme au Gabon tels qu'un faible nombre d'épidémies (4), des épidémies de faible envergure (moins de 100 cas), et une létalité élevée (80 %) qui laissent peu de survivants après chaque épidémie. Ces taux Bien que peu probable, l'hypothèse de la présence de souches virales non pathogènes hébergées chez les chauves-souris n'est pas à exclure. Bien qu'exceptionnelle par son ampleur et sa dispersion géographique, l'apparition d'une épidémie d'Ébola en Afrique de l'Ouest, peuplée par les mêmes espèces de chauve-souris, ne surprend pourtant pas. À la faveur de conditions favorables, la sortie du virus de son hôte naturel est susceptible de se produire à n'importe quel endroit dans ces régions. La transmission à l'homme survient le plus souvent lors du dépeçage de ces animaux qui sont largement consommés par les populations peuplant ces régions. Les facteurs qui gouvernent la transmission du virus à l'homme peuvent être subdivisés en trois groupes : -(i) les facteurs sociaux et comportementaux, c'està-dire tous les facteurs qui conduisent à l'exposition au virus ; -(ii) les facteurs virologiques au sein de l'animal, c'est-à-dire la charge virale ; -(iii) les facteurs virologiques dans les populations réservoirs, c'est-à-dire le taux d'animaux infectés au sein de la population toute entière. Alors que les raisons de la variabilité des facteurs des deux premiers groupes sont en partie connus (augmentation de la consommation de chauves-souris en cas de raréfaction des ressources alimentaires, augmentation de la charge virale chez les femelles en fin de gestation ou chez les individus affaiblis ou infectés par un autre agent pathogène), beaucoup reste à découvrir sur la variabilité des autres facteurs. L'allure globale des épidémies d'Ébola semble indiquer, à l'échelle continentale, une certaine cyclicité des épidémies avec des périodes basses et des périodes hautes, comme si à certains moments il y avait une augmentation significative du pourcentage d'animaux infectés sur l'ensemble du continent entrainant de facto une augmentation du risque de transmission à l'homme. Aujourd'hui, la survenue d'au moins deux épidémies différentes dans des régions éloignées l'une de l'autre (Guinée et RDC) tend à appuyer cette hypothèse. Par ailleurs, lors des dernières épidémies survenues au Gabon et au Congo, plusieurs chiens ont consommé des restes d'animaux infectés par le virus Ébola, sans pour autant présenter de signes cliniques visibles. Afin de vérifier si les chiens ont bien été en contact avec le virus, nous avons recherché la présence d'anticorps spécifiques du virus Ébola. Le pourcentage de chiens porteurs de tels anticorps croît de manière linéaire et significative à mesure que l'on s'approche des foyers épidémiques [49] . De 9 % dans les deux grandes villes du Gabon, la prévalence passe à 15 % dans la plus grande ville de la zone épidémique, puis à 25 % dans les villages indemnes de cette même zone, pour atteindre 32 % dans les villages où des cas humains ont pu être imputés à une source animale infectée. Les chiens pourraient donc être infectés par le virus Ébola, excréter transitoirement du virus, et devenir de ce fait une source potentielle d'infection pour l'homme. Ceci pourrait expliquer certaines contaminations humaines non élucidées. La corrélation linéaire qui existe entre la prévalence chez les chiens domestiques et le risque épidémique des villages dans lesquels ils vivent suggère que la prévalence chez ces animaux peut être utilisée comme indicateur de la présence du virus dans les régions où, hormis l'apparition de cas de mortalité animale et humaine, aucun signe ne peut indiquer la présence du virus Ébola. L'infection de l'homme par le virus Ébola se traduit par une maladie d'évolution rapide caractérisée par une forte fièvre et des hémorragies diffuses. Après une période d'incubation d'environ une semaine (moyenne 4-9 jours), la maladie survient brutalement par de la fièvre accompagnée de céphalées, nausées, douleurs musculaires et asthénie. [50] [51] [52] (Figure 4 ). L'infection massive des monocytes et des cellules dendritiques conduit à une libération excessive de nombreux médiateurs pro-inflammatoires et de composants vasoactifs qui ont une implication majeure dans la physiopathologie [53, 54] . Cet orage inflammatoire, particulièrement important en phase terminale de la maladie, favorise en effet la fuite vasculaire, altère les fonctions des cellules endothéliales induisant in fine la coagulation intravasculaire disséminée [55] [56] [57] . D'autre part, certaines protéines virales sont capables d'inhiber les défenses antivirales des cellules [58] . Ainsi, la VP35 inhibe la synthèse des IFNα/β en s'opposant à l'activation du facteur de régulation de l'interféron (IRF)-3 et IRF-7, interfère avec l'activation de la dsRNA-protéine kinase dépendante (PKR), et, comme les VP30 et VP40, inhibe le « RNA silencing » [59, 60] . La VP24 empêche l'accumulation nucléaire de la protéine STAT1 phosphorylée, neutralisant par conséquent la réponse aux IFNα/β et IFNγ [61, 62] . L'effondrement de l'immunité adaptative se manifeste par une déplétion des cellules lymphoïdes dans les ganglions lymphati- En raison de la multiplication des « sorties » du virus à partir de la faune animale, une réflexion sur les stratégies à mettre en place afin de prévoir la contamination de l'homme à partir de la faune animale et prévenir l'apparition des épidémies, doit être impérativement initiée le plus rapidement possible. Or, une telle démarche fait nécessairement appel à une connaissance parfaite de l'écologie du virus, et à l'identification complète des hôtes intermédiaires, des réservoirs et des modalités des transferts inter espèces. En particulier, la distribution géographique du virus doit permettre de déterminer de manière assez précise les zones à risque. De même, une certaine saisonnalité des épidémies a été observée à plusieurs reprises, ce qui nécessite l'intégration, dans les stratégies de prévention, d'une dimension temporelle dont les contours restent encore à définir. La confirmation d'une cyclicité des épidémies à virus Ébola à l'échelle continentale, la recherche des facteurs conduisant à l'augmentation du taux global d'infection au sein des populations de chauves-souris pourrait être précieuse dans l'évaluation du risque d'émergence virale et la prédiction des épidémies. La détermination d'un seuil d'alerte pourrait s'avérer alors crucial dans la lutte contre les épidémies dans laquelle la rapidité d'intervention est fondamentale. J'ai cru comprendre dans votre présentation que la contamination des grands singes par les chauves-souris se produisait préférentiellement en fin de saison sèche où les singes contraints de modifier leur alimentation consommaient des fruits contaminés par les chauves-souris, est-ce exact ? Ce ne sont que des présomptions. Il se produit un appauvrissement en ressources alimentaires pendant la saison sèche qui se manifeste par une diminution de fruits. La probabilité que les grands singes et les chauves-souris consomment les mêmes fruits aux mêmes moments est par conséquent plus élevée, ce qui augmente de facto le risque de contact. De plus, cette période correspond à la mise-bas des femelles. Les grands singes peuvent donc être aisément en contact avec du sang placentaire susceptible de s'écouler pendant la mise bas voire directement avec le placenta des femelles. A-t-on un début d'explication du fait que les chauves-souris sont des réservoirs de nombreux virus ? Ébola mais aussi coronavirus, rage, etc. Je pense que cette impression est purement factuelle, et est amplifiée par la couverture médiatique des maladies dues à certains virus dont les chauves-souris sont réservoirs (SARS, Ébola, Marburg ...). De plus, la découverte de ces virus chez les chauves-souris coïncide avec les avancées technologiques qui ont été déterminantes dans la détection de ces virus. De très nombreux autres virus sont hébergés par d'autres espèces animales, en particulier les rongeurs, comme par exemple la fièvre de Lassa en Afrique, responsable de centaines de milliers de morts chaque année. Des infections expérimentales de chauves-souris ont été pratiquées vers la fin des années 90. Seules des virémies transitoires ont été observées. De nouvelles infections expérimentales sont actuellement tentées en Afrique du sud. Who Ebola Response Team. Ebola virus disease in West Africa-the first 9 months of the epidemic and forward projections Genomic surveillance elucidates Ebola virus origin and transmission during the 2014 outbreak Emergence of Zaire Ebola virus disease in Guinea The international Ebola emergency Ebola in West Africa: the outbreak able to change many things A compendium of 40 years of epidemiological, clinical, and laboratory studies Virus nomenclature below the species level: a standardized nomenclature for natural variants of viruses assigned to the family Filoviridae Filovirus RefSeq entries: evaluation and selection of filovirus type variants, type sequences, and names Ebola haemorrhagic fever in Sudan Ebola virus disease in southern Sudan: hospital dissemination and intrafamilial spread An outbreak of Ebola in Uganda Newly discovered ebola virus associated with hemorrhagic Fever outbreak in Uganda Isolation and partial characterisation of a new strain of Ebola Human infection due to Ebola virus, subtype côte d'ivoire: clinical and biologic presentation Ebola (subtype Reston) virus among quarantined nonhuman primates recently imported from the Philippines to the United States Discovery of swine as a host for the Reston ebolavirus Ebola haemorrhagic fever in Zaire The reemergence of Ebola hemorrhagic fever, Democratic Republic of the Congo Ebola hemorrhagic fever outbreaks in Gabon, 1994-1997: Epidemiologic and Health control issues Re-emergence of Ebola haemorrhagic fever in Gabon Multiple Ebola virus transmission events and rapid decline of central african wildlife A limited outbreak of Ebola haemorrhagic fever in Etoumbi Detection of Ebola virus in oral fluid specimens during outbreaks of Ebola virus hemorrhagic fever in the Republic of Congo Catastrophic ape decline in western equatorial Africa Ebola outbreak killed 5000 gorillas Emergence of divergent Zaire ebola virus strains in Democratic Republic of the Congo in 2007 and Ebola Virus Disease in the Democratic Republic of Congo Approaches towards studies on potential reservoirs of viral haemorrhagic fever in southern Sudan Ebola hemorrhagic fever: Tandala, 1977-1978 A search for Ebola virus in animals in the Democratic Republic of the Congo and Cameroon: Ecologic, virologic, and serologic surveys, 1979-1980 Field investigations of an outbreak of Ebola hemorrhagic fever Search for the Ebola virus reservoir in Kikwit, Democratic Republic of the Congo: Reflections on a vertebrate collection Identification of Ebola virus sequences present as RNA or DNA in organs of terrestrial small mammals of the Central African Republic Experimental inoculation of plants and animals with Ebola virus Fruit bats as reservoirs of Ebola virus Spatial and temporal patterns of Zaire ebolavirus antibody prevalence in the possible reservoir bat species Marburg virus infection detected in a common African bat Isolation of genetically diverse Marburg viruses from Egyptian fruit bats Studies of reservoir hosts for Marburg virus Discovery of an ebolavirus-like filovirus in europe Wild animal mortality monitoring and human Ebola outbreaks, Gabon and Republic of Congo Ebola and the decline of gorilla Gorilla gorilla and chimpanzee Pan troglodytes populations in Minkebe forest, north-eastern Gabon A serological survey of Ebola virus infection in central African nonhuman primates Ebola virus ecology: a continuing mystery Isolates of Zaire ebolavirus from wild apes reveal genetic lineage and recombinants Les chauves-souris, réservoirs du virus Ebola: le mystère se dissipe Human Ebola Outbreak Resulting from Direct Exposure to Fruit Bats in Luebo, Democratic Republic of Congo High prevalence of both humoral and cellular immunity to Zaire ebolavirus among rural populations in Gabon Ebola virus antibody prevalence in dogs and human risk Defective humoral responses and extensive intravascular apoptosis are associated with fatal outcome in Ebola virus-infected patients Human fatal zaire Ebola virus infection is associated with an aberrant innate immunity and massive lymphocyte apoptosis Pathogenesis of filoviral haemorrhagic fevers Cutting edge: impairment of dendritic cells and adaptive immunity by Ebola and Lassa viruses Pathogenesis of Ebola Hemorrhagic fever in cynomolgus macaques: evidence that dendritic cells are early and sustained targets of infection Infection and activation of monocytes by Marburg and Ebola viruses Monocyte-derived human macrophage and peripheral blood mononuclear cells infected with Ebola virus secrete MIP-1a and TNF-a and inhibit poly-IC-induced IFN-a in vitro Inflammatory responses in Ebola virus-infected patients Ebola and Marburg haemorrhagic fever viruses: major scientific advances, but a relatively minor public health threat for Africa The VP35 protein of Ebola virus inhibits the antiviral effect mediated by double-stranded RNA-dependent protein kinase PKR Ebolavirus proteins suppress the effects of small interfering RNA by direct interaction with the Mammalian RNA interference pathway Ebola virus VP24 binds karyopherin alpha1 and blocks STAT1 nuclear accumulation Ebola virus VP24 proteins inhibit the interaction of NP1-1 subfamily karyopherin alpha proteins with activated STAT1 Evidence for Ebola virus superantigen activity Apoptosis induced in vitro and in vivo during infection by Ebola and Marburg viruses car on entend dire que la maladie de Lyme devient une pandémie dont le réservoir est constitué de rongeurs ? Nous n'avons pas d'expérience particulière de la Borréliose. C'est effectivement une problématique qu Burundi) vivent aussi de grands primates et des chauves-souris. Des schémas épidémiologiques semblables à celui que vous avez exposé ont-ils été observés ? Des schémas épidémiologiques similaires sont observés en Afrique de l'Ouest, en particulier s'agissant du virus de Marburg, autre membre appartenant à la famille virale des Filoviridae. Pour le virus de Marburg, il a été clairement démontré que la Roussette d'Égypte, une autre espèce de chauves-souris frugivore en était le réservoir Le virus Ébola est fragile dans le milieu extérieur. Il est rapidement inactivé.Plusieurs raisons peuvent expliquer les échecs passés :Ê Les techniques anciennes de détection (isolement viral, sérologie par immunofluorscence ...) étaient très peu sensibles. Les technologies modernes, principalement basées sur la biologie moléculaire, ont considérablement amélioré les capacités de détection des agents infectieux.Ê Les recherches ont souvent été effectuées bien après l'émergence de l'épidémie, c'est ça dire après la date de sortie du virus de la faune vers la population humaine. Les chances de détecter un animal infecté plusieurs semaines voire plusieurs mois après le début de l'épidémie étaient donc minimes.Ê Faible prévalence d'infection au sein de l'espèce animale réservoir.Ê Faible charge virale dans l'individu infecté d'où une grande difficulté de détecter le virus avec les techniques anciennes. Des chauves-souris appartenant aux mêmes genres taxonomiques existent dans les autres continents. Seules les espèces sont différentes.