A propos du grand schisme d'Occident 0,3,4-h • ûho/rch H i s\,-' « — y -A_- J3X <$< o AÊP^S) Chanoine L. SALEMBIER A PROPOS DU GRAND SCHISME D’OCCIDENT Extrait de la Revue d’histoire ecclésiastique, IX, n“ 3. LOUVAIN BUREAUX DE LA REVUE 40, RUB DB NAMÜR, 40 Louvain. — lmprim.-Lithogr. Charles PEETERS, rue de Naœur, 20. 1908 Digitized by the Internet Archive in 2016 https://archive.org/details/proposdugrandschOOsale A PROPOS DU GRAND SCHISME D’OCCIDENT (i). Je me souviens d’avoir lu, dans votre excellente Revue d'histoire eêclésiastique{ t. VI (1905), pp. 327-345), une conférence très suggestive qu’a faite ici même, en 1905, mon érudit compatriote Dom Germain Morin ; elle a pour titre : De la besogne pour les jeunes. Sur la question du grand schisme, il reste encore bien des filons à suivre et même bien des mines à creuser et à explorer. Ce sont plutôt les ouvriers qui manquent à la vigne que la vigne aux ouvriers. Au cours d’une visite à la bibliothèque vaticane, Mgr Wenzel, sous-archiviste, me montrait, en levant les bras au ciel, les rayons poudreux où s’accumulent les registres pontificaux, les traités divers de schismate, les layettes débordant de documents inédits. A la bibliothèque nationale, M. Marius Sepet, sans faire le même geste, m’indiquait aussi les volumes datant du Moyen-âge et les cartons où reposent pêle-mêle, depuis six siècles, nombre de précieux trésors. A vous de faire connaître ces richesses, jeunes gens qui m’écoutez, et qui entrerez dans la carrière quand vos aînés n’y seront plus. A Rome, un père bénédictin, bien connu par un excellent travail sur le concile de Pise, Dom Franz Bliemetzrieder, doit publier pro- chainement un certain nombre de traités relatifs au schisme dans les Mémoires de l'Institut historique autrichien. Il a déjà mis au jour un long trailé de l’augustin Ludolphe, abbé de Sagan en Silésie, dans lequel celui-ci se pose onze questions importantes à propos de la conduite que doit tenir le pape Grégoire XII vis-à-vis des Pères de Pise (2). Il n’oubliera pas sans doute de comprendre dans cette collection une lettre intéressante du saint réformateur de notre (1) Le 12 mars dernier, M. le chanoine L. Salembier, professeur à l’Uni- versité catholique de Lille, a donné au Séminaire historique de Louvain une conférence sur le grand Schisme d’Occident. Après avoir traité des sources publiées et des principaux résultats acquis sur ce point par les travaux his- toriques, il a attiré l’attention de son auditoire sur diverses explorations nouvelles à tenter dans ce domaine. C’est cette dernière partie que publie la RHE, en lui gardant la forme du discours direct. (N. d. 1. R.) (2) Soliloquium scismatis. Briinn, 1905. 498 L. SALEMB1ER. clergé à cette époque, Gérard Groot de Deventer (l). Combien je vou- drais que la publication de ce document urbaniste put hâter la cause de béatification de votre vénéré compatriote qui fit tant pour l’édu- cation de la jeunesse, qui fonda les Frères de la Vie commune , et qui fut le Jean-Baptiste de la Salle du xive siècle ! De son côté, l’infatigable Père Erhle, bibliothécaire du Vatican, a retrouvé, il y a deux ans, quatre traités inédits de Pierre d’Ailly (2). Il vient de les faire imprimer et il se propose de consacrer un second volume à étudier le caractère énigmatique et presque indéchiffrable de Pierre de Lune, semper lunaticus et turbans omnia , dit notre compatriote Jacques Meyer (3) qui avait de l’esprit à ses heures. Puisse cet ouvrage paraître bientôt et combler une importante lacune historique ! C’est encore le père Erhle, cet intrépide chasseur de manuscrits, qui nous avertit qu’il s’est mis en campagne pour retrouver en Espagne la chronique perdue de Jérôme de Ochon. Ses efforts n’ont pas été jusqu’ici couronnés de succès, mais si ce Nemrod très souvent heureux revient bredouille, c’est que le gibier n’existe plus. A Paris, les recherches ne seraient pas moins fructueuses, si quelqu’un voulait entreprendre d’étudier et de faire imprimer tout ce qui a rapport à cette époque. Pourtant, remarquons d’abord que la fameuse collection du comte Ashburnham, acquise à grands frais par la Bibliothèque nationale en 1899, ne réserverait que des décep- tions à ceux qui croiraient y rencontrer beaucoup de pièces nou- velles ou inconnues. Parmi les documents inédits que possède notre grande biblio- thèque, citons le manuscrit de Robert Gervais, évêque de Senez, qui est intitulé Myrrha elecla. C’est l’aromate qui doit dissiper « les exhalaisons puantes produites par la putréfaction du schisme (4) ». Ce prélat batailleur veut qu’on emploie la force, la via facti , la manus militaris, pour réduire les urbanistes. Au besoin, il s’armerait lui même de la masse d’armes dontj’évêque de Beauvais se servait avec tant d’énergie aux champs de Bouvines pour assommer les Anglais. Il aime mieux trancher le nœud gordien par le glaive que de le dénouer par les procédés pacifiques. (1) Bibl. Vatic., ms. lat. 4927, f. 137. — Ce ms. se trouve aussi dans le registre de la collection Ashburnham, f. 43. — Cf. Bonet-Maury, Gérard de Groote , pp. 38 svv. Paris, 1878. (2) Martin de Alpartils Chronica actitatorum temporibus Domini Bene- dicti XII I y PP- 462 svv. Paderborn, 1906. (3) Annales rerum Flandricarum , a. 1406, p. 225. Anvers, 1569. (4) Bibl. nat., ms. lat. 1467 (xiv e siècle). 5 ] A PROPOS DU GRAND SCHISME DOCCIDENT. 499 Bien qu’appartenant au même parti, Jean Le Fèvre, abbé de Saint- Vaast d’Arras, préconise une manière d’agir moins agressive et plus ecclésiastique. Il est moins belliqueux et plus larmoyant. Il cherche à réfuter le Planctus Bonorum de Jean de Legnano par son de Fletu Ecclesiae. C’est un dialogue entre deux canonistes aisément reconnaissables : le Bolonais, c’est Jean; le Parisien, c’est lui-même (1). D’autre part, pour la défense d’Urbain, nous trouvons aussi à Paris le manuscrit de Jean de Jenzenstein, archevêque de Prague, chancelier du roi des Romains et violent persécuteur des Clémen- tins 2). C’est encore un urbaniste militant que l’évêque élu de Sienne, Michael de Paolo Palagalli ; M. Noël Valois paraît l’avoir heureusement et définitivement identifié. C’est aussi à la Biblio- thèque nationale qu’on trouve le manuscrit de son Liber dialogorum hierarchiae subcaelestis (3). Il en est de même du Traclatus informa - torius du fougueux dominicain Jean de Montson, qui combat Clément avec la même vivacité qu’il mettra plus tard à attaquer tout à la fois l’immaculée Conception et Pierre d’Ailly, ce vigoureux défenseur du privilège de la Sainte Vierge (4). En revanche, cette même bibliothèque renferme les œuvres d’un clémentin intrépide, Pierre Bohier, évêque de Vaison, puis d’Orvieto, dont le traité, malheureusement inachevé, fut composé à Rouen en 1379, un an après la naissance du grand Schisme (o). C’est là aussi que se trouve le manuscrit du traité pacificateur que Bernard Ala- mant, évêque de Condom, dédia au roi Charles VI et qui irrita si fort le pape combatif d’Avignon (6). Combien d’autres qu’il faudrait mentionner et qui ont émis leur opinion tantôt en faveur d’Urbain, tantôt pour Clément ! Puissent ces nuées de témoins ne pas obscurcir, à cause de leur nombre et de leurs divergences, l’astre de la vérité historique ! Puissent-ils nous apporter bientôt toute la lumière sur les problèmes complexes que soulève la funeste division de l’Église ! (1) Bibl. nat., 1469 et 1472. — Bibl. Vatic., 4153 et 5608. (2) Ibid., 1122, f. 434. (3) Ibid., 3184, f. 28. — Cf. Noël Valois, La France et le Grand schisme d’Occident, t. I, pp. 329 et 398. Paris, 1896. (4) Ibid., 1466, ff. 611-707. — Id., Bibl. Barberini, 97 f. 135. (5) Bibl. nat., ms. lat. 14643; Bibl. de Rouen, 1355. — Cf. N. Valois, o. c., t. I, 325; t. II, 129. (6) N° 14623, f. 222. — Cf. Denifle, Chartularium universitatis Pari- siensis, t.III, n° 1671. Pari*, 1894; N. Valois, o. c., t. II, p. 421. 500 L. SALEMBIER. [6 Ce n’est plus dans les rayons des bibliothèques et des archives, mais bien dans les refuges non moins obscurs , et parfois non moins ignorés, des grandes collections que vous devrez aller cher- cher d’autres ouvrages qui ont trait à l’histoire de cette époque. Qui penserait à rencontrer dans la massive Historia Universitatis Pari- siensis d’Égasse du Boulay (1) le traité de Jacques de Ceva, docteur ès-lois, maréchal de la cour de Rome, et compagnon de voyage dn bienheureux Raymond de Capoue? Cet auteur aux opinions succes- sives écrivit d’abord cette brochure dans le sens d’Urbain, puis se tourna avec non moins de zèle du côté de Clément. C’est dans le même recueil que nous trouvons aussi l’opuscule de Jean de Bournazel, prieur de Chartres et conseiller de Charles V. Celui-ci se contente de résumer les allégations produites pour ou contre Urbain VI par les docteurs en décret de l’Uni versité (2). Après les batailleurs, les pacifiques et les inconséquents, Bournazel paraît être un indifférent quelque peu sceptique î II serait utile de rééditer toutes ces pièces si diverses et de les étudier à part en les classant d’après les époques, les partis, ou les tendances. On rencontre aussi beaucoup de documents dans les énormes et indigestes volumes d’Hermann Von der Hardt sur le concile de Con- stance. La composition de ces in-folio est bien défectueuse. Parfois le sujet que l’auteur annonce n’est pas traité, parfois les faits ne sont point placés à leur date, le récit devient inintelligible, l’éche- veau est embrouillé : c’est Babel. Trop souvent aussi les réflexions de l’auteur sont inspirés par un esprit sectaire accentué et anti- historique (3). M Heinrich Finke , professeur à l’Université de Fribourg en Brisgau, va reprendre avec une science plus grande, une meilleure méthode et une autre ampleur la publication des Actes de Constance, Acta Concilii Constantiensis. Le premier volume a paru en 1896, le second est promis pour cette année. Cet heureux chercheur a déjà publié et publiera encore bien des pièces nouvelles, entre autres les rapports d’un ambassadeur aragonais trouvés par lui à Madrid et à Barcelone, ainsi que certains traités, d’ailleurs peu considérables, du cardinal Zabarella qui joua un rôle prépondérant dans les affaires du schisme jusqu’à l’heure de sa mort, en 1417. L’éminent maître (1) T. IV. (2) Ibid., pp. 556-564. Du Boulay a probablement reproduit cette pièce d’après le ms. de la Bibl. nat. qui porte aujourd’hui le n° 14644, f. 162. (3) Rerum Concilii œcum. Constantiensis tomi VI. Francfort et Leipzig, 1691. Cet ouvrage a été mis â l’Index en 1703. 7] A PROPOS DU GRAND SCHISME DOCCIDENT. 501 se propose d’éditer aussi plusieurs discours fort intéressants, pro- noncés hors séance du concile de Constance, après l’élection de Martin V. Enlin, il a été assez heureux pour mettre la main sur quelques autres documents qui ne renferment que des détails, mais qui précisent et corroborent certains faits importants. C’est l’auteur lui-même qui a eu l’amabilité de me fournir tous ces renseignements sur ses publications futures par l’entremise d’un de ses meilleurs élèves, M. le Docteur E. Fleig. Il existe encore un autre recueil de pièces qui a besoin d’être éclairé par les lumières de la critique moderne et qui demande des corrections importantes. Je veux parler des Opéra Joannis Gersonii , édités en 1606 par Richer, le fameux syndic de Sorbonne, et, juste un siècle après, par le non moins célèbre Ellies-Dupin. Ici encore nous nous trouvons en présence d’une œuvre de combat, remplie d’un esprit gallican poussé jusqu’au sectarisme. Nous nous sommes servi trop souvent de ces cinq gros volumes pour en mécon- naître l’utilité, mais nous sommes obligé d’en signaler les graves défauts. Un certain nombre d’œuvres apocryphes du célèbre chan- celier ont trouvé place dans cette collection parmi les pièces authen- tiques. Par exemple, un traité composé par le cardinal d’Ailly en 1403, le de materia Concilii generalis, a été coupé en trois parties. L’éditeur a imprimé la première sous le nom de Gerson dans le tome second des œuvres du chancelier (col. 24) (1); il a négligé la deuxième, sans doute comme prolixe et inutile ; enfin il a repro- duit la troisième dans le même volume (col. 903) avec le nom du véritable auteur, mais sous un titre tout à fait différent (2). Comment s’y reconnaître, à moins de recourir, ainsi que nous l’avons fait, au manuscrit 1480 de la bibliothèque nationale ? Nous pourrions signaler bien d’autres lacunes ou erreurs. Contentons-nous de re- marquer que le de modis uniendi, attribué dans ce recueil à Jean Gerson, a été restitué depuis, pour toute sorte de bonnes raisons, soit à Thierry de Niem, soit à Jean de Randuf. Ne serait-il pas digne des membres du Séminaire historique de nous donner enfin une édition complète des œuvres d’un évêque de Cam- brai qui eut Mons, Rruxelles, Anvers et une partie de Tournai sous (1) Le document est imprimé sous ce titre : De Concilio generali unius obedientiae. (2) Tractatus super reformatione Ecclesiae in Concilio Constantiensi. — Cf. notre Petrus de Alliaco, pp. xxxn et 120 Lille, 1886; Noël Valois, o. c , t. I, p. 198. 502 L. SALEMBIER. [8 sa houlette pastorale, et qui fut un des prélats les plus actifs de l’époque du schisme (1)? Je veux parler du cardinal Pierre d’Ailly. Plus d’un savant a déjà émis ce vœu. Qu’il me suffise de nommer Von der Hardt à Francfort (2), Moreri à Lyon (3), Dinaux à Cam- brai (4). M. Noël Valois vient de publier, dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes (5) un article intitulé : Un ouvrage inédit de Pierre d'Ailly : le « De persecutionibus Ecclesiae ». Nous- même, nous nous sommes efforcé pro virili parte d’éditer certains de ses ouvrages latins ou français (6). Mais d’autres opuscules restent inédits ou peu connus. De même, qui réunira les œuvres complètes de Philippe de Mai- zières, de Simon de Cramaud, de Pierre le Roy, de Guillaume Phi- lastre, de François Zabarella et de tant d’autres ? Qui s’efforcera de rassembler toutes ces pierres dispersées? A ce point de vue, tout est pour ainsi dire à faire. De nombreux écrivains ont largement exploité certains textes contraires à l’autorité du Pape et tirés des auteurs de cette époque. Des collectionneurs d’écrits suspects comme Goldast, Brown, Orthuinus Gratius, Flaccius Illyricus, ont prétendu faire de tous ces auteurs des précurseurs inconscients du protestantisme ou du galli- canisme et ont trop souvent réussi à égarer l’opinion. A nous de replacer ces hommes dans leur milieu historique et d’expliquer les textes d’après les circonstances générales de l’époque et d’après les intentions des écrivains. Ces recommandations, je me permettrai de les renouveler incidem- ment ici à propos de la tragique histoire de Jean Huss qui se déroula au milieu des évènements qui marquèrent la fin du schisme. A ce (1) « Le développement du schisme et surtout les évènements du Concile de Constance ne se comprennent pas en dehors de l’action personnelle de d’Ailly. On pourrait faire l’histoire de ces quarante années sous le titre de Pierre d'Ailly et son époque ». Max Lenz, Drei Tractate aus dem Schriften- cyclus des Consianzer Concils. Marbourg, 1876. Cfr. Revue historique , t. VI (1879), p. 464. (2) Rerum Conc. Const ., t. I, p. 485. (3) Dictionnaire historique , 8 e édition, 1698. (4) Notice histor. et litt. sur le cardinal d'Ailly , p. 90, 1824. (5) T. LXV (1904), pp. 557-574. — Cfr. J.-Ph. Bègne, Exégèse et astro- logie. A propos d'un ouvrage inédit de Pierre d'Ailly , dans la Revue des Sciences ecclésiastiques , 10° sér., t. II (1905), pp 445-460 et 494-508. (6) Epistola ad novos Eebraeos , Apologeticus hieronymianae versionis , dans la Revue des Sciences ecclésiastiques , 1889 ; les Œuvres françaises du cardinal d'Ailly dans la Revue de Lille , 1907. D'autres ont été réunis dans l’ouvrage de P. Tschackert, Peter von Ailli. Gotha, 1877. A PROPOS DU GRAND SCHISME D'OCCIDENT. 5039 ] propos, les historiens catholiques n’ont pas encore dit leur dernier mot. Oserai-je le déclarer? A mon humble avis, ils ont à peine dit leur premier mot, au moins en France, sur cette question qui a donné lieu à tant de controverses et à de si injustes attaques contre l’Eglise. Au commencement du xve siècle, à l’heure de la condamnation de l’hérésiarque, ils ont laissé la parole et la plume aux seuls ennemis, à des sectaires avérés comme Mladenowitz, ou à des sceptiques cor- rompus comme Poggio (1). Au xixe siècle, les protestants seuls, comme de Ronnechose et Denis, font loi quand il s’agit de Jeau Huss qu’ils considèrent, d’ail- leurs à juste titre, comme un précurseur de la Réforme. Pas un bon livre n’a été composé en français sur cette question si importante au point de vue historique. Et pourtant il ne s’agit pas ici d’une de ces « bicoques indéfendables » que Mgr d’Hulst reprochait aux catho- liques de vouloir conserver à tout prix. La position est très tenable et toute attaque peut être victorieusement repoussée. Il s’agit de trouver, pour le rétablissement des droits de la vérité historique en cette cause fameuse, un homme de plume et de cœur, de science et de conscience. Je souhaite qu’il se rencontre parmi vous, Messieurs les membres du Séminaire historique. Exoriare aliquis !... Enfin, il vous appartient, à vous qui êtes les fi's du pays, de diri- ger votre attention et vos études sur un point de votre histoire reli- gieuse qui demande à être élucidé et complété. Au temps du grand Schisme, on réunit beaucoup de synodes provinciaux, préparatoires aux Conciles généraux qui terminèrent la division religieuse. Dans notre région, on en rencontre deux au moins à Cambrai, un à Lille et deux à Gand. Or, un de ces synodes de Cambrai, celui de 1379 est absolument ignoré. Celui de 1380 ne nous est connu que par un discours du cardinal clémentin de Poitiers, Guy de Malesset, à qui le comte Louis de Maele défendait de pénétrer en Flandre. Je l’ai publié récemment d’après deux manuscrits, l’un de Rome (2) et l’autre de Paris (3). En 1384, il en est tenu un troisième à Lille, après la mort du comte Louis. Nous n’avons sur cette assemblée synodale que quelques notions puisées dans une allocu- (1) On connaît sa lettre adressée à Léonard Aretin à propos du supplice de Jérôme de Prague. Elle se trouve en entier dans Von der Hardt, t. III, p. v, col. 64 et dans Hefele, Histoire des Conciles, trad. par Delarc, t. X, p 584. Paris, 1874. (2) Bibl. Vaticane, Armarium LIV, vol. XIV, f. 93. (3) Bibl. Nationale, mss. lat. 1469, 9724 et 15561. 504 L. SALEMBIER. rio tion qu’y prononça Jean d’Aramon, docteur en droit et délégué de l’Universilé de Paris. J’ai fait copier à la Bibliolhèqne Barberini ce document que m’avait indiqué M. Noël Valois, et je l’ai reproduit dans une brochure parue en 1901 (1). Quant au synode de Gand, tenu en 1379, c’est une réunion urbaniste, à la différence des précé- dentes qui sont clémentines. Nous ne la connaissons que par les noms des abbés et des prélats qui y figurèrent, et que M. Napo- léon de Pauw, procureur-général à Gand, a publiés il y a quelques années (2). En 1385, nouveau synode tenu à Cambrai par les clémentins auquel assistèrent le provincial des Augustins et Gilles d’Orléans, religieux du même ordre. Nous n’en savons rien de plus (3). De plus, nous ignorons tout ou presque tout de la conférence ou diète de Gand, à qui parfois l’on donne improprement le nom de synode. Ce fut une assemblée où ]&> députés des bonnes villes de Flandre devaient se rencontrer avec des envoyés de Clément VII, en présence du duc Philippe de Bourgogne. Cette réunion, si tant est qu’elle ait eu lieu, dut se tenir après le mois de mai de l’année 1386 (4). Signalons enfin trois synodes de Cambrai tenus par l’évêque Pierre d’Ailly de 1396 à 1411. Nous n’en connaissons rien, sinon les discours que le prélat y prononça. Il y déplore parfois éloquemment les maux du schisme, et il y donne des conseils judicieux dont tout le inonde aujourd’hui reconnaît la portée théologique et la sagesse pratique (5). Voici donc huit ou neuf assemblées du clergé, qu’il serait peut-être exagéré d’appeler toutes des conciles, mais qui ne sont cependant pas des quantités négligeables en histoire, et à propos desquelles bien des détails sont encore à découvrir. C’est donc de la besogne pour les jeunes, pour ceux à qui ne sont pas interdits les longs espoirs et les vastes pensées. A l’œuvre donc, Messieurs, aujour- d’hui, demain, toujours ! (1) Deux conciles inconnus de Cambrai et de Lille au temps du grand Schisme. Lille. (2) L'adhésion du clergé de Flandre au pape Urbain VI et les évêques urbanistes de Gand (1379-1395), dans les BCRH , t. LXXIII (1904), pp. 671-702. (3) Journal de Jean Le Fèvre, p. 98. — Cf. Denifle, Chartularium Uni- versitatis Parisiensis, t. III, p. 591. (4) Cf. Noël Valois, o. c., t. II, p. 257. (5) Ces discours se trouvent dans les Tractatus et sermones de l’évêque de •Cambrai imprimés à Strasbourg en 1490. 50511] A PROPOS DU GRAND SCHISME D’OCCIDENT. Résumons en terminant votre programme d’action scientifique. Pièces inédites à rechercher et à réunir dans les archives et biblio- thèques de partout, quelque nom qu’elles portent, casus, facta, declarationés > allcgationes , informationes y schedulae, sermones y etc.; grandes collections à critiquer, à corriger, à refaire; œuvres com- plètes des principaux acteurs de cette immense tragédie qu’est le grand schisme à publier et à annoter, histoire vraie de Jean Huss à donner au public érudit, textes de nos synodes provinciaux à re trouver et décisions à faire connaître, tels sont les desiderata ù remplir, les difficultés à résoudre, les lacunes à combler, les mys- tères à éclaircir, les progrès, en un mot, à accomplir. Alors seulement on pourra écrire l’histoire complète de cette période si agitée et si difficile, et réunir, comme dans un seul tableau, toutes les péripéties de ce drame historique qui a ému si profondément, pendant quarante années, la conscience des contem- porains, et qui a laissé tant de problèmes à résoudre à la postérité.