key: cord-0055603-qbconviu authors: Czuba, C. title: Nouveaux tableaux de maladie professionnelle de la COVID-19 : vers une reconnaissance plus facilitée ? date: 2020-12-15 journal: nan DOI: 10.1016/j.admp.2020.12.003 sha: 37fa6cf5fa2ccfe8756cf2e430b32c191cbf624f doc_id: 55603 cord_uid: qbconviu nan Prenant en compte l'exposition particulière à laquelle ont été soumis tant les soignants que les salariés ayant continué à travailler en présentiel pendant la période du premier confinement (à l'époque [1] ), le ministre de la Santé avait affirmé, dès mars 2020, que les personnes contaminées par le coronavirus SARS-CoV2 dans le cadre de leur activité professionnelle verraient leur maladie reconnue « systématiquement » et « automatiquement » en maladie professionnelle (MP) [2] . Une reconnaissance tant automatique que facilitée, évitant ainsi des procédures complexes, avait été dès lors annoncée par le Gouvernement. Toutefois, des dispositions réglementaires étaient attendues depuis cet été 2020 pour préciser et surtout pour permettre la mise en oeuvre rapide de la reconnaissance et de surcroît la réparation des pathologies liées aux affections SARS-CoV2. En effet, la reconnaissance d'une MP déclenche une protection sociale renforcée avec une prise en charge des victimes à 100 % des frais médicaux (sur la base du tarif de la Sécurité sociale) et des indemnités journalières plus avantageuses que lors d'un arrêt maladie courant. De plus, en cas de séquelles occasionnant une incapacité permanente (IP), une rente viagère est attribuée. Elle est calculée selon la gravité des séquelles et les revenus antérieurs à la contraction du virus. Les ayants-droits d'une personne décédée en raison de l'infection COVID-19 peuvent également bénéficier d'une rente. Il a néanmoins fallu attendre le 15 septembre 2020, date de parution au Journal officiel du décret, pour connaître les modalités de reconnaissance en maladies professionnelles des pathologies liées à une infection à la COVID-19 [3] . Ce texte crée ainsi deux nouveaux tableaux de maladies professionnelles (TMP), l'un pour les assurés du régime général (TMP n o 100), l'autre pour ceux des régimes agricoles (TMP n o 60), pour les « affections respiratoires aiguës liées à une infection au SARS-CoV2-». À l'instar de ce qui est déjà prévu dans le Code de la sécurité sociale s'agissant des autres maladies professionnelles [4] , cette « nouvelle » reconnaissance « automatique » en maladie professionnelle du virus COVID-19 doit obéir aux conditions telles qu'indiquées dans les tableaux maladies professionnelles (I). Si une condition fait défaut, il est alors quand même possible, précise le texte de septembre 2020, de faire reconnaître la pathologie par le biais d'un Comité unique de reconnaissance « allégé » (II). Reconnaissance « automatique » de la COVID-19 comme MP par le biais des tableaux Conformément à la présomption d'imputabilité posée au 5 e alinéa de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, « est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ». Reprenant donc la structure classique de tout tableau de maladie professionnelle, la reconnaissance automatique en maladie professionnelle de la COVID-19 n'est possible que si les trois colonnes des TMP n o 100 (régime général -Cf. Les nouveaux TMP [5] visent les affections respiratoires aiguës causées par une infection au SARS-CoV2 confirmées par examen biologique ou scanner ou, à défaut, par une histoire clinique documentée (compte rendu d'hospitalisation, documents médicaux). De plus, cette affection respiratoire ainsi avérée doit présenter un caractère sévère puisqu'elle a nécessité une oxygénothérapie ou toute autre forme d'assistance ventilatoire (attestée par des comptes rendus médicaux), ou ayant entraîné le décès. En d'autres termes, ne sont visés ici que les malades sévèrement atteints de la COVID-19 qui ont développé une détresse respiratoire. La désignation de la maladie telle que retenue dans le tableau semble donc écarter tant les pathologies bénignes que les autres manifestations de la maladie. Or, compte tenu du caractère évolutif des connaissances, et en l'état actuel des données scientifiques, il semblerait que des lésions autres que respiratoires aient pu être objectivées, comme des atteintes pulmonaires résiduelles, ou encore des séquelles cardiovasculaires, rénales, cérébrales, neurologiques, psychiques. . . [6] . Dès lors, les nouveaux TMP, relatifs aux affections respiratoires sévères, ne permettent pas la reconnaissance automatique du caractère professionnel d'autres pathologies qui ont pu survenir sans nécessité de suivre pour la victime une oxygénothérapie. Pour faire reconnaître une maladie professionnelle dans le cadre de l'un de ces tableaux, la victime d'une affection respiratoire aiguë due à la COVID-19 doit également avoir fait l'objet d'une prise en charge médicale dans un délai maximal de 14 jours à compter de la fin de l'exposition au risque. En outre, la victime doit justifier de l'accomplissement de travaux en présentiel, selon une liste limitative, effectués par « le personnel de soins et assimilé », précise le texte. Conformément au décret du 14 septembre 2020, ces nouveaux TMP ne concernent que les personnels soignants et « assimilés ». Reconnaissance de la COVID-19 comme MP via un CRRMP unique et allégé Avant d' appréhender ce système complémentaire et spécifique prévu par le décret du 14 septembre 2020 dans le cadre de la reconnaissance en MP des pathologies liées à une infection au SARS-CoV2 (B), rappelons, brièvement, certaines généralités s'agissant des demandes en alinéas 6 ou 7 (A). Depuis 1993 [8] , il est instauré un système complémentaire de réparation des maladies professionnelles par le biais du CRRMP. Ainsi, si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un TMP peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime (alinéa 6 e de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale). Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un TMP lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente prévisible au moins égale à 25 % (alinéa 7 e de l'article L. 461-1 du présent code). Dans ces deux cas, la Caisse primaire reconnaît (ou non) l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un CRRMP [9] statuant sur le lien entre la maladie et l'activité professionnelle. Dans ce contexte particulier lié à l'épidémie du virus, le décret du 14 septembre 2020 apporte certains aménagements s'agissant de ce système complémentaire. Pour toutes les autres affections non désignées dans ces TMP ou non contractées dans les conditions de ces tableaux, l'instruction de la totalité des demandes en reconnaissance des maladies liées au COVID-19 est confiée à un CRRMP unique. La composition de celui-ci est allégée pour permettre une instruction plus rapide des dossiers, tout en maintenant les garanties d'impartialité. Il comprend ainsi les professionnels suivants, qui sont, rappelons-le, tenus au secret professionnel : • un médecin-conseil relevant du service du contrôle médical de la Cnam ou de la direction du contrôle médical et de l'organisation des soins de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole ou d'une des caisses locales, ou un médecin-conseil retraité ; • un professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH) ou un praticien hospitalier (PH) particulièrement qualifié en matière de pathologie professionnelle, réanimation ou infectiologie, en activité ou retraité, ou un médecin du travail, en activité ou retraité. Le praticien sera nommé pour quatre ans et inscrit sur une liste établie par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé. Autrement-dit : pour gérer l'instruction de ces demandes particulières, est créé en lieu et place des comités régionaux, un comité unique, réduit à deux personnes, parmi lesquelles on ne retrouve pas la présence du MIRT. Ce CRRMP unique devra donc rendre un avis dans deux hypothèses : • 1 re hypothèse : la maladie est bien désignée dans l'un des deux TMP, mais la 2 e ou la 3 e colonne fait défaut -Alinéa 6 e Dans ce cas, le CRRMP statue sur le lien « direct » entre la pathologie et l'activité professionnelle de la victime. Tel peut être le cas d'une contamination professionnelle des personnels autres que soignants, par exemple. Il en est ainsi des personnes, soignants ou non, infectées par la COVID-19 mais qui n'ont pas développé d'affections aiguës sur le plan respiratoire et qui, de surcroît, n'ont pas nécessité d'oxygénothérapie. Le ministre de la Santé avait évoqué cet été la suppression du taux d'IP dans le cadre d'une procédure « simplifiée ». Force est de constater que le décret reste muet à ce sujet. Dès lors, il est fort légitime de penser que le seuil minimal du taux d'IP fixé à 25 % soit exigé en guise de condition préalable à la transmission au comité afin que la demande en reconnaissance MP soit instruite. Pour tenter de faciliter les démarches de la victime, un service de déclaration en ligne de maladie professionnelle liée à la COVID-19 a été mis en place par l'Assurance maladie. Ainsi, pour bénéficier de la prise en charge en maladie professionnelle de leur infection au SARS-CoV2, les personnes concernées doivent effectuer une déclaration sur le site Internet : « declare-maladiepro.ameli.fr ». Précisons que l'Assurance maladie avait devancé la parution du décret fixant les critères de reconnaissance professionnelle de la maladie COVID-19. En effet, dès le 7 août 2020, il avait été mis en ligne, sur le site Internet de la Cnam, une note détaillant les modalités déclaratives en MP applicables aux personnes ayant contracté le COVID-19 dans le cadre de leur activité professionnelle. Les informations délivrées sur le site dédié semblent toutefois plus restrictives que le décret en question. Il y est en effet précisé qu'« en dehors de ces critères [contamination dans le cadre du travail et nécessité du recours à l'oxygénothérapie ou toute autre forme d'assistance ventilatoire], ce dispositif ne s'applique pas (sauf en cas de décès) » ; de sorte que, en dehors de ces critères limitatifs, la victime serait prise en charge au titre de sa couverture habituelle d'assurance maladie. Cette formulation laisse à penser que le système de déclaration en MP pour les personnes atteintes de la COVID-19 ne se base que sur les seuls TMP, sans possibilité aucune de recourir au système complémentaire. Les carences, tant du côté des dispositions officielles que des informations issues de l'Assurance maladie, rendent les règles applicables en reconnaissance des pathologies liées à une infection au COVID-19 en maladies professionnelles encore plus nébuleuses, pour la victime. N'oublions pas que du côté de l'employeur, la reconnaissance de la COVID-19 en MP comporte certains enjeux à prendre également en considération. Il y a d'abord des enjeux liés la tarification ATMP des entreprises. Annoncé par le ministère du Travail, le financement de ce dispositif est assuré, non pas directement par les employeurs concernés, mais par le biais d'une majoration forfaitaire imposée à l'ensemble des entreprises. C'est ainsi que l'arrêté du 16 septembre 2020 prévoit la mutualisation de la charge financière des maladies professionnelles reconnues sur le fondement d'une pathologie de type SARS-CoV2. Plus concrètement, le texte consacre l'imputation desdites pathologies au compte spécial. Indépendamment de l'incidence du taux de cotisation, il existe des enjeux en termes de protection sociale en cas d'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le cas échéant devant le Pôle Social du Tribunal judiciaire. Il y a enfin des enjeux liés au droit du travail, en particulier en cas de constat d'une inaptitude médicale professionnelle consécutive à cette reconnaissance de la COVID-19 en MP ou encore en cas de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, susceptible de faire l'objet d'un recours devant le Conseil des Prud'hommes . . . Nul doute qu'une attention particulière sera portée aux traitements judiciaires de ces demandes, au regard des consignes sanitaires, lesquelles, durant cette crise pandémique, n'ont de cesse fluctuées. L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts. Pour citer cet article : Czuba C. Nouveaux tableaux de maladie professionnelle de la COVID-19 : vers une reconnaissance plus facilitée ? Pour faire face à l'épidémie de COVID-19, une première loi n o 2020-290 du 23 mars 2020 a instauré, le 24 mars 2020, un état d'urgence sanitaire lequel a été prolongé le 11 mai pour une durée de deux mois (cf Communiqué de presse de Olivier Véran -30 juin 2020 Décret n o 2020-1131 du 14 septembre 2020 relatif à la reconnaissance en maladies professionnelles des pathologies liées à une infection au SARS-CoV2 461-1 du Code de la sécurité sociale Les publications de l'Inserm, de l'Académie de médecine, de l'Institut Pasteur Au sein des régimes agricoles, il s'agit de tous travaux accomplis en présentiel par le personnel administratif, de soins et assimilé ou d'entretien, au sein des établissements et services suivants dépendant d'organismes ou d'institutions relevant du régime de protection sociale agricole : -les services de santé au travail ; -les structures d'hébergement et de services pour personnes âgées dépendantes ; -les structures d'hébergement pour adultes et enfants handicapés Loi n o 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social 461-26 et suivants du Code de la sécurité sociale