key: cord-0252278-f4nfkx6s authors: Salsabil, Rejaibi; Raja, Mahfoudh Mchirgui; Nadia, Ben Mansour; Fathia, Barbouch; Nabila, Kaddour; Ali, Mrabet; Hajer, Aounallah-Skhiri title: Profil des initiatives communautaires de riposte contre la pandémie COVID-19 en Tunisie date: 2021-01-01 journal: Tunis Med DOI: nan sha: 61e72c3b931ef1d9d8b8c9ddc7c35720edb2ae33 doc_id: 252278 cord_uid: f4nfkx6s INTRODUCTION: Colorectal cancer (CRC) is a real public health issue in Tunisia. A screening program based on fecal immunological occult blood test, followed in case of a positive test by colonoscopy, was launched in Tunis region in 2016. We aimed to evaluate this screening program in order to make recommendations for a better implementation of this program in years to come. METHODS: A mixed approach has been adopted with a quantitative component based on the production of indicators related to activity, monitoring and screening quality; and a qualitative component conducted through focus groups with frontline health care professionals (HCP) and individual interviews with those lost to follow-up after a positive screening test. SWOT analysis was then performed in order to assess main strengths, weaknesses, opportunities and threats of the program. RESULTS: This study showed a coverage rate of 41.2% [40.5-41.8] for population consulting the first line of care, and an effective participation rate estimated at 23.1% [22.6-23.6]. Out of 5856 tests performed, 6% (n=352) were non-treatable and 6.7 % (n=390) were positive. Only 18.6% (n=72) of those tested positive had undergone colonoscopy. A total of 26 polyps, 03 cases of cancer and 04 cases of dysplasia were recorded. SWOT analysis pointed out that the variable adherence of HCP, lack of awareness of general population regarding CRC screening, the non-acceptability of colonoscopy without sedation with a problem of affordability for its realization in the private sector, and long appointments delays in public sector, were main weaknesses and of this program. CONCLUSION: This evaluation underlined certain strengths regarding the program implementation and revealed, in return, several shortcomings which certainly impair the program’s effectiveness and efficiency. The involvement of the national health insurance fund in CRC screening tests and colonoscopies reimbursement, as well as the establishment of a performance-based payment modality for HCP, constitute main key pillars to reach success and sustainability for any CCR mass screening program in Tunisia. Le Cancer Colo-Rectal (CCR) figure en troisième position mondiale, après le cancer du sein et du poumon, avec une incidence estimée à 1,8 millions de nouveaux cas par an. Il représente la 4 ème cause de décès par cancer, et près de 862 000 décès lui ont été attribuables en 2018 [1] . Il est caractérisé par une longue période de latence et par des lésions précancéreuses facilement traitables par résection endoscopique, ce qui en fait un très bon candidat pour le dépistage et l'un des cancers les plus évitables dans le monde pourvu que son dépistage soit efficace [2] [3] . Le dépistage du CCR peut être un dépistage organisé proposé pour la population générale, basé sur des tests non invasifs de détection de sang occulte dans les selles (RSOS) qui utilisent la résine du gaïac (hemoccult), ou des tests basés sur des méthodes immunologiques, reposant sur l'utilisation d'anticorps monoclonaux ou polyclonaux reconnaissant la partie globine de l'hémoglobine. Il peut être également un dépistage individuel opportuniste, généralement proposé par le médecin à toute personne à haut risque, reposant sur une exploration endoscopique directe du côlon par sigmoïdoscopie, coloscopie ou colo scanner [4] . En Tunisie, selon les données du registre Cancer Nord-Tunisie 2007-2009, le CCR est un problème de santé publique majeur avec un Taux d'Incidence Annuel Standardisé (TIS) estimé à 12,4/100 000. Il occupe le 4 ème rang des cancers masculins et le 2 ème rang des cancers féminins avec des TIS respectifs de 13,2/100000 et de 11,5/100000. Par ailleurs, une nette tendance à la hausse est prévue d'ici 2024, avec des TIS estimés à 39,9/100000 et à 22,9/100000, respectivement chez les hommes et les femmes [5] . La lutte contre le CCR en Tunisie rentre dans le cadre du programme national de lutte contre les cancers. Elle est basée sur un dépistage opportuniste ciblé par coloscopie, destiné aux sujets à risque très élevé (prédisposition génétique, antécédents personnels de cancer ou d'adénome, antécédents familiaux de CCR, maladies inflammatoires chroniques de l'intestin). Cependant, dans le cadre du dernier plan cancer (2015-2019) et dans le but de renforcer le dépistage organisé du CCR, un projet pilote de dépistage de masse en population générale, ciblant la tranche d'âge 50-74 ans, a été recommandé [6] . Et c'est ainsi qu'un programme de dépistage a été lancé par la Cette étude consiste en une «évaluation du programme de dépistage utilisant le test immunologique de RSOS», menée dans la région de Tunis sur deux ans (janvier 2016-décembre 2017 inclus). Une «approche mixte» a été adoptée dans le cadre de cette évaluation réalisée en 2019, comportant un «volet quantitatif» basé sur la production d'indicateurs (d'activité, de qualité et de suivi du dépistage); et un «volet qualitatif» basé sur des «focus groups» et des entretiens individuels. Le programme a ciblé les sujets âgés de 50 à 74 ans à «risque moyen» de développer le CCR, soit les sujets asymptomatiques, n'ayant pas fait de coloscopie au cours des cinq années précédentes, n'ayant pas fait le test de dépistage du CCR au cours des deux années précédentes et ayant déclaré être des consultants habituels pour les structures de la première ligne. Ces personnes ont été invitées à réaliser le test immunologique de RSOS, suivi, en cas de test positif, d'une coloscopie. Le test de dépistage a été fourni gratuitement pour les sujets ciblés par le programme ayant accepté le test. De même, en cas de test positif, le produit du lavement qui précède la réalisation de la coloscopie, a été fourni gratuitement. La coloscopie était gratuite pour les indigents uniquement. Le calcul de la population éligible au dépistage, âgée entre 50 et 74 ans, a été fait en se basant sur les données du recensement général de la population tunisienne pour l'année 2014 [8] , et en admettant que 80% de la population générale serait à «risque moyen» de développer un CCR [9], et que le taux de fréquentation de la première ligne dans le contexte tunisien, serait entre 10-15% (12% selon les données de la dernière enquête ménages, 2016 [10] ). Le tableau 1 résume ces indicateurs et permet de préciser les formules utilisées pour leur calcul. Évaluation qualitative du programme 1. Focus groups : Dix «focus groups» ont été menés auprès de la quasi-totalité des PS de la première ligne, impliqués dans le programme de dépistage. Ont été invités des médecins généralistes et infirmiers exerçant dans des CSB de la région de Tunis (Nord et Sud) dans des circonscriptions sanitaires différentes; et deux gastro-entérologues coordinateurs du programme, ayant assuré la réalisation de coloscopies dans des structures de 3 ème ligne, impliqués dans le programme: service de gastro-entérologie de l'hôpital Mongi Slim et service de gastro-entérologie de l'hôpital Charles Nicolle de Tunis. Les «focus groups» ont été menés, en se basant sur un guide de discussion abordant différents aspects de l'implémentation du programme: motivation des PS, niveau de conscience de la population générale, faisabilité et acceptabilité du test, gratuité de la coloscopie, etc. Un accord du comité d'éthique de l'hôpital la RABTA a été obtenu pour évaluer ce programme de dépistage. Les données identifiantes recueillies étaient nécessaires pour le suivi des consultants, notamment pour ceux ayant un test de dépistage positif. Ces données ont été utilisées uniquement pour des fins de recherche et ont été rendues anonymes par la suite pour analyse des données. Par ailleurs, les «focus groups» ont été menés après avoir eu l'accord favorable des PS impliqués dans le programme; de même, les entretiens individuels avec les PDV ont été menés par téléphone après avoir expliqué brièvement les objectifs de la conversation et donné librement le choix au patient de répondre ou non au questionnaire proposé. En 2016, année du démarrage du programme, la région de Tunis comptait 211 250 individus âgés de 50 à 74 ans [8] . Parmi lesquels, 169 000 étaient éligibles au dépistage (ceux à risque moyen de développer le CCR), et Information sur le programme uniquement au niveau des structures de première ligne, mais pas de médiatisation et pas d'implication du secteur privé Barrières culturelles et psychologiques pour la réalisation du test (refus en rapport avec la difficulté à manipuler les selles, notamment) et pour la réalisation de la coloscopie sans anesthésie dans le secteur public Délais d'attente importants pour les rendez-vous de coloscopies dans le secteur public Manque de suivi Le programme n'a pas prévu un système de rappel pour les sujets dépistés négatifs pour un dépistage régulier tous les 2 ans Les sujets dépistés positifs et chez qui aucune information sur la réalisation ou non de coloscopie était disponible, n'ont pas été correctement suivis Gratuité du test de dépistage Gratuité du lavement, avant la réalisation de coloscopies Existence d'un plan national de lutte contre les cancers Reliées au patient Refus de la colonoscopie si test positif (déni psychologique, angoisse du résultat de la coloscopie, etc.) Barrières financières : difficulté de réaliser la coloscopie sous sédation dans le secteur privé Reliées à la prestation du service Adhésion variable des professionnels de la santé au programme: charge de travail, pas de prime pour la réalisation du test [14] [15] [16] [17] [18] . Ce taux de participation a été comparable à celui retrouvé dans certains pays de l'Asie de l'Est, avec des taux inférieurs à 40% [19] [20] ; il est cependant, très faible par rapport aux résultats des programmes de dépistage de masse menés dans les pays à revenus élevés, ayant démontré que les tests immunologiques étaient mieux acceptés en population générale et permettaient ainsi d'atteindre des niveaux de participation plus élevés par rapport aux tests au gaïac allant jusqu'à 60-70% [21, 22] . Selon les résultats de cette étude, le taux de tests non analysables était de 6%, résultat comparable aux données de la littérature; Denis et al ont rapporté un taux de tests non analysables estimé à 6,1%, de même l'évaluation du programme français 2013-2014 a révélé un taux de 6% [23] . Un fait alarmant a été cependant révélé, relatif à un taux très élevé de PDV après test de dépistage positif (près de 80%), ne dépassant pas habituellement les 20% dans les systèmes de santé à dépistage très organisé [24] . Ceci a été expliqué, au cours de l'analyse SWOT, par des causes psychologiques (déni psychologique) et financières liés au patient, par des causes liées à la prestation du service lui-même (délais d'attente élevés pour coloscopie, acte invasif mené sans anesthésie, etc.) et certainement par la nette expansion du secteur privé occupant de plus en plus une place importante dans le système de santé tunisien [6] . Meester et al, en se basant sur un modèle de simulation validé, ont montré que chaque mois ajouté après test de RSOS positif et jusqu'à ce que la coloscopie soit réalisée, a été associé à une augmentation de 0,1 / 1000 personnes du risque d'incidence du cancer (soit une augmentation de 0,3% / mois, par rapport aux personnes ayant fait des coloscopies dans les deux semaines), ce qui souligne l'importance de suivre tout le processus de dépistage [25] . Par ailleurs, Lane et al, en se basant sur une analyse SWOT du programme de dépistage du CCR aux Etats Unis, ont rapporté que l'étroite collaboration entre les structures de première ligne et les structures universitaires permettant d'obtenir des coloscopies en temps opportun, la subvention des coloscopies sous sédation et la subvention d'autres tests de dépistage gratuits menés en parallèle tel que la mammographie, constituaient d'excellentes opportunités pour la réussite du programme [14] . A Taiwan, bien que la coloscopie de confirmation soit subventionnée par l'assurance maladie nationale, d'autres facteurs ont été identifiés comme facteurs influençant la volonté de subir cet examen de vérification tel qu'un âge plus jeune, le fait d'être marié, un niveau de perception élevé de l'examen comme une réelle menace pour la santé mentale et physique de l'individu. Ainsi il est particulièrement primordial d'insister sur la formation continue des PS de la première ligne, dans le sens de l'acquisition d'une compétence à transmettre un message non seulement rationnel mais également prenant en compte le sentiment d'incertitude que peut provoquer l'annonce d'un premier résultat positif et visant ainsi à adopter une attitude confiante et positive à l'égard du dépistage [26] [27] . En Tunisie, l'élaboration et la diffusion d'un document officiel du programme de dépistage du CCR, standardisant les concepts et pratiques à tous les niveaux du système de santé et précisant les attributions de chaque intervenant dans le processus du dépistage, est une étape incontournable pour l'amélioration du niveau de couverture et pour l'amélioration du suivi. Par ailleurs, un meilleur accompagnement du patient, via une meilleure implication des organisations non gouvernementales dans le processus du dépistage et l'implication d'un «patient navigator» (assistant dans le parcours de soins), l'instauration d'un système de rappel informatisé pour les RDV de coloscopies, le développement du dossier médical informatisé au niveau de la première ligne, amélioreraient nettement la qualité et la rapidité du suivi [28] [29] [30] . Finalement, une amélioration de la gouvernance des structures sanitaires via le développement d'une réforme pour un mode de paiement des prestataires de soins de santé lié à la performance, permettrait certes d'augmenter la motivation et l'implication des PS dans le dépistage, pourvu que ceci ne soit pas en déphasage avec la réglementation [31] [32] . Le Maroc a fait un pas dans ce sens via l'adoption d'un mouvement de réforme de l'administration dit « New Public Management », appliqué dans le domaine de la santé publique avec comme axes stratégiques : la gestion basée sur les résultats, individualisation des rémunérations, primes au rendement et développement de la régionalisation comme nouveau mode de gouvernance du système de santé [33] [34] . En conclusion, malgré les améliorations significatives dans les techniques du dépistage, l'adhésion variable des PS, le manque de ressources et le manque de sensibilisation de la population générale, font que le CCR reste un fardeau majeur pour la santé publique en Tunisie, comme pour la majorité des pays du Maghreb. Les PS de la première ligne sont confrontés à un réel défi, en vue d'une mise en oeuvre effective d'un programme de dépistage du CCR, à la fois efficace et efficient. La volonté politique et l'investissement gouvernemental dans le dépistage du CCR, se traduisant par la subvention de coloscopies sous sédation et par une révision des modalités de payement des PS, encourageant de plus en plus la prévention, sont nécessaires d'autant plus qu'au-delà des questions d'éthique et d'équité, l'investissement dans ce sens permettrait de réduire tous types de coûts liés aux soins de santé, y compris ceux liés à la chirurgie radicale, aux hospitalisations de longues durées et à la chimiothérapie, dans les pays à faible revenu comme ceux du Maghreb. The Global Cancer Observatory The colorectal cancer epidemic: challenges and opportunities for primary, secondary and tertiary prevention Screening of colorectal cancer: present and future Colorectal Cancer Incidence Trend and Projections in Tunisia Plan pour la lutte contre le cancer en Tunisie Evaluation du programme de dépistage du cancer colorectal: indicateurs d'évaluation Recensement général de la population et de l›habitat Ministère de santé publique nationale Tunisian Health Examination Survey Methodological issues in a cross-sectional survey on cervical cancer screening using telephone interviews in Sicily (Italy): a SWOT analysis Establishing a program for individuals at high risk for breast cancer A provider intervention to improve colorectal cancer screening in county health centers Colorectal Cancer screening: the role of psychological, social and background factors in decision-making process Association between serious psychological distress and nonparticipation in cancer screening and the modifying effect of socioeconomic status: Analysis of anonymized data from a national crosss ectional survey in Japan La stratégie de dépistage dans les pays du Grand Maghreb: État des lieux et perspectives Women's knowledge about cervical cancer and their pap smear test participation in Algeria Knowledge of cervical cancer and uptake of screening test among women in the Region of Marrakesh Colorectal cancer screening of the general population in East Asia Knowledge, attitude, preventive practices and perceived barriers to screening about colorectal cancer among university students of newly merged district, Kpk, Pakistan-A cross-sectional study Comparison of immunochemical and guaiac-based fecal occult blood test in screening and surveillance for advanced colorectal neoplasms: A meta-analysis: Screening for colorectal cancer Faecal immunochemical tests versus guaiac fecal occult blood tests: what clinicians and colorectal cancer screening program organizers need to know Dépistage du cancer colorectal par test immunologique quantitatif de recherche de sang occulte dans les selles: une révolution? Hepato-Gastro Oncol Dig Timely follow up of positive cancer screening results: A systematic review and recommendations from the PROSPR Consortium Consequences of increasing time to colonoscopy examination after positive result from fecal colorectal cancer screening test Factors affecting compliance with confirmatory colonoscopy after a positive fecal immunochemical test in a national colorectal screening program Colorectal cancer, screening and primary care: a mini literature review Interventions to improve follow-up of positive results on fecal blood tests: a systematic review Effectiveness of patient navigator interventions on uptake of colorectal cancer screening in primary care settings Navigating language barriers: a systematic review of patient navigators' impact on cancer screening for limited English proficient patients The use of payment by results in healthcare: A review and proposal Les réformes en faveur du paiement à la qualité en Europe: état des lieux, analyse et propositions La régionalisation, nouveau mode de gouvernance du système de santé: état des lieux pour le cas du Maroc New Public Management: quels enjeux pour le système de santé publique au Maroc?