key: cord-0712213-0vfl6e0k authors: Schumacher, Laurence; Blatrie, Cédric; Krähenbühl, Séverine; Pasteur, Camilla; Blanc, Anne-Laure; Pellaton, Charline; Bonnabry, Pascal; Rouiller, François; Widmer, Nicolas title: Gestion de la pandémie COVID-19 en Suisse : rôles et défis d’une pharmacie interhospitalière date: 2020-08-26 journal: nan DOI: 10.1016/j.pxur.2020.08.010 sha: 937f7212c10245cac37e1ba66e02cbc58a3c6eb2 doc_id: 712213 cord_uid: 0vfl6e0k Du 16 mars au 18 juin 2020, en raison de la pandémie COVID-19, le Conseil fédéral suisse a déclaré une “situation extraordinaire” au sens de la Loi sur les épidémies. Ce travail évalue les rôles d’une pharmacie interhospitalière dans la lutte contre le SRAS-CoV-2 en Suisse dans le contexte du Service sanitaire coordonné. Pendant cette période, toutes les missions effectuées par cette pharmacie ont été systématiquement collectées et évaluées. Elles ont également été comparées à ses responsabilités traditionnelles. Les missions spécifiques ont été principalement gérées par la cellule de crise et les 4 secteurs de la pharmacie (Logistique pharmaceutique, Fabrication, Pharmacie clinique et Approvisionnement des maisons de retraite): (1) garantie de la continuité des ressources humaines, (2) sécurisation de l’infrastructure propre à la pharmacie (notamment en termes d’hygiène), (3) approvisionnement spécifique en médicaments (par exemple : anesthésiques, sédatifs, antiviraux, y.c. pour les essais cliniques), (4) production et approvisionnement de désinfectant pour les mains, (5) appui clinique (particulièrement dans les unités de soins critiques), (6) fabrication de médicaments individualisés, (7) gestion des pharmacies d’unité de soins, et (8) fourniture de masques hygiéniques pour les professionnels de la santé de la région. Les missions (4) et (8) ne faisaient pas partie des rôles habituels de la pharmacie et ont été réalisées avec le soutien de la protection civile suisse. Un défi particulier a été la gestion de la pénurie de divers produits et l’identification d’options thérapeutiques alternatives. En conclusion, notre pharmacie d’hôpital a été confrontée à divers défis durant la première vague de la pandémie. Certaines missions réalisées ont même dépassé les responsabilités traditionnelles. Sur la base des enseignements tirés de cette pandémie, le plan d’urgence de notre pharmacie, ainsi que la formation associée du personnel, ont été développés. From March 16 to June 18, 2020, due to the COVID-19 pandemic, the Swiss Federal Council declared an “extraordinary situation” in terms of the Epidemics Act. The present work assesses the roles of an interhospital pharmacy in the fight against SARS-CoV-2 in Switzerland, in the frame of the Coordinated Medical Service. During this time, all missions performed by the pharmacy were systematically collected and evaluated. They were also compared to its official duties. Specific missions have been mainly managed by the crisis unit and the 4 departments of the pharmacy (Logistics, Manufacturing, Clinical Pharmacy and Nursing Homes Supply): (1) guarantee continuity of human resources, (2) interne infrastructure securing (especially in terms of hygiene), (3) specific drug supply (e.g. anesthetics, sedatives, antivirals, incl. for clinical trials), (4) hand disinfectant production and supply, (5) clinical assistance (especially in the Critical Care units), (6) individual drug manufacturing, (7) management of ward pharmacies, and (8) hygienic masks supply for healthcare professionals in the area. The missions (4) and (8) were out of the usual duties of the pharmacy and have been achieved with the support of the Swiss civil protection. A particular challenge was the management of the shortage of various products and the identification of alternative therapeutic options. In conclusion, our pharmacy has faced various challenges during the first wave of the pandemic. Some missions performed were even beyond the traditional duties. Based on the lessons learned from this pandemic, the disaster plan of our pharmacy, as well as the associated staff training, have been further developed. Du 16 mars au 18 juin 2020, en raison de la pandémie COVID-19, le Conseil fédéral suisse a déclaré une "situation extraordinaire" au sens de la Loi sur les épidémies. Ce travail évalue les rôles d'une pharmacie interhospitalière dans la lutte contre le SRAS-CoV-2 en Suisse dans le contexte du Service sanitaire coordonné. Pendant cette période, toutes les missions effectuées par cette pharmacie ont été systématiquement collectées et évaluées. Elles ont également été comparées à ses responsabilités traditionnelles. Les missions spécifiques ont été principalement gérées par la cellule de crise et les 4 secteurs de la pharmacie (Logistique pharmaceutique, Fabrication, Pharmacie clinique et Approvisionnement des maisons de retraite) : (1) garantie de la continuité des ressources humaines, (2) sécurisation de l'infrastructure propre à la pharmacie (notamment en termes d'hygiène), (3) approvisionnement spécifique en médicaments (par exemple : anesthésiques, sédatifs, antiviraux, y.c. pour les essais cliniques), (4) production et approvisionnement de désinfectant pour les mains, (5) appui clinique (particulièrement dans les unités de soins critiques), (6) fabrication de médicaments individualisés, (7) gestion des pharmacies d'unité de soins, et (8) fourniture de masques hygiéniques pour les professionnels de la santé de la région. Les missions (4) et (8) ne faisaient pas partie des rôles habituels de la pharmacie et ont été réalisées avec le soutien de la protection civile suisse. Un défi particulier a été la gestion de la pénurie de divers produits et l'identification d'options thérapeutiques alternatives. En conclusion, notre pharmacie d'hôpital a été confrontée à divers défis durant la première vague de la pandémie. Certaines missions réalisées ont même dépassé les responsabilités traditionnelles. Sur la base des enseignements tirés de cette pandémie, le plan d'urgence de notre pharmacie, ainsi que la formation associée du personnel, ont été développés. [1] . La gestion de la santé en Suisse est principalement répartie entre la Confédération et les cantons, ce qui permet une certaine liberté et explique des différences d'une région à l'autre, y.c. dans le domaine de la gestion des situations d'urgence [2] . Par exemple, dans le canton de Vaud, troisième canton le plus peuplé, la chaîne de secours s'articule autour de trois axes principaux : (1) une centrale d'engagement unique pour les appels de demandes sanitaires qui régule les urgences vitales, (2) des secours non-médicalisés et (3) des secours médicalisés. La centrale d'alarme dispose de moyens sanitaires tels que des ambulances privées ou publiques, des services mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR) et un moyen héliporté médicalisé [3] Selon les cantons, les équipages des ambulances d'urgence se composent de 1 ou 2 ambulancier(s) diplômé(s) qui assurent les soins pré-hospitaliers d'urgence 24 heures sur 24 de façon autonome. Dans l'attente de l'arrivée du SMUR, ces professionnels peuvent effectuer des actes médicaux délégués, comme l'administration de médicaments d'urgence, sous la responsabilité d'un médecin conseil (selon protocoles préétablis) [3] . En cas d'accident majeur, les moyens disponibles au quotidien participent en première ligne à la réponse sanitaire, puis ceux-ci bénéficient de moyens additionnels définis par des accords préétablis, comme le poste médical avancé (PMA), des renforts extra-cantonaux ou fédéraux (y.c. militaires) ou même de l'aide de pays voisins, comme la France. Dans ce contexte, le Service sanitaire coordonné (SSC) a pour objectif de garantir en tout temps et dans toutes les situations une prise en charge sanitaire optimale de tous les patients par une coordination efficace de toutes les organisations partenaires civiles et militaires sur le plan fédéral (partenaires feux bleus, hôpitaux, protection civile, service sanitaire de l'armée) [4] . Pour cela, il élabore avec ses partenaires des recommandations et des formations pour assurer le meilleur niveau de réponse possible. En cas de conflit armé ou de situation particulière ou extraordinaire (exemple : épidémie), un organe de coordination spécifique du SSC (OSANC) prend en charge la coordination opérationnelle [4] . En termes de formation et recherche, la Confédération finance aussi une douzaine de centres spécialisés universitaires sous l'égide du Centre de compétences pour la médecine militaire et de catastrophe [5] . Le but de certains de ces centres est d'élaborer une unité de doctrine dans la conduite des évènements majeurs dans le pays [6] . Pour ce qui est de l'approvisionnement en médicaments, le domaine « produits thérapeutiques » de l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE) veille à ce que les producteurs de médicaments disposent de suffisamment de réserves de médicaments spécifiques en Suisse en cas de pénurie [7, 8] . Toutefois, il ne s'agit pas formellement d'un organe de conduite en cas de crise dans le domaine de l'approvisionnement en médicaments et dispositifs médicaux. En Suisse, le risque d'être touché par une pandémie avait été identifié comme risque majeur lors de l'élaboration de la dernière cartographie des risques publiée par les autorités à fin juin 2015 [9] . Peu avant, un exercice du Réseau national de sécurité avait été conduit en novembre 2014 (ERNS 14), fondé notamment sur un scénario de pandémie (nouveau virus se répandant en Asie centrale et touchant l'Europe quatre mois plus tard) et avait débouché sur 16 recommandations, déclinées en 42 mesures, visant à améliorer la collaboration entre la Confédération, les cantons et leurs partenaires en cas de crise [10] . Ces recommandations étaient, par exemple, de développer la gestion fédérale des ressources (ResMaB), une structure permettant à la Confédération d'aider rapidement et de manière ciblée les cantons touchés en leur fournissant les ressources manquantes, ou encore de renforcer la collaboration entre l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) et le SSC pour apporter un soutien aux cantons en cas de pandémie. En 2019, les mesures associées avaient été en bonne partie élaborées, mais pas encore complétement testées [11] . Dans ce contexte, but du présent article est de décrire l'expérience d'une pharmacie interhospitalière suisse durant la pandémie COVID-19 pour identifier des potentiels d'amélioration dans la gestion pharmaceutique de crises similaires à l'avenir. L'année 2020 est marquée par la pandémie COVID-19 qui, comme la peste noire ou la grippe espagnole, restera certainement dans l'histoire [12] . Fin décembre 2019, les premiers cas d'une pneumonie atypique dus à un nouveau coronavirus son rapportés dans la ville chinoise de Wuhan, capitale de la province du Hubei [13] . En février 2020, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dénomme officiellement ce nouveau virus SARS-CoV-2 et la maladie qu'il entraine COVID-19 pour « Coronavirus Disease 2019 ». Ce nouveau coronavirus est un bêta-coronavirus, tout comme le SARS-CoV, avec lequel il partage plus de 70% d'homologie. Le SARS-CoV, responsable d'une épidémie de pneumonie ayant touché plus de 8'000 personnes de 2002 à 2004 et caractérisé par un taux de mortalité d'environ 10%, est aujourd'hui considéré comme éradiqué [14] . Quant au SARS-CoV-2, il semble associé à une mortalité plus faible, mais très variable d'un pays et d'un système de santé à l'autre [15] . Durant l'hiver 2020, de plus en plus de cas d'infection à SARS-CoV-2 sont détectés hors de la Chine, dont plusieurs en Europe. Début mars, le nombre de cas augmente en Europe et principalement en Italie, qui représente un nouveau foyer [16] . Le 12 mars 2020, l'OMS déclare l'état de pandémie de COVID-19. La France, quant à elle, enregistre ses premiers cas mi-février et un pic durant la première quinzaine d'avril [17] . Ces évènements ont mobilisé et mobilisent encore de façon majeure les systèmes de santé européens, y.c. les pharmacies hospitalières. En Suisse, c'est le 25 février 2020 que le premier cas de COVID-19 est rapporté au Tessin, canton limitrophe de l'Italie. Le 12 mars 2020, la Suisse est le troisième pays d'Europe touché par le coronavirus par rapport au nombre d'habitants [17] . Le 13 mars, par le biais de l'Ordonnance 2 COVID-19, le gouvernement suisse (Conseil fédéral) annonce le durcissement des mesures sur l'ensemble du territoire avec, notamment, l'interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes, la fermeture des écoles et des universités dans tout le pays et l'introduction de contrôles aux frontières [18] . Parallèlement, de nombreux cantons annoncent aussi des restrictions, parfois plus strictes. Puis le 16 mars, le Conseil fédéral déclare l'état de « situation extraordinaire » (au sens de l'article 7 de la Loi sur les épidémies, LEp) [19] et met à jour son ordonnance avec de nouvelles mesures, comme la fermeture des commerces non essentiels (y.c. les restaurants et les établissements de loisirs) ainsi que celle, partielle, des frontières. En même temps, il décide aussi de la mobilisation d'une partie de l'armée pour assister les structures hospitalières civiles et soutenir les autorités dans diverses tâches de sécurité et de logistique. Parallèlement, les cantons mobilisent également de nombreux appelés de la Protection civile. La mobilisation de l'armée, surtout des conscrits des troupes sanitaires, a représenté la plus importante mobilisation depuis la Seconde Guerre mondiale en Suisse [20] . Mi-août 2020, le pays comptait plus de 37'000 cas de patients testés positifs et près de 2'000 décès [21] . À cette date, le canton de Vaud était le plus touché du pays en nombre de décès absolu (425) et occupait le troisième rang en nombre de cas cumulés par habitant (env. 800/100'000 ; après Genève et le Tessin) [21] . Globalement, le système de santé suisse n'a pas été saturé, mais a dû relever de nombreux défis [22] . Le 19 juin 2020, au vu d'une baisse générale J o u r n a l P r e -p r o o f du nombre d'infections, le Conseil fédéral a pu lever l'état de « situation extraordinaire », tout en maintenant un état de « situation particulière ». Au sein des hôpitaux suisses, une réorganisation des services s'est opérée à différents niveaux et le dispositif hospitalier a été considérablement modifié et renforcé. Certains secteurs d'activités cliniques non urgentes ont été réduits au profit de la création de plusieurs unités de médecine spécialisées dans la prise en charge des patients COVID-19, voire d'hôpitaux entiers dédiés (ex : La Carità dans le canton du Tessin ou le site de Bruderholz dans le canton de Bâle Campagne). Le nombre de lits de soins critiques a été également considérablement augmenté (plus que doublé dans certains cas) en recourant, par exemple, à des blocs opératoires libérés des interventions planifiées et permettant de pratiquer des prises en charge intensives. Parfois, la réaffectation d'étages entiers en soins intermédiaires a été réalisée. Les urgences pré-hospitalières et hospitalières ont été impliquées en première ligne dans la réponse à cette crise [23, 24] . Elles ont également dû s'adapter à ce nouveau risque et ont, notamment : (1) ajusté les mesures de protection des premiers répondants aux potentiels risques d'expositions (d'autant plus compte tenu des incertitudes de diagnostic et des procédures à risque d'aérosolisation souvent pratiquées, comme la réanimation), (2) augmenté les capacités d'accueil des urgences et la redistribution du personnel en fonction des besoins, (3) installé des structures de dépistage particulières. Toutefois, le nombre d'interventions pré-hospitalières et le nombre de consultations aux urgences sans lien avec la pandémie ont globalement diminué durant cette période. Enfin, ces services ont, comme d'autres, dû faire face à des adaptations des mesures rapides et faire preuve de polyvalence et d'une grande flexibilité en raison de l'évolution constante de la situation [23, 24] . La Pharmacie des Hôpitaux de l'Est Lémanique (PHEL) est installée au sein du Centre hospitalier de Rennaz en Suisse (Hôpital Riviera-Chablais, Vaud-Valais ; HRC). Elle est responsable de l'approvisionnement en médicaments et de l'assistance pharmaceutique de 5 hôpitaux d'intérêt public de l'Est du Canton de Vaud et du Chablais valaisan, ainsi que de 7 établissements sanitaires privés et 15 maisons de retraite médicalisées (établissements médico-sociaux ; EMS) de la même région. À eux tous, ces établissements totalisent plus de 400 lits de soins aigus, environ 300 lits de soins de réadaptation et plus de 900 lits médico-sociaux. La PHEL, comme d'autres pharmacies interhospitalières suisses, a affronté la pandémie. Le présent article documente et évalue toutes les missions effectuées par la PHEL de début mars à fin juin 2020 et les compare aux responsabilités qui sont les siennes en temps ordinaire. Les missions spécifiques à la pandémie COVID-19 ont été principalement gérées par la cellule de crise de la pharmacie et les collaborateurs des 4 secteurs de la pharmacie (Logistique pharmaceutique, Fabrication, Pharmacie clinique et Approvisionnement des maisons de retraite médicalisées). Ces missions sont présentées dans le Tableau I. La cellule de crise était constituée de la direction de la pharmacie, renforcée, et en lien régulier avec la cellule de crise de l'HRC, principal hôpital de soins aigus de la région. Dans ce contexte de pandémie, la cellule de la pharmacie a partiellement déclenché le plan d'urgence de la pharmacie et installé une salle de conduite dans ses locaux ( Figure 1 ). Un défi principal a été la gestion des pénuries ou des risques de pénurie de divers produits, ainsi que l'identification d'options thérapeutiques alternatives. De façon générale, le Tableau II présente les produits thérapeutiques dont l'approvisionnement devait être garanti durant cette situation extraordinaire, ainsi que les problématiques associées. L'implication de la pharmacie dans cette crise a été rendue nécessaire par les défis rencontrés par ses partenaires, mais les ressources mobilisées pour cela ont nécessité de mettre en veilleuse diverses autres activités jugées moins prioritaires (Tableau III). Le recensement des missions effectuées par la PHEL durant la première vague de COVID-19 en Suisse démontre que les activités de cette pharmacie hospitalière ont été impactées à de multiples niveaux par la situation extraordinaire. De nombreuses mesures et activités sortaient du cadre habituel d'une pharmacie interhospitalière. La communication interne et externe a également représenté un élément clef de la gestion de cette situation et de nouveaux types de points de situation intra-et intersecteur ont dû être organisés à horaires prédéterminés. En priorité, la cellule de crise de la pharmacie, en collaboration avec les responsables de secteur de la pharmacie, a dû garantir la continuité de ses ressources humaines en identifiant les fonctions clefs et les collaborateurs vulnérables et en priorisant l'engagement de chacun, tout en recourant autant que possible au télétravail lorsque celui-ci était possible. Un suivi attentif des effectifs a donc dû être mis en place, de même qu'un plan de protection associé à des mesures d'hygiène renforcées. Heureusement, seuls 4 collaborateurs sur 70 ont dû être isolés à domicile pour suspicion d'infection à SARS-CoV-2 durant la période considérée dans cet article. Malgré les effectifs solides en personnel durant le printemps 2020, certaines missions hors des responsabilités usuelles de la pharmacie (fabrication de désinfectants pour les mains et distribution de masques d'hygiène aux professionnels de la santé de la région) n'ont pu être réalisées que grâce à l'appui d'appelés de la Protection civile. En termes d'approvisionnement, la situation est rapidement devenue critique dès le mois de mars 2020, avec une pénurie de désinfectants pour les mains qui a nécessité la mise sur pied d'une production propre sur la base de la formule de l'OMS [25] . L'approvisionnement de plusieurs médicaments de soins critiques s'est progressivement compliqué jusqu'à mi-avril, bien qu'un accroissement préalable des stocks ait été réalisé au début du mois de mars, en prévision d'une augmentation de patients hospitalisés. Dans la phase ascendante de la pandémie en Suisse, ces réserves préventives n'ont cependant pas suffi à couvrir les besoins en certains produits, déjà à risque de rupture d'approvisionnement avant les événements, comme dans de nombreux pays [26, 27] . Les menaces de pénurie ont incité les pharmacies hospitalières suisses à s'entraider en mettant des médicaments et des solutions hydro-alcooliques à la disposition des pharmacies qui en manquaient, étant donné que ni la Confédération ni les cantons ne proposaient d'aide concrète à ce moment-là. Par la suite, les autorités fédérales se sont efforcées de mettre sur pied avec l'Association suisse des pharmaciens de l'administration et des hôpitaux (GSASA) des mesures de coordination de cet approvisionnement à l'échelle nationale, impliquant même la pharmacie de l'armée. La mise en oeuvre de ces mesures par les autorités fédérales auprès des fournisseurs de médicaments (libération anticipée de lots, importation, etc.), associé à une stabilisation des nouveaux cas, a permis de garantir un approvisionnement localement suffisant pour les hôpitaux approvisionnés par la PHEL, en évitant de justesse des pénuries de médicaments essentiels. Sur le plan logistique également, la gestion du circuit du médicament au sein des nouvelles unités de soins créées pour l'occasion a représenté un défi important. Des assistant/es (préparateur/rices) en pharmacie ont dû changer du jour au lendemain d'activité et être affecté/es à ces nouvelles unités de soins ou à de nouvelles tâches (y.c. préparation parfois des traitements journaliers des patients). Dans ce contexte aussi, de nouvelles pharmacies d'unité de soins, dotées d'armoires informatisées sécurisées, ont dû être installées en un temps record au sein du Centre hospitalier de Rennaz. De façon générale, la présence de collaborateurs dans des unités de soins à risque, tant en hôpital qu'en maisons de retraite médicalisées a nécessité l'application de mesures de protection adéquates. En maisons de retraite, la mise à disposition de médicaments spécifiques a d'ailleurs aussi constitué un enjeu au début de la pandémie. La liste de ceux-ci avait été définie par la Direction générale de la santé du Canton de Vaud et ces médicaments devaient garantir une prise en charge directement dans l'établissement si nécessaire. Par la suite, la teneur de cette liste a été adaptée, se rapprochant plus d'une liste de prise en charge palliative, et les premiers emballages ont été directement fournis par le canton, les pharmacies de ville ou d'hôpital ne relayant que les suites de traitement. Dans une période où de nouvelles données cliniques étaient publiées chaque jour sur la prise en charge des patients atteints de COVID-19 [27] , un important travail de synthèse et de mise en forme de l'information médicale disponible a été réalisé par les pharmacien/nes clinicien/nes de la pharmacie. Ces spécialistes ont été quotidiennement en contact avec les médecins en charge des patients, que ce soit dans les unités de soins ou à distance, pour discuter tant de la prise en charge individuelle de ces derniers que des recommandations générales de traitement. L'identification d'alternatives aux principaux médicaments utilisés a aussi représenté une plus-value de la pharmacie, à l'image du travail d'autres pharmaciens cliniciens à travers le monde [26, 28] , et aurait permis une plus grande résilience en cas de pénurie avérée de traitements essentiels. Enfin, le secteur Fabrication de la pharmacie, en plus de la production de désinfectants pour les mains en grande quantité ( Figure 2 ) et de ses activités habituelles, a également dû rapidement élaborer plusieurs protocoles de fabrication de médicaments indisponibles lorsque ces traitements étaient prescrits sous des formes galéniques spécifiques (comme des solutions orales d'hydroxychloroquine, médicament figurant encore dans les protocoles cliniques durant la période considérée). Des kits ont également pu être constitués afin de faciliter la préparation de certains traitements dans les unités de soins (ex : tocilizumab). Rattachée à ce secteur Fabrication, une unité dédiée à la gestion pharmaceutique des essais cliniques a également été rapidement constituée dans le cadre de l'étude Solidarity de l'OMS (visant à comparer plusieurs traitements supposément efficaces). Sur la base de cette expérience exceptionnelle, le plan d'urgence de notre pharmacie a été renforcé, ainsi que la formation associée du personnel. Diverses mesures d'anticipation sont en cours d'élaboration actuellement (ex : identification de tous les médicaments jugés indispensables en cas de nouvelle vague épidémique, comme la dexaméthasone, et calibrage des stocks en conséquence, ainsi qu'optimisation de la gestion des ruptures et de leur prévention). De façon plus globale, durant cette vague de pandémie COVID-19, une coordination ad hoc a été mise en place au niveau fédéral et cantonal pour faire face aux difficultés d'approvisionnement en médicaments. Cependant, cette coordination a été installée de façon relativement tardive par rapport à la cinétique de la pandémie. À plus long terme, il semblerait donc utile de mettre en place une coordination plus formelle en cas de crise entre les différents acteurs (autorités, fournisseurs, hôpitaux, pharmacie de l'armée), inspirée en partie de ce qui pouvait exister durant la guerre froide (service pharmaceutique coordonné) [29] . De plus, l'installation de cellules de crises entre hôpitaux d'une même région, pourrait s'avérer utile pour mieux réguler les stocks de médicaments entre hôpitaux et échanger des idées pertinentes pour la gestion de la crise. Une telle cellule pourrait être animée par le biais de moyens télématiques. CONCLUSION L'analyse des événements présentée dans cet article montre que la pharmacie hospitalière décrite a été confrontée à de nombreux défis durant la première vague de pandémie COVID-19 ayant touché la Suisse au printemps 2020. Certaines missions réalisées ont dépassé le cadre de ses responsabilités ordinaires. La majorité des pharmacies hospitalières suisses et européennes ont certainement fait face à des défis similaires, de même que celles situées dans d'autres continents au vue des récentes publications sur le sujet [26, 27, 30] . Des études systématiques à plus large échelle permettraient de tirer davantage de leçons de cette situation extraordinaire et de définir des mesures applicables à un collectif de pharmacies hospitalières plus grand en vue de la préparation à une nouvelle vague de pandémie, ainsi qu'à d'autres situations de catastrophes sanitaires. De façon plus générale, le rôle et les responsabilités des pharmaciens dans les systèmes de santé sont appelés à évoluer encore sur la base des leçons tirées de cette pandémie [27] . Figure 1 . Salle de conduite de la cellule de crise de la pharmacie (crédit : N. Widmer, PHEL) Figure 2 . Production de solutions hydro-alcoolique pour pallier aux pénuries rencontrées (crédit : S. Mösching, PHEL) Office fédéral de la santé publique (OSFP) Office fédéral de la santé publique (OSFP) La chaine des secours: Le modele vaudois Pharmacie d'urgence et de catastrophe: Un centre spécialisé voit le jour en Suisse Unité de Doctrine UdD Ordonnance sur l'approvisionnement économique du pays (OAEP), du 10 mai 2017 Die Sicherstellung von Heilmitteln in der Schweiz bei Versorgungsengpässen: Die Rolle des Bereichs Heilmittel des Bundesamtes fur Wirtschaftliche Landesversorgung in der Schweiz Catastrophes et situations d'urgence en Suisse: Rapport technique sur la gestion des risques Organisation de projet ERNS 14 Umsetzungsbericht IV zu den Empfehlungen aus der Sicherheitsverbundübung SVU 14 et Covid-19 (2019-20--?) 1. Les similitudes. Méd Catastrophe Urg Collectives Clinical features of patients infected with 2019 novel coronavirus in Wuhan, China Severe Acute Respiratory Syndrome: Historical, Epidemiologic, and Clinical Features The many estimates of the COVID-19 case fatality rate Spread and dynamics of the COVID-19 epidemic in Italy: Effects of emergency containment measures Coronavirus Update (Live) Ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus COVID-19) Loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (Loi sur les épidémies, LEp), du 28 septembre Opération CORONA 20 SARS-CoV-2 Cases communicated by Swiss Cantons and Principality of Liechtenstein (FL) World Health Organization Regional Office for Europe (WHO/Europe). WHO COVID-19 Health System Response Monitor Urgences prehospitalieres: Crise COVID-19 Urgences hospitalieres: Crise COVID-19 et aspects organisationnels Guide de Production locale: Formulations des produits hydro-alcooliques recommandés par l'OMS Roles of the clinical pharmacist during the COVID-19 pandemic The role of hospital and community pharmacists in the management of COVID-19: Towards an expanded definition of the roles, responsibilities, and duties of the pharmacist Essential ICU drug shortages for COVID-19: What can frontline clinicians do? Der Koordinierte Pharmazeutische Dienst Providing pharmacy services during the coronavirus pandemic