key: cord-0735231-aonyxw6h authors: Ling, Ling; Bagshaw, Sean M.; Villeneuve, Pierre-Marc title: Syndrome de Guillain–Barré consécutif à la vaccination contre le SRAS-CoV-2 chez un patient ayant déjà présenté ce syndrome en lien avec un vaccin date: 2022-01-24 journal: CMAJ DOI: 10.1503/cmaj.210947-f sha: dd467c5ec9b4f471780db5b6e652151db9b132fa doc_id: 735231 cord_uid: aonyxw6h nan U n homme de 63 ans a consulté aux urgences pour faiblesse ascendante progressive aux bras et aux jambes. Le patient avait des antécédents d'hypertension, de dys lipidémie, de diabète sucré insulinodépendant, de néphroli thiase, d'obésité, d'anxiété et de syndrome de Guillain-Barré (SGB) consécutif à un vaccin antigrippal. Ses médicaments étaient insuline glargine, metformine, sémaglutide, gliclazide, amlodipine, valsartan, atorvastatine et citrate de potassium. En septembre 1999, environ 3 semaines après avoir reçu un vaccin contre la grippe saisonnière, le patient a présenté une paralysie faciale aiguë, une faiblesse et une paresthésie ascen dantes aux membres supérieurs et inférieurs, progressant vers une paralysie flasque des 4 membres accompagnée d'aréflexie généralisée. La tomodensitométrie n'a révélé aucune anomalie cérébrale à ce moment. La ponction lombaire a révélé des taux élevés de protéines dans le liquide céphalorachidien (LCR). Aucun test de conduction nerveuse n'a été effectué, mais le diagnostic de SGB a été posé sur la base du tableau clinique et des résultats d'analyses. Le patient a eu besoin d'une ventilation mécanique prolongée et d'une trachéotomie et il a été traité au moyen de corticostéroïdes systémiques et d'immunoglobulines intraveineuses. Il a fini par se rétablir presque complètement sur le plan neurologique, ne conservant qu'une légère paralysie faciale résiduelle. Enfant, le patient avait reçu ses vaccins sans effets indésirables; c'était son premier vaccin antigrippal, et il n'avait reçu aucun autre vaccin jusqu'à la pandémie causée par le virus SRASCoV2. Douze jours avant sa consultation aux urgences, il a reçu sa première dose de vaccin ChAdOx1 nCoV19 (AstraZeneca), un vac cin à adénovirus simien non réplicatif contre le SRASCoV2. Il a eu de légers frissons et de la fatigue, qui sont rentrés dans l'ordre en l'espace de 3 jours après la vaccination. Onze jours plus tard, il a présenté une paresthésie des lèvres et des doigts des 2 mains. Le jour où il a consulté, il a rapidement éprouvé une faiblesse ascendante progressive des bras et des jambes. Il n'avait eu jusqu'alors aucun symptôme pouvant suggérer une infection. À l'arrivée, l'examen physique a montré une légère faiblesse (4+/5, selon l'échelle du MRC [British Medical Research Council] pour la force musculaire) des abducteurs des épaules et des flé chisseurs des genoux, même si la force du patient était par ail leurs préservée. Il avait une aréflexie, une perte bilatérale de la sensibilité aux piqûres d'aiguille et à la vibration jusqu'à mi jambe, sans niveau sensoriel, et une perte de proprioception jusqu'à l'articulation de la cheville. Ses enjambées étaient anor malement grandes. Après son admission, sa faiblesse a pro gressé et atteint 1/5 pour les dorsifléchisseurs des chevilles, 1/5 pour les longs extenseurs de l'hallux, 3 • Le SGB pourrait être considéré dans le diagnostic différentiel chez un patient qui consulte pour faiblesse musculaire ascendante symétrique avec déficit sensoriel après une vaccination contre la grippe ou le SRASCoV2. • Un nombre plus grand de cas de SGB ont été signalés après l'infection au SRASCoV2 qu'après la vaccination; les avantages de la vaccination contre le SRASCoV2 en surclassent les effets indésirables potentiels chez la quasitotalité des patients. • Les risques et avantages de la vaccination contre le SRASCoV2 doivent faire l'objet d'une discussion approfondie avec les patients qui ont déjà connu un épisode de SGB après avoir reçu un vaccin. Les examens électrophysiologiques ont montré une neuropathie périphérique sensorimotrice avec démyélinisation substantielle et caractéristiques axonales surimposées concordant avec un dia g nostic de SGB (figure 1 et tableau 1). L'analyse du LCR du patient a montré une dissociation albinocytologique (c.àd. hausse des pro téines sans leucocytose), avec numération leucocytaire acceptable de 1 (normale ≤ 5) × 10 6 /L, taux de protéines élevé de 0,6 (nor male 0,15-0,45) g/L, augmentation du taux de glucose à 6,6 (normale 2,2-4,4) mmol/L (glycémie de 11,5 normaux. Une tomodensitométrie de la tête du patient n'a montré aucune anomalie aiguë, même si nous avons observé une maladie ischémique microvasculaire en arrière plan. L'imagerie par résonance magnétique de la colonne cervicale n'a révélé aucune anomalie de la moelle épinière cervicale. Notre centre ne procède pas systématiquement à la recherche des auto anticorps antigangliosides neuronaux sériques dans les cas typiques de SGB, et cette analyse n'a pas été effectuée dans le cas présent. Nous avons d'abord traité le patient au moyen d'immuno globulines intraveineuses. Toutefois, comme sa faiblesse motrice s'accentuait et sa capacité vitale se détériorait, nous avons procédé à un échange plasmatique thérapeutique. En plus des soins de soutien habituels, le patient a eu besoin de ventilation mécanique non effractive pendant 3 jours, mais n'a pas été placé sous ventilation mécanique effractive. Trois mois après la consultation initiale, la fonction motrice de notre patient s'était substantiellement améliorée. Il conti nuait de présenter une légère faiblesse (4/5) aux mains et aux portions proximales et distales des membres inférieurs, une aréflexie ainsi qu'une anomalie de la sensation du toucher léger, des piqûres d'aiguille et de la vibration. Le service d'immunologie et d'allergologie cliniques demandé en consultation a indiqué qu'il n'y avait aucun test in vitro per mettant d'identifier avec certitude un quelconque déclencheur de l'épisode de SGB. Le lien temporel entre la vaccination et le déclenchement des symptômes 12 jours plus tard était attendu, puisque le SGB n'est pas médié par l'immunoglobuline E (IgE), comme l'anaphylaxie. Nous avons suggéré au patient d'éviter toute autre dose du vaccin ChAdOx1 nCoV19. On dispose de peu de données pro bantes pour formuler une recommandation chez ce patient en ce qui concerne l'innocuité des vaccins contre le SRASCoV2 qui n'utilisent pas de vecteurs viraux. Le SGB est une polyneuropathie inflammatoire démyélinisante autoimmune. Nous décrivons le cas d'un homme de 63 ans qui a présenté un SGB environ 12 jours après avoir reçu sa première dose de vaccin ChAdOx1 nCoV19. Il avait déjà fait un épisode de SGB 3 semaines après avoir reçu un vaccin contre la grippe saisonnière en 1999. Le SGB serait causé par la destruction de la myéline et des membranes axonales des neurones périphériques médiée par des Remarque : AA = abducteur de l'auriculaire, AR = absence de réponse, CAH = court abducteur de l'hallux, CAP = court abducteur du pouce, CEO = court extenseur des orteils, EPI = extenseur propre de l'index, MMA = malléolaire médian antérieur, VC = vitesse de conduction. *La latence est le temps nécessaire pour que l'influx génère une réponse. En présence de démyélinisation, la latence est prolongée, comme l'illustrent les temps de latence pour le poignet (normale < 2,2 ms) et le coude (normale < 4,4 ms) au niveau du CAP médian gauche et pour le poignet au niveau de l'AA ulnaire gauche (normale < 2,2 ms). L'onde F est une mesure de la conduction motrice pour le nerf entier. En présence de démyélinisation, l'onde F est prolongée, comme le montre l'AA ulnaire gauche. anticorps (IgG) et des cellules immunitaires (lymphocytes T, macrophages). Un événement comme une infection, l'utilisation de médicaments (p. ex., inhibiteur des points de contrôle immu nitaires), certains vaccins ou une chirurgie précède habituelle ment le syndrome. Même s'il n'y a pas de définition universelle du SGB imputable aux vaccins, la vaccination peut être perti nente si elle a été administrée jusqu'à 4 semaines avant le déclenchement des symptômes 1 . Toutefois, on ignore si la vacci nation est un déclencheur réel du SGB. Une métaanalyse de 39 études a révélé une augmentation du risque relatif de SGB de 1,41 (intervalle de confiance [IC] à 95 % 1,20-1,66) après une vac cination antigrippale 2 , mais ces résultats n'ont pas été cor roborés par la suite lors d'une grande étude rétrospective menée dans un seul pays au sujet du déclenchement du SGB dans les 180 jours suivant la vaccination 3 . L'infection par le SRASCoV2 aurait précédé certains cas de SGB; 73 cas ont été signalés dans 1 étude 4 . Nous avons dénom bré plusieurs rapports de cas de SGB après la vaccination contre le SRASCoV2, en lien avec les vaccins ChAdOx1 nCoV19 (AstraZeneca) et BNT 162b2 (Pfizer) [5] [6] [7] [8] . Des rapports de cas antérieurs ont estimé le risque de récur rence du SGB à 1 %-6 % 9 , comparativement à une incidence esti mée de 1,11 cas par 100 000 années-personnes 1 dans la popula tion générale. C'est donc dire que la probabilité de présenter un SGB peu de temps après la vaccination est plus élevée chez une personne qui a des antécédents de SGB. Lors d'une enquête, 126 patients ayant déjà présenté un SGB ont reçu un vaccin anti grippal, et aucun n'a présenté de récurrence de symptômes 10 . Pritchard et collègues ont constaté que chez 29 patients ayant reçu un vaccin dans les 6 semaines précédant un diagnostic ini tial de SGB, 2 (6,9 %, IC à 95 % 0,85 %-22,8 %) ont eu une récur rence de symptômes, généralement légers, après un autre type de vaccin administré subséquemment 11 . Ces résultats se fondent sur une enquête auprès des patients, et la confirmation d'une récidive de SGB n'a pas été documentée. On dispose de peu de données probantes pour évaluer le risque de récurrence de SGB associé à la vaccination. Les CDC (Centers for Disease Control and Prevention) ont publié un guide en 2010 à partir des données tirées du Vaccine Adverse Event Reporting System et de la United Kingdom's General Practice Research Database, selon lequel les patients ayant présenté un SGB dans les 6 semaines suivant la vaccination antigrippale ne devraient pas recevoir d'autres vaccins anti grippaux s'ils ne sont pas exposés à un risque élevé de com plications graves de la grippe 12 . En 2012, l'American Academy of Allergy, Asthma and Immunology a émis une recommanda tion similaire 13 . L'Agence de la santé publique du Canada stipule que la vaccination antigrippale est généralement contre indiquée chez quiconque a déjà manifesté un épisode de SGB dans les 6 semaines suivant l'administration d'un vaccin anti grippal, bien qu'il importe de soupeser le risque de SGB asso cié au vaccin et le risque de SGB associé à la grippe 14 . On ignore si cette recommandation est applicable à d'autres vaccins (p. ex., contre le SRASCoV2) ou chez les patients ayant présenté une récurrence de SGB associée à la vaccina tion. Dans ces scénarios rares, les médecins doivent avoir une discussion approfondie avec leur patient au sujet du rap port risques:avantages en expliquant l'absence relative de données probantes et en tenant compte de la situation de chaque patient. Aucune preuve convaincante n'a démontré que le vaccin contre le SRASCoV2 provoque le SGB, et le présent rapport de cas n'établit pas un tel lien causal. Au Canada, la surveil lance active des événements neurologiques, y compris le SGB, est assurée par le Programme canadien de surveillance active de l'immunisation, IMPACT, financé par l'Agence de la santé publique du Canada 15 . L'immunisation est une inter vention vitale qui vise à réduire la transmission du SRASCoV2 et les maladies qu'il cause; les contreindications absolues sont rares. Intérêts concurrents : Sean Bagshaw déclare avoir reçu des subven tions, des honoraires de consultation et autres de Baxter, indépendamment des travaux soumis. Il fait partie du Comité de sur veillance de la sécurité des données pour l'étude ISPYCOVID19 et du comité consultatif de BioPorto. Aucun autre intérêt concurrent n'a été déclaré. Cet article a été révisé par des pairs. Les auteurs ont obtenu le consentement du patient. Propriété intellectuelle du contenu : Il s'agit d'un article en libre accès distribué conformément aux modalités de la licence Creative Commons Attributions (CC BYNCND 4.0), qui permet l'utilisation, la diffusion et la reproduction dans tout médium à la condition que la publication originale soit adéquatement citée, que l'utilisation se fasse à des fins non commerciales (c.àd. recherche ou éducation) et qu'aucune modification ni adaptation n'y soit apportée. Voir : https://creativecommons.org/licenses/byncnd/4.0/deed.fr. Correspondance : PierreMarc Villeneuve, pierremarc.villeneuve@albertahealthservices.ca La section Études de cas présente de brefs rapports de cas à partir desquels des leçons claires et pratiques peuvent être tirées. Les rapports portant sur des cas typiques de problèmes importants, mais rares ou sur des cas atypiques importants de problèmes cou rants sont privilégiés. Chaque article commence par la présentation du cas (500 mots maximum), laquelle est suivie d'une discussion sur l'affection sousjacente (1000 mots maximum). La soumission d'éléments visuels (p. ex., tableaux des diagnostics différentiels, des caractéristiques cliniques ou de la méthode diagnostique) est encouragée. Le consentement des patients doit impérativement être obtenu pour la publication de leur cas. Renseignements desti nés aux auteurs : www.cmaj.ca. GuillainBarré syndrome and influenza vaccines: a metaanalysis Vaccines and the risk of GuillainBarré syndrome Guillain-Barré syndrome spec trum associated with COVID19: an uptodate systematic review of 73 cases GuillainBarré syndrome following the first dose of the chimpanzee adenovirusvectored COVID19 vaccine, ChAdOx1 Case of GuillainBarré syndrome following COVID19 vaccine GuillainBarré syndrome following BNT162b2 COVID19 vaccine GuillainBarré syndrome after COVID19 vaccination Recurrent GuillainBarré syndrome -case series Recurrences, vac cinations and longterm symptoms in GBS and CIDP Risk of relapse of GuillainBarré syndrome or chronic inflammatory demyelinating polyradiculoneuropathy following immunisation Prevention and control of influenza with vaccines: recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP) Adverse reactions to vaccines practice parameter 2012 update Canadian Immunization Guide. Ottawa: Government of Canada Canadian IMPACT members. The Canadian Immunization Monitoring Program, ACTive (IMPACT): Active surveil lance for vaccine adverse events and vaccinepreventable diseases