key: cord-0740184-39oyg0rh authors: Raineau, Mégane; DuracherGout, Caroline title: Afflux massif de victimes pédiatriques date: 2020-12-05 journal: nan DOI: 10.1016/j.anrea.2020.11.010 sha: 260528a46bf341738a85e0443d44d1c28856d073 doc_id: 740184 cord_uid: 39oyg0rh Toute crise sanitaire (épidémie, pandémie, actes terroristes, catastrophes naturelles ou faits de guerre) doit être anticipée par la mise en place d’un plan local, régional mais aussi national adapté aux enfants compte tenu de leur vulnérabilité. La faible expérience des équipes associée à une littérature pauvre nous oblige à extrapoler les concepts appliqués à l’adulte et à la médecine de guerre alors que les particularités anatomo-physiologiques liés à l’âge imposent des lésions et des stratégies de prise en charge spécifiques. Le shock index ajusté sur l’âge (SIPA) est un bon reflet de l’état de choc hémorragique ainsi qu’un bon indicateur des besoins de transfusion, d’admission en soins critiques, de ventilation et de mortalité chez les enfants traumatisés et pourrait être utile au triage. L’afflux de victimes pédiatriques reste un défi organisationnel, médical et humain. L’optimisation de la prise en charge repose sur une mutualisation des connaissances et une implication des différents acteurs (pédiatre, urgentiste, anesthésiste, réanimateur et chirurgien) afin de maintenir la qualité des soins. Il est important d’homogénéiser l’organisation et la formation en ciblant une communication multimodale, en s’appuyant sur des recommandations argumentées et des outils innovants qui s’inspirent de ceux qui ont été utilisés durant la récente pandémie (place du numérique). La simulation (procédurale, humaine, numérique, de masse) est un outil nécessaire et efficace pour l’entraînement régulier des équipes afin de faire face à ces situations exceptionnelles. Any health crisis (epidemic, pandemic, terrorist acts, natural disasters or acts of war) must be anticipated by the implementation of a local, regional but also national plan adapted to children taking into account their vulnerabilities. The limited experience of the teams associated with a poor literature obliges us to extrapolate the concepts applied to adults and war medicine, whereas the anatomic and physiological particularities linked to age impose specific lesions and management strategies. The age-adjusted shock index (SIPA) can be a good indicator of the state of haemorrhagic shock as well as of the needs for transfusion, critical care admission, ventilation and mortality in traumatised children and could be useful for triage. The influx of paediatric victims remains an organisational, medical and human challenge. The optimisation of care is based on the pooling of knowledge and the involvement of the various players (paediatrician, emergency doctor, anaesthesiologist, intensivist and surgeon) in order to maintain the quality of care. It is important to homogenise the organisation and training by targeting multimodal communication, based on well-argued recommendations and innovative tools inspired by those used during the recent pandemic (the digital area). Simulation (procedural, human, digital, mass simulation) is a necessary and effective tool for the regular training of teams to deal with these exceptional situations. La crainte de ces dernières années vis-à-vis de l'afflux massif de victimes notamment pédiatriques a été en grande partie liée au constat qu'un nombre important d'actes terroristes a été commis. La tragédie de l'évènement de Nice le 14 juillet 2016 a été l'exemple que de telles horreurs n'épargnent pas les enfants. À partir de ces tragiques expériences, les équipes médicales et paramédicales se sont organisées pour optimiser la gestion de ces situations. Or, les derniers mois nous ont appris que les attaques terroristes ne sont pas les seules à bouleverser l'organisation hospitalière, mais qu'une épidémie peut également affecter le système de santé. Cette période, qui rentrera dans l'Histoire comme celle où le coronavirus a déferlé sur les hôpitaux français, a vu passer le nombre de patients hospitalisés de 2579, mardi 17 mars 2020, à plus de 21 000, le lundi 30 mars de la même année. Ces deux types d'évènements impliquent des mécanismes de gestion et de traitement différents, mais se rejoignent sur les capacités d'adaptations rapides et nécessaires auxquelles le système de santé doit faire face. Les services hospitaliers doivent être flexibles face à ces différents types de crise. Mais l'anticipation de ces afflux massifs de patients grâce l'apprentissage des expériences passées sont nécessaires pour assurer la sécurité. La gestion des cas pédiatriques doit également prendre part à cette problématique puisque les particularités de l'enfant nécessitent des connaissances spécifiques. La mutualisation des connaissances est essentielle à l'optimisation de leur prise en charge. Particularités physio-anatomiques de la population pédiatrique Les enfants ne sont pas des petits adultes et leur prise en charge est donc spécifique, alors même que leur vulnérabilité face aux traumatismes est plus importante que pour l'adulte. L'enfance peut être découpée en trois grandes périodes : la période néonatale au cours du premier mois de vie, la petite enfance jusqu'à 2 ans et la grande enfance jusqu'à la puberté [1] . Tout au long de la croissance, des modifications physiologiques vont s'opérer jusqu'à ressembler aux conditions physiologiques de l'adulte. Pour simplifier la prise en charge en situation d'urgence et réserver le personnel pédiatrique le plus qualifié à la gestion des enfants, il est communément admis que l'enfant de plus de 10 ans et/ou 30 kg peut être pris en charge de manière similaire à celle de l'adulte [2] . Pour les plus jeunes, certains points demandent une attention plus particulière [3] . Premièrement, l'enfant a un rapport du volume tête/corps plus important que l'adulte avec une faible musculature axiale. De par sa petite taille, l'enfant sera plus souvent touché au pôle céphalique au cours d'une agression qu'un adulte. Ceci a pour conséquence une plus grande propension au traumatisme crânien qui s'accompagne fréquemment de lésions du rachis cervical [4] . Les enfants sont donc plus sujets à des troubles de la conscience. La perte du tonus des muscles laryngés, et donc des mécanismes de protection des voies aériennes, liée à la défaillance neurologique augmente le risque d'obstruction des voies aériennes dans une population particulièrement à risque. En effet, les voies aériennes de l'enfant sont étroites, d'autant plus que l'enfant est jeune [5] . L'importance des tissus mous dans la cavité buccale (grosse langue, amygdales volumineuses) participent également au risque d'obstruction des voies aériennes. L'hypoxémie résultante est un véritable problème chez l'enfant chez qui la consommation métabolique est beaucoup plus importante que chez l'adulte. Ainsi, l'arrêt cardio-respiratoire hypoxique est une complication fréquente de l'obstruction des voies aériennes chez l'enfant et qu'il faudra donc anticiper et prévenir [6] . D'autre part, le volume sanguin est proportionnel au poids de l'enfant (80 ml/kg). Pour l'exemple, le volume sanguin d'un nouveau-né est équivalent à une canette de 33 cl. La survenue d'un choc hémorragique est donc très rapide et l'importance des pertes sanguines peut longtemps être masquée par des capacités de compensations beaucoup plus performantes que celles de l'adulte. Les signes habituels liés au choc hémorragique peuvent être observés : tachycardie, tachypnée, augmentation du temps de recoloration cutanée supérieur à 3 secondes et troubles de la conscience. Cependant, l'hypotension sera un signe tardif et donc d'extrême gravité du choc hémorragique [6] . Par ailleurs, le remplissage vasculaire participe à la dilution des facteurs de coagulation (un remplissage de 20 ml/kg chez state of haemorrhagic shock as well as of the needs for transfusion, critical care admission, ventilation and mortality in traumatised children and could be useful for triage. The influx of paediatric victims remains an organisational, medical and human challenge. The optimisation of care is based on the pooling of knowledge and the involvement of the various players (paediatrician, emergency doctor, anaesthesiologist, intensivist and surgeon) in order to maintain the quality of care. It is important to homogenise the organisation and training by targeting multimodal communication, based on well-argued recommendations and innovative tools inspired by those used during the recent pandemic (the digital area). Simulation (procedural, human, digital, mass simulation) is a necessary and effective tool for the regular training of teams to deal with these exceptional situations. un jeune enfant correspond au remplacement d'un quart de sa masse sanguine). L'aggravation de l'état clinique lié au choc hémorragique est augmentée par l'augmentation du risque d'hypothermie chez les enfants, liée au fait que le ratio surface corporel/poids est augmenté. Le risque de coagulopathie est donc un des points majeurs de surveillance au cours de la prise en charge initiale d'un enfant traumatisé. Les voies d'abord vasculaires sont d'accès parfois difficiles en pédiatrie, d'autant plus si l'enfant est en choc. En préhospitalier, la voie intra-osseuse sera à privilégier en l'absence de voies veineuses périphériques, du fait d'un état hémodynamique précaire ou de la difficulté technique [7] . En intrahospitalier, l'accès de plus en plus facile grâce à l'échographie permettra la pose de cathéter de plus gros calibre en toute sécurité [8] . Peu d'études épidémiologiques de la population pédiatrique française nous permettent de détailler précisément les caractéristiques lésionnelles des enfants en cas d'attaque multivictimes. Cependant, en s'appuyant sur l'épidémiologie traumatologique des zones de guerres ou à partir des retours d'expérience des plans NOVI, nous observons que la région « tête et cou » est la plus touchée chez les enfants, d'autant plus que l'enfant est jeune, et que cette région est plus sévèrement atteinte par rapport aux autres régions anatomiques. Les traumatismes concernent pour plus de la moitié d'entre eux des traumatismes fermés ou liés à un mécanisme de blast [8] Au moment de l'attentat de Nice, les enfants présentaient dans 80 % des cas un traumatisme crânio-facial [9] . Soit les mêmes caractéristiques épidémiologiques qu'en traumatologie civile, impliquant une spécificité de la prise en charge axée sur le contrôle des ACSOS. Concernant les autres lésions, les fractures osseuses sont peu fréquentes, mais la déformation ou les déplacements osseux peuvent être responsables de lésions internes, comme des lésions spléniques ou hépatiques. Les traumatismes abdominaux sont la troisième cause de traumatismes pédiatriques et sont à l'origine d'une morbi-mortalité importante. Ils résultent pour la majorité d'entre eux des traumatismes non pénétrants dont le diagnostic est donc d'autant plus difficile à poser. Chez les enfants, l'absence de signes cliniques comme la défense ne signifie pas l'absence de lésions. L'apport du scanner et de l'échographie sont indispensables dans ces situations [10] . Au-delà de la lésion physique, les enfants sont une population fortement concernée par le psychotraumatisme. Et bien que ce point soit majeur dans la prise en charge globale des enfants au décours de situations de catastrophe, il existe peu de littérature à ce sujet. Cependant, plus l'enfant est jeune, et plus il est à risque de présenter des troubles de l'attachement ainsi qu'un stress post-traumatique [11] . Par ailleurs, la survenue de ces évènements peut avoir des répercussions néfastes sur la relation parents-enfant. Un accompagnement psychologique de ces enfants traumatisés est indissociable de leur prise en charge somatique dès la phase initiale. Le manque de ressources humaines spécialisées en pédiatrie limite l'optimisation de la prise en charge de cet afflux de victimes. Le nombre limité d'infrastructures, le faible volume d'enfants en traumatologie et la raréfaction des personnels médicaux et paramédicaux formés à la pédiatrie, ainsi que la disparité en termes d'offre de soins sur le territoire national ne facilitent pas la mise en oeuvre d'un système efficient de prise en charge. Par ailleurs, les personnels soignants peuvent parfois être réticents à la prise en charge de ces victimes pédiatriques, par manque d'expérience mais aussi par le retentissement psychologique qu'implique leur prise en charge par rapport aux victimes adultes. Ces troubles psychologiques sont peu pris en compte. Tous ces éléments confèrent à ce système une certaine vulnérabilité. De même, le manque de données nationales sur la traumatologie pédiatrique est un frein à l'amélioration du service médical proposé. En France, peu de trauma systems à l'image de celui développé dans la région Auvergne-Rhône-Alpes : TRENAU (trauma-system du réseau nordalpin des urgences) ressemblent au trauma system américain. Ainsi, les centres hospitaliers de cette région sont répertoriés et classés selon les caractéristiques des trauma centres. Les traumatisés graves sont orientés à partir du lieu de l'accident vers le trauma centre le plus adapté à leur prise en charge grâce à une centralisation des données. La particularité est que, récemment, l'équipe à l'origine de TRENAU a développé son trauma system pédiatrique : le Baby-RENAU, qui consiste à optimiser la prise en charge des enfants. Des formations régulières, l'écriture de fiches pratiques ainsi que le recueil de données dans un registre permet d'optimiser la prise en charge de ces enfants dans la région [12] . À l'heure actuelle, il existe un registre national de trauma centres adultes (TRAUMA base). Cependant, au niveau pédiatrique, ce registre n'a pas encore été établi. Il existe à l'échelle nationale une mise en place progressive de ces structures appliquées à la pédiatrie coordonnées sous l'égide de l'ARS. Cependant, il subsiste d'importantes disparités selon les régions. En Ile-de-France, le trauma centre pédiatrique de référence de l'Hôpital Universitaire Necker Enfants Malades n'est toujours pas identifié de manière officielle. L'étude AMAVI-PED récemment publiée et coordonnée par le Groupe Francophone de Réanimation et Urgences Pédiatriques (GFRUP) conforte ce sentiment de vulnérabilité. Cette étude avait pour objectif d'évaluer l'adaptation des services de pédiatrie français à la suite des attentats de Paris et de Nice respectivement en 2015 et en 2016, et leur préparation face à la survenue d'un nouvel évènement. Conduite sous la forme d'une enquête, elle interrogeait tous les services susceptibles d'accueillir des enfants traumatisés qui avaient un protocole de prise en charge en cas de déploiement d'un plan blanc. Elle a permis d'identifier une grande hétérogénéité des pratiques ainsi que des formations vis-à-vis de l'accueil de victimes multiples pédiatriques au sein de ces différents centres. L'absence de recommandations dans le domaine pédiatrique est l'un des arguments avancés par les auteurs pour expliquer cette diversité. En effet, il n'existe pas de consensus vis-à-vis de la limite d'âge à fixer pour optimiser la prise en charge de patients adultes ou enfants au sein de ces services. Le statut du leader de la prise en charge intrahospitalière est variable selon les établissements, la gestion des lits d'hospitalisation et du déchoquage n'est pas univoque. Dans un tiers des cas, des médecins de l'adulte se retrouvent à s'occuper d'enfants, alors même que des pédiatres sont amenés à prendre en charge des adolescents pour qui la prise en charge est superposable à celles des adultes. Il existe donc une inadéquation de la prise en charge traduisant une faille dans l'organisation de ces soins en cas de crise. Ce constat en retour d'expérience a été mis en exergue au cours de la gestion des victimes de l'attentat de Nice [13] . La mutualisation des compétences semble être le maître mot dans la prise en charge d'un afflux massif de victimes pédiatriques ; comme il a été possible de l'observer pendant la crise sanitaire liée à l'épidémie de SARS-CoV-2. Les services ont été capables d'une grande adaptabilité si des ressources humaines, matérielles et organisationnelles étaient mises à disposition [14] . À l'instar de cette gestion de crise récente, la mise en place de protocoles thérapeutiques et techniques permettrait à la fois aux hôpitaux adultes de prendre en charge des enfants, comme aux hôpitaux pédiatriques de prendre en charge des adultes tout en assurant la sécurité des patients. Dans cette idée de mise en commun des compétences théoriques et techniques, des lots de « postes sanitaires mobiles » (PSM) pédiatriques pourraient être développés sur le territoire national afin de répondre au manque de matériel pédiatrique dans les PSM classiques. Les PSM sont des ressources en matériel médicochirurgical dont le déploiement rapide permet de renforcer la prise en charge pré-hospitalière ou hospitalière en cas de catastrophe impliquant de nombreuses victimes. Les PSM pédiatriques sont des renforts aux PSM classiques et ne peuvent pas s'y substituer. L'idée est de développer des aides décisionnelles et thérapeutiques pour la prise en charge d'enfants par du personnel non pédiatrique [15] . Dans la même idée, il est possible d'imaginer la mise en place d'une réserve sanitaire compétente en pédiatrie qui serait mobilisable pour assurer le renfort des équipes au sein des unités de soins intensifs pédiatriques en cas de crise sanitaire. Au cours de la prise en charge d'un afflux de victimes pédiatriques, deux enjeux se distinguent. Le premier est organisationnel, le second est médical. Pour appliquer au mieux les directives, il est essentiel que l'équipe coordinatrice soit expérimentée. Cette dernière, désignée par le Préfet, se compose d'un trio directeur dont un commandant des opérations de secours (COS) qui, sous son autorité, confie le commandement des services médicaux au directeur des secours médicaux appartenant au SAMU zonal qui va répartir de manière la plus appropriée l'ensemble des ressources préhospitalières et hospitalières pédiatriques et adultes [16] . En ce qui concerne la partie organisationnelle, le premier défi réside dans l'identification des victimes. Pour cela, le système SINUS (système d'indentification numérique standardisé) a été développé pour répondre à cette question. Le numéro SINUS permet, à l'aide d'un QRcode et d'un numéro d'identification unique, de recenser et de suivre les patients victimes d'accidents impliquant plus de cinq personnes lorsqu'un plan NOVI est activé. Sa mise en place récente et sa faible utilisation en font un outil encore peu facile d'application au cours de situations d'urgence, d'autant plus que les problèmes informatiques de certains centres hospitaliers compliquent la mise en place de ce dispositif. Cependant, il semble être un outil adapté à la prise en charge des patients en cas de nombreuses victimes. Un entraînement plus régulier et la familiarisation avec cet outil au sein des équipes de SAMU pourrait permettre son développement. Le deuxième défi est le triage des victimes. De multiples scores existent. D'après les différentes expériences mondiales en termes de gestion de nombreuses victimes, il semble primordial de choisir un système de triage familier, régulièrement utilisé et adapté au lieu de la catastrophe pour être le plus efficient possible. En pédiatrie, un des scores les plus utilisés est le JUMP-START. Il consiste en un système de triage adapté aux enfants âgés de moins de 8 ans qui a été ajusté plus récemment pour mieux correspondre aux données physiologiques de l'enfant. Il permet entre autres de prendre en compte la plus grande proportion de détresse respiratoire chez l'enfant que chez l'adulte ainsi que l'incapacité des enfants à verbaliser [17] . Cependant, dans des situations d'afflux massif de victimes, aucun score n'a été validé. Ces scores sont encore difficiles à appliquer au regard de l'expérience des médecins sur place, parfois peu habitués à la pédiatrie [1] . Le meilleur score est donc celui qui sera le mieux adapté à la situation, en fonction des ressources médicales disponibles sur place sous le commandement d'un leader le plus expérimenté possible, capable d'assumer les critères de triage qu'il aura prédéfini. Chez l'adulte, depuis plusieurs années déjà, un score simple composé de quatre catégories de victimes permet d'effectuer un triage rapide (urgence absolue, urgence relative, victime décédée ou impliquée). Ce plan de triage est inscrit dans le plan NOVI [18] . Son application chez l'enfant, bien qu'aucune étude ne puisse l'affirmer, pourrait permettre d'optimiser la prise en charge des victimes pédiatriques grâce à un système connu de tous. En ce qui concerne la partie médicale, l'augmentation du temps passé en extrahospitalier augmente le risque de mortalité en intrahospitalier chez les patients traumatisés [19] . La prise en charge initiale doit donc être rapide et efficace. L'algorithme du MARCHE ajusté à la physiopathologie de l'enfant semble adaptée à la prise en charge de ces derniers en cas de catastrophe, et facilite son utilisation du fait de son application connue chez l'adulte (figure 1). Dans un premier temps, la prise en charge consiste en la gestion de l'hémorragie massive (massive bleeding haemorrhage) et s'inscrit dans une démarche de Damage Control Resuscitation (DCR). Ainsi, l'objectif sera de stabiliser le plus rapidement les défaillances liées à l'état de choc hémorragique tout en luttant contre la triade létale : coagulopathieacidose-hypothermie. Les saignements pourront être taris à l'aide de garrots et de pansements compressifs ou hémostatiques sur les plaies ouvertes. La perfusion d'acide tranexamique a montré un bénéfice sur la mortalité des enfants traumatisés en choc hémorragique et pourra être initiée dès la prise en charge initiale [20] . La transfusion de produits sanguins labiles (PSL) devra être effectuée de manière précoce avec un ratio 1 :1 :1 (culots globulaire (CGR) : plasma frais congelé (PFC) : plaquettes) par analogie de ce qui a été démontré chez l'adulte car la littérature pédiatrique reste pauvre [21] . Le shock index ajusté sur l'âge (SIPA) est un bon reflet de l'état de choc hémorragique ainsi qu'un bon indicateur des besoins de transfusion, d'admission en USI, de ventilation et de mortalité chez les enfants traumatisés, et pourra être utile au triage [22] . Il se calcule en divisant la fréquence cardiaque par la pression artérielle systolique. Les valeurs seuils identifiés sont : SIPA > 1,22 entre 4 et 6 ans, > 1,0 entre 7 et 12 ans et > 0,9 entre 13-16 ans (valeur adulte) [23] . Cet indice de choc permet d'orienter de manière adaptée et en toute sécurité les enfants dans des structures de soins en cohérence avec leur état clinique [24] . L'utilisation de la FAST-Echo reste débattue chez l'enfant hémodynamiquement stable. Sa valeur diagnostique ne semble pas aussi fiable que chez l'adulte [25] . En cas de doute, elle pourrait compléter l'examen clinique afin de confirmer la présence d'un hémothorax, d'un hémopéritoine, mais aussi afin d'ajuster le diagnostic d'une défaillance neurologique grâce au doppler transcrânien. Il faut se rappeler que la cavité abdominale d'un enfant peut contenir un large volume sanguin Pour citer cet article : Raineau M, DuracherGout C. Afflux massif de victimes pédiatriques. Anesth Reanim. (2020), https://doi. org/10.1016/j.anrea.2020.11.010 sans que l'on puisse observer de distension abdominale. De même, la plasticité du système osseux crânien des enfants avant 2 ans peut masquer un volumineux hématome intracrânien pouvant conduire au choc hémorragique [26, 27] . Dans un second temps, il est nécessaire de sécuriser les voies aériennes (Airways). En effet, l'obstruction des voies aériennes est la première cause de détresse respiratoire chez l'enfant. Après la libération des voies aériennes supérieures et l'administration de l'oxygène, la complexité dans la décision d'intubation d'un enfant en extrahospitalier résulte de la difficulté de la gestion des voies aériennes pédiatriques. Le taux de succès d'intubation dès la première exposition est de 50 % chez les moins de 2 ans et de 75 % chez les moins de 16 ans, avec 14 % de complications liées à l'intubation [28] . Ce constat renforce l'idée que l'intubation des enfants doit être effectuée par un personnel expérimenté. Si cette ressource n'est pas disponible, il est conseillé de transférer le patient sans tentative d'intubation jusqu'à un centre hospitalier, dans la mesure du possible. Il semblerait que l'utilisation d'un vidéolaryngoscope pour l'intubation en préhospitalier diminue le taux d'échec à la première intubation, en comparaison avec l'utilisation du laryngoscope classique. L'utilisation systématique d'un vidéolaryngoscope pourrait donc permettre de limiter la morbidité liée à l'intubation lorsque celle-ci est indispensable [29] . Afin de limiter le retentissement hémodynamique de la mise en place de la ventilation mécanique, il est indispensable au préalable de réduire les doses d'hypnotiques, d'utiliser préférentiellement de la kétamine comme drogue d'induction, de réaliser un remplissage préventif, d'être prêt à débuter un support vasopresseur et d'appliquer une ventilation de type protectrice. Le troisième temps consiste à s'assurer qu'il n'existe pas de défaillance respiratoire (Respiratory). Certaines lésions thoraciques sont fréquentes chez l'enfant du fait de l'importante compliance de la paroi thoracique. C'est le cas pour les contusions pulmonaires ou les pneumothorax et hémothorax [30] . Ainsi, il faudra s'attacher à élimer un pneumothorax et à l'exsuffler si nécessaire, d'autant plus que le médiastin de l'enfant est plus mobile et donc peut rapidement se compliquer de choc obstructif. Un apport en oxygène sera nécessaire pour contrebalancer la faible capacité fonctionnelle résiduelle pédiatrique et l'importante consommation métabolique en oxygène. En ce qui concerne l'hémodynamique, elle devra être préservée (Circulation). L'hypotension permissive au cours du choc hémorragique chez l'enfant n'a pas fait preuve d'efficacité et semble au contraire être délétère. Il est admis qu'elle est contre-indiquée en cas de traumatisme crânien [31] . En l'absence de recommandations et devant la grande proportion d'enfants avec un traumatisme crânien, le maintien de l'état hémodynamique devra être recherché. Un monitorage invasif de la pression artérielle sera nécessaire et l'adjonction d'agents vasopresseurs au cours de la prise en charge s'effectuera en parallèle d'un remplissage vasculaire raisonné ou titré, associé à une transfusion précoce afin d'en garantir leur efficacité, sous couvert d'un monitorage clinique et paraclinique (diurèse, pression artérielle, balance acido-basique et lactatémie, fonction rénale et hépatique, hémostase) [32] . La difficulté est qu'il existe différentes définitions de l'hypotension systémique pour les enfants. Par souci de simplification, la définition suivante de l'hypotension peut être envisagée chez les enfants âgés de 1 à 10 ans : pression artérielle systolique (PAS) < (70 + [2 Â âge en années]) ou pression artérielle moyenne (MAP) < (40 + [1,5 Â âge en années]) mmHg Le shock index ou SIPA (indice présenté précédemment) est un paramètre de surveillance plus pertinent que l'hypotension ajustée à l'âge pour identifier les enfants blessés susceptibles de nécessiter une opération d'urgence, une intubation endotrachéale ou une transfusion sanguine précoce. Par conséquent, le SIPA pourrait être utile pour aider à identifier précocement les enfants souffrant d'une hémorragie grave et pourrait permettre de guider les décisions pour le triage. Le quatrième point concerne la prise en charge de la défaillance neurologique (Head) et de l'hypothermie (Hypothermia). Comme décrit précédemment, l'enfant est à fort risque de lésions crâniennes, mais aussi rachidiennes et notamment cervicales. La mise en place d'un collier cervical en complément de l'examen clinique neurologique est essentielle [33] . D'autre part, la lutte contre l'hypothermie est un élément fondamental de la prise en charge initiale. Elle repose sur différentes modalités de réchauffement qui doivent être assurées afin de prévenir ou de ne pas aggraver des troubles de la coagulation. Dès la prise en charge initiale, l'évaluation et l'orientation des enfants dans des services adaptés à leur prise en charge pourra être régulée, dans l'idéal par un binôme réanimateur/chirurgien pédiatriques expérimentés (Evacuation). Lors de l'attentat de Nice, la réalisation de nombreux scanners a ralenti la prise en charge de certains patients. Grâce à l'évaluation de signes cliniques et paracliniques précoces, il semble fiable de ne pas réaliser d'imagerie si les patients sont identifiés à faible risque à partir de données cliniques et biologiques [34] . La Damage Control Surgery devra être considérée si celle-ci peut permettre de résoudre de manière rapide la cause de l'hémorragie [35] . Dans cette nouvelle médecine de catastrophe responsable d'un afflux massif de victimes pédiatriques, la particularité réside dans le fait que les équipes ne sont pas toujours préparées à ce à quoi elles doivent faire face. Cependant, il est du devoir des équipes médicales et paramédicales d'apprendre des expériences passées pour optimiser les prises en charge futures. La multidisciplinarité, l'inventivité, l'innovation dans le parcours de soins des patients ont été la règle lors de la crise sanitaire inédite liée à l'épidémie de SARS-CoV-2 que nous venons de vivre, et nous devons nous en inspirer. Une approche pragmatique efficace et rapide devrait être employée pour la formation. Les outils pédagogiques telle que la simulation mais aussi des outils innovants comme les plateformes de questionnements, les webinars et les conseils en temps réel réalisables grâce aux nouveaux outils numériques pourraient être utiles pour se préparer à l'inconnu [36] . Durant cette crise récente, nous avons appris qu'il était possible d'échanger une grande quantité d'informations de qualité entre les différents acteurs au regard des expériences de chacun. Il semble impératif de le pérenniser en répétant fréquemment ces formations pour ne pas perdre ses acquis de prise en charge spécifique, d'autant que ces évènements sont rares et que la sécurité des patients ne doit pas être tributaire du système. Déclaration de liens d'intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Accidents collectifs : triage chez l'enfant Attaques multivictimes et damage control pédiatrique. Médecine Catastr -Urgences Collect Et si c'était des enfants ? Adaptation de la prise en charge médicale en cas d'attentats terroristes avec de nombreux enfants victimes Anatomical and Physiological Differences between Children and Adults Relevant to Traumatic Brain Injury and the Implications for Clinical Assessment and Care The pediatric airway: Historical concepts, new findings, and what matters Circulatory Shock in Children: An Overview Choc hémorragique chez l'enfant. Médecine Intensive Réanimation Pédiatrie de guerre : caractéristiques épidémiologiques des admissions en réanimation à l'hôpital médicochirurgical de Kaboul Evaluation of intra-abdominal solid organ injuries in children Le traumatisme psychique de l'enfant : aspects cliniques et modalités d'intervention immédiate Ann Intensive Care Disaster preparedness in French paediatric hospitals 2 years after terrorist attacks of 2015 Preliminary pragmatic lessons from the SARS-CoV-2 pandemic from France. Anaesth Crit Care Pain Med The French emergency medical services after the Paris and Nice terrorist attacks: what have we learnt? Triage Systems in Mass Casualty Incidents and Disasters: A Review Study with A Worldwide Approach Instruction DGS/DUS/SGMAS no 2014-153 du 15 mai 2014 relative à la préparation du système de santé à la gestion des situations sanitaires exceptionnelles Association of Prehospital Time to In-Hospital Trauma Mortality in a Physician-Staffed Emergency Medicine System Tranexamic acid administration to pediatric trauma patients in a combat setting: The pediatric trauma and tranexamic acid study (PED-TRAX) Consensus Recommendations for RBC Transfusion Practice in Critically Ill Children From the Pediatric Critical Care Transfusion and Anemia Expertise Initiative Validation of the ageadjusted shock index using pediatric trauma quality improvement program data Shock index, pediatric age-adjusted (SIPA) is more accurate than age-adjusted hypotension for trauma team activation Can we safely decrease intensive care unit admissions for children with high grade isolated solid organ injuries? Using the shock index, pediatric age-adjusted and hematocrit to modify APSA admission guidelines Effect of Abdominal Ultrasound on Clinical Care, Outcomes, and Resource Use Among Children With Blunt Torso Trauma: A Randomized Clinical Trial Traumatic brain injury in infants and toddlers, 0-3 years old The prognostic value of transcranial Doppler studies in children with moderate and severe head injury Anaesthetist-provided pre-hospital advanced airway management in children: a descriptive study The Impact of Videolaryngoscopy on Endotracheal Intubation Success by a Pediatric/Neonatal Critical Care Transport Team Pediatric thoracic trauma: Current trends Epidemiology and early predictive factors of mortality and outcome in children with traumatic severe brain injury: Experience of a French pediatric trauma center* Utility of admission serum lactate in pediatric trauma Pediatric Cervical Spine Clearance and Immobilization Practice Among Prehospital Emergency Medical Providers: A Statewide Survey Identifying Children at Very Low Risk for Blunt Intra-Abdominal Injury in Whom CT of the Abdomen Can Be Avoided Safely Damage control appliqué à la pédiatrie Serious Game on Factory Planning for Higher Education DuracherGout tome xx > n8x > xx 2020 Afflux massif de victimes pédiatriques