key: cord-0749479-ti7tu3f4 authors: Petitprez, R. title: Le baluchonnage date: 2020-07-10 journal: nan DOI: 10.1016/j.npg.2020.06.004 sha: 1c4a23dc145aef7c5860ca817ba5a879e5648cdb doc_id: 749479 cord_uid: ti7tu3f4 Résumé Le baluchonnage est un dispositif de répit nouveau pour la France, permettant aux aidants de se reposer quelques jours, seule parenthèse au cours de longues années d’accompagnement d’un proche handicapé ou en perte d’autonomie. Qu’est-ce que le baluchonnage ? Faire travailler un salarié 144heures consécutives peut-il se faire de façon respectueuse ? Summary « Baluchonnage » is a new respite device in France, enabling informal caregivers to rest for a few days, the only break in the long years devoted to accompanying a loved one with disabilities or loss of autonomy. What is the Baluchonnage system? And, can we reasonably expect employees to work 144 consecutive hours? R. Petitprez renouveler son énergie. Pour beaucoup d'aidants, des solutions adéquates existent : passer le relais à un membre de la famille, passer le relais à des professionnels qui pourront intervenir ponctuellement durant l'absence de l'aidant ou passer le relais temporairement à une institution (hébergement temporaire). L'aidant se repose et prend soin de lui ; il revient auprès de son proche avec une nouvelle énergie, du recul, une capacité renouvelée à poursuivre son rôle d'aidant. Dans certains cas, passer le relais comme décrit précédemment est impossible, du fait de la complexité du handicap ou de la perte d'autonomie : certains aidés ne peuvent rester seuls même avec le passage renouvelé de professionnels, les aidants secondaires peuvent être dans l'incapacité de prendre le relais de l'aidant principal qui est devenu hautement spécialisé dans la gestion des soins quotidiens du proche aidé. L'hébergement temporaire doit alors être envisagé pour permettre à l'aidant de prendre du répit. Mais, l'on sait que dans certaines pathologies comme l'autisme ou les maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer, les changements d'habitude et de contexte peuvent avoir des effets très délétères pour le proche aidé qui n'a pas les ressources nécessaires pour gérer l'anxiété engendrée et s'adapter aux changements de lieu de vie. Aux côtés de ces solutions de répit inefficaces à remplacer l'aidant sur plusieurs jours, se développe donc désormais une solution nouvelle : le baluchonnage. Le baluchonnage consiste à organiser le remplacement de l'aidant, à domicile, pendant que celui-ci s'absente plusieurs jours pour se reposer, recevoir des soins ou pour des raisons professionnelles. L'accompagnant qui remplace l'aidant est appelé baluchonneur. Aidant et baluchonneur préparent leur baluchon ; l'un pour partir se reposer, l'autre pour venir le remplacer, d'où le nom de ce dispositif d'origine québécoise « le Baluchonnage » qui a été inventé en 1999 par Marie Gendron et qui est poursuivi depuis 20 ans dans la Belle Province [1] . Le baluchon évoque un dispositif léger ne nécessitant que peu de matériel. Le baluchonneur accompagne l'aidé 24 h/24 pendant plusieurs jours consécutifs. Il fallait donc, pour pouvoir le développer en France, une adaptation concernant la législation du travail (qui impose notamment un maximum de 11 h de travail quotidien) afin de permettre ce travail 24 h/24. En France, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) sous l'impulsion du président de la République et du 1 er ministre Edouard Philippe, a lancé une expérimentation [2] pour 3 ans (fin prévue = décembre 2021) pour tester le répit de longue durée pour les aidants, le relayage, en autorisant une dérogation à la législation du travail (l'ensemble des repos non pris au cours de la période du baluchonnage sont reportés et pris par le baluchonneur à l'issue de l'intervention). Quarante porteurs ont été sélectionnés [3] pour tenter de développer cette nouvelle formule de répit. Le terme de relayage [4] a été retenu au niveau national par la DGCS afin d'envisager tous les modèles de développement possible. Afin d'épauler les candidats sélectionnés, Baluchon France (https://baluchonfrance.com) accompagne les porteurs qui le souhaitent dans la mise en place de leur service de répit de longue durée pour les aidants : onze structures ont ainsi fait le choix de conventionner avec Baluchon France (association 1901 à but non lucratif, soutenue par AG2R La Mondiale). L'expérimentation est très courte ; il s'agit donc pour Baluchon France de faire gagner du temps aux porteurs qui le souhaitent en leur évitant certains écueils : les 20 ans de déploiement du dispositif au Québec constituent une solide expérience qui a permis d'imaginer un cadre précis, véritable garde-fou en matière de respect des professionnels et de qualité des prestations. Le dispositif « Parenthèse à domicile » à Maromme en Normandie s'inspire depuis 10 ans du modèle québécois et constitue donc une 1 re expérience de baluchonnage propre au territoire français [5] . En dehors des 11 porteurs qui ont choisi de s'appuyer sur l'expertise de Baluchon France, d'autres porteurs développent actuellement leur solution de répit dans le cadre de cette expérimentation et chaque modèle de développement fera l'objet d'une évaluation à l'issue de l'expérimentation et en vue d'une pérennisation. Il faut dans tous les cas que les aidants aient accès à du répit de longue durée, que ce répit soit respectueux de l'aidé, respectueux de l'aidant mais aussi respectueux du professionnel qui assume la mission. Le baluchonnage est un dispositif qui favorise le maintien à domicile : en prenant de temps en temps des répits de longue durée (plusieurs jours consécutifs), l'aidant va renouveler son énergie et sa motivation, diversifier ses relations, multiplier ses points d'ancrage et ainsi augmenter sa résistance et son endurance dans le maintien à domicile de son proche. Les entrées en EHPAD sont souvent le fait d'un aidant qui a atteint ses limites. Proposer du baluchonnage, c'est donc répondre au souhait majoritaire des aidés et des aidants : le maintien à domicile malgré le handicap ou la perte d'autonomie. Le baluchonnage 3 les obstacles. Ce faisant, on améliore l'estime de soi de l'aidant, on augmente ses connaissances sur la pathologie de son proche, on augmente ses compétences grâce aux conseils proposés, on améliore la qualité de vie de l'aidant et de l'aidé ainsi que la relation aidant-aidé -qu'y a-t-il de plus précieux ? Le baluchonneur est spécialiste de la maladie, l'aidant est spécialiste de son proche. Quand ces deux savoirs se cumulent, la qualité de l'accompagnement progresse. Les aidants sont pleins de doute, isolés, en manque de reconnaissance ; le baluchonneur peut valoriser leurs belles capacités d'adaptation, augmenter leur endurance, et lever les doutes grâce à un regard extérieur porté sur le domicile, sur l'aidé, et sur la relation aidant-aidé. Comment réussir un tel exercice d'analyse de la situation et de transferts de compétences ? Grâce au minutieux travail préparatoire mené en amont du répit. L'analyse fine de la situation et de chaque moment de la vie quotidienne a pour but de préparer la prestation bien sûr mais aussi de soulever les points de difficultés rencontrées par l'aidant qui deviendront des points de vigilance pour le baluchonneur au cours de son intervention. On interroge l'aidant sur ce qui est difficile pour lui en ce moment. L'aidant a évoqué les difficultés qu'il rencontre en fin de journée pour que son proche accepte le passage en habits de nuit et le coucher ? Le baluchonneur va pouvoir réfléchir avant d'intervenir, observer les premiers soirs puis tenter de nouvelles stratégies les soirs suivants s'il a l'accord de l'aidant pour cela. Enfin, et surtout, le baluchonneur remet à l'aidant, à l'issue de son intervention un journal d'accompagnement soigneusement rédigé, qui retrace pour l'aidant le déroulé jour après jour de son accompagnement mais aussi un portrait du proche aidé dans ses capacités résiduelles et enfin un retour détaillé sur les points de complexité identifiés par l'aidant ainsi que sur toute autre situation particulière détectée par le baluchonneur. De quoi prolonger les effets du baluchonnage bien au-delà du répit lui-même. Quel autre professionnel peut dire à un aidant : « j'ai vécu votre quotidien et je vous comprends ! ». Le baluchonnage est un dispositif respectueux des aidés les plus fragiles : en préservant leurs habitudes, le baluchonneur les accompagne là où ils sont rendus. On ne leur demande pas de s'adapter à une équipe, un établissement et des horaires, on s'adapte à eux ! Ainsi, le baluchonneur arrive à domicile largement informé des habitudes de vie et de tous les détails qui font les particularités de la personne à accompagner (autant ses goûts, que ses menus, ses rituels d'endormissement, ses horaires, son histoire de vie, etc.). Le baluchonneur adoptera le quotidien, les rythmes, les menus, l'ambiance, les activités de la personne à accompagner. La force du baluchonneur est de prendre l'aidé tel qu'il est, là où il est rendu dans sa vie et dans ses capacités. Nul regret, nul remord, le baluchonneur s'appuie sur les capacités résiduelles de l'aidé pour vivre ce qui peut l'être encore. Il a une oreille neuve pour celui qui répète sans cesse les mêmes histoires, apporte des musiques que l'on ne pensait plus à écouter, des activités qu'on n'osait plus tenter, etc. Le baluchonneur a du temps, tout son temps. Un pour un, 24 h/24. L'aidé peut se sentir accepté tel qu'il est, accompagné à son rythme, satisfait dans ses besoins, respecté dans sa dignité. Les aidés trouvent dans le baluchonnage la qualité des soins dont ils ont besoin et plus encore. . . Ils profitent d'un aidant reposé à son retour et renforcé dans son aidance par les conseils apportés par le baluchonneur. Au cours de l'accompagnement, l'aidé aussi vit une situation de pause, un moment différent et souvent privilégié avec un interlocuteur attentif, dévoué, plein de ressources et d'attentions. Un temps très qualitatif pour l'aidé aussi. Le baluchonneur est très qualifié dans l'accompagnement à domicile, d'une part, et dans la pathologie qu'il accompagne, d'autre part. Il s'agit de professionnels volontaires ayant le choix de chacune de leur mission et d'une grande capacité d'adaptation. Sur le principe, dans un baluchonnage, le professionnel s'attend à surmonter les obstacles, déjouer les difficultés, être endurant si besoin grâce au soutien de son coordinateur. Le remplacement en cours de mission ne se fait que de façon très exceptionnelle (maladie ou accident grave du baluchonneur ou dans son entourage). Au Québec, les baluchonneurs ont l'habitude de dire qu'il y a 5 % de moments difficiles pour 95 % de moments de bonheur. En effet, les personnes accompagnées peuvent avoir des symptômes psychocomportementaux qui peuvent rendre complexe leur accompagnement si ceux-ci sont plus importants qu'attendu mais de façon générale, le baluchonnage est un moment de rencontre, une découverte de l'autre et les conditions d'intervention sont souvent très agréables pour le baluchonneur qui, en se consacrant entièrement à l'accompagnement de l'aidé, est alors en vacances de son propre quotidien. Le travail de préparation est essentiel bien sûr, largement basé sur les compétences du coordinateur pour collecter les informations et tisser un lien de confiance avec l'aidant, et sur le partage de l'aidant lui-même. C'est une construction patiente et fine qui s'érige en amont du baluchonnage : prise de contact, échanges téléphoniques, visite à domicile d'évaluation, supports écrits détaillés. S'ajoute à ce travail de préparation un temps indispensable de présentation du baluchonneur à la dyade aidant-aidé en amont du baluchonnage -par téléphone ou par une visite de courtoisie. Le temps de transition, enfin, vient parfaire ce temps de préparation en instaurant le climat du baluchonnage : trois heures cruciales pour être en présence les uns des autres (aidant-aidé-baluchonneur). L'essentiel ayant été dit dans la phase de préparation, il s'agit ici d'être en relation, de permettre au lien de s'instaurer entre l'aidé et le baluchonneur avec la présence rassurante de l'aidant. On règle les derniers détails (autorisations, revue des aliments disponibles dans le frigo), mais surtout on échange, on fait connaissance, on se découvre, on se touche, on se respire, on se jauge. Cette période de transition peut être prolongée si besoin mais jamais raccourcie. Le baluchonneur est valorisé par la reconnaissance salariale : il est rémunéré, même la nuit, même pendant les siestes de l'aidé -il est présent, en responsabilité, engagé donc reconnu en termes de salaire. S'il n'existe pas de valorisation particulière du salaire de baluchonneur pour le moment en France, les baluchonneurs sont rémunérés en heures pleines, majorées éventuellement (nuit, dimanche et fériés, heures supplémentaires) à leur taux horaire habituel. Ce modèle s'oppose aux solutions existant çà et là qui emploient des bénévoles ou des salariés en mode mandataire pour lesquels les heures de nuit, loin d'être majorées, seront minorées car elles sont considérées comme des veilles couchées. Le baluchonneur en France est salarié d'un service d'aide à domicile, les baluchonneurs formés sont le plus souvent auxiliaires de vie ou plus rarement aides-soignants. Ils sont malheureusement aussi quelquefois sans diplôme. C'est un point qui devra être évalué dans le cadre de l'expérimentation car le baluchonnage nécessite une formation de base solide permettant de faire face à des situations très variées et beaucoup de polyvalence, une capacité d'analyse des situations complexes et une capacité de transmission des savoirs à l'aidant (via la rédaction du journal d'accompagnement). Le baluchonneur est formé aux pathologies qu'il accompagne, mais aussi aux particularités du métier de baluchonneur (formation assurée par Baluchon France et offerte actuellement par AG2R LA Mondiale dans le cadre du partenariat en cours). Le baluchonneur est supervisé au-delà de ce qui se fait habituellement dans l'aide à domicile : accompagné en amont dans le choix de ses missions, accompagné dans sa préparation, soutenu durant tout le baluchonnage, débriefé à l'issue de chaque prestation. Il s'agit pour le coordinateur d'être en phase avec le baluchonneur qu'il emploie afin de garantir une qualité de service optimale (ne pas passer à côté de difficultés qui viendraient entamer sa disponibilité psychique ou physique, déceler ses craintes, combler ses besoins de formation, ajuster les outils à ses besoins, etc.). Le baluchonneur bénéficie aussi de temps d'échange avec ses pairs et par la suite de possibles supervisions d'équipe. Le journal d'accompagnement, outil destiné à l'aidant, est une possibilité pour le baluchonneur de valoriser son expertise mais aussi de prendre du recul sur son vécu. Le baluchonneur est seul mais jamais isolé en baluchonnage. 24 h/24 h, il peut joindre un coordinateur compétent sur le sujet du baluchonnage pour l'aider à prendre les décisions, reposer le cadre en cas de besoin, partager les responsabilités, accueillir sa souffrance et ses doutes, etc. Le baluchonneur est formé à solliciter cette permanence téléphonique -dans de nombreuses situations, il est recommandé de contacter ce service de garde plutôt que de s'abstenir et agir seul -au risque notamment de s'épuiser. On ne remplacera le baluchonneur que dans des cas extrêmes ; on privilégie surtout de le soutenir, de l'outiller pour qu'il puisse dépasser les imprévus qui peuvent toujours se présenter. Le baluchonneur est seul à domicile, mais c'est un service qui organise, porte et assume le baluchonnage. Le baluchonneur est respecté dans ses rythmes professionnels. L'expérimentation prévoit des temps de repos cumulés à l'issue de la prestation (plus de trois semaines de repos après une intervention de six jours), mais le baluchonnage va plus loin en sanctuarisant des jours de repos avant tout baluchonnage. Le baluchonneur n'est pas actif 24 h/24 ; les nuits sont de qualité (sinon on ne baluchonne pas), des siestes, des moments calmes, des moments de jeux, des promenades, lectures et séances télé sont le quotidien professionnel du baluchonneur ! Le baluchonneur est protégé par le travail en amont du coordinateur qui étudie avec une grande minutie chaque demande (visite du domicile, recueil de l'histoire, des habitudes de vie, rencontre de l'aidant et de l'aidé, échanges avec les professionnels en place. . .). Le coordinateur, surtout, agit comme un filtre : on ne proposera pas de baluchonnage si la situation ne garantit pas la santé et la sécurité du baluchonneur. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'un aidant le fait qu'un baluchonneur peut le faire ! Le coordinateur est un gestionnaire de risque et il refusera ou proposera des adaptations de la situation à l'aidant pour rendre un baluchonnage réalisable. Toutes ces précautions prises à l'égard du professionnel expliquent sans doute que les porteurs de baluchonnage ne rencontrent pas de difficulté pour recruter des professionnels volontaires pour ces missions nouvelles. À ce jour, 28 baluchonneurs sont recrutés et formés en France, prêts à offrir du répit aux aidants dès la fin du confinement lié à la crise du COVID-19. En France, l'expérimentation est proposée sans financement des prestations. Un financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), quelquefois important, est cependant octroyé pour l'ingénierie. Le baluchonnage 5 Les dispositifs de droit commun ne sont pas prêts pour financer le baluchonnage : plan APA (allocation personnalisée d'autonomie) et PCH (prestation de compensation du handicap) ne sont pas mobilisables pour l'instant (alors que l'hébergement temporaire l'est -comme dispositif de répit pour l'aidant). L'enveloppe répit des plan APA (500D /an et par aidant -quand elle est mobilisable !) est très insuffisante puisqu'elle ne couvre même pas une journée complète de baluchonnage. Les porteurs doivent donc trouver des financements -ils s'y consacrent depuis de longs mois -ce qui impacte considérablement leur capacité à déployer la solution de baluchonnage sur une si courte période. Le calendrier est impacté par les deux bouts : sur les 36 mois d'expérimentation, 5 mois ont été consacrés à la sélection des candidats (janvier à avril 2019) et déjà 12 mois consacrés la recherche de financements par les 11 porteurs conventionnés avec Baluchon France ; enfin, l'expérimentation courra jusque décembre 2021 mais le recueil des données en vue de l'évaluation par Ernst & Young s'arrêtera en janvier 2021 ! Il restait donc mai à décembre 2020 pour mettre en place des prestations susceptibles de contribuer à l'évaluation de l'expérimentation, mais le COVID 19 s'est invité dans le calendrier. Le baluchonnage ne concernera pas les 11 millions d'aidants en France. Beaucoup d'aidants peuvent tout simplement partir se reposer avec leur proche handicapé ou dépendant sans que cela empêche le repos de l'aidant ni nuise à l'aidé. Le baluchonnage concernera seulement les aidants indispensables dans le quotidien de leur proche, dont le proche ne peut pas ou plus partir en vacances, et pour qui aucune autre solution parmi celles existant actuellement n'est appropriée (relais par la famille, relais ponctuel par les professionnels, accueil en institution). De plus, les aidants n'ont pas tous le souhait de s'absenter et de quitter leur aidé pour quelques jours. Ainsi, le baluchonnage ne concernera qu'une très petite partie des aidants, ceux dont le proche souffre d'une pathologie complexe à prendre en charge par des tiers (troubles neurodégénératifs, troubles du spectre de l'autisme, maladies physiquement très invalidantes, etc.) et qui souffriraient beaucoup d'un changement de domicile, même temporaire. Actuellement, les services en cours de démarrage ne croulent pas sous le nombre de demandes. Combien coûtent actuellement les conséquences d'une absence de répit pour ces aidants ? Combien coûtera la prise en charge en institution sur le long terme de leur proche s'ils sont épuisés et renoncent alors au maintien à domicile ? Le baluchonnage coûte 27D /heure dans sa mise en oeuvre, plus cher bien sûr qu'un service habituel d'aide à domicile mais quelles économies par ailleurs ! À court terme, économie sur le confort de l'aidé (sa santé, les conséquences évitées d'un déplacement hors du domicile), économie sur la santé de l'aidant, économie sur le coût d'un hébergement temporaire pour la société et pour la famille. Et à plus long terme, économie sur l'hébergement permanent grâce au renfort apporté pour prolonger le maintien à domicile ! Avec 30 000D , un service peut offrir une douzaine de baluchonnages de 4 jours chacun, en assurant la qualité de la prestation et le respect du professionnel baluchonneur. De quoi alimenter l'expérimentation en cours et tester la pertinence de cette nouvelle solution de répit. Le baluchonnage ne pourra pas résoudre toutes les situations d'épuisement à domicile des aidants. Il est une des solutions parmi toutes les autres, avec toutes les autres, pour agir en faveur des aidants, les soutenir dans l'épreuve qu'ils traversent et qu'ils accueillent en déployant le meilleur d'eux-mêmes, faisant preuve de patience, de dévouement, de créativité. L'abnégation peut malheureusement les amener à s'oublier dans l'aide au détriment de leur propre santé, de la santé de leur aidé, de la qualité de leur relation, et du maintien à domicile de ce proche fragile. Le baluchonnage est une solution appropriée pour les aidants dont le proche ne peut plus supporter l'hébergement temporaire et dont le manque d'autonomie est tel que l'aidant est devenu indispensable au quotidien. Les aidants se montrent intéressés par cette nouvelle solution de répit. Les professionnels répondent présents au moment du recrutement et maintiennent leur engagement dans la durée, le métier de baluchonneur présente des intérêts multiples (valorisation de fin de carrière, diversification des interventions, valorisation des acquis de l'expérience, rythme de travail correspondant bien à certaines situations personnelles. . .). Il n'y a pas de difficulté pour recruter, en France, des baluchonneurs. Si au Québec, le baluchonnage est pour l'instant limité aux aidants de personnes atteintes de maladies d'Alzheimer et maladies apparentées, il est acquis pour sa directrice générale, Guylaine Martin, que le baluchonnage pourrait s'ouvrir à d'autres pathologies, à condition d'une volonté politique qui s'accompagne de financements, ce qui n'est pas encore le cas au Québec. En France, le gouvernement a d'emblée envisagé la suppléance de l'aidant pour tous les aidants dont le proche ne peut bénéficier d'hébergement temporaire ; cela ouvre donc les prestations de baluchonnage aux aidants dont le proche est concerné par l'autisme, le traumatisme crânien, les atteintes cérébrales, les handicaps moteurs ou neuro-développementaux, etc. Le baluchonnage s'applique possiblement à toutes ces pathologies, à la seule condition d'avoir des professionnels formés à ces pathologies. Le R. Petitprez encore faut-il que celui-ci ait pu être testé pour que seules les formules respectueuses de l'aidant, de l'aidé et du professionnel soient poursuivies. Aidants, baluchonneurs et pouvoirs publics sont donc convaincus de l'intérêt du relayage, pourtant l'expérimentation peine à démarrer faute de financements. Baluchon France s'emploie à être force de propositions : • en encourageant le financement des prestations par les caisses de retraite et les mutuelles ; • en demandant la réorientation des fonds de la CNSA dédiés à l'ingénierie vers les prestations elles-mêmes ; • en sollicitant les conseils départementaux concernés. D'autres pistes devront être travaillées dans la perspective d'une pérennisation : • adapter les dispositifs de droit commun pour inclure le répit de longue durée (relayage, baluchonnage) dans les plans d'aide comme cela se fait au Québec (7 jours par an et par aidant financés par le Ministère de la santé) ; • doter les plateformes de répit pour les aidants d'une enveloppe permettant de financer des répits aux aidants qu'elles accompagnent (certaines le font déjà sur leur enveloppe récurrente). Les aidants ne souhaitent pas renoncer au rôle qu'ils jouent auprès de leur proche handicapé ou en perte d'autonomie. Leur rôle est crucial dans notre société, on peut encore le constater depuis le début de la crise du COVID-19. Il faut que notre modèle social les accompagne et les soutienne en leur offrant du répit. L'auteure déclare ne pas avoir de liens d'intérêts. Rachel Petitprez est directrice de Baluchon France, association loi 1901 à but non lucratif. Baluchon Alzheimer : un exemple de services aux aidants travail dans le cadre de la mise en oeuvre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant et de séjours de répit aidants-aidés Liste des candidats sélectionnés pour mener l'expérimentation prévue à l'article 53 de la loi ESSOC dans le cadre des prestations de suppléance à domicile du proche aidant et des séjours de répit aidant-aidé Du baluchonnage québécois au relayage en France : une solution innovante de répit Stratégie de mobilisation et de soutien 2020-2022. Agir pour les aidants