key: cord-0866835-j40dt523 authors: Drogo, Jean; Jansen, Claire; Laprevote, Vincent title: Quel est l’impact du confinement chez les personnes souffrant de troubles psychiatriques lors de la pandémie de COVID-19? date: 2021-06-24 journal: nan DOI: 10.1016/j.lpmfor.2021.06.015 sha: fa1c040cd49fdcd956d600c482f135c725554761 doc_id: 866835 cord_uid: j40dt523 nan La pandémie de COVID-19 a débuté en Chine en décembre 2019 et s'est répandue à l'ensemble de la planète dès Mars 2020 (1) . Alors que la vaccination à grande échelle fait ses premiers pas, d'autres stratégies de limitation de la propagation du virus gardent une place centrale. Parmi ces mesures, le confinement et la distanciation physique (ou "distanciation sociale") pourraient être l'un des moyens de prévention les plus efficaces (2) . Initialement synonyme de protection pour soi et pour les autres, ces mesures perturbent le quotidien de la population générale (3) , et vont jusqu'à empêcher l'accès aux soins de santé, exacerbant ainsi de nombreuses fragilités (4) . Elles sont aussi, pour eux, la matérialisation concrète d'une menace ambiguë et incertaine à l'origine d'une détresse psychologique (5) . Le confinement, en lui-même, participe à cette détresse et exerce une pression sur la santé mentale des personnes ne souffrant pas de troubles mentaux (6) provoquant ennui, inquiétude, peur, anxiété, pour soi et pour ses proches, isolement, et parfois même exclusion (7) . De plus, la volatilité économique et professionnelle et l'insécurité financière qui en découle pourraient perpétuer ou amplifier les symptômes liés à l'humeur et à l'anxiété (8) . Par le passé, dans la population générale, des études transversales à petite échelles menées lors de l'épidémie de SRAS ont rapporté des associations entre la durée d'une période de quarantaine et les symptômes de dépression et du trouble de stress post traumatique (TSPT) chez les adultes à Toronto (9, 10) . Un lien a également été suggéré entre les restrictions de sortie et la présence de troubles psychologiques 7 à 8 mois après l'isolement chez les travailleurs à Pékin (11) . Mais ces résultats sont mitigés, et peuvent parfois même être paradoxaux, car si d'autres études ont également mis en évidence l'impact psychologique consécutif à la pandémie à virus H1N1 (5, 8) , certaines, à l'inverse, ne font pas ce constat (12) . Bien que l'on s'attende, en situation de confinement, à ce que les personnes atteintes d'une maladie mentale diagnostiquée présentent des niveaux de symptômes plus élevés que les personnes ne souffrant d'aucun trouble, certaines questions persistent quant à la caractérisation des répercussions de ces périodes d'isolement forcées sur leur santé mentale. L'application sans précédent des mesures de confinement durant la pandémie de COVID-19, de par leur déploiement massif à l'échelle mondiale, et leur persistance dans le temps, pourrait permettre de lever le voile sur certaines de ces incertitudes. Nous avons donc entrepris, à travers cette revue, de préciser l'impact du confinement prolongé lié à l'épidémie de COVID-19 sur la santé mentale des personnes souffrant de troubles psychiatriques. Nous avons recherché les articles décrivant l'impact du confinement chez les personnes souffrants de troubles psychiatriques . Les bases de données PubMed, et ScienceDirect ont été interrogées le 20 Février 2020 en utilisant les mots clefs suivants : ("LOCKDOWN" OR "SELF-ISOLATION" OR "SELFISOLATION") AND ("PSYCHIATRIC POPULATION" OR "PSYCHIATRIC ILLNESS" OR "MENTAL ILLNESS"). Au total, 399 résultats ont ainsi été isolés. Après suppression des doublons et sélection sur lecture du titre et de l'abstract, 62 articles ont été retenus, puis 29 après lecture intégrale. Nous avons complété ces références en nous inspirant de la bibliographie des articles retenus. Cette exploration nous a permis de mettre en évidence des spécificités concernant certains diagnostics, comme les troubles anxieux, de l'humeur et du registre psychotique. Nous avons également pu extraire des informations sur des phénomènes trans-diagnostics comme les troubles du sommeil et les idées suicidaires. Les premiers résultats d'études observationnelles suggèrent que plus de 25% de la population générale présentait des niveaux modérés à sévères de symptômes anxieux en réponse à la pandémie de COVID-19 (13) comme cela avait pu être rapportés lors de l'épidémie de SRAS (14) (17), ces mêmes auteurs suggéraient que les personnes atteintes de troubles mentaux puissent finalement connaître une diminution légèrement plus rapide des symptômes anxieux (pente : −0.06 ± 0.02, p<.001). Le constats de la majoration importante des symptômes anxieux en réponse à la pandémie de COVID-19 ont poussé l'équipe de Taylor et al (18) Cette échelle a par la suite été utilisée dans l'étude observationnelle menée par Asmundson et al. (19) qui a montré que les personnes atteintes de troubles anxieux rapportaient des scores significativement plus élevés à la COVID Stress Scale (CSS) que les personnes souffrant de troubles de l'humeur (Mdiff = On remarquera ici que les troubles du sommeil, liés à un changement de rythme ou à l'émergence de facteurs de stress, deux éléments très présents dans le cadre du confinement, sont connus pour majorer les symptômes anxieux, dépressifs (36), la prise de risque et l'impulsivité (37) . Inversement, les interventions conduisant à l'amélioration des troubles du sommeil conduisent à l'amélioration des troubles psychiatriques (38, 39) . Cette revue met en lumière l'impact du confinement sur les personnes souffrantes de troubles psychiatriques. Si les personnes souffrant de trouble anxieux semblent expérimenter des symptômes du registre anxieux, dépressif, voir psychotique, particulièrement intenses (19) , bien que circonscrits aux phases précoces du confinement (16, 17) , il semblerait que les personnes souffrants de trouble bipolaire, quant à elles, souffrent de symptômes anxio-dépressifs moins intenses (19) mais plus durables (22) . Le peu de données existantes concernant l'impact du confinement sur les personnes souffrant de troubles psychotiques reste rassurant (20,29), néanmoins, les études retenues s'intéressant à ces personnes ne décrivent que les phases précoces du confinement, et la part la plus fragile de cette population y est possiblement sous-représentée, notamment du fait d'une perte de contact ou de suivi. Pour l'ensemble des personnes souffrant de troubles psychiatriques, le confinement est pourvoyeur de symptômes de stress aigu (21,33) et de troubles du sommeil (29,33) plus sévères et plus fréquents, qui peuvent être à la fois la cause et la conséquence d'une décompensation psychiatrique. Parmi l'ensemble des conséquences psychologiques négatives du confinement décrites dans la littérature, la majorité sont aussi des facteurs de risques passage à l'acte suicidaire (8, 40) . Ce poids peut-être d'autant plus lourd pour les personnes atteintes de troubles psychiatriques, que celles-ci sont plus sensibles à la colère et à l'impulsivité (8, 33) . Ces constats sont cohérents avec études menées lors des épidémies de SRAS et de H1N1, qui confirment la nature de l'impact du confinement dans ses phases précoces et la fragilité des personnes atteintes de troubles psychiatriques (5, 8) , bien que celles-ci ne mentionne pas de cinétique particulière d'évolution des symptômes. Au-delà du soin, tous les moyens utiles à la lutte contre l'épidémie de solitude semblent pouvoir être considérés comme une bonne option pour améliorer le bien-être des individus (45) . A ce titre, encourager les liens sociaux et promouvoir l'accès à la culture paraît être une initiative efficace, que celle-ci se cristallise autour de projet comme Cov'Art, soutenu par le Cn2r, ou se développe à l'initiative de jeunes créateurs indépendants. Il est également possible que le confinement prolongé puisse teinter la présentation clinique de certains troubles mentaux. Certains résultats (20) suggèrent ainsi que les symptômes anxieux précoces et souvent négligés en contexte pandémique pourraient représenter un indice crucial à la mise en place de stratégies de prévention et de suivi plus étroit les semaines suivantes. Une attention particulière à la santé mentale des personnes atteintes de troubles bipolaires peut également être justifiée dans la mesure où celles-ci semblent présenter des préoccupations plus singulières, qui participent alors à la persistance de la symptomatologie (21) . Concernant les troubles du sommeil en situation de Néanmoins, cette revue souffre également de limites qui prennent aussi racine dans ce contexte exceptionnel. La pandémie de COVID-19 a en effet mis à l'épreuve la réactivité des équipes de recherches, qui ont été contraintes de partager leurs réflexions rapidement parfois au détriment de la standardisation de leurs protocoles. Ainsi, sur l'ensemble des 44 références retenues concernant le confinement, on ne retrouve que 5 études comparatives et seulement 4 sont longitudinales. Par ailleurs, d'autres recherches sont nécessaires afin de caractériser les effets à long terme du confinement, qui est, à ce jour, toujours en place dans de nombreux pays. La possibilité, suggérée dans certaines études (29) qu'un effet psychologique du confinement puisse encore être détecté des mois ou des années plus tard reste troublante et suggère la nécessité de s'assurer que des mesures d'atténuation efficaces soient mises en place dans le cadre du processus de planification du confinement (8) . Il faudrait ainsi s'attendre à des conséquences durables qui pourraient affecter non seulement les personnes confinées mais aussi les systèmes de santé (8) . Cette revue suggère que l'impact psychologique du confinement sur les personnes souffrant de troubles mentaux est vaste et substantiel. Il semblerait par ailleurs que la nature du trouble préexistant puisse fournir des indices quant à la prédiction de la trajectoire de ces personnes. Ces données nous invitent donc à être particulièrement attentifs aux personnes souffrant de troubles anxieux dans les phases précoces du confinement, et à anticiper un impact plus durable concernant les personnes atteintes de troubles bipolaires. En plus des conséquences symptomatologiques, les mesures de confinement sont susceptibles de teinter la présentation clinique de certains troubles mentaux. Une connaissance de ces spécificités pourrait alors orienter le regard du clinicien et s'avérer utile à l'adaptation des stratégies préventive, diagnostics voire thérapeutiques. Ces résultats suggèrent également que des adaptations peuvent et doivent être faites pour aider les personnes souffrant de troubles mentaux à aborder leur santé mentale durant le confinement. Ils ont également une implication pour la préparation future des pandémies, suggérant l'importance de fournir un soutien en matière de santé mentale dans les premiers stades des épidémies. Parmi les mesures Chronologie de l'action de l'OMS face à la COVID-19 The positive impact of lockdown in Wuhan on containing the COVID-19 outbreak in China Les effets de confinement SARS-CoV-2 sur le sommeil : enquête en ligne au cours de la quatrième semaine de confinement Delayed access or provision of care in Italy resulting from fear of COVID-19 Intolerance of uncertainty, appraisals, coping, and anxiety: The case of the 2009 H1N1 pandemic Immediate Psychological Responses and Associated Factors during the Initial Stage of the 2019 Coronavirus Disease (COVID-19) Epidemic among the General Population in China Overview of Stigma against Psychiatric Illnesses and Advancements of Anti-Stigma Activities in Six Asian Societies The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence SARS Control and Psychological Effects of Quarantine Understanding, compliance and psychological impact of the SARS quarantine experience Predictive factors of psychological disorder development during recovery following SARS outbreak Is quarantine related to immediate negative psychological consequences during the 2009 H1N1 epidemic? Psychological distress and negative appraisals in survivors of severe acute respiratory syndrome (SARS) Public perceptions, anxiety, and behaviour change in relation to the swine flu outbreak: cross sectional telephone survey. The BMJ Trajectories of anxiety and depressive symptoms during enforced isolation due to COVID-19 in England: a longitudinal observational study Trajectories of depression and anxiety during enforced isolation due to COVID-19: longitudinal analyses of 59,318 adults in the UK with and without diagnosed mental illness Development and initial validation of the COVID Stress Scales COVID-19 lockdown in people with severe mental disorders in Spain: Do they have a specific psychological reaction compared with other mental disorders and healthy controls? Mental health status of individuals with a mood-disorder during the COVID-T 19 pandemic in Australia: Initial results from the COLLATE project Covid-19 pandemic and lockdown impacts: A description in a longitudinal study of bipolar disorder Working in Arctic and Sub-Arctic Conditions: Mental Health Issues Psychological effect of solitary confinement Social isolation and psychosis-like experiences: a UK general population analysis. Psychosis A cognitive model of the positive symptoms of psychosis Paranoia, hallucinations and compulsive buying during the early phase of the COVID-19 outbreak in the United Kingdom: A preliminary experimental study Letter to the editor: Headline stress disorder caused by Netnews during the outbreak of COVID-19 Effects of the COVID-19 pandemic and lockdown in Spain: comparison between community controls and patients with a psychiatric disorder. Preliminary results from the BRIS-MHC STUDY Posttraumatic stress disorder in parents and youth after health-related disasters Prevalence and risk factors for acute posttraumatic stress disorder during the COVID-19 outbreak Evidence for elevated psychiatric distress, poor sleep, and quality of life concerns during the COVID-19 pandemic among U.S. young adults with suspected and reported psychiatric diagnoses Do psychiatric patients experience more psychiatric symptoms during COVID-19 pandemic and lockdown? A case-control study with service and research implications for immunopsychiatry The mechanisms that associate community social capital with postdisaster mental health: A multilevel model American Psychiatric Association. DSM-5 -Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux Shorter and longer durations of sleep are associated with an increased twelve-month prevalence of psychiatric and substance use disorders: Findings from a nationally representative survey of US adults (NESARC-III) Confinement and Sleep Deprivation Effects on Propensity to Take Risks Internet Treatment Addressing either Insomnia or Depression, for Patients with both Diagnoses: A Randomized Trial Interpersonal and social rhythm therapy: a means of improving depression and preventing relapse in bipolar disorder Suicidal thoughts and behaviors and social isolation: A narrative review of the literature The impact of the COVID-19 pandemic on suicide rates The impact of epidemic outbreak: the case of severe acute respiratory syndrome (SARS) and suicide among older adults in Hong Kong Assurer les soins aux patients souffrant de troubles psychiques en France pendant l'épidémie à SARS-CoV-2 Multidisciplinary research priorities for the COVID-19 pandemic: a call for action for mental health science Keep Socially (but Not Physically) Connected and Carry On: Preventing Suicide in the Age of COVID-19. Prev Suicide COVID-19 Impact of COVID-19 pandemic on pre-existing mental health problems proposées, les plus pertinentes s'articulent actuellement autour de la promotion de la santé mentale, du maintien du suivi, et plus largement à la lutte contre l'isolement et la solitude.Par ailleurs, il est possible qu'il faille s'attendre à ce que les personnes atteintes de troubles mentaux souffrent d'une persistance à long terme de certains des effets du confinement. D'autres études sont nécessaires afin de caractériser ces effets.