key: cord-0878934-5q5dn1hu authors: Géraut, Christian title: Complications des tatouages : informations récentes justifiant la prise de mesures urgentes date: 2020-04-15 journal: Bull Acad Natl Med DOI: 10.1016/j.banm.2020.04.008 sha: cb36ff311be51ec67a9672f158426383afce220c doc_id: 878934 cord_uid: 5q5dn1hu Resume Les tatouages cutanés sont pratiqués depuis fort longtemps mais leur toxicité reste peu connue du grand public qui a de plus en plus recours à ces techniques sans être informé des risques encourus, infectieux, allergiques, dermatologiques, toxiques systémiques et même ophtalmologiques. Cette situation est aggravée par la mode des tatouages « corps entier ». Cette séance dédiée est une mise au point des risques encourus liés aux tatouages Summary Skin tattoos have been used for a long time but their toxicity remains little known to the general public who increasingly resort to these techniques without being informed of the risks involved, infectious, allergic, dermatological, systemic toxic and even ophthalmological. This situation is compounded by the fashion for "whole body" tattoos. This dedicated session is an update on the risks associated with tattoos : COMPLICATIONS DES TATOUAGES, ALLERGIES ET TOXICOLOGIE AUX ENCRES, INFECTIONS, SARCOIDOSE, UVEITE KEY-WORDS: DECORATIVE TATOO COMPLICATIONS, INK SKIN ALLERGY AND TOXICOLOGY, SARCOIDOSIS, UVEITIS Les tatouages cutanés sont pratiqués depuis fort longtemps mais leur toxicité reste peu connue du grand public qui a de plus en plus recours à ces techniques sans être informé des risques encourus, infectieux, allergiques, dermatologiques, toxiques systémiques et même ophtalmologiques. Cette situation est aggravée par la mode des tatouages « corps entier ». Cette séance dédiée est une mise au point des risques encourus liés aux tatouages Skin tattoos have been used for a long time but their toxicity remains little known to the general public who increasingly resort to these techniques without being informed of the risks involved, infectious, allergic, dermatological, systemic toxic and even ophthalmological. This situation is compounded by the fashion for "whole body" tattoos. This dedicated session is an update on the risks associated with tattoos J o u r n a l P r e -p r o o f La mode des tatouages « corps entier » et la présence de nouvelles pathologies induites par l'injection intradermique de grandes quantités d'encres nous amène à attirer à nouveau l'attention de la population et des pouvoirs publics sur les complications de ces tatouages. Depuis plus de 12 ans l'Académie nationale de médecine attire l'attention des pouvoirs publics et de la population sur les dangers de certains tatouages, tandis que de multiples articles scientifiques sont publiés à ce sujet. Rappel des deux rapports ou communiqués précédents de l'Académie nationale de médecine: L'Académie nationale de médecine a attiré l'attention des pouvoirs publics dès 2007 sur les risques des tatouages, ce qui avait abouti à la mise en place d'une réglementation sur les conditions auxquelles sont soumis les tatoueurs en ce qui concerne leur formation (Arrêté du 12 décembre 2008), sur la déclaration obligatoire de leurs activités (Arrêté du 23 décembre 2008) les conditions de l'effraction cutanée, les règles de stérilisation (Décret n°2008-149 du . Durant toute son histoire, il prend une signification symbolique, religieuse ou guerrière. II connait un regain d'intérêt au XVIII e siècle avec les grandes expéditions maritimes dans le Pacifique (Maoris). Les tatouages ont été longtemps un phénomène masculin, voire machiste avec une dimension rebelle, une forme de dissidence qui s'inscrivait sur la peau. À partir des années 1980, il devient phénomène culturel, touche les deux sexes, en devenant un « bijou cutané ». On fait de son corps une marque pour se singulariser. En nette augmentation depuis les années 70, et depuis une dizaine d'années, la pratique des tatouages a continué à augmenter régulièrement avec des risques accrus de complications dans 68 % des cas, avec 7 % d'effets systémiques [2] . Pourquoi cet engouement pour les tatouages malgré les risques évidents qu'i1s comportent ? Lors des journées mondiales du tatouage en février 2019, il ressortait que environ 20 % de la population française était tatouée avec plus de 30 % chez les moins de 35 ans. En outre, les tatouages se sont étendus, couvrant parfois plus de 50 % de la surface corporelle avec une quantité d'encre injectée importante (lmg d'encre par cm 2 ). Il semble que la moitié des personnes tatouées souhaite à un moment de leur existence supprimer ces tatouages, ce qui n'est pas sans difficultés ou même sans risques par libération de métabolites des encres lors des opérations de traitement par ultra-violets ou laser [3, 4]. Il suffit d'aller sur internet en tapant « tatouages » pour disposer d'une avalanche de publicités en faveur de ces pratiques. Des émissions de télévision ont pour sujet les bienfaits psychologiques des tatouages sans en présenter les éventuels dangers. Certaines grandes surfaces font de la publicité pour leur organisme en montrant des personnages fortement tatoués. À l'opposé de ces informations alléchantes on ne trouve pas couramment des avertissements sur les risques potentiels de ces pratiques. Avant une intervention chirurgicale, chacun est informé oralement et par écrit des aléas éventuels de l'intervention et des risques de complications. Les tatouages comportent une effraction cutanée intradermique à l'origine d'un certain nombre de complications et devraient donc logiquement faire l'objet d'une information scientifique préalable, orale et par écrit, qui serait prévue réglementairement. De multiples communications internationales ont été publiées sur ce risque allergique depuis une vingtaine d'années et en particulier celles du « Groupe d'études et de recherche en dermatoallergologie » qui est un groupe francophone regroupant des représentants de nombreuses nations et assurant un cours international chaque année. Toutes ces communications internationales ont attiré l'attention sur les allergies cutanées à la paraphénylène diamine (ppd) survenues pour des encres contenant souvent 10 % de ce produit fortement allergisant mais pouvant aussi atteindre 50 % dans certains hennés noirs, donnant parfois des réactions bulleuses impressionnantes et même des accidents anaphylactoïdes. En outre plusieurs malades ont présenté d'impressionnants oedèmes de la face dans les heures avant suivi un nouveau contact avec la ppd lors de teintures capillaires après avoir été sensibilisés par les encres de tatouage [5-7]. Les autres constituants des encres peuvent également induire des sensibilisations cutanées invalidantes non seulement sur la peau tatouée, mais aussi lors de contacts multiples extérieurs aux tatouages avec des allergènes qui peuvent être rencontrés ensuite dans l'environnement de la personne tatouée, y compris dans le cadre de son activité professionnelle, celle-ci pouvant ainsi être fortement perturbée voire rendue impossible : allergie au chrome (pigments verts), au cobalt (pigments bleus), aux colorants azoïques ou à base de quinocridone (pigments rouges). L'attention a été également attirée sur les sensibilisations à une encre rouge de tatouage à base de cinnabar (sulfure de mercure ou cinabre), avec des patch tests positifs aux sels de mercure. Dans un cas, quelques mois après cette sensibilisation, une éruption cutanée généralisée est survenue après ingestion d'une grande quantité de poissons à forte teneur en dérivés mercuriels On a pu observer des réactions phototoxiques avec des tatouages de couleur jaune à base de sels de cadmium [8] [9] [10] . Tous ces effets sont développés dans l'article suivant de Martine Bagot (membre de l'Académie nationale de médecine) ayant présenté le précédent communiqué (2017) qui présente un panorama des complications des tatouages, effets remis à jour à partir des données nouvelles, en apportant une classification histologique, c1inique et physiopathologique des lésions observées, la cinétique des particules qui en font autant un problème dermatologique que toxicologique et de médecine interne. Parfois sont observées des réactions chéloïdiennes très gênantes, prurigineuses et inesthétiques, ou la reproduction dans la zone du tatouage d'une lésion de psoriasis, de lichen plan, reproduisant un phénomène de Koebner. Des lésions pseudo-lupiques sur des tatouages anciens peuvent être vues également. Des leucodermies très inesthétiques peuvent être vues. Des encres nouvelles, souvent de couleurs différentes, subissent des modifications de leurs structures physiques et chimiques avec formation de métabolites toxiques ou sensibilisants parfois des années après le tatouage sous l'effet des ultra-violets ou du laser utilisé pour faire disparaître le tatouage avec dégradation des composants cancérogènes. Or des tatouages « corps entier » peuvent faire entrer dans l'organisme jusqu'à 40g de pigments, voire davantage, parmi lesquels on peut rencontrer notamment dans des encres noires des hydrocarbures aromatiques polycycliques connus comme cancérogènes. Certains auteurs font état de carcinome basocellulaire ou épidermoïde sur des zones de tatouage ; des cas de léiomyosarcomes ou kératoacanthomes sont signalés. Un certain nombre d'encres de tatouage contiennent des nanoparticules dont on ne connait pas tous les effets, mais qui peuvent provoquer un stress oxydatif, peuvent avoir une génotoxicité et entraîner des réactions inflammatoires et immunitaires. Certaines encres noires contiennent du dibutylphtalate, connu comme perturbateur endocrinien. Le risque infectieux est aigu ou retardé et parfois systémique. Si les cas de transmission de lèpre, syphilis ou tuberculose cutanée ont devenus exceptionnels, et si les risques de transmission du virus de l'hépatite B, de l'hépatite C et du VIH ont été diminués grâce à la réglementation actuelle, des cas d'infection cutanée ont été signalés dans la littérature mondiale malgré cette réglementation, dont des infections fungiques, virales et bactériennes (mycobactéries, staphylocoques, streptocoques et pseudomonas) En l'espace de 10 ans, le risque infectieux n'a donc pas disparu, notamment dans certains pays exotiques où les français se font volontiers tatouer. Des réactions granulomateuses sont rapportées, parfois difficiles à différencier d'une sarcoïdose cutanée, ce qui est abordé dans l'article de Brigitte Dréno (membre de l'Académie nationale de médecine) à propos de la réaction sarcoïdosique pouvant aller jusqu'à la sarcoïdose systémique avec manifestations respiratoires, en insistant sur la place que pourrait prendre la sarcoïdose dans les complications des tatouages. En conclusion il faut insister sur la révélation récente de ces complications, leurs circonstances d'apparition, leur évolution et sur la nécessité d'une véritable information de la population sur les risques inhérents aux tatouages surtout lorsqu'ils sont étendus. Il peut être recommandé aux médecins devant des complications alléguées des tatouages de réaliser systématiquement un examen général en recherchant notamment une sarcoïdose et de pratiquer un examen ophtalmologique à la recherche d'une uvéite, imposant une surveillance rigoureuse. Accident anaphylactoide à la PPD d'un tatouage provisoire: faut-il attendre un décès pour limiter cette pratique Delayed hyperrsensitivity reaction from black henna tattoo manifesting as severe facial swelling Self reported tattoo reactions in a cohort of 448 french tattooists Contact dermatitis from red tattoo pigment (quinacridone) with secondary spread Reactions to light in yellow tattoos from cadmium sulfide