key: cord-0946626-3btery8b authors: Gaudron, Chantal Zaouche; Boulaghaf, Laurence; Moscaritolo, Alice; Pinel-Jacquemin, Stéphanie title: Situations de vulnérabilités familiales et pandémie COVID 19 date: 2022-01-24 journal: Pratiques Psychologiques DOI: 10.1016/j.prps.2022.01.003 sha: 586fe73674174626dee77386c255356a40f4f8eb doc_id: 946626 cord_uid: 3btery8b Contexte - Conscient·e·s des difficultés engendrées par la pandémie de COVID-19 pour de nombreuses familles ayant des enfants de 6 ans ou moins, l’étude se focalise sur trois contextes de vulnérabilités familiales : familles monoparentales, avec enfants ayant des difficultés développementales et celles en situation de pauvreté. Méthode - Un questionnaire, composé de 69 questions, a été transmis, au niveau national durant le premier confinement (du 17 mars au 10 mai 2020). Parmi l’échantillon d’étude (n = 490), 36 foyers sont monoparentaux et 93 familles ont un enfant présentant des difficultés développementales. De novembre 2020 à juin 2021, une approche qualitative complémentaire a été menée pour atteindre les publics les plus pauvres (n = 23). Résultats – La méthodologie mixte adoptée permet de relever des modalités du vécu qui rassemblent les familles dans les trois contextes (relations intrafamiliales davantage renforcées et investissement des mesures de protection, par exemple), et d’autres qui apparaissent plus spécifiques : pression ressentie et besoin d’informations pour les foyers monoparentaux et avec enfants à difficultés développementales, charge liée à l’école à la maison pour les foyers monoparentaux et les plus pauvres, isolement social pour les foyers monoparentaux, difficultés à maintenir le budget alimentaire antérieur pour les plus pauvres. Conclusion – Les diverses pressions ressenties, les conditions de logement (avec ou sans espaces extérieurs) et de travail, la crainte d’être malades, les sentiments négatifs, etc. doivent inciter les pouvoirs publics à mettre en œuvre des dispositifs de soutien psychologique, notamment pour les foyers les plus vulnérables afin que n’adviennent pas des problèmes de santé physique et/ou psychique ultérieurs voire des symptômes post-traumatiques des parents et de leurs enfants. Context - Aware of the difficulties caused by the COVID-19 pandemic for many families with children aged 6 or under, this study focuses on three contexts of potential vulnerability: single parenthood, children with developmental disorders, poverty. Method - A questionnaire, consisting of 69 questions, was transmitted nationally during the first lockdown (from 17 March to 10 Mai 2020). Among the study sample (n = 490), 36 households were single-parent, and 93 families had a child with developmental impairments. From November 2020 to June 2021, a additional qualitative approach was used to reach the most vulnerable groups (n = 23). Results - The methodology adopted made it possible to identify modes of experience that converge across families in the three contexts (more strengthened intrafamily relationships and investment in protection measures, for example), and others that appear more specific: pressure felt and need for information for single-parent households and those with children with developmental disorders, the burden of home schooling for single-parent households and the poorest, social isolation for single-parent households and difficulties in maintaining the previous food budget for the most precarious. Conclusion - The various pressures felt, the housing (with or without outdoor spaces) and working conditions, the fear of being sick, the negative feelings, etc. must encourage public authorities to implement psychological support mechanisms, particularly for the most vulnerable parents, in order to avoid subsequent physical and/or psychological health problems or even post-traumatic symptoms for parents and their children. Une réduction de revenu a concerné 54 % des ouvrièr.es et 41 % des demandeur.ses d'emploi, contre 34 % des cadres supérieurs (Lama et Mercier, 2020) . En France, Les familles avec enfants ont plus souvent connu une dégradation financière : 32 % des foyers biparentaux et 30 % des familles monoparentales, contre 23 % des personnes seules et 24 % des couples sans enfants respectivement (Bajos et al., 2020) . Concernant les effets psycho-sociaux du confinement, la détresse psychologique a été plus marquée chez les femmes et chez les personnes en arrêt de travail (pour maladie ou garde d'enfants), en congés imposés ou au chômage technique ou partiel (Gandré et Coldefy, 2020) et rencontrant des difficultés financières (Sordes et al., 2021) . La perte d'emploi et la détresse financière ont constitué des facteurs de risque associés à une anxiété plus aigüe chez les mères d'enfants âgés de huit ans ou moins (Cameron et al., 2020 ; Chan-Chee, 2020 pour des parents d'enfant(s) de seize ans ou moins). Concernant la santé physique des enfants, la crise sanitaire a augmenté l'insécurité alimentaire pour 20 % des familles américaines défavorisées avec au moins un enfant de cinq ans et plus (Adams et al., 2020) . Aussi, des troubles du sommeil plus marqués se sont manifestés chez les enfants de ménages à bas revenus et en baisse, et vivant en immeuble (Guerrero et al., 2020) . Parmi les facteurs associés à la détresse psychologique des enfants lors du premier confinement, figurent les difficultés financières des parents d'enfants entre deux et dix ans , repérés également chez des enfants plus âgés (entre huit et neuf ans, Monnier et al., 2021 ; entre neuf et dix-huit ans, Vandentorren et al., 2021) . La limitation d'une durée « légale » d'une heure lors du premier confinement a eu toute son importance lorsque les familles avaient de jeunes enfants nécessitant une surveillance permanente et/ou un suivi scolaire quotidien. Certains parents ont parlé de « parenthèse » et ont été heureux de pouvoir partager des moments privilégiés avec leurs enfants, tandis que d'autres se sont senti « écrasés » par l'insécurité financière et/ou le stress lié à l'isolement (Prime, Wade et Browne, 2020 ; Statistique Canada, 2020) . Les ménages modestes ont plus particulièrement vécu des difficultés dans le suivi scolaire des enfants pendant le premier confinement (49 % du 1 er quintile de niveau de vie, vs 25 % du 5 e ; Albouy et Legleye, 2020) . Parmi les 13 % des enfants aidés plus de trois heures par jour, ceux vivant dans un foyer à revenu modeste ou en baisse sont surreprésentés (Thierry et al., op. cit.) . Néanmoins, les entraves techniques à l'accès aux cours en ligne, l'absence d'espace dédié aux études et de bibliothèque familiale, la moindre maîtrise des implicites du savoir scolaire J o u r n a l P r e -p r o o f et les tensions relationnelles que l'école à la maison peut engendrer ont constitué des obstacles à l'efficacité des apprentissages des enfants de milieu populaire (Delès, 2020) . 23 Les parents célibataires (très majoritairement des femmes), surreprésentés dans les emplois non qualifiés, routiniers et semi-routiniers, les moins télétravaillables, se sont davantage exposés au virus sur leur lieu de travail et dans les transports, et ont dû affronter davantage de dilemmes liés à la garde des enfants (Zhou et al., 2020) . En termes de contraintes de logement, les familles monoparentales occupent plus souvent un appartement (57 % vs 71 % des couples avec enfants) et connaissent en temps ordinaire davantage de désagréments dans l'environnement proche de leur lieu d'habitation (Bugeja-Bloch et Crepin, 2020) . La monoparentalité a été identifiée comme l'un des déterminants sociaux augmentant le risque de détresse psychologique des enfants lors du premier confinement (Monnier et al., 2021 ; Thierry et al., 2020 ; Tso et al., 2020 ; Vandentorren et al., 2021) . Peu d'études ont analysé le vécu des familles de jeunes enfants ayant des difficultés développementales. La plupart des études réalisées sur cette première période de confinement s'attachent à évaluer la détresse psychologique supplémentaire ressentie chez les enfants atteints de troubles neurodéveloppementaux, mais peu interrogent les parents sur leurs propres difficultés perçues. Dans l'enquête ECHO, étude sur 1000 parents français d'enfants en situation de handicap âgés de zéro à 18 ans, Cacioppo et al. (2020) mettent en lumière que seulement 22% des familles ont pu poursuivre la prise en charge médicale de l'enfant. C'est pourquoi l'interruption ou la modification du suivi médical et de la rééducation pourrait inévitablement détériorer le statut physique de l'enfant et sa capacité fonctionnelle » (op. cit., p. 4) . En ce qui concerne le recours aux soins, la téléconsultation comme outil de continuité de soins a été, par ailleurs, largement appréciée (Bobo et al., 2020) . Cacioppo et al. (2020, p. 6) rappelle que « un des principaux résultats de l'enquête ECHO est la diversité des effets et des L'item 69 invite à compléter par un commentaire ouvert ce qui semble important à chacun des participants. Les réponses à certaines questions ont été rendues obligatoires et devaient être complétées pour pouvoir valider l'ensemble du questionnaire, la visée étant, dans les courts temps impartis, d'obtenir le maximum de questionnaires complets même si nous avions pleinement conscience de mobiliser fortement les interviewé·e·s. Ainsi, la durée prévue pour répondre à l'ensemble du questionnaire était d'une demi-heure à trois-quarts d'heure. Il était aussi demandé à la personne répondante de certifier qu'elle avait lu et compris les renseignements indiqués sur la page de consentement du site, que les membres de l'équipe de recherche avaient répondu à ses questions de façon satisfaisante et qu'elle avait été avisée qu'elle était libre d'annuler son consentement au cours de la participation à l'enquête sans préjudice pour aucun membre de sa 12 La variable « revenu par unités de consommation (uc) » a été créée à partir de l'échelle de l'OCDE qui attribue 1 « uc » au premier adulte du ménage, 0,5 « uc » aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 « uc » aux enfants de moins de 14 ans. 13 Il est précisé à l'item 10 : « trouble du développement (moteur, langagier, apprentissages scolaires, intellectuel) » 14 Le questionnaire utilisé pour le recueil des données précise (question 8) : "L'un de vos enfants a-t-il habituellement une ou plusieurs prises en charge extérieures ou à domicile pour des problèmes de santé (médecine générale, orthophonie, kinésithérapie, psychomotricité, etc.), en dehors des visites de routine". La raison de cette prise en charge n'a pas été demandée dans le questionnaire d'enquête. La question 9 demande si la prise en charge a pu être ou non poursuivie durant le confinement. La sous-population des foyers dont au moins un enfant présentait un trouble du développement a été comparée à la population d'étude à l'aide du test de chi deux et du test exact de Fisher. Les odds ratios ainsi que les intervalles de confiance à 95% et les p-values sont fournis pour constater si les risques diffèrent significativement de 1. Nous avons considéré 0,05 comme risque alpha et seuil de signification statistique dans les analyses bivariées. Toutes ces analyses ont été effectuées à l'aide du logiciel STATA (StataCorp LP, College Station, TX, version 16.1). Nous présentons de façon synthétique les résultats obtenus à partir de la population d'étude composée de 490 répondant.e.s. -33% des répondant.e.s rapportent que les relations entre les membres de la famille ne se sont pas modifiées alors que pour 24% elles se sont tendues. -Pour 42% des répondant.e.s, les relations se sont renforcées. -56 % des répondant.e.s n'ont pas ressenti de pression, ou peu, de la part de leur entourage ou des médias concernant l'éducation de leur enfant. -53 % des répondant.e.s n'ont vécu aucun problème d'environnement lors du confinement (pollution, saleté, manque de place, tension entre voisins et/ou confinés, sécurité, nuisance sonore, difficulté à s'approvisionner). -La moitié (50 %) disposait d'un logement avec plus de quatre pièces. -Près de neuf répondant.e.s sur dix avaient accès à un extérieur privé (89 %). -Huit parents sur dix (79,5 %) ont un ou deux enfants confinés avec eux. -Un quart des répondant.e.s (25,5 %) indiquent passer deux à quatre heures par jour à faire des activités scolaires avec leur(s) enfant(s). 20 -39 % d'entre eux rapportent consacrer deux à quatre heures par jour à faire des activités loisirs et culturelles avec leur(s) enfant(s). -Cette proportion diminue lorsqu'il s'agit de rapporter le temps que passe le partenaire avec leur(s) enfants(s) ; pour deux à quatre heures d'activités scolaires (10 %) et pour deux à quatre heures d'activités loisirs (21 %). Par rapport aux foyers biparentaux (FB), les répondant.es de l'échantillon FM comptent très Les revenus mensuels de l'échantillon des FM sont pour 78 % inférieurs à 2500 euros nets (contre 13 % des FB, p<0,0001) et la plupart a le sentiment de ne pas être « du tout à l'aise » financièrement (53 % vs 17 %, p<0,0001). Les FM disposent moins souvent de plus de quatre pièces (19 % vs 53 %, p<0,0001), résident davantage en habitat mixte ou en immeuble (31 % vs 13 % des FB, p = 0,001), ainsi qu'en appartement (58 % vs 33 %, p = 0,011 * ), mais disposent moins souvent d'une pièce par personne (20 % vs 30 %, p = 0,018 * ). Les sentiments ressentis dégagés des expressions libres se partagent en égale mesure entre positifs (en forme, heureux, détendu) et négatifs (fatigué, stressé, inquiet…) (22 syntagmes pour chaque catégorie). Très peu de mention explicite est faite de l'entourage social (3 sur 36), ou de l'autre parent (6 sur 36). Dans les verbatims des 12 FM, les plus fragiles d'un point de vue socio-économique de notre échantillon (en dessous du seuil de pauvreté, dont le parent ne travaille pas ou est à temps partiel), aucune mention n'est faite de l'autre parent, et les sentiments négatifs exprimés (9 syntagmes) devancent les retours d'expérience positifs (6 syntagmes). Concernant la charge liée à l'école à la maison, 18 parents sur 36 la mentionnent, et 11 font état des difficultés rencontrées ; parmi les plus pauvres, seules deux personnes la mentionnent, en termes d'expérience compliquée. 9 mères sur 17 mentionnant les médias ont fait état d'une augmentation du visionnage des écrans, même si contenu pour la plupart par des règles admettant des écarts en raison d'une plus grande « souplesse ». 21 La pression ressentie peut provenir de la famille, de celle du partenaire, de l'ex partenaire ou de sa famille, des ami.es ou collègues, des éducateur.trices ou enseignant.es, des médias, des réseaux sociaux, des professionnel.les de santé ou des intervenant.es sociaux.les. Les familles avec des enfants ayant des difficultés développementales sont significativement plus nombreuses à être monoparentales que dans notre PE (10,8% vs 5% ; p=0.037 Contrairement au rythme habituel de la plupart des ménages interrogés, la période a été marquée par la nécessité de nourrir, à domicile, la famille entière pour le repas de midi, en plus de celui du soir et ce, tous les jours, entraînant une hausse du budget alimentaire : « ce que je recevais n'a pas changé mais ce que je dépensais a énormément changé. Ben voilà, c'était la première fois que j'étais en déficit de mon compte… j'ai eu euh peut-être 200 euros de plus que d'habitude. » (Mère, 46 ans, 3 enfants, en formation professionnelle, célibataire). A cette contrainte budgétaire s'est ajoutée, généralement pour les mères, l'exigence de composer sur ce temps-là des menus plus élaborés que ceux qu'elles préparaient pour elles seules, « …mais là, comme y avait M. [son mari], fallait que je fasse un repas, donc un repas le midi, un repas le soir. » (Mère, 27 ans, 3 enfants, sans activité professionnelle, en couple). Généralement en charge des courses ou de l'élaboration d'une liste si celles-ci sont faites par le conjoint, les femmes doivent composer avec la pénurie des "premiers prix" constatée dès le début de cette période, en raison des stocks effectués par certains ménages dans les premiers jours. A cette difficulté s'ajoute la sensation d'une augmentation des prix : « les prix j'avais l'impression qu'ils ont doublé, … avant je sortais avec 10 euros, et pendant le confinement je sortais avec 18, presque 20 hein... » (Mère, 45 ans, 2 enfants, sans activité professionnelle, en couple). Aux repas s'est ajoutée, dans la plupart des cas (17 familles sur 23), une apparition ou une augmentation du grignotage qui a particulièrement touché les enfants, entraînant souvent une prise de poids, « … elle s'est réfugiée dans la nourriture, elle a pris 5 ou 6 kilos en un seul confinement » (Mère, 30 ans, 3 enfants, femme au foyer, mariée). Ce recours régulier et répété à la nourriture est imputé par les parents à l'ennui et au stress ressentis par leurs enfants, « Parce que comme ils n'avaient rien à faire, c'était "j'ai faim, j'ai faim, j'ai faim", donc on consomme plus » (Mère, 43 ans, 4 enfants, employée, en couple). Toutes les mères interrogées font état d'une augmentation de leur temps passé à cuisiner, ce qui pour certaines, essentiellement celles ne travaillant pas à l'extérieur, représente une contrainte supplémentaire dans leur organisation quotidienne, mais peut également être perçu comme une réappropriation de leur temps par celles qui, d'ordinaire, en raison de leur activité professionnelle, se consacraient peu, ou plus rapidement, à l'élaboration des repas, et y prennent plaisir dans ce contexte libéré des obligations à l'extérieur du foyer, « en plus là je me régale, y a un côté où je fais des choses que j'avais jamais le temps de faire, donc je passe du temps en cuisine » (Mère, 42 ans, 2 enfants, intermittente du spectacle, en couple). Ce temps passé autour de la nourriture a cependant constitué une ressource pour à la fois occuper les enfants et partager une activité avec eux, « parce qu'entre les gâteaux, ben on les occupe donc on faisait beaucoup de gâteaux, beaucoup de choses tu vois, on s'amusait à faire plein de trucs » (Mère, 27 ans, 3 enfants, femme au foyer, mariée) ; pour l'une des mamans, ce temps à été considéré comme un moment privilégié inhabituel, « on a peut-être plus ritualisé le goûter… c'était un moment convivial qu'on partageait donc… le temps du goûter ça traînait un peu plus quoi en longueur » (Mère, 37 ans, 3 enfants, employée en disponibilité, en couple). La nécessité d'assurer la prise en charge de la scolarité des enfants a conduit à une redéfinition des cadres spatiaux et temporels pour 21 des 23 familles. Pour les enfants les plus jeunes, l'activité s'est déroulée dans la pièce commune qu'est le salon (22/23 Le repli imposé sur le logement a entraîné une reconfiguration de l'espace privé, dans lequel l'accent a été mis sur les pièces communes investies par tous la majeure partie de la journée, comme le salon devenu le lieu polyvalent des loisirs, du télétravail et de l'école, « on passe la journée ensemble au salon et ensuite on se sépare pour dormir » (Mère, 44 ans, 3 enfants, femme au foyer, mariée). De la même manière qu'elles s'investissent dans le travail scolaire de leurs enfants, ce sont les femmes qui prennent majoritairement (22 sur 23) La fermeture des jardins publics, l'impossibilité de continuer les activités sportives en club… ont privé les enfants de leurs moyens habituels de se dépenser, diminuant la fatigue physique qui assurait une heure moins tardive de coucher que ce ne fut le cas durant le confinement. C'est dans ce cadre que l'espace extérieur privatif a revêtu une importance primordiale, proportionnel à sa superficie. Un jardin, une terrasse plutôt qu'un balcon, offrent l'opportunité d'organiser des jeux et activités impossibles à effectuer à l'intérieur. Cette ouverture vers l'extérieur a ainsi constitué un atout majeur dans la préservation de la santé mentale des enfants comme des adultes. Les parents interrogés font état d'une augmentation de la consommation des écrans pour leurs Si les personnes seules ont déclaré souffrir d'isolement et de solitude, les mères de famille ont, au contraire, fait valoir des aspects positifs au confinement malgré la peur. L'enfermement a suscité un sentiment de sécurité relative face au virus, un espoir que le sacrifice subi permettrait de reprendre une "vie normale". Mais le bénéfice évoqué par ces familles a surtout consisté en un resserrement des liens familiaux, par le temps passé ensemble, et la diminution de la culpabilité parfois ressentie par des parents que leur travail rendaient peu présents : "ça nous a beaucoup convenu tout ça parce qu'on s'est retrouvés, on a retrouvé des moments de qualité" (Père, 57 ans, 3 enfants, intermittent du spectacle, en couple). Le confinement aurait ainsi agi à la fois sur la quantité des interactions intrafamiliales mais également sur leur qualité, bien que tous se soient définis comme des familles aux liens forts dès avant le confinement. La difficulté, pour les enfants comme pour les adultes, a plutôt consisté à ne pas pouvoir sortir, ce qui a été vécu non seulement comme une nécessité bien comprise et respectée liée à la situation sanitaire, mais également comme une privation de liberté qui a beaucoup pesé moralement, « C'était dur quand même. C'est quelque chose, j'ai pas envie de revivre ça dans ma vie. » (Mère, 43 ans, 4 enfants, hôtesse de caisse, mariée). Si les familles monoparentales ont plus souvent dû gérer la vie confinée en appartement, les familles pauvres ont dû composer avec un espace restreint, des logements en surpopulation ne permettant pas à chacun de s'isoler. Les activités se sont ainsi concentrées dans la pièce commune, le salon, qui a servi à la fois de salle de jeux, salle de classe, lieu du télétravail. Dans ces conditions, l'accès à un extérieur privatif a constitué une ressource non négligeable pour passer la période avec le moins de conflits possibles, au cours de laquelle il a été noté des Les familles monoparentales se sont distinguées des autres par une plus grande difficulté à Consacrés respectivement à quelles activités ? -Aviez-vous tout ce qu'il vous fallait comme équipements (télé, radio, frigo, ordinateurs...) ? Avez-vous manqué de quelque chose ? -Comment perceviez-vous vos conditions de confinement ? Vous sentiez-vous plutôt privilégié ou défavorisé dans cette situation ? Question générale : comment avez-vous vécu le confinement ? -Comment alliez-vous ? -Aviez-vous, ou avez-vous eu, des problèmes de santé pendant la période du confinement ? -Comment avez-vous vécu cette période ? -Pouvez-vous raconter comment se passaient vos journées chez vous (ou dans le lieu où vous étiez confiné) ? Question générale : Votre activité professionnelle a-t-elle changé pendant le confinement ? -Votre activité professionnelle a-t-elle été modifiée par le confinement ? Si non, pourquoi ? Si oui, en quoi ? -Comment avez-vous organisé votre activité professionnelle au sein de votre domicile ? Selon quels horaires ? en quel(s) lieux ? -Votre activité professionnelle exercée à domicile a-t-elle posé des difficultés particulières ? A-t-elle généré des tensions, du stress ? -Avez-vous rencontré des difficultés particulières liées à votre activité ? Lesquelles ? -Le confinement vous a-t-il exposé à des difficultés financières ? Si oui, lesquelles ? Avez-vous eu recours à des aides et des soutiens ? Si oui, lesquelles ? de la part de qui ? Question générale : comment s'est organisé la gestion des tâches domestiques pendant le confinement ? (comment avez-vous géré si personne seule avec ses enfants) ? -Comment vous êtes-vous organisé pour les courses ? Qui les a faites ? Etait-ce comme avant le confinement ou non ? (Si non, en quoi ? pourquoi ?...) -Comment vous êtes-vous organisé pour le ménage ? Qui l'a fait ? Etait-ce comme avant le confinement ou non ? (Si non, en quoi ? pourquoi ?...) -Comment vous êtes-vous organisé pour les repas ? Qui les a préparés ? Etait-ce comme avant le confinement ou non ? (Si non, en quoi ? pourquoi ?...) -Certains de vos enfants mangeaient-ils à la cantine ? Avez-vous rencontré des difficultés pour vous procurer les aliments nécessaires au repas de midi des enfants ? A leur alimentation en général ? -Toujours à propos des tâches ménagères, comment vous êtes-vous organisé pour la lessive ? la vaisselle ? les poubelles ? Qui s'en est occupé ? Etait-ce comme avant le confinement ou non ? (Si non, en quoi ? pourquoi ?...) -Aviez-vous des animaux de compagnie ? Comment cela s'est-il passé pour lui/eux ? Qui l'accompagnait, ou les accompagnait, dehors ? -De manière générale, y a-t'il eu plus ou moins de tâches à effectuer qu'avant ? Si oui, lesquelles ? -Diriez-vous que l'organisation générale de ces tâches a changé ? Si non, pourquoi ? Si oui, en quoi ? Question générale : Qu'avez-vous fait pendant le confinement ? Quelles ont été vos activités ? -Avez-vous pratiqué d'autres activités (culturelles, ludiques, sportives, physiques, corporelles...) ? Si oui, avec qui ? à quels moments ? en quel(s) lieux ? pendant quelle durée ? Etait-ce comme avant le confinement ou non ? (Si non, en quoi ? pourquoi ?...) -Votre consommation des différents écrans (téléphone, ordinateur, télévision...) a-t-elle augmenté, ou non, durant le confinement ? Si oui, en quoi et de quel ordre ? Si non, pourquoi ? -Durant le confinement, avez-vous consommé plus, ou moins, de nourriture, de compléments alimentaires, de médicaments, de tabac, d'alcool, de drogues ?... Pourquoi ? -Votre vie affective a-t-elle été modifiée par le confinement ? Si non, pourquoi ? Si oui, en quoi ? Question générale : Et que faisaient vos enfants ? -Que faisaient vos enfants pendant le confinement ? Comment occupaient-ils leur temps ? Pourriez-vous décrire une journée type de ce qu'ils faisaient pendant le confinement ? -Faisiez-vous des activités avec eux/elles ? Regardiez-vous la télévision ensemble ? Avez-vous joué ensemble à des jeux de société, des jeux vidéos… ? Avez-vous cuisiné ensemble, chanté… ? et votre conjoint/compagnon ? -Avez-vous fait des activités que vous ne faisiez pas avant le confinement ? Et inversement, certaines choses que vous faisiez avec vos enfants n'ont-elles plus été possibles ? -Vos enfants participaient-ils aux tâches domestiques ? S'occupaient-ils les uns des autres ? (Préciser) -Vos enfants regardaient-ils la télévision ? Combien de temps ? Quelle chaîne, émissions… ? remarque : certaines infos ont peut-être déjà été données lors de la première question, dans ce cas aller aux questions suivantes. Pouvaient-ils regarder la télévision quand ils le souhaitaient ? Si non, que faisiez-vous ? Cela étaitil différent avant le confinement ? -Mêmes questions pour les jeux vidéos (quels jeux, usages, règles) ? -Vos enfants ont-ils dessiné (fréquence), lu (quoi, fréquence), écrit (ou fait du graphisme) (quoi, fréquence) ? J o u r n a l P r e -p r o o f -Vos enfants ont-ils été malades ? Comment cela s'est-il passé ? Ont-ils vu ou entendu parler de personnes malades dans votre entourage ? Regardaient-ils les actualités ? Ont-ils été inquiets par rapport à la possibilité d'être malades ? Ou qu'un proche soit malade ? Que leur avez-vous dit à ce sujet ? -Quelle attitude avaient-ils par rapport au travail scolaire à réaliser (inquiétude, manque d'envie, enthousiame…) ?. La relation avec leur enseignant.e leur a-t-elle manqué ? comment l'ont-ils exprimé ? -Comment ont-ils vécu le fait de ne pas pouvoir voir leurs amis ? Que disaient-ils à ce sujet ? Même question pour d'autres membres de la famille (grands parents par exemple) ? (2) (2) Food Insecurity, the Home Food Environment, and Parent Feeding Practices in the Era of COVID-19 Conditions de vie pendant le confinement : Des écarts selon le niveau de vie et la catégorie socioprofessionnelle. Rapport, 197; Statistiques et études The impact of the COVID-19 pandemic on women's mental health. Archives of Women's Mental Health La dimension familiale de la vulnérabilité Loisirs des enfants de 9 ans en situation de confinement au printemps 2020 Penser la famille aux temps du Covid-19 Comment les enfants et adolescents avec le trouble déficit d'attention/hyperactivité (TDAH) vivent-ils le confinement durant la pandémie COVID-19 ? A Poorly Understood Disease? The Unequal Distribution of Excess Mortality Due to COVID-19 Across French Municipalities* (preprint from medRxiv Une double peine : Les conditions de logement et de confinement des familles monoparentales Emilie Gaborit (Ingénieure de recherche, sociologie, EA 7419 CRESCO), Isabelle Glorieux (Pédiatre, Hôpital des enfants Emerging health challenges for children with physical disabilities and their parents during the COVID-19 pandemic : The ECHO French survey Maternal psychological distress & mental health service use during the COVID-19 pandemic La santé mentale des français face au COVID-19 : Prévalences, évolutions et déterminants de l'anxiété au cours des deux premières semaines de confinement (enquête COVIPREV, 23-25 mars et 30 mars-1er avril 2020) / The mental health of the french facing theCOVID-19 crisis: prevalence, evolution and déterminants of anxiety disorders during the first two weeks of lockdown (COVIPREV study Quels sont l'ampleur et les facteurs de la contamination des travailleurs au Covid-19 ? Dares, analyses École à la maison : les inégalités sont de nature pédagogique L'accompagnement scolaire pendant le premier confinement de 2020. Administration Education Les inégalités sociales face à l'épidémie de Covid-19-État des lieux et perspectives. Les Dossiers de la DREES New clinical needs and strategies for care in children with neurodisability during COVID-19 Psychological symptoms and behavioral changes in children and adolescents during the early phase of COVID-19 quarantine in three European countries Les sciences humaines et sociales face à la première vague de la pandémie de Covid-19 -Enjeux et formes de la recherche Détresse psychologique pendant le premier confinement lié à la Covid-19 : Des facteurs de vulnérabilité spécifiques aux personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap. Questions d'économie de la santé Irdes Politiques de la vulnérabilité Canadian children's and youth's adherence to the 24-h movement guidelines during the COVID-19 pandemic : A decision tree analysis Effets de l'exposition des enfants et des jeunes aux écrans Education, health behavior, and working conditions during the pandemic : Evidence from a German sample Sur la perception de la pauvreté par les Françaises et les Français. Quel impact de la crise sanitaire sur la précarité en France ? Résultats du 14e baromètre IPSOS L'infection par le Covid-19 au regard des caractéristiques socio-économiques. EPIDEMIC, Premiers résultats Pratiques culturelles en temps de confinement Le travail et ses aménagements : Ce que la pandémie de covid-19 a changé pour les Français Les inégalités sociales de santé à l'ère de la COVID-19 Vulnérabilité, identification des risques et protection de l'enfance. Paris : La documentation française « Familles fortes mais fragiles À quoi sert la vulnérabilité ? Enjeux éthiques et politiques d'un concept émergent La surmortalité durant l'épidémie de Covid-19 dans les départements franciliens. L'Institut Paris Région. Observatoire régional de la santé The Effect of Parent Psychological Distress on Child Hyperactivity/Inattention During the COVID-19 Lockdown : Testing the Mediation of Parent Verbal Hostility and Child Emotional Symptoms Children's Mental and Behavioral Health, Schooling, Sociodemographic and Socioeconomic Characteristics During School Closure in France Due To COVID-19: The SAPRIS Project Vécu de familles monoparentales avec jeunes enfants durant le premier confinement lié à la COVID-19 en France. Rivista Italiana di Educazione Familiare Risk and protective factors related to children's symptoms of emotional difficulties and hyperactivity/inattention during the COVID-19-related lockdown in France: results from a community sample Changes in social connection during COVID-19 social distancing : It's not (household) size that matters, it's who you're with L'analyse qualitative en sciences humaines et sociales Risk and resilience in family well-being during the COVID-19 pandemic Correlates of children's physical activity during the COVID-19 confinement in Portugal La vie entre quatre murs : Travail et sociabilité en temps de confinement Détresse psychologique et sentiment de solitude : Quels impacts du confinement lié à la Covid-19 dans la population française Les raisons d'un succès, in Brodiez-Dolino A. et alii, Vulnérabilités sanitaires et sociales. De l'histoire à la sociologie Vulnérabilité et enfance en danger. Quel rapport ? Quels apports ? Parents' Stress and Children's Psychological Problems in Families Facing the COVID-19 Outbreak in Italy Les enfants à l'épreuve du premier confinement Alarming levels of psychiatric symptoms and the role of loneliness during the COVID-19 epidemic: A case study of Hong Kong Premiers résultats des facteurs associés à la résilience et à la santé mentale des enfants et des adolescents (9-18 ans) lors du premier confinement lié à la Covid-19 en France Gender inequalities: Changes in income, time use and well-being before and during the UK COVID-19 lockdown Les résultats présentés dans cet article sont issus de l'Enquête COV-JEUNENFANT, financée par l'Agence Nationale de la Recherche, le Conseil régional Occitanie, la Caisse Nationale des Allocations Familiales, la Caisse d'Allocations Familiales 31, le Conseil