key: cord-0965514-ip359nhc authors: Veziant, J.; Bourdel, N.; Slim, K. title: Risques de contamination virale des soignants au cours d’une laparoscopie pendant la pandémie de la Covid-19 date: 2020-04-21 journal: Journal de chirurgie viscerale DOI: 10.1016/j.jchirv.2020.04.008 sha: d2208737020d0d2bcbb465b0b85db0cc6b4a8fee doc_id: 965514 cord_uid: ip359nhc Résumé La pandémie de la Covid-19 a notablement modifié nos pratiques. Le but de cet article était d’analyser les risques de contamination des soignants au cours des interventions laparoscopiques réalisées chez des patients atteints de Covid-19. L’effet délétère de l’aérosolisation du pneumopéritoine avec présence du virus n’est actuellement pas quantifié. Même si les mesures de protection des soignants sont une extrapolation des mesures prises pour d’autres épidémies, elles doivent être de rigueur afin de minimiser le risque de contamination virale. Les mesures de protection sont les équipements de protection individuelle des soignants, l’adaptation de la technique chirurgicale (méthode de création du pneumopéritoine, filtres, anastomoses plutôt intracorporelles, précautions lors de l’exsufflation du pneumopéritoine), et l’organisation de la salle d’opération. Abstract The Covid-19 pandemic has markedly changed our practices. This article analyses the risks of contamination among healthcare professionals (HCPs) during laparoscopic surgery on patients with Covid-19. Harmful effects of aerosols from a pneumoperitoneum with the virus present have not yet been quantified. Measures for the protection of HCPs are an extrapolation of those taken during other epidemics. They must still be mandatory to minimise the risk of viral contamination. Protection measures include personal protection equipment for HCPs, adaptation of surgical technique (method for obtaining pneumoperitoneum, filters, preferred intracorporeal anastomosis, precautions during the exsufflation of the pneumoperitoneum), and organisation of the operating room. La contamination des soignants pendant des gestes opératoires est connue et décrite depuis plusieurs années. Avant l'ère laparoscopique, il s'agissait essentiellement de fumées chirurgicales produite par les systèmes utilisant la chaleur, qu'il s'agisse d'électrochirurgie (courant mono ou bipolaire), de laser ou d'ultrasons [1] . Ces phénomènes peropératoires ont fait l'objet d'une abondante littérature qu'il serait fastidieux de détailler ici. La fumée chirurgicale contient selon le cas de la vapeur d'eau (95%), des polluants inorganiques (CO, CO2), des polluants organiques (hydrocarbures, acide cyanhydrique, aldéhyde), des polluants biologiques avec des cellules (pouvant être cancéreuses), des bactéries, et des fragments d'ADN viral. La laparoscopie a introduit un mécanisme supplémentaire à la fumée : l'effet aérosol provoqué par le flux ou le débit du pneumopéritoine. Nous nous intéresserons, dans cet article consacré à la laparoscopie dans le contexte de l'épidémie de la Covid-19, uniquement au risque de contamination virale. Le but de cet article était d'analyser les données de la littérature sur le risque de contamination virale des soignants dans le contexte d'épidémie au coronavirus SRAS-CoV-2 responsable de la Covid-19, et de discuter les moyens de protection/prévention. Plusieurs virus ont été impliqués à différents degrés dans une contamination des soignants au cours d'actes chirurgicaux. Il s'agit du virus de l'immunodéficience humaine (VIH ou HIV), du virus de l'hépatite B (VHB ou HBV), du virus du papillome bovin et du virus du papillome humain (VPH ou HPV). La majorité des études publiées sur le risque de transmission concernait des analyses in vitro. Plusieurs études ont concerné le VPH (lors du traitement de verrues ou condylomes) avec des cas de papillomatose laryngée, reconnue comme maladie professionnelle chez une infirmière [2] . Pendant les années 2000, il était difficile aux chercheurs de déterminer une activité biologique de l'ADN viral, et donc son infectiosité [3] . Néanmoins des virus VIH viables ont été retrouvés dans des cultures cellulaires surtout quand des appareils générant des aérosols sont utilisés, mais la viabilité du VIH Page 4 of 10 J o u r n a l P r e -p r o o f 4 reste aussi discutée et le risque potentiel de contamination par la fumée n'était pas quantifiable [4, 5] . Pour le VPH et le VIH, la majorité des auteurs concluait cependant qu'il était préférable de prendre toutes les précautions nécessaires avec les fumées chirurgicales quand des patients infectés étaient opérés. Il n'existe cependant pas (à notre connaissance) d'étude épidémiologique à grande échelle prouvant un lien direct entre portage (ou charge) viral du patient et contamination du soignant par les fumées chirurgicales émises. Il convient aussi de signaler que les études publiées ont surtout porté sur la fumée chirurgicale lors de gestes sur la peau ou les organes génitaux. Peu d'études ont évalué le risque de contamination des soignants lors de la laparoscopie. Enfin, une étude de faible effectif (n=11) a analysé la présence de VHB dans la fumée chirurgicale lors de laparoscopies conventionnelles ou robotiques [6] . L'aérosol issu du pneumopéritoine était piégé dans un filtre, où les auteurs ont trouvé 10 fois sur 11 le VHB. Cette étude démontre ainsi la présence de VHB dans le gaz du pneumopéritoine au cours de laparoscopies chirurgicales. Le matériel de cette étude est celui qui se rapproche le plus de la question traitée dans cet article. La chirurgie laparoscopique nécessite la création et le maintien d'un pneumopéritoine efficace. Le risque d'un effet aérosol à la faveur de fuites de gaz ou au moment de l'exsufflation est permanent. D'autre part les systèmes de dissection aux ultrasons, souvent utilisés, ne provoquent pas de chaleur suffisante pour désactiver les virus. Cette hypothèse est confirmée par une récente étude expérimentale qui a montré qu'après 10 minutes de dissection laparoscopique par électrochirurgie ou ultrasons, la concentration de particules mesurant 0,3-0,5 µm, était plus élevée avec la laparoscopie par rapport à la laparotomie [7] . Du fait du faible remplacement du pneumopéritoine, l'aérosol ainsi formé pourrait contenir une concentration élevée de virus en suspension [8] . Cela suggère que le risque de contamination des soignants serait plus important pour la laparoscopie que Enfin, le SRAS-CoV-2 est vulnérable au savon, aux gels ou solutions hydro-alcooliques (62-71% d'éthanol), et aux désinfectants ménagers comme l'eau de Javel (dilué à 0,1%). A cette date il n'est pas rapporté de contamination des soignants par le SRAS-CoV-2 lors d'une laparoscopie. Même si le niveau de preuves reste faible en l'état de nos connaissances, le principe de précaution nous impose d'utiliser toutes ces données fondamentales ou cliniques afin d'envisager les mesures de protection des soignants et de prévention de la contamination virale. a. Équipements individuels de protection des soignants L'équipe « chirurgicale » (chirurgien, aide-opératoire, infirmière instrumentiste ou infirmière circulante) semble moins exposée que l'équipe d'anesthésie (anesthésiste, infirmière anesthésiste) qui est en contact direct avec les voies aériennes supérieures principale source de contamination [19] . Les équipements individuels de protection ne sont qu'une composante des mesures de protection. Ils doivent être utilisés par l'ensemble de l'équipe soignante selon les recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) [20] . Parmi les équipements, on peut citer les blouses imperméables (à manches longues), les gants (doublés), les lunettes (ou les visières surtout pour l'équipe d'anesthésie) [19] , et les masques. [22] , les anastomoses intracorporelles (notamment en chirurgie colorectale) sont à privilégier car elles réduisent le risque de contamination des soignants. Enfin, il n'y a pas de données dans la littérature suggérant de remplacer systématiquement, pendant la période de l'épidémie de la Covid-19, la laparoscopie par une laparotomie. La première mesure est de sensibiliser les soignants sur le risque de contamination et les former aux moyens de prévention. Nous n'insisterons pas sur les mesures générales dites mesures barrières connues de tous : lavages fréquents des mains, port permanent de masques, nettoyages fréquents du mobilier, du sol selon les règles générales d'hygiène hospitalière. Les principales mesures organisationnelles sont résumées dans le Tableau 2. Ces mesures sont à mettre en oeuvre avec la collaboration des départements d'hygiène et de l'administration de chaque établissement. Laryngeal papillomatosis -first recognition in Germany as an occupational disease in an operating room nurse Viral disease transmitted by laser-generated plume (aerosol) Human immunodeficiency virus-1 (HIV-1) in the vapors of surgical power instruments Chemical composition of smoke produced by highfrequency electrosurgery in a closed gaseous environment. An in vitro study Detecting hepatitis B virus in surgical smoke emitted during laparoscopic surgery Characterization of smoke generated during the use of surgical knife in laparotomy surgeries Minimally Invasive Surgery and the Novel Coronavirus Outbreak: Lessons Learned in China and Italy SARS and MERS: recent insights into emerging coronaviruses Is the coronavirus airborne? 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