key: cord-0994020-yv8nj8zk authors: Guerriaud, Mathieu title: De la querelle du quinquina à la querelle de l’hydroxychloroquine, ou comment notre système de protection du médicament est mis à l’épreuve: une analyse historique, scientifique et juridique date: 2020-06-16 journal: nan DOI: 10.1016/j.meddro.2020.05.003 sha: 19b0417c838f57942c382f30f955d404b6dd5616 doc_id: 994020 cord_uid: yv8nj8zk Abstract The current dispute over the use of hydroxychloroquine in COVID-19 resonates with another dispute, that of cinchona, which took place in the 17th century. This historical aside is a reminder that scientific disputes have always existed, so it is not surprising that the properties of hydroxychloroquine are subject to controversy. However, the facts are the facts: its effectiveness is doubtful, while the risks are certain. That is why the Prime Minister has chosen to regulate its prescription by decree. But this decree, although surely the only possible option, raises many problems. hydroxychloroquine are subject to controversy. However, the facts are the facts: its effectiveness is doubtful, while the risks are certain. That is why the Prime Minister has chosen to regulate its prescription by decree. But this decree, although surely the only possible option, raises many problems. Keywords: , Temporary recommendation for use (drugs); Pharmacist ( liability); Prescription ( drugs) La crise que nous traversons en raison de la maladie COVID-19 met à l'épreuve notre système de soin, notre économie, notre mode de vie, mais il met aussi en cause l'environnement que nous avons Très utile, la quinine n'en est pas moins toxique, le risque étant de développer un cinchonisme : un syndrome caractérisé par des nausées, des vomissements, des céphalées, des acouphènes, des troubles auditifs, des étourdissements et des troubles visuels [5] , mais aussi des manifestations allergiques, une anémie hémolytique et des troubles du rythme cardiaque(en France, à ce jour, elle reste disponible sur le marché, mais est très peu utilisée en raison de ce risque 5 ). Dès lors, les chercheurs de l'entre-deux-guerres de la société IG Farben 6 , notamment Hans Andersag, modifient la quinine et créent la classe des aminoquinoléines, notamment les 4-aminoquinoléines. Ils découvrent ainsi la résochine et la sontochine. Cette dernière sera testée contre le paludisme en 1941 par des médecins français en Afrique du Nord, et sera renommée chloroquine [6] . Cette molécule sera massivement utilisée par les forces alliées durant la Seconde Guerre mondiale [7] . La molécule, bien que moins toxique que la quinine, n'est pas dénuée d'effets indésirables, en effet, on découvrit notamment qu'elle pouvait entraîner des rétinopathies irréversibles 7 Devant cette toxicité, c'est l'hydroxychloroquine qui sera de plus en plus utilisée. En France, l'hydroxychloroquine est commercialisée sous le nom de Plaquenil® 11 , mais n'est pas utilisée dans le traitement du paludisme. Cette molécule est un composé très proche de la chloroquine, mais 8 fois moins toxique [8] . La chloroquine, mais surtout l'hydroxychloroquine vont connaître en 2020 le même destin que leur parente, la quinine, puisqu'elles vont se retrouver au coeur d'une nouvelle querelle, à l'instar de la querelle du quinquina. Depuis les années soixante, on sait que la chloroquine a une activité antivirale in vitro [14] , -Ou, sont-ils ceux qui préfèrent tester un antiviral plus spécifique des cibles du virus ? 15 Le SRAS ou Syndrome Respiratoire Aigu Sévère, est une maladie due à un coronavirus SARS-CoV-1 très proche du virus circulant actuellement le SARS-CoV-2. 16 La chloroquine a montré une certaine efficacité dans la réduction de la charge virale de patients atteints du virus de l'hépatite C. 17 Il faut donc que le remède,d'une part, ne soit pas « illusoire ou insuffisamment éprouvé », et d'autre part que son utilisation soit « indispensable, au regard des données acquises de la science ». En l'état, 19 Rappelons qu'une prescription hors-AMM, en soi, n'est pas illégale et ne saurait, à elle seule, caractériser une faute disciplinaire, comme l'a rappelé le Conseil d'État (CE, 19 juillet 2011, N°334546).L'utilisation de la prescription hors-AMM est fréquente en pédiatrie par exemple, en l'absence de spécialités pharmaceutiques adaptées. 20 L'article L5121-12-1 du CSP rappelle que le prescripteur doit informer le patient que la prescription de la spécialité pharmaceutique n'est pas conforme à son AMM, des risques encourus et des contraintes et des bénéfices susceptibles d'être apportés par le médicament et porte sur l'ordonnance la mention : " Prescription hors autorisation de mise sur le marché ". Or devant la pression des patients, et du fait de sa propre humanité, le prescripteur aurait pu être tenté de faire une telle prescription.Il s'agit là, d'un véritable problème juridico-éthique. Il est indéniable que les données de la science, à l'heure de la rédaction du décret, ne vont pas dans le sens de la prescription de l'hydroxychloroquine, la démonstration de son efficacité n'étant pas faite et la démonstration de ces effets indésirables ayant été faite plusieurs décennies avant. Ainsi, comme le dit la formule consacrée dans le milieu pharmaceutique : la balance bénéfices-risques n'est pas favorable. Rappelons que le gouvernement est fondé à prendre le décret précité, aux termes de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, applicable, en vertu de l'article 4 de la loi n o 2020-290 du 23 mars 2020. Mais, ce décret ne satisfait ni ceux qui promeuvent l'utilisation de l'hydroxychloroquine ni ses détracteurs. En effet, pour ceux qui promeuvent l'utilisation de l'hydroxychloroquine, le décret permet son utilisation chez des patients très lourdement atteints, c'est-à-dire à un moment de l'histoire clinique qui serait tardif. Or les tenants de l'hydroxychloroquine défendent qu'elle serait efficace au moment de l'apparition des premiers symptômes pour faire chuter la charge virale, soit 8 à 10 jours avant l'atteinte grave, c'est-à-dire avant ce que permet le décret. Pour ceux qui militent contre, en revanche, le gouvernement semble dire à demi-mot qu'elle pourrait fonctionner ce qui ne leur est pas tolérable. Rappelons tout d'abord qu'il n'est pas possible de demander une Autorisation Temporaire d'Utilisation, puisque l'ATU ne peut être accordée que pour un produit qui n'a pas encore d'AMM [21] parus en 1994, entend mettre à disposition des médicaments contre le VIH non encore complètement évalués, mais qui présentaient un potentiel à sauver des vies tel que l'on pouvait déroger à l'AMM.Aujourd'hui, l'ANSM peut délivrer dans certains cas particuliers ces ATU en l'absence d'AMM. Les médicaments concernés par les ATU doivent servir selon l'article L5121-12 du Code de la Santé Publique : "à traiter des maladies graves ou rares, en l'absence de traitement approprié, lorsque la mise en oeuvre du traitement ne peut pas être différée". Il faut en outre que l'efficacité et la sécurité de ces médicaments soient fortement présumées. Il existe deux catégories distinctes d'ATU : l'ATU dite nominative et l'ATU dite de Cohorte. » 27 Alors que l'ATU permet un accès à un médicament qui n'a pas encore d'AMM (dans l'attente de la fin des essais cliniques), la RTU ajoute une nouvelle indication à un médicament qui a déjà une AMM (dans l'attente d'essais cliniques validant cette nouvelle indication). 28 CE, ord., 28 mars 2020, req. n o 439693 29 « les dispositions du décret du 25 mars 2020 et l'abstention du gouvernement à saisir l'Agence nationale du médicament et des produits de santé d'une demande d'élaboration d'une recommandation temporaire d'utilisation sont manifestement disproportionnées au regard des risques courus par les patients et, pour les premières, inappropriées aux circonstances de temps et de lieu mentionnées par l'article L. 3131-1 du code de la santé publique ». Sur la mise en place d'une RTU, le Conseil d'État, statuant en référé, rappelle que les études disponibles à l'heure où nous écrivons ces lignes souffrent d'insuffisances méthodologiques. Aucune étude ne permet de conclure à l'efficacité clinique de l'hydroxychloroquine. Le Conseil d'État, au regard de l'incertitude sur la santé et de la parution du décret, rejette les demandes des requérants et indique que la décision du gouvernement ne porte pas manifestement atteinte aux droits fondamentaux. En ce sens, le Conseil d'État fait un constat identique au nôtre, et qui rejoint la nonpossibilité de prescription hors AMM : il n'y a pas de données acquises de la science. Ainsi, bien que séduisante de prime abord, la solution de la RTU ne pouvait être envisagée. Il s'agit faisant, il déçoit patients et prescripteurs, puisqu'il les prive d'un espoir, peut-être fallacieux, mais un espoir tout de même Il s'agit donc, hélas, de l'illustration des limites de ce que la norme peut apporter dans le champ de la médecine et de la pharmacie Liens d'intérêts concernant cet article : aucun Liens d'intérêts en général : l'auteur a été consultant pour IPSEN et pour P&G Health des origines à la loi de Germinal an XI Dans lesquelles sont contenuës plusieurs particularités historiques, sur la vie & la mort des scavans de ce siècle, sur leurs ecrits & plusieurs autres choses curieuses depuis l'an 1645. jusqu'en 1672. Augmentées de plus de 300 La santé de Louis XIV: une biohistoire du Roi-Soleil Treatment of Malaria in the United StatesA Systematic Review Reflections on a Century of Malaria Biochemistry Medical Entomology: A Textbook on Public Health and Veterinary Problems Caused by Arthropods Chloroquine cardiomyopathy -a review of the literature New use of an old drug: chloroquine reduces viral and ALT levels in HCV non-responders (a randomized, triple-blind, placebocontrolled pilot trial) Paradoxical effect of chloroquine treatment in enhancing chikungunya virus infection. Viruses In Vitro Antiviral Activity and Projection of Optimized Dosing Design of Hydroxychloroquine for the Treatment of Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus Breakthrough: Chloroquine phosphate has shown apparent efficacy in treatment of COVID-19 associated pneumonia in clinical studies Communiqué des Académies Nationales de Médecine et de Pharmacie sur les traitements à base d'hydroxychloroquine