key: cord-0995879-pa7ly5gf authors: Pinel-Jacquemin, S.; Martinasso, M.; Martinez, A.; Moscaritolo, A. title: Modifications des relations intrafamiliales dans les familles françaises de jeunes enfants pendant le premier confinement lié à la COVID-19 date: 2022-02-28 journal: Psychologie Française DOI: 10.1016/j.psfr.2022.02.002 sha: 9ea83d91e3f70704f98595d6d3586014cfa48463 doc_id: 995879 cord_uid: pa7ly5gf Introduction Dans le cadre de la pandémie liée à la COVID-19, l’État français a mis en place des mesures de confinement obligeant les parents à rester chez eux avec leurs enfants, tout en assurant, en plus des tâches quotidiennes et du travail, leur scolarité. Objectif L’objectif de cette publication est de présenter les modifications des relations parents-enfants et entre conjoints pendant cette période et leurs principales sources selon les parents. Méthode Un questionnaire en ligne du 28 avril 2020 au 29 mai 2020 a permis le recueil des données de 490 familles françaises ayant au moins un enfant de moins de six ans. Une analyse de contenu du corpus discursif a été réalisée avec le logiciel NVivo (version 10). Un traitement statistique quantitatif (réalisé par le logiciel STATA, version 16.1) a testé les relations entre les variables sociodémographiques, ainsi que celles relatives au vécu des parents, et les relations intrafamiliales « tendues » et « renforcées ». Résultats Si pour 33,3 % des répondants, les relations familiales ne se sont pas modifiées, elles se sont renforcées pour 42,5 % et tendues pour près d’un quart (24,3 %). Conclusion Comprendre les sources des tensions vécues par les familles de jeunes enfants pendant le confinement, ainsi que ce qui a permis à d’autres familles de mieux vivre cette situation, peut permettre une mise en place de mesures visant à prendre en charge les conséquences du mal-être généré par la vie confinée et à éviter de troubles psychologiques ultérieurs lors de possibles prochains confinements. Introduction In the context of the COVID-19 pandemic, the French state implemented containment measures requiring parents to stay at home with their children, while ensuring, in addition to daily tasks and work, their schooling. Objective The objective of this publication is to present the modifications of parent-child and spousal relationships during this period and their main sources according to the parents. Method An online questionnaire from 28 April 2020 to 29 May 2020 collected data from 490 French families with at least one child from birth to six years old. A content analysis of the discursive corpus was carried out with NVivo software (version 10). Quantitative statistical processing (using STATA software, version 16.1) tested the relationships between socio-demographic variables, as well as those relating to the parents’ experiences, and “strained” and “strengthened” intrafamily relationships. Results While for 33.3% of the respondents, family relationships did not change, they became stronger for 42.5% and tense for almost a quarter (24.3%). Conclusion Understanding the sources of tension experienced by families of young children during lockdown, as well as what enabled other families to better cope with this situation, may enable measures to be implemented to deal with the consequences of the discomfort generated by the lockdown and to avoid further psychological problems during possible future ones. Introduction. -Dans le cadre de la pandémie liée à la COVID-19, l'État franç ais a mis en place des mesures de confinement obligeant les parents à rester chez eux avec leurs enfants, tout en assurant, en plus des tâches quotidiennes et du travail, leur scolarité. Objectif. -L'objectif de cette publication est de présenter les modifications des relations parents-enfants et entre conjoints pendant cette période et leurs principales sources selon les parents. Méthode. -Un questionnaire en ligne du 28 avril 2020 au 29 mai 2020 a permis le recueil des données de 490 familles franç aises ayant au moins un enfant de moins de six ans. Une analyse de contenu du corpus discursif a été réalisée avec le logiciel NVivo (version 10). Un traitement statistique quantitatif (réalisé par le logiciel STATA, version 16.1) a testé les relations entre les Dans le cadre du confinement imposé aux familles franç aises à la suite de la pandémie de COVID-19, entre mars et mai 2020, de nombreuses études se sont intéressées à ses effets sur le bien-être de l'enfant ou sa qualité de vie en lien avec la santé, d'une part, et aux inégalités de genre ou sociales des familles confinées, d'autre part. En effet, vivre enfermés, privés de liberté d'aller et venir, avec les incertitudes du lendemain et la peur du virus pouvaient être lourds de conséquences sur le psychisme des enfants, obligés de s'adapter à une nouvelle routine, à ne pouvoir pratiquer d'activités sportives ou encore à avoir du mal à réguler leurs émotions dans cette ambiance anxiogène (Berasategi et al., 2020) et ce, d'autant plus que le contexte socioéconomique s'était dégradé (Carroll et al., 2020 ; Lambert et al., 2020) . La petite enfance est une période sensible, voire critique, quand les situations sont délétères (Zaouche Gaudron, 2017) . Le degré de dépendance des jeunes enfants, fonction de leur maturité affective et cognitive, peut compliquer le vécu des parents lorsque les familles doivent concilier vie de famille-travail et suivi scolaire des enfants plus âgés, comme elles ont été amenées à le faire lors du confinement. Peu d'auteurs ont cependant interrogé l'évolution des relations intrafamiliales lorsqu'il s'agit, en particulier, de vivre sous le même toit que des jeunes enfants de moins de six ans. Si Evans et al. (2020) l'ont fait, leur étude -en ciblant un large panel de familles australiennes d'enfants âgés de zéro à 18 ans -n'a pas différencié les jeunes enfants des plus âgés et l'effet particulier de la pandémie sur les familles concernées par cette jeune tranche d'âge « 0-6 ans ». Plus proche de la France, l'étude italienne de Balenzano et al. (2020) a exploré les effets de l'isolement social du confinement sur les familles italiennes en termes d'équilibre travail-famille, de fonctionnement familial et de parentage de 104 parents (80,8 % de mères) ayant au moins un enfant âgé de 2 à 14 ans. Malgré le caractère exploratoire de leur recherche, les auteurs ont fait le choix d'utiliser des questionnaires standardisés pour interroger les relations familiales (la Family Environment Scale -Real Form (FES ; Moos & Moos, 1994) ), limitant ainsi la perception subjective des familles. D'autres auteurs n'ont ciblé qu'un aspect du vécu de ces familles, comme l'impact de la fermeture des écoles et de l'enseignement à domicile sur les processus familiaux (O'Sullivan et al., 2020) ou bien une population estimée vulnérable avant la pandémie, comme dans le cas de la recherche de Gagné et al. (2020) portant sur 127 parents québécois d'enfants âgés de 5 à 17 ans (m = 10, ET 1 = 3) ayant connu des difficultés ou des vulnérabilités dans le passé. Toutes ces études ne distinguent pas les relations conjugales et les relations parents-enfants. Que l'on travaille à l'extérieur ou à son domicile, que l'on assure l'école à la maison avec les plus grands tout en tâchant d'occuper les plus petits pour ne pas être dérangés, que l'on ait de l'espace ou pas, etc., il a existé mille et une faç ons de se confiner et de vivre ce confinement. Certains l'ont vécu comme une parenthèse, une « opportunité de recréer ou de créer un lien avec ses enfants » (Rubenthaler in Ben Soussan, 2020, p. 14), voire « un privilège », tandis que d'autres se sont sentis « écrasés » par l'insécurité financière et/ou le stress lié à l'enfermement (Prime et al., 2020) . Ainsi, plus d'un tiers des familles ont déclaré se sentir très ou extrêmement inquiètes du stress familial résultant de l'enfermement lié à la COVID-19, par exemple (Statistique Canada, 2020) . Dans le cadre du groupement d'intérêt scientifique BECO-UFTMiP 2 , de nombreux.ses chercheur.es 3 en sciences humaines et sociales du programme COV-JEUNENFANT 4 se sont interrogé.es sur le vécu, en France, des « jeunes » familles et l'impact du confinement sur l'évolution de leurs relations intrafamiliales, aussi bien entre parents et enfants qu'entre conjoints. Il s'agissait de pouvoir documenter les impacts favorables ou moins favorables de cette crise sanitaire et de comprendre la diversité des situations au sein de ces familles. Il a été démontré que la qualité des relations familiales des enfants les aide à faire face aux catastrophes et autres adversités graves (Masten & Narayan, 2012 , in Prime et al., 2020 . Cette publication vise à décrire la manière dont ces familles franç aises de jeunes enfants ont vécu des changements de leurs relations dans la famille dans ce contexte de confinement, de comprendre comment elles expliquent ces modifications et si ces dernières sont révélatrices d'inégalités sociales face au confinement. La méthode mixte suivante a été privilégiée : une analyse de contenu du corpus discursif a d'abord permis de repérer les principaux thèmes abordés, de les organiser, les visualiser, et d'analyser les données qualitatives. Dans un deuxième temps, une analyse statistique quantitative a permis de décrire l'échantillon et de dégager les relations entre les variables. L'échantillonnage a été fait en amont de l'analyse. Il s'agit d'un échantillonnage non randomisé, créé à partir de l'objectif de l'étude soit de décrire le vécu subjectif des parents, résidant en France, ayant au moins un enfant de moins de 6 ans pendant le premier confinement, c'est donc un échantillon aléatoire : 490 répondants qui présentaient ces critères d'inclusion ont été recrutés (cf. Tableau 1) via des publicités sur les médias sociaux (Facebook, Twitter, Researchgate, etc.) et la diffusion par les réseaux professionnels de la présentation de l'enquête sur des sites professionnels (par exemple, laboratoires de recherche 5 , Maison des Sciences de l'Homme Paris Nord 6 , Institut d'Etudes Politiques 7 ; etc.). 2020 au 29 mai 2020 9 . Il aborde les thèmes suivants : informations générales (items 1 à 18) ; expression libre du parent (item 19) ; vécu du confinement (item 20 à 26) ; expression libre de l'enfant, lorsque possible (item 27) ; activités et vie quotidienne pendant le confinement (items 28 à 46) ; logement pendant le confinement (items 47 à 58) et emploi depuis le début du confinement (items 59 à 68). L'item 69 permettait aux répondants d'ajouter tout commentaire qui leur semblait important. La durée de réponse prévue était d'une demi-heure à trois-quarts d'heure. La conformité aux cadres juridiques et éthiques de la collecte des données a été évaluée par différentes instances 10 . L'analyse de contenu de la question ouverte portant sur le vécu des familles pendant ce premier confinement (item 19) ( Fig. 1 ) a été réalisée avec le logiciel NVivo (version 10). Chaque unité de sens est analysée et classée dans un ou plusieurs noeuds, correspondant à un ou plusieurs facteurs de tensions ou de renforcement des relations familiales. Une fois ce travail terminé, chaque thème est repris et synthétisé pour en extraire les informations les plus importantes. Ainsi, cette analyse a permis de dégager les éléments que les participant.es associent à des tensions ou au renforcement des relations aussi bien entre parents et enfants qu'entre conjoints. La pondération fournie automatiquement par NVivo correspond au poids, en pourcentage, du verbatim dans l'ensemble des réponses à l'item. Le traitement statistique quantitatif a été réalisé à l'aide du logiciel STATA (StataCorp LP, College Station, TX, version 16.1). Dans un premier temps, l'item 43 (Fig. 2) (Fig. 1) , par exemple : une variable décrivant le niveau culturel des ménages à partir des qualifications des répondants et de leurs partenaires ; une variable indiquant le revenu mensuel net par unités de consommation réparties en terciles ; une variable décrivant les modes de garde (résidences alternées, résidences classiques et enfant uniques) ; On a également créé une variable regroupant les perceptions des parents en une variable « perception du rôle parental » qui additionne les perceptions négatives : « J'ai l'impression que je n'en fais pas assez pour stimuler ou éduquer mes enfants. » ; « Je crains que mes enfants souffrent de manière durable du manque de stimulation ou d'activités éducatives. » ; « J'ai l'impression qu'on me demande de faire des activités éducatives avec mes enfants pour lesquelles je ne me sens pas compétent(e). » ; « Je me sens dépassé(e) face à toutes les choses que je dois faire pour m'occuper de mes enfants. » ; et soustrait la perception positive : « Je me dis que je suis la personne la mieux placée pour savoir ce qui est bon pour mes enfants. » (Annexe 2). Afin de tester les associations entre ces variables contextuelles et notre variable d'intérêt « relations intrafamiliales », un test de chi-deux ainsi qu'un test exact de Fisher ont été réalisés. Dans un troisième temps, une régression multinomiale a été réalisée, incluant les variables explicatives testées en bivarié et statistiquement significatives, afin de tester l'influence des variables contextuelles relatives au vécu des parents lors du confinement, sur notre variable d'intérêt à 3 classes (Annexe 3). Ainsi, nous décrivons pour chacune des classes de notre variable d'intérêt l'impact des variables explicatives en prenant comme catégorie de référence « les relations n'ont pas changé ». Les rapports de risques relatifs ainsi que les intervalles de confiance à 95 % sont fournis pour constater si les risques diffèrent significativement de 1. Pour finir, une analyse de sensibilité a été réalisée avec deux régressions logistiques afin de vérifier l'adéquation des résultats. Nous avons considéré 0,05 comme seuil de signification statistique dans les analyses bivariées et multivariées. Ce sont 58 hommes et 432 femmes, tous et toutes parents d'au moins un enfant de six ans ou moins, qui ont pris le temps de répondre, pendant la période de confinement, à notre questionnaire portant sur leur vécu et celui de leurs enfants (Tableau 1). On compte 11,8 % de pères répondants, 87,8 % de mères et 0,4 % de belles-mères 11 . Concernant leur statut marital, la majorité (91,4 % des répondant.es) vit en couple, 2,5 % sont en couple sans partenaire cohabitant et 6,1 % se déclarent célibataires. Plus d'un tiers des foyers vivaient avec un enfant pendant le confinement (37,3 %), 42,2 % étaient composés de deux enfants et 20,4 % des foyers vivaient avec trois enfants ou plus. Un peu plus du tiers des enfants (34,9 %) sont enfants uniques, 56,3 % constituent une fratrie « classique » (non recomposée) et 5,7 % une fratrie recomposée (3,9 % avec résidence alternée, 1,4 % avec résidence exclusivement maternelle et 0,4 % avec résidence exclusivement paternelle) 12 . Il s'agit d'une population de répondant·es « privilégié·es », vivant en grande majorité en maison individuelle (64,5 %), possédant quasiment tou·tes un accès extérieur (jardin ou cour), avec un niveau d'études supérieures élevé (dans 70,4 % des foyers au moins une personne a un diplôme de L'item 43 interrogeait les répondants directement sur l'évolution de leurs relations conjugales et parents-enfants pendant le confinement. Le Tableau 2 fait apparaître leurs réponses selon qu'ils estiment qu'elles sont restées identiques, qu'elles se sont renforcées ou, au contraire, tendues 16 . Pour un tiers des répondant·es (33,3 %), il apparaît important de signaler que les relations avec leurs conjoint.es ou leurs enfants ne se sont pas modifiées pendant le confinement 17 . La suite des analyses se concentrera sur les deux autres tiers environ qui ont choisi de préciser prioritairement que leurs relations intrafamiliales se sont modifiées (n = 327) : soit vers un renforcement des relations parentsenfants (30,2 %) ou conjugales (pour 12,2 %), soit vers davantage de tensions parents-enfants (10,4 %) ou conjugales (13,9 %). Commenç ons par l'analyse du vécu des 42,4 % de répondants ayant signalé un renforcement de leurs relations familiales (parents-enfants [30,2 %] ou conjugales [12,2 %]). Le Tableau 3 indique les éléments associés au renforcement selon leur importance dans le discours des parents. Six thèmes apparaissent communs aux deux types de relations et deux autres émergent en plus pour les relations conjugales, à savoir le rythme ralenti et l'organisation partagée dans le couple. Nous reprenons ces différents thèmes en les présentant selon leur ordre d'importance pour le renforcement 13 Item 17 : en prenant en compte tous les types de revenus de tous les membres de votre ménage (y compris les aides sociales), quel est actuellement le montant mensuel des ressources de l'ensemble du ménage ? N'oubliez pas, le cas échéant, de compter aussi les revenus de votre conjoint(e) et de toutes personnes avec lesquelles vous avez déclaré vivre habituellement. Il s'agit des revenus nets (de cotisations sociales et de C.S.G) avant impôts. 14 8 % des répondants·es n'ont pas indiqué le mode de travail de leur partenaire. 15 9,4 % des données sur la quotité de travail du partenaire est manquante. 16 Notons ici que les répondants n'avaient qu'une réponse possible parmi les cinq choix proposés. Par exemple, s'ils trouvaient que les relations avec leur conjoint·e s'étaient distendues mais que celles avec leur(s) enfant(s) s'étaient renforcées, ils devaient faire un choix pour cocher l'une ou l'autre de ces deux réponses. Aussi, c'est la réponse qui leur tient le plus à coeur qui apparaît ici. 17 Leur analyse ne sera pas présentée dans cette contribution. Le bonheur du temps partagé en famille est assurément le facteur le plus important dans l'explication du renforcement des relations familiales, aussi bien parentales (44 % des répondant·es évoquant un renforcement des relations parents-enfants ; 27,08 % des verbatims) que conjugales (65,6 % des répondant·es évoquant un renforcement des relations entre conjoints ; 15,4 % des verbatims). Les répondant·es dont les relations parent-enfant(s) se sont améliorées évoquent davantage de disponibilité pour leurs enfants et apprécient de pouvoir passer plus de temps avec eux, « d'avoir un vrai temps familial de qualité », de « profiter » d'un temps « précieux », « très agréable », et d'une « occasion unique », « une opportunité », la « vraie vie » ou encore d'un « plaisir retrouvé d'être ensemble ». Ils apprécient davantage l'instant présent et plus intensément les moments partagés, ce qui participe à faire de ce confinement une « expérience positive », « humainement très riche ». Cette période leur a permis de « prendre soin de "nous" ». Pour les répondant·es évoquant un renforcement des relations conjugales, les repas sont des temps de détente et l'occasion de discussions partagées. Il s'agit de relativiser la portée de ce confinement (« c'est un mal pour un bien ») et de « profiter » d'une « aubaine », de ce « temps béni et unique en famille ». Profiter d'un nouveau-né, voir les progrès de ses enfants ou tout simplement les voir grandir, être disponibles pour partager des moments tous ensemble, « se découvrir », est jugé comme « très agréable », et d'autant plus que la vie « normale » ne donne pas cette opportunité. La famille se sent bien dans un « cocon ». L'attention portée aux enfants apparaît « incroyable » et « plus que bénéfique ». Bien sûr, la famille a vécu des moments plus difficiles, mais elle retiendra de cette période le bonheur partagé (« Le reste du temps, nous étions heureux »). La variété des activités proposées aux enfants est un facteur de renforcement des relations entre parents et enfants (27, Les répondant·es dont les relations conjugales se sont améliorées déclarent, en plus, que le fait de proposer des occupations variées 19 permet aux enfants de ne pas s'ennuyer et d'être stimulés, et aux parents de se reposer, notamment lors des temps de « jeux libres ». Cela fait dire à une mère que « les enfants jouent, rêvent, imaginent, prennent le temps de vivre, s'occupent ». La présence d'espaces extérieurs est particulièrement présente dans les témoignages des parents ayant vécu une amélioration des relations avec leurs enfants (34,7 % de ces répondant·es ; 5,23 % de leurs verbatims), vécue comme une chance et l'heureuse possibilité offerte de pratiquer des activités en extérieur (en forêt, dans le parc de la résidence) ou à la campagne. Les couples l'évoquent également mais dans une moindre mesure (18 % des répondants et 2,09 % des verbatims). Par ailleurs, 24,5 % des répondants dont les relations parents-enfants se sont améliorées (3,32 % de leurs verbatims) soulignent la plus grande complicité et donc autonomie des fratries, qui ont passé beaucoup de temps à jouer ensemble comme pour compenser le manque de lien social avec leurs amis de l'école et contrer l'ennui, qui « s'apprivoisent » voire se « redécouvrent ». Des liens fraternels auparavant conflictuels semblent s'assouplir. Cette autonomie et la tranquillité qui en découlent pour les parents, aussi soulignées par les parents d'enfants uniques, permet des temps de calme appréciés par les parents. L'analyse des verbatims des parents dont les relations se sont renforcées pendant le confinement fait apparaître une gestion maîtrisée des écrans : celle-ci arrive en troisième position des éléments associés au renforcement des relations parent-enfant(s) (51 % de ces répondant·es abordent ce sujet ; 9,95 % des verbatims) et en quatrième pour les relations conjugales (41 % des répondant·es concerné·es ; 8,80 % des verbatims). Pour les deux groupes, les contenus et la durée d'utilisation quotidienne, aussi bien que sa fréquence, sont clairement établis et limités. La vigilance est de mise et les écrans sont parfois considérés comme une récompense (« ç a se mérite », « il y a un système de croix et de récompenses »). Les parents tirent de ce contrôle une certaine fierté par rapport à leurs engagements personnels vis-à-vis des écrans (« J'ai réussi à respecter mes engagements personnels concernant les écrans, il n'a regardé des dessins animés que 3 fois depuis le 17 mars, ce qui est une petite victoire pour moi », « nous avons tenu bon (presque) »). Ainsi, les écrans sont utilisés pour le divertissement, soit individuel (dessins animés « validés » par les parents, films « jeunesse », émissions « jeunesse », replays, reportages animaliers, jeux vidéo, sport/mini yoga), soit familial (« séance cinéma maison » le week-end, une émission de cuisine) (32 % des répondants ; 1,94 % des verbatims) ou, en moindre mesure, pour garder un lien avec la famille élargie, l'école ou les amis, et en proportion modeste pour les activités scolaires 20 . Ce fut une occasion pour certains enfants de s'approprier des outils numériques, avec leurs parents pour leur expliquer les pièges et les bonnes pratiques du web. De nouveaux rituels, perç us positivement, ont pu se mettre en place, comme celui de l'histoire racontée au téléphone par les grands-parents. Les règles imposées aux enfants (évoquées par 60 % des répondant·es ; 5 % des verbatims) limitent leur utilisation aux mercredis et/ou aux week-ends (« jours sans école ») ou, pour les plus grands, en fin de matinée, à la fin de journée ou, au contraire, pas après 18 heures. Lorsqu'elle est indiquée, la durée sur les écrans va de « dix minutes » à « deux heures » « par jour » et, si possible, « pas tous les jours ». Il s'agit surtout de ne pas être passif devant son écran et le plus souvent accompagné (des parents, des frères et soeurs). Les deux familles qui ont perç u l'effet d'une trop grande utilisation des écrans sur le comportement de leurs enfants (irritabilité, énervement, colère) l'ont diminuée spontanément. Dans les deux groupes de répondant·es, les parents qui reconnaissent un assouplissement des règles avec une augmentation de l'utilisation des écrans pendant le confinement précisent que cette augmentation est « raisonnée » et pourra redevenir « comme avant » après le confinement et « malgré les habitudes prises ». Si certains parents ont dû assouplir leurs règles, c'est surtout pour y gagner en tranquillité (« C'est de plus en plus difficile de ne pas céder à la télé qui parfois est une solution de facilité. Cependant on fait très attention à ce qu'elle regarde »), pour travailler (« J'ai lâché un peu de lest sur les écrans. Mon fils ne faisant plus la sieste, les moments calmes ont parfois été remplacés par des dessins animés pour que je puisse travailler un peu, mon fils étant en demande continuelle de ma présence pour des activités »), préparer les repas, se reposer, canaliser les enfants, notamment les jours de pluie (« Les écrans sont assez peu utilisés (2 h par semaine à peu près) sauf quand trop de jours de pluie de suite (car pas d'accès au jardin). Dans ce cas-là : 1 h d'écran dans la journée »). Ainsi, l'utilisation raisonnée des écrans permet aux parents, et aux mères surtout, de trouver des temps de pause, pour eux et pour l'ensemble de la famille, tout en réduisant leur sentiment de culpabilité. Quatrième facteur explicatif pour le renforcement des relations parentales (67 répondants dont 3 pères, 45,6 % des répondant·es concerné·es ; 7,49 % des verbatims) et identique pour les relations conjugales (46 % des répondant·es concernées ; 15,40 % des verbatims), le bonheur et le sentiment de sécurité des enfants sont appréciés par les parents et participent à leur détente. Les répondant·es indiquent que leurs enfants apprécient d'avoir leurs parents à la maison, se sentent plus sécurisés ou moins stressés par la pression du temps ou les horaires imposés. Tous les parents ayant constaté une amélioration des relations parent-enfant(s) soulignent le fait qu'enfants comme parents vivent plutôt bien ce confinement dans une ambiance plus paisible, avec une routine installée progressivement qui « cadre et rassure » (5,17 % des verbatims). Le confinement leur a permis de prendre conscience que le rythme « d'avant » ne convenait ni aux uns, ni aux autres. La plupart fait attention à ne pas instaurer un rythme de vacances, tel qu'il a été perç u au moins pendant les quinze premiers jours du confinement. Dans ces familles, les règles de la maison sont calquées le plus possible sur ce que les enfants connaissent et les journées restent « structurées » afin de les sécuriser au maximum : « On a trouvé notre rythme et nous suivons un programme presque identique tous les jours. Ç a permet à notre fille de trouver des repères et de pouvoir se faire à cette situation ». Le rythme trouvé est plus « ralenti », « approprié », « plutôt cool », « sain » avec des réveils « naturels ».L'ennui ou ne rien faire, c'est bien aussi. C'est l'occasion de se recentrer sur l'essentiel, retrouver les valeurs principales, de prendre du temps avec eux, « de vivre lentement », de se « poser des questionnements sains sur l'avenir et sur leurs envies de réorganiser leur vie » ou sur leurs choix éducatifs. Les parents se sentent bien moins stressés et beaucoup (22 répondant·es dont un père) se disent conscients d'être privilégiés et d'avoir des conditions très confortables pour ce confinement en termes de niveau de vie, de temps passé avec les enfants, de possibilités de faire beaucoup de choses, d'horaires de travail, d'espaces intérieurs et extérieurs ou d'habitat dans une région peu touchée. Certains parents disent avoir pensé aux pays 20 Faire les devoirs envoyés par internet, apprendre l'anglais, visionner des documentaires. Psychologie française xxx (xxxx) xxx-xxx en guerre pour relativiser leur situation et ont décidé que leur situation était « enviable par bien des points ». Six mères mentionnent la présence d'un tiers comme les grands-parents ou une nounou, une fille au pair, des amis ou la crèche (spécifique pour le personnel soignant) qui ont permis un relais sur les tâches ménagères ou auprès des enfants, par exemple. Les répondant·es dont les relations conjugales se sont améliorées pendant cette période indiquent aussi que les enfants apparaissent à leurs yeux très heureux de cette situation (« Je pense que notre enfant est heureux d'être à la maison avec ses deux parents »), voire plus sereins (« Notre fils de 3 ans est beaucoup plus serein, il repère mieux les moments de la journée, l'organisation. . . »). Ils sont moins difficiles, moins fatigués, plus détendus et épanouis que d'habitude (« Pour les repas, on s'est rendu compte que les deux enfants étaient beaucoup moins difficiles qu'en temps normal. Ils mangent de tout, les repas sont beaucoup plus calmes. Les enfants ont donc l'air plutôt épanouis et en forme »). Le fait de pouvoir enfin prendre son temps et la mise en place d'un cadre clair et flexible pour tous est un facteur de renforcement des relations entre conjoints (50,8 % des répondant·es concerné·es ; 9,28 % de leurs verbatims). Au fil du temps, généralement quinze jours, la famille a trouvé son rythme (« un rythme plus souple mais similaire à l'avant confinement » ; « Ici, pas de planning rigide et inflexible ») avec des règles établies pour le bien-être de chacun (« Ce rythme est flexible, en fonction des envies de chacun, mais permet un certain cadre et de différencier le week-end du reste de la semaine » ; « Etre à l'écoute de nos envies et de nos besoins nous fait du bien »). Les journées se sont organisées avec des activités planifiées. Pour ces répondants également, cela donne aux enfants des repères qui les sécurisent et les apaisent (« Les WE, il n'y a pas de programme mais on se rend compte qu'ils s'y réfèrent toujours »). Les horaires « habituels » et « réguliers » des repas, des siestes et du coucher sont maintenus autant que possible. De nouvelles routines sont mises en place « pour essayer de rassurer tout le monde ». Pour certaines familles, poursuivre l'école à la maison « est apparue comme une évidence et une nécessité car cela permettait de garder un lien avec l'école, le rythme et le quotidien passé, de ne pas faire une coupure brutale. Cela rassurait beaucoup les enfants ». Ces parents apprécient cette vie « au ralenti », perç ue comme une « pause dans une vie très rythmée » (« Notre quotidien nous impose un rythme que nous ressentons régulièrement comme contre nature »). Il n'y a plus de contraintes horaires figées (« C'est très agréable de ne plus mettre le réveil, de ne plus se fâcher le soir pour un coucher qui dure trop ») et cela laisse la place à « la paisibilité, le calme, la disponibilité ». Il y a « moins de stress ». Une impression de « sérénité » se dégage aussi du vécu du confinement relaté par ces parents (« Plus de sérénité sans les horaires crèche -boulot » ; « sans les contraintes de la vie quotidienne (trajet, horaire d'école, métro, stress d'être en retard) »). Il est utile de signaler ici qu'un peu plus d'un quart des parents ayant signalé un renforcement de leurs liens avec leur partenaire (27,9 % de ces répondant·es ; 5,04 % de leurs verbatims) met en avant une organisation partagée des tâches (« Par chance, mon époux, bien que lui aussi en télétravail, a géré avec moi l'organisation », « Nous sommes tous les deux à la maison pour nous occuper pleinement de notre nouveau-né, etc.). À défaut de pouvoir gérer ensemble, ces conjoints alternent leur temps de travail et leur temps de garde (« Nous nous sommes organisés pour que à chaque fois l'un de nous deux soit disponible pour lui », « Nous alternons à temps égal les temps de garde avec mon conjoint par demi-journée et travaillons de nuit pour rattraper », etc.), ou se soutiennent quand leurs conditions de travail le leur permettent (« Il a fallu s'organiser car j'ai continué mon activité professionnelle comme soignante et mon conjoint a géré son activité en télétravail et les enfants ». Le télétravail et le travail à temps partiel à la suite au chômage partiel de l'un des conjoints ont favorisé cette entraide et cette disponibilité (à deux ou alternée) auprès des enfants. De manière générale pour les deux groupes, les conjoints des répondant.es dont les relations se sont renforcées sont plus de la moitié (54,17 %) à travailler au domicile pendant le confinement et un tiers (33,33 %) a connu une mise au chômage pendant le confinement. En résumé, six thèmes apparaissent communs aux relations parents-enfants et à celles entre conjoints, qui ont été renforcées pendant le confinement : le bonheur du temps partagé, des activités variées, des enfants heureux et sécurisés, une gestion encadrée des écrans, l'autonomie des enfants, la présence d'espaces extérieurs. Deux autres sont spécifiques aux relations conjugales, à savoir le rythme familial ralenti et l'organisation partagée dans le couple. Psychologie française xxx (xxxx) xxx-xxx 3.3.5. Éléments de contexte explicatifs D'après le modèle multivarié de l'association entre les relations intrafamiliales renforcées et les caractéristiques de la population d'étude, basé sur une régression multinomiale avec intervalle de confiance à 95 % (voir Annexe 3), plusieurs facteurs explicatifs sont mis en avant. De faç on assez étonnante, divers éléments de contexte contraignants agissent de faç on positive sur le renforcement des relations intrafamiliales. En effet, le facteur ayant le plus de poids dans la détermination des chances d'avoir des relations intrafamiliales renforcées par rapport à des relations non modifiées est le fait de « rencontrer entre deux et huit désagréments dans le logement et son environnement proche » 21 , ce qui multiplie ces chances par 2,45 (p = 0,011). En deuxième lieu, le fait d'« avoir un enfant nécessitant une prise en charge médicale » multiplie ces mêmes chances par 2,3 (p = 0,008). Aussi, une mise en congé forcée multiplie ces chances par 1,96 (p = 0,025). Les professions intermédiaires des conjoints (par rapport à la CSP agriculteur·trice/artisan·e/chef·fe d'entreprise/activité libérale) ont 64 % de chances en moins d'être parmi les personnes dont les relations intrafamiliales se sont renforcées que parmi celles dont les relations n'ont pas changé (p = 0,031). Respectivement 14,2 % et 10,2 % des répondant·es ont coché que leurs relations conjugales et parentenfant(s) s'étaient tendues pendant cette période de confinement. La prépondérance des différents thèmes relatifs au vécu familial est indiquée par les pourcentages de verbatim des parents. Concernant les relations entre conjoints, on note, parmi les répondant·es, la présence de dix pères, soit 2 % de ceux dont la relation s'est tendue. Les huit répondants qui évoquent directement des tensions dans leur couple, indiquent que le confinement a révélé « des choses » pour le couple qui passe par un « conflit silencieux », que le couple a « explosé, sans grande surprise. . . », que ces tensions dans le couple sont directement associées au confinement mais sans en préciser leur origine, une « grande fatigue dans le couple » et l'intensification d'exigences multiples qui le mettent à mal. Pour ce qui concerne ces relations, les trois premiers éléments associés aux tensions mentionnés sont la routine et des inquiétudes diverses (16,26 % des verbatims des répondant·es ayant signalé plus de tensions dans leur couple), la conciliation famille-travail (14,60 %) et les cris des enfants (10,61 %). Concernant les relations parent-enfant(s), et contrairement aux précédentes, aucun père ne mentionne l'apparition de tensions. Trois principales sources de tensions transparaissent, ici, dans les écrits des répondants (Tableau 4) avec, par ordre d'importance : la gestion difficile des enfants (29,97 % des verbatims des répondant·es concerné·es par plus de tensions dans leurs relations parent-enfant(s)), les sentiments négatifs ressentis (21,58 %), les difficultés en lien avec l'école (11,67 %). La fatigue (6,37 %) et la solitude des mères dans le couple (4,12 %) sont des thématiques propres aux familles ayant connu des tensions conjugales. La première est exacerbée par la nécessaire conciliation famille-travail, thématique à part entière (« le jonglage entre télétravail et notre enfant en bas âge demande beaucoup d'attention et de patience, c'est quelquefois assez fatigant ») et domine la joie d'être réunis (« tellement fatiguée que je n'ai pas l'impression d'avoir "profité" des enfants »). La deuxième est principalement ressentie faute de partage des tâches dans le couple (« On se sent seul. Mon conjoint télétravaille alors je me sens seule à gérer les enfants. », « Mon mari étant obligé de continuer à travailler je me suis retrouvée seule avec mon bébé coincée à la maison. . . c'est comme cela que je l'ai vécu. »). La gestion difficile des enfants occupe le premier rang des éléments associés aux tensions pour les deux groupes de répondant·es, mais si, pour les couples, elle concerne principalement les cris des enfants (10,61 % des verbatims), elle recouvre, pour les parents, davantage l'exigence des jeunes enfants et l'obligation « saturante » de les occuper en permanence (29,97 % de leurs verbatims). Perturbation sommeil 1,10 % Ainsi, sont sources de tension pour les premiers, l'excitation, le bruit, les caprices, les disputes dans la fratrie et les cris, les pleurs des enfants et sont difficiles à gérer pour les parents qui perdent patience plus facilement (« Le plus petit fait des crises de colère plus fréquentes qu'avant » ; « Pour le dernier c'est plus compliqué, la situation lui pèse, il aimerait revoir la maîtresse et les copains, il est très excité et énervé à la maison »), d'autant plus lorsque la vie de la famille se concentre sur une pièce commune (à cause de la wifi nécessaire au télétravail, par exemple). À cela s'ajoute le fait que les enfants ne respectent pas les règles, font des bêtises ou s'ennuient (« On essaie au maximum de faire respecter les règles de bonne conduite mais l'énervement arrive très vite. Je laisse le droit à ma fille de 3 ans de dire ce qu'elle ressent mais les cris sont difficiles à gérer. Elle monte très vite dans les pleurs »). Il est parfois compliqué pour ces parents, et peut-être plus particulièrement pour les pères, de trouver comment les occuper et « de diversifier les activités ». Pour les seconds, des enfants qui s'ennuient également et se révèlent exigeants, les « hypersollicitent », les « collent », sont souvent en difficulté pour gérer leurs émotions, voire « saturent », et qui peuvent refuser de respecter les nouvelles règles ou rythme quotidien (« Après les vacances, sans retour physique à l'école, le rythme a été difficile à reprendre pour les enfants ; « Le confinement a exacerbé les tensions : colères pour tout, refus du rythme quotidien (manger, se laver, se coucher) »). La petite taille des logements peut compliquer la gestion des enfants (« dans un T3 avec seulement un petit balcon, c'est compliqué de gérer l'énergie de deux garç ons »). Les plus petits s'affirment ou s'opposent, les plus grands font preuve d'insolence, de mauvaise humeur ou de colère (« Comportements inhabituels d'intolérance à la frustration », « On sait bien que c'est plus difficile pour les enfants de gérer leurs émotions dans un espace confiné »). Faire appel à son imagination pour occuper un enfant de manière constructive peut demander beaucoup de patience et plus de temps et d'énergie que n'en ont les parents (« Il est également dans une phase d'opposition très franche. Cela nous demande de la patience », « Gestion des émotions en communauté confinée très énergivore »). Leur envie de le faire vient à manquer, un certain « ras-le-bol » peut apparaître avec l'envie et le besoin de pouvoir souffler, de passer le relais. À cela s'ajoute la perte de repères, de cadre ou un rythme jugé nouveau et/ou aléatoire et des habitudes de vie rompues brutalement. L'organisation des journées, calée sur la proposition de nombreuses activités, laisse progressivement la place à une organisation plus libre, surtout dans les familles de jeunes enfants. Le manque de sorties en extérieur est mal vécu par les enfants ainsi que par les parents (« L'impossibilité d'aller dans la nature avec mon enfant crée une ambiance stressante pour elle et Les sentiments négatifs couvrent à la fois un effet de routine devenue insupportable et un ensemble d'inquiétudes diverses. Ils concernent respectivement 21,58 % des verbatims des répondant·es avec des relations parentales plus tendues (second facteur par ordre d'importance) et 16,26 % des verbatims de celles.ceux avec des relations conjugales détériorées (au premier rang). L'ensemble des tensions ressenties s'accompagne pour les deux groupes d'une perception anxiogène du contexte sans précédent amené par la pandémie : la peur du virus (« Je n'ose pas aller faire les courses de peur d'attraper la maladie »), le stress de le « voir entrer dans la maison », l'angoisse de ressortir pendant le déconfinement (« Le dé-confinement approche et l'angoisse de ressortir approche. . . »). Ou bien ce sont les enfants qui ont peur pour leurs parents travaillant en extérieur, ou même de sortir de leur maison, ou des autres adultes qui ne respectent pas les gestes barrières (« Il a peur que nous "attrapions la maladie de dehors" en allant travailler ou faire les courses »). Les parents expriment également de l'angoisse liée à des inquiétudes professionnelles ou à l'actualité, au monde de demain, au « désastre écologique », au fait de ne pas savoir « quand ç a se terminera et si ç a se terminera » . . . « Pour moi le plus difficile à vivre : l'incertitude ». Les conséquences sociales, économiques et environnementales de cette crise, l'avenir professionnel, notamment quand le parent a une entreprise (avec la question sous-jacente « tiendra-t-elle ? ») sont également cités, mais finalement assez peu par rapport au reste. Ces familles ressentent un sentiment « perturbant » de « s'installe[r] dans une routine où chaque heure de la veille et de tous les autres jours se suivent et se ressemblent ce qui est perturbant pour nous parents et sûrement pour notre enfant », « où chaque journée semble être un éternel recommencement ». Cela s'accompagne d'une fatigue, voire d'un épuisement, d'une certaine lassitude ou d'un manque d'envie « vis-à-vis des routines et des rôles trop segmentés », une impression que tout est beaucoup plus compliqué qu'avant. Pour les conjoint·es faisant état de tensions dans le couple, la routine faite de rituels, de nouveaux repères et de nouvelles habitudes est évoquée à de nombreuses reprises comme étant « insupportable ». Les tâches ménagères sont monotones et se répètent inlassablement : « Nous sommes épuisés par la monotonie des tâches ménagères : faire à manger, mettre la table, faire manger les enfants, débarrasser la table, nettoyer, vider le lave-vaisselle, etc. trois fois par jour voire quatre avec le goûter ». Il apparaît difficile de trouver son rythme dans le couple quand la mère a « toute la charge mentale sur les épaules ». Les parents souhaiteraient une soupape de décharge : « Difficile car c'est non stop, H24, 7j/7. Des fois ç a tourne en rond, envie de changer d'air et de penser à autre chose qu'à la gestion des enfants », « quitte à devoir aller faire les courses pour ç a », « pour sortir de la routine. . . ». Il semble également difficile pour les enfants de comprendre la différence entre les jours sans le rythme scolaire, eux-mêmes finissent par se lasser de devoir faire toujours la même promenade, lire les mêmes histoires. Cela conduit certains parents à lâcher, à se montrer plus souples ou à ne plus mettre de règles, ni à imposer d'activités particulières, à changer leurs habitudes (« Pas d'horaires fixes », « Pas de règle, ni d'activité particulière, les enfants jouent à ce qu'ils veulent quand ils veulent »). Seule l'alimentation semble inchangée, avec des horaires fixes et la préparation des repas qui prend beaucoup de temps dans leur « quotidien de confinés ». Pour les répondant·es concerné·es par des tensions avec leurs enfants, s'ajoutent parfois la culpabilité à la fois de ne pas se sentir « bons parents » (soulignée par sept mères), de ne pas mieux mettre à profit ce temps ou encore de savoir que des personnes souffrent davantage « à l'extérieur », ainsi que l'impression d'être réduite à un « rôle de ménagère ». Les parents déclarant des tensions dans leur couple semblent être particulièrement sensibles à l'impact du confinement sur leurs enfants : leur incompréhension de la situation (« Je ressens de l'inquiétude pour mon aîné qui est très anxieux et qui a du mal à comprendre cette situation »), voire leurs angoisses et peurs -reflets de celles des parents ? (« Nous pensons toutes les deux que les adultes devraient plus protéger et aider les enfants, bref nous angoissons un peu de sortir toutes les deux »). Ces peurs sont renforcées par les comportements des parents, qui, par exemple, ne laissent pas les enfants les embrasser à leur retour de l'extérieur (« Quand il parle du coronavirus, il exprime sa peur en 14 disant qu'il est sûr que c'est la fin du monde, que ç a lui fait peur et ce, malgré nos paroles rassurantes. Il voit bien que je ne le laisse pas se jeter sur moi quand je rentre du travail, qu'il doit attendre que je sois douchée avant de faire un câlin »). Ces craintes disparaissent néanmoins, pour certains parents, lorsque le comportement de leurs enfants les rassure (bonheur affiché, bonne alimentation, bon sommeil, etc.). Les difficultés en lien avec l'école occupent la troisième place des éléments associés aux tensions dans les relations parent-enfant(s) (11,67 % des verbatims concernés) et sont présentes, en moindre mesure, auprès des répondant·es évoquant des tensions dans le couple (3,50 %). Endosser le « rôle d'institutrice » n'a pas plu à certaines mères qui ne se sont pas senties à la hauteur ou ont été gênées par la présence d'enfants plus jeunes. Le travail scolaire s'est présenté pour certains parents comme dépourvu d'attractivité et pas adapté à tous les profils : « Beaucoup d'exercices, pas du tout ludique, bref avec un enfant docile et travailleur ç a passe certainement mais ici ce n'est pas le cas ». Certains ont préféré utiliser des cahiers de vacances, mais ont fini par s'en vouloir de ne pas les avoir terminés. Les enfants qui n'apprécient pas l'école à la maison ou perdent leur motivation à travailler s'avèrent plus difficiles. Ils se sont essoufflés ou ont littéralement « décroché », même lorsque les parents ont essayé d'introduire du jeu dans les activités scolaires. Il s'agit alors de tenter de leur faire conserver au moins leurs acquis. Une mère fait remarquer que ce n'est pas tant le manque de légitimité ou de compétences à faire travailler son enfant qui lui a posé problème, mais davantage les défauts dont elle a pris conscience, comme le manque de patience et de souplesse, la volonté de maîtrise ou l'irritabilité pouvant aller jusqu'à la violence. Les répondants dont les relations conjugales se sont tendues mettent également en avant les difficultés vécues lorsqu'il s'agit d'expliquer aux enfants le travail à faire pour l'école (parfois jugé « anormal » et « disproportionné » ou « hallucinant ») ou devant leur manque de concentration ou de patience tout en devant gérer leur travail, qu'il soit au domicile ou à l'extérieur (« Ç a m'énerve les exos d'écriture » ; « La maîtresse nous envoie 6 petites fiches par semaine, qu'on arrive difficilement à faire faute de temps calme pour la grande. En plus, elle se bloque quand on essaie de lui apprendre des notions, je n'ai aucune patience pour ç a en plus »). Cela relève de l'incompatibilité de la conciliation travail-école à la maison avec des enfants en bas âge, mais aussi avec des plus grands, qui demandent beaucoup d'attention, de tolérance et de patience, et dont les besoins sont insatisfaits, dont les exigences sont multiples, et ont parfois des rythmes différents entre eux (« Pas le temps pour l'éducation, nos trois enfants ne sont pas sur le même rythme »). La conciliation famille-travail pèse particulièrement lourd dans le vécu des répondant·es ayant signalé des tensions dans le couple, puisqu'elle constitue le premier facteur invoqué (14,6 % de leurs verbatims, vs 10,17 % des répondant·es ayant vécu des tensions avec leurs enfants). Concilier les demandes incessantes des enfants avec leur temps de travail s'est avéré très problématique pour les parents, qui déplorent une dégradation des relations avec leurs enfants. Il n'y a plus de frontière et il faut porter plusieurs casquettes en même temps : « Mais voilà, il faut s'improviser instit, ATSEM, animateur, copains, cuistot, parent, 24 h/24 h et 7 J/7 J », avec « beaucoup de difficulté à assurer l'école à la maison car peu de temps dispo de mon côté (je travaille toujours je suis soignante) avec un rythme de travail aléatoire et beaucoup de difficulté à motiver les enfants ». Certaines mères ont ressenti de la panique, d'autres n'ont pas hésité à appeler à l'aide, par exemple la maîtresse, pour comprendre les émotions traversées par leur enfant. D'autres encore, qui ont pu s'arranger avec leur conjoint, ont trouvé un « échappatoire » aux enfants dans le travail ou trouvé un relais, mais leur installation reste parfois précaire, surtout lorsque les activités quotidiennes et le travail se concentrent dans une même pièce principale. Les enfants, même lorsqu'ils sont autonomes, viennent fréquemment interrompre leurs parents. Ce sentiment d'échec de la conciliation entre toutes les casquettes génère de la frustration (« Essayer de nous occuper d'elle et de travailler en même temps est frustrant : nous ne faisons rien correctement. Du coup, je ne bosse quasiment plus, et cela est une perte d'épanouissement pour moi »). La charge physique et mentale est particulièrement accrue par la « logistique alimentaire », l'organisation générale et l'ensemble des tensions évoquées ici. Des mères bricolent leur temps de travail : « Mère Psychologie française xxx (xxxx) xxx-xxx chargée de la classe, des repas, des courses, de la surveillance des enfants. . . et qui case sa propre activité pro pendant sieste enfant 2 et le soir, après le coucher des enfants, ou quand père a fini sa journée. Travail maternel moins respecté par les enfants ». Cela donne à certaines mères l'impression de « ne plus y arriver », une sensation d'incapacité à gérer. Pour les répondant·es en difficulté dans leur couple, le stress, l'irritabilité, la pression, la fatigue et les frustrations liés au travail sont évoqués en priorité (« Oppression liée au télétravail et gestion de l'enfant » ; « Grande fatigue du couple entre devoirs à la maison, télétravail et problèmes de santé »), au point de faire passer à côté des bénéfices du confinement tant loués par d'autres répondant·es : « Tellement fatiguée que je n'ai pas l'impression d'avoir "profité" des enfants. Ce n'est pas un temps agréable pour nous. Trop de pression entre le travail, le quotidien, et les enfants ». D'un point de vue professionnel, les parents ont le sentiment d'un travail « bâclé » et « il est dur de se motiver le matin et de rester toujours connecté ». Certains ont dû négocier entre partenaires les temps de travail de l'un et de l'autre (« quel travail compte plus ? ») pour être disponibles auprès de leur enfant. Pour ce qui concerne la gestion de la maison, l'un des parents peut avoir le sentiment de tout affronter seul et -en plus -d'avoir à se confronter aux humeurs de l'autre parent. Le manque de disponibilité pour l'enfant est présent et culpabilise les parents (« Je suis déchirée entre travailler sur mon mémoire, materner mes enfants, m'occuper des tâches ménagères, assurer le minimum de suivi scolaire » ; « Avec deux parents en télétravail à 100 % difficile de satisfaire leur besoin. On travaille mal et on est de mauvais parents. . . »). La situation hors du commun à laquelle les couples sont confrontés peut générer des crises d'angoisse violentes et « faire péter les plombs » ; « Surtout en petit appart sans jardin. Les problèmes préexistants deviennent dantesques et les moments de "paix" aussi rares que le silence ». Elle est « éprouvante » pour la relation du couple, peut-être davantage que les relations avec les enfants, à qui on épargne « le stress, les préoccupations et l'agacement » autant que possible. Elle peut même empêcher les deux parents de passer du temps ensemble, les priver de moments d'intimité, puisqu'ils se relaient en télétravail ou auprès des enfants, ce qui, pour certains, peut « les sauver de la folie ». En résumé, six thèmes apparaissent communs aux tensions révélées pendant le confinement entre les conjoints et entre parents et enfants : la gestion difficile des enfants, les sentiments négatifs, les difficultés en lien avec l'école et les manques divers comme le manque de lien social, la place des écrans la conciliation famille-travail. Deux thèmes sont spécifiquement abordés par les couples, à savoir la fatigue avec un sentiment d' « usure » important, et le sentiment de solitude des mères dans le couple. Les analyses bivariées (Annexe 2) ont mis en évidence une forte corrélation entre quatre des cinq énoncés proposés à l'item 43 mesurant la perception parentale et la présence de relations intrafamiliales plus tendues : « Je me sens dépassé·e face à toutes les choses que je dois faire pour m'occuper de mes enfants » (p < 0,0001) ; « J'ai l'impression que je n'en fais pas assez pour stimuler ou éduquer mes enfants » (p = 0,001) ; « Je crains que mes enfants souffrent de manière durable du manque de stimulation ou d'activités éducatives » (p = 0,002) ; « J'ai l'impression qu'on me demande de faire des activités éducatives avec mes enfants pour lesquelles je ne me sens pas compétent·e » (0,011). De faç on tout aussi inattendue la perception du rôle parental a un effet sur les relations qui se sont tendues par rapport à celles qui n'ont pas changées mais pas sur les relations qui se sont renforcées. Comparativement aux personnes ayant une perception satisfaisante de leur rôle parental, les personnes qui ont eu une perception non satisfaisante ont 70 % de risques en moins d'avoir des relations qui se sont tendues par rapport à des relations qui n'ont pas changées et ce, de faç on significative (p = 0,01). Les personnes ayant une perception neutre de leur rôle parental, ont 25 % de chances en moins d'avoir des relations qui se sont tendues (baisse non statistiquement significative) (Annexe 3). Par rapport aux familles dont les relations intrafamiliales n'ont pas changé, le fait d'avoir rencontré entre deux et huit désagréments dans le logement et son environnement proche 22 est, comme pour les relations améliorées, le facteur le plus influent sur la détérioration des relations, avec une augmentation de 6,2 fois du risque de faire l'expérience de relations plus tendues (p < 0,0001). En deuxième Nos résultats, présentant les éléments associés par les parents franç ais de jeunes enfants au renforcement ou à la tension de leurs relations parents-enfants ou conjugales, pendant le confinement, sont intéressants à plusieurs niveaux : ils ciblent d'abord une tranche de la population peu étudiée et a priori plus à risque dans les situations délétères comme l'est le confinement, à savoir les familles de jeunes enfants (0-6 ans). Ils concernent, ensuite, la population générale franç aise et sont extraits directement du vécu subjectif de la situation décrite par ces parents et non de questionnaires standardisés qui auraient eu pour effet d'anticiper leurs réponses de manière formalisée. Enfin, contrairement à l'ensemble des écrits disponibles actuellement sur cette thématique, ils prennent en compte l'importance des modifications à la fois des relations conjugales et des relations parents-enfants pendant cette période. Comme nous le proposons après avoir discuté ces résultats, la compréhension plus nuancée des situations vécues par ces familles doit permettre aux pouvoirs publics de mettre en place des mesures rapides et simples afin de soutenir leur future adaptation à une situation semblable. Notre étude a mis, tout d'abord, en avant l'importance, dans les premiers mois de la pandémie, de l'amélioration des relations dont ont profité 42,4 % des répondant·es. Parmi les éléments associés à cette amélioration, les familles rendent compte d'un positionnement résolument positif face à cet isolement social vécu ici davantage comme une chance de profiter d'un temps précieux en famille. Les activités exceptionnellement partagées en famille, le sentiment que les enfants en sont heureux et sécurisés par le maintien de repères, ainsi qu'une gestion raisonnée des écrans, rendent plus aisé le vécu de cette parenthèse temporelle. Le « territoire d'intimité » dans lequel s'entremêlent, selon Neuburger (2020, p. 158-159) « les intimités de couple, individuelles et parfois même de fratrie » a su ici être respecté et contribuer à une plus grande détente de chacun. Cette attitude parentale « positive » distingue ces familles de celles qui ont vécu plus difficilement le confinement. Elle apporte une sécurité pour les enfants et permet que le système familial s'adapte plus sereinement à la situation. Tout comme dans la population australienne étudiée par Evans et al. (2020) , la population générale franç aise qui a « bien » vécu ce confinement est concernée par la sécurité de l'emploi et la stabilité financière, des maisons avec un espace extérieur (cour, jardin, balcon), une bonne santé, et aussi des facteurs interpersonnels comme des relations solides, soutenues notamment par une organisation partagée dans le couple. Notre étude nuance cependant ces résultats en précisant la positivité également des familles dont la prise en charge médicale d'un enfant a été stoppée 24 ou dont des difficultés de voisinage/environnementales sont avérées. Il semble que la famille agisse, ici, comme une base de sécurité protectrice, en profitant d'un rythme allégé, notamment pour les premières qui n'ont plus à gérer des prises en charge chronophages, et en se recentrant sur des valeurs prioritaires, comme le partage d'activités communes aux parents et aux enfants, par exemple. D'après l'étude de Thierry et al. (2020) portant sur 4877 parents d'enfants entre 8 et 9 ans et faisant aussi état d'une amélioration des relations parents-enfants, même si moindre (23 % des réponses), les télétravailleur·ses avec un partenaire qui ne travaille pas sont les moins susceptibles de connaître une dégradation de ces relations, suivi·es par les familles où le(s) parent(s) sont en télétravail. Nous avons constaté dans notre échantillon qu'une forte majorité (87 %) des partenaires des répondant·es ayant signalé une amélioration de leurs relations intrafamiliales travaillaient au domicile ou étaient en chômage partiel pendant le confinement. Néanmoins, les relations parents-enfants tendent à se dégrader lorsque le ménage est à dominante employée et intermédiaire (op. cit.) : bien que les professions intermédiaires soient parmi les moins à l'arrêt et les plus sujettes à télétravailler, elle connaissent 11 % de dégradation des relations parents-enfants et ce, en dépit de la possibilité d'un espace de travail dédié dans leur logement (Lambert et al., 2020) , élément que nous retrouvons dans la moindre probabilité d'avoir des relations améliorées pour les professions intermédiaires de notre étude. Dans l'étude espagnole de Günther-Bel et al. (2020) , dont 64 % des 167 familles avec enfants interrogées mentionnent une amélioration des relations familiales, le télétravail et l'emploi sont positivement liés au fonctionnement du couple lorsque les répondants sont des parents. Aussi, la qualité des relations parentales des ménages avec enfants tend à être meilleure que la qualité des relations conjugales, élément que nous retrouvons dans notre étude, où les relations entre partenaires sont davantage tendues et moins renforcées que les relations parent-enfant(s). Nous signalons que parmi les divers choix possibles les répondants n'avaient pas à choisir une seule réponse, comme c'était le cas dans notre étude, ce qui pourrait avoir joué, dans la mesure des recoupements possibles, sur le pourcentage plus élevé de relations intrafamiliales améliorées rapportées. Nous soulignerons également le rôle assurément joué par la flexibilité des règles des familles qui ont cependant réussi à maintenir un cadre structuré par une nouvelle routine, et le fait qu'elles ont apprécié ce rythme ralenti, contrairement aux familles dont les relations se sont tendues. Ce résultat rejoint les préconisations de Prime et al. (2020) selon qui instaurer de nouveaux rituels, routines et règles, peut aider la famille à s'adapter, à être plus flexible en temps de la COVID-19, pour une plus grande résilience et permettre d'éviter les ruptures. Pour le quart des familles, ensuite, qui ont décrit davantage de tensions familiales pendant cette période, il s'agit de l'expliquer par la gestion perç ue comme difficile des enfants, un ensemble de sentiments négatifs qui ont été, en plus, exacerbés par la difficulté des activités scolaires, le manque de lien social, la conciliation famille-travail et la place importante et non maîtrisée prise par les écrans. À propos de ces derniers, l'augmentation de leur consommation pendant le confinement dans les familles de jeunes enfants a été estimée à 74 % chez les mères, 61 % chez les pères et 87 % chez les enfants (Carroll et al., 2020) , et décrite comme plus importante chez les enfants vivant dans des foyers à dominante ouvrière ou employée par rapport aux enfants de cadres (respectivement 2,7 et deux fois plus, Thierry et al., op. cit.) . Si ces éléments sont davantage contextuels que propres à la relation conjugale, la question de l'intimité du couple n'est pas soulevée directement. Pieh et al. (2020) ont cependant établi un lien important pendant le confinement entre la prévalence de symptômes dépressifs et une qualité de relation de couple négative (35 % versus13 % lorsque la relation est évaluée comme positive), ce qui montre la nécessité pour le bien-être de toute la famille de prendre soin du couple malgré les difficultés. L'étude de Balenzano et al. (2020) montre, pour les familles italiennes ayant un enfant âgé de 2 à 14 ans, une augmentation du stress parental en raison de l'isolement social et de la persistance des inégalités entre les sexes dans la répartition du travail non rémunéré, ce qui pénalise les mères. Notre étude suggère que ces inégalités engendrent davantage de fatigue et d'usure ainsi qu'un sentiment de solitude des mères dans leur couple. Aussi, une perception moins satisfaisante de son rôle parental telle que nous l'avons constatée a été décrite comme étant encline à engendrer des comportements parentaux pouvant prédire des problèmes émotionnels, comportementaux et dans la vie scolaire chez les enfants (Fontanesi et al., 2020) . Nous soulignons ici l'absence de tensions dans les relations parentsenfants décrite par les pères et qui pourrait indiquer leur bonheur à (re-)découvrir leurs enfants et/ou leur absence quotidienne du domicile, du fait de leur travail en extérieur, conduisant potentiellement ainsi à davantage de poids porté par les mères, restées au domicile, et à l'inégalité genrée face à la situation. Selon Evans et al. (2020) , les femmes sont plus susceptibles que les hommes de déclarer avoir été accablées par les responsabilités familiales pendant la pandémie, malgré le fait que hommes et femmes passent plus de temps à la maison (Australian Bureau of Statistics (ABS), 2020a), et qu'ils 18 soient au chômage en raison de la COVID-19 (ABS, 2020b). Ainsi, les mères, déjà largement en charge des tâches domestiques et des soins des enfants en temps ordinaire, ont vu leur charge augmentée notamment en raison de l'enseignement à domicile des enfants, tandis que les pères peuvent être plus susceptibles de continuer à travailler, tout en ayant le temps de prendre part aux aspects agréables de la vie familiale. Les résultats issus du modèle multivarié ont révélé un effet double de la présence de désagréments dans le milieu de vie contribuant surtout à une détérioration des relations, mais, en même temps, à une amélioration des relations dans certains cas. Ce phénomène conduit à prendre en compte la capacité des familles à mobiliser des ressources pour réagir aux adversités, celles-ci pouvant paradoxalement contribuer à ressouder les liens familiaux. Nous pouvons formuler l'hypothèse qu'un meilleur équilibre familial, exprimé dans nos résultats par une gestion cadrée des écrans, la présence structurante de rythmes de vie et de routines, une organisation partagée dans le couple, pourrait intervenir dans une approche plus « optimiste » face à des problèmes liés au lieu d'habitation présents avant le confinement, mais amplifiés par la résidence imposée. L'importance des conditions d'habitat devrait faire l'objet d'une réflexion plus approfondie dans la prise en compte de la qualité de vie effective des ménages. Aussi, le double effet de la mise en « congé forcé », contribuant à détériorer ou bien, dans certains cas, à améliorer les relations intrafamiliales, est révélateur de l'influence du contexte familial précédant le confinement sur les effets des changements intervenus lors de la pandémie. D'une faç on analogue, le fait qu'un rôle parental moins satisfaisant soit indice de moindres risques de tensions intrafamiliales pourrait être dû à des situations tendues déjà avant le confinement, données dont nous ne disposons pas au moment de l'enquête. La présence d'un équilibre familial « adéquat », que les données nous indiquent lié au niveau d'études des répondant.es, les personnes plus diplômées ayant en même temps plus de chances d'avoir des relations intrafamiliales améliorées et moins de risques de tensions, pourrait avoir mené les familles à moins devoir recourir aux sorties comme « échappatoires » au huis-clos pour pallier à la situation inordinaire du confinement : les personnes qui sont le moins sorties ont également présenté plus de chances d'amélioration et moins de risques de tensions. Les politiques publiques franç aises devraient prendre en compte ces résultats pour favoriser les conditions de vie permettant aux familles de très jeunes enfants de profiter pleinement de ce temps de « retrouvailles » imposé par le confinement : cela implique de les délester d'une conciliation famille-travail rendue difficile, voire impossible car trop coûteuse psychiquement et physiquement, en proposant, par exemple, aux deux parents, une plus grande flexibilité du temps et des lieux de travail ou un congé rémunéré à l'un des parents volontaire pour être auprès des enfants (activités, scolarité, etc.). Insister sur les temps d'utilisation des écrans, décliner un ensemble d'activités auxquelles les parents peuvent s'adonner avec leurs enfants, ou encore insister sur la nécessaire sécurité des enfants engendrée par une perception plus « optimiste » de la situation par leurs parents, c'està-dire, -le cas échéant -par la modification de schémas cognitifs négatifs (Cottraux, 2008) , sont des éléments à prendre en compte. La mise en place d'un suivi ou d'un soutien psychologique pour les parents sollicitant de l'aide devrait être envisagée en amont, plutôt que dans l'après-coup comme c'est le cas actuellement, sans attendre, comme le préconisent Vulser et al. (2020) (Gagné et al., 2020) , devrait rendre cette protection prioritaire. Stark et al. (2020) vont jusqu'à préconiser que « la reconnaissance des besoins en santé mentale des enfants et des parents soit un mandat de santé publique. » Il en est de même pour le maintien, pendant le confinement, d'un service de garde pour les jeunes enfants, dont le manque d'autonomie peut vite devenir une charge trop importante pour les parents. Toutes ces mesures doivent avoir pour objectif de prendre soin de « la fonction protectrice et compensatoire des parents » (Nelson et al., 2009) , essentielle pour garantir un besoin fondamental de l'enfant, à savoir sa sécurité affective. 19 Parmi les limites de l'étude, nous devons signaler un biais d'échantillonnage induit par les contraintes spécifiques du confinement, soulevé par d'autres recherches menées en temps de pandémie 25 . Néanmoins, ce biais nous a permis de recruter tous ceux qui présentaient les critères d'inclusion dans l'étude et d'obtenir des réponses précises et sincères car les répondants n'ont pas eu d'obligation de réponse ni d'incitation pour participer à l'étude. Le protocole de recherche étant, par ailleurs, basé sur une enquête en ligne auto-saisie, un biais concernant les propriétés sociodémographiques des répondant.es s'ensuit : la population est connotée au niveau du genre (féminin) et du milieu socio-culturel (supérieur). Cependant, cet écart genré aurait pu être contrôlé en effectuant une pondération mais cet écart nous permet également de montrer les différences de participation genrée dans la place occupée dans la sphère familiale mais aussi dans l'implication scientifique à participer à une étude descriptive. Ce constat permet un lien avec une autre étude menée sur la même cohorte, qui s'intéresse aux différences genrées dans la distribution des tâches domestiques (Dupuy et al., 2022, soumis pré-sélection) . De plus, le fait que notre population d'étude soit issue d'un milieu socioculturel élevé nous permet d'émettre l'hypothèse que les difficultés vécues par ce type de population pourrait être aggravées dans une population moins favorisée. Comprendre les sources auxquelles le plus grand nombre de familles témoignant d'une amélioration des relations entre les membres du foyer a eu recours pour faire face à la situation sans précédent, vécue pendant le premier confinement, peut orienter des politiques ou des interventions ayant pour but de prendre en compte le mal-être des ménages ayant connu des tensions intrafamiliales, ainsi que ses conséquences, en vue de prévenir l'apparition de troubles psychologiques lors du renouvellement de l'expérience de vie confinée dans l'éventualité d'autres confinements à venir. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Psychologie française xxx (xxxx) xxx-xxx S Matériel complémentaire Le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur 4940.0 -Household Impacts of COVID-19 Survey %20June%202020? opendocument&tabname=Summary&prodno=6160.0.55.001&issue=Week%20ending%2013 %20June%202020&num= &view= Families in the Pandemic Between Challenges and Opportunities: An Empirical Study of Parents with Preschool and School-Age Children PSFR-511; No. of Pages 21 Psychologie française xxx (xxxx) xxx-xxx Le roman rose de la famille confinée : On peut se lever mais pas se casser !. Spirale Design and Validation of a Scale for Measuring Well-Being of Children in Lockdown (WCL) The Impact of COVID-19 on Health Behavior, Stress, Financial and Food Security among Middle to High Income Canadian Families with Young Children La psychologie positive. Un nouveau modèle pour la psychothérapie et la prévention ? Inégalités dans le travail domestique et production des enfants : le premier confinement a-t-il infléchi l'ordre du genre ? From "It Has Stopped Our Lives" to "Spending More Time Together Has Strengthened Bonds": The Varied Experiences of Australian Families During COVID-19 The effect of the COVID-19 lockdown on parents: A call to adopt urgent measures Families in confinement: A pre-post COVID-19 study A Mixed-method Study of Individual, Couple, and Parental Functioning During the State-regulated COVID-19 Lockdown in Spain Le travail et ses aménagements : Ce que la pandémie de covid-19 a changé pour les Franç ais Child development in the contextof disaster, war, and terrorism: Pathways of risk and resilience Family environment scale manual Family stress and parental responses to children's negative emotions: Tests of the spillover, crossover, and compensatory hypotheses Exploring the Impact of Home-Schooling on the Psychological Wellbeing of Irish Families During the Novel Coronavirus (COVID-19) Pandemic: A Qualitative Study Protocol Intimité, couple et famille à l'heure du confinement. Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux Relationship quality and mental health during COVID-19 lockdown Risk and resilience in family well-being during the COVID-19 pandemic Shifting from survival to supporting resilience in children and families in the COVID-19 pandemic: Lessons for informing U.S. mental health priorities La santé mentale des Canadiens durant la pandémie de COVID-19 Les enfants à l'épreuve du premier confinement COVID-19 -Comment vivre un confinement pour épidémie ? La Presse Médicale Formation Pour que la santé physique, psychique, affective des enfants . . . soit explicitement définie comme un objectif politique majeur Plusieurs questions sont reprises d'un questionnaire plus général formulé par des enseignantschercheurs CNRS que nous remercions vivement 26 . Nous remercions l'Université Fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées 2 pour son soutien institutionnel et technique. Nos remerciements vont aux familles pour leur participation à notre étude.