D S 124 £3 EXTRAIT DE LA VÉRITÉ ISRAÉLITE. ÉPHÉMÉRIDES ISRAÉLITES. PAR M. AB. CAHSN GRADUÉ GRAND-RABBIN. PAEIS. IMPRIMERIE DE SCHILLER AINÉ, 11, Faubourg-Montmartre, 1861. 4» ÉPHÈMÉRIDES ISRAÉLITES. Août 1305. — A la demande du rabbin Salomon ben-Adéreth, connu sous le nom de Raschba, il est lancé, à la synagogue de Barcelone, un in- terdit (h'érem), contre quiconque étudierait les sciences philosophiques et profanes avant l'âge de vingt-cinq ans. Aussitôt, l'école de Montpellier lance un autre interdit contre ceux qui voulaient défendre l'étude des sciences et de la philosophie. Cette lutte entre les partisans de la philosophie et ses ennemis avait commencé depuis plus d'un siècle déjà, lors de l'apparition du Moré Névo- chim et du Scépher Hammada de Maïmonides. Déjà, en 1232, un autre Raschba, Salomon ben-Abraham de Montpellier, lance l'anathème contre le Moré et le Scépher Hammada ; il envoie ses disciples, Ionah ben-Abraham de Girone, et David ben-Saul, répandre cet anathème dans les villes voisi- nes et faire brûler tous les exemplaires de ces ouvrages. Mais si ce Raschba avait pour partisans des hommes tels que Rabbi Meïr ben-Todros ha-Lévi, de Tolède, et le médecin Iehouda ben-Joseph Elfachar de Grenade, Maïmo- nides avait trouvé de chaleureux défenseurs dans la famille des Kimchi, sur- tout dans David, connu sous le nom de Rudak, dans Nachmanide ou Ramban et d'autres savants distingués. La lutte cessa au bout de trois ans (1235). Mais, en Orient, elle se continua encore pendant plus d'un demi-siècle. Ainsi, en 1286, la rabbinat de Bagdad lance un interdit contre Joseph ben- Iehouda ibn-Aknin, disciple chéri de Maïmonides, à qui ce rabbin avait dédié son Moré. Cet interdit, lancé également contre tous les partisans du Moré, est bientôt après abrogé et rejeté sur les ennemis de Maïmonides. En 130-4, la lutte au sujet du Moré recommence en Espagne et en Provence, entre l'école de Barcelone, où nous voyons Salomon ben Adéreth (Raschba) et Ascher ben-Iechiel de Tolède (Rosch), et l'école de Montpellier, où se si- gnalent Aba Mari ben-Moïse de Lunel, et Enduran Astruc de Lunel ; et nous en voyons les conséquences dans ces deux interdits contradictoires. A cette époque également, Jedaïa Penini de Béziers, connu sous le nom de Bederschi ou Bedarschi, publia une défense éloquente de la philosophie contre les attaques de Raschba. 3 août 1178. — Par une charte donnée au château de Montélimart, le 3 des nones d'août 1178, l'empereur Frédéric Barberousse confie à Pons, évêque d'Avignon, ceux d'entre les Juifs de cette ville qui sont reconnus appartenir spécialement à la chambre de l'empereur, afin qu'ils fussent plus tranquilles et mieux défendus sous sa protection ; il prend aussi sous sa protection les antres Juifs de cette ville, ou ceux qui se décideraient dans la suite à l'ha- biter. « Ce que nous faisons surtout, dit la charte, dans l'intention de déli- vrer ces mêmes Juifs des vexations des comtes et des nobles et quelles autres personnes que ce soit, et de pouvoir retirer des mains dudit évêque la défense inhérente à notre dignité, s'il ne les défendait pas convenablement, équitablement et avec bonté. » 6 août 1557. — Les Juifs obtiennent du maréchal de Vieilleville, gouver- neur militaire de Metz, une ordonnance autorisant quatre familles juives à .demeurer à Metz, sous conditions de payer un droit d'entrée et un tribut » annuel, d'assister une fois par mois aux prédications, de ne point habiter dans les principaux quartiers de la ville, de ne recevoir aucun Juif étranger, enfin de ne prêter de l'argent qu'à un denier par semaine (8 pour cent). 8 août 1-442. — Bulle du pape Eugène IV, dans laquelle il se plaint des Juifs du royaume de Léon et de Castille et les déclare, eux ainsi que tous les Juifs de la chrétienté, exclus de tous les emplois publics. Il énumère ensuite, avec une précision extrême, les professions que ne pourront plus remplir les Juifs, et qui sont fort nombreuses. 9 août 1378. — Lettres patentes données à Saint-Germain en Laye par le roi Charles V, portant que, moyennant un prêt de vingt mille livres que les Juifs de la langue d'Oïl feront au roi, et qu'ils payeront en quatre termes, plus une redevance de deux cents livres qu'ils s'engagent à payer par se- maines, les Juifs de la langue d'Oïl seraient exemptés de toutes redevances el autres droits auxquels ils étaient tenus envers lui. 7 Elloul, — Mort des explorateurs. Dans la seconde année de la sortie d'Egypte , Moïse envoya de Kadesch douze hommes, un de chaque tribu, pour explorer la contrée et lui faire un rapport exact sur le pays, les villes, les habitants et les produits. A leurre- tour, au bout de quarante jours, ces hommes firent un grand éloge de la fertilité du pays et en rapportèrent, comme preuves, quelques échantillons des plus beaux fruits; mais ils annoncèrent la conquête comme impossible, à cause de la force et de la stature gigantesque des gens du pays, qui habi- taient des villes fortifiées. Ace rapport, le découragement s'empara du peuple: en vain, Josué et Caleb, deux des explorateurs, cherchèrent-ils à calmer l'ef- froi et rabattement des Hébreux, un soulèvement général menaça de détruire 1p plan de Moïse. Péjà on parlait d'élire un autre chef et de retourner en Egypte. Moïse sentit alors l'impossibili é de conquérir le pays avec une gé- nération habituée à l'esclavage et peu capable d'un dévouement héroïque ; il reprocha sévèrement au peuple sa défiance envers Dieu et envers lui, annonça l'arrêt divin, qui condamnait tous les hommes au-dessus de vingt ans, à l'exception de Caleb et de Josué, à mourir dans le désert ; la jeune généra- tion devait seule conquérir le pays de Canaan. Les paroles sévères de Moïse firent repentir le peuple de son insubordination, et on résolut de se mettre immédiatement en marche. Mais l'arrêt était irrévocable. Malgré la défense de Moïse, on tenta une attaque ; les enfants d'Israël furent repoussés avec perte par les Amalécites et les Cananéens, et ils furent forcés d'errer dans le désert pendant quarante ans, en souvenir des quarante jours qu'a- vaient mis les hommes à explorer le pays. En ce jour, qui était le 7 Elloul, dit le Talmud, les explorateurs périrent subitement, en punition du rapport décourageant qu'ils avaient fait. 7 Elloul, 70 ans après J.-C. — Les Juifs, après la prise de Jérusalem et l'incendie du Temple par l'armée de Titus, se retirèrent dans la haute ville; il firent encore une résistance de dix-huit jours. Mais, découragés et exté- nués, ils ne purent plus se défendre, et Titus s'empara de la haute ville le 7 Elloul. Tous les hommes trouvés en armes furent massacrés; les autres, faits prisonniers, furent vendus comme esclaves, et la ville fut rasée. Août 1550. — Lettres patentes du roi Henri II, qui naturalisent, en France, les Juifs Portugais sous le nom de nouveaux Chrétiens, qu'ils avaient en Portugal. — Ce nom de nouveaux Chrétiens ou Marranos, qui s'est conservé longtemps à l'égard des Juifs Portugais ou Espagnols, leur était donné de- puis leur expulsion d'Espagne et de Portugal ; car pour se soustraire à l'In- quisition, ils avaient embrassé extérieurement la religion chrétienne, et dans l'intérieur de leur maison et de leur famille, ils vivaient toujours selon la loi juive. Etablis depuis le commencement du xvi e siècle en France, ils reçoi- vent enfin du roi Henri II des lettres patentes qui les naturalisent en France, leur permettent de commercer librement, d'acquérir des immeubles, les af- franchissent de toutes taxes exceptionnelles, et leur promettent, dans le cas où il plairait à lui ou à un de ses successeurs deles renvoyer, de leur accor- der un terme d'un an pour liquider leurs affaires. 14 Août Iô32. — Arrêt de la cour de Hollande, par lequel elle interdit aux Juifs Portugais, ou nouveaux Chrétiens, de séjourner dans cette province, et, de plus, ordonne à chaque habitant de les dénoncer à l'officier de la place. 15 août 1561. — Pie IV fait publier un édit qui, sur la supplique présen- tée par les Juifs, permettait à ceux de ses Etats, et surtout du corutat d'A- vignon, de porter des chapeaux noirs en voyage, pourvu que dans les lieux de leur résidence ris n'en aient pas d'autres que de couleur glauque. Cet édit abrogeait en partie celui du pape Clément VII, qui avait ordonné aux Juifs Avignonais de ne jamais sortir sans chapeau jaune, sous peine d'une amende de cent ducats d'or pour les contrevenants. 17 août 1348. — Dans cette année, l'Allemagne et une grande partie de la France étaient affligées d'une peste qui faisait d'effroyables ravages. Une horrible accusation s'élève alors contre les Juifs : « Ce sont eux qui empoi- sonnent les fontaines.» La populace crédule manifeste aussitôt sa haine contre les Juifs et exerce partout une terrible vengeance contre eux. C'est sur une pareille accusation et avec de pareils sentiments de haine que, le 17 août, à Saint-Saturnin, en Dauphiné, le peuple se souleva contre les Juifs et en fit un horrible massacre. 18 août o37. — Constitution de l'empereur Justinien donnée à Constanti- nople, le 15 des calendes de septembre, deux ans après le consulat de Bé- lisaire. Les Juifs, y est-il dit, les Samaritains et les autres hérétiques ne sont pas, sous prétexte de religion, délivrés de la curie; mais ils demeurent, au con- traire, soumis à en remplir les charges, sans jouir toutefois des privilèges attachés aux décurions ; ceux d'entre eux qui sont de condition curiale peu- vent être admis à déposer en justice contre les orthodoxes, ainsi que pour le gouvernement orthodoxe. 18 août 1487. — Douze Juifs, trouvés dans Malaga, lorsque cette ville fut prise par les Espagnols sur les Maures, furent tués, par ordre de Ferdi- nand, avec un raffinement de cruauté. C'est avec des roseaux pointus qu'on les fit périr. Ce supplice, qu'on n'appliquait qu'aux plus grands coupables, consistait à enfoncer des roseaux aiguisés et pointus dans le corps des con- damnés ; on en multipliait les piqûres en si grand nombre que le corps défi- guré ne présentait plus que l'aspect d'un crible dont le sang coulait de tous côtés jusqu'à l'épuisement complet. 19 août 1352. — Le conseil de la ville de Nîmes avait accordé a'ux Juifs un quartier particulier, celui de la Corregerie. Mais ils s'y trouvèrent trop resserrés et trop à l'étroit, et demandèrent au conseil de changer le lieu de leur résidence. Le conseil de la ville, dans une séance tenue le 19 août, prenant en considération la demande des Juifs, leur accorda un autre quar- tier au centre môme de la ville, la rue Cagansul dans toute sa longueur jus- qu'au carrefour de celle de la Rouerie. 20 août 1790 . — Proclamation du roi Louis XVI, sur une instruction de l'assemblée nationale concernant les fonctions administratives, portant que, « parmi les Juifs, il n'y a encore que ceux connus sous la dénomma- j> tion de juifs portugais, espagnols et avignonnais qui soient citoyens actifs » et élégibles, suivant le décret du 28 janvier 1790. » 21 août 1829. — Arrêté ministériel, autorisant l'établissement d'une école centrale rabbinique à Metz et en approuvant le règlement. Depuis l'émancipation des Israélites en France, le Judaïsme n'avait pas en- core d'établissement officiel pour former des rabbins , malgré toutes les démarches faites par les consistoires. La ville de Metz possédait , il est vrai, une Jeschibah, comme en avaient tous les grands centres israélites; on y venait de loin étudier les sciences sacrées, car elle était renommée par sa supériorité, surtout depuis qu'un homme généreux, M. Abraham Schwab avait consacré (1702) un local pour cette académie et une rente pour le traitement de cinq rabbins qui devaient y professer . Mais les sciences pro- fanes n'y étaient pas enseignées ; et depuis l'ère de notre liberté on sentait vivement qu'il était indispensable que nos rabbins possédassent une instruc- tion solide dans les sciences profanes tout aussi bien que dans les sciences sacrées. Enfin le Consistoire de Metz fit subir en 1820 une heureuse trans- formation à cette institution, et, la convertisant en école talrnudique, facilita aux élèves l'acquisition des notions de sciences et de littérature. Mais là ne devait pas se borner le zèle de nos administrations. Quelques années après (août 1829) l'établissement d'une école rabbinique à Metz fut autorisé par le gouvernement qui en approuva le règlement. Inaugurée en juillet 1830, elle était encore entretenue aux frais des communautés israélites, lorsque le nou- veau gouvernement de S. M. Louis Philippe (22 mars 1831) en mit l'entre- tien aux frais de l'Etat et y alloua pour l'année même de 1831 une somme de huit mille cinq cents Irancs. Quinze jours après (avril) une circulaire mi- nistérielle dispensait les élèves du service militaire. Enfin, après différentes phases, en juillet 1859, le Consistoire central arriva à la réalisation d'un dé- sir, depuis longtemps formulé, et Y école rabbinique de Metz fut changée en Séminaire Israélite de Paris ; un nouveau règlement fut mis en vigueur, après avoir été approuvé en décembre 1860 par S. Exc. le ministre de l'ins- truction publique et des cultes. Cet établissement, inscrit aujourd'hui au budget pour une somme de plus de vingt mille francs, a fourni la plus grande partie des Grands-Rabbins et des Rabbins de France. Il fut d'abord sous l'habile et énergique direction de M. Lambert, le savant bébraïsant; lorsque celui-ci devint grand-rabbin de Metz, ,1a direction en fut accordée à M. Mayer Lazare, le profond et . — 8 — érudit talmudiste; enfin, il est aujourd'hui sous celle non moins éner- gique de M. le rabbin Trénel, ancien élève lui-même de cet établissement. ïSEloul, 140 av. J.-C— Une grande assemblée nationale composée des prêtres, des anciens et de tous les chefs du peuple, est convoquée à Jérusa- lem pour conférer solennellement à Siméon et à ses descendants les dignités de grand-prêtre et de prince des Juifs, avec des pouvoirs très^-étendus et le droit de convoquer les assemblées nationales. A partir de ce jour, tous les actes publics devaient être rédigés en son nom. L'acte d'investiture, daté du 23 Eloull, troisième année du règne de Siméon et 172 des Séieucides, fut gravé sur une table d'airain et placé à l'entrée du parvis du temple ; une copie en fut déposée dans les archives. 24 août 1614. — En ce jour, anniversaire de la Saint-Barthélemy, la po- pulace de Francfort se souleva contre les Juifs, et des détails assez intéres- sants nous ont été conservés parle Mercure français (tom. III, p. 555), dont nous rapportons le récit : «Le 24. août 1614, dès le matin, on avait vu le monde s'attrouper par bandes aux places publiques, et il semblait qu'il se machinait quelque mas- sacre et pillerie (car l'un ne va jamais sans l'autre en une fureur populaire). Mais, sur l'après-midi, ce peuple étant armé de rage, tourna avec impétuosité sa furie sur la place des Juifs. » Au commencement, les Juifs firent de la résistance et barricadèrent de muids et autres embarrassements les portes de leur place ; et même quelques habitants se mirent à les secourir. Au bruit qui se faisait, toute la populace accourut de tous les endroits de la ville, ce qui augmenta la grande quantité de larrons. Alors ni les consuls ni plusieurs honnêtes citoyens qui, à main armée, voulaient empêcher cette sédition, ne le purent faire; car l'assaut s'étant renforcé par la défense que faisaient les Juifs, on voyait ces furieux en sortir les uns ayant un bras emporté, les autres blessés à la tête et au- cuns blessés à mort s'aller faire panser; il n'en mourut toutefois que deux sur place. La nuit venue, et la fureur populaire croissant, les Juifs songèrent à se retirer chacun pour garder sa maison ; mais leur grande porte étant renversée, on n'entendit plus que pleurs et clameurs, que rupture de mai- sons, de portes et de coffres. Et ces pauvres misérables Juifs, abandonnant leurs biens, se retirèrent en leur cimetière, avec leurs blessés, desquels il n'en mourut qu'un. » Le lendemain, tous les citoyens armés et plusieurs d'eux à cheval se rendirent à la place des Juifs où, mettant des gardes sur toutes les avenues, ils commencèrent à arrêter les pilleurs, à leur ôter ce qu'ils emportaient, le mettant en lieu sûr pour le conserver; par cet ordre, ils firent cesser le — 9 — pillage. Mais tous les Juifs retirés dans leur cimetière, voyant les citoyens armés pour les défendre, craignant de retomber sous la fureur du peuple, demandèrent permission de sortir et se retirer, conduits sûrement sur les bords du Rhin avec le reste de leurs meubles et biens que l'on avait sauvés. Là ils s'embarquèrent en divers bateaux, les uns allant en montant le Rhin et les autres descendant. On conta qu'ils étaient quatorze cents Juifs » « On composa ces deux vers qui marquent l'an, le mois et le jour de cette pillerie » : In mense Augusto, Bartholomeïque professo, FranGfortï hel Mlseros serVl praeDantVr Haebreos. 25 août 1622. — Arrêt du conseil de la ville de Bordeaux, qui casse et annulle les lettres de bourgeoisie obtenues depuis vingt ans par un certain nombre de Juifs portugais ; telles sont les familles Alvarez, Fernande, Men- dès, Cardoze, Romero, Lopez et Mendés Fernandez. En 1615, le roi Louis XIII avait chassé de France tous les Juifs, excepté ceux de Bordeaux et de Metz. Mais les Juifs de Bordeaux étaient jaloux de leur faveur, et ils voyaient avec peine des familles juives étrangères s'établir dans la ville. La jalousie et le soin de leurs intérêts leur firent faire des dé- marches auprès du conseil de la ville pour empêcher leurs frères de s'établir à Bordeaux, et nous voyons par cet arrêt du conseil de Bordeaux, qu'ils ne réussirent que trop bien. 29 aowH582. — Un chrétien, ayant assassiné un Juif sur la route de Crémone, et poursuivi par les frères de la victime, se réfugia dans une église, espérant y être dans un asile. Mais, sur la demande des frères, l'évê- que le fit sortir de l'église; et, conduit en prison, il fut bientôt traduit de- vant les juges. Convaincu d'assaosinat, il fut condamné à être pendu et traîné attaché à la queue d'un cheval. Le supplice suivit de près la condamnation. Mais les habitants de Crémone trouvèrent qu'on avait eu tort de violer le droit d'asile d'une église pour une si petite chose que l'assassinat d'un Juif; et, les habitants de Pavie s' étant joints à eux, ils demandèrent à Philippe H, roi d'Espagne, l'expulsion des Juifs. 1 er Tischri, 588 av. J.-C. — Mort de Guedaliah, gouverneur de Jérusalem. Le roi de Babylone, ayant laissé un certain nombre d'habitants dans la Pa- lestine, après la prise de Jérusalem et la destruction du Temple, leur donna 2 — 10 — pour gouverneur un de leurs compatriotes, Guedaliah, fils d'Achikam. Sous sa direction, la tranquillité et l'ordre se rétablirent et on commença à s'oc- cuper des vendanges et de la récolte des fruits. Mais bientôt un traître vint détruire l'espérance des derniers débris de Juda. Ismael, fils de Nathania de la race royale de Juda, jaloux sans doute de l'autorité qu'exerçait Guedaliah et à laquelle il croyait avoir plus de droit par sa naissance, vint à Mispah, siège du gouverneur, pour y assassiner Guedaliah. Il était encouragé dans ce dessein par Baalis, roi des Ammonites, qui voyait avec peine la protection accordée par le roi de Babylone aux restes du royaume de Juda. Le complot d'Ismaël transpira et on en avertit Guedaliah; on lui offrit même de tuer le traître. Mais Guedaliah refusa d'y croire et il tomba victime de sa trop grande confiance. Au premier jour du septième mois (septenibre-oetoLreo88), deux mois à peine après la destruction de Jérusalem, le gouverneur avant invité à un repas plusieurs grands personnages au nombre desquels se trouvait Ismaël, celui-ci, qui avait amené dix hommes de sa suite, se leva subitement avec ses gens, et ils assassinèrent Guedaliah et tous les Juifs et Chaldéens qui composaient sa garde. Le crime d'Ismaël était encore inconnu, lorsque le lendemain quatre-vingts hommes de Siloh, de Sichem et de Samarie pas- sèrent par Mispah pour aller en pèlerinage à Jérusalem ; Ismaël alla au de- vant d'eux et les invita à se rendre chez le gouverneur ; mais à peine entrés dans la ville, ils furent traîtreusement assassinés par les gens d'Ismaël. Celui-ci, obligé de fuir, entraîna avec lui une partie des habitants et se diri- gea vers le pays d'Ammon; mais ils furent attaqués par Johanan, fils de Karéach, et quelques autres capitaines près de Gabaon ; Ismaël seul parvint à s'échapper avec huit hommes et se retira dans le pays d'Ammon. C'est en souvenir de ce déplorable assassinat que fut institué un jeûne, que nous célébrons encore aujourd'hui. Mais comme les deux premiers jours du mois de tischri sont des jours de fêtes, on a remis le jeûne au troisième jour du mois ; et quand Roch-Haschanah tombe le jeudi et le vendredi, le jeûne est remis au quatrième jour. Il arrive même parfois que ce jeûne est célébré cinq ou six jours après son anniversaire ordinaire : si le mole d de Tischri tombe un mercredi, Rosch-Haschana, au lieu d'être en ce jour, est remis au lendemain jeudi, et le jeûne de Guedaliah est célébré le dimanche, ce qui fait cinq jours après. D'un autre côté, si le moled de Tischri est le mardi 9 heures, 204-/1080, Rosch Haschana étant alors le jeudi, le jeûne de Guedaliah est également le dimanche; ce qui fait six jours de diffé- rence. Septembre 1306. — Humbert l accorde à deux Juifs du Dauphiné, Morel d'Amboise et Amyal de Tours, d'établir une banque à Grenoble, en payant chacun vingt livres d'entrée et une redevance annuelle. — 11 — Ils étaient affranchis par ce traité des charges publiques et avaient plu- sieurs privilèges : prêter sur gages, contraindre leurs débiteurs sur un simple acte de seing privé, sans être obligés de se pourvoir en justice; il était dit aussi dans ce traité que leur serment ferait foi pour la valeur de la somme prêtée et pour le terme du remboursement, lorsqu'il n'y aurait rien d'écrit. Septembre 1477. — Apparition du premier livre imprimé de la Bible. C'est le livre des Psaumes avec le commentaire de Kimchi (Redak) imprimé à Bologne. Vingt - cinq ans se sont à peine écoulés depuis l'invention de l'imprime- rie, et déjà plusieurs imprimeries hébraïques fonctionnent activement. Mais chose curieuse à constater et qui marque bien l'esprit du temps, ce n'est pas à la Bible qu'on a songé pour le premier ouvrage à imprimer ; car ce livre des psaumes, qui est bien le premier livre que l'on ait imprimé de la Bible, est loin d'être le premier ouvrage hébreu que l'invention de Guttenberg ait ré- pandu par milliers dans le monde. On avait donné la préférence à des com- mentaires de la Bible et du Talmud. Ces sortes d'ouvrages, alors dans tout leur éclat, primaient la supériorité de la Bible et étaient les premiers dans l'estime du public. Aussi les deux premiers ouvrages que l'on ait imprimés, sont deux commentaires, l'un du Pentateuque, celui de Raschi (février 1475), l'autre l'Arba Tourira, de Jacob ben Ascherjrésumé du Talmud et des com- mentateurs, (1475). Ce n'est que deux ans après, lors qu'avait déjà paru un grand nombre de commentaires , que l'on songea à imprimer le texte même de la Bible ; et il fallut attendre encore onze ans (1488) pour avoir un exem- plaire complet de la -Bible. Mais à parlir de ce moment, les Soncinate et les Bomberg en firent de nombreuses éditions dans tous les formats, avec et sans commentaires. En 1517 parut la première Bible polyglotte, en quatre volumes in-folio ; outre le texte et la traduction d'Onkelos, elle renfermait la Vulgate et la ver- sion des Septante avec une traduction latine. En 1 645 parut la polyglotte de Paris avec sept traductions différentes , et en 1657, celle de Londres ou de Walton, qui donne la Bible en neuf langues différentes, 4 septembre 1320, — Bulle du pape Jean XXII qui condamne au feu tous les exemplaires du Talmud. Cette sentence portée contre le Talmud n'est pas la première en date. Déjà près d'un siècle auparavant la guerre avait commencé contre ce recueil de l'archéologie et de la législation des Juifs. En 1239, Grégoire IX, sur la dé- nonciation d'un juif converti, ordonna une enquête , et le résultat fut, que quelques mois après on brûla une grande quantité d'exemplaires du Talmud et d'autres ouvrages en hébreu. Cette guerre contre le Talmud fut continuée — 12 — par les successeurs de Grégoire IX : Innocent IV en 1244, Clément I en 1267, Honorius IV en 1285 et en 1286, et enfin Jean XXII en 1320 renouve- lèrent la sentence de Grégoire IX, et firent brûler le Talmud. Septembre 1206. — Par un établissement, en date de ce mois, Philippe- Auguste réglementa les obligations contractées par les Juifs et le prêt à usure. Cet établissement porte, entre autres dispositions, qu'aucun Juif rie pourra prendre un plus gros intérêt que deux deniers pour livre par cha- que semaine (16 p. 100); qu'il ne pourra exiger le payement avant que l'année soit écoulée, et sera toujours forcé de le recevoir quand il plaira au débiteur de le payer; que toute obligation devra être scellée par le bailli du roi; que les Juifs ne pourront prendre en gage ni vases ni ornements sacrés, ni vêtements ensanglantés ou 7nouille's récemment ; que le sceau des Juifs sera gardé dans chaque ville par deux hommes de probité, qui feront ser - ment sur l'Evangile de n'apposer ce sceau sur aucune promesse à moins d'avoir une connaissance certaine que la somme est réellement et légitime- ment due ; enfin qu'il n'y aura dans chaque ville qu'une seule personne qui pourra rédiger les obligations passées au profit des Juifs. Septembre 1260. — Ordonnance de Louis IX par laquelle il attribue aux maires des villes* la connaissance des délits commis par les Juifs baptisés, domiciliés dans l'étendue de leur ressort. Cette ordonnance de saint Louis fait partie de cette longue série de lois que le roi avait faites pour attirer les Juifs au christianisme et les détacher du judaïsme par les charges et les humiliations qu'il fait peser sur eux tant qu'ils sont Juifs, et par les avantages qu'il leur accorde s'ils se convertis- sent ; telles sont, par exemple, les ordonnances de 1257 par lesquelles il force les Juifs à restituer les usures et à vendre tous leurs immeubles à l'exception des synagogues et des cimetières ; celles de 1269 par lesquelles il leur impose l'injonction déporter sur leurs habits une marque particulière qui les distingue des chrétiens; enfin, son établissement de 1270, qui dénie aux Juifs la faculté de témoigner et d'être invoqués en justice. 7 septembre 1776. — Arrêt du parlement de Metz, qui ordonne aux reli- gieux du couvent de la propagation de la foi, à Nancy, de remettre à Hayem Elias et à Cerf Isaïe Oulmann les enfants qui leur appartiennent ; fait défense expresse aux couvents, communautés religieuses, et 8 tous autres particuliers, d'attirer et de recevoir dans leurs maisons les enfants des Juifs sous prétexte de religion, avant que les enfants aient atteint l'âge de seize ans pour les garçons et de quatorze ans pour les filles, à peine d'être poursuivis et punis suivant l'exigence des cas. — 13 — Ce n'est pas le seul arrêt que les parlements français aient rendu dans ce sens ; un grand nombre d'autres sont conçus, sinon dans les mêmes termes, du moins dans le même esprit ; et. cela un siècle et plusieurs même avant que du haut du Vatican la voix de Pie IX, se faisant entendre au sujet d'un fait semblable, s'écria : Non possumus. 9 septembre 1236. — Lettre du pape Grégoire IX adressée à l'archevêque de Bordeaux, aux évêques de Saintes, d'Angoulême et de Poitiers, dans la- quelle il déplore l'état pitoyable des Juifs injustement persécutés; il y blâme énergiquement les massacres faits par les croisés qui, au lieu de se préparer à la guerre sainte par les voies de la piété et de la justice, inventaient toutes sortes de maléfices contre les Juifs pour les perdre, et exerçaient contre eux des cruatés inouïes, ne prenant pas garde que les chrétiens sont redevables aux Juifs des véritables fondements de leur religion. Il ajoute qu'il ne faut contraindre personne à recevoir le baptême, parce que l'homme, étant tombé librement , doit aussi se relever par son libre arbitre, et sa propre vo- lonté. Belle et noble leçon donnée, il y a plus de six siècles, par un souverain pontife à ses successeurs ! Mais si elle a été souvent mise à profit, elle a été plus souvent encore dédaignée et rejetée. 11 septembre 506. — Dans le concile tenu à Agde, le 3 des ides de sep- tembre, les évêques réunis adoptèrent la résolution suivante, qui devrait aujourd'hui encore être suivie par le clergé : c'est que les Juifs qui vou- draient se faire chrétiens doivent rester huit mois parmi les catéchumènes; après cette épreuve seulement, s'ils persévèrent, ils doivent recevoir le baptême. 12 septe?nbre 1492. — Lettre de Ferdinand et d'Isabelle à Rodrigue del Mercado, commissaire envoyé dans le district de l'archevêché de Tolède pour y prendre possession des biens des Juifs expulsés de cette partie du royaume. Ils lui écrivent qu'ils ont été informés que quelques personnes ont fait trans- porter hors du royaume de l'or, de l'argent, de la monnaie et d'autres effets qui ont appartenu aux Juifs bannis d'Espagne, et que d'autres en retiennent encore pour la même destination ; ils lui ordonnent de ne négliger aucun moyen pour tout saisir et pour procéder contre les coupables. L'empressement avec lequel Ferdinand et Isabelle cherchent à empêcher la fortune des Juifs de les suivre en exil montre assez quel fut le principal mo- bile et la cause première de l'expulsion des Juifs d'Espagne, qui avait eu lieu le 31 juillet précédent. Cette lettre prouve avec évidence que le désir seul de remplir leur trésor mis à sec fit prendre à Ferdinand et à Isabelle le _ u — prétexte de la religion pour l'exécution de la mesure inouïe qui spoliait tous les Juifs et d'une patrie qui leur était chère malgré toutes les persécutions, et de tous les biens qu'ils possédaient. Tischri, 536 avant J. G. — Cinquante deux ans après la destruction du temple, Cyrus qui était monté sur le trône de Perse vers l'an 560 ou 559 , publia un édit par lequel il autorisait les Hébreux en rentrer en Palestine et à reconstruire le temple. La teneur de cet édit, qui nous a été conservée par le livre d'Ezra, (i. 2 — 4.), était ainsi conçue : » Ainsi, dit Cyrus, roi de Perse, Jehova, le Dieu du ciel, m'a donné tous » les royaumes de la Terre, et c'est lui qui m'a ordonné de lui bâtir un tem » pie à Jérusalem, qui est en Judée. Quiconque d'entre vous est de son peu » pie , que son Dieu soit avec lui, qu'il monte à Jérusalem, qui est en Ju- » dée et qu'il rebâtisse le temple de Jehova, Dieu d'Israël , c'est le Dieu qui » est à Jérusalem; et tous ceux qui (faute de moyens), resteront en arrière » dans les endroits où ils sont établis, les gens de l'endroit les aideront avec » de l'argent, de l'or, du bétail et d'autres biens , outre le don volontaire » pour le temple de Dieu , qui est à Jérusalem. » Les anciens habitants du royaume de Juda profitèrent seuls de cette autorisation ; et c'est à partir de ce moment, que le nom de Yehoudim (Judéens), que, par corruption, on a changé en celui de Juif*, désigna ceux qui professaient la religion de Moïse. Des nombreuses familles des tribus de Juda et de Benjamin , des prêtres , des lévites, répondirent à l'appel de Cyrus et partirent pour la Judée, formant une caravane de prés de cinquante mille individus, y compris plus de sept mille esclaves des deux sexes. Ils avaient à leur tête le prince Zorobabel , arriére petit fils du roi Joïa- chin, et Josué, fils de Josadak et petit -fils du grand prêtre Seraïa, qui, lors de la conquête de Jérusalem, avait été mis à mort par les Chaldéens. Sur l'ordre du roi , Mithridate le trésorier rémit à Zorobabel les vases d'or et d'argent que Nabuchodonozor avait fait enlever du temple de Jéru- salem. La caravane, parti probablement au commencement de la belle sai- son, se trouva, au mois d'Eloul, établie a>ns un certain nombre de villes. Une assemblée nationale fut aussitôt convoquée à Jérusalem pour le septième mois ; on établit un autel provisoire ; on commença à offrir les sacrifices prescrits par la loi ; et on célébra la fête des Tabernacles (Soukkoth) avec toutes les solennités d'usage, (Ezra ml. — 7.) Tischri, 153 av. j. C. — Le trône de Syrie était disputé par Demetrius, fils de Seleucus et Alexandre Balas, se disant fils d'Antiochus Epiphanes : tous deux avaient à cœur d'avoir dans leur parti les patriotes juifs; ils com- blèrent alternativement les Juifs de faveurs pour se les attacher. Demetrius — 15 — écrivit à Jonathan, frère et successeur de Juda Macchabée, pour lui conférer le commandement de la Judée, l'autorisant à lever des troupes et à faire pro- vision d'armes ; il fit rendre les ôtages qui se trouvaient dans la citadelle de Jérusalem ; et les garnisons syriennes évacuèrent les places de la Judée, à l'exception de la citadelle de Bethsour et de celle de Jérusalem . Alexandre renchérit sur les offres de Demetrius et, appelant Jonathan son frère et ami du roi, il lui envoya une couronne d'or et une robe de pourpre et lui conféra la dignité de grand-prêtre. Jonathan qui avait accepté les concessions de Demetrius, sans prendre aucun engagement envers lui, accepta également les offres d'Alexandre et n'hésita pas à reconnaître ce prétendant, qui, par sa position même, lui offrait plus de garanties que toutes les promesses de Demetrius. A la fête des Tabernacles de l'an 160 des Séleucides (153 av. J.-C), Jonathan se présenta pour la première fois au Temple, revêtu des ornements pontificaux, et ouvrit la série des grands-prêtres asmonéens. Douze ans plus tard, son frère Siméon y joignit encore, comme nous l'avons vu (V. p. 353), le titre et l'autorité de prince des Juifs; et en l'an 129, Jean Hyrcan se ren- dit tout à fait indépendant après la mort d'Antiochus Sidètes et la défaite de l'armée syrienne par Phraates, roi des Parthes. 16 septembre 1199. — Lettre du pape Innocent III en faveur des Juifs, dans laquelle il défend de les forcer à recevoir le baptême, de leur ôter leurs biens par violence, de les troubler dans la célébration de leurs fêtes, d'exi- ger d'eux des services qu'ils ne devaient pas, de prendre quoi que ce soit de leurs cimetières ou de déterrer leurs morts. 17 septembre \ 394. — Edit de Charles VI qui enjoint à tous les Juifs, tant de la langue d'Oïl que de la langue d'Oc, de sortir incessamment du royaume; et dix jours après, il donna commission au sénéchal de Beaucaire de conduire sûrement ceux de sa sénéchaussée hors de France. Le 3 novembre suivant il lui ordonna de saisir leurs biens au profit du trésor. Ainsi, après un grand nombre de lois et ordonnances favorables aux Juifs, édictées par Charles VI depuis le commencement de son règne, un moment de gêne et de pénurie, où ses trésors se trouvèrent à sec, lui fit rendre cet édit par lequel il espérait remplir son trésor; il avait été, d'ailleurs, circon- venu depuis longtemps par des ennemis des Juifs, qui saisirent cette occa- sion avec joie. 18 septembre 1761. — Le maréchal de Richelieu, gouverneur de Guienne, rend une ordonnance portant qu'à l'exception des Juifs portugais, et en — 16 — exceptant aussi ceux qui, par des lettres-patentes particulières, ont obtenu la permission de s'établir à Bordeaux, il était défendu à tous les Juifs tu- desques ou allemands et autres de s'y établir; et que, cependant, -au mépris des ordonnances, il y en avait un très - rand nombre d'établis (cent cin- quante-deux environ); qu'en conséquence il ordonnait à ces Juifs de sortir, dans quinze jours pour tout délai, de la ville de Bordeaux, chargeant les syndics des Juifs portugais de l'exécution de la présente ordonnance. Ces Juifs expulsés, qui habitaient les rues du Caire, Bouhant, Mingin, Porte des-Capucins,Fagnas, Sainte-Eulalie, d'Aquitaine, des Augustins, etc., ne durent leur malheureux sort qu'à l'envie et à la jalousie des Juifs portu- gais qui, en 1622 et en 1734, avaient déjà obtenu une pareille mesure contre leurs coreligionnaires. Tischri, lZk av. J.-C. — Jean Hyrcan, après l'assassinat de Siméon, son père, par Ptolénée, fut assiégé dans Jérusalem par Antiochus Sidetès. Ce siège durait déjà depuis quelques mois, et les vivres commençaient à man- quer, lorsqu'à l'approche des fêtes d'automne, Jean Hyrcan demanda une trêve pour la célébration des fêtes. Antiochus accorde cette demande et en- voie des victimes pour les sacrifices et des coupes d'or et d'argent remplies d'aromates. Hyrcan, touché de ce procédé, demande aussitôt à traiter, et Antiochus y consent. Toutes les conditions du roi de Syrie sont acceptées par le prince des Juifs, excepté celle du rétablissement de la citadelle, à laquelle Hyrcan, en bon patriote, ne veut pas consentir. Antiochus accepte en sa place une somme de cinq cents talents d'argent et des ôtages, parmi lesquels se trouva un frère de Hyrcan. C'est ainsi que le pays se trouva de nouveau sous la dépendance de la Syrie, mais pour quelque temps seulement; car, à la mort du roi de Syrie, qui fut tué dans un combat contre Phraates, roi des Parthes (129), Hyrcan se rendit entièrement indépendant. Démétrius Nicator avait alors une armée trop affaiblie pour qu'il put songer à une nouvelle expédition contre les Juifs, qui furent délivrés pour toujours du joug syrien, Tischri, 95 av. J.-C. — Depuis que Jean Hyrcan avait quitté le phari- saïsme pour devenir Sadducéen, les Pharisiens portaient une haine mortelle à la famille des Maccabées, et ils n'attendaient qu'une occasion pour la faire éclater. Les guerres infructueuses d'Alexandre Jeannée la fournirent, et une révolte éclata au Temple même, le jour de la fête des Tabernacles (Soukkoth), au moment où Alexandre, fonctionnant comme grand-prêtre, offrait le sacri- fice de la fête. Des hommes du parti des Pharisiens lancèrent contre lui les cédrats qu'ils tenaient dans leurs mains, selon l'usage prescrit pour la fête, et vociférèrent contre lui en l'appelant fils d'une captive et indigne du ponti- — 17 — . ficat. Le roi en fureur ordonna à sa garde étrangère de charger le peuple ; la mêlée devint générale, et six raille hommes du peuple tombèrent en ce jour. 22 septembre 1562. — A l'occasion de la naissance d'un fils de Guillaume, prince de Mantoue, la populace, excitée par des meneurs qui lui promettaient l'impunité, résolut de se jeter sur les Juifs et de piller leurs demeures. Les Juifs, ayant eu vent de l'affaire, font avertir le prince, qui leur envoya main forte, et ils se défendirent avec courage contre les émeutiers. Beaucoup des assaillants périrent, tandis que les Juifs n'eurent aucune mort à déplorer. A la suite de cette émeute, le prince fit faire une enquête minutieuse; on incarcéra un grand nombre de ceux qui y avaient pris part, et on les punit avec sévérité. L'alarme qui avait troublé la fête de Simchath-Thora se dissipa, et ils célébrèrent cette fête en remerciant la Providence de les avoir sauvés. 24 septembre 1584. — Le pape Grégoire Xlil ordonna que dans toutes les villes du Saint-Siège où se trouverait un certain nombre de Juifs, un prê- tre, docteur en théologie, leur ferait deux conférences par semaine, pour les amener au Christianisme. Ces conférences n'atteignaient jamais le but que se proposaient ceux qui les instituaient ; elles demeuraient toujours stériles, mais c'était d'ordinaire un acheminement à des voies moins humaines. On voulait montrer au peu- ple l'entêtement des Juifs et l'amener à se jeter sur eux et à les forçer, par des massacres, à accepter le baptême; mais là encore le succès répondait rarement aux moyens qu'on employait : les Juifs préféraient la mort à l'a- postasie. 25 septembre 1657. — Lettres patentes du roi Louis XIV, qui confirment toutes celles données précédémment en faveur des Juifs de Metz et leur ac- cordent d'étendre leur commerce sur toutes sortes de marchandises. Le corps des marchands s'opposa à leur enregistrement; les Juifs, de leur côté, représentèrent, que devant leur établissement à Metz à la bonté du roi, il fallait qu'on leur laissât les moyens d'y subsister, que supportant les charges publiques, ils ne devaient pas être traités moins favorablement que les changeurs étrangers et non naturalisés ; qu'enfin ils n'entendaient faire le commerce des marchandises neuves que comme marchands forains, c'est-à-dire, en magasins, sans exposition, ni boutiques ouvertes. Les marchands se pourvurent par requête civile contre cet arrêt, sous prétexte qu'il était contraire à celui de 1634. Mais un arrêt de juillet les débouta de leur requête. 3 — 18 — 27 septembre 1791. — Sur la proposition de M. Duport, appuyée par M. Regnanlt, il est décrété que les Juifs jouiront en France des droits de citoyen actif. L'Assemblée nationale venait d'accomplir un grand acte de réparation qui, plus de deux ans auparavant, avait déjà été demandé pour la première fois par un ecclésiastique, par l'abbé Grégoire, qui, dans la séance du 3 août 1789, en annonçant le vœu des curés de son bailliage, fit le tableau des persécu- tions inouïes qu'on venait d'exercer en Alsace contre les Juifs ; il dit que, comme ministre d'une religion qui regarde tous les hommes comme frères, il devait réclamer dans cette circonstance l'intervention du pouvoir de l'Assem- blée en faveur de ce peuple proscrit et malheureux. 28 septembre 1791. — Mais le lendemain de cette mémorable séance, où la proposition de M. Duport passa sans discussion, pour donner satisfaction aux représentants de l'Alsace, qui jusque-là avaient combattu toute mesure favorable aux Juifs avec une persistance digne d'une meilleure cause, l'As- semblée nationale rendit un décret humiliant et vexatoire contre les Juifs de l'Alsace. Le 13 novembre suivant, deux lois de Louis XVI sanctionnèrent ces décrets si différents par la pensée qui les avait dictés. 29 septembre 1010. — Al-Hakem , khalife d'Égypte, fait détruire de fond en comble l'église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem. On accuse aussitôt les Juifs d'avoir été les instigateurs de cet acte de vandalisme; et dans toute l'Europe la populace, soulevée et ameutée contre eux, les persécute et les maltraite. Les uns sont massacrés par le fer, les autres noyés dans les ri- vières; peu cependant d'entre eux se convertissent. Plusieurs villes de France, particulièrement Orléans et Limoges, se signalent en cette occasion par leurs fureurs. 1 er octobre 1846. — Conformément à un ukase de l'empereur de Russie, du mois de septembre 1845, tous les Juifs de Pologne devaient échanger le costume juif contre le costume polonais, russe ou français. Mais, chose extraordinaire, lorsque pendant le moyen- âge les Juifs étaient obligés de porter certaines marques distinctives, ils supportaient avec peine ces mesu- res ; et en 1846, il fallut user de violence pour forcer les Juifs de Pologne à quitter le costume qui les dibtinguait. Anomalie étrange ! mais qui fait comprendre jusqu'à quel point l'amour de la liberté est inné dans l'homme. 4 octobre 1281. — Lettre d'Edouard I au sénéchal de Gascogne et au connétable de Bordeaux. Il leur marque qu'il est informé que la communauté des Juifs de Gasco- — 19 — gne, à l'instigation de certains de leurs envieux, se trouve surchargée d'im- pôts levés sous les prétextes les plus futiles, et qu'on sévit avec la plus grande rigueur contre les Juifs qui ne peuvent les payer; qu'il n'entend point que les Juifs soient persécutés de la sorte, et que lorsque la justice aura à s'occuper d'eux, elle le fasse avec la même impartialité et les mêmes formes que s'ils étaient chrétiens. Ainsi, pendant que Philippe III, dit le Hardi, roi de France, suivait les traditions de Saint-Louis son prédécesseur, en ce qui concernait les vexa- tions contre les Juifs et les entraves apportées à leur commerce, Edouard I roi d'Angleterre, cherchait à alléger par tous les moyens, les charges que l'on faisait peser sur eux dans cette partie de la France qui lui appartenait. Déjà en 1275, à propos de la cherté des vivres qui se faisait sentir, il avait défendu à son connétable de Bordeaux d'opprimer les Juifs ou de les imposer sans son ordre. 8 octobre 1363. — Lettres du maréchal Daudeneham,' qui ordonnent que les Juifs seront payés de ce qui leur est dû par les chrétiens, nonobstant tou- tes lettres d'Etat. Le maréchal donne pouvoir aux Juifs de poursuivre leurs débiteurs ou leurs héritiers et de faire saisir leurs biens. Il mande à tous les sénéchaux, baillis, etc., etc. , des sénéchaussées de Toulouse , de Carcas- sonne et de Beaucaire, de leur prêter main forte an besoin. 10 octobre 1317. — Mandement de Philippe V, dit le Long , adressé au sénéchal de Beaucaire et au recteur de Montpellier. Quelques habitants de ces villes se trouvant surchargés de dettes qu'ils avaient contractées envers des Juifs, ne trouvant d'autres moyens de s'allé- ger, portèrent plainte au roi et accusèrent les Juifs d'usure; et pour que le roi y ajoutât foi, ils ajoutèrent que , depuis un certain nombre d'années, les Juifs éludaient ou négligeaient entièrement la loi qui leur imposait de porter sur leurs habits des marques distinctives. Philippe V ne demanda pas mieux que de croire à ces accusations et il ordonna aussitôt, par un mandement, en date de ce jour , de réprimer les usures des Juifs et de les obliger de porter sur leurs habits la rouelle qui leur était imposée depuis le concile de La- tran. 15 octobre 1167. — Raymond Trencavel, vicomte de Béziers , ayant été assassiné , on accusa aussitôt de ce crime les Juifs , dont on incarcéra les principaux et les plus riches. Mais bientôt, après une enquête minutieuse , on acquit la certitude et la preuve de leur innocence, et on les relâcha. Et au mois de février 1170, Roger II , ayant acquis la preuve que cet as- sassinat avait été commis par suite d'une conspiration des habitants de Bé- — 20 — ziers , en incarcéra une partie et fit pendre les autres à des potences. « On » ne fit quartier, dit Dom Vaissctte (dans son histoire du Languedoc), » qu'aux Juifs, qui apparemment n'avaient pas trempé leurs mains dans le » sang de Trencavel. » Cette apparence d'innocence dont parle le bénédictin, doit être regardée comme une certitude ; car les Juifs à cette époque n'étaient pas assez aimés pour qu'on les épargnât sur une simple apparence. 15 octobre 1374. — Lettres de Charles V ou le Sage , qui prolongent le temps, pendant lequel il est permis aux Juifs de demeurer en France. Son père Jean 11 avait déjà en mars 1360 permis aux Juifs de rentrer en France et d'y demeurer pendant vingt ans, moyennant une certaine somme en entrant et une redevance annuelle. Charles V lui - même , à peine monté snr le trône, avait confirmé les privilèges accordés par son père et prolongé de six ans leur permission de séjourner en France. Enfin, en 1374, sur la supplique présentée par Manessier de Yezou, juif, procureur général des Juifs et Juives demeurant dans le royaume, et après mûre délibération en son conseil , il prolongea de dix ans le terme de vingt- six ans qui avait été fixé par lui : il leur accorda par ces lettres patentes les mêmes franchises , immunités et privilèges qu'auparavant et les soumit aussi aux mêmes redevances. Ce n'est pas cependant sans bourse délier qu'ils obtinrent cette prolon gation ; Charles V reçut d'avance, comme il le dit lui-même dans ces lettres patentes, « une somme de trois mille francs d'or. » 18 octobre 615 . — Edit de Clotaire qui défend aux Juifs d'intenter des procès aux chrétiens. C'était le renouvellement de la constitution que Valentinien III avait adres- sée au préfet des Gaules l'an 435. Cet édit ne fut fait qu'à l'instigation des évêqnes qui, l'année précédente (614) réunis en concile à Paris, avaient déjà fait entrer cette mesure dans celles qu'ils avaient adoptées (Canon XV.) 48 octobre 1429. — Jeanne II ordonne à Louis d'Ange, duc de Calabre d'exiger de chaque Juif, homme ou femme, le tiers d'un écu comme impôt extraordinaire. La somme fut si grande, qu'elle compensa toutes les dé- penses que la reine avait faites en Asie pour racheter le tombeau de J. C. 20 ou 21 octobre 1363. — Règlement sur les Juifs, les réformateurs gé- néraux et particuliers, etc. Par ce règlement, Jean II rappelle aux Juifs que tous ils sont obligés de — 21 — porter sur leurs habits une rouelle rouge et blanche, de la grandeur du grand sceau royal et qui sera placée en un lieu apparent. Ceux même, qui au- raient obtenu des privilèges de ne pas en porter, seraient soumis à ce règle- ment. Il ajoute que tous les Juifs seront justiciables des juges ordinaires sous la juridiction desquels ils seront domiciliés, et qu'aucun chrétien ne pourra s'obliger par corps envers un Juif. 21 octobre 1486. — Le conseil municipal de la ville de Carpentras, pour se conformer aux ordres de l'autorité supérieure, accorde aux Juifs de cette ville la rue de la Muse, à la condition d'établir aux extrémités deux portes fermant à clef; et toutes ces maisons ne devaient avoir aucune vue ou pers- pective sur les rues deb chrétiens ; et cela, pàrce que Je fils de l'esclave ne doit pas être associe au même rang que le fils de la femme libre. Ce langage est loin d'être celui qui conviendrait à un gouvernement pa- ternel, comme s'intitule le Saint-Siège; et cependant c'est là le langage de l'administration de la ville de Carpentras, alors qu'elle était sous le pouvoir des papes et qu'Innocent VIII occupait le trône pontifical. 21 octobre 1721. — Déclaration de Léopold, duc de Lorraine, qui permet à cent quatre-vingts familles juives de continuer leur résidence dans les états de ce prince, d'y exercer leur religion sans bruit ni scandale et de faire le commerce en se conformant aux ordonnances, usages et règlements des lieux où ils seraient domiciliés. C'est là le premier acte public qui légalise la position des Juifs en Lor- raine et qui leur est tout à fait favorable. Cependant quinze ans après (1736), ce même duc de Lorraine apporta quelques restrictions à cette liberté dont jouissaient les Juifs, et les força à habiter des quartiers ou rues séparés. 22 octobre 1586. — Bulle du pape Sixte V, en vertu de laquelle il est permis aux Juifs de demeurer dans les Etats Romains,, de louer des maisons dans toutes les villes, de vivre en familiarité et de commercer avec les chré- tiens ; de suivre leur religiou et leurs lois ; de lire leurs livres sacrés, après cependant qu'on les aurait purgés de tous blasphèmes. Leurs synagogues et leurs cimetières leur furent rendus. [Ils avaient à payer un impôt modéré qui devait les garantir de tous péages et droits. Leurs causes étaient attribuées aux juges ordinaires, qui devaient les juger comme s'il se fût agi des chrétiens. 28 octobre 1790. — L'assemblée représentative du comtat d'Avignon dé- crète que, dorénavant les Juifs cesseraient d'être distingués , d'une manière humiliante pour l'humanité, par le chapeau jaune. _ 22 — Cette obligation de porter un chapeau jaune était depuis un nombre d'an- nées tombée en désuétude ; mais les lois qui l'imposaient n'avaient pas en- core été abrogées; ce n'est qu'à la veille du jour où l'égalité complète des Juifs allait être proclamée par la révolution française que ce décret intervint et abolit toutes les lois vexatoires faites contre les Juifs. Fin octobre (calendes de novembre 581). — Dans le concile tenu à Maçon, l'assemblée des évêques s'occupa spécialement des mœurs et de la manière de vivre pour tout le monde chrétien Elle ne pouvait pas oublier les rela- tions des chrétiens avec les Juifs ; aussi trouvons-nous plusieurs canons qui établissent une barrière entre nos pères et les chrétiens. Can. XIII. Les Juifs ne doivent êtres ni juges des chrétiens, ni percepteurs d'impôts; ils ne doivent, en un mot, occuper aucun office public. Can. XIV. — Ils ne doivent pas être rencontrés dans les rues à partir du Vendredi saint jusqu'après le dimanche de Pâques. Ils doivent aussi tenir en grand honneur et en vénération tous les membres du clergé. Can. XV. — Les chrétiens, clercs ou laïques, ne doivent pas prendre part aux repas des Juifs. Can. XVI. — Les chrétiens ne doivent pas servir les Juifs ni comme domestiques, ni comme nourrices. Les esclaves chrétiens , qui actuellement encore appartiennent à des Juifs, doivent être rachetés douze sols. Si les Juifs ne veulent pas les vendre, il est permis aux esclaves de se retirer chez des chrétiens. Novembre 1196. — Les croisés arrivés à Vorms y exercèrent le pillage et l'assassinat. Dans la maison du Rahbin Eléazar ben Jehouda, ils assassinent avec un raffinement de cruauté sa femme, son fils , ses filles, ses disciples, pillent la maison, et ne laissent à ce malheureux père que la triste vie, pour déplorer ces horribles calamnités. Novembre 1223. — Etablissement touchant les Juifs, fait par le roi Louis VIII, de l'avis et du consentement des prélats , comtes, barons et au- tres vassaux du royaume possédant des Juifs. I. — A partir de ce jour de Toussaint, ni le roi, ni les barons ne forceront au payement des intérêts de tout ce que l'on doit aux Juifs. il. — Quant aux créances, elles sont payables en trois années, et trois termes par chaque année aux seigneurs, dont les Juifs sont serfs ou main- mortables. — 23 — III. — Aucun ne peut retenir sur ses terres les Juifs appartenant à un autre. IV. Les Juifs ne peuvent pas apposer eux mêmes leur sceau. V. — Les Juifs devront faire enregistrer les sommes qui leur sont dues avant la fête de la Purification de la Vierge. Toutes celles qui n'auront pas été enregistrées ne leur seront pas payées. VI. Toutes les créances remontant au-delà de cinq ans , ne seront pas re- connues comme valables et ne devront pas être payées. C'est là un des premiers actes de Louis VIII : à peine monté sur le trône, il croyait de son devoir de payer au peuple et aux barons sa bienvenue et il le fit aux dépens des Juifs. 1 er novembre 1478. — Bulle du pape Sixte IV , autorisant Ferdinand et Isabelle à établir un tribunal de l'Inquisition dans le royaume de Castille. « Il est facile, dit Llorente , de se convaincre que le Judaïsme ne fut que le prétexte de l'établissement de l'Inquisition par Ferdinand V et que le véri- table motif de cette mesure , fut de mettre en vigueur contre les Juifs un système de confiscation qui devait faire passer toutes les richesses des Juifs entre les mains du gouvernement, tandis que Sixte IV , de son côté, n'avait d'autre but que de réaliser le projet, si cher à la cour de Rome, d'étendre sa domination. » 2 novembre 1781. — Ordonnance de l'empereur Joseph II, qui enjoint aux autorités et aux prêtres d'instruire le peuple, pour qu'il ait à regarder do- rénavant les Juifs comme égaux à leurs coreligionnaires , comme des conci- toyens. Le dix-huitième siècle, avec sa philosophie et la propagande des idées révolutionnaires, avait sapé dans ses bases les principes d'inégalité et d'in- tolérance. Joseph IL, pour se mettre au niveau de son temps, fit cette ordon- nance, qui eut jusqu'à ce jour peu de succès, puisque en ce moment on at- tend encore la loi qui donne aux Juifs l'égalité civile. Mais on peut espérer que prochainement la chambre des représentants de Vienne rendra enfin jus- tice aux efforts que les Juifs ont faits pour mériter leur complète émancipa- tion. La commision des cultes de la Chambre , dans son travail sur YEdit de la Religion qni doit être soumis à la délibération , établit l'égalité la plus absolue des divers cultes entre eux et leur complète indépendance ; la reli- gion du citoyen ne peut, en aucun cas, être une cause de restriction dans la jouissance des droits civils et politiques , ni d'exclusion des dignités, fonc- tions et emplois publics. — M — 5 novembre 1855. — Par lettres patentes, datées de Lisbonne, un juif, M. Denis Samuel esq., est créé baron dans le royaume de Portugal, dont les Juifs étaient bannis depuis des siècles. L'impératrice douairière du Brésil ré- solut de payer sur sa cassette particulière les frais attachés à cette nomina- tion, afin de témoigner par là son estime et son affection toutes spéciales pour le nouveau dignitaire. Le temps efface peu à peu la ligne de séparation, que le moyen-âge, avec sa barbarie et son ignorance, avait établie entre les hommes. Et si jusqu'à ce jour il est resté des pays où nos frères souffrent encore, Dieu ne les abandonne pas ; et le jour se prépare où tous les hommes se reconnaîtron; comme frères , n'importe à quelle croyance ils appartiennent. 8 novembre 535. — Dans le concile de Clermont en d'Auvergne, on s'oc- cupa des Juifs et nous en avons pour preuve le canon IV, qui défend de pla- cer des Juifs à la tête des populations comme juges ou comme employés ci- vils ou militaires. Cette défense fut renouvelée les années suivantes par le troisième concile d'Orléans. 4 Kislew, 522 av. J. G. Prophétie de Zacharie touchant les jeûnes. » Dans la quatrième année du règne de Darius, dit M. Munk, (dans sa » Palestine), il fut question, parmi les Juifs, d'abolir les jeûnes publics qui » avaient été établis en commémoration des désastres de la Judée. Depuis la » destruction de Jérusalem, quatre jours de l'année avaient été consacrés au » deuil et au jeûne : le 9 du quatrième mois (Tamouz), jour de la prise de » Jérusalem par les Chaldéens : le 10 du cinquième mois (Ab) (1), jour de » l'incendie du temple et de la ville de Jérusalem ; un jour du septième mois, » en commémoration du meurtre de Guôdaliah (2) ; le 10 du dixième mois, » jour auquel avait commencé le siège de Jérusalem. » Quelques Juifs s'adressèrent au prophète Zacharie, pour lui demander » s'il fallait encore continuer à célébrer ces jeûnes ; le prophète ne fit pas » de réponse décisive, mais il profita de cette occasion pour faire compren- » dre à ceux qui l'interrogeaient, combien peu les cérémonies extérieures » sont agréables à Dieu , lorsqu'on néglige les devoirs de la justice et de la » charité 11 leur montra que le mépris des devoirs moraux avait été la prin- » cipale cause des malheurs qui avaient frappé leurs pères , et que la prati- » que de la vertu pouvait seule leur assurer un heureux avenir. Les jours du » jeûne, dit-il, seront convertis en jours de joie et de fête; mais vous, aimez )> la vérité et la paix. » (1) Voir nos éphémérides, 11 juillet. (2) Voir nos éphémérides, 29 août. — 25 — Novembre 1464. — Lettres patentes de Louis XI confirmant celles données par Charles VII, le 15 mai 1315, pour tout ce qui concerne la ville de Nî- mes (1). On voit, d'après ces lettres, que de nombreuses plaintes étaient parvenues au roi au sujet de la fortune des Juifs ; on les accusait d'exactions et d'usure. Le roi, voulant faire droit à ces plaintes, nomma des commissaires pour juger l'affaire et rendre exacte justice. L'avis des commissaires n'ayant par été défavorable aux Juifs, on les accusa eux-mêmes d'entente avec les Juifs et on porta plainte contre eux. Le roi renvoya les commissaires. 9 novembre 1846. — Frédéric-François, grand duc de Schwérin, abolit le tribut de l'octroi que les Juifs payaient jusqu'à ce jour. Ce tribut de l'octroi était un impôt de capitatien que les Juifs devaient ac^ quitter à l'entrée des villes, comme on le faisait des marchandises et des animaux. Dans les tristes et malheureux jours du moyen âge, cet impôt était facile à percevoir sur les Juifs; parce qu'alors on les reconnaissait soit à la rouelle écarlate ou jaune, soit à la forme et à la couleur du chapeau. Mais ces distinctions de vêtements étant tombées en désuétude, le tribut se percevait difficilement. D'ailleurs le progrès des idées imposait au grand duc d'abolir cet impôt qui, depuis de longues années, aurait dû ne plus exister pour l'honneur de l'humanité. 11 novembre 1574. — Plusieurs lettres patentes du roi Henry III en faveur des Juifs (2). Rappelant les lettres favorables aux Juifs portugais que les rois ses pré- décesseurs lui avaient léguées comme modèle, il déclara renouveler toutes celles de Henry II, en ce qui concerne leur état et leur commerce en France. Les adressant au parlement de Bordeaux, il lui enjoint de les protéger et de les secourir quand besoin sera. Il défend surtout de poursuivre les Juifs par des injures. 15 novembre 1794. — Circulaire adressée l'an n de la république aux républicains et philosophes de la ci-devant religion juive, par M. Bigerot, officier municipal de la ville de Nancy. Cette circulaire, écrite le 23 brumaire, était ainsi conçue : « Le conseil-général de la commune me charge, citoyens, de vous en- voyer l'extrait de sa délibération d'hier, que vous trouverez ci-inclus. Plein de confiance en votre civisme et vos lumières, il espère que vous vous em- (1) Lois et ordonnances des rois de France, t. xvi, p. 104. (2) Recueil des lettres patentes en faveur des Juifs portugais, n° m, iv. — 26 — presserez à venir abjurer sur l'autel de la patrie les erreurs antiques de la superstition avec les ministres des autres cultes. » En conséquence, décadi prochain, troisième décade du courant, le peu- ple, assemblé dans le temple national, recevra, en présence des corps ad- ministratifs, l'offrande que vous viendrez lui faire, au nom de la patrie, de vos chartes mystiques, ainsi que de tous effets d'or ou d'argent, meubles, ornements, emblèmes qui servaient à l'usage de votre culte. » Beaulieu, Darly, Prieur etBlachier, officiers municipaux, sont commis- saires pour recevoir tous ces effets. Vous voudrez bien en dresser un inven- taire double, au bas d'un desquels vous en recevrez la décharge, et ils vous indiqueront où vous devrez les déposer. » Salut et fraternité. Bigerot, officier municipal. » Kîslew 605 avant J.-C— -Joïakim fait jeter au. feu le livre que Baruch avait écrit sous la dictée de Jérémie. « Dans le neuvième mois (décembre) de la cinquième année de Joïakim, » on proclama à Jérusalem un jeûne public, pour implorer le secours de Jé- » hova contre les Chaldé^ns. Jérémie profita de cette occasion pour faire lire » publiquement, dans le parvis du temple, par son secrétaire Baruch, fils de » Néria, ses. discours qu'il avait fait mettre par écrit l'année précédente. » Cette lecture fit une si profonde sensation, qu'on en apporta la nouvelle » au palais, dans le cabinet d'Elisama, secrétaire du roi, où plusieurs grands » dignitaires se trouvaient alors assemblés. Baruch fut aussitôt mandé chez » le secrétaire, et sur la demande des dignitaires il donna lecture du livre » qu'il déclara avoir écrit sous la dictée de Jérémie. Les courtisans furent » eux-mêmes profondément émus ; espérant que le livre ferait quelque îm- » pression sur le roi, ils demandèrent à Baruch de le leur laisser, et lui » conseillèrent en même temps de se cacher ainsi que Jérémie. Ensuite ils » allèrent raconter au roi ce qui s'était passé dans le temple. Joïakim averti » que le rouleau de Jérémie était dans le cabinet du secrétaire, l'envoya » chercher par un certain Jehudi, qui lui en fit la lecture. Le roi se tron- » vait alors dans un appartement d'hiver, où un réchaud était allumé devant » lui : à mesure que Jehudi avait lu trois ou quatre colonnes, Joïakim lui » ordonnait de les couper et de les jeter au feu, en sorte que peu à peu tout » le rouleau fut consumé, malgré les instances de quelques -uns des assis- » tants, qui le priaient d'épargner ce livre. Le roi ordonna ensuite l'arresta- » tion de Jérémie et de Baruch, mais on ne put les découvrir. Jérémie. dans » sa retraite, fit écrire de nouveau les discours qui avaient été brûlés, et aux »> quels il en ajouta quelques autres, notamment un oracle fulminant contre s> Joïakim dont le cadavre, disait il, serait jeté ponr être exposé à la chaleur » pendant le jour et au froid pendant la nuit. Il ne paraît pas que le pro^ — 27 — » phôtc se soit de nouveau présenté au public avant la mort de Joïakim (1).» Novembre 1223. — Lettres de Philippe- Auguste touchant les prêts des Juifs. Voulant faire peser plus fort encore sur les Juifs le poids de leur sujétion il règle avec plus d'arbitraire encore qu'en 1218, les relations des Juifs et des chrétiens ; il soumet les actes de créance à des formes particulières et renouvelle l'obligation d'un sceau particulier. Ce sceau, ce ne sont pas les Juifs eux-mêmes qui doivent l'apposer, mais des hommes nommés ad hoc : et pour cela il délègue le pouvoir aux autorités de choisir deux hommes qui seront gardiens du sceau et qui ne devront l'apposer que lorsqu'il leur sera avéré que la dette est réelle et qu'elle n'est pas augmentée par la somme des intérêts. (V. Lois et ordonnances des rois de France, t. xi, p. 315.) 18 novembre 1285. — Bulle d'Honorius IV donnée le 1U des calendes de décembre. Il se plaint, dans le préambule, de la puissance laissée encore aux Juifs de pouvoir entraîner les chrétiens à des actes contraires à leur foi. Il craint de voir les chrétiens fréquenter les synagogues et les maisons particulières des Juifs ; les rapports intimes des Juifs et des chrétiens pourraient avoir les suites les plus fâcheuses et les plus funestes. Car déjà les chrétiens ne se font aucun scrupule de prendre part aux repas des Juifs et de manger'des mets préparés selon le rite usité chez les hérétiques ; déjà aussi les chrétiens se met- tent aux gages des Juifs soit comme domestiques, soit comme nourrices et font les dimanches et jours de fête des œu\res serviles; il arrive souvent aussi que, par suite de cette intimité, des personnes de religions différentes ont en- semble un mauvais commerce ; enfin, les Juifs dans leurs prières journalières maudissent les chrétiens, commettent d'autres abus et étudient un livre, nommé Talmud, rempli de faussetés et d'abominations qu'ils font étudier également à leurs enfants. En conséquence de tous ces motifs ïïonorius IV, pour obéir aux bulles des papes ses prédécesseurs et aux canons des con- ciles, condamne le Talmud, défend aux chrétiens ou chrétiennes de se mettre aux gages des Juifs, leur défend de prendre des repas en commun avec eux et ordonne aux ecclésiastiques d'y pourvoir par défenses et peines spirituelles et temporelles et autres moyens convenables qu'ils devront exprimer dans leurs sermons. (Voyez Reynald, annales ecclésiastiques, vol. 15, p. 28 et 29.) 19 novembre 1380. — Charles VI, par lettres patentes en date de ce jour, charge Guillaume du Bois et Jehannin Gandorien sergents d'armes, d'aller à Manthes s'informer secrètement de ceux qui avaiant pris les biens des Juifs, (1) V. Jérémie, ch. 36 ; Munk Palestine, 344 345 a. — 28 — dans une sédition qui eut lieu contre eux, de faire l'inventaire de leurs biens, de les mettre en sûreté pour la conservation des droits de ceux à qui ils ap- partiennent. (Voyez Sauvai, antiquités de Paris, t. n, livre x.) Charles VI était à peine monté sur le trône qu'on crut que le règne de ce prince serait plus défavorable aux Juifs que ne l'avait été celui de son prédé- cesseur Charles V. On crut donc le moment opportun de se jeter sur les mai- sons des Juifs, de les piller et surtout de brûler les titres des créances. C'é- tait un moyen expéditif d'acquitter ses dettes. Mais Charles VI ne voulut pas tolérer cela, et nous voyons, par cette commission qu'il confia à deux de ses ommes d'armes, qu'il entendait continuer sa protection aux Juifs comme l'avait fait Charles V. 20 novembre 1684. — Arrêt (1) du Conseil d'Etat qui chasse du royaume quatre vingt-treize familles de Portugais établies dans les villes de Bordeaux, Bayonne, Bidache, Dax et Peyrehourade. Cet arrêt n'étant qu'une mesure correctionnelle pour punir les Juifs de ce que plusieurs d'entre eux étaient allés s'établir dans la Hollande et y avaient porté leur industrie et leurs richesses, fut annulé quelques mois après (11 janvier 1686) par un nouvel arrêt qui permit à tous les étrangers quelle que fût leur condition, qualité ou religion, d'entrer dans le royaume et d'en sortir sans être tenus à d'autres formalités que de faire leur déclaration devant les juges des lieux où leurs affaires les appellent. 25 Khlew. — Fête de Hanoucah ou inauguration de l'autel par Juda Maccabée. Ce jour qui (en 167 av. J. C.) avait vu la profanation du temple de Dieu y^i l'introduction du culte de Jupiter Olympien, en vit aussi trois ans après a purification (1G4) par Juda Maccabée. Antiochus Epiphanes , revenant en 167 de sa quatrième campagne d'E- gypte, vaincu et plein de confusion, rejeta sa colère sur les Juifs, soit qu'ils eussent manifesté leur joie de la déconvenue du roi, soit qu 'Antiochus cher- chât un prétexte pour se dédommager des frais de la guerre sur les trésors qu'il espérait trouver à Jérusalem. Il envoya en Judée Apollonius avec un corps d'armée de vingt-deux mille hommes : ce général, feignant la paix, entra à Jérusalem sans coup férir; mais au premier jour de Sabbat, il lâcha ses bandes dans la ville, avec ordre de massacrer tous les hommes et de prendre les femmes et les enfants pour les vendre comme esclaves. Des flots de sang coulèrent dans les rues de Jérusalem, qui fut elle-même livrée au (Ij Voyez Detschevvery,hist. des Israélites de Bordeaux, p. 64 et 65. — 29 — feu et au pillage. Tous ceux qui avaient pu échapper au massacre prirent la fuite , et Jérusalem devint déserte. Le roi ordonna d'introduire dans toutes les provinces la religion des Grecs : la circoncision fut défendue aux Juifs, les livres de la loi furent dé- chirés et les réunions religieuses interdites. Un prêtre grec fut envoyé à Jé- rusalem pour profaner le temple de Dieu et pour y établir le culte de Jupi- ter Olympien ; il fit construire, sur le grand autel des parvis, un petit autel, pour y offrir les sacrifices païens, qui commencèrent le 25 Kislew. On con- traignit les Juifs à prendre part à ces sacrifices et aux processions en l'honneur de Bacchus. Il n'était plus permis de s'avouer Juif, et on punis- sait de mort ceux qui se livraient aux pratiques de la religion mosaïque. Des cruautés inouies et sans nombre furent commises dans toute la Ju- dée : les mères accusées d'avoir fait circoncire leurs enfants étaient précipi- tés du haut des murailles dans un profond ravin, avec leurs enfants suspen- dus à leur cou. Mais l'excès des cruautés d'Antiochus réveilla dans le* cœur des Juifs le sentiment de nationalité et d'indépendance, qui n'y était qu'assoupi ; et le dévouement héroïque d'une famille de prêtres fit éclater ce qu'il y avait en- core d'attachement pour le culte national. Beaucoup souffraient en silence, n'osant élever la voix contre la force imposante du tyran. Mathatias, petit- fils d'Hasmon, (d'où Hasmonéen), prêtre de la division sacerdotale de Joïa-' ribe, vivait dans un petit bourg, appelé Modaïm ; lui et sa famille pleuraient dans leur retraite les malheurs de leur peuple, lorsqu'un jour un officier sy- rien vint forcer les habitants à sacrifier aux divinités grecques. Matha- thias résista courageusement à toutes les menaces et à toutes les promesses, et il déclara à haute voix que lui, ses fils et ses frères resteraient fidèles à la religion de leurs pères. Un Juif s'étant avancé pour sacrifier sur l'autel, Ma- thatias se jeta sur lui et le tua. On tua aussi l'officier et ses soldats et on détruisit l'autel. Après ce premier acte de vengeance , Mathatias et sa fa- mille ainsi que tous ceux qui étaient restés fidèles à la loi de Moise , se re- tirèrent dans les montagnes de Juda, où un grand nombre de pieux patriotes vinrent les rejoindre. A la nouvelle de leur révolte , le gouverneur Philippe quitta Jérusalem et se mit en marche contre les rebelles. Il en rencontra une troupe cachée dans une caverne et l'ayant attaquée un jour de Sabbat, les malheureux, pour ne pas violer le repos de ce jour sacré, se laissèrent tous égorger sans se défendre. Mathatias et les siens, à la nouvelle de ce massacre , résolurent de prendre les armes les jours de Sabbat, toutes les fois qu'ils seraient attaqués. La troupe de Mathatias s'augmenta considérablement de tous les vrais amis de la religion et de la nationalité. Ils reçurent le nom de Hassidéens (pieux) par opposition aux impies. Mathatias, à la tête de son parti, prit — 30 — l'offensive, pénétra dans plusieurs villes, renversa les autels païens, fit cir- concire les enfants et arracha des mains des ennemis des exemplaires de la loi. Au bout de quelques mois, ce vieillard se sentant près de mourir, con féra le commandement à son troisième fils Juda surnommé Maccabée ou Mak- kabi (Martel) et lui adjoignit comme conseiller son second fils Simon. Après la mort deMathatias (166), Juda, à la tête de six mille hommes, continua, à l'exemple de son père, à attaquer les Syriens et les Juifs infidè- les. Il battit successivement Apollonius, Séron, Lysias, Nicanor et Gorgias. Enfin, après de nombreuses pertes, l'armée syrienne fut obligée de quitter la Judée et de retourner en Syrie pour se réorganiser et se préparer à en- vahir de nouveau la Judée (165). Après le départ de Lysias, Juda, maître pour le moment de la Palestine, s'empara de Jérusalem à l'exclusion de ta citadelle qui avait une garnison syrienne. Il purifia le temple, remplaça tous les objets sacrés qui avaient été enlevés par les Syriens, fit abattre l'autel profané par les sacrifices païens et en reconstruisit un autre. L'inauguration du nouvel autel eut lieu le 25 kis- Lew de l'an 14-8 des Séleucides (164), le même jour où trois ans aupara- vant on avait profané pour la première fois l'autel de Dieu. La fête de l'inauguration (Hanucca), fut célébrée avec beaucoup de so- lennité pendant huit jours. On convint qu'une fête pareille aurait lieu chaque .année, en commémoration de la victoire des Maccabées ; et aujourd'hui en- core nous célébrons ces jours de réjouissance par des illuminations dans le temple et dans nos demeures. 28 novembre 1180. — Maïmonide termine son Yad hach'azakah ou ré- sumé du Talmud (1). Cet ouvrage colossal, que la synagogue reconnaît encore aujourd'hui comme autorité, avait été entrepris depuis de longues années par son auteur avant même qu'il lut parvenu à quitter l'Espagne pour se rendre en Egypte où il le termina. Déjà il existait à cette époque un autre résumé du Talmud, celui du rabbin Isaac al Phazi (de Fez), que Maïmonide lui-même estimait beaucoup. Mais ce travail fait sans système et sans méthode, suivant pas à pas le Talmud dans Tordre de ses sections et de ses chapitres, ne satisfaisait pas l'esprit méthodique de Maïmonide, qui voulait épargner à la postérité l'étude du Talmud et laisser à la jeunesse juive le loisir de s'occuper d'autres études, profanes et sacrées. Cette intention du célèbre docteur paraît évidente parce qu'il écrit à son disciple Joseph : a Mon opinion est, dit-il dans une de ses » lettres, que tu mettes tous tes soins au commerce et à l'étude de la méde- (1) V. Munk, préface de Tanchoum, bible Cahen, t. xn. - M — » cine, en t'ocçupant aussi de la Thorah, selon la vraie méthode. Tu n'étu- » dieras que les halachoth du feu Rabbi (I), et tu les confronteras avec notre » ouvrage. Si tu trouves quelque divergence, tu sauras que c'est l'examen » du Talmud qui amène à cela et tu tâcheras de découvrir les endroits ; mais » si tu passes ton temps avec les commentaires et avec l'explication des j> obscurités de la Gnemara..., ce sont là des choses dont nous n'avons retiré » qu'une perte de temps et peu de profit (2). » Ne voulant donc pas que ses disciples et la jeunesse juive eussent à faire cette étude, dont il reconnaît lui-même n'avoir retiré qu'une peinte de temps et peu de profit, il composa cet ouvrage en se traçant un ordre de matière et un système auxquels il se soumet toujours. Tout son travail est divisé en quatorze livres, et c'est par allusion à cette division qu'il l'a intitulé Yad (V'i) hachazakah. Puis viennent les grandes subdivisions en halachoth, et enfin en chapitres et en paragraphes. Cet' ou- vrage est d'autant plus important que c'est le seul que Maïmonide ait écrit en hébreu. Aussi croyons-nous devoir donner le résumé très- succinct des quatorze livres dont il se compose : I. Le livre de la science, traitant des principes du judaïsme, de l'étude de la loi, de l'idolâtrie et du repentir. II. Le livre d'amour, c'est à-dire de tout ce qui doit être fait par amour de Dieu : prière, tsphilin, tsitsithet milah (circoncision). III. Le livre des solennités, sabbat, néonémie, fêtes et jeûnes, avec ce qu'il est permis de faire en ces jours et ce qui est défendu. IV. Le livre des femmes, fiançailles, actes de mariage, de répudiation, de lévirat, etc. V. Le livre de sainteté, qui traite des mariages prohibés et des nourri- tures permises et défendues. VI. Le livre de la distinction, ou des serments, vœux, naziréat et impo- sitions volontaires. VII. Le livre des plantes qui traite de la manière de planter, de récolter, de prélever la dîme et les dons obligatoires et enfin comment on doit obser- ver le repos des années sabbatiques et du Jubilé. ' * ' ? (1) Ce sont celles du.rabbin Isaac Al-Phazi dont nous avons parlé. (2) La traduction que nous donnons est celle que M. Munk, le savant orientaliste, a donnée d'après l'original arabe. V. Journal asiatique, 1842, p. 28 et 29. V. aussi Yggaroth ha Rambam (éd. Amst, 17 a.) où le texte n'est pas fidèlement reproduit en hébreu. — 32 — VIII. Le livre du culte, qui traite du temple, du choix des victimes pour les sacrifices publics. IX. Le livre des sacrifices: sacrifice pascal et sacrifice des particuliers. X. Le livre de pureté, ce qui rend impur et moyens de purifier les per- sonnes et les choses. XI. Le livre des dommages: vol, trouvailles, assassinat, préservation per- sonnelle, coups et blessures. XII. Lelivrede l'acquisition, achat et don, voisinage et associations, esc- lavage et domestic'té. XIII. Le livre des jugements, location, dépôt, prêt, contestations, héri- tages. XIV. Le livre des juges, formation des tribunaux, causes à juger, témoi- gnage. Ce livre traite en outre de tout ce qui concerne le deuil, les rois et leurs guerres. Fin novembre 1226. — Mort de Joseph ben-Jehouda Ibn Aknin, disciple de Maïmonide. C'est pour ce disciple que Maimonide a composé son More névochim, comme nous le voyons par la correspondance du maître avec le disciple. Le savant orientaliste, M. Munk a consacré à Joseph une notice très-savante, insérée dans le Journal asiatique 1842. Joseph ben-Jehouda, surnommé par quelques auteurs Ibn Aknin, était ap- pelé chez les Arabes Aboul'hajudj Yousouf ben-Yah'hya ben-Is'hak al- Sabti al-Maghrebi et connu sous le nom de famille d'Ibn-Schim'oun. Il naquit dans le Maghreb, à Sobta (Ceuta), où son père était obligé, comme tous les autres Juifs, de se livrer aux pratiques extérieures de la religion musulmane. Joseph grandit en visitant les mosquées et en lisant le Koran ; mais son père trouva moyen de le faire élever en secret dans la pratique de la religion mosaïque et de lui faire étudier l'hébreu et les livres sacrés des Juifs. Très-jeune, Joseph composa des poésies hébraïques d'une haute portée. En même temps il fit de rapides progrès en mathématique, en médecine et en philosophie. Vers 1185, il quitta le Maghreb et se rendit en Egypte pour continuer ses études auprès du célèbre Maimonide, qui reconnaissant en lui un esprit pénétrant, une conception facile et un grand amour pour la science, le chérissait plus que ses autres disciples. Il lui donna des leçons d'astrono- mie, en lui faisant expliquer YAlmageste et en s'occupant avec lui de la cor- rection d'un ouvrage d'Ibn Afla'h. Puis ils abordèrent ensemble l'étude de la — 33 — théologie et de la philosophie. L'âme ardente de Joseph ne pouvait trouver de repos ; plus il avançait, plus le trouble s'emparait de son esprit et il était im- patient de pénétrer dans tous les mystères de la science. Son illustre maître tâcha de modérer cette ardeur et l'engagea à procéder avec plus d'ordre et de méthode pour avancer d'un pas plus sûr. Des affaires ayant obligé Joseph à quitter l'Egypte pour se rendre en Syrie , Maimonide voulut continuer par écrit ses couférences avec son disciple et il composa pour lui cette série de dissertations qui forment le célèbre ouvrage intitulé le Guide des Egarés. Joseph se livra au commeree, et ses entreprises ayant été couronnées de succès, il s'établit aux environs d'Àlep, quitta son commerce, se livra exclu- sivement à la science et professa lui-même en présence de nombreux audi- teurs, plus tard, il fut attaché comme médecin à l'émir Faris-EddinMaimoun al-Kosri ; il devint aussi un des médecins privés du roi Al Dhaher-Ghâzi, fils de Salah'-Eddin. Le vizir Djemmal-Eddin alKifti fut son intime ami. Le célèbre poète juif Al-Harizi, visitant Alep en 1217, trouva Joseph au faîte de la gloire. Si Joseph était le disciple chéri de Maimonide, il avait aussi pour son maître une vénération que rien ne pouvait troubler, et il le défendit contre les attaques qui surgirent à propos du Moré. Un certain Daniel , de Bagdad , ayant attaqué les écrits de Maimonide d'une manière inconve- nante, Joseph fit des démarches auprès de David, chef de l'Académie de Bag- dad; et celui ci prononça l'excommunication contre Daniel, qui se rétracta. Joseph mourut, selon la notice d'Al-Kifti, à la fin de novembre J226. Il pouvait alors avoir entre soixante et soixante-dix ans. Outre ses poésies et ses Makâmâl, dont parlent Maimonide et al-Harizi, nous n'avons que quelques citations de ses ouvrages d'exégèsp, de philosophie et de médecine. Il existe cependant un petit traité philosophique manuscrit, découvert par M. Munk, à la Bibliothèque impériale. L'auteur y développe trois thèses : 1° De l'être nécessaire ou absolu ; 2° des principes selon lesquels les choses dérivent de lui ; 3° de la création de la matière. Fin novejnbre 1384. — Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, ayant be- soin d'argent pour continuer la guerre contre les Flamands, accepte l'offre que lui font les Juifs de lui en fournir moyennant un nouvel établissement de cinquante-deux familles juives dans ses terres. Il accorde une charte où il dit que cinquante deux ménages juifs ou chefs d'hôtel avec leurs femmes, enfants et familles, tenant feux et lieux, pourront s'établir pendant douze ans dans le duché et comté de Bourgogne et de Ne- vers et dans la seigneurie de Donzy, où bon leur semblera, à condition qu'ils payeront au duc, à leur entrée et après chaque année, les sommes que les autres juifs et juives ont coutume de lui payer. Pour les mettre à l'abri de la 5 — n — mauvaise volonté qu'on pourrait avoir contre eux, il les prend sous sa sauve- garde particulière, les décharge de porter telle marque que ce soit propre à les distinguer des chrétiens, leur accorde de ne pouvoir être arrêtés que pour crime, ordonne qu'on leur fournisse du pain, du vin et autres denrées pour leur argent, et enfin leur donne un protecteur, nommant à cet effet Guy de la Trémouille, seigneur de Lully, son chambellan. 2 décembre 17 '12. — Le chevalier Dominique de Barberie, seigneur de Saint Contest, intendant de justice de la généralité de Metz, ordonne, en vertu des ordres reçus de Sa Majesté, à tous les Juifs qui étaient dans les villes de Thionville et de Sierck et dans le plat pays de son département, à l'exception de ceux qui étaient établis daus la ville de Metz, de se retirer avec leurs familles et domestiques hors du royaume dans les derniers jours du mois de juin suivant, avec défense à l'avenir, à eux et à tout autre juif, d'y rentrer sous peine de prison et de confiscation de leurs biens. 5 décembre 1850. — Un israélite romain, M. Tagliacozzo, membre du Consistoire de Rome, voit sa maison envahie par des agents de police, accusé d'avoir accueilli chez lui une pauvre femme chrétienne, âgée de cinquante ans et qu'il employait par charité à ravauder le linge ; il subit, à cause de cela, l'humiliation de la prison et les souffrances du cachot Toutefois sur l'intervention de la commune israélite, le cardinal vicaire réduisit à six jours l'emprisonnement, et M. Tagliacozzo fut mis en liberté le 41 décembre. C'était une leçon donnée à la charité israélite de cet honorable juif sous les yeux même de notre armée française qui ne devait guère être édifiée de cette nouvelle manière de prêcher la charité universelle. Décembre 1436. — Nostradamus, dans son histoire de Provence (p. 599), rapporte « qu'un Juif natif de Provence, du nom d'Estruge Léon, ayant mal- » parlé de la vierge Marie et l'ayant traitée « d'une femme de peu » fut con- » damné à cent florins d'amende envers le roi. Cette condamnation éveilla » contre les Juifs d'Aix un tel tumulte parmi la populace, qui ne désirait » que piller et saccager, que le gouvernement fut obligé d'appeler en toute » hâte des gens d'armes du Dar.phiné et du comté Venaissin pour protéger » les villes d'Aix et de Pertuis, qui étaient les plus menacées.' » 30 décembre 1728. — Edit de Léopold, duc de Lorraine, qui déclare nuls tous les billets et actes sous seing privé qui seraient faits au profit des Juifs, tant pour argent prêté que pour vente de marchandises ou autres en- gagements. Les lettres de change et autres effets usités dans le commerce sont exceptés de la prohibition. Il est en outre ordonné que les Juifs recon — 35 — nus coupables d'usure ou de vol envers quelques sujets catholiques seraient punis de la perte de leurs créances, tenus d'en payer le double à leurs débi- teurs et obligés en outre à une amende de cinq cents livres envers le prince, sans que ces peines puissent être remises ou modérées par les juges. Ces dernières clauses devaient être une véritable appât pour [multiplier les dénonciations ; tout le monde gagnait à ruiner les Juifs : et en présence de si grands avantages les fausses accusations ne devaient pas manquer. Janvier 1369. — « Un Juif nommé Bendich Abin arriva à Arles. Très- » instruit en mathématiques et en langues arabe, grecque et latine, il mérita » par son savoir d'entrer dans la maison de la reine Jeanne. Et après avoir » été reconnu vertueux, loyal, honnête et très-expérimenté en médecine, il » fut nommé médecin ordinaire de la reine, et, à cette occasion, il fut, par » lettres-patentes, exempté, lui, sa famille et toute sa postérité, de toute » charge et imposition qui concerneraient les Juifs. » (Voir Nostradamus, Histoire de Provence, page 427.) Janvier 1784. — Edit du roi portant exemption des droits connus sous le nom de péages corporels, travers et coutumes que la ville de Strasbourg per- cevait sur les Juifs. Enregistré au conseil souverain d'Alsace le 17 janvier 1784. Ce ne fut pas sans peine que cet impôt fut aboli. Strasbourg, cette ville si libérale aujourd'hui et à peu près centre du Judaïsme français, 'n'avait alors presque aucun habitant Juif; car le séjour de la ville était défendu à nos co- religionnaires. En 1790, encore, nous trouvons une protestation des maire et officiers municipaux de cette ville, adressée au président de l'assemblée nationale contre l'établissement des Juifs à Strasbourg. Aussi fallut-il au roi indemniser la ville pour la perte de ces droits, et nous trouvons, au mois de janvier 1786, des lettres-patentes du roi sur arrêt por- tant fixation de cette indemnité. 2 janvier 1604. — Ordonnance du maréchal d'Ornano qui défend à tous les habitants de la ville de Bordeaux de médire ni méfaire aux marchands portugais et autres étrangers qui voudraient se retirer dans ladite ville pour y vivre et commercer, parce que l'intention du roi était qu'ils fussent favora- blement reçus et traités comme les originaires du royaume. Depuis plus de trente ans déjà, les habitants de Bordeaux ne cessaient de tourmenter les Juifs portugais et de répandre sur eux les bruits les plus ca- lomnieux, malgré les lettres-patentes du roi et les arrêts du parlement. En 1603 ; ces bruits s'étant de nouveau répandus contre les Juifs portugais, le — 36 — maréchal d'Ornano promulgua alors cette ordonnance. (Voir Detscheverry, Histoire des Juifs de Bordeaux, page 51.) % janvier 1745. — Edit de Marie-Thérèse qui ordonne aux Juifs de Mo- ravie de chercher, à partir de ce jour jusqu'à la fin de juin, une nouvelle patrie. Mais Dieu préserva nos frères de ce malheur, car sur l'intervention et les sollicitations de la Suisse, de la Pologne et du Danemark, la reine de Hon- grie et de Bohême annula cet édit quelques mois après, et les Juifs purent continuer à habiter ce pays. 4- janvier 1461. — Bref du pape Pie II adressé au recteur du Comtat- Venaissin et daté de Mantoue, dans lequel, après avoir autorisé les Juifs à pouvoir affermer les différentes branches du fisc apostolique, le lé- gislateur ajoute : « Nous voulons cependant que les Juifs ne puissent avoir aucune action sur les personnes des chrétiens, ni prendre hypothèque sur leurs biens. Nous voulons enfin qu'ils soient tenus de porter un cercle (l'an- cienne rouelle) ou un signe quelconque de couleur jaune cousu sur un en- droit apparent de leurs habits et assez large pour former deux plis extérieurs de leurs vêtements (t). Ainsi, tout à la fois franchise et restriction; mais qu'on ne s'y trompe, ces franchises accordées ne l'étaient pas, parce qu'on voulait du bien aux Juifs ; elles n'avaient d'autre but que de faire rentrer plus facilement les impôts dans le Trésor, toujours en pénurie, du Saint-Siège. Quand le gouvernement pontifical était aux abois par la détresse des finances, il avait recours aux Juifs qu'il regardait comme les ennemis des chrétiens , il les imposait fortement et leur vendait des franchises à denier comptant; ou bien il les chargeait du recouvrement des impôts, parce qu'a- lors il avait la ressource de percevoir d'avance les sommes imposées qui, bien souvent, n'étaient pas payées ; et les Juifs en étaient alors pour les sommes avancées. 6 janvier 1299. — Sentence d'Albert I er , empereur d'Occident, par la- quelle il attribue à Gérard, archevêque de Mayence, les biens des Juifs qui ont été tués et qui n'auraient pas laissé d'héritiers (2). Albert l e <-, en montant sur le trône (1298), sentit le besoin de s'attacher les grands dignitaires de l'église, parmi lesquels figurait en première ligne l'archevêque de Mayence. Il ne crut pas pouvoir mieux se l'attacher qu'en le (1) V. André, Recteurs du Comtat-Venaissin, Carpentras, 1847. (2) V. Pertz, Monumenta germanka legorum, t. ii. — 37 — comblant de richesses, sans pourtant bourse délier. Un grand nombre de Juifs ayant été tués dans cette province, par suite de différentes persécutions qui eurent lieu dans les dernières années, Albert confisqua leurs biens et les attribua à l'évêque de Mayence. 8 janvier 1215. — A l'occasion du concile convoqué à Montpellier, toutes les communautés juives du midi de la France y envoyèrent deux députés à la tète desquels se trouvait don Isaac de Bénévent.On craignait que la réunion des évèques ne soulevât contre les Juifs quelque nouvelle tempête, et ce fut pour conjurer l'orage qui grondait sur leurs tètes qu'ils envoyèrent leurs dé- putés à Montpellier. Ils réussirent en effet et aucun canon de ce concile ne porte de mesure hostile aux Juifs (V. 9 janvier 1598. — Ordonnance par laquelle les Juifs sont chassés du ter- ritoire de la république de Gênes. C'était là un funeste usage de la liberté: En Italie, où les Juifs furent tou- jours assez bien traités et dans une république comme s'intitulait le gouver- nement de Gênes, c'était un étrange abus d'une autorité tyrannique ! Cette défense faite aux Juifs de séjourner sur le territoire de Gênes fut maintenue pendant un siècle, à peu prés. 10 janvier 1665. — Arrêt du Parlement du Dauphiné, f qui ne permet aux Juifs de séjourner dans cette centrée que trois jours seulement, sous peine du fouet et de confiscation de leurs marchandises, argent et meubles. (Y. Billion, Dictionnaire des arrêts, t. III, art. Juif.) Depuis la déclaration du roi-dauphin, Charles VI (1394) qui bannit à per- pétuité tous les Juifs de cette contrée, il ne leur fut plus permis non-seule- ment d'y établir leur demeure, mais encore d'y faire un séjour de quelques jours. Seulement en 1557 le Parlement permit aux Juifs d'Avignon de pas- ser et de repasser dans la principauté d'Orange pour leur commerce et d'y séjourner pendant trois jours seulement. C'est cet arrêt que le Parlement re- mit en vigueur en 1665, Schtbat 135 ai*. C. — Siméon, usant avec justice et modération d'un pouvoir presque absolu, avait fait jouir la Judée de quelques années de paix et de bonheur. Une noire trahison vint interrompre ce bonheur et jeter de nouveau la Judée dans le trouble et la consternation. Ptolémée, fils d'Aboab, gendre de Siméon, gouverneur du district de Jéricho, homme riche et ambi tieux, forma le projet de se mettre à la place de son beau-père, d'accord probablement avec Antiochus Sidetés, auquel il promit de placer de nouveau (1) Y. Graetz. Geschichte der Judtn, t. iv, note 1. — 38 — la Judée sous la souveraineté des rois de Syrie. Siméon étant allé faire une tournée dans le pays et visiter les principales villes pour s'enquérir de leurs besoins et mettre ordre à leur administration, vint à Jéricho avec sa femme et deux de ses fils, Mathatias et Juda, au mois de Schebat de la huitième année de son régne (j an v.-févr. 135). Ptolémée les invita à se rendre à son château de Dôch, situé au nord de Jéricho, et leur donna un grand festin. Au milieu du repas, Ptolémée et ses gens se jetèrent sur Siméon et l'assassinè- rent; sa femme et ses fils furent jetés en prison. Ptolémée avertit immédiate- ment Antiochus et lui demanda un secours de troupes; puis il envoya des sicaires à Gazara pour assassiner son beau-frère Jean Hyrcan ; mais ce- lui-ci, averti à temps, les fit arrêter et vint assiéger Ptolémée dans son châ- teau de Dôch. Schebat 5451 [Junvier 1691). — Règlement de l'administration de la communauté de Metz au sujet du débit de la viande de boucherie (l). De nombreuses plaintes étant parvenues aux syndics de la communauté, ils firent un règlement sévère au sujet du débit de la viande : une commis- sion fut nommée qui devait prendre note exacte de la quantité de viande abattue chaque jour ; elle devait en prélever d'abord une certaine quantité pour les rabbins, les chefs de la communauté, les malades et les femmes en couches ; le reste devait être distribué ensuite en parts égales aux membres de la communauté, selon l'importance des familles et telle quantité par tête ; les personnes qui avaient plus d'un domestique ne pouvaient néanmoins re- cevoir plus d'une seule part pour tous ; nul ne pouvait, sous peine d'amende, céder sa part à un autre ; on devait la refuser à la commission, et, dans ce cas, on n'était plus compris dans la répartition pendant un mois ; les bou chers eux-mêmes ne devaient recevoir qu'une part égale à celle des autres et ne pouvaient la céder; et si les bouchers ne se soumettaient pas au pré- sent règlement, ils auraient leur étal fermé pendant tout le temps que fixe- rait la commission. Ce règlement, 'fait par extraordinaire, ne devait être que temporaire, tant que durerait la pénurie des bêtes à abattre, et serait abrogé aussitôt qu'une variation notable le permettrait. Mais il faut bien comprendre que ce règle- ment n'était pas un acte arbitraire et tyrannique. C'était une mesure (1) Extrait des archives de l'ancienne communauté de Metz, dont nous avons pu prendre connaissance grâce à la bienveillante obligeance de M. le président du Consistoire. Qu'il en reçoive ici nos sincères remercîments. Ces archives, sans contredit les plus intéressantes de nos villes de France, renferment des documents précieux sur l'histoire des Juifs de notre pays. Rangées par ordre de date, cataloguées avec soin et livrées à la publicité, elles jetteraient une vive lumière sur l'état du Judaïsme en France pendant les trois derniers siècles. — 39 — d'humanité ; car dans ce temps de disette il était arrivé que des malades est des infirmes n'avaient pu se procurer de viande pendant plusieurs semai- nes, comme le dit le préambule du règlement. C'était pour obvier à cette situation malheureuse et pleine de dangers que l'administration fit cet arrêté. 14 janvier 1711. — Un incendie effroyable dévora toute la rue des Juifs à Francfort. On établit un jeûne public dans cette ville pour rappeler l'anni- versaire de cette catastrophe, et l'on composa une Selicha que l'on récitait autrefois le 24 Tébet, date juive de ce jeûne. 11 et 15 janvier 1372. — Arrêt du parlement de Paris au sujet d'une contestation soulevée entre le lieutenant de l'Inquisition et le procureur- général du roi à propos d'un Juif relaps. Cet arrêt, rapporté par Corbin, Suite de Patronage, ch. Uï, était ainsi conçu : « Plaidoierie faite le mardi 11 janvier 1373 entre le lieutenant de l'Inquisi- teur et Mathieu Fusée, pour tant qu'à chacun touche d'une part, et M. le pro- cureur général du roi et Mouce, de Senlis, Juif, pour tant comme à chacun touche d'autre part ; sur ce que l'inquisiteur dit qu'il est snffisamment in- formé que Mouce a été christianisé et néanmoins se porte comme Juif, partant requiert, qu'il lui soit baillé et délivré ès prisons de l'église, pour en faire ce qu'il appartiendra. M. le procureur général soutient que Mouce est lay (laï- que) et en cas de forfait avec ses biens, ils appartiendraient au roi, et en tout cas, que le roi doit le premier connaître s'il est Juif, auparavant que le ren- dre : l'Inquisiteur réplique, que si le roi connaissait si Mouce est Juif ou Chrétien, ce serait juger la question, laquelle lui appartient, et n'y aurait plus qu'à punir Mouce de son hérésie : à quoi M. le procureur général ré- pond : que la controverse étant sur la juridiction, il appartient à la cour d'en décider. La cour ordonne qu'il verra ses pièces et fera droit sur le tout. Ce qu'ayant été exécuté, et le tout vu, lettres et informations, a conseiller l'ar- rêt : étaient M. le chancelier, M. le premier président Messire Guillaume de Seris, M. Philibert Paillas, second président, les évêquesde Meaux, de Sois- sons, de Lizieux et d'Angers, les abbés de St-Vaart et de St-Maixant et vingt- deux conseillers, et porte ces mots : Il sera dit que la cour délivrera et délivre le dit Mouce à l'évêque de Paris et à l'inquisiteur, assemblement (ensemble) pour en faire ce qu'il appartiendra, et pour ce, leur ont été les lettres et les informations rendues et baillées. Par arrêt du samedi 15 , du dit mois de janvier, an 1372. Aux registres des plaidories et conseil. » 16 Janvier 1205. — Bulle du pape Innocent III, adressée à Philippe, roi de France (1). (1) V. Raynald, annales écclésiastiques, 1. 13. — 40 — Rappelant tous les conciles qui avaient frappé les Juifs de certaines me- sures particulières, que l'on ne peut qualifier que d'iniques et inhumaines, il les remet toutes en vigueur ; il adresse de violents reproches au roi de France, au sujet de la protection accordée aux Juifs ; il est surtout irrité de ce que le témoignage des Juifs est reçu en justice et il demande leur expulsion. Bel exemple de charité chrétienne donnée par un souverain pontife ! \ 8 Schebat. — Ce jour était célébré, jadis, comme jour de fête en Sicile : on l'appelait Pourim ; et à la fin du xvi e siècle il était encore célébré dans toute la Sicile. 22 Schebat. — Pendant la Révolution, une émeute eut lieu à Metz à pro- pos des assignats, et on parlait de se jeter sur les maisons des Juifs et de les piller Mais l'intervention de l'autorité calma cette effervescence de la populace et les Juifs en furent pour la peur. Aussi, pour remercier Dieu de cette dé- livrance et pour en perpétuer le souvenir, on institua un anniversaire, où chaque habitant devait donner une aumône que l'on appelle Kopher Nephesch. Aujourd'hui encore cet anniversaire est annoncé au temple et un tronc de bienfaisance circule pour recueillir l'aumône volontaire des habitants. 19 janvier 1180. — A peine son père mort, Philippe Auguste fait incar- cérer tous les Juifs. Il comptait recevoir d'eux une forte somme comme ra- chat de leurs personnes ; et pour qu'aucun d'eux ne s'échappât, il avait don- né ordre de les arrêter le jour du Sabbat. Ils se rachetèrent, en effet , au prix de quinze mille marcs d'or. Ce fut le prélude de ce règne si malheureux pour les Juifs. L'année n'était pas écoulée, qu'il déclara nulles toutes les dettes de chrétiens envers les Juifs, à la condition que le cinquième de ces dettes serait payé au roi. C'est à l'instigation d'un ermite de Vincennes qu'il agit ainsi : cet ermite lui démontra que ce serait là une œuvre agréable à Dieu. Mais là ne se borna pas Philippe Auguste : il fit plus que réduire les Juifs à la plus grande pauvreté, il donna un édit (1181) par lequel les Juifs devaient quitter le royaume avant la Saint-Jean. Par cette mesure, il put donc s'em- parer de leur maisons, champs et vignes et de tout ce que les malheureux Juifs possédaient encore; et il fit transformer les synagogues en églises, (t). 21 janvier 1734. — Arrêt du conseil, qui ordonne que tous les Juifs avignonnais, tudesques ou allemands, établis à Bordeaux et autres lieux de la Guienne, seraient tenus d'en sortir, eux et leurs familles, avec défense d'y séjourner et y rentrer. M. Boucher, intendant de la province de Guienne, fut chargé de tenir la main à l'exécution de cet arrêt. (2) (1) V. Duchesne. Historié francorum scriptores, v. 6 ; dom Bonquet, re- cueil des historiens des Gaules, xvn 6. (2) V. Detschewery, histoire des Israélites de Bordeaux. M — La jalousie des Juifs portugais, habitant Bordeaux, fut la cause de cet arrêt, qui atteignit, entr'autres familles, celles des Dalpuget d'Avignon, Na- tan, Solon, Astruc, Moïse Lange, Lyon et David Petit, toutes fort honorables et bien estimées par les négociants de la ville. 23 janvier 1167 (1 er Adar4927). — Mort d'Abraham Tbn Ezra (3). Selon toute probabilité, Abraham ben Meir Ibn Ezra est né à Tolède en 1087 ou 1088. Chose remarquable, on ne connait rien des faits de sa vie, durant tout le temps qu'il habita l'Espagne, sa patrie. Quelques poésies et des ouvrages d'astronomie et de mathématique signalent seulement sa jeu- nesse et son âge mur. Vers 1138 ou 39 il se résigna à quitter sa patrie et entreprit de longs voyages, accompagné de son fils Isaac. Il visita successi- vement l'Afrique, l'Egypte, la Palestine, laBabylonie. On dit même qu'il fut conduit en captivité jusque dans les Indes. La première date certaine que nous trouvions c'est son séjour à Piome (1140) où il commença à se signaler comme exégète par un commentaire sur l'Ecclésiaste et les cinq meguiloth. Làil composa également son premier ouvrage de grammaire, son 3fosnaïm, et il traduisit celui de d'Iehouda Hajoudj, sepher ha otïoth. Plus tard, nous le trouvons successivement à Salerne, où il composa sa célèbre satire -von thj ■jjltf ; à Mantoue, 1145, ou il termina son çachoth; dans une ville d'Ita- lie dont il ne cite pas le nom (1 148), où il composa différents ouvrages d'as- tronomie et d'astrologie ; à Lucques (1152-53) où il composa son commen- taire sur la Genèse et l'Exode, différents ouvrages de grammaire et des tables astronomiques ; à Béziers (1155). il termina son sefer ha schem ; à Pihodez, (1156-57) il composa son commentaire sur les Psaumes, Daniel et les petits prophètes ; en 1158, il était à Londres où il composa son Jesod moréh et son Iggereth haschàbbath. Il revint en France et fit à Narbonne (1160) d'autres tables astronomiques, à Rhodez (1166) il refit à nouveau son commentaire sur le Pentateuque et son Safa beroura; enfin la dernière étape de sa vie er- rante fut Calahorre, où il mourut. S'il faut en croire certaines légendes rabbiniques, il aurait été le gendre ou le neveu du célèbre Jéhouda Halévy, auteur du cozari, et on raconte à ce sujet certaines histoires fort belles, il est vrai, mais romanesques et tout à fait dénuées de fondement. Toujours est-il que si sa vie ne nous est connue que par ses pérégrinations, il n'en est pas ainsi de ses ouvrages, qui sont fort nombreux; car, outre ses commentaires sur toute la Bible, Carmoly cite, comme de lui, plus de cin- quante ouvrages différents, de grammaire, de poésie, d'astronomie et d'as- trologie. Son esprit droit et logique ne pouvait se soumettre à l'habitude assez ré- (3) V. Graetz Geschichte der îuden, t, vi, 200-211 et note 8, 440454. 6 - 42 — pandu chez les Rabbins, de commenter et d'expliquer la Bible allégorique- ment et en suivant l'interprétation midraschique. Il rejeta donc entièrement cette méthode d'interprétation et, prenant le texte pour unique guide, il commenta la Bible, suivant la grammaire et la raison. Aussi, trouve-t on dans ses travaux bien des passages, qu'une méticuleuse orthodoxie ne sau- rait admettre ; ce qui ne l'empêcha pas d'être surnommé le s r /ge, l'admirable, et ses commentaires d'être les plus estimés. La concision cependant rend parfois sa pensée énigmatique, surtout lorsqu'il parle un langage rationnel et contraire aux traditions. C'ett ce qui a sauvé, lui de l'excommunication, et ses œuvres de 1 auto-da-fé ; car, sans cela, il aurait certes eu le sort de Maïmonides et de ses œuvres, que des Raschba et autres ont plus tard ex- communié et mis à l'index. 28 Schebat. — En 1757, un chrétien ayant disparu de la ville d'Avignon, on en accusa les Juifs qui furent sur le point d'être massacrés. Mais, heu- reusement, pour la communauté d'Avignon que ce chrétien, qui avait disparu pendant quelques jours, fut retrouvé vivant ; et l'effervescence qui s'était élevée contre les Juifs se calma. Aussi, la communauté, pour rappeler cet anniversaire, institua un jeune en ce jour, et l'on y récitait des prières spé- ciales et le soir on disait □îosn h'j> 26 janvier 1753. — Arrêt du conseil du roi Stanislas au sujet des Juifs de Lorraine, enregistré au parlement de Lorraine, le 5 avril 1755. Dans cette ordonnance, le roi disait que le nombre des Juifs qui se- raient admis à demeurer en Lorraine resterait fixé à cent quatre-vingts familles, qu'ils formeraient une seule cité dont le roi nommait syndics Salo- mon Alcan, ïsaac Berr et Michel Gondchaux, demeurant tous à Nancy. Par cette ordonnance, le roi abrogeait encore celle du 30 décembre 1728, en ce qui concerne les actes qui se passent entre les Juifs et les chrétiens. 28 janvier 1790. — Décret de l'Assemblée nationale qui déclare citoyens actifs tous ceux d'entre les Juifs qui avaient obtenu des lettres de moralité. « Tous les Juifs, y est-il dit, connus sous le nom de Juifs portugais, espa- » gnols et avignonais continueront à jouir des droits dont ils ont joui jus- » qu'à présent et qui leur avaient été accordés par des lettres-patentes. En » conséquence, ils jouiront des droits de citoyens actifs, lorsqu'ils réuni- » ront d'ailleurs les conditions requises par les décrets de l'Assemblée na- » tionale.» Ce décret fut ratifié par le roi et enregistré au parlement de Bordeaux, en vacation, le 9 février. Ce qui est à remarquer surtout dans cet enregis- trement c'est qu'il fut visé qar l'archevêque de Bordeaux. - 43 — Ce fut là le début de l'émancipation totale des Juifs de France. Mais ce ne fut que dix-huit mois plus tard que le décret de l'égalité de tous les Français devant la loi, chrétiens ou juifs, fut reconnu, et, là encore, ce fut sur la proposition et l'instance d'un membre du clergé français. 30 janvier 1419. — Bulle du pape Martin V, datée du 2 des calendes de février. (1). Par cette bulle, Martin déclare prendre sous sa protection spéciale tons Jes membres de la nation juive; il défend de les molester, de les forçer au baptême; il leur permet de célébrer leurs fêtes tranquillement dans leurs demeures, mais non en public, pour éviter la colère du peuple ; il leur re- commande, pour le même motif, d'éviter les promenades publiques pendant les ours de fête ; il les dispense enfin de porter des marques distinctives, à moins que les lois du pays ne le demandent; car ceci n'est pas en son pouvoir, il ne peut qu'engager les gouvernements à abolir ces lois vexa- toires. » Certes cette bulle n'a pas besoin de commentaire ; elle montre combien Martin V était animé de bons sentiments et d'un vrai libéralisme ; et si nous avons souvent à enregistrer des actes intolérants de la cour de Rome, il est consolant pour l'humanité, qu'on en trouve quelques-uns qui se signalent par leur tolérance, tels que Grégoire le Grand et Martin Y. 30 janvier 1759. — Arrêt de la cour du parlement de Metz, qui fait défense aux Rabbins des Juifs de cette ville de prononçer la peine de l'ex- communication, et aux Juifs, de la stipuler dans leurs compromis et aux au- tres actes, sous peine de fortes amendes (2). Un juif, condamné par le tribunal des Rabbins de Metz, avait été excom- munié pour avoir manqué à ses engagements envers un autre Juif. Car il faut savoir que , jusqu'à la révolution , les sentences des Rabbins dans des affaires de Juif à Juif, avaient force de loi ; mais on pouvait en ap- peler au parlement, c'est ce que fit le Juif excommunié, et l'excommunica- tion hérem fut abolie à Metz. Fin janvier 1355. — Nostradamus, dans son histoire de Provence (p. hit rapporte que « les Juifs de Reilhanc se trouvèrent tellement molestés et har- » celés parles Chrétiens que, s'abandonnant à leur indignation, ils en vinrent » aux mains avec les Chrétiens. Mais ils furent, immédiatement après, con- » damnés pour cela à une amende de deux mille florins d'or. La plupart des » habitants de Reilhanc étaient Juifs. » (1) Raynold. Annales ecclésiastiques, t. 18. (2) Bibliothèque de Metz, Msc. 169, numéro 145. — U — 2 Adar. — Une terrible persécution eut lieu à Prague en 1611. La po- pulace s'était soulevée contre les Juifs, comme elle l'a fait souvent dans cette ville et comme elle le fit récemment encore. Une fois le calme rétabli, on arrêta dans une assemblée de la communauté que le jour anniversaire de cette pereécution serait célébré chaque année par un jeûne public. C'est à partir de l'année 1613 qu'on célébra ce jeûne et on composa pour la circons- fince des prières (selichoth) qu'on récitait dans le temple. Février 1218. — Constitution sur les Juifs du domaine du roi et sur l'u- sure (1). I. Aucun Juif, à compter des octaves de la Purification, ne pourra prêter à aucun chrétien qui n'aura aucuns fonds ni aucuns meubles et qui ne pourra vivre que du travail de ses mains. II. La somme qu'un Juif aura prêtée ne produira plus d'intérêt après l'an; et la livre ne produira que deux deniers par semaine. III. Aucun Juif ne pourra prêter, ni à moine, ni à chanoine régulier, sans le consentement de l'abbé ou du chapitre, qui le donneront par leurs lettres patentes. IV. Aucun Juif ne pourra prendre en gage aucun ornement d'église, aucun vêtement ensanglanté ou mouillé, des fers de charrue, ni des animaux qui servent au labour; ni du blé non vanné. V. Quand un Juif auia prêté de l'argent h quelque chevalier, bourgeois ou marchand, le débiteur, après avoir pris le consentement du seigneur dont i relève, assignera au Juif son payement sur quelque fonds ou revenu, et partir de ce moment la dette ne produira plus d'intérêt; mais si le débiteur fait violence au Juif, en l'empêchant de jouir de son assignat, les intérêts de la dette courront tant que la violence durera, à compter du jour où le Juif en aura porté plainte, et celui qui aura fait violence paiera l'amende au roi. VI. Les Juifs de Normandie feront registrer les sommes qui leur sont dues et les assignats qui leur en auraient été faits dans les assises où il y aura re- cord, ou pardevant le bailli en présence de dix chevaliers. Et si après l'assi- gnat fait en l'absence du bailli, le débiteur refuse le record en l'assise e* présence du bailli et des dix chevaliers, ce refus étant prouvé par des témoins légitimes et chrétiens, le bailli contraindra le débiteur et ses cautions à faire le record et l'enregistrement dans la forme qui vient d'être présentée. VIL Si un chevalier ou telle autre personne que ce soit met en gage son cheval, ses bardes ou autres meubles, le Juif les pourra prendre et le roi ou ses officiers n'en prendront pas connaissance. (i) Recueil des ordonnances des rois de France, 1. 1, p. 35. EXTRAIT DE LA VÉRITÉ ISRAÉLITE. UN MESSIE ai iiîfiin lira. PAR M. ÂB. CÂHEN, PARIS. IMPRIMERIE DE SCHILLER AÎNÉ, 11, Faubourg-Montmartre. UN MESSIE AD HUITIÈME SIÈCLE. 1 >> Longtemps on a chèrché quels avaient été les précurseurs d'Anan, fondateur et chef du Caraïsme : les uns avaient voulu le rattacher par une tradition no^ interrompue à l'ancienne secte des Sadducéens; mais on ne songeait pas que la trace du Sadducéisme s'effaçait peu à peu dans l'histoire des Juifs, et que, plusieurs siècles avant Anan, on ne les connaissait plus que par ouï-dire ou par les faits rapportés dans le Talmud. D'autres ont voulu voir en lui un réformateur hardi et courageux qui surgit à l'improviste. Il aurait franchi d'un seul coup l'espace immense qui sépare l'obéissance et la soumission la plus complète à la tradition, de la négation radicale de l'autorité du Talmud; il en aurait appelé à la libre interprétation de la Bible sans y avoir préparé l'esprit de ses contemporains, brisant ainsi d'un seul coup avec dix siècles du passé. Mais la marche de l'esprit humain n'a ja- mais fait des écarts aussi prodigieux; un fait en amène un autre par une conséquence logique et inévitable, ou par une influence latente, mais non moins puissante et certaine. Or, c'est là ce qui a dû arri- ver pour le Caraïsme; et la critique moderne (1), qui ne s'est pas contentée de conjectures, a fini par trouver des prédécesseurs à Anan dans cette marche de la réforme religieuse; et, puisant dans les sources contemporaines d'Anan, elle a découvert que l'esprit d'inter- prétation libre et indépendante, qui avait pris naissance dans les dif- férentes sectes des Musulmans, où l'on rejetait la valeur du Sumia, ou commentaire du Coran, avait fait surgir, dans la première moitié du huitième siècle, plusieurs tentatives de ce genre parmi les Juifs de Syrie. Sérêne fut un de ces hardis novateurs; et, pour se donner plus d'autorité, il se fit passer pour Messie. II Omar II venait de faire revivre, à l'égard des Juifs, les règlements sévères qu'avaient édictés ses prédécesseurs, et qui, aussitôt que parus, étaient retombés dans l'oubli. Ce khalife théologien, fanatique croyant de l'Islam, voulait attirer par la force ceux que la prédication ou la persuasion n'avaient pas encore amenés à la croyance du Coran (î) Voir surtout Gratz, Geschichte der Juden, t. V. et une terrible persécution s'ensuivit à l'égard des Juifs. Tout à coup une nouvelle consolante se répand parmi les communautés de Syrie, se propage au loin, arrive en Espagne, et jusque dans la Gaule : le Messie est venu pour Israël. Comme Jésus, fils de Marie, il ne vient pas non plus annuler la loi de Diet., mais lui donner sa confirmation* Le moment était bien choisi : TOrieU et ('Occident étaient en guerre. Les Sarrazins, toujours remuants et belliqueux, s'étaient avancés jusqu'à Narbonne et Toulouse, qu'ils assiégeaient sous les ordres de Yésidïl, successeur d'Omar II. Léon l'Isaurien, après avoir eu à lutter contre ces mêmes Sarrazins qui l'avaient assiégé dans Constan- tinopte, était à ce moment occupe à introduire une réforme dans l'Église; il voulait abolir l'usage et le culte des images, et avait à lutter contre Germain, patriarche de Gonstantinople. Les Juifs, de leur côté, étaient tout disposés à croire à un libéra- teur. Après les terribles persécutions que leur avait fait souffrir Omar II, qu'ils regardaient comme le Gog et Magog delà Bible, dont le règne devait précéder la venue du Messie, ils ne pouvaient hésiter à croire à un si heureux événement. Dans ces moments douloureux qu'ils avaient supportés avec tant de patience, ils s'attendaient tou- jours à voir d'un moment à l'autre la réalisation des promesses de la Bible et du Talmud, dont ils prenaient les textes à la lettre. Ils espé- raient qu'un descendant de David viendrait secouer le joug des peuples étrangers, qui pesait si rudement sur eux, et les ramèneraient triom- phalement dans la Palestine, leur propriété légitime et incontestable. Aussi à cette nouvelle, si inopinément répandue dans la cinquième année du règne de Léon l'Isaurien (1), leurs cœurs tressaillirent, et ils embrassèrent avec joie celte idée de délivrance. (1) C'est cette date que l'abbé Lenglet Dufresnoy donne dans ses Tablettes chronologiques. Il l'avait prise probablement dans Y Histoire ecclésiastique de saint Anastase, tirée de Théophanes, où il est dit (p. 617) : « Anno imperii Leonis quinto apparuit quidam Syrius pseudochristus , etc. » Or, Léon l'Isaurien monta sur le trône en 716. Saint Isidore Pacensis, le continuateur de la Chronique d'Espagne d'Idacius, dit que Sérène se fit passer pour Messie « in sera 759, anno imperii Leonis secundo, Arabum 103. » (V. Florez, Espagna Sagrada, t. VIII, p. 298, Isidorii Pacensis episcopii chronicon, § 53.) Or, ces dates ne concordent pas entre elles : la seconde année du règne de Léon n'est pas 759, mais 718, et la 103 e année de VHégire commence au 1 er juillet 721. Théophanes (Chronographia, édit. Bonn., p. 617) donne l'an 712, et Conde l'an 723 [Histora de la dominacïon de los Arabes en Espagna % t, I, p. 79). La chronique syriaque de;Barhebchraeus donnel'an720; et Nitrona^ à qui on adressa une question casuistique au sujet des partisans de Sérène^ * i reviendraient au Talmudisme, était devenu chef d'école en 719. Beaucoup se prennent d'enthousiasme pour cet aventurier , croient en ses promesses, et, abandonnant leurs biens et leur fortune, quittent la Gaule et l'Espagne pour se rendre en Syrie, et de là, en Palestine. Les souverains, sous lesquels ils vivaient, profitent de leur erreur, confisquent jeurs b.ens et en font entrer le prix dans les caisses de l'Etat. Sérène (1) & voyant si bien accueilli par ses frères n'en resta pas là ; il vcjlut sans doute faire quelque tentative pour pénétrer en Palestine h la tète de ces pèlerins, qui, pleins de con- fiance, élaient venus "se ranger sous sa bannière. Mais, sans armes et sans moyens de défense, il fut arrêté dans sa marche ; fait pri- sonnier (2) , il 60 expier, par la mort, la folle tentative qu'il avait faite; ses partisans, confus de leur trop naïve confiance, loin de regagner leurs anciennes demeures où les attendaient les moque- ries de ceux qui, plus circonspects qu'eux, avaient voulu d'abord recevoir la confirmation de cette nouvelle, durent rester en Syrie, où ils furent accueillis par ceux qui, comme eux, avaient été dupes de leur crédulité. Les chroniques assez obscures, au sujet des résultats, ne donnent sur ces derniers événements que peu de lumières ; mais ces faits , tout hypothétiques qu'ils sont, ne doivent pas être rejelés comme invraisemblables, quand on a pour les corroborer des faits identiques qui se sont passés à d'autres époques. Notamment au temps du fa- meux aventurier messianique, SabataïSévi. III La doctrine de Sérène ne nous est connue que par quelques mots cités à son sujet, dans la Décision casuistique, résolue par Rabbi Nitronaï. Le peu qui nous en reste, en donne suffisamment l'esprit et les tendances ; et l'on peut affirmer , sans que cela puisse être taxé d'invraisemblance, qu'il fut le précurseur du Garaïte Anan. Celui-ci aurait pris de Sérène les idées réformatrices et les maintenant parmi Ainsi, en écartant la date de 759 de saint Isidore, qui ne peut être qu'une erreur, et celle de 713 de Théophanes, toutes les autres s'accordent à placer cet événement entre 718 et 723. (1) C'est ainsi qu'il est nommé dans saint Isidore et dans une version de la Décision casuistique de R. Nitronaï. Dans une autre version, on lui donne le nom de Sereja. Les autres chroniques ne le désignent que par ces mots : « un certain Syrien. » (2) C'est ce qui semble résulter d'un passage assez obscur de la Chro- nique de saint Isidore (1. c.) où il est dit que le roi « Serenum ad se convo- cam virum si Messias est quae facere cogitaret. » les anciens partisans de ce pseudo-Messie, les aurait étendues et serait arrivé à la formation de cette *^cte, qui rejette entièrement l'autorité du Talmud. Car sans cela, comment supposer qu'une réforme aussi radicale surgît subitement au milVu même des écoles les plus adon- nées à l'étude du Talmud, pût aussijfacityment prendre naissance et pénétrer dans les esprits, si le terrait n'en eût été préparé à l'avance par quelques idées identiques, ayant les ïnêVies tendances, sans avoir toutefois la hardiesse de rompre en visière avec les partisans exclu- sifs du Talmud et tout un long passé? Quelques faits seulement, avons-nous dit, articulés contre Sérène, montrent que non-seulement il voulait passer ptar Messie, mais qu'il agissait déjà et se posait comme réformateur. Or; les idées qu'ils sup- posent et qu'il faut analyser avec circonspection semblent indiquer un mouvement analogue à celui qui, il y a dix ou vingt ans, se ma- nifesta parmi nos frères de l'Allemagne. 11 n'est pas à supposer, comme nous l'avons dit déjà pour Anan, que Sérène voulût entière- ment abolir l'autorité du Talmud, dans laquelle il puisait la sienne. Sa réforme, selon toute vraisemblance, dut porter seulement sur certains préceptes qu'il ne croyait plus obligatoires, ou que le Tal- mud lui -même envisage comme d'une moindre importance. En étu- diant les faits et les griefs que ses antagonistes articulent contre lui, on arrive à cette conclusion, et on n'a pas besoin d'aller jusqu'à ad- mettre que Sérène rompit entièrement avec le Talmud. En effet, que lui reprochent les partisans du Talmud ? L'abolition des prières, duvin tiessech, du second jour de fête, des contrats de mariage et des actes de répudiation, des Tréphoth et des Araijolh (1). Ce sont là les seuls griefs que nous connaissions aujourd'hui ; et certes, s'il y avait eu des réformes plus graves et plus importantes à lui reprocher, on les eût articulés dans cette demande que l'on fit à Rabbi Nilronaï, si, pour admettre de nouveau ses disciples dans le sein de la Synagogue, on devait leur imposer l'ablution comme aux non-Israélites. Ainsi, l'abolition des prières ne peut pas et ne doit pas vôuloir désigner toutes les prières ; car, comment supposer que celui qui se disait fils de Dieu (2) songeât à effacer du cœur des hommes cette com- munion intime qui les élève et les rapproche de. Dieu. Sa réforme porta sans doute sur certaines prières seulement, telle est par exem- ple celle du Schémonc-essrc, où l'on demande à Dieu l'arrivée du Messie ; il en est de même de toutes celles qui y font allusion. Une pareille restriction doit être apportée, il semble, à cette abolition du contrat de mariage et de l'acte de répudiation. Son intentionné dut (Il V. Schaaré Cédek,]}. 24. Tesch. Mabit de Moïse de Trani, t, I er , n° 19, ; (2) Théoph., Chroîiogr., 1. c. pas. être de supprimer toute formule, tout écrit constatant légitime- ment le mariage ou la répudiation ; mh ' voulut sans doute substi- tuer à des formules qu'il trouvai js d'autres formules où sa venue serait prise comme date < « nouvelle. Peut-être voulait- il aussi laisser à ceux qui c ï : *ent ou rompaient un mariage toute certitude de rédaction} *ïcun des deux partis pût y faire entrer, après débat, ses pens« ^es prétentions tel qu'il estd'ha- bitude de le faire maintenu : j nos contrats civils. Quant à ses autres réfon; , on doit y voir également, ce semble, l'intention d'affrancbir les 'Tonibitions talmudiques, de tout ce qui lui paraissait avoir été ajoute par le temps dans les cas où la tradition talmudique énonce différentes opinions, ou en donne des motifs qu'il croyait n'exister plus de son temps. Telle est, par exemple, le vin nessech, qu'il crut pouvoir supprimer parce que, de son temps, les libations n'existaient plus; la réforme du second jour de fête qu'il crut pouvoir faire, parce qu'il savait que ce jour n'était pas observé en Pa- lestine, et qu'il était sur le point d'y conduire ses partisans. Enfin les Tréphoth et les Araijoth, qu'il abolit, ne durent pas em- brasser toutes les prohibitions, mais certains cas particuliers sur les- quels le Talmud rapporte divergence d'opinions, et dont le doute de la Halacha a dû faire admettre dans la suite l'opinion la plus sévère, la plus stricte. En résumé, tirant son autorité des faits de la Bible commentés par le Talmud, il dut conformer sa vie et ses actes aux indications mes- sianniques données par la tradition, et par suite ne pas s'en séparer non plus quant à la doctrine, comme l'a fait plus tard Anan. Cepen- dant, par ses réformes, quelque modérées quelles aient été, il dut porter atteinte à cette même autorité talmudique que sa prétention d'être le Messie devait lui faire ménager. Anan survint, trouvant la transition toute faite, les esprits prépa- rés; il formula nettement la négation de la tradition, et rejeta complè- tement l'autorité du Talmud. àb. Cahen. Gradué Grand-RabbinJ — 45 — Mil. Quant aux prêts que les Juifs auront faits avant la Purification, les débiteurs ni leurs cautions ne pourront pas être forcés de vendre leurs bien, pour les payer, ni ne pourront être mis en prison ; mais il leur sera permi de céder aux Juifs les deux tiers de leurs revenus et de s'en réserver le ties pour vivre; et cependant leurs bêtes, charrues et autres effets mobiliers ne pourront être saisis. IX. Tous les débiteurs, tant de France que de Normandie, qui n'ont ni meubles ni immeubles et qui ne peuvent vivre que du travail de leurs mains auront un répit de trois ans pour payer leurs dettes en donnant caution d'en payer chaque année le tiers. Février 1 196. — Dans les environs de la ville de Spire on trouva un chré- tien assassiné, et alors comme toujours on en jeta l'accusation sur les Juifs- La populace se souleva et commença à exercer sa vengeance par profaner la tombe récemment fermée de la ûile du rabbin Isaac ben Ascher ha-Levi. On retira le corps de la tombe, on la pendit toute nue sur la place du Marché et on insulta la morte par tous les moyens possibles. A force 'de sacrifices et d'argent, le malheureux père parvint cà la rendre au repos de la sépulture. Mais le lendemain, la populace vint avec une nouvelle violence assaillir la maison du rabbin : celui-ci, avec huit autres Juifs, furent mis à mort, et leurs maisons furent incendiées. Les autres Juifs, ne pouvant espérer de salut par suite de la connivence qui existait entre les assassins et l'évêque de Spir e, se retirèrent en masse dans la synagogue et s'y barricadèrent. Ils purent pendant la nuit fuir de la ville, grâce au secours que leur apporta un Juif de Boppard, Chiskiah ben Ruben. Mais cette proie qui était enlevée à la populace la mit en fureur, et elle assouvit sa rage sur la synagogue qu'elle incendiai les livres de la loi furent lacérés et foulés aux pieds et toutes les maisons pillées. Mais aussitôt qu'Otton, frère de l'empereur Henri VI, apprit ces scènes de barbarie, il s'approcha de la ville de Spiie et dévasta les vil- lages, campagnes et forêts qui appartenaient à l'évêque et aux bourgeois de la ville. Quand on vit les Juifs si puissamment protégés, on ch ;ngea de con- duite : les principaux meneurs et les assassins furent arrêtés ; les Juifs reçu- rent le payement de toutes les pertes qu'ils avaient essuyées ; la synago- gue et les maisons durent être réparées aux frais de la ville. Sept jours après cette émeute de Spire, quelques chrétiens se jetèrent sur les Juifs de Boppard et en tuèrent huit. Otton vint de nouveau prendre le parti des Juifs ; mais cette fois il fit un exemple en les punissant d'une ma- nière terrible : deux des coupables eurent les yeux crevés. Lorsque quelques mois après l'empereur Henri W vint à Boppard, il condamna les bourgeois à payer une forte amende. Trois cents marcs durent être donnés à Chiskiah ben Ruben (1). (1; V. Graetz gerchichte der Juden, vi, 273 et 274. — 46 — 13adar. — Fête de Nicanor, tombée depuis longtemps en désuétude, mais qu'on célébrait encore du temps de Josèphe l'historien, en souvenir de la victoire remportée par Juda Macchabée sur Nicanor, général syrien, l'an 16Î avant Jésus-Christ. Un combat acharné s'était livré à Adasa, prés de Beth-Horon, dans lequel Nicanor périt; son armée, composée de neuf mille hommes, fut mise en fuite et complètement détruite par celle de Juda, forte seulement de trois mille hommes. Cette fête tombant au même jour que le jeûne d'Esther, il s'en suivait né- cessairement que soit le jeûne, soit la fête devait être supprimé. Or il est certain que, pendant toute la durée du second Temple et même longtemps après, la fête de Nicanor était seule célébrée et le jeûne d'Esther n'avait pas lieu. A une certaine époque après la destruction du Temple, époque que l'on ne peut préciser, le jeûne d'Esther fut remis en honneur et la fête de Nica- nor supprimée. Quelle fut la cause de ce changement? C'est ce que l'on ne peut dire ; mais on suppose que la pensée des réformateurs fut que, la na- tionalité étant détruite, on ne devait plus célébrer les anniversaires rappe- lant des faits heureux, et que les jeûnes étaient les seuls anniversaires di- gnes d'être célébrés pendant toute la durée de la dispersion. C'est ce qui fait que la tradition populaire a entièrement oublié de glorieux faits d'armes de nos pères. 8 février 552. — Constitution de l'empereur Justinien datée du 6 des ides de février de la 25 e année de son règne et adressée cà Ariobinde, préfet des préteurs (1). D'après cette constitution en trois chapitres, il est défendu de lire la Bible en Hébreu ; de plus, il leur est permis de se servir des traductions lati- nes ou grecques, telles que celles des Septante, d'Aquila, et la Vulgate ; La Mischna ou Deuterosis est sévèrement défendue. A la fin, il est ajouté : « Si quelques individus osent garder chez eux des » livres athées, s'ils nient la résurrection, le jugement dernier, ou la nais- » sance de Dieu, ou s'ils disent que les anges sont ses créatures, nous ordon- » nons qu'ils soient chassés de toute part, qu'on leur ôtele pouvoir de blas- » phémer et que la peine du dernier supplice extirpe de semblables erreurs » de la nation juive qui ne reconnaît pas le vrai Dieu. C'est là un des premiers symptômes du fameux compelle intrare, (force-les d'entrer), qui se soit manifesté dans l'empire d Orient. 9 février 1700. — Arrêt du conseil qui impose aux Juifs portugais une taxe de vingt mille livres qu'on levait sur eux parce qu'on les regardait comme étrangers. (1) Nouvelles de Justinien. Constit. U6. - Al — 9 février 1764, — Séance de l'Inquilition en présence du pape Clé- ment XIII, dans laquelle on décide qu'on écrirait au vice légat d'Avignon et au père inquisiteur pour qu'ils publient un édit menaçant de peines graves, afflictives et corporelles, c'est-à-dire des galères aux hommes et du fouet aux femmes, ceux qui donneraient le baptême aux enfants des Juifs, malgré la volonté des mères et qui feraient des menaces à cet effet. Ainsi, il y a un siècle, on entendait bien mieux que maintenant ce que doit être l'autorité paternelle ; et si Sa Sainteté Pie IX s'était inspiré, lors de l'affaire Mortara, de l'exemple qui lui était légué par quelques uns de ses prédécesseurs, notamment par Clément XIII, il n'aurait certes pas excité contre lui cette tempête de réprobation qu'a soulevée l'enlèvement de l'en- fant Mortara. 10 février 1691. — Arrêt du parlement de Metz qui dit quele témoignage de deux Juifs contre un chrétien est inadmissible et nul (\). Cet arrêt étonna tous les habitants de la ville où les Juifs étaient fort con- sidérés et estimés. Aussi, sur les démarches tentées par les syndics de la communauté, aidés par les notabilités de la ville, cet arrêt fut bientôt après abrogé. 11 février 1603. —Sous 1 episcopat d'Horace Capponi, évèque de Carpen- tras, les Juifs de cette ville furent accusés d'avoir traîné une croix dans la boue et d'y avoir ensuite crucifié un agneau. On punit rigoureusement ceux d'entre les Juifs qu'on accusait le plus fortement. L'évêque voulant en perpé- tuer la mémoire, fit dresser une grande croix devant la cathédrale de Saint- Siffrein avec cette insciiption en latin: « Le florentin Horaca Capponi, évé- »> que de Carpentras, a érigé cette croix aux frais des Juifs, afin qu'ils vissent » dans un plus grand éclat le signe vénérable qu'ils avaient outragé (2).» Cette accusation, aussi étrange qu'inattendue, était d'autant plus absurde qu'on attribuait aux Juifs de représenter Jésus sous la figure d'un agneau, emblème de la douceur; ils auraient accusé par là leurs pères d'avoir fait de Jésus une victime ; et certes, ils ne pouvaient avoir eu cette intention. 12 février 1414. — Le duc de Berri, en sa qualité de lieutenant du roi en Languedoc, permet aux Juifs d'Espagne, où ils étaient persécutés à la suite du Congrès de Tortose, de passer par sa province pour se retirer en Provence en payant vingt sols parisis par tête. (1) 15 février 1859. — Un Juif de la Hasbia (province de Damas), Schaloum abi Taboul, fut appelé chez le scheik Mahmoud Keiss, qui lui demanda de (1) V. Augeard, Recueil des arrêts. (2) V. André. Recteurs du Contat-Venaissin. — 48 — faire cesser l'ensorcellement d'une de ses femmes. Sur le refus du Juif, on le maltraita et on le jeta dans un cachot, chargé de chaînes. Les démarches et des Juifs, et des chrétiens, et du gouverneur de la province et du hey lui- même ne purent rien sur l'esprit obstiné du cheikh, qui refusait toute con- cession; il fallait ou que le Juif fit cesser l'ensorcellement ou qu'il mourût. Enfin, le moine shérif de Damas envoya au scheikh une vingtaine de moines qui le persuadèrent et le décidèrent à lâcher le Juif. Exténué par suite de mauvais traitements et à demi-mort, Schaloum dut quitter cependant immé- diatement Hasbia, d'après le conseil du gouverneur et du bey, de crainte que le scheik ne revînt sur ce qu'il venait d'accorder. 16 février 1388, — Lettres-patentes du roi Charles VI, par lesquelles il révoque la commission donnée à Bérault-Bresson et à Jean Truquam, pour être juges des Juifs dans le vicomté de Paris et tout le pays de la langue d'Oïl : il veut que, dorénavant, les Juifs soient jugés au Châtelet par le pré- vost lui-même, avec l'apposition du sceau de la prévôté (1). 19 février 1091. -Diplôme de Henri IV, empereur d'Allemagne, en faveur des Juifs de Spire (2). Il défend de forcer les Juifs à faire baptiser leurs esclaves, sous peine d'une amende de douze livres d'or. Si un Juif se fait baptiser, il perd tout droit à l'héritage de sa famille ; si un procès s'élève entre un Juif et un chré- tien, on doit ie juger selon le droit des Juifs; enfin, on ne soumettra pas les Juifs aux épreuves du feu et de l'eau. Certes, en présence d'une ordonnance aussi favorable aux Juifs, on devait bien peu s'attendre aux horreurs et à la barbarie que, six ans à peine après, allaient exercer les croisés au nom d'un Dieu clément et plein de charité. 2 H février 1290. — Ordonnance du pape Nicolas IV au sujet des Juifs de Provence (3). En Provence et dans les pays environnants, les relations commerciales des Juifs avaient introduit chez les chrétiens différentes coutumes et usages des Juifs. Bon nombre de chrétiens, pendant leur maladie ou à l'occasion d'autres peines, faisaient brûler des lampes et des chandelles dans les syna- gogues et y prodiguaient les offrandes pour obtenir la guérison aux malades, l'heureuse navigation à ceux qui étaient sur mer, la délivrance aux femme en travail et la fécondité aux stériles. Pour cet effet, ils avaient le même res- pect que les Juifs pour les rouleaux qui contiennent les cinq livres de Moïse; ce qui paraissait aux autres chrétiens une espèce d'idolâtrie. Le pape voulant réprimer ces abus, écrivit le 20 février aux Frères Mineurs, qui exerçaient (1) Lois et ordonnances des rois de Franee, t, vu. (2) Wùrdtwein. Nova subsidia diplom., t, i. (3) Fleury, Ht st. ecclésiast., t. xix, p. 538. — 49 — les fonctions d'inquisiteurs dans les provinces d'Arles, d'Aix et d'Embrun d'en informer soigneusement et de procéder contre les coupables comme contre les idolâtres et les hérétiques. 20 février 1322. — Par une ordonnance du roi Charles IV dit le Bel, da- tée de ce jour, nous apprenons que Philippe le Long, son père, avait fait condamner les Juifs du royaume à une amende de cent cinquante mille livres par un arrêt du parlement, et que, suivant la répartition qui en fut faite en- tre les procureurs des Juifs de la langue d'Oc et de la langue d'Oïl, les pre- miers furent taxés quarante -sept mille livres parisis, savoir : ceux de Car- cassonne à 22,500, ceux de Beaucaireà 20,500, ceux de Toulouse à 2,000, ceux de Rouergue à 1,900, et enfui ceux du Périgord et de Querci à 100. (1) 20 février. — Bulle du pape Martin V en faveur des Juifs, datée du 10 des calendes de mars (2). Loin de chercher à faire baptiser les Juifs, nous avons déjà vu qu'en 1417 il les avait pris sous sa protection particulière. Par sa bulle de 1422, Martin V lance l'excommunication contre quiconque prêcherait ou exciterait le peuple à se jeter sur les Juifs ; il veut que les chrétiens traitent avec mansuétude les Juifs et qu'ils aient en respect et leurs personnes et leurs biens. 22 février 839. — Diplôme de Louis-le-Débonnaire, par lequel il con- firme aux Juifs leurs possessions dans la Sepiimanie (3). L autorise les Juifs à posséder ou à aliéner leurs biens-im meures, et recommande au peuple de ne les tourmenter en rien. Plusieurs Juifs sont nominativement cités dans les décrets ou diplômes de ce roi; ce sont : Godiocus et ses fils, Jacob et Vivacus; Damatam le rabbin et son petit-fils Samuel; enfin David, Joseph et Ammanicus, habitant Lyon. 22 février 15-43. — Quelques brigands, excités par l'espoir de l'impu- nité, pénètrent dans la maison du rabbin Moseh'eh ha-Cohen, à Pieve, dans le gouvernement de Ferrare. Le rabbin était absent. Ils n'en en- foncent pas moins les portes et exercent des cruautés sur le reste de la famille ; ils tuent sa femme Hannah, sa fille Judith et ses fils Schem- Tob et Samuel, ainsi que les domestiques ; ils pillent la maison et s'en- fuient. Mais cette impunité qu'ils avaient espérée, parce que les victimes étaient des Juifs, ne leur fut pas accordée, et quelques jours après, les (1) Don Yaissette, Hist. du Languedoc, t. îv, p. 190, (2] RaynaL, Ann, ecclésiast., t. xyiii. (3) Tables de Brequigny, V. aussi Recueil des historiens des Gaules, t. VI, p. 624. 7 — 50 — investigations de la justice ayant fait découvrir l'un des coupables, on l'exécuta à Ferrare après qu'il eut été battu de verges (2). 24 février 1147. — Depuis plus d'un an déjà, par les ordres du pape Eugène III, on prêchait partout une nouvelle croisade contre les infi- dèles, et comme pour la première fois, partout on se préparait à la guerre sainte -par ie massacre et le pillage des Juifs, malgré les prédi- cations de S. Bernard. Les habitants de Vurzbourg ne voulurent pas faire exception à la règle, et à leur tour ils se jetèrent sur les Juifs de la ville, massacrèrent le rabbin Isaac avec tous ses disciples, puis saisis- sant une jeune fille, ils l'entraînèrent à l'église pour la baptiser. Mais elle refusa le baptême ; alors on se jeta sur elle et on la frappa à coups de pierres e) de poings, et on la laissa étendue pour morie sur les dalles mêmes de l'église. Cependant une femme chrétienne en eut pitié; elle vint au milieu de la nuit, remporta dans sa demeure, la soigna et la rappela à la vie. Les autres Juifs s'étaient cachés' chez leurs amis chrétiens et le lendemain ils se retirèrent au châ'eau, où protection leur fut accordée. L'évêque ayant fait réunir tous les corps et les mem- bres épars, les fit enterrer dans un jardin que la communauté, une fois l'orage passé, acheta, et dont elle fit dans la suite un lieu de sépul- ture (l). 26 février 1569. — Bulle du pape Pie V contre les Juifs des Etats de l'Eglise (2). Pie Vordonne que tous les Juifs des deux sexes qui sont sous son pouvoir devront quitter ses Etats dans l'espace de trois mois ; tous ceux qui, passé ce délai, seraient trouvés dans ses Etats, soit comme habitants, soit comme voyageurs, seraient dépouillés de leurs biens et vendus eux-mêmes comme esclaves. Les Juifs de Rome et d'Ancône sont seuls exceptés de l'expulsion ; mais ils demeurent soumis aux autres mesures édictées par cette bulle. Sombre époque de la catholicité : les injustices et les cruautés fré- quentes semblent montrer qu'elle cherche à justifier la séparation des huguenots et la réforme qu'ils apportèrent dans le monde chrétien. 27 février 1221. — Bulle du pape Honorius III (3). Il est parvenu à sa connaissance que beaucoup de Juifs cessent de porter les signes qui doivent les distinguer des chrétiens et que, par suite de cette infraction, il se commet des énormités telles que l'al- liance des Juifs avec des chrétiennes, et de chrétiens avec des Juives ; (1) V. Emekha-Bachah. (2) Emek ha-Bachah. (3) Recueil général des Bulles. (4) Recueil général des Bulles. — 51 — que les nobles chargent les Juifs de certains offices publics qui leur donnent un grand pouvoir sur les chrétiens, soit dans les villes, soit dans les campagnes; comme tout cela est non-seulement impie, mais encore injuste et coupable, il ordonne que les canons des conciles généraux soient strictement exécutés en ce qui concerne la marque distinclive des Juifs, et que les nobles, sous peine d'anathème, ne leur accordent plus d'emplois publics. 28 février 1295. — Le sénéchal de Beaucaire ayant, d'après l'ordre du roi, fait arrêter tous les Juifs de sa sénéchaussée sans excepter ceux qui étaient justiciables de l'église, l'évêque de Nîmes en porta plainte au roi, qui envoya des lettres-patentes au sénéchal dans lesquelles il disait qu'il n'avait entendu comprendre dans ses ordres contre les Juifs ceux qui étaient justiciables de l'Eglise, et qu'ainsi il eût à délivrer ceux qu'il avait fait arrêter (1). Mars 591. — Lettre du pape S. Grégoire le Grand, adressée à Pierre évêque de Terracine (2). Il lui dit qu'il a été informé par des Juifs qu'il exerçait contre eux de grandes vexations; ainsi, par exemple, qu'il les avait chassés du lieu où ils avaient l'habitude de se réunir à Terracine pour fêter lèurs solenni- tés ; qu'il les avait d'abord autorisés à se réunir dans un autre lieu, mais que bientôt après il les avait chassés. Le pape lui exprime à ce sujet tout son mécontentement, et lui dit qu'il veut que dorénavant il permette aux Juifs de se réunir là où ils avaient l'habitude et comme ils avaient cou- tume de le faire. 11 veut de plus que l'évêque traite les Juifs avec douceur; « car, dit-il, il faut amener à la religion par la mansuétude, la persuasion et la bienveillance, et non par la force et la peur. » 1 er mars 1274. — Bulle du pape Grégoire X contre les chrétiens qui se font Juifs et contre les Juifs baptisés qui reviennent à leur ancienne croyance (3). Par cette bulle, Grégoire X charge les inquisiteurs de poursuivre par tous les moyens possibles les chrétiens qui se font Juifs et les Juifs relaps, d'agir envers eux comme envers des hérétiques et de punir avec rigueur tous ceux qui les protégeraient, favoriseraient leur changement de reli- gion ou leur donneraient asile. Les inquisiteurs peuvent et doivent même en cas de besoin recourir au bras séculier. Cette bulle n'est que la remise en vigueur de celle de Clément IV, 1267' et elle fut de nouveau promulguée par Nicolas IV en 1288, par Jean XXII (1) Ménard. Histoire de Nîmes, 1. 1, p. 414; {% Lettre de S. Grégoire le Grand, liv. I, lettre 34. (3) Recueil général des bulles. — 52 — en 1317. Que nous sommes loin de l'exécution des paroles si sages de Gré- goire I er que nous venons de citer ! 1 er et A mars 1553. — Apparition de deux traductions espagnoles de la Bible, par Duarte Pinel et Abraham Usque, tous deux nés à Lisbonne et établis à Ferrare sous la protection du duc Hercule d'Esté. Ce qu'il y a de remarquable dans ces deux traductions, c'est que d'abord elles sont les premières faites en espagnol par les rabbins, qu'elles ont été toutes les deux publiées à Ferrare dans le même mois. Mais un autre point non moins remarquable, c'est l'identité de ces bibles. Voici ce que dit à ce sujet Rodriguez de Castro dans sa Bibliothèque des rabbins espagnols : « Cette édition d'Abraham Usque et celle de Duarte Pinel sont tellement » uniformes entre elles pour le fond et pour la forme, que l'un et l'autre » ont un même titre et un même prologue; une même forme de lettres » qui est la gothique; les mêmes ornements dans le frontispice et à cha- » cune des lettres initiales qui se trouvent dans l'ouvrage; sans aulre » différence que celle d'être dédiées, l'une par Jérôme de Vargas et Du- » arte Pinel au duc de Ferrare, avec la date à la fin du volume par les » années du Christ: premier mars 1553; et l'autre à dona Garcia Naci » par Jom-Tob Atias et Abraham Usque avec la date par les années du » monde : 14 mars 5313. » Ces deux édi'ions et traduclions de la Bible sont devenues célèbres et sont connues sous le nom de Bible de Ferrare. 5 mars 1232. — Bulle du page Grégoire IX adressée au ciergé et aux fidèles d'Allemagne (1;. Dans cette bulle, Grégoire IX reproche aux Juifs de ne pas accepter comme des bienfaits toutes les lois, tous les décrets qu'il déclare être d'une trop grande tolérance (! !) 11 déclare les Juifs coupables d'ingrati- tude. Il les accuse en outre d'agir en véritables ennemis de la foi chré- tienne : leurs esclaves, dit-il, ils cherchent à les convertir et à les circon- cire; leurs nourrices et leurs domestiques ils les rendent témoins de toutes les horreurs de leur religion; eux-mêmes ne se distinguent plus dans la foule des chrétiens par les marques particulières que leur avaient imposées les conciles généraux et cherchent par des discussions à af- faiblir la foi des chrétiens. Aussi Grégoire IX ordonna-t-il à tous les fidèles à faire observer strictement tous les décrets antérieurs au sujet des Juifs; il veut qu'à l'avenir ils n'aient ni esclaves ni nourrices, ni domestiques chrétiens ; qu'ils portent au contraire des marques qui les distinguent, et il leur est enfin défendu de soutenir aucune dis- cussion avec les chrétiens. 5 mars 1687. — Sylva père, un des plus célèbres médecins de l'épo- que, avait exercé pendant longtemps les fonctions de médecin de Yhà- (1) Recueil général des bulles. - 53 — tel de ville de Bordeaux ; mais les jurats de la ville le remercièrent en 1687, objectant sa qualité d'étranger, et lui substituèrent un nouveau converti nommé Raugeart. Cette intolérance passagère n'empêcha pas que le fils de ce Sylva, devenu célèbre médecin à son tour, ne fut un des médecins ordinaires du roi et qu'il refusât, par attachement pour la France, la place de premier médecin de l'impératrice de Russie (1). 6 mars 1328. — Après la mort de Charles le Bol, les peuples de la Navarre se soulevèrent en masse contre les Juifs et en massacrèrent a Estella et dans d'autres localités plus de six mille. Le rabbin Menachem, fils d'Ahron ben Zérach, dont ces hommes furieux avaient attaqué la maison, ne dut son salut qu'à la faveur d'une défaillance qui le fit tomber sans connaissance parmi les morts. Le lendemain seulement un cheva- lier, ami de son père, l'y trouva, le fit revenir à la vie et lui procura les moyens de s'enfuir en Castille. Jeune encore, il continua ses études à Tolède; et au bout de deux ans il alla à Alcala, où il devint l'élève de Joseph ibn Algaïch, à qui il succéda comme professeur en 1368. Mais dans la lutte qui survint entre don Enriquez et don Pèdre, ayant eu sa maison pillée, il se retira de nouveau à Tolède, où, pour honorer son protecteur Samuel Abarbanel, il composa son célèbre Cédah Laddéréch, résumant toute la casuistique talmudique etpost-talmudique. Il mourut à Tolède en 1385. (2) 9 mars 1807. — Clôture des séances du grand Sanhédrin. Au mois de mai 1806 un décret impérial convoquait pour le 15 juil- let suivant une assemblée de Juifs notables de France. Cette assemblée se réunissait pour la première fois le 26 juillet dans une salle de l'Hô- tel-de Ville et nommait pour président M. Furtado. Un programme, rédigé par le gouvernement, soumettait à la discussion certaines ques- tions capitales, et, après les réponses faites par l'assemblée et con- formes au désir de S. M., le gouvernement résolut de convoquer à Pa, ris une assemblée de rabbins ou Sanhédrin qui serait composé, selon l'usage antique des Juifs, de soixante-dix membres, outre le président- et qui donnerait aux décisions de l'assemblée des notables la sanction légale et religieuse. Ce Sanhédrin se réunit pour la première fois le 9 février, sous la présidence du rabbin David Sintzheim. Le 9 mars le Sanhédrin avait fini ses travaux et il fut antorisé à clore ses séances. Nous ne pouvons faire mieux connaître l'importance des décisions du Sanhédrin que par le résumé qu'en a fait le président dans son dernier discours. S'adressant à l'assemblée il leur disait : » Vous avez avoué l'autorité du prince et commandé la soumission. (1) Detschewery, histoire des Israélites de Bordeaux. (2) Emek ha-bachah. — u — » Vous avez reconnu la validité de certains actes civils, mais vous » avez avoué leur incohérence religieuse. » Vous avez condamné certaines opinions anti-sociales et vous avez » dit avec Jérémie : » Priez pour la paix de la ville dans laquelle vous » êtes. » » Vous avez reconnu certains usages tolérés dans laPalestine; mais » vous les avez condamnés comme contraires aux mœurs des Euro- » péens. » » Vous conformant aux préceptes du Dieu d'Israël, qui est un Dieu » de paix, vous avez permis que, dans certains actes publics, la sanc- » civile précédât la sanction religieuse, pour marquer notre déférence » aux lois de l'Etat. » » Vous avez reconnu qu'il était de certains cas où les dispenses de » quelques points de la loi devenaient nécessaires : la protection du » souverain et le salut de l'Etat vous faisaient un devoir de l'accorder. » » Vous avez censuré hautement deux vices que l'on regardait comme » inhérents à la loi ce Moïse; mais qui ne dérivent que de la corrup- » tion du cœur, et vous avez prescrit et ordonné comme antidote spé- » cial, l'agriculture et les professions des arts utiles. » Comme on peut le voir, cette réunion de rabbins et de quelques laïques, réunion ayant autorité par sa science religieuse et talmu- dique, a eu le courage de porter la main sur certains usages, certaines observances, certains points, admis depuis de longs siècles et ne leur a pas reconnu le caractère d'inviolabilité que l'antiquité de leur éta- blissement semblait leur assurer. En un mot, le Sanhédrin, dont la piété et l'orthodoxie ne peuvent pas être mises en doute, a admis en principe que les nécessités de l'Etat et des mœurs européennes deman- daient des changements qui ne pouvaient pas atteindre les dogmes fondamentaux du Judaïsme et qui n'étaient pas contraires aux principes de la loi de Moïse. 11 mars 1506. — Emeute à Lisbonne contre les Juifs. (1) La peste faisant de grands ravages à Lisbonne, le roi fut obligé de se retirer à Abrantès, où la reine accoucha d'un enfant (3 mars) qui fut nommé dom Louis. Il fut baptisé huit jours après. Mais la joie publi- que fut troublée à Lisbonne par une émeute populaire qui s'éleva con- tre les Juifs pour un sujet assez léger. Il y avait dans l'église de Saint- Dominique un crucifix en relief et recouvert de verre. Quelques per- sonnes entendant la messe, trompées par un certain éclat que rendait le verre en réfléchissant la lumière, crurent que c'était quelque chose de miraculeux et crièrent tout haut dans l'église: Miracle! miracle! Un Juif nouvellement converti, qui se trouvait dans l'église, voulut détrom- per les autres et se moqua de leur simplicité. Le peuple, croyant que ce Juif ne parlait ainsi que par mépris de la religion, entra dans une (1) Fleury, hist. eccles. T. XXIV. P. 580. t — 55 — si grande fureur qu'il se jeta sur ce malheureux, le perça de mille coups et brûla son corps au milieu de la rue. Un religieux, sortant d'un mo- nastère voisin, anima cette populace mutinée et la poussa à commettre les plus horribles cruautés. On n'entendit bientôt plus que des cris tumultueux de tous les côtés et l'émeute devint générale. Le discours emporté et véhément du religieux fut le signal d'un affreux massacre. La populace devenue furieuse se jeta brutalement dans toutes les mai- sons des Juifs nouvellement convertis et dont la plupart pratiquaient, en secret la religion de leurs pères; on fil main basse sur ces malheureux; on égorgea impitoyablement hommes, femmes, enfants, sans distinction d'âge ni de sexe; les maisons furent pillées etincendiées. Deux religieux du même monastère portaient une croix devant les séditieux pour leur servir d'étendard. Cette cruelle et horrible boucherie dura trois jours en- tiers, sans que rien pût ralentir ou éteindre la fureur du peuple. On ra- conte que plus de deux mille personnes trouvèrent la mort dans cette émeute et que bon nombre de vrais et anciens chrétiens furent égorgés par la même occasion, pour des motifs d'intérêt ou de vengeance parti- culière. Le roi, averti de ce désordre, en fut fort irrité et fit faire les informations nécessaires. Les religieux furent punis du dernier sup- plice, leurs corps brûlés et les cendres jetées au vent ; et on exécuta de la même manière les plus coupables d'entre les séditieux. 11 mars 1769. — Arrêt notable du parlement de Rouen qui casse et annule une ordonnance du juge du Havre portant que les filles Rebecca Gentilhomme, âgée de onze ans, et Esther Pimentel, âgée de treize ans, toutes deux juives, seront enfermées à l'hôpital pour être instruites dans la religion chrétienne ; fait défense audit juge d'en rendre de pa- reilles à l'avenir; ordonne que ladite Rebecca Gentilhomme sera re- mise aux mains de son père comme indûment soustraite à son auto- rité, et que ladite Esther Pimentel, âgée de treize ans accomplis, sera entendue en la Cour aux fins de savoir d'elle les véritables motifs de son changement de religion, pour, ce fait, être ordonné par ladite Cour ce qu'il appartiendra. 14 Adar. — Fête de Poiirim ou des sorts, en commémoration de la défaite de Haman, ministre du roi Assuérus. Il est généralement établi par la critique historique que TAssuérus du livre d'Esther n'est autre que le célèbre Xerxès. Les meilleures preuves qu'on en donne c'est le rapprochement des noms et des carac- rtèes. Nous n'avons pas besoin de relater ici le fait historique qui a donné lieu à cet anniversaire, il est trop connu pour que nous croyons devoir le rappeler à nos lecteurs. Mais ce que nous ne pouvons nous em- pêcher de constater, c'est que le vingt-troisième jour du troisième mois (Sivvan) est en réalité le véritable jour où le salut vint à Israël. - 56 — C'est en ce jour que les premières lettres expédiées par Haman le 23 du premier mois (Nissan), perdirent toute leur force par les contre- lettres qui furent expédiées par Mardochée, le vertueux successeur du trop barbare Haman. Le jour du 14 Adar ne fut qu'un jour de ven- geance. 15 mars 1558. — Arrêt de la cour qui impose un péage sur les Juifs qui passeraient par Châleauneuf-sur-Loire. Ce péage était fixé ainsi : pour un Juif vivant douze deniers, pour une Juive grosse neuf deniers, pour une simple Juive six, pour un Juif mort cinq sols, pour une Juive morte trente deniers. 16 mars 1190. — Massacre des Juifs à Yorck (Angleterre). Voici com- ment Fleury rapporte le fait d'après les sources ecclésiastiques. (1) « Le vendredi avant le dimanche des Rameaux, les Juifs dlYorck, au » nombre de cinq cents, sans compter les femmes et les enfants, par » la crainte des chrétiens s'enfermèrent dans la tour malgré le capi- » taine et le vicomte, à qui ils refusèrent de la rendre ; et ceux-ci exci- » tèrent le peuple à les attaquer. Les Juifs, se voyant pressés jour et » nuit, offrirent une grande somme d'argent pour se retirer la vie » sauve; et comme le peuple ne voulut pas le permettre, un d'entre » eux leur conseilla de se tuer les uns les autres, ce qui fut exécuté. » Chaque père de famille prit un rasoir dont il coupa la gorge à sa » femme, à ses enfants, ensuite à ses domestiques et enfin à lui-même. » Quelques-uns jetèrent les corps morts dehors sur le peuple, d'autres » les enfermèrent dans la maison du roi, où ils les brûlèrent avec les » bâtiments. Ceux qui restèrent après avoir tué les autres furent mas- » sacrés par le peuple. Pendant ce temps quelques chrétiens pillaient » et brûlaient les maisons des Juifs. Ainsi périrent tous les Juifs » d'Yorck; et leurs papiers étant brûlés, les chrétiens se crurent quittes » de ce qu'ils leur devaient. » Ce récit, fait par un ecclésiastique chrétien d'après les sources chré- tiennes, en dit assez pour que nous n'ayons pas besoin de faire ressor- tir ce qu'il y eut de barbare et d'inhumain dans tous les cœurs de ces misérables que l'intérêt seul guidait, et qui, pour un pareil acte, ne furent pas même troublés dans leur criminelle quiétude. Est-ce pour avoir laissé de pareils crimes impunis que Richard fut surnommé Cœur deLion?Le nom de tigre eut été mieux appliqué. 17 mars 1808. — Décret impérial qui ordonne l'exécution du règle- ment délibéré dans l'assemblée générale des Juifs français le 10 dé- cembre 1806. Ce règlement fut depuis remanié et fort changé. En ce moment même un nouveau règlement est soumis au conseil d'Etat. Il est à sou- (1) Voir Fleury, Hist. ecclés., t. xv, p. 586. - 57 — haiter que les auteurs du nouveau règlement se soient inspirés de cer- tains articles, de celui de 1806 et qu'ils aient songé à les remettre en vi- gueur.Tel est, par exemple, celui qui établissait trois grands-rabbins du Consistoire central, et dans chaque ville consistoriale un grand-rabbin et un rabbin. L'élément religieux est trop peu représenté actuellement dans les consistoires; et souvent même, certaines fonctions, apparte- nant légitimement aux rabbins, sont attribuées à des laïques ; telle est celle de représenter la religion juive dans les conseils de l'instruction publique. Il serait aussi à souhaiter que des conférences rabbiniques ou réunions synodales de tous les rabbins français fussent établies régulièrement et que lé règlement organique, avant de recevoir sa sanction suprême, fût discuté dans une assemblée générale de députés juifs comme l'a été celui de 1806. 20 mars 1603. — Lettres patentes du roi Henri IV, portant : « que ce » prince prenait sous sa protection et sauvegarde les vingt-quatre mé- » nages juifs descendant des huit premiers établis à Metz sous le règne x> de son prédécesseur; qu'ils y continueraient leurs demeures et rési- » dence et qu'ils pourraient trafiquer et négocier suivant leurs fran- » cluses, libertés et coutumes anciennes, prêter argent sur gages ou » sans gages. » Mars 1496. — Expulsion des Juifs du Portugal (1). A peine Emmanuel II monta t-il sur le trône de Portugal (1495) qu'il publia dans tous ses États une déclaration en faveur des Juifs, par la- quelle il les affranchissait de l'esclavage auquel le roi, son prédéces- seur, les avait condamnés etassujettis.Le nouveau roi croyait qu'il était de son devoir et d'une bonne politique de rétablir les Juifs dans leur première liberté et d'adoucir par tous les moyens possibles leur condi- tion qui était devenue bien misérable. Mais bientôt après, ayant demandé en mariage Isabelle, infante de Gastille et veuve du prince Alphonse, il accepta, bien à regret il est vrai, comme première condition des fiançailles, l'expulsion des Mau- res et des Juifs. Il proposa cette mesure à son conseil et la plus grande partie s'y opposa. Mais Emmanuel, dans son impatience d'épouser Isa- belle, fit publier, malgré ses conseillers, une nouvelle déclaration tout à fait contraire à la première et par laquelle il était ordonné à tous les Juifs établis en Portugal de sortir du royaume dans un terme de huit mois, sous peine d'esclavage, s'ils restaient après le temps expiré. Toujours à l'instigation d'Isabelle il ordonna qu'on enlèverait aux Juifs leurs enfants et qu'on les baptiserait malgré eux. Sponde rapporte qu'il y eut un grand nombre de ces malheureux pères qui précipitè- rent leurs enfants dans des puits plutôt que de souffrir qu'on les bap- tisât. (l)Fleury, Hist, eccl. ; — Mariana, Hist. d'Espagne. 8 — 58 Cette mesure est fortement critiquée et repoussée par le jésuite Ma- riana, dans son histoire d'Espagne, « Cet enlèvement des enfants pour » les baptiser, dit Mariana, est contraire aux lois de la justice et aux » maximes de la religion chrétienne. Peut-on, doit-on contraindre les » hommes à embrasser une religion qu'ils abhorrent ? est-il permis de » faire esclaves ceux qui la refusent et de les priver de la liberté que » le ciel leur a accordée? Peut-on, sous ce spécieux prétexte, enlever » aux parents leurs propres enfants? Jamais on ne trouverait de raison » solide qui puisse justifier une conduite si violente. Il faut convenir » que le roi de Portugal fit une faute, soit en enlevant les enfants des » Juifs et en les baptisant malgré la volonté de leurs ^parents, soit en » obligeant les autres d'embrasser la religion catholique à force de » mauvais traitements, de menaces et de violences ; mais surtout en » leur ôtant, par uue supercherie indigne d'un roi, la liberté et le pou- » voir de se relever. Aussi vit-on bientôt après que leur conversion » forcée ne fut nullement sincère ; et, par la suite, on en acquit une » preuve convaincante. Il est vrai que plusieurs, pour éviter l'escla- » vage, se firent baptiser : peut-être quelques-uns le firent-ils de bonne x> foi ; mais la plupart n'embrassèrent la religion chrétienne que pour » s'accommoder au temps. Ils conservèrent toujours dans le cœur » leurs premiers sentiments, et ils levèrent le masque dès qu'ils le » purent impunément. » Mars 1360. — Jean H, roi de France, par une ordonnance, permet aux Juifs de rentrer dans le royaume ; mais, comme ses prédécesseurs, en leur imposant un nouvel impôt annuel et un droit d'entrée très- fort pour chaque individu (1). il avait un pressant besoin de cet argent; car c'était la rançon qu'il avait promise aux Anglais pour sa personne. Aussi n'épargna -t-il au- cune promesse pour attirer les Juifs et leur argent. Il leur donna de grandes immunités, des franchises, des garanties et nomma le duc d'Etampes pour le gardien et le conservateur de leurs privilèges. 23 mars 1475. — Un habitant de Trente, en Italie, du nom de Enzo, tua un enfant de deux ans appelé Simon, dans la nuit du 15 Nissan, première nuit de Pâques (23 mars) et le jeta après cela dans le puits de la demeure du Juif Samuel. On accusa les Juifs de la disparition de cet enfant, selon l'habitude. Sur l'ordre de l'évêque, on fit des perqui- sitions dans ies maisons des Juifs, mais on n'y trouva rien. Plus tard, le bruit se répandit qu'on l'avait trouvé dans le puits du Juif Samuel On incarcéra les Juifs , on les tortura, on en tua un grand nombre et ©n fit de cet enfant un martyr dont on célébrait la fête le 24 mars (2). (1) V. Recueil des ordonnances des rois de France, t. m; et Brillon, Dic- tiênnaire des arrêts. (2) V. Emek habacha. — 59 — Rien de plus étrange et cependant rien de plus commun que cette accusation qu'on portait contre les Juifs, d'avoir besoin du sang d'un enfant chrétien pour la fête de Pâques. Une statistique curieuse serait à faire de tous ces enfants soit-disant assassinés par les Juifs à l'épo- que de Pâques. I^ous mettons sous les yeux de nos lecteurs un tableau qui, tout incomplet qu'il est, montrera combien de fois pareille accusa- tion se renouvelait. 1160 — Paul en Angleterre. 1164 — Un autre à Glocester. 1171 — Un autre à Blois. 1181 — Robert en Angleterre. 1185 — Richard à Paris, à l'église Saint-Innocent. 1220 — Un nommé Henri, en Alsace. 1235 — Un enfant crucifié à Norwich, en Angleterre. 1236 — Plusieurs tués, près de Fulda, dont les corps furent transpor- tés à Haguenau. 1255 — Hugues, enfant de neuf ans, crucifié à Lincoln. 1260 — Une fille de sept ans, à Forsheim, dans le marquisat de Bade (1). 27 Adar. — Pourim, ou fête de réjouissance, célébrée par la com munauté arabe du Caire, en souvenir de la chute d'un pacha, ennem j acharné des Juifs; on y lisait une Meguilla, ou relation exacte, de l'événement arrangée pour cette solennité. 29 Adar. — A Nuremberg et à Furth un service était institué, et l'on récitait dans les synagogues un grand nombre de Sélichoth et de Pioutim. 29 Adar. — La veille de Rosch-Hodesch Nissan, les habitants de la ville de Metz ont l'habitude de se rendre au cimetière et d'y réciter des prières pour les morts. Les différentes confréries pour les inhu- mations vont, leurs rabbins entête, processionnellement autour du ci- metière, récitant des prières. Immédiatement après, un des rabbins prend la parole et, dans un discours aproprié à la circonstance, rap- pelle à ses auditeurs les pensées que doit leur suggérer le lieu con- sacré aux inhumations. Cette belle et touchante cérémonie remonte à une haute antiquité; à la fin du dernier siècle, elle tomba en désuétude; mais elle fut rétablie il y a trente ou quarante ans , dans son éclat premier , par M. le rabbin Lazare, ancien directeur de l'école rabbmique, qui, aujourd'hui encore fait chaque année, au cimetière, un discours en langue allemande , qu'une foule empressée vient écouter avec avidité. (1) V. Fleury, Hist. écclésiast., t. xvi, xvn et xix. 60 — Nissan. — Jeûne d'une demi journée, à Erfurt, qu'on célébrait dans le temple, par la récitation de certaines Selichoth. 1 er Nissan.— Un an après la sortie d'Egypte la construction du Taber- nacle est achevée; Moïse en fait la consécration. Il fait aussi le service religieux pendant sept jours et enseigne àAaron et à ses fils la manière de célébrer le culte de Dieu. Pendant douze jours chacun des chefs des tribus offre tour à tour des présents et des sacrifices. Mais le premier jour où le service du Tabernacle fut fait par Aaron et ses fils, une ca- tastrophe subite vient troubler la joie et le bonheur de celte famille : Deux des fils d'Ahron, Nadab et Abihou périssent dans le Tabernacle même d'une mort inattendue. Avril 595. — Lettre de S. Grégoire le Grand, à Fortunatus, évêque de Naples. (1) Il veut et ordonne que les esclaves Juifs ou païens, appartenant à des Juifs, et voulant entrer dans le giron de l'Eglise, ne soient pas violemment enlevés à leurs propriétaires, mais rachetés, quand leur vocation est bien avérée. Un maître chrétien doit les acheter et en donner la valeur au Juif, qui en est le propriétaire. Dans le cas où il ne se trouverait pas d'acquéreur, l'Eglise doit y pourvoir de ses pro- pres deniers et ne doit pas permettre qu'il soit ni enlevé par la force, ni rendu à son maître. 1 er Avril 1558. — Guido Ubaldo, gouverneur d'Urbino, ayant chassé les Juifs de Pessaro, soixante et dix Juifs s'embarquèrent; et, ayant relâché à Raguse, quelques-uns descendirent pour rester dans le pays; les autres continuèrent leur route. Mais ils furent bientôt assaillis par un pirate, qu'on avait envoyé à leur poursuite ; ils furent tous faits prisonniers et vendus comme esclaves en Apulie. Quelques jours après d'autres Juifs de la même ville s'embarquèrent pour le même motif mais, mis sur leurs gardes par la nouvelle qui leur était parvenue du sort de leurs malheureux frères, ils parvinrent, à force de supplica- tions et à prix d'or, à obtenir du capitaine, qu'il changeât de direction et qu'il les conduisît en Istrie, qui appartenait alors à Venise. Ce fut à ce changement de direction qu'ils purent échapper à la poursuite, dont ils furent également l'objet. (2) 4 avril 1287. — A Vesel, dans le diocèse de Trêves, on accuse les Juifs d'avoir tué le Vendredi saint, un chrétien, nommé Verner. Aus- sitôt massacre, pillage et incarcération. Mais le roi Rodolphe, ayant eu connaissance des faits, par la plainte des Juifs, ordonna la mise en li- berté des Juifs et condamna les habitants de Vesel et de Bopparde à 2) Emek ha-bacha. (1) Correspond, de S. Grég., livre v, let. 31. une indemnité de deux mille marcs d'argent. De plus, rapportent les annales de Colmar, il obligea l'archevêque de Mayence à prêcher pu- bliquement, que les Chrétiens avaient fait grande injustice en mas- sacrant les Jui f s, et qu'au lieu d'honorer Verner comme un saint, on devait brûler son corps et en jeter les cendres au vent, puisqu'il avait été cause d'un si grand scandale. (1) Plût au ciel, que trois ans plus tard l'autorité française se fût inspirée de cet esprit de justice, nous n'aurions pas à déplorer pour notre pa- trie, non-seulement une accusation fausse et ridicule, mais une con- damnation et une exécution odieuses. Nous voulons parler du miracle de la rue des Billettes, dont le récit, que ; nous empruntons à un auteu ecclésiastique, ne peut que soulever le cœur d'indignation. « 1290. — Cette année arriva^ Paris *un miracle célèbre sur l'Eucha- d ristie. Une pauvre femme avait emprunté trente sols à un Juif et lui » avait donné en gage sa meilleure robe. Les trente sols valaient la d moitié d'un marc. La fête de Pâques approchant, la femme vint » trouver le Juif et le pria de lui rendre son habit pour ce seul jour, » qui cette année était le 2 avril. Le Juif lui dit : Si tu m'apportes le » pain que tu recevras à l'église et que \ous autres chrétiens vous ap- » pelez votre Dieu, je te rendrai ta robe pour toujours et sans argent. » La femme en convint, et ayant reçu la communion à Saint-Méri, sa » paroisse, elle garda la sainte hostie et la porta au Juif. Il la mit sur » un coffre et la perça à coups de canif; mais il fut bien étonné d'en » voir sortir du sang. Il y enfonça un clou à coups de marteau et elle » saigna encore. Il la jeta dans le feu, d'où elle sortit entière, voltigeant » par la chambre; enfin il la jeta dans une chaudière d'eau bouillante » qui parut teinte de sang, et, l'hostie s'élevant au-dessus, la femme du » Juif, qu'il avait appelée, vit à la place Jésus-Christ en croix. » La maison où ceci se passait était dans la rue des Jardins, à pré- » sent des Billettes, à cause, comme l'on croit, de l'enseigne du Juif. » Un de ses enfants était à la porte quand on sonna la grand'messe à » Sainte-Croix- de-la-Bretonnerie qui était tout proche; et voyant pas- j> ser quantité de gens, il leur demanda où ils allaient. — Nous allons, » dirent-ils, à l'église adorer notre Dieu. — Vous perdez votre peine, » dit l'enfant, mon père vient de le tuer. — Les autres méprisèrent le » discours de l'enfant; mais une femme, plus curieuse, entra dans la » maison du Juif sous prétexte de prendre du feu. Elle trouva l'hostie » encore en l'air, la reçut dans un petit vaisseau qu'elle portait et la « remit au curé de Saint-Jean-en-Grève qui est la paroisse de cette rue. » Elle lui raconta ce qui s'était passé, et il en rendit compte à Simon » de Bussi, évêque de Paris, qui fit prendre le Juif et toute sa famille. (1) V. Fleury, hist. écclésiast., t. xix, p. 486; — 62 — » Le coupable interrogé confessa tout; et, l'évêque rayant exhorté à se » repentir et à renoncer au Judaïsme, il demeura obstiné. C'est pour- « quoi il fut livré au prévôt de Paris qui le condamna au feu et le fit » exécuter. » 9 Nissan. — Anniversaire que l'on célébrait à Carpentras d'une ma- nière particulière : on récitait un al-hanissim fait pour ce jour, Res- chouth, Nischmath, et une prière pour le repos des âmes; on sortait la Thora et on y lisait les chapitres Exode xiv, 15 — xvi, 1. En 1682, un Juif fut assassiné dans la ville de Carpentras et la jus- tice en fut saisie ; mais la populace ne voulut pas que justice fût ren- due ni que le coupable fût puni; elle se jeta sur le quartier des Juifs et voulut le piller et le saccager. Mais le gouverneur mit ses troupes sur pied et protégea les Juifs. C'est en souvenir de cette protection que fut institué cet anniversaire. 10 Nissan 1560 (?) avant J.-C. Un mois à peine après la mort de Moïse, les enfants d'Israël se met- tent en marche pour le pays de Canaan. Des explorateurs furent en- voyés par Josué. El le 40 du premier mois, le Jourdain fut traversé à gué par le peuple. Immédiatement après, Josué ordonna de circon- cire les enfants qui, pendant tout le voyage dans le désert ne l'avaient pas été, par suite de la chaleur qui aurait pu être dangereuse pour eux. La célébration 'de la fête de Pâques, qui avait été également suspen- due depuis la seconde année de la sortie d'Egypte, fut de nouveau faite avec grande solennité. La manne, cette nourriture miraculeuse du désert, cessa aussitôt de tomber. 6 avril 1443. — Pragmatique donnée à Arevalo par don Juan II en faveur des Juifs d'Espagne. « Cette pragmatique, dit don José Amador de Los Rios (1), sans » contredire ouvertement l'esprit du peuple chrétien, sans donner aux » Juifs une importance préjudiciable à l'Etat, leur ouvrait cependant » 'les anciennes voies de prospérité, fournissait un aliment à leur acti- » vité et mettait à profit leurs connaissances des arts mécaniques, Elle » leur permettait, en conséquence, l'exercice d'une foule de métiers » qui leur avaient été expressément défendus depuis l'ordonnance de » dona Catherine; elle les autorisait à se livrer à certaines branches » de commerce ; elle leur accordait enfin une protection inusitée (1) Les Juifs d'Espagne, trad. Magnabal, p. 114. - 63 — » et les protégeait contre les caprices des seigneurs et desmunici- » palités, à qui elle défendait, sous des peines sévères, de porter, » comme ils en avaient la coutume, des ordonnances contre les Juifs; » elle suspendait en même temps l'effet de celles qui existaient déjà, » jusqu'au moment où elles seraient convenablement révisées. et que » le roi aurait résolu à leur égard les mesures qu'il était à propos de » prendre. » 7 avril 1341. — Arrêt de la cour du parlement qui condamne Samuel le Ny, Bellevigne de l'Etoile, Abraham de Sannes, Moreau de Laon; Auguin de Bovre, Raphaël Abraham et Joseph Dupont de Vaulx à faire revenir le sieur Denys de Machault par détention de leurs corps, et s'ils ne le font venir, la cour fera de leurs corps ce qu'elle jugera à propos; en outre la cour les condamne à être battus par trois samedis et en trois lieux, savoir : en l'échafaud des Halles, en un échafaud qui sera fait en Grève, et en un qui sera fait place Maubert. Item les con- damne en dix mille livres parisis solidairement l'un pourl'autre et à tenir prison jusqu'à plein paiement dont il sera annoncé : cinq cents livres à l'Hôtel-Dieu de Paris et le surplus, montant à neuf mille cinq cents livres, sera employé et converti à faire un pont de pierre qui se commencera à une tour qui est à Petit- Pont pour aller à la porte qui est derrière l'Hôtel-Dieu, et là sera une croix de pierre où il sera écrit que ce pont a été fait pour la punition des Juifs ; ils seront ensuite bannis du royaume et leurs biens confisqués, ladite somme préalable- ment prise (1). 8 avril 1335. — Ordonnance de l'archevêque de Mayence touchant les créances des Juifs (2). Une pénurie d'argent se faisait sentir; le clergé craignit que si les créances des Juifs étaient payées leurs dîmes courraient risque de de- meurer impayées et il en porta plainie à l'archevêque de Mayence qui affranchit tous les débiteurs des Juifs de Strasbourg, Baie, Spire et Worms. 8 avril 1790. — Lettres écrites à M. Wendt, député à l'Assemblée na- tionale, et au président de cette assemblée par les maires et officiers municipaux de la ville de Strasbourg touchant l'établissement des, Juifs dans cette ville (3). Ils déclarent par ces lettres vouloir jouir toujours du privilège, qu'a- vait eu cette ville, d'interdire le séjour de la ville aux Juifs. (1) V. Brillon, Dict. des Arrêts, art. Juif. (2) De Gudenus, Codex diplomaticus, t. III, p. 286. (3) Bibliot. de Metz, msc, f. 175. 64 — U Nissan 70. — L'insurrection générale qui avait éclaté en Judée en l'an 65, n'était pas encore étouffée, malgré les troupes nombreuses que Rome y avait envoyées sous les ordres des généraux les plus braves et les plus expérimentés. Certius Gallus, Agrippa, Vespasien et Titus avaient successivement pris le commandement de l'armée romaine, et n'avaient épargné ni massacre ni carnage. Cependant cinq ans s'étaient déjà écoulées depuis le commencement de celte guerre, et Jérusalem tenait encore bon. Mais la désunion existait dans le camp des Juifs; elle devait bientôt, par la division des forces, donner à Rome toute fa- cilité d'éteindre l'insurrection. Trois partis différents déchiraient le peuple juif : Eléazar, Simon et Jean étaient à leur tête et faisaient souvent l'en contre l'autre des sorties; et c'est ainsi que les provisions accumulées à Jérusalem furent en grande partie consommées par les bandes des adversaires ou dévorées par les flammes. A la fête de Pâ- ques, le 14 Nissan 70, Eléazar, qui était dans l'intérieur du temple, fit ouvrir les portes du parvis pour laisser entrer les fidèJes. Jean mêla dans la foule une partie de ses gens avec des armes cachées sous leurs vêtements; et ces hommes profanèrent les lieux saints et troublèrent les solennités religieuses par un horrible massacre. Les assassins frap- pèrent et les zélateurs d'Eléazar et la foule des fidèles inoffensifs, et le sang coula à flots dans le parvis du temple. Jean resta maître de l'inté- rieur du temple, et, au lieu de trois factions, il n'y en eut plus que deux. 15 Nissan 73. — Après la prise de Jérusalem (70) les zélateurs juifs se défendirent encore contre les forces des Romains en véritables dé- sespérés. Mais en 73, Masada, près de la mer Morte, était la seule ville qui fut en leur puissance. Ils y sont assiégés par les Romains sous les ordres de Flavius Sylva. A bout de ressources et ne pouvant plus sub- sister, ils se voient forcés de se soumettre ou de mourir. Ils préfè- rent la mort à la soumission. Exhortés par leur chef Eléazar, ils immo- lent en pleurant leurs femmes et leurs enfants, mettent le feu au pa- lais et à tous les objets précieux; puis ils tirent au sort dix hommes qui tuent les autres Juifs tenant embrassés les corps de leurs femmes et de leurs enfants. Après cette horrible exécution, les dix survivants s'entrégorgent. Ce sacrifice inouï eut lieu le 15 Nissan, et le nombre des victimes fut de neuf cent soixante. Le lendemain les Romains, en pénétrant dans la ville, à la vue des corps des victimes, au lieu de se réjouir de la chute de leurs ennemis, payèrent un tribut de regret et d'admiration aux héroïques défenseurs de Masada. 12 avril 1305. — Edouard I er , roi d'Angleterre, chassa les Juifs de la Gascogne, et la lettre, adressée à cette occasion au sénéchal, peint bien la barbarie de l'époque (1) : (1) ¥• Bréquigny, t. II, p. 67. — 65 — a Le roi au sénéchal de Gascogne, » Comme il ne nous convient pas que les Juifs qui se trouvent sur les » terres de notre obéissance y fassent un plus long séjour, nous vous » ordonnons qu'à la réception des présentes lettres vous les chassiez » tous de notre duché sans leur accorder aucune espèce de délai. » 16 avril 1287. — Dans les constitutions synodales publiées par Pierre Quivil, évêque d'Excester et suffragant de Cantorbéry, il est dit : Puis- qu'il est écrit dans les canons que le royaume de Dieu a été enlevé aux Juifs et donné à une nation qui pratique mieux la justice, il parait clai- rement que les chrétiens ont reçu la liberté et que les Juifs leur sont soumis par une servitude perpétuelle. Le synode défend donc aux Juifs, suivant le concile de Latran, d'avoir des nourrices ou d'autres domes- tiques chrétiens et d'exercer des charges publiques; il défend aux chrétiens de manger chez les Juifs ou de les prendre comme méde- cins (1 C'est là une preuve bien évidente de cette meilleure justice ! ! Dimanche des Rameaux. — Une antique coutume existait à Béziers- quî voulait que le dimanche des Rameaux l'évêque de la ville montât en chaire, et, après avoir donné les bénédictions au peuple cherchât à exciter les chrétiens à lancer des pierres contre les juifs. Certes cette excitation réussisait toujours. Seulement les Juifs avaient la faculté et le droit de se défendre, et les chroniques ajoutent qu'il y avait toujours beaucoup de blessés de part et d'autre. Ce ne fût qu'en 1167 que les Juifs de Béziers parvinrent à force d'argent à se racheter de cette igno- minie auprès du vicomte Raymond, surnommé Trincavelle, frère du comte Roger (2). Il existait bon nombre d'autres coutumes tout aussi ignominieuses que celle-ci qui ont été abolies successivement. Mais ce que l'on aurait peine à croire, c'est qu'il existe encore dans la ville de Rome une hon- teuse coutume qui n'a pas encore été abolie, et chaque année un Juif du Ghetto est obligé de recevoir un coup de pied d'un prêtre catholique. C'est là le signal donné à la joie du carnaval. Cette année, cette triste cérémonie, cette honteuse coutume s'est encore accomplie, mais, il est vrai, seulement en simulacre et les soldats français en ont été témoins! 23 Nissan.— Jour de jeûne instituéélans un grand nombrede villes de l'Allemagne, Cologne, Vùrzbourg et autres, en commémoration des mas- sacres qui eurent lieu le septième jour de la fête de Pâques 1147 parles croisés qui, parlant pour la guerre sainte, aiguisaient leur courage dans (1) V. Fleury, Hist. ecclés. xix 488. (2) V. Dom Morice, Hist, de Bretagne, t. I, 175; Lobineau, Hist. de Bretagne, t. I, 242. 9 — 66 — le sang de nos frères. Mais comme le jeûne est défendu pendant les jours de fête, on le remit au lendemain de Pâques. 23 Nissan. — Jeûne à Prague, en souvenir des massacres de l'année 1389. Le 22 Nissan de Tannée 1389, qui était le dimanche de Pâques (18 avril), la populace de Prague se soulève contre les Juifs. Profitant de l'absence du roi Venceslas, fils de l'empereur Charles IV, elle se rue sur la communauté juive, tue, massacre, pille, profane synagogues et cimetières, lacère et foule aux pieds les rouleaux de la loi et traîne sur la voie publique les morts qu'elle déterre. Les Juifs, en présence d'un pareil acharnement, ne cherchent que la mort : ils se tuent les uns les autres pour échapper aux horribles traiteD.enls que leur faisait subir ce peuple effréné et déchaîné ; ils donnent la mort à leurs femmes et à leurs enfants pour ne pas les laisser tomber vivants entre les mains de cette foule barbare et inhumaine. Nous possédons sur cette effroyable boucherie une nrpbo (élégie) de Avigdor Kara(l). 20 avril 1240. — Edit de Ploërmel donné par le duc Jean contre les Juifs (2). Par cet édit, il chasse les Juifs de toute la Bretagne, annule et abolit toutes les dettes contractées à leur égard ; mais ce qui est le comble de l'injustice, c'est qu'il donne l'assurance que personne ne sera recherché ni poursuivi pour la mort donnée aux Juifs jusqu'à ce jour. 22 avril 1210. — Henri III, roi d'Angleterre, mande à tous les shérifs de tous les comtés de lui envoyer à Worcester, le dimanche de Quasi- modo, six Juifs des plus riches de chaque ville; toutes les localités, même les moins nombreuses, devaient y être représentées, afin que le roi pût délibérer avec eux sur leurs intérêts communs. Mais réunis à Worcester, les Juifs pour toute délibération reçurent la communication royale qu'il fallait verser dans le Tréser du roi la somme de vingt mille marcs, sous peine de perdre leur liberté. 22 avril 1749. — Brevet expédié à^a famille Dalpuget, par lequel il lui était permis de demeurer à Bordeaux. La jalousie des Juifs portugais établis à Bordeaux avait obtenu le 21 janvier 1734 un arrêt du conseil qui ordonnait que tous les Juifs avi- li) Emek-ha-Bacha; — 67 — gnonnais, tudesques ou allemands établis à Bordeaux et autres lieux de la Guienne, seraient tenus d'en soïtir eux et leur famille , avec dé- fense d'y séjourner ou d'y rentrer. Les Juifs étrangers furent obligés de se soumettre à cet arrêt et durent quitter la ville de Bordeaux ; mais, par leurs démarches et leurs solli- citations, Jacob et Emmanuel Dalpuget obtinrent, le 22 avril 1749, un brevet du roi qui permit à eux, à leurs enfants et postérité, de continuer leur résidence dans la ville de Bordeaux pour y jouir des mêmes fran- chises et prérogatives dont jouissaient les Juifs portugais ou nouveaux chrétiens, à la charge qu'ils ne pourraient faire, ni par eux ni par per- sonnes interposées directement ou indirectement, le commerce de dra- peries ou soieries en gros ou en détail, sous quelque prétexte que ce fût, et à la condition qu'ils se renfermeraient dans le commerce de la banque et des îles de l'Amérique. Enfin, en 1759, les familles Jacob et Emmanuel Dalpuget, veuve Nathan Astruc et fils, Lyon et Vidal Lange, Solon Dalpuget, Lyon Petit et David Petit obtinrent des lettres paten- tes qui leur permettaient de vivre, habiter, commercer à Bordeaux, tout comme les Juifs portugais, à la charge seulement que ces six fa- milles payeraient dans l'espace de six ans la somme de soixante mille livres pour la construction d'un hôpital des enfants trouvés au lieu appelé Plate-Forme. 23 avril 1615. — Expulsion des juifs de France. Dans les états généraux de 1614, le clergé pria le roi d'interdire la résidence en France à tous les athées juifs, mahométans, etc., et il ob- tint satisfaction. Les anciennes ordonnances contre les Juifs, tombées en désuétude de temps immémorial, furent renouvelées par lettres-pa- tentes du 23 avril 1615, vérifiées au parlement le 18 mai, et portant com- mandement à tous les Juifs qui se trouveraient être revenus en France, déguisés ou autrement, de vider dans un mois le royaume, sous peine de vie. Cette ordonnance ne s'appliquait ni aux Juifs de Metz ni à ceux de Bordeaux, parce qu'ils avaient su se rendre indispensables au com- merce de ces villes. Philotée Elian, médecin juif qui avait un grand crédit à la cour, ne put arrêter l'effet de cette ordonnance, malgré la faveur dont il jouissait (1). « Mais, dit M. Henri Martin, cette ordon- » nance barbare et rétrograde ne fut pas longtemps observée et n'eut » probablement pour résultat que d'enrichir les courtisans, qui vendi- » rent leur protection aux Juifs proscrits.» Avril 1182. — Edit de Philippe-Auguste, roi de France, portant que (1) Mercure français, iv, 45. — m — les Juifs seront tenus de sortir du royaume avant le jour de Saint-Jean- Baptisfe (1). Cet édit fut plus tard révoqué par le besoin qu'avait le roi de voir ses trésors s'emplir de nouveau, et au mois de juillet 1198, l'édit qui l'a- brogeait fut publié par Philippe-Auguste, Commencement de mai 538. — Troisième concile tenu à Orléans Dans cette assemblée du clergé, où on fit un règlement sévère sur la discipline ecclésiastique, plusieurs canons furent arrêtés concernant les Juifs. Ainsi, dans le XIII e canon il est dît : Si les esclaves chrétiens ou chrétiennes, qui appartiennent aux Juifs, sont obligés de faire quoi que ce soit contre la religion ou contre les défenses des conciles, ils sont autorisés à s'enfuir vers l'église, et les chrétiens fidèles doivent payer aux possesseurs une indemnité ; dans tous les cas ils ne sauraient être rendus à leurs propriétaires. Il est défendu aux chrétiens de s'allier aux Juifs ou de prendre part à leur repas. Canon XXX e . Il n'est pas permis aux Juifs de sortir de leurs demeures et d'aller parmi les chré- tiens depuis le vendredi saint jusqu'après le lundi de Pâques. Seize ans plus tard (554), cette dernière défense fut érigée en loi civile et édictée dans la constitution de Childebert (3). Mai 594 (XII Indict.) — Lettre du pape Grégoire à Vénantius, évêque de Lunel (4). Il est arrivé à sa connaissance, dit-il, que beaucoup de Juifs de celte ville avaient des esclaves chrétiens. Il est étonné que Févêque permette à la superstition juive d'abuser des âmes chrétiennes par la force. Il lui enjoint de ne pas tolérer que des Juifs possèdent des esclaves, suivant les lois des conciles. Que tous les chrétiens actuellement esclaves des Juifs ou qui seront à l'avenir en leur pouvoir soient libres. Mais pour que les Juifs puissent continuer à cultiver leurs terres, il leur est per- mis d'avoir des colons chrétiens. Toute contravention des Juifs doit être sévèrement réprimée et punie. Mai 1240. — Auto-da-fé des livres juifs à Paris. «Vers l'année 1236, dit Fleury , un Juif de La Rochelle fort savant, » se convertit au christianisme et fut nommé Nicolas. Il alla trouver le » pape Grégoire IX en 1238 et lui découvrit qu'outre la loi mosaïque, » les Juifs en ont encore une autre qu'ils nomment Talmud. Or ce livre (1) V. Brillon, Dict. des arrêts, t. III, art. Juif. (2) V. Collection des conciles du P. Labbe, t. V; celle du Louvre, t. XI ; celle du P. Hardouin, t. II. (3) V. Table de Brequigny, 1. 1, p. 113. (4 Correspondance de Grégoire I er , livre m, lettre 21. — 69 - » contient tant d'erreurs et de blasphèmes, qu'on a honte de les rap- » porter et qu'ils feraient horreur à qui les entendrait, et c'est la prin- » cipale cause qui les retient dans leur obstination. Sur cet avis, le » pape écrivit aux archevêques une lettre en date du 9 juin 1239, où il » dit : Nous vous mandons que le premier samedi du carême prochain, » le matin, quand les Juifs seront assemblés dans leurs synagogues, » vous fassiez prendre tous leurs livres par notre autorité, chacun dans » votre province, et les fassiez garder fidèlement chez les Frères prê- » cheurs ou chez les Mineurs, implorant, s'il est nécessaire, le secours » du bras séculier. De plus, vous ordonnerez à tous ceux qui auront » des livres hébreux, tant clercs que laïques, de vous les remettre, » sous peine d'excommunication. Cette lettre fut envoyée aux arche- » vêques de France, d'Angleterre, de Castille et de Léon. Le pape écri- » vit de même aux rois de France, d'Angleterre, d'Aragon, de Castille, » de Léon, de Navarre et de Portugal, et en particulier à l'évêque de » Paris pour le charger de faire tenir à leurs adresses toutes ces » lettres qui devaientlui être remisesparle Juif Nicolas de La Rochelle. » En même temps, le pape donna commission au prieur des Frères Mi- v neurs à Paris, pour contraindre les Juifs à donner leurs livres et » faire brûler ceux qui contiendraient des erreurs. » Avec ces lettres, le pape envoyait trente-cinq articles extraits du » Talmud qui, avec plusieurs autres erieurs, furent vérifiés sur les » livres, en présence de Gautier, archevêque de Sens, des évêques de » Paris et de Senlis et de frère Geoffroi de Blevel, de l'ordre des Prê- >» cheurs, chapelain du pape et alors docteur régent à Paris, de quel- » ques autres docteurs en théologie et |d'un certain nombre de doc- » teurs juifs. » Ayant examiné ces livres, on reconnut qu'ils éloignaient les Juifs » non -seulement du sens spirituel de l'Ecriture, mais encore du sens » littéral, pour la détourner à des fictions, à des fables. Après cet » examen, et suivant la délibération de tous les docteurs en théologie » et en droit canonique, tous les livres des Juifs furent brûlés jusqu'à » la quantité de vingt charettes pleines : quatorze en un jour et six un » autre. » 3 mai 1096. — Massacre des Juifs à Spire par les croisés. Au mois de novembre 1095, dans le concile assemblé à Clermont, en Auvergne, que le pape Urbain II présidait en personne, Pierre l'Her- mite fit de fortes remontrances au clergé et obtint le décret d'une guerre sainte contre les musulmans. Partout on se prépara à cette guerre. Mais tout à coup quelques prêtres fanatiques firent entendre (1) Fleury, Hist. eccles., t. XVII, p. 418 et suiv. — 70 — qu'il n'était pas besoin d'aller en Orient combattre les incrédules avant d'avoir exterminé ceux qui étaient au milieu des chrétiens. Cette idée gagna bientôt le suffrage de tous ceux qui étaient débiteurs des Juifs et qui étaient contents de payer leurs dettes d'une manière aussi facile et sans bourse délier. Les croisés s'empressèrent alors de se jeter sur les Juiis et de les massacrer. C'est surtout en Allemagne que d'horribles boucheries eurent lieu; et celle de Spire (3 mai) ne fut pas une des moins cruelles. Dix personnes furent massacrées ; une femme, sur le point d'être atteinte par les croisés, se donna la mort pour ne pas tomber entre les mains des assassins. Le reste de la communauté dut le salut à la protection de l'évêque Jean qui donna asile aux Juifs dans son palais épiscopal. Nous possédons sur cette journée de Spire une élégie touchante du rabbin Eliezer ben Nathan ha-Levi. 6 mai 1147.— La première croisade servit d'exemple aux suivantes; et lorsqu'en 1145 le pape Eugène III exhorta les chrétiens à la croisade et qu'il ordonna à S. Bernard de la prêcher, il se lèva immédiatement des moines féroces qui prêchèrent le massacre des Juifs. Les passions que ces derniers excitèrent ne purent être apaisées par les paroles de S. Bernard, qui, partout où il prêcha, interdit sévèrement les massa- cres des Juifs. C'est ainsi que les affreuses scènes de 1096 se renou- velèrent. Ainsi, le 6 mai 1147, trois Juifs de Bacharat, ayant trouvé pro- tection au château contre les croisés, crurent pouvoir enfin quitter leur asile et retourner à leur demeure. Mais, rencontrés en route par quelques chrétiens traînards des bandes des croisés, ils sont arrêtés, et sur leur refus de recevoir le baptême, ils sont massacrés. Tous les dé- tails de ces scènes nous ont été transmis dans différents martyrologes, tels que : u'nn rviTW D-iiwip « Relation des malheurs de l'an 1096, » composé par un contemporain, Eliezer ben Nathan ha-Levi, dont nous venons de parler, édité pour la première fois par Jellinek (1854) ; Dibré hajia- mim et Émek ha-bacha de Joseph Cohen ; schebet Jehoudah de Ibn Virga ; un grand nombre d'élégies (selichoth) rappelant des faits parti- culiers à certains épisodes ; enfin un grand nombre de chroniques la- tines, faites pour la plupart par des moines, parlent de ces massacres et fournissent pour l'histoire de cette époque des détails intéressants. Mai 1415. — Bulle de Benoît XIII contre les Juifs (1). A la suite du congrès de Tortose, où, au commencement de 1413, une discussion vive et sans résultat eut lieu entre rabbins et prêtres, le pape, ou plutôt l'anti-pape Benoît XIII, expédia de Valence une bulle dont la stricte observation devait réduire les Juifs à la dernière extré- mité. Cette bulle contenait onze décrets. (1) Les Juifs d'Espagne,;par José Amador de los Rios. — 71 — Le premier défendait la lecture du Talmud et ordonnait aux évêques et aux chapitres des cathédrales de ramasser, dans le délai d'un mois, tous les exemplaires de ce livre, ainsi que les gloses, notes, sommaires et autres écrits sur la doctrine juive. Le second défendait l'usage et la circulation de tout écrit contredisant les dogmes et les rites chrétiens. Le troisième défendait aux Juifs la fabrication des croix, calices ec vases sacrés; il défendait en outre aux Juifs de relier les livres où se trouveraient, les noms de Jésus et de Marie. Le quatrième disait qu'ut Juif ne pouvait exercer les fonctions de juge, pas même dans les pro- cès qui s'élèvent entre eux. Le cinquième portait que l'on fermerait les synagogues récemment bâties ou réparées, qu'on n'en laisserait sub- sister qu'une seule dans les villes habitées par des Juifs. Le sixième di- sait qu'un Juif ne pouvait être ni médecin, ni chirurgien, ni droguiste, ni boutiquier, ni intendant, ni mariageur, ni remplir aucune fonction publique; que les Juives ne pouvaient être accoucheuses, ni avoir de nourrices chrétiennes; que les Juifs ne pouvaient se servir de chré- tiens, ni leur vendre, ni leur acheter certaines viandes, ni assister a e eux à aucun banquet, ni se baigner dans le même bain, ni apprendre dans les écoles des chrétiens aucune science, aucun art, aucun métier. Le septième ordonnait aux Juifs de vivre dans des quartiers séparés des chrétiens. Lehuitième obligeait les Juifs à porter sur leurs vêtements un signe distinctif {divisa) de couleur rouge et jaune, les hommes sur la poitrine, les femmes sur le front : ce signe prit par la suite le nom de croix de Saint-André. Le neuvième défendait de commercer ou de faire aucun contrat avec les chrétiens. Le dixième permettait aux chré- tiens et aux convertis d'hériter des Juifs. Le onzième ordonnait enfin que les Juifs assisteraient dans tout le royaume à trois sermons an- nuels. 40 mai 1484. — « Une grande quantité d'étrangers étant arrivés à » Arles, tels que Figons, Auvergnats, Dauphinois et quelques monta- » gnards de Provence, gens brutaux et acharnés au butin, se portè- » rent contre les maisons des Juifs et leur enlevèrent tous leurs meu- » bles précieux et toutes leurs marchandises (1). » 11 mai 1244. — Le pape Innocent IV écrit au rô*i saint Louis au su- jet du Talmud et des autres livres des Juifs. Il loue le zèle qu'il a déjà montré et Pexhorte à continuer de faire examiner, condamner et brû- ler dans tout son royaume les livres des Juifs qui contiennent des erreurs et des blasphèmes» Ensuite Innocent IV donne une commission au cardinal Eudes de Châteauroux qui, étant chancelier de l'Eglise de France, avait une grande part à cette condamnation. Il lui ordonne de (1) Bonche, Hist. de Provence, t. îî, p. 494 — 72 ^ se faire présenter le Talmud et les autres livres des Juifs ; et, après les avoir examinés soigneusement, de les tolérer en ce qui ne serait pas contraire à la religion chrétienne et de les rendre aux docteurs. Sur quoi le cardinal, craignant que le pape ne se laissât influencer et sur- prendre par les démarches des Juifs, lui écrivit une lettre où il lui expose tout ce qui s'était passé en cette affaire sous Grégoire IX, puis il ajoute : « Ce serait un grand scandale et un opprohre éternel pour le » Saint-Siège, si on tolérait par son ordre et si on rendait même aux » docteurs Juifs des livres brûlés si justement et si solennellement en » présence de l'Université, du clergé et du peuple de Paris. Cette to- » lérance paraîtrait une approbation. » Il ajoute en terminant qu'il a demandé aux docteurs Juifs de lui présenter le Talmud et les autres livres, et qu'ils lui ont seulement apporté cinq méchants volumes qu'il fait soigneusement examiner. 15 mai 4248. — Le cardinal-légat Eudes de Châteauroux rendit sa sentence définitive à Paris en présence des docteurs appelés od hoc Elle fut conçu en ces termes : « Après que certains livres nommés Talmud nous ont été présen- » tés de l'autorité du pape par les Juifs de France, nous les avons » examinés et fait examiner par des hommes capables et craignant » Dieu; et nous avons trouvé qu'ils contiennent une infinité d'erreurs de » blasphèmes et d'abominations; c'est pourquoi nous prononçons que » ces livres ne doivent pas être tolérés ni rendus aux Juifs, et nous » les condamnons judiciairement. Quant aux autres livres que les » docteurs des Juifs ne nous ont pas présentés , quoiqu'ils en aient » été plusieurs fois requis, ou qui n'ont pas été examinés, nous en » connaîtrons plus amplement en temps et lieu et ferons ce que de » raison, » Cette sentence est signée en outre par Guillaume, évèque de Paris, Àscelin, abbé de Saint-Victor, Raoul, ancien abbé de ce même monas- tère et par quarante autres docteurs en théologie. 13 mai 1844. — Dans une conférence littéraire tenue à l'Athénée royal de Paris, on discuta sur le rôle et l'avenir des Juifs dans les temps modernes. Plusieurs orateurs furent entendus en faveur des Juifs ; d'autres, plus intolérants contre leur passé et leur état actuel. Ce qui signala surtout cette conférence, c'est qu'un Israélite, M. Millaud, dans un discours improvisé, défendit ses coreligionnaires avec une chaleur et une éloquence telles qu'il ramena presque tous les esprits à sa pensée. 13 mai 1856. — Ouverture des conférences des Grands Rabbins de France convoqués à Paris par M. le Grand Rabbin du Consistoire central. — 73 — M. le Grand Rabbin du Consistoire central vit qu'il avait beaucoup à faire pour ramener le culte dans le cœur des fidèles ; il vit que le mo- ment était venu d'agir; mais il ne voulut pas assumer sur lui de trop graves responsabilités, et il convoqua à Paris non pas un synode, mais une conférence de Grands Rabbins, qui résolut l introduction de certains changements dans le rituel et dans le service en général, changements ort peu imprégnés de l'esprit de réforme qui anime le pu- blic. Ce que nous pouvons affirmer, c'est qu'aucun de ces changements n'a été mis a exécution, pas même la résolution de réunir à Paris, tous les cinq ans, tous les Grands Rabbins de France. Pourquoi la pratique n'a-t-elle pas suivi la théorie ? C'est ce que nous ne pouvons savoir. Certes, c'est contraire à l'axiome du Talmud, qui dit : 15 mai 1287. — Rodolphe de Habsbourg, empereur d'Occident, con- fie à Henry, archevêque de Mayence, la défense des Juifs dépendant de la chambre de l'empereur et demeurant dans la Thuringe, Itarchie etc.; il veut que les Juifs lui soient soumis et lui obéissent [ut tibi famulentur). Quiconque cherchera à entraver l'accomplissement de cette ordonnance encourra l'indignation du roi et sera passible de peines sévères! (I) 23 Iyar, 141 avant 3. -G. (171 de l'ère des Séleucides). — Siméon, qui avait succédé à ses frères dans le commandement de l'armée luttant contre les Syriens, avait su se rendre indépendant et se faire re- connaître comme tel par Démétrius, qui disputait le trône de Syrie à Tryphon. La Judée fut affranchie de tous les impôts, et la suzeraineté du roi de Syrie ne fut plus que nominale; la Judée commença une nouvelle ère (142, 170 des Séleucides) et on écrivit dans les actes pu- blics : La première année de Siméon, grand-prêtre et prince des Juifs. Démétrius ayant fait l'abandon de toutes les forteresses de la Judée, Siméon s'empara successivement de Gazara, de Joppé, de Jamnia, et, le 23 du deuxième mois, il entra enfin dans la citadelle de Jérusalem. 11 la fit aussitôt raser et aplanir la hauteur sur laquelle elle avait été élevée et qui dominait le temple. Le travail dura trois ans. D'un autre côté il fit fortifier le temple et la hauteur sur laquelle il était bâti et il y fixa sa résidence. 23 Iyar. — Jeûne institué à Worms en souvenir des massacres de l'an 1096 : on y récitait six Selichoth et on faisait en outre la hascaroth neschonwth, prière pour les morts. (1) Gudenus, Codex, diplomaticus, t. n, p. 254. 10 — 74 — Lorsque la nouvelle des massacres de Spire parvint à Worms et qu'on apprit que les bandes des croisés se dirigeaient sur cette ville, les Juifs obtinrent la protection de l'évêque qui les invita à se retirer à l'évêché où ils seraient à l'abri de tout attentat. Un grand nombre de Juifs pro- fitèrent de cette bienveillance et furent en effet sauvés. Mais ceux qui ne s'étaient pas rendus à l'évêché furent tous massacrés, hommes, fem- mes, enfants, vieillards, aucun ne fut épargné; les rouleaux de la loi furent lacérés et foulés aux piedsj 21 mai 1681.— Lettresipatentes du roi autorisant les Juifs d'Alsace à avoir un seul rabbin pour toute la province et nommant à cette di- gnité Aaron Wormser, Juif de Metz ; ce fut lui le premier rabbin d'Al- sace nommé par le roi de France. L'arrêt d'enregistrement au conseil souverain d'Alsace ordonne que le rabbin résidera à Neuf-Brisach, où était alors le siège du conseil souverain. 23 mai 1634. — Arrêt du parlement de Metz, à la suite d'une instance entre les corps de métiers et les Juifs, qui permet à ceux-ci le com merce d'orfèvrerie, d'argenterie et de friperie, avec défense toutefois de vendre aucune marchandise neuve. 23 mai 1842. — Une ordonnance de police rendue en 1572 par le pe- tit district de Wittgenstein, déclarait les Juifs hors de la loi et permet- tait à" tous de leur courir sus; ce ne fut qu'en 1842 que par un arrêté ministériel en date de ce jour, cette ordonnance se trouva abrogée. 25Iyyar. — Petite fête instituée à Cavaillon en souvenir de la ces- sation de la peste de 1631. 1 Siwân. — Demi-jeûne à Worms en commémoration des tristes et malheureux événements arrivés pendant la première croisade (1096.) D'après Levysohn et quelques autres auteurs c'était un jeûne entier. La protection que l'évêque de Worms avait accordée aux Juifs?(l) ne les sauva pas ; car sept jours après le premier massacre, les croisés se jetèrent sur les Juifs qui étaient abrités à l'évêché et les tuèrent, lis entraînèrent un jeune homme dans l'église pour le faire abjurer ou tout au moins le baptiser de force. Mais ce jeune homme, dont le nom était Simh'ah ha-Cohen, exaspéré des crimes dont il avait été témoin (car il avait vu tuer devant ses yeux son père et ses sept frères), tira un couteau de sa poche et tua un conseiller de la ville, parent de l'évêque Tl tomba aussitôt percé de mille coups (2). 25 mai 1745. — Marie -Thérèse, reine de Hongrie et de Bohême, pu- ll) Voir nos dernières éphémérides, p. 73. (2) V, Emek ha-baeha. 1)1 — 75 - blia, le 8 décembre 1744, un édit par lequel elle proscrivait tous les Juifs de la Bohême et fixait le mois de juin suivant pour leur complète disparition. Deux semaines après (2 janvier 1745) un pareil édit de la reine ordonnait aux Juifs de Moravie de quitter le pays. Une heureuse et bienveillante intervention vint faire abroger ces deux édits ; : La Suisse, la Pologne, le Danemarck et la Suède sollicitèrent la reine Ma- rie-Thérèse, qui statua, le 25 mai 1745, que les Juifs pourraient conti- nuer encore une fois à fixer leurs demeures en Bohême et en Moravie. 26 mai 1171. — Les Juifs de Blois périssent par le feu dans une émeute excitée contre eux. Un Juif de Blois, allant un soir faire baigner son cheval dans la Loire, rencontra sur les bords de la rivière l'écuyer d'un chevalier qui allait également faire baigner son cheval. Ce cheval fut tout à coup effrayé par la vue du vêtement blanc que portait le Juif; il devint rétif et ne voulut pas aller à l'eau. Le domestique, connaissant la haine que portait aux Juifs son maître, un chevalier de la ville, retourna en toute hâte à la maison et raconta qu'il avait vu un Juif jeter à l'eau un chré- tien assassiné par lui, qu'il avait évité ce Juif dans la crainte d'être tué luimême, et que le cheval instinctivement avait refusé d'aller à l'eau. Ce chevalier, qui avait une haine secrète pour une femme juive du nom de Pulcelina, fort estimée du comte de Chartres, résolut de profiter de cette circonstance pour tirer vengeance de Pulcelina qui avait dé- daigné son amour. Il se hâta de raconter le fait au comte Théobald et formula l'accusation que les Juifs avaient tué pour Pâques un jeune chrétien, et qu'il venait ce soir-là de faire disparaître le corps. Le comte fit incarcérer immédiatement tous les Juifs; Pulcelina seule de- meura libre. Elle aurait pu peut-être sauver ses frères incarcérés; si la jalousie de la comtesse n'eût été éveillée et n'eût cherché à faire avor- ter toutes les tentatives de Pulcelina. Le comte fit demander aux pri- sonniers, par l'intermédiaire d'un Juif de Chartres, quelle somme ils donneraient pour se racheter; ils répondirent qu'ils feraient l'abandon de 180 livres de leurs créances et donneraient 100 livres comptant. Le comte, disposé à accepter, fut circonvenu par un moine qui lui démon- tra qu'il y allait de l'intérêt de la religion. Il se laissa donc persuader à punir. Mais les preuves manquaient. Un seul témoin était là pour déposer contre les Juifs, et ce témoin était peu digne de créance. Mais pendant le moyen âge on avait des moyens pour vérifier la véracité des témoins. On éprouva le domestique par l'eau : on le mit sur la rivière dans une barque pleine d'eau, et comme il échappa, il fut re- connu digne de foi par le comte et par tous les chrétiens. Les Juifs de Blois furent condamnés à périr par le feu. Ceux-là seuls qui se' con- vertiraient auraient la vie sauve ; mais un très-petit nombre se sauvè- rent par ce moyen. Trente-quatre hommes et dix-sept femmes péri- rent par le feu; Pulcelina elle-même ne fut pas épargnée. Lorsque — 76 — Rabenou Tam apprit le martyre de ces Juifs, il écrivit une lettre aux communautés juives de France, d'Anjou et des bords du Rhin pour les prier de célébrer ce jour (20 Siwân) comme un jour de deuil. Pen- dant longtemps en effet le deuil du 20 Siwân fut observé. Ces détails se trouvent dans Dom Bouquet, Recueil des historiens de France, t. XIII, p. 315; dans le Martyrologe Emek ha-Bacha; quelques selichoth et le Memor-buch de Mayence en font également mention. 26 mai 1755. — Ordonnance de M. Guyot, gouverneur de l'Alsace, portant que les veuves juives demeurant dans les terres de l'ancienne domination, soit qu'elles résident séparément avec leurs enfants non mariés, soit qu'elles se mettent en condition chez leurs enfants mariés ou autrement, continueraient d'acquitter à l'avenir et par avance, de six mois en six mois, le droit de protection dû au roi, tant pour elles que pour leurs enfants non mariés, à raison de 8 livres 15 sols par chaque année, sauf au fermier des domaines à en exempter celles des- dites veuves qui se trouveraient dans le cas d'indigence ou d'impossi- bilité, sur les procès-verbaux qui seront dressés par un commis pour en constater (1). Juin 591 (ïx indict.). — Lettre de S. Grégoire à Virgilius d'Arles et à Théodore de Marseille au sujet des Juifs. Il a appris que l'on amenait au baptême plutôt par la force que par la persuasion un certain nombre de Juifs qui habitaient ce pays ou qui y voyageaient pour leur commerce. Il ne saurait approuver un pa- reil état de choses. L'intention, dit-il, est louable, mais les moyens ne le sont point. C'est par la prédication, par la persuasion, par le bon exemple qu'on doit chercher à attirer les Juifs dans le giron de l'E- glise. Il engage donc les évêques de ces pays à interdire de pareils baptêmes. Juin 1248. — Saint Louis partait pour la croisade. Mais avant de quitter la France, il voulut mettre sa conscience en repos. Il se repro- chait d'avoir pour ainsi dire régularisé la position des Juifs en faisant un règlement des plus sévères pour eux; c'était pour lui un cas de conscience que son confesseur, sans doute, se garda bien d'atténuer. Il prit donc la résolution de tranquilliser sa conscience et chassa les Juifs de toutes les terres de son domaine, en les dépouillant entière- ment de ce qu'ils possédaient et ne leur laissant que leurs vieilles sy- nagogues et leurs cimetières. Ces dépouilles ne devaient en aucune sorte peser sur sa conscience, puisqu'elles provenaient de Juifs et que lui était le roi saint Louis, le roi très-chrétien. (1) V. de Boug. Recueil du conseil souverain d'Alsace, 1. 1, p. 105. - 77 — Au retour de sa campagne, campagne très-malheureuse où il fut fait prisonnier, il rappela les Juifs. Quel fut le motif de ce rappel? C'est probablement un besoin bien pressant d'argent. Quant à supposer un remords de conscience ou un acte de réparation, c'est de toute impos- sibilité; puisque en 1268, un an avant son nouveau départ pour la croisade, il suivit à l'égard des Juifs une tactique tout à fait semblable à celle de 1248. 2 juin 1364. — Confirmation par Charles V de tous les privilèges ac- cordés aux Juifs par le roi Jean 11, son père. La guerre longue et désastreuse soutenue contre les Anglais, la cap- tivité du roi Jean avaient fait une nécessité au roi de rappeler les Juifs pour ramener dans les trésors du roi l'argent dont il avait tant besoin. Pour les attirer, il fut forcé de leur accorder de grands privilèges, mais il sut aussi se les faire payer. Le roi Charles V, en succédant à son père, suivit à l'égard des Juifs la même conduite; et dès les pre- miers mois de son règne, il renouvela tous les privilèges et toutes les immunités qu'avaient obtenus les Juifs. Il prorogea de six années le terme de leur séjour. Chaque année les Juifs devaient payer sept flo- rins par tête, et en revanche on leur accorda un gardien de leurs pri- vilèges- Ce fut un prince du sang, le comte d'Etampes. Les principaux privilèges des Juifs furent : droit d'acquérir et de posséder des mai- sons, exempLion des gabelles, aides, ost, chevauchée, garde des villes et forteresses, etc.; droit de s'imposer eux-mêmes pour leurs dépenses communes ; exemption de toute juridiction royale et seigneuriale ; nulles lettres royales n'avaient force contre eux, à moins d'être accep- tées par leurs gardiens. 3 juin 1425. — Bulle du pape Martin V contre les Juifs. Malgré les préoccupations nombreuses que la papauté avait alors pour soutenir la lutte contre les Hussites et pour éteindre le schisme d'Occident qui durait déjà depuis 1378 entre le pape et les anti- papes, Martin V trouve cependant le loisir de lancer une bulle contre les Juifs et de faire peser sur eux le poids de son irritation. Il tonne avec force contre les Juifs qui cherchent à se soustraire à l'humiliante cou- tume de porter le signe distinctif qui leur était imposé depuis le con- cile de Latran; il est d'un autre côté fort irrité de ce que les Juifs, malgré tous les canons des conciles et les bulles des papes, vendent encore des chrétiens comme esclaves et surtout de ce qu'ils les reven- dent dix fois plus cher qu'ils ne les ont achetés. Il ordonne donc que les Juifs doivent porter toujours leur marque distinctive sous peine de très-fortes amendes; il défend expressément aux Juifs de vendre des esclaves; en cas de contravention, tous leurs biens seraient saisis, leurs personnes chassées de la province et défense expresse faite de les admettre dans aucune ville chrétienne. — 78 — 40 juin 1236. — Dans le concile de Tours tenu par l'archevêque de cette ville nommé Juhel, il est dit : Nous défendons expressément aux croisés et aux autres chrétiens de tuer ou de battre les Juifs, de leur ôter leurs biens ou de leur faire quelque autre tort, puisqu'ils sont to- lérés par l'Eglise, qui ne veut pas la mort du pécheur mais sa conver- sion. Les évêques et tous autres, tant ecclésiastiques que laïques, prendront soin de la subsistance des nouveaux convertis, de peur qu'ils ne retournent à leur ancienne croyance sous prétexte de pauvreté. 10 juin 1581. — Grégoire XIII publie une bulle dans laquelle, con- sidérant le penchant des Juifs à mal parler de Jésus, de la Vierge et de la religion chrétienne en général, il décide que les inquisiteurs pourraient les poursuivre s'ils blasphèment, s'ils lisent le Talmud et autres livres défendus, s'ils tournent en ridicule les cérémonies du culte chrétien, etc., etc. Cette bulle fut, par ordre, lue aux portes de tous les quartiers des Juifs. 10 juin 1593. — Le grand duc Ferdinand I er accorde aux Juifs de Livourne des privilèges qui leur assurent une liberté parfaite d'aller et de venir ainsi que de commercer. La communauté de Livourne était placée sous la direction d'un conseil général de soixante membres choisis par le souverain. Il en était choisi chaque année cinq mem bres, nommés massari ou syndics, qui jugeaient les procès civils de- Juifs entre eux. Les Juifs avaient aussi trois censeurs choisis par le souverain et chargés du contrôle et du paiement de leurs dépenses, ainsi que de la surveillance à exercer sur les Juifs étrangers qui se- raient à Livourne. 11 juin 1736. — Léopold, duc de Lorraine, ordonne aux Juifs qui, à titre de propriétaires ou de locataires, habitaient dans l'intérieur des villes, bourgs ou villages des maisons qui se trouvaient mêlées avec celles des catholiques, de se défaire de leurs maisons et d'en sortir dans le délai d'un mois, à peine de confiscation à l'égard de ceux qui seraient propriétaires et de deux mille livres d'amende contre ceux qui ne seraient que locataires. Il est de plus réglé que dans toute la Lorraine les Juifs seraient tenus de s'adresser aux autorités locales pour qu'elles leur désignassent, à l'écart et dans les lieux les moins fréquentés, des terrains où ils habiteraient isolément; en sorte que au milieu de leurs habitations, il ne s'en trouvât pas d'intermédiaires qui appartinssent aux bujets catholiques. 12 juin 1844. — Première réunion des rabbins réformateurs, tenue à Brunswick et autorisée par le ministre, M. de Schleinitz. Pendant onze séances, les principaux rabbins de l'Allemagne renommés par leur — 79 — science, tels que : D r Maier, Holdheim, Klein, Salomon, Hess, Jolo- wicz, Goldmann, Philipsohn, Schott, Formstecher, Frankfurter, Adler, Herzfeld, Bodenheimer, discutèrent sur les principaux actes du Ju- daïsme, au point de vue doctrinal et au point de vue des réformes à introduire dans le culte public. Un règlement pour les débats fut d'a- bord fait. Les principales discussions roulèrent sur les réponses du Sanhédrin français de 1807, dont l'esprit fut en général admis avec certaines restrictions dans les détails, que la différence de position des Juifs dans ce pays réclamait. 13 juin 1527. — Clément VII fait paraître un décret dans lequel, se plaignant de l'audace des Juifs qui osaient se vêtir comme les chrétiens et considérant que plusieurs d'entre eux ne portaient plus le cercle jaune qui devait les distinguer, ou le cachaient soigneusement, ce pape donne ordre au vice-légat d'Avignon et au recteur du Comtat Venaissin de veiller à ce que les Juifs ne se permettent jamais de sortir sans avoir un chapeau jaune, sous peine d'une amende de cent ducats d'or pour les contrevenants. 20 Siwan de Tan 67. — Vespasien, assiégeant depuis un mois Josè- phe dans la forteresse de Jotapat, est forcé de battre en retraite. Néron ayant appris les événements de Palestine, envoya une nou- velle armée sous le commandement de Vespasien qui, avec les trou- pes que lui amenèrent son fils Titus et Agrippa, entra immédiatement en Galilée, et, après quelques excursions, vint mettre le siège devant Jatopat, où Josèphe, le gouverneur juif, vint en personne défendre la place. Josèphe était décidé à faire la résistance la plus vigoureuse. Par son courage et par son génie inépuisable, il trouva chaque jour de nou- veaux moyens de défense qui étonnèrent les Romains et dont les ter- ribles effets ébranlèrent leur courage. Les Juifs firent des prodiges de valeur ; souvent ils sortirent et détruisirent les travaux des ennemis. Mais le 20 Siwan les ennemis tentèrent de donner l'assaut. Les Ro- mains croyaient triompher; et les Juifs, trop affaiblis pour vaincre, étaient décidés à mourir et à faire payer cher la victoire. Les soldats romains serrant leurs rangs et abrités par un toit de boucliers, montè- rent à l'assaut; mais ils furent inondés par des flots d'huile bouillante, et l'huile venant à manquer, les assiégés versèrent du fenugrec sur les planches qui servaient de pont aux assaillants. Ceux-ci glissèrent et s'écrasèrent les uns les autres. L'armée romaine fit des pertes immen ses et le soir Vespasien fit sonner la retraite. Les Juifs n'eurent à re- gretter que six morts et trois cents blessés. — 80 — 20 Siwan. — Grand jeûne célébré en Pologne en souvenir de la Guesérath Chmelhnn rfïM- En 1649, les Cosaques,sousla conduite du hettraann Chmielnicki (d'où Chmel) firent invasion en Pologne et exercèrent de terribles ravages. La noblesse et surtout les Juifs eurent à souffrir de leur part les tortures les plus inouïes. Un nombre incroyable de Juifs, près de cent mille hom- mes, dit-on, périrent en cette occasion. Un jeûne fut institué par les Juifs comme anniversaire de cette lutte meurtrière, et ce jeûne est au- jourd'hui encore célébré par les Juifs polonais. 14 juin 877. — Charles le Chauve, dans l'assemblée tenue à Kiesri, ordonne que dorénavant les Juifs paieraient comme impôt un dixième, tandis que les chrétiens ne seraient soumis qu'à payer le onzième de leurs revenus (1). 18 juin 1209 (14 des calendes de juillet). — Dans la douzième année du pontificat d'Innocent III, Milon, légat du pape, fait défense, par or- dre de son maître, aux barons français d'accorder à des Juifs aucune charge ou emploi public ou privé, d'écarter ceux qui en sont actuelle- ment pourvus; il leur fait surtout défense de se laisser jamais guider par les conseils des Juifs contre des chrétiens (2). 18 juin 1320. — Jean XXII, trouvant établie une coutume qui confis- quait au profit de l'Eglise tous les biens des Juifs qui venaient à se con- vertir, s'élève avec force contre elle. Il est absurde, dit-il, de s'empa- rer des biens des Juifs qui se convertissent et de les forcer par là à la mendicité ou de les empêcher d'embrasser le christianisme. Il ordonne donc que, loin de les dépouiller, on doit encore leur accorder de gran- des faveurs (3). 19 juin 4269. — Par des lettres patentes et une ordonnance en date de ce jour, saint Louis, sur la requête de Paul Chrétien, de l'ordre des frères prêcheurs, impose aux Juifs une marque distinctive qu'ils doi- vent porter sur le dos et sur la poitrine. Cette marque, de couleur écar- late, devait être taillée en forme de roue, ce qui lui a fait donner le nom ûerouëlle (4). (1) Recueil des Hist. des Gaules, t. VII, p. 604. (2) Martenne, Thésaurus anecdotorum, 1. 1, p. 815. (3) Recueil général des Bulles. (4) Lois et ordonnances des roys de France, V, p. 294; Brussel, Usage général des fiefs. — 81 — 25 Siwan 67.' — Prise de Japha par Titus, fils de Vespasien . A la suite du combat de Jotapat et de la victoire des Juifs, Vespasien, tout en se préparant activement à emporter de force cette place, ne négligea pas les places environnantes; il détacha une partie de son ar- mée pour aller s'emparer de la forteresse de Japha. Les Juifs, enhardis par leur dernier succès, allèrent au devant de l'armée; mais ils lurent repoussés et poursuivis jusque dans la première enceinte où un cer- tain nombre d'ennemis entrèrent avec eux. Les habitants de Japha fermèrent aux fugitifs les portes de la deuxième enceinte, dans la crainte que les Romains n'y entrassent avec eux. Ces malheureux, en- fermés entre les deux murailles au nombre de douze mille, furent tous égorgés parles Romains, qui, renforcés par un nouveau détachement sous le commandement de Titus, s'emparèrent de Japha le 25 Siwan. Un combat acharné se livra encore dans les rues de la ville ; tous les hommes furent massacrés, et les femmes et les enfants emmenés comme esclaves. 21 juin 1306. — Philippe le Bel donne une commission secrète à Jean de Saint-Just, chantre de l'église d'Alby, à Guillaume de Nogaret, chevalier, et au sénéchal de Toulouse touchant quelques affaires qu'il leur avait seulement expliquées verbalement, avec ordre à tous les pré- lats et barons, sénéchaux, baillis et autres officiers, de lear prêter main forte et de leur obéir. Cette commission, c'était l'arrestation des Juifs Le secret fut si bien gardé que, le 22 juillet suivant, tous les Juifs fu- rent arrêtés dans le Languedoc ; ils furent ensuite chassés de la pro- vince et du reste du royaume, et leurs biens confisqués au profit du roi (1). 22 juin 1459. — Ange Giraldini, recteur du Comtat-Venaissin, con- firme tous les privilèges, libertés et franchises que les papes, les vice- légats et les recteurs avaient accordés quelquefois aux Juifs de Carpen- tras. Durant tout son rectorat, Ange Giraldini favorisa beaucoup les Juifs et les admit non-seulement à être fermiers de la chambre apos- tolique , mais il les fit encore participer à bien des honneurs et des dignités. Les Etats du pape firent à cet égard des représentations à Pie II, et Sa Sainteté, par une bulle du 25 août 1479, désapprouva cette bienveillance et cette condescendance de Giraldini pour les Juifs et or- donna expressément que désormais ils ne jouiraient plus des faveurs et des franchises que ce recteur leur avait accordées (2). 22 juin 1559 (17 Tamouz). — Un violent incendie s'étant manifesté dans le quartier des Juifs à Prague, dévora bientôt plus de soixante (1) Dom Vaissette, Hist. du Languedoc, t. IV, p. 135. (2) Gottier, notes historiques concernant les recteurs de Garpentras « il - 82 — maisons. Loin de songer à porter secours aux malheureux Juifs, le peuple se jeta dans les maisons, les pilla et en enleva tous les obi ts précieux qu'il put trouver. Les fervents chrétiens allèrent même plus loin, et au pillage et au vol joignirent encore les tortures et l'assassi- nat ; ils s'amusèrent (bel amusement, en vérité!) à taire rôtir quelques vieillards et quelques femmes dans les flammes de l'incendie, sans que l'autorité songeât à intervenir (3). C'était là le bon vieux temps du moyen âge,au régime duquel taines gens voudraient nous voir ramenés ! 23 juin 533. - Dans le deuxième concile d'Orléans tenu le 9 des ca- lendes de juillet.au sujet de la discipline, on fit une défense expresse aux chrétiens de s'allier par le mariage avec des Juifs. Ceux qui con- treviendraient à ce canon devaient être exclus du giron de l'Eglise (4). 24 juin 1843. — Décret de l'inquisiteur général de Rome au sujet des Juifs de Sinigaglia et d'Ancône. « Tous les Juifs qui résident à Ancône et à Sinigaglia ne pourront » plus recevoir de nourrices catholiques ni engager des chrétiens à » leur service. Tous devront vendre, dans le délai de trois mois, » leurs biens, meubles et immeubles, sinon on les vendrait a l'encan. » Aucun Jujf ne pourra résider dans une ville sans l'autorisation du » gouvernement; en cas de contravention, ils seront renvoyés dans » leur Ghetto respectif. Aucun ne pourra coucher hors du Ghetto, ni » engager un chrétien à coucher dans cette enceinte réprouvée, ni en- » tretenir des relations amicales avec les fidèles, ni faire le commerce » d'ornements sacrés ou de livres de toutes espèces, sous peine de » cent écus d'amende et de sept années d'emprisonnement. Les Juifs, » en enterrant leurs morts, ne devront faire aucune cérémonie, et ils » ne pourront se servir de flambeaux sous peine de confiscation. Ceux » qui violeraient nos édits encourront les peines de la très-sainte in- » quisition. La présente mesure sera communiquée aux Ghettos pour » être publiée dans les synagogues. » Signé : Fra Vincenzo Salma, inquisiteur général (1). » (3) V. Emek Rabâcha. (4) Labbe, Recueil des conciles, t. IV, p. 1780; Hardouin, t, II; Col- lection des conciles du Louvre, t. XI. (1) Ces règlements sont encore aujourd'hui en vigueur, comme on peut le voir par les correspondances de Rome; et bien que les murs du^Ghetto de Rome aient, été démolis en 1848 par les ordres de Pie IX, les Juifs ne peuvent encore aujourd'hui ni posséder des immeubles, ni habiter en dehors du Ghetto' — 83 — 28 juin 1369. — Albala, ou décret de don Henri II, roi de Castille, imposant une amende de vingt mille doublons d'or à la communauté juive de Tolède. Henri II s'étant soulevé contre Pierre I er , dit le Cruel, son frère, sou- tint longtemps cette lutte et finit par triompher,grâce à l'appui que vint lui donner Bertrand Duguesclin avec ses Bretons. Mais les Juifs étaient restés fidèles au roi don Pedro et versaient leur sang sur tous les champs de bataille pour la cause du roi légitime. Aussi, lorsqu'en 1369 l'assassinat de Pierre donna à Henri II la royauté de Castille et de Léon, la fidélité des Juifs et la protection que le roi mort leur avait accordée devint un prétexte de vengeance. 11 imposa aux Juifs de To- lède cette amende et ordonna que tous leurs biens fussent vendus, qu'ils fussent eux-mêmes faits esclaves jusqu'à ce qu'on eût obtenu la somme demandée (2). 29 juin 1320. — Lettre du pape Jean XXII au sénéchal d'Avignon pour le prier d'arrêter les désordres des Pastoureaux. Des bergers (pasteurs, d'où Pastoureaux), des campagnards et un ra- massis de gens de la plus mauvaise espèce se réunirent dans le midi de la France sous le prétexte d'aller en Terre Sainte; mais, au lieu de délivrer la France de leur présence, ils prirent la résolution de se jeter partout sur les Juifs, de les piller et de les massacrer partout en masse. Ils commencèrent donc à exécuter leur résolution et donnèrent la chasse aux Juifs qui fuirent devant eux. Pour éviter de tomber entre leurs mains cruelles, quelques-uns, au nombre de plus de cinq cents, se rendirent dans le château royal de Verdun, sur la Garonne, du diocèse de Toulouse, et demandèrent asile au gouverneur de cette forteresse. Cet officier les reçut volontiers dans la place et les m t dans une tour fort élevée. Mais rien ne put arrêter les Pastoureaux qui as- siégèrent aussitôt les Juifs dans cétte tour et en pressèrent extrême- ment le siège. Les Juifs assiégés se défendirentde leur côté, avec oeau- conp de courage et de valeur; et après avoir jeté toutes les pierres, les poutres et tout ce qu'ils avaient pu trouver de projectiles, ils se trou- vèrent dans un affreux dénûment, sans aucun moyen de défense. En- fin les Pastoureaux rassemblèrent une grande quantité de bois à la porte de la tour, qui ne pouvait plus être défendue, et ils y mirent le feu. Les Juifs voyant qu'il n'y avait plus de salut à espérer, prirent la résolution extrême de se tuer les uns les autres plutôt que de périr par la main de leurs barbares ennemis. Ils chargèrent le plus fort et le plus robuste d'entre eux de leur couper la gorge : celui-ci, après cette sanglante exécution dans laquelle il donna la mort à plus de cinq cents hommes, se retira au camp des Pastoureaux et demanda le bap- tême pour lui et quelques enfants qu'il avait amenés avec lui. Mais les Pastoureaux ne lui accordèrent pas sa demande et le massacrèrent; ils épargnèrent seulement les enfants qu'ils firent baptiser. C'est à la nouvelle de ces massacres que le pape Jean XXII écrivit au roi Philippe le Long, au sénéchal d'Avignon pour les prier d'arrê- (2) Archives de la cathédrale de Tolède, placard x, 2, 1° et 2°. ter jes désordres des Pastoureaux. Le sénéchal de Carcassonne, Ày- meri de Cros, chargé <àe disperser les Pastoureaux, écrivit aux consuls de Narbonne de se saisir des Pastoureaux qui cherchaient à lui échap- per. Mais Aymeri ne put pas les prendre tous» et un grand nombre de Pastoureaux se retirèrent en Aragon où ils renouvelèrent leur carnage de Juifs,. Jacques II ne put arrêter l'effusion du sang qu'ayec beaucoup de peine. 30 juin 1302. — Ordonnance de Philippe IV, dit le Bel, touchant les inquisiteurs de la loi. De nombreuses plaintes sont parvenues jusqu'à lui de l'abus que les inquisiteurs faisaient de leur pouvoir et du recours qu'ils avaient con- tinuellement au pouvoir séculier pour en avoir aide et secours ; il or- donne qu'à l'avenir ils ne pourront plus poursuivre les Juifs pour usure ni pour sortilèges, ni pour tous autres crimes qui ne sont pas de leur compétence, et fait défense aux sénéchaux, baillis et autres of- ficiers d'obéir dans ce cas aux inquisiteurs (l). 1 er juillet 1628. — Impôt de quatre livres par mois établi sur les Juifs de Bordeaux. Les Juifs de cette ville étaient dispensés du guet et de la patrouille, non par une faveur spéciale, mais parce qu'ils inspiraient de la dé- fiance à la population qui ne pouvait croire à leur patriotisme. On leur fit payer cher cette dispense qui n'était pas une faveur. Les jurats de la ville ordonnèrent que les Juifs portugais paieraient quatre livres par mois pour la réparation des corps de garde et pour le paiement des tambours, chandelle et bois. Cette mesure, au reste, leur était commune avec les protestants, qui, en butte aux mêmes soupçons, payèrent une redevance à peu près égale. 4 juillet 1348. — Bulle du pape Clément VI datée d'Avignon du 4 des nones de juillet, à propos delà peste qui ravageait une partie de l'Eu- rope. Il prend les Juifs sous sa protection, défend qu'on les massacre, qu'on les dépouille ou qu'on les force au baptême. A propos de cette peste, une calomnie absurde s'était répandue con- tre les Juifs en Allemagne et dans une partie de la France. Les Juifs, disait-on, empoisonnaient les sources et les fontaines, On en avait pris l'occasion pour tuer, massacrer, voler, piller les Juifs. C'est con- tre cette calomnie que voulut agir Clément VI. 9 Tamouz, 588 avant J.-C— -Prise de Jérusalem par les Chaldéens et Nabuchodonozor. Le 10 Tébeth 589, les Chaldéens, envahissant la Palestine, vinrent mettre le siège devant la ville de Jérusalem. Tant qu'il resta des vivres (1) Vaissette, t. IV. — Lois et ordonnances des roys de France, t. I, p. 346. — 85 - dans la ville, les habitants firent une héroïque résistance ; leur courage ne fléchit pas un instant. Mais ils durent succomber à la faim et à la fatigue; et après dix-huit mois de lattes, de combats surhumains, d'efforts inouïs, le neuvième jour de Tamouz, les vivres étant venus à manquer, toute résistance devint impossible, et ces vaillants défen- seurs, que la force supérieure des Chaldéens n'avait pu vaincre, fu- rent soumis par la faim. Les Chaldéens pénétrèrent sans peine dans la ville, la nuit du 9 au 10 Tamouz. Cédékia, roi de Juda, voulant échapper au sort qui l'attendait, s'enfuit avec le faible reste de ses troupes héroïques ; mais poursuivis par les Chaldéens, ils furent at- teints dans la plaine de Jéricho. L'infortuné roi tomba entre les mains de ses ennemis et fut conduit à Ribla, quartier général de Nabucho- donozor, où il fut soumis à la plus dure des épreuves : ses jeunes fils et tous les grands de sa cour furent égorgés en sa présence, et pour comble de supplice, lorsqu'il ne pouvait plus que souhaiter la mort, on lui laissa la vie sauve. Privé de la vue et chargé de chaînes, il dut traîner dans un cachot les tristes jours de sa malheureuse existence. 5 juillet 1247. — Lettre du pape Innocent IV en faveur des Juifs.. Le pape reçut une plainte des Juifs d'Allemagne, portant que quel- ques princes tant ecclésiastiques que laïques et d'autres nobles, pour avoir des prétextes de piller les biens des Juifs, inventaient contre eux des calomnies et disaient qu'à la fête de Pâques ils mangeaient le cœnr d'un enfant chrétien qu'ils avaient tué, ce qui leur tenait lieu de com- munion ; que, quand on trouvait le corps d'un homme, mort assassiné, on en accusait les Juifs ; que, sans les avoir convaincus ni même pour- suivis en justice, on les dépouillait Je leurs biens et on les mettait en prison, où on leur faisait souffrir la faim et d'autres tourments, et on en condamnait même un grand nombre à moU; en sorte qu'ils étaient obligés de quitter les lieux qu'eux et leurs pères avaient habités de temps immémorial et de vivre dans un misérable exil. Après avoir ex- posé tous ces griefs, Innocent IV enjoignait à tous les évêques d'Alle- magne d'êt-e dorénavant favorables aux Juifs ; de faire réparer les torts qui leur avaient été faits par les prélats, les nobles et autres personnes puissantes, el de ne pas permettre à l'avenir qu'on les maltraitât sans sujet (1). 5 juillet 1359. — Lettres de Jean II, qui établissent Robert de Ultra- Aquam comme juge des Juifs français et gardien de leurs privi- lèges (2). (1) V. Raynald, Annales ecclésiastiques; Fleury; Hist. ecclés., t. xvn, p. 371. (2) Loys et or don. des roys de France, t. m, p. 351. Ce juge des Juifs fut nommé par le roi à la requête du procureur des lUifs^qui avait demandé que puisque le comte d'Etampes, leur gardien général, n'avait pas envoyé de député en Languedoc pour le remplacer dans ses fonctions de juge et de gardiennes privilèges, il devait être remplacé par un autre qui prendrait plus à cœur les intérêts qui lui étaient confiés. Le procureur soumit au choix du roi Robert de Ultra- Aquam, qui fut agréé et nommé. 6 juillet 1574. — Le rabbin Salomon ben Nathan, envoyé extraordi- naire du sultan Sélim II, arrive à Venise où il est reçu avec grand hon- neur et pompe par le doge Aloisio Moncénigo et par le sénat. Tout; le peuple, accouru sur son passage, l'accueille avec des vivats frénéti* ques. Cette ambassade d'un Juif auprès de la république de Venise fit grand bien pour le repos et la tranquillité de nos frères dans ce pays (3). 8 juillet 1786. — Arrêt du parlement de Metz contre l'ouvrage : Le Cri du citoyen contre les Juifs. Cette brochure odieuse et qui ne renfermait que de viles calomnies contre les Juifs pour exciter le peuple contre eux, avait paru sans nom d'auteur avec cette simple indication : - Lausanne, 1786, par un capi- taine d'infanterie. » Le parlement de Metz, qui avait toujours été favo- rable aux Juifs de cette ville, s'émut de cet écrit et ordonna qu'il dût être supprimé comme injurieux, diffamatoire, et comme contraire aux règlements de' la librairie- Plus tard on apprit que celui qui se cachait sous ce titre était M. de Foissac, qui, obéré de dettes dont les titres étaient entre les mains de quelques Juifs, avait voué une haine à ses créanciers et voulait par tous les moyens se venger d'eux. On a encore de lui une autre diatribe dans le même esprit, intitulé : « Plaidoyer contre les Juifs des Trois Evêchés, de l'Alsace et de la Lorraine, par. de Foissac, commandant de la garde nationale de Phalsbourg,» in-8°, 109 pages, sans indication de date ni de lieu d'im- pression. 9 juillet 1718.— Le duc d'Orléans, régent, fit rendre un arrêt du Con seil, portant que les cent quatre-vingts familles des Juifs de Metz conti- nueraient d'y demeurer et d'y jouir de leurs anciennes libertés ; ce- pendant que les veuves et les jeunes filles juives ne pourraient à l'ave- nir attirer à Metz aucun Juif étranger ; que les Juifs seraient obligés de demeurer dans le quartier Saint Ferroi, sous peine de trois mille livres pour eux et de mille livres pour celui qui leur aurait loué un logement en dehors de ce quartier; qu'ils paieraient quatre cent cinquante livres 1 à l'hôpital Saint-Nicolas, cent soixante-quinze à la ville, et (3) %: EmekiHabacha. — 87 — deux cents au vicaire de Sainte-Ségolème ; l'élection d'un rabbin serait soumise à Sa Majesté; les Juifs ne travailleraient pas en public les di - manches et jours de fête ; ils pourraient avoir des boucheries parti- culières, mais avec l'obligation d'avoir deux experts pour surveiller que les animaux abattus ne soient pas viciés et de supporter les visites des bouchers jurés, etc., etc.. 12 juillet 1254. —Alphonse X, dit le Sage, pour récompenser sans doute quelques courtisans, met sur la Juiverie de Tolède un impôt de mille maravédis, dont il fait l'abandon à Juan Ponce et à Ponce Pérez (1). Pendant tout le moyen âge de pareils impôts étaient fréquemment prélevés sur les communautés juives. Ce tribut était le plus souvent concédé aux grands en paiement de quelque action d'éclat ou de quel- que trait bas et vil de courtisan , en échange de quelques privilèges et de quelques pensions dont étaient grevés les revenus de la couronne. Par ià il arrivait souvent que les possesseurs de semblables impôts mal- traitaient les Juifs pour obtenir de plus fortes rentrées, qu'ils augmen- taient de cette manière l'oppression sous laquelle nos pères gémis- saient et qu'ils rendaient leur position plus amère. 12 juillet 1555. — Bulle du pape Paul IV, dans laquelle il commence par signaler et par reprocher aux Juifs leurs richesses, leurs usures, ainsi que leur insollence. C'était là, comme dit un auteur catholique moderne (2), «une formule de chancellerie» dont la rédaction existait depuis longtemps et dont on n'avait qu'à rafraîchir la date. Paul IV, après cet.exorde obligatoire, fait défense aux Juifs d'habiter dans les mêmes endroits que les chrétiens, d'avoir des domestiques chrétiens, de travailler les dimanches et jours de fêtes, d'avoir plus d'une syna- gogue par ville ; il veut en outre qu'ils portent sur leurs coiffures une marque propre à les faire reconnaître ; il leur interdit également la faculté de posséder des immeubles (3). 14 juillet 1545. — Un incendie terrible éclate dans la ville de Salo- nique et consume plus de cinq mille maisons ; tout le quartier des Juifs fut brûlé et plus de dix-huit synagogues devinrent la proie des flammes. Une détresse inouïe se produisit à la suite de cet incendie ; un nombre incroyable de Juifs furent obligés de camper dans les rues faute de logement, et les chaleurs de la saison jointes à cette catastro- phe en firent périr un grand nombre (1). (1) V. les Annales de Séville, par Don Zuniga. (2) Beugnot. Les Juifs d'Occident. (3) Recueil des Bulles. (1) V. Emek ha-Bacha. — 88 — 15 juillet 1099. — Les croisés, sous les ordres de Godefroi de Bouil- lon, s'étant emparés de la ville de Jérusalem, exercent un carnage épouvantable dans la ville, et par un raffinement de cruauté ils ras- semblent tous les Juifs tant Rabbanites que Garaïtes dans une seule synagogue et y mettent le feu. Tous les auteurs chrétiens (2) des croi- sades sont unanimes pour rapporter cet acte odieux et pour l'exalter comme une œuvre agréable à Dieu. Ques de saints et de martyrs chré- tiens n'ont pas tant souffert, fût-ce m(3me au Japon et en Chine, pour mériter leur béatification et leur canonisation ! 17 juillet 1549.— Arrêt de la cour de Hollande qui renouvelle, à l'égard des Juifs portugais, connus sous le nom de nouveaux chrétiens, non-seulement la défense de séjourner dans la province, mais encore l'obligation imposée à tous les habitants de les dénoncer à l'officier de place pour que leur expulsion ait lieu. 17 juillet 1557. — Arrêt du parlement du Dauphiné qui permet aux Juifs d'Avignon de passer et de repasser par la principauté d'Orange pour les besoins de leur commerce, mais avec la restriction de ne pas y séjourner plus de trois jours, et surtout de ne pas dogmatiser ou discuter sur des matières théologiques (3). 17 juillet 1587. — Décret du gouvernement de la république de Gênes, qui ordonne aux Juifs, hommes ou femmes, de porter une pièce d'étoffe jaune sur leurs chapeaux, habits et coiffures. Les Juifs présentèrent, quelques années après, une requête pour obtenir le rapport de ce dé- cret ou tout au moins radoucissement, et il fut en effet modifié en leur aveur mais non rapporté {&). 20 juillet 855. — Louis II, empereur d'Occident, en montant sur le trône, ordonne dans un capitulaire que tous les Juifs quittent la terre d'Italie avant les Calendes d'octobre ; passé ce délai, tout Juif trouvé dans le pays devra être saisi avec tous ses biens et amené devant !a cour qui en fera justice. Voici d'ailleurs le texte de ce capitulaire, qui nous a été conservé par Pertz, Monumenta Germaniœ heqoTum, t. i, p. 437 : « Previdimus de Judeis ut nullus infra regnum italicum ultra Kalen- » das octobris maneat, et modo eis denuntietur ut omnes usque ad » placitum illud exeant ub voluerint, sine ullius contradictione. Quod » si post Kalendas octobris aliquis inventus fuerit, a quibuscumque » comprehendi potest cum omni substantia sua ad nostram deducatur » praesentiam Capitularia Ludovici II. » (2) Michaud, Recueil général des historiens des croisades. (3) V. Brillon, art. Juif. (4) Mém. de TAcad. des Inscr. et Belles-Lettres, Hist., t. m, p. 100. 21 juillet 1648. — Lettre du consul de la ville de Nicola, par laquelle il demande que les Juifs de Massa Carrara qui viennent trafiquer à Nicola, soient assujettis à porter des marques distinctives sur leurs habits (1). 22 juillet 1209. — Prise de Béziers par les Croisés. Lorsque les Croisés s'emparèrent de la ville de Béziers, ils en tuè- rent presque tous les habitants. Le légat du pape écrivant à Inno- cent XII ; évalue à vingt mille le nombre des hommes qui furent tués. Presque tous les 3uifs qui s'y trouvaient, et il y en avait un grand nom- bre, furent massacrés; quelques-uns, qui échappèrent à la mort, furent faits prisonniers ; car c'est à eux surtout que les Croisés en voulaient. C'est à cette occasion qu'un prêtre, à qui on demandait comment on distinguerait les chrétiens qu'il fallait épargner des Juifs qu'il fallait tuer, s'écria : « Tuez, tuez-les tous, Dieu saura déjà distinguer ceux » qui sont à lui. » 22 juillet 1565.— Mardochée, Juif habitant la ville de Metz et son ser- viteur, sont appelés devant le maître échevin de la ville, qui leur signifia qu'à la Saint-Jean prochaine ils quitteraient la ville et le pays messin. Pareille injonction fut faite à Isaac, autre Juif habitant cette ville. Cependant l'année suivante ces Juifs se trouvaient encore dans la ville, et une nouvelle injonction avec un nouveau délai leur fut faite le 24 juin 1566 (2). 23 juillet 1748. — Ordonnance de M. de Vanolles, gouverneur de l'Alsace, portant que les maîtres d'école juifs et chantres de syna- gogues de la province d'Alsace, n'ayant ni maison en propre ni com- merce, seront maintenus dans la possession qu'ils sont d'être exempts du droit de protection envers le roi. Cette ordonnance fut rendue par M. de Vanolles contre les collec- teurs d'impôts des fermiers généraux, qui avaient fait des poursuites pour le recouvrenlent du droit de protection contre Lévy Walck et Borach ; assignation leur ayant été donnée et procès-verbaux ayant été dressés, l'affaire vint devant M. de Vanolles, qui rendit cette or- donnance. (1) Mém. de l'Institut. Hist. et litt., t. m, p. 100. (2) V. Emmery, Recueil du Parlement de Metz, 1. 1, p. 198. 7 — 90 — 23 juillet 1847. — Ordonnance du roi Frédéric- Guillaume, de Prusse, au sujet des Juifs, discutée et adoptée dans l'assemblée géné- rale des Etats prussiens. Cette loi, encore digne de l'intolérance religieuse du moyen âge, porte notamment qu'aucun Juif ne peut être admis à un emploi public auquel soit attaché un commandement quelconque, et qu'il ne pour- rait pas non plus occuper de chaire dans aucune branche de l'ensei- gnement, ni droit, ni philosophie, ni histoire. Les Juifs de la Prusse de Tilsitt, qui devaient être gouvernés, mais qui ne l'étaient pas en réalité, par l'édit du H mars 1812, véritable édit d'affranchissement , les Juifs de la Prusse-Rhénane qui devaient jouir du bénéfice de la loi française encore plus avantageuse que l'édit de 1812, espéraient, au moment où on parlait d'un projet de loi soumis à la Chambre prussienne, que cette loi serait enfin une loi d'affran^hisse - ment; mais ils furent amèrement déçus. Les Juifs des autres Etats prussiens qui étaient restés les Juifs du moyen âge, ceux-là seuls pu- rent trouver un adoucissement à leur situation malheureuse ; car jus- qu'à ce jour ils étaient littéralement restés attachés à la glèbe sur la- quelle ils prenaient naissance. 25 juillet 1247. — Clément IV publie une bulle où il se plaint que les chrétiens ne craignent pas d'embrasser le Judaïsme, et par laquelle il ordonne aux inquisiteurs de poursuivre les chrétiens qui quitteraient leur religion et les Juifs qui les pousseraient à des actes pareils (1). 29 Tamouz. — Jeûne institué dans la ville de Nuremberg, probable- ment en souvenir des massacres de 1096, lors du départ des Croisés pour la Terre-Sainte. Les massacres en ce moment cessèrent, et les Croisés se contentèrent dans la suite de voler et de piller. C'est en effet ce qui arriva le lendemain, 1 er du mois d'Ab, dans la ville de Regensbourg. 5 Ab. — Jeûne à Posen, en commémoration d'un incendie terrible qui dévora la plus grande partie de la ville. Les pertes accablèrent surtout les Juifs qui étaient fort nombreux dans la ville. 81 juillet 1826. — Auto-da-fé à Valence. Cet acte incroyable pour notre notre époque est rapporté par M. de Vau.abelle, historien excellent et (1) V. Recueil général des Bulles. — 91 — digne de foi, dans son Histoire des deux Restaurations. Empêché que nous étions de le vérifier dans les documents du pays et de l'époque, nous en laissons toute la responsabilité à l'auteur dont nous rappor- tons le récit : « Un auto-da-fé annoncé depuis longtemps dans les principales villes de l'Espagne, fit accourir à Valence une foule considérable de catho- liques zélés. Le condamné était Juif ; son crime, l'hérésie. Conduit entre deux longues files de moines chantant des cantiques de David, le malheureux Israélite était revêtu d'un san benito, espèce de blouse couverte de peintures représentant des diables renversés, et coiffé d'une grande mitre en carton chargé de flammes. peintes. A ses côtés mar- chaient deux dominicains qui, donnant au patient le nom de frère in- fortuné, lui promettaient pour récompense de son supplice toutes les félicités de l'autre vie. Lorsque le cortège, que précédaient les ban- nières de saint Dominique et de saint Ignace de Loyola, arriva au pied du bûcher, les deux dominicains embrassèrent l'Israélite, et Fun d'eux prononça un long sermon. Les plus dévots parmi les assistants se pres- saient au premier rang, portant des matières inflammables ; la prédi- cation terminée, tous luttèrent de vigueur et d'adresse pour lancer sur le bûcher qui venait d'être allumé, ceux-ci des petits fagots, ceux-là des boules résineuses, d'autres des étoupes enduites de goudron. Ces matières s'amoncelèrent autour de la victime, qui, attaché fortement à un poteau fixé au centre du bûcher, était en outre bâillonné pour em- pêcher ses cris ; cette dernière précaution ne parut sans doute pas suffisante, car dès que la flamme s'éleva et commença à envelopper le condamné, les moines, unis à la multitude des assistants, entonnèrent des hymnes dont le chant formidable dominait tous les bruits, et qui ne cessèrent que lorsqu'il ne resta plus qu'un brasier» (1). Cet acte incroyable de barbarie se passait cependant au dix-neuvième siècle, et on aurait peine à le croire s'il n'était rapporté par un histo- rien illustre, dont le récit est en tout digne de créance. Août 1388. — - Par une ordonnance en date de ce mois dont le jour n'est pas précisé, Charles VI, roi de France, permet de nouveau aux Juifs de prêter de l'argent comme ils le faisaient du temps de Char- les V. Cette ordonnance citée par Brillon, Dictionnaire des arrêts, n'est pas rapportée dans le Recueil des lois et ordonnances des rois de France. Cet oubli ne se comprend pas de la part des auteurs de ce dernier (l)De Vaulabelie, Histoire des deux Restaurations, t. iv, p. 453. — 92 — recueil, à moins que la pièce authentique, qui aurait dû exister aux archives de l'empire, ne soit égarée. Août 1710.— Déclaration du conseil du roi enregistrée au Parlement de Metz, et portant que le roi, informé que plusieurs Juifs de cette ville, faisant la banque ou le commerce, tenaient leurs registre en langue hébraïque, Sa Majesté ordonne qu'il seraient obligés à l'avenir de te- nir des registres dans la forme prescrite par les ordonnances et en langue française, faute de quoi ils seraient déchus de toute action pour recouvrer les sommes qu'ils prétendraient leur être dues, déclarés in- capables de faire aucun commerce de banque ou autres de quelque nature que ce soit, et condamnés en outre à deux cents livres d'amende . 4 août 1278. — Bulle du pape Nicolas III, adressée au provincial de „; Lombardie contre les Juifs (1). « Dieu et les chrétiens, dit-il, se sont montrés trop bienveillants pour les Juifs, tandis qu'eux se sont toujours montrés ingrats. Il faut donc que cet état de choses cesse et que la vigne du Seigneur soit émondée de toutes les mauvaises plantes qui s'y trouvent ; il faut donc que dans tout l'univers, puisque les Juifs sont dispersés dans tout l'univers, des prédications actives soient faites pour forcer les Juifs à se convertir -, qu'on les oblige à assister aux prédications autant qu'on le jugera convenable et nécessaire ; que ceux qui se convertissent soient traités avec bienveillance par les évèques ; qu'ils obtiennent des secours, des honneurs et soient mis à l'abri de toute persécution de la part de leurs frères qu'ils quittent ; que note exacte soit transmise de ceux qui ne voudront pas se convertir, avec indication précise des seigneurs dans la juridiction desquels ils demeurent, pour qu'on agisse contre eux par les moyens qui seront jugés nécessaires. » 5 août 1315. — Lettres-patentes par lesquelles le roi Louis X, dit le Hutin, commet Guillaume Bernard pour la recherche des biens recelés des Juifs. Au mois d'août 1311, Philippe IV avait chassé les Juifs de toute la France ; mais son successeur, Louis X, à peine monté sur le trône, les rappelle en France par une ordonnance du mois de juillet 1315, et leur accorde une permission de séjour pendant douze années. Tous ces pri- vilèges devaient servir à battre monnaie, et c'est en effet pour faciliter (1) V. Recueil des bulles, à cette date. c — 93 — aux Juifs leu nouvel établissement et en njême temps pour s'emparer d'une partie de ces biens qu'il donna les lettres patentes dont nous parlons, et que le lendemain 6 août il fit un mandement à tous les éche- vins, baillis et autres officiers civils, d'aider Guillaume Bernard dans sa mission, mission qui devait faire entrer dans les coffres du roi une somme assez forte. 5 août 1712. — Bulle de Clément XI, par laquelle il est interdit aux femmes juives de sortir la nuit du Ghetto. Le pape craignait sans doute que les sorcelleries des femmes juives, qu'on accusait d'assister pendant la nuit au sabbat du démon, n'entraî- nassent ses fidèles sujets et fervents croyants. C'eut été une louable sollicitude paternelle de la part du pape si elle n'avait caché une cruelle persécution contre les Juifs. 6 août 4567, —-Une requête est adressée par les Juifs Mardochée et » Michel, qui demeuraient à Metz depuis trois ou quatre ans, dans la- quelle ils demandaient au maréchal de Vieilleville, lieutenant-général du roi en cette ville et dans le pays messin, la permission de continuer leur séjour dans la ville. Le maréchal leur accorda leur demande par un décret en date de ce jour, dans lequel il est stipulé qu'une rede- vance annuelle de deux cents livres serait payée par eux au profit de l'hôpital Saint-Nicolas. Cette redevance fut plus tard augmentée et portée à quatre cent cinquante livres en 1718. 8 août 14-43, — Bulle du pape Eugène IV, adressée aux évêques de Castille et de Léon contre les Juifs. Le préambule et la formule de cette bulle est copiée sur celles de ses prédécesseurs qu'il rappelle et qu'il cite ; puis viennent les défenses faites aux chrétiens de manger ou de boire avec les juifs, de les invi- ter, de se baigner avec eux ou de faire des mariages ensemble ; défense également faite aux chrétiens de servir les Juifs ou de les employer; les Juifs ne peuvent exercer aucun office public; ils ne peuvent être ni médecins, ni chirurgiens, etc., etc. Le tout enfin comme dans les bulles précédentes, sans qu'on y change la moindre expression. 9 août \ 378.— Charles V, roi de France, par des lettres-patentes don- nées à Saint-Germain-en-Laye, ordonne que dorénavant les Juifs con- vertis ne pourraient plus intenter de procès, ni porter des accusations contre les autres Juifs, ni les dénoncer devant les juges qu'il n'y ait ♦ — 94 — une information préalabty, ou qu'ils ne donnent caution de poursuivre leurs accusations (1). 43 août 1317. — Bulle du pape Benoît XXII, adressée aux inquisiteurs du royaume de France (2). Il a appris, dit-il, qu'il y a des Juifs qui se sont convertis, mais qui cependant judaïsent encore en secret, c'est-à-dire qu'ils observent en- core toutes les pratiques et observances juives; que leur conversion n'est donc que simulée et comme telle un outrage pour la religion chrétienne; il recommande donc aux inquisiteurs de la foi dans le royaume de France, d'user de tous les moyens de répression qui sont en leur pouvoir contre ceux qui seront convaincus ou seulement sus- pects d'une telle dépravation et d'un tel dévergondage. Chose étrange ! dans l'espace d'un demi-siècle à peine, cinq i^apes ont successivement lancé de pareilles bulles contre les fausses conver- sions des Juifs : Clément IV, en 1267 ; Grégoire X, en 1274; Martin IV, en 1282, et Nicolas IV, en 1288. 15 août 1198. — Lettre circulaire du pape Innocent III, à propos de la croisade et dans laquelle il dit au sujet des Juifs : «Quant aux Juifs, nous ordonnons aux puissances temporelles de les contraindre à re- mettre aux croisés toutes leurs créances, et jusqu'à ce qu'ils les re- mettent, nous défendons à tous les chrétiens, sous peine d'excommu- nication, d'avoir aucun commerce avec eux ni en marchandises ni au- trement» (3). Les croisés se préparaient partout à la guerre sainte par le vol, le pillage et l'assassinat ; il ne leur manquait plus qu'une sanction légale, et Innocent III eut le triste privilège de la leur accorder. 15 août 1561. — Le pape Pie IV fait publier un décret qui, sur la re- quête et la supplique des Juifs, leur permettait de porter un chapeau noir, mais en voyage seulement ; dans les lieux de leur résidence ils devaient toujours continuer de porter un chapeau de couleur glau- que (4). C'était un allégement apporté à la bulle du pape Clément \II (5), qui, (1) V. Lois et ordonnances des rois de France, t. vi, p. 340. (2) V. Bull. magn. à la date de ce jour. (3) Fleury, Hist. ecclés., t. xvi, p. 16. (4) V, Bull. magn. à la date de ce jour ; V. aussi André, recteurs du Comtai-Venaissin. (5) ^. nos éphémérides à la date du 13 juin. c en 1527, irrité de ce que les Juifs avaient Yaudace de se vêtir comme les chrétiens, avait renouvelé aux Juifs Tordre de porter toujours le chapeau jaune, sous peine d'une amende de cent ducats d'or. 17 août 1348. — Les Juifs de Saint-Saturnin, dans le Dauphiné, sont massacrés dans une émeute, soulevée contre eux, à propos de la peste qui exerçait d'affreux ravages dans tout le pays. On les accusait d'avoir empoisonné les fontaines; et cette accusation ridicule trouvait dans le peuple et dans le clergé des croyants assez fanatiques pour ne tenir nul compte de la bulle du pape Clément IV qui, à la date du 4 juillet 1348, avait formellement pris les Juifs soussa protection, et défendu qu'on portât pareille accusation contre eux. 17 août 1706. — Requête de la communauté de Metz au parlement de cette ville, afin d'obtenir l'autorisation de construire de nouvelles maisons dans leur quartier (1). Jusqu'à ce jour, malgré le nombre toujours croissant de la popula- tion, les Juifs de Metz n'avaient pas encore senti le besoin d'augmen- ter le nombje de leurs maisons; mais à ce moment, ils furent obligé d'avoir recours à de nouvelles constructions. Ils s'adressèrent au par- lement qui leur avait toujours été favorable, et qui, en cette occasion encore, leur laissa toute latitude à ce sujet, sauf à se soumettre aux règlements en vigueur. 19 août 1672. — Ordonnance de M. Poncetde la Rivière, gouverneur de l'Alsace, qui fixe le droit à payer par chaque famille juive au fer- mier général du domaine, et le droit d'habitation à payer aux seigneurs particuliers : 10 florins et demi au fermier, 10 florins au seigneur particulier. Défense expresse est faite aux seigneurs à peine d'être accusés de concussion et d'être condamnés, et aux Juifs d'être punis d'une amende de trois cents florins, de prendre ou de donner davantage (2). 22 août 1311. — Une ordonnance de Philippe IV donnée à Saint-Ouen fait défense aux Juifs de continuer leur séjour dans le royaume de France (3). (1) Msc. de la Biblioth. de Metz, n° 169. (2) De Boug., t. I, p. 41. (3) Loys et Ordonnances des roys de f ronce, t. I, p. 488; Brillon. Dict. des arrêts, art. Juif. — 96 — Cette expulsion des Juifs de France fut bientôt après annulée par Pavénement au trône de Louis X, dit le Hutin, qui, par déclarations du 28 juin et du 28 juillet 1315, leur permit de revenir en France et d'y séjourner pendant douze ans (l). 24 août 1731, jour de la Saint-Barrhélemy. — - Samuel Dreyfus, Juil de Sierentz, dans la province d'Alsace, avait, de même que quelques autres Juifs du même endroit, cuit du pain (crime inouï !) dans l'inté- rieur de leurs maisons en ce saint jour, anniversaire des trop célèbres massacres des huguenots. Cette fête tombait cette année un vendredi. Le bruit se répand aussitôt de cette profanation du jour à jamais sanc- tifié, et on demande qu'une punition exemplaire soit infligée aux pro- fanateurs. Le procureur fiscal les fait assigner, et par sentence du 30 octobre, les Juifs Dreyfus et consorts furent condamnés chacun à deux livres de cire d'amende au profit de l'église de Sierentz, avec défense de récidiver sous peine de punitions exemplaires. — Mais les commu- nautés juives de l'Alsace s'émurent à leur tour de cet arrêt et furent effrayées des conséquences qu'il pouvait avoir; car c'était en effet sans intention malveillante que ces Juifs avaient cuit du pain ce jour-là ; l'habitude qu'ils avaient de préparer seulement d£ la veille le pain du samedi, leur avait fait oublier que ce vendredi était une fête catholique. La communauté juive de l'Alsace, qui représentait alors les consistoires d'aujourd'hui, interjeta appel de cette sentence devant la Cour suprême, mais un arrêt rendu au mois de janvier 1733 confirma la première sentence et débouta les Juifs de leur appel. (2) 25 août 13U.~ Lettres d'Alphonse XI, roi de Castille, données àVal- ladolid, par lesquelles ce prince avertit les Juifs de son royaume qu'un Juif nouvellement converti et devenu sacristain de l'église de Valla- dolid, lui avait dit que depuis un temps fort ancien les Juifs avaient l'habitude de réciter dans leurs prières des malédictions contre le Dieu des chrétiens et contre ceux qui se convertissaient au christianisme. 11 défend donc une chose aussi coupable et ordonne à tous les juges et maires d'y veiller avec fermeté et d'y porter remède, sous peine de cent maravédis d'amende en cas de négligence. 29 août 1338. — Lettres du pape Benoît XII à Albert, duc d'Autriche, et à l'évêque de Passau, à propos d'une émeute soulevée contre les Juifs (3), (1) L. etOrd., I, p. 595; Brillon, /. c. (2) De Boug, t. i, p. 188 (3) Raynald, Ann. ecclés., t. xvi, à la date; V. aussi Fleurv, Hist. ecclés. 18. * Dans le diocèse de Passau, plusieurs clercs avaient placé dans des églises des hosties ensanglantées ; ils les avaient présentées à l'adora- tion du peuple en disant que c'était les Juifs qui avaient martyrisé cet emblème de Jésus à coups de canif, et que c'était de là que le sang avait rougi ces hosties. On se soulève contre les Juifs, on pille les maisons, on massacre quelques hommes et on se meta adorer ces hos- ties. Albert, duc d'Autriche, ayant appris ces faits, écrivit au pape Benoît XII une lettre où, après avoir rapporté ces faits, il lui deman- dait comment il se devait conduire. Le pape lui répondit : « Que ces faits méritaient d'être examinés avec » grand soin, puisque d'un côté rendre un culte à une hostie non con- » sacrée, c'est se jouer du sacrement et tromper les fidèles, et d'un » autre côté si les Juifs ont commis le crime dont on les soupçonne, » on ne peut les laisser impunis sans couvrir de honte la religion » chrétienne et attirer l'indignation divine. C'est pourquoi nous char- » geons l'évêque de Passau de s'informer exactement de toutes les cir- » constances de cette affaire, prenant avec lui des personnes pruden- » tes et craignant Dieu et employant tous les moyens convenables pour » découvrir la vérité. Après quoi si les Juifs se trouvent coupables on » les punira comme ils le méritent, s'ils sont innocents on exercera la » sévérité des canons contre les auteurs de cette imposture.» Les clercs coupables avouèrent en effet leur faute à l'évêque Vern- hard et furent punis d'une manière exemplaire, et la restitution aux Juifs de tous les biens pillés fut ordonnée. 8 Elloul. — Jeûne à Mayence en commémoration du massacre de Juifs le dimanche 8 Elloul 1349. — A Worms on récite encore aujourd'hui un Zoulath le samedi de la Parascha Schophetim, en souvenir des in- nombrables pertes qu'a faites'le Judaïsme dans cette année néfaste, où dans toute l'Europe le sang coula avec une telle abondance que le nombre des Juifs diminua de moitié, au dire des chroniques et des historiens. 31 août 1295. — Lettre du pape Boniface VIII à Paulin d'Aspalt, ar- chevêque de Mayence, au sujet des Juifs du ce diocèse (1). Il lui dit que des plaintes lui sont parvenues sur ce que les Juifs habitant le diocèse de Trêves avaient construit une synagogue neuve dans les dépendances du couvent de la sainte vierge Marie à Aldenbourg, contrairement à toutes les sanctions canoniques. Il ordonne à l'archevêque de faire une en- quête et de juger l'affaire par lui-même. (1) Gudenus, Codex diplomaticus, t. n, p. 286. 2 septembre 1345. — Humbert II, avant de partir pour la croisade, avait laissé Tordre à Henri de Villars, comte el archevêque de Lyon, de contraindre tous les Juifs à sortir du Dauphiné. Mais cet ordre n'avai été donné qu'en vue de leur faire racheter par quelques fortes contri- butions la liber té d'y demeurer et d'y commercer. C'est ce que le comte Henri, qui n'ignorait pas ce motif, sut exécuter avec succès. Il tira d'eux une somme de mille florins pour être employée aux dépenses de la guerre, et le 9 décembre Henri de Villars annonça à tous les baillis, juges, etc., que la permission de séjour était encore une fois accordée aux Juifs (2). 3 septembre 1189. — Les Juifs d'Angleterre avaient joui jusque là d'une paix profonde, lorsqu'au jour même du couronnement de Richard Cœur-de-Lion le signal fut donné des massacres et d'une longue per- sécution. Lorque Richard, revenant de l'église où il avait, été couronné, rentra dans son palais, il reçut toutes les députations et entre autres celle des Juifs, composée d'hommes très-riches et très estimés, qui venaient déposer aux pieds de Sa Majesté leurs dons de tienvenue. Un prêtre fanatique qui se trouvait là, Balduin, archevêque de Ganterbury, fit observer au nou- veau roi qu'il ne devait pas accepter de présents des Juifs et qu'il de- vait même les faire sortir de la salle parce qu'ils avaient perdu tout droit à de pareilles grâces par leurs fautes. Richard, sans penser qu'une pareille exclusion pùt être préjudiciable aux Juifs et voulant ne pas froisser les chefs de l'Eglise, se soumit aux remontrances de l'arche- vêque. Mais les domestiques du palais, qui reconduisirent les Juifs, crurent par cela même être autorisés à les maltraiter, et le peuple de la rue à son tour se mit à poursuivre les députés juifs à coups de poings et de pierres. Aussitôt le bruit se répandit dans tout Londres que le roi désirait le massacre des Juifs. La populace ameutée par des moines se jeta sur le quartier des Juifs. Mais les Juifs avaient eu le temps de se barricader dans leurs maisons, et la proie semblait devoir échapper à la rapacité du peuple, lorsqu'on se résolut à incendier toutes leurs mai- sons et à détruire ainsi toutes les créances que les Juifs avaient sur les chrétiens. Un grand nombre de Juifs furent massacrés, d'autres se donnèrent eux-mêmes la mort pour échapper au baptême qu'on voulait leur imposer; le rabbin Jacob Tarn, d'Orléans, périt en ce jour. Un seul Juif accepta le baptême ; ce fut Benédic, riche juif d'Yorck, un des députés à qui la peur avait tourné la tête et qui, l'émeute une fois (2) V. Valbonnaire, hist. du Dauphiné. _ 99 — apaisée, demanda au roi la permission de retourner k son ancienne foi. La plupart des maisons furent incendiées et les synagogues dé- traites. Le lendemain, Richard ayant appris ce qui s'était passé, fit arrêter et juger les principaux meneurs, et pour empêcher que la nouvelle de ce massacre ne donnât occasion aux chrétiens de son empire à l'imiter, il envoya immédiatement en Normandie, en Poitou et dans le reste de son royaume des exprès pour que les autorités s'opposassent à de pa- reils soulèvements (1). Ce fut là le premier acte de ce fanatisme qui dut coûter aux Juifs d'Angleterre tant de sang et de persécutions. 17 Eiloul 1268. — On brûla en ce jour, dans une synagogue de Rome, vingt-et-un rouleaux de la loi. On institua un jeûne en commémora- tion de ce fait malheureux. Il est cependant quelques manuscrits du rituel romain qui porte que ce jeûne avait lieu le mardi delà Parascha Siçabim; or, en l'année 1268 ce mardi tombait le 2-iElloul. 6 septembre i 70-4, — Auto- da-fé à Lisbonne. Cet auto -da-fé n'avait rien de remarquable par lui-même; une cin- quantaine de Juifs furent, à la grande joie du peuple, exécutés et brû- lés; l'un d'eux même brûlé vif comme relaps. Les détails étaient ceux de tous les auto-da-fés, cependant il y a un point digne d'être signalé, c'est qu'à cette occasion l'arcliexêque de Charnagor fit un sermon dans lequel il crut avoir brillamment démontré le néant du Judaïsme et des espérances des Juifs. Mais, quelques jours après, une réfutation en fut faite paragraphe par paragraphe; toute la ville en fut émue et un bon nombre d'habitants trouvèrent que c'était, une bonne leçon donnée à l'archevêque. 8 septembre 1808. — Circulaire du ministre de l'intérieur à tous les préfets de l'empire français, au sujet des noms et prénoms'des Juifs. Le comte Cretet rappelle que le décret du 20 juillet de la même année impose aux Juifs l'obligation d'adopter des noms de famille et des prénoms fixes, et donne à ce sujet l'ordre à tous les préfets d'en infor- mer officiellement tous les Juifs et de leur faire connaître toutes les dispositions de la loi. ii V. Dom Bouquet, recueil des Historiens des Gaules, t. xvm, et la Chronique de Mathieu Pâris. 1 11 septembre i486. — Ordonnance du Parlement de Paris réglant le prix de l'entrée et de la sortie des prisons. Un fait assez singulier à signaler, c'est qu'un Juif ou une Juive payait deux sols parisis comme droit, tandis que le Lombard ne payait que douze deniers et un prisonnier du peuple huit deniers. Il est vrai aussi qu'un chevalier devait payer cinq sols, et un comte ou un baron dix sols parisis. 12 septembre 1835. — Ordonnance du roi Louis-Philippe I er qui sus- pend toutes les relations de la France avec le canton de Bâle Cam- pagne. Le gouvernement de ce canton ayant refusé à MM. Wahl de Mulhouse le droit d'établissement et de propriété motivé sur ce que ces messieurs étaient Israélites, l'ambassadeur de France en Suisse fit à cette occasion toutes les représentations possibles, mais n'obtint aucune satisfaction; le roi alors ordonna la suspension de toutes relations de chancellerie avec ce canton. 13 septembre 1776. — Le parlement de Provence interdit aux Juifs non-seulement de faire le commerce dans les villes d'Apt et de Forcal- quier, mais il ordonne même à ceux qui y étaient établis depuis de longues années d'en sortir. 17 septembre 4553. — A Asti, un jeune homme de dix-huit ans fut assassiné dans une maison isolée près des foitifications sans qu'on pût retrouver l'auteur de cet assassinat. Un Allemand, qui avait eu quel- ques démêlés d'intérêt avec un Juif, lança une accusation contre tous les Juifs de la ville. La crédulité publique l'accepta et força les auto- rités de la ville à punir les Juifs. On en incarcéra un grand nombre, et, pour leur faire avouer le crime, on les mil à la torture. Mais leur innocence fut bientôt reconnue, car, malgré tous les supplices, on no put arracher à ces pauvres martyrs aucun aveu. On fut donc obligé de les relâcher, sans toutefois punir celui qui avait osé porter une fausse accusation contre les Juifs (l). 17 septembre 1806. — Dans la sixième séance de l'assemblée géné- rale des députés israélites tenue à Paris, les commissaires du gouver- nement, MM. Molé, Portalis et Pasquier viennent présenter, au nom de (1) V. EmekHabacha. — 101 — .'Empereur, les témoignages de satisfaction avec laquelle il avait reçu les réponses de l'assemblée aux questions posées dans le programme de cette assemblée. Ils communiquent en même temps le désir de Sa Majesté de voir adopter le projet d'une convocation prochaine d'un sanhédrin qui pût changer ces réponses, émanées d'une assemblée sans autorité religieuse, en décisions doctrinales. Ce sanhédrin devait être composé de soixante-et dix membres, sans compter le chef, selon l'ancien usage ; les deux tiers seraient des rabbins, l'autre tiers devait être choisi parmi les membres de l'assemblée. L'assemblée accueillit avec un vif enthousiasme cette nouvelle, et dans les deux séances suivantes des 19 et 23 septembre, elle nomma la commission de neuf membres qui, avec les commissaires du gouvernement, devaient pré- parer les matières à soumettre à une nouvelle discussion et à des déci- sions légales de la part du grand-sanhédrin. Les travaux de cette com- mission furent terminés pour le 5 février 1807, et lecture en fut faite à l'assemblée : le sanhédrin tint sa première séance le 9 février 1807. 18 septembre 1720. — Arrêt du conseil souverain d'Alsace qui rend aux rabbins le pouvoir d'apposer des scellés et de faire des inventaires après décès. Cette faculté leur avait été enlevée par un arrêt précédent du même conseil souverain, en date du 27 septembre 1719. En rendant aux rab- bins ce pouvoir, le conseil fait défense expresse aux juges de procéder à ces opérations, à moins qu'ils n'en fussent requis ou qvïwn chrétien n'y fût intéressé. 27 Eiloul. — Jeûne complet à Francfort-sur-le-Mein en souvenir de la Saint-Barthélemy juive en 1614. (Voir nos éphémérides du 24 août de l'année dernière.) 20 septembre 1389. — Après l'expulsion des Juifs de la Suisse, un jeune homme vient auprès du bourgmestre de Constance et le supplie en grâce de le faire brûler. Le bourgmestre étonné l'interroge sur son crime, et apprend que dans un moment de frayeur et par suite du grand désir de ne pas quitter la Suisse sa patrie, il avait renié la religion de ses pères et avait accepté le baptême ; maintenant il avait horreur de son abjuration et, retournant au Judaïsme, il venait se soumettre à la rigueur des lois canoniques. Le bourgmestre a beau insister pour qu'il quitte la Suisse, ce jeune martyre ne veut rien entendre.et on fut obligé 0e lui faire selon son désir (1). (1) V. Ben Ghanania, année 1859. I A — m — 23 septembre 1735. — Déclaration du roi qui enjoint aux Juifs d'Al- sace de faire usage de la langue vulgaire dans leurs livres de com- merce (2). Déjà, quelques mois auparavant, un arrêt du conseil souverain avait ordonné aux Juifs de rédiger et de signer en langue vulgaire les quit- tances et autres actes qu'ils auraient à passer avec les chrétiens. 26 septembre 1348. — Bulle de Clément VI qui défend de persécuter les Juifs en prenant pour prétexte la peste qui sévissait. « La peste, dit-il, ne doit pas être attribuée aux Juifs, mais aux pé- chés des chrétiens.» Si quelque Juif torturé avoue son crime, il doit être livré à une justice régulière. Il ordonne à tous les archevêques, évêques, etc., de veiller à ce que les Juifs ne soient pas persécutés, massacrés, torturés, etc., et il lance l'anathème contre quiconque fe- rait ou encouragerait de pareils actes, ou ne s'y opposerait pas (1). 26 septembre 1501. — Edit de Louis XII qui chasse tous les Juifs d e la Provence (2). Lorsqu'en 1481 le comté de Provence fut réuni à la couronne, les Juifs se trouvaient alors en grand nombre dans cette province; ils étaient fort riches et fort estimés. Mais l'avantage de devenir. Français ne leur profila guère qu'à être soumis aux lois qui régissaient les Juifs du reste du royaume, c'est-à-dire à être expulsés de leur patrie; car depuis un siècle déjà tous les Juifs avaient été proscrits de France par le trop célèbre établissement de Charles VI, en date du 17 septem bre 1394. Aussi un premier édit en 1498 applique aux Juifs de Pro- vence la loi d'expulsion de 1394; mais comme cette mesure ne fut pas rigoureusement exécutée, un nouvel édit en date du 26 sep- tembre 1501, renouvela la proscription qui fut alors sévèrement exé- cutée ; trois ans après le fisc s'empara de tous leurs biens 27 septembre 1762. — Arrêt du conseil souverain d'Alsace ordonnant l'exécution d'un autre arrêt du 19 décembre 1732, qui défend aux Juifs l'acquisition de propriété. Par suite de cette ordonnance onze Juifs qui y son dénommés du- rent se défaire des maisons qu'ils avaient acquises depuis longues an- nées et furent condamnés au dépens. (1) V. Ordonn. d'Alsace, t. n, p. 116. (2) V. Raynald, Annales ecclésiastiques, t. xvi, V. 33. (3) V. Bouche, Hist. de Provence, t. il, p. 507. — 103 — 28 septembre 1761. — Le 18 septembre, le maréchal de Richelieu avait chassé de Bordeaux tous les Juifs étrangers, Avignonnais, Tu- desques, Allemands et autres, à l'exception des Portugais et de ceux qui avaient obtenu des privilèges, et cela à l'instigation des Juifs por- tugais jaloux de leurs coreligionnaires. Une seule exception fut faite alors par le maréchal de Richelieu en faveur d'un Juif allemand nommé Ephraïm, et par une seconde ordonnance du 28 septembre, il lui per- mit de demeurer momentanément à Bordeaux avec sa famille de six personnes, par le motif, dit l'ordonnance, des engagements que ledit Ephraïm avait contracté avec plusieurs correspondants étrangers et du pays pour une fourniture considérable devin casser. Mais le 20 novem- bre suivant, le maréchal de Richelieu annonça aux jurats de la ville que cette permission accordée au Juif Ephraïm lui était retirée et qu'il devait par conséquent quitter la ville tout comme les autres Juifs étrangers. Fin septembre 1774. — Un prêtre, protégé par un nombre de dévots de tous les rangs, accuse les Juifs de Varsovie d'avoir massacré, pour les cérémonies du culte une petite fille dont le cadavre avait été trouvé dans un bois voisin. On transporta en grande pompe le cadavre dans une église de la ville, on le vénéra et on l'adora comme martyre. Quatorze Juifs furent emprisonnés, d'autres furent chassés, roués de coups. Les entants des prisonniers furent baptisés, leurs biens saisis et eux laissés dans les fers sans jugpment jusqu'à ce que la diète se fut résolue, après maintes plaintes, à nommer une commission d'en- quête. Les médecins et chirurgiens constatèrent que cette enfant ne portait aucune trace de mort violente, mais qu'une congestion cérébrale causa seule la mort. A la suite de ce rapport un décret intervint à la date du 12 juin 1775, inséré dans la Gazette de Varsovie et signé par le grand-chancelier prince de Radziwil et par le maréchal prince Soikowski. Les Juifs furent déclarés innocents et élargis ; mais leurs enfants restèrent baptisés, leurs biens ne furent pas restitués et les ac- cusateurs ne furent pas poursuivis, parce qu'ils avaient agi poussés seulement par un trop graird zèle pour la religion ! ! Octobre 1454. — Casimir IV, roi de Pologne, frère et successeur de Wladislas, dans son statut promulgué, s'exprime en ces termes au sujet des Juifs : « Comme les Juifs infidèles ne doivent pas jouir des prérogatives plus étendues que celles des adorateurs du vrai Dieu, de même que les serfs ne doivent pas être traités plus favorablement que les enfants, nous statuons que les Juifs seront régis par les mêmes lois que les nobles, propriétaires de biens territoriaux, en ce qui con- • — 104 — cerne la prescription triennale pour les obligations et les inscriptions. Nous abrogeons, en outre, les franchises qui leur furent accordéespar nous après notre couronnement, et qui sont contraires aux lois divines et aux statuts territoriaux. Nous ordonnons également que les Juifs porteront un costume particulier qui puisse les distinguer des chré- tiens. » Casimir, en montant sur le trône, en 1447, avait confirmé toutes les franchises et les privilèges accordés par Bolesîas ( en 1264 ) et par Ca- simir le Grand (en 1343). Mais dans l'intervalle de ces sept années il fut circonvenu par les ennemis des juifs, et surtout par Jean Capistran, , sous l'influence duquel ces nouvelles lois furent faites. Mais en 146.7, lors du renouvellement de la Charte ou Statut de 1447, l'esprit d'into- lérance et d'avidité que ce moine avait fait pénétrer dans la loi dispa- rurent complètement, et les paragraphes malveillants furent révoqués. Octobre 1473. — Ripalta, patricien de la ville de Plaisance, raconte (1) qu'un prédicateur de cette ville ayant prêché contre les Juifs et surtout contre l'habitude qu'ils ont de faire dépécer le bétail par des chrétiens après l'avoir abattu selon le rite juif, une assemblée de docteurs et^e magistrats fut convoquée par l'évêque, pour savoir s'il était permis %e laisser durer un pareil état de choses et surtout s'il était permis aux chrétiens d'acheter de la viande ainsi apprêtée. Il y eut une grande dispute dans laquelle Ripalta lui-même prit part, car il ajoute : « Moi, » je leur ai prouvé que cela était détendu par les lois canoniques, ci- » viles et divines ; grâces à Dieu, nous remportâmes la victoire et nous » envoyâmes des députés à notre prince pour qu'il forçât les Juifs » d'avoir leurs tueurs particuliers et même de porter le signe particu- » lier dont ils s'étaient déshabitués. Nous obtînmes ce qui concernait « la viande, mais quant à l'obligation de porter la marque, les Juifs » s'en rachetèrent par la somme de sept mille ducats qu'ils payèrent à » la chambre ducale. » Octobre 1501 . — A la suite de l'expulsion des Juifs d'Espagne en 149-2, . un grand nombre de ces malheureux, ne pouvant se résoudre à quitter le sol paternel, s'étaient convertis; ils suivaient extérieurement le culte catholique et dans l'intérieur de leurs maisons ils étaient restés Juifs, et chaque fois qu'une occasion se présentait de se réunir pour prier en commun selon le rite juif, ils la saisissaient avec empressement. Il en est même qui, au péril de leur vie, s'assemblaient régulièrement. C'est ainsi qu'en 1501 on découvrit une synagogue clandestine à Valence. On s'empara du propriétaire et on lui fit subir une pénitence dans un auto- da-fé ; sa maison fut rasée et l'inquisition érigea sur cet endroit une chapelle qui est, dit Llorente (1), encore connue sous le nom de Cruz nueva ou Croix neuve. (l) Anton, de Ripalta, Annales Placentini, dans le tome xx de Mura tori. Rerum italic. scriptores. (1) Llorente, Hist. de l'Inquisition d'Espagne, tome i, chap, 7. Paris— Imp, Schiller fils, 10, Faubourg- Montmartre. ' 1