EXPOSITION DE LA CONDUITE I TENUE PAR LE CLERGE DE FRANCE, RELATIVEMENT A L'ACCEPTATION 'DES DÉCRETS DE DISCIPLINE DU CONCILE DE TRENTE. AVIGNON, CHEZ SEGUIN AINÉ, IMPRlMEUR-LIBRAIRE. 1825. EXPOSITION pe la conduite tenuepar le Clergé de France, relativement à l'accep­ tation des Décrets de discipline du Concile de Trente. UN auteur qu'on ne peut soupçonner de favoriser l'Église Romaine, celui de la Justification des Discours et �e l'Histoire de Fleury, rapporte (T. 4. 2.epartie, Opusc..Nismes 1781. P: 24 et 25.) la Déclaration faite par Ie Cardinal de Lorraine, à la fin du Concile de Trente , au nom de l'Église Gallicane. Le Cardinal annonça étre maintenant content de recevoir et d'ap­ prouyer les Décrets arrétés à l'égard de la réformation pa,: le Concile de Trente. Il ajouta qu'il espérait que les Souverains Pontifes , et singulièrement N. S. P. Pie IV. se déterminerait par lui-méme ,par un mou­ vement de sa piété et sagesse, à suppléer à ce quiy manque; et qu'emplorant des moyens plus e.fficaces et mettant de nouveau en uigueur les anciens Canons que depuis long-temps on laisse abolir...• il délivrera entiè­ rement I'Eglise de ses maux, et la rétablira dans son ancienne uigueur. II finit en disant: Tel est mon senti­ ment, et c'est ladéclaration quefefais au nom de tous tes ( 4 ) Evéques de I'Église Gallicane, dant fe domande acte, et que je désire étre insérée dans les actes du COll­ cile. Le Cardinal délégué par le Clergé de France accepta dane formellement au nom de ce Clergé le Concile de Trente en son entier , sans restriction, sans modification , sans exception; il déclara qu'il croyait que le Pape de sa senle autorité pourrait com­ pléter la réforme de la disciplme ecclésiastiqne , que . le Concile de Trente n'avait pas entièrement achevée, Aux Etats de Blois, en 1576 et I 577 , Ies Evéques insistèrent SUI' la nécessité de demander au Roi la publication du Concile de Trente ; ils ajoutèrent que la Noblesse et le Tiers-Etat requéraient cette publica­ tion, et qu'il serait mal-séant à ceux de l'Église de l'em­ pècher. Les Chapitres et les Réguliers s'y opposèrent , Ilour copserv,er .leurs privileges et Ieurs exemptions hlessées par le Concile 'de Trente. Les Evèques décla­ rèrent qu'ils auraient renoncé à la juridiction sur les Chapitres, pour acquiescer à leurs diffìcultés, L'Ar­ chevéque de Vienne proposa de puhlier le Concile avec -les modifications et réserves des libertés de l'E­ glise Gallicane, et d'adresser au Souverain Pontife une demande au nom de cette Eglise, pour le supplier d'approuver et de confirmer les susdites libcrtés. Mais les Doyens des Chapitres s'y opposèrent, en disant que te Pape hail le maitre de leur' conserver ou de leur oter leurs privileges. Il fut enfin résolu de demander au " Roi Henri III la publication du Concile , avec les mo­ difications .ci - des us indiquées. ( Proe. verb. T. I. §. 4. p. 88.) ( 5· ) Dans l'Assemblée de Meluu, en 1579 et 1580 , on résolut d'insister de nouveau auprès du Roi pour la publication du Concile ; cependaut on- y suscita de. nouvelles contradictions, et quelqu'un dit que le Concile de Trente renfermait ce défaut singulier d'a-ssu- [euir lout au Saint Père , et d'élever son autorité au­ dessus de celle du Condie, ce qui est contre toutdroit et contre la Iiberté de fEglise de France, qui de-tout. temps adit: In rebus gravibus ad futurum Concilium provocamus; ce qui lui serait interdù , si le Concile de Trente avait lieu. On répondit. qu'il était faux que le. Concile de Trente bien expliqué assujettìt tout au Pape-, et que le Concile s'était abstenu de décider cetre question. (T. I. §. IO. P: 122 •. ) Le 3· Juillet 1579, l'Assemblée fit au Roi Henri III des remontrancesà cet égard, par M. Arnauld de Pontac , Evèque de Ba­ zas , et autres Députés. ( Mem. du Cler. T. 13. p. 6. ) La méme requéte fut encore présentée au Roi dans le Cahier desRemontranees de cette Assemblée. nn y demandait la publication, du Concile de Trente, et on ajoutait qu'à. ce Concile universe] tes Prélats da Royaume sesont trouvés par leurs volontés , et eux­ mémes y ontfait tes soumissions par leurs ambassa-: deurs. ( T. 13. p. 2[1.) M. Nicolas- l'Angelie'r-, Evèque de Saint-Brieux , fit au nam de l'Assemblée une autre remontrance au Roi, le 3 Octobre 1579, pour la pu­ blication cl u Concile , qui, dit-il , a très .. bien pouNa , parses constitutions, que'cette discipline ecclésiastiquc sans fraude et illusion puisse étre entièrement gardée et maintenue en I'Eglise. Il ajouta : Nous Evéques et ( 6 ) Pasteurs du troupeau de Usus-Christ en I'Eglise de France, laquelle il a acquisepar son Sang, demeurons notés , si J7DUS, Sire, peTsévérez au refus de celte pu­ blication. ( T. 13. p. 36' et 37. ) En 1582, le 17 Juillet, M. Arnauld de Beaune , Evéque de Bourges , au nom de tout Ie Clergé , fit une remontrance au Roi Henri III, à Fontainebleau, et demanda de nouveau la publication du Concile de Trente. Ce Concile , dit-i] , a été solennellement juré par tous lesdits Légats et .dmbassadcurs de la part de leurs Mattres , de le gal�der inviolablement , observer et {idre observerpar leurs sujets ; méme les Æmbassa­ deurs de uotre royaume , Sire, l'ontjuré solennellement.. Il est reçu, gardé et observé pa"t' tous les Rois et Po­ tentats chrétiens et catholiques , et il ne reste que ce royaume qui en a jusqu'ici dif.féré la publication et réception , au grand scandale de celte Nation Gau­ loise et du nom Très-Chrétien dont Fotre Majesté et vos prédécesseurs avez été honorés ; tellement que, sous couleur de quelques articles concernant la liberté de - l'Eglise Gallicane, quipeuvent étre gracieusement tem- . pérés ��ec la permission de N. S. P. Ie Pape , demeure sous ombre de ce, à votre roraume , une marque et reproche par Ics autres Nations de crime de schisme .. ( Mem. T. 13. p. 78. Proe. verb. T. I. §. 5. p. 240.) Le Clergé assemblé à Paris fit au Roi Henri III une' autre Remontrance, le 14 Octobre 1 585, par M. Claude d'Argennes , Evéque de Noyon, pour prier S, M. de publier le Concile de Trente auquel méme un bon nombre de Prélats de »otre roraume " envoyés / ( 7 ) par If] flu Roi uotre frère , s'y étant trouvés ., .ont déli- béré , consulté, dit leur opinion avec toute liberté , consenti et accordé ce quiy a été arrété. On ajouta que s'il y avait quelques particularités dans ce Concile dant quelques-tins se plaignissent, il r a hon remède lÌ cela; nous osons assurer et promettre que le Saint Père étantprié d'ypourvoir , ne le refuserapas. (Mémo T. 13. p. 106. ) Le 4 Mars I 586 , M. Pierre de Villars, Archeveque de Vienne, ,. fit la méme Remontrance pour tout Ie Clergé, et dit au Roi : Cette Compagnie vous aparplu­ sieursfois remontré , comme ellefaitencore, que vous ne pouviez différer plus long-temps la réception du saint Concile de Trente, sans offènser Dieu très-grièvement , et sans encourir , vous et votre royaume, la note d'un schisme évident , et vous diviser et séparer de l'Égllse cutholique, apostolique et romaine. Qu/il est à craindre et à croire que Dieu n'apaisera jamais son ire et indi­ gnationsurceroyaume, que uous n'ayezfait eteæécuté cette sainte résolution , ..•• et qu'autrement ilpermettra les troubles et divisions continuer toujours en votre royaume , tant et si longuement que vous serez di,Jisé des autres royaumes et Elats catholiques en la T'è­ ception et observation des Décrets de notre commune­ Mère, l'Eglise catholique , apostolique et romaine, con�enus au saint Concile. ( Mem. T. 13. p. 182. ) Mais dans les Procès - Verbaux, ( T. I. Pièc. justif. N. o 5. P: 72.) on'rapporte quelque chose de plus remar­ quable encore: il y est dit que ceux qui avaient en­ trepris d'empècher I'acceptation du Concile, n'ayant ( 8 ) pas Ie courage d'en attaquer la doctrine, de peur de se faire eonnaitre , se sont attachés aux articles qui regardent la réforme des mœurs , la discipline et la police de I'Eglise , et, pour affermir leur opposition et leur contradiction, iIs ont emprunté Ie nom du Roi , faisant croire qu'il aurait quelque préjudice à son au­ torité et à sa conronne par Ia publication du Concile ; chose qu'on n'y trouvera en aucune manière , et que c'était .Ieur seuI intérét particulier qu'ils ont voulu cacher par ce moyen. Mais on ajoute : Quoiqu'il en soit , on pourra très-aisément arranger cette difficulté, par un Bref apostolique de six lignes , qui sera volon­ tiers accordé par Ie Pape , auquel est commise de droit et réservée par le Concile la dispensation, déclaration et modification des choses qui concernent les mœurs et lapolice de,I'Église, selon .la diversité des temps, des lieuæ et des personnes. On .répète le méme avis dans une autre Remontrance sur ce point, et ron propose de recourir au Saint Père , auquel , ainsi qu'il est dit , a été commise de Dieu et remise par ledit saint Concile I'autorité de déclarer , dispenser , modifier lesdites chasespolitiques appartenantes aua: mæurs , discipline . , et furidiction: contenues audit Concile , etpourvoir sur ce aux nécessités et commodités des Nations et Pro­ vinces. (T. I. Pièc. justif. N.O 6. p. 80. ) Dans.les Etats de Blois, en I 588 , il fut déterminé de publier Ie Concile de Trente avec les modifications ci-dessus désignées (Proe. verb. »: IO. P: 475); mais . il fut rapporté à l'Assemblée, que Ies Docteurs de Sor­ bonne, au nombre de quatre-vingt , avaient déclaré ( 9 ) étre schismatiques ceux qui prétendaient publier le Concile avec la clause: Sans préjudice des droits de l'Eglise Gallicane. Il s'éleva pareillement, dans I'As­ semblée de 1595, de fortes contestations contre cette clause, et plusieurs rnembres demandèrent la publi­ cation du Concilepurement et simplement, (p. 571• ) M. Claude d'Angennes de Rambouillet, Evéque du Mans, fit au nom du Clergé une Remontrance au Roi Henri III ; il Y disait que Ies autres Royaumes et Pro­ vinces de la Chrétienté avaient reçu le Concile de Trente et se gouvernaient selon ses ordonnances , et que le Royaume de France , qui par-dessus Ies autres a Ie titre de très-chrétien, était encore à Ie recevoir. Il ajoutait aussi que le S. P. le Pape donnerait volon­ tiers des déclarations touchant les priviléges , exemp­ tions , etc. , auxquelles nous nentendonspaspréjudi­ eier, en attendant la déclaration de Sa Sainteté, (Mém. T. 13. p. 213. , Proe. verb. T. L p. 573. ) Le Roi Henri IV fut aussi supplié de publier le Concile de Trente, en I5g8 , par M. François de la Guesle, Archevéque de Tours, représentant Ie Clergé assemblé à Paris. Ce nous serait grand crime d'impiété et d'infidélité , dit-il, d'étre désunis en la doctrinepure, simple et évangélique , scellée par le sang de tant de saintspersonnages ; plus accusables sommes-nous d'in- justice, de ne convenir du tout en la police et discipline ecclésiastique. (Mem. T. 13. P: 252.) On renouvela la mème demande dans l'Assemblée de l'année 1600. Jéròme de Villars, Archevèque de Vienne, assisté de tous Ies Prélats assembles à Paris, en 1605 , présenta ( 10 ) les mémes instances à Henri lV. Quoi ! dit-il, que cette France seule soit comme en schisme , et en désobéissance à des ordonnances si saintes, auæ resolutions certaines auæquelles le Saint-Esprit a présidé .. to Oyez, Sire, s'il uous plait, l'épouvantable jugement prononcé par la bouche du Fils de Dieu en Saint-Matthieu: Celui qui n'obéit pas à l'Église, te soit ·comme un injidèle et un publicain. Saint Cyprien , cette grande lumière d'Afri­ que, dit que celui-là ne peut avoir Dieu pour Père , qui n'a pas l'Églisepour Mère. Faul-il que les choses tem­ porelles empéchent les salutaires effets des spirituclles P que les raisons humaines combattent et triomphent si puissamment de celles du Ciel P que le Ciel serve à la terre , Dieu aux hommes , les choses·sacrées et saintes à ce qui est profane ? ... Toute la Terre chrétienne a reçu ce Concile , et nous le rejetons de nos privileges , comme de nos armes nous combattons celle qui nous les a donnés, oNous rendrons - nous auæ ennemis de Juda et de Benjamin? ou empécherons-nous , comme les Lnfùlèles , la réédification de notre Jérusalem ,procu­ réepar cetrès-saint Concile? (Mem.T.! 3. P: 266 etsuiv.) On réclama de nouveau la publication du Concile , à l'Assernblée de 1608, i Proc. verb. Pièc.fustif.p, 189.) M. André Frémiot , Archevèque de Bourges, en fit la Remontrance au Roi Henri IV , assisté des Cardinaux , Archevèques , Evéques et autres Députés en ladite Assemblée. Le refus , dit-il , que YOUS en feriez , Sire, donnerait sujet de seplaindre qu'en cette disgrace et ce difavorable traitement , ce seraitsubstituer la confusion à I'unité de tEglise, diviser la robe sans couture de ( II ) Jesus-Christ ,jaire une coupure dans son Corps mysti... que, et voir rompre encore une fois par le milieu Ie voile du Temple .... Les louanges données à la France ne seraientplus méritées , si la France seule , se faisant la pierre de scandale, venait au mépris des ardon­ nances et dupouvoir d'un si saint Concile ,�souspréteæte de quelques privileges accordés à l'Eglise Gallicane. C'est se donner un mouvementpropre , et imiter la lune inconstante. (Mem. T. 13. p. 282. ) En 1610,on renouvela l'instance , par M, Péricard , Evèque d'Avranches, au nom du Clergé, devant la 'Reine Régente, mère de Louis XIII. (Mém. T. 13. P: 297') En 1614, l'Assemblée fit de nouvelles Remontrances au Roi Louis XIII. On examina avec grand soin si l'on devait faire cette publication avec les modifications et clauses proposées autrefois, ou plutòt purement et simplement. Le premier avis prévalut. On fit la de­ mande au Roi, se réservant de supplier Ie Papepour [es priviléges , etc. ( Proc. verb. T. 2. §. 9. p. 113.) La Noblesse se joignit au Clergé pour cette instance, mais le Tiers-Etat demeura irrésolu. (p. I 16. ) Enfin , dans l'Assemblée de 1615, on renouvela l'instance au Roi et à la Reine pour la publication du Concile; (Proe. verb. T. 2. §. 5.p. 241.) mais comme le Gouvemement ne se déterminait jamais sur ce point, 'Assemblée du Clergé prit la résolution d'accepter et de promettre l'observance du Concile de Trente , au­ tant qu'il appartenait au Clergé , et on porta la Décla­ ration suivante : Les Cardinauæ , .drchevéques , Eve- ( I2 ) ljues , Prélats et autres ecclésiastiques soussignés , re­ présentant le Clergé général de France, assemblés au Couvent des Augustins, à Paris, après avoir mtlrement délibéré sur la publication du Concile de Trente , ont unanimement reconnu et déclaré qu'ils sont obligéspar leur devoir et conscience à recevoir , comme defait ils reçoivent ledit Concile , etpromettent de l'observer au­ tant qu'ils peuvent par leur fonction et autorité. spiri­ tuelle et pastorale; et pour en fa ire une plus ample, plus solennelle etplusparticulière reception , sontd'avis que les Conciles Provinciaua: de toutes les Provinces Métropolitaines de ce Royaume, doivent etre convoqués en chaque Province en six mois auplus tard, et ql!-e les Seigneurs Ærchevéques et 'Evéques absens en devaient étre suppliespar lettre de laprésente Assemblée ,jointe à copie de 1'.Licte présent ,parce que, et afin que dans le cas que quelque empéchement retarde l'Æssemblée desdits Conciles Provinciauæ , le Concile sera néan­ moins reça des Synodes Diocésains premièrement sai­ vans, et observé dans les Diocèses ; ce que tous les Pré­ lats et Ecclésiastiques soussignés ont promis et JURÉ de procurer etfaire effectuer autant qu'il leur estpos­ sible. Faitdans I'Æssemblée.... le 7 Juillet 1615. (Proe. verb. T. 2. p- 242.) L'Assemblée joignit la Remon­ trance au Roi pour la publication du Concile, avec celle de la Noblesse des derniers Etats, réservant en­ core de recourir au Pape , pour Ie supplier de con­ server les priviléges, exemptions, etc, (Mém. T. 13. P: 1237- , et aussi dans Ie livre intitulé : Raisonspour le désaveu-,-, par le Cardinal de la Rochefoucauld , �f.ect. 21. P: 21:1 et suiv, , à Paris, 1626.) - ( 13 ) Le Rédacteur des Mémoires du Clergé fait mention ( T. 13. p. 409. ) d'une Remontrance faite au nom du Clergé au Roi Louis XIII, le 8 Aoùt 161 5 , par M. de' Harlay ,Archeveque d'Augustopolis, député par cette Assemblée; il n'a pas voulu l'insérer dans son Recueil , quoiqu'elle soit rapportée dans l'édition précédente des Mémoires, parce que, dit .. il , elle- n'est point dans­ l'édition que M. Peyrissat, Agent général du Clergé , donna, en 1625, ni dans celle de 1635. - Cependant on la trouve dans les Procès verbaux ( T. 2. Pièc.fustif. p. 27. ) , et il n'est pas croyable que cette pièce y eùt été enregistrée , si elle eùt été fausse. Mais on y voit des expressions qui ne peuvent ètre agréables à tous Ies partis. M. de Harlay dit qu'on ne pouvait suspendre la publication du Concile , que dans l'espérance de distinguer la discipline de la doctrine, ce qui estpro- I prement capituler avec Dieu. II dit encore: Que la dis­ pense des Décrets du Concile appartieni au Saint Père , comme dispensateur des mrstères de Dieu , et interprète des intentions de l'Eglise et du Concite. Le Rédacteur n'a pas dit un mot de ces expressions intéressantes ; mais il remarque cependant les suivantes , qui ne sont pas mains importantes: Qu'on nepouvaùplus dijJerer la publication du Concile de Trente , sans mépris et sans schisme, ni le rejetersans sacrilege. Le méme rédacteur nous apprend que J. Richer, libraire à Paris, ayant fait imprimer ce Discours de M. de Harlay , fut em­ prisonné au Chàtelet , sur la plainte du Procureur du Roi, condamné à 400 livres d'amende, et banni pour trois ans, pour avoir imprimé un libelle: Remon- ( 14 ) trance du Clergé au Roi , du 8 Æotlt tlernier , contenaut plusieurs propositions contraires à l'autorité du Roi , méme une prétendue reception du Concile de Trente , faite sans permission ni autorité da Roi. Quoiqu'il en soit, la prise de corps de Richer, Iibraire, n'arrèta point Ie zèle du Clergé ; car dix ans plus tard, c'est-à-dire en 1625 ,je trouve que l'Assem­ blée du Clergé présenta au mème Louis XIII une nouvelle Remontrance pour la publication du Con­ cile de Trente ; on y demandait qu'il fùt publié le pIu­ tot possible par I'Autorité royale, comme, dit - on , I il avait été reçu dix ans avantpar l'Æutorité spirituelle des Prélats ; (Proe. verb. T. 2. An. 1625. §. 9. P: 482,) On ajouta que S. M. pourrait faire examiner ce qu'on disait ètre contraire à son autorité royale et aux droits de la France, pour y pourvoir avec l'approbation et autorité da Pape , et maintenant qu'on pourrait pu­ blier pour le reste l'observance des Décrets du Con .. cile, qui importent beaucoup pour le salut et conduite des ames; qu'on sait qu'ilfaut obéirpar obligation de conscience, à cause de l'autorité de l'Eglise. (p. 482. ) Je n'ai pas trouvé que dans lasuite lesAssemblées aient encore fait de semblables Remontrances au Roi de France pour la publication du Concile de Trente , mais ce que fai rapporté suffit pour tirer des consé­ quences très ...importantes , car il en résulte très-évi .. demment ce qui suit :. 1.° Que le Clergé de France a accepté autantqu'il ra pu les Décrets du Concile de Trento dans toute leur ( 15 ) étendue, sans modification, ni exception, ni réserve : . Il l'a accepté purement et simplement par la Décla­ ration faite par le Cardinal de Lorraine au nom de tous les Evéques de l'Eglise Gallicane, et insérée de sa requéte dans les .dctes du Concile. Ce Clergé déclara I'avoir accepté, dans sa Requète présentée au Roi Henri III, Ie 18 Juillet 1579, en di­ sant que les Prélats du Roraume de France se sont trouvés au Concile de Trente par leurs volontés, et eux-mémes y ontfaù leurs soumissionspar leurs Æm­ bassadeurs, Il renouvela cette Déclaration, le J 7 Juillet J 582 � quand il dit au méme Roi , par la bouche de M. Ar­ nauld de Beaune, Archevèque de Bourges : Les Am­ bassadeurs de »otre Royaume, Sire, ontjuré solennel­ lement le Concile de Trente; et c'étaient surtout les Prélats de France et leurs Députés. Il confirma la mème chose, le ] 4 Octobre I 585 , en disant au Roi, par M. d'Angennes, Evéque de No­ yon: Un bon nombre de Prélats de votre Roraume ont consenti et accordé ce qui a été arrété dans ce Concite. Enfin il l'a reçu et accepté formellement , en 1615 , par Ies Cardinaux , Archevéques , Evèques ,Prélats et autres ecclésiastiques, représentant , comme il est dit, le elergé général de France, qui ont promis et JURÉ." de procurer et faire effectuer autant qu'il leur était: possible cet Æcte de réception et d'ucceptation, On ne, pent douter que cet Acte n'ait été fait du consentement de tous les Prélats de France, puisque les Evèques et Ies Députés n'en seraient jamais venus. à cette réso- ( 16 ) lution, sans l'instruction et l'accord des autres Pré lats, dans une Assemblée générale eomposée des Députés de toutes Ies Provinces eeclésiastiqnne du Royaume. Bien plus, ?n est fondé à dire que cet Acte a été reçu et approuvé de tout le Clergé de France, après l'Assemblée de 1615, parce que ,. dix ans après, I'As-. semblée de 1625 déclara au Roi que le Concile de Trente avait été reçu ily avail dix 'ans par l'Æutorité spirituelle des Prélats, On devait étre bien sur de l'acceptation générale de cet Acte de la part de tous Ies Prélats du Royaume, pour lavancer publiquement devant le Roi cette proposition absolue : s'il y avait eu des contestations et des oppositions durant I'espace de dix ans , ni l'Assemblée ni le Roi ne pouvaient Ies ignorer, et l'Assemblée n'aurait pu s'exprimer en termes si positifs. 2.0 Les raisons apportées de touttemps par Ie Clergé, prouvent que, méme sans la publication de la Cour séeulière , on devait observer entièrement le Concile de Trente ; car le Clergé dit que par défaut de celte publication les Evéques et Pasteurs da troupeau de Jésus-Christ demeuraient notés ; que c'était un grand scandale de la Nation Gauloise ; quepourcela demeu­ rail au Royaume de'France une marque et reproche par les autres N.ations de crime de schisme; que c'était se diviser et séparer de l'Eglise catholique , apostolique et romaine; que la France ne pouvait étre comme en ..schisme et endésobéissance à des ordonnances si sain­ tes, à des résolutions certaines où le Saint-Esprit a ( 17 ) présùle ; que celui qui n'obéit pas à l'Eglise dolt étre -tenu pour un infidèle et un publicain ; que celui-là ne peut avoir Dieu pour Père , qui n'a pas l'lfglise pour Mère; que ce serait substituer la confusion à l'unité de ['Eglise , diviser la robe sans couture de Jésus- Christ, faire une coupure à son Corps mystique; que »ouloir s'affranchir des Décrets d'un Concite général, c'est se donner un mouvement propre, et imiter l'inconstance -de la lune. Or toutes ces vérités annoncées hautement 'plusieurs fois par le Clergé devant Ies Rois, prouvent que la Cour séculière refusant de publier le Concile , -le Clergé était obligé en conscience de l'accepter pour sa part, d'observer et faire observer sans réserve ses Décrets, sous peine de causer Iui-méme Ie scandale et le schisme , s'il ne faisait de son còté tout ce qui lui était possible pour se soumettre entièrement à ce Concile; qu'il désobéirait lui-mème à I'Eglise, substi­ tuerait la confusion à son unité , si , sous prétexte de défaut de publication en France, il voulait s'exempter des Décrets d'un Concile œcuménique; que ce serait approuver par Ie fait er par la pratique Ie faux prin­ cipe que la Cour séculière a Ie droit d'accepter ou de refuser, de fa ire accepter au .refuser. Ies Ordon­ nances de la dis.cipline ecclésiastique arrétées par les Conciles généraux, si, sur ce refus du Gouvernement, le Clergé vouloit se dispenser lui - mèrne de l'ohéis­ sanee au Co�cile de Trente. Ce sont en effet Ies rai­ sons pour lesquelles I'Assembléede 16I5se détermina à faire la réception formelle de ce saint Concile au nom du Clergé , déclarant qu'ils étaient obligés à cet Acte par leur devoir et conscience. ( 18 ) 3.° Le Clergé , nonobstant l'attachement qu'il pro­ fesse"'\à ses Iibertés , comme on Ies appelle, a toujours reconnu alors qu'il ne pouvait Ies conserver de sa propre autorité , après le Concile de Trente qui s'y oppose en grande partie par ses Décrets de réforme et de discipline; c'est pour cela qu'il se réserva, ou avant ou après la publication du Concile, d'avoir recours au Saint Père pour qu'il tempéràt, ou modifiàt , ou dispensàt des articles du Concile de Trente contraires aux Iibertés de l'Eglise Gallicane. C'est au Souverain Pontifé, dit-il par ses représentans, qu'a été commise de Dieu et remise par le saint Concile de .Trente l'au­ torité de déclarer , ou modifier, dispenser les choses politiques appartenantes aux mœurs , discipline et ju­ ridiction contenues audit Concile, etpouvoir sur ce auæ nécessités et commodités des Nations et Provinces. En , effet, s'il était libre à chaque Nation et Province de retrancher des Décrets' d'un Concile œcuménique .toutes les Ordonnances qu'on jugerait contraires à ses priviléges, à ses usages, à ses libertés, l'unité de l'Eglise, quant aux mœurs, à la discipline, à la juri­ diction ne pourrait jamais exister ni en son entier, ni en ses parties nécessaires; ce serait envain qu'on aurait assemblé les Prélats de toute la chrétienté, les Décrets d'un Concile portés avec tant de maturité demeureraient inutiles , camme des lois publiées au hasard , et I'Eglise ne remédierait pas aux manx qu'on aurait voulu empècher par cette Assemblée générale. S'il y a des usages et des priviléges qu'il convienne de conserver à chaque Nation ou Province , ( 19 ) Dieu a donné à son Eglise un tribunal toujours subsistant dans Ie Siége de son premier Vicaire, Ie Souverain Pontife , auquel est commise de droit e� ré .. servéepar le Concile la dispense, la modification, etc. C'est à lui seul qn'il appartient de dispenser des Décrets d'un Concile général, comme dispensateur des Mystères de Dieu et interprète des intentions de l'Eglise et du Concile, Si une Nation ou une Province voulait s'en dispenser, ou Ies interpréter de son auto- . rìté absolue et indépendante , elle se donnerait un mouvement propre, elle s'écarterait du mouvement commun de l'Eglise , en acceptant quelques Décrets et refusant les autres, elle en viendraitproprement à capituler avec Dieu. Ce n'a pas été l'esprit de l'Eglise Gallicane; et Ies Déclarations tant de fois répétées dans ses Assemblées générales prouvent évidemment son adhésion et son obéissance à l'autorité des Souve­ rains Pontifes et des' Conciles œcuméniques. 4.° Le Clergé a done fait .pour cet objet, autant qu'iI lui était possible; cet Acte irrétractable a été précédé et suivi par l'enregistrement de plusieurs Décrets du Concile de Trente dans ses Conciles diocésains et provinciaux. Qu'on ne dise point que ces Conciles ont reçu une partie des Décrets de Trente , et refusé l'autre qu'ils n'ont pas enregistrée dans leurs Actes: ce serait penser qu'il y aurait en France autant de différens réglemens de discipline qu'il y a de Diocè­ ses, parce que les Décrets rapportés dans un Synode ne le sont pas dans un autre; ce serait soupçonner que chaque Evèque aurait usurpé la liberté d'admettre .. ( 20 ) tm de refuser à son gré les Ordonnances d'un Concile œcuménique, et de se placer au .. dessus du Coneile; de se faire interprète indépendant de la volonté de l'Eglise , comme le Souverain Pontife; ce serait , selon l'expression de I'Archevéque de Tours, en 15g8, se rendre accusable d'infustice , de ne convenir du tout en la police et discipline ecclésiastique. A Dieu ne plaise qu'on impute à un Clergé si respectable , si instruit et catholique une maxime et une pratique bien contraire à son zèle pour la Religion et à son respect pour les Canons de l'Eglise universelle. S'il Yi a en France des pratiques qui ne sont pas entièrement conformes au Concile de Trente, il faut croire qu'il y a pour cela permission expresse ou tacite du Saint Siége. On ne doit pas citer à cet égard des maximes qui se rencontrent dans quelques écrivains , que ron. vante parce qu'ils ont insulté le Pape. Pour connaitre les maximes et la conduite de l'Eglise Gallicane, il faut fixer et considérer Ie Corps du Clergé, Ie plus grand nombre des Evéques de France, e� non pas un auteur particulier. Fébronius et ses partisans, pOUL' masquer leurs erreurs et leur schisme, citent presque à chaque page les maximes et l�s pratiques de l'Eglise Gallicane puisées dans d�s ouvrages plus que sus- pects. J'espère avoir présenté une juste et complète apo- lagie du Clergé de France et de son dévouement au Souverain Pontife , relativement à la reception du . Concile de Trente. FIN.