Digitized by the Internet Archive in 2015 https://archive.org/details/dictionnaireinfe00coll_2 DICTIONNAIRE INFERIVAL APPROBATION. Nous, PiERKE-Louis Parisis, eveque d'Arras, de Boulogne el de Sainl-Omer; Vu le rapport qui nous a ete soumis sur la nouvelle edition du Dictionnaire infernal, deja approuve en IShh par Monseigneur Affre, archeveque de Paris, nous n'avons trouve dans les additions qui y ont ete faites rien qui puisse blesser la foi ou les moeurs. PIERRE-LOUIS, £veque d'Arras, de Boulogne ei de Saiat-Ouicr. Arras, le 26 decembre 1862. — . , — ^ PAUis. — Tvi'OGnAniiE o:; iiknri flo.n, rue garancii:rk, 8, DICTIONMAIUE INFERIVAL R E P E Px T O I R E U N 1 V E I H S E L n;:s ktres . des perso.vxages , des livres, des faits et des ( iioses qli tiknmcnt m x i simuts, Al\ PKMONS. Al'X SORCIERS, AU COMMERCE DK l'ENFKR, ALX DIVINATIONS, ALX M ALKKICES , A LA CABALE ET AIX AUTRES SCIENCES OCCULTES, AI X I'RODIGKS , ALX IMPOSTURES, AIX SUPERSTITIONS DIVERSES ET AUX PROXOSTICS , AUX FAITS ACTUELS DU SPIRITISMS, ET GKNERALEMENT A TOUTES LES FAUSSES CROVANCES MERVEILI.EUSES , SURPRENANTKS , MVSTKRIEISES ET SURNATURELLKS ; PAR J. COLLIX DE PLANCY. SIXIKME EDITION, AUGMENTEE DE 800 ARTICLES NOUVEAUX, ET ILI.VSTREE DE 550 GRAVURES, PARMI LESQUELI.ES I.ES PORTRAITS DE 72 DlhlOVS, DESSIXKS PAR M. L. BRETOX, d'aPRES LES DOCUMEJJTS FORMELS. PARIS HEXRI PLOX, IMPIUMiaR-KDITEUR, RLE G A n A \ C I E II ! • . 8 18 6 3 PREFACE. L'imniensc reunion dc maticrcs, toutcs adhcrcnlcs par qudquc point, que comprcnd le Dictionnairc infernal, forme un tel pandaMnoniuni d'aborrations ct de {•crmcs ou dc causes d'errcurs, qui cutoient presquc loujoiirs la vcrite, qu'il n'y a que TEglise, doul Ic flambeau ne palit jamais, qui puissefitre, en ccs cxcentriciles, un guide silr. Les ouvragcs qui, avant ce livre, ont trailede ces matiercs si varices, ct qui sont dans cliaquc spccialilc cxtremement nombreux, ne sont gcneralemcnt, a peu d'cxccptions prcs, que d'indigcslcs amasd'idees extra vagantes, ou d'incompl^tes compilations, ou d'interminablcs discussions dcsordonnces, ou de mauvais livres dans tous les sens de ce mot. Le Iccteur qui veut uu peu connaitre ce mysterieux dedale des croyances fausses ou denaturecs, ct lairc la collection des ouvrages rares et recberches, mais trcs-peu lus, dont dies sont le sujet, doit, pour cela, depenser de grandes sommes, consacrer des annees a ces recbcrcbcs, et hasarder sa foi en plusieurs cas. Tous ces frais, toute cette peine et ce peril seront 6pargnes par cette nouvelle edition du Diclionnaire infernal. Nous disons « cette nouvelle Edition, » parce que, dans les deux premieres, publiees en 1818 et en 1825, 1'auteur, en combattant renorme phalange des erreurs populaircs ct des impostures mysterieuses, est tombe lui-memc dans des egafcmenls non moins funestes. II clierchait alors la verity hors de son centre; au lieu de s'appuyer sur I'Eglisc, ou ellc siege toujours inalterable, il s'etait ebloui aux lueurs d'une philosophic orgucil- leusc et sans autorite, dont les enscignements pris d'cn has egareront longtcmps encore les esprits frivoles. Entraiue la trop longtemps, il cut, en 1841, Tinsigne bonbeur de sortir des steppes oii la Imniere lui manquait et de la retrouver dans les seules doctrines ou ellc est indefectible et toujours silre. II a done enlierement refondu ses travaux, cn rccon- naissant que les superstitions, les folles croyances, les sciences ct les pratiques occultcs, insurrections plus ou moins taciles contre la religion, ne sont venues que des d6serteurs de la foi, ou par I'heresie, ou par le scbisme, ou par des voies moins determinees. Tout bomme qui etudiera I'bistoire avec des intentions droites reconnaitra que I'Eglise a constamment lutte contre les superstitions et les fourbcries infernales ; qu'elle n'a jamais cesse de repandre la lumiere sur les fausses croyances, sur les folles terreurs et sur les pratiques perilleuses des docteurs en sciences secretes. Pour ne citer que quelques temoignages, saint Augustin dit que les superstitions sont Topprobre du genre humain. Origene les condamne avec plus de force que les encyclo- pedistes, et surtout avec plus de poids. Le pape Leon X notait d'infamie ceux (pii se livraient aux divinations et autres pratiques superstilicuses. Le quatrieme concile dc Carthage les exclut de Tassemblee des fideles. Le concile provincial tenu a Toulouse en 1590 ordonne aux confesseurs et aux predicatcurs de deraciner, par de frequentcs exhor- tations et par des raisons solides, les pratiques superstitieuses que I'ignorance a inlroduifes dans la religion. Le concile dc Trente, apres avoir condamne ces diverscs erreurs, enjoint formelleraent aux eveques de defendre aux fideles tout ce qui pent les porter a la super- stition et scandaliser le procbain. Nous reunirions au besoin mille temoignages pareils. Contentons-nous d'ajouter, sans craindre un dementi de quelque poids, que I'Eglisc a seulc les moyens ct les grdces necessaires pour dissipcr ces ^garemenls si so.ivent dangcreux ct toujours abnminables. — VIII — Cc qui pcut-6lrc n'a pas 6le rcmaniue sumsamment au milieu ties clameurs inl6rcssecs dcs philosoplics, c'cst que Ics seuls hoinnies qui vivcnl exempts dc superstitions sont Ics lidi'les eulanls do I'K^^lise, parcc qu'eux seuls possedont la veritc. Les douteurs, au conlraiic, somblcut lous jnstilier ccltc grande parole, que ceux qui se separent de Dicu onl I'csprit Courvoyc; car, parmi eux, les plus incredules sont aussi les plus supersliticux. lis repoussent les doguies revelcs, el ils croieul aux reveiiants; ils out pcur du nombrc 13; ils onl uu prejiigc ^contic le vendredi; ils recherchent I'cxplicalion dcs songcs; ils consulteul Ics tireiiscs de cartes; ils etudicnt I'avenir dans des combinaisons dechiffres; ils redoutent les presages. On a cite un savant de nos jours qui poursuit I'elixir dc vie; uu malbemalicicn cclebre qui croit les elemenls pcuples par les essences cabalisliques; uu pliilosopbe qui ne sail pas s'il croit a Dieu et qui execute les ceremonies du grimoire pour fairc venir le diable. Cc livre done repioduit les aspects Ics plus elranges des evolutions de I'esprit bumain; il expose tout ce qui conccrne les csprils, lutins, lees, genies, demons, spectres ct nmlomcs, les sorcicrs ct leurs maleficcs, Ics prestiges dcs cbarmcurs, la nomenclature ct les fonclions des demons et des magiciens, les traditions supcrstiticuscs, les recits de laits surnaturels, les conlcs populaircs. II ouvrc les cent portes fanlastiques dc lavcnir, par la defmilion claire des divinations, depuis la cbiromancie des bobemiens jusqu'a I'art de predire par le marc de cafe ou le jcu de cartes. L'aslrologic, Talcbimie, la cabale, la phrcnologie, le magnetisme, out leur place en des notices qui resument par quelques pages dc longs ct lourds in-folio. Enlin, le spiritisme, les tables parlanlcs et les progres du'' magnetisme se trouvcnt dans ces pages. Depuis quarantc-cinq ans, I'aulcur n'a cessc d'agrandir cc patient travail, en poursuivant ses rcchercbes dans des milliers de volumes. Avant lui, pcrsonne n'avait song6 a reunir en un scul corps d'ouvrage toutcs les varictes que rasscmblc Ic Diclionnaire infernal; ct nul no peul nicr I'ulilile de celtc cnlreprise. Les superstitions et les erreurs out toujours pour fondement une verite obscurcie, alteree ou trahie; les eclairer, c'est les combatlre. Si on les groupe, elles font saillie, ct leurs difformites se revelent. Ainsi, peu a pen, on produit la lumiere dans ces pauvres intelligences qui refusent de s'elever jusqu'aux myslercs sublimes de la foi, et qui s'abaisscnt a croire fermemcnl les plus grossieres impostures. On donne aussi des armes aux amis dc la verite, pour confondre les deceptions auxquelles se soumeltent des esprits qui sc croient superieurs, parce qu'ils ne sentent pas leur faiblesse. Par-dessus ces avantages, on a voulu salisfaire le gout dc notre epoque, qui exige dcs lectures piquantes, et, les sujets aidant, on a pu lui offiir tres-frequemmcnt ces excenlri- cites, ces singularitcs , cet imprevu et ces emotions dont il est si avide. L'auteur de cette sixiemc edition, en la revoyant avec grand soin, I'a augmentee de 800 articles; et I'editeur I'a illustree de 550 gravures, parmi lesquelles 72 portraits de demons, dessines, d'apres les documents dc Wierus et des plus curieux demonographes, par M. L. Breton. LA DAASE DES Vi.ES. DICTIONNAIRE INFERNAL. <-fS[3»-> — Aaron, magicien dii Bas-Empire, qui vivait du temps de I'einpereiir Manuel Comnene. On conte qu'il possedait les Clavicules de Salomon , qu'au moyen de ce livre il avail a ses ordres des legions de demons et se melait de necromancie. On lui fil crever les yeux; apres quoi on lui coupa la langue , et ce ne fut pas la une viclime de quelque fanalisme ; on le condamna comme bandit : on avail trouve chez lui, enlre auLres abominations, un cadavre qui avail les piedsen- chaines et le coeur perce d'un clou. (Mcetas, Annalcs, liv. IV.) ■ Abaddon , le destrucleur ; chef des demons de la seplieme hierarchie. C'est quelquefois le nom de range exterminateur dans I'Apocalypse. Abadie (Jeannette d'), jeune fille du village de Siboure ou Siboro , en Gascognc. Delancre , dans son Tableau de I'inconslance des demons , raconle que Jeannette d'Abadie , dormant, un dimanche (le 13 seplembre 1609), pendant la sainle messe , un demon profila du moment et I'emporla au sabbat (quoiqu'onne fitlesabbal ni le dimanche ni aux heures des saints offices, temps oil les demons ont peu de joie). Elle trouva au sabbat grande compagnie, vit que ce- lui qui presidail avail a la tele deux visages, comme Janus, remarqua des crapauds royale- ment velus et tres-honores, et ful scandalisee des debauches anxquelles se livraient les sorcieres. Du resle, elle ne fit rien de criminel ct ful re- mise a son logis par le memo moyen de transport qui I'avail emmenee. Elle se reveilla alors el ra- massa une petite relique que le diable avail eu la precaution d'oter de son cou avant de I'em- porter. 11 parail que le bon cure a qui elle con- fessa son aventure lui fil comprendre cn vain les dangers qu'elle avail courus; elle retourna au sabbat el y fil sans scrupule lout ce que Satan ou ses representants lui conseillaient de faire, se disanl a elle-meme qu'en faisant le mal pres- cril elle n'en ctait pas responsable. Voy. Sabbat, BaLCOIN, LOL'PS-GA/iOUS, ctc. Abalam, prince de I'enfer, tres-peu connu. II est de la suite de Paymon. Vo\j. ce mot. K ABA — 2 — ABE Abano. I'oy. Pieuri-; d'Apone. Abaris, grand prelrc d'Apollon , qui lui donna line IK-cho d'or sur laquellc il chevaucliail par les airs avcc la rapidile d'un oiseaii ; ce qui a fait que les Grecs I'ont appele VAcrobate. 11 fut, dil-on, mailre de PyLhagore, qui lui vola sa fl5che, dans laquelle on doil voir quelque allego- ric. On ajoute qu' Abaris predisait I'avenir, qu'il apaisail les orages, qu'il chassait la peste; on conle meme que, par ses sciences magiques, il avail Irouve I'art de vivre sans boire ni manger. Avec les os de Pelops , il fabriqua une figure de Minerve , qu'il vendit aux Troyens comme un ta- lisman descendu du ciel : c'est le Palladium qui avail la reputation de rendre imprenable la ville oil il se Irouvait. Abdeel (Abraham), appele communemenl Schoenewald (Beauchamp) , predicateur a Custrin, dans la Marche de Brandebourg, fit imprimer a Than, en 1572, le Livre de la parole cacheUe, dans iequel il a fait des calculs pour trouver qui est I'Antechrist et a quelle epoque il doit paraitre. Cette methode consiste a prendre au hasard un passage du prophete Daniel ou de rApocalyp.se , el a donner a chaque lettre , depuis a jusqu'a z, sa valeur numerique. A vaut 1 , b vaut 2, c vaul 8, et ainsi de suite. Abdeel declare que I'Ante- christ est le pape Leon X. II trouve de la meme maniere les noms 'des trois anges par lesquels I'Antechrist doit etre decouvert. ,Ces trois anges sor.t Huss, Luther et un certain Noe qui nous est inconnu. Abd-el-Azys, astrologue arabe du dixieme siecle , plus connu en Europe sous le nom d'Al- chabilius. Son I'raiU d'astrologie judiciaire a ele traduit en latin par Jean de Seville [Hhpalensis), L'edition la plus recherchee de ce livre : Alcha- hiims, cum commmto, est celle de Venise , 1503, In-h" de UO pages. Abdias de Babylone. On attribue a un ecri- vain de ce nom I'histoire du combat merveilleux que livra saint Pierre a Simon le Magicien. Le livre d' Abdias a ele traduit par Julius Africanus, sous ce litre : Historia certaminis aposlolici , 1566, in-S". Abeilard. 11 est plus celebre aujourd'hui par ses tragiques desordres que par ses ouvrages theologiques , dont les dangereuses erreurs lui attirerent juslemenl les censures de saint Ber- nard. 11 mourul en ll/i2. Vingt ans apres, He- loise ayanl ele ensevelie dans la meme tombe, on conle (mais c'est un pur conle) qu'a son ap- proche la cendre froide d' Abeilard se rechauffa tout a coup , el qu'il etendil les bras pour rece- voir celle qui avail ele sa femme. Leurs restes etaient au Paraclel, dans une precieuse tombe gothique que Ton a Iransportee a Paris en 1799 , et qui est presenlemeal au cimetiere du Pere- Lachaise. Abeilles. C'etait Tophiion de quelques demo- nographes que si une sorciere, avant d'etre prise, avail mange la reine d'un essaira d'abeilles, ce cordial lui donnail la force de supporter la torture sans confessor ' ; mais celle decouverle n'a pas fait principe. Dans certains cantons de la Bretagne , on pre- tend que les abeilles sont sensibles aux plaisirs comme aux peines de leurs mailres , et qu'elles ne reussissenl point, si on neglige de leur faire part des evenements qui interessent la maison. Ceux qui onl celle croyance ne manquenl pas d'atlacher a leurs ruches un morceau d'etoffe noire lorsqu'il y a une morl chez eux, et un morceau d'etoffe rouge lorsqu'il y a un mariage ou loute autre fete ^. Les Circassiens, dans leur religion melee de christianisme , de mahometisme el d'idolalrie , honorent la Mere de Dieu sous le nom de Me- rieme ou de Melissa. lis la regardent comme la patronne des abeilles , dont elle sauva la race en conservant dans sa manche une de leurs reines , un jour que le tonnerre menagait d'exterminer lous les insectes. Les revenus que les Circassiens tirenl de leurs ruches expliquent leur reconnais- sance pour le bienfail qui les leur a preservees. Solin a ecrit que les abeilles ne peuvent pas vivre en Irlande; que celles qu'on y amene y meurent tout a coup ; el que si Ton porle de la lerre de cette ile dans un autre pays el qu'on la repande autour des ruches, les abeilles sont forcees d'abandonner ^la place , parce que celle lerre leur est mortelle. On lit la meme chose dans les Origines d'Isidore. « Faut-il examiner, ajoute le pere Lebrun dans son Histoire critique des superstitions , d'ou peut venir cette malignite de la lerre d'lrlartde? Non, car il suffit de dire que c'est une bourde , et qu'on trouve en Irlande beaucoup d'abeilles. » Abel, fils d'Adam. Des docleurs musulma'ns disent qu'il avail quarante-huil pieds de haul. II se peut qu'ils aienl raisonne d'apres un lertre long de cinquanle-cinq pieds, que I'on montre au- pres de Damas , et qu'on nomme la tombe d'Abel. Les rabbins onl ecrit beaucoup sur Abel. lis lui atlribuent un livre d'astrologie judiciaire qui lui aurail ele revele el qu'il aurait reuferme dans une pierre. Apres le deluge, Hermes-Trismegisle le Irouva : il y appril I'arl de faire des talismans sous I'influence des conslellations. Ce livre est intitule Liber de virlutibus planclarum et de omnibus reruni mundanarum virlutibus. Voy. le traile De essentiis essentiarum , qu'on decore faussemenl du nom de saint Thomas d'Aquin, pars IV, cap. ii. Voy. les Legendes de I'Ancicn Testament. Abel de la Rue, dil le Casseur, savetier et mauvais coquin qui fut arrete , en 1582, a Cou- lommiers, et brule comme sorcier, magicien, 1 Wierus, De prcsstigiis, lib. VI, cap. vii. 2 Gambry, Voyage dans le Finistere, t. II, p. <6. ABE 3 - ABR noueur d'aiguillettes , et princi-palement comme voleiir et meurlrier. Voy. Ligatures. Aben-Ezra. Voy. Macha-Halla. Aben-Ragel, astrologue arabe, ne aCordoue au commencement du cinquieme siecle. II a laisse im livre d'horoscopes , d'apres I'inspection des etoiles, tradait en latin sous le litre De judiciis seufatis stellarum, Venise, 1485; rare. On dit que ses pre'dictions, quand il en faisait, se dis- linguaient par une certitude tres-estimable. Abigor, demon d'un ordre superieur, grand- due dans la monarchie infernale. Soixante le- gions marchent sous ses ordres *. II se montre sous la figure d'un beau cavalier portant la lance, I'etendard ou le sceptre; il repond habilement fiur tout ce qui concerne les secrets de la guerre, sait I'avenir, et enseigne aux chefs les moyens de se faire aimer des soldats. Abime , et plus correctement abysme. C'est le nom qui est donne, dans I'Ecriture sainle, 1° a I'enfer, 2° au chaos tenebreux qui preceda la creation. Abominations. Voy. Sabbat. Abou-Ryhan , autrement appele Mohammed- ben-Ahmed, astrologue arabe, mort en 330. II passe pour avoir possede a un haut degre le don de predire les choses futures. On lui doit une introduction a I'aslrologie judiciaire. AboyeurSi II y a en Bretagne et dans quel- ques autres contrees des hommes et des femmes affectes d'un certain delire inexplique, pen- dant lequel ils aboient absolument comme des chiens. Quelques-uns parlent a travers leurs aboiements, d'autres aboient et ne parlent plus. Le docteur Champouillon a essaye d'expliquer ce terrible phenomene, en I'attribuant aux suites d'une frayeur violente. II cite un jeune consent de la classe de 1853 qui, appele devant le con- seil de revision, reclama son exemption pour * Wierus, in Pseudomonarchia dwm., etc. cause d'aboiement; il racontait qu'etant mousse a bord d'un caboteur, il avait ete precipito a la mer par un coup de vent; I'epouvante I'avait frappe d'un lei aneantissement, qu'il n'en etait sorti que pour subir des suffocations qui I'empe- cherent de parler pendant une semaine. Lorsque la parole lui revint, elle s'entrecoupa a chaque phrase de cris v^hements, remplaces bientot par des aboiements saccades qui duraient quel- ques secondes. Ces spasmes furent reconnus bien reels, et le consent fut reforme. Mais il y a en Bretagne des aboyeuses qui ap- portent en naissant cel^te affreuse inflrmile im- plantee dans quelques families. Les bonnes gens voient la un maleOce , el nous ne savons comment expliquer une si Iriste raisere. Nous pourrions citer un homme qui, dans I'agonie qui preceda sa mort, agonie qui dura trois jours, ne s'exprima que par des aboiements et ne put retrouver d'autre langage. Mais celui-la, dans la profanation des eglises, en 1793, avait enferme son chien dans un tabernacle. Nous connaissons aussi une famille oii le pere el la mere devenus muets , nous ne savons par quelle cause ni pour quelle cause, n'ont que des enfanls muets. Ainsi les freres et les soeurs ne poussent que des cris inarticules et ne s'entendent pas autrement pour les plus urgents besoins de la vie. Abracadabra. Avec ce mot'd'enchantement, qui est tres-celebre , on faisait, surtoul en Perse et en Syrie , une figure magique a laquelle on attribuait le don de charmer diverses maladies et de guerir particulierement la fievre. II ne fal- lait que porter autour du cou celte sorte de phi- lactere, ecrit dans la disposition triangulaire que voici : ABRACADABRA ABRACADABR ABRACADAB ABRACAI5A ABR AC AID ABRACA ABR AC ABR A ABR AB A Abracax ou Abraxas, I'un des dieux de quelques theogonies asiatiques, du nom duquel on a tire le philactere abracadabra. Abracax est represente sur des amulettes avec une tete de coq, des pieds de dragon et un fouet a la main. Les demonographes onl fait de lui un demon, qui a la tete d'un roi et pour pieds des serpents. Les basilidiens, heretiques du deuxieme siecle, voyaient en lui leur dieu supreme. Comme ils trouvaient que les sept lettres grecques dont ils formaient son nom faisaient en grec le nombre 365, qui est celui des jours de I'annee, ils pla- gaient sous ses ordres plusieurs genies qui presi- daient aux trois cent soixante-cinq cieux , et 4. A BR — auxqiiels ils aUril)iiaieiil Irois ccnl soixantc-ciiiq vcrliis, line pour cliaquc jour. Lcs basilidieiis di- saicnL encore que Jcsus-ClirisL, Nolrc-Seignciir, n'etait qu'iin fanLome bienveillant envoye sur la icrre par Abracax. lis s'ecarlaient de la doctrine de leiir chef. Abraham. Tout le monde connait Thistoire de ce saint palriarche, ecrite dans les livres sacres. Les rabbins el les niusulmans I'ont chargee de beaucoup de traditions curieuses, que le lecteur peut Irouver dans les Ugendes de I'Ancicn Tes- tament. Les Orientaux voient dans Abraham un savant astrologue et un homme puissant en prodiges. Suidas et Isidore lui attribuenl I'invention de I'al- phabet, qui est dia a Adam. Voy. Cadmus. Les rabbins font Abraham auteur d'un livre De V explication des songes, livre que Joseph , disenl-ils, avait etudi^ avant d'etre vendu par ses freres. On met aussi sur son compte un ou- vrage intitule Jetzirah, ou la Creation , que pUi- sieurs disent ecrit par le rabbin Akiba. Voy. ce nom. Les Arabes possedent ce livre cabalistique, qui traite de Torigine du monde : ils I'appellent le Sepher. On dit que Vossius, qui raisonnait tout de travers la-dessus , s'etonnait de ne pas le voir dans les livres canoniques. Postel I'a traduit en latin : on I'a imprime a Paris en 1552 ; a Mantoue en 1562, avec cinq commentaires ; a Amsterdam en 16/(2. On y trouve de la magie et de I'astrolo- gie. — « C'est un ouvrage cabalistique tres-ancien ettres-c^lebre, dit le docteur Rossi. Quelques-uns le croienl compose par un ecrivain anterieur au Talmud, dans lequel il en est fait mention. » — Le litre de I'ouvrage porte le nom d' Abraham ; mais ajoutons qu'il y a aussi des opinions qui le croienl ecrit par Adam lui-meme. Abrahel, demon succube, connu par une aventure que raconte Nicolas Remy dans sa De- monoldtrie, et que voici : — En I'annee 1581, dans le village de Dalhem, au pays de Limbourg, h — ABS un mediant patre , nomme Pierron , consul un amour violent pour une jeune filie de son voisi- nage. Or eel homme mauvais etail marie ; il avait meme de sa femme un petit garqon. Un jour qu'il ctait occupe de la criminelle penseede son amour, la jeune filie qu'il convoitail lui apparut dans ia campagne : c'etait un demon sous sa ligure. Pier- ron lui decouvrit sa passion ; la prelendue jeune filie promil d'y repondre, s'il se livrail a elle et s'il jurait de lui obeir en toutes choses. Le pa ire ne refusa rien , et son abominable amour fut ac- cueilli. — Peu de temps apres, la jeune fille, ou le demon qui se faisait appeler Abrahel par son adorateur, lui demanda, comme gage d'atlache- ment, qu'il lui sacrifiat son fils. Le patre regut une pomnie qu'il devait faire manger a I'enfanl ; I'enfant, ayanl mordu dans la pomme, lomba mort aussilot. Le desespoir de la mere fit tant d'effet sur Pierron, qu'il courut a la recherche d'Abrahel pour en oblenir reconfort. Le demon promil de rendre la vie a I'enfant, si le pere vou- lait lui demander celte grace a genoux, en lui rendant le culte d'adoralion qui n'est du qu'a Dieu. Le patre se mil a genoux , adora , et aussi- lot I'enfant rouvrit les yeux. On le frictionna, on le rechauffd; il recommenca a marcher el a par- ler. 11 elait le meme qu'auparavant, mais plus maigre, plus have, plus defait, les yeux ballus el enfonces, les mouvements plus pesants. Au bout d'un an, le demon qui I'animait I'abandonna avec un grand bruit , et I'enfant tomba a la ren- verse... Celte hisloire decousue et incomplete se ter- mine par ces mots, dans la narration de Nicolas Remy : (( Le corps de I'enfant , d'une puanteur insupportable, fut tire avec un croc hors de la maison de son pere et enlerre dans un champ. » — II n'est plus question du demon succube ni du p&lre. Absalon. On a ecrit bien des choses supposees a propos de sa chevelure. Lepellelier, dans sa dissertation sur la grandeur de I'arche de Noe, dit que toutes les fois qu'on coupait les cheveux d'Absalon, on lui en olait Irenle onces... Abstinence. On prelend, comme nous I'avons dit, qu'Abaris ne mangeait pas et que les magi- ciens habiles peuvent s'abstenir de manger el de boire. ABU — 5 — ACH Sans parler des jeunes merveilleux dont il est fait mention dans la vie de quelqties saints, Marie Pelet de Laval, femme du Hainaut, vecut trente- deux mois (da 6 novembre 1754 au 25 jiiin 1757) sans recevoir aucune nourriture, ni solide ni liqiiide. Anne Harley, d'Orival , pres de Rouen , se soutint vingt-six ans en buvant seulement un pen de lait qu'elle vomissait quelques moments apres I'avoir avale. On citerait d'autres exemples. Dans les idees des Orientaux, les genies ne se noni-rissent que de fiimees odorantes qui ne pro- duisent point de dejections. Abundia, fee bienfaisante honoree en Thu- ringe comme prolectrice. Elle visite les maisons , ou elle mange et boit avec ses compagnes ce qu'on leur a prepare , mais sans que rien des mets soit diminue par elles. Elles soignentles etables; et on a des marques de leur passage par des gouttes de leurs cierges de cire jaune, qu'on re- marque sur la peau des animaux domestiques. Acatriel, Fun des trois princes des bons de- mons, dans la cabale juive , qui admet des demons de deux natures. Acca-Laurentia , appelee aussi Lxtpa : la Louve, a cause de ses moeurs debordees, etait mise au rang des divinites dans I'ancienne Rome, pour avoir adople et nourri Romulus. Accidents. Beaucoup d'accidents pen ordi- naires, mais naturels, auraient passe autrefois pour des sortileges. Voici ce qu'on lisait dans un journal de 18/(1 : — ((Mademoiselle Adele Mercier (des environs de Saint-Gilles) , occupee il y a peu de jours a arracher dans un champ des feuilles de murier, fut piquee au bas du cou par une grosse mouche qui , selon toute probabilite , venait de sucer le cadavre putrefie de quelque animal, et qui deposa dans I'incision faite par son dard une ou quelques gouttelettes du sue morbifique dont elle s'etait repue. La douleur, d'abord extreme- ment vive, devint insupportable. II fallut que mademoiselle Mercier fut reconduite chez elle et qu'elle se mit au lit. Lapartie piquee s'enflapro- digieusement en peu de temps : I'enflure gagna. Atteinte d'une fievre algide qui acquit le carac- tere le plus violent, malgre tous les soins qui lui furent prodigues, et quoique sa piqure eut ete cauterisee et alcalisee , mademoiselle Mercier mourut le lendemain , dans les souffrances les plus atroces. » Le Journal du Rhone racontait ce qui suit en jiiin 1841 : — « Un jeune paysan des environs de Bourgoin, qui voulait prendre un repas de cerises, commit I'imprudence, lundi dernier, de monter sur un cerisier que les chenilles avaient quitte apres en avoir devore toutes les feuilles. II y avait vingt minutes qu'il satisfaisait son caprice ou son appetit, lorsque presque instantanement il se sentit atteint d'une violente inflammation a la gorge. Le malheureux descendit en poussant peniblement ce cri : J'dlouffe! j'elouffe! Une demi- heure apres il (3tait murt. On suppose que les che- nilles deposent dans cette saison sur les cerises qu'elles touchent une substance que I'ocil dis- tingue a peine, mais qui n'en est pas moins un poison. C'est done s'exposer que de manger ces fruits sans avoir pris la sage precaution de les laver. » Accouchements. Chez les Grecs, les char- meuses retardaient un accouchement, un jour, une semaine et davantage, en se tenant les jambes croisees et les doigts entrelact-s a la porte de la pauvre femme prise des douleurs de I'en- fantement. Voij. Actite. Accouchements prodigieux. Torquemada, dans son Exameron, cite une femme qui mit au monde sept enfants a la fois , a M(idina del Campo ; une autre femme de Salamanque qui en eut neuf d'une seule couche. Jean Pic de la Mirandole as- sure qu'une femme de son pays eut vingt enfants en deux grossesses , neuf dans I'une et onze dans I'autre. Voy. Irmentrude, Trazegnies, Imagina- tion. Torquemada parle aussi d'une Italiennequi mitau monde soixante-dix enfants a la fois; puis il rapporte, comme a I'abri du doute, ce que conte Albert le Grand, qu'une Allemande enfanta, d'une seule couche, cent cinquante enfants, tous enve- loppes dans une pellicule, grands comme le petit doigt et tres-bien formes'. Acham, demon que Ton conjure le jeudi. Voy. Conjurations. Achamoth, esprit, ange ou eon du sexefemi- nin, mere de Jehovah, dans les stupides doctrines des valentiniens. Acharai-Rioho , chef des enfers chez les Yakouts. Voy. Mang-taar. Acheron, fleuve de douleur dont les eaux sont ameres ; I'un des fleuves de I'enfer des paiens. Dans des relations du moyen age, 1' Ache- ron est un monstre; dans la mythologie grecque, Acheron etait un homme qui donna a boire aux Titans alteres ; Jupiter Ten chatia en le changeant en fleuve et le jetant dans les enfers. Acherusie, marais d'Egypte pres d'Heliopo- lis. Les morts le traversaient dans une barque, lorsqu'ils avaient ete juges dignes des honneurs de la sepulture. Les ombres des morts enterres dans le cimetiere voisin erraient, disait-on, sur les bords de ce marais, que quelques geographes appellent un lac. Achguaya-Xerac. Voy. Guayotta. Achmet, devin arabedu neuvieme siecle, au- teur d'un livre De I'interprdtation des soncjes, suivant les doctrines de I'Orient. Le texle origi- nal de ce livre est perdu ; mais Rigault en a fait 1 Plusieurs de ces fails, s'ils sont bien authenti- ques, peuvent etre des miracles. Une aventure plus prodigieuse, et qui est admise comme un cliatiment miraculeux, a eu lieu en Hollande. Voyez, dans les Ler/endes des Verlus theologales : Les plats de Loos- duynen. AGO — 6 — ADA iinpi imer la iraducLion grecque eL latine a la suite de I'Ondirocrilique d'Arlemidore ; Paris, 1603, in-/|°. Aconce (Jacques) , cure apostat du diocese de Trente, qui, pousse par la debauche, embrassa le proLesLunlisnie en 1557, el passa en Angle- terre. La reinc ElisabeLh lui lit une pension. Aussi 11 ne nianqua pas de I'appeler diva FAisa- betha, en lui dediant son livre Dcs stratagemes de SatanK Mais nous ne mentionnons ce livre ici qu'a cause de son Hire : ce n'est pas un ouvrage de demonomanie , c'est une vile et detestable dia- tribe conlre le Catholicisme. Adalbert, heretique qui fit du bruit dans les Gaules au huitieme siecle; il est regarde par les uns comme un habile faiseur de miracles et par les autres comme un grand cabaliste. 11 distri- buait les rognures de ses ongles et de ses che- veux, disant que c'etaient de puissants preserva- tifs; il contait qu'un ange, venu des extremites du monde, lui avait apporte des reliques et des amuletles d'une saintete prodigieuse. On dit raeme qu'il se consacra des aulels a lui-meme et qu'il se fit adorer. 11 pretendait savoir I'avenir, lire dans la pensee et connaitre la confession des pecheurs rien qu'en les regardant. 11 raontraitimpudemment une letlre de Notre-Seigneur Jesus-Christ, disant qu'elle lui avait ete apportee par saint Michel. Baluze, dans son appendice aux Capitulaires des rois francs, a public cette lettre, dont voici le titre : — « Au nom de Dieu : lei commence la lettre de Notre-Seigneur Jesus-Christ, qui est tom- bee a Jerusalem, et qui a ete trouvee par I'ar- change saint Michel , lue et copiee par la main d'un pretre nomme Jean, qui I'a envoyee a la ville de Jeremie a un autre pretre, nomme Tala- ^sii^s;,,^t Talasius I'a envoyee en Arable a un autre pretre, nomme Leoban; et Leoban I'a envoyee a la ville de Betsamie , ou elle a ete recue par le pretre Macarius, qui I'a renvoyee a la montagnc du saint archange Michel ; et par le moyen d'un ange, la lettre est arrivee a la ville de Rome, au sepulcre de saint Pierre, ou sont les clefs du royaume des cieux; et les douze pretres qui sont a Rome ont fait des veilles de trois jours, avec des jeiines et des prieres, jour et nuit, » etc. El Adalbert enseignait a ses disciples une priere qui debutait ainsi : « Seigneur, Dieu tout-puissant, pere de Notre- Seigneur Jesus-Chnst, Alpha et Omega, qui eles sur le trone souverain, sur les Cherubins et les Seraphins, surl'ange Uriel, I'ange Raguel, I'ange Cabuel, I'ange Michel, sur I'ange Inias, I'ange Tabuas, I'ange Simiel et I'ange Sabaoth, je vous prie de m'accorder ce que je vais vous dire. » C'etait, comme on voit, tres-ingenieux. Dans 1 De stratagematibus Satancc in religionis negotio, per superstitionem, errorem, hwresim, odium, ca- lumniam, schisma, etc., lib. VIII. Bale, 1565. Sou- vent r^imprime et traduit en plusieurs langues. un fragment conserve des memoires qu'il avail ecrils sur sa vie, il raconle que sa mere, elanl enceinte de lui, crut voir .sortir de son cote droit un veau; ce qui elait, dit-il, le pronoslic des graces dont il fut comble en naissant par le mi- nistere d'un ange. On arreta le cours des extra- vagances de cet insense en I'enfermant dans une prison, ou il mourut. Adam, le premier homme. Sa chute devant les suggestions de Satan est un dogme de la reli- gion chretienne. Les Orientaux font d'Adam un geant deme- sure, haul d'une lieue; ils en font aussi un magi- cien, un cabaliste; les rabbins en font de plus un alchimiste et un ecrivain. On a suppose un testament de lui ; et enfin les musulmans regret- tent loujours dix traites merveilleux que Dieu lui avait dictes Adam (I'abbe). 11 y eut un temps ou I'on voyait le diable en toutes choses et partout, et peut-etre n'avait-on pas tort. Mais il nous sem- ble qu'on le voyait Irop maleriellement. Le bon et naif Cesaire d'Heisterbach a fait un livre d'his- toires prodigieuses ou le diable est la machine universelle; il se montre sans cessc et sous di- verses figures palpables. C'etait surtuut a I'epo- que ou Ton s'occupait en France de rextinction des templiers. Alors un certain abbe Adam , qui gouvernait rabbayedesVaux-de-Cernay, au dio- cese de Paris, avait I'esprit tellement frappe de I'idee que le diable le guellait, qu'il croyait le reconnaitre a chaque pas sous des formes que * Voyez les legendes d'Adam , des preadamites el des genies, dans les Legendes de I'Ancien Testament. ADA ADE sans doute le diable n'a pas souvent imagine de prendre. — Un jour qu'il revenait de visiter une de ses petites metairies, accoinpagne d'un servi- teur aussi credule que lui, I'abbe Adam racontait comment le diable I'avait harcele dans son voyage. L'esprit malin s'etait montre sous la figure d'un arbre blanc de frimas, qui semblait venir a lui. — C'est singulier, dit un de ses amis; n'etiez-vous pas la proie de quelque illusion causee par la course de votre cheval ? — Non , c'etait Satan. Mon cheval s'en effraya ; I'arbre pourtant passa au galop et disparut derriere nous, il laissait une certaine odeur qui pouvait bien etre du soufre. — Odeur de brouillard, mar- motta I'autre. — Le diable repa- rut, et celte fois c'etait un cheva- lier noir qui s'a- vancait vers nous pareillement. — Eloigne-toi, ku criai-je d'unevoix etouffee. Pour- quoi m'attaqaes- tu? II passa en- core, sans avoir I'air de s'occuper de nous. Mais il revint une troi- sieme fois ayant la forme d'un horame grand et pauvre, avec un cou long et mai- gre. Je fermai les yeux et ne le re- vis que quelques instants plus tard sous le capuchon d'un petit moine. Je crois qu'il avait sous son froc une rondache dont il me raenacait. — Mais , inter- rompit I'autre, ces apparitions ne pouvaient-elles pas etre des voyageurs naturels? — Commesion ne savait pas s'y reconnaitre ! comme si nous ne I'avions pas vu derechef sous la figure d'un pourceau, puis sous celle d'un ane, puis sous celle d'un tonneau qui roulait dans la campagne, puis enfin sous la forme d'une roue de charrette qui, si je ne me trompe, me renversa, sans toa- tefois me faire aucun mal ! — Apres tant d'as- sauts, la route s'etait achevee sans autres mal- encontres Voy. Hallucinations. Adamantius, medecin juif, qui se fit chre- 1 Robert Gaguin , Philipp. Adelilcs. tien a Conslanlinople, sous le regno do Con- stance, a qui il dedia ses deux livres sur la Phijsiognomonie ou I'art de juger les homines par leur figure. Get ouvrage , plein de contra- dictions et de reveries, a ete imprime dans quel- ques collections , notamment dans les Scripto- res physiognomonicB vefcrcs, grec et latin, cura J,-G.-F. Franziij Allembourg, 1780, in-8", Adamiens ou Adamites. Heretiques du se- cond siecle, dans I'espece des basilidiens. lis se mettaient nus et proclamaient la promiscuite des femmes. Clement d'Alexandrie dit qu'ils se van- taient d'avoir des livres secrets de Zoroastre, ce qui a fait conjecturer a plusi'eurs qu'ils etaient livres a la magie. Adelgreiff ( Jean - Albert ) , fils naturel d'un pasteur alle- mand, qui lui apprit le latin, le grec , I'hebreu et plusieurs langues modernes. II de- vint fou et crut avoir des visions. II disait que sept anges I'avaient charge de repre- senter Dieu sur la terre et de cha- tier les souve- rains avec des verges de fer. 11 signait ses de- crets : « Jean Al- brecht Adelgreiff, Kihi Schmalkhil- mandis , archi - souverain pon - tife,roidu royau- me des cieux , juge des vivanls et des morls, Dieu etpere, dans la gloire duquel le Christ viendra au dernier jour, Seigneur de tous les seigneurs et Roi de tous les rois. » II causa beaucoup de troubles par ses extrava- gances, qui trouverent, comme toujours, des partisans. On lui attribua des prodiges, et il fut brule a Kcenigsberg comme magicien , here- tique et perturbateur , le 11 octobre 1636. II avait predit avec assurance qu'il ressusciterait le troisieme jour, ce qui ne s'est pas verifie. Adeline, ou plutot Edeline. Voy. ce mot. Adelites, devins espagnols qui se vantaient de predire par le vol ou le chant des oiseaux ce qui devait arriver en bien ou en mal, Adelung (Jean-Christophe) , litterateur alle- ADE — 8 — AET inand, morl a Drosde en 180G. 11 a laisse uii ou- vrage iiUitiilu Hhtoirr. des folies hit maims , ou Biograpliie des plus celebres necronianciens, al- cliiinisles , devins, etc.; sept parties; Leipzig. 1785-1789. Adeptes, nom que prennent les alcliimisles qui pivloiVdent avoir troiive la pierre philoso- pliale et I'eiixir de vie. lis disenl qu'il y a tou- jours onze adeptes dans ce nionde; et, comme I'eiixir les rend immortels, lorsqu'un nouvel alcliimiste a decouvert le secret du grand oeuvre, il faiit qu'nn des onze anciens lui fasse place et se retire dans un autre des mondes elemenlaires. Ades, ou Hades, roi de I'enfer. Ce mot est pris souvent, chez quelques poetes anciens, pour I'enfer meme, Adhab-Algab, purgatoire des musulmans, ou les inechants sont tourmentes paries angesnoirs Munkir et Nekir. Adjuration, formule d'exorcisme par laquelle on coinniande, au nom de Dieu, a I'esprit malin de dire ou de faire ce qu'on exige de lui. Adonis, demon brule. Selon les demonolo- gucs, il remplit quelques fonctions dans les incen- dies'. Des savants croient que c'est le meme que le demon Thamuz des Hebreux. Adoration du crapaud. Les sorciers n'ado- rent pas seulement le diable dans leurs hideuses assembfees. Tout aspirant qui est recu la sor- cier apres certaines epreuves recoit un crapaud, avec I'ordre de I'adorer; ce qu'il fait en lui don- nant un baiser en signe de reverence. Voy. Sabb,\t. Adramelech, grand chancelier des enfers, intendant de la garde-robe du souverain des de- mons, president du liaut conscil des diables. II etait adore a Sepharvaim, ville des Assyriens, qui bruiaienl des enfants sur ses autels. Les rabbins disent qu'il se montre sous la figure d'un mulet, et quelquefois sous celle d'un paon. * Wierus, De prcBStigiis dcemon., lib. I. Adranos, idole sicilienne, qui a donne son nom a la ville d'Adranum, aujourd'hui Aderno. On elevait dans son temple mille chiens, dits sa- cres, qui avaienl pour mission principale de re- conduire chez eux les hommes ivres. Adrien. Se trouvant en Mesie, a la tete d'une legion auxiliaire, vers la fin du regne de Domi- tien, Adrien consulta un devin (car il croyait aux devins et a I'astrologie judiciaire), lequel lui predit qu'il parviendrait un jour a I'empire. Ce n'etait pas, dit-on, la premiere fois qu'on lui fai- sait cette promesse. Trajan, qui elait son tuteur, I'adopta, et il regna en effet. On lui attribue en Ecosse la construction de la muraille du Diable. Fulgose, qui croyait beaucoup a I'astrologie, rapporte , comme une preuve de la solidite de cette science, que I'empereur Adrien, tres-habile aslrologue, ecrivait tons les ans, le premier jour du premier mois, ce qui lui devait arriver pen- dant I'annee, et que, I'an qu'il mourut, il n'e- crivit que jusqu'au mois de sa mort, donnant a connaitre par son silence qu'il prevoyait son trepas. Mais ce livre de I'empereur Adrien, qu'on ne montra qu'apres sa mort, n'utail qu'un journal. Aeromancie, art de predire les cboses fu- tures par I'examen des variations et des pheno- menes de Fair. C'est en vertu de cette divination qu'une comele annonce la mort d'un grand homine. Cependant ces presages extraordinaires peuvent rentrer dans la teraloscopk. Frangois de la Torre-Blanca dit que I'aero- mancie est ^.'art de dire la bonne aventure en faisant apparaitre des spectres dans les airs, ou en representant, avec I'aide des demons, les evenements fulurs dans un nuagc, comme dans une lanterne magique. a Quant aux eclairs el au tonnerre, ajoute-t-il, ceci regarde les augures; el les aspects du ciel et des planeles appartiennent a I'astrologie. » Aetite, espece de pierre qu'on nomme aussi pierre d'aigle, selon la signification de ce mot grec, parce qu'on pretend qu'elle se trouve dans les nids des aigles. Matthiole dit que les aigles vonl chercher cette pierre jusqu'aux Indes, pour faire eclore plus facilement leurs petits. De la vient qu'on attribue a I'aetite la propriete de fa- ciliter I'accouchement lorsqu'elle est attachee au-dessus du genou d'une femme, ou de le relar- der si on la lui met a la poitrine. — Dioscoride dit qu'on s'en servait autrefois pour decouvrir les voleurs. Apres qu'on I'avait broyee, on en inelait la cendre dans du pain fait expres; on en faisait manger a lous ceux qui elaient soupqon- nes. On croyait que, si pen d'aetile qu'il y eut dans ce pain, le voleur ne pouvait avaler le mor- ceau. Les Grecs modernes emploient encore cette vieille superstition, qu'ils rehaussent de quelques paroles mysterieuses. Voy. Alphito- MANCIE. ;EVO 9 — AGR jEvoli (Cesar), auteurou collecleur d'un livre pea remarquable , intitule Opuscules sur les al- tributs divins et sur le pouvoir qui a ete donne aux demons de connaitre les Glioses secretes et de tenter les homines. Opmcula de divinis attri- butis et de modo et. potestate quam dccmones ha- bent inteliujendi el passiones animi excilandi, \n-k"; Venise, 1589. Agaberte. (lAucuns parlent, dit Torquemada, d"une certaine femme nommee Agaberte, fille d'un geant qui s'appelait Vagnoste, demeurant aux pays septentrionaux , laquelle etait grande enchanteresse ; et la force de ses enchantements etait si variee qu'on ne la voyait presque jamais en sa propre figure. Quelquefois c'etait une pe- tite vieille fort ridee, qui semblait ne se pouvoir remuer, ou bien une pauvre femme malade et sans forces; d'autres fois elle etait si haute qu'elle paraissait toucher les nues avec sa tele. Ainsi elle prenait telle forme qu'elle voulait aussi ai- sement que les auteurs ecrivent d'Urgande la Meconnue. Et, d'apres ce qu'elle faisait, le monde avait opinion qu'en un instant elle pouvait obs- curcir le soleil , la lune et les etoiles, aplanir les moots, renverser les montagnes, arracher lesar- bres, dessecher les rivieres, etfaire autres choses pareilles, si aisement qu'elle semblait lenir tons les diables attaches et sujets a ses volontes'. » Agares, demon. Voy. Aguares. Agate, pierre precieuse a laquelle les an- ciens attribuaient des qualites qu'elle n'a pas, coinme de fortifier le coeur, de preserver de la peste et de guerir les morsures du scorpion et de la vipere. Agathion, demon familier qui ne se montre qu'a midi. II parait en forme d'homme ou de bete ; quelquefois il se laisse enfermer dans un talisman , dans une bouteille ou dans un anneau magique^ Agathodemon , ou bon demon , adore des Egyptiens sous la figure d'un serpent a tete hu- maine. Les Grecs de I'Arcadie donnaient ce nom a Jupiter. Les dragons ou serpents ailes, que les anciens reveraient, s'appelaient agathodmmones, ou bons genies. Agla, sigle ou mot cabalistique auquel les rabbins allribuent le pouvoir de chasser I'esprit malin. Ce mot se compose des premieres leltres de ces quatre mots hebreux : Alkali cjahor leo- lam, Adonai: « Vous eles puissant et eternel, Seigneur. » Ce charme n'etait pas seulement em- ploye par les Juifs et les cabalistes, quelques Chretiens heretiques s'en sont armes souvent pour conibaltre les demons. L'usage en etait fre- quent au seizieme siecle et plusieurs livres ma- ' Exameron, de Torquemada, traduit par Gabriel Chappuis, Tourangeau, sixieme journee. 2 Leloyer, Disc, et hist, des spectres, liv. Ill , ch. v. ^ Leloyer, Disc, et hist, des spectres, liv. VIII , ch. VI. giques en sont pleins , principalement V Enchiri- dion, attribue ridiculement au pape Leon III. Voij. Cabale. Aglaophotis, sorte d'herbe qui croit dans les marbrieres de I'Arabie, et dont les magiciens se servaient pour evoquer les demons, lis em- ployaient ensuite I'anancilide et la syrrochile, autres ingredients qui retenaient les demons evo- ques aussl longtemps qu'on le voulait. Voy. Baaras. Agnan, ou Agnian , demon qui tourmente les Americains par des apparitions et des mechan- cetes. U se montre surtout au Bresil et chez les Topinamboux. II parait sous toutes sortes de formes, de fagon que ceux qui veulent le voir peuvent le rencontrer partout. Agobard, archeveque de Lyon au neuviemc siecle. II a ^crit centre les epreuves judiciaires et centre plusieurs superstitions de son epoque. On croyait de son temps que les sorciers fai- saient les tempetes, qu'ils etaient maitres de la grele et des intemperies. Ainsi , dit le saint eve- que, on ote a Dieu son pouvoir tout- puissant pour le donner a des hommes. 11 ^claira done son diocese, et il est bon de remarquer ici que c'est toujours I'Eglise qui a le plus conslamment combattu les superstitions. Cependant elle a cru avec raison aux magiciens et aux malefices, mais jamais a leur omnipotence. Agrafena-Shiganskaia. L'une des maladies AGR — 10 — AGLl les plus g^ndrales sur les cotes nord-est de la Siborie, siirtoiit parmi les femmes: c'est une ex- treme delicatesse dcs nerls. CeLte maladie, ap- pelee mirak dans ce pays, peut etre causee par Ic defaiil absoki de toiite nourritiire vegetale ; mais la superstition I'altribue a Tinfliience d'une iTiagicienne nornmee Agrafena-Shiganskaia , qui, bien que morle depuis plusieurs siecles , conti- nue, comma les vampires, a repandre I'effroi parmi les habitants et passe pour s'emparer des malades. — M. de Wrangel, qui rapporte ce fait dans le recit de son expedition au nord-est de la Siberie, ajoute que parfois on trouve aussi des hommes qui souffrent du mirak ; mais ce sont des exceptions. Agrippa (Henri-Corneille), medecin et philo- soplie, contemporain d'Erasme, I'un des savants hommes de son temps, dont on I'a appele le Trismegiste; ne a Cologne en i486, mort en 1535, apres une carrierc orageuse, chez le rece- veur general de Grenoble, et non a Lyon ni dans un hopital, comme quelques-uns I'ont ecrit, 11 avait ete lie avec tous les grands personnages et recherche de tous les princes de son epoque. Charge souvent de negociations politiques, il fit de nombreux voyages, que Thevet, dans ses Vies des hommes illustres, attribue a la manie (( de faire partout des tours de son metier de magicien ; ce qui le faisait reconnaitre et chasser incontinent » . Agrippa. Entraine par ses etudes philosophiques dans des excentricites 011 la magie intervenait, comme de nos jours le magnetisme et le spiritisme , il s'est egare dans la theurgie des neo-platoniciens et s'est pose « heritier de I'ecole d'Alexandrie *. » II a done fait reellement de la magie , comme Ten accusent les demonologues, ou du moins il I'a tente. II s'est occupe aussi de I'alchimie, sans 1 M. Gougenol des Mousseaux : La magie au dix- neuvieme siede, p. 210. grand succes probablement , puisqu'il mourut pauvre. II avait des pretentions a penetrer I'avenir, et on raconte qu'il promit au connetable de Bourbon des succes contre Franqois I", ce qui etait peu loyal , car il etait alors le medecin de Louise de Savoie. On croit pouvoir etablir aussi qu'il avait etudie les arts exlranaturels dans ces universites occultes qui existaient au moyen age. Sa Philosophie occulte lui attira des persecu- tions. On y voit, malgre d'habiles detours, les traces evidentes de la theurgie. Aussi il a laisse une certaine reputation parmi les pauvres etres qui s'occupent de sciences secretes , et on a mis sous son nom de stupides opuscules magiques. On croyait encore sous Louis XIV qu'il n'etait pas mort. Voyez sa legende , ou il est peuL-etre trop menage, dans les Legcndes infernalcs. Aguapa, arbre des Indes orientales dont on pretend que I'ombre est venimeuse. Un homme vetu qui s'endort sous cet arbre se releve tout enfle, et Ton assure qu'un homme nu creve sans ressource. Les habitants attribuent a la mechan- cete du diable ces cruels effets. Voij. Bohon- Upas. . Aguares, grand-due de la partie orientale des enfers. 11 se montre sous les traits d'un seigneur a cheval sur un crocodile , I'epervier au poing. 11 fait revenir a la charge les fuyards du parli qu'il protege et metl'ennemi en deroute. Ildonne les dignites, enseigne toutes les langues, et fait danser les esprits de la terre. Ce chef des de- mons est de I'ordre des vertus : il a sous ses lois trente et une legions. Aguerre (Pierre d'). Sous Henri IV, dans cette partie des Basses-Pyrenees qu'on appelait le pays de Labour*, on fit le proces en sorcel- lerie a un vieux coquin de soixante-treize ans , qui se nommait Pierre d' Aguerre , et qui causait beaucoup de maux par empoisonnements , dits 1 Lapurdum, autrefois, dans la Gascogne. AIG — 11 — AIM sortileges. On avail arrete , en meme temps que kii, Marie d'Aguerre et Jeanne d'Aguerre, ses petites-filles ou ses petites-nieces , avec d'autres jeanes lilies et les sorcieres qui les avaient ine- nees au sabbat. Jeanne d'Aguerre exposa les tur- pitudes qui se commettaient dans les grossieres orgies oii on I'avait conduite ; elle y avail vu le diable en forme de bouc. Marie d'Aguerre deposa que le demon adore au sabbat s'appelait Leo- nard, qu'elle I'avail vu en sa forme de bouc sor- lir du fond d'luie grande cruche placee au milieu de I'assemblee, qu'il lui avail paru prodigieuse- menl haul, el qu'a la fm du sabbal il etait ren- tre dans sa cruche. Deux temoins ayant affirme qu'ils avaient vu Pierre d'Aguerre remplir au sabbat le person- nage de maitredes ceremonies, qu'ils avaient vu le diable lui donner un baton dore avec lequel il rangeait, comme un mestre de camp, les per- sonnes et les choses , et qu'ils I'avaient vu a la fin de I'assemblee rendre au diable son baton de commandement \ le vieux coquin, qui avail bien d'autres mefaits, fut condamne a mort comme sorcier avere. Voy. Bouc et Sabbat. Aigle. L'aigle a toujours ete un oiseau de pre- sage chez les anciens. Valere-Maxime rapporte que la vue d'un aigle sauva la vie au roi Dejola- rus, qui ne faisait rien sans consulter les oi- seaux ; comme il s'y connaissait , il comprit que l'aigle qu'il voyail le detournait d'aller loger dans la maison qu'on lui avail preparee , et qui s'ecroula la null suivante. De profonds savants ont dit que l'aigle a des proprietes surprenantes , entre autres celle-ci , que sa cervelle dessechee , mise en poudre , im- pregnee de sue de eigne et mangee en ragout, rend si furieux ceux qui se sont permis ce regal, qu'ils s'arrachent les cheveux , et se dechirent jusqu'a ce qu'ils aient completement acheve leur digestion. Le livre qui contienl cette singuliere recette ^ donne pour raisou de ses effets que « la grande chaleur de la cervelle de l'aigle forme des illusions fantastiques en bouchant les con- duits des vapeurs et en remplissanl la tele de fumee ». C'est ingenieux et clair. On donne en alchimie le nom d'aigle a diffe- rentes combinaisons savantes. L'aigle celeste est line composition de mercure reduit en essence , qui passe pour un remede universel ; Vaigle de Vdnus est une composition de verl-de-gris et de sel ammoniac , qui forment un safran ; Vaigle noir est une composition de cette cadmie vene- neuse qui se nomrae cobalt, et que quelques al- chimistes regardent comme la matifere du mer- cure philosuphique. Aiguilles. On pratique ainsi, dans quelques 1 Delancre, Tabkauderinconstancedesdetnons,etc., liv. II , discours iv. '■^ Les admirables secrets d' Albert le Grand, liv. II, ch. III. (Livre suppose.) localiles, une divination par les aiguilles. — On prend vingl-cinq aiguilles neuves; on les met dans une assiette sur laquelle on verse de I'eau. Celles qui s'affourchent les unes sur les autres annoncent autant d'ennemis. On conte qu'il est ais6 de faire merveille avec de simples aiguilles a coudre, en leur coin- muniquant une vertu qui enchante. Kornmann ecrit ceci* : ((Quant a ce que les magiciens et les enchanteurs font avec I'aiguille donl on a cousu le suaire d'un cadavre, aiguille au moyen de la- quelle ils peuvent lier les nouveaux mari(3s , cela ne doit pas s'ecrire , de crainte de faire naitre la pensee d'un pareil expedient... » Aiguillette. On appelle nouement de I'aiguil- lelte un charme qui frappe tellement I'imagina- lion de deux epoux ignorants ou superstitieux, qu'il s'eleve entre eux une sorte d'antipathie donl les accidents sont tres-divers. Ce charme est jete par des malveillants qui passent pour sorciers ou qui le sont. Voy. Ligatuees. Aimant (Magnes) , principal producteur de la vertu magnetique ou attractive. — II y a sur I'ai- mant quelques erreurs populaires qu'il est bon de passer en revue. On rapporte des choses ad- mirables, dit le docteur Brown ^ d'un eertain aimant qui n'altire pas seulement le fer, mais la chair aussi. C'est un aimant tres-faible, compose surtoul de terre glaise semee d'un petit nombre de lignes magneliques et ferrees. La terre glaise qui en est la base fail qu'il s'atlache aux levres, comme rhematite ou la terre de Lemnos. Les medecins qui joignent cette pierre a I'aetite lui donnent mal a propos la vertu de prevenir les avortements. On a dit de toule espece d'airnant que Tail peul lui enlever sa propriete attractive; opinion certainement fausse , quoiqu'elle nous ait ete transmise par Solin, Pline, Plutarque, Mal- ihiole , etc. Toutes les experiences I'onl d(3men- tie. Un fil d'archal rougi, puis eteinl dans le jus d'ail, ne laisse pas de conserver sa vertu polaire ; un morceau d'airnant enfonce dans Tail aura la meme puissance attractive qu'auparavant; des aiguilles laissees dans Tail jusqu'a s'y rouiller n'en retiendronl pas moins cette force d'altrac- tion. On doit porter le meme jugemenl de cette autre assertion, que le diamant a la vertu d'empe- cher I'altraclion de I'aimant. Placez un diamant (si vous en avez) entre I'aimant et Taiguille, vous les verrez se joindre, dussent-ils passer par-dessus la pierre precieuse. Les auteurs que nous combaltons ont surement pris pour des diamants ce qui n'en etait pas. Mettez sur la meme ligne, continue Brown, cette autre merveille contee par certains rab- bins, que les cadavres humains sont magn^ti- ' De mirac. mortuor., pars V, cap. xxii. 2 Essai sur les erreurs, etc., liv. II, ch. iii. AIM — 1 9 — AKB qiics, et que, s'ils sonl cLcndiis dans un baleau, le bateau tournera jusciu'a ce que la tele du corps morl regarde le seplenlriun. — Francois Rubus, qui avail une credulile tres-solide, regoil comme vrais la plupart de ces fails inexplica- bles. Mais lout ce qui lienl du prodige, il raltri- buo au prestige du demon', el c'est un moyen facile de sorlir d'embarras. Disons un mol du tombeau de Mahomel. Beauooup de gens croienl qu'il esl suspendu , a M^'dine , cntre deux pierres d'aimant placees avec art, I'une au-dessus et I'aulre au-dessous; mais ce tombeau est de pierre comme lous les autres, et bati sur le pave du temple. — On lit quelque pari , a la verild , que les mahometans avaienl concu un pareil dessein ; ce qui a donne lieu a la fable que le temps el I'eioignemenl des lieux onl fail passer pour une verile, et que Ton a essaye d'accrediler par des exemples. On voil dans Pline que rarchilecte Dinochares commenqa de vouter, avec des pierres d'aimant, le temple d'Arsinoe a Alexandrie , afin de suspendre en I'air la statue de cetle reine ; il mourul sans avoir execute ce projet, qui eiil echoue. — Rufin conte que, dans le temple de Serapis, il y avail un cbariot de fer que des pierres d'aimant le- naient suspendu ; que ces pierres ayant ete otees, le chariot tomba el se brisa. Bede rap- porte egalemenl , d'apres des contes anciens , que le cheval de Bellerophon, qui etail de fer, ful suspendu enlre deux pierres d'aimant. C'esl sans doule a la qualile minerale de I'ai- manl qu'il faul attribuer ce qu'assurent quel- ques-uns, que les blessures failes avec des armes aimanlees sonl plus dangereuses et plus difiiciles a guerir, ce qui esl detruil par I'experience ; les incisions failes par des chirurgiens avec des in- struments aimanles ne causent aucun mauvais effel. Hangez dans la meme classe I'opinion qui fail de I'aimanl un poison, parce que des auteurs le placent dans le catalogue des poisons. Garcias de Huerta, medecin d'un vice-roi espagnol, rap- porle au conlraire que les rois de Ceylan avaienl coutume de se faire servir dans des plats de pierre d'aimant, s'imaginanl par la conserver leur vigueur. On ne peul attribuer qu'a la vertu magnelique ce que dil iElius, que si un goulteux lient quel- que temps dans sa main une pierre d'aimant, il ne se sent plus de douleur, ou que du moins il eprouve un soulagement. C'est a la meme vertu qu'il foul rapporler ce qu'assure Marcellus Em- piricus, que i'aimant gueril les maux de lete. Ces effels merveilleux ne sonl qu'une extension graluile de sa vertu attractive, dont tout le monde convient. Les hommes , s'elanl aper^us de cetle force secrete qui attire les corps magnetiques, * Discours sur les pierres pr^cieuses dont il est fait mention dans TApocalypse. lui onl donne encore une attraction d'un ordre different, la vertu de lirer la douleur de toules les parlies du corps ; c'est ce qui a fail eriger I'aimant en philtre. On dil aussi que raimanl resserre les noeuds de I'amitie paternelle el de I'union conjugale , en meme temps qu'il est tres-propre aux operations magiques. Les basilidiens en faisaienl des talis- mans pour chasser les demons. Les fables qui regardenl les verlus de cetle pierre sonl en grand nombre. Dioscoride assure qu'elle esl pour les voleurs un utile auxiliaire ; quand ils veulent piller un logis, dit-il, ils allumenl du feu aux qualre coins, et y jetlent des morceaux d'aimant. La fumee qui en resulle esl si incom- mode, que ceux qui habilent la maison sonl for- ces de I'abandonner. Malgre I'absurdile de cetle fable, mille ans apres Dioscoride, elle a ete adoptee par les ecrivains qui onl compile les pretendus secrets merveilleux d' Albert le Grand. Mais on ne Irouvera plus d'aimant comparable a celui de Laurent Guasius. Cardan aflirme que loutes les blessures faites avec des armes frollees de eel aimanl ne causaient aucune douleur. Encore une fable : je ne sais quel ecrivain as- sez grave a dil que I'aimanl fermenle dans du sel produisail el formail le petit poisson appele remove, lequel possede la vertu d'altirer I'or du puits le plus profond. L'auleur de cetle recelte savait qu'on ne pourrail jamais le refuler par ['experience '; et c'est bien dans ces sortes de choses qu'il ne faul croireque les fails eprouves. Aimar. Vou. Baguette oiviNATomE. Ajournement. On croyail assez generalement autrefois que, si quelque opprime, au moment de mourir, prenait Dieu pour juge, et s'il ajour- nait son oppresseur au tribunal supreme , il se faisait toujours une manifestation du gouverne- menl lemporel de la Providence. Le mot tou- jours esl une temerite, car on ne cite que quel- ques fails a I'appui de cetle opinion. Le roi de Caslille Ferdinand IVfutajourne par deux genlils- hommes injustemenl condamnes, el mourul au bout de trente jours. Eneas Sylvius raconte, et c'est encore un fait constate, que Fran(;;ois I", due de Bretagne, ayant fait assassinerson frere (en 1/|50), ce prince, en mourant, ajourna son meurtrier devant Dieu , et que le due expira au jour fixe ^ Nous ne mentionnerons ici I'ajournement du grand niailre des templiers, que Ton a dit avoir cite le pape el le roi au tribunal de Dieu , que pour faire remarquer au lecteur que eel ajour- nement a ete imagine longtemps apres le supplice de ce grand mailre. Voy. Templiers. Akbaba, vautour qui vil mille ans en se 1 Brown, au lieu cite. - Voyez, dans les Legendes des Femmes dans la vie reelle, rajournement de la femme du comte Alarcos, et la legende de rajournement dans les Legendes des Vertus theologales et cardinales. AKH — 1 noiirrissant de cadavres. C'est une croyance lurque. Akhmin. Ville de la moyenne Tliebaide, qui avail autrefois le renom d'elre la demeure des plus grands magiciens'. Paul Lucas paiie, dans son second voyage ^ du serpent merveilleux d'Akhmin, que les musulmans honorent comma un ange, et que les clireliens croient etre le de- mon Asmodee. Voy. Haridi. Akiba , rabbin du premier siecle de notre ere, precurseur de Bar-Cokebas De simple berger, pousse par I'espoir d'obtenir la main d'une jeune lille dont il etait epris, il devint un savant re- nomme. Les Juifs disent qu'il fut instruit par les csprits elementaires , qu'il savait conjurer, et qu'il eul, dans ses jours d'eclat, jusqu'a quatre- vingt mille disciples... On croit qu'il est auteur du Jetzirah, ou livre de la creation, attribue aussi par les uns a Abraham , et par d'autres a Adam meme. Akouan, demon geant, qui, dans les tradi- tions persanes , lutta longtemps centre Roustam, et fut enfin, malgre sa masse enorme, tue par ce heros. — Roustam est en Perse un personnage que Ton ne peut comparer qu'a Roland chez nous. Alain de I'lsle (Insulensis) , religieux ber- nardin", eveque d'Auxerre au douzieme siecle, auteur vrai ou suppose de Y Explication des pro- phelies de Merlin {Explanationes in prop/tetias Merliiu Angli; Francfort, 1608, in-8°). II com- posa, dit-on, ce comraentaire, en 1170, a I'oc- casion du grand bruit que faisaient alors lesdites propheties. Un autre Alain ou Alanus, qui vivait dans le meme siecle, a laisse pour les alchimistes un livre intitule Dicta de lapide philosophico , in-8°; Leyde, 1600. Alaric, roi des Goths et premier roidu pre- mier royaume d'ltalie (car il y en a eu quatre avant nos jours, et aucun n'a pu durer). Olym- piodore nous a conserve un recit populaire de * D'Herbelot, Bibliotheque orientale. 2 Liv. V, t. II, p. 83. 3 Voyez la legende de Bar-Cokebas , dans les Le- gendes de I'Ancien Testament. 3 — ALB son temps, suivant lequel, lorsque Alaric voulut envahir la Sicile , il fut repousse par une statue mysterieuse qui lui langait des flammes par I'un de ses pieds et des jets d'eau par I'autre. 11 se retira a Cosenza , ou il mourut. subitement peu de jours apres (an 410). Alary (Frangois), songe-creux, qui a fait im- primer a Rouen , en 1701, la Prophetic du comic Bombaste, chevalier de la Rose-Croia: , neveu de Paracelse, publiee en I'annee 1609, sur la nais- sance de Louis le Grand. Alastor, demon severe, executeur supreme des sentences du monarque infernal. II fait les fonctions de Nemesis. Zoroaslre I'appelle le bour- reau ; Origene dit que c'est le memo qu'Azazel ; d'autres le confondent avec I'ange exterminateur. Les anciens appelaient les genies malfaisants alastorcs, et Plutarque dit que Ciceron, par haine centre Auguste, avait eu le projet de se tuer aupres du foyer de ce prince pour devenir son alastor. Albert le Grand, Albert le Teutonique, Al- bert de Cologne, Albert de Ratisbonne, Alherlus Grotus, car on le designe sous tous ces noms (le veritable etait Albert de Groot), savant et pieux dominicain , mis a tort au nombre des magiciens par les demonographes, fut, dit-on, le plus cu- rieux de tous les hommes. II naquit dans la Souabe, a Lawigen sur le Danube, en 1205. D'un esprit fort grossier dans son jeune age, il devint, a la suite d'une vision qu'il eut de la sainte Vierge, qu'il servait tendrement etqui lui ouvritles yeux de I'espl-it, I'un des plus grands docteurs de son siecle. II fut le maitre de saint Thomas d'Aquin. Vieux, il retomba dans la mediocrite, comme pour montrer qu'evidemment son merite et sa science etendue n'etaient qu'un don miraculeux et temporaire. — D'anciens ecrivains ont dit, apres avoir remarque la durete naturelle de sa conception, qued'ane il avail ete transmue en ALB — 1 philosophc; puis,' ajoiilenl-ils, dc philosophc il redevinl iiiie Albert le Grand fiU cveqiio dc Ratisbonnc, el mourut sainlement a Cologne, age de quaLrc- vingt-sept ans. Ses ouvrages n'ont ete piiblies qu'en 1651; ilsformenl vingtet on volumes in- I'olio. En les parcourant, on admire un savant cbrc^Hien; on ne trouve jamais rien qui ait pu le charger de sorcellerie. II dit formellement au contraire : « Tous ces contes de demons qu'on )) veil roder dans les airs, et de qui on tire le » secret des choses futures, sont trop souvent )) des absurdiles ou des fourberies ' . » — C'est qu'on a mis sous son nom des livres de secrets merveilleux, auxquels il n'a jamais eu plus de part qu'a I'invention du gros canon etdu pistolet que lui altribue Malthieu de Luna. Mayer dit qu'il regut des disciples de saint Do- minique le secret de la pierre philosophale , et qu'il le cornmuniqua a saint Thomas d'Aquin ; qu'il possedaitune pierre marquee naturellement d'un serpent, etdouee de cette vertu admirable, que si on la mettait dans un lieu frequente j)ar des serpents, elle les attirait tous; qu'il em- ploya , pendant trente ans , toute sa science de magicien et d'astrologue a faire , de metaux bien choisis et sous I'inspection des astres, un auto- mate doue de la parolq , qui lui servait d'oracle et resolvait toules les questions qu'on lui propo- sait: c'est ce qu'on appelle Vandroide d' Albert le Grand; que cet automate fut aneanti par saint Thomas d'Aquin , qui le brisa a coups de baton , dans I'idee que c'elait un ouvrage ou un agent du diable. On sent que tous ces petits faits sont des contes. On a donne aussi a Virgile , au pape Sylvestre II, a Roger Bacon, de pareils androides. Vaucanson a monlre que c'etait un pur ouvrage de mecanique. Une des plus celebres sorcelleries d' Albert le Grand eut lieu a Cologne. II donnait un banquet dans son cloitre a Guillaume II , comte de Hol- lande et roi des Romains ; c'etait dans le coeur de I'hiver; la salle du festin presenta, a la grande surprise de la cour, la riante parure du prin- temps; mais, ajoute-t-on, les fleurs se fletrirent a la fin du repas. A une epoque oii Ton ne connaissait pas les serres chaudes, I'elegante prevenance du bon et savant religieux dut surprendre. — Ce qu'il appelait lui-meme ses operations magiques n'elait ainsi que de lamagie blanche. Finissons en disant que son nom d' Albert le Grand n'est pas un nom de gloire, mais la simple traduction de son nom de famille, Albert de Groot. On lui attribue done le livre intitule les Ad- rnirables secrets d' Albert le Grand, contenant 1 Voyez, dans les Legendes de la sainte Vierge, la Vision de I'Ecolier. 2 De somn. et vig., lib. Ill, tract. I, cap. viii. h — ALi5 plusieurs traites sur les vertus des herbcs, des picrres precieuses et des animaux , etc., augmen- tes d'un abrege curieux de la physionomie el d'un preservatif centre la peste, les fievres ma- lignes, les poisons et Tinfeclion de I'air, tires et traduits des anciens manuscrils de I'auteur qui n'avaient pas encore paru, etc., in-18, io-2/i, in-12. Excepte du bon sens, on trouve de tout dans ce fatras, jusqu'a un traite des funics qui, ((quoique viles [et meprisables, sont cependant » en estime, si on s'en sert aux usages pres- )) crits (les engrais) » . Le recollecteur de ces secrets debute par une facon de priere; apres quoi il donne la pensee du prince desphilosophes, lequel pense que I'homme est ce qu'il y a de meilleur dans le monde , attendu la grande sym- palhie qu'on decouvre entre lui et les signes du ciel , qui est au-dessus de nous , et par conse- quent nous est superieur. Le livre I" traile principalement, et de la ma- niere la plus inconvenante , de I'intluence des planeles sur la naissance des enfants , du mer- veilleux effet des cheveux de la femme, des monstres, de la fagon de connaitre si une femme enceinte porte un gargon ou une fille, du venin que les vieilles femmes ont dans les yeux , sur- tout si elles y ont de la chassie, etc. Toutes ces reveries grossieres sont faslidieuses, absurdeset fort sales. On voit au livre II les vertus de cer- taines pierres , de certains animaux , et les mer- veilles du monde , des planeles et des astres. — Le livre Illpresente I'excellent traite des fienles, de singulieres idees sur les urines , les punaises , les vieux souliers et la pourriture; des secrets pour amollir le fer, pour manier les metaux , pour dorer I'etain et pour nettoyer la batterie de cuisine. Le livre IV est un traite de physiogno- monie, avec des remarques savantes, des obser- vations sur les jours heureux et malheureux, des preservatifs centre la fievre, des purgatifs, des recettes de cataplasmes et autres choses de meme nature. Nous rapporterons en leur lieu ce qu'il y a de curieux dans ces extravagances , et le lecteur, comme nous , trouvera etonnant qu'on vende chaque annee par milliers d'exemplaires les secrets d' Albert le Grand aux habitants mal* avises des campagnes; Le solide TresOr du Petit Albert, ou secrets merveilleux de la magie naturelle etcabalistique, traduit exactement sur I'original latin intitule Albcrti Parvi Lucii liber dc mirabilibiis naturw arcanis , enrichi de figures myslerieuses et la maniere de les faire (ce sont des figures de ta- lismans). Lyon, chez les heriliers de Beringos fralres, a I'enseigne d'Agrippa. In-18 , 6516 (an- nee cabalistique); — Albert le Grand est egale- ment elranger a cet autre recueil d'absurdites , plus dangereux que le premier, quoiqu'on n'y trouve pas, comme les paysans se I'imaginent, les moyens d'evoquer le diable. On y voit la ALB — 15 — ALB maniere de nouer et de denouer raiguillette, la composition de divers philtres, I'art de savoir en songe qui on epousera , des secrets pour faire danser, pour mulliplier les pigeons, pour gagner au jeu , pour retablir le vin gate , pour faire des talismans cabalistiques , decouvrir les tresors , se servir de la main de gloire , composer I'eau ar- dente et le feu gregeois, la jarretiere et le baton du voyageur, I'anneau d'invisibilite , la poudre de sympathie , I'or artificiel , et enfm des reraedes contre les maladies, et des gardes pour les trou- peaux. Voy. ces divers articles. Albert d'Alby, auteur de V Oracle parfait. Voy. Cartomancie , a la fin. Albert de Saint-Jacques, moine du dix-sep- tieme siecle , qui publia un livre intitule Lu- miere mix vivants par V experience des morts, ou diverses apparitions des ames du purgatoire en notre siecle. In-S", Lyon, 1675. Albigeois, fusion de manicheens tres-per- fides , dont I'heresie eclata dans le Languedoc , et eut pour centre Albi, lis admettaient deux principes , disant que Dieu avait produit de lui- raeme Lucifer, qui etait ainsi son fils aine ; que Lucifer, fils de Dieu , s'etait revolte contre lui ; qu'il avait entraine dans sa rebellion une partie desanges; qu'il s'etait vu alors chasse du ciel avec ses complices ; qu'il avait , dans son exil , cree ce monde que nous habitons , ou il regnait et ou tout allait mal. lis ajoutaient que Dieu, pour retablir I'ordre, avait produit un second fils , qui etait Jesus-Christ. Ce singulier dogme se presentait avec des va- rietes, suivant les difTerentes sectes. Presque toutes niaient la resurrection de la chair, I'enfer et le purgatoire, disant que nos ames n'etaient que des demons loges dans nos corps en chati- ment de leurs crimes. — Les Albigeois avaient pris, des la fin du douzieme siecle , une effrayante consistance. lis tuaient les pretres et les rnoines , brulaient les croix, detruisaient les eglises. De , si odieux exces marquaient leur passage, que, les remontrances et les predications etant vaines, il fallut faire contre eux une croisade, dont Simon de Montfort fut le heros. On a denature et fausse par les plus insignes mensonges I'his- toire de cette guerre sainte on a oublie que, si les Albigeois eussent triomphe, I'Europe re- tombait dans la plus affreuse barbaric. II est vrai que leurs defenseurs sont les protestants , heri- ritiers d'un grand nombre de leurs erreurs, et les philosophes, amateurs assez souventde leurs desordres. Albigerius. Les demonographes disent que les possedes, par le moyen du diable, tombent quelquefois dans des extases pendant lesquelles leur ame voyage loin du corps , et fait a son re- tour des revelations de choses secretes, C'est ainsi, comme dit Leloyer, que les corybantes devinaient et prophetisaient, phenomenes que le somnambulisme expliquerait peut-etre. Saint Augustin parle d'un Carthaginois , nomme Albi- gerius, qui savait par ce moyen tout ce qui se faisait hors de chez lui. Chose plus etrange , a la suite de ses extases , il revelait souvent ce qu'un autre songeait dans le plus secret de sa pensee. Saint Augustin cite un autre frenetique qui, dans une grande fievre , etant possede du mau- vais esprit, sans extase, mais bien eveille, rap- portait fidelement tout ce qui se faisait loin de lui. Lorsque le pretre qui le soignait etait a six lieues de la maison, le diable , qui parlait par la bouche du malade, disait aux personnes pre- sentes en quel lieu etait ce pretre a I'heure oil il parlait et ce qu'il faisait, etc. On pretend que Cagliostro en faisait autant. Ces choses-la sont surprenantes. Mais I'ame immortelle , suivant la remarque d'Aristote, peut quelquefois voyager sans le corps ^. Albinos. Nom que les Portugais ont donn^ a des hommes d'une blancheur extreme , qui sont ordinaireraent enfants de negres. Les noirs les regardent comme des monstres , et les savants ne savent a quoi attribuer cette blancheur. Les al- binos sont pales comme des spectres ; leurs yeux, faibles et languissants pendant le jour, sont bril- lants a la clarte de la lune. Les noirs, qui don- nent aux demons la peau blanche, regardent les albinos comme des enfants du demon. lis croient qu'ils peuvent les combattre aiseraent pendant le jour, mais que la nuit les albinos sont les plus 1 Voyez, dans les Legendes des Croisades, la croi- sade contre les Albigeois. 2 Leloyer, Hist, et disc, des spectres, liv. IV. ALB — 16 — ALC forts el se vengcnt. Dans lo royaumc de Loango, les albinos passenl pour des demons cliampclres cL oblienncnl qiiclquc considuralion a ce litre. Vossiiis dil qu'il y a dans la Guinee des peii- plades d'albinos. iMais comment ces peupladcs snbsistcraicnt-elles, s'il est vrai que ces infortu- nes ne sc rcproduiscnl point? il parait que les anciens connaissaient les al- binos. (( On assure, dit Pline, qu'il existe en Albanie des individus qui naissent avec des che- veux blancs, des ycux de perdrix, el ne voient clair que pendant la null. » II ne dit pas que ce soil une nation , mais quelques sujets affectes d'une maladie parliculiure. « Plusieurs animaux onl aussi leurs albinos, ajoute M. S'algues ; les naturalistes ont observe des corbeaux blancs, des merles blancs, des taupes blancbes; leurs yeux sonl rouges, leur peau est plus pale elleur organisation plus faible » Alborak. Voy. Borak. Albumazar, astrologue du neuvieme siecle, ne dans le Khorassan, connu par son Iraile astrologique intitule Milliers d'annecs, oii il affirme que le rnonde n'a pu etre cree que quand les sept planetes se sont Irouvees en con- jonclion dans le premier degre du Belier, et que la fin du monde aura lieu quand ces sept pla- netes, qui sont aujourd'bui (en 1862) au nombre de cinquante et une, se rassembleront dans le dernier degre des Poissons. On a traduit en la- tin et imprime d'Albumazar le Trnctatus Jlorum aslrolorjicBj in-h°, Augsbourg, l/(88. On peut voir dans Casiri , Bibliotli. arah. hispan., t. I", p. 351 , le catalogue de ses ouvrages. Albunee, sibylle celebre. On voit encore son temple a Tivoli, en ruines, il est vrai. Voy. Si- BYLLES. Alchabitius. Voy. Abd-el-Azys. Alchimie. L'alchimie ou chimie par excel- lence, qui s'appelle ausai philosophie hermitique, est celte parlie eminente de la chimie qui s'oc- cupe de i'art de transmuer les melaux. Son resul- tat, en expectative, est la pierre philosophale, Voy. Pierre philosophale et Gobineau. Alchindus, que Wierus^ met au nombre des magiciens, mais que Delrio ' se contente de ran- ger parmi les ecrivains superstitieux, etait un medecin arabe du onzieme siecle qui employait comme remede les paroles charmees et les com- bhiaisons de chiffres. Des denionologues Font declare suppol du diable, a cause de son livre in- titule Tlieorie des arts macjiques, qu'ils n'ont point lu. Jean Pic de la Mirandole dit qu'il ne connait que trois liommes qui se soient occupes de la magie naturelle et permise : Alchindus , Roger IJacon et Guillaume de Paris. Alchindus elait simplement un peu physicien dans des temps • Des errcnrs et des prejuges, etc., t. I, p. 479. 2 De prcBStigiis , lib. II, cap. ni. 3 Disquisit. magiccB, lib. I, cap. in. | d'ignorance. — .\ .son nom arabe Alcendi, qu'on a lalinise, quclques-uns ajoulent le prenom de Jacob ; on croit qu'il elait mahometan. — On lui reproche d'avoir ecrit des absurdites. Par-exem- ple, il pensait expliquer les songes en disant qu'ils sont I'ouvrage des esprits [elenientaires qui se monlrent a nous dans le sommeil et nous representent diverses actions fantasliques, comme des acleurs qui jouent la comedie devant le pu- blic ; ce qui n'est peut-etre pas si bete. Alcoran. Voy. Koran. Alcyon. Une vieille opinion, qui subsiste en- core chez les habitants des cotes, c'estquel'alcyon ou martin-pecheur est une girouette naturelle, et quC; suspendu par le bee, il designe le cote d'oii vient le vent, en tournant sa poitrine vers ce point de I'horizon. Ce qui a mis cetle croyance en credit parmi le peuple, c'est I'observation qu'on a faite que I'alcyon semble etudier les vents et les deviner lorsqu'il etablit son nid sur les (lots, vers le solstice d'hiver. Mais cetle prudence est-elle dans I'alcyon une prevoyance qui lui soil particuliere ? N'est-ce pas simplement un instinct de la nature qui veille a la conservation de celte espece? « Bien des choses arrivent, dil Brown, parce que le premier moteur I'a ainsi arrete, et la nature les execute par des voies qui nous sont inconnues. » C'est encore une ancienne coutume de conser- ver les alcyons dans des coffres, avec I'idee qulls preservent des vers les etoffes de laine. On n'eut peut-elre pas d'autre but en les pendant au pla- fond des chambres. « Je crois meme , ajoute Brown , qu'en les suspendant par le bee on n'a pas suivi la methode des anciens, qui les suspen- daient par le dos, afin que le bee marquat les vents. Car c'est ainsi que Kirker a decrit 1 hirun- delle de mer. » Disons aussi qu'autrefois , en con- servant cet oiseau , on croyait que ses plumes se renouvelaient comme s'il eiit ele vivant, et c'est ce qu' Albert le Grand espera inutilement dans ses experiences'. Outre les dons de predire le ventet de chasser les vers, on attribue encore a I'alcyon la pre- cieuse qualite d'enrichir son possesseur, d'entre- tenir 1' union dans les families et de communiquer la beaute aux femmes qui portent ses plumes. Les Tartares et les Ostiaks ont une tres-grande vene- ration pour cet oiseau. lis recherchent ses plumes ' Brown, Erreurs populaires, liv. Ill, ch. x. ALD — 17 — ALE avec empressement , les jeltent dans iin grand vase d'eaii , garden t avec soin celles qui siirna- genl, persuades qu'il suflit de toucher quelqu'im avec ces plumes pour s'en faire aimer. Quand un Ostiak est assez haireux pour posseder un alcyon , 11 en conserve le bee, les pattes et la peau, qu'il met dans une bourse, et, tant qu'il porte ce tre- sor, il se croit a I'abri de tout malheur'. C'est pour lui un talisman comme les fetiches des ne- gres. Voy. Ame damnee. Aldon. Voy. Granson. Alectorienne (Pierre). Voy. Coq. Alectryomancie on Alectromancie. Divina- tion par le moyen du coq, usilee chez les anciens. Voici quelle etait leur methode : — On tracait sur le sable un cercle que Ton divisait en vingt-quatre espaces egaux. On ecrivait dans chacun de ces espaces une lettre de I'alphabet; on metlait sur chaque lettre un grain d'orge ou de ble ; on pla- gait ensuite au milieu du cercle un coq dresse a ce manege ; on observait sur quelles leltres il enlevait le grain; on en suivait I'ordre, et ces lettres rassemblees formaient un mot qui donnait la solution de ce que Ton cherchait a savoir. Des devins, parmi lesquels on cite Jamblique, vou- lant connaitre le successeur de I'empereur Valens, employerent I'alectryomancie ; le coq tira les lettres Tlieod... Valens, inslruit de cetle particu- larite, fit mourir plusieurs des curieux qui s'en etaient occupes, et se defit meme, s'il faut en croire Zonaras, de tous les hommes conside- rables dont le nom commengait par les letlres fatales. Mais, malgre ses efforts, son sceptre passa a Theodose le Grand. — Celte prediction a du etre faite apres coup ^ Ammien-Marcellin raconte la chose autrement. 11 dit que sous I'empire de Valens on comptait parmi ceux qui s'occupaient de magie beaucoup de gens de qualite et quelques philosophes. Cu- rieux de savoir quel serait le sort de I'empereur regnant, ils s'assemblerent la nuit dans une des maisons affectees a leurs ceremonies : ils com- 1 M. Salgues, Des erreurs et des prejuges, t. Ill, p. 374. 2 M. Junquieres, dans le quatrieme chant de son poeme intitule Caquet-Bonhec , ou la Poule d ma tante, a fait un spirituel usage de cetle divination. mencerent par dresser un trepied do racines et de rameaux de laurier, qu'ils consacrerent par d'horribles imprecations; sur ce trepied ils pla- cerent un bassin forme de differents mctaux, et ils rangerent autour, a distances egales, toutes les lettres de I'alphabet. Alors le mystagogue le plus savanl de la compagnie s'avanga , enveloppe d'un long voile, la tete rasee, tenant a la main des feuilles de verveine, et faisant a grands cris d'effroyables invocations qu'il accompagnait de convulsions. Ensuite, s'arretant tout a coup de- vant le bassin magique, il y resla immobile, tenant un anueau suspendu par un (il. C'etait de la dac- tylomancie. A peine il achevait de prononcer les paroles du sortilege, qu'on vit le trepied s'ebran- ler, I'anneau se remuer, et frapper tantot une lettre, tantot une autre. A mesure que ces lettres etaient ainsi frappees , elles allaient s'arranger d'elles-memes, a cote I'une de I'autre, sur une table ou elles composerent des vers lieroiques qui etonnerenl toule I'assemblee. Valens, informe de cette operation , et n'aimant pas qu'on interrogeat les enfers sur sa destinee, punit les grands et les philosophes qui avaient assiste a cet acle de sorcellerie : il elendit meme la proscription sur tous les philosophes et tous les magiciens de Rome. II en perit une multitude ; et les grands, degoutes d'un art qui les exposait a des supplices, abandonnerent la magie a la po- pulace et aux vieilles , qui ne la firent plus servir qu'a de petites intrigues et a des malefices subal- ternes. Voy. Coo, Mariage, etc. Ales (Alexandre) , ami de Melanchthon , n^ en 1500 a Edimbourg. 11 raconte que, dans sa jeu- nesse, etant monte sur le sommet d'une Ires- haute montagne, il fit un faux pas et roula dans un precipice. Comme il etait pres de s'y englou- tir, il se senlit transporter en un autre lieu, sans savoir par qui ni comment, et se retrouva sain et sauf , exempt de contusions et de blessures. Quel- ques-uns altribuerent ce prodige aux amulettes qu'il portait au cou , selon I'usage des enfants de' ce temps-la. Pour lui, il I'attribue a la foi et aux prieres de ses parents, qui n'etaient pas here- tiques. Alessandro Alessandri, en latin Alexander ah Alexandra, — jurisconsulte napolitain , mort en 1523. II a publie un recueil rare de disserta- tions sur les choses merveilleuses. 11 y parle de prodiges arrives recemment en Ilalie, de songes verifies, d'apparitions et de fanlomes qu'il dit avoir vus lui-mefne. Par la suite, il a fondu ces dissertations dans son livre Genialium dierum, oh il raconte toutes sortes de faits prodigieux. Voy. Possessions et Spectbes, et les Lecjendes des esprits et demons. Aleuromancie , divination qui se pratiquait avec de la farine. On mettait des billets roul^s dans un tas de farine ; on les remuait neuf fois confusemcnt. On partageait ensuite la masse aux 2 ALE differenls curieux, et chacun se faisail un Iheme selon les billets qui lui etaicnt echus. Cliez les paiens, Apollon etait appele Aleuromanlis, parce qu'il prusidait a celle divination. Jl en reste quel- qucs vestiges dans cerlaines localites, ou I'on cmploie le son au lieu dc farine. C'est une ame- lioration. Alexandre le Grand, roi de Macedoine, etc. II a etc le sujet dc legcndes prodigieuses chez les Orienlaux, qui ont sur lui des contes innnen- ses. lis I'appellent Iskender. Les demonographes disent qu'Aristote lui enseigna la magie ; les ca- balistes lui attribuent un livre sur les proprietes des elements ; les rabbins ecrivent qu'il eut un songe qui I'empecha de maltraiter les Juifs, lorsqu'il voulut entrer en conquerant dans Jeru- salem. , La figure d'Alexandre le Grand, gravee en maniere de talisman sous cerlaines influences, passait autrefois pour un excellent preservatif. Dans la famille des Macriens, qui usurperent I'empire du temps de Valerien, les hommes por- taient toujours sur eux la figure d'Alexandre ; les femmes en ornaient leur coiffure, leurs brace- lets , leurs anneaux. Trebellius Pollio dit que cette figure est d'un grand secours dans toutes les circonstances de la vie , si on la porte en or ou en argent... Le peuple d'Antioche praliquait celte superstition, que saint Jean Cbrysostorae eut beaucoup de peine a delruire^ Alexandre de Paphlagonie, imposleur et charlatan du genre d'Apollonius de Tyane , ne au deuxieme siecle , en Paphlagonie, dans le bourg d'Abonotique. Ses pauvres parents n'ayant pu lui donner aucune education , il profita , pour 1 Voyez les fails merveilleux attribues a Alexandre le Grand dans les Lcgendes de I'Ancien Testament. ALE se pousser dans le monde , de quelques dons qu'il tenait de la nature. II avait le teint net, I'oeil vif, la voix claire, la taille belle, peu de barbe et peu de cheveux, mais un air gracieux et doux. II s'aLtacha , presque enfant , a une sorte de magicien qui debitait des philtres pour produire I'affecLion ou la haine, decouvrir les tresors, obtenir les successions, perdre ses enne- mis,et autres resultats de ce genre. Get homrae, ayant reconnu dans Alexandre un esprit adroit, I'inilia a ses secrets. Apres la mort du vieux jongleur, Alexandre se lia avec un certain Coc- conas, homme malin, et ils parcoururent ensem- ble divers pays, eludiant I'artde faire des dupes, lis rencontrerent une vieille dame riche, que leurs pretendus secrets charmerent , et qui les fit voyager a ses depens depuis la Bithynie jus- qu'en Macedoine. — Arrives en ce pays, ils re- marquerent qu'on y elevait de grands serpents, si familiers qu'ils jouaient avec les enfants sans leur faire de mal ; ils en acheterent un des plus beaux pour les scenes qu'ils se proposaient de jouer. Ils se rendirent a Abonotique, ou les es- prits etaient grossiers, et la ils cacherent des lames de cuivre dans un vieux temple d'Apollon qu'on demolissait. lis avaient ecrit dessus qu'Es- culape et son pere viendraient bientot s'etablir daris la ville. Ges lames ayant ete trouvees, les habitants se haterent de decerner un temple a ces dieux, et ils en creuserent les fondements. — Gocconas mourut alors de la morsure d'une vipere. Alexandre se hata de prendre son role , et , se declarant prophele, il se monlra avec une lon- gue chevelure, une robe de pourpre rayee de blanc ; il tenait dans sa main une faux, comme on cn donne une a Persee , dont il prelendait descendre du cote de sa mere ; il publiait un oracle qui le disait fils de Podalyre , lequel , a la maniere des dieux du paganisme, avait epouse sa mere en secret. II faisait debiter en meme temps une prediction d'une sibylle qui portait que des bords du Pont-Euxin il viendrait un libe- rateur d'Ausonie. •Des qu'il se crut convenablement annonce, il parut dans Abonotique, ou il fut accueilli comme un dieu. Pour soutenir sa dignite, il machait la racine d'une certaine herbe qui Ic faisait ecuiner, ce que le peuple attribuait a I'enthousiasme di- vin. II avait prepare une tete habilement fabri- quee, dont les trails represenlaient la face d'un homme, avec une bouche qui s'ouvrait et se fer- mait par un hi cache. Avec celte tele et le ser- pent apprivoise qu'il avait achele en iMacedoine, et qu'il cachait soigneusement , il prepara un grand prodige. II se Iransporla de nuit a I'en- droit ou Ton creusait les fondements du temple, et deposa dans une fontaine voisine un oeuf d'oie ou il avait enferme un petit serpent qui ve- nait de naitre. Le lendemain matin, il se rendit — 18 — ALE — 19 — ALE SLir la place publique , Fair agite , tenant sa faux a la main, et ceint d'une echarpe doree. II monta sur un autel eleve, et s'ecria que ce lieu etait honore de la presence d'un dieu, A ces mots , le peuple accouru commenga a faire des prieres, tandis que I'imposteur prononcait des mots en langue phenicienne, ce qui servait a re- doubler I'etonnement general. — II courut en- suite vers le lieu oii il avait cache son oeuf, et, entrant dans I'eau, il commenga a chanter les louanges d'Apollon et d'Esculape, et a inviter ce dernier a se montrer aux mortels; puis, enfon- gant une coupe dans la fontaine, il en retira I'oeuf mysterieux. Le prenant dans sa main , il s'ecria : « Peuples , voici votre Dieu ! » Toute la foule attentive poussa des cris de joie, en voyant Alexandre casser I'oeuf et en tirer un petit ser- pent qui s'entortilla dans ses doigts. -Chacun se repandit en accents de joie; les uns demandant au dieu la sante , les autres les hon- neurs ou des richesses. — Enhardi par ce suc- ces, Alexandre fit annoncer le lendemain que le dieu qu'ils avaient vu si petit la veille avait re- pris sa grandeur naturelle. II se plaga sur un lit , revetu de ses habits de prophete , et , tenant dans son sein le serpent qu'il avait apporte de Macedoine, il le laissa voir cntoriille autour de son cou et trainant une lon- gue queue; il en cachait la tete sous son aisselle, et faisait paraitre a la place la figure humaine qu'il avait preparee. Le lieu de la scene etait fai- blement eclaire ; on entrait par une porte et on sortait par une autre, sans qu'il fut possible, a cause de I'aflluence, de s'arreter longtemps. Ce spectacle dura quelques jours; il se renouvelait toutes les fois qu'il arrivait quelques etrangers. On fit des images du dieu en cuivre et en argent. Alexandre , voyant les esprits prepares , an- nonga que le dieu rendrait des oracles, et qu'on eut a lui ecrire des billets cachetes. Alors , s'en- fermant dans le sancluaire du temple qu'on ve- nait de batir, il faisait appeler ceux qui avaient donne des billets , et les leur rendait sans qu'ils parussent avoir ete ouverts, mais accompagnes de la reponse du dieu. Ces billets avaient ete lus avec lant d'adresse qu'il etait impossible de s'a- percevoir qu'on eut rompu le cachet, Des es- pions et des emissaires informaient le prophete de tout ce qu'ils pouvaient apprendre, et ils I'ai- daient a rendre ses reponses , qui d'ailleurs etaient toujours obscures ou ambigues, suivant la prudente coutume des oracles. On apportait des presents pour ledieu et pour le prophete. Voulant nourrir I'admiration par une nouvelle supercherie, Alexandre annonce un jour qu'Es- cuiape repondrait en personne aux questions qu'on lui ferait : cela s'appelait des reponses de la propre bouche du dieu. On operait cette fraude par le moyen de quelques arteres de grues , qui aboutissaient d'un cote a la tete du dragon postiche, et do I'autre a la bouche d'un homme cache dans une chambre voisine ; — a moins pourtant qu'il n'y ei^it dans son fait quel- que magnetisme. — Les reponses se rendaioit en prose ou en vers, mais toujours dans un style si vague, qu'elles predisaient egalement le rovers ou le succes. Ainsi I'empereur Marc-Aurele, fai- sant la guerre aux Germains , lui demanda un oracle. On dit raeme qu'en 174 il fit venir Alexandre a Rome, le regardant comme le dis- pensateur de I'iramorlalite. L'oracle sollicite di- sait qu'il fallait, apres les ceremonies prescrites, jeter deux lions vivants dans le Danube , et qu'ainsi Ton aurait I'assurance d'une paix pro- chaine , precedee d'une victoire eclatante. On executa la prescription. Mais les deux lions tra- verserent le fleuve a la nage , les barbares les tuerent, et mirent ensuite I'armee de I'empereur en deroute ; a quoi le prophete repliqua qu'il avait annonce la victoire , mais qu'il n'avait pas designe le vainqueur. Une autre fois, un illustre personnage fit de- mander au dieu quel precepteur il devait donner a son fils; il lui fut repondu : — Pylhagore et Homere. L'enfant mourut quelque temps apres. — L'oracle annongait la chose, dit le pere, en donnant au pauvre enfant deux precepteurs morts depuis longtemps. S'il eCit vecu , on I'eCit inslruit avec les ouvrages de Pythagore et d'Ho- mere, et l'oracle aurait encore eu raison. Quelquefois le prophete dedaignait d'ouvrir les billets, lorsqu'il se croyait instruit de la de- mande par ses agents ; il s'exposait a de singu- lieres erreurs. Un jour il donna un remede pour le mal de cote , en reponse a une lettre qui lui demandait quelle etait la patrie d'Homere. On ne demasqua point cet imposteur, que I'accueil de Marc-Aurele avait enloure de vene- ration. II avait predit qu'il mourrait a cent cin- quante ans, d'un coup de foudre, cx)mme Es- culape : il mourut dans sa soixante-dixieme annee, d'un ulcere a la jambe , ce qui n'empe- cha pas qu'apres sa mort il eut, comme un demi-dieu, des statues et des sacrifices. Alexandre de Tralles, medecin , ne a Tral- les , dans I'Asie Mineure , au sixieme siecle. On dit qu'il etait tres-savant; ses ouvrages prouvent au moins qu'il etait tres-credule. II conseillait a ses malades les amuletles et les paroles char- mees. 11 assure, dans sa Medecine pratique', que la figure d'Hercule etouffant le lion de la foret de Nemee, gravee sur une pierre et en- chassee dans un anneau , est un excellent re- mede centre la colique. II pretend aussi qu'on guerit parfaitement la goutte, la pierre et les lievres par des philacteres et des charmes. Cela montre au moins qu'il ne savait pas les guerir autrement. 1 Liv. X, cii. I. 2. ALE 2 0 — ALL Alexandre III, roi d'Ecosse. II epousa en 1285 Yolette, fille du comle de Dreux. Le soir de la solennite du mariage , on vit entrer a la fin dii bal dans la salle ou la coiir etait assem- blee un spectre decharne qui se mit a danser, suivi d'une ombre voilee. Les gambades du spectre troublerent les assistants ; les fetes fu- rent suspendues, et des habiles declarerent que celte apparition annonqait la mort procliaine du roi. En effet, la meme annee, dans unc partie de cliasse , Alexandre , monlant un cheval mal dresse, fut jete hors de seile et mouruL de la chute'. Alexandre VI, eki pape en l/j92; pontife qui a ete juge sur un miserable pamplileL laisse par un chanoine laique, son ennemi^ Quelques sols ecrivains alTirment qu'il avait a ses ordres un demon familier, qui passa ensuite aux ordres de Cesar Borgia. Alfader, dieu tres-important dans la Iheogo- nie scandinave. Avant de creer le ciel et la terre , il etait prince des geants. Les ames des bons doivenL vivre avec lui dans le Simie ou le Wiiujolff; mais les mechants passent aux mains d'Hela, qui les envoie au Niflheim, la region des nuages inferieurs au neuvieme monde. L'Edda lui donne divers noms : Nikar (le sourcilleux) , Svidrer (I'exLerminateur), Svider (I'incendiaire), Oske (celui qui choisit les morLs) , eLc. — Le nom d' Alfader a ete donne aussi a Odin. Alfares, genies scandinaves. Les bons sonl appeles lios ou lumineux, les mechants docks ou noirs. Alfridarie, espece de science qui tient de I'aslrologie et qui aLlribue successivement quel- 1 Hector de Boece, in Annalibus Scot. 2 Voyez son histoire, par M. I'abbe .lorry. que influence sur la vie aux diverses planetes , chacune regnant a son tour un certain nombre d'annees. Voi/. PLANiiXES. Alfs, demi-lutins en Angleterre et dans le Nord. — Voy. Elfks. Algol. Des astrologues arabes ont donne ce nom au diable. i^Aliorumnas, sorcieres qui, bannies par Fe- limer, roi des Goths , avaient dans les deserts contracte des manages avec les demons etfurent meres des Huns, des Avares et des Hongrois. Alice de Telieux, nonne du monastere de Saint-Pierre de Lyon, qui s'echappa de son cou- vent au commencement du seizieme siecle , en un temps oil cette maison avait besoin de re- forme, mena mauvaise vie el muurut iniserable- ment, toulefois dans le repentir. Son ame revint apres sa mort et se manifesla a la maniere de ce qu'on appelle aujourd'hui les esprits frap- peurs. CeLle histoire a ete ecrile par Adrien de Montalembert , aumonier de Frangois l"*. Alkalalai, cris d'allegresse des Kamlscha- dales; ils le repetent trois fois a la fete des ba- lais, en I'honneur de leurs trois grands dieux, Filial-Choul-Chi , le pere ; Touila, sun fils, et Gaclch, son petit-hls. La fete des balais consisle, chez ces peuples sales, a balayer avec du bou- leau le foyer de leurs cabanes. Aliette. Voy. Etteila. Allan-Kardec. Voy. Kardec. Alleluia, mot hebreu qui signifie louange k Dieu. Les bonnes gens disent encore dans plu- sieurs provinces qu'on fait pleurer la sainte Vierge lorsqu'un chante alleluia pendant le ca- reme ^. II y avait a Chartres una singuliere coutume. ' La merveilleuse histoire de I'csprit qui depuis naguere s'est apparu au monastere des religieuscs de Saint-Pierre de Lyon, etc., par Adrien de Monta- lembert, aumonier du roi FranQois I'''". Paris, '1528, petit in-8° gothique. Voyez celte legende resumee dans les Legendes de I'autre monde. - Tliiers, Traife des superstitions. ALL 2 ALM A I'epoqiie ou Ton en cesse le chant, I'AUeluia etait personnifie et represente par une toupie qu'un enfant de choeur jetail au milieu de I'eglise et poussait dans la sacristie avec un fonet. Cela s'appelait V Alleluia fouette. On appelle trefie de rAlieluia une plante qui donne , vers le temps de Paqiies, une petite fleur blanche etoilee. Elle passe pour un specifique contre les philtres. Allix. Voici un de ces traits qui accusent I'ignorance et la legerete des anciens juges de parlement. — Allix, mathematicien, mecanicien et musicien, vivait a Aix en Provence, vers le milieu da dix-septieme siecle; il fit un squelette qui, par un mecanisme cache, jouait de la gui- lare. Bonnet, dans son Histoire de la musiqiie , page 82, rapporte 1 -histoire tragique de ce pauvre savant. II mettait au cou de son squelette une guitare accordee a I'unisson d'une autre qu'il tenait lui-meme dans ses mains, et placait les doigts de I'automate sur le manche ; puis, par un temps calme et serein , lesfenetres et la porte etant ouvertes , il s'installait dans un coin de sa chambre et jouait sur sa guitare des passages que le squelette repetait sur la sienne. 11 y a lieu de croire que I'instrument resonnait a la maniere des harpes eoliennes , et que le mecanisme qui faisait mouvoir les doigts du squelette n'etait pour rien dans la production des sons. (Nous cilons M. Fetis ' sans I'approuver, et nous le ren- voyons aux automates musiciens de Vaucanson , qui n'etaient pas des harpes eoliennes). — Quoi qu'il en soit , poursuit le biographe , ce concert etrange causa de la rumeur parmi la population superstilieuse de la ville d'Aix ; Allix fat accuse de mogie , et le parlement fit instruire son pro- ces. Juge par la chambre de la Tournelle , il ne put faire comprendre que I'effet merveilleux de son automate n'etait que la resolution d'un pro- bleme mecanique. L'arret du Parlement le con- damna a etre pendu et brule en place publique, avec le squelette complice de ses sortileges; la sentence fut executee en 166/|. » Almanach. Nos ancetres tragaient le cours des lunes pour toutc I'annee sur un petit mor- ceau de bois carre qn'ils appelaient al-mon-agt (observation de toules les kmes) : telles sont, selon quelques auteurs, I'origine des almanachs et I'etymologie de leur nom. D'autres se reclament des Arabes, chez qui al-manack veut dire le memorial. Les Chinois passent pour les plus anciens fai- seurs d'almanachs. Nous n'avons que douze con- stellations; ils en ont vingt-huit. Toutefois leurs almanachs ressemblent a ceux de Matthieu Laens- berg par les predictions et les secrets dont ils sont farcis ^ ' Biographie universeUe des musiciens. ^ L'altnanach de Matthieu Laensberg commenga a paraitre en 1636. Mais avant lui on avait deja des Bayle raconte I'anecdote suivante, pour faire voir qu'il se rencontre des hasards puerils qui eblouissent les petits esprits et donnent un cer- tain credit a I'astrologie. Guillaume Marcel, pro- fesseur de rhetorique au college de Lisieux, avait compose en latin I'eloge du marechal de Gassion, mort d'un coup de mousquet au siege de Lens.' II etait pres de le reciter en public, quand on representa au recteur de I'universite que le ma- rechal etait mort dans la religion pretendue re- formee , et que son oraison funebre ne pouvait etre prononcee dans une universite catholique. Le recteur convoqua une assemblee oil il fut resolu , a la pluralite des voix , que I'observation etait juste. Marcel ne put done prononcer son panegyrique; et les partisans de I'astrologie triompherent en faisant remarquer a tout le monde que , dans I'almanach de Pierre Larrivey pour cette meme anneelG/iS, entre autres pre- dictions, il se trouvait ecrit en gros caracteres : LATIN PERDU! Almanach du diable, contenantdes predic- tions tres-curieuses pour les annees 1737 et 1738; aux Enfers , in-2;i. Cette plaisanterie contre les jansenistes etait I'ouvrage d'un cer- tain Quesnel, joyeux quincaillier de Dijon, affuble d'un nom que le fameux appelant a tant attriste. Elle est devenue rare, attendu qu'elle fut suppri- mee pour quelques predictions trop hardies. Nous ne la citons qu'a cause de son titre. Les jansenistes y repondirent par un lourd et stupide pamphlet dirige contre les jesuites et supprime egalement. II etait intitule Almanach de Dieu, dedie a M. Carre de Montgeron, pour I'annee 1738, in-2i; au Ciel... Almoganenses, nom que les Espagnols don- nent a certains peuples inconnus qui , par le vol et le chant des oiseaux, par la rencontre des betes sauvages et par divers autres moyens, de- vinaient tout ce qui devait arriver. « lis con- servent avec soin, dit Laurent Valla, des livres qui traitent de cette espece de science; ils y trouvent des regies pour toutes sortes de pro- nostics. Leurs devins sont divises en deux classes : I'une de chefs ou de maitres, et I'autre de dis- ciples ou d'aspirants. » — On leur attribue aussi I'art d'indiquer non-seulement par ou ont passe les chevaux et les autres betes de somme ega- rees, mais encore le chemin qu'auront pris une ou plusieurs personnes; ce qui est tres-utile pour la poursuite des voleurs. Les ecrivains qui parlent des Almoganenses ne disent ni dans quelle pro- vince ni dans quel temps ont vecu ces utiles devin.s. Almuchefi, miroir merveilleux. Voy. Bacon. Almulus (Salomon), auteur d'une explication des songes en hebreu, in-8°. Amsterdam, 16/t2. annuaires de meme nature. Fischer a decouvert a Mayence, en 1804, un almanach imprime pour 1457, tout a fait a la naissance de rimprimerie. ALO Alocer, puissant demon, grand-due aux en- fors; il se inonlre vetii en chevalier, monle sur un cheval enorme ; sa figure rappelle les traits da lion; il a le teint enflamme, les yeux ardents; il parle avec gravite; il enseigiie les secrets de I'astrononiie et des arts liberaux; il domine trente-six legions. Alogricus. Voij. Ai.ruy. Alomancie, divination par le sel , dont les procedes sont peu connus. G'est en raison de I'alomancie qu'on suppose qu'une saliere ren- versee est d'un mauvais prdsage. Alopecie, sorte de charme par lequel on fascine ceux a qui Ton veut nuire. Quelques au- teurs donnent le nom d'alopecie a I'art de nouer I'aiguillette. Voij. Ligatures. Aloros. G'est le nom que les Chaldeens don- _ 22 — ALP tions, il avait recu le sceptre de la main de Dieu meme en personne. Alouette. Voy. Casso. Alp. G'est le nom que les Allemands donnent au cauchemar. Alpes. Les Alpes, les Pyrenees et tous les pays de montagnes ont ete chez nous et ailleurs les principaux foyers de magie. Voy. Soucirrs. Alphitomancie, divination par le pain d'orge. Gette divination importante est tres-ancienne. Nos peres, lorsqu'ils voulaient dans plusieurs accuses reconnailre le coupable et obtenir de lui I'aveu de son crime, faisaient manger a chaciin des prevenus un rude morceau de pain d'orge. GeUii qui I'avalait sans peine etait innocent : le criminel se trahissait par une indigestion G'est meme de cet usage , employe dans les epreuves du jugementde Dieu, qu'est venue I'imprecation populaire : « Je veux, si jevous trompe , que ce morceau de pain m'etrangle! » Voici comment se pratique cette divination, qui, selon les doctes, n'est d'un effet certain que pour decouvrir ce qu'un homme a de cache dans le coeur. On prend de la pure farine d'orge ; on la petrit avec du lait et du scl ;. on n'y met pas de levain; on enveloppe ce pain coinpacte dans un papier graisse , on le fait cuire sous la cendre ; ensuite on le frotte de feuilles de verveine et on le fait manger a celui par qui on se croit trompe, et qui ne digere pas si la presomplion cstfondee. II y avait pres de Lavinium un bois sacre ou Ton pratiquail I'alphitomancie. Des pretres nour- rissaient dans une caverne un serpent, selon quelques-uns ; un dragon , scion d'autrcs. A cer- tains jours on envoyait des jeunes filles lui por- ter a manger; elles avaient les yeux bandes et allaient a la grotte , tenant a la main un gateau fait par elles avec du miel et de la farine d'orge. <( Le diable, dit Delrio, les conduisait Icur droit chemin. Gelle dont le serpent rcfiisait de man- ger le gateau n'etait pas sans reproche. » Alphonse X, roi de Gaslille et de Leon , sur- nomme I'astronome et le philosophe, mort en 128/|. On lui doit les Tables Alphomincs. G'est lui qui disait que, si Dieu I'avait appel^ a son conseil au moment de la creation , il eCit pu lui donner de bons avis. Ge prince extravagant croyait a I'astrologie. Ayant fait tirer I'horoscope de ses enfants, il apprit que le cadet serait plus heureux que I'aine , et il le nomma son succes- seur au trone. Mais, malgre la sagesse de cet homme, qui se jugeait capable de donner des conseils au Greateur, I'aine tua son frere cadet, mit son pere dans une etroite prison et s'empara de la couronne ; toutes choses que sa science ne lui avait pas revelees. Alpiel, ange ou demon qui, selon le Talmud, a I'intendance des arbres frui tiers. naient a leur premier roi; et, selon leurs tradi- i Delrio , Disquisit. qusest. VII. magic, lib. IV, cap. ii, ALR — i Alrinach, demon de I'Occident, que les de- monographes font presider aux lempetes, aux tremblements de terre, aux pluies, a la grele, etc. C'est souvent lui qui submerge les navires. Lors- qu'il se rend visible , il. parait sous les traits et les habits d'une femme. Alplionse X. Alrunes, demons succubes ou sorcieres qui farent meres des Huns. Elles prenaient toutes sortes de formes , mais ne pouvaient changer de sexe. Chez les Scandinaves, on appelait alrunes des sortes de fetiches nommes ailleurs Mandra- gores. Voy. ce mot. Alruy (David), imposteur juif qui, en 1199, se pretendant de la race de David, se vanta d'etre le Messie destine a ramener les Juifs dans Jerusalem. Le roi de Perse le fit mettre en prison ; mais on voit dans Benjamin de Tudele, qui le cite, qu'il s'echappa en se rendant invisible. II ne daigna se remontrer qu'aux bords de la mer. La, il etendit son echarpe sur I'eau , planta ses pieds dessus et passa la mer avec uae legerete in- croyable , sans que ceux qu'on envoya avec des bateaux a sa poursuite le pussent arreter. — Cela le mit en vogue comme grand magicien. Mais enfin le scheik Aladin, prince turc, sujet du roi de Perse, fit tant a force d'argent, avec le beau-pere de David Alruy ou Alroy, lequel beau- pere etait peu delicat , que le pretendu Messie fut poignarde dans son lit. <( C'est toujours la fin de telles gens, dit Leloyer; et les magiciens juifs 3 — AMA n'en ont pas meilleur marche que les autres ma- giciens, quoi que leur persuadent leurs talmu- distes, qu'ils sont obeis de I'esprit malin. Car c'est encore une menterie du Talmud des Juifs, qu'il n'est rien de difficile aux sages , ^maitres et savants en leurs lois, que les esprits d'enfer et celestes leur cedent , et que Dieu meme (6 blas- pheme!) ne leur peut resister » — Ce magi- cien est appele encore dans de vieux recits Alogricus. 11 est enterre dans une ile mysterieuse de rinde ^ Altangatufun, idole des Kalraouks, qui avaitle corps et la tete d'un serpent, avec quatre pieds de lezard. Celui qui porte avec veneration son image est invulnerable dans les combats. Pour en f aire I'epreuve, un khan fit suspendre cette idole attachee a un livre, et I'exposa aux coups des plus habiles archers ; leurs traits ne purent atteindre le livre, qu'ils percerent au contraire des que I'idole en fut detachee. C'est la une legende de Cosaques. Alveromancie ou Aleuromancie. Voy. ce mot. Amadeus , visionnaire qui crut connaitre par revelation deux psaumes d'Adam : le premier, compose en transport de joie a la creation de la femme; le second, en triste dialogue avec Eve apres la chute Amaimon. Voy. Amoymon. Amalaric, roi d'Espagne, qui epousa la prin- cesse Clotilt'.e , soeur du roi des Francs Childe- bert. La pieuse reine , n'approuvant pas les exces 1 Leloyer, Discours des spectres, liv. IV, ch. iv. 2 Voyez CoRBEAU. L'histoire d' Alruy est plus eten- due dans les Legendes de I'Ancien Testament. ^ Ces deux psaumes sont imprimes dans le Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti de Fabricius. AM A — 2 de son niari, tombe dans Tarianisme, lebarbare, apres d'oiUres mauvais traitements, lui fit crever les yeux. Clotilde envoya a son frere un moii- choir teint de son sang, et Gliildebert marcha aussitot avec une annee contrc Amalaric. La justice des homines fut prevenue par la justice eterneile. Tandis que le bourreau de Clotilde s'avangait au-devant des Francs, il tomba perce d'un trait lance par une main invisible. Des le- gendaires ont ecritque cettemort etait I'ouvrage dn diable ; niais le trait ne venait pas d'en bas *. Amalarie (Madeleine), sorciere qui allait an sabbat, et qui, chargee de onze homicides, fut mise a mort a soixante-quinze ans dans la ba- ronnie de la Trimouille, a la fin du seizieme siecle ^ Amane. Le solcil , sans doute. C'elait le dieu d'une secte des Parsis , qui I'honoraient par un feu perpetuel. Amant (Jean d'), medecin enipoisonneur qui fut accuse de magie et signale a I'eveque de Frejus au treizieme siecle. 11 avait une mede- cine empirique au moyen de laquelle il se van- tait de pouvnir allonger la vie ou la raccourcir. Nous ignorons ce qu'il advint de lui. Amarante, fleur que Ton admet parmi les symboles de rimmorlalite. Les magiciens atlri- buent aux couronnes faites d'amarante de grandes proprietes, et surtout la vertu de con- cilier les faveurs et la gloire a ceux qui les portent. Amazeroth. Reginald Scott, qui a fait, comme Wierus, un denombrement des puissances de I'enfer, cite Amazeroth comme un due, ayant soixante legions sous ses ordres. Amasis. Herodote raconte qu'Amasis , roi d Egypte, eut I'aiguillctte nouee , et qu'il fallut employer les plus solennelles imprecations de la magie pour rompre le charme. Voy. Ligatures. Amazones, nation de femmes guerrieres, dont Strabon regarde a tort I'existence comme une fable. Francois de Torre-Blanca dit ' qu'elles elaient sorcieres ; ce qui est plus hasarde. Elles .se brulaient la mamelle droile pour mieux tirer de I'arc ; et le pere iMenestrier croit que la Diane d'Ephese n'elait ornee de tant de mamellcs qu'a cause que les Amazones lui consacraient celles qu'elles se retranchaient. On dit que cette repu- bliquc sans hommes habitait la Cappadoce et les bords du Thermodon. Les modernes ont cru re- trouver despeuplades d'Amazonesen voyantdes femmes armees sur les bords du Maragnon,qu'on a nomme pour cela le fleuve des Amazones. Des * Lamberlini de Cruz-Houen, Theatrum regium Hispanicum, ad aim. 510. - Rikius, Disc, summaire des sortileges, venefices, idolatries, tires des proces criminels juges au siege royal de Montmorillon, en Poitou, la presente an- nee 1599, p. 29. 3 Ejiist. delict., sive Le magia, lib. I, cap. viii. I — AMD missionnaires en placent une nation dans les Philippines, et Thevenot une autre dans la Min- grelie. Mais, dil-on, une republique de femmes ne subsisterait pas six mois , et res Etats mer- veilleux ne sont que des fictions invenlees pour recreer I'imagination. Cependant, un curieux passage nous est fourni par les explorations re- centes de M. Texier dans I'Asie Mineure : il a decouvert une enceinte de rochers naturels, aplanis par I'art, et sur les parois de laquelle on a sculpte une scene d'une importance majeure dans I'histoire de ces peuples. Elle se compose de soixante figures, dont quelques-unes sont co- lossales. On y reconnait I'entrevue de deux rois qui se font mutuellemcnt des presents. Dans I'un de ces per.sonnages , qui est barbu ainsi que toute sa suite, et dont I'appareil a quel- que chose de rude, le. voyageur avait d'abord cru distinguer le roi de Paphlagonie; et dans I'autre, qui est imberbe ainsi que les siens, il voyait le roi de Perse , monte sur un lion et en- loure de toute la pompe asialique. Mais en com- muniquaiit ses dessins et .ses conjectures aux anliquaires de Smyrne, qu'il a Irouves fort in- struils, M. Texier s'est arrete a I'opinion que cette scene remarquable represenlait I'entrevue annnelle des Amazones avec le peuple voisin, qui serait les Leuco-Syriens ; et la ville voisine , oil letemoignage des geographes I'avait empeche de reconnaitre Tavia, serait Themiscy re, capitalo de ce peuple. Ambrosius ou Ambroise, roi d'Angletcrre. — l oy. Mkrlin. Amduscias, grand-due aux enfn's. II a la forme d'une licorne; mais lorsqu'il est evoque, il se montre sous une figure humaine. 11 donne des concerts, si on les lui cominande ; on entend alors, sans rien voir, le son des trompettes et des autres instruments de musique. Les arbres s'inclinent a sa voix. II commande vingt-neuf legions. AME 25 — AME Ame. Tons les peuples ont reconnu Timinor- talite de I'ame. Les hordes les plus barbares ne' I'ont jamais eLe assez pour se rabaisser jusqu'a la brute. La brute n'est attachee qua la terre : riioinme seul eleve ses regards vers un plus no- ble sejour. L'insecte est a sa place dans la na- ture ; rhomme n'est pas a la sienne. La conscience , le remords , ce desir de pene- trer dans un avenir inconnu, ce respect que nous portons aux tombeaux , cet effroi de I'autre monde , cette croyance aux ames qui ne se dis- •tingue que dans 1 homme, tout nous instruirait deja quand meme la revelation ne serait pas la pour repousser nos doutes. Les inaterialisles , qui, voulant tout juger par les yeux du corps, nient I'existence de I'ame parce qu'ils ne la voient point, ne voient pas non plus le sommeil ; ils ne voient pas le vent; ils ne comprennent pas la lumiere , ni I'electricile, ni cent mille autres faits que pour tan t ils ne peuvent nier. On a cherche de tout temps a definir ce que c'est que I'ame , ce rayon , ce souffle de la Divi- nile. Selon les uns, c'est la conscience, c'est I'esprit; selon d'autres, c'est cet espoir d'une autre vie qui palpite dans le coeur de tons les hommes. C'est, dit Leon I'Hebreu, le cerveau avec ses deux puissances, le sentiment et le mouvement volontaire. C'est une flamme , a dit un autre. Dicearque affirme que I'ame est une harmonie et une concordance des quatre ele- ments. Quelques-uns sontalles loin, et ont voulu con- naitre la figure de I'ame. Un savant a meme preLendu, d'apres les dires d'un revenant,qu'elle ressemblait a un vase spherique de verre poll, qui a des yeux de tons les coles ' . L'ame, a-t-on dit encore, est comme une va- pour legere et transparente qui conserve la fi- gure humaine. Un docteur talmudique , vivant dans un ermitage avec son fils et quelques amis, vit un jour l'ame d'un de ses compagnons qui se detachait tellement de son corps, qu'elle lui fai- sait deja ombre a la tele. II comprit que son ami allail mourir, et fit tant par ses prieres, qu'il ob- tint que cetle pauvre ame rentrat dans le corps qu'elle abandonnait. « Je crois de cette bourde ce qu'il faut en croire, dit Leloyer^ comme de toules les autres bourdes et baveries des rab- bins. » Les Juifs se persuadent, au rapport du Hol- landais Hoornbeeck, que les ames ont toules ele creees ensemble, et par paires d'une ame d'homme et d'une ame de femme ; de sorte que les mariages sont heureux et accompagnes de douceur et de paix, lorsqu'on se marie avec l'ame a laquelle on a ete accouple des le commence- ment ; mais ils sont malheureux dans le cas con- ' Voyez GoNTRAN, dont l'ame avait I'apparence d'une beletle. 2 Leloyer, Diet, et hist, des spectres, liv. IV, ch. i. traire. On a a lutter conlre ce malheur, ajoute- t-il , jusqu'a ce qu'on puisse etre uni , par un se- cond manage, a l'ame dont on a ete fail le pair dans la creation ; et celle rencontre est rare. Philon , Juif qui a ecrit aussi sur l'ame , pense que , comme il y a de bons et de mauvais anges , il y a aussi de bonnes et de mauvaises ames , el que les ames qui descendent dans les corps y apportent leurs qualites bonnes ou mauvaises. Toules les innovations des lieretiques et des phi- losophes, el toules les doctrines qui n'ont pas leur base dans les enseignemenls de I'Eglise, brillent par de semblables absurdiles. Les musulmans disent que les ames demeu- rent jusqu'au jour du jugement dansle tombeau, aupres du corps qu'elles ont aniine. Les paiens croyaient que les ames, separees de leurs corps grossiers et lerrestres, conservaient apres la mort une forme plus subtile et plus deliee de la figure du corps qu'elles quiltaient , mais plus grande et plus majestueuse; que ces formes etaient lumineuses et de la nature des as- tres ; que les ames gardaient de I'incli- nation pour les choses qu'elles avaient ai- mees pendant leur vie, et que sou vent elles se montraient autour de leurs tom- beaux. Quand l'ame de Patrocle se leva devant Achille , elle avail sa voix, sa taille, ses yeux , ses habits, du moins en appa- rence, mais non pas son corps palpable. Origene trouve que ces idees ont une source respectable, et que les ames doivent avoir en effet une consislance, mais sub- tile; il se fonde sur ce qui est dit dans I'e- vangile de Lazare et du mauvais riche, qui ont tous deux des formes, puisqu'ils se parlent et se voient , et que le mauvais riche demande une goutle d'eau pour rafraichir sa langue. Saint Irenee, qui est de I'avis d'Origene, conclut du meme exemple que les ames se souviennent apres la mort de ce qu'elles ont fait en cette vie. Dans la harangue que fit Titus a ses soldats pour les engager a monter a I'assaut de la tour Antonia, au siege de Jerusalem, on remarque une opinion qui est a peu pres celle des Scandi- naves. Vous savez , leur dit-il , que les ames de AME — : ceux qui meurent a la guerre s'elevent jusqu'aux astres, et sont regues dans les regions siipe- rieures, d'ou elles apparaissent comme de bons genies ; tandis que ceux qui meurent dans leur lit, quoique ayant vecu dans la justice, sont plon- ges sous terre dans I'oubli et les tenebres *. II y a parmi les Siamois une secte qui croit que les ames vont et viennent ou elles veulent apres la mort; que celles des homnies qui ont bien vecu acquierent une nouvelle force, une vigueur extraordinaire, et qu'elles poursuivent, altaquent et maltraitent celles des mechants parlout ou elles les rencontrent. Platon dit, dans le neuvieme livre de ses Lois, que les ames de ceux qui ont peri de mort violente poursuivent avec fureur, dans I'autre monde, les ames de leurs meurtriers. Cette croyance s'est reproduite souvent et n'est pas eteinte partout. Les anciens pensaient que toutes les ames pouvaientrevenir apres la mort, excepte les ames des noyes. Servius en dit la raison : c'est que I'ame, dans leur opinion, n'etait autre chose qu'un feu, qui s'eteignait dans I'eau ; comme si le materiel pouvait detruire le spirituel. On salt que la mort est la separation de I'ame d'avec le corps. C'est une opinion de tous les temps et de tous les peuples que les ames en quillant ce monde passent dans un autre, meil- leur ou plus mauvais , selon leurs oeuvres. Les anciens donnaient au batelier Caron la charge de conduire les ames au sejour des ombres. On trouve une tradition analogue a cette croyance chez les vieux Bretons. Ces peuples placaient le sejour des ames dans une ile qui doit se trouver entre I'Angleterre et I'lslande. Les baleliers et pecheurs , dit Tzetzes, ne payaient aucun tribut, parce qu'ilsetaient charges de la corvee de passer les ames ; et voici comment cela se faisait : — Vers minuit, ils entendaient frapper a leur porte; ils suivaient sans voir personne jusqu'au rivage ; la ils troovaient des navires qui leur semblaient vides, mais qui etaient charges d'ames; ils les conduisaient a I'ile des Ombres, ou ils ne voyaient rien encore; mais ils entendaient les ames an- ciennes qui venaient recevoir et complimenter les nouvelles debarquees ; elles se nommaient par leurs noms, reconnaissaient leurs parents, etc. Les pecheurs, d'abord etonnes, s'accoutumaient a ces merveilles et reprenaient leur chemin. — Ces transports d'ames, qui pouvaient bien ca- cher une sorte de contrebande, n'ont plus lieu depuis que le Ghristianisme est venu apporter la vraie lumiere. On a vu parfois, s'il faut recevoir tous les re- cits des chroniqueurs, des ames errer par troupes. Dans le onzieme siecle , on vit passer pres de la ville de Narni une multitude infinie de gens 1 Josephs, De hello jud., liv. VI, cap. i, cite par D. Calmet, premiere partie du Traite des apparitions, ch. XVI. j — AME vetus de blanc , qui s'avancaient du cote de I'O- rient. Cette troupe defila depuis !e matin jusqu'a trois heures apres midi. Mais sur le soir elle di- minua considerablement. Tous les bourgeois monterent sur les murailles, craignantque ce ne fussent des troupes ennemies; ils les virent pas- ser avec une extreme surprise. Un citadin , plus resolu que les autres, sortit de la ville ; remar- quant dans la foule mysterieuse un homme de sa connaissance , il I'appela par son nom et lui de- manda ce que voulait dire cette multitude de pelerins. L'homme blanc lui repondit: « Nous sommes des ames qui , n'ayant point expie tous nos peches et n'etant pas encore assez pures , allons ainsi dans les lieux saints, en esprit de penitence ; nous venons de visiter ie tombeau de saint Martin, et nous allons a Notre-Dame de Farfe ^ » Le bourgeois de Narni fut tellement effraye de cette vision, qu'il en demeura malade pendant un an. Toute la ville de Narni, disent de se- rieuses relations , fut temoin de cette procession merveilleuse, qui se fit en plein jour. N'oublions pas, a propos du sujet qui nous occupe, une croyance tres-repandue en Allema- gne : c'est qu'on pent vendre son ame au diable. Dans tous les pactes faits avec I'esprit des tene- bres , celui qui s'engage vend son ame. Les Alle- mands ajoutent meme qu'apres cet horrible mar- che le vendeur n'a plus d'ombre. On conte a ce propos I'histoire d'un etudiant qui fit pacte avec le diable pour devenir I'epoux d'une jeune dame dont il ne pouvaitobtenir la main. II yreussit en vertu du pacte. Mais au moment de la ce- lebration du mariage, un rayon de soleil frappa les deux epoux qu'on allait unir; on s'apergut avec effroi que le jeune homme n'avait pas d'om- bre: on reconnut qu'il avait vendu son ame, et tout fut rompu. Generalement les insenses qui vendent lour ame font leurs conditions, et s'arrangent pour vivre un certain nombre d'annees apres le pacte. Mais si on vend sans fixer de terme, le diable, qui est presse de jouir, n'est pas toujours delicat ; et voici un trait qui merite attention : Trois ivrognes s'entretenaient, en buvant, de rimniorlalite de I'ame et des peines de I'cnfer. L'un d'eux commenga a s'en moquer, et dit la- dessus des stupidites dignes de la circonstance. C'etait dans un cabaret de village. Cependant survient un homme de haute stature, vetu gra- vement, qui s'assied pres des buveurs et leur demande de quoi ils rient. Le plaisant villageois le met au fait, ajoutant qu'il fait si peu de cas de son ame , qu'il est pret a la vendre au plus offrant et a bon marche, et qu'ils en boiront I'argent. « Et combien me la veux-tu vendre ? » dit le nouveau venu. Sans marchander, ils con- ' De cura pro mortuis, cite par D. Calmet, pre- miere partie , ch. xiv. AME — 27 - AMI viennent dn prix; I'acheteur en compte I'argent, et ilsleboivent. C'etait joie jusque-la. Mais, la nuit venant, I'acheteur dit : « II est temps, je pense, que chacun se retire chez sol ; celui qui a achete un cheval a le droit de I'emmener. Vous permet- trez done que je prenne ce qui est a moi. » Or, ce disant , il empoigne son vendeur tout trem- blant , et Temmene oh il n'avait pas cru aller si vite ; de telle sorte que jamais plus le pays n'en ouit nouvelles Voy. Mop.t. Ame damnee. On donne ce nom, a Constan- tinople, a I'alcyon voyageur, qui est tres-com- mun dans ce pays. Quelque rapide que soit son vol, il n'est jamais accompagne d'aucun bruit. On ne le voil jamais se poser, ni chercher, ni pren- dre sa nourriture. II a le dos noir, le ventre blanc. II plane toute la journee sur le Bosphore , et ne s'en ecarte rarement que pour y revenir avec precipitation. Ame des betes. Dans un petit ouvrage tres- spirituel sur Ydme des betes, un pere jesuite a ingenieusement developpe cette singuliere idee de quelques philosophes anciens, que les betes etaient animees par les demons les moins cou- pables, qui faisaient ainsi leur expiation. Voy. Albigeois. Ame du monde. « La force, sans cesse chan- geante, du sein de laquelle s'epanchent et se pre- cipitent sur nous tant de merveilles, c'est Ydme du monde, » nous dit Cornelius Agrippa, le grand heritier de I'Ecole d'Alexandrie , et cette ame feconde toute chose, tout etre que la nature en- fante ou que faconne I'art ! Elle le feconde cn y infusant ses proprietes celestes. Arrangees selon Les trois ivrognes. la formnle que la science enseigne, ces choses regoivent le don de nous communiquer leurs vertus. II suffit alors de les porter sur soi pour qu'elles operent sur le corps et sur I'dme. Tout aussitot vous les sentez produire en vous la ma- ladie ou la sante, I'audace ou la peur, la tristesse ou la joie , et nous devenons par elles tantot un objet de faveur et d'amour, tantot un objet de haine, d'horreur et d'abomination I « Ainsi, ajoute M. le chevalier Gougenot des Mousseaux, que nous transcrivons iciS I'ame du monde, la ' Use publie en ce moment (1862) a Geneve un journal dont void le litre : « Journal de I'dme, s'oc- cupant essentiellement des phenomenes d'intuilion ou de sentiment, et en parliculier de ceux relatifs a lapriere, auxsonges, a la contemplation, a I'extase, aiix visions, a la lucidite magnetique, a I'inslinct des animaux, aux phenomenes des tables, a ceux du crayon , etc. » Les prolestants commencent done a croire au dela de leur Bible? 2 De philosophia occulta, Cornelius Agrippa, p. 65, 239, etc. ^ Lamagieau dix-neuvieme siecle , p. 210, 211. grande force universelle et fluidique, devient sous nos doigts I'ame des talismans et des charmes du magnetisme ou de la sorcellerie ! Quel autre trait nous peindra plus au vif sa nature !. .. » Amenon. Les Chaldeens comptaient ce heros parmi leurs rois. lis disaient qu'il a regne douze sares. Or, s'il faut en croire les doctes, le sare est de trois mille six ans. Ce qui ferait un regne assez long. Amethyste, pierre precieuse d'un violet fonce, autrefois la neuvieme en ordre sur le pectoral du grand pretre des Juifs. Une vieille opinion populaire lui attribue la vertu de garantir de 1 ivresse. Amiante, espece de pierre incombustible, que Pline et les demonographes disentexcellenle centre les charmes de la magie*. Amilcar , general carthaginois. Assiegeant Sy- racuse, il crut entendre, pendant son sommeil, une voix qui I'assurait qu'il souperait le lende- ^ Delancre, De I' inconstance , etc., liv. IV, disc. iii. AMM — 28 main dans la ville. En consequence, il lit donner TassaiiL de bon uiaLin, esperanL enlever Syracuse et y souper, coinrne le lui promeltait son reve. II flit pris par les assieges et y soupa en effet, non pas en vainqiicLU", aiiisi qii'il s'y etait aL- tendii, mais en capLif, ce qui n'empecha pas le songe d'avoir predit juste'. Herodote conte encore qu'Amiicar, vaincu par Gelon, disparut vers la fin de la bataille, et qu'on ne le retrouva plus, si bien que les Carthaginois le mirent au rang de leurs dieux et lui offrirent des sacrifices. Ammon. Voy. Jupiter-Ammon. Amniomancie, divination sur la coiffe ou membrane qui enveloppe quelquefois la tete des enfanls naissanls, ainsi nommee de cetle coiffe que les medecins appelaient en grec amnios. Les sages-femmes predisaient le sort futur du nou- veau-ne par I'inspection de cette coiffe; elle an- noncait cl'heureuses destinees si elle etait rouge, et des malheurs si elle presentait une couleur plombee. Voy. Coiffe. Amon, ou Aamon, grand et puissant marquis de I'empire infernal. II a la figure d'un loup, avec unc queue de serpent ; il vomit de la llamnie ; lorsqu'il prend la forme hurnaine , il n'a de I'homme que le corps; sa tele ressemble a celle d'un hibou et son bee laisse voir des dents ca- AMP nines tros-effilees. G'esl le plus solide des princes des demons. II salt le passe et I'avenir, et recon- cilie, quand il le veut, les amis brouilles. II com- mando a quarante legions. Les Egyptiens voyaient dans Amon ou Amoun leur Dieu supreme; ils le representaient avec la peau bleue, sous une forme assez humaine. Amour. Parmi les croyances superslitieuses qui se rattachent innocemment a I'amour, nous citerons celle-ci , qu'an homme est generale- ment aime quand ses cheveux frisent naturelle- ment, A Roscoff, en Bretagne, les femmes, apres * Valere-Maxime. la messe, balayent la poussiere de la cbapelle de la Sainte-Union , la soufflent du cote par lequel leurs dpoux ou leurs fiances doivenL revenir, et se fiattent, au moyen de cet inoffeasif sortilege, de fixer le coeur de celui qu'elles aiinent*. Dans d'autres pays, on croit stupidement se faire ai- mer en attachant a son cou certains mots sepa- res par des croix. Voy. Philtrfs. Toy. aussi Rhom- bus. II y a eu des amnnts entraines par leurs pas- sions qui se sont donnes au demon pour etre heu- reux. On conle qu'un valet vendit son ame au diable a condition qu'il devien- drait I'epoux de la fille de son maitre, ce qui le rendit le plus infortune des hommes ^. On atlribue aussi a I'inspiralion des demons cerLaines amours monstrueuses, comme la pas- sion de Pygmalion pour sa statue. Un jeune homme devint pareillement eperdu pour la Ve- nus de Praxitele ; un Athenien se tua de deses- poir aux pieds de la statue de la Fortune, qu'il Irouvait insensible. Ces traits ne sont que des folies deplorables, pour ne pas dire plus. Amoymon, ou Amaimon, I'un des quatre rois de I'enfer, dont il gouverne la partie orien- tale. On I'evoque le matin , de neuf heures a midi, et le soir de trois a six heures. Asmodee est son lieutenant et le premier prince de ses Etats'. Amphiaraus, devin de I'antiquite, qui se ca- cha pour ne pas aller a la guerre de Thebes, parce qu'il avait prevu qu'il y mourrail; ce qui eut lieu lorsqu'on I'eut decouvert et force a s'y rendre. Mais on ajoule qu'il ressuscita. On lui eleva un temple dans I'Attique, pres d'une fon- laine sacree par laquelle il s'etait glisse en reve- nant des enfcrs. II guerissait les malades en leur indiquant des remedes dans des songes, comme font de nos jours ceux qui pratiquent le somnambulisme magnetique. II rendait aussi par ce moyen des oracles, moyennant argent. Apres les sacrifices , le consultant s'endormait sur une peau de mou- ton, et il lui venait un reve qu'on savait toujours interpreter apres I'evenement. On lui attribue des propheties ecrites en vers, qui ne sont pas venues jusqu'a nous. II inventa la pyromancie. Voy. ce mot. Amphiloque, devin qui, apres sa mort, rendit des oracles en Cilicie. Amphion. Pausanias , Wierus et beaucoup 1 Voyage de M. Cambry dans le Finistere, t. L 2 Voycz a ce propos,dans les Legendes infernales : Un pacte a Cesaree. 3 Wierus, in Pseitdomonarchia deem. AMP — 29 — AMP d'aiilres meltent Amphion an rang des habiles magiciens, parce qu'il rebatit les mars de Thebes au son de sa lyre. Amphisbene, serpenl auquel on atlribue deiix tetes aiix deux extremites, par lesquelles il mord egaleraent. Le docteur Brown a combaltu cette erreiir, que Pline avail adoptee. « On ne nie point, dit Brown \ qu'il n'y ait eu quelques serpents a deux tetes, dont chacune etait a I'extremite op- posee. Nous trouvons dans Aldrovandi un lezard de cette meme forme, et tel etait peut-etre I'amphisbene dont Cassien du Pay montra la figure au savant Faber. Cela arrive quelquefois aux animaux qui font plusieurs petits a la fois, et surtout aux serpents , dont les oeufs etant at- taches les uns aux aulres, peuvent s'unir sous diverses formes et s'eclore de la sorle. Mais ce sont la des productions monstrueuses, contraires a cette loi suivant laquelle toute creature en- gendre son semblable, et qui sont marquees comme irregulieres dans ie cours general de la nature. Nous douterons done que I'amphisbene soit une race de serpents a deux tetes, jusqu'a ce que le fait soit confirme. » Amrita. Breuvage de rimmortalile chez les Hindous. Leursdieux ont ete mortels pendant dix mille ans, a la suite desquels ils ont trouve le moyen de faire I'amrita, ce qui les a places hors des alteintes de la mort. Amschaspands. Genies du premier ordre chez les Persans. lis sont au nombre de six, et ont pour chef Ormusd ou Ormouzd. lis president avec lui aux sept planetes. Amulette, preservatif. On appelle ainsi cer- tains remedes superstitieux que Ton porte sur soi ou que Ton s'attache au cou pour se preserver de quelque maladie ou de quelque danger. Les Grecs les nommaient phylacteres, les Orientaux, talismans. C'etaient des images capricieuses (un scarabee chez les Egyptiens) , des morceaux de parchemin, de cuivre, d'etain, d'argent, ou en- core des pierres particulieres oii Ton avait trace certains caracteres ou certains hieroglyphes. Comrae cette superstition est nee d'un atta- chement excessif a la vie et d'une crainte pue- rile de tout ce qui peut nuire , le Christianisme n'est venu a bout de la detruire que chez les fideles ^. Des les premiers siecles de I'Eglise, les Peres et les conciles defendirent ces pratiques du paganisme. lis representerent les amulettes comme un resle idolatre de la confiance qu'on avait aux pretendusgenies gouverneurs du raonde. Le cure Thiers ' a rapporle un grand nombre de passages des Peres a ce sujet, et les canons de plusieurs conciles. Les lois humaines condamnerent aussi I'usage des amulettes. L'empereur Constance d^fendit 1 Essai sur les erreurs, liv. Ill, ch. xv. 2 Bergier, Dictionnaire theologique. 3 Traite des superstitions, liv. V, ch. i. d'employer les amulettes et les charmes a la gue- rison des maladies. Cette loi, rapporlee par Am- mien Marcellin, fut executee si severement, que Valentinien fit punir de mort une vieille femme qui otait la fievre avec des paroles charmees, et qu'il fit couper la tete a un jeune homme qui touchait un certain morceau de inarbre en pro- nongant sept lettres de I'alphabet pour guerir le mal d'eslomac. Mais comme il fallait des preservatifs aux es- prits fourvoyds, qui sont toujours le plus grand nombre, on trouva moyen d'eluder la loi. On fit des amulettes avec des morceaux de papier char- ges de versets de I'Ecriture sainte. Les lois se montrerent moins rigides contre cette coutume, et on laissa aux pretres le soin d'en moderer les abus. Les Grecs modernes, lorsqu'ils sont malades, ecrivent le nom de leur infirmite sur un papier triangulaire qu'ils atlachent a la porte de leur chambre. Ils ont grande foi a cette amulette. Quelques personnes portent sur elles le com- mencement de I'Evangile de saint Jean comme un preservatif contre le tonnerre; et, ce qui est as- sez particulier, c'est que les Turcs ont confiance a cette meme amulette, si Ton en croit Pierre Leloyer. Une autre question est de savoir si c'est une superstition de porter sur soi les reliques des saints , une croix , une image , une chose benite par les prieres de I'Eglise, un Agnus Dei, etc., et si Ton doit mettre ces choses au rang des amulettes, comme le pretendent les protestanls. — Nous reconnaissons que si Ton attribue a ces choses la vertu surnaLurelle de preserver d'acci- dents, de mort subite, de mort daus I'etat de peche, etc, c'est une superstition. Elle n'est pas du meme genre que celle des amulettes , dont le pretendu pouvoir ne peut pas se rapporter a Dieu ; mais c'est ce que les theologiens appellent une vaine observance , parce que Ton atlribue a des choses sain Les et respectables un pouvoir que Dieu n'y a point attache. Un Chretien bien instruit ne les envisage point ainsi; il sail que les saints ne peuvent nous secourir que par leurs prieres et par leur intercession aupres de Dieu. C'est pour cela que I'Eglise a decide qu'il est utile et louable de les honorer et de les invoquer. Or c'est un signe d'invocation et de respect a leur egard de porter sur soi leur image ou leurs reliques; de meme que c'est une marque d'af- fection et de respect pour une personne que de garder son portrait ou quelque chose qui lui ait appartenu. Ce n'est done ni une vaine obser- vance ni une folle confiance d'esperer qu'en consideration de I'affeclion et du respect que nous temoignons a un saint, il intercedera et priera pour nous. II en est de meme des croix et des Agnus DeiK ' Bergier. Dictionnaire theologique. AMY — 30 On lit dans Thyrseus* qu'en 1568, dans le du- ch^ de Juliers, le prince d'Orange condamna an prisonnier espagnol a mourir; que ses soldals I'allacherent a un arbre et s'efforcerent de le luer a coups d'arquebuse; mais que leurs balles ne I'atteignirent point. On le deshabilla pour s'assurer s'il n'avait pas sur la peau une armure qui arrelat le coup; on trouva une amulette por- tant la figure d'un agneau: on la lui ota, et le premier coup de fusil I'etendit roide mort. On voit dans la vieille clironique de don Ur- sine que quand sa mere I'envoya, tout petit enfant qu'il etait, a Saint-Jacques de Compostelle, elle lui mit au cou une amulette que son epoux avait arrachee a un chevalier maure. La vertu de cette amulette etait d'adoucir la fureur des betes cruelles. En traversant une foret, une ourse enleva le petit prince des mains de sa nourrice et I'emporta dans sa caverne. Mais, loin de lui faire aucun mal , elle I'eleva avec len- dresse; il devint par la suite tres-fameux sous le nora de don Ursino , qu'il devait a I'ourse , sa nourrice sauvage , et il fut reconnu par son pere , a qui la legende dit qu'il succeda sur le trone de Navarre, Les negres croient beaucoup a la puissance des amulettes. Les bas Bretons leur attribuent le pouvoir de repousser le demon. Dans le Finis- tere, quand on porle un enfant au bapteme, on lui met au cou un morceau de pain noir, pour eloigner les sorts et les malefices que les vieilles sorcieres pourraient jeter sur lui ^ Voij. Ales. Amy, grand president aux enfers, et I'un des princes de la monarchie infernale. 11 parail la- bas environne de flammes , mais il affecte sur la terre des traits humains. II enseigne les secrets de I'astrologie et des arts liberaux ; il donne de bons domestiques ; il decouvre a ses amis les tresors gardes par les demons ; il est prefet de Irente-six legions. Des anges dechus et des puis- sances sont sous ses ordres. 11 espere qu'apres deux cent mille ans il retournera dans le ciel ANA 1 Disp. de dwmoniac, pars III, cop. xlv. 2 On lit dans les observations de Thomas Campbell sur Alger : « 11 y a dans I'Algerie quelques Maures et quelques Juifs qui se pretendent docteurs, et des femmes qui se disent accoucheuses. Mais les medecins et les chirurgiens du pays ne savenl pas un mot d'anatomie ; ils ignorent jusqu'au nom des drogues qu'ils prennent a tort et a travers. En chirurgie, ils ne savent pas meme manier la lancetle.Iin medeciiie, ils viennent au secours d'une colique, de la pierre et de la pleuresie-, par I'application d'un fer rouge sur la partie souffrante : ce traitement force souvent le patient a crier qu'il est gueri , afm qu'on cesse le remede. lis saignent avec un rasoir, et arretent les hemorrhagies avec de la poix! Le docteur Abernethy, dans une lecon sur le goitre , disait qu'il ne savait comment guerir cette maladie , et que peut-etre la meilleure ordonnance serait de siffler. II est possible, en verite , que les amulettes donnees aux Algeriens par leurs marabouts soient les rem^des les plus in- nocents de leur pharmacie. » pour y occuper le seplieme trone ; ce qui n'est pas croyable, dit Wierus Amyraut (Moise), Iheologien protestant, ne dans I'Anjou en 1596, mort en 166/). On lui doit un Traile des sotiges, aujourd'hui peu recherche. Anabaptistes, secte nee de Luther, qui re- baptisait; ce que signifie son nom. Voij. Jean de LeYDE et MUNCER. Anagramme. II y eut des gens , surtout dans les quinzieme et seizieme siecles, qui preten- daient trouver des sens caches dans les mots qu'ils decomposaient , et une divination dans les anagrammes. On cite comme une des plus cu- rieuses celle que Ton fit sur le meurtrier de Henri 111, Frcre dit Jacques Clement, oil Ton trouve : C'est I'enfer qui m'a cree. — Deux reli- ligieux en dispute , le pere Proust et le pere d'Orlians, faisaient des anagrammes; le pere Proust trouva dans le nom de son confrere : I'Asne d'or, et le pere d'Qrleans decouvrit dans celui du pere Proust : Pur sot. Un nomme AndrdPujon, de la haute Auvergne, passant par Lyon pour se rendre a Paris, reva la nuit que Tanagramme de son nom etait : pendu d Iliom. En effet, on ajoute que le lendemain il s'eleva une querelle entre lui et un homme de son auberge, qu'il tua son adversaire, et qu'il fut pendu huit jours apres sur la place publique de Riom. — C'est un vieux conte renouvele. On voit dans Delancre ^ que le pendu s'appelait Jean de Pruom , dont I'anagramme est la meme. J.-B. Rousseau , qui ne voulait pas reconnaitre son pere, parce que ce n'etait qu'un humble cordonnier, avait pris le nom de Verniettes, dont I'anagramine fut faite ; on y trouva : Tu te rentes. On lit de Pierre de Ronsard rose de Pindare , — L'anagramme de monde est ddmon; I'anagramine d'Amiens, en amis; celle de Lamartine , mal t'en ira; celle de revolution frangaise, un Corse te finira; en 18/|8, on a trouve insolemment dans ces troisnoms: A. Thiers, Odilon Barrot,Cham- bolle, trois AUhoron de la Chamhre. On donna le nom de cabale a la ligue des fa- voris de Charles 11 d'Angleterre , qui etaienl Clifford, Ashley, Buckingham, Arlington , Lau- derdale, parce que les initiates des noms de ces cinq ministres formaient le mot cabal. On voulut presenter comine une prophetie cette anagramme de Louis quatorzicme, roi de France et de Navarre : ((Va, Dieu confondra I'ar- mee qui osera te resister... » Parfois les anagrammes donnent pourtant un sens qui etonne. Qu'est-ce que la verite ? Qtnd est Veritas? demande Pilate a I'Homme-Dieu; et il se leve sans attendre la reponse. Mais elle est dans la question, dont l'anagramme donne exac- tement : Est vir qui adest, c'est celui qui est de- vanl vous. ' In Pseudomon. dcemonum. 2 L' incredulite et mecreance, etc., traite V. ANA 51 ANA Les Juifs cabalistes ont fait des anagrammes la troisieme partie de leur cabale : leur but est de trouver dans la transposition des lettres ou des mots des sens caches ou raysterieux. Voy. Ono- MANCIE. Anamelech , ou Anamajech , demon obscur, porteur de mauvaises nouvelles. II etait adore a Sepharvaim, ville des Assyriens. II s'est montre sous la figure d'une caille. Son nom signifie, a ce qu'on dit, hon roi; et des doctes assurent que ce demon est la lune, et Adramelecli le soleil. II joue un role dans le poeme oii Gessner a chante la mort d'iVbel. Anancitide. Voy. Aglaophotis. Anania ou Anagni (Jean d'), jurisconsulte du quinzieme siecle, a qui on doit quatre livres De la nature des demons et un traite De la magie et des malefices Ces ouvrages sont peu connus. Anania mourut en Italie en l/i58. Ananisapta. Les cabalistes disent que ce mot, ecrit sur un parchemin vierge , est un talisman tres-elEcace contre les maladies. Les lettres qui le composent sont , a leur avis , les initiales des raols qui forment la priere suivante : Antidotum Nazareni Auferat Necem Intoxicationis , Sq,ncti.- Jicet Alimenta Poculaque Trinitas Alma. Anansie, C'est le nom de I'araignee gigan- tesque et toute-puissante a qui les negres de la Cote-d'Or attribuent la creation de I'homme. Voy. Araignee. Anarazel, I'un des demons charges de la garde des tresors souterrains , qu'ils transportent d'un lieu a un autre pour les derober aux recher- ches des homraes. Anarazel, avec ses compa- gnons Gaziel et Fecor, ebranle les fondements des raaisons , excite les tempetes , sonne les 1 Denaturadcemonum, lib. IV, in-l 2; Neapoli, 1 562. 2 De magia et maleficiis, in-4°; Lugduni, 1669. cloches a minuit, fait paraitre les spectres et inspire les terreurs nocturnes. Anatheme. Ce mot, tire du grec, signifie ex- pose, signaU , devoue. On donnait chez les paiens le nom d'anatheraes aux filets qu'un pecheur de- posait sur I'autel des nymphes de la mer, au miroir que Lais consacra a Venus , aux offrandes de coupes, de vetements, d'instruments et de figures diverses. On I'appliqua ensuite aux objets odieux que Ton exposait dans un autre sens, comme la tete ou les depouilles d'un coupable; et Ton appela anatheme la victime vouee aux dieux infernaux. Chez les Juifs I'anatheme a ete generalement pris ainsi enmauvaise part; chez les Chretiens c'est la malediction ou I'etre maudit. L'homme frappe d'anatheme est retranche^de la communion des fideles. II y a beaucoup d'exemples qui prouvent les effets de I'anatheme; et comment expliquer ce fait constant, que peu d'excommunies lont pro- spere? — Foy. Excommunication. Les magiciens et les devins emploient une sorte d'anatheme pour decouvrir les voleurs et les ma- lefices : voici cette superstition. Nous prevenons ceux que les details pourraient scandaliser qu'ils sont extraits des grimoires. — On prend de I'eau limpide , on rassemble autant de petites pierres qu'il y a de personnes soupQonnees, on les fait bouillir dans cette eau, on les enterre sous le seuil de la porte par oia doit passer le voleur ou la sorciere, en y joignant une lame d'etain sur laquelle sont ecrits ces mots : Christus vincit , Chris tus regnat, Christus imperat. On a eu soin de donner a chaque pierre le nom de I'une des personnes qu'on a lieu de soupgonner. — On ote le tout de dessus le seuil de la porte au lever du soleil ; si la pierre qui represente le coupable est brulante, c'est deja un indice. Mais, comme le diable est sournois , il ne faut pas s'en con tenter ; on recite done les sept psaumes de la penitence avec les litanies des saints ; on prononce ensuite les prieres de I'exorcisme contre le voleur ou la sorciere; on ecrit son nom dans un cercle, on plante sur ce nom un clou d'airain de forme triangulaire , qu'il faut enfoncer avec un marteau dont le manche soit de bois de cypres , et on dit quelques paroles prescrites a cet effet. Alors le voleur se trahit par un grand cri. S'il s'agit d'une sorciere, et qu'on veuille seu- lement oter le maleficd pour le rejeter sur cells qui I'a fait , on prend , le samedi , avant le lever, du soleil , une branche de coudrier d'une annee , et on dit I'oraison suivante : « Je te coupe, ra- » meau de cette annee, au nom de celui que je » veux blesser comme je te blesse. » On met la branche sur la table , en repetant trois fois une certaine priere * qui se termine par ces mots : 1 On ajoute aux paroles saintes du signe de la croix : Droch, Mirroch, Esenaroth, Betubaroch, Assmaaroth, qu'on entremele de signes de croix ANA — 32 — ANE Que le sorcier ou la sorciere soit anatheme , el nous saufs!... Anatolius , philosophe platonicien , maitre de Jambliqiie, el aiileur d'un Iraile Des sijmpalhies ct des antipalhks , donl Fabriciiis a conserve quelqiics fragments dans sa Bibliolheque grecqiie. Anaxilas, philosophe pythagoricien qui vivait sous AugusLe. On I'accusa de magie, parce qu'il faisait de manvaises experiences de physique, el Augiiste le bannit. II ful Tinvenleur du Jlnmheau infernal, qui consiste a briiler du soufro dans un lieu prive de lumiere , ce qui rend les assistants fori laids. Andaine, fee suzeraine ou reine, qui chassait avec sa suite dans les bois du chateau de Ras- nes, et qui en epousa le seigneur*. Anderson (Alexandre). Voy. Vampires, a la fin de I'arlicle. Andrade, medecin qui eut des revelations en 853. Elles sont peu curieuses ; cependant Du- chesne les a recueillies dans sa collection des historiens franqais ^ Andras, grand marquis aux enfers. On le voit avec le corps d'un ange, la tele d'un chat-huant. a cheval sur un loup noir et porlant a la main un sabre pointu. II apprend a ceux qu'il favorise a tuer leurs ennemis, mailres et serviteurs; c'est lui qui eleve les discordes et les querelles; il commando Irenle legions. Andre (Tobie), auteur d'un livre Sur le pou- voir des mauvais anges, rare et peu recherche Dix-seplieme siecle. Andreae (Jean-Valentin), lulherien, ne dans le duche de Wurtemberg en 1596, morl en 165/i. Ses connaissances confuses, son aclivile ' Voyez sa Icgende dans les Legendes des esprits et demons. 2 Excerpta libri revelationum Andradi medici, anno 853, tonio II, Scriptorum And. DLicliesno. 3 TobicC Andreaj Exercitationes philosophicce de angelorum maloruni potentia in corpora, in-'12; Amstel., 1691. mal reglee, les mysterieuses allusions qui se re- marquent dans ses premiers ouvrages. Font fait regarder comme le fondaleur du fameux ordre des Rose -Croix. Plusieurs ecrivains allemands lui atlribuenl au moins la reorganisation de cet ordre secret , afiilie depuis a celui des Francs- Maqons, qui reverent encore la memoire d'An- dreae. — Ses ouvrages, au nombre de cent, pre- chent generalement la necessile des socieles secretes , surloul la Repuhliqne ChrislianGpoli- laiiic, la Tour de Babel, le Chaos des jitgcmeiits portes sur la fraternite de la Rose-Croix, VIdee d'urie socicle chrcticnne , la Reforme gcnerale da monde, el les Noccs chimiqucs de Chrelien Roscn- creutz. — On altribue a Andrece des voyages merveilleux, une existence pleine de mystere, et des prodiges qu'on a copies recemment en grande parlie dans la peinture qu'on nous a faite des lours de passe-passe de Caglioslro. Andriague, animal fabuleux, espece de che- val ou de grillbn aile , que les romans de chevn- lerie donnenl quelquefois aux magiciens, qu'iis pretent meme a leurs heros, et qu'on relrouve aussi dans des conies de fees. Androalphus, puissant demon, marquis de I'empire infernal ; il se montre sous la figure d'un paon a la voix grave. Quand il parait avec la forme humaine, on pent le contraindre a don- ner des leqons de geometrie. II est astronome, et il enseigne de plus a ergoter habilement. Il donne aux hommes des figures d'oiseaux ; ce qui pcrmet a ceux qui commercent avec lui d'eviler la griffe des juges. Trente legions sonl sous ses ordres K Androgina. Bodin et Delancre content^ qu'en 1536, a Casale, en Piemont, on remarqtia qu'une sorciere, nommee Androgina, enlrail dans les maisons, et que bienlol apres on y mourait. Elle ful prise el livree aux juges ; elle confessa que quaranle sorcieres ses compagnes avaient compose avec elle le malefice. C'elait un on- guenl donl elles allaient graisser les loquets des portes; ceux qui touchaient ces loquets niou- raienl en peu de jours. — « La meme chose ad- vinl a Geneve en 1563, ajoule Delancre, si bien qu'elles y mirent la peste, qui dura plus de sept ans. Cent soixanle-dix sorcieres avaient ete executees a Rome pour cas semblable , sous le consulat de Claudius Marcellus et de Valerius Flaccus : mais la sorcellerie n'etant pos encore bien reconnue, on les prenait simplement alors pour ce qu'elles elaienl : des empoisonneu- ses » Androides, automates a figure humaine. — Voij. ALBr.iiT LK Grand. Ana. Les Egypliens traqaient son image sur les galeaux qu'iis offraient a Typhon , dicu du ' Wierus, in Pseudomon. dcemon. 2 Demonomanle , liv. IV, ch. iv. Tableau de I'in- constancc, etc., liv. II, disc. iv. ANE — 33 — ANG mal. Les Remains regardaient la rencontre de I'ane comme un mauvais presage. Mais cet ani- mal etait lionore dans I'Arabie. Certains peuples trouvaient quelque chose de mysterieux dans cette innocente bete, et on pra- tiquait autrefois iine divination dans laquelle on employait one tete.d'ane. Foy. Kephalonomancie. Ce n'est pas ici le lieu de parler de la fete de I'Ane. Mais relevons une croyance populaire qui fait de la croix noire qu'il porte sur le dos une distinction accordee a I'espece, a cause de I'a- nesse de Bethphage. C'est un fait assez singu'ier. Chez les Indiens du Madure, une des premie- res castes, celle des cavaravadouks, pretend des- cendre d'un ane ; ceux de cette caste traitent les anes en freres, prennent leur defense, poursui- vent en justice, et font condamner a I'amende quiconque les charge trop ou les bat et les ou- trage sans raison. Dans les temps de pluie, ils donneront le couvert a un ane avant de le don- ner a son conducteur, s'il n'est pas de certaine condition Voici une vieille fable sur I'ane : Jupiter ve- nait de prendre possession de I'empire ; les hommes, a son avenement, lui demanderent un printemps eternel, ce qu'il leur accorda; il char- gea Fane de Silene de porter sur la terre ce pre- sent. L'ane eut soif, et s'approcha d'une fon- taine; le serpent qui la gardait, pour lui permet- tre d'y boire, lui demanda le tresor dont il etait porteur, et le pauvre animal troqua le don du ciel contre un peu d'eau. C'est depuis ce temps, dit-on, que les vieux serpents changent de peau et rajeunissent perpetuellement, Mais il y a des anes plus adroits que celui-la : a une demi-lieue du Kaire se trouvait, dans une grande bourgade , un bateleur qui avait un ane si instruit que les raanants le prenaient pour un demon deguise. Son maitre le faisait danser ; en- suite il lui disait que le soudan voulait construire un bel edifice, et qu'il avait resolu d'employer tous les anes du Kaire a porter la chaux, le mor- * Saint-Foix, Essai sur Paris, tome II. tier et la pierre. Aussitot l'ane se laissait tom- ber, roidissait les jambes , et fermait les yeux corame s'il eut ete mort. Le bateleur se plaignait de la mort de son ane, et priait qu'on lui donnat un peu d'argent pour en acheter un autre. Apres avoir recueilli quelque monnaie : Ah ! disait-il , il n'est pas mort , mais il a fait sem- blant de I'etre, parce qu'il sait que je n'ai pas le moyen de le nourrir. — Leve-toi, ajoutait-il. — L'ane n'en faisait rien. Ce que voyant, le maitre annongait que le soudan avait fait crier a son de trompe que le peuple eut a se trouver le lende- main hors de la ville du Kaire pour y voir de grandes magnificences.' — II veut. poursuivait-il, que les plus nobles dames soient montees sur des anes. . . L'ane se levait a ces mots, dressant la tete et les oreilles en signe de joie. — II est vrai , re- prenait le bateleur, que le gouverneur de mon quartier m'a prie de lui preter le mien pour sa femme , qui est une vieille roupilleuse edentee. L'ane baissait aussitot les oreilles, et commen- Qait a clocher comme s'il eut ete boiteux ^ Ces anes merveiileux, disent les demonogra- phes, etaient sinon des demons, au moins des hommes metamorphoses ; comme Apulee , qui fut, ainsi qu'on sait, transmue en ane. L'auteur du Speculum natures raconte la legende de deux femmes qui tenaient une petite auberge aupres de Rome, et qui allaient vendre leurs botes au marche apres les avoir changes en pourceaux , en poulets, en moutons. Une d'eiles, ajoute-t-il, transforma un comedien en ane, et comme il conservait ses talents sous sa nouvelle peau, elle le menait dans les foires des environs, oij il lui gagnait beaucoup d'argent. Un voisin acheta tres- cher cet ane savant. En le lui livrant, la sorciere se borna a lui recommander de ne pas le laisser entrer dans I'eau, ce que le nouveau maitre de l'ane observa quelque temps. Mais un jour le pauvre animal , ayant trouve moyen de rompre son licou , se jeta dans un lac , ou il reprit sa forme naturelle, au grand etonnement de son conducteur. L'affaire, dit le conte, fut portee au juge, qui fit chatier les deux sorcieres. Les rabbins font tres-grand cas de I'anesse de Balaam. C'est, disent-ils, un animal privilegie que Dieu forma a la fin du sixieme jour, Abra- ham se servit d'elle pour porter le bois destine au sacrifice d'Isaac ; elle porta ensuite la femme et le fils de Moise dans le desert. lis assurent que cette anesse est soigneusement nourrie, et reser- vee dans un lieu secret jusqu'a I'avenement du Messie juif, qui doit la monter pour soumetlre toute la terre. Votj. Borack. Angada, roi des singes ; il aida le dieu Rama (septieme incarnation de Vichnou) dans son ex- pedition contre Ravana. 1 Leon Africanus, part. VIII, della Africa, cite dans Leloycr. ANG ANG Angat. Noin du diable a Madagascar, ou il est regarde comme un genie sanguinaire et cruel. On lui donne la figure du serpent. Angelieri, Sicilien du dix-septieme siecle qui n'est connu que par un fatras dont il publia deux volumes, et dont il en promettait vingt-quatre , sous le titre de Lumiere magique, ou origine, ordre et gouvernement de toules les choses ce- lestes, terrestres et infernales, etc. *. Mongitore en parle dans le tome I" de sa Bihliotheque sici- lienne. Angelique , plante qui passe pour un preser- vatif centre les fascinations de la magie. On la mettait en nianiere d'amulelte au cou des petils enfanls pour les garanlir des ma- lefices. Angerbode ou Angurbode,fem- me gigantesque qui se maria avec Lock, selon I'opi- nion des Scandi- naves, et qui en- fanta trois mons- tres : le loup Fen- ris, le serpent Jor- mungandur et la demone Hela, qui garde le monde souterrain. Anges. Saint Augustin prouve que les anges out ete crees dans I'ceuvre des six ours, car ils ne I'ontpasete avant, puisqa'il n'existait alors aucune crea- ture; ils ne I'ont Anges paseteapres,puis- que Dieu dit dans I'Ecriture : « Quand les astres )>furent formes, tous mes anges me louerent a » haute voix. » lis ont probablement rcQU I'exis- tence quand le Createur dit : « Que la lumiere » soit ! » parole qui s'applique toujours tout en- semble, suivant le grand eveqiie d'Hippone, au monde visible et au monde invisible. Quel est leur nombre ? Daniel en vit mille mil- lions qui servaient le Seigneur, et dix mille mil- lions qui etaient devant lui. Les bienheureuses armees des esprits superieurs fonnent , dit I'A- reopagite, une multitude que nous ne pouvons * Lux magica academica, coelestium, terrestnum et infernoruni origo, ordo et subordinatio cunctorutn, quoad esse, peri et operari, XXIV voluminibus di- visa. Pars I, Venise, 1686, sous le nom de Livio Betani; pars II, Venise, 1687. Ces deux volumes sent in-4°. compter. Puisque Dieu veut la perfection dans ses ouvrages , poursuit I'Ange de I'ecole , plus une chose est parfaite, plus elle est multipliee; de sorte que les substances immaterielles sent incoinparablement plus nombreuses que les sub- stances materielles. La theologie a donne des ailes aux anges, dit saint Denis I'Areopagite, pour marquer la cele- rite de leur mouvement. Tertullien reprend : lis peuvent se transporter partout en un moment. Albert le Grand signale quelques erreurs sur le mouvement angelique. « Les uns croient, dit-il, que les anges se meuvent par la pensee. Opinion fausse. Qii^iiid je me represente Constantinople, Calcutta , Canton , ma pensee ne tra- verse pas les re- gions de rOrient ; elle trouvela,dans moii cerveau, les ideas qui fixent son regard. Si done les esprits cdlestes se mouvaient com- me la pensee, ils resteraient dans le meme lieu. >i Albert le Grand continue : « D'au- tres pensent que les anges se meu- vent par I'effet des vertus qui leur obeissent. Cetle opinion va droit a I'heresie : elle estcontraireal'en- seignement des livres saints. Com- mander a des for- ces actives , leur donner I'impul- sion, les diriger en quelque sorte a travers I'espace, ce. n'est passe mouvoir soi-meme. Or, I'Ecriture sainte attribue en mille endroits le mouvement personnel aux celestes intelli- gences. D'autres disent enfin que les anges se meuvent par la faculte qu'ils ont d'etre en meme temps dans plusieurs lieux, meme partout quand ils le desirent, Mais cette opinion merite aussi la note d'heresie. L'etre qui est partout ne se meut point, et un esprit superieur qui pour- rait etre partout serait immense , infini : il serait Dieu *. Les Juifs, a I'exception des sadduceens, ad- mettaient et honoraient les anges, en qui ils voyaient, comme nous, des substances spiri- tuelles, intelligentes , les premieres en dignile 1 M. I'abbe Lachat, Analyse du livre de M. I' abbe Thibuudet sur les esprits. ANG — 35 — ANG enlre les creatures, et qui, pour nous, n'ont au-dessus d'eux que la sainte Vierge. Les rabbins, qui depuis la dispersion ont tout allere, et qui placent la creation des anges au second jour, ajoutent qu'ayant ete appeles au conseil de Dieu, lorsqu'il voulut former riiomme, leurs avis furent parlages, et que Dieu fit Adam a leur insu , pour eviter leurs murmures. lis re- procherent neanmoins a Dieu d'avoir donne trop d'empire a Adam. Dieu soutint I'excellence de son ouvrage , parce que I'homme devait le louer sur la terre, comme les anges le louaisnt dans le ciel. II leur demanda ensuite s'ils savaient le nom de toules les creatures? lis repondirent que non; et Adam, qui parut aussitot, les recita tous sans hesiter, ce qui les confondit. L'Ecriture sainte a conserve quelquefois aux demons le nom d'anges, mais anges de tenebres, anges dechus ou mauvais anges. Leur chef est appele le grand dragon et I'ancien serpent, a cause de la forme qu'il prit pour tenter la femme. Zoroastre enseignait I'existence d'un nombre infini d'anges ou d'esprits rnediateurs, auxquels 11 attribuait non-seulement un pouvoir d'inter- cession subordonne a la providence continuelle de Dieu , mais un pouvoir aussi absolu que celui que les paiens pretaient a leurs dieux C'est le culte rendu a des dieux secondaires que saint Paul a condamne Les musulmans croient que les hommes ont ^hacun deux anges gardiens , dont I'un ecrit le bien qu'ils font, et I'autre le raal. Ces anges sont sibons, ajoutent-ils , que, quand celui qui es^ ^ Bergier, Dictionnaire theologique. 2 Coloss., cap. II, vers. 4 8. sous leur garde fait une mauvaise action, ils le laissent dormir avant de I'enregistrer, esperant qu'il pourra se repentir a son reveil. Les Per- sans donnent a chaque homme cinq anges gar- diens, places : le premier a sa droile pour ecrire ses bonnes actions , le second a sa gauche pour ecrire les mauvaises, le troisieme devant lui pour le conduire, le quatrieme derriere pour le ga- rantir des demons, et le cinquieme devant son front pour tenir son esprit eleve vers le Pro- phete. D'autres eh ce pays portent le nombre des anges gardiens de chaque homme jusqu'a cent soixante; ce qui est une grande vanile. Les Siamois divisent les anges en sept ordres, et les chargent de la garde des planeles, des villes, des personnes. Ils disent que c'est pen- dant qu'on eternue que les mauvais anges ecrivent les fautes des hommes. Les theologiens admettent neuf chceurs d'anges, en trois hierarchies : les seraphins , les cheru- bins , les trones ; — les dominations , les princi- pautes , les vertus des cieux ; — les puissances , les archanges et les anges. Parce que des anges , en certaines occasions ou Dieu I'a voulu , ont secouru les Juifs contra leurs enneinis, les peuples modernes ont quel- quefois attendu le meme prodige. Le jour de la prise de Constantinople par Mahomet II, lesGrecs schismatiques, comptant sur la prophetie d'un de leurs moines, se persuadaient que les Turcs n'entreraient pas dans la ville, mais qu'ils se- raient arretes aux murailles par un ange arrae d'un glaive, qui les chasserait et les repousserait jusqu'aux frontieres de la Perse. Quand I'ennemi parut sur la breche, le peuple et Tarniee se re- fugierent dans le temple de Sainte-Sophie, sans avoir perdu tout espoir ; mais I'ange n'arriva pas, et la ville fut saccagee. Cardan raconte qu'un jour qu'il etait a Milan , le bruit se repandit tout a coup qu'il y avait un ange dans les airs au-dessus de la ville. II ac- courut et vit, ainsi que deux mille personnes rassemblees.un ange qui planait dans les nuages, anne d'une longue epee et les ailes etendues. 3. ANG — 36 — ANI Les habitants s'ecriaient que c'etail I'ange exter- minateur ; et la consternation devenait generale , lorsqu'un ecclesiastique fit remarquer que ce qu'on voyait n'etait que la representation dans les nuees d'un ange de marbre blanc place an haut du clocher de Saint-Gothard. Angeweiller (Le comte d') epoiise de la main gauche une fee qui Uii laisse des dons mer- veilleux. Voy. Fees Anguekkok, espece de sorciers auxquels les Groenlandais ont recours dans leurs embarras. Quand les veaux marins ne se inontrent pas en assez grand nombre, on va prier I'anguekkok d'al- ler trouver la femme pro- digieuse qui, selon la tradition, a trainc la grande ile de Disco de la riviere de Baal , ou elle^ etait situee autrefois, pour la placer a plus de cent lieues de la , a I'en- droit ou elle se trouve aujourd'hui. D'apres la legende , cette femme habite an fond de la mer, dans une vaste mai- son gardee par les veaux marins; des oiseaux de mer nagent dans sa lampe d'huile de pois- son, et les habitants de I'abime se reunissent au- tour d'elle, attires par son eclat, sans pouvoir la quitter, jusqu'a ce que I'anguekkok la sai- sisse par les cheveux, et, lui enlevant sa coif- fure , ronipe le charme qui les retenait aupres d'elle. Quand un Groenlandais lombe malade, c'est encore I'anguekkok qui lui sert de medecin ; il se charge egalemenl de guerir les maus du corps et ceux de I'ame Voy. Torngausuk. Anguille. Les livres de secrets merveilleux donnent a I'anguille des vertus surprenantes. Si on la laisse mourir hors de I'eau, qu'on metle snsuite son corps entier dans de fort vinaigre mele avec du sang de vautour, et qu'on place le tout sous du fumier, cette composition » fera ressusciter tout ce qui lui sera presente , et lui redonnera la vie comme auparavant^ ». Des autorites de la meme force disent encore que celui qui mange le coeur tout chaud d'une anguille sera saisi d'un instinct prophelique, et predira les choses futures. 1 Voyez aussi la Fee d'Angeweiller , dans les Le- gendcs des esprits et des demons. . 2 ExpMitioti du capitaine Graah dans le Groenland. 3 Admirables secrets d' Albert le Grand, liv. 11, ch. III. Les Egyptiens adoraient I'anguille, que leurs pretres .seals avaient droit de manger. On a beauconp parle , dans le dernier siecle , des anguilles formees de farine ou de jus de mou- ton ; c'etait une de ces plai'santeries qu'on appelle aujourd'hui des canards. N'oublions pas le petit trait d'un avare, rap- porte par Guillaume de Malmesbury, doyen d'Elgin, dans la province de Murray, en Ecosse, lequel avare fut, par magie, change en anguille et mis en matelote Animaux. lis jouent un grand role dans les anciennes mythologies. Les paiens en adoraient plusieurs, ou par terreur, ou par reconnaissance, ou par suite des doctrines de la metempsycose. Ghaque dieu avait un animal qui lui etait devoue. Les anciens philosophes avaient parfois, au sujet des animaux, de singulieres idees. Celse, qui a ele si bien battu par Origene, soutenaitque les animaux ont plus de raison , plus de sagesse, plus de vertu que I'homme (peut-etre jugeail-il d'apres lui-meme), et qu'ils sont dans un com- merce plus intime avec la Divinite. Quelques-uns ont cherche dans de telles idees I'origine du culte que les Egyptiens rendaient a plusieurs animaux. Mais d'autres mythologues vous diront que ces animaux etaient reveres, parce qu'ils avaient prele leur peau au\ dieux egyptiens en deroute et obliges de se travestir. Voy. A me des BETES. Divers animaux sont tres-reputes dans la sor- cellerie, comme le coq, le chat, le crapaud, le bouc, le loup, le chien, ou parce qu'ils accom- pagnent les sorcieres au sabbat, ou pour les presages qu'ils donnent, ou parce que les magi- ciens et les demons emprunlent leurs formes. Nous en parlerons a leurs articles particuliers. Dix animaux sont admis dans le paradis de Mahomet : la baleine de Jonas, la fourmi de Sa- lomon, le belier d'Ismael, le veau d'Abraham, I'anesse de Balaam , la chamelle du propheto Saleh , le boeuf de Moise, le chien des sept dor- mants , le coucou deBalkis, reine de Saba, el la mule de Mahomet. Voy. Borack. Nous ne dirons qu'un mot d'une erreur popu- laire qui, aujourd'hui, n'est plus tres-enracinee. On croyait autrefois que toutes les especes qui sont sui: la terre se trouvaient aussi dans la mer. Le doc ten r Brown a prouve que cette opinion n'etait pas fondee. « 11 serait bien dilTicile, dit-il, de trouver I'huitre sur la terre; et la panthere, le chameau , la taupe ne se rencontrent pas dans I'histoire naturelle des poissons. D'ailleurs le re- nard, le chien, I'ane, le lievre de mer ne res- semblent pas aux animaux terrestres qui portent le meme nom. Le clveval marin n'est pas plus un cheval qu'un aigle; le boeuf de mer n'est qu'une grosse raie ; le lion marin , une espece d'ecre- ' Cite par M. Salgues, Des erreurs et des pre- jucjes. ANI — 37 — ANN visse; et le chien marin ne represente pas plus le chien de terre que celui-ci ne ressemble a I'etoile Sirius, qii'on appelle aussi le chien'. » 11 serait long et hors de propos de rapporler ici toutes les bizarreries que I'esprit hiimain a enfantees par rapport aux animaux. Voy. BiiTES, etc. Aniran, gdnie musulman qui preside aux noces. Anjorrand. Voy. Denis. Anka. Voy. Simorgue. Annaberge, demon terrible parmi les de- mons gardiens des mines. II lua un jour plu- sieiirs ouvriers dans la riche mine d'argent de I'Allemagne appelee Corona Rosacea. (( L'annaberge se montrait sous la forme d'un bouc avec des cornes d'or, et se precipilait sur les mineurs avec impeUiosile, ou sous la forme d'un cheval , qui jetait la Ilamme et la peste par ses naseaux. » Ce terrible annaberge pouvait bien n'etre qu'un esprit tres-connu aujourd'hui des chimistes sous ie nom de feu grisou. La lampe de surete d'Humphrey-Davyiiurait ete un talisman precieux aux mineurs de la Couronne de roses ^ Annabry, I'un des sept princes de I'enfer qui se montrerent un jour a Faust. II etait en chien noir el blanc,avec des oreilles longues de quatre aunes Voy. Faost. Anne l'Ecossaise. — Voy. Auxonne. Anneau. 11 y avait autrefois beaucoup d'an- neaux enchantes ou charges d'amulettes. Les magiciens faisaient des anneaux constell6s avec lesquels on operaitdes merveilles. Voy. Eleazar. — Cette croyance elait si repandue chez les paiens, que leurs pretres ne pouvaient porter d'anneaux, a moins qu'ils ne fussent si simples qu'il etait evident qu'ils ne contenaient pas d'amulettes ^ Les anneaux magiques devinrent aussi de quelque usage chez les Chretiens, et meme beau- coup de superstitions se rattacherent au simple anneau d'alliance. On croyait qu'il y avait dans le quatrieme doigt, qu'on appela" specialement doigt annulaire ou doigt destine a I'anneau , un nerf qui repondait directement au coeur ; on re- commanda done de mettre I'anneau d'alliance a ce seul doigt. Le moment oii le mari donne I'an- neau a sa jeune epouse devant le pretre , ce mo- ment, dit un vieux livre de secrets, est de la plus haute importance. Si le mari arrete I'anneau a I'entree du doigt et ne passe pas la seconde jointure, la femme sera maitresse; mais s'il en- fonce I'anneau jusqa'a I'origine du doigt, il sera chef et souverain. Celte idee est encore en vi- 1 Brown, Des errmrs populaires, liv. Ill, ch. xxiv. 2 Quarterly Review, Essai sur les superstitions populaires. 3 M. Francois Hugo , le Faust anglais. * Aulu-Geile, lib. X, cap. xxv. gueur, et les jeunes mariees onl generalement soin de courber le doigt annulaire au moment oil elles regoivent I'anneau, de raaniere a I'ar- reter avant la seconde jointure. Les Anglaises, qui observenL la meme supersti- tion , font le plus grand cas de I'anneau d'al- liance, a cause de ses proprietes. Elles croient qu'en mettant un de ces anneaux dans un bonnet de nuit, et plagant le tout sous ieur chevet, elles verront en songe le mari qui leur est destine. Les Orientaux reverent les anneaux et les bagues, et croient aux anneaux enchantes. Leurs contes sont pleins de prodiges operes par ces anneaux. lis citent surtout, avec une admiration sans bornes, Vanneau de Salomon, par la force duquel ce prince commandait a toute la nature. Le grand nom de Dieu est grav^ sur cette bague, qui est gardee par des dragons, dans le tombeau inconnu de Salomon. Celui qui s'emparerait de cet anneau serait maitre du monde et aurait tous les genies a ses ordres. Voy. Sakhar. — A d^faut de ce talisman prodigieux, ils achetent a des magiciens des anneaux qui produisent aussi des merveilles. L'abominable Henri VIII benissait des anneaux d'or, qui avaient, disait-il, la propriete de guerir de la crampe Les faiseursde secrets ont invente des bagues magiques qui ont plusieurs vertus. Leurs livres parlent de Vanneau des voyageurs. Cet anneau , dont le secret n'est pas bien cer- tain, donnait a celui qui le portait le moyen d'aller sans fatigue de Paris a Orleans, et de revenir d'Orleans a Paris dans la meme journee. Anneau d'invisibilite. On n'a pas perdu le secret de Vanneau d'invisibiliU. Les cabalistes ont laisse la maniere de faire cet anneau, qui placa Gyges au trone de Lydie. 11 faut entre- prendre cette operation un mercredi de prin- lemps, sous les auspices de Mercure, lorsque cette planete se trouve en conjonction avec une des autres planetes favorables, comme la Lune, Jupiter, Venus et le Soleil. Que Ton ait de bon mercure fixe et purifie ; on en formera une bague oil puisse entrer facilement le doigt du milieu ; on enchassera dans le chaton une petite pierre que Ton trouve dans le nid de la huppe, et on gravera autour de la bague ces paroles : Jesus passant \ au milieu d'eux f s'en alia'''; puis, ayant pose le tout sur une plaque de mercure fixe, on fera le parfum de Mercure; on enve- loppera I'anneau dans un taffetas de la couleur convenable a la planete , on le portera dans le nid de la huppe d'oii Ton a tire la pierre, on I'y laissera neuf jours ; et quand on le retirera , on fera encore le parfum comme la premiere fois ; puis on le gardera dans une petite boite faite avec du mercure fixe, pour s'en servir a I'occa- 1 Misson , Voyage d'ltalie, t. Ill , p. '1 6 , a la marge. 2 Saint Luc, ch. iv, verset 30. ANN — 38 — ANN sion. Mors on niellra la bague a son doigt. En tournant la pierre au dehors de la main, elle a la verlii de rendre invisible aux yeux des assis- tants celui qui la porte; et qaand on vent etre vu, il sufiit de renLrer la pierre en dedans de la main , que Ton ferme en forme de poing. Porphyre, Jamblique, Pierre d'Apone et Agrip- pa, ou du moins les livres de secrets qui leur sont attribues , soutiennent qu'un anneau fait de la maniere suivante a la meme propriete. II faut prendre des polls qui sont au-dessus de la tete de I'hyene, et en faire de petites tresses avec lesquelles on fabrique un anneau , qu'on porte aussi dans le nid de la huppe. On le laisse la neuf jours; on le passe ensuite dans des parfums prepares sous les auspices de Mercure (planele). On s'en sert comme de I'autre anneau, exceple qu'on I'ote absolument du doigt quand on ne veut plus etre invisible. Si, d'un autre cote, on veut se precaulionner contre I'effet de ces anneaux cabalistiques, on aura une bague faile de plomb raffine et purge ; on enchassera dans le chaton un oeil de jeune belette qui n'aura porte des petits qu'une fois; sur le contour on gravera les paroles suivantes : Apparuit Dominus Simoni. Cette bague se fera un samedi , lorsqu'on connaitra que Saturne est en opposition avec Mercure. On I'enveloppera dans un morceau de linceul mortuaire qui ait enveloppe un raort; on I'y laissera neuf jours; puis , I'ayant retiree, on fera trois fois le parfum de Salurne , et on s'en servira. Ceux qui ont imagine ces anneaux ont rai- sonne sur le principe de I'antipathie qu'iis sup- posaient entre les matieres qui les composent. Rien n'est plus antipathique a la huppe que I'hyene, et Saturne retrograde presque toujours a Mercure; ou, lorsqu'ils se rencontrent dans le domicile de quelques signes du zodiaque, c'est toujours un aspect funeste et de mauvaisaugure '. Nous parlous astrologie. On peul faire d'autres anneaux sous I'influence des planetes , et leur donner des vertus au moyen de pierres et d'herbes merveilleuses. « Mais dans ces caracteres, herbes cueillies, constellations et charmes , le diable se coule , » comme dit Leloyer, quand ce n'est pas simple- ment le demon de la grossiere imposture. « Ceux qui observent les heures des astres, ajoute-t-il, n'observent que les heures des demons qui pre- sident aux pierres, aux herbes et aux astres memes. » — Et il est de fait que ce ne sont ni des saints ni des coeurs honnetes qui se melent de ces superstitions. Anneberg, demon des mines; il tua un jour de son souffle douze ouvriers qui travaillaient a une mine d'argent donl il avait la garde. C'est un demon mechant, rancunier et terrible, II se montre surtout en AUemagne ; on dit qu'il a la » Petit Albert. figure d'un cheval, avec un cou immense et des yeux effroyables C'est le meme que I'anna- berge. Annee. Plusieurs peuples ont celebre par des ceremonies plus ou moins singulieres le retour du nouvel an. Chez les Perses, un jeune homme s'approchait du prince et lui faisait des offrandes, en disant qu'il lui apportait la nouvelle annee de la part de Dieu. Chez nous, on se donne des etrennes. Les Gaulois commengaient I'ann^e par la cere- monie du gui de chene, qu'iis appelaient le gui de ran neuf ou du nouvel an. Les druides, accom- pagnes du peuple, allaient dans une foret, di'es- saient autour du plus beau chene un autel trian- gulaire de gazon, et gravaient sur le tronc et sur les deux plus grosses branches de I'arbre revere les noms des dieux qu'iis croyaient les plus puis- sants: Tlieidates , Hesus, Taranis, Belenus. En- suite I'un d'eux, vetu d'une blanche tunique, coupait le gui avec une serpe d'or ; deux autres druides etaient la pour le recevoir dans un linge et prendre garde qu'il ne touchat la terre. lis dis- tribuaient I'eau ou ils faisaient tremper ce nou- ' veau gui , et persuadaient au peuple qu'elle gue- rissait plusieurs maladies et qu'elle etait efficace centre les sortileges ^. Annee platonique. On appelle mmde plato- nique un espace de temps a la fin duquel lout doit se retrouver a la meme place. Les uns comptent seize mille ans pour cette revolution, d'autres trente-six mille ^ II y en eut aussi qui croyaient anciennement qu'au bout de cette periode le monde serait renouvele, et que les ames rentre- raient dans leurs corps pour commencer une nouvelle vie semblableala precedente. On conte la-dessus cette petite anecdote : Des Allemands, arretes dans une auberge de Chalons-sur-Marne, amenerent la conversation sur cette grande annee platonique ou toutes les choses doivent retourner a leur premier etat; ils voulurent persuader au maitre du logis qu'il n'y avait rien de si vrai que cette revolution ; « de sorte, disaient-ils, que, dans seize mille ans d'ici, nous serons a boire chez vous a pareille heure et dans cette meme chambre. » La-dessus, ayant tres-peu d'argent, en vrais Allemands qu'iis etaient, ils prierent I'hoLe de leur faire credit j usque-la. Le cabaretier charapenois leur repondit qu'il le voulait bien, « Mais, ajouta-t-il, parce qu'il y a seize mille ans, jour pour jour, heure pour heure, que vous etiez pareillement a boire ici comme ' Wierus, De prcest., lib. I, cap. xxii. 2 Saint-Foix, Essais, etc., t. II. 3 Quelques-uns disaient que les corps celestes seulemenl se retrouvaient au meme point au bout de la grande annee. Ciceron, dans un passage de son Hortensius, conserve par Servius, fait cette grande annee de douze mille neuf cent cinquante-quatre des notres. ANN — 39 ANS vous faites, et que vous vous etes retires sans payer, acquiltez le passe, et je vous ferai credit du present... » Annee climaterique. Le prejuge des annees climaUriques subsiste encore, quoiqu'on en ait a peu pres demontre I'absurdite. Auguste ecrivait a son neveu ' Caius pour I'engager a celebrer le jour de sa naissance , attendu qu'il avait passe la soixante-troisieme annee , — qui est cette grande climaterique si redoutable pour les huraains. — Beaucoup de personnes craignent encore I'annee climaterique ; cependant une foule de relev^s prouvent qu'il ne meurt pas plus d'horames dans la soixante-troisieme annee que dans les annees. qui la precedent. Mais un prejuge se detruit avec peine. Selon ces idees, que Pythagore fit naitre par ses singulieres reveries sur les nombres , notre temperament eprouve tous les sept ans une revo- lution complete. Quelques-uns disent meme qu'il se renouvelle entierement, D'autres pretendent que ce renouvellement n'a lieu que tous les neuf ans : aussi les annees climateriques se comptent par sept et par neuf. Quarante-neuf et quatre- vingt-un sont des annees tres-importantes, disent les partisans de cette doctrine; mais soixante- trois est I'annee la plus fatale, parce que c'est la multiplication de sept par neuf. Un Normand di- sait : Encore un des miens pendu a quarante-neuf ans! et qu'on dise qu'il ne faut pas se mefier des annees climateriques ! « On ne doit pourtant pas porter trop loin , dit M. Salgues, le mepris de la periode septenaire, qui marque en effet les progres du developpe- ment et de I'accroissement du corps humain. Ainsi, generalement , les dents de I'enfance tombent a sept ans , la puberte se manifesto a qua- Allemands causant de I'annee plalonique. torze, le corps cesse de croitre a vingt et un. » — Mais celte observation n'est pas completement exacte. Anninga, lalunechezlesGroenlandais. C'etait au commencement un jeune garden qui aimait a courir les champs avec sa scEur Malina. Or lui jour qu'il la poursuivait, elle se retourna tout a coup et lui barbouilla de noir la figure. Apres quoi Malina , perdant terre , s'elanga dans le ciel , oi\ elle devint le soleil. Anninga, qui n'a cesse de la poursuivre , est devenu la lune. Annius de Viterbe (Jean Nanni) , savant eccle- siastique, ne a Viterbe en l.Zi32. II a publie une collection de manuscrits attribues a Berose, a Fabius Pictor, a Caton, a Archiloque, a Mane- thon, etc., et connus sous le nom d Antiquites d' Annius. Ce recueil a peu de credit. On pretend qu'il contient beaucoup de fables ; mais plusieurs de ces fables sont d'antiques legendes. On doit encore a Annius un Traite de I' empire des Turcs, et un livre des Futurs triomphes des Chretiens sur les Turcs et les Sarasins, etc, Ces deux ouvrages sont des explications de I'Apoca- lypse. L'auteur peiise que Mahomet est I'Ante- christ, et que la fin du monde aura lieu quand le peuple des saints (les Chretiens) aura soumis en- tierement les juifs et les mahometans. Anocchiatura , fascination involontaire qui s'exerce soit par les yeux , soit par les paroles , selon les croyances populaires des Corses, mais dans un sens tres-bizarre , les puissances myste- rieuses qui president a I'anocchiatura ayant la singuliere habitude d'executer le contraire de ce qu'on souhaite. Aussi, dans la crainte de fasciner les enfants en leur adressant des benedictions ou des eloges , le peuple qui leur veut du bien le leur prouve par des injures et des souhaits d'au- tant plus favorables qu'ils sont plus affreusement exprimes *. Anpiel , I'un des anges que les rabbins char- gent du gouvernement des oiseaux ; car ils mettent chaque espece creee sous la protection d'un ou de plusieurs anges. Anselme de Fame , astrologue ne a Parme , ou il mourut en IkhO. II avait 6crit des Institu- 1 M. P. Merimee, Colomba. ANS - - ANT lions astrolo(jiqvcs , qui n'onl pas die imprimees. Wierus' el quelques demonographes le meltent au nombre des sorciers. Des charlatans , qui gue- rissaient las plaies au moyen de paroles mysle- rieuses que Ton pretend inventees par lui , ont pris le nom d'anselmistes ; et, pour mieux en imposer, ils se vantaient de tenir leur verlu de guerir non d'Anselnie de Parme, inais de saint Anselme de Canlorbery. Voy. Art de saint An- selme. Aniiocliialura. Ansuperomain , sorcier des environs de Saint- Jean-de-Luz, qui, selon des informations prises sous Henri IV par le conseiller Pierre De!ancre^ fut vu plusieurs fois au sabbat, a cheval sur un demon qui avail la forme de bouc, et jouant de la flute pour la danse des sorcieres. Anthaeus. 11 y a, comme dit Boguet, des fa- milies oil il se trouve toujours quelqu'un qui de- vient loup-garou. Evanthes el apres lui Pline rapportent que dans la race d'un certain Anthaeus , Arcadien , on choisissait par le sort un homme que Ton conduisail pres d'un etang. La, il se de- pouillail,pendaitses habits a un chene ; et, apres avoir passe I'eau a la nage, s'enfuyait dans un desert ou, transforme en loup, il vivait et con- versait avec les loups pendant neuf ans, II fallait que durant ce temps il ne vit point d'hommes ; aulrement le cours des neuf ans eut recommence. Au bout de ce terme il retournail vers le meme etang, le traversait a la nage et rentrait chez lui, ou il ne se trouvait pas plus age que le jour de sa transmutation en loup : le temps qu'il avail passe sous cette forme ne faisant pas compte dans le nombre des annees de sa vie Antamtapp, enfer des Indiens, plein de chiens enrages et d'insectes feroces. On y est couchd sur des branches d'epines et continuellement caresse par des corbeaux a bee de fer. Les Brahmes disenl que les supplices de eel enfer sent elernels. ' hi Ubio apolofietico. 2 Tableau aa rinconstaiKe des demons, liv. Ill, disc. IV. "* Diicours des speclrc, liv. IV, cli. xv. Antechrist. Par Antechrist on entend ordinai- rement un tyran impie et cruel , ennemi de Jesus- Christ. 11 doit regner sur la terre lorsque le monde approchera de sa fin. Les persecutions qu'il exer- cera conlre les elus seront la derniere et la plus terrible epreuve qu'ils auront a subir; et meme Notre-Seigneur a declare que les elus y succom- beraient, si le temps n'en etait abrege en leur faveur ; car il se donnera pour le Messie et fera des prodiges ccipables d'induire en erreur les elus menus. Leloyer rapporte cette opinion populaire , que les demons souterrains ne gardent que pour lui les tresors caches, au moyen desquels il pourra seduire les peuples ; et sa persecution sera d'au- lant plus redoutable, qu'il ne manquera d'aucun moyen de seduire, et agira beaucoup plus par la corruption que par la violence brutale. C'esl a cause des miracles qu'il doit faire que plusieurs I'appellent le singe de Dieu. Le mot de passe des sectateurs de 1' Antechrist sera , dit Boguet : Je renie le bapteme. Ce qui est assez grotesque, assurement, c'esl que les prolestants, ces precurseurs de I'Ante- chrisl, donnent le nom d'Antechrist au pape, comme les larrons qui crient au voleur pour de- tourner d'eux les recherches'. Voy. Abdi:i:l. On a raille I'abbe Fiard, qui regardait Vollaire et les encyclopedistes comme des precurseurs de rAnlechrist. 11 est tres-possible que les railleurs aient tort. Antesser, demon. Voy. Blokula. Anthropomancie, divination par I'inspeclion des entrailles d'hommes ou de femmes evenLres. Cel horrible usage elait tres-ancien. Herodote dit que Menelas, retenu en Egypte par les vents con- traires, sacrifia a sa barbare curiosile deux en- fanls du pays, et chercha a savoir ses deslinees dans leurs entrailles. Heliogabale praliquait cette divination. Julien I'Apostat, dans ses operations magiques et dans ses sacrifices nocturnes, faisait tuer, dit-on, un grand nombre d'enfants pour consulter leurs entrailles. Dans sa derniere expe- dition, etant aCarra, en Mesopotamie, il s'en- ferma dans le temple de la Lune; et, apres avoir fail ce qu'il voulut avec les complices de son im- piete, il scella les portes, et y posa une garde qui ne devait elre levee qu'a son retour. II fut lue dans la balaille qu'il livra aux Perses , et ceux qui entrerentdans le temple de Garra sous le regne de Jovien, son successeur, y trouverent une femme pendue par les cheveux, les mains eten- dues, le ventre ouvert et le foie arrache. Anthropophages. Le livre attribue a Enoch dit que les geants nes du commerce des anges avec les tilles des hommes furent les premiers anthropophages. Marc-Paul rapporte que de son 1 Voyez la Legende de FAntechrist, a la fin des Legendes du Nouveau Testament. ANT — /|1 - ANT temps, dans la Tartarie, les magiciens avaient le droit de manger la chair des criminels ; les sorciers ont ete son vent convaincns d'anthropo- phagie, notamment les lonps-garous, et des ecri- vains ont releve ce fait notable qu'il n'y a que les Chretiens qui n'aient pas ete anthropophages. Antide. Une vieille tradition populaire rap- porte que saint Antide , eveque de Besangon , vit un jour dans la campagne un demon fort maigre et fort laid , qui se vantait d'avoir porte le trouble dans I'Eglise de Rome. Le saint appela le demon , le fit mettre a quatre pattes , lui sauta sur le dos , se fit par lui transporter a Rome, repara le degat donL range dechu se montrait si fier, et s'en re- vint en son diocese par la meme voiture. Antiochus, moine de Seba , qui vivait an com- mencement du septieme siecle. Dans ses 190 ho- melies,intitulees Pandectes des divines Ecritures, la 84% De insomniis, roule sur les visions et les songes * . Antipathie. Les astrolognes prelendent que ce senliment d'opposition qu'on ressentpour une personne ou pour une chose est produit par les astres. Ainsi deux personnes nees sous le meme aspect auront un desir mutue! de se rapprocher, et s'aimeront sans savoir pourquoi ; de meme que d'autres se hairont sans motif, parce qu'elles se- ront nees sous des conjonctions opposees. Mais comment expliqueront-ils les antipathies que les grands hommes ont eues pour les choses les plus conimunes? On en cite un grand nombre aux- quelles on ne pent rien comprendre. La Mothe- le-Vayer ne pouvait souffrir le son d'aucun in- strument, et goutait le plus vif plaisir an bruit du tonnerre. Cesar n'entendait pas le chant du coq sans frissonner. Le chancelier Bacon tombait en defaillance toutes les fois qu'il y avait une eclipse de lune. Marie de Medicis ne pouvait supporter la vue d'une rose, pas meme en peinture, et elle aimait toutes les auLres fleurs. Le cardinal Henri de Cardonne eprouvait la meme aversion , et tom- bait en syncope lorsqu'il sentait I'odeur des roses. Le marechal d'Albret se trouvait mal dans un re- pas ou Ton servait un marcassin ou un cochon de lait. Henri III ne pouvait rester seul dans une chambre ou il y avait un chat. Le marechal de Schomberg avait la meme faiblesse. Ladislas , roi de Pologne, se Iroublait et prenait la fuite quand il voyait des pommes. Scaliger fremissait a I'as- pect du cresson. Erasme ne pouvait sentir le pois- son sans avoir la fievre. Tycho-Brahe defaillait a la rencontre d'un lievre ou d'un renard. Le due d'Epernon s'evanouissait a la vue d'un levraut. Cardan ne pouvait souffrir les ceufs; le poete Arioste, les bains; le fils de Crassus, le pain; Jules Cesar Scaliger, le son de la vielle. On trouve souvent la cause de ces antipathies dans les premieres sensations de I'enfance. Une » Voyez t. XII de la Bibliotheca Patrum, ed. Lugdun. dame qui aimait beaucoup les tableaux et les gra- vures s'evanouissait lorsqu'elle en trouvait dans un livre; elle en dit la raison : elant encore pe- tite, son pere I'apergut un jour qui feuiiletait les volumes de sa bibliotheque pour y chercher des images ; il les lui retira brusquement des mains, et lui dit d'un ton terrible qu'il y avait dans ces livres des diables qui I'etrangleraient si elle osait y toucher.... Ces menaces absurdes, ordinaires a certains parents, occasionnent toujours de fu- nestes effets qu'on ne pent souvent plus detruire. Pline assure qu'il y a une telle antipathie entre le loup et le cheval, que si le cheval passo ou le loup a passe, il sent aux jambes un engourdis- sement qui I'empeche de marcher. Un cheval sent le tigre en Amerique, et refuse obslinement de traverser une foret ou. son odorat lui annonce la presence del'ennemi. Les chiens sentent aussi tres-bien les loups, avec lesquels ils" ne sympa- thisent pas ; et peut-etre serions-nous sages de suivre jusqu'a un certain point, avec les gens que nous voyons la premiere fois, I'impression sympathique ou antipathique qu'ils nous font eprouver, car I'instinct existe aussi chez les hommes memes, qui le surmontent plus ou moins a propos par la raison. Antipodes. L'existence des antipodes etait regardee naturellement comme un conte, dans le temps oil I'oir croyait que la terre etait plate, Mais il n'est pas vrai, comme on I'a perfidement ecrit, que le pretre Virgile fut excommunie par le pape Zacharie pour avoir soutenu qu'il y avait des antipodes. Ce Virgile au conlraire, a cause de sa science, fut comble d'honneurs par le saint-siege et nomme a I'eveche de Salzbourg. D'ailleurs le pape Zacharie savait probablement qu'il y a des antipodes, puisque avant lui Ori- gene, le pape saint Clement et d'autres en avaient parle. Saint Basile, saint Gregoire de Nysse, saint Athanase et la plupart des Peres n'igno- raient pas la forme spherique de la terre. On en a le temoignagedanslelivre de la Crdationdu monde, ecrit par Jean Philoponos au septieme siecle. La plupart des hommes a qui I'education n'a pas etendu les bornes de I'esprit croient encore que la terre n'est qu'un grand plateau, et il se- rait difficile de leur persuader qu'on trouve au- dessous de nous des humains qui ont la lete en bas, et les pieds justement opposes aux notres Les anciens mythologues citent, dans un autre sens, sous le nom d'Antipodes, des peuples fabu- leux de la Libye, a qui on attribuait huit doigts aux pieds, et les pieds tourn^s en arriere. On ajoute qu'avec cela ils couraient comme le vent. Antithees. Lespaiensdonnaientcenom a des esprils grossiers , demons du dernier ordre, qui venaient souvent a la place des dieux evoques par les magiciens etleur jouaientde vilains tours. ' M. Salgues, Des erreurs et des prejuges, t 11, p. 72. ANT - Z,2 — APO Antoine. Saint Anloine est celebre par les lentations qu'il eiit a subir de la part du diable. Ceux qui ont mis leur esprit a la torture pour donner a ces faits un cote plaisant n'ont pas tou- jours eu autant d'esprit qu'ils ont voulu en mon- trer. lis n'egalent certainement pas le bon legen- daire, quiconte qu'Antoine, ayant dompte Satan, le contraignit a demeurer aupres de lui sous sa forme la plus convenable, qui etait celle d'un cochon. Foy. Ardents. Apantomancie, divination tiree des objets qui se presentent a I'improviste. Tels sont les presages que donne la rencontre d'un lievre ou d'un aigle, etc. Aparctiens, peuples fabuleux que d'anciens contours ont places dans le Septentrion. lis etaient transparents comme du cristal, et avaient les pieds etroits et tranchants comnie des patins, ce ce qui les aidait merveilleusement a glisser sur leurs lacs geles. Leur longue barbe ne leur pen- dait pas au menton, mais au bout du nez. lis n'avaient point de langue, mais deux solides ra- teliers de dents, qa'ils frappaient musicalement I'un contre I'autre pour s'exprimer. lis ne sor- taient que la nuit, et se reproduisaient par le moyen de la sueur, qui se congelait et formait un petit. Leur dieu etait un ours blanc'. ^ Apis, ou mieux Hapi. G'est le banif que les EgypLiens adoraient. 11 devait etre noir et avoir une tache blanche carree sur le front. Des qu'il avait trone vingt-cinq ans dans ses deux etables, qui etaient deux temples, on le noyait, et on lui cherchait un rempIaQant. On croit que ce boeuf representait Osiris. Apocalypse. Dans cette cloture redoulable du saint livre qui commence par la Genese, I'esprit de I'homme s'est souvent dgare. La manie de vouloir tout expliquer, quand nous sommes en- toures de tant de mysteres que nous ne pouvons comprendre ici-bas, a fourvoye bien des esprits. Apres avoir trouve la bete a sept tetes et I'Ante- christ dans divers personnages, on est aussi peu avance que le premier jour. Newton a echoue , comme les autres, dans I'interpretalion de I'Apo- calypse. Ceux qui I'ont lue comme un poeme hermetique ont leur excuse dans leur folie. Pour nous, attendons que Dieu leve les voiles. 11 y a eu plusieurs Apocalypses supposees, de saint Pierre, de saint Paul , de saint Thomas , de saint Etienne, d'Esdras, de Moise, d'Elie, d' Abra- ham, de Marie, femme de Noe, d'Adam meme. Por- phyre a cite encore une Apocalypse de Zoroastre. Apollinaire, plante ainsi noramee chez les paiens parce qu'elle etait consacree a Apollon. Les Chretiens lui ont conserve ce nom a cause du grand saint qui I'a porte. Apollonie de Leuttershausen. Cette femme vivait au temps ou s'etablit la reforme. Elle ha- bitait avec son mari, Hans Geisselbrecht, le mar- ^ Supplemerd d I'Histoire veritable de Lucien. gravial de Brandebourg. Son histoire a ete pu- bliee par Sixte Agricola et Georges Witmer (Ingolstadt, ib%L\). Gorres I'a resumee dans le qiiatrieme volume de sa Mystique. Nous I'em- pruntons a ce grand ouvrage. — Hans Geissel- brecht etait un chenapan qui passait sa vie a boire, a jurer et a maltraiter sa femme, Un ma- tin, les voisines reprocherent a la pauvre Apol- lonie le vacarme qui s'etait fait toute la nuit chez elle. Furieuse de subir des reproches apres tout ce qu'elle endurait de son mari, elle s'ecria : — Si le bon Dieu ne veut pas me delivrer de cet homme violent, eh bien , que le diable vienne a mon aide. — Le soir, lorsque le betail fut ren- tre, elle s'en alia traire ses vaches. Alors elle vit voler autour de sa tele deux oiseaux qui seui- blaient des corbeaux, quoique a cette epoque il n'y en eut plus dans le pays. Puis un homme de haute taille parut a ses cotes et lui dit : — Ah ! ma pauvre femme, j'ai bien pitie de vous et de votre triste sort , avec un affreux mari qui devo- rera tout ce que vous possedez. Si vous voulez etre a moi, je vais vous conduire a I'inslant en un lieu charmant oii vous pouriez boire, man- ger, chanter, danser a votre aise, et mener une vie comme vous n'en avez jamais mene jusqu'ici, car le ciel n'est pas tel que vous le represen- lent vos pretres; je vous ferai voir bien autre chose. — Apollonie, sans plus reflechir, donna sa main al'inconnu en disant qu'elle voulaitbien etre a lui. Aussitot elle fut possedee. Les voisins, un instant apres, accoururent a ses cris, car elle venait de se jeLer dans un egout situe pres de son etable, et elle pouvait s'y noyer. Comme on la remportait dans sa maison, elle s'ecriait : — Laissez-moi ! ne voyez-vous pas la vie delicieuse que je mene; je ne fais que boire, manger, chanter et danser'... II parait que les exorcismes la guerirent, et nous n'avons pas la suite de son histoire. Apollonius de Tyane, philosophe pythago- ricien, ne a Tyane en Cappadoce, peu de temps apres Notre-Seigneur Jesus-Christ. C'etait un de ces aventuriers qui s'occupaient de theur- gie, et qui cherchaient aupres des magiciens et des jongleurs, si nombreux chez les paiens, ces secrets mysterieux au moyen desquels ils eton- naient la foule. 11 etait oublie lorsque I'impera- trice Julie, femme de Septime Severe, princesse de moeurs dissolues , et par consequent ennemie de I'Evangile, pria Philostrate, autre ennemi des Chretiens, de faire d' Apollonius un heros que Ton put opposer au Christ. Avec des maleriaux re- cueillis plus d'un siecle apres la mort de cet homme, dont on ne se souvenait plus, il composa un recit que Lactance compare a \'Ane d'or d'A- pulee, Apollonius de Tyane etait un magicien ' La mystique divine, naturelle et diabolique, par Gorres, traduit de Tallemand par M. Charles Sainte-Foi. APO — Ii3 - APP comme Faust, et, conime liii, on Fa enloure de merveilles souvent imaginaires. Sa vie , qui a'est ainsi qu'un roman , a eLe traduile ea fraiiQais par Vigenere, un volume in-i"'. Eusebe ne paiie d'Apollonius de Tyane que comme d'un escamoteur. Leloyer dit que ce fut Simon le magicien qui lui enseigna la magie noire , et Ammien Marcellin le met au nombre des hommes qui ont ete assistes d'un demon fa- milier, comme Socrate, Numa et une foule d'au- tres. On salt peu de choses sur|la tin d'Apollonius. Hierocles , qui , d'apres les recits de Philostrate , voulait faire sa cour a Domitien en vantant ce faiseur de tours de passe-passe , eut le front de dire qu'il avait ete enleve au ciel , tandis que de plus avises ont ecrit qu'il avait ete emporte par le diable dans un age avance. Et il n'est pas le seul qui ait eu cette chance , quoique le vulgairedes philosophes n'y voie que du feu. On a dit aussi que, si Aurelien, qui ve- nait de prendre Tyane en Cappadoce, et qui avait jure do la delruire, I'epargnacependant, c'estque le spectre d'Apollonius lui avait apparu et avait intercede pour sa ville. — Le croira qui voudra. II y a eu des gens qui ont trouve ApoUonius vivant au douzieme siecle. Voy. Artephius. Apomazar. Des significations et evenemenis des somjes, selon la doctrine des Indiens, Perses et Egyptiens, par Apomazar. Vol. in-8°; Paris, 1580. Falras oublie, mais rare, Apone. Voy. Pierre d'Apone. 1 Voyez I'abrege de cette vie dans les Legendes infernales. pparitions. On ne peut pas tres- bien preciser ce que c'est qu'une ap- parition. Dom Calmet dit que si Ton voit quelqu'un en songe, c'est une apparition. « Souvent, ajoute-t-il, il n'y a que I'imagination de frappee; ce n'en est pas moins quelquefois un fait surnaturel quand il a des relations. » Dans la rigueur du terme, une apparition est la presence subite d'une personne ou d'un objet contre les lois de la nature : par exemple , I'ap- parition d'un mort, d'un ange, d'un demon, etc. Ceux qui nient absolument les apparitions sont temeraires. Spinoza, malgre son materialisme, reconnaissait qu'il ne pouvait nier les appari- tions ni les miracles. APP - tih — APP On lie raisonne pas mieux lorsqu'on diL qiriine chose qui est arrivee autrefois devrait arriver en- core. II y a bien des choses qui onL eu lieu jadis el qui ne se renouvellenl pas, dans le sysLeme iiieme des materialistes, coinme il y a bien des choses qui ont lieu aujourd'hui et que jadis on u'a pas soupgonnees. Nous devons admetlre et croire les apparitions rapportees dans les saintes Ecritures. INous ne sommes pas tenus a la meme foi dans les simples histoires; et 11 y a des apparitions qui, reelles ou intellectuelles , sont fort surprenantes. On lit dans la vie de saint Macaire qu'un homme ayant regu un depot le cacha sans cn ricn dii'c a sa femme et mourut subilcment. On fut Ires-em- barrasse quaiid le maitre du depot vint le recla- nier. Saint Macaire pria, dit la Idgende, et le defunt appariit a sa femme, a qui il declara que I'argent redemande elait enterre au pied de son lit, ce qui fut Irouve vrai. Ces sortes d'appari- tions ne peuvent pas etre repoussees , parce qu'elles ont devant Dieu un motif raisonnable. Mais Dieu ne permet jamais les apparitions ridi- cules, qui ne sont generalement que de mauvaises farces. Ce sont les apparitions des morts chez les anciens qui ont donne naissance a la necroman- cie. Voij. Necromancu:. Nous ne songerons a nous occuper ici que des apparitions illusoires ou duuLeuses, et lo nouibre en est immense. Nous suivrons un moment les ecrivains qui ne doutent de rien , et qui, dans leurs exces menies, sont encore moins stupides el moins a quatre pattes que ceux qui doutent de tout. Quelquefois, disent-ils, les apparitions ne sont que vocales : c'est une voix qui appelle. Mais dans les bonnes apparitions Tesprit se montre. — Quand les esprits se font voir a un homme seul , ajoutent les cabalisles , ils ne pre- sagent rien de bon ; quand ils apparaissent a deux personnes a la fois, Hen de mauvais; ils ne se raontrent guere a trois personnes ensemble. II y a des apparitions imaginaires causees par les remords ; des meurtriers se sont crus harceies ou poursuivis par leurs victimes. Une femme. en 1726, accusee, a Londres, d'etre complice du meurtre de son mari, niait le fait; on lui pre- sente I'habit du mort, qu'on secoue devant elle; son imagination epouvantee lui fait voir son mari meme ; elle se jette a ses pieds et declare qu'elle voit son mari. Mais on trouvera des choses plus inexplicables. Les apparitions du diable, qui a si pen besoin de se montrer pour nous seduire , faibles que nous sommes, ont donne lieu a une multitude de recits merveilleux. Des sorciers brules a Paris ont dit en justice que, quand le diable veut se faire un corps aerien pour se montrer aux hom- mes, « il faut que le vent soit favorable et que la lune soit pleine ». Et lorsqu'il apparait, c'est toujours avec quelque defaut necessaire, ou trop APP 45 — APU noir, ou trop pale, ou trop rouge, ou Iropjr d, ou trop peLit, on le pied fourchu, ou les mains en grilles, ou la queue an derriere et les cornes en tete, etc., a moins qu'il ne prenne one forme bizarre. II parlait a Simon le Magicien , et a d'autres, sous la figure d'un chien ; a Pythagore, sous celle d'un fleuve; a Apollonius, sous celle d'un orme , etc. Excepte les demons de midi , les demons et les spectres apparaissent la nuit plutot.que le jour, et la nuit du vendredi au samedi de preference a toute autre, comme le declare Jean Bodin, d'a- pres un grand nombre de temoignages. Les apparitions des esprits, dit Jamblique, sont analogues a leur essence. L'aspect des habitants des cieux est consolant, celui des archanges ter- rible, cekii des anges moins severe, celui des demons epouvantable. II est assez difficile, ajoute-t-il , de se reconnailre dans les apparitions des spectres , car il y en a de mille sortes. — Delancre donne pourtant les moyens de ne point s'y tromper. « On pent distinguer les ames des demons, dit-il. Ordinairement les ames apparais- sent en hommesportant barbe', en vieillards, en enfants ou en femmes, bien que ce soit en habit et en contenance funeste. Or les demons peuvent se montrer ainsi. Mais, ou c'est Fame d'une per- sonne bienheureuse , ou c'est I'ame d'un damne. Si c'est I'ame d'un bienheureux, et qu'elle re- vienne souvent, il faul tenir pour certain que c'est un demon , qui , ayant manque son coup de surprise , revient plusieurs fois pour le tenter encore. Car une ame ne revient plus quand elle est satisfaite , si ce n'est par aventure une seule fois pour dire merci. — Si c'est une ame qui se dise Fame d'un damne, il faut croire encore que c'est un demon , vu qu'a grand'peine laisse-t-on jamais sortir Fame des damnes. » Voila les moyens de se reconnaitre que Pierre Delancre donne comme aises ^ II dit un pen plus loin que le spectre qui ap- parait sous une peau de chien ou sous toute autre forme laide est un demon ; mais le diable est si malin , qu'il vient aussi sous des'traits qui le font prendre pour un ange, II faut done se defier, — Voyez pour les anecdotes : Visions , Spectres, Fantomes, Hallucinations, Esprits, Lutins, Vampires, Revenants, Songes, Armees prodi- GiEUSES, etc. Voici , sur les apparitions, un petit fait qui a eu heu a la Rochelle, et que les journaux rap- portaient en avril 18/i3 : « Depuis quelque temps, la population se preoccupait des revenants qui apparaissaient tons les soirs sous la forme de flammes phosphorescentes, bleuatres et myste- rieuses. Ces revenants ont ete pris au trebuchet : c'etaient cinq gros rejouis de paysans des envi- rons qui , grimpes tous les soirs sur des arbres tres-eleves, langaient des boulettes phospho- 1 L' Inconstance des dimons, liv. V, disc. ii. riques avec un fil imperceptible. Pendant la nuit, ils donnaient le mouvenient et la direction qu'ils voulaient a leurs globes de feu , et quand les cu- rieux couraient apres une flamme , elle devenait aussitot invisible; mais al'instant il en surgissait une autre sur un point oppose pour detourner I'attention. Ce jeu s'effectuail ainsi pendant quel- ques instants successivement , et puis siinultane- ment, de maniere a produire plusieurs flammes a la fois. — Cette jongierie trompa bien des in- credutes effrayes ; mais enfin il se trouva un es- prit rassis. Cache derriere une haie, il observa attentivement la mise en scene et devina le secret de la comedie. Suflisamment edihe , il alia querir la gendarmerie , et les cinq mystificateurs furent arretes au moment ou ils donnaient une nouvelle representation. Quel etait leur but? On I'ignore. Le plus cui ieux de Fhistoire, c'est qu'une com- mission scientifique avait deja prepare un rap- port sur Fetonnant phenomene metdorologiquede ces mauvais plaisants. » Mais il ne faut pas s'appuyer sur des farces de ce genre pour nier les apparitions. II y en a d'in- contestables , comme on le verra en divers ar- ticles de ce livre. Apsaras. Les apsaras sont les fees de la my- thulogie indienne. Apulee. Philosophe platonicien, ne en Afri- que, connu par le livre de I'Ane d'or. 11 vecut au deuxieme siecle , sous les Antonins. On lui attribue plusieurs prodiges auxquels sans doute il n'a jamais songe. II depensa tout son bien en , voyages, et mit tous ses soins a se faire initier dans les mysteres des diverses religions paiennes; apres quoi il s'apercut qu'il etait ruine. Comme il etait bien fait, instruit et spirituel, il captiva I'affection d'une riche veuve de Carthage, nom- inee Pudentilla, qu'il parvint a epouser. II etait encore jeune, et sa femme avait cinquante ans. Cette disproportion d'age et la pauvrete connue d'Apulee tirent soupgonner qu'il avait employe, AQU - /,6 — ARA pour par\ enir a ce riche manage , la magie et les philtres. On disait nienie qu'il avail compose ces philtres avec des filets de poissons, des hui- tres et des paltes d'ecrevisses. Les parents de la femme , a qui ce mariage ne con\ enait pas , I'ac- cuserent de sortilege ; il parut devant ses juges, et quoique les prejuges sur la magie fiissentalors en tres-grand credit, Apulee plaida si bien sa cause qu'il la gagna pleinement. Boguet et d'autres demonographes disent qu'Apulee fut metamorphose en ane, comme quelques autres pelerins, par le moyen des sor- cieres de Larisse, qu'il etait alle voir pour es- sayer si la chose etait possible el faisable *. La femme qui lui demontra que la chose etait pos- sible en le changeant en ane le vendit , puis le racheta. Par la suite , il devint si grand magicien qu'il se metamorphosait lui-meme au besoin en cheval , en ane, en oiseau. II se pergait le corps d'un coup d'epee sans se blesser. II se rendait invisible, elant Ires-bien servi par son demon familier. C'est meme pour couvrir son asinisme, dil encore Delancre, qu'il a compose son livre de I'Ane d'or. Taillepied pretend que tout cela est une con- fusion , et que s'il y a un ane mele dans I'hisloire d'Apulee, c'est qu'il avail un esprit familier qui lui apparaissait sous la forme d'un ane ^. Les verilables anes sont peul-elre ici Delancre et Boguet. Ceux qui veulenl jeter du merveilleux sur loutes les actions d'Apulee affirment que, par nn effet de ses charmes, sa femme etait obligee de lui tenir la chandelle pendant qu'il travaillait; d'autres disent que cet office etait rempli par son demon familier. Quoi qu'il en soit, il y avail de la complaisance dans celte femme ou dans ce demon. Outre son livre de I'Ane (Tor, on a encore d'Apulee un pelil Iraite du demon de Socrate, De deo Socralis , refute par saint Augustin ; il a ete traduit sous ce litre : De I' esprit familier de 5o- craic, avec des remarques, in-12. Paris, 1698. Aquelare , ou le Bosquet du Bouc. C'est ainsi qu'on appelail dans le pays Basque un plateau ou se faisait le sabbat. Aquiel, demon que Ton conjure le dimanche. l/oy. Conjurations. Aquin ( Mardochee d' ), rabbin de Carpentras, morl en 1650, qui se fit Chretien, el changea au hapteme son nom de Mardochee en celui de Phi- lippe, On recherche de lui I' Interpretation de I'arhre de la cahale des Hebreux; Paris, in-8°, sans date. Arachula, mechant esprit de I'air el grand ennemi de la lune, chez les Chinois voisins de la Siberie. Voy. Lune. Arael, I'un des esprils que les rabbins du ' Dobincre, Tableau derinconstancededemons, etc., liv. IV, ell. 1. 2 De I' apparition des esprits, ch. xv. Talmud font, avec Anpiel, princes et gouverneurs du peuple des oiseaux. Araignees. Les anciens regardaient comme un presage funestc les loiles d'araignee qui s'attachaient aux etendards el aux statues des dieux. Chez nous, une araignee qui court ou qui file promet de I'argenl; les uns pretendent que c'est de I'argentle matin, et le soir une nouvelle; d'autres, au contraire , vous cileronl ce proverbe- axiome : Araignee du matin , petit chagrin ; arai- gnee demidi, petit profit; araignee du soir, petit espoir. « Mais, comme dil M. Salgues*, si les araignees etaienl le signede la richesse, personne ne serait plus riche que les pauvres. » Quelques personnes croienl aussi qu'une arai- gnee est toujours I'avanl-coureur d'une nouvelle heureuse, si on a le bonheur de I'ecraser. M. de T***, qui avail celte opinion, donna, en 1790, au theatre de Saint-Petersbourg , une Iragedie inlilulee Abaco et Mo'ina. La null qui en preceda !a representation , au moment de se coucher, il apercul une araignee a cote de son lit. La vue de I'insecte lui fit plaisir; il se hata d'assurer la bonte du presage en I'ecrasant; il avail saisi sa panloufle, mais I'emotion qu'il eprouvait filman- quer le coup, I'araignee disparul. II passa deux heures a la chercher en vain ; fatigue de ses ef- forts inutiles, il se jela sur son lit avec deses- poir : « Le bonheur etait la, s'ecria-l-il , el je I'ai perdu ! Ah ! ma pauvre Iragedie ! » Le lendemain il fut tenle de retirer sa piece , mais un de ses amis Ten empecha ; la piece alia aux nues, et I'auteur n'en demeura pas moins persuade qu'une araignee porle bonheur lorsqu'on I'ecrase Dans le bon temps de la loterie, des femmes enfermaienl le soir une araignee dans une boile avec les qualre-vingl-dix numeros ecrits sur de petits carres de papier. L'araignee, en manoeu- vranl la null , retournail quelques-uns de ces pa- piers. 'Ceux qui etaienl retournes de la sorle etaienl regardes le lendemain matin comme nu- meros gagnants Cependanl les loiles d'araignee sonl utiles : appliquees sur une blessure , elles arretcnl le sang et empechent que la plaie ne s'enflamme. Mais il ne faut peul-elre pas croire, avec I'auteur des Adinirables secrets d' Albert le Grand, que l'araignee pilee el mise en cataplasme sur les lempes guerisse la fievre tierce. Avanl que Lalande eul fail voir qu'on pouvait manger des araignees, on les regardail generale- ment comme un poison. Un religieux du Mans disanl la messe, une araignee tomba dans le ca- lice apres la consecration. Le moine, sans hesi- ler, avala I'insecte. On s'atlendait a le voir en- fler; ce qui n'eut pas lieu. 1 Deserreurs et des prejuges, t. I, p. 510. - Annuks dramatiqncs , ou Divlionnairc des thed- ires, par une societe de gens de lettres, 1. 1, au mot Abaco. ARB — 47 — ARD II y a de vilaines histoires sur le compte des araignees. N'oublions pourtant pas que, dans son cachot, Pellisson en avail apprivoise une que Delille a celebree. Mais la tarentule est aussi une arai- gnee. Le marecbal de Saxe, Iraversant un village, coucha dans une auberge infestee , disait-on , de revenants qui etouiTaienl les voyageurs. On citait des exemples. II ordonna a son domestique de veiller la moitie de la nuit, promettant de lui ce- der ensuite son lit et de faire alors sentinelle a sa place. A deux heures du matin , rien n'avait encore paru. Le domestique , sentant ses yeux s'appesanlir , va eveiller son maitre, qui ne re- pond point ; il le croit assoupi et le secoue inutile- ment. Effraye, il prend la lumiere, ouvre les draps, et voit le marecbal baigne dans son sang. Une araignee monstrueuse lui sugait le sein gauche. II court prendre des pincettes pour com- battre cet ennemi d'un uouveau genre, saisit I'araignee et la jette au feu. Ce ne fut qu'apres un long assoupissement que le marecbal reprit ses sens; et depuis lors on n'entendit plus parler de revenant dans I'auberge. — Nous ne garan- tissons pourtant pas cette anecdote ; mais elle est conservee dans plusieurs recueils. An reste I'araignee a de quoi se consoler de notre borreur et de nos mepris. Les negres de la cote d'Or attribuent la creation de Thomme a une grosse araignee qu'ils nomment Anansie, et ils reverent les plus belles araignees comme des divinites puissantes. Arbres. On sait que dans I'antiquite les arbres etaient consacres aux dieux : le cypres a Plu- ton, etc. Plusieurs arbres et plantes sont en- core devoues aux esprits de I'enfer : le poirier sauvage, I'eglantier, le figuier, la verveine, la fougere, etc. Des arbres ont parle. Cbez les anciens , dans les forets sacrees, on a entendu des arbres gemir. Les oracles de Dodone etaient des chenes qui parlaient. Voy. Dodone. On entendit , dans une foret d' Angleterre , un arbre qui poussait des gemissements ; on le di- sait encbante. Le proprietaire du terrain tira beaucoup d'argent de tous les curieux qui ve- naient voir une chose aussi raerveilleuse. A la fm, quelqu'un proposa de couper I'arbre; le maitre du terrain s'y opposa , non par un motif d'interet'propre, disait-il, mais de peur que celui qui oserait y mettre la cognee n'en mourut su- bitement; on trouva un homme qui n'avait pas peur de la mort subite , et qui abattit I'arbre a coups de hache. Alors on decouvrit un tuyau qui formait une communication a plusieurs toises sous terre, et par le moyen duquel on pro- duisait les gemissements que Ton avail remar- ques. Arc-en-ciel. Le cbapitre IX de la Genese semble dire, scion des commentateurs, qu'il n'y eut point d'arc-en-ciel avant le deluge ; mais je ne sais' ou Ton a vu qu'il n'y en aura plus qua- rante ans avant la fin du monde, « parce que la secheresse qui precedera I'embrasement de I'u- nivers consumera la matiere de ce meleore » , C'est pourtant une opinion encore repandue chez ceux qui s'occupent de la fin du monde. L'arc-en-ciel a son principe dans la nature; et croire qu'il n'y eut point d'arc-en-ciel avant le deluge, parce que Dieu en fit le signe de son al- liance , c'est comme si Ton disait qu'il n'y avpit point d'eau avant I'institution du bapleme. El puis, Dieu ne dil point, au cbapitre IX de la Genese, qu'il plaga son arc en ciel , mais son arc en si- gne d'alliance; el comment atlribuera-l-on a l'arc- en-ciel ce passage d'Isaie : J'ai mis mon air et ma Jleche dans les nues ! Chez les Scandinaves, l'arc-en-ciel eslun pont qui va de I'enfer au walhalla. Les enfanls croient en Alsace que toutes les fois qu'il y a dans le firmament un arc-en-ciel il tombe du ciel un petit plat d'or qui ne pent etre Irouve que par un enfant ne le dimancbe. Ardents (mal des), appele aussi feu infernal. C'etail au onzieme et au douzieme siecle une maladie non expliquee, qui se manifestait comme un feu inlerieur et devorait ceux qui en etaient frappes. Les personnes qui voyaient la un effel de la colere celeste I'appelaient feu sacre; d'au- Ires le nommaient feu infernal; ceux qui I'attri- buaient a I'influence des aslres le nommaient si- c?era;/on. Lesreliquesde saint Antoine, que lecomte Josselin apporta de la lerre sainle a la Molhe- Saint-Didier, ayant gueri plusieurs infortunes at- teints de ce mal, on le nomme encore feu de saint Antoine. Le mal des Ardents, lorsqu'il tomba sur Paris et sur Arras, au douzieme siecle, etait une affreuse maladie epidemique , une sorle de lepre brulante, plus terrible que le cholera. On en dut a Paris la guerison a sainle Genevieve. Le meme bienfait est celebre a Arras, oh. quelques gouttes d'un cierge miraculeux, apporle par la sainle Vierge^ distillees dans I'eau, enlevaient le mal des Ardents. On fetait a Paris sainte Genevieve des Ardents, en souvenir des cures merveilleuses operees alors par la chasse de la sainte sui* les infortunes at- leints de ce mal. Ardents, exhalaisons enflammees qui parais- sent sur les bords des lacs el des marais , ordi- nairement en automne, el qu'on prend pour des esprits follets, parce qu'elles sont a fleur de terre et qu'on les voit quelquefois changer de place. Souvent on en est ebloui et on se perd. Leloyer dit que lorsqu'on ne peut s'empecher de suivre les ardents, ce sont bien en verile des demons** ^ Brown, Erreurs populaires, liv. VII, ch. v. 2 Voyez ce fait dans les Legendes de la sainte Vierge. 3 Discours des spectres, liv. I, ch. vii. ARD - ^8 - ARG II y cut, sons Ic regnc de Louis Xlil, une his- toire de revenant qui lit assez de bruit a Mar- seille; c'etail uneespece defcu ardentou d'liomme de feu. Le comle el la cointesse d'Alais voyaient toules les nuils un spectre enllamme se promener dans leur chanibre, et aucune force humaine ne pouvait le forcer a se retirer. La jeune dame suppiia son mari de quitter une maison et une ville oil ils ne pouvaient plus dormir. Le comte, qui se plaisait a Marseille , voulut employer d'a- bord lous les moyens pour I'expulsion du fan- tome. Gassendi fut consulle ; il conclut que ce fantome de feu qui se promenait toutes les nuits etait forme par des vapeurs enflammees que pro- duisait le souffle du comte et de la comtesse D'autres savants donnerent des reponses aussi salisfaisantes. On decouvrit enfin le secret. Une femme de chambre, cachee sous le lit, faisait paraitre un phosphore a qui la peiu' dunnait une taille et des formes effrayanles; et la comtesse elle-meme faisait jouer celte farce pour obliger son mari a partir de Marseille, qu'elle n'aimait pas... Ardibehecht, I'un des sept Amschaspands. II preside au feu. Argens (Boyer d'), marquis, ne en IVO/i, a Aix en Provence. On trouve, parmi beaucoup de falras, des choses curieuses sur les gnomes , les sylphes , les ondins el les salamandres, dans ses « Letlres cabalistiques , ou Correspondance phi- losophique , historique et critique entre deux cabalistes , divers esprits elemenlaires et le sei- gneur Astaroth ». La meilleure edition est de 1769, 7 vol. in-12. Ce livre, d'un tres-mauvais esprit, est infecte d'un philosophisme que I'au- teur a desavoue ensuite. Argent. L'argent qui vient du diable est ordi- nairement de mauvais aloi. Delrio conle qu'un homme ayant recu du demon une bourse pleine d'or n'y trouva le lendemain que des charbons et du fumier. Un inconnu , passant par un village, renconlra un jeune bomme de quinze ans d'une figure in- teressante et d'un exlerieur fort simple. 11 lui demanda s'il voulait elre riche ; le jeune homme ayant repondu qu'il le desirait, I'inconnu lui donna un papier plie , et lui dit qu'il en pourrait faire sortir autant d'or qu'ils le soubailerait, tant qu'il ne le deplierait pas, et que s'il domptail sa curiosite, 11 connaitrait avant pen son bienfai- leur. Le jeune homme rentra cliez hii , secoua son Iresor mysterieux , il en tomba quelques pieces d'or.... Mais, n'ayant pu resisler a la len- tation de I'ouvrir, il y vit des griffes de chat, des ongles d'ours, des pattes de crapaud, et d'au- tres figures si horribles , qu'il jela le papier au feu , ou il fut une demi-heure sans pouvoir se consumer. Les pieces d'or qu'il en avait tirees disparurent , et il reconnut qu'il avait eu affaire au diable. Un avare, devenu riche a force d'usure , se sentant a I'arlicle de la mort, pria sa femme de lui apporter sa bourse, afm qu'il put la voir en- core avanl de mourir. Quand il la lint, il la serra tendrement, et ordonna qu'on I'enterral avec lui , parce qu'il trouvait I'idee de s'en separer dechirante. On ne lui promit rien precisement, et il mourut en contemplant son or. Alors on lui arracha la bourse des mains, ce qui ne se fit pas sans peine; mais quelle fut la surprise de la fa- mine assemblee , lorsqu'en ouvrant le sac on y trouva, non pas des pieces d'or, mais deux cra- pauds!... Le diable etait venu, et en emportant Fame de I'usurier il avait emporte son or, comme deux choses inseparables et qui n'en faisaient qu'une. Voici autre chose : Un homme qui n'avait que vingt sous pour toute fortune se mil a vendre du vin aux passants. Pour gagner davantage, il mettait autant d'eau que de vin dans ce qu'il ven- dait. Au bout d'un certain temps il amassa, par cette voie injusle, la somme de cent livres. Ayant serre cet argent dans un sac de cuir, il alia avec un de ses amis faire provision de vin pour continuer son trafic ; mais, comme il elait pres d'une riviere, il tira du sac de cuir une piece de vingt sous pour une petite emplette; il lenait le sac dans la main gauche et la piece dans la droite; incontinent un oiseau de proie fondit sur lui et lui enleva son sac, qu'il laissa tomber dans la riviere. Le pauvre homme, dont toute la fortune se trouvait ainsi perdue , dit a son compagnon : — Dieu est equitable ; je n'a- vais qu'une piece de vingt sous quand j'ai com- mence a voler; il m'a laisse mon bien, et m'a ote ce que j'avais acquis injuslement. Un elranger bien velu, passant au mois de septembre 1606 dans un village de la Franche- Comte, acheta une jument d'un paysan du lieu pour la somme de dix-huit ducatons. Comme il n'en avait que douze dans sa bourse , il laissa une chahie d'or en gage du reste, qu'il promit de payer a son relour. Le vendeur serra le tout dans du papier, et le lendemain trouva la chaine disparue, el douze plaques de plomb au lieu des ducatons *. Terminons en rappelant un stupide usage de quelques villageois qui croient que, quand on fait des beignets avec des oeufs, de la farine et de I'eau , pendant la messe de la Chandeleur, de maniere qu'on en ait de fails apres la messe, oq a de l'argent pendant toute I'annee ^. On en a toute I'annee aussi, quand on en porte sur soi le premier jour ou Ton enlend le chant du coucou, — et Lout le mois, si on en a dans sa poche la premiere fois qu'on voit la lune nouvelle. Argent potable. Si vous etes verse dans les secrets de I'alchimie et que vous souhaitiez ' Boguet, Discours des sorciers, 2 Thiers, Traitc des s\tperslifi'jns. ARG ~ h9 - ARI posseder ceLte panacee , prenez du soufre bleu celeste , metlez-le dans un vase de verre , versez dessus d'excellent esprit-de-vin , faites digerer au bain pendant vingt-quatro heures, et quand I'espril-de-vin aura atlire le soufre par distilla- lion , prenez une part de ce soufre , versez des- sus trois fois son poids d'esprit blanc mercuriel extrait du vitriol mineral, bouchez bien le vase, failes digerer au bain vaporeux jusqu'a ce que le soufre soit reduit en liqueur; alors versez dessus de tres-bon esprit-de-vin a poids egal , digerez- les ensemble pendant quinze jours, passez le tout par I'alambic, retirez I'esprit par le bain liede, el il restera une liqueur qui sera le vrai argent potable , ou soufre d'argent, qui ne peut plus etre remis en corps. Get elixir blanc est un remede a peu pres universel , qui fait merveilles en medecine , fond I'hydropisie et guerit lous les maux interieurs Argouges. Votj. Fees, a la fin. Arioch. Arignote. Lucien conte qu'a Corinthe, dans le quartier de Cranaiis, personne n'osait habiter une maison qui etait visitee par un spectre. Un certain Arignote, s'elant muni de livres magiques egypliens, s'enferma dans cette maison pour y passer la nuit, et se rait a lire tranquillement dans la cour. Le spectre parut bientot: pour ef- frayer Arignote, il prit d'abord la figure d'un chien , ensuite celles d'un taureau et d'un lion. Mais, sans se troiibler, Arignote prononga dans ses livres des conjurations qui obligerent le fan- tome a se retirer dans un coin de la cour, ou il disparut. Le lendemain on creusa a I'endroit oii le spectre s'etait enfonce ; on y trouva un sque- lette auquel on donna la sepulture, et rien ne parut plus dans la maison. — Cette anecdote n'est autre chose que I'avenlure d'Athenodore , que Lucien avait lue dans Pline', et qu'il accom- mode a sa maniere pour divertir ses lecteurs. 1 Traitedechimie philosoph. et hermetique, p. 168. Arimane, prince des enfers cbez les anciens Perses, source du nial , demon noir, engendre dans les tenebres ennemi d'Oromaze ou Or- mouzd, principe du bien. Mais celui-ci est eler- nel , tandis qu'Arimane est cree et doit perir un jour. Arimaspes, peuples fabuleux de la Scythie; ils n'avaient qu'un ceil et passaient leur vie a detruire les dragons. Arioch , demon de la vengeance , selon quel- ques demonographes; different d'Alastor, et oc- cupe seulement des vengeances particulieres de ceux qui I'emploient, Ariolistes, devins de I'antiquite, dont le me- tier se nommait ar/o/«^/o, parce qu'ils devinaient par les autels {ab arts), lis consultaient les de- mons sur leurs autels, dit Daugis ^ ; ils voyaien ensuite si I'autel tremblait ou s'il s'y faisait quel- que merveille, et predisaient ce que le diable leur inspirait. Aristee, charlatan de File de Proconese , qui vivait du temps de Cresus. II disait que son ame sortait de son corps quand il voulait, et qu'elle y retournait ensuite. Les uns content qu'elle s'echappait, a la vue de sa femme et de ses enfants, sous la figure d'un cerf, Wierus dit sous la figure d'un corbeau — Herodote rap- porte, dans son quatrieme livre , que cet Aris- tee , entrant un jour dans la boutique d'un foulon, y tomba mort; que le foulon courut avertir ses parents, qui arriverent pour le faire enterrer; mais on ne trouva plus le corps. Toute la ville etait en grande surprise, quand des gens qui revenaient de quelque voyage assurerent qu'ils avaient rencontre Aristee sur le chemin de Crotone II parait que c'etait une espece de vampire. Herodote ajoute qu'il reparut au bout de sept ans a Proconese, y composa un poeme et mourut de nouveau. Leloyer, qui regarde Aristee comme un sorcier a extases \ cite une autorile d'apres laquelle , a I'heure meme oii ce vampire disparut pour la seconde fois, il aurait ete transporte en Sicile, et s'y serait fait maitre d'ecole. 11 se montra encore trois cent quarante ans apresdansla ville de Metaponte, etil y fitelever des monuments qu'on voyait du temps d'Hero- ' Plutarque, Sur his et Osiris. 2 Traite sur la magie, etc., p. 66. 3 De prcBstigiis deem., lib. I, cap. xiv. * Plutarque, dans la I'fe de Romulus. Discours des spectres, liv. IV, cli. xxiv, 4 ARi - 50 ARM dole. Tant de prodiges engagerent les Siciliens a lui consacrcr un temple , ou ils I'lionoraient comine un denii-dieu. Aristodeme , roi des Messeniens. Voy. Opiiio- NEUS ct Ololygmancie. Aristolochie, ou paille de sarasin , ou plu- tot espece de planle appelee pistoloche, avec laquello Apulee pretendait qu'on pouvait denouer raiguillelle, sans doule en remployant a des fumigations. Voy. Ligatures. Aristomene, general messenien, si liabile el si adroit, que toutes les fois qu'il lombait au pouvoir des Alheniens, ses ennemis, il trouvait moyen de s'echapper de leurs mains. Pour lui 6(er cette ressource, ils le firent niourir; apres quo! on I'ouvrit et on lui trouva le coeur lout couvert de polls Aristote , que I'Arabe Averrhoes appelle le conible de la perfection humaine. Sa philosophie a ete en grande veneration, et son nom a tou- jours de I'eclat. Mais il ne fallait pas se quereller pour ses opinions et emprisonner dans un temps ceux qui ne les parlageaienl pas, pour empri- sonner dans un autre temps ceux qui les avaient adoptees. Ces querelles, au reste, n'ont ele ele- vees que par les heretiques. Delancre semble dire qu' Aristote savait la raa- gie naturelle ^ ; mais il ne parle guere en homme superstitieux dans aucun de ses ecrits. Quant a la vieille opinion , soutenue par Procope et quel- ques autres.qu'Aristole, ne pouvant comprendre la raison du flux et du reflux de I'Euripe , s'y precipita en faisant de desespoir ce mauvais calembour : — Puisque je ne puis le saisir, sai- sis-moi ' ; — cette opinion est aujourd'hui un conte meprise. Nous ne citerons ici des ouvrages d'Aristote que ceux qui ont rapport aux matieres que nous traitons : 1° De la divination par les songes; 2'^ Du sommeil ct de la veille, imprimes dans ses oeuvres. On pent consulter aussi les Remarques de Michel d'Ephese sur le livre De la divination par les songes'*, et la Paraphrase de Themislius .sur di- vers trailes d'Aristote, principalement sur ce meme ouvrage Arithmancie ou Arithmomancie. Divina- tion par les nombres. Les Grecs examinaient le nombre et la valeur des lettres dans les noms de deux combattants, et en auguraient que celui dont le nom renfermait plus de lettres et d'une * Valere-Maxime , liv. I, ch. viii, ext. n" IS. ^ Tableau de I'lnconstance des mauvais anges, etc., liv. YI, disc. II. Si quidem ego non capio te, tu capies me* * Michaelis Ephesii Annotationes in Aristotdem de somno, id est, de divinatione per somnum, Ve- nise, in-S", 1527. Themistii Paraphrasis in Aristotelem de memoria et reminiscent id, de insomniis, de divinatione per somnmn, laline, interprete Hermolao Barbaro. Bcile, in-S", 1530. I plus grande valeur remporterait la victoire. C'est en vertu de celte science que quelques devins avaient prevu qu'Hector devait etre vaincu par Achille. Les Chaldeens, qui pratiquaient aussi I'arith- momancie, partageaient leur alphabet en trois parties, chacune composee de sept lettres, qu'ils attribuaient aux sept planeles, pour en tirer des presages. Les platoniciens et les pythagoriciens etaient fort adonnes a celte divination , qui com- prend aussi une partie de la cabale des Juifs'. Arius, fameux heretique qui niait la divinite de Jesus-Christ, Notre-Seigneur. Voici comment on raconte sa mort : — Saint Alexandre, eveque de Byzance, voyant que les sectateurs d' Arius voulaient le porter en triomphe, le lendemain di- manche, dans le temple du Seigneur, pria Dieu avec zele d'empecher ce scandale , de peur que si Arius entrait dans I'eglise, il ne semblat que I'heresie y fut entree avec lui. Et le lendemain dimanche, au moment ou I'on s'altendait a voir Arius, I'heretique ivrogne, sentant un certain besoin quiaurait pu lui etre fort incommode dans laceremoniede son triomphe, futobliged'allerau\ lieux secrets, ou il creva par le milieu du ventre , perdit les inteslins, et mourut d'une mort infame et malheureuse, frappe, selon quelques-uns, par le diable, qui dut en recevoir I'ordre, car Arius etait de ses amis. Armanville. Une dame d'Armanville, a Amiens, fut battue dans son lit en 1746. Sa servante attesta que le diable I'avait maltraitee. La cloche de la maison sonna seule ; on entendit balayer le gre- nier a minuit. 11 sembla meme que les demons qui prenaient cette peine avaient un tambour et fai- saient ensuite des evolutions militaires. La dame, effrayee, quitta Amiens pour retourner a Paris; c'est ce que voulait la femme de chambre. II n'y eut plus de malefices des lors, et Ton a eu tort de voir la autre chose que de la malice. Armees prodigieuses. Au siege de Jerusalem par Tilus, et dans plusieurs autres circonstances, on vit dans les airs des armees ou des troupes de fantomes, phenomenes non encore expliques, et qui jamais ne presagerent rien de bon. Plutarque raconte, dans la Vie de Themistocle, que pendant la bataille de Salamine on vit en I'air des armees prodigieuses el des figures d'hommes qui, de I'ile d'Egine, tendaient les mains au-devant des galeres grecques. On publia que c'etaient les Eacides, qu'on avail invoques avant la bataille. Quelquefois aussi on a rencontre des troupes de revenants et de demons allant par bataillons et par bandes. Voy. Retz, etc. En 1123, dans le comte de Worms, on vit pendant plusieurs jours une multitude de gens armes, a pied et a cheval, allant et venant avec 1 Delancre, tncredulite et mccreance du sortilege pleinement convaincue, traile Vi ARM — 51 — ARN grand bruit, et qui se rendaient tous les soirs, vers I'heure de none , a iine montagne qui parais- sait le lieu de leur reunion. Plusieurs personnes du voisinage s'approcherent de ces gens amies , en les conjuranl, au nom de Dieu, de leur decla- rer ce que signifiait cette troupe innombrable et quel etait leur projet. Un des soldats ou fantomes repondit : Nous ne sommes pas ce que vous vous iraaginez , ni de vrais fantomes ni de vrais sol- dats. Nous sommes les araes de ceux qui ont ete tues en cet endroit dans la derniere bataille. Les amies et les chevaux que vous voyez sont les instruments de notre supplice, comme ils I'ont ete de nos peches. Nous sommes tout en feu, quoique vous n'aperceviez en nous rien qui pa- raisse enflamme. — On dit qu'on remarqua en leur compagnie le comte Enrico et plusieurs autres seigneurs tues depuis peu d'annees, qui declarerent qu'on pouvait les soulager par des aumones et des prieres'. Voi/. Apparitions, Phi^- NOMENES, Visions, Aurore bore^le, etc. Armide. L'episode d'Armide, dans le Tasse, est fonde sur une tradition populaire qui est rap- portee dans les chroniques de la premiere croi- sade et citee par Pierre Delancre ^ Cette habile enchanteresse etait fille d'Arbilan , roi de Damas ; elle fut elevee par Hidraote, son oncle, puissant magicien , qui en fit une grande sorciere- La na- ture I'avait si bien partagee , qu'elle surpassait en altraits les plus belles femmes de I'Orient. Son oncle I'envoya comme un redoutable ennemi vers la puissante armee chretienne que le pape Urbain 11 avait rassemblee sous la conduite de Godefroid de Bouillon ; et la, comme dit Delancre , « elle charma en effet quelques chefs croises » ; mais elle ne compromit pas I'espoir des Chre- tiens ; et meme elle fat tuee par un projectile au siege de Jerusalem ^ Armomancie , divination qui se faisait par I'inspection des epaules'. On juge encore au- jourd'hui qu'un homme qui a les epaules larges est plus fort qu'un autre qui les a etroites. Arnauld (Angelique). Apparition de la mere Murie-Angelique Arnauld, abbesse de Port-Royal de Paris, peu avant la inort de la swur Maric- Dorothee Perderaux, abbesse intruse de ladite mai- son; rapportee dans une lettre ecrite en 1685, par M. Dufosse', a la suite de ses mernoires sur Port-Royal. — « Deux religieuses de Port-Royal, etant a veiller le Saint -Sacrement pendant la nuit , virent tout a coup la feue mere Angelique , leur ancienne abbesse, se lever du lieu ou elle avait ete inhumee , ayant en main sa crosse abba- 1 Chronique d'Ursperg. 2 Tableau del' inconstance des mauvais anges , etc., liv. I. 3 Voyez les Legendes des croisades. * Du mot latin armus, epaule. Les anciens appli- quaient surtout cette divination aux animaux. Ils ju- geaient par rarmomancie si la victime elalL bonne pour les dieux. tiale, marcher tout le long du choeur et s'aller asseoir a la place ou se met I'abbesse pendant les vepres. » Etant assise , elle appela une religieuse qui se Irouvait au meme lieu, et lui ordonna d'aller chercher la soeur Dorothee, laquelle, ou du moins son esprit, vint se presenter devant la mere An- gelique, qui lui parla quelque temps, sans qu'on piit entendre ce qu'elle lui disait ; apres quoi , tout disparut. » On ne douta point que la mere Angelique n'eut cite la sceur Dorothee devant Dieu ; et c'est la maniere dont elle I'interpreta elle-meme , lors- que les deux religieuses qui avaient ete temoins de cette apparition la lui rappor terent. Elle s'ecria : — Ah ! je mourrai bientot. Et en effet , elle mou- rut quinze jours ou trois semaines apres. » Voila! Arnauld de Bresse (Brescia) , moine du dou- zieme siecle, disciple d'Abeilard. Turbulent et ambitieux , il se fit chef de secte. II disait que les bonnes oeuvres sont preferables au sacrifice de la messe , ce qui est absurde; car le sacrifice de la messe n'empeche pas les bonnes osuvres, il les ordonne au contraire. II avait jete le froc , comme tous les reformaleurs. Ayant excite de grands troubles , et charge de noirs forfaits , il fut pris et brule a Rome en 1155. Cet homme est peint sous d'affreuses couleurs dans une chronique conlemporaine intitulee le Male/ice, attribuee a Hues de Braye-Selves et pu- bliee en style moderne par M. Leon Dussillet. Chasse, maudit, traque partout, il s'est attache a Sibylle de Bourgogne, plus connue sous le nom de la Dame aux jambes d'or, qu'on lui donna dans les croisades, que par la violence de ses passions. Pendant qu'il prepare le malefice qui doit tuer une jeune fille dont Sibylle veut la mort, neuf gouttes de sang jaillissent d'une cicatrice qu'il avait a la joue. — Deja! dit le sorcier d'une voix creuse ; raaitre , tu comptes bien , et moi seul j'ou- bliais le terme. — Quel terme? s'ecria Sibylle frappee de la paleur subile d'Arnauld de Bresse. Pour qui ce sang a-t-il conle? je n'avais point remarque ce terrible stigmate, qu'on croirait iin- prime avec un sceau de feu. — Ce sceau brule en effet, repliqua le moine, toujours plus trouble et plus pale; et celui qui I'a imprime ne souffre jamais qu'il s'efface. Les genoux du sorcier ile- chirent sous lui , et ses membres fremirent d'une horreur invincible II prevoyait que bientot celui a qui il s'etait vendu allait arriver ; il acheva I'envoulement qui amena la mort de la jeune fille ; et c'est sans doute apres ces abominations qu'il gagna Rome, on ne sait dans quel but. 11 y mou- rut sur le bucher. Arnauld de Villeneuve, medecin, astro- logue et alchimiste, qu'il ne faut pas confondre, comme on I'a fait quelquefois, avec Arnauld de 1 Chapitre III du livre cite. ARN — 5 Bresse. II elait ne aupres do Montpellier; il mou- riU dans iin naiifrage en 131/i. La cliimic hii doil beaiicoup de decouverles ; il ne cherchail, a la verile, que la pierrc philo- sophale el ne songeait qii'a faire de For ; mais il trouva les trois acides sulfiirique , marialique el nitrique. II composa le premier de I'alcool et do ralafia; il (U coniiaitre I'essence de lerebenthine, regiiiarisa la dislillation , etc. 11 nielait, a ses vasles connaissances en medecine des reveries asLrolo- giqiies, el il predil la fin da monde pour I'annee 1335. On I'accusa aiissi de magie. Franqois Pegna dil qu'il devail an demon toul ce qu'il savait d'alchi- mie, et Mariana^ lui reproche d'avoir essaye de former un homme avec de cerlaines drogues de- posees dans une cilrouille. Mais Delrio juslilie Arnauld de Villeneuve de ces accusalions ; el le pape Clemen I V ne I'eul pas pris pour son mede- cin s'il eut donne dans la magie. — L'inquisilion de Tarragone fit bruler ses livres trois ans apres sa mort, mais elle les fit bruler comme etant era- preinls de pUisieurs sentiments heretiques. On recherche d' Arnauld de'Villeneuve un traite de I'explicalion des songes ^ ; mais on met sur son compte beaucoup d'ouvrages d'alchimie ou de magie auxquels il n'a pas eu la moindre part. Tels sonl : le livre des L'njatures physiques % qui est une traduction d'un livre arabe ; et ceUii des Talismans des douze signes du zodiaque''. On lui altribae aussi faussemenl le livre slupide et in- fame des Trois iinposteurs. Arnold (Paul), vampire. Voy. Paul. Arnoux, auleur d'un volume in-12 publie a Rouen en 1630, sous le tilre des Merveilles de I' autre monde, ouvrage ecril dans un goCit bizarre et propre a troubler les imaginations faibles par des contes de visions et de revenants. Arnuphis, sorcier egyptien. Voyant Marc- Aurele et son armee engages dans des defiles dont les Quades fermaient Tissue, el mourant de soif sous un ciel brulant, il fit toniber, par le moyen de son art, une pluie prodigieuse qui per- mit aux Remains de se desallerer, pendant que la grele et le tonnerre fondaient sur les Quades et les conlraignaienl a rendre les armes. C'est ce que racontenl, dans un but inleresse, quelques auleurs paiens. D'aulres font honneur de ce pro- dige aux impuissanles prieres de Marc-Aurele. Les auleurs Chretiens, les seuls qui soienl ici dans la verile , raltribuent unanimemenl, el avec toute raison, a la priere des soldals Chretiens qui se trouvaienl dans I'armee romaine. Arnus, devin tue par Hercule, parce qu'il 1 Rerum kispanar., lib. XIV, c. ix. 2 Artialdi de Villanova libcUus de somniorum rn- terpretatione et somnia Danielis, in- 4". Ancieiine edition Ircs-rare. 3 De physicis ligaturis. 4 De sigillis dmdecim siynorum. 2 — ART faisail le metier d'espion. Apollon vengea la inort d'Arnus, qu'il inspirait, en mellanl la pesle dans le camp des Htlraclides. II fallut, pour faire cesser le fleau , etablir des jeux en I'honneur du defunt. Arot. Voy. Map.ot. Arphaxat, sorcier perse, qui ful tue d'un coup de foudre, si I'on en croil Abdias de Baby- lone a I'heure nieme du marly re de saint Simon el de saint Jude. — Dans la possession de Lou- dun, on a vu un demon Arphaxat. Art de saint Anselme , moyen superslilieux de guerir, employe par des imposleurs qui pre- naient le nom d'anselmisles. lis se contentaient de toucher, avec cerlaines paroles, les linges qu'on appliquait sur les blessures. lis devaienL le secret de leur art, disaienl-ils , a saint Anselme de Canlorbery. Aussi I'appelaienl-ils I'arl de saint Anselme , voulant de la sorte se donner un cer- tain vernis. Mais Delrio assure que leur veritable chef de file est Anselme de Parme. Voyez ce mot. Art de saint Paul, moyen de predire les choses futures, que des songe-creux onl pretendu avoir ele enseigne a saint Paul dans son voyage au troisieme ciel. Des charlatans onl eu le front de s'en dire heritiers. Art des Esprits, appele aussi art angcliqiie. 11 consisle dans le talent d'evoquer les esprits el de les obliger a decouvrir les choses cachees. D'aulres disent que fart angtMique esl I'art de s'arranger avec son ange gardien , de maniere a recevoir de lui la revelation de lout ce qu'on veul savoir. Get art superslilieux se pratique de deux manieres: ou par des exlases, dans les- quelles on regoit des avis, ou par des entreliens avec range que Ton evoque, qui apparait, et qui en celle circonslance n'esl probablemenl pas un ange de himiere. Voy. Evocations. Art notoire, espece d'encyclopedie inspiree. Le livre superslilieux qui conlient les principes de I'art notoire promel la connaissance de toutes les sciences en quatorze jours. L'auleur du livre dil effronlement que le Saint-Esprit le dicta a saint Jerome. II assure encore que Salomon n'a . oblenu la sagesse el la science universelle que pour avoir lu en nne seule nuit ce merveilleux livre. II faudrait qu'il eCil deja ele dicle a quelque enfant d'Israel ; car ce serail un prodige Irop grand que Salomon eiil lu le manuscrit de saint Jerome. Mais les faiseurs d'ecrils de ce genre ne reculent pas pour si peu. Gilles Bourdin a publie, au seizieme siecle, un grimoire obscur sous le litre de I'Art notoire. 11 n'est pas probable que ce soil la bonne copie, qui sans doule esl perdue. Delrio dit que de son temps les mailres de eel art ordonnaienl a leurs eleves une sorle de 1 Certaminis apostolici, lib. VI. ART — 53 — ART confession generale, des jeunes, des prieres, des retrailes, puis leur faisaient entendre, a genoux, la lecture du livre de VArt notoire, et leur per- suadaient qu'ils etaient devenus aussi savants que Salomon, les prophetes et lesapotres. II s'en trouvait qui le croyaient. Ce livre a ete condamne par le pape Pie V. Melant les choses religieuses a ses illusions, I'au- teiir recommande entre autres soins de reciter tous les jours, pendant sept semaines, les sept psaumes de la penitence, et de chanter tous les matins au lever du soleil le Veni Creator, en commencant un jour de nouvelle lune, pour se preparer ainsi a la connaissance de VArt notoire K Erasme, qui parle de ce livre dans un de ses colloques, dit qu'il n'y a rien compris; qu'il n'y a trouve que des figures de dragons, de lions, de leopards , des cercles , des triangles , des ca- racteres hebreux, grecs, latins, et qu'on n'a jamais connu personne qui eut rien appris dans tout cela. ^ Des doctes pretendent que le veritable j4r5 710- toria n'a jamais ete ecrit , et que I'esprit le revele a chaque aspirant prepare. (Mais quel esprit?) II leur en fait la lecture pendant leur sommeil, s'ils ont sous I'oreiller le nom cabalistique de Sa- lomon , ecrit sur une lame d'or ou sur un par- chemin vierge. Mais d'autres erudits soutiennent que \'Ars notoria existe ecrit, et qu'on le doit a Salomon. Le croira qui pourra. Art sacerdotal. C'est,selonquelquesadeples, le nom que les Egyptiens donnaient a I'alchimie. Get art, dont le secret, recommande sous peine demort, etait ecrit en langue hieroglyphique, n'etait communique qu'aux pretres, a la suite de longues epreuves. Arts du serpent. C'est le nom qu'on donne souvent aux arts magiques. Artemidore, Ephesien qui vecuL du temps d'Antonin le Pieux. On lui attribue le traite des songes intitule Oneirocriticon,\)[ih]ie pour la pre- miere fois en grec a Venise, 1518, in-8°. On re- cherche la traduction latine de Rigaut^, et quel- ques traductions frangaises*. Artephius, philosophe hermetique du dou- zieme siecle, que les alchimistes disent avoir v^cu plus de miile ans paries secrets de la pierre philosophale. Frangois Pic rapporte le sentiment de quelques savants qui affirment qu' Artephius est le meme qu'ApoUonius de Tyane, ne au pre- ' Franc. Torreblanca, cap, xiv, Epist. de mag. 2 Artemidori Ephesii Oneirocrilica, seu de som- niorum interpretatione , graec-lat. , cum notis Nic. Rigaltii, in-4°, Paris, 1603. ^ Artemidore, De I' explication des songes, avec le livre d'Augustin Nyptius, Des divinations, in-16. Rouen, 1600; edition augmenlee, 1604. — Epitome des cinq livres d'Artemidore traitant des songes, traduit du grec par Charles Fontaine ; avec un recueil de Valere-Maxime sur le meme sujet, traduit du latin , in-8°. Lyon , 1 353. I mier siecle sous ce nom, et mort au douzifeme sous celui d'Artephius. On lui altribue plusieurs livres extravagants ou curieux : 1° VArt d'alloncjer sa vie [De vita pro- paganda), qu'il dit dans sa preface avoir compose a I'age de milie vingt-cinq ans; 2° la Clef de la Sagesse supreme^; 3° un livre sur les caracteres des planetes, sur la signification da chant des oiseaux, sur les choses passees et futures, et sur la pierre philosophale ^ Cardan , qui parle de ces ouvrages au seizieme livre de la Variiti des choses, croit qu'ils ont ete composes parquelque plaisant qui voulait se jouer de la credulite des partisans de I'alchimie. Arthemia, fille de I'empereur Diocletien. Elle fut possedee d'un demon qui resista aux exor- cismes paiens , et ne ceda qu'a saint Cyriaque , diacre de I'figlise romaine. L'idee de rire et de plaisanter des possessions et des exorci.smes de I'figlise est venue quelque- fois a des esprits egares, qu'il eiit ete bon peut- etre d'exorciser eux-memes. Arthus ou Artus, roi des Bretons, celebre dans les romans de la Table Ronde, et dont la vie est enlouree de fables. On pretend qu'il n'est qu'assoupi aAvallon, et qu'il revient la nuit dans les forets de la Bretagne chasser a grand bruit, avec des chiens, des chevaux et des piqueurs, qui ne sont que des demons et des spectres, au sentiment de Pierre Delancre Quand le grand veneur apparut a Henri IV dans la foret de Fon- tainebleau, quelques-uns dirent que c'elait la chasse du roi Arthus. La tradition conserve , aux environs de Huel- goat, dans le Finistere, le souvenir curieux de I'enorme chateau d'Arthus. On montre des ro- chers de granit entasses comme etant les debris de ses vastes muraiiles. 11 s'y trouve, dit-on, des tresors gardes par des demons, qui souvent traversent les airs sous la forme de feux follets en poussant des hurlements repetes par les echos du voisinage ^ L'orfraie, la buse et le corbeau sont les botes sinistres qui frequentent ces ruines merveilleuses, ou de temps en temps apparait I'ame d'Arthus endormi avec sa cour enchantee dans son vieux manoir d'Avalon. Voy. Merlin. En Angleterre on a cru et dans plusieurs con- trees de ce pays on croit encore que le roi ' Clavis majoris sapientiw, imprimd dans le Thea- tre chimique. Francfort, 1614, in-8°, ou Strasbourg, -1699, in-12. De characteribus planetarum, cantu et motibus avium, rerum prceteritarum et futurarum, lapideque philosophico. Le traite d'Artephius sur la pierre phi- losophale a ete traduit en francais par P. Arnauld , et irnprimd avec ceux de Sinosius et de Flamel. Pa- ris, 1612, 1659, 1682, in-4". On attribue encore a Artephius le Miroir des miroirs, Speculum specu- lorum, et le Livre secret, Liber secretus. 3 Tableau de V inconstance des mauvais songes, liv. IV, disc. nr. ^ Cambry, Voyage dans le Finistere, t. I, p. 277 ARU — t Arlhiis a ele par eiicliantemenl transfonne en corbeau ; eL pour cela on respecte beaiicoiip les corbeaux, car I'un d'eiix pourrait elre rheroj'qiic moiiar(]Lie. Arundel (Thomas). Comme il s'etait oppose (qiialorzieme siecle) aux seditions des wicklef- files, Cliassaignon, dans ses Grands et redou- tahles juf/ements de Dieu, imprinies a Morges en 1581, Chez Jean Lepreux, imprimeiir des tres- piiissants seigneurs de Berne, Chassaignon, re- forme eL defenseur de tons les heretiques, dit qu'il mourul cruellement, ia languc tellement enOee qn'il ne pouvait plus parler, « lui qui avail voulu empecher, dans la bouche des disciples de WicklelT, le cours de la sainte parole » Mais il n'ose pas rechercher si Thomas Arundel fut, comme Wickleff, elrangle par le diable. Aruspices, devins dn paganisme, dont I'art se nommait aruspicinc lis examinaient les en- Irailles des victimes pour en tirer des presages; il fallait etre de bonne maison pourexercer cette espece de sacerdoce. lis predisaient l°par la sim- ple inspection des victimes vivanles; 2" par I'etat de leurs entrailles apres qu'elles etaient ouvertes ; 3° par la flamme qui s'elevait de leurs chairs briilees. — La victime qu'il fallait amener avec violence, on qui s'echappait de I'autel, donnait des presages sinistres; le coeur maigre, le foie double ou enveloppe d'une double tunique, et surtout I'absence du coeur ou du foie, annon- Qaient de grands maux. On croirait que les arus- pices etaient habiles dans I'art d'escamoter, car le coeur manqua aux deux boeufs immoles le jour OLi Ton assassina Cesar. G'etait mauvais signe quand la flamme ne s'elevait pas avec force et n'elait pas transpa- renle et pure; et si la queue de la bete se cour- bait en brulant, elle menagait de grandes difii- culles dans les affaires. Voy. Hi'PAtoscopie. Arzels. Voy. Cheval. Asaphins, devins ou sorciers chaldeens, qui expliquaient les songeset tiraient les horoscopes, lis avaient pour divinite une idole nomme Asaph. Ascaroth. C'est le nom que donnent les de- monographes a un demon peu connu qui pro- tege les espions et les delateurs. II depend du demon Nergal. Ascese diabolique. L'ascese chretienne eleve les ames a Dieu ; l'ascese diabolique les abaisse et les enfonce jusqu'aux demons. Ascik-Pacha, demon turc, qui favorise les intrigues secretes, facilite les accouchements , enseigne les moyens de rompre les charmes et donne I'art d'en composer. Ascletarion, astrologue qui se permit de faire des propheties dont I'empereur Domitien ne fut pas content. 11 le fit venir et lui dit : « Toi qui sais le moment de ma mort, connais-tu le genre de la tienne? — Oui, repondit I'astrologue. serai mange par les chiens. » Domitien pour 4 — ASM prouver quo sa science elait vaine, le fit tuer sur-le-champ et ordonna que son corps fut brule. Mais un grand orage qui survint eleignit le bucher et mit les executeurs en fuite. Des chiens vinrent, mirent le corps en pieces et le mangerent. Suetone et Dion Cassias mentionnent ce singulier fait. Aselle. L'aselle aquatique, espece de cloporte, etait reveree des Lslandais, qui croyaient qu'en tenant cet insecte dans la bouche, ou son ovaire desseche sur la langue, ils obtenaient tout ce qu'ils pouvaient desirer. Ils appelaient son ovaire sec pierre a souhails. Ases. Divinitcs scandinaves. EUes sont au nombre de trenle, dont douze dieux qui ont pour maitre Odin , et dix-huit deesses , a la tete desquelles domine Frigga. Asgard. C'est la ville des ases ou dieux scan- dinaves, Odin habite cette ville somptueuse, si- tuee en un lieu du monde d'oii il pent voir tous les etres et tous les evenements. Ashmole (Elie), antiquaire et alchimisle an- glais, ne en 1617. On lui doit quelques ouvrages utiles et le inusee aslimolecn d'Oxford. Mais il publia a Londres, en 1652, un volume in-/j°, intitule Theatrum chemicum hrilnnnicum , con- tenant differents poemes des philosophes anglais qui ont ecrit sur les mysteres hermetiques. Six ans apres, il fit imprimer le Cliemin du honheur, in-k", 1658. Ce traite, qui n'est pas de lui, mais auquel il mit une preface, roule aussi sur la pierre philosophale. Voy. PiEiinE philosophale. Asile. Les lois qui accordaient droit d'asile aux criminels dans les eglises exceptaient ordi- nairement les sorciers, qui, d'ailleurs, ne cher- chaient pas trop la leur recours. Asima, demon qui rit quand on fait le mal. 11 a ete adore a Emalh , dans la tribu de Neph- tali, avant que les habitants de cette ville fussent transportes a Samarie. Aske, le premier homme dans les traditions religieuses des Scandinaves. Asmodee, demon destructeur, le meme que Samael, suivant quelques rabbins. II est surin- tendant des maisons de jeu. II seme la dissipation ASM — 55 — ASP et I'erreiir. — Les rabbins content qu'il ddtrona un jour Salomon; niais que bienlot Salomon le chargea de fers, et le forga de I'aider a batir le temple de Jerusalem. — Tobie, suivant les memes rabbins, I'ayant expulse, avec la fumee dii fiel d'un poisson , du corps de la jemie Sara qu'il possedait, I'ange Raphael I'emprisonna aux extremiles de I'Egyple. Paul Lucas dit qu'il I'a vu dans un de ses voyages. On s'est amusd de ■ lui a ce sujet; cependant on a pu lire dans le Courrier de I'Eyypte que le peuple de ce pays adore encore le serpent Asmodee, lequel a un temple dans le desert de Ryanneh. Onajouteque ce serpent se coupe par morceaux, et qu'un instant apres il n'y parait pas. Voy. Habidi. i|£Cet Asmodee est , au jugement de quelques- uns, I'ancien serpent qui seduisit Eve. Les Juifs, qui I'appellent Asmodai, faisaient de lui le prince des demons, comme on le voit dans la para- phrase chaldaique. C'est aux enfers, dans Wierus, un roi fort et puissant, qui a trois tetes : la pre- miere ressemble a celle d'un taureau, la seconde a celle d'un homme, la troisieme a celle d'un belier. II a une queue de serpent, des pieds d'oie, une haleine enflammee. II se montre a cheval sur un dragon , portant en main un eten- dard et une lance. II est soumis cependant, par la hierarchie infernale, au roi Amoymon*. Lorsqu'on I'exorcise, il faut etre ferme sur ses pieds, et I'appeler par son nom. II donne des anneaux conslelles; il apprend aux hommes ase rendre invisibles et leur enseigne la geometrie, I'arithmetique, I'astronomie et les arts meca- niques. II connait aussi des tresors, qu'on pent le forcer a decouvrir; soixante-douze legions lui obeissent. On le nomme encore Chammadai et Sydonai. Asmodee etait un des demons qui pos- sedaient Madeleine Bavent. Le Sage a fait d'Asmodee le heros d'un de ses romans {le Diable hoiteux). ' Wierus , in Pseudomonarchia dcemon. Asmund et Asweith, compagnons d'armes danois. Lies d'une etroite aniitie, ils convinrent, par un serment soleunel , de ne s'abandonner ni a la vie ni a la mort. Asweith mourut le premier et, suivant leur accord, Asmund, aprfes avoir enseveli son ami, avec son chien et son cheval, dans une grande caverne, y porta des provisions pour une annee et s'enferma dans ce tombeau. Mais le demon, qu'ils avaienl probablement assez bien servi tous deux , etant entre dans le corps du mort , le remit debout et se mit a tourmenter le fidele Asmund , le dechirant , lui defigurant le visage et lui arrachant meme une oreilie, sans lui donner de raisons de sa fureur. Asmund, impatiente apres un siecle de lutte, coupa la tete du mort, voyant bien enfm qu'il avait af- faire ou au diable ou a un vampire. — Sur ces entrefaites, precisement, le roi de Suede, Eric, passant devant la caverne muree et entendant du vacarme, crut qu'elle renfermait un tresor garde par des esprits. II la fit ouvrir, et fut bien surpris d'y trouver Asmund, pale, ensanglant^, aupres d'un cadavre puant; il lui fit conter son histoire, et le voyant mourir lui-meme, aussitot apres son recit, il le fit percer d'un pieu et brula son corps avec celui de son feroce compagnon'; car alors deja on connaissait les vampires, quoi- qu'on ne leur donnat pas ce nom. Voy. Ghole. Asmoug, I'un des demons qui , sous les ordres d'Arimane, sement en Perse les dissensions, les proces et les querelles. Asoors ou Asouras. C'est le nom que les Indiens donnent a certains mauvais genies qui font tomber les voyageurs dans des embuches. Aspame. « Zorobabel etait epris d'un si fol amour pour Aspame, qu'elle le soufiletait comme un esclave et lui otait le diademe pour en orner sa tete, indigne d'un tel ornement, dit De- lancre; elle lefaisait rire et pleurer, quand bon lui semblait, le tout par philtres et fascinations ^ » Les belles dames font tous les jours d'aussi grands exces et produisent d'aussi enormes stu- pidites , sans fascination et sans philtre. Aspilcuetta (Marie d'), sorciere d'Andaye, dans le pays de Labour, so us 1 e regne de Hen ri 1 V. Ellefutarreteeal'age de dix-neuf ans, et avoua qu'on I'avait menee au sabbat, que la elle avait baise le derriere du diable au-dessous d'une grande queue, et que ce derriere etait fait comme le museau d'un bouc ' . Aspidomancie, divination peu connue qui se pratique aux Indes, selon quelques voyageurs. • Saxo Grammat. Danicce hist., lib. V. 2 Incredulite et mecreance du sortilege, etc. 3 Incredulite et mecreance, etc., traitd V. ASR _ 56 — Uelancre dil' que le devin ou sorcier trace uii ccrcle, s'y campe assis sur iin bouclier, mar- nioUe des conjurations, devienl hideux, et ne sort de son exlase que pour annoncer les choses qu'on veut savoir, et que le diable vient de lui reveler. Asrafil, ange terrible qui, selon les musul- mans, doit sonner de la liouipelte et reveiller tons les morts pour le jugement dernier/ On le confond sou vent avec Azrae!. Assa-foetida. Les Hollandais appellent celte planle ficnte da (liable (duivelsdrek). Assassinat. Ce crime a son demon. Assassins, secte d'Ismaeliens qu'on enivrait de hrachick eta qui Ton faisaitun dogme de tuer. Le souverain des Assassins s'appelait le cheick ou Vieux de la Montague. II est celebre dans I'hisloire des croisades. Voy. Thuggismk. Assheton (Guillaume), theologien anglican, ' Delancre, Tableau de I'inconstance des mauvais anges, etc., liv. II, disc. i. AST morten 1711. II publia, en 1691, un petit ou- vrage peu recherche, intitule La possihilite des apparitions. Astaroth, grand-due tres-puissant aux enfers. II a la figure d'un ange fort laid , el se montre chevauchaiit sur un dragon infernal ; il tient a la main gauche une vipere. Quelques magiciens di- sentqu'il preside a I'Occident, qu'il procure I'a- mitie des grands seigneurs, et qu'il faut I'evo- quer le mercredi. Les Sidoniens et les Philisiins I'adorerent. II est, dit-on, grand tresorier aux en- fers. Wierus nous apprend qu'il sait le passe et I'avenir, qu'il repond volontiers aux questions qu'on lui fait sur les choses les plus secretes , et qu'il est facile de le faire cau.ser sur la creation, les fautes et la chute des anges, dont il connait toule I'histoire. Mais dans ses conversations, il soutient que pour lui il a ete puni injustement. II enseigne a fond les arts liberaux, et commande quaranle legions. Celui qui le fait venir doit prendre garde de s'en laisser approcher, a cause de son insupportable puanleur. C'est pourquoi il est prudent de tenir sous ses narines un anneau magique en argent, qui est un preservatif centre les odeurs fetides des demons Astaroth a figure dans plusieurs po.ssessions. II est cite comme I'un des sept princes de I'enfer qui visiterent Fau.st, selon la tradition anglaise ; il parut en serpent, ayant <( la queue coloree comme des briques changeantcs, deux petils pieds fort courts, tout jaunes, le ventre blanc el jaunatre, le cou cha- tain roux, et une pointe en forme de trait, comme ceux du herisson, qui avance de la lon- gueur d'un doigt ^ ». Astarte, femelle d'Astarolli. On la represents avec une tete de genisse. Astiages, roi des Medes. Quand Cyrus eut vaiiicu I'Asie, on publia qu'Asliages, son grand- pere,[^avait songe [en dormant que dans le .sein . ' Wipriis, in Pscudomo)}arcIua dcemon. 2 M. Francois Hugo, le Faust anglais. AST — 57 — AST de sa fille Mandane croissait une vigne qui de ses feuilles coiivrait I'Asie entiere : presage de la grandeur de Cyrus, fds de Mandane. Astier, I'ua des propheles du Dauphine. Voij. Prophetes. Astragalomancie, divination par les des. Prenez deux des, marques comme d'usage des numeros 1,2, 3, k, 5, 6. On peut jeter a volonte un de seul ou les deux des a la fois; on a ainsi la chance d'amener les chiffres 1 a 12. Vous vou- lez deviner quelque affaire qui vous enibarrasse ou penetrer les secrets de I'avenir, posez la ques- tion sur un papier que vous aurez passe au-des- sus de la fumee du bois de genievre ; placez ce papier renverse sur la table, et jetez les des. — Yous ecrirez les letlres a mesure qu'elles se pre- sentent. En se combinant, elles vous donneront la reponse : 1 vaut la leltre A; 2 vaut E ; 3 vaut I ou Y; /( vaut 0; 5 vaut U-, 6 vaut B, P ou V; 7 vaut C , K ou 0 ; 8 vaut D ou T; 9 vaut F, S, X ou Z ; 10 vaut G ou J ; 11 vaut L, M ou N ; 12 vaut R. — Si la reponse est obscure, il ne faut pas s'en etonner: le sort est capricieux. Dans le cas ou vous n'y pouvez rien comprendre, recou- rez a d'autres divinations. — La leLtre H n'est point marquee, parce qu'elle n'est pas uecessaire. Les regies du destin se dispensent de celles de I'orthographe. PH s'expriment fort bien par la leltre F, et CH par la leltre X. Les ancienspraliquaient I'astragalomancie avec des osselets marques des leitres de I'alphabet, et les lettres que le hasard amenait faisaient les reponses. C'est par ce moyen que se rendaient les oracles d'Hercule en Achaie. On metlait les lettres dans une urne , et on les tirait comme on tire les numeros des loteries. Astres. La premiere idolatrie a commence par le culte des astres. Tous les peuples four- voyes les adoraient au temps de Moise. Lui seul dit aux Hebreux : « Lorsque vous elevez les yeux vers le ciel , que vous voyez le soleil , la lune et les autres astres, gardez-vous de tomber dans I'erreur et de les adorer, car c'est Dieu qui les a crees. » {Deuteronome , chap, k-) Ceux qui ne croient pas a la revelation de- vraient nous apprendre comment Moise a dte plus eclaire que les sages de toutes les nations dont il etait environne Mahomet dit dans le Koran que les etoiles sonl les senlinelles du ciel , et qu'elles empechcnl les demons d'en approcher et de connaitre ainsi les secrets de Dieu. 11 y a des sectes qui pretendent que chaque corps celeste est la demeure d'un ange. — Les Arabes, avant Mahomet, adoraient les astres. Les anciens en faisaient des etres animes ; les Egypliens croyaient qu'ils voguaient dans des navires a travers les airs comme nos aeronautes ; * Bergier, Diet, theolog., au mot Astres. ils disaient que le soleil , avec son esquif , traver- sait rOcean toutes les nuits pour retourncr d'Oc- cident en Orient. D'aulresphysiciens ont prelendu que les etoiles sont les yeux du ciel, et que les larmes qui en tombent forment les pierres precieuses. C'est pour cela, ajoutent-ils, que chaque dtoil^ (ou plutot chaque planete) a sa pierre favorite. AstrolalDe , instrument dont on sc sert pour observer les astres et tirer les horoscopes. II est souvent semblable a une sphere armillaire. L'as- trologue, instruit du jour, de I'heure, du moment ou est ne celui qui le consulte ou pour lequel on le consulte, met les choses a la place qu'elles occupaient alors, et dresse son theme suivant la position des planeLes et des constellations. 11 y a eu des gens autrefois qui faisaient le metier de decouvrir les voleurs par le moyen d'un astrolabe. « Le ciel, disaient-ils, est un livre dans lequel on voit le passe, le present et I'avenir; pourquoi ne pourrait-on pas lire les evenemenls de ce monde dans un instrument qui represents la situation des corps celestes'?)) Astrologie, artde dire la bonne aventure, de lirer les horoscopes et de predire les evenements, par I'aspect, les positions et les iniluences des ' Le pere Lebruri, Hist, des pratiques superst., t. I, p. 220. AST — 58 — AST corps cdlesles. — On croitque I'astrologie, qu'on appelle aiissi aslrologie judiciaire, parce qii'elle consiste cn jngemenls siir les personnes et siir les choses,a pris naissance dans la Clialdee, d'ou elle peuelra en Kgyple , cn Grece et en Italic. Quelques antiqiiaires attribiient I'invention de cette science a Cham , fils de Noe. Le commis- saire de Lamarre, dans son Traite de police, litre VII, cliap. i", ne repousse pas les opinions qui etablissent qu'elle lui a ele enseignee par le demon. Diogene Laerce donne a entendre que les Egyp- tiens connaissaient la rondeiir de la terre et la canse des eclipses. On ne pent leur dispnter I'habilete en astronomic ; mais , an lieu de se tenir aux regies droites de cette science, ils en ajouterent d'autres qu'ils fonderent nniquemenl sur leur imagination ; ce furent la les principes de I'art de deviner et de tirer les horoscopes. Ce sont eux, dit Herodole, qui enseignerent a quel dieu chaque mois, chaque jour est consa- cre ; qui observerent les premiers sous quel as- cendant un homme est ne, pour predire sa fortune, ce qui lui arriverait dans sa vie, et de quelle mort il mourrait. u J'ai lu dans les regislres du ciel tout ce qui doit vous arriver a vous et a votre fils , » disait a •ses credules enfants Beius, prince de Baby'.one. Pompee, Cesar, Crassus, croyaient a I'astrologie. Pline en parle comme d'un art respectable. Cette science gouverne encore la Perse et une grande partie de I'Asie. a Rien ne se fait ici , dit Taver- nier dans sa relation d'Ispahan , que de I'avis des astrologues. lis sont plus puissants etplus redou- tes que le roi, qui en a toujours quatre attaches a ses pas. II les consulte sans cesse , et ils I'a- vertissent du temps oii il doit se promener, de I'heure ou il doit se renfermer dans son palais, se purger, se vetir de ses habits royaux, prendre ou quitter le sceptre, etc. lis sont si respecles dans cette cour, que le roi Schah-Sophi etant accable depuis plusieurs annees d'infirmites que I'art ne pouvait guerir, les medecins jugerent qu'il n'etait tombe dans cet etalde deperissement que par la faute des astrologues, qui avaient mal pris i'heure a laquelle il devait elre eleve sur le Irone. Les astrologues reconnurent leur erreur ; ils s'assemblerentde nouveau avec les medecins, chercherent de nouveau dans le ciel la veritable heure propice , ne manquerent pas de ja trouver, et la ceremoniedu couronnementfutrenouvelee, a la grande satisfaction de Schah-Sophi, qui mourut quelques jours apres. » 11 en est de meme en Chine , ou I'empereur n'ose rien entreprendre sans avoir consulte son theme natal. La veneration des Japonais pour I'astrologie est plus profonde encore : chez eux personne n'oserait construire un edifice sans avoir inter- roge quelque astrologue sur la duree du bati- ment. II y en a meme qui , sur la reponse des astres, se devouent et se tuent pour le bonheur de ceux qui doivent habiter la nouvelle maison '. Presque lous les anciens , Hippocrate , Virgile , Horace , Tibere , croyaient a I'astrologie. Le moyen age en fut infecte. On lira I'horoscope de Louis XIII et de Louis XIV, et Boileau dit qu'un Umeraire auteur n'atteint pas le Parnasse , si son aslre en naissanl ne I'a forme poete. En astrologie, on ne connait dans le ciel que sept planetes et douze constellations dans le zo- diaque. Le nombre de celles-ci n'a pas change; mais il y a aujourd'hui neuf foisplus de planetes. Nous ne parlerons pourtant que des sept vieilles employees seules par les astrologues. Nous n'avons, disent-ils, aucun membre que les corps celestes ne gouvernent. Les sept planetes sont , comme on sait, le Soleil, la Lune, Venus, Jupiter, Mars, Mercure et Saturne. Le Soleil preside a la tete, la Lune au bras droit, Venus au bras gauche, Jupiter a I'estomac, Mars aux parties sexuelles, Mercure au pie'd droit , et Saturne au pied gauche ; — ou bien Mars gouverne la tete , Venus le bras droit, Jupiter le bras gauche, le Soleil I'estomac, la Lune les parties sexuelles, Mercure le pied droit, et Saturne le pied gauche. Parmi les constellations, le Belier gouverne la tete , le Taureau le cou , les Gemeaux les bras et les epaules, I'Ecrevisse la poitrine et le coeur, le Lion I'estomac, la Vierge le ventre, la Ba- lance les reins et les fesses, le Scorpion les par- ties sexuelles, le Sagittaire les cuisses, le Capri- corne les genoux, le Verseau les jambes , et les Poissons les pieds. On a mis aussi le monde , c'est-a-dire les em- pires et les villes sous I'influence des constel- lations. Des astrologues allemanSs, au seizieme siecle , avaient declare Francfort sous I'influence du Belier, Wurtzbourg sous celle du Taureau , Nuremberg sous les Gemeaux , Magdebourg sous I'Ecrevisse, Ulra sous le Lion, Heidelberg sous la Vierge , Vienne sous la Balance , Munich sous le Scorpion, Stuttgard sous le Sagittaire, Augs- bourg sous le Capricorne, Ingolstadt sous le Ver- seau , et Ratisbonne sous les Poissons. Hermes a dit que c'est parce qu'il y a sept trous a la tete qu'il y a aussi dans le ciel sept planetes pour presider a ces trous : Saturne et Jupiter aux deux oreilles, Mars et Venus aux deux narines, le Soleil et la Lune aux deux yeux, et Mercure a la bouche. Leon I'Hebreu, dans sa Philosophie d' amour, Iraduile parle sieur Duparc, Champenois, admet cette opinion, qu'il precise tres-bien : « Le SiJeil preside a I'oeil droit, dit-il , et la Lune a I'oeil gauche , parce que tous les deux sont les yeux du ciel ; Jupiter gou- verne I'oreille gauche, Saturne la droite, Mars le ' Essai sur les erreurs et les superstitions, par M. L. C, ch. V. AST — 59 — AST pertiiis droit du nez, Venus le pertuis gauche, et Mercure la bouche , parce qu'il preside a la parole. » Ajoutons encore que Saturne domine sur la vie , les cliangements , les edifices et les sciences ; Jupiter sur I'lionneur, les souhaits, les richesses et la proprete des habits; Mars sur la guerre, les prisons , les manages , les haines ; le Soleil sur I'esperance, le bonheur, le gain, les heri- tages ; Venus sur les amities et les amours ; Mercure sur les maladies, les pertes, les dettes, le commerce et la crainte ; la Lune sur les plaies, les songes et les larcins. Ainsi , du moins, le decide le livre des Admirahlcs secrets d' Albert le Grand. En dominant de la sorte tout ce qui arrive a I'homme, les pianetes ramenent le meme cours de choses toutes les fois qu'elles se retrouvent dans le ciel au lieu de Thoroscope. Jupiter se retrouve au bout de douze ans au meme lieu , les honneurs seront les memes; Venus, au bout de huit ans, les amours seront les memes, etc., mais dans un autre individu. N'oublions pas non plus que chaque planete gouverne un jour de la semaine : le Soleil le dimanche, la Lune le lundi. Mars le mardi, Mercure le mercredi, Jupiter le jeudi, Venus le vendredi , Saturne le samedi ; — que le jaune est la couleur du Soleil , le blanc celle de la Lune, le vert celle de Venus, le rouge celle de Mars, le bleu celle de Jupiter, le noir celle de Saturne, le melange celle de Mercure ; — que le Soleil pre- side a I'or, la Lune a I'argent, Venus a I'etain, Mars au fer, Jupiter a I'airain , Saturne au plomb, Mercure au vif-argent, etc. Le Soleil est bienfaisant et favorable, Saturne triste, -morose etfroid; Jupiter tempere et benin, Mars ardent, Venus bienveillante, Mercure in- constant, la Lune melancolique. Dans les constellations, le Belier, le Lion et le Sagittaire sont chauds, sees et ardents; le Taureau, la Vierge et le Capricorne, lourds, froids et sees; les Gemeaux, la Balance et le Verseau, legers, chauds et humides; I'Ecrevisse, le Scorpion et les Poissons, humides, mous et froids. Au moment de la naissance d'un enfant dont on veut tirer Thoroscope, ou bien au jour de I'evenement dont on cherche a presager les suites, il fautd'abord voir sur I'astrolabe quelles sont les constellations et pianetes qui dominent dans le ciel , et tirer les consequences qu'indi- quent leurs vertus^ leurs qualites et leurs fonc- lions. Si trois signes de la meme nature se ren- contrent dans le ciel, comme, par exemple, le Belier, le Lion et le Sagittaire, ces trois signes forment le trin aspect , parce qu'ils partagent le ciel en trois et qu'ils sont separes I'un de I'autre par trois autres constellations. Get aspect est bon et favorable. Quand ceux qui partagent le ciel par sixiemes se rencontrent a I'heure de I'operation, comme le Belier avec les Gemeaux, le Taureau avec I'Ecrevisse, etc. , ils forment V aspect sexlil , qui est mediocre. Quand ceux qui partagent le ciel en quatre, comme le Belier avec I'Ecrevisse, le Taureau avec le Lion, les Gemeaux avec la Vierge, se ren- contrent dans le ciel, ils forment Vaspect carve, qui est mauvais. Quand ceux qui se trouvent aux parties oppo- sees du ciel , comme le Belier avec la Balance , le Taureau avec le Scorpion , les Gemeaux avec le Sagittaire , etc., se rencontrent a I'heure de la naissance, ils forment Vaspect contraire, qui est mechant et nuisible. Les astres sont en conjonction quand deux pianetes se trouvent reunies dans le meme signe ou dans la .meme maison, et en opposition quand elles sont a deux points opposes. Chaque signe du zodiaque occupe une place qu'on appelle maison celeste ou maison du soleil ; ces douze maisons du soleil coupent ainsi le zo- diaque en douze parties. Chaque maison occupe trente degres, puisque le cercle en a trois cent snixante. Les astrologues represenlent les mai- sons par de simples numeros, dans une figure ronde ou carree, divisee en douze cellules. La premiere maison est celle du Belier, qu'on appelle I'angle oriental en argot astrologique. C'est la maison de la vie , parce qiie ceux qui naissent quand cette constellation domine peu- vent vivre longteinps. La seconde maison est celle du Taureau , qu'on appelle la porte inferieure. C'est la maison des richesses et des moyens de fortune. La troisieme maison est celle des Gemeaux , appelee la demeure desfreres. C'est la maison des heritages et des bonnes successions. La quatrieme maison est celle de I'Ecrevisse. On I'appelle le fond du ciel, I'angle de la terra, AST — 60 — AST la deinenrc dcs parents. Cost la maison des tre- sors cl des biens de paLrinioine. La cinquiome maison est, celle dii Lion , dile la demeurc des cnfanls. G'esl la maison dcs legs et des donations. La sixieme maison est celle de la Vierge; on I'appelle I'amour de Mars. C'est la maison des chagrins , des revers et des maladies. La septieme maison est celle de la Balance , qu'on appelle I'angle occidental. C'esL la maison des mariages et des noces. La huilieme maison est celle dii Scorpion, ap- pelee la porta supcrienre. C'est la maison de reffroi , des craintes et de la mort. La neuvieme maison est celle du Sagittaire, appelee I'amour du soleil. C'est la maison de la piete , de la religion , des voyages et de la phi- losophie. La dixieme maison est celle du Capricorne , dite le milieu du del. C'est la maison des charges, des dignites et des coiironnes. La onzieme maison est celle du Verseau , qu'on appelle I'amour de Jupiter. C'est la mai- son des amis, des bienfaits et de la fortune. La douzieme maison est celle des Poissons, appelee I'amour de Saturne. C'est la plus mau- vaise de toutes et la plus funeste: c'est la mai- son des empoisonnemenls , des miseres , de I'envie , de I'humeur noire et de la mort vio- lente. Le Belier et le Scorpion sont les maisons che- ries de Mars; le Taureau et la Balance, celles de Venus ; les Gemeaux et la Vierge , celles de Mer- cure ; le Sagittaire et les Poissons, celles de Jupiter ; le Capricorne et le Verseau , celles de Saturne; le Lion, celle du Soleil; I'Ecrevisse, celle de la Lune. II faut examiner avec soin les rencontres des planetes avec les constellations. Si Mars, par exemple, se rencontre avec le Belier a I'heure de la naissance, il donne du courage, de la tierte et une longue vie ; s'il se trouve avec le Taureau , richesses et courage. En un mot. Mars augmente rinlluence des constellations avec lesquelles il so rencontre, et y ajoute la valeur et la force. — Saturne, qui donne les peines, les miseres, les maladies, augmente les mauvaises influences et gate les bonnes. Venus, au contraire, augmente les bonnes intluences et affaiblit les mauvaises. — Mercure augmente ou affaiblit les inlluences suivanl ses conjonctions : s'il se rencontre avec les Poissons, qui sont mauvais, il devient moins bon; s'il se trouve avec le Capricorne, qui est favorable, il devient meilleur. — La Lune joint la melancolie aux constellations heureuses; elle ajoute la tristesse ou la demence aux constella- tions funestes. — Jupiter, qui donne les richesses et les honneurs, augmente les bonnes influences et dissipe a peu pres les mauvaises. — Le Soleil ascendant donne les favaurs des princes; il a sur les inlluences presque autant d'effet que Jupiter; mais descendant il presage des revers. Ajoutons que les Gemeaux, la Balance et la Vierge donnent la beaute par excellence; le Scor- pion, le Capricorne et les Poissons donnent une beaute mediocre. Les autres constellations don- nent plus ou moins la laideur. — La Vierge, la Balance, le Verseau et les Gemeaux donnent une belle voix; I'Ecrevisse, le Scorpion et les Pois- sons donnent une voix nulle ou desagreable. Les autres constellations n'ont pas d'intluence sur la voix. Si les planetes et les constellations se trouvent a I'orient a I'heure de I'horoscope, on eprou- vera leur influence au commencement de la vie ou de I'entreprise; on I'eprouvera au milieu si elles sont au haut du ciel , et a la fin si elles sont a I'occident. Afln que I'horoscope ne trompe point, il faut avoir soin d'en commencer les operations preci- sement a la minute oii Tenfant est ne, ou a I'in- stant precis d'une affaire dont on veut savoir les suites. — Pour ceux qui n'exigent pas une exac- titude si severe, il y a des horoscopes tout dres- ses, d'apres les constellations de la naissance. Voy. Horoscopes. Tels sont, en peu de mots, les principes de cet art, autrefois si vanle, si universellement re- pandu, et maintenant un peu tombe en desue- tude. Les astrologues conviennent que le globe roule si rapidement, que la disposition des astres change en un moment. II faudra done, pour tirer les horoscopes, que los sages-femmes aient soin de regarder attentivement les horloges, de mar- quer exactement chaque point du jour, et de conserver a celui qui nait ses etoiles comme son patrimoine. « Mais combien de fois, dit Barclai, le peril des meres empeche-t-il ceux qui sont autour d'elles de songer a cela! Et combien de fois ne se trouve-t-il la personne qui soit assez superstitieux pour s'en occuper! Supposez, ce- pencUmt, qu'on y ait pris garde, si I'enfant est longtenips a naitre, et si, ay ant monlre la tete, le reste du corps ne parait pas de suite, comme il arrive, quelle disposition des astres sera funeste ou favorable ? sera-ce celle qui aura preside a I'apparition de la tete, ou celle qui se sera rencontree quand I'enfant est entierement ne ?... )) Astrologues. Voici quelques anecdoles sur le complc des astrologues : Un valet, ayant vule son maitre, s'enfuit avec I'objet derobe. On mit des gens a sa poursuile, et, comme on ne le trouvait pas, on consulla un astrologue. Celui-ci, habile a deviner les choses passees, repondit que le valet s'etait echappe parce que la lune s'etait trouvee, a sa naissance, en conjonction avec Mercure, qui protege les voleurs, et que de plus longues recherches seraient inutiles. Comme il disait ces mots, on amena le domestique, qu'on AST — 61 — AST venait de prendre enfin , malgre la proLeclion de Mercure. Les aslrologiies tirent vanite de deux ou Irois de leurs predictions accoinplies, quoique sou- vent d'une maniere indirecte, entre mille qui n'ont pas eu de succes. L'lioroscope du poete Eschyle portait qu'il serait ecrase par la chule d"une niaison; il s'alla, dit-on, niellre en plein champ, pour eviter sa destinee ; mais un aigle, qui avait enleve una torlue, la lui laissa tomber sur la tete, et il en fut tue. Si ce conte n'a pas ete fait apres coup, nous repondrons qu'un aveugle, en jelant au hasard une muitilude de Heches, peut alteindre le but une fois par hasard. Quand il y avait en Europe des niilliers d'astrologues qui faisaient tous les jours de nouvelles predic- tions, il pouvait s'en trouver quelques-unes que l eveneniient, par cas forluit, justifiait; et celles- ci, quoique rares, entretenaient la credulile que des millions de mensonges auraient du detruire. L'empereur Frederic-Barberousse, etant sur le point de quitter Vicence, qu'il venait de prendre d'assaut, defia le plus fameux aslrologue de de- viner par quelle porle il sortirait le lendemain. Le charlatan repondit au defi par un tour de son metier : il remit a Fi^ederic un billet cachete, lui recommandant de^ne I'ouvrir qu'apres sa sortie. L'empereur lit abaLtre , pendant la nuit, quelques toises de mur, et sorlit par la breche. II ouvrit ensuile le billet, et rie fut pas peu surpris d'y lire ces mots : — « L'empereur sortira par la porte neuve. » C'en fut assez pour que I'astro- logue et I'astrologie lui parussent infiniment res- pectables. Un homme que les aslres avaient condamne en naissant a elre tue par un cheval avait grand soin de s'eloigner des qu'il apercevait un de ces animaux. Or, un jour qu'il passait dans une rue, une enseigne lui tomba sur la tete, et il mourut du coup : c'elait, dit le conle, I'enseigne d'une auberge ou etait represente un cheval noir. Mais il y a d'autres anecdotes : Un bourgeois de Lyon , riche et creduie , ayant fait dresser son horoscope, mangea tout son bien pendant le temps qu'il croyait avoir a vivre. N'elant pas mort a I'heure que I'aslrologue lui avait assi- gnee, il se vit oblige de demander Taumonc, cc qu'il faisait en disanl : — a Ayez pitie d'un homme qui a vecu plus longtemps qu'il ne croyait. » Une dame pria un aslrologue de deviner un chagrin qu'elle avait dans I'espril. L'astrologue, apres lui avoir demande I'annee, le mois, le jour et I'heure de sa naissance, dressa la figure de son horoscope, et dit beaucoup de paroles qui signiOaient peu de chose. La dame lui donna une piece de quinze sous. — « Madame , dit alors I'as- trologue, je decouvre encore dans voire horos- cope que vous n'etes pas riche. — Gela est vrai, repondil-elle. — Madame, poursuivil-il en consi- deraut de nouveau les figures des aslres, n'avez- vous rien perdu? — J'ai perdu, lui dit-elle, I'ar- gent que je viens de vous donner. » Darah, I'un des qualre fils du Grand Mogol Schah-Gehan , ajoutait beaucoup de foi aux pre- dictions des astrologues. In de ces docles lui avait predit, au peril de sa tele, qu'il porlerait la couronne. Darah complail la-dessus. Comme on s'elonnait que eel aslrologue osat garanlir sur sa vie un evenement aussi incerlain : — « II arri- vera de deux choses I'une, repondit-il, ou Darah parviendra au trone, el ma fortune est faile ; ou il sera vaincu : des lors sa mort est cerlaine, et je ne redoule pas sa vengeance. » Heggiage, general arabe sous le calife Valid, consulla, dans sa derniere maladie, un aslro- logue qui lui predil une morl prochaine. — « Je comple tenement sur voire habilele , lui repondit Heggiage, que je veux vous avoir avec moi dans I'autre monde, el je vais vous y envoyer le pre- mier, alin que je puisse me servir de vous des mon arrivee. » 11 lui fit couper la tele, quoique le temps fixe par les aslres ne fut pas encore arrive. L'empereur Manuel, qui avail aussi des pre- tentions a la science de I'aslrologie, mit en mer, sur la foi des aslres, une floUe qui devail faire AST — 62 — ATT des merveilles et qui fut vaincue, brulee et cou- lee bas. Henri VII, roi d'Angleterre, demandait a un aslrologue s'il savait ou il passerait les fetes de Noel. L'astrologue repondit qu'il n'en savait rien. — « Je suis done plus habile que toi , repondit le roi , car je sais que tu les passeras dans la Tour de Londres. » 11 I'y fit conduire en ineme temps. II est vrai que c'etait une mauvaise raison. Un astrologue regardant au visage Jean Galeas, due de Milan, lui dit : — « Seigneur, arrangez vos affaires , car vous ne pouvez vivre longtemps. — Comment le sais-tu ? lui demanda le due. — Par la connaissance des aslres. — Et toi, combien dois-tu vivre? — Ma planete me promet une longue vie. — Oh bien ! tu vas voir qu'il ne faut pas se fier aux planetes; » et il le fit pendre sur- le-champ. Astronomancie , divination par les astres. C'est la nieme chose que I'astrologie. Astyle, devin fameux dans I'histoire des Cen- taures. On trouve dans Plutarque un autre devin nomme Astyphile. Voy. Cimon. Asuman, I'ange de la mort, chez les Mages, Asweith. Voy. Asmund. Ate, iille de la Discorde, divinite funesle dans la mythologie grecque. Athenagore, philosophe platonicien , qui em- brassa le christianisme au deuxieme siecle. On pent lire son T raile de la resurrection des morls, traduit du grec en frangais par Gaussart, prieur de Sainle-Foy, Paris, 157/j, et par Duferrier, Bordeaux, 1577, in-8». Athenais, sihylle d'Erytbree. Elle propheti- sait du temps d'Alexandre. Athenodore, philosophe stoicien du siecle d'Auguste. On conte qu'il y avait a Athenes une fort belle maison ou personne n'osait demeurer, a cause d'un spectre qui s'y montrait la nuit. Athenodore , elant arrive dans cette ville , ne s'effraya point de ce qu'on disait de la maison decriee, et I'acheta. La premiere nuit qu'il y passa, etant occupe a ecrire, il entendit tout a coup un bruit de chaines, et il apergut un vieillard hideux, charge de fers , qui s'approchait de lui a pas lenls. 11 continua d'ecrirc. Le spectre, I'appelant du doigt, lui fit signe de le suivre. Athenodore repondit a I'es- prit , par un autre signe , qu'il le priait d'atlendre , et continua son travail ; mais le spectre fit reten- tir ses chaines a ses oreilles, et I'obseda tene- ment, que le philosophe, fatigue, se determina a voir I'aventure. 11 marcha avec le fantome, qui disparut dans un coin de la cour. Athenodore etonne arracha une poignee de gazon pour re- connaitre le lieu, rentra dans sa chambre, et, le lendemain , il fit part aux magistrals de ce qui lui etait arrive. On fouilla dans I'endroit indique ; on trouva les os d'un cadavre avec des chaines, on lui rendit les horineurs de la sepulture, et. des ce moment, ajoute-t-on, la maison fut tran- quille'. Voy. Ayola et Arignoti-. Atinius. Tite-Live raconte que, le matin d'un jour ou Ton representait les grands jeux, un ci- toyen de Rome conduisit un de ses esclaves a Iravers le cirque en le faisant battre de verges; ce qui divertit ce grand peuple romain. Les jeux commencerent a la suite de cette parade ; mais quelques jours apres Jupiter Capitolin apparut la nuit, en songe, a un homme du peuple nomme Alinius ^ et lui ordonna d'aller dire de sa part aux consuls qu'il n'avait pas 6l6 content de celui qui menait la danse aux derniers jeux, et que Ton recommengat la fete avec un autre danseur. — Le Romain, a son reveil, craignit de se rendre ridicule en publiant ce songe , et le lendemain son fils, sans etre malade, mourut subitement. La nuit suivante, Jupiter lui apparut de nouveau et lui demanda s'il se trouvait bien d'avoir me- prise I'ordre des dieux , ajoulant que s'il n'obeis- sait il lui arriverait pis. Atinius, ne s'elant pas encore decide a parler aux magistrals, fut frappe d'une paralysie qui lui ota I'usage de ses mem- bres. Alors il se fit porter en chaise au senat, el raconta tout ce qui s'etait passe, II n'eul pas plu- tol fini son recit, qu'il se leva, rendu a la sante. Toutes ces circonstances parurent miiaculeuses. On comprit que le mauvais danseur etait I'esclave battu. Le maitre de eel inforlune fut recherche et puni ; on ordonna aussi de nouveaux jeux qui furent celebres avec plus de pompe que'^'les pre- cedents. — An de Rome 265. Atre, divinite ou plulot demon des Anglo- Saxons, auxquels il ne faisait que du mal. Atropos, I'une des trois Parques; c'est elle qui coupait le fil. Hesiode la peint comme Ires- feroce ; on lui donne un vetement noir, des traits rides et un maintien pen seduisant. Attila, dit le Fleau de Dieu, que saint Loup, eveque de Troyes , empecha de ravager la Cham- pagne. Comme il s'avancait sur Rome pour la detruire, il eut une vision : il vit en songe un vieillard venerable, vetu d'habils sacerdotaux, qui , I'epee nue au poing , le menagait de le luer s'il resistait aux prieres du saint pape Leon. Le lendemain , quand le Pape vint lui demandcr d'epargner Rome, il repondit qu'il le ferait, et ne passa pas plus avant. Paul Diacre dit, dans le livre XV de son Histoire de la Lombardie, que ce vieillard merveilleux n'etait autre, selon I'opi- nion generale, que saint Pierre, prince des apolres. — Des iegendaires ont ecrit qu'Atlila etait fils du demon. Attouchement. Pline dit que Pyrrhus gueris- sail les douleurs de rale en touchant les malades du gros doigt de son pied droit; el I'empereur Adrien, en touchant les hydropiques du bout de 1 Plin. junior, lib. vii, epist. 27. - Plutarque le nomme Titus Latinus. AUB — 63 — AUG I'index, leur faisait sortir I'eau da ventre. Beau- coup de magiciens et de sorciers out su produire egalement des cures merveilleuses par le simple altoucliemenl. Voy. Charmes, Ecrouelles, etc. Aubigne (Nathan d'), en latin Alhineus, fils dii fameux huguenot d' Aubigne. II elait partisan de I'alchimie. II a publie, sous le titre de Biblio- theque chimique, un recueil de divers trailes, recherche par ceux qui croient a la pierre phi- losophale'. Aubrey (Jean), Alberins, savant antiquaire anglais, mort en 1700. II a donne, en 1696, un livre intitule Melanges sur les sujets suivants : FataliU de jours , fatalite de lieux , presages, songes, apparitions , merveilles et prodiges ; reim- prime en 1721, avec des additions. Aubry (Nicole), jeune fille de Vervins, dont la possession a fait tres-grand bruit au treizieme siecle. A I'age de seize ans, etant allee prier sur la tombe de son pere, I'esprit de cet homme lui apparut, sortant du tombeau, et lui prescrivit coinbien elle devait faire dire de messes pour le repos de son ame. Elle executa ponctuellement tout ce qui lui etait recommande ; mais, malgre son exacte obeissance , elle n'en continua pas moins a etre tous les jours visitee par cet esprit, qui finit par lui avouer qu'il etait un demon. Ce demon la transporta en divers lieux et I'enleva meme devant de nombreux temoins, ce qui fit reconnaitre evidemment qu'elle en etait posse- dee. L'eveque de Laon la lit exorciser, et ce fut pendant trois mois sans resultat. Dix hommes, et quelquefois plus , la tenaient durant les exor- cismes, et elle leur etait arrachee a la vue de la foule. Des notaires publics dressaient les proces- verbaux de ces faits, qui se sont repetes deux siecles plus tard sur la tombe du diacre Paris, et qui , dans I'une et I'autre affaire , ont ete constates dans toutes les formes et avec toutes les garan- ties desirables. La science humaine a barbote autour de ces monstrueux phenomenes sans pou- voir les expliquer. En meme temps que cette puissance qui , dans une jeune fille , rendait vains les efforts de quinze ou seize hommes robustes , Nicole Aubry parlait plusieurs langues, decou- vrait les choses les plus secretes et voyait ce qui se passait a quelques lieues d'elle. Cette premiere periode des exorcismes avait eu lieu a Vervins ; l'eveque, etonne, fit venir la jeune fille a Laon , ou il I'exorcisa lui-meme dans la cathedrale, remplie continuellement a ce sujet de dix a douze mille spectaleurs. Ce n'etait plus un seul demon qui s'elait installe dans Nicole Aubry. C'etait des lors, sans aucun doutei'^ar la permission de Dieu, toute une legion d'esprits mauvais; el il y eut des scenes si etranges, que le Parlement de Paris et I'Universite envoyerent * Bibliofheca chimica contracta ex delecfu et amen- datione Nathanis Albijiei, in-8". Geneve, 1634 et 1673. des commissaires a Laon ; le nonce du pape y vint aussi. Les demons, voyant ce concours, en devinrent plus insolents: ils insultaient les exor- cistes et l'eveque lui-meme; mais ils ne mena- geaient pas lesprolestants, qui demanderentqu'on emprisonnat la possedee. Un medecin de leur secle ayant tente de I'empoisonner, on ne les ecouta point. Les demons, malgre eux probable- ment, turlupinaient la reforme par des sarcasmes si incisifs, qu'ils eurent pour resultat la conver- sion d'un grand nombre de calvinistes, parmi lesquels nous citerons Florimond de Remond, qui a laisse un nom dans les sciences historiques. Les demons enfin furent vaincus et la jeune fille delivree. On a dit qu'ils etaient au nombre de vingt-neuf , en tete desquels etaient Belzebut, qui etait venuaelle sous la figure d'un taureau, Bal- tazo sous celle d'un mouton, Astaroth sous celle d'un pore, les autres sous forme de chats gros comme des brebis. — L'histoire de Nicole Aubry fut publiee par la Sorbonne , en frangais , en latin , en espagnol, en italien et en allemand. Elle avait tant de retentissement que Charles IX en voulut voir riieroine, qui lui fut presentee le 27 aoiit 1566. Cette histoire a ete tellement denaturee par les protestants, qui ont falsifie aussi celle de Loudun et quelques autres, qu'il est tres-rare chez nous de la trouver exacte. Gorres I'a donnee conscien- cieusement dans le tome IV de sa Mystique. Audumla. Une etincelle de la lumiere divine ayant fondu une portion des glaces de la Scandi- navie, il naquit de cette goutte la genisse Au- dumla , qui nourrit de son lait Imir, ne avec elle. Puis elle lecha des glagons d'oix sortit Bor ou Buri. {Mythologie scandinave.) Augerot d'Armore, sorcier. Voy. Chorro- PIQUE. Augures. Les augures etaient, chez les Ro- mains, les inlerpretes des dieux. On les consultait avant toutes les grandes entreprises : ils jugeaient du succes par le vol , le chant et la fagon de man- ger des oiseaux. On ne pouvait elire un magis- trat, ni donner une bataille, sans avoir consulte I'appetit des poulets sacres ou les entrailles deg victimes. Annibal pressant le roi Prusias de livfer bataille aux Remains, celui-ci s'en excusa en di- sant que les victimes s'y opposaient. — « C'est-a^ dire, reprit Annibal, que vous preferez I'avis d'un mouton a celui d'un vieux general. » Les augures predisaient aussi I'avenir par le moyen du tonnerre et des eclairs , par les eclipses et par les presages qu'on tirait de I'apparition des cometes. Les savants n'etaient pas dupes de leurs ceremonies , et Ciceron disait qu'il ne con- cevait pas que deux augures pussent se regarder sans rire. Quelques-uns mdpriserent, il est vrai, la science des augures; mais ils s'en trouverent mal, parce que le peuple la respectait. On vint dire a Clau- AUG — 6'4 — AUG diiis Pulchcr, pret a livrer bal )) sien, nous reclamons cercles et cernes pour » faire I'assemblee que nous t'avons promise ; » il a repondu qu'il ne savait ce qu'on lui deman- dait. — Interroge s'll ne sait pas embarrer ou desembarrer, et se rendre invisible etant prison- nier, il repond que non. — Interroge s'il sait dire des messes pour obtenir la guerison des malades , il repond qu'il en sait dire en I'honneur des cinq plaies de Notre-Seigneur et de M. saint Come. Pour tirer de lui la verite, selon les usages d'alors, on le menaqa de la question. II avoua alors qu'il elait alle au sabbat; qu'il lisait dans le grimoire ; que le diable , en forme de mouton , plus noir que blanc, se faisait baiser le derriere; que Gratoulet, insigne sorcier, lui avait appris le secret d'erabarrer, d'etancher et d'arreter le sang; que son demon ou esprit familier s'appe- lait Belzebut, et qu'il avait regu en cadeau son petit doigl. II declara qu'il avait dit la messe en • Fielding, Tom Jones, liv. XIV, ch. ii. 5 AUR riionneiir de Belzebut, el qii'il savail embarrer en invoqiiant le nom du diable et en uietlant un liard dans line aiguillette ; il dit, de plus, que le diable parlait en langage vulgaire aux sorciers, et que , quand il voulait envoyer du mal a quel- qu'un, il disait ces mots : « Vach, vech, slet, sly, stu! » 11 persista jusqu'au supplies dans ces ridi- cules revelations, melees d'indecentes grossiere- tds*. Pour comprendre ces choses, voy. Sabbat. Aurinie, druidesse dont les Gcrmains vene- raient grandement la memoire. Elle est ante- rieure a Velleda. Aurore boreale , espece de nuee rare , trans- parenle, lumineuse, qui parait la nuit, du cote du nord. On ne saurait croire, dit Saint-Foix, sous conibien de formes I'ignorance et la supers- tition des siecles passes nous ont presenle I'au- rore boreale. Elle produisait des visions diffe- rentes dans I'esprit des peuples, selon que ces apparitions etaienl plus ou moins frequentes , c'est-a-dire selon qu'on habitait des pays plus ou moins eloignes du pole. Elle fut d'abord un sujet d'alarmes pour les peuples du Nord; ils crurent leurs campagnes en feu et I'ennemi a leur porte. Mais ce phenomene devenant presque jour- nalier, ils s'y sont accoulumes. lis disent que ce sont des esprils qui se querellenl et qui combat- tent dans les airs. Cetle opinion est surtout tres- accreditee en Siberie. Les Groenlandais, lorsqu'ils voient une aurore boreale, s'imaginent que ce sont les ames qui jouenl a la boule dans le ciel , avec une tele de baleine. — Les habitants des pays qui tiennent le milieu entre les lerres arcliques et I'exlremite meridionale de I'Europe n'y voient que des su- jels trisles ou menagants, affreux ou terribles; ce sont des armees en feu qui se livrent de san- glantes batailles, des teles hideuses separees de leurs troncs, des chars enflammes , des cavaliers qui se percent de leurs lances. On croil Voir des pluies de sang ; on enlend le bruit de la mous- quelerie , le son des trompeltes , presages funestes de guerre et de calamites publiques. Voila ce que nos peres ont aussi vu et entenda dans les aurores boreales. Faul-il s'etonner, apres cela , des frayeurs aCfreuses que leur causaient ces sortes de nuees quand elles paraissaienl? — La Chronique de Louis XI rapporle qu'en 1/|65 on aperqul a Paris une aurore boreale qui fil parailre toute la ville en feu. Les soldals qui fai- saient le guel en furent epouvantes , et un homme en devint fou. On en porta la nouvelle au roi, qui monta a cheval et courut sur les remparts. Le bruit se repandit que les ennemis qui etaienl devant Paris se reliraient et meltaient le feu a la ville. Tout le monde se rassembla en desordre, et on Irouva que ce grand sujet de lerreur n'elail qu'un phenomene. * Delancrc, Tableau de I'inconstance des mauvais anges, liv. VI . disc, iv. AUX Ausitif , demon pen connu , qui est cite dans la possession de Loudun. Auspices, augiu'es qui devinaient surtout par le vol et le chant des oiseaux, l/oy. Augures, Arlspices, etc. Automates. On croyail autrefois que ces ou- vrages de I'art etaient I'oeuvre du demon. Voy. Aluert le Grand, Bacon, Enchantements, etc. Autopsie, espece d'extase ou des fous se croyaienl en commerce avec les esprils. Autruche. II est bien vrai qu'elle avale du fer, car elle avale lout ce qu'elle rencontre ; mais il n'est pas vrai qu'elle le digere , et I'experience a delruit celte opinion erronee *. — Les traditions du moyen &ge donnaient pour pere a I'aulruche un cygne et pour mere une chamelle. Autun (Jacques d'). I'oy. Chevannes. Auxonne. On Irouve dans le onzieme tome des Causes celehres I'histoire d'une possession qui eut lieu a Auxonne, au milieu du dix-sep- tieme siecle; et Fatteslalion des fails a die si- gnee par I'archeveque de Toulouse, I'eveque de Rennes, I'eveque de Rodez , I'eveque de Chalons- sur-Saone et par F. Morel , N. Cornet, Ph. Leroy, N. Grandin, tous docleurs de Sorbonne. Dix-huit femmes, les unes religieuses, les aulresdu monde, se sont trouvees possedees , comme le reconnais- sent les venerables signalaires de I'acle que nous cilons, lequel porte la dale du 20 Janvier 1652. La possession avail dure dix ans , avec des phases diverses. Toules ces filles elaienl pieuses et de moBurs pures. C'elait done une serie d'e- preuves. On nomme dans la declaration aulhen- tique des fails Anne I'Ecossaise, appelee sceur de la Purification; Denise Parisol, servante du lieutenant general d' Auxonne; la soeur M. Janini; la soeur Humberte de Saint-Frangois ; la soeur Marguerite de I'Enfant Jesus; la soeur L. Arivey. Elles elaienl agilees de convulsions lorsqu'il leur fallail se confessor; elles fremissaient a la vue du Saint-Sacrement ; elles proferaient des blas- phemes; elles se sentaient enlevees, courbees en deux ; elles se frappaient le crime aux piliers de I'eglise sans en rien souffrir. Elles elaienl in- sensibles aux piqures, aux brulures. Lorsque les exorcismes eurenl obtenu leur delivrance, I'une d'elles vomit un gros crapaud; Anne I'Ecossaise vomit un morceau de drap enveloppe d'un cercle de cuir ; une autre rejela un rouleau de taffetas 1 Voyez Brown, Des erreurs populaires, liv III, ch. \xn. - 66 — AVA — 67 sur lequel etaieat des caracteres. L'eveque de Chalons-sur-Saone ayant ordonne au demon qui possedait Denise de sortir par une vitre qu'il lui designa, la vitre se brisa aussitot. II se fit ainsi de ces choses qui sont au-dessus des forces hu- inaines et qui ne peuvent etre qu'oeuvres de demons. — Personne, jusqu'ici, n'a conteste ces recits que nous ne donnons qu'en sommaire. Avarice. Ce vice infame a souvent amene des possessions. Voy. Fischer eL les Legendcs des pe- ches capitaux. Avenar, astrologue qui prorait aux Juifs, sur la foi des planetes, que leur Messie arriverait sans faute en ihik, ou, au plus tard, en ihM\. il^donnait pour ses garants Saturne, Jupiter, I'Ecrevisse et les Poissons. Tous les Juifs tinrent leurs fenetres ouvertes pour recevoir I'envoye de Dieu, qui n'arriva pas, soil que I'Ecrevisse eut recule , soit que les Poissons d'Avenar ne fussent que des poissons d'avril *. Avenir. G'est pour en penetrer les secrets qu'on a invenle tant de moyens de dire la bonne avenLure. Toutes les divinations ont principale- ment pour objet de connaitre I'avenir. Averne, marais consacre a Pluton, pres de Bayes. II en sortait des exhalaisons si infectes , qu'on croyait que c'etait I'entree des enfers. Averroes, medecin arabe et le plus grand pbilosophe de sa nation , ne a Cordoue dans le douzieme siecle. II s'acquit une si belle reputa- tion de justice, de vertu et de sagesse, que le roi de Maroc le fit juge de toute la Mauritanie. II traduisit Aristote en arabe, et composa plusieurs ouvrages sur la philosophie et la medecine. Quel- ques deraonographes ont voulu le mettre au nombre des magiciens et lui donner un demon familier. Malheureusemeot, Averroes etait un epi- curien, mahometan pour la forme, et ne croyait pas a I'existence des demons ^ L'erapereur de Maroc, un jour, lui fit faire amende honorable a la porta d'une raosquee, otj tous les passants eurent permission de lui cracher au visage , pour p 'so^' ^rreurs et des prejuges, t. I, 2 Magiam dcsmoniacam pleno ore negarunt Aver- roes et alii epicurei, qui, una cum Saducceis dne- mones esse negarunt. (Torre-Blanca,De7t'fs maqiques, liv. II, ch. V.) — AXI avoir dit que la religion de Mahomet etait une religion de pourceaux. Averroes. Aveux des sorciers. Les ennemis de I'Eghse disent que les aveux des sorciers ont ete d'or- dinaire obtenus par la torture; ce qui n'est pas exact. Les aveux tacites sont sans nombre. Ceux qui sont au diable, par possession ou pacte, ne peuvent voir un pretre sans fremir, ni assister a la messe , ni rien supporter de ce qui est a Dieu. Ensuite la torture n'a jamais ete exercee par I'Eglise, mais seulement par la puissance civile. Avicenne, celebre medecin arabe, mort vers le milieu du onzieme siecle, fameux par le grand nombre et I'etendue de ses ouvrages, et par sa vie aventureuse. On peut, en quelque sorte, le comparer a Agrippa. Les Arabes croient qu'il maitrisait les esprits et qu'il se faisait servir par des genies. Comme il rechercha la pierre philo- sophale, on dit encore, dans plusieurs contrees de I'Arabie , qu'il n'est pas mort ; mais que , grace a I'elixir de longue vie et a I'or potable, il vit dans uue retraite ignoree avec une grande puis- sance. — II a compose divers livres d'alchimie recherches des songe-creux. Son traile de la Congdalion de la pierre et son Tractatulus de alchimia se trouvent dans les deux premiers vo- lumes de VArs aurifera, Bale, 161 U. Son Ars chimica a ete imprime a Berne, 1572. On lui attribue encore deux opuscules hermetiques in- sures dans le Theatrum chimicum, et un volume in-8°, publie a Bale, en 1572 , sous le titre de la Porte des elements. Porta elementorum. — Les livres de secrets merveilleux s'appuient souvent du nom d'Avicenne pour les plus absurdes re- cettes. Axaphat, demon invoque dans les litanies du sabbat. Axinomancie, divination par le moyen d'une hache ou cognee de bucheron. Frangois de Torre- Blanca , qui en parle ne nous dit pas comment * Epist. delict., sive de niagia, liv. I, cap. xxiv. AYM — 68 — AZA les devins maniaient la hache. Nous ne ferons done connaitre que les deux moyens employes ouvertement dans I'antiquile et pratiques encore dans certains pays du Mord. 1° Lorsqu'on veul decouvrir un Iresor, il faul se procurer une agate ronde , faire rougir au feu le fer de la hache , et la poser de inaniere que le iranchant soit bien perpendiculairemeiit en I'air. On place la pierre d'agale sur le tranchant. Si elle s'y lient , il n'y a pas de tresor ; si elle tombe , elle roule avec rapidite. On la replace trois fois, et si elle roule trois fois vers le meme lieu , c'est qu'il y a un tresor dans ce lieu meme ; si elle prend a chaque fois une route differente, on peut cliercher ailleurs. 2° Lorsqu'on veut decouvrir des volenrs, on pose la hache a terre , le fer en has et le bout du manche perpendiculairement en I'air; on danse en rond alenlour jusqu'a ce que le bout du manche s'ebranle et que la hache s'etende sur le sol : le bout du manche indique la direction qu'il faut prendre pour aller a la recherche des vo- leurs. Quelques-uns disent que pour cela il faut que le fer de la hache soit fiche en un pot rond : « Ce qui est absurde tout a fait, comme dit De- lancre ' ; car quel moyen de ficher une cognee dans un pot rond, non plus que coudre ou rapie- cer ce pot, si la cognee I'avait une fois mis en pieces? » Aym. Voy. Haborym. Aymar (Jacques), paysan ne a Saint- Veran, en Dauphine, le 8 septembre 1662 , entre minuit et une heure. De magon qu'il etait, il se rendit celebre par I'usage de la baguette divinatoire. Quelques-uns, qui donnaient dans I'astrologie, ont attribue son rare talerrt a I'epoque precise de sa naissance ; car son frere , ne dans le meme mois, deux ans plus tard, ne pouvait rien faire avec la baguette. Voy. Baguette divinatoire. Aymon (les quatre fils). Siecle de Charle- magne, lis avaient un cheval merveilleux. Voy. Bayard. Aynas, mauvais demons, ennemis des Cou- da'is, qui sont les dieux des Tartares. Ayola (Vasques de). Vers 1570, un jeune homme nomme Vasques de Ayola elant alle a Bologne , avec deux de ses compagnons , pour y etudier en droit, et n'ayant pas trouve de loge- ment dans la ville, ils habiterent une grande et belle maison , abandonnee parce qu'il y revenait un spectre qui epouvantait tous ceux qui osaieut y loger ; mais ils se moquerent de tous ces recits et s'y installerent. Au bout d'un mois, Ayola veillant un soir seul dans sa chambre, et ses compagnons dormant tranquillement dans leurs lits, il entendit de loin un bruit de chaines, qui s'approchait et qui sem- blait venir de I'escalier de la maison ; il se recom- manda a Dieu, prit un bouclier, une epee, et, ' L'incredulite et micreance, etc., iraite V. tenant sa bougie en main, il attendit le spectre, qui bienlot ouvrit la porte et parut. C'elait un squelette qui n'avait que les os; il etait, avec cela, charge de chaines. Ayola lui demanda ce qu'il souhailait. Le fantome , selon I'usage, lui fit signe de le suivre. En descendant I'escalier, la bougie s'eteignit. Ayola eut le courage d'ailer la rallumer, et marcha derriere le spectre, qui le mena le long d'une cour ou il y avail un puits. 11 craignit qu'il ne voulut I'y precipiter, et s'ar- rela. L'esprit lui fit signe de continuer a le suivre ; ils entrerent dans le jardin, oli la vision disparut. — Le jeune homme arracha quelques poignees d'herbe, pour reconnaitre I'endroit; il alia en- suile raconter a ses compagnons ce qui lui etait arrive, et, le lendemain matin, il en donna avis aux principaux de Bologne. Ils vinrent sur les lieux et y firent fouiller. On trouva un corps de- charne, charge de chaines. On s'informa qui ce pouvait etre ; mais on ne put rien decouvrir de certain. On fit faire au mort des obseques con- venables; on I'enterra, et depuis ce temps la maison ne fut plus inquietee. Ce fait est rapporte par Antoine de Torquemada , dans son Hexameron. Ayperos, comte de I'empire infernal. C'est le meme qu'Ipes. Voy. ce mot. Azael, I'un des anges qui se revolterent contre Dieu. Les rabbins disent qu'il est enchaine sur des pierres pointues, dans un endroit obscur du desert, en attendant le jugement dernier. Azariel, ange qui, selon les rabbins du Tal- mud , a la surintendance des eaux de la terre. Les pecheurs I'invoquent pour prendre de gros poissons. Azazel, demon du second ordre, gardien du bouc. A la fete de I'Expiation , que les Juifs cele- braient le dixieme jour du septieme mois \ on amenait au grand pretre deux boucs qu'il tirait au sort : I'un pour le Seigneur, I'autre pour Aza- » Le septieme mois chez les Juifs repondait a sep- tembre. AZE — 69 — BAA zel. Celui sur qui tombait le sort du Seigneiir elait immole, et son sang servait pour I'expia- tion. Le grand prelre nieltait ensuite ses deux mains sur la tete de I'aulre, confessait ses peches et ceux du peuple , en chargeait cet animal , qui etait alors conduit dans le desert et mis en li- berie ; et le peuple, ayant laisse au bouc d'Aza- zel , appele aussi le bouc emissaire, le soin de ses iniquites, s'en retournailen silence. — Selon Milton, Azazel est le premier porle-enseigne des armees infernales. C'est aussi le nom- du demon dont se servait, pour ses prestiges, I'heretique Marc. Azer, ange du feu eiementaire, selon les Guebres. Azer est encore le nom du pere de Zoroastre. Aziel, I'un des demons evoques par Faust. Azote. L'aspiration de I'oxyde d'azote fait sur les sens I'effet du haschisch sur le cerveau. Elle amene des illusions. Azourcheb, selon les traditions des mages de la Perse, est le plus grand de tous les anges. 11 avait un temple a Balkh , dans le Korassan. Azrael ou Azra'il, ange de la mort. On conte que cet ange, passant un jour sous une forme visible aupres de Salomon , l egarda fixement un homme assis a cote de lui. Cet homme demanda qui le regardait ainsi, et, ayant appris de Salo- mon que c'etait I'ange de la mort: — » 11 semble m'en vouloir, dit-il; ordonnez, je vous prie, au vent de m'emporter dans I'lnde. » — Ce qui ful fait aussitot. Alors I'ange dit a Salomon : — ((II n'est pas etonnant que j'aie considere cet homme avec tant d'attention : J'ai ordre d'aller prendre son ame dans I'lnde, et j'etais surpris de le trou- ver pres de toi , en Palestine.. . » — Voy. Mort, Ame, etc. — Mahomet cilait cette histoire pour prouver que nul ne peut (3chapper a sa destinee. — Azrael est different d'Asralil. — o&>- B Baal, grand-duo dont la domination est tres- etendue aux enfers. Quelques demonomanes le designent comme general en chef des armees infernales. II etait alors adore des Chananeens, des Carthaginois, desChaldeens, des Babyloniens et des Sidoniens ; il le fut aussi des Israelites lorsqu'ils tomberent dans I'idolatrie. On lui of- frait des viclimes humaines. On voit dans Arnobe que ses adorateurs ne lui donnaient point de sexe determine. Souvent, en Asia, il a ete pris pour le soleil. Baalberith , demon du second ordre , maitre ou seigneur de Valliance. II est , selon quelques demonomanes, secretaire general et conserva- leur des archives de I'enfer. Les Pheniciens, qui I'adoraient, le prenaient a temoin de leurs ser- ments. Beaucoup de ces idoles etaient des de- mons dont le nom Baal signifiait dieu ou roi. II y avait Baalgad , qui donnait la f(3rtune ; Baal- pharas, qui etait malfaisant; Baalsemen, qu'on disait tronant dans les cieux, ce qui n'etait pas vrai; Baalzrepho, qu'on placait en senti- nelle aux frontieres, aussi selon les demono- graphes. Baaltein. Le voyageur Pennant dit qu'il rests dans quelques pays du Nord un reste du culte de Baal ou Bel ; il y vit la ceremonie du Baaltein ou Beltane qui se fait le 1" mai. On fait cuire au four, avec certaines ceremonies, un gateau que Ton disLribue par portions eparses aux oiseaux de proie, afin qu'ils epargnent les troupeaux. Baalzephon est le capitaine des gardes ou sentinelles de I'enfer. Les Egyptien? I'adoraient et lui reconnaissaient le pouvoir d'empecher leurs esclaves de s'enfuir. Neanmoins, disent les rabbins, c'est pendant un sacrifice que Pharaon faisait a cette idole que les Hebreux passerent la raer Rouge , et on lit dans le Tar- gum que I'ange extermina- teur, ayant brise les statues de tous les autres dieux , ne laissa debout que celle de Baalzephon. Baaras, plante merveil- leuse , que les Arabes appel- lant herhe d'or, et qui croit sur le mont Liban. lis disent qu'elle parait au mois de mai, apres la fonte des neiges. La nuit, elle jette de la clarte comme un petit flambeau ; mais elle est invisible le jour ; et meme , ajoutent-ils , les feuilles qu'on a enveloppees dans des mouchoirs dispa- raissent, ce qui leur fait croire qu'elle est en- sorcelee, d'autant plus qu'elle transmue les metaux en or, qu'elle rompt les charmes et les sortileges, etc. — Josephe, qui admet beaucoup d'autres contes , parle de cette plante dans la guerre des Juifs ((On ne la saurait toucher sans mourir, dit-il , si on n'a dans la main de la > Liv. VII, ch. XXV, Elian, de Animal., liv. XIV, oh. XXVII, accorde les memes vertus a la plante aglaopholis. Voyez ce mot. BAB — 70 — BAG racine de la meme plante ; mais on a trouve un moyen de la ciieillir sans peril : on creiiso la tcrre tout alentour, on attache a la racine niise a nu un chien qui, voulanl suivre celui qui I'a attache, enleve la plante et meurt aussitot. Apres cela, on pent la manier sans danger. Les de- mons qui s'y logent, et qui sont les ames des mechants, tuent ceux qui s'en emparent autre- ment que par le inoyen qu'on vient d'indiquer; et, ce qui d'un autre cote n'est pas moins mer- veilleux, ajoute encore Josephe, c'est qu'on met en fuite les demons des corps des possedes aus- sitot qu'on approche d'eux la plante baaras. » Babailanas. Voy. Gatalonos. Babau, espece d'ogre ou de fantome dont les nourrices menacenl les petits enfants dans les provinces du midi de la France, comme on les el'fraye a Paris de Croqueniitaine, et en Flandre de Pier-Jan Claes , qui est Polichinelle. Mais Babau ne se contente pas de fouelter, il mange en salade les enfants qui sont mechanls. Babel. La lour de Babel fut elevee cent quinze ans apres le deluge universe!. On montre les ruines ou les traces de cetle tour aupres de Bag- dad. — On salt que sa construction amena la confusion des langues. Le poete juif Emmanuel , a propos de cette confusion, explique dans un de ses sonnets comment le mot sac est reste dans tons les idiomes. « Geux qui iravaillaient a la lour de Babel avaient , dit-il , comme nos ma- noeuvres, chacun un sac pour ses petites provi- sions. Quand le Seigneur confondit leurs lan- gages, la peur les ayant pris, chacun voulut s'enfuir, et demanda son sac. On ne repetait parloul que.ce mot , et c'est ce qui I'a fait passer dans loules Jes langues qui se formerent alors. » Babinet (M.), I'un de nos savants les plus forts et les plus spirituels. Cependanl il s'est perrais quelques excenlricites. Par exemple, dans son admiration devant nos progres, il an- nonce qu'un jour I'homme actuel ne sera que le chien de I'homme plus perfectionne qui doit ve- nir. Ne soyons done pas trop fiers. Bacchus. Nous ne rapporterons pas ici les fables dont I'ancienne mythologie a orne son histoire. Nous ne faisons mention de Bacchus que parce que les demonographes le regardent comme I'ancien chef du sabbat fonde par Or- phee ; ils disent qu'il le presidait sous le nom de Sabasms. c Bacchus , dil Leloyer, n'elait qu'un demon epouvantable et nuisant, ayant cornes en lete et javelot en main. C'etait le maitre guide- danse * , et dieu des sorciers et des sorcieres ; c'est leur chevreau, c'est leur bouc cornu , c'est le prince des bouquins, salyres et silenes. 11 ap- parait loujours aux sorciers ou sorcieres, dans leurs sabbats, les cornes en tele; et hors des sabbals, bien qu'il montre visage d'homme , les sorcieres ont loujours confesse qulil a le pied 1 Discours des spectr:s , liv. YII, ch. iii. difforme , lantot de corne solide comme ceux du cheval , lantot fendu comme ceux du boeuf \ » Les sorciers des temps modernes I'appellent plus generalement Leonard, ou Satan, ou le bouc, ou maitre Bigoux. Ce qui sans doute appuie cette opinion que le demon du sabbat est le meme que Bacchus, c'est le souvenir des orgies qui avaient lieu aux bac- chanales. Bacis , devin de Beotie. Plusieurs de ceux qui se melerent de predire les choses futures por- lerent ce meme nom de Bacis''. Leloyer dit que les Alheniens reveraient les vers prophetiques de leurs hackles, » qui elaient trois insignes sor- ciers tres-connus ' ». Bacon (Roger) parut dans le treizieme siecle. C'etait un cordelier anglais. II passa pour magi- cien , quoiqu'il ait ecrit conlre la magie , parce qu'il etudiait la physique et qu'il faisait des ex- periences naturelles. 11 est vrai pourtant qu'il y a dans ses ecrils de singulieres choses, et qu'il vdulut elever I'aslrologie judiciaire a la dignile de la science. On lui attribue I'invention de la poudre. II paraUrail meme qu'on lui doit aussi les telescopes et les lunettes a longue vue. II elait verse dans les beaux-arts, et surpassait tous ses contemporains par I'etendue de ses con- naissances et par la subtilile de son genie. Aussi on publia qu'il devait sa superiorite aux demons, avec qui il commergait. Gel homme savant croyait done a I'aslrologie et a la pierre philosophale. Delrio , qui n'en fait pas un magicien , lui reproche seuleinent des superstitions. Par exemple, Francois Pic dit avoir lu dans son livre des six sciences qu'un homme pouvait devenir prophele et predire des choses futures par le moyen d'un miroir, que Bacon nomme almuchcfi , compose suivant les regies de perspective ; pourvu qu'il s'en serve , ajoute-t-il, sous une bonne constellation, et apres avoir tempere son corps par I'alchimie. Cependanl Wierus accuse Bacon de magie goelique, et d'autres doctes assurent que I'Ante- christ se servira de ses miroirs magiques pour faire des miracles. Bacon se fit, dit-on , comme Albert le Grand, un androide. C'etait, assurent les conteurs, une tete de bronze qui parlait distinctement, et meme qui prophetisail. On ajoute que, I'ayant consultee pour savoir s'il serait bon d'entourer I'Anglelerre d'un gros mur d'airain, elle repon- dit : // est temps. Un savant de nos jours (M. E. J. Delecluze) a public sur Bacon une remarquable notice , qui le pose justement parmi les intelligences supe- rieures. Les curieux recherchent, de Roger Bacon , le ' Discours des spectres, liv. VIII, ch. v. 2 Cicero, Dc divin., lib. I, cap. xxxiv. 3 Discours des spectres, liv. YII, ch. ni. BAG — 71 — BAG petit traite intitule Speculum alchimicB, Iraduit en francais par J. Girard de Toiirniis, sous le I litre de Miroir d'alckimie, in-12 et in-8°, Lyon, 1557; Paris, 1612. Le menie a traduit I' Admi- rable puissance de I' art et de la nature, in-8°, ' Lyon, 1557; Paris, 1729. De potestate mirahili ^ artis et nature. ' On ne confondra pas Roger Bacon avec Fran- cois Bacon, grand chancelier d'Angleterre, mort en 1626, que Walpole appelle « le prophete (un I peu aventureux) des verites que Newton est I venu reveler aux hommes, » ' Bacoti, nom commun aux devins et aux sor- f ciers de Tonquin. On interroge surtout le bacoti pour savoir des nouvelles des morts. II bat le tambour, appelle le mort a grands cris, se tait I- ensuite pendant que le defunt lui parle a I'oreille sans se laisser voir, et donne ordinairement de ^ bonnes nouvelles, parce qu'on las pave mieux. Bad, gtjnie des vents et des tempetes chez les Persans. 11 preside au vingt-deuxieme jour de la lune. ! Baducke , plante dont on pretend que le fruit , i pris dans du lait, glace les sens. Les magiciens I'ont quelquefois employe pour nouer I'aiguil- li lette. II suffit, dit-on, d'en faire boire une infu- I- sion a celui qu'on veut lier. ; Badumna, fee ou elfe superieure qui domine dans les forets: mylhologie scandinave. Bael, demon cile dans le Grand Grimoire, en ■f tete des puissances infernales. C'est aussi par lui que Wierus commence I'inventaire de sa fa- meuse Pseudomonarchia dcBmonum, II appelle li! Bael le premier roi de I'enfer; ses Etats sont lOy dans la partie orientale. II se montre avec trois le tetes , dont I'une a la figure d'un crapaud , I'autre celle d'un homme , la troisieme celle d'un cliat. Sa voix est rauque; raais il se bat tres-bien. II le rend ceux qui I'invoquent fins et ruses , et leur apprend le moyen d'etre invisibles au besoin. Soixante-six legions lui obeissent. — Est-ce le meme que Baal ? Baetiles , pierres que les anciens consultaient comme des oracles et qu'ils croyaient animees. C'etaient quelquefois des especes de talismans. Salurne , pensant avaler Jupiter, devora une de ces pierres emmaillollee. II y en avail de petites, laillees en forme ronde, que Ton portait au cou; on les trouvait sur des montagnes ou elles tom- baient avec le tonnerre. Souvent les baetiles etaient des statues ou mandragores. On en cite de merveilleuses qui rendaient des oracles, et dont la voix sifflait comme celle des jeunes Anglaises. On assure meme que quelques baetiles tomberent directe- ment du ciel ; telle etait la pierre noire de Phry- gie que Scipion Nasica amena a Rome en grande pompe. On reverait a Sparte , dans le temple de Mi- nerve Chalcidique , des baetiles de la forme d'un casque , qui , dit-on , s'elevaient sur I'eau au son de la trompette , et plongeaient des qu'on pro- nonijait le nom des Alheniens, On disail ces pierres trouvees dans I'Eurotas *. Bag, idole persane qui a donne son nom a la ville de Bagdad. Bagoe, devineresse que quelques-uns croient etre la sibylle Erytbree. C'est , dit-on , la pre- miere femme qui ait rendu des oracles. Elle de- vinait en Toscane , et jugeait surtout des evene- ments par le tonnerre. Voy. Bicois. Bague. Voy. Anneau. Baguette divinatoire, rameau fourchu de coudrier, d'aune, de hetre ou de pommier, a I'aide duquel on decouvre les metaux, les sources cacbees, les tresors, les malelices et les voleurs. II y a longtemps qu'une baguette est reputee necessaire a certains prodiges. On en donne une aux fees et aux sorcieres puissantes. Medee, Circe, Mercure, Bacchus, Zoroastre, Pythagore, les sorciers de Pliaraon , voulant singer la verge de Mo'ise, avaient une baguette; Romulus pro- phetisait avec un baton augural. Les Alains et d'aulres peuples barbares consultaient leurs dieux en fichant une baguette en terre. Quel- ques devins de village pretendent encore deviner beaucoup de choses avec la baguette. Mais c'esl surtout a la fin du dix-septieme siecle qu'elle fit le plus grand bruit : Jacques Aymar la mil en vogue en 1692. Cependant, longtemps aupara- vant, Delrio ^ avail indique, parmi les pratiques superstilieuses , I'usage d'une baguette de cou- drier pour d^convrir les voleurs ; mais Jacques Aymar op6rait des prodiges si varies et qui sur- prirent lellement, que le pere Lebrun ' et le sa- ' Tome III des Memoires de I'Academie des inscrip- tions. 2 Disquisit. magic, lib. Ill, sect, ult, 3 Dans ses Lettres, qui decouvrent I'illusion des philosophes sur la baguette el qui detruisent leurs systemes (in-IS, Paris, 1693), et dans son Histoire dts pratiques super stitieuses. BAG — 72 — BAG vant Malebranche ' les altribuerent au demon , pendant que d'autres les baptisaient du nom de pbysique occiille ou d'eleclricite souterraine. Ce lalent de tourner la baguette divinatoire n'est donne qu'a quelques etres privilegies. On pent eproiiver si on I'a rega de la nature ; rien n'est plus facile. Le coudrier est surtout I'arbre le phis propre. 11 ne s'agit que d'en couper une branche fourchue , et de tenir dans chaque main les deux bouts superieurs. En mettant le pied sur I'objet qu'on cherche ou sur les vestiges qui peuvent indiquer cet objet , la baguette tourne d'elle-meme dans la main , et c'est un indice in- faillible. Avant Jacques Aymar on n'avait employe la baguette qu'a la recherche des metaux propres a I'alchimie. A I'aide de la sienne , Aymar fit des merveilles de tout genre. 11 decouvrait les eaux souterraines, les bornes deplacees, les male- fices , les voleurs et les assassins. Le bruit de ses talents s'etant repandu , il fut appele a Lyon, en 1672, pour devoiler un mystere qui embar- rassait la justice. Le 5 juillet de celte meine an- nee , sur les dix heures du soir, un marchand de via et sa femme avaient ete egorges a Lyon , en- terres dans leur cave, et tout leur argent avait ete vole. Cela s'etait fait si adroitement qu'on ne soupQonnait pas meme les auteurs du crime. Un voisin fit venir Aymar. Le lieutenant criminel et le procureur du roi le conduisirent dans la cave. II parut tres-emu en y entrant; son pouls s'eleva comme dans une grosse lievre ; sa baguette, qu'il tenait a la main, tourna rapidement dans les deux endroits oii Ton avait trouve les cadavres du mari et de la femme. Apres quoi , guide par la baguette ou par un sentiment interieur, il sui- vit les rues ou les assassins avaient passe , entra dans la cour de I'archeveche , sortit de la vilie par le pont du Rhone, et prit a main droite le long de ce fleuve. — 11 fut eclairci du nombre des assassins en arrivant a la maison d'un jardi- nier, oia il soutint opiniatrement qu'ils elaient trois , qu'ils avaient entoure une table et vide une bouteille sur laquelle la baguette tournait. Ces circonslances furent confirmees par I'aveu de deux enfants de neuf a dix ans , qui declare- rent qn'en effet trois hommes de mauvaise mine etaient entres a la maison et avaient vide la bou- teille designee par le paysan. On conlinua de poursuivre les meurtriers avec plus de confiance. La trace de leurs pas, indiques sur le sable par la baguette, montra qu'ils s'etaient embarques. Aymar les suivit par eau , s'arretant a tons les endroits ou les scelerats avaient pris terre, re- connaissant les lits oii ils avaient couche, les tables ou ils s'etaient assis, les vases ou ils avaient bu. Apres avoir longtemps etonne ses guides , il * Dans ses r^ponses au pere Lebrun. On ecrivit une multitude de brochures sur cetle matiere. s'arrela enfin devant la prison de Beaucaire et assura qu'il y avait la im des criminels. Parmi les prisonniers qu'on amena, un bossu qu'on ve- nail d'enfermer ce jour meme pour un larcin commis a la foire fut celui que la baguette desi- gna. On conduisit ce bossu dans tous les lieux qu'Aymar avait visites : partout il fut reconnu. En arrivant a Bagnols, il finit par avouer que deux Provengaux I'avaient engage, comme leur valet, a tremper dans ce crime; qu'il n'y avait pris aucune part; que ses deux bourgeois avaient fait le meurtre et le vol , et lui avaient donne six ecus et demi. Ce qui sembla plus etonnant encore , c'est que Jacques Aymar ne pouvait se trouver aupres du bossu sans eprouver de grands maux de coeur, et qu'il ne passait pas sur un lieu oii il sentait qu'un meurtre avait ete commis sans se sentir I'envie de vomir. Comme les revelations du bossu confirmaient les decouvertes d'Aymar, les uns admiraient son etoile et criaient au prodige, tandis que d'autres publiaient qu'il etait sorcier. Cependant on ne put trouver les deux assassins, et le bossu fut rompu vif. Des lors plusieurs personnes furent douees du talent de Jacques Aymar, talent ignore jusqu'a lui, Desfemmesmemesfirent tourner la baguette. El les avaient des convulsions et des maux de ccEur en passant sur un endroit ou un meurtre avait ete commis ; ce mal ne se dissipait qu'avec un verre de vin. Aymar faisait tant de bruit , qu'on publia bien- lot des livres sur sa baguette et ses operations. M. de Vagny, procureur du roi a Grenoble, fit imprimer une relation inlitulee Histoirc mer- veilleuse d'un macon qui, conduit par la baguette divinatoire, a suivi un meurlrier pendant qua- rante-cinq heurcs sur la terre, et plus de trente sur I'eau. Ce paysan devint le sujet de tous les entretiens. Des philosophes ne virent dans les prodiges de la baguette qu'un effet des emana- tions des corpuscules, d'autres les attribuerent a Satan. Le pere Lebrun fut de ce nombre , ol Ma- lebranche adopta son avis. Le flls du grand Conde , frappe du bruit de tant de merveilles, fit venir Aymar a Paris. On avait vole a mademoiselle de Conde deux petits flam- beaux d'argent. Aymar parcourut quelques rues de Paris en faisant tourner la baguette ; il s'ar- rela a la boutique d'un orfevre, qui nia le vol el se trouva tres-offense de I'accusation. Mais le len- demain on remit a I'holel le prix des flambeaux; quelques personnes direut que le paysan I'avail envoye pour se donner du credit. Dans de nouvelles epreuves, la baguette prit des pierres pour de I'argent, elle indiqua de I'ar- gent ou il n'y en avait point. En un mot, elle opera avec si pea de succes, qu'elle perdit son renom. Dans d'aulres experiences, la baguette BAG — 73 — BAG resta immobile quand il lui fallait tourner. Ay mar, unpeu confonda, avoua enfin qa'il n'etait qu'ua charlatan adroit, que la baguette n'avait aucun pouvoir, et qu'il avait cherche a gagner de I'ar- gent par ce petit procede... Pendant ses premiers succes, une demoiselle de Grenoble, a qui la reputation d'Aymar avait persuade qu'elle etaitdouee aussi du don de tour- ner la baguette, craignant que ce don ne lui vint de I'esprit malin , alia consulter le pere Lebrun, qui lui conseilla de prier Dieu en tenant la ba- guette. La demoiselle jeuna et prit la baguette ea priant. La baguette ne tourna plus : d'ou Ton con- clut que c'etait le demon ou I'imagination trou- blee qui I'agitait. On douta un peu de la mediation du diable, des que le fameux devin fut reconnu pour un im- posLeur. On lui joua surtout un tour qui decredita considerablement la baguette. Le procureur du roi au Chatelet de Paris fit conduire Ayniar dans une rue oh Ton avait assassine un archer du guet. Les meurtriers etaient arretes, on connaissait les rues qu'ils avaient suivies , les lieux ou ils s'etaient caches : la baguette resta immobile. On fit venir Aymar dans la rue de la Harpe, oii Ton avait saisi un voleur en flagrant delit; la per- fide baguette trahit encore toutes les esperances. ISeanmoins la baguette divinatoire ne peril point ; ceux qui prelendirent la faire Lourner se multiplierent meme, et ce talent vint jusqu'en Belgique. II y eut a Heigne, pres de Gosselies, un jeune gargon qui decouvrit les objets caches ou perdus au moyen de la baguette de coudrier. Cette baguette , disait-il , ne pouvait pas avoir plus de deux ans de pousse. — Un homme, vou- lant eprouver I'art de I'enfant de Heigne, cacha un ecu au bord d'un fosse, le long d'un sentier qu'on ne frequentait presque pas. II fit appeler le jeune gargon et lui promit un escalin s'il pou- vait relrouver I'argent perdu. Le gargon alia cueillir une branche de coudrier, et tenant dans ses deux mains les deux bouts de cette baguette, qui avait la forme d'un Y, apres avoir pris diffe- rentes directions, il marcha devant lui et s'enga- gea dans le petit sentier. La baguette s'agitait plus vivement. II passa le lieu oii I'ecu etait ca- che ; la baguette cessa de tourner. L'enfant revint done sur ses pas; la baguette sembla reprendre un mouvement tres-vif ; elle redoubla vers I'en- droit qu'on cherchait. Le devin se baissa , cher- cha dans I'herbe et trouva le petit ecu, a I'admi- ration de tons les spectateurs. Sur I'observation que le bourgeois fit, pour essayer la baguette , qu'il avait perdu encore d'autre argent, le jeune garcon la reprit, mais elle ne tourna plus. — On se crut convaincu de la realite du talent de I'enfant. On lui demanda qui I'avait instruit. « C'esl le hasard, dit-il; ayant un jour perdu mon couteau en gardant les trou- peaux de mon pere, et sachant tout ce qu'on di- sait de la baguette de coudrier, j'en fis une qui tourna, qui me fit retrouver ce que je cherchais et ensuite beaucoup d'autres objets perdus. » C'etait tres-bien. Malheureusement d'autres epreuves, examinees de plus pres, ne reussirent pas, et on reconnut que la baguette divinatoire BAG - Ik — BAG (?lait la aiissi une peliLe siipercherie. Mais on y avail cm mi sic'cle cldes savants avaieiU fait im- primer cent voluines pour l'o\pliqiier. « Faiil-ii rassembler des arguineiUs pour prou- ver riinpuissanco de la baguette divinaloire? ajoule M. Salgues'. Qwe. Ton disc quel rapport il peut y avoir entre un voleur, une source d'eau, une |)iece de metal et un baton de coudrier. On pretend que la baguette tourne en vertu de I'at- Icaclion. .Mais par quelle vertu d'altraction les emanations (jui s'echappent d'unc Fontaine, d'une ])iL'ce d'argent ou du corps d'un meurtrier tor- dent-elles une branche de coudrier qu'un liomme robusle tient fortement entre ses mains? D'ail- leurs, pourquoi le meme homme trouve-t-il des fonlaines, des metaux, des assassins et des vo- leurs quand ii est dans son pays, et ne trouve- t-il plus rien qnand il est a Paris? Tout cela n'est que charlatanisme. Et ce qui detruit totalement le merveilleux de la baguette, c'est que tout le monde, avec un peu d'adresse, peut la faire tour- ner a volonle. 11 ne s'agit que de lenir les extre- mites de la fourche un peu ecarlees, de maniere a faire ressort. C'est alors la force d'elasticite qui opere le prodige. » Cependant on croit encore a la baguette divi- natoire dans le Dauphine et dans le Hainaut; les paysans n'en negligent pas I'usage, et elle a trouve des defenseurs serieux. Formey, dans V Encyclopedie , explique ce phenomene par le magnetisme. Bitter, professeur de Munich, s'au- torisait recemment du galvanisme pour soutenir les merveilles de la baguette divinatoire; mais il n'est pas niort sans abjurer son erreur. L'abbe de la Garde ecrivit au commencement avec beaucoup de foi I'histoire des prodiges de Jacques Aymar ; en 1692 meme, Pierre Garnier, docteur medecin de Montpellier, voulut prouver que les operations de la baguette dependaient d'une cause naturelle " ; cette cause naturelle n'etait, selon lui, que les corpuscules sorlis du corps du meurtrier dans les endroits ou il avait fait le meurtre et dans ceux ou il avait passe. Les galeux et les pestiferes, ajoute-l-il, ne trans- pirent pas comme les gens sains, puisqu'ils sont conlagieux ; de meme les scelerats lachent des Emanations qui se reconnaissent, et si nous ne les sentons pas, c'est qu'il n'est pas donne a tons les chiens d'avoir le nez fm. Ce sont la, dit-il page 23, des axiomes inconLestablos. « Or, ces corpuscules qui entrent dans le corps de Fhomme muni de la baguette I'agitent tellement, que de ses mains la matiere subtile passe dans la ba- guette meme, et, n'en pouvant sortir assez pronip- tement, la fait tourner ou la brise : ce qui me pa- rait la chose du monde la plus facile a croire... » * Des erreurset des prejufjes, etc., t. I, p. 165. 2 Dans sa Dissertation physique en forme de leUres ^ M. de Sevrc, seigneur de Flecheres, etc., in-'12. Lyon, 1692. Le bon pfere Mdneslrier, dans ses inflexions sur les indications de la baguette, Lyon, 169Z(, s'etonne du nombre de gens qui devinaient alors par ce moyen a la mode. « A combien d'effets, poursuil-il , s'etend aujourd'hui ce talent ! II n'a point de limiles. On s'en sert pour juger de la bonte des etoffes et de la difference de leurs prix, pour denieler les innocents des coupables, pour specifier le crime. Tons les jours cette vertu fait de nouvelles decouvertes inconnues jusqu'a pre- sent. » II y eut meme en 1700, a Toulouse, un brave homme qui devinait avec la baguette ce que fai- saient des personnes absentes. 11 consullait la baguette surle passe, le present et I'avenir; elle s'abaissait pour repondre oui et s'elevait pour la negative. On pouvait faire sa demande de vive voix ou menlalement. « Ce qui serait bien pro- digieux , dit le pere Lebrun , si plusieurs reponses (lisez la plupart) ne s'elaient trouveesfausses*, » Un fait qui n'est pas moins admirable, c'est que la baguette ne tourne que sur les objets oia Ton a interieurement I'inlention de la faire tour- ner. Ce serait done du magnetisme ? Ainsi quand on cherche une source , elle ne tournera pas sur autre chose, quoiqu'on passe sur des tresors en- fouis ou sur des traces de meurtre. Pour decouvrir une fontaine, il faut mettre sur la baguette un linge mouille : si elle tourne alors, c'est une preuve qu'il y a de I'eau a I'endroit qu'elle indique. Pour trouver les metaux souter- rains, on enchasse successivement a la tele de la baguette diverses pieces de metal , et c'est un principe constant que la baguette indique la qua- lite du metal cache sous terre, en touchant pre- cisement ce meme metal. Nous repetons qu'on ne croit plus a la baguette, et que cependant on s'en sert encore dans quel- ques provinces. II fallait autrefois qu'elle ful de coudrier ou de quelque autre bois special ; de- puis , on a employe toute sorte de bois , et meme des cotes de baleine ; on n'a plus meme exige que la baguette fut en fourche. Voici le secret de la baguette divinatoire et le moyen de la faire tourner, tire du Grand Gri~ moire, page 87 ^ : Des le moment que le soleil parait sur I'hori- zon, vous prenez de la main gauche une baguette vierge de noisetier sauvage , et la coupez de la droite en trois coups, en disant : « Je te ramasse au nom d'Eloi'm, Mutrathon, Adonai et Semipho- ras, afin que tu aies la vertu de la verge de Moise et de Jacob pour decouvrir tout ce que je voudrai savoir. » Et pour la faire tourner, il faut dire, la tenant serree dans ses mains, par les deux bouts qui font la fourche : « Je te com- mando, au nom d'Eloim, Mutrathon, Adonai et ' Histoire des pratiques saperstitieuses, t. II, p. 357. - Ce secret est aussi dans le Dragon rouge, p. 83. BAG — 7, BAI Semiphoras, de me reveler... » (On indique ce qu'on vent savoir.) Mais void encore quelque chose siir cette ma- liere, qui n'est pas epiiisee. Nous empruntons ce qui suit au Quarterly Magazine : « La baguette divinatoire n'est plus employee a la decouverle des tresors, mais on dit que, dans les mains de certaines personnes, elle pent indi- quer les sources d'eau vive. II y a cinquante ans environ que lady Newark se trouvait en Provence dans un chateau dont le propri(§taire , ayant be- soin d'une source pour I'usage de sa maison, envoya chercher un paysan qui promettait d'en faire jaillir une avec une branche de coudrier ; lady Newark rit beaucoup de I'idee de son bote et de I'assurance du paysan; mais, non moins curieuse qu'incredule, elle voulut du moins assis- ter a I'experience, ainsi que d'autres voyageurs anglais tout aussi philosophes qu'elle. Le paysan ne se deconcerta pas des sourires moqueurs de ces etrangers; il se mit en marche suivi de toute la societe, puis tout a coup s'arretant, il declara qu'on pouvait creuser la terre. On le fit; la source promise sortit, et elle coule encore. Get homme etait un vrai paysan , sans education : il ne pou- vait expliquer qu'elle etait la vertu dont il etait doue , ni celle du talisman ; mais il assurait mo- destement n'etre pas le seul a qui la nature avait donne le pouvoir de s'en servir. Les Anglais pre- sents essayerent sans succes. Quand vint le tour de lady Newark, elle fut bien surprise de se trou- ver tout aussi sorciere que le paysan provencal. A son retour en Angleterre , elle n'osa faire usage de la baguette divinatoire qu'en secret, de peur d'etre tournee en ridicule. Mais en 1803 , lorsque le docteur Hulton publia les Rccherches d'Oza- nam, oh ce prodige est traite d'absurdite (t. IV, p. 260), lady Newark lui ecrivit une lettre si- gnee X. Y. Z. , pour lui raconter les faits qui etaient a sa connaissance. Le docteur repondit, demandant de nouveaux renseignements a son correspondant anonyme. Lady Newark le satis- fit, et alors le docteur desira etre mis en rapport direct avec elle. Lady Newark alia le voir a Woolwich, et, sous ses yeux, elle decouvrit une source d'eau dans un terrain ou il faisait con- struire sa residence d'eLe. C'est ce memo terrain que le docteur Hulton a vendu depuis au college de Woolwich, avec un benefice considerable a cause de la source. Le docteur ne put resister a I'evidence lorsqu'il vit, a I'approche de I'eau, la- baguette s'animer tout a coup, pour ainsi dire, s'agiter, se ployer, et meme se briser dans les doigts de lady Newark. On cite encore en Angleterre sir Charles H. et miss Fenwik comme etant doues de la meme fa- culte que lady Newark, et a un degre plus eleve encore. Cette faculte inexplicable a une grande analogie avec celle qui distingue les Zahoris espagnols ; mais ceux-ci ne se servent pas de la baguette de coudrier. Voij. Bletton et PARAMiiLE. Baguette magique. On voit, comme on nous I'a dit, que toutes les fees ou sorcieres ont une bagriette magique avec laquelle elles operent. Boguet rapporte que Frangoise Secrelain et The- venne Paget faisaient mourir les bestiaux en les touchant de leur baguette ; et Cardan cile une sorciere de Paris qui tua un enfant en le frap- pant doucement sur le dos avec sa baguette ma- gique. C'est aussi avec leur baguette que les sorciers tracent les cercles, font les conjurations et ope- rent de toutes les manieres. Cette baguette doit etre de coudrier, de la pousse de I'annee. II faut la couper le premier mercredi de la lune, entre onze heures et minuit, en prononcant certaines paroles. Le con lean doit etre neuf et retire en haut quand on coupe. On benit ensuite la ba- guette, disent les formulaires superstilieux ; on ecrit au gros bout le mot Agla f, au milieu On\; et Tetragammaton f au petit bout, et Ton dit : Conjuro te cito mihi obedire, etc. Bahaman, genie qui, suivant les Persans, apaise la colere, et, en consequence, gouverne les boeufs, les moutons et tons les animaux sus- ceptibles d'etre apprivoises. Bahi (la). C'est le nom que donnent les Bohe- miens a I'art de dire la bonne aventure dans la main. Voy. Main. Bahir, titre du plus ancien livre des rabbins, ou, suivant Buxtorf, sont traites les plus pro- fonds mysteres de la haute cabale des Juifs. Bahman, deuxieme Amschaspand. Baiian. Wierus et vingt autres demonographes comptent que Baian ou Bajan , fils de Simeon , roi des Bulgares, etait si grand magicien, qu'il se transformait en loup et en leopard pour 6pon- vanter son peuple, qu'il pouvait prendre toute autre figure de bete feroce, et meme se rendre invisible ; ce qui n'est pas possible sans I'aide de puissants demons, comme dit Nynauld dans sa Lycanthropie. Baier (Jean-Guillaume) , professeur de theo- logie a Altorf, mort en 1729. II a laisse une BAI — 76 — BAL these iiilitiilee Dissertation sur Behemoth et Le- viathan, I' elephant et la Oaleine, d'apres le livre cle Job, chap, xl ct xli, avcc la riponse de Stie- hcr\ Baicr ne voyait que deux animaux nions- trueux dai)s Beliemolh eL Leviallian. Baillement-I Les femmes espagnoles , lors- qu'elles baillent, ne manquent pas de se signer quatre fois la bouche avec le pouce, de peur que le diable n'y entre. Cetle supersliLion reraonte a des temps recules, etchez beaucoup de peuples on a regarde le baillement coniine une crise pe- rilleuse. Les Indiens font craquer leurs doigls quand quelqu'un bailie, pour eloigner les de- mons. Bailly (Pierre), medecin, auteur d'un livre publie a Paris en 163/|, in-8°, sous le tilre de Songes de Phestion, paradoxes physiologiques, suivis d'un dialogue sur I'immortalite de I'ame. Balaam, sorte de magicien madianite qui florissait vers I'an du monde 2515. Lorsque les Israelites errants dans le desert se disposaient a passer le Jourdain, Balac, roi de Moab, qui les redoutait, chargea Balaam de les maudire. Mais le magicien, ayant consulte le Seigneur, qu'il connaissait, quoiqu'il servit d'autres dieux , et que surtout il redoutait, regut une defense pre- cise de ceder a cette invitation. Cependant, les magnifiques presents du roi I'ayant seduit, il se 1 Disscrlatio de Behemotli el de Leviathan , elephas et balwnn, e Job xl, xli. Respond. G. Steph. Slieber. In-4°, AUorf, 1708. rendit a son camp. On sait que I'ange du Sei- gneur arreta son anesse, qui lui parla. Balaam, apres s'elre irrite contre la bete, apercut I'ange, se prosterna, promit de faire ce que comniande- rait le Dieu d'Israel , et parut au camp de Balac tres-embarrasse. Lorsqu'il fut devant I'armee des Israelites, en presence de la cour de Balac fort surprise, pendant qu'on s'attendait a entendre des maledictions, il se sen lit domine par un eu- thousiasme divin, et prononc^a, malgre lui, une magnifique prophetie sur les destinees glorieuses du peuple de Dieu. 11 annonga meme le Messie. Balac, furieux, le chassa; par la suite, les H(5- breux , ayant vaincu les Madianiles , firent Balaam prisonnier et le luerent. Baladeva, troisieme Rama, ou troisieme in- carnation de Vichnou. Balai. Le manche a balai est la monlure or- dinaire des sorcieres lorsqu'elles se rendent au sabbat. Remi conte a ce sujet que la femme d'un cordonnier allemand, ayant, sans le savoir, fourre le bout de son manche a balai dans un pot qui contenait I'onguent des sorcieres, se mit maclii- nalement aussitot a califourchon sur ce manche, et se sentit transporlee a Bruck, ou se faisait le sabbat. Elle profita de I'occasion, se fit sor- ciere, et peu apres fut arretee comme telle. II y a sur le balai d'autres croyances. Jamais, dans le district de Lesneven , en Bretagne , on ne balaye une maison la nuit : on pretend que c'est en eloigner le bonheur; que les ames s'y pro- menent, et que les mouvements d'un balai les blessent et les ecartent. lis nomment cet usage proscrit balayement des morts. lis disent que la veille du jour des Trepasses (2 novembre) il y a plus d'ames dans chaque maison que de grains de sable dans la mer et sur le rivage. Balan, roi grand et terrible dans les enfers. II a quelquefois trois teles : celle d'un taureau , celle d'un homme, celle d'un belier. Joignez a cela une queue de serpent et des yeux qui jeltent de la llamme. Mais plus ordinairement il se montre a cheval, nu ct cornu, sur un ours, et porle un epervier au poing. Sa voix est rauque et violente. II repond sur le passe, le present et BAL — 77 — BAL I'avenir. — Ge demon , qui etait autrefois de I'ordre des doitiinalions , el qui commande au- jourd'hui quarante legions infernales, enseigne les ruses, la finesse et le moyen commode de voir sans etre vu. Balance , septieme signe du zodiaque. Ceux qui naissent sous cette constellalion aiment ge- neralement I'equite. C'est, dit-on, pour etre ne sous le signe de la balance qu'on donna a Louis XIII le surnom de Juste. Les Persans pretendent qu'il y aura au der- nier jour une balance dont les bassins seront plus grands et plus larges que la superficie des cieux, et dans laquelle Dieu pesera les oeuvres des hommes. Un des bassins de cette balance s'appellera le bassin de lumiere, I'autre le bas- sin de tenebres. Le livre des bonnes oeuvres sera jete dans le bassin de lumiere, plus brillant que les etoiles ; et le livre des mauvaises dans le bassin de tenebres, plus horrible qu'une nuit d'orage. Le fleau fera connaitre qui I'emportera, et a quel degre. C'est apres cet examen que les corps passerontle pont etendu siir le feu eternel. Balcoin ou Balcon (Marie) , sorciere du pays de Labourd, qui allait au sabbat du temps de Henri VI. On lui fit son proces, oii elle fut con- vaincue d'avoir mange, dans une assemblee noc- turne, I'oreille d'un petit enfant. Elle fut sans doute brulee., Balder, dieu scandinave, fils d'Odin et de Frigga. Locke, son ennemi, le fit tuer par Ho- der; et, tout dieu qu'il etait, il descendit aux enfers, oia il est reste. Baleine. Mahomet place dans le ciel la ba- leine de Jonas. Pline et nos legendaires parlent de baleines longues de neuf cents pieds remains et de taille a avaler une barque. Bali, prince des demons et I'un des rois de I'enfer, selon les croyances indiennes. II se bat- BAL — 78 - til aiilrefois avec Vichnou , (lui Ic prucipila dans Tabime, d'ou il sort une fois par an pour faire du ma] aiix hommes ; mais Vichnou y incl ordre. Les liidicns donncnl aussi le nom de Bali aux farfadets, a qui ils offrent du riz, que ces lutins ne manqucnl pas de venir manger la nuit. Balkis ou Belkis, reine de Saba, qui vint honorer Salomon. On Irouve son histoire dans les Ldgendes de I'Ancicn Testament. Balles. On a cru autrefois que certains guer- riers avaient un charme contre les balles , parce qu'on lirait sur eux sans les atteindre. Pour les tuer, on mettait dans les cartouches des pieces d'argent, car rien , dit-on, ne peut ensorceler la monnaie. Balsamo. Vojj. Cagliostro. Baltazo, I'un des demons de la possession de Laon. Voy. Aubuy. On conte qu'un chenapan, se faisant passer pour le demon , alia souper dans la maison de Nicole Aubry, la possedee, sous pretexte de combiner sa delivrance, qu'il n'opcra pas. On remarqua en soupant qu'il jjuvait tres- sec; ce qui prouve, dit Leloyer, que I'eau est contraire aux demons Balthazar, dernier roi de Babylone, petit-fils de Nabuchodonosor. Un soir qu'il profanait dans ses orgies les vases sacres de Jerusalem , il aper- QUt une main qui tracait sur la muraiile, en lettres de feu, ces trois mots : Mane, thenel, phares. Ses devins et ses astrologues ne purent expliquer ces caracteres ni en interpreter le sens. 11 promit de grandes recompenses a qui lui en donnerait I'interpretation. Ce fut Daniel qui, me- prisant ses recompenses, lui apprit que les trois mots signifiaient que ses annees etaient comp- tees, qu'il n'avait plus que quelqiies moments a vivre, etque son royaume allait elre divise. Tout se verilia peu d'inslants apres. Baltus (Jean-FranQois) , savant jesuite, mort en ilh'o. Reponses a I' Histoire des oracles de Fon- tenelle, in-8", Strasbourg, 1709, ou il etablit solidement que les oracles^ des anciens etaient I'ouvrage du demon, et qu'ils furent reduits au silence iors de la mission de Notre-Seigneur Je- sus-Christ sur la terre. Bametrie, sorciere qui fut accusee en 1566 d'avoir ensorcele les orphelins d' Amsterdam. Voy, Orphklinats. Banians, Indiens idolatres,^repandu3 surtout dans le Mogol. lis reconnaissent un Dieu crea- teur; mais ils adorent le diable, qui est charge, disent-ils, de gouverner le monde. lis le repre- sentent sous, une horrible figure. Le pretre de ce culle marque au front d'un signe jaune ceux qui ont adore le diable, qui des lors les recon- nalt et n'esl plus si porte a leur faire du mal ^ 1 Disc, et hist, des spectres, liv. Ill, ch. x. 2 Histoire de la religion des Banians, tlree de leur livre Shasler, etc., traduit de I'anglais. Paris, 1667, in-i2. BAP Banshee, fee blanche chez les Irlandais. Elle a une robe blanche et une chevelure d'argent. Attachee a plusieurs families : les Kearney, les Butler, Ics Kealin , jes Trant, les Rices, elle vient pleurcr et batti'e des mains sous leurs fenetres lorsqu'un membre de ces families doit mourir. Voy. FeMMES BLANCHES. Bapteme. Dans le nord de I'Angleterre , lors- qu'on presente a la fois plusieurs eiifants pour recevoir le bapteme anglican , on veille altenti- vement a ce que less.fiUes ne passent pas avant les gargons. On crbit que les garqons baptises apres les filles n'ont point de barbe. — Les sor- cieres, dans leurs cereirionies abominables, bap- tisent au .sabbat des crapAuds et de petits enfants. Les crapauds sont habilles de velours rouge, les petits enfants de velours noir. Pour cette opera- tion infernale , le diable urine dans un trou ; on prend de cette dejection avec un goupillon noir, on en jette sur la tele de I'enfant ou du crapaud, en faisant des signes de croix a rebours avec la main gauche, et disant : In notnine Patrica, Ma- trica, aracjuaco Petrica agora, ayorn Valcntia; ce qui veut dire : « Au nom de Patrique, de Ma- trique, Petrique d'Aragon, a cette heure, a cette heure, Valentia. » Cette stiipide impiete s'appelle le bapteme du diable. Le diable, ou celui qui le represente au sabbat, rebaplise aussi, avec du soufre, du sel et de I'urine, les adultes des deux sexes qui se font recevoir a ses assemblees. Bapteme de la Ligne. Lorsqu'on traverse la Ligne, les matelots font subir aux personnes qui la passent pour la premiere fois une ceremonie qu'ils appellent le bapteme de la Ligne. Ce bap- teme consiste en une aspersion plus ou moins desagreable, dont on evite souvent les ennuis par une generosite. Les personnages qui font la plaisanterie se travestissent; Ic Pcre la Ligne ar- BAR — 79 — BAR rive dans un tonneau , escorte par un diable , un courrier, un perruquier et un meunier. Le pas- sager qui ne veut pas donner pour boire aux matelots est arrose ou baigne, apres avoir ete poiidre et frise. On ne sait trop I'origine de cet usage , ni pourquoi le diable y figure. Baraboule. Voy. Kacheu. Barat, maladie de langueur, ordinairement le -resultat d'un sort jete, qui conduit infaillible- ment a la mort , et qui , selon les opinions bre- tonnes, est guerie par les eaux de la fontaine de Sainle-Candide, pres de Scaer, dans le Finistere. 11 n'est pas d'enfant qu'on ne trempe dans cette fontaine quelques jours apres sa naissance ; on croit qu'il vivra s'il etend les pieds, et qu'il mourra dans peu s'il les retire*. Barbas, demon. Voy. Marbas. Barbatos , grand et puissant demon , comte- duc aux enfers , type de Robin des Bois ; il se montre sous la figure d'un archer ou d'un chas- seur; on le rencontre dans les forets. Quatre rois sonnent du cor devant lui. 11 apprend a deviner par le chant des oiseaux, le mugissement des taureaux, les aboiements des chiens el les cris des divers animaux. II connait les Iresors enfouis par les magiciens. 11 reconcilie les amis brouilies. Ce demon, qui etait autrefois de I'ordre des ver- lus des cieux ou de celui des dominations, est reduit aujourd'hui a commander trente legions infernales. II connait le passe et le futur ^. Barbe. Les Remains gardaient avec un soin superstitieux leur premiere barbe. Neron faisait conserver la sienne dans une boite d'or enrichie de pierreries Barbe-a-Dieu. Thiers, dans son TraiU des superstitions , rapporte la priere dite la Barhe- d-Dieu; c'est une priere superstitieuse encore populaire, et qui se trouve dans divers recueils. La voici : « Pecheurs et pecheresses, venez a ' Cambry, Voyage dans le Finistere, t. Ill, p. 457. 2 Wierus, in Pseudomonarchia. dcsmon. 3 M. Nisard, Stace. moi parler. Le coeur me dut trembler au venire, comma fait la feuille au tremble , comme fait la Loisonni quand elle voit qu'il faut venir sur une petite planche , qui n'est plus grosse ni plus membre que Irois cheveux de femme grosse en- semble. Ceux qui la Barhe-d-Dieu sauront, par- dessus la planche passeront, el ceux qui ne la sauront, au bout de la planche s'assiseronl, crie- ront, braieront : Mon Dieu ! helas ! malheureux etat ! Est comme petit enfant celui qui la Barle- d-Dieu n'apprend. » Barbe bleue. Voy. Rf.tz. Barbe de Saint-Michel , religieuse de Lou- viers. Voy. Louviers. Barbeloth. Des gnostiques, appeles barbeliots ou barboriens, disaient qu'un Eon immortel avail eu commerce avec un esprit vierge appele Bar- beloth, a qui il avail successivement accorde la prescience, rincorruptibilite et la vie eternelle ; que Barbeloth , un jour, plus gai qu'a I'ordinaire, avail engendre la lumiere, qui, perfectionnee par I'onction de I'esprit , s'appela Christ ; que Christ desira I'inlelligence el I'oblint; que I'intelligence, la raison, I'incorruplibilite et Christ s'unirent; que la raison el I'intelligence engendrerent Auto- gene; qu'Autogene engendra Adamas, Thomme parfail, et sa femme la connaissance parfaile; qu'Adamas et sa femme engendrerent le bois ; que le premier ange engendra le Sainl-Esprit, sagesse ou Prunic ; que Prunic engendra Prolar- chonle ou premier prince, qui fut insolent et sot; que Prolarchonte el Arrogance engendrerent les vices et loules leurs branches. Les barbeliots debitaient ces merveilles en hebreu , et leurs ce- remonies n'etaient pas moins abominables que leur doctrine elait exlravaganle Barbier. Pline le jeune ^ avail un affranchi , nomme Marc, homme quelque peu lettre, qui couchait dans un meme lit avec son jeune frere. Marc, dans le sommeil, crut voir une personne assise au chevet de son lit, qui lui coupait les cheveux du haul de la tele. A son reveil , il se trouva rase, el ses cheveux jetes au milieu de la chambre. — La meme chose arriva, dans le meme temps, a un jeune gargon qui dormait avec plusieurs autres dans une pension. II vit entrer par la fenelre deux hommes vetus de blanc, qui lui couperent les cheveux comme il dormait. A son reveil, on trouva ses cheveux repandus sur le plancher. « A quoi cela peut-il etre attribue, dit D. Calmet', si ce n'est a des follels ? » — ou aux compagnons de lit ? II y a quelques lulins, du genre de ceux-la, qui onl fait pareillemenl les fonclions de bar- biers. Les conies populaires de I'Allemagne vous apprendront que les revenants peuvent ainsi faire la barbe aux vivants. ' Bergier, Dictionnaire theolog,, ViU mot Barbeliots • 2 Lib. XVI., epist. xxvii. ^ Dissertation sut les apparitionsi BAR — 80 — BAS Barbieri. Dialogues sur la mort et sur les j ames separees : Dialoghi dclla morte e dell' anime separate, di Barbieri. In-S°. Bologna, 1600. Barbu. On appelle demon barbu le demon qui enseigne le secret de la pierre philosophale ; on 1r connail peu. Son nom semblerait indiquer que c'est le meme que Barbatos, qui n'a rien d'un demon philosophe. Ce n'est pas non plus Bar- bas, qui se meie de mecanique. On dit que le demon barbu est ainsi appele a cause de sa barbe remarquable. Barcabas et Barcoph. Voy. Basilide. Bareste (Eugene) , auteur de la Fin des temps et de quelques propheties du moins tres-spiri- tuelles. II a dte quelques annees le redacleur de Y Almanack prophelique , pittoresqve et utile, la plus curieuse de ces legeres productions que chaque annee ramene. Barkokebas ou Barchochebas , imposteur qui se fit passer pour le Messie juif , sous I'em- pire d'Adrien. Apres avoir ete voleur de grand chemin , il changea son nom de Barkoziba , fils du mensonge , en celui de Barkokebas, fils de I'dloile, et pretendit qu'il elait I'etoile annoncee par Balaam. 11 se mit a faire des prodiges. Saint Jerome raconte qu'il vomissait du feu par la bouche, au moyen d'un morceau d'etoupes allu- mees qu'il se mettait dans les dents, ce que font maintenant les charlatans des foires. Les Juifs le reconnurent pour leur Messie. 11 se fit couronner roi, rassembla une armee, et soutint contre les Remains une guerre assez longue ; mais enfin , en I'annee 136 , 1'armee juive fut passee au fil de I'epee et Barkokebas tue. Les rabbins assurent que, lorsqu'on voulut enlever son corps pour le porter a I'empereur Adrien , nn serpent se pre- senta autour du cou de Barkokebas, et le fit res- pecter des porteurs et du prince lui-meme Barnaud (Nicolas), medecin protestant du seizieme siecle, qui recbercha la pierre philoso- phale. II a publie sur I'alchimie divers petils trai- tes recueillis dans le troisieme volume du Tliea- trum chimicuin, compile par Zetzner. Strasbourg, 1659. Barrabas. « Quand les sorcieres sont enlre les mains de la justice, dit Pierre Delancre ^ elles font semblant d'avoir le diable leur maitre en horreur, et I'appellent par dedain Barrabas ou Barrabam. » Barron , un des demons auxquels sacrifiait le marechal de Retz. Voy. Retz. Barscher (Anne), femme de Koge, pres de Copenhague, qui subit en 1609 et plus tard un ensorcellement jete sur elle, sur son mari et ses enfants. Elle a publie en danois le recit curieux de ses souffrances, recit approuve et atteste par ' Voyez son histoire plus etendue dans hsLegendes del'Ancien Testament. 2 Tableau da I' inconstance des mauvais anges, etc., liv. YI, disc. III. Paris, 1612. j des autoriles imposantes. On peat lire celte his- toire assez compliquee dans les Energumeni Koa- gienscs. Lipsia;, 1695. Barthole, jurisconsulte, mort a Perouse en 1356. II commenca a mettre de I'ordre dans la jurisprudence ; mais on retrouve les bizarreries de son siecle dans quelques-uns de ses ouvrages. Ainsi, pour faire connaitre la marche d'une pro- cedure , il imagina un proces entre la sainte Vierge et le diable, juge par Notre -Seigneur Jesus- Christ *. Les parties plaident en personne. Le diable demande que le genre humain rentre sous son obeissance ; il fait observer qu'il en a ete le mailre depuis Adam ; il cite les lois qui elablis- sent que celui qui a ete depouille d'une longue possession a le droit d'y rentrer. La sainte Vierge lui repond qu'il est un possesseur de mauvaise foi, et que les lois qu'il cite ne le concernent pas. On epuise des deux cotes toutes les res- sources de la chicane du quatorzieme siecle, et le diable est deboute de ses pretentions^. Bartholin (Thomas), ne a Copenhague en 1619. On recherche de lui le livre De unguento armario. Ce traile de la poudre de synipalhie se ressent du temps et de la crMulite de I'auteur ; il conlient cependant des choses singulieres et qui ne sont pas indignes de quelque attention. Barton (Elisabeth) , religicuse de Kent , qui previt et revela, en 1525, les exces oi!i tombe- rait bientot le schisme qu'elle voyait naitre en Angleterre. Les partisans de Henri VIII s'ecrierent qu'elle etait possedee du diable. La protection de Thomas Morus, loin de la sauver, la perdit : en 1533 , cette pieuse et sainte fille fut mise a mort avec beaucoup d'autres, sous pretexte de sorcel- lerie, par les reformes, qui se vantaient d'appor- ter la lumiere et la liberie. Bas. Qm a chausse un de ses bas a I'envers recevra dans la journee un conseil, — probable- ment celui de le retourner. Bascanie, sorle de fascination employee par les magiciens grecs ; elle Iroublait telleraent les yeux, qu'on voyait tous les objets a rebours : blanches les choses noires, rondes les choses pointues, laides les plus jolies figures, et jolies les plus laides. Basile. Michel Glycas' raconte que I'empe- reur Basile, ayant perdu son fils bien-aime, ob- lint de le re voir peu apres sa mort, par le moyen d'un moine magicien ; qu'il le vit en eflet et le tint embrasse assez longtemps, jusqu'a ce qu'il disparut d'entre ses bras. « Ce n'etail done qu'un fantome qui disparut sous la forme de son Ills*. » ' Ce singulier oiivrage, intitule Processus Satanoe contra Virgincm coram judice J esu , est imprim^dans le Processus juris jocoserius. In-8". Hanau, 1611. - Voyez ce proces resume dans les Legendes du Nouveau Testament. 3 Annul., part. IV. * D. Calmet, Dissertation des revenants en corps, Cll. XVI. BAS Basile-Valentin , alchimiste , qui est pour les Alleraands ce que Nicolas Flamel est pour nous. Sa vie est melee de fables qui ont fait croire a quelques-uns qu'il n'a jamais existe. On le fait vivre au douzieme, au treizieme, au quatorzieme et au quinzieme siecle; on ajoute meme , sans la moindre preuve, qu'il etait benedictin a Erfurt. C'est lui qui, dans ses experiences chimiques, decouvrit Vantimoine, qui dut son nom a celte circonstance , que, des pourceaux s'etant prodi- gieusement engraisses pour avoir avale ce residu de metal, Basile en fit prendre a des religieux qui en raoururent. On raconte que, longtemps apres la mort de Basile-Valenlin, une des colonnes de la cathe- drale d'Erfurt s'ouvrit comme par miracle, et qu'on y trouva ses livres sur I'alchimie. Les ou- vrages de Basile, ou du moins ceux qui portent son nom, ecrits en haut allemand, ont ete tra- duits en lalin , et quelques-uns du latin en fran- gais. Les adeptes recherchent de lui VAzoth*, les Douze clefs de la philosophic de frere Basile- Valentin, traitant de la vraie medecine metal- lique% a la suite de la traduction de VAzoth, in-12, 1660; in-8°, 1669; I' Apocalypse chimi- que ' ; la Revelation des mysteres des teintiires essentielles des sept metaux et de leurs vertus md- dicinales'', in-i", Paris, 1546; Du microcosme, du grand mystcre du monde et de la medecine de I'homme Traite chimico-philosophiquc des choses natiirelles et surnaturelles des mineraux et des metaux^; Haliographie , de la preparation, de Vusage et des vertus de tous les sels mineraux, animaux et vegctaux , recueillis par Antoine Sal- mincius, dans les manuscrits do Basile-Valen- tin', etc. La plupart de ces ouvrages ont fait faire des pas a la chimie utile. Basilic, petit serpent, long d'un demi-metre, qui n'a ete connu que des anciens. II avait deux - ergots, une tete el une crete de coq, des ailes, une queue de serpent "ordinaire, etc. Quelques- uns disent qu'il nait de I'oeuf d'un coq couve par un serpent ou par un crapaud. Boguet , au cha- pilre XIV de ses Discours des sorciers, le fait pro- duire de I'accouplement du crapaud et du coq, comme le mulet nait d'un ane et d'une juraent. * Azoth, sive AurelicB philosophorum. Francfort, 1613. In-4", traduit en francais en 1660. 2 Practica, una cum duodecini clavibus et appen- dice. Francfort, 1618. In-4". 3 Apocahjpsis chimica. Erfurt, 1624. In-8°. * Manifestatio artificiorum , etc. Erfurt, 1624. In-4''. La traduction dent on indique le litre est de J. Israel. ^ De microcosmo, deque magno mundi mysterio et medicina hominis. Marpurg, 1609. In-8°. ^ Tractalus chimico-philosophicus de rebus natu- ralibus et prceternaturalibus metallorum et minera- lium. Francfort, 1676. In-8°. ' Haliographia , de prceparatione , usu ac virtuti- bus omnium salium miner alium, animaliumac vege- tabilium, ex manuscriptis Basilii Valentini collecta ab Antonio Salmincio. Bologne, 1644. In-8o. — 81 — BAS C'est une opinion encore repandue dans les campagnes que les vieux coqs pondent un oeuf duquel nait un serpent. Ce petit oeuf, imparfait, n'est, comme on salt, que I'effet d'une maladie chez les poules; et I'absurdite de ce conte bleu n'a plus besoin d'etre demontree. II est possible que les anciens, dans leurs expe- riences , aient pris des oeufs de serpent pour des oeufs de coq. Voy. Coq. — Quoi qu'il en soit, on croit que le basilic tue de ses regards; et Ma- thiole demande comment on a su que le basilic tuait par son regard , s'il a tue tous ceux qui I'ont vu. On cite toutefois je ne sais quel hislorien qui raconte qu'Alexandre le Grand ayantmis le siege devant une ville d'Asie , un basilic se declara pour les assieges , se campa dans un trou des remparts, et lui tua jusqu'a deux cents soldats par jour. Une balterie de canons bien servie n'eut pas fait mieux. (( II est vrai, ajoute M. Salgues', que si le ba- silic peut nous donner la mort, nous pouvons lui rendre la pareille en lui presentanl la surface po- lie d'un miroir : les vapeurs empoisonnees qu'il lance de ses yeux iront frapper la glace, et, par rellexion , lui renverront la mort qu'il voudra donner. C'est Aristote qui nous apprend celte particularile. » Des savants ont regarde en face le serpent qu'on appelle aujourd'hui basilic, et qui n'a pas les accessoires dont les anciens I'ont embelli ; malgre tous les vieux conies, ils sont sortis bien portants de cette epreuve. Mais, nous le repe- tons, le reptile auquel les-modernes donnenl le nom de basilic n'est peut-etre pas le basilic des anciens, car il y a des races perdues. Au moyen age, on donnait au basilic une cou- ronne native ornee d'une pierre precieuse, et on voyait en lui le roi des serpents. Basilide, herelique du deuxieme siecle, qui se fit un systeme en melant les principes de Py- thagore et de Simon, les dogmes des Chretiens et les croyances des Juifs. II pretendit que le monde avail ete cree par les anges. <( Dieu (Abra- cax), disait-il, produisit I'lntelligence, laquelle ' Des erreurs et des prejuges , etc., t. I, p. 413. 6 BAS . — 82 — produisit le Verbe, qui produisit la Prudence ; la Prudence eut deux filles : la Puissance et la Sa- gesse, lesquelles produisirent les verlus, les princes de I'air et les anges. Les anges etaient de trois cent soixante-cinq ordres ; ils creerent trois cent soixante-cinq cieux; les anges du der- nier ciel firent le monde sublunaire ; ils s'en par- lagerent I'empire. Celui auquel echurent les Juifs , elant puissant, fit pour eux beaucoup de prodiges ; mais, comine il voulait soumetlre les aulres na- tions, il y eut des querelles et des guerres, et le mal fit de grands progres. Dieu, ou I'Etre su- perieur, louche des miseres d'ici-bas, envoya BAS Jesus, son premier Fils, ou la premiere intel- ligence creee, pour sauver le monde. II prit la figure d'un homme, fit les miracles qu'on ra- conte, et, pendant la passion, il donna son appa- rence a Simon le Cyreneen , qui fut crucifie pour lui, pendant que, sous les traits de Simon, il se moquait des Juifs ; apres quoi il remonta aux cieux sans avoir ete precisement connu. » Basilide, a cole de ce systeme elrange, ensei- gnait encore la metempsycose , et il donnail aux hommos deux anies, pour accorder les combats qui s'elevent sans cesse entre la raison et les passions. Balcleurs. 11 etail Ires-habile, ajoule-t-on, dans la cabale des Juifs. C'est lui qui inventa le puissant talis- man Abracadabra, dont nous avons parle, et dont I'usage fut longtempsexlrememenl repandu. II fit un evangile apocryphe et des propheties qu'il publia sous les noms de Barcabas et de Barcoph. II plagaiL Dieu dans le soleil , et reve- rait prodigieusement les trois cent soixante-cinq revolutions de eel aslre aulour de la lerre. Voy. AbRACAX el ACHAMOTH. Basilius. II y eut a Rome, du temps de saint Gregoire, un senaleur de bonne et ancienne famille, nomme Basilius, magicien, scelerat et sorcier, lequel, s'etant fait moine pour eviter la peine de mort, fut enfin brule avec son compagnon Pretextatus, comme kii sena- leur remain et de maison illuslre. « Ce qui montre, dit Delancre', que la sorcellerie n'est pas une tache de simple femmelelle , rustiques et idiots. » Bassantin (Jacques) , aslrologue ecossais qui , en 1562, predil a sir Robert Melvil, si I'on en croil les memoires de Jacques Melvil , son frere , une partie des evenements arrives depuis a Marie Stuart, alors refugiee en Anglelerre. II ne fallail pour cela que quelque connaissance du temps et des homines, Les aulres predictions de Bassantin ne se realiserent pas. Son grand TraiU d'aslro- nomie, ou plutot d'astrologie, a ete publie en francais et en latin. On recherche I'edition latine de Geneve, 1599, que les edileurs appellenl m- gens et doclum volumen. Tous ses ouvrages pre- 1 Delancre, De I'inconstance des demons, etc., liv. IV, p. 416. BAT — 83 BAX sentent un melange d'heureuses observations et d'idees superstitieuses*. Bateleurs , faiseurs de tours en plain air, ava- leurs de couleuvres, d'etoupes et de baguettes; ils passaient autrefois pour sorciers, comme les escamoteurs et meme les comediens. Bathym. Voy. Marthym, Baton du diable. On conserve, dit-on, a Tolentino, dans la marche d'Ancone, un baton dont on pretend que le diable a fait usage. Baton du bon voyageur. « Cueillez , le len- demain de la Toussaint, une forte branche de sureau , que vous aurez soin de ferrer par le bas ; 6tez-en la moelle ; mettez a la place les yeux d'un jeune loup , la langue et le coeur d'un chien , trois lezards verts et trois coeurs d'hirondelles, le tout reduit en poudre par la chalear du soleil , entre deux papiers saupoudres de salpetre ; pla- cez par-dessus, dans le ctEur du baton, sept feuilles de verveine cueillies la veille de la Saint- Jean-Baptiste, avec une pierre de diverses cou- leurs qui se trouve dans le nid de la huppe; bou- chez ensuite le bout du baton avec une pomme a votre fantaisie , et soyez assure que ce baton vous garantira des brigands, des chiens enrages, des betes feroces, des animaux venimeux, des perils, et vous procurera la bienveillance de tous ceux chez qui vous logerez... » Le lecteur qui dedaigne de tels secrets ne doit pas oublier qu'ils ont eu grand credit, et qu'on cherche encore, dans beaucoup de vil- lages, a se procurer le baton du bon voyageur, avec lequel on marche si vite, qu'on doit se charger les pieds. Batrachyte, pierre qui, suivant que I'indique son nom grec , se trouve dans le corps de la gre- nouille, et qui a, disent les bonnes gens, de grandes vertus contre les poisons et contra les malefices. ^ Astronomia Jacobi Bassantini Scoti, etc. In-fol. Geneve, -1669. Paraphrase de I'astrolabe, avec une explication de cet instrument. In-8°. Paris, 1617. Super mathematica genethliaca; arithmetica; musica secundum Platonem; de mathesi in genere, etc. Batscum-Bassa ou Batscum-Pacha, de- mon turc que Ton invoque en Orient pour avoir du beau temps ou de la pluie. On se le rend favo- rable en lui offrant des tartines de pain grille , dont il est tres-friand. Baume universal, elixir compose par les alchimistes : c'est, disent-ils, le remede souve- rain et infaillible de toutes les maladies. II peut meme, au besoin, ressusciter des morts. Bavent (Madeleine), possedee de Louviers, qui raconta en justice les orgies infames du sab- bat, auxquelles, comme tant d'autres ames per- dues, elle avait pris part. Voy. Louviers. Baxter, ecrivain anglais qui publia, a la fm du dix-septieme siecle, un livre intitule Certi- tude du monde des esprits. 6. BAY - 84 - BAY Bayard, cheval des qualre fils Aymon. II avail )a taille d'un cheval ordinaire lorsqu'il ne portait qu'un des freres, el s'allongeail lorsqu'il les fal- lait porler Ions qualre. On conte beaucoup de merveilles sur celte inonlure celebre, qui se dis- lingnait snrlout par une vilesse incroyable, el qui a laisse la trace d'un de ses pieds dans la forel de Soignes en Brabant. On Irouve aussi la marque d'un de ses fers sur un rocher pres de Dinanl. Bayemon. Le grimoire altribue stupidemenl au pape Honorius donne ce nom a un roi de I'oc- cidenl infernal. On le conjure par celte priere : « 0 roi Bayemon, Ires-forl, qui regne aux par- lies occidentales, je I'appelle et invoque au nom de la Divinite ; je le commande , en verlu du Tres-Haul, de m'envoyer presentemenl devant ce cercle (on nomme I'esprit dont on veut se servir, Passiel, Rosus, etc.) , el les aulres esprits qui le sonl sujels, pour repondre a lout ce que je leur demanderai. Si tu ne le fais , je le lour- menlerai du glaive du feu divin; j'augmenlerai tes peines et le brulerai. Obeis, roi Bayemon » Bayer. En 1726, un cure du diocese de Con- stance, nomme Bayer, pourvu de la cure de Ru- theim , fut inquiete par un spectre ou mauvais genie qui se monlrait sous la forme d'un paysan mal vetu, de raauvaise mine el tres-puant. II vinl frapper a sa porte; elanl entre dans son poele, 11 lui dit qu'il etait envoye par le prince de Con- stance, son eveque, pour cerlaine commission qui se Irouva fausse. II demanda ensuile a man- ger. On lui servil de la viande, du pain el du vin. II prit la viande a deux mains et la devora avec les os, disanl : « Voyez comme je mange la chair el les os ; failes-vous de meme ^ ? » Puis il 1 Grimoire dit du pape Honorius. 2 Dom Calmet, Traite sur les apparilions, etc., t. II, Ch. XLVIII. prit le vase oi!i etait le vin , et I'avala d'un trait; il en demanda d'aulre qu'il but de meme. Apres cela il se retira sans dire adieu ; et la servante, qui le conduisait a la porte, lui ayanl demande ' son nom, il repondit : « Je suis ne a Rutsingue, et mon nom est Georges Raulin ; » ce qui elait faux encore. 11 passa le resle du jour a se faire voir dans le village, et revint, le soir a minuil, a la porle du ; ' cure, en criant d'une voix terrible : Mynheer Bayer, je vous montrerai qui je suis... ' Pendant Irois ans, il revint tous les jours vers qualre lieures apres midi, et loutes les nuits avanl le point du jour. II paraissait encore sous diverses formes, tanlol sous la figure d'un chien barbet, tanlol sous celle d'un lion ou d'un autre animal terrible ; quelquefois sous les traits d'un homme, sous ceux d'une femme ; certains jours , il faisait dans la maison un fracas semblable a '' celui d'un lonnelier qui relie des tonneaux; d'au- " trefois on aurail dit qu'il voulail renverser le logis par le grand bruit qu'il y causait. Le cure fit venir comme lemoins un grand nombre de per- sonnes. Le spectre rcpandait par tout une odeur ' insupportable, mais ne s'en allait pas. On eul re- " cours aux exorcismes, qui ne produisirent aucun | effet; on resolul de se munir d'une branche be- nile le dimanche des Rameaux, et d'une epee aussi benite, el de s'en servir centre le spectre. ' On le fit deux fois, et depiiis ce temps il ne re- " vinl plus. Ces choses, rapportees par dom Calmet, peu- ' vent-elles s'expliquer, comme le proposenl les esprits forts, par les frayeurs qu'un garnement f BAY — 85 - BED aura causees au cure, frayeurs qui ont du lui donner des visions?... Bayer (Jean) , ministre protestant, ne a Augs- bourg ail seizieme siecle. On recherche de lui une these sur cetle question : u Si I'existence des anges pent se demontrer par les seules lumieres naturelles' ? » Bayerin (Anne), servante qui fit pacte avec le diable a Salzbourg ; elle causa de grands de- gats a un forgeron chez qui elle servait, et passa dans une autre maison oii elle mit pareillement le desordre. Interrogee sur ses mechancetes ou ma- lefices , elle avoua , sans en etre pressee , qu'elle s'etait donnee au demon et qu'elle avait assiste au sabbat ; on ne voit pas qu'elle ait ete brulee. Bayle (Francois), professeur de medecine a Toulouse, inort en 1709. Nous ne citerons de ses ouvrages que la Relation de I'etat de quelques per- sonnes pretendiies possedees , faite de I'autorite du parlement de Toulouse, in-12; Toulouse, 1682. II veut prouver que les demoniaques, s'ils ne sont pas des charlatans, sont tres-souvent des fous ou des malades. Bazine, celebre reine des Tongres, qui epousa Childeric et qui fut mere de Clovis. Elle est re- presentee par les vieux historiens comme une habile magicienne. On salt qu'elle etait femme de Bising, roi des Tongres; que Childeric, chasse de ses Etats par une revolution et refugie a la cour de Bising, plul a sa femme; que lorsqu'il fut retabli sur le Irone, Bazine quitta tout pour venir le trouver. Childeric I'epousa. Le soir de ses noces, quand elle fut seule avec lui, elle le pria de passer la premiere nuit dans une curieuse observation. Elle I'envoya a la porte de son palais en lui enjoignant de venir lui rapporter ce qu'il y aurait vu. — Childeric , connaissant le pouvoir magique de Bazine, qui etait un peu druidesse, s'empressa d'obeir. II ne fut pas plutot dehors, qu'il vit d'enormes animaux se promener dans la cour : c'etaient des leopards, des licornes, des lions. Etonne de ce spectacle, il vint en rendre compte a son epouse; elle lui dit, du ton d'oracle qu'elle avait pris d'abord, de ne point s'effrayer, et de retourner une deuxieme et meme une troi- siemefois. II vit a la deuxieme fois des ours et des loups , et a la troisieme des chiens et d'autres petits animaux qui s'entre-dechiraient. — « Les prodiges que vous avez vus, lui dil-elle, sont une image de I'avenir ; ils representent le caractere de toute notre poslerite. Les lions et les licornes designent le flls qui naitra de nous ; les loups et les ours sont ses enfants, princes vigoureux et avides de proie; et les chiens, c'est le peuple indocile au joug de ses maitres, souleve centre ses rois, livre aux passions des puissants et sou- vent viclime '\ » — Au reste , on ne pouvait mieux ' An Angelorum existentia a solo lumine naturali possit demonstrari? Iii-4°. Wittemberg . 1658. 2 Selon d'autres chroniques, elle dit que les lions caracteriser les rois de cette premiere race ; et si la vision n'est qu'un conte, il est bien ima- gine Beal. Voy. Berith. Beauchamp. Voij. Abdeel. Beauffort (ie comte Amedee de) a publie, en 18/|0, un volume in-8° mtilale Ldgendes et tra- ditions populaires de la France , recueil piquant ou les faits surnaturels ont grande part. Beausoleil (Jean du Chatelet, baron de), astrologue et alchimisle allemand, qui preceda Jacques Aymar dans la recherche des sources in- connues et des tresors souterrains. II avait epouse Martine Berthereau , qui avait ou a qui il souITla les memos penchants qui le dominaient. lis furent les premiers qui firent profession de decouvrir les sources cachees au moyen de baguettes mys- terieuses, lis cherchaient aussi les mines et an- nongaient que, par I'aide d'instruments merveil- leux , ils connaissaient tout ce que la terre recele dans son sein. Ces instruments etaient I'astrolabe mineral , le rateau metallique , la boussole a sept angles (a cause des sept planetes) , les verges hydrauliques , etc. Les baguettes , ou verges hy- drauliques et metalliques, etaient preparees, di- saient-ils, sous I'influence des constellations qui dominaient I'art. On les accusa de magie ; ce qui motiva ce jugement, c'est qu'en visitant les coffres de Martine Berthereau , on y trouva des grimoires et autres objets qui sentaient a plein la sorcelle- rie. Le baron de Beausoleil, heureux du bruit qu'il faisait en Hongrie, etait venu exploiter la France. Le cardinal de Richelieu le fit enfermer a la Bastille (16/il) en meme temps qu'on dete- nait sa femme Martine a Vincennes. On ne sail pas autre chose de leurs exploits. Beauvoys de Chauvincourt, gentilhomme angevin, fit imprimer en 1599 un volume inti- tule Discours de la Lycanthropie ou de la trans- mutation des hommes en loups. Bebal, prince de I'enfer, assez inconnu. II est de la suite de Paymon. Voy. ce mot. Bechard, demon designe dans les Clavicules de Salomon comme ayant puissance sur les vents et les tempetes. II fait greler, tonner et pleuvoir, au moyen d'un maleflce qu'il compose avec des crapauds fricasses et autres drogues. Bechet, demon que Ton conjure le vendredi. Voy. Conjurations. Bedargon, I'un des lieutenants de Samael, dans la cabale judaique. Beds (le venerable), ne au septi^me siecle, dans le diocese de Durham , en Angleterre. II mourut a soixante-trois ans. On dit qu'il previt et les licornes repr^sentaient Clovis , les loups et les ours ses enfahts ; et les chiens les derniers rois de la race, qui seraient un jour renverses du troneparles grands et le peuple, dont les petits animaux Etaient la figure. ' Dreux du Radier, Tablettes des reines de France. BEG — 86 — BEK I'heure pr^'cise de sa mort. Un instant avant d'ex- pirer, il dictait quelques passages qu'il voulait extraire des oeuvres de saint Isidore ; le jeiine moine qui ecrivaiL le pria de se reposer parce qu'il paiiait avec peine : — » Non , repondit Bede , prenez iine autre plume, et ^crivez le plus vite que vous pourrez. » — Lorsque le jeune eut dit : — C'esL fail. — « Vous avez dit la verite, » repli- qua Bede ; et il expira. Peu de temps apres sa mort, on dil qu'il se fit voir a un moine nomme Gamele, a qui il temoi- gna le desir d'etre enterre a Durham, aupres de saint Cuthbert. On se hata de le satisfaire, car on avait un grand respect pour sa memoire. Beguins. Voy. Digonnet. Behemoth, demon lourd et stupide, malgre ses digniles. Sa force est dans ses reins ; ses do- maines sont la gourmandise et les plaisirs du ventre. Quelques" demonomaues disent qu'il 'est aux enfei'S sommelier et grand echanson. Bodin croit ' que Behemoth n'est autre chose que le Pharaon d'Egypte qui persecuta les Hebreux. II est parle de Behemoth dans Job comme d'une creature monstrueuse. Des commentateurs pre- tendenl que c'est la baleine , et d'aulres que c'est I'elephant ; mais il y eut d'autres monstres dont les races ont disparu. On voit dans le proces d'Urbain Grandier que Behemoth est bien un de- mon. Delancre dit qu'on I'a pris pour un animal monstrueux , parce qu'il se donne la forme de toutes les grosses betes. 11 ajoute que Behemoth se deguise aussi avec perfection en chien, en ele- phant, en renard et en loup. Si Wierus, notre oracle en ce qui concerne les demons, n'admet pas Behemoth dans son inven- taire de la monarchie infernale, il dit, livre I", des Prestiges des c?eV/io?is, chapitre xxi, que Behe- moth ou I'elephant pourrait bien etre Satan lui- meme , dont on designe ainsi la vaste puissance. Enfm, parce qu'on lit, au chapitre xl de Job, ' Demonomanie des sorciers, liv. I, ch. i. que Behemoth mange du foin comme un boeuf, les rabbins ont fait de lui le boeuf merveilleux re- serve pour le festin de leur Messie. Ce boeuf est si enorme, disent-ils, qu'il avale tous les jours le foin de mille montagnes immenses, dont il s'en- graisse depuis le commencement du monde. II ne quitte jamais ses mille montagnes, ou I'herbe qu'il a mangee le jour repousse la nuit pour le lendemain. lis ajoutent que Dieu tua la femelle de ce boeuf au commencement ; car on ne pou- vait laisser multiplier une telle race. Les Juifs se promettent bien de la joie au festin oii il fera la piece de resistance, lis jurent par leur part du boeuf Behemoth. Beherit, demon sur lequel on a peu de ren- seignements, a moins qu'il ne soit le meme que Berith. Voy. ce mot. II est cite dans la posses- sion de Loudun. II avait meme promis d'enlever la calotte du sieur commissaire , et de la tenir en I'air a la hauteur de deux piques; ce qui n'eut pas lieu , a sa honte Remarquons pourtant que, sur cette posses- sion de Loudun, le calviniste qui en fit I'histoire a imagine beaucoup de quolibets, pour ecornifler d'autant I'Eglise romaine, qu'il voulait, comme tant d'autres, demolir un peu, — mais qu'on ne demolit pas. Bekker (Balthasar) , docteur en theologie re- formee, et ministre a Amsterdam, ne en 1634. (( Ce Balthasar Bekker, grand ennemi de. I'enfer eternel et du diable, et encore plus de la preci- sion, dit Voltaire, fit beaucoup de bruit en son temps par son gi'os livre du Monde cnchanti. » Mors la sorcellerie, les possessions, etaient en vogue depuis la reforme, qui livrait de I'espace aux esprils malins ; c'est ce qui le determina a combattre le diable. « On eut beau lui dire, en prose et en vers, qu'il avait tort de I'attaquer, altendu qu'il lui ressemblait beaucoup, etant d'une laideur horrible : rien ne I'arreta ; il cuin- men(;a par nier absolument le pouvoir de Satan, et s'enhardit jusqu'a soutenir qu'il n'existe pas. (( S'il y avait un diable, disait-il, il se vengerait de la guerre que je lui fais. » Le laid bonhomme se croyait important. « Les ministres, ses con- freres, prirent le parti de Satan et deposerent Bekker. » 11 avait deja fait I'esprit fort dans de prece- dents ouvrages. Dans I'un de ses catechismes, le Mets de rareme ^ il reduisait les peines de I'en- fer au desespoir des damnes , et il en bornait la duree. On I'accusa de socinianisme , et son cate- chisme fut condamne par un synode. II publia, a I'occasion de la comete de 1680 , des recherches sur les cometes, imprimees en flamand, in-8°, Leuwarde, 1683. — II s'efforce de prouver que ' Histoire des diables de Loudun. 11 publia deux especes de catechismes en langue holiandaise : Vaste spize (le mets de careme) , et Ge- schneden brood (le pain coupe). I BEL — 87 — BEL ces meteores ne sont pas des presages de mal- heurs, et combat les idees superstitieuses que le peuple attache a leur apparition. Get ouvrage fut regu sans opposition. II n'en fut pas de meme de son livre De Belooverde wereld{Le monde en- sorcele), imprime plusieurs fois, et traduit en frangais sous ce titre : « Le monde enchante, ou examen des communs sentiments touchant les esprits, leur nature, leur pouvoir, leur adminis- tration et leurs operations , et touchant les effets que les hommes sont capables de produire par leur communication et leur vertu ; divise en quatre livres ; » 4 forts volumes petit in-12 , avec le por- trait de I'auteur*, Amsterdam, 169/j. L'auteur, dans cet ouvrage, qui lui fit perdre sa place de ministre^, cherche a prouver qu'il n'y a jamais eu ni possedes ni sorciers ; que tout ce qu'on dit des esprits malins n'est que supers- tition, etc. Un peu plus tard pourtant, dans une defense de ses opinions, 11 admit I'existence du diable ; mais il ajouta qu'il le croyait enchaine dans les enfers et hors d'etat de nuire. 11 ne fallait pas, pour des calvinistes qui se disent si tolerants et qui le sont si peu, pour- suivre si serieusement un livre que sa prolixite seule devait rendre inlisible. « II y a grande ap- parence, dit encore Voltaire, qu'on ne le con- damna que par le depit d'avoir perdu son temps a le lire. ;> Voy. Chassen. Bel, divinite supreme des Chaldeens. Wierus dit que c'est un vieux demon dont la voix sonne le creux Les peuples qui en firent un dieu con- taient qu'au commencement le monde n'etait qu'un chaos habite par des monstres ; que Bel les tua, arrangea I'univers, se fit couper la tete par un de ses serviteurs, detrempa la terre avec son sang et en forma les animaux et les hommes. Belaam, demon dont on ne salt rien, sinon ' Bekker etait si laid que la Monnoye fit sur lui cette epigramme : Qui, par toi, de Satan la puissance est bridee; Mais tu n'as cependant pas encore assez fait : Pour nous 6ter du diable entieremeat I'idee, Beliker, supprime ton portrait. 2 Pendant que les ministres d'Amsterdam pre- naient le parti du diable, un ami de l'auteur le de- fenditdansun ouvrage intitule Le diable triomphant, parlant sur le mont Parnasse; mais le synode qui avait depose Bekker ne r^voqua pas sa sentence. On ecrivit centre lui une multitude de libelles. Benjamin Binet I'a refute dans un volume intitule Traite his- torique des dieux du paganisme, avec des remarques critiques sur le systeme do Balthasar Bekker. Delft, 1696, in-ia. Ce volume se joint ordinairement aux quatre de Bekker ; il a aussi etd imprime sous le titre d'Idee generale de la theologie pa'ienne , servant de refutation au systeme de Balthasar Bekker, etc. Am- sterdam et Trdvoux, 1699. Les autres refutations du Moiide enchante sont : Melchioris Leydekkeri disser- talio de vulgato nuper Bekkeri volumine, etc. In-S". Ultrajecti, 1693. Brevis meditaiio academica de spi- rituum actionibus in homines spiritualibus , cujus doctrinae usus contra Bekker um et alios fanaticos ex- hibetur a J. Zipellio. In-S". Francofurti, 1701, etc. ^ De prcBSiigiis dcemon., lib. I, cap. v. qu'en 1632 il entra dans le corps d'une-des pos- sedees de Loudun , avec Isaacarum et Behemoth : on le forga de deloger Belbach ou Belbog, le dieu blanc des vieux Slavons. Voij. Belzkbuth. Belephantes, aslrologue chaldeSa qui predit a Alexandre, selon Diodore de Sicile, que son entree a Babylone lui serait funeste : ce qui ad- vint, comme chacun salt. Belette. Les anciens croyaient que la belette faisait ses petits par la gueule , parce qu'elle les porle souvent entre ses levres, comme font les chattes. — Plutarque remarque que les Thebains honoraient la belette, tandis que les autres Grecs regardaient sa rencontre comme un presage fu- neste. On pretend que sa cendre, appliquee en cata- plasme, guerit les migraines et les cataractes; et le livre des Admirables secrets d' Albert le Grand assure que si on fait manger a un chien le coeur et la langue d'une belette, il perdra incontinent la voix. II ajoute imprudemment un secret qu'il dit eprouve , et qu'il certifie infaillible : c'est qu'un amateur n'a qu'a manger le coeur d'une belette encore palpitant pour predire les choses a venir^... Belial, demon adore des Sidoniens. L'enfer n'a pas regu d'esprit plus dissolu, plus crapu- leux, plus epris du vice pour le vice meme. Si son ame est hideuse et vile, son exterieur est seduisanL 11 a le maintien plein de grace et de dignite. II eut un culte a Sodome et dans d'autres villes; mais jamais on n'osa trop lui eriger des autels. Delancre dit que son nom signifie rebelle ou desobeissant. — Wierus, dans son inventaire de la monarchie de Satan , lui consacre un grand article. « On croit, dit-il, que Belial, I'un des rois de l'enfer, a ete cree immediatement apres Lucifer, et qu'il entraina la plupart des anges dans la revolte : aussi il fut renverse du ciel un des premiers. Lorsqu'on I'evoque, on I'oblige par des offrandes a repondre avec sincerite aux ques- tions qu'on lui fait. Mais il conte bien vite des mensonges, si on ne I'adjure pas, au nom de Dieu , de ne dire que la verite. II se montre quel- quefois sous la figure d'un ange plein de beaute, 1 Histoire des diables de Loudun. Les admirables secrets d' Albert le Grand, liv. II. BEL — 88 — BEL assis dans uii char de feu; il parle avec amenile; il procure les dignites et les faveurs, fait vivre les amis en bonne intelligence , donne d'habiles servileurs. II commande qiiatre-vingls legions de de I'ordre dcs Vertus et de I'ordre des Anges. 11 est exact a secourir ceux qui se soumetlent a iui; s'il y nianquait, il est facile de le chatier, comme fit Salomon, qui I'enferma dans une bou- teille avec toutes ses legions, lesquelles font une armee de cinq cent vingt-deux mille deux cent quatre-vingts demons. II fallait que la bouteille fCit de grande taille. Mais Salomon elait si puissant que, dans une autre occasion, il emprisonna pareillement six mille six cent soixante-six millions de diables qui ne purent lui resister. — Des doctes racon- tent encore que Salomon mit la bouteille ou elait Belial dans un grand puits, qu'il referma d'une pierre, pres de Babylone; que les Babyloniens descendirent dans ce puits, croyant y trouver un tresor; qu'ils casserent la bouteille, que tous les diables s'en echapperent, etque Belial, qui avait peur d'etre repris, se campa dans une idole qu'il trouva vide, et se mit a rendre des oracles; ce qui fit que les Babyloniens I'adqrerent. Bellas , demon invoque comme prince des Vertus dans les litanies du sabbat. Beliche. C'est le nom qu'on donne au diable a Madagascar. Dans les sacrifices, on lui jette les premiers morceaux de la victime , avec la per- suasion qu'il ne fait point de mal lant qu'il a de quoi meltre sous la dent. Belier. Le diable s'est quelquefois transmue en belier, et des maleficies ont subi cetle meta- morphose. C'est meme sur une vieille tradition populaire de cette espece qu'Flamilton a bati son conte du Belier. II parait que le belier a des proprietes ma- giques; car, lorsqu'on accusa Leonora Galigai, femme du marechal d'Ancre, d'avoir fait des sor- celleries, on pretendit que, pendant qu'elle s'oc- cupait de malefices, elle ne mangeait que des creles de coq et des rognons de belier. Pour I'influence du belier, signe du zodiaque, voyez AsTROLOGiE et Horoscopes. Belin (Albert) , benedictin , ne a Besangon en 1610. On recherche parmi ses ouvrages : 1° le Traite dcs talismans, ou Figures aslrales , dans lequel il est monlre que leurs effets ou vertus admirables sont nalurels, ensemble la maniere de les faire et de s'en servir avec profit, in-12, Paris, 1671. On a joint a I'edition de 1709 un traite du meme auteur, de la Poudre de sijmpa- thie justifiee; 2° les Aventures da philosophe in- connu en la recherche et invention de la pierre 2ihilosoj)hale , divisees en quatre livres, au der- nier desquels il est parle si clairement de la ma- niere de la faire que jamais on en a traite avec tant de candeur. In-12 ; Paris, 166/; et 167/i. Belinuncia, herbe consacree a Belenus, dont les Gaulois employaient le sue pour empoisonner leurs fleches. lis lui attribuaient la vertu de faire tomber la pluie. Lorsque le pays etait afilige d'une secheresse, on cueillait cetle herbe avec de grandes ceremonies. Les femmes des druides choisissaient une jeune vierge ; suivie des autres femmes, elle cherchait I'herbe sacree; quandelle I'avait trouvee, elle la deracinait avec le petit doigt de la main droite; ses compagnes cou- paienl des branches d'arbre et les porlaient a la main en la suivant jusqu'au bord d'une riviere voisine; la, on plongeait dans I'eau I'herbe pre- cieuse, ony trempaitaussi les branches, que Ton secouait sur le visage de la jeune fille. Apres cette ceremonie, chacun se retirait en sa mai- son; seulement la* jeune vierge etait obligee de faire a reculons le reste du chemin. Belkis. Voy. Balkis, Belladone, planle qui donne des vertiges et pent empoisonner. Les magiciens s'en servaient. Belloc (Jeanne) , sorciere du pays de Labourd , prise a vingt-quatre ans, sous Henri IV. Pierre Delancre, qui I'interrogea, dit qu'elle commenga d'aller au sabbat dans I'hiver de 1609 ; qu'elle fut presentee au diable , dont elle baisa le der- riere, car il n'y avait que les notables sorcieres qui le baisassent au visage. Elle conta que le sab- bat est une espece de bal masque ou les uns se promenent en leur forme naturelle, tandis que d'aulres sont transmues en chiens, en chats, en anes, en pourceaux et autres betes ; qu'ils se ra- pelissent ou se grandissent a leur gre, par des nioyens qi'.'elle ignore... Voy. Sabbat, Belmonte, conseiller du parlement de Pro- vence, qui eut au pied une petite plaie ou la gan- grene se mit; le mal gagna vite, et il en mourut. Comme il avait poursuivi les sorciers prolestants et les perturbateurs reformes , les ecrivains cal- vinistes virenl dans sa mort prompte un chati- ment et un prodige'. C'etait au seizieme siecle. Belomancie. Divination par le moyen des fleches. On prenait plusieurs fleches, sur les- quelles on ecrivait des reponses relatives a ce qu'on voulait demander. On en mettait de favo- rables et de contraires; ensuite on melait les fleches, et on les tirait au hasard. Celle que le sort amenail etait regardee comme I'organe de la volonte des dieux. — C'etait surtoul avant les expeditions militaires qu'on faisait usage de la belojnancie. Les Chaldeens avaient grande foi a cette divination. Les Arabes devinent encore par trois fleches qu'ils enferment dans un sac. lis ecrivent sur I'une : Commandez-moi , Seigneur ; sur I'autre : Seigneur, empechez-nioi, et n'ecrivent rien sur la troisieme. La premiere Heche qui sort du sac determine la resolution sur laquelle on delibere. Voy. Fleches. ' Chassanion , Des grands et redoutables jugemenls de Dieu. Merges, 1381 , p. 61. BEL 89 — BEL Belphegor, demon des decouvertes et des invenlions ingenieuses. II prend souvenl un corps de jeune femme. II donne des richesses, Les Moa- bites, qui I'appelaient Baalphegor, I'adoraienl sur le inonL Phegor. Des rabbins disent qu'on lui ren- dail hommage sur la chaise percee, et qu'on lui n'en voyait point dans son temple. C'etait la di- vinite la plus reveree des peuples de Chanaan , qui le representaient quelquefois sous la figure d'une mouche, le plus souvent avec les altribuls de la sonveraine puissance. II rendait des oracles, et le roi Ochozias le consulta sur une maladie qui I'inquietait; il en fut sevcrement repris par le prophete Elisee. jM1f>ULT oOVait digne de i'ignoble. residu de la digestion. C'etait ui. C'est pour cela que certains doctes ne"voient dans Belphegor que le dieu Pet ou Cre- pitus; d'autres savants soutiennent que c'est Priape. — Seiden , cite par Banier, pretend qu'on lui offrait des victimes humaines, dont ses pre - tres mangeaient la chair. "Wierus remarque que c'est un demon qui a toujours la bouche ouverte; observation qu'il doit sans doute au nom de Phe- gor, lequel signifie, selon Leloyer, crevasse ou fendasse, parce qu'on I'adorait quelquefois dans des cavernes, et qu'on lui jetait des offrandes par un soupirail. Beltram, Genois, done Fame revint apres sa mort et posseda une femme de Ponle-Nuovo ; les parents de cette femme I'avaient vole. Quand on eut restitue, il se retira en fumee. Belus, premier roi des Assyriens; on dit qu'il se fit adorer dans des temples de son vivant. II etait grand astrologue : « J'ai Ui dans les registres du ciel tout ce qui doit vous arriver, disait-il a sesenfanis, et je vous devoilerai les secrets de vos destinees. » II rendit des oracles apres sa mort. Belus pourrait etre le meme que Bel. Belzebuth ou Belzebub ou Beelzebuth, prince des demons, selon les Ecritures ' ; le pre mier en pouvoir et en crime apres Satan , selon Milton; chef supreme de I'empire infernal, selon la plupart des demonographes. — Son nom si gnifie seigneur des mouches. Bodin ^ pretend qu'on 1 Notre-Seigneur Jesus-Christ meme lui donne ce nom (saint Matthieu, ch. xii, v. 24; saint Luc, ch. XI, V. 15). Les scribes reprochaient au Seigneur qu'il chassait les diables au nom de Belzebuth, prince des demons. 2 Demonomanie des sorciers y liv. IV, ch. in. ^On lui attribuait le pouvoir de delivrer les hommes des mouches qui ruinent les moissons. Presque tons les demonomanes le regardent comiBe le souverain du tenebreux empire; et chacun le depeint au gre de son imagination. Milton lui donne un aspect imposant, et une haute sagesse respire sur son visage. L'un le fait haut comme une tour; I'autre d'une taille egale a la notre ; quelques-uns se le figurent sous la forme d'un serpent; il en est qui le voient aussi sous les traits d'une femme. Le monarque des enfers, dit Palingene , in Zodiaeo vitw, est d'une taille prodigieuse, assis sur un trone immense, ayant le front ceinl d'un bandeau de feu, la poitrine gonflee, le visage bouffi , les yeux etincelants, les sourcils eleves et Fair menacant. II a les narines extremement larges, et deux grandes cornes sur la tete; il est noir comme un Maure : deux vastes ailes de chauve-souris sont attachees a ses epaules ; il a deux larges pattes de canard, une queue de lion, et de longs polls depuis la tete jusqu'aux pieds. Les uns disent de plus que Belzebuth est en- core Priape; d'autres, comme Porphyre, le con- fondent avec Bacchus. On a cru le trouver dans le Belbog ou Belbach (dieu blanc) des Slavons, parce que son image ensanglantee etait toujours couverte de mouches, comme celle de Belzebuth Chez les Syriens. On dit aussi que c'est le meme que Pluton. II est plus vraisemblable de croire que c'est Bael , que Wierus fait empereur des enfers ; d'aulant mieux que Belzebuth ne figure pas sous son nom dans I'inventaire de la monar- chie infernale. BEL — 90 — BEN On voit dans les Claviculcs de Salomon que Belzdbutli apparaU qiielqiiefois sous de nions- Iriieuses formes, comme celle d'un vean enorme on d'un bouc siiivi d'une longue queue; souvent, nt'anmuins, il se monlrc sous la figure d'une mouclie d'une extreme grosseur. 11 s'est montre a Fausl « habille en boeuf, avec deux oreilles effroyables, des cheveux peints de toules cou- leurs et une queue de dragon ^ » . Le marechal de Retz I'a vu en leopard. Quand il est en colere, ajoute-t-on, il vomit des llammeset hurle comme un loup. Quelquefois enlin Astarolh apparait a ses cotes, sous les trails d'un ane. Unc dcs figures de Bclzebulli. Benedict (Jean), medecin allemand du sei- zieme siecle. On lui doit un livre Sur les visions ct les revelations natvrellcs cl nirnaturelles , qui n'est presque pas connu^. Benoit VIII, cent quarante-buitieme pape, elu en 1012, mort en 102/). On lit dans Platina, cite par Leloyer et par WierusS que quelque temps apres sa mort Benoit VllI apparut, monte sur un cbeval noir, a un saint eveque dans un lieu solitaire et ecarte; que I'eveque lui demanda comment il se faisait qu'etant mort il se mon- Irat ainsi sur un cbeval noir. A quoi le pape re- pondit que pendant sa vie il avait ete convoi- teux d'amasser des biens; qu'il etait en purga- toire; mais qu'il n'elait pas damne, parce qu'il avait fait des aumones. II revela ensuite le lieu ou il avait cacbe des richesses , el pria le saint eveque de les dislribuer aux pauvres. — Apres cela, le fantome (selon le recit) se monlra pa- reillement au Pape son successeur, et le supplia d'envoyer en diligence un courrier a Cluny, et de recommander a saint Odilon de prier Dieu pour le repos de son ame. Saint Odilon le fit; et ' M. Franc-ois Hugo, le Faust anglais. - Juamiis Bmi'didi Ubellus de visionibus et revc- lationibus naluralibus et divinis. In-8'. Moguntise, H'o'oQ. Leloyer, Discours des spectres, liv. VI, ch. xiii. Wierus, Deprcest., lib. I, cap. xvi. peu de jours apres on vit un homme kimineux entrer dans le cloitre, avec d'autres personnages babilles de blanc, et se mettre a genoux devant saint Odilon. Un religieux demanda qui elait cet bomme de si haute apparence qui faisait tant d'bonneur a I'abbe. 1! lui fut repondu que c'etait lepape Benoit Vlll qui, par les prieres d'Odilon, jouissait de la gloire des bienbeureux. Benoit IX, cent cinquantieme pape, elu en 1033, dans un temps de troubles, oii les partis se disputaient Rome. II eut a lutter con Ire des antipapes qui I'ont fort noirci. On a dit qu'il etait magicien, et que, renverse du saint-siege par ses ennemis, il y remonta deux fois par son pou- voir magique. C'est un peu niais. On a dit encore avec autant de bon sens qu'il predisait les choses futures, et qu'il etait habile enchanteur : ce que Naude a pulverise. L'auteur calviniste des grands et redoulables jugements de Dieu ajoute meme qu'il fut etrangle par le diable, et qu'apres sa mort son ame fut condamnee a errer dans les forets, sous la forme d'une bete sauvage, avec un corps d'ours a longs poils, une queue de chat et une tete d'ane. Un ermite qui le rencontra lui demanda pourquoi il avait cetle figure. « J'etais un monstre, repondit Benoit, et vous voyez mon ame telle qu'elle a toujours ete. » Voila qui est tres-gracieux. Mais Benoit IX, au contraire, mourut dans la retraite, sous le cilice, pieusement et saintement, en 105/|. C'est encore la une des victimes de la calomnie historique. Bensozia. Certains canonistes des douzieme et treizieme siecles s'elevent fortement contre les femmes d'alors qui allaient a une espece de sabbat sur lequel il ne nous est parvenu que tres- peu de notions. On disait que des fees ou des demons transformes en femmes s'associaient toutes les dames qui voulaienl prendre part a lours plaisirs; et que toutes, dames et fees ou demons, montees sur des betes ailees, elles allaient de nuit faire des courses et des fetes dans les airs. Elles avaient pour chef la fee Bensozia , a qui il fallait obeir aveuglement, avec une sou- mission sans reserve. C'etait, dit-on, la Diane des anciens Gaulois; on I'appelail aussi Nocticula , Herodias ou la Lune. On voit dans des manuscrits de I'egiise de Couserans que des dames au quatorzieme siecle avaient le renom d'aller a cbeval aux courses nocturnes de Bensozia. Toutes, comme les sor- cieres au sabbat, faisaient inscrire leur nom sur un catalogue, et apres cela se croyaient fees. On remarquait encore au dernier siecle , a Montmo- rillon en Poitou, sur le portique d'un ancien temple , une femme enlevee par deux serpents dans les airs. C'etait sans doute le modele de la contenance des sorcieres ou fees dans leurs courses de nuit < DomMarl'in^Religiondes Gaulois, t. II, p. 59 et 65. BEN — 91 — BER Benthameleon. Titus, ayant pris Jerusalem, publia un edit qui defendait aux Juifs d'observer le sabbat et de se circoncire, et qui leur ordon- nait de manger toute espece de viaude. Les Juifs, constenies, envoyerent a Titus le rabbin Simeon, qui passait pour un homme tres-habile. Simeon s'etant mis en chemin avec le rabbin Eleazar, ils rencontrerent un demon nomme, dirent-ils, Ben- thameleon, qui demunda a les accompagner, leur avouant quelle etait sa nature, mais se disant enclin a rendre service aux Juifs et leur promet- tant d'entrer dans le corps de la fille de Titus, et d'en sortir aussitot qu'ils le lui commanderaient, afin qu'ils pussent gagner I'empereur par ce pro- dige. Les deux rabbins accepterent sa proposi- tion avec empressement ; et, Benthameleon ayant tenu sa parole, ils obtinrent en effet la revoca- tion de I'edit. Berande, sorciere briilee a Maubec, pres Beaumont de Lomaignie', en 1577. En allant au supplice, elle accusa une demoiselle d'avoir ete au sabbat ; la demoiselle le nia. Berande lui dit : « Oublies-tu que la derniere fois que nous f imes la danse, a la croix du pate, tu portals le pot de poison?... » Et la demoiselle fut reputee sor- ciere , parce qu'elle ne sut que repondre ^ . Berbiguier (Alexis- Vincent-CharlesBerbiguier de Terre-Neuve du Thym), ne a Carpentras, est un auteur qui vitpeut-etre encore et quiapublie en 1821 un ouvrage dont voici le titre : les Farfadets, ou tons les demons ne sont pas de I' autre monde , 3 vol. in-8°, ornes de huit litho- graphies et du portrait de I'auteur, entoure d'emblemes, surmonte de cette devise : Le jleau des farfadets. — L'auteur debute par une dedi- cace a tous les empereurs, rois, princes- souve-- rains des quatre parties du monde. — « Reunissez vos efforts aux miens , leur dit-il , pour detruire I'influence des demons , sorciefs et farfadets qui desolent les malheureux habitants de vos Etats. » II ajoute qu'il est tourmente par le diable de- puis vingt-trois ans, et il dit que les farfadets se metamorphosent sous des formes humaines pour vexer les hommes. Dans le chapitre II de son livre , il nomme tous ses ennemis par leurs noms, en soutenant que ce sont des demons de- guises, des agents de Belzebuth ; qu'en les appe- lant infames et coquins, ce n'est pas eux qu'il insulte, mais les demons qui se sont empares d'eux. « On me fait passer pour fou , s'ecrie-t-il ; mais si j'etais fou, mes ennemis ne seraient pas tourmentes comme ils le sont tous les jours par mes lardoires , mes epingles , mon soufre , mon sel , mon vinaigre et mes coeurs de boeuf. » Les trois volumes sont en quelque sorte les Memoires de l'auteur, que le diable ne quitte pas. II etablit le pouvoir des farfadets; il conte, au chapitre IV, qu'il s'est fait dire la bonne aven- * M. Jules Garinet, Histoirede la magie en France, p. 132. lure en 1796 par une sorciere d' Avignon, appe- lee la Mansotte , qui se servait pour cela du jeu de tarots, a Elle y ajouta, dit-il, une ceremonie qui, sans doute, est ce qui m'a mis entre les mains des farfadets. Elles etaient deux disciples femelles de Satan ; elles se procurerent un tamis propre a passer de la farine, sur lequel on fixa une paire de ciseaux par les pointes. Un papier blanc plie etait pose dans le tamis. La Mansotte et moi nous tenions chacun un anneau des ci- seaux, de maniere que le tamis etait, par ce moyen, suspendu en I'air. Aux divers mouve- ments du tamis, on me faisait des questions qui devaient servir de renseignements a ceux qui voulaient me mettre en leur possession. Les sor- cieres demanderent trois pots : dans I'un elles enfermerent quelques-uns des tarots jetes sur la table , et preferablement les cartes a figures. Je les avals tirees du jeu les yeux bandes. Le se- cond pot fut garni de sel , de poivre et d'huile ; le troisieme de laurier. Les trois pots, converts, furent deposes dans une alcove , et les sorcieres se retirerent pour attendre I'effet... Je rentrai chez moi a dix heures du soir ; je trouvai mes trois croisees ouvertes, et j'entendis au-dessus de ma tete un bruit extraordinaire. J'allume mon flambeau ; je ne vols rien. Le bruit que j'enten- dais ressemblait- au mugissement des betes fe- roces ; il dura toute la nuit. Je souffris trois jours diverses tortures, pendant lesquelles les deux sorcieres preparaient leurs malefices. Elles ne cesserent, tant que dura leur manege, de me demander de I'argent. II fallait aussi que je fusse la pour leur donner du sirop, des rafraichisse- ments et des comestibles; car leurs entrailles etaient devorees par le feu de I'enfer. Elles eurent besoin de rubans de differentes couleurs, qu'elles ne m'ont jamais rendus. Pendant huit jours que dura leur magie , je fus d'une tristesse accablante. Le quatri^me jour, elles se meta- moi;phoserent en chats, venant sous mon lit pour me tourmenter. D'autres fois elles venaient en chiens : j'etais accable par le miaulement des uns et I'aboiement des autres. Que ces huit jours furent longs ! » Berbiguier s'adressa a un tireur de cartes, qui se chargea de combattre les deux sorcieres ; mais il ne lui amena que de nouveaux tourments. Dans les chapitres suivants, l'auteur se fait dire encore sa bonne aventure et se croit obsede ; il entend sans cesse a ses oreilles des cris de betes affreuses; il a des peurs et des visions. II vient a Paris pour un proces , fait connaissance d'une nouvelle magicienne, qui lui tire les cartes. « Je lui demandai, dit-il, si je serais toujours malheureux; elle me repondit que non; que, si je voulais, elle me guerirait des maux presents et a venir, et que je pouvais moi-meme faire le remede. — II faut, me dit-elle, acheter une chan- delle de suif chez la premiere marchande dont la BER — 92 — BER boutique aura deux issues, eL lacher, en payant, de vous fairo rendre deux deniers. « Eile me re- comrnauda de sorlir ensuite par la porle opposee a celle par laquelle je serais entru, el de jeler Ics deux deniers en I'air; ce que je fis. Je fus prandemenL surpris d'enlendre le son de deux ecus au lieu de celui des deux deniei's. » L'usage qu'elle me dit de faire de la chandelie fut d'alluiner d'abord mon feu, de jeter dedans du sel , d'ecrire sur un papier le nom de la pre- miere personne qui m'a persecute, de piquer ce papier dans lous les sens, d'en envclopper la chandelie en I'y (ixant avec une epingle, et de la laisser bruler entierement ainsi. » AussiLot que j'eus lout execute, ayant eu la precaution de ni'armer d'un couteau en cas d'at- taque, j'entendis un bruit effroyable dans le tuyau de ma cheminee; je m'imaginai que j'elais au pouvoir du magicien Moreau , que j'avais con- sulle a Paris. Je passai la nuit a alimenter le feu, en y jetant de grosses poignees de sel et de soufre , pour prolonger le supplice de mes ennemis. .. » M. Berbiguier fit neuf jours de suite la nieme operation , sans se voir debarrasse des farfadets et des magiciens. Ses trois volumes sont partout de cette force, etnousne dirons rien de trop en rangeanc cet ouvrage parmi les plus extravaganles produc- tions. L'auteur se croyait en correspondance avec des sorciers et des demons. II rapporte des letlres faites par des plaisants assez malhabiles, el qu'il attribue a Lucifer, a Rolhomago et a d'autres dont elies portent les signatures. En voici une qu'il a transcrite sc'rupuleusement : A M. Berbiguier. « Abomination de la detestation ! tremblemenl de terre, deluge, tempete, vent, comele, pla- nete, Ocean, flux, retlux, genie, sylphe, faune, salyre, sylvain, dryade et hamadryade! » Le mandataire du grand genie du bien cL du mal, allie de Belzebuth et de I'enfer, compagnon d'armes d'Astarolb, auteur du peche originel et ministre du Zodiaque, a droit de posseder et de tourmenter, de piquer, de purger, de rotir, empoisonner, poignarder et liquefier le tres- humble et tres-patient vassal Berbiguier, pour avoir maudit la tres-honorable el indissoluble societe magique : en foi de quoi nous avons fait apposer les armcs de la societe. » Fait au soleil, en face de la lune, le grand onicier, ministre plenipotentiaire , le 5818° jour et la 105819' heure de nuit, grand-croix et tri- bun de la societe magjique. Le present pouvoir aura son effet sur son ami Coco (c'etait I'ecu- reuil de M. Berbiguier). » Tui'SAUROCHRYSONICOCHRYSmfcS. » Par Son Excellence, le secretaire » PiRICHlCHI-PlNCHI. » 30 mars 1818. » P. S. Dans huit jours tu seras en ma puis- sance; malheur a toi, si tu fais parailre ton ou- vrage ' ! » Berenger, heretique du onzieme siecle. Guil- laume de Malmesbury raconte ^ qu'a I'heure de sa mort Berenger reQut la visite de son ancien ami Fulbert, lequel recula devant le lit oii gisait le nialade, disant qu'il n'en pouvait approcher, parce qu'il voyait aupres de lui un horrible et grand demon tres-puant. Les uns raconlent qu'on chassa ce demon; d'autres assureut qu'il tordit le cou a I'herelique mal converli et qu'il I'emporLa. Beresith , branche de la cabale. C'est I'etude des vertus occultes que le monde renferme. Bergers. On est encore persuade dans beau- coup de villages que les bergers commercent avec le diable, et qu'ils font des malefices. 11 est dangereux , assure-t-on , de passer pres d'eux ^ans les saluer ; ils fourvoient loin de sa route le voyageur qui les offense, font naitre des orages devant ses pas et des precipices a ses pieds. On conte la-dessus beaucoup d'histoires terribles. Un voyageur passant a cheval a I'entree d'une foret du Mans renversa un vieux berger qui croisait sa route, et ne s'arreta pas pour relever le bonhomme. Le berger, se tournant vers le voyageur, lui cria qu'il se souviendrait de lui. L'horame a cheval ne fit pas d'abord attention a cetle uienace ; mais bientot, refiechissant que le berger pouvait lui jeler un malefice, et tout au moins I'egarer, il eut regret de n'avoir pas ete plus honnete — Gomme il s'occupait de ces pen- sees, il entendit marcher derriere lui; il se re- tourne et entrevoit un spectre nu, hideux, qui le poursuif c'est surement un fantome envoye par le berger... 11 pique son cheval, qui ne pent plus courir. Pour comble de frayeur, le spectre saute sur la croupe de son cheval, enlace de ses deux longs bras le corps du cavalier, et se met a hurler. Le voyageur fait de vains efforts pour se degager du monstre, qui continue de crier d'une voix rauque. Le cheval s'effraye, et cherche a jeter a terre sa double charge ; enfin une ruade de I'animal renverse le spectre, sur lequel le ca- valier ose a peine jeter les yeux. 11 a une barbe sale, le leint pale, les yeux hagards; il fait d'ef- froyables grimaces Le voyageur full au plus vile : arrive au prochain village, il raconte sa mesaventure. On lui apprend que le spectre qui lui a cause tant de frayeur est un fou echappe qu'on cherche depuis quelques heures Les malefices de bergers ont eu quelquefois des suites plus facheuses, et il a etc prouve, dans ' M. Champfleury, dans sa curieuse galerie des excenlriques, publiee en 1856, a ccril un remar- quable portrait de M. Berbiguier, qu'il a vu dans sa vieillesse toujours frappe des idees de ses farfadets. - In Hisloria Anglor. sub GuUielmo I. 3 Madame Gabrielle de P***, Hisloire des fan- t6mes, etc., p. 205. BER — 9 BER le passe, qu'ils composaient des poudres inyste- rieiisesavec lesquelles ils empoisonnaient certains paturages et donnaient aux troupeaux des verti- ges. Un boucher avail acheLe des moutons sans donner le pourboire an berger de la ferme. Ce- lui-ci se vengea ; en passant le pont qui se trou- vait sur leur route, les moutons se ruerent dans I'eau la lete la premiere. On conte aussi qu'un certain berger avait fait un sort avec la corne des pieds de ses betes, comme cela se pratique parmi eux pour conser- ver les troupeaux en sante. II portait ce sort dans sa poche : un berger du voisinage parvint a le lui escamoter, et, comme il lui en voulait depuis longtemps, il mit le sort en poudre, el I'enterra dans une fourmiliere avec une taupe, une grenouille verte et une queue de morue, en disant : Maudition, pcrdilion, desiruction! et au bout de neuf jours , il delerra son malelke et le sema dans rendroit ou devait paitre le troupeau de son voisin, qui fut detruit. D'autres bergers, avec trois caiiloux pris en differents cimetieres et certaines paroles magi- ques, donnent des dyssenteries, envoient la gale a leurs ennemis, et font mourir autant .d'ani- maux qu'ils souhaitent. C'est du moins I'opinion hasardee des gens du village. Quoique les ber- gers ne sachent pas lire, on craint si fort leur savoir et leur puissance , dans quelques ha- meaux, qu'on a soin de recommander aux voya- geurs de ne pas les insulter, et de passer aupres d'eux sans leur demander quelle heure il est, quel temps il fera , ou telle autre chose sembla- ble, si Ton ne veut avoir des nuees, etre noye par des orages, courir de grands perils, et se perdre dans les chemins les plus ouverts. II est bon de remarquer que, dans tons leurs malefices, les bergers emploient des Paler, des Ave, des neuvaines de chapelet. Mais ils out d'autres oraisons et des prieres pour la conser- vation des troupeaux. Voy. Troupeaux , et pour les bergers, voij. Hocque, etc. Bergmaenlen, nains de la classe des esprils follels, qui frequentent les fermiers de I'Ober- land, et leur rendent de petits services. Berith , due aux enfers , grand et terrible. II est connu sous trois noms; quelques-uns le nom- ment Beal, les Juifs Berith et les necromanciens Bolfri. II se montre sous les traits d'un jeune soldat habille de rouge des pieds a la tete , monte sur un cheval de meme couleur, portant la couronne au front; il repond sur le passe, le present et I'avenir. On le maitrise par la vertu des anneaux magiques ; mais il ne faut pas ou- blier qu'il est souvent menteur. II a le talent de changer tous les metaux en or : aussi on le re- garde quelquefois comme le demon des alchi- mistes. II donne des dignites et rend la voix des chanteurs claire et deliee. Vingt-six legions sont a ses ordres. C'etait I'idole des Sichemites , et pent -etre BER % — BER est-cc le memc que le Beruth de Sanchoniaton , que des docles croient etre Pallas ou Diane. L'auteur dii Solide Iresor du Petit Albert conte de Berilh iine aventure qui ferait croire que ce demon n'est plus qu'un follet ou lutin, si loulefois c'est le meme Berilh. « Je me suis trouve, dil-il, dans un chateau ou se manifeslait un esprit familier qui depuis six ans avail pris soin de gouverner I'horloge el d'elriller les chevaux. Je fus curieux un matin d'examiner ce manege : mon elonnement fut grand de voir courir retrille sur la croupe du cheval , sans qu'elle parut conduite par aucune main visible. Le palefrenier me dit que, pour altirer ce farfadet a son service, il avait pris une petite poule roire, qu'il I'avait saignee dans un grand chemin croise; que de ce sang il avait ecrit sur un morceau de papier : « Berith fera ma besogne pendant vingt ans, et je le recom- penserai ; » qu'ayant ensuite enterre la poule a un pied de profondeur, le meme jour le farfadet avait pris soin de I'horloge et des chevaux , et que de temps en temps lui-meme faisait des trouvailles qui lui valaient quelque chose... » L'hislorien semble croire que ce lutin etait une mandragore. Lcs cabalistes n'y voient autre chose qu'un sylphe. Berkeley, savant irlandais, — suppose, nous I'esperons, — que M. Michel Masson a repre- sente comme voulant usurper la puissance di- vine et faire un geant haul, comme Og, de quinze pieds; il sequestra pour cela un enfant, et au moyen d'un regime alimentaire habilement combine, il fit grandir cet enfant, qui, en crois- sant prodigieusement, devint inerte et stupide. Le savant n'y prenait pas garde ; il voulait un geant, et il caressait I'espoir d'entendre dire un jour: Og, le roi de Bazan, est retrouve. Le geant de Berkeley a quinze pieds ! Mais ce que Dieu ne veut pas n'a pas lieu. La victime du savant. ayant a peine atteint la moitie de la taille qu'on en altendait, s'eteignit epuisce a quinze ans. Berna (Benedetto), sorcier qui, au rapport de Bodin et de quelques autres demonographes , avoua a I'age de quatre-vingts ans qu'il avait eu des liaisons pendant quarante annees avec un demon qu'il nommait Hermione ou Hermeline, et qu'il menait parlout avec lui sans que per- sonne I'aperQut : il s'entretenait frequemment, dit-on , avec cet esprit qu'on ne voyait pas ; de maniere qu'on le prenait pour un fou (et ce n'e- tait pas autre chose). II confessa aussi avoir hume le sang de divers petits enfants, et fait plusieurs mechancetes execrables. Pour ces faits atroces il fut brule. Bernache ou Bernacle, voij. Macreuses. Bernard. Cardan pense que la sorcellerie ne fut souvent qu'une espece de maladie hypocondria- que, causee par la mauvaise nourriture des pau- vres diables que Ton poursuivait comme sor- ciers. 11 raconte que son pere sauva un jour un paysan nomme Bernard, que Ton allait condam- ner a mort pour sorcellerie, en lui changeant sa iaq,on ordinaire de vivre. II lui donna le matin quatre oeufs frais , et autant le soir avec de la viande et du vin ; le bonhomme perdit son hu- meur noire, n'eut plus de visions et evita le bucher. Bernard de Come, inquisiteur de la foi au quinzieme siecle, dit, dans son traite des stryges ou sorciers, que la sorcellerie etait de son temps tres-repandue. C'etait la Vauderie. Bernard (Samuel). \'oy. Poule noire. Bernard de Thuringe, ermite allemand qui vers le milieu du dixieme siecle annongait la fm du monde. II appuyait son sentiment sur un pas- sage de r Apocalypse qui porte qu'apres mille ans I'ancien serpem sera delie. 11 pretendait que ce serpent etait I'Antechrist; que par consequent I'annee 960 etant revolue , la venue de I'Ante- christ etait prochaine. II disait aussi que, quand le jour de I'annonciation de la sainle Vierge se rencontrerait avec le vendredi saint, ce serait une preuve certaine de la fin du monde; cette prediction a eu vainement des occasions de se verifier *. Bernard le Trevisan, alchimiste du quin- zieme siecle, que quelques-uns croient avoir ele sorcier, ne a Padoue en 1/|06. II a beaucoup tra- vaille sur le grand oeuvre , et ses ouvrages inin- telligibles sont recherches des alchimisles; ils roulent tons sur la pierre philosophale ^ 1 Voyez, dans les Legendes des saintes images, I'Eii- fant de choeur de Notre-Dame du Puy. 2 De philosophia hermctica, lib. IV. Strasbourg, 1567, 1682; Nuremberg, 1643. — Opus hislorico- dogmaticum peri chymeias, cum J.-F. Pici Ubris trihus de auro. Urseltis, 1B98. In-8°. — Tractalus de sccretissimo philosophorum opere chimico, et reS' ponsio adThomamde B omnia. Bale, 1600. — Opuscula chimica de lapide philosophorum, en francais. An- BER — 95 — Bernard! (Pierre), d'Areia, en Toscane, mor- dait le nez et les oreilles de ceux qui I'appro- chaieiit, hurlait sans cesse comme line bete fe- roce et faisait la terreur de la contree. On I'exorcisa ; il declara qu'il etait possede , et qu'on ne le delivrerait qu'en otant un malefice cache sous sa porLe. On ne voulut pas le faire , parce qu'on croyait que ces paroles elaient un mensonge da demon. Le savant Raggiolo, qui s'occupait de lui, parvint a contraindre le de- mon , qui fit en sortant des cris si effroyables que I'eglise en fut ebranlee, Alors les parents de Bernardi fouillerent sous le seuil de sa porte; ils y trouverent , dans un linge , un morceau de peau d'ane charge de caracteres mysterieux, avec un os d'enfant et des cheveux de femme. lis brulerent le tout , et la possession ne reparut pas. Berne (les moines de). Voy. Jetzer. Bernold. Voij. Berthold. Berquin (Louis), gentilhomme artesien, con- seiller de Fratigois I" ; entraine par de mauvaises moeurs, il se mit a declamer contre les moi- nes et a donner dans le lutheranisme. Ses livres furent brules , et la protection du roi le sauva seule d'une abjuration pubiique; mais on le re- prit bientot. II se melait aux orgies des sorciers, plus frequents que jamais depuis les exces de la reforme ; on le convainquit d'avoir adore le dia- ble et commis des actes abominables ; on produi- sit contre lui de si tristes griefs, que le roi n'osa plus le defendre, et il fut brule en place de Greve le 17 avril 1529. Berrid. Voy. Purgatoire. Berson, docteur en theologie et predicateur visionnaire de la cour, sous Henri III. II s'ima- ginait etre Enoch, et il voulait aller porter I'Evangile dans le Levant, avec un pretre fla- mand qui se vantait d'etre Elie. Taillepied dit avoir entendu Berson precher cette bizarrerie devant le frere du roi, a Chateau-Thierry K Berthe. Voy. Robert, roi. Berthereau (Martine). Voy. Beausoleil. Berthier ( Guillaume-Frangois ) , celebre je- suite, mort en 1782. Voltaire a public la relation de la maladie, de la mort et de I'apparition du jesuite Berthier; mais ce n'est qu'une assez mauvaise plaisanterie. Le pere Berthier vivait encore. Berthold. Apres la mort de Charles le Chauve , un bourgeois de Reims , nomrae Ber- thold ou Bernold, gravement malade, ayant regu les sacrements, fut quatre jours sans prendre au- cune nourriture et se senlit alors si faible , qu'a peine lui trouvait-on un peu de palpitation et de vers, 1567. ~ Bernardus redivivus, vel opus dc chi- mia, historico-dogmaticum, e gallico in latinum ver- sum. Francfort, 1625. ^ Psychologie ou Traite de I'apparition das espriis, ch. III. respiration. Vers minuit il appela sa femme et lui dit de faire promptement venir son confes- seur. Le pretre etait a peine dans la cour, que Berthold dit : — Mettez ici un siege, car le pretre vient. — Le confesseur, etant entre, recita quel- ques prieres, auxquelles Berthold repondit ; puis il tomba dans une longue extase, et, quand il en sortit , il raconta un voyage que son arae venait de faire en purgatoire, oii il avait vu le roi de- funt et d'autres personnages. Apres son recit , il se remit a dormir et vecut encore quatorze ans *. Berthome du Lignon , dit Champagnat, sor- cier juge a Montmorillon , en Poitou , dans I'an- nee 1599. II avoua que son pere I'avait mene au sabbat des sa jeunesse ; qu'il avait promis au diable son ame et son corps ; qu'a la Saint-Jean derniere, il avait vu un grand sabbat oi!i le dia- ble faisait danser les gens en rond ; qu'il se met- lait au milieu de la danse en forme de bouc noir, donnant a chacun une chandelle allumee, avec laquelle ils allaient lui baiser le derriere ; que le diable lui octroyait a chaque sabbat qua- rante sous en monnaie, et des poudres pour faire des malefices; que, quand il le voulait, il appelait le diable, qui venait a lui comme un tourbillon ; que la nuit derniere il etait venu le visiter en sa prison et lui avait dit qu'il n'avait pas moyen de le tirer d'oia il etait. 11 dit encore que le diable defendait a tous les siens de prier Dieu, d'aller a la messe, de faire leurs Paques, et que, pour lui, il avait fait mourir plusieurs personnes et plu- sieurs betes au moyen des poudres qu'on lui donnait au sabbat^. Berthomee de la Bedouche. Voy. Bonne- vault (Malhurin). Beruth. Voy. Berith. Bete-bigourne. Voy. Lycanthropie. Betes. 11 y a dans les choses prodigieuses de. ce monde beaucoup de betes qui figurent avec distinction. Les betes ont ete longtemps des in- struments a presages : les sorciers et les demons ont emprunte leurs formes, et souvent on a brule des chats et des chiens dans lesquels on croyait reconoaitre un demon cache ou une sor- ciere. Dans les campagnes, on effraye encore les en* fants avec la menace de la Bile a sept teles, dont I'imagination varie en tous lieux la laideur. L'o- pinion de cette bete monstrueuse renionte a la Bete de I' Apocalypse. Selon quelques-uns , les sept tetes sont les sept peches capitaux, ' Voyez ce recit dans les Legendes de I'autre monde; il a ete conserve par Hincmar, archeveque de Reims, et reprodiiit par Leloyer, Disc, et hist, des spectres, liv. VI, ch. xiii ; par dom Calmet, Traite sur les apparitions, ch. lxvi ; enfln par M. Ga- rinet, Hisloire de la magie en France, p. 56. 2 Discours sommaire des sortileges et venepces , tire des proces criminels juges au siege royal de Mont^ morillon, en Poitou, en I'annee 1599, p. 29. BET — 96 — BEU Dopiiis les troubles des Cevennes , on a aussi clTraye les imaginations par I'image de la Bete du Givaudan, qui n'est autre chose que la som- bre lierusie de cette contree, laquelle produisait les exces des calvinistes, entes sur les abomina- tions des Albigeois. Des personnes accoutumees aux visions extra- ordinaires ont vu quelquefois des spectres de beles. On salt la petite anecdote de ce malade a qui son medecin disait : — Amendez-vous , car je viens de voir le diable a votre porle. — Sous quelle forme? demanda le raoribond. — Sous cellc d'un ane. — Bon, repliqua le inaiade, vous avez eu peur de votre ombre. Des doctes croienl encore que les animaux, a qui ils n'accordent point d'ame, peuvent reve- nir, et on cite des spectres de ce genre. Meyer, professeur a I'universile de Halle, dans son Essai sur les apparitions, § 17, dit que les revenants et les spectres ne sont peut-etre que les ames des betes, qui, ne pouvant aller ni dans le ciel ni dans les enfers, restent ici erran- tes et diversement conformees. Pour que celte opinion efil quelque fondement , il faudrail croire, avec les peripateticiens, que les betes ont une ame quelconque ; ce qui n'est pas facile. Les pythagoriciens sont alles plus loin ; ils ont cru que par la metempsycose les ames passaient successivemcnt du corps d'un bomme dans ce- lui d'un animal. Le pere Bougcant, de la compagnie de Jesus, dans un petit ouvrage plein d'esprit, V Amuse- ment pliilosophiqne sur le lancjacje des betes, adopta par plaisanterie un systeme assez sin- gulier. 11 trouve aux betes trop d'esprit et de sentiment pour n'avoir pas un ame ; inais il pre- tend qu'elles sont animees par les demons les moins coupables, qui font penitence sous cetle enveloppe , en attendant le jugement dernier, epoque ou ils seront renvoyes en une contree de Tenfer. Ce systeme est soutenu de la maniere la plus ingenieuse : ce n'etait qu'un amusement; on le prit trop au serieux. L'auteur fut grave- meat refute, et oblige de desavouer publique- ment des opinions qu'il n'avait mises au jour que comme un delassement. Cepcndant le pere Gaston de Pardies, de la memo societe de Jesus, avait ecrit quelque temps auparavant que les betes ont une certaineame et on ne I'avait pas repris. Mais on pensa qu'au- pres de quelques esprits I'ingenieux amusement du pere Bougeant pouvait faire naitre defausses idees. Betterave, plante potagere. Le Register de Newark, a I'occasion de la mort d'un jeune homme noye dans les puits argileux d'Olivier- street, raconte un fait qui s'est passe il y a quel- ques annees au meme endroit. « Un manoeuvre allemand travaillait dans un * Dans son Discours de la connaissance des betes. Paris, 4« edilion, 1696. jardin situe pres d'un de ces puits. Tout a coup il apercut une feuille blanche croissant sur une plante de betterave. LesAllemandsregardent cetle rencontre comme un signe de malheur, et le su- perstitieux ouvrier en eut I'esprit extremement frappe. Enrentrant a la maison, il fit part a sa femme du nouveau presage et des sinistres pres- sentiments qui s'y rattachaient dans son esprit. Celle-ci entraina aussilot son mari dans le petit enclos qui entourait leur demeure et lui montra une seconde feuille blanche de betterave qu'elle avait egalement trouvee dans la matinee. Les deux epoux, de plus en plus convaincus qu'un affreux malheur allait fondre sur eux, rentrerent tout Iristes dans leur maison, et dinercnt silencieuse- ment, livres aux plus sombres pcnsees. » Apres le repas, I'ouvrier retourna a son Ira- vail. Au commencement de la soiree, quelques personnes passant par la remarquerent des vete- ments au herd de I'eau. IN'apercevant pas de bai- gneur, ils supposerent qu'un malheur etait arrive. L'eau fut draguee,etron retira le corps du mal- heureux Allemand. On suppose qu'en se baignant il sera tonibe dans quelque trou profond, el que, ne sachant pas nager, il y aura trouve la niort. » Mais voici le fait le plus curieux de cette sin- guliere hisloire. Le malheureux noye avait une .sa?ur a Brooklyn. Dans I'apres-midi de la fatale journee, elle fut frappee tout a coup d'une espece de sommeil somnambulique ; elle vit son frere hitter contre l'eau qui allait I'engloutir; elle I'en- tenditappeler au secours. Quand elle se reveilla, elle avait la figure brulanle et portail les signes de la plusgiande terreur. Elle raconla son reve a son mari ; elle lui dit qu'elle eLait decidee a aller a Newark s'informer de son frere. » Son mari tacha de retenir sa femme , dont I'etat d'excilation lui inspirait des inquietudes. II lui representa la folie de preter ainsi foi a un songe et de s'alarmer sans sujet. Mais rien n'y fit. La soeur partit pour Newark , et elle arriva precisement au moment ou le cadavre du pau- vre noye etait transporle dans sa demeure. Ses pressentinienls ne I'avaient point trompee! » Beurre. On croit dans plusieurs villages em- pecher le beurre de se faire en recilant a rebours le psaume Nolite fieri K Bodin ajoute que, par un effet d'antipalhie naturelle, on oblient le meme resultat en mellant un pen de sucre dans la creme ; et il conte qu'etant a Chelles, en Valois, il vit une chambriere qui voulait faire fouetter un petit laquais, parce qu'il I'avait tellement male- ficiee en recitant a rebours le psaume cite, que depuis le matin elle ne pouvait faire son beurre. Le laquais recita alors naturellement le psaume, et le beurre se fit ^. 1 Thiers, Trait e des S'lperstilions , t. I". II n'y a pas de psaume Nolite fieri. Ce n'est qu'une division du psaume 31 . 2 Demonomanie des sorciers, liv- II, ch. I. BEU — 97 — BIE Dans le Finistere , dit-on , Ton ensorcelle en- core le beurre. On croil aiissi dans ce pays que si Ton offre du beiirre a saint Herve, les bestiaux qui ont fourni la creme n'ont rien a craindre des loups, parce que ce saint, etant aveugle, se faisail guider par un loup Beurre des sorcieres. Le diable donnait aux sorcieres de Suede, en Ire autres animaux destines a les servir, des chats qu'elles appelaient empor- teurs, parce qu'elles les envoyaient voler dans le voisinage. Ces emporteurs, qui dtaient tres-gour- mands , profitaient de I'occasion pour se regaler aussi , et quelquefois ils s'emplissaient si fort le ventre, qu'ils etaient obliges en chemin de rendre gorge. Leur vomissement se trouve habituelle- ment dans les jardins potagers. « II a une couleur aurore , et s'appelle le beurre des sorcieres >i Beverland (Adrien),avocathollandais de Mid- delbourg, auteur des Recherches philosophiques sur lepeche originel ^ pleines de grossieretes infames. Les protestanls memes, ses coreligionnaires, s'en indignerent et mirent cet hoinme en prison a Leyde ; il s'en echappa et mourut fou a Londres en 1712. Sa folie etait de se croire constaniment ponrsuivi par deux cents homines qui avaient jure sa niort Beyrevra , ddmon indien , chef des ames qui errent dans I'espace changees en demons aeriens. On dit qu'il a de grands ongles tres-crochus. Brahma ayant un jour insulte un dieu superieur, 1 Cambry, Voyage dans le Finistere, t. I, p. 14 et 15. 2 Bekker, Le monde enchante, liv. IV, ch. 29. ^ Hadriani Beverlandi peccatum originale philolo- gice elucubratum, a Themidis alumno, EleulheropoU in horto Hesperidum, typis Adami et Evoe, terras fil. In-S", 1678. La Justa detestatio libelli sceleratissimi Hadriani Beverlandi de peccalo originali, in-8°, Go- rinchemii , 1 680 , est une refutation de cet ecrit de- testable, dont on a publie en 1734, in-12, une imi- tation melee de contes aussi meprises, * Gabriel Peignot, Dictionnaire des livres con- damnes au feu. Beyrevra, charge de le punir, lui coupa une tete avec son ongle. Brahma, humiiie, demanda par- don, et le dieu Eswara lui promit pour le consoler qu'il ne serait pas moinsrespecte avec les quatre tetes qui lui restaient qu'il ne I'etait auparavant avec cinq tetes. Bezuel. Voy. Desfontaines. Bhargheist ou Bhar-geist, spectre errant connu des Teutons. Les Anglais le voient encore quelquefois dans le Yorkshire. Bibesia. C'etait dans la mylhologie paienne , que Boileau admirait si niaisement, la deesse pro- tectrice des buveurs et des ivrognes. Bible du diable. C'est sans doute le grimoire ouquelque autre fatrasde ce genre. Mais Delancre dit que le diable fait croire aux sorciers qu'il a sa Bible, sea cahiers sacres , sa theologie et ses pro- fesseurs ; et un grand magicien avoua , etant sur la sellette au parlement de Paris, qu'il y avait a Tolede soixante-treize maitres en la faculte de magie, lesquels prenaient pour texte la Bible du diable Bibliomancie, divination ou sorte d'epreuve euiployee autrefois pour reconnailre les sorciers. Elle consistait a mettre dans un des coles d'une balance la personne soupgonnee de magie, etdans I'autre la Bible ; si la personne pesait moins , elle etait innocenle; si elle pesait plus, elle etait jugee coupable: ce qui ne manquait guere d'arriver, car bien peu d'in-folio pesent un sorcier. On consultait encore la destinee ou le sort en ouvrant la Bible avec une epingle d'or, et en tirant presage du premier mot qui se presentait. Bietka. II y avait en 1597 a Wilna, en Pologne, une fille nommee Bietka, qui etait recherchee par un jeune homme appele Zacharie. Les parents de Zacharie ne consentant point a son mariage , il tomba dans la melancolie et s'etrangla. Peu de temps apres sa mort il apparut a Bietka , lui dit qii'il venait s'unir a elle et tenir sa promesse de mariage. Elle selaissa persuader ; le mort I'epousa done, mais sans temoins. Cette singularite ne de- meura pas longtemps secrete, on sut bien tot le mariage de Bietka avec un esprit , on accourut de toutes parts pour voir la mariee ; et son aventure lui rapporta beaucoup d'argent, car le revenant se montrait et rendait des oracles ; mais il ne donnait ses reponses que du consentement de sa femme , qu'il fallait gagner. II faisait aussi beau- coup de tours; il connaissait tout le present, et predisait un peu I'avenir. Au bout de trois ans, un magicien ilalien, ayant laisse echapper depuis cette epoque un esprit qu'il avait longtemps maitrise, vint en Pologne, sur le bruit des merveilles de I'epoux de Bietka; il re- connutque le pretendu revenant etait le demon qui lui appartenait ; il le renferma de nouveau dans une bague, et le remporta en Italic, en assurant • Delancre, Incredulite et mecreance du sorti' lege, etc., traits VIL Voyez Universites occMltes. 7 BIF — 98 — BIR qii'il eut cause de Ires-graiids maux en Pologne s'il I'y ecu laisse De sorte que la pauvre Bietka en fut pour trois annees de mariage avec un demon. Le fait est raconte par un ecrivain qui croit fer- mement a ce prodige,et qui s'eLonne seuleinent de ce que ce demon etait assez materiel pour faire tous les jours ses trois repas. Des critiques n'ont vu la qu'une suite de supercheries, a partir de la prelendite strangulation de riioaime qui lit en- suite le revenant, Bifrons, demon qui parait avec la figure d'un monstre. Lorsqu'il prend forme humaine, il rend I'homme savant en astrologie, et lui enseigne a connaitre les influences des planeles ; il excelle dans la geomelrie; il connaitlesvortusdes licrbes, des pierres precieuses et des plantes ; il trans- porte les cadavres d'un lieu a un autre. On I'a vu aussi allumer des flambeaux sur les tombeaux des morls. 11 a vingt-six legions a ses ordres. Bifrost. L'Edda donne ce nom a un pent Iri- colore qui va de la terre aux cieux, et qui n'est que I'arc-en-ciel , auquel les Scandinaves altri- buaient la solidite. lis disaient qu'il est ardent comme un brasier, sans quoi les demons I'escala- deraient tous les jours. Ce pont sera mis en pieces a la fm du monde , apres que les mauvais genies sortis de I'enfer I'auront traverse a cheval. Voij. SlJRTUR. Bigois ou Bigotis, sorciere toscane qui, dit- on, avait redige un savant livre sur la connais- sance des pronostics donnes par les eclairs et le tonnerre.Ge savant livre est perdu, et sans doute Bigois est la meme que Bagoe. Bigourne. Foy. Lycanthropie. Bilis. Les Madecasses designent sous ce nom certains demons qu'ils appellent aussi anges du septieme ordre. Billard (Pierre), ne dans le Maine en 1653, tnort en 1726, auleur plat d'un volume in-12 in- titule la Bcle d sept teles, qui a paru en 1693, Get ouvragelourd, dirige contre les jesuites, esttres- niais. Selon Pierre Billard , la bete a sept tetes preditepar I'Apocalypse etait la societe de Jesus. L'auteur mourut a Charenton. Billis, sorciers redoutes en Afrique, ou ils empechent le riz de croitre et de murir. Les ne- 1 Adrien Regenvolsius, Systerna historico-chrono- logicum ecdesiarum sclavonicarnm. Utrecht, 1652, p. 9o. gres melancoliques deviennent quelquefois sor- ciers ou billis ; le diable s'empare d'eux dgns leurs acces de tristesse, et leur apprend alors, disent- ils, a faire des maleOces et a connaitre lesvertus des plantes magiques. Binet (Benjamin), auteur du petit volume inti- tule Traite des dieux et des ddmons du paganisme, avec des remarques critiques sur le systems de Bekker. Delft, 1696, in-12. Binet (Claude). On recberche de Claude Binet, avocat du seizieme siecle, les Oracles des douze sihyllcs, extrails d'un livre antique, avec les figures des sihylles portraitcs an vif, par Jean Rabel, tra- duit du latin de Jean Dorat en vers franqais. Pa- ris, 1586, in-folio. Biragues (Flaminio de), auteur d'une facetie intitulee I'Enfer de la mere Cardine , traitant de I'horrible bataille qui fut aux enfers aux noces du portier Cerberus et de Cardine. In-8°, Paris/ 1585 et 1597. G'est une satire qui ne tient que si on le veut bien a la demonographie. P. Didot Tareimprimee a cent exemplaires en 1793. L'au- teur etait neveu du chancelier de France Rene de Biragues. Birck (Humbert), bourgeois d'Oppenheim dontl'ame revint apres sa mort, en 1620, et se manifesta, comme les esprits frappeurs, pour ob- tenir des messes, ce qu'on lui accorda ; apres quoi il ne revint plus'. Biron. Le marechal de Biron, que Henri IV lit dccapiter pour traliison en 1602, croyait aux predictions. Pendant le cours de son proces , il demanda de quel pays elait le bourreau. On lui repondit qu'il etait Parisien. — Bon, dit-il. — Et il s'appelle Bourguignon. — Ah ! je suis perdu ! 1 Voyez son histoire dans les Legendes des esprits et demons. BIS — 99 — BLO s'ecria le marechal ; on m'a predit que si je pou- vais e viler par derriere le coup d'un Bourgui- gnon , je serais roi. M. Chabot de Bouin a ecrit tres-agreablement ceLte legende, developpee dans I'Almanacli pro- phelique de 18/)6. Biscar (Jeannette), sorciere boiteuse du La- bourd , que le diable , en forme de bouc , trans- portait au sabbat, ou, pour le remercier, elle faisait, au dire de Delancre , des culbutes et des cabrioles. Biscayens, vagabonds de I'espece des bohe- miens. lis disaient la bonne avenlure dans les villages. [' Bisclavaret. C'est le nom que donnent les Bretons au loup-garou, C'est souvent un^renard J? et quelquefois un loup , qui se jette devant les chevaux des chasseurs et les effraye. On croit que cet animal est un sorcier qui en a pris Ja forme; et dans les temps passes, si une chate- laine inconnue venait offrir des raffraichissements aux chasseurs a I'instant ou le Bisclavaret s'e- tait monlre, on la prenait pour une fee et on se defiait d'elle. M, Edouard d'Anglemont a con- sacre une de ses legendes poetiques au Bis- clavaret. Bithies, sorcieres fameuses chez les Scythes. Pline dit qu'elles avaient le regard si dangereux, qu'elles pouvaienttuer ou ensorceler ceux qu'elles fixaient. Elles avaient a I'un des yeux la prunelle double , I'autre prunelle etait marquee de la fi- gure d'un cheval < Pline, liv. VII, ch. ii. Bitru, demon. Voy. Sytry. Blaise de Vilfracuria, femme qui magneii- sait en Lorraine, avant que Ton connut le nom du magnetisme. Remi conle dans sa Demona- Irie qu'en 1689 un homme qui venait lui faire des reclamations fut invite par elle a manger des pommesqu'elle faisait cuire. La premiere pomme qu'il prit, toute brulante, s'atlacha a sa main; il voulut I'arracher de I'autre main , qui se trouva prise aussi. II sortit en poussant des cris de dou- leur. Les voisins lui dirent qu'il devait re- tourner a la femme qui lui avait donne sa pomme. Blaise se moqua de lui, el lui fit sur les bras des passes qui oterent la douleur en fai- sant tomber la pomme. Elle appelait sa malice une farce. Blanc (M. Hippolyte), auteur d'un livre inti- tule De I'inspiration des Camisards , recherches nouvelles sur les phenomenes extraordinaires observes parmi les protestants des Cevennes a la fin du dix-septieme et au commencement du ■dix-huitieme siecle, pour servir a I'intelligence de certaines manifestations modernes. In-12, 1859. Henri Plon, editeur. Ce savant travail eta- blit par d'incontestables faits la part demoniaque de ces inspirations. Blanc d'oeuf (Divination par le). Voijez OOMANCIE. Blanchard (Elisabeth), une des demoniaques de Loudun. Elle se disait possedee de plusieurs demons : Astaroth , Belzel)uth , Perou et l\la- rou, etc. Voij. Loudun. Blaspheme. Souvent il est arrive malheur aux gens grossiers qui blasphemaient. On en a vu, dans des acces de colere, mourir subite- ment. Etaient-ils etouffes par la colere ? ou frap- pes d'un coup d'apoplexie? ou chaties par une puissance supreme? ou, comme on I'a dit quel- quefois, etrangles par le diable? Torquemada parle, dans la troisieme journee de son Hcxamc- ron, d'un blasphemateur qui fut tue un jour par le tonnerre, et Ton reconnut avec stupeur que la foudre lui avait arrache la langue. Si c'est un hasard, il est bien singulier. Blendic. On exorcisa a Soissons, en 1582, cinq energumenes. La relation de leurs rcponses et de leurs convulsions a ele ecrite par Charles Blendic, Artesien. Bletton (Barthelemy) , hydroscope qui , vers la fin du siecle dernier, renouvela a Paris les prodiges de la baguette divinatoire appliquee a la recherche des sources et des metaux. Sa gloire s'est promptement evanouie. Voy. Baguette di- vinatoire et Beausoleil. Bloemardine, femme de Bruxelles qui, au commencement du quatorzieme siecle, troubla le Brabant, ou elle etablit une sorte de saint- simonisme, abolissant le manage et les moeurs, et donnant a ses disciples dissolus le nom de freres et de soeurs du libre espriL Elle avait un 7. BLO — 100 — BLO faiileiiil d'argent que ses adepLes regardaient commc un talisman puissant en prodiges', Blokula. Vers I'annee 1670, il y eut en Suede, au village de Mohra, dans la province d'Elfda- len, unc affaire de sorcellerie qui fit grand bruit. On y envoya des juges. Soixanle-dix sorcieres furent condamnees a mort; une foule d'aulres furent arretees , et quinze enfants se trouverent meles dans ces debats. On disait que les sorcieres se rendaient de nuit dans un carrefour, qu'elles y evoquaient le diable a I'entree d'une caverne en disant trois fois : « Antesser! viens, et nous porle a Blo- kula! » C'elait le lieu enchante et in- connu du vulgaire ou se faisait le sabbat. Le demon Antesser leur apparaissait sous diverses formes, mais le plus souvent en justaucorps gris, avec des chausses rouges ornees de ru- bans , des bas bleus , une barbe rousse , un cha- peau pointu. II les emportait a travers les airs a Blokula, aide d'un nombre suffisant de demons, pour la plupart travestis en chevres; c{uelques sorcieres plus hardies accompagnaient le cortege a cheval sur des manches a balai. Celles qui menaient des enfanls plantaient une pique dans le derriere de leur clievre; tous les enfants s'y perchaient a califourchon a la sinte de la sor- ciere, et faisaient le voyage sans encombre. Quand ils sont arrives a Blokula, ajoute la re- lation , on leur prepare une fete ; ils se donnent au diable, qu'ils jurent de servir ; ils se font une * Voyez son histoire aux Legendes des femmes dans la vie reelle. piqure au doigt eL si- gnent de leur sang un engagement ou pacte ; on les baptise ensuile au nom du diable, qui leur donne des raclures de cloches. Ils les jettent dans I'eau en disant ces paroles abominables : « De meme que cette raclure ne retournera jamais aux cloches dont elle est venue, que mon ame ainsi ne puisse ja- mais enlrer dans le ciel!... » La plus grande seduction que le diable emploie est la bonne chere, et il donne a ces gens un superbe festin, qui se compose d'un potage aux choux et au lard,de bouillie d'avoine,de beurre, de lait et de fromage. Apres le repas , ils jouent et se battent ; et si le diable est de bonne hu- mour, il les rosse tous avec une perche, « en- suite de quoi il se met a rire a plein ventre ». D'autres fois il leur joue de la harpe. Les aveux que le tribunal obtint apprirent que les fruits qui naissaient du commerce des sor- BOB — 101 — BOD cieres avec les demons etaient des crapauds ou des serpents. Des sorcieres revelerent encore cette particularile, qa'elles avaient vu quelque- fois le diable inalade, et qu'alors il se faisait appliquer des ventouses par les sorciers de la compagnie. Le diable enfin leiir donnait des animaux qui les servaient et faisaient leiirs commissions : a I'un un corbeau, a raiilre un chat, qu'ils ap- pelaient emporteur, parce qii'on I'envoyait voler ce qa'on desirait et qu'il s'en acquittait habile- ment. II leur enseignait a traire le lait par charme, de cetle maniere : le sorcier plante un couteau dans une muraille, attache a ce couteau un cordon qu'il tire comme le pis d'une vache, et les beslianx qu'il designe dans sa pensee sont traits aussitot jusqii'a epuiselnent. lis employaient le meme moyen pour nuire a leurs ennemis, qui souffraient desdouleurs incroyables pendant tout le temps qu'on tirait le cordon, lis tuaient meme ceux qui leur deplaisaient en frappant I'air avec un couteau de bois. Sur ces aveux on brula quelques centaines de sorciers , sans que pour cela il y en eut moins en Suede *; mais ce qui est surprenant, c'est que les memes scenes de magie se reproduisent en Suede de nos jours. Voij. Magie. Bobin (Nicolas), sorcier juge a Montmorillon, en Poitou, dans I'annee 1599. II fit a peu pres la meme confession que Berthome du Lignon. II etait alle comme lui au sabbat, et s'etait donne au diable, qui lui avait fait renier Dieu, le bap- teme et ses parents. II conte qu'apres I'offrande le diable se mon'trait quelquefois en forme d'homme noir ayant la voix cassee d'un vieillard ; que, quand i! appelait le diable, il venait a lui en homme ou en bouc; que, lorsqu'il allait au sabbat, il y etait porte par un vent; qu'il y ren- daitcompte de I'lisage de ses poudres, qu'il avait toujours fidelement employees a mal fairs; qu'il portait la marque du diable sur I'epaule ; que, quand il donnait des maladies , il les donnait au nom du diable et les guerissait au meme nom; qu'il en avait fait mourir ainsi, et gueri plu- sieurs ^. .. Bobou , I'un des grands elfs. II preside aux vents tempetueux de I'automne, s'assied la nuit sur les tilleuls et en casse les branches. Lorsqu'on voit , en Ecosse , une de ces branches cassee , tordue, ou 6clatee d'une certaine maniere, on dit : « C'est la branche a Bobou , » et on n'ose pas la toucher. Bocal , sorcier qui fut arrete a vingt-sept ans I dans le pays de Labourd , sous Henri IV, comme convaincu d'avoirete vu au sabbat, vetu en pretre et servant de diacre ou de sous-diacre, les nuits ' Bekker, la Monde enclianU. _ 2 Discours sommaire des sortileges et vencfices, tires des proces criminels juges au siege royal de Montmorillon, en Poitou, en I'annee 1599, p. 30. des trois jours qui precederent sa premiere messe dans I'eglise de Sibour ou Siboro (carce malheu- reux etait pretre) ; et , comme on lui demandait pourquoi il disait plutot la messe au sabbat qu'a I'eglise, il repondit que c'etait pour s'essayer et voirs'il ferait bien les ceremonies. Sur la deposi- tion de soixante-dix temoins, qui declaraient I'a- voirvu au sabbat chantant la messe du diable, il fut condamne a mort apres avoir ete degrade. Lors- qu'il allait etre execute (il n'avait que vingt-sept ans), il etait tellement tcndu d rendre son dme au diable auquel il I'avail promise, que jamais il ne sut dire ses prieres au confesseur qui Ten pres- sait Les temoins ont declare que la mere, les soeurs et tous les membres de la famille Bocal etaient sorciers, et que quand il tenait le bassin des offrandes, au sabbat, il avait donne I'argent desdites'offrandes a sa mere, en recompense, sans doute, de ce qu'elle I'avait des sa naissance voue au diable, comme font la plupartdes autres meres sorcieres*. Migalena, nierede ce mallieu- reux, agee de soixante et un ans, fut executee avec lui. Bodeau (Jeanne), sorciere du meme pays de Labourd. Au rapport de Pierre Delancre, elle raconta qu'a I'abaminable ceremonie appelee la messe du sabbat, on faisait I'elevation avec une hostie noire de forme Iriangulaire ^ et le salut de cette elevation etait : Corbeau noir! corbeau noir ! crie trois fois. Bodilis. Cambry, dans son Voyage au Finis- lere, parle de la merveilleuse fontaine de Bodilis, a trois quarts de lieue de Landivisiau. Les habi- tants croient qu'elle a la propriete d'indiquer si une jeune fille n'a pas fait de faute. II faut dero- ber a celle dont on veut apprecier ainsi la sagesse I'epine qui attache sa collerett'e en guise d'epin- gle, et la poser sur la surface de I'eau : tout va bien si elle surnage ; mais si elle s'enfonce , c'est qu'il y a blame. Bodin (Jean), savant jurisconsulte et demono- graphe angevin, mort de la peste en 1596. L'ou- vrage qui fit sa reputation fut sa Repuhlique, que la Harpe appelle le germe de V Esprit des his. Sa Demonomanie lui donne ici une place. Mais il est difficile de juger Bodin. On lui attribue un livre intitule Colloquium heptaplomeron de ahdilis re- rum suUimium arcanis, dialogues en six livres, ou sept interlocuteurs de diverses religions disputent sur leurs croyances, de maniere que les Chretiens cedent souvent I'avantage aux musulmans, aux juifs, aux deistes. Aussi Ton a dit que Bodin etait a la fois protestant, deisle, sorcier, juif et athee. Pourtant, ces dialogues sont-ils vraiment de lui? On ne les connait que par des copies manus- crites, car ils n'ont jamais ete imprimes. — Sa Demonomanie des sorciers parut in-4°, a Paris, en • Delancre, Tableau de I'inconst. des demons, etc., liv. VI, p. 420. 2 Ibid., liv. VI, disc. iii. BOD — 102 — BOE 1501; on en a fait des editions sous le litre de Fleau des ddnions el des sorciers (Niort, 1616). Get ouvi-age est divise en qiialre livres; tout ce qu'ils contienuent de curieux est cite dans ce dictionnaire. L'autenr definit le sorcier celui qui se pousse a qiiel(]ue chose par des moyens diaboliques. II demontre que les esprits peuvent s'associer et commercer avec les liommes. II trace la diffe- rence d'liumeur et de formes qui distingue les bons esprits des inauvais. II parle des divinations que les demons operent, des predictions licites ou illicites. Dans le livre II , il recherche ce que c'est que la in?gie; il fait voir qu'on pent evoquer les ma- lins esprits, faire pacle avec le diable, etre porte en corps au sabbat, avoir, au moyen des de- mons, des revelations par extase, se changer en loup-garou ; il termine par de longs recits qui prouvent que les sorciers ont pouvoir d'envoyer les maladies, sterililes, greles et tempetes, et de tuer les betes et les hommes. Si le livre II traite des maux que peuvent faire les sorciers, on voit dans le livre III qu'il y a maniere de les prevenir : qu'on peut obvier aux charmes et aux sorcelleries ; que les magiciens guerissent les malades frappes par d'autres ma- giciens. II indique les moyens illicites d'empe- cher les malelices. Rien ne lui est etranger. II assure que, par des tours de leur metier, les magiciens peuvent obtenir les faveurs des grands et de la fortune, les dignites, la beaute et les honneurs. Dans le livre IV, il s'occupe de la maniere de poursuivre les sorciers , de ce qui les fait recon- naitre, des preuves qui etablissent le crime de sorcellerie , des tOFlures , comme excellent moyen de faire avouer. Un long chapitre acheve I'oeuvre , sur les peines que meritent les sorciers. II con- clut a la mort cruelle ; et il dit qu'il y en a tant, que les juges ne suffiraient pas a les juger ni les bourreaux a les executer, « Aussi, ajoute-t-il, n'advieiit-il pas que de dix crimes il y en ait un puni par les juges, et ordinairement on ne voit que des helitres condamnds. Ceux qui ont des amis ou de I'argent echappent. » L'auteur consacre ensuite une dissertation a refuter Jean Wierus, sur ce qu'il avait dit que les sorciers sont le plus souvent des malades ou des fous, et qu'il ne fallait pas les bruler. — a Je lui repondrai, dit Bodin , pour la defense des juges, qu'il appelle bourreaux. » L'auteur de la Dimonomanie avoue que ces" horreurs lui font dresser le poil en la tete , et il declare qu'il faut exterminer les sorciers et ceux qui en ont pitie, et bruler les livres de Wierus'. Bodry. Voy. Revenants. * Joannis Bodini universal naturce theatrum, in quo rerum omnium effedrices causa} et fines contein- plantur. In-8". Lugduni, Roussin, 1596. Boece, I'un des plus illustres Remains du sixieme siecle , auteur des Consolations de la phi- losophic. II s'amusait , dans ses moments de loisir, a faire des instruments de mathematiques, dont il envoya plusieurs pieces au roi Clotaire. 11 avait construit des cadrans pour tous les aspects du soleil , et des clepsydres qui , quoique sans roues, sans poids et sans ressorts, marquaient aussi le cours du soleil, de la lune et des astres, au moyen d'une certaine quantite d'eau renfermee dans une boule d'etain qui tournait sans cesse, entrainee, dit-on , par sa propre pesanteur. G'etait done le mouvement perpetuel. Theodoric avait fait pre- sent d'une de ces clepsydres a Gondebaud, roi des Bourguignons. Ges peuples s'imaginerent que quelque divinite, renfermee dans cette machine, lui imprimait le mouvement : c'est la sans doute I'origine de I'erreur ou sont tombes ceux qui I'ont accuse de magie. lis en donnent pour preuves ses automates ; car on assure qu'il avait fait des tau- reaux qui mugissaient, des oiseaux qui criaient et des serpents qui sifflaient. Mais Delrio dit' que ce n'est la que de la magie naturelle, c'est-a-dire de la mecanique. Boehm (Jacob), ne en 1575, dans la haute Lusace. De cordonnier qu'il etait il se fit alchi- miste, homme a extases et chef d'une secle qui eut le nom de boehmistes. II publia, en 1612, un livre de visions et de reveries, intitule I'Aurore 7iaissante , que Ton poursuivit. II expliquait le systeme du monde par la philosophie herme- tique, et presentait Dieu comme un alchimiste occupe a tout produire par distillation. Les ecrits de cet illumme, qui ferment plus de cinquante volumes inintelligibles, ne sont pas connus en France, excepte ce que Saint-Martin en a tra- duit : I'Aurore naissante, les Trois principcs et la Triple vie. Ce songe-creux etait anthropomor- phite^ et manicheen; il admettait pour deuxieme principe du monde la colore divine ou le mal, qu'il faisait emaner du nez de Dieu. On re- cherche, parmi ses livres d'alchimie, son Miroir tewporel de Celernile, ou de la Signature des choses , traduit en francais, in -8% Francfort, 1669 Ses doctrines philosophiques ont conser- vee des partisans en Allemagnc. Boeuf. Le boeuf de Mo'ise est un des dix ani- maux que Mahomet place dans son paradis. ' Disquisition, magic, p. 40. 2 Les anthropomorphites etaieiit des heretiques qui donnaieiU a Dieu la forme humaine. 3 On peut voir encore Jacobi Baehmi . alias dicti BOG — 103 — BOG On attache a Marseille quelques idees supers- titieuses au boeuf gras qu'on promene , dans cetle ville, ail son des flutes et des timbales, non pas, comme partout, le jour du carnaval, mais la veille et le jour de la Fele-Dieu. Des savants ont cru voir la line trace dii paganisms ; d'autres ont pre- tendu que c'etait un usage qui remontait au bouc emissaire des Juifs. Mais Rufii , dans son Histoire de Marseille, rapporte un acte du quatorzieme siecle qui decouvre Torigine reelle de cette coutume. Les confreres du Saint-Sacrement, voulant rega- ler les pauvres, achelerent un boBuf et en aver- tirent le peuple en le proinenant par la ville. Ce feslin.nt tant de plaisir qu'il se renouvela tous les ans; depuis il s'y joignit de petites croyances. Les vieilles femmes crurent preserver les enfants de maladie en leur faisant baiser ce boeuf; tout le monde s'empressa d'avoir de sa chair, et on regarde encore aujourd'hui comme tres-heu- reuses les maisons a la porte desquelles il veut bien, dans sa marche, deposer ses dejections. Parmi les betes qui ont parle , on peut comp- ter les bosufs. Fulgose rapporte qu'un peu avant la mort de Cesar un boeuf 'dit a son raailre qui ie pressait de labourer : — « Les hommes man- queront aux moissons, avant que la moisson manque aux hommes. » On voit dans Tite-Live et dans Valere-Maxime que pendant la deuxieme guerre punique un boeuf cria en place publique : — « Rome, prends garde a toi ! » — Francois de Torre-Blanca pense que ces deux boeufs etaient possedes de quelque de- mon Le pere Engelgrave {Lux evancjelica, page 286 des Dominicales) cite un autre boeuf qui a parle. Voy. Behemoth. Bogaha, arbre-dieu de I'ile de Ceylan. On conle que cet arbre tra versa les airs afin de se rendre d'un pays tres-eloigne dans cette ile sainte; qu'il enfonga ses racines dans le sol pour servir d'abri au dieu Bouddha, et qu'il le couvrit de son ombrage lout le temps que ce dieu de- meura sur la terre. Quatre-vingt-dix-neuf rois teulonici philosophic clavis prcecipnarum r crura quce in reliquis suis scripds occurruntpro incipieniibus ad uUeriorem considerationem revelationis divinw con- scripta, 1624, un vol. in-4°. ' Epit. deliclor. sive de magia, lib. II, cap. xv. ont eu I'h'onneur d'etre ense veils aux pieds du grand arbre-dieu. Ses feuilles sont un excellent preservatif centre tout maleOce et sortilege. Un nombre considerable de huttes I'environnent pour recevoir les pelerins; et les habitants plantent partout de petits bogahas, sous lesquels ils pla- cent des images et allument des lampes. Cet arbre, au reste, ne porte aucun fruit et n'a de recommandable que le culte qu'on lui rend. Bogarmiles, Bogomiles et Bongomiles. Sorte de manicheens qui parurent a Constanti- nople au douzierae siecle. lis disaient que ce n'est pas Dieu, mais un mauvais demon qui a cree le monde. lis etaient iconoclastes. Boggart, lutin pygraee de I'espece des Cluri- caunes, souvent mechant. II est connu en Irlande. Voyez la legende d'un de ces esprits dans les Legendes des esprits et des ddmons. Bogles, lutins ecossais, de I'espece des Ko- bolds et des Gobelins. Boglia. Les indigenes de I'Australie donnent le nom de Boglia a I'homme endiable que nous appelons un sorcier. Boguet (Henri), grand juge de la terre de Saint-Claude au comte de Bourgogne, mort en 1619, auteur d'un livre plein d'une credulite souvent puerile et d'un zele outre centre la sor- cellerie. Ce livre, publie au commencem.ent du dix-septieme siecle, est intitule Discours des sor- cicrs, avec six avis en fait de sorcellerie et une instruction pour un juge en semblable matiere^ ' Un vol. in-S". Paris, -160.3; Lvon. 4 602, 1607 1608, 1 610; Rouen, 1606. Toutes ces 'editions sont tres-rares, parce que la fareiille de Boguet s'efforca d'en supprimer les exemplaires. BOG — 10^1 — BOH C'cst une compilation des procedures aux- quelies, comme juge, rauteiir a generalement preside. On y trouve I'histoire de Louise Maillat, possedee de cinq demons a I'age de hiiit ans; de FraoQoise Secretain, sorciere, qui avail envoye lesdits demons; des sorciers Gros-Jacques etWil- lermoz, dit le Baiilu ; de Claude Gaillard, de Ro- lande Duvernois et de quelques autres. L'auteur detaille les abominations qui se font au sabbat ; il dit que les sorciers peuvent faire tomber la grele, ce qui n'est pas; qu'ils ont une poudre avec laquelle ils empoisonnent, ce qui est vrai; qu'ils se graissent les jarrets avec un onguent pour s'envoler au sabbat; qu'une sorciere tue qui elle veut par son souffle seulement ; qu'elles ont mille indices qui les feront reconnaitre : par exemple , que la croix de leur chapelet est cas- see , qu'elles ne pleurent pas en presence du juge , qu'elles crachenl a terre quand on les force a re- noncer au diable, qu'elles ont des marques sous leur chevelure, lesquelles se decouvrent si on les rase ; que les sorciers et les magiciens ont le talent de se changer en loups; que sur le simple soupcon mal lave d'avoir ele au sabbat, meme sans autre malefice , on doit les condamner ; que tous meritenl d'etre brules, et que ceux qui ne croient pas a la sorcellerie sont criminels, C'est un peu trop violent , mais il faut remarquer qu'en ces choses ce n'elait pas le clerge qui elail se- vere ; c'elaient ces juges laiques qui se monlraient violenls et feroces. A la suite de ces discours viennent les Six avis, dont voici le sommaire : 1" Les devins doivent etre condamnes au feu,, comme les sorciers et les hereliques, et celui qui a ete au sabbat est digne de mort. II faut done arreter, sur la plus legere accusation , la personne soupQonnee de sorcellerie , quand meme I'accu- sateur se retracterait ; et Ton pent admetlre en temoignage centre les sorciers toutes sortes de personnes. On brulera vifs, ajoute-t-il , les sor- ciers opiniatres, et, par grace, on se contentera d'etrangler celui qui confesse. 2° Dans le crime de sorcellerie, on pent con- damner sur de simples indices, conjectures et presomptions ; on n'a pas besoin pour de tels crimes de preuves tres-exactes. 3° Le crime de sorcellerie est directement contre Dieu (ce qui est vrai dans ce crime, quand il existe reellement, puisque c'est une negation de Dieu et un reniement) : aussi il faut punir sans menagement ni consideration quelconque... k" Les biens d'un sorcier condamne doivent etre confisques comme ceux des heretiques ; car sorcellerie est pire encore qu'heresie, en ce que les sorciers renient Dieu. Aussi on remet quel- quefois la peine a I'herelique repenti; on ne doit jamais pardonner au sorcier... 5° On juge qu'il y a sorcellerie quand la per- sonne accusec fait metier de deviner, ce qui est I'oeuvre du demon ; les blasphemes et impreca- tions sont encore des indices. On peut poursuivre enfin sur la clameur publique. 6° Les fascinations, au moyen desquelles les sorciers eblouissent les yeux, faisant paraitre les choses ce qu'elles ne sont pas, donnant des mon- naies de corne ou de carton pour argent de bon aloi, sont ouvrages du diable; et les fascina- teurs, escamoteurs et autres magiciens doivent etre punis de mort. Le volume de Boguet est termine par le code des sorciers. T oy. Codf.. Bogounskis, mauvaisespritsrusses, qui dan- sent la nuit sur le lac de Goplo et quelquefois sur la Vistule. Bohemiens. II n'y a personne qui n'ait en- tendu parler des Bohemiennes et de ces bandes vagabondes qui, sous les noms de Bohemiens, de Biscaiens et d'Egyptiens ou Gitanos, se rt§pan- dirent au quatorzieme siecle sur I'Europe, dans I'Allemagne surtout, la Hollande, la Belgique, la France et I'Espagne, avec la pretention de pos- * seder I'art de dire la bonne avenLure et d'aulres secrets merveilleux. Les Flamands les nommaient heyden, c'est-a-dire paiens, parce qu'ils les re- gardaient comme des gens sans religion. On leur donna divers autres sobriquets. Les historiens les ont fait venir, sur de simples conjectures, de I'Assyrie, de la Cilicie , du Cau- case, de la Nubie, de I'Abyssinie, de la Chaldee. Bellon, incertain de leur origine, soutient qu'au moins ils n'etaient pas Egyptians; car il en ren- contra au Cairo, oii ils elaient regardes comme eLrangers aussi bien qu'en Europe. II eul done ete plus nalurel de croire les Bohemiens eux- memes sur leur parole, et de dire avec eux que c'etait une race de Juifs, meles ensuile de Chre- tiens vagabonds. Voici ce que nous pensons etre la verite sur ces mysterieux nomades. Vers le milieu du quatorzieme siecle, I'Europe, et principalement les Pays-Bas, I'Allemngne et b France, etant ravagee par la peste, on accusa les Juifs, on ne sait pourquoi, d'avoir empoisonne les puils et les fontaines. Cetle accusation sou- leva la fureur publique contre eux. Beaucoup de Juifs s'cnfuirent et se jeterent dans les forels. lis se reunirent pour etre plus en surete et se mena- gerent des souterrains d'une grande etendue. On croit que ce sont eux qui ont creuse ces vasles cavernes qui se trouvent encore en Allemagne et que les indigenes n'ont jamais eu interet a fouiller. Cinquante ans apres, ces proscrits ou leurs descendants ayant lieu do croire que ceux qui les avaient tant hais etaient morts, quelques-uns se hasarderent a sortir de leurs tanieres. Les Chretiens etaient alors occupes des guerres reli- gieuses suscitees parl'heresie deJeanHuss. C'etait une diversion favorable. Sur le rapport de leurs espions, ces Juifs caches quitlerent leurs ca- BOH - 105 — BOH vernes, sans aucune ressource, il est vrai, pour se garanLir de la inisere; mais pendant leur demi- siecle de solitude, ils avaient etudie les divina- tions et particulierement I'art de dire la bonne aventure par I'inspection de la main ; ce qui ne demande ni instrument, ni appareil, ni depense aucune,; et ils compterent bien que la chiroman- cie leur procurerait quelque argent. Ils se choisirent d'abord un capitaine, nomine Zundel. Puis, comme il fallait declarer ce qui les amenait en Allemagne, qui ils etaient, d'oii ils venaient, et qu'on pouvait les questionner aussi sur leiir religion ; pour ne pas se decouvrir trop clairement, ni pourtant se renier, ils convinrent de dire que leurs peres habilaient autrefois I'Egypte , ce qui est vrai des Juifs ; et que leurs Bohemiens, ancetres avaient ete chasses de leur pays pour n'avoir pas voulu recevoir la Vierge Marie et son fils Jesus. — Le peuple comprit ce refus, du temps ou Joseph emmena le divin Enfant en Egypte pour le soustraire aux recherches d'He- rode; au lieu que les vagabonds juifs I'enten- daient de la persecution qu'ils avaient soufferte cinquante ans auparavant. De la vient le nom d'Egyptiens qu'on leur donna et sous lequel I'em- pereur Sigismond leur accorda un passe-port. lis s'elaient forme un argot ou un jargon de- guise, mele d'hebreu et de mauvais aliemand, qu'ils prononqaient avec un accent etranger. Des savants, qui ne voyaient pas plus loin, furent flattes de reconnaitre certains termes de la langue allemande dans un patois qu'ils prenaient pour de I'egyptien. lis denaturaient aussi plusieurs appellations; ils appelaient un enfant un criard, un manteau un preneur de vent, un Soulier un marcheur, un oiseau un volant. Toutefois, la BOH — 106 — BOH multitude de mots hebreux qui est restee dans le langage des Bohemiens suiiirait seule pour trahir leur origine juive. lis avaient des mcEurs particulieres et s'etaient fait (Ics lois qu'ils respecLaient. Chaque bande se choisissait un chef, a qui tout le monde etait tenu d'obdir. Quaiid parmi eux une femme se mariait, elle se bornait, pour toute ceremonie, a briser un pot de terre devant Fhomme dont elle voulait devenir la compagne ; etelle le respectait comme son mari autant d'annees que le vase avait pro- duit de morceaux. Au bout de ce temps, les epoux etaient libres de se quitter ou de rompre ensemble un nouveau pot de terre. On citerait beaucoup de bizarreries de ce genre. Des que les nouveaux Egyptiens virent qu'ils n'etaient pas repousses, ils implorerent la pitie des AUemnnds. Pour ne pas paraitre a charge , ils assuraienl que, par une grace particuliure du ciel, qui les protegeait encore en les punissant, les maisons oi^i ils etaient une fois requs n'etaient plus sujettes a I'incendie. Ils se mirent aussi a dire la bonne aventure, sur I'inspection du visage, des signes du corps, et principalement sur I'examen des lignes de la main et des doigts. lis gueris- saient les malades desesperes, par des remedes que les Anglais ont conserves et qu'ils appellcnt heroiques, parce qu'ils tuent net les apoplec- tiques, s'ils ne les relevent pas. Cependant la fureur contre les Juifs s'etait apaisee ; ils furent admis de nouveau dans les villages, puis dans les villes. Mais il resta lou- jours de ces bandes vagabondes qui continuerent !a vie nomade, decouvrant partout I'avenir, et joignant a cette profession de nombreuses fri- ponncries plus materielles. Bientot, quoique la nation juive fut le noyau de ces bandes, il s'y (it un tel melange de divers peuples , qu'il n'y eut pas plus entre eux de religion dominante qu'il n'y avait de patrie. lis parcoururent les Pays- BOH — 107 — BOI Bas et passerent en France, ou on les appela les Bohemiens, parce qu'ils venaient de la Bo- heme. Pasquier, dans ses Recherches , raconte a peu pres ainsi leur apparition mysterieuse sur le sol frangais et leur arrivee aux porLes de Paris en l/t27 :— ils etaient au nombre de cent vingt; I'un de leiirs chefs portait le litre de due, un autre celui de comte; ils avaient dix cavaliers pour escorte. Ils disaient qu'ils venaient de la basse Egypte, chasses de leur pays par les Sara- sins, qu'ils etaient, alles a Rome confesser leurs peches au Pape, qui leur avait enjointpour peni- tence d'errer sept ans par le monde , sans cou- cher suraucun lit. (Les gens eclaires n'ajouterent sans doule pas foi a ce conte.) — On les logea au village de la Chapelle, pres Paris; et une grande foule alia les voir. — lis avaient les che- veux crepus , le teint basane , et portaient aux oreilles des anneaux d'argent. Comme leurs femmes disaient la bonne aventure et se livraient a des pratiques superstitieuses et mauvaises, I'eveque de Paris les excommunia, defenditqu'on les allat consulter et obtint leur eloignement. Le seizieme siecle fut infeste de Bohemiens. Les etats d'Orleans, en 1560, les condamnerent au bannissement, sous peine des galeres, s'ils osaient reparaitre. Soiifferts dans quelques con- trees que divisait I'heresie, chasses en d'autres lieux comme descendants de Cham, inventeur de la magie, ils ne paraissaient nulle part que comme une plaie. On disait en Flandre qu'ils etaient si experts en sorcellerie , que des qu'on leur avait donne une piece de monnaie , toutes celles qu'on avait en poche s'envolaient aussitot et allaient rejoindre la premiere, opinion popu- laire qui peut se traduire en d'autres termes et qui veut dire que les Bohemiens etaient des escrocs. ■ — Leurs bandes diminuerent au dix- septieme siecle. Pourtant on en voit encore quel- ques rares detachements. Sous les nouvelles lois de police des Etats europeens, les societes bo- hemiennes sont dissoutes.. Mais il y a toujours ga el la des individus qui disent la bonne aventure, et des imbeciles qui vont les consulter. Voy, Chi- ROMANCIE 1 Le fait suivant est caracteristique des moeurs des Bohemiens, dont il exists encore plusieurs com- munautes dans la Lithuanie : Un Bohemien demeurant a Melilanken, pres- de Tilsitt, avait ete incarcere pour vol d'un cheval; il mourut avant que I'instruction fiit terminee. La com- munaute a laquelie il appartenait, informee de son deces, arriva dans la ville au moment ou Ton allait i proceder a I'inhumation. Aussilot les Boliemiennes j supplierent ceux qui portaient le corps d'ouvrir | le cercueil et de leur permettre de faire venir un ! barbier pour raser le deiunt; mais comme il y eut impossibilite de trouver immedialement un barbier, il fallut se rendre directement au cimetiere. Pendant ce temps , les femmes bohemiennes avaient parcouru la ville pour chercher un barbier, et elles avaient fini par en trouver un. Elles arriverent au ci- Bohinum, idole des Armeniens, qui etait faite d'un metal noir, symbole de la nuit. Son nom vient du mot hebreu holm, desolation, a ce que dit Leloyer. C'est le demon du mal. Bohmius (Jean). Quelques-uns recherchent sa Psijchologie, ou Traite des esprits, publiee en 1632, a Amsterdam *, livre qui ne manque pas d'heresies. Bohon-Hupas, arbre-poison qui croit dans I'ile de Java, a trente lieues de Batavia. Les cri- minels condamnes allaient autrefois recueillir une gomme qui en decode, et qui est un poison si prompt et si violent, que les oiseaux qui tra- versent Fair au-dessus de cet arbre tombent morts; du moins ces choses ont ete contees. Apres que leur sentence etait prononcee , lesdits criminels pouvaient choisir ou de perir de la main du bourreau, ou de tenter de rapporter une boite de gomme de I'hupas. Foerssech rapporte qu'ayant interroge un pretre malais qui habitait ce lieu sauvage, cet homme lui dit qu'il avait vu passer environ sept cents criminels, sur lesquels il n'en etait revenu que vingt-deux ; qu'il n'y avait pas plus de cent ans que ce pays etait ha- bite par un peuple qui se livrait aux iniquites de Sodome et de Gomorrhe; que Mahomet ne vou- lut pas souffrir plus longtenips leurs mceurs abo- minables ; qu'il engagea Dieu a les punir ; et que Dieu fit sortir de la terre le bohon-hupas, qui detruisit les coupables, et rendit a jamais le pays inhabitable. Les Malais regardent cet arbre comme I'instrument de la colere du Prophete; et, toutefois, la mort qu'il procure passe chez eux pour honorable ; voila pourquoi les criminels qui vont chercher le poison se revetent en ge- neral de leurs plus beaux habits ^ Bois. Les anciens avaient une divination qui se pratiquait par le moyen de quelques morceaux de bois. I'oy. Xylomancie. lis croyaient les forets habilees par des divinites bizarres; et dans les pays superstitieux, on y re- doute encore les lutins. Les Kamstchadales disent que les bois sont pleins d'esprits malicieux. Ces es- prits ont des enfants qui pleurent sans cesse pour attirer les voyageurs; ils les egarent ensuite, et ils leur otent quelquefois la raison. — Enfln, c'est generalement dans les bois que les sorciers font le sabbat. C'etait autrefois dans des bois dits sacres qu'on honorait les faux dieux. Bois de vie. C'est le nom que les alchimistes donnent a ia pierre parfaite du grand ceuvre, plus clairement appelee baume universel ou pa- metiere en meme temps que le cercueil et obtinrent I'autorisatioa de faire proceder a I'ouverture et de raser le defunt. Quand cette operation fut terminee, elles en te- moignerent la plus grande joie. < Joannis Buhmii psychologia, cum vera applica- tione Joannis Angeli. ln-24. Amstel., 1632. 2 Extrait des ! oijagcs de M. Foerssech, Hollandais, Melanges de Uiterature elrangere, t. I, p. 64, BOI — 108 — BON nacce, qui giicriL lous les maiix, et assure a ceux qui la possedcnl une jeunesse inalldrable. Lc'mon ties bois. Les Juifs nomment bois de vie les deux batons qui Liennent la bande roulee sur laquelle est ecrit le livre de leur loi. lis sont persuades que I'aL- toucheinent de ces batons affennit la vuc et rend la sante. lis croient aussi qu'il n'y a pas de meilleur moyen de faciliter raccouchement des icmmes que de leur faire voir ces bois, qu'il ne Icur est pas permis de toucher. Boistuau ou Boaistuau (Pierre), dit Launay, Nantais, mort a Paris en 1566. On recherche de lui deux ouvrages rares et curieux : 1" Histoires prodiyieuses, extraites de divers auteurs, in-8°, 1561. Aux quaranle histoires de Boistuau, Tesse- ranl en ajouta quinze. Belleforet, Hoyer et Ma- rionville les lirent reimprimer avec une nouvelle continuation , en 1575 , six vol. in-16. — 2" His- toires tragiques, extraites des oeuvres italiennes de Bandel, et mises en langue francaise, 1568 et annees suivantes, 7 vol. ln-16. II n'y a que les six premieres histoires du premier volume qui aient ete Iraduites par Boistuau; les autres sont de la traduction de Belleforet, qui lui etait bien inferieur. Bojani (Michel). On peut lire de lui une His- toire des songes\ publiee en 1587. Nous ne la connnissons que par le titre. Bolacre (Gilles), bonhornme qui habitait une maison d'un faubourg de Tours , ou il prelendit qu'il revenait des esprits qui I'empechaient de dormir. G'etait au seizieme siecle. II avait loue cette maison; et comme il s'y faisait un bruit et un tiiitamarre d'esprits invisibles, sabbats et lu- tins, qui ne lui laissaient aucun repos, il voulut 1 Michaelis Bojani Historia de somniis. In-S", Wittemberg, 1587. a toute force faire resilier son bail. La cause fut portee devant le siege presidial a Tours, qui cassa le bail. Le proprietaire en appela au parle- ment de Paris ; son avocat, maitre Rene Chopin, soutint que les visions d'esprits n'etaient autre chose que des contes de vieilles, epouvantails de petits enfants. Le parlement ne decida rien et renvoya la cause au tribunal de la Tournelle, qui par son arret maintint la resiliation du bail'. Bolegueans, ou poulpiquets. Ce sont en Bretagne des lutins du genre des Coboldes. Voyez quelques details sur un de ces bons petits lutins dans les Legendes des esprits et des de- mons. Bolfri. Voy. Bi':i!iTH. Bolingbroke. Voy. Glockster. Bolomaucie. C'est la Belomancii. Voy. ce mot. Bolotoo, ile imaginaire ou les naturels des lies de Tonga placent leur paradis. lis croient que les anies de leurs chefs y deviennent des di- vinites du second ordre. Les arbres de Bolotoo sont charges, disent-ils, des meilleurs fruits et toujours couverts des plus belles Hours, qui re- naissent touteslesfoisqu'on lescueille. Ce sejour divin est rempli d'animaux immortels, que Ton ne tue que pour la nourriture des dieux el des elus; mais aussitot qu'on en tue un, un autre le remplace. Bombast (Philippe). Voy. pARAciiLSii. Bona (Jean), savant et pieux cardinal, mort en 167/(. On recherche de lui un Traite da dis~ cernerncnt des esprits, in-12, publie en 1673 et traduit par I'abbe Leroy de Hautefontaine , 1676. Le chapilre xx de cet ouvrage traite avec beau- coup de lumieres de ce qu'il y a de plus diflicile dans la matiere des visions et des revelations particulieres ^ Bonasses. Voy. Gullets. Bonati(Gui), astrologue florentin du treizieme siecle. II vivait, dit-on, d'unemaniere originale, et possedait I'art de predire I'avenir. Les troupes de Pvonie, sous le pontilkat de Martin IV, assie- geaient Forli, ville de la Romagne, defendue par le comte de Montferrat. Bonati , qui s'y etait retire, voyant la ville prete a faire une sortie, annonga au comte qu'il serait blesse dans la melee. L'evenement justifia la prediction; et le comte de Montferrat, qui avait porte avec lui ce qu'il fallait pour panser sa blessure, fit depuis le plus grand cas de I'astrologie. Bonati, sur la fin de sa vie, reconnut pourtant la vanite de sa science, se fit franciscain , et mourut penitent en 1300. Ses ouvrages ont ete recueillis par Jacques Cau- terus, sous le litre de Liber astronomicus , m-k", rare. Augsbourg, l/i91. Bongomiles. Voy. Bogarmiles. 1 Leloyer, Discours des spectres, liv. VI, eh. xv. 2 Joannis cardinaiis Bona De discretione spiri- tuum. In-12, Paris, 1673. BON — 109 — BON Bonica, ile imaginaire de I'Amerique, ou Deotatus, medecin spagirique, place une fon- laine dont les eaux, plus delicieuses que le nieilleur vin, ont la verlu de rajeunir. Boniface VIII, pape, elu le 24 decembre 1294. On a conle que, n'etant encore que car- dinal , il fit percer une muraille qui avoisinait le liL du pape Celestin, et lui cria au moyen d'une sarbacane, qu'il eut a deposer la tiare s'il vou- lait etre sauve; que le bon pape -Celestin obeit a cette voix qu'il croyait venir du ciel , et ceda la place a Boniface. — Mais ce recit n'est qu'une imposture entierement supposee par les protes- lants, qui ont imagine cette calomnie comme tant d'autres. La verite est que le pape Celestin deposa la tiare pour s'occuper uniquement de son ame. Le cardinal Cajetan (depuis Boni- face VIII) n'y fut pour rien Bonne aventure. Les diseurs de bonne aven- ture et les inagiciens etaient devenus si nom- breux a Rome du temps des premiers empereurs, qu'ils y avaient une confrerie. Pour I'art de dire la bonne aventure, voy. Chiromancie, Cartoman- CIE, ASTROLOGIE, MeTOPOSCOPIE , HOROSCOPES, Cranologie, etles cent autres manieres. Bonnes. On appelle bonnes, dans certaines provinces, des fees bienveillantes , des especes de farfadets femelles sans malice , qui aiment les enfants et qui se plaisent a les bercer. On a sur elles peu de details; mais c'est d'elles, dit-on, que vient aux berceuses le nom de bonnes d'cn- fants. Habondia est leur reine. Bonnet (Jeanne), sorciere deBoissy en Forez, brulee le 15 Janvier 1583 pour s'etre vantee d'a- voir eu des liaisons abominables avec le diable. ' Voyez YHistoire du pape Boniface VIII, par M. I'abte Jorry. Bonnet pointu, ou esprit au bonnet. Voy. Hekdeckin. . Bonnevault (Pierre). Un sorcier poitevin du seizieme siecle, nomme Pierre Bonnevault, fut arrete parce qu'il allait au sabbat. II confessa que la premiere fois qu'il y-avait ete mene par ses parents il s'etait donne au diable , a qui il avait permis de prendre ses os apres sa mort; mais qu'il n'avait pas voulu donner son ame. Un jour, venant de Montmorillon, ou il avait achete deux charges d'avoine qu'il emportait sur deux juments, il entendit des gens d'armes sur le chemin ; craignant qu'ils ne lui p'rissent son avoine, il invoqua le diable, qui vint a lui comme un tourbillon de vent, et le transporta avec ses deux juments a son logis. II avoua aussi qu'il avait fait mourir diverses personnes avec ses poudres; enfin il fut condamne a mort. Voy. Tailletroux. C'etait sa femme. Bonnevault (Jean), frere de Pierre, fut aussi accuse de sorcellerie; et le jour du proces, de- vant I'assemblee, il invoqua le diable, qui I'enleva de terre a une hauteur d'environ quatre ou cinq pieds , et le laissa retomber sur le carreau , comme un sac de laine, sans aucun bruit, quoi- qu'ileut aux pieds des entraves. Etantreleve par deux archers, on lui trouva la peau de couleur bleue lirant sur le noir; il ecumait et souf- frait beaucoup. Interroge la-dessus, il repondit qu'ayant prie le diable de le tirer de peine, il n'avait pu I'enlever, attendu que, comme il avait prete serment a la justice , le diable n'avait plus pouvoir sur lui. Bonnevault (Mathurin), parent des deux pre- cedents, accuse comme eux de sorcellerie, fut visite par experts. On lui trouva sur I'epaule droite une marque de la figure d'une petite rose, dans laquelle on planta une longue epingle sans qu'il en ressentit aucune douleur, d'ou on le jugea bien sorcier. II confessa qu'ayant epouse en pre- mieres noces Berthomee de laBedouche, qui etait sorciere comme ses pere et mere, il I'avait vue faire secher au four des serpents et des crapauds pour des malefices; qu'elle le mena alors au sabbat, et qu'il y vit le diable, ayant des yeux noirs, ardents comme une chandelle. II dit que le sabbat se tenait quatre fois I'an : la veille de la Saint-Jean-Baptiste , la veille de Noel, le mardi-gras et la veille de Paques. On le con- vainquit d'avoir fait mourir sept personnes par malefices; se voyant condamne, il avoua qu'il etait sorcier depuis I'age de seize ans. — II y aurait de curieuses etudes a faire sur tons ces proces, si nombreux pendant les troubles san- glants de la reforme. Bonsovanis (Barthelemi de), brave homme du diocese de Trevise, dont un demon appele BelzeDut, quoique de rang inferieur dans son in- fernale hierarchic , parvint a s'emparer en le rendant jaloux de sa femme, qui etait pieuse et BON — 110 — BOR chaslc. II devinl si fiirieux qu'il falliit le lier, et ne pouvanl phis tuer les antres. il se fut lue lui- meme, si on ne I'eut delivre de son demon et de sa jalousie par I'exorcisme. Bonzes. Les bonzes cliinois fonL generalement profession de predire I'avenir et d'exorciser les demons; ils cherchent aussi la pierre philoso- pliaie. Lorsqii'un bonze promet de faire pleu- voir, si dans I'ospace de six jours il n'a pas tenu sa promesse, on lui donne la baslonnade. II existe des bonzes au Congo. On croit que leurs ames sont errantes autour des lieux qu'ils ont habites. Quand on voit un tourbillon balayer la plaine et faire lever la poussiere et le sable , les naturels s'ecrient que c'est I'esprit des bonzes. Bophomet. I'oij. Tete de Bophomet. Borak, juaient ou mule de Mahomet, qu'il a mise dans son paradis. Elle avait une belle tete de femme, et s'allongeait a chaque pas aussi loin que la meilleure vue peut s'etendre. Borax , sorte de pierre qui se Irouve , disent les doctes , dans la tete des crapauds ; on lui at- tribue divers effets merveilleux, comme celui d'endormir. II est rare qu'on la puisse recueillir, el il n'est pas sur qu'elle soit autre chose qu'un OS durci. Borborites. Voy. Genies. Bordelon (Laurent), ne a Bourges en 1653, murt en 1730; ecrivain mediocre, qui toutefois savait beaucoup de choses, et s'etait occupe de recherches sur les superstitions, les sciences oc- culles et les erreurs populaires. 11 est facheux qu'il ait ecrit si pesamment. On achele encore ses entretiens sur V Astrologie judiciaire, qui sont curieux. Le plus connu de ses ouvrages (et il a ele reimprime plusieurs fois) est intitule « His- toire des imaginallons exlravacjantes de vionsieur OiiJIe, causees par la lecture des livres qui trai- tent de la magie, du grimoire, des demoniaques, sorciers, loups-garoux, incubes, succubes, et du sabbat, des fees, ogres, esprits, follets, genies, fanLomes et autres revenants; des songes, de la pierre philosophale , de I'astrologie judiciaire, des horoscopes, talismans, jours heureux et malheureux, eclipses, cometes et almanachs; en fin de toutes les sortes d'apparitions, de divi- nations, de sortileges, d'enchantements et d'au- tres superstitieuses pratiques. » On voit par ce titre, que nous avons copie lout en tier, que I'auteur avait pris un cadre assez vasie. Dans ses deux volumes in-12, ornes de figures , il s'est trouve a I'etroit , et son tra- vail, qui se modele un peusurleZ)on Quichotte, n'est recherche que pour les notes , tres-nom- breuses, lesquelles valent mieux que le texte. Bordi ou Al-Bordi, montagne qui, selon les Persans, est I'oeuf de la terre ; ils disent qu'elle etait d'abord tres-petile, qu'elle grossit au com- meiicemennt, produisit le monde, et s'accrut tel- lement, qu'elle supporte aujourd'hui le soleil sur sa cime. lis la placent au milieu de noire globe, lis disent encore qu'au bas de cette montagne fourmillent quantite de dives ou mauvais genies, et qu'au-dessous est un pont ou les ames pas- sent pour aller dans I'autre monde, apres qu'elles ont rendu compte de ce qu'elles ont fait dans celui-ci. Borgia (Cesar). On lui attribue rhonneur d'a- voir eu un demon familier. Borri (Joseph-Francois), imposteur et alchi- miste du dix-septieme siecle, ne a Milan en 1627. II debuta par des actions qui I'obligerent a chercher un refuge dans une eglise jouissant- du droit d'asile. II parut depuis changer de con- duite; puis il se dit inspire du ciel, et pretendit que Dieu I'avait choisi pour reformer les hom- mes et pour retablir son regne ici-bas. II ne de- vait y avoir, disait-il, qu'une seule religion sou- mise au pape, a qui il fallait des armees, dont lui, Borri, serait le chef, pour exlerminer tous les non catholiques. Il inontrait une epee mira-' culeuse que saint Michel lui avait donnee ; il di- sait avoir vu dans le ciel une palme lumineuse qu'on lui reservait. 11 soutenait que la saints Vicrge etait de nature divine, congue par inspira- tion , egale a son lils et presente comme lui dans I'Eucharistie, que le Saint-Esprit s'etait incarn^ dans elle , que la seconde et la iroisieme per- sonne de la Trinile sont inferieures au Pere; que la chute de Lucifer entraina celle d'un grand nombre d'anges qui habitaient les regions de Pair. II disait que c'est par le ministere de ces anges rebelles que Dieu a cree le monde et BOR — Ill — BOR anime les brutes, mais que les hommes out une ame divine ; que Dieu nous a fails malgre lui, eLc. II finit par se dire lui-raeme le Saint-Esprit in- carne. II fut arrele apres la mort d'Innocent X , et le 3 Janvier 1661, condamne comme heretique et comme coupable de plusieurs raefaits. Mais il parvint a fuir dans le Nord, et il fit depenser beaucoup d'argent a la reine Christine, en lui promettant la pierre philosophale. II ne lui de- couvrit cependant pas ses secrets. II voulait pas- ser en Turquie , lorsqu'il fut arrete de nouveau dans un petit village comme conspirateur. Le nonce du pape le reclama , et il fut coriduit a Rome, oil il vecut en prison jusqu'au 10 aout I 1695, jour de sa mort. II est I'auteur d'un livre intitule la Clef du cabinet du chevalier Borri, oil I' on trouve diver- ges lettres s<:ientijiques , chi7?iiqucs et tres-curieu- ses , ainsi que des instructions politique!, autres chases dignes de curiosite, et beaucoup de beaux secrets. Geneve, 1681, petit in-12 Ce livre est un recueil de dix lettres , dont les deux pre- mieres roulent sur les esprits elemenlaires. L'abbe de Villars en a donne un abrege dans I'ouvragejntitule 2e Comte de Gabalis. Bortisme. Parmi les nouvelles religions qui s'etablissent a Geneve , la plus curieuse est celle deM. Bort, ministre du saint Evangile, qui s'est ouvert un temple et n'a pas d'autre autel qu'une table tournante. Les details que nous allons donner sont empruntes aux Annales catholiques de Geneve. La reunion des fideles qui ont admis ce culte est composee d'hommes , de femmes , et meme de toutes jeunes personnes, ranges autour d'un gueridon. La table est tenue par trois influents , dont M, Bort est le principal acteur. Autrefois, la table repondait en frappant a mesure qu'on lui nommait une lettre de I'alphabet; aujour- ' La Chiave del gahinetto del cavagliere G. F. Borri, col favor della quale si vedono varie letter e scienti- fice, chimice, e curiosissime , con varie instruzioni politiche, ed altre cose degne di curiosita e molti se- greti bellissimi. Cologne ((ieneve) , 1 681 . d'hui, il y a, au milieu de la table, un pivot surmonte d'une tige et d'un plus petit gueri- don, sur lequel se trouvent, a la circonference , les lettres de I'alphabet, puis du pied part une autre tige fixe, qui se replie de maniere a pre- senter sa pointe sur les lettres du petit gueri- don , et quand la table veut repondre, ce petit gueridon tourne de maniere que les lettres s'ar- retent sous la tige. Avec les lettres on fait des mots, avec les mots des phrases, et avec des phrases les revelations divines et mysterieuses. Quand il s'agit d'un oui ou d'un non , la table se penche ou frappe. II y a plusieurs secretaires stenographes ; il y a le secretaire qui redige le proces-verbal et un lecteur. Pour gagner du temps, lorsque la table commence un mot, une ou deux lettres suffisent a M. Bort pour le completer, sans at- tendre les interminabies tours du gueridon supe- rieur. Lorsque c'est I'ange Gabriel qui parle par la table , les auditeurS sont assis; mais lorsque c'est Jesus-Christ, tout le monde se leve dans I'attitude et le sentiment du respect. Quand c'est range Gabriel qui repond, il commence ordinai- rement par ces mots : « Au nom du Pere, du )) Fils et du Saint-Esprit. Amen. » Jesus-Christ s'ecrie : « Pais mes agneaux ! Au nom du Pere , )) du Fils et du Saint-Esprit. Amen. » Dans le livre des Revelations divines et nnjsterieuses , ar- range par M. Bort, il n'y aurait absolument rien de lui. « La preface elle-meme aurait ete dictee » par le Sauveur. » Puis a la preface de I'ange )) Gabriel, » puis « la declaration de I'ange Ga- » briel , a I'occasion de quelques propos lenus » par quelques personnes qui attribuaient a Satan, » deguise^ en ange de lumiere, ces dictees qui » etaient pour les auditeurs un sujet d'allegresse » et d'actions de graces... » Puis une oraison do- minicale dictee par le Sauveur, differente de celle des Evangiles ; puis les paroles de I'ange et du Sauveur, jour par jour; puis une preface, toujours c( dictee par le Sauveur, pour I'ouvrage » intitule Du repentir envers Dieu, traduit de )) I'anglais par Gustave Petit-Pierre, et lu a la )) table du Sauveur »; puis les paroles du Sau- veur a une maitresse de pension ; puis les his- toires du Millenium, ou de la vallee sauvage ; de Mon regne s'avance , ou la cabane du pauvre negre ; de la sanctification du Chretien par I'e- preuve, ou de deux petits agneaux; de I'heu- reuse famille, ou de la main paternelle de Jeho- vah. Puis les prieres , les actions de graces , les invocations, les supplications, receptions, odes, entretiens, psaumes, hymnes, magnificat, etc. Et tout cela absolument de Jesus-Christ, de I'ange Gabriel, de I'ange Luther, de I'ange Uriel, de I'archange Michel , de I'ange L. . . , de I'ange M..., de range David, elc. Le tout imprime a Lausanne, chez Pache, cite Drapiere, n° 3, BOR — 112 — BOU La preface diclee par le Sauveur fait Nolre- Seigneur Jesus-Christ Genevois et calviniste ren- force. Remarqiiez bien que c'est le Sauveur lui- meme qui a parle de Geneve comme suit : « Cette table n'est point a Bethleem. Tii ne la trouvcras ni sur le Golgotha ni sur le Calvaire ; non. CeLte table n'est point non plus a Jerusa- lem ; mais elle est a Geneve , dans la petite ville que me prepara mon serviteur Calvin; oui, c'est la fille de ce digne missionnaire qui regoit au- jourd'hui les honneurs des cieux. » Bethleem fut benie ; mais Dieu regarde Ge- neve. Le Sina'i treinbla sous le pied de Jehovah ; mais Geneve chante sous son regard d'aniour. Le Calvaire se fendit a Touie de la voix de Dieu ; mais Geneve s'epanouit comme une lleur a I'ap- pel de sa douce voix. La colere de Jehovah cou- vrit Jerusalem comme un deluge ; mais Geneve va se couvrir de la rosee de son souffle paternel. La foudre de Jehovah frappera la ville rebelle el maudite ; mais un bon pere sourit a Geneve. » Oui, Geneve! ville benie qui fus des ton en- fance couchee sur les bras de ton Dieu , appelle tes eaux et tes riantes campagnes pour benir le jour de TEternel ! » Un Dieu, jadis, fit la garde sur tes remparls, et tes enfants ecrivirent de leur sang sur tes murs : « La liberte et I'amour d'un Dieu et de leur pa trie ! » Geneve! releve-toi !... deboul!... monte sur les cadavres de tes ennemis... et pro- clame encore la liberte de ton Dieu ! Geneve, tu as encore des remparts... ne crains point! car ces remparts sont i'Eternel ton Dieu , I'Eternel des armees, le Dieu des combats, le maitre des batailles... ') Geneve, petite ville d'enire les villes, tu es grande devant le Seigneur, parce que tu as garde la foi pour servir de flambeau aux nations de la terre ! » Geneve, Geneve, 6 Geneve! Rome s'avance tenant a la main un joug de fer. Geneve, tu es libre , prends garde ! tu porteras la couronne de victoire, mais tes pieds ne seront jamais souilles par les fers ennemis. Ton epee se rougira, mais ton front restera pur comme le lis sous la rosee. " Enfants de Geneve, reslez dans vos murs pour defendre la mere qui vous cacha au jour du danger. Tes portes, Geneve, c'est le brasde I'Eter- nel, et sa voix est ton canon d'alarme. !) Ami lecteur, si tu as un cceur patriotique, tu me pardonneras ma petite digression ; mais je n'ai pu retenir le torrent qui bouillonnait dans mon ame. Aimes-tu tapatrie? Oh! si tu I'aimes, cours aux armes, car sa voix t'appelle, et tu pourrais un jour pleurer le sang qu'elle versa sous le feu ennemi. Oui, enfants libres d'un meme Dieu, prenez vos armes et courez a la frontiere ! Mais vos armes, 6 enfants de Geneve ! c'est la Bible de votre Roi. » Bos (Francoise). Le 30 janvier 1606, le juge de Gueille proceda centre une femme de mau- vaise vie que la clameur publique accusait d'a- voir un commerce abominable avec un demon incube. Elle etait mariee et se nommait Fran- Qoise Bos. De plus elle avail seduit plusieurs de ses voisines et les avail engagees a se souiller avec ce pretendu demon, qui avail I'audace de se dire capitaine du Saint-Esprit , mais qui, au temoignage desdites voisines, etait fort puant. Cette degoulante affaire se termina par la con- damnation de Frangoise Bos, qui fut brulee le Ik juillet 1606. — On presume, par Texamen des pieces, que le seducteur etait un miserable vagabond Bosc (Jean du), president de la cour des aides de Rouen, decapite comme rebelle en 1562. On a de lui un livre intitule Traiti de la vertu et des proprietes du nombre septenaire. Botanomancie , divination par le moyen des feuilles ou rameaux de verveine el de bruyere, sur lesquelles les anciens gravaient les noms et les demandes du consultant. On devinail encore de cette maniere : lors- qu'il y avail eu un grand vent pendant la nuit, on allait voir de bon matin la disposition des feuilles tombees, el des charlatans predisaient ou declaraient la-dessus ce que le peuple voulail savoir. Botis. I'oy. Otis. Botris ou Botride, plante dont les feuilles sont velues et decoupees, et les fleurs en petites grappes. Les gens a secrets lui attribuent des vertus surprenantes, et parliculierement celle de faire sorlir avec facilite les enfants morts du sein de leur mere. Boubenhore (Michel-Louis de), jeune Alle- mand de bonne famille qui, entraine par la pas- sion du jeu, se donna au demon dans un mo- ment oil il avail tout perdu, fut possede aussitot el pousse au criine. Les exorcismes le delivre- renl devant une foule immense de personnages considerables , el son histoire ne peut elre con- testee : on peut la lire dans les Legendes infer- nales. Bouc. C'est sous la forme d'un grand bouc noir aux yeux elincelants que le diable se fait adorer au sabbat; il prend frequemment cette figure dans ses entrevues avec les sorcieres, et le maitre des sabbats n'est pas autrement desi- gne dans beaucoup de procedures que sous le nom de bouc noir ou grand bouc. Le bouc el le manche a balai sont aussi la raonture ordinaire des sorcieres, qui partenl par la cheminee pour leurs assemblees nocturnes. Le bouc , chez les Egyptiens , represenlait le dieu Pan , et plusieurs demonographes disenl que Pan est le demon du sabbat. Chez les Grecs, on immolait le bouc a Bacchus; d'aulres demo- ' M. Garinet, Histoire de la magie en France. BOU 113 BOU nomanes pensent que le demon du sabbat est Bacchus. Enfin le bouc emissaire des Juifs (Aza- zel) hantait les forets et les lieux deserts consa- cres au demon : voila encore, dans certaines opinions, les motifs qui ont place le bouc au sab- bat. Voy. Sabbat. L'auteur des Admirables secrets d' Albert le Grand dit, au chapitre iii du livre II, que si on se frotte le visage de sang de bouc qui aura bouilli avec du verre et du vinaigre, on aura inconti- nent des visions horribles et epouvantables. On peut procurer la meme surprise a des Strangers qu'on voudra troubler. Les villageois disent que le diable se montre frequemment en forme de bouc a ceux qui le font venir avec le Grimoire. Ce fut sous la figure d'un grand bouc qu'il em- porta Guillaume le Roux, roi d'Angleterre. Voici une aventure de bouc qui peut tenir ici sa place. Un voyageur couche dans une cham- bre d'auberge avait pour voisinage, sans le sa- voir, une compagnie de chevres et de boucs, dont il n'etait separe que par une cloison de bois fort mince , ouverte en plusieurs endroits. II s'e- tait couche sans examiner son gite et dormait paisiblement lorsqu'il regut la visite d'un bouc son voisin : I'animal avait profite d'une ouver- tnre pour venir le voir. Le bruit de ses sabots eveilla Fetranger, qui le prit d'abord pour un voleur. Le bouc s'approcha du lit et mit ses deux pieds dessus. Le voyageur, balangant entre le choix d'une prompte retraite ou d'une atla- que vigoureuse, prit le parti de se saisir du vo- leur pretendu. Ses pieds, qui d'abord se presen- tent au bord du lit, commencent a I'intriguer; son effroi augmente, lorsqu'il touche une face pointue , une longue barbe , des cornes Per- suade que ce ne peut etre que le diable, il saute de son lit tout trouble. Le jour vint seul le ras- surer en lui faisant connaitre son pretendu de- mon. Voy. Grimoire. Boucher. Ambroise Pare raconte, dans son livre des Monstres , chapitre 28, qu'un valet nomme Boucher etant plonge dans des pensees impures , un demon ou spectre lui apparut sous la figure d'une femme. II suivit le tentateur; mais incontinent son ventre et ses cuisses s'en- flammerent, tout son corps s'embrasa, et il en mourut miserablement. Bouchey (Marguerite Ragum), femme d'un macon de la Sologne, vers la fin du seizieme siecle; elle monlrait une sorte de marionnette animee, que les gens experts decouvrirent etre un lutin. En juin 1603, le juge ordinaire de Ro- morantin,homme avise, se mit en devoir de pro- ceder centre cette femme. Elle confessa que maitre Jehan , cabaretier de Blois , a I'enseigne du Cygne, chez qui elle ^tait servante, lui avait fait gouverner trois mois cette marionnette ou mandragore, qu'elle lui donnait a manger avec frayeur d'abord , car elle etait fort mechante , que quand son maitre allait aux champs, il lui disait : — Je vous recommande ma bete, et que personne ne s'en approche que vous. Elle conta qu'une certaine fois Jehan etant alle en voyage , elle demeura trois jours sans donner a manger a la bete, si bien qu'a son retour elle le frappa vivement au visage Elle avait la forme d'une guenon; et on la cachait bien, car elle etait si hideuse, que personne ne I'osait re- garder. Sur ces depositions, le juge fit mettre la femme Bouchey a la question , et plus tard le parlement de Paris la condamna comme sor- ciere. II est assez probable que la marionnette etait simplement une vraie guenon. Bouddha , dieu des Hindous. Mais ce dieu n'e- tait d'abord qu'un homme, et c'est un parvenu. Bouillon du sabbat. Pierre Delancre assure , dans I' Incriduliti et mdcriance du sortilege plei- nement convaincue, traite dixieme, que les sor- cieres, au sabbat, font bouillir des enfants morts et de la chair de pendu , qu'elles y joignent des poudres ensorcelees, du millet noir, des gre- nouilles , qu'elles tirent de tout cela un bouillon qu'elles boivent en disant : « J'ai bu du tympa- non*, et me voila professe en sorcellerie. » On • Le tympanon dtait le chaudron. 8 BOU lU BOU ajoute qu'apres qu'elles ont bii ce bouillon , les sorcieres predisent I'avenir, volent dans les airs, et possedent le pouvoir de faire des sortileges. Boule de cristal. Plusieurs devins se sont servis d'une boule de cristal devant laquelle ils plagaient un enfant qui voyait dans cette boule ce que Ton desirait apprendre. Voi/. Encre. Boules de Maroc. II existe a Maroc une tour surmontee de trois boules d'or, si artistement fixees au monument, que I'nn a vainement IcnLe de les en detacher. Le peuple croit qu'un esprit garde ces boules et frappe de mort ceux qui essayent de les enleverV Boulle (Thomas), vicaire de Picard, sorcier comme lui, et implique dans raffaire de Made- leine Bavent et de la possession de Louviers. On le convainquit d'avoir none et denoue I'aiguil- lette, de s'etre mis sur des charbons ardents sans Boundschesch, se brfiler et d'avoir fait plusieurs abominations. II souffrit la question sans rien dire, parce qu'il * H. Paillet, Histoire de I'cmpire de Maroc, p. 69. avait le sort de taciturnite , comme I'observe Bois- roger. Cependant, quoiqu'il n'eut rien avoue, parce qu'il avait la marque des sorciers et qu'il BOU — 115 — BUO avait commis des actes infames en grand nombre, il fut, apres amende honorable, brule vif, a Rouen, sur le Vieux-Marche , le 22 aoul 1647 Voy. Lou- VIERS. Boullenc (Jacques) , astrologue a Bologne, na- lif du diocese de Dol en Bretagne. 11 lit plusieurs traites d'astrologie que nous ne connaissons pas; il predit les troubles de Paris sous Charles VI, ainsi que la prise de Tours par le Dauphin. II dressa aussi, dit-on, I'horoscope de Pothon de Sainlrailles, en quoi on assure qu'il rencontra jusLe^. Boulvese, professeur d'hebreu au college de Montaigu. 11 a ecrit I'histoire de la possession de Laon en 1556; c'est I'avenlure de Nicole Aubry. Boundschesch , ou Livre de t'elernile, Ires- revere des anciens Persans. C'est la qu'on voit qu'Orinusd est I'auteur du bien et du monde pur, Arimane I'auteur du mal et du monde impur. Un jour qu'Ormnsd I'avait vaincu, Arimane, pour se venger, tua un breuf qu'Ormusd avait cree : du sang de ce boeuf naquit le premier homme, sur lequel Ormusd repandit la force eL la fraicheur d'un adolescent de quinze ans, en jetant sur lui une gouLLe iX'eau de sanU et u'ne goulte A'enu de vie. Ce premier homme s'appela Kaid-Mords ; il vecut mille ans et en regna cinq cent soixante. II produisit un arbre, des fruits duquel naquit le genre humain. Arimane, ou le diable, sous la figure d'un serpent, seduisit le premier couple et le corrompit ; les premiers hommes dechus se couvrirent alors de vetements noirs et attendirent tristement la resurrection ; car.ils avaient intro- duit le peche dans le monde. On voit la une tra- dition alteree de la Genese. Bounsio, Japonaise que favorisaient les Ka- mis, esprils familiers du Japon. Elle desirait avoir des eiifants. Par I'aide de ces esprits, elle pon- dit cinq cents oeufs, d'ou sortirent cinq cents enfants eclos au four. Bourget ou Burgot, sorcier compromis avec Michel Verdung. Voy. Verdung. Bourignon (Antoinette), visionnaire, nee a Lille en 1616, morle en 1680 dans la Frise. Elle etait si laide, qu'a sa naissance on hesita si on ne I'etoufferait pas comme un monstre. Elle se consola de I'aversion qu'elle inspirait par la lec- ture mal digeree de livres qui enllammerent son imagination vive et ardente. Elle eut des visions et des extases. Elle se mit a precher, se fit chasser de Lille, et se retira en Hollande. Elle voyait partout des demons et des magiciens ; et * M. Jules Garinet, Hist, de la magic en France, p. 246. 2 Extrait d'un manuscrit de la bibliotheque du roi, rapporte a la fin des Remarques de Joly sur Bayle. ses nombreux ouvrages, qui furent tous imprimes sous ses ycux, en francais, en flamand et en alle- mand, combattent tout culte exlerieur et toute liturgie, en faveur d'une perfection mystique qui ne vient pas de Dieu. Les plus celebres de ces ecrits sont le traite du Nouveau del et du regnc de I'Antechrist, et son livre I)e I'aveugkment des hommes et de la lumierc nde en tenebres. Bourreau. Le maitre des hautes oeuvres avait jadis diverses prerogatives. On lui attribuait meme, dans plusieurs provinces, le privilege de guerircertaines malaplies, en les touchant de la 8. BOU 116 BOV main lorsqu'il revenait d'une execution de mort'. On disait autrefois a Paris qu'il etait dangereux de se joLier avec le bourreau , peut-etre a cause de ce fait : Un soir du dernier siecle, le marquis de Lally, revenant d'un petit souper, s'avisa de vouloir s'introduire, avec deux de ses amis, dans Bouiiyiion. — Ellc sc mil a pioclif une maison ou Ton dansait. C'etait la maison du bourreau; et le bourreau, lui-meme, leur ouvrit la porte en se faisant connaiLre. Vingt ans apres, le marquis de Lally mourait de la main de ce bourreau. Bourru. Les Parisiens faisaient autrefois beau- coup de contes sur un fanlome imaginaire qu'ils appelaient le moine bourru. lis en effrayaient les enfants. Croque-mitaine lui a succdde. Boury, agent de sorcelterie. Voij. Flaqur. Boarrean. Bousanthropie, maladie d'esprit qui frappait certains visionnaires , et leur persuadait qu'ils etaient changes en boeufs. Mais les bousanthropes sont bien moins communs que les loups-garous ou lycanthropes dans les annales des egarements de I'esprit humain. Bouton de bachelier. Les jeunes pay.sans an- glais pretendaient autrefois savoir d'avance quels ' Thiers, Traite des super slitions , t. I, p. 443. seraient leurs succes aupres des jeunes lilies qu'ils voulaient rechercher en mariage , en portant dans leur poche une plante nommee bouton de bacbe- lier, de I'espece des lychnis , et dont la fleur res- semble a un bouton d'habit. lis jugeaient s'il fal- lait esperer ou desesperer, selon que ces boutons s'epanouissaient ou non Boville ou Bovelles , 'Bovillus (Charles de) , * Smith, Notes aux joyeuses commeres de Shaks- peare, acte IIL BOX 117 BRA Picard, mortvers 1553. II veut etablir, dans son livre De sensu, cette opinion que le monde est on animal, opinion d'ailleurs ancienne, renoa- velee plusieurs fois depuis el assez recemment par Felix Nogaret'. On cite encore de Bovillus ses Leltres'^, sa Vie de Raymond Lulle , son TraiU des douze nomhres et ses Trois dialogues sur I'im- mortalile de I'dme, la resurrection et la fin du monde Boxhorn (Marc Zuerius), critique hollandais, ne a Berg-op-Zoom en 1612. On recherche de hii un Traili des soncjes, qui passe pour un ou- vrage rare et curieux ''. Braccesco (Jean) , alchimiste de Brescia , qui florissait au seizieme siecle. II commenta I'ou- vrage arabe de Geber, dans un fatras aussi obs- cur que le livre commente. Le plus curieux de ses traites est Le hois de vie, oil I' on apprend la mddecine au moyen de laquelle nos premiers peres ont vScu nenf cents ans ^ Brag, lutin nocturne qui s'annonce chez les Anglais par un bruit de grelots si fort qu'on peut le prendre pour un cheval de poste. On ne le volt pas d'abord, mais son plaisir est de poser ses deux pattes de devant sur les epaules du pas- sager qu'il veut intriguer. Apres s'etre fait trai- ner ainsi quelques pas , il s'enfuit en poussant un joyeux hennissetnent. II a eu I'audace de se mon- trer en 1809 dans la ville d'York. Bragadini (Marc-Antoine) , alchimiste, origi- naire de Venise , decapite dans la Baviere , en 1595, parce qu'il se vantait de faire de I'or, qu'il ne tenait que des liberalites d'un demon, comme disent les recits du temps. Son supplice eut lieu a Munich , par I'ordre da due Guillaume II. On arreta aussi deux chiens noirsqui accompagnaient partout Bragadini , et que Ton reconnut etre ses demons familiers. On leur fit leur proces; ils furent tues en place publique a coups d'arque- buse, * Dans un petit volume intitule La terre est un animal. 2 Epistolce complures super mathematicum opus quadripartitum , recueillies avec les traites De duo- dccim numeris, De numeris perfectis, etc., a. la suite du Liher de intellectu, de sensu, etc. In-fol., rare. Paris, H. Estienne, 1510. Vita Raijmundi eremitce, a la suite du Commen- tarius in primordiale Evangelium Joannis. In -4°. Paris, 1514. — Dialogi tres deanimce immortalitale , de resurrectione , de mundi excidio et illius instau- ratione, In-8°. Lyon, Gryphius, 1552. * Marci Zuerii Boxhornii Oratio de somniis. Liig- duni Batav., 1639, vol. in-40. ^ Legno della vita, nel quale si dichiara la medi- cina per la quale i nostri primi padri vivevano nave cento anni. Rome, 1542 , in-S". — La esposizione di Geber filosofo, nella quale si dichiarano molti nobi- lissimi secreti della nalura. In-S". Venise, 1544. — Ces deux ouvrages, traduits en latin, se trouvent dans le recueil de Gratarole, Vera alchemice doctrina, et dans le tome P'' de la bibliotheque chimique de Mang'et; ils sont aussi publics separ^ment sous le litre : De alchemia dialogi duo. In-4°. Lugd., 1548. Brahma, dieu createur des Indians. lis lui re- connaissent neuf fils, qui sont autant de petits Brahmas : Takin , ne de I'orteil du dieu ; Poulaguin , de son nombril ; Poulatien , de son oreille ; Pir- rougou, de son epaule; Meradou, de ses mains; Chanabadi, de son visage; Anguira, de son nez; Narissen, de son esprit, et Atri, de ses yeux. Brahmanes, Brahmes et Brahmines, sectateurs de Brahma dans I'lnde, lis croient que I'ame de Bi'ahma passa successivement dans quatre-vingt mills corps differents, et s'arreta un peu dans celui d'un elephant blanc avec plus de complai- sance ; aussi reverent-ils I'elephanl blanc. lis sont la premiere des quatre castes du peuple qui adore Brahma. Ces philosophes, dont on a cont6 tant de choses, vivaient autrefois en partie dans les bois, ou ils consultaient les astres et faisaient de la divination, et en partie dans les villes pour enseigner la morale aux princes in- diens. Quand on allait les ecouter, dit Strabon, on devait le faire dans le plus grand silence. Celui qui toussait ou crachait etait exclu. Les Brahmanes croient a la metempsycose , ne mangent que des fruits ou du lait, et ne peuvent toucher un animal sans se rendre immondes. lis disent que les betes sont animees par les ames des anges dechus , systeme dont le pere Bougeant a tire un parti ingenieux. 11 y avail dans les environs de Goa une secte de brahmanes qui croyaient qu'il ne fallait pas attendre la mort pour aller dans le ciel. Lors- qu'ils se sentaient bien vieux, ils ordonnaient a leurs disciples de les enfermer dans un coffre et d'exposer le coffre sur un fleuve voisin qui de- vail les conduire en paradis. Mais le diable etait la qui les guettait; aussitot qu'il les voyait embarques, il rompail le coffre, empoignait son homme ; et les habitants du pays, retrouvant la boit'e vide , s'ecriaient que le vieux brahmane etait alle aupres de Brahma. Ce Brahma , chef des brahmanes ou brahmes , ou brahmines, est, comme on sail, I'une des trois personnes de la Irinite indienne. II resta plusieurs siecles, avant de naitre, a refiechir dans un oeuf d'or, de la coquille duquel il fit le ciel et la lerre. II avail cinq tetes ; il en perdit une dans une ba- taille, et se mit ensuite a produire quatorze mondes, I'un de son cerveau, I'autre de ses yeux, le troisieme de sa bouche , le quatrieme de son oreille gauche, le cinquieme de son palais, le sixieme de son coeur, le septieme de son esto- mac, le huitieme de son ventre, le neuvieme de sa cuisse gauche, le dixieme de ses genoux, le onzieme de son talon , le douzieme de I'orteil de son pied droit , le treizieme de la plante de son pied gauche et le dernier de Fair qui I'envi- ronnait. Les habitants de chacun de ces mondes ont des qualites qui les dislinguent, analogues a leur origine ; ceux du monde sorti du cerveau d(; Brahma sont sages el savants. BRA — 118 — BRI Les brahmines sont falalistes; ils disent qii'a la naissance de cliaque elre mortel, Bralima ecrit tout son horoscope qu'aucun pouvoir n'a plus le raoyen de changer. Les brahmines, toujours astrologues et magi- cicns, jouissent encore a present du privilege de ne pouvoir etre mis a mort pour quelque crime que ce soil. Un Indien qui aurait le malheur de luer un brahmine ne peut expier ce crime que par douze pnnees de pelerinage, en demandant I'aumone et faisant ses repas dans le crane de sa victime. Braliinaiie. Les brahmanes de Siani croieat que la terre perira par le feu , et que de sa cendre il en renaitra une autre qui jouira d'ua printemps per- petuel. Le juge Boguot, qui futdans son temps !e fleau des sorciers , regarde les brahmanes comme d'in- signes magiciens, qui faisaient le beau temps et la pluie en ouvrant ou fermant deux tonneaux qu'ils avaient en leur puissance. Leloyer assure, page 337, que les brahmanes, ou brahmines, vendent toujours les vents par le moyea du dia- ble; et il cite un pilote venitien qui leur en acheta au seizieme siecle. Brandebourg. On assure encore , dans les vil- lages de la Pomeranie et de la Marche electorale, que toutes les fois qu'il doit mourir quelqu'un de la maison de Brandebourg, un esprit apparait dans les airs, sous I'apparence d'uae grande sta- tue de marbre blanc. Mais c'est une femme ani- mec. Elle parcourt les appartements du chateau habitd par la personne qui doit mourir, sans qu'on ose arreter sa marche. II y a longtemps que celte apparition n'a lieu; et Ton conte qu'un page ayant eu I'audace un jour de se placer de- vant la grande femme blanclie , elle le jeta a terre aVec tant de violence qu'il resta mort sur la place. Bras de fer, berger sorcier. Voy. Hocque. Brebis. Voy. Troupeaux. Brennus, general gaulois. Apres qu'il se fut empare de Delphes, et qu'il eut profane le temple d'ApoUon, il survint un tremblement de terre, accompagne de foudres et d'eclairs et d'une pluie de pierres qui tombait du mont Parnasse ; ce qui mit ses gens en tel desarroi qu'ils se lais- serent vaincre; Brennus, deja blesse, se donna la mort. Brilfaut, demon peu connu, quoique chef de BRI — 119 — BRO legion. II s'etait loge dans le corps d'une posse- dee de Beauvais, au commencement da dix-sep- tieme siecle. Brigitte (sainte). II y a dans les Revelations de sainte Brigitte de terribles peintures de I'en- fer. Les ennemis de la religion ont Lrouve dans ces ecrits un theme a leurs declamations. Mais ce ne sont pas la des livres canoniques ; I'Eglise n'ordonne pas de les croire , et ils ne s'adressent pas a toute sorte de lecteiirs. Brinvilliers (Marie-Marguerite, marquise de), femme qui, de 1666 a 1672, empoisonna, ou du moins fut accusee d'avoir empoisonne, sans mo- tifs de haine, quelquefois meme sans inLeret, parents, amis, domesliques; elle allait jusque dans les hopitaux donner du poison aux malades. II faut attribuer tous ces crimes a une horrible demence ou a cette depravation atroce dont on ne voyait autrefois d'autre explication que la pos- session du diable. Aussi a-t-on dit qu'elle s'etaiL vendue a'Satan. Des I'age de sept ans, la Brinvilliers com- menca, dit-on, sa carriere criminelle, et il a ete permis a des esprits serieux de redouter en elle un affreux demon possesseur. Elle fut brulee en 1676. Les empoisonnements continuerent aprtJs sa mort. Voy. Voism. Dans V Almanack projyhetic/ue de 1842, M. Eu- gene Bareste a tente de jusliiier la marquise de Brinvilliers. Mais il n'est pas possible qu'on Fail noircie. — Gorres, dans sa Mystique, reconnait dans fes crimes de cette femme I'influence sata- nique, comme oh a pu la voir de nos jours dans un monstre appele Dumollard. Brioche (Jean), arracheur de dents qui, vers I'an 1650, se rendit fameux par son talent dans I'art de faire jouer les marionnettes. Apres avoir amuse Paris et les provinces, il passa en Suisse et s'arreta a Soleure , ou il donna une represen- tation en presence d'une assemblee nombreuse, qui ne se doutait pas de ce qu'elle allait voir, car les Suisses ne connaissaient pas les marionnettes. A peine eurent-ils apergu Pantalon, le diable, le medecin, Polichinelle et leurs bizarres compa- gnons, qu'ils ouvrirent des yeux effrayes. De memoire d'homme , on n'avait entendu parler dans le pays d'etres aussi petits , aussi agiles et aussi babillards que ceux-la. lis s'i\naginerent que ces petits hommes qui parlaient, dansaient, se battaient et se disputaient si bien ne pou- vaient etre qu'une troupe de lutins aux ordres de Brioche. Cette idee se confirmant par les confidences que les spectateurs se faisaient entre eux, quel- ques-uns coururent chez le juge, et lui denon- cerent le magicien. Le juge, epouvante, ordonna a ses archers d'arreter le sorcier, et I'obligea a comparaitre devant lui. On garrotta Brioche, on I'amena de- vant le magistrat, qui voulut voir les pieces du proces ; on apporta le theatre et les demons de bois, auxquels on ne touchait qu'en fremissant; et Brioche fut condamne a etre brule avec son at- tirail. Cette sentence allait etre executee , lorsque survint un nomme Dumont, capitaine des gardes suisses au service du roi de France : curieux de voir le magicien frangais, il reconnut le malheu- reux Brioche qui I'avait tant fait rire a Paris. II se rendit en toute hate chez le juge : apres avoir fait suspendre d'un jour I'arret, il lui expliqua I'affaire, lui fit comprendre le mecanisme des marionnettes, et obtint I'ordre de mettre Brioche en liberie. Ce dernier revint a Paris, se promet- tant bien de ne plus songer a faire rire les Suisses dans leur pays*. Brizomantie, divination par I'inspiration de Brizo, deesse du sommeil ; c'etait I'art de devi- ner les choses futures ou cachees par les songes naturels. Broceliande, foret enchantee des romans de chevalerie. Brognoli, savant religieux italien de I'ordre des freres mineurs, a exorcise et delivre plu- sieurs energumenes et laisse un livre curieux, intitule Alexicacon, hoc est de malcjiciis ac mo- ribus maleficis cognosccndis. Venise, 1714. Brohon (Jean), medecin de Cuutances, au seizieme siecle. Des amateurs recherchent de lui : 1° Description d'une prodigieuse et merveilleuse comete, avec un traite presagique des cometes; in-8°, Paris, 1568. — • 2° Almanack, ou Journal astrologique , avec les jugements pronostiques pour Pan 1572; Rouen, 1571, in-12. Brolic (Corneille) , jeune gargon du pays de Labourd, que Pierre Delancre interrogea co.nme sorcier au commencement du dix-septieme siecle. II avoua qu'il fut violente pour baiser le derriere du diable. « Je ne sais s'il dit cela par modestie, ajoute Delancre ; car c'est un fort civil enfant. Mais il ajoula qu'il soutint au diable qu'il aime- rait mieux mourir que lui baiser le derriere, si bien qu'il ne le baisa qu'au visage ; etil eut beau- 1 Lettres de Saint- Andre sur la magie, Demoniana, Diclionnaire d'anecdotes suisses. BRO — 120 — BRO coup de peine a se tirer du sabbat , dont il n'ap- prouvait pas les abominations'. » Bronzet, lutin qui frequentait I'abbaye de Monlmajor, pres d' Aries. Voy. Puck, Brossier (Marthe), lille d'un tisserand de Ro- moranlin, qui se dit possedee et convulsionnaire en 1569, a I'age de vingt-deux ans. Elle se fit exorciser; les effets de la possession devinrent de plus en plus merveilleux, Elle parcourait les villes, et le diable, par sa bouche, parlait he- breu, grec, latin, anglais, etc. On disait aussi qu'elle decouvrait les secrets; on assure que dans ses cabrioles elle s'elevait quelquefois a quatre pieds de terre. L'official d'Orleans, qui se defiait d'elle, lui dit qu'il allait I'exorciser, et conjugua, dans Des- pautere, les verbes nexo et texo. Le demon aus- sitot la renversa a terre, oii elle fit ses contor- sions. Charles Miron, eveque d' Angers, devant qui elle fut conduite, la fit garder dans une raai- son de confiance. On mit a son insu de I'eau be- nite dans sa boisson , qui n'opera pas plus d'ef- fet que I'eau ordinaire ; on lui en presenta dans un benitier, qu'elle crut benite, et abssitot elle tomba par terre , se debattit et fit les grimaces accoutumees. L'eveque , un Virgile a la main , feignit de vouloir I'exorciser, et prononca d'un ton grave : Arma virumque cano. Les convul- sions de Marthe ne manquerent pas de redou- bler. Certain alors de I'imposture, Charles Miron chassa la pretendue possedee de son diocese, comme on I'avait chassee d'Orleans. A Paris, les medecins furent d'abord partages sur son etat; mais bientot ils prononcerent qu'il y avait beaucoup de fraude, pen de maladie, et que le diable n'y etait pour rien : Nihil a dee- mone, mtdta ficta, a morho pauca. Le parlement prit connaissance de I'affaire, et condamna Mar- the a s'en retourner a Romorantin, chez ses pa- rents, avec defense d'en sortir, sous peine de punition corporelle. Cependant elle se fit conduire quelque temps apres devant l'eveque de Clermont qu'elle espe- rait tromper ; mais un arret du parlement la mit en fuite. Elle se refugia a Rome, oii elle fut en- fermee dans une communaute ; la finit sa posses- sion. On pent voir sur cette affaire les lettres du cardinal d'Ossat et une brochure intitulee Dis- cours veritable sur le fait de Marthe Brossier, par le medecin Marescot, qui assista aux exorcisnies (in-8°, Paris, 1599). Brothers (Richard), enthousiaste anglais qui, au dix-seplieme siecle, se disait prophete et ne- veu de Dieu, a peu pres comme David-Georges. II enseignait que loules les ames avaient ete creees en meme temps que celle d'Adam, et avaient peche avec lui dans le paradis terrestre. II croyait a la metempsycose , et disait que son • Tableau de linconsiance des mauvais anges, etc., p. 75. ame etait celle de saint Jacques le Mineur. II se proposait d'aller retablir le royaume d'Israel, et il s'adressa dans ce but au roi et au parlemenL 11 avait beaucoup de disciples, a qui il promettait an miracle eclatant. II devait changer son baton en serpent, au milieu du Strand , a I'heure de midi ; ce qui echoua. II annonqait aussi un trem- blement de terre; a propos de celte prophetie, beaucoup de personnes deserterent Londres. Mais le tremblement de terre n'eut pas lieu, et le prophete fut mis en prison. Nous n'en savons pas plus sur le compte de cet homme, Broucolaques. Voy. Vampires. Brouette de la Mort. G'est une opinion ge- neralement regue parmi les paysans de la basse Rretagne que, quand quelqu'un est destine a rendre bientot le dernier soupir, la brouette de la Mort passe dans le voisinage. Elle est cou- verle d'un drap blanc, et des spectres'la condui- sent; le moribond entend meme le bruit de sa roue'. Dans certains cantons, cette brouette est le char de la Mort, carrick an Nanhou, et le cri de la fresaie annonce son passage ^ Brown (Thomas), medecin anglais, mort en 1682. II combattit les erreurs dans un savant ouvrage ' que I'abbe Souchay a traduit en fran- cais sous le titre d'Essai sur les erreurs popu- laires, ou examen de plusieurs opinions reques comme vraies et qui sont fausses ou douteuses. 2 vol. in-12. Paris, 1733 et 17^2. Ce livre, utile quand il parut. Test encore aujourd'hui, quoique beaucoup de ses erreurs soient dissipees. Les connaissances du docteur Brown sont vastes, ses jugements souvent justes; quelquefois ce- pendant il remplace une erreur par une autre. L'Essat sur les erreurs populaires est divise en sept livres. On recherche dans le premier la source des erreurs accreditees; elles doivent naissance a la faiblesse de I'esprit humain, a la curiosile, a I'amour de I'homme pour le merveil- leux, aux fausses idees, aux jugements preci- pites. Dans le second livre on examine les erreurs qui attribuent certaines vertus merveilleuses aux mineraux et aux plantes : telles sont les qualites surnaturelles qu'on donne a I'aimant et le privi- lege de la rose de Jericho qui, dans I'opinion des bonnes gens, fleurit tous les ans la veille de Noel. Le troisieme livre est consacre aux animaux , et combat les merveilles qu'on debite sur leur compte et les proprietes que des charlatans don- nent a quelques-unes de leurs parties ou de leurs secretions. Le quatrieme livre traite des erreurs relatives a rhomme. L'auteur detruit la vertu cordiale ' Voyage de M. Cambry dans le Finistere , t. L 2 M. Keratry, Le dernier des Beaumanoir, ch. xxvi. 3 Pseudodoxia epidemica or enquiries the vulgar errors, etc. In-fol. Londres, 1646. BRO 121 BRU accordee au doigt annulaire , le conte populaire qui fait remonter I'origine des eternuments a une epidemie dans laquelle on mourait en eter- nuant , la puanteur speciale des Juifs , les pyg- mees, les annees climateriques. Le cinquieme livre est consacre aux erreurs qui nous sont venues par la faule des peintres ; comme le nombril de nos premiers parents, le sacrifice d'Abraham, oh son fils Isaac est repre- sents enfant, tandis qu'il avait quarante ans. L'auteur discute dans le livre sixieme les opinions erronees ou hasardees qui ont rapport a la cosmographie et a I'histoire. II combat les jours heureux ou malheureux, les idees vulgaires sur la couleur des negres. Le septieme livre enfin est consacre a I'examen de certaines traditions regues, sur la mer Morte, la tour de Babel , les rois de I'Epiphanie, etc, Le savant ne se montre pas credule ; cepen- dant il croyait , comme tout chretien , aux sor- ciers et aux demons. Le docteur Hutchinson cite de lui un fait a ce sujet dans son Essai sur la sorcellerie. Eri 1664, deux personnes accusees de sorcellerie allaient etre jugees a Norwich; le grand jury consul ta Brown, dont on reverait I'opinion et le savoir. Brown signa une attesta- tion dont on a conserve I'original , dans laquelle il reconnait I'existence de sorciers et I'influence du diable ; il y cite meme des faits analogues a ceux qui faisaient poursuivre les deux accuses, et qu'il presente comm^ incontestables. Ce fut cette opinion qui determina la condamnation des prevenus. Brownie, lutin ecossais. Le roi Jacques re- gardait Brownie comme un agent de Satan; Kirck en fait un bon genie. Aux iles d'Arkney, on repand encore des libations de lait dans la cavite d'une pierre appelee la pierre de Brow- nie, pour s'assurer sa protection. Le peuple de ces iles croit Brownie doux et pacilique ; mais si on I'offense, il ne reparait plus. Dans quelques chateaux de I'Ecosse, on croit avoir un Brownie, qui est un demon familier. Brudemort, demon noir qui est dans la Nor- mandie I'epouvante des campagnes. II est servi par ses dix mille huarts, qui sont des lutins te- nebreux , hurlant la nuit et mettant leur joie a faire peur aux bonnes gens. Bruhesen (Pierre Van) , docteur et astrologue de la Canipine, mort a Bruges en 1571. II publia dans cette ville, en 1550, son Grand et perpe tuel almanack , ou il indique scrupuleusement , d'apres les principes de I'astrologie judiciaire, les jours propres a purger, baigner, raser, sai gner, couper les cheveux et appliquer les ven- touses. Ce modele de I'almanach de Liege fit d'autant plus de rumeur a Bruges, que le ma- gistral, qui donnait dans I'astrologie, fit tres- expresses defenses a quiconque exergait dans sa ville le metier de barberie de rien entreprendre sur le menton de ses concitoyens pendant les jours nefastes. Frangois Rapaert, medecin de Bruges , publia contre Bruhesen le Grand et perpetuel almanack, on jliau des empiriqucs et des charlatans^. Mais Pierre Haschaert, chirurgien partisan de I'astro- logie, defendit Bruhesen dans son Bouclier astro- logique contre le fleau des astrologues de Frangois Rapaert % et depuis on a fait des almanachs sur le modele de Bruhesen , et ils n'ont pas cesse d'avoir un debit immense. Brulefer. C'est le noin que donnent les VM- tables clavicules de Salomon a un demon ou esprit qu'on invoque quand on veut se faire aimer. Brunehaut, reine d'Austrasie. Elle contracta avec Satan un marche en teneur duquel il devait lui faire en une nuit une route sur Tournay. Elle devait etre flnie avant le chant du coq. Mais Bru- nehaut fit chanter son coq au moment ou le dia- ble apportait la derniere pierre ; ce qui rompait le marche. Cette pierre enorme est encore visi- tee et s'appelle la pierre de Brunehaut ^ Bruno (Giordano), ne a Nole dans le royaume de Naples, au milieu du seizieme siecle. II quitta I'habit monastique pour se Jeter dans la philoso- phie hostile, et publifi a Londres, en 158/i, son livre de Y Expulsion de la bete triompkante Ce livre fut supprime. C'etait une critique, stupide dans le fond, maligne dans les details, de toutes les religions, et specialement de la religion chre- tienne. Ayant voulu revoir sa patrie, il fut arrete a Ve- nise en 1598, transfere a Rome, condamne et brule le 17 fevrierde I'an 1600, moins pour ses impie- tes flagrantes que pour ses doctrines effroyables et ses raauvaises moeurs. II avait consume beau- coup de temps a I'etude des reveries hermeti- ques; il a meme laisse des ecrits sur I'alchimie et d'autres ouvrages dont quelques-uns ont par- tage son bucher ^ Si on s'etonne de cette ri- gueur, il faut songer que les crimes qu'on pour- suivait ainsi et qui troublaient la societe, la corrompaient et hataient sa dissolution , inspi- raient plus d'horreur alors que n'en inspire au- jourd'hui chez nous I'assassinat, Brunon. « L'empereur Henri III allait en ba- teau sur le Danube, en son duche de Baviere, • 1 Magnum et perpetuum almanack, sen empirico- rum et medicastrorum flagellum. In-lS, 1551. 2 Clypeus astrologicus contra flagellum astrologo- rum Francisci Rapardi. In-1 2 , 1 551 . 3 Voyez cette tradition dans \esLegendes infernales. * Spaccio de la beslia triomphanle, proposfo da Giove, effetuato dal conseglo, revelato da Mercurio, recitato da Sofia, udito da Saulino, registrato dal Nolano, diviso in tre dialogi, suhdivhi in ire parti. In Parigi. Londres, -1584, in-8». ^ De compendiosa architectura et complemento artis Lullii, etc. In-1 6. Paris, 1582, etc. 6 Particuiierement La cena de le ceneri, descrita in cinque dialogi , etc. In-S". Londres, 1581. BRU — 1 22 — BUG accompagne de Brunon, 6veque de Wiirtzboiirg, et de qiielques aiilres seigneurs. Comme il pas- sait pres du chateau de Grein , il se trouva en peril imminent de se noyer, liii et les siens, dans un lieu dangereux ; cependant il se lira heiireusement de ce peril. Mais incontinent on apergut au haut d'un rocher un homme noir qui appela Brunon , lui disant : — fiveque , sache que je suis un diable, et qu'en quelque lieu que tu sois, tu es a moi. Je ne puis aujourd'luii te mal faire ; niais tu verras avant peu. » Brunon , qui elait homme de bien , fit le signe de la croix, et apres qu'il eut conjure le diable, on ne sut ce qu'il devint. Mais bientot, comme I'empereur dinait a Ebersberg. avec sa compagnie, les poutres et le plafond d'une cham- hre basse ou ils etaient s'ecroulerent ; I'empe- reur tomba dans une cuve ou il ne se fit point de mal , et Brunon eut en sa chute tout le corps tenement brise qu'il en mourut. — De ce Brunon ou Bruno nous avons quelques commenlaires sur les Psaumes'. » — 11 n'y a qu'un petit malheur dans ce conte rapporte par le Leloyer, c'est que tout en est faux. Urun Brur, nom donne dans le Dauphine a cer- laines femmes qui sont, en quelque sorte, pos- sedees. Voy. Kurgon. Brutus. Plutarque rapporte que, peu de temps avant la bataille de Philippes, Brutus, elant seul et reveur dans sa lente, apergut un fantome d'une taille demesuree, qui se presenta devant lui en silence, mais avec un regard mcnacant. Brutus lui demanda s'il etait dieu ou homme, et ce qu'il voulait. Le spectre lui repondit : — Je suis Ion mauvais genie, et je t'attends aux champs de Philippes. « Eh bien! nous nous y verrons ! » repliqua Brutus. Le fantome disparut ; ihaut. mais on dit qu'il se montra derechef au meur- trier de Cesar, la nuit qui preceda la bataille de Philippes, oil Brutus se lua de sa main. Bucaille (Marie), jeune Normande de Va- lognes, qui, au dernier siecle, voulut se faire passer pour beate. Mais bientot ses visions et ses exlases devinrent suspectes; elle s'etait dile quelquefois assiegee par les demons; elle se fai- sait accompagner d'unpretendu moine, qui dis- parut des qu'on voulut examiner les fails ; elle se proclama possedee. Pour s'assurer de la ve- ' Leloyer, Discours et histoire des spectres, liv. Ill , ch. XVI. BUG — 12 BUG rite des prodiges qu'elle operait, on la fit en- fermer au secret. On reconniit que les visions de Marie Bucaille n'etaient que fourberies; qu'elle n'elail certainement pas en commerce avec les anges. Elle fut fouellee et marquee, et tout fut fini Bucer (Martin), grand partisan de Luther, mort a Cambridge en 1551. On I'a peint suivi d'lui demon qui le souftlait. « Comme H etait aux abois de la mort, assiste de ses amis, le diable s'y trouva onssi, I'accueillant avec une figure si hideuse, qu'il n'y eut personne qui , de frayeur, n'y perdit presque la vie, Icelui diable I'empoigna rudement, lui creva le venire, le tLia en lui tordant le cou, et emporta son ame, qu'il poussa rudement devant lui aux enfers ^ » Buckingham (George Villiers, due de), fa- vori de Jacques I", mort a Portsmouth en 1628, illustre surtout par sa fin tragique. — On salt qu'il fut assassine par Felton , ollicier a qui il avail fait des injustices. Quelque temps avant sa mort, Guillaume Parker, ancien ami de sa fa- mille , apercut a ses cotes en plein midi le fan- tome du vieux sir George Villiers, pere du due, qui depuis longtemps ne vivait plus. Parker prit d'abord cette apparition pour une illusion de ses sens ; mais bientot il reconnut la voix de son vieil ami , qui le pria d'avertir le due de' Buc- kingham d'etre sur ses gardes, et disparut. Parker, demeure seul , reflechil a cette commis- sion, et, la trouvant difficile, il negligea de s'en acquitter. Le fanlome revint une seconde fois et * Leltres du medecin Saint-Andre sur la mar/ie et sur les malefices, p. 188 et 431. 2 Delancre , Tabl. de I'inconstance des demons, etc. , liv. I, disc. I. joignit les menaces aux prieres, de sorte que Parker se decida a lui obeir; mais il fut traile de fou, et Buckingham dedaigna son avis. Le spectre reparul une troisieme fois, se plai- gnit de I'endurcissement de son fils, et tirant un poignard de dessous sa robe : « Allez encore, dit-il a Parker, annoncer a I'ingrat que vous avez vu I'instrument qui doit lui donner la mort. » Et de peur qu'il ne rejetat ce nouvel avertis- senient, le fantome revela a son ami un des plus intimes secrets du due. — Parker retourna a la cour. Buckingham, d'abord frappe de le voir inslruit de son secret , reprit bientot le ton de la raillerie, et conseilla au prophete d'aller se gue- rir de sa demence. Neanmoins, quelques se- maines apres , le due de Buckingham fut assas- sine. On ne dit pas si le couteau de Felton etait ce meme poignard que Parker avail vu dans la main du fantome. Bucon, mauvais demon, cite dans les Cla- vuulcs de Salomon. II seme la jalousie et la haine. Budas, heretique qui fut maitre de Manes, el auteur de I'heresie manicheenne. C'etait, dit Pierre Delancre un magicien eleve des Brah- manes, et en plein commerce avec les demons. Un jour qu'il voulait faire je ne sais quel sacrifice magique, le diable I'enleva de terre et lui lordit le cou ^ : digne recompense de la peine qu'il avail prise de retablir par le manicheisme la puissance de Satan ! Buer, demon de seconde classe, president aux enfers; il a la forme d'une eloile ou d'une roue a cinq branches, et s'avance en roulanl sur lui- meme. II enseigne la philosophie , la logique et les vertus des herbes medicinales. II se vante de donner de bons domestiques et de rendre la sanle aux malades. II commande cinquante legions. Bugnot (Etienne) , gentilhomme de la cham- ' Discours des spectres, liv. VIII, ch. v. 2 Socrate, Histor. eccles., lib. I, cap. xxi. BUI — m — BUS bre de Louis XIV , auteur d'lin livre rare intitule Hisloire recente pour servir de preuve a la ve- rile du purgatoire , verifiee par proces-verbaux dresses en 1663 et I66/1, avec un Abrcgd de la vie d' Andre Bugnot, colonel d'infanterie, et le recit de son apparition apres sa mort. In-12, Or- leans, 1665. Get Andre Bugnot etait le frere d'Etiennc. Son apparition et ses revelations n'ont rien d'original. Buisson d'epines. Selon une coulume assez singiiliere, quand il y avait un malade dans une maison, chez les anciens Grecs, on attachait a la porle un buisson d'epines, pour eloigner les esprits malfaisants. Bullet ( Jean-Baptiste ) , academicien de Be- sancon , mort en 1775. On recherche ses Disser- tations stir la mythologic francaise el sur plusieurs points curieux de I'histoire de France. In-12, Paris, 1771. Bune, demon puissant, grand-due aux enfers. II a la forme d'un dragon avec trois teles, dont la troisieme seulemenl est celle d'un homme. II 'ne parle que par signes; il deplace les cadavres, hante les cimelieres et rassemble les demons sur les sepulcres. II se vanle d'enrichir et de rendre eloquents ceux qui le servent. Trenle le- gions lui obeissent *. Les demons soumis a Bune , et appeles B^inis, sont redoules des Tarlares, qui les disent tres- malfaisants. II faut avoir la conscience nette pour elre a I'abri de leur malice ; car leur puissance est grande et leur nombre est immense. Gepen- dant les sorciers du pays les apprivoisent, et c'esl par le moyen des Bunis qu'ils se vanlenl de decouvrir I'avenir. Bungey (Thomas), moine anglais, eleve, ami et servileur de Roger Bacon , avec qui les demonographes I'accusent d'avoir travaille sept ans a la merveilleuse tele d'airain qui parla, comme on sail ^ On ajoule qu'il etait magicien , et oji en donne pour preuve qu'il publia un livre de la magie nalurelle, De magia naturali, au- jourd'hui peu connu. Les bonnes gens racontent que I'illustre reli- gieux , ayant forme le projet d'entourer I'Angle- terre d'un mur d'airain, avail fabrique une tele de bronze, prodigieux androide qui devail averlir son servileur, le frere Bungey, du moment favo- rable a I'ereclion de la muraille. Un jour la tele dil : II esl temps. Bungey dormail. Un autre jour elle repeta : II est temps. Bunger dormail en- core. Une troisieme fois elle ouvril la bouche et s'ecria : 11 n'est plus temps. Aussilot la maison , ebranlee dans ses fondements , ensevelit Bungey sous ses mines. Delrio I'absout de I'accusation de magie et il avoue que son livre ne contient qu'une cer- 1 Wierus, in Pscudomonarchia dcemon. ~ Yoyez Bacon. ^ Disquisit. magic, lib. I, cap. in, q. i. taine dose d'idees superslitieuses. Une autre preuve qu'il n'elait pas magicien , mais seule- menl un peu mathemalicien , c'esl qu'on I'elut provincial des franciscains en Anglelerre Bunis, demons tarlares. Voy. Bune. Buplage ou Buptage. « Apres la balaille don- nee enlre le roi Antiochus et les Remains, un officier nomme Buplage, tue dans le combat, ou il avait regu douze blessures morlelles , se leva tout d'un coup au milieu de I'armee romaine victorieuse, et cria d'une voix grele a I'homme qui le pillait : Cesse , soldat romain , de dt^pouiller ainsi Ceux qui sont descendus dans I'enfer obscurci... » 11 ajouta en vers que la cruaule des Remains serail bienlol punie , et qu'un peuple sorli de I'Asie viendrail desoler I'Europe; ce qui pent marquer I'irruplion des Francs sur les terres de I'empire. Apres cela, bien que raorl, il monla sur un chene , el predil qu'il allail elre devore par un loup; ce qui eul lieu, quoiqu'il ful sur un chene. Quand le loup eul avale le corps, la tele parla encore aux Remains el leur defendil de lui donner la sepulture. Tout cela parait tres-in- croyable ^ Ge ne furent pas les peuples d'Asie, mais ceux du Nord qui renverserenl I'empire romain ; mais on a cru longlemps que les Francs venaienl de la Troade. » Burgifer, demon ennemi de Brudemorl. Burgot (Pierre), loup-garou brCde a Besan- con en 1521 avec Michel Verdung. Burrough ( George ) , ministre de la religion anglicane a Salem, dans la Nouvelle-Angleterre, pendu comme sorcier en 1692. On I'accusait d'avoir maleficie deux femmes qui venaienl de mourir. La mauvaise habitude qu'il avait de se vanler sotlement qu'il savait tout ce qu'on disait de lui en son absence ful admise comme preuve qu'il communiquail avec le diable \ Burton (Robert), auleur d'un ouvrage in- titule Analomie de la melancolie, par Democrile le jeune, in-k", 1624; mort en 1639. L'astrologie elait de son temps tres-respectee en Anglelerre, sa patrie. 11 y croyail et voulail qu'on ne doulat pas de ses horoscopes. Ayant predil publique- ment'lejour de sa mort, quand I'heure fut ve- nue il se tua pour la gloire de l'astrologie et pour ne pas avoir un dementi dans ses pronoslics. Gardan et quelques autres personnages habiles dans la science des astres ont fait la meme chose \ Busas, prince infernal. Voy. Pruflas. 1 Naudc, Apol. pour les grands personnages , etc., p. 495. 2 Traite dogmatique des apparitions , t. II, p. '183. Leloyer, p. 233. 3 Godwin, Vie des necromanciens. 4 Curiosites de la litterature, Iraduit de I'anglais par Berlin, t. I, p. 51. BUT — 125 — CAB Butadieu, demon rousseau, cite dans des procedures du dix-septieme siecle. Buxtorf (Jean), Westphalien , savant dans la litterature hebraique, mort en 1629. Les cu- rieiix lisent son Abrdcje du Talmud, sa Bihlio- theque rabhiniquc et sa Synagogue judaique Get ouvrage, qui traite des dogmes et des cere- monies des Juifs, estplein des reveries des rab- bins, a cote desquelles on trouve des recher- ches curieuses. Byleth , demon fort et terrible , I'un des rois de I'enfer, selon la Pseudomonarchie de "Wierus. II se montre assis sur un cheval blanc , precede de chats qui sonneut du cor et de la trompe. L'adjurateur qui I'evoque a besoin de beaucoup de prudence, car il n'obeit qu'avec fureur. II faut pour le soumettre avoir a la main un ba- ton de coudrier ; et, se tournant vers le point qui separe I'orient du midi, tracer hers du cercle ou Ton s'est place un triangle; on lit ensuite la formule qui enchalne lesesprits, et Byleth arrive dans le triangle avec souraission. S'il ne parait pas, c'est que I'exorciste est sans pouvoir, et que I'enfer meprise sa puissance. On dit aussi que quand on donne a Byleth un verre de vin , il faut le poser dans le triangle; il obeit plus volontiers et sert bien celui qui le regale. On 'doit avoir soin, lorsqu'il parait, de lui faire un accueil gracieux , de le complimenter sur sa bonne mine, de montrer qu'on fait cas de lui et des autres rois ses freres : il est sensible a tout cela. On ne negligera pas non plus, tout le temps qu'on passera avec lui, d'avoir au doigt du milieu de la main gauche un anneau d'argent qu'on lui presentera devant la face. Si ces con- ditions sont difficiles, en recompense celui qui soumet Bylet devient le plus puissant des hom- mes. — II etait autrefois de I'ordre des puis- sances; il espere un jour remonter dans le ciel sur le septieme trone, ce qui n'est guere croyable. II conimande quatre-vingts legions. Byron. Le Vampire, nouvelle traduite de I'anglais de lord Byron, par H. Faber; in-8°, Paris, 1819. Cette nouvelle, publiee sous le nom de lord Byron , n'est pas I'ouvrage de ce poete, qui I'a desavouee. L'auteur n'a pas suivi les idees populaires sUr les vampires; il a beaucoup trop releve le sien. C'est un spectre qui voyage dans la Grece, qui frequente les societes d'Athenes, qui parcourt le monde , qui se marie pour sucer sa femme. Les vampires de Moravie etaient extremement redoutes; mais ils avaient moins de puissance. Celui-ci, quoiqu'il ait I'oeil gris- mort, fait des conquetes. C'est, dit-on,'une historiette populaire de la Grece moderne que lord Byron raconta dans un cercle et qu'un jeune medecin ecrivit a tort; car il remit a la mode, un instant, des horreurs qu'il fallait laisser dans I'oubli. Bythies. Voy. Bithies. -coo- c Caaba. Voy. Kaaba. Caacrinolaas, nomme aussi Caassimolav et Glassialaholas , grand president aux enfers. II se presente sous la forme d'un chien , et il en a la demarche, avec des ailes de griffon. II donne la connaissance des arts liberaux, et, par un bizarre contraste , il inspire les homicides. On dit qu'il predit bien I'avenir. Ce demon rend ' Operis talmudici brevis recensio et bibliotheca rabbinica. In -8°. Bale, 1613. Synagoga judaica. In-8°. Bale, 4 603, en allemand et en latin. Hanau, 1604; Bale, 1641. I'homrae invisible et commande trente-six le- gions Le Grand Grimoire le nomme Classy ala- holas , et n'en fait qu'une espece de sergent qui sert quelquefois de monture a Nebiros ou Nabe- rus. f^^/.•CERB^iRE. Gabades. Voy. Zoobdadeyer. Gabale ou Cabbale. Pic de la Mirandole dit que ce mot , dans son origine hebraique , signifie tra- dition ^. L'ancienne cabale des Juifs est, selon 1 Wierus, in Pseudomonarchia dcemon. 2 « Un critique ignorant voulait faire des affaires a Rome, au prince Pic de la Mirandole, parti culiere- CAB 126 — CAB quelqiies-uns, une sorle de maconnerie myste- rieuse ; selon d'auLres, ce n'est que I'explication mysliqiie de la Bible, I'arl de Irouver des sens caches dans la decomposition des mots \ et la maniere d'operer des prodiges par la vertu de ces mots prononces d'une ccrlaine facon. Voyez Thk- MURA et TmiOMAiNciE. Cette science nierveilleiise, si Ton en croit les rabbins , affranchit ceux qui la possedent des faiblesses de I'humanile, leur procure des biens surnaturels, leur communique le don de prophetic , le pouvoir de faire des mi- racles, et I'art de transmuer les nietaux en or, c'est-a-dire la pierre philosophale. Elle leur ap- prend aussi que le monde sublunaire ne doit du- rer que sept mille ans, et que tout ce qui est su- perieur a la lune en doit durer quaranle-neuf mille. Caacrinolaas. Les Juifs conservent la cabale par tradition orale ; ils croient que Dieu I'a donnee a Moise , au pied du mont Sinai; que le roi Salomon, au- teur d'une figure myslerieuse que Ton appelle Varhrc de la cahalc des Juifs, y a ete tres-expcrt, et qu'il faisait des talismans uiicux que personne. Tostat dit meme que Muise ne faisail ses miracles avec sa verge que parce que le grand nom de Dieu y etait grave. Valderame remarque que les apotres faisaient pareillement des miracles avec le nom de Jesus, et les partisans de ce systeme ment pour le nom de cabale qu'il trouvail dans les ouvrages de ce prince. On denianda a ce critique ce qui rindignait si fort dans cc mot do cabale. — Ne savez-vous pas, repondit le stupide, que ce Cabale etait un sceleral tout a fait diabolique, qui eut I'im- piete d'ecrire beaucoup de choses contre Jesus-Christ meme, qui forma une lieresie detestable et dont les sectateurs s'appellent encore cabal isles? » (Gabriel Naude, Apolur/ie pour les grajids personnayes accuses de magie. Adricn Baillet, Jugements des savants. Chap. XIII, § 2 des Jugements sur les livres en ge- neral.) 1 Voyez Abdeel. citent plusieurs saints dont le nom ressuscita des morts. La cabale grecque, invenlee, dit-on, par Py- thagore et par Platon , renouvelee par les Valen- tiniens , tira sa force des lettres grecques com- binees et fit des miracles avec I'alphabet. La grande cabale , ou la cabale dans le sens moderne proprement dite, est I'art de commercer avec les esprits elementaires ; elle tire parli pour cela de certains mots my.sterieux. Elle explique les choses les plus obscures par les nombres, par le changement de I'ordre des lettres et par des rapports dont les cabalistes se sunt formes des regies. (3r, voici quels sont, selon les caba- listes, les divers esprits elementaires : Les quatre elements sont habites chacun par des creatures particulieres, beaucoup plus par- faites que I'homme, mais soumises comme lui aux lois de la mort. L'air , cet espace immense qui est entre la terre et les cieux, a des botes plus nobles que les oiseaux et les moucherons. Ces mers si vastes ont d'autres habitants que les dauphins et les baleines. Les profondeurs de la terre ne sont pas destinees aux taupes seulement; et I'element du feu, plus sublime encore que les trois autres, n'a pas ete fait pour demeurer inu- tile et vide. Les salamandres habitent done la region du feu; les sylphes, le vague de l'air; les gnomes, I'interieur de la lerre ; et les ondins ou nymphes, le fond des eaux. Ces etres sont composes des plus pures parties des elements qu'ils habitent. Adam, plus parfait qu'eux tous, etait leur roi na- turel ; mais, depuis sa faute, etant devenu impur et grossier, il n'eut plus de proportion avec ces substances; il perdit tout I'empire qu'il avait sur elles. Que Ton se console pourtant; on atrouve dans la nature les moyens de ressaisir ce pouvoir perdu. Pour recouvrer la souverainete sur les sa- lamandres, et les avoir a ses ordres, on attire le feu du soleil, par des miroirs concaves, dans un globe de verre ; il s'y forme une poudre solaire qui se purifie elle-meme des autres elements, et qui, avalee, est souverainement propre aexhaler le feu qui est en nous, et a nous faire devenir pour ainsi dire de matiere ignee. Des lors, les habitants de la sphere du feu deviennent nos in- ferieurs, et ont pour nous toute I'affection qu'ils ont pour leurs semblables, tout le respect qu'ils doivent au lieutenant de leur createur. De meme, pour commander aux sylphes , aux gnomes, aux nymphes , on emplit d'air, de terre ou d'eau, un globe de verre; on le laissc, bien ferme, expose au soleil pendant un mois. Chacun de ces elements, ainsi purifie, est un aimant qui attire les esprits qui lui sont propres. Si on prend tons les jours, durant quelques mois, de la drogue elementaire, formee, ainsi qu'on vient de le dire, dans le bocal ou globe de CAB — 1 27 — CAB verre , on voit bientol dans les airs la- republique volante des sylphes, les nymphes venir en foule au rivage, les gnomes, gardiens des tresors et des mines , elaler leurs richesses. On ne risque rien d'entrer en commerce avec eux , on les trou- vera honnetes, savants, bienfaisanls et craignant Dieu. Leur ame est mortelie, et ils n'ont pas I'es- perance de jouir un jour de I'etre supreme, qu'ils connaissent et qu'ils adorent. Ils vivent fort long- temps, et ne meurent qu'apres pkisieurs siecles. Mais qu'est-ce que le temps aupres de I'eternite? lis gemissent done de leur condition. Pourtant, il n'est pas impossible de trouver du remede a ce mal; car, de meme que I'homme, par I'alliance qu'il a contractee avec Dieu , a ete fait partici- pant de la Divinite, les sylphes, les gnomes, les nymphes et les salamandres deviennent partici- pants de I'immortalite, en contractant alliance avec I'homme. (Nous transcrivons toujours les docteurs cabalistes.) Ainsi , I'ame d'une nymphe ou d'une sylphide devient immortelle quand elle est assez heureuse pour se marier a un sage ; un gnome ou un salamandre cesse d'etre mortel en son ame du moment qu'il epouse une fille des hommes. On congoit par la que ces etres se plai- sent avec nous quand nous les appelons. Les ca- balistes assurent que les deesses de I'antiquite, et ces nymphes qui prenaient des epoux parmi les hommes , et ces demons incubes et succubes des temps barbares , et ces fees qui , dans le moyen age, se montraient au clair de la lune, ne sont que des sylphes , ou des salamandres, ou des ondins. II y a pourtant des gnomes qui aiment mieux mourir que risquer, en devenant immortels, d'etre aussi malheureux que les demons. C'est le diable (disent toujours nos auteurs) qui leur inspire ces sentiments ; il ne neglige rien pour empecher ces pauvres creatures d'immortaliser leur ame par notre alliance. Les cabalistes sont obliges de renoncer a tout commerce avec I'espece humaine, 5'ils veulent ne pas offenser les sylphes et les nymphes dont ils recherchent I'alliance. Cependant, comme le nombre des sages cabalistes est fort petit, les nymphes et les sylphides se montrent quelque- fois moins delicates, et emploient toutes sortes d'artifices pour les retenir. Un jeune seigneur de Baviere etait inconsolable de la mort de sa femme. Une sylphide prit la figure de la defunte, et s'alla presenter au jeune homme desole, disant que Dieu I'avait ressuscitee pour le consoler de son extreme aOfliction. Ilsvecurent ensemble plusieurs annees^ mais le jeune seigneur n'etait pas assez homme de bien pour retenir la sage sylphide ; elle disparut un jour, et ne lui laissa que ses jupes et le repentir de n'avoir pas voulu suivre ses bons conseils. Plusieurs heretiques des premiers siecles me- lerent la cabale juive aux idees du christianisme, et ils admirent entre Dieu et rhomme quatre sortes d'etres intermediaires, dont on a fait plus tard les salamandres, les sylphes, les ondins et les gnomes. Les Chaldeens sont sans doute les premiers qui aient reveces etres; ilsdisaient que ces esprits etaient les ames des morts, qui, pour se montrer aux gens d'ici-bas, allaient prendre un corps solide dans la lune. La cabale des Orientaux est encore I'art de commercer avec les genies , qu'on evoque par des mots barbares. Au reste, toutes les cabales sont differentes pour les details ; mais elles se ressemblent beaucoup dans le fond. On conte sur ces matieres une multitude d'anecdotes. On dit qu'Homere, Virgile, Orphee furent de savants cabalistes. Parmi les mots les plus puissants en cabale, le fameux mot Agla est surtout revere. Pour re- trouver les choses perdues, pour apprendre par revelations les nouvelles des pays lointains, pour faire paraitre les absents, qu'on se tourne vers rOrient, et qu'on prononce a haute voix le grand nom Agla. II opere toutes ces merveilles , meme lorsqu'il est invoque par les ignjrants, s'ils sont convenablement disposes. I'oij. Agla. Les rabbins definissent la cabale : « Une science qui eleve a la contemplation des choses celestes et au commerce avec les esprits bienheureux; elle fait connaitre les vertus et les attributs de la divinite, les ordres et les fonctions des anges, le nombre des spheres , les proprietes des astres, la proportion des elements, les vertus des plantes et des pierres, les sympathies, I'instinct des ani- maux, les pensees les plus secretes des hommes. » » Cinquante entrees differentes, d'apres les rabbins, conduisent a la connaissance generale des mysteres; c'est ce qui s'appelle les cinquante portes de I'intelligence. Dieu en fit connaitre quarante-neuf a Moise ; celui-ci renferma toute cette doctrine, toute I'etendue de la science que Dieu lui avait donnee , dans les cinq livres du Pentateuque; elle y est contenue, ou dans le sens litteral ou dans le sens allegorique, ou dans la valeur et la combinaison arithmetiques des leltres , dans les figures geometriques des carac- teres, dans les consonnances harmoniques des sons. C'est a I'y decouvrir que travaillent tous ceux qui se sont occupes de la cabale. On com- prend par ce court expose que, s'il est cinquante portes ouvertes a rintclligence, le nombre de celles qui sont ouvertes a I'erreur doit etre inQni. » Quelques savants meme Chretiens se sont occupes de la cabale, et ont voulu lui assignor une place dans les etudes serieuses. Le fameux Pic de la Mirandole a compose un livre tout expres pour en faire sentir I'importance. » II y dit serieusement que celui qui connait la vertu du nombre 10 , et la nature du premier nombre spherique , qui est 5 , aura le secret des cinquante portes d'inlelligence , du grand jubile CAB — 128 — CAD de cinquante ans des Juifs , de la millieme gene- ration de I'Apocalypse et du regne de lous les siecles dont il est parle dans I'Evangile. II ensei- gnait en outre que , pour son compte , il y avait trouve toute la doctrine de Moise, la religion chretienne, les mysteres de la Trinite et de la Redemption, les hierarchies des anges, la chute des demons, les peines de I'enfer, etc, Toutes ces assertions forment les soixante-douze der- nieres propositions des neuf cents qu'il soutint a Rome, avec I'admiration generale, a I'age de vingt-quatre ans *. » Le savant juif Cahen, qui etait realiste, ne re- gardait guere la cabale que comme un enchaine- ment de superstitions. Voij. Ensoph. On peut puiser sur les reveries de la cabale des instructions plus etendues dans les divers ou- vrages qui en traitent specialement , mais qui sontpeu recomrnandables : 1° le Comte de Gahalis ou Entrcliens sur les sciences secretes, par I'abbe de Villars. La nieilleure edition est de 17/|2, in-12; 2° les Genies assistants, suite du Comte dc Gahalis, in-12, meme annee; 3" le Gnome irrd- conciliahle, suite des Genies assistants-; k" Nou- veaux enlretiens sur les sciences secretes, suite nouvelle du Comte de Gahalis , meme annee ; 5" Lcttrcs cabalisliques, par le marquis d'Argens, la Haye, 17/|1, 6 volumes in-12. Get ouvrage estplein, beaucoup plus que les precedents, de passages condamnes. Voy. Zedechias. Cabanda. Hideux demon de I'lnde ; il est gros comme un rocher , n'a ni tete, ni janibes, mais des bras longs d'une lieue et qui ont ete rac- courcis par Rama. Cabires, dieux des morls, adores tres-an- ciennement en Egypte. Bochard pense qu'il faut entendre sous ce nom les trois divinites infer- nales : Pluton, Proserpine et Mercure. D'autres ont regarde les cabires comme des magiciens qui se melaient d'expier les crimes des hommes, et qui furent honores apres leur mort. On les invoquait dans les perils et dans les in- fortunes. 11 y a de grandes disputes sur leurs noms, qu'on ne declarait qu'aux seuls inities ^ Ce qui est certain, c'est que les cabires sent des demons qui presidaient autrefois a une sorle de sabbat. Ces orgies, qu'on appelait fetes des Ca- bires, ne se celebraieat que la nuit : I'initie, apres des epreuves effrayantes, elait ceint d'une cein- ture de pourpre, couronne d'une branche d'oli- vier et place sur un trone illumine, pour repre- senter le maitre du sabbat, pendant qu'on executait autour de lui des danses hieroglyphiques plus ou moins infames. Cacodemon , mauvais demon. C'est le nom que lesanciens donnaient aux espritsjnalfaisants. Mais 1 31. Bonetty (qui cite Reuchlin, De arte cabalistica), Annates de philosophie chretienne, livraison du 30 no- vembre 1838. 2 Deiandine, VEnfer des peuples anciens, oh. xix. ils appelaient specialement ainsi un monstre ef- frayant, un spectre horrible, qui n'etait pasassez reconnaissable pour etre designe autrement. Cha- que homme avait son bon et son mauvais demon, eudemon et cacodemon. Les astrologues appelaient aussi la douzieme maison du soleil , qui est la plus mauvaise de toutes, cacodemon, parce que Sa- turne y repand ses malignes influences , et qu'on n'en peut lirer que des pronostics redoutables. Cacoux. Voy. Caqueux. Cactonite , pierre merveilleuse qui , selon quelques-uns, n'esl autre chose que la cornaline. On lui attribue de grandes proprietes. Les an- ciens en fr.isaienl des talismans qui assuraient la victoire. Cacus, espece d'ogre de I'antiquite. II etait fils de Vulcain et vomissait du feu par la guenle. Ce monsLrc, de laiile gigantesque, moitie homme et moitie bouc , mangeait les passants dans sa ca- verne, au pied du mont Aventin, et accrochait leurs tetes a sa porte. Il fut Strangle par Hercule. — Cacus a ete point quelquefois avec une tete de bete sur un corps d'homme. Cadavre. Selon la loi des Juifs, quiconque avait touche un cadavre etait souille ; il devait se pu- rifier avant de se presenter au tabernacle du Sei- gneur. Quelques censeurs des lois de Moise ont juge que cette ordonnance etait superstitieuse. II nous paralt au contraire, dit Bergier, qu'elle etait tres-sage. C'etait urie precaution centre la super- stition des paiens , qui interrogeaient les morts pour apprendre d'eux I'avenir ou les choses ca- chees : abus severemen t interdit aux Juifs, mais qui a regne chez la plupart des nations. Voy. Aimant, Cercueil , etc. Cadiere. Voy. Giraud. Cadmee ou Cadmie , qu'on appelle plus ge- neralementcalamine,fossile bitumineuxquidonne une teinte jaune au cuivre rouge, etque certains chiraistes emploient pour faire de Tor. CAD — 129 — Cadmus. M. Appert a etabli que I'^critiire nous vient d'Adam, et que le Cadmus celebre par les Grecs comme I'inventeur de I'ecriture n'est autre qu'Adam , Adamus , qui a regu ce don en meme temps que celui de la parole. On a altere le nom d' Adamus, en mettant une aspiration orientale devant. la premiere lettre *, Caducee. C'est avec celte baguette, ornee de deux serpents entrelaces , que Mercure condui- sait les ames aux enfers et qu'il les en tirait au besoin. Cadulus, pieux soldat dont la legende rap- porte qu'il etait obsede par le diable en forme d'ours II s'en delivra par la priere. Caeculus , petit demon ne d'une etincelle qui vola de la forge de Vulcain dans le sein de Pre- nesta. 11 fut eleve parmi les betes sauvages. On le reconnut a cette particularite, qu'il vivait dans le feu comme dans son element; ses yeux, qui etaient fort petits , etaient seulement un peu en- dommages par la furaee. Les cabalistes font de lui un salamandre. Cadavre. Caf. Voy. Kaf. Cagliostro ( Joseph-Balsamo ) , celebre aven- turier du dix-huitieme siecle, connu sous le nom d' Alexandre, comte de Cagliostro, naqnit, dit- on, a Palermo en 17/(3, de parents obscurs. II montra dans ses premieres annees un esprit porte a la friponnerie; lout jeune , il escroqua soixante onces d'or a un orfevre, en lui pro- mettant de lui livrer un tresor enfoui dans une grotte, sous la garde des esprits infernaux ; il le conduisit dans cette grotte, ou le bonhouime fut assomme de coups de baton. Cagliostro s'enfnit alors et voyagea , avec un alchimiste nomme Al- thotas, en Grece, en Egypte, en Arable, en Perse, a Rhodes, a Malte. Ayant perdu la son compere, il passa en Angleterre et d'Angleterre en France, vivant du produit de ses composi- tions chimiques. II donnait dans la pierre philo- * Voyez les Legendes de I'Ancien Testament (le livre d'Enoch). sophale, le magnetisme et diverses jongleries et intrigues ignobles. II se rendit a Strasbourg, oii il fut regu, en 1780, avec une sorte de triomphe; il y guerit certains malades qui I'attendaient , avec une , adresse si prompte que Ton a cru qu'ils etaient apostes et leur mal suppose, a moins que le diable ne fut aux ordres de Cagliostro , comme beaucoup Font dit, et comme le faisait penser sa physionomie patibulaire. Les uns ont regarde Cagliostro comme un ' homme extraordinaire, un inspire; d'autres comme un charlatan; quelques-uns ont vu en lui un membre voyageur de la magonnerie tem- pliere, constamment opulent par les secours nombreux qu'il recevait des diverses logos de I'ordre; mais le plus grand nombre s'accorde a donner au faste qu'il etalait une source moins honorable encore. II se vantait de converser 1 Bollandi Acta sanctorum, 21 aprilis. 9 CAG — 130 — CAL avec les anges, et il faisait entendre en rase campagne (par ventriloquie ) des voix venant du ciel. II instilua une espece de cabale egyp- tienne. De jeunes gargons et de jeunes filles, qu'il appelait ses pupilles on colombes, se pla- Qaient dans I'etat d'innocence devant une boule de cristal, et la, abrites d'lin paravent, ils ob- tenaient, par I'imposition des mains du grand cophte (c'etail lui qui etait le grand cophle), la faculle de communiquer avec les esprits. Ils voyaient dans ceLte boule tout ce qu'ils vou- laient voir.— Les travaux de ces pupilles on co- lombes ne se bornaient pas a cette ceremonie ; Caglioslro leur enseignait a decouvrir les choses occulles, les evenements a venir et les matieres curieuses. On ajoute qu'il a fait paraitre aux grands seigneurs de Paris et de Versailles , dans des glaces , sous des cloches de verre et dans des bocaux, des spectres animes et mouvants, ainsi que des personnes mortes qu'on lui deman- dait a voir.— Un soir qu'il se trouvait a Versailles avec plusieurs des seigneurs de la cour, ceux-ci temoignerent I'envie de connaitre ce que faisait en ce moment une dame de leur societe, qui etait restee a Saint-Germain. Aussitot il forma sur le parquet un carre , passa la main dessus , et Ton vit se tracer la figure de la dame jouant aux tressettes avec trois de ses amies, toules assises sur un tapis. On envoya au logis do celte dame, qu'on Irouva effectivement dans la meme atti- tude, la meme occupation, et avec les memes personnes. On rapporte aussi que, dans des soupers qui ontfait grand bruit a Paris, il invoquait les morts ■ illuslres, tels que Socrate, Platen, Corneille, d'Alembert, Voltaire, etc. Dans sa letlre au peuple francais, datee de Londres, le 20 juin 1786, il predit que la Bastille serait detruite. Mais depuis longlemps on en avait le projet. Cagliostro etait tres-lie avec un joueur de go- belets qui se disait assiste d'un esprit, lequel esprit, a ce que Ton pretend, etait I'ame d'un juif cabaliste qui avait tue son pere par art ma- gique avant la venue de Notre-Seigneur. 11 disait effronlement que les prodiges qu'il operaitetaient I'effet d'une protection speciale de Dieu sur lui...; que I'Etre supreme, pour I'encourager, avait daigne lui accorder la vision bealifique, etc.; qu'il venait convertir les inqredules. II se vautait . d'avoir assiste aux noces de Cana...; il etait par consequent contemporain de Notre-Seigneur. II est dit ailleurs que Cagliostro etait ne avant le deluge*. — II fut arrete a Rome en 1789, et condamne comme pratiquant, a I'ombre de la franc-magonnerie , de criminels mysteres. II s'elrangla dans sa prison en 1795. 1 Charlatans celebres , t. I", p. 245. Voyez la U- gende de Caglioslro dans les Legendes des societes secretes. II a ecrit, dit-on, la relation de quelques ope- rations pretendues magiques, ainsi que d'une transmutation de metaux vils en or, faites a Var- sovie en 1780. — On met sur son comple une plate brochure qui apprenait aux vieilles femmes a trouver les numeros de la loterie dans leurs reves. On vendait tous les ans a Paris un grand nombre d'exemplaires de ce fatras dont voici le titre : Le Vrai Cagliostro, ou le Regulateur des actionnaires de la loterie, augmente de nouvelles cabales faites par Cagliostro , etc. , in-S", avec le portrait de I'auteur, au bas duquel on a mis ces treize syllabes : Pour savoir ce qu'il est, il faudrait etre lui-meme. Cagots, individus des Pyrenees qui y sont des series de parias. Les autres habitants les evilent comme gens maudits. Ce sont, dit-on , des restes de la race des Goths, appeles Ca-Goths, eii en abreviation de canes Gotid, chiens de Goths. Cain. Les niusulmans et les rabbins disent qu'Eve, ayant deux fils. Cam et Abel, et deux filles, Aclima et Lebuda , voulut unir Cain avec Lebuda, et Aclima avec Abel. Or, Cain etait epris d'Aclima. Adam, pour mettre ses filsd'ac- cord, leur proposa un sacrifice; et, comme on le salt, I'offrande de Cain fut rejetee. II ne vou- lut pourtant pas ceder Aclima; il resolut, pour I'avoir plus surement, de tuer son frere Abel ; maisil ne savait comment s'y prendre. Le diable, qui I'epiait, se chargea de lui donner une lecon. II prit un oiseau , qu'il posa sur une piiirre , ct, avec une autre pierre, il lui ecrasa la tete. Cain, bien instruit alors, epia le moment ou Abel dor- mait, et lui laissa tomber une grosse pierre sur le front Cainan. On attribue a Cainan , fils d'Ar- phaxad , la conservation d'un traite (yAslrono- mie qu'il trouva grave sur deux colonnes par les enfants de Setli , ouvrage anlediluvien qu'il Iranscrivit. On pretend aussi que Cainan decou- vrit encore d'autres ouvrages ecrits par les geants, lesqucls ouvrages ne sont pas venus jus- qu'a nous ^. Cainites. II y a eu , dans le deuxieme siecle, une .secte d'homnies effroyables qui glorifiaient le crime et qu'on a appeles cainites. Ces m\s6- rables avnient une grande veneration pour Cain, pour les horribles habitants de Sodome, pour Judas et pour d'autres scelerats. lis avaient un evangile de Judas, et mettaient la perfection a commettre sans honte les actions les plus in- fames. Caiumarath ou Kaid-Mords. Le premier homme selon les Persans. Voij. Boundschesch. Gala (Charles), Calabrais qui ecrivait au dix- septieme siecle. On recherche son Memoire sur 1 Voyez la l^gende de Cain et d'Abel dans les Legendes de I'Ancien Testament. 2 Syncelli chronographice , p. 80. CAL r apparition des croix prodigieuses *, imprime a Naples en 1651. Calamites. On a souvent attribue anx demons ou a la malice des sorciers les calamites pu- bliques. Pierre Delancre dit que les calamitds des bonnes ames sont les joies et les festoie- ments des demons pipeurs Calaya. Le troisieme des cinq paradis in- diens. La reside Ixora ou Eswara , toujours a cheval sur un boeuf. Les morts fideles le ser- vent ; les uns le rafraichissant avec des even- tails, d'autres portant devant lui la chandelle pour I'eclairer la nuit, II en est qui lui presen- tent des crachoirs d'argent quand il veut ex- pectorer. Calcerand-Rochez. Pendant que' Hugues de , Moncade etait vice-roi de Siciie pour le roi Fer- I dinand d'Aragon, un gentilhomme espagnol, I nomme Calcerand-Rochez , eut une vision. Sa maison etait situee pres da port de Palerme. Une nuit qu'il ne dormait pas, il crut entendre des hommes qui cheminaient et faisaient grand bruit dans sa basse-coiir; il se leva, ouvrit la fenetre, et vit, a la clarte du crepuscule, des soldats et des gens de pied en bon ordre , suivis de piqueurs; apres eux venaient des gens de cheval di vises en escadrons, se dirigeant vers la maison du vice-roi. Le lendemain, Calcerand conta le tout a Moncade, qui n'en tint compte; cependant, peu apres, le roi Ferdinand mourut, et ceux de Palerme se revolterent. Cette sedi- tion , dont la vision susdite donnait clair presage, ne fut apaisee que par les soins de Charles d'Au- triche (Charles-Quint) Calchas, devin de I'antiquile, qui augiirait des choses sur le vol des oiseaux. II predit ' ! aux Grecs que le siege de Troie durerait dix ans, et il exigea le sacrifice d'Iphigenie. Apollon lui avait donne la connaissance du passe, du present et de I'avenir. II serait curieux de savoir s'il au- rait predit aussi la prise de la Bastille. Sa des- tinee etait de mourir lorsqu'il aurait trouve un devin plus sorcier que lui. II mourut en effet de depit, pour n'avoir pas su deviner les enigmes * j de Mopsus. Voij. Mopsus. Calegueiers. Les plus redoutables d'entre les i genies chez les Indiens. lis sont de taille gigan- < , tesque, et habitent ordinairement le Patala, qui li est I'enfer des Indes. Galendrier. L'ancien calendrier des paiens se raltachait au culte des astres; et presque toujours il etait redige par des astrologaes. Ce serait peut-elre ici I'occasion de parler du Calendrier des bergers, de V Almanack du bon laboureur, du Messager boiteux de Bale en Suisse, ' Memorie historiche deW apparizione delle cTOci prodigiose da Carlo Cala. In-4°. In Napoli, 4661. 2 Tabl. de I'inconstance des mauvais anges, etc., liv. I, p. 25. Leloyer, Discours et histoire des spectres , p. 272. CAL et de cent aulres recueils ou Ton voit exacte- ment marques les jours ou il fait bon rogner ses ongles et prendre medecine; mais ces details meneraient trop loin. Voy. Almanack *. Call, reine des demons et saltans de I'enfer indien. On la represente tout a fait noire, avec un collier de cranes d'or. On lui offrait autrefois des victimes humaines, Calice du Sabbat. On voit dans Pierre De- lancre que, lorsque les pretres sorciers disentla messe au sabbat, ils se servent d'une hostie et d'un calice noirs , et qu'a I'elevation ils disent ces mots : Corbeau noir! corheau noir! invo- quant le diable. Calice du Soupgon. Voy. Infideliti^. Caligula. On pretend qu'il fat empoisonne ou assassine par sa femme. Suetone dit qu'il ap- parut plusieurs fois apres sa mort, et que sa maison fat infestee de monstres et de spectres , jusqa'a ce qu'on lui eut rendu les honneurs fu- nebres ^. Callo. Voy. Spes. Calmet (Dom Augustin) , benedictin de la congregation de Saint- Vannes, Tun des sa- vants les plus laborieux et les plus utiles du dernier siecle, mort en 1757, dans son abbaye de Senones. Voltaire meme mit ces quatre vers au bas de son portrait : Des oracles sacres que Dieu daigna nous rendre Son travail assidu perga I'obscurite ; II fit plus, il les crut avec simplicite, Et fut, par ses vertus , digne de les entendre. Nous le citons ici pour sa Dissertation sur les apparitions des anges, des demons et des espritS) et sur les revenants et vampires de Hongrie, de Boheme, de Moravie et de Silesie, in-12, Paris, ' Voyez aussi les Legendes du calendrier. 2 Delandine, Enfer des peuples anciens, oh. Ii, p. 34 6i Delancre, Y Inconstancc des demons > etc., liv. VI, p. 461. — 131 — CAL - 132 — CAM 17/|6. La meilleure edition est de 1751; Paris, 2 vol. in-12. Ce livre est fait avec bonne foi ; I'auteur est peut-etre un pen credule; mais il rapporte ce qui est contraire a sesidees avec au- tant de candeur que ce qui leur est favorable. Voy. Vampirks. Calundronius, pierre magique dont on ne designe ni la couleiir ni la forme, mais qui a la vertu d'eloigner les esprits malins, de resister aux enchantements, de donner a celui qui la porte I'avantage sur ses ennemis, et de chasser 1 huineur noire. Calvin (Jean), I'un des chefs de la reforme pretendue, ne a Noyon en 1509. Ce fanatique, qui se vantait, comme les autres proteslants, d'apporter aux hommes la liberie d'examen, et qui fit briiler Michel Servet, son ami, parce qu'il differait d'opinion avec lui, n'etait pas seulement heretique ; on I'accuse encore d'avoir ete magi- cian. « II faisait des prodiges a I'aide du diable, qui quelquefois ne le servait pas bien ; car un jour il voulut donner a croire qu'il ressusciterait un homme qui n'etait pas mort; et, apres qu'il eut fait ses conjurations sur le compere, lorsqu'il lui ordonna de se lever, celui-ci n'en fit rien , et on trouva qu'icelui compere etait mort tout de bon , pour avoir voulu jouer cette mauvaise co- medie » Quelques-uns ajoutent que Calvin fut elrangle par le diable ; il ne I'aurait pas vole. En son jeane age, Calvin avail joue la comedie et fait des tours d'escamotage ^. Cambions, enfants des demons. Delancre et Bodin pensent que les demons incubes peuvent s'uniraux demons succubes, et qu'il nail de leur commerce des enfants hideux qu'on nomme cam- lions, lesquels sont beaucoup plus pesants que les autres, avalent tout sans elre plus gras, et tariraient trois nourrices qu'ils n'en profiteraient pas mieux'. Luther, qui etait tres-superstitieux , dil dans ses Colloques que ces enfants-la ne vivent que sept ans; il raconte qu'il en vit un qui criait des qu'on le touchait, et qui ne riait que quand il arrivait dans la maison quelque chose de sinistre. Maiole rapporte qu'un mendiant galicien exci- tait la pitie publique avec un cambion ; qu'un jour un cavalier, voyant ce gueux tres-embar- rasse pour passer un fleuve, prit, par com- passion , le pelit enfant sur son cheval , mais qu'il etait si lourd que le cheval pliait sous le poids. Peu de temps apres, le mendiant etant pris, avoua que c'etait un petit demon qu'il portait ainsi, et que cet affreux marmot, depuis qu'il le trainait avec lui , avail toujours 1 Boguet, Discoursdes sorciers, oh. xviii. - Voyez la legende de Calvin dans les Legendes in- fernales. 3 Delancre, Tableau de I'inconstance des demons, liv. Ill, a la fm. Bodin, Demonomanie, liv. II, ch. VII. agi de telle sorte que personne ne lui refusait I'aumone Cameleon. Democrite, au rapport de Pline, avail fail un livre special sur les superstitions auxquelles le cameleon a donne lieu. Un plaideur etait sur de gagner son proces s'il portait avec lui la langue d'un cameleon arrachee a I'animal pendant qu'il vivail. On faisait tonner et pleuvoir en brulant la tele el le gosier d'un cameleon sur un feu de bois de chene, ou bien en rotissant son foie sur une tuile rouge. Boguet n'a pas manque de remarquer celte merveille dans le chapitre xxiii de ses Discours des sorciers. L'oeil droit d'un cameleon vivanl arrache et mis dans du lait de chevre formait un cataplasme qui faisait tomber les taies des yeux, Sa queue ar- retait le cours des rivieres. On se guerissail de toute frayeur en portant sur soi sa machoire, etc. Des curieux assurent encore que cette espece de lezard ne se nourril que de vent. Mais il est constant qu'il mange des insecles; el comment aurait-il un estomac et tons les organes de la di- gestion, s'il n'avait pas besoin de digerer? Com- ment encore, s'il ne mange pas, produit-il des excrements, donl les anciens faisaienl un on- guent magique pour nuire a leurs ennemis? La couleur du cameleon parait varier conlinuelle- ment , selon la reflexion des rayons du soleil et la position ou I'animal se trouve par rapport a ceux qui le regardenl : c'esl ce qui I'a fait com- parer a I'homme de cour. — Delancre dil, d'un autre cote , que le cameleon est I'embleme des sorciers, et qu'on en trouve toujours dans les lieux ou s'est tenu le sabbal. Camephis, le plus ancien des dieux de I'Egypte ; il est triple : aieul , pere el fils. Camerarius (Joachim), savant allemand du seizieme siecle. On recherche son traite De la nature et des affections des demons ^ et son Com- menlaire sur les divinations \ Nous indiquerons aussi de Barthelemi Came- rario, Benevenlin, mort en 156/i, un livre Sur le feu du purgatoire * ; les Centuries de Jean-Ro- dolphc Camerarius, medecin allemand du dix- seplieme siecle, Sur les horoscopes et I'astro- logie \ et le fa Iras du meme auleur Sur les secrets merveillcux de la nature *. Enfm, Elie Camerarius, autre reveur de Tu- bingue, a ecrit, en faveur de la magie et des ap- * Boguet, Discours des sorciers, ch. xiv. 2 Dc natura et affectionibus dcemonum libri duo. Lipsiae, -1576. In-S". Commentarius de generibus divinationum , ac grcecis lalinisque earum vocabulis. Lipsise, \ .576. In-S". ^ De purgatorio igne. Roniae, 1557. ^ Horarum nalalium centurice II pro certitudine astrologice. In-4". Francfort, 1607 et 1610. Sytloge memorabilium medicines et mirabilium natures arcanorum centurice XII. In-12. Strasbourg, 1624. L'edition in-8o de Tubingue, 1683, est aug- mentee et conlient vingt centuries. CAM — 133 — CAN paritions, des livres que nous ne connaissons pas, Camisards. Votj. Dauphini':. Camnuz (I'esprit de). Sigebert raconte dans sa chronique les malices d'un esprit frappeur qui frequenta assez longtemps Camnuz , pres de Bingen, faisant divers bruits insolites et jetant des pierres sans se montrer. II en' arriva a de- rober divers objets et a denoncer comme vo- leurs ceux a qui il en voulait et chez qui il por- tait ses larcins. II mit le feu a des maisons et a des, reccltes, et vexa le pays assez longtemps. On I'entendait parler sans le voir, C'etait a la lin du seizieme siecle. Enfm , I'eveque de Mayeace envoya des exorcisLes qui le chasserent, Campanella (Thomas), homme d'esprit, mais de peu de jugement, ne dans un bourg de la Calabre en 1568. Tout jeune il rencontra, dit- on , un rabbin qui I'initia dans les secrets de I'alchimie, et qui lui apprit toutes les sciences en quinze jours, au moyen de I'Art Notoire. Avec ces connaissances, Campanella , entre dans I'ordre des dominicains, se mit a combattre la doctrine d'Aristote, alors en grande faveur, Ceux qu'il attaqua I'accuserent de magie ; et il fut oblige de s'enfuir de Naples. On s'empara de ses cahiers. L'inquisition , y trouvant des choses reprehensibles , condamna I'auteur a la retraite dans un convent, Notez que c'etait l'inquisition d'Etat, et que la vraie cause qui lui fit imposer le silence dans une sorte de sequestration fut une juste critique qu'il avait faile , dans son Traitd de la monarchie espagnole, des torts graves de cette nation , dominee alors par un immense or- gueil, II sorlit de sa retraite par ordre du pape , en 1626, et vint a Paris, oii il mourut chez les jacobins de la rue Saint-Honore, le 21 mai 1639. — On a dit qu'il avait predit I'epoque de sa mort et les gloires du regne de Louis XIV. Nous ne citerons de ses ouvrages que ses quatre livres Du sens des choses et de la magie ', et ses six livres d'aslrologie ^ ; I'auteur, qui faisait cas de ceLte science , s'efforce d'accorder les idees as- Irologiques avec la doctrine de saant Thomas, Campbell (Gilbert). Son histoire. Voij. Es- PRITS FRAPPEURS. Campetti, hydroscope, qui renouvela, a la fin du dernier siecle, les merveilles de la ba- guette divinatoire. II etait ne dans le Tyrol, Mais il a fait moins de bruit que Jacques Aymar, Au lieu de baguette pour decouvrir les sources, les tresors caches et les traces de vol ou de meurtre, il se servait d'un petit pendule forme d'un mor- ceau de pyrite, ou de quelque autre substance ' De sensu rerum et magia, libri IV, etc. ln-4°. Francfort, 1620. 2 Astrologicorum libri VI. In-4°. Lyon, 1629. L'edition de Francfort, 1630, est plus recherchee, parce qu'elle contient un septieme livre intitule De fato siderali vitando. metallique suspendue a un fil qu'il tenait a la main. Ses epreuves n'ont pas eu de suites. Gamuz (Philippe), romancier espagnol du seizieme siecle. On lui attribue la Vie de Robert le Diahle^, qui fait maintenant partie de la Bi- bliotheque Bleue. Canate, montagne d'Espagne, fameuse dans les anciennes chroniques; il y avait au pied une caverne oii les mauvais genies faisaient leur re- sidence , et les chevaliers qui s'en approchaient etaient sCirs d'etre enchantes, s'il ne leur arrivait pas pis.' Cancer ou I'Ecrevisse, I'un des signes du zodiaque. C'est I'Ecrevisse qui piqua Hercule au talon pendant qu'il combattait I'hydre de Lerne. Voij. Horoscopes. Candelier, demon invoque dans les litanies du sabbat. Cang-Hy, dieu des cieux inferieurs , chez les Chinois, II a pouvoir de vie et de mort, Trois es- prits subalternes sont ses ministres : Tankwam, qui preside a Pair, dispense la pluie ; Tsuikvam, qui gouverne la mer et les eaux, envoieles venls et les orages ; Teikwam , qui preside a la terre, surveille I'agriculture et se mele des batailles. ■ Canicida. Voy. Zerinthe. Canicule , constellation qui doit son nom a I'eloile Syrius ou le chien , et qui domine dans le temps des grandes chaleurs. Les Romains , per- suades de la malignite de ses influences, lui sa- crifiaient tous les ans un chien roux. Une vieille opinion populaire exclut les remedes pendant cette saison , et remet a la nature la guerison de toutes les maladies. C'est aussi une croyance encore repandue qu'il est dangereux de se baigner pen- dant la canicule. Canidia , magicienne dont parle Horace ; elle enchantait et envoutait avec des figures de cire, et, par ses conjurations magiques, elle forgait la lune a descendre du ciel. Canigou, montagne de France dans le Rous- sillon. Elle a aussi sa legende. Gervais de Tilbury nous apprend , dans sa chronique , qu'au sommet presque inaccessible de cette montagne il y a un lac d'eau noire dont on ne connait pas le fond, que les botes de I'enfer ont un palais au fond de ce lac, et que si I'on y jette une pierre , les de- mons aussitot font surgirune tempete qui effraye la con tree. Canterme , nom que donnaient les anciens a certains enchantements et malefices. Cantwell (Andre-Samuel-Michel), mort bi- bliothecaire des Invalides le 9 juillet 1802. 11 est auteur d'un roman intitule le Chateau d' Albert ou le Squelette ambulant. 1799, 2 vol. in-18. Canwyll-Corph, chandelle du mort ou chan- delle de la mort. Superstition du pays de Galles, mais bornee , dit-on , au diocese de Saint-David. 1 La vida de Roberto el Diablo, In-fol. Seville, 1629. CAO — 134 — CAO Les Gallois racontent que saint David , en mou- rant, demanda au del une favenr speciale pour ses diocesains , et qu'il obtint qu'aucun d'eux ne mourrait sans avoir regu d'avance un avis de sa fin prochaine. A eel effet une lumiere, qu'on ap- pelle chandelle de la niort, sort de la maison dont un habitant doit mourir, se dirige vers le cimeliere et s'evanouit a la place que doit occuper le futur defunt; mais comme celte merveille a lieu la nuit, il est rare qu'on la voie. Caous. Les Orientaux donnent ce nom a des genies malfaisants qui habitent les cavernes du Caucase. Capnomancie, divination par la fumee. Les anciens en faisaient souvent usage : on brulait de la verveine et d'autres plantes sacrees : on observait la fumee de ce feu, les figures et la di- rection qu'elieprenait, pour en lirerdes presages. On distinguait deux sorLes de capnomancie : I'une qui se pratiquait en jetant sur des charbons ar- dents des grains de jasmin ou de pavot, et en observant la fumee qui en sortait; I'aulre, qui elait la plus usilee, se pratiquait par la melliodc que nous avons indiquee d'abord. Elle consistait aussi a examiner la fumee des sacrifices. Quand cette fumee etait legere et peu epaisse , c'etait bon augure. On respirait meme cette fumee ; et Ton pensait qu'elle donnait des inspirations. Cappautas , grosse pierre brute qui, dans les croyances populaires , guerissait de la frenesie ceux qui allaient s'y asseoir; elle se trouvait a trois stades de GyLheum en Laconie. Caperon, doyen de Sainl-Maixant. 11 publia, dans le Mercure de 1726, une lettre sur les fausses apparitions; Lenglet-Dufresnoy I'a reimprimee dans son recueil. II montre peu de creduliLe et combat les fausses apparitions avec des raisons assez bonnes. II conte qu'un jour il fut consullc sur une femme qui disait voir cbaque jour , a midi, un esprit en figure d'homme, vetu de gris, avec des boutons jaunes, lequel la maltraitait fort, lui donnant meme de grands souffleLs; ce qui paraissait d'autant plus certain qu'une voi- sine protestait qu'ayant mis sa main conlre la joue de cetle femme dans le temps qu'elle se di- sait maltraitee, elle avait senti quelque chose d'invisible qui la repoussait. Ayanl reconnu que cette femme etait fort sanguine , Capperon con- clut qu'il fallaitlui faire une saignec, avec la pre- caution de lui en cacher le motif; ce qui ayanl ete execute , I'appariLion s'evanouiL Tous les traits qu'il rapporte et tous ses rai- sonnements prouvent que les vapours ou I'ima- gination troublee sont la cause de beaucoup de visions. II admet les visions rapportees dans les livres saints ; mais il repousse les autres un peu trop generalement. 11 parle encore d'une autre femme a qui un esprit venait tirer toules les nulls la couverture. II lui donna de I'eau, en lui disant d'en asperger son lit, et ajoutant que cette eau, particulierement benite centre les revenants , la delivrerait de sa vision. Ce n'etait que de I'eau ordinaire; mais I'imagination de la vieille femme se rassura par ce petit stratageine, qu'elle ne soupgonnait pas, et elle :ie vit plus rien. Voijez Hallucinations. Capricorne. L'un des signes du zodiaque. C'est Pan , qui, a I'assaut des Titans, eut peur et se changea en bouc. Voy. Horoscopes. Capucin. Ce sont les protestants qui ont mis a la mode ce slupide axiome superstitieux que la rencontre d'un capucin etait un mauvais pre- sage. Un joiu' que I'abbe de Voisenon etait allu a la chasse sur un terrain Ires-giboyeux, il apergut un capucin. Desce moment il no lira plus un coup jusle , et comme on se moquait de lui : « Vrai- nient, messieurs, dit-il, vousen parlez fort a voire aise; vous n'avez pas rencontre un capucin \ » Caqueux ou Cacoux. Les cordiers, nomnies caqucux od cacoux , en Brelagne , sont relegues dans certains cantons du pays comme desespeces de parias ; on les evite ; ils inspirent meme de I'hurreur, parce qu'ils font des cordes, autrefois instruments de mort et d'esclavage. lis ne s'al- liaienl jadis qu'entre eux, et I'entree des eglises leur elait interdite. Ce prejuge commence a se dissiper ; cependant ils passent encore pour sor- ciers. lis profitent de ce renom ; ils vendent des talismans qui rcndent invulnerable, des sachets a I'aide desquels on est invincible a la lulte ; ils predisent I'avenir; on croit aussi qu'ils jeltent de mauvais vents. On les disait, au quinzieme sifecle, Juifs d'origine, et sdpares par la lepre du reste des homines. Le due de Brelagne, Frangois II, leur avait enjoint de porter une marque de drap rouge sur un endroit apparent de leur robe. On a conle que le vendredi saint tous les caqueux versent du sang par le nombril. Neanmoins on ne fuit plus devant les cordiers ; mais on ne s'allie pas encore aisement avec leurs families ^. N'est- ce pas ici la meme origine que celle des cagots? Voy. ce mot. 1 M. Salgues, Des erreurs et des prejuges, etc., t. I, p. 509. 2 Cambry, Voyage dans le Finistere, t. Ill, p. 146; t. I, etc. CAR — 135 — CAR Carabia ou Decarabia, demon peu connu, quoiqu'il jouisse d'un grand pouvoir au sombre empire. II est roi d'une parlie de I'enfer, etcomte d'une autre province considerable. II se presente, comme Buer, sous la figure d'une etoile a cinq rayons. II connait les vertus des plantes et des pierres precieuses; il domine sur les ciseaux, qu'il rend familiers. Trente legions sont a ses ordres *. Caracalla. L'empereur Caracalla venait d'etre tue par un soldat. Au moment ou Ton n'en savait encore rien a Rome, on vit un demon en forme humaine qui raenait un ane, tanlot au Capitole, tantot au palais de l'empereur, en disant tout haut qu'il cherchait un maitre. On lui demanda si ce n'etait pas Caracalla qu'il cherchait? II re- pundit que celiii-la elait mort. Sur quoi il fut pris pour etre envoye a l'empereur, et il ditces mots : « Je m'en vais done, puisqu'il le faut, non a l'empereur que vous pensez , mais a un autre ; » cL la-dessus on le conduisit de Rome a Capoue, ou il disparut sans qu'on ait jamais su ce qu'il devint ^, Caract6res. La pluparL des talismans doivent leurs vertus a des caracteres mysterieux que les anciens regardaient comme de surs preservatifs. Le fameux anneau qui soumit les genies a la vo- lonte de Salomon devait toute sa force a des ca- racteres cabalistiqaes. Origene condamnait chez quelques-uns des premiers chreliens I'usage de certaines plaques de cuivre ou d'etain chargees de caracteres qu'il appelle des restes de I'ido- latrie. L'£'nc/2m(//on,attribuestupidementaupape Leon III, le Dragon rouge, les Claviculcs de Salo- mon, indiquent dans tous leurs secrets magiques des caracteres incomprehensibles, traces dans des triangles ou dans des cercles, comme des moyens puissants et certains pour revocation des esprits. Souvent aussi des sorciers se sont servis de papiers sur lesquels ils avaient ecrit avec du sang des caracteres indechiffrables ; et ces pieces, pro- duites dans les procedures, ont ete admises en preuves de malefices jetes. Nous avons dit quel etait le pouvoir des mots agla, abracadabra, etc. Voy. Talismans. * Wierus , in Pseudomonarchia dcemon. 2 Leloyer, Histoire et discours des spectres, liv. Ill, ch. XVI. Caradoc (Saint) , patron de Donzy en Niver- nais, sous le nom de saint Caradeu. Comme d'au- tres saints, il fut obsede par le diable; mais sa verlu etait si vive que le diable ne put rien centre lui. Cardan (Jerome) , medecin astrologue et vi- sionnaire, ne a Pavie en 1501, mort a Rome en 1576. II nous a laisse une histoire de sa vie , ou il avoue sans pudeur tout ce qui peut tourner a sa honte. II se crea beaucoup d'ennemis par ses moeurs; du reste, ce fut un des hommes habiles de son temps. II fit faire des pas aux mathema- tiques , et il parait qu'il etait savant medecin ; mais il avait une imagination presque toujours delirante, et on I'a souvent excuse en disant qu'il etait fou. II rapporte, dans le livre De vita pro- pria, que quand la nature ne lui faisait pas sentir quelque douleur, il s'en procurait lui-meme en se mordant les levres, ou en se tiraillant les doigts jusqu'a ce qu'il en pleurat, parce que s'il lui ar- rivait d'etre sans douleur, il ressentait des saillies et des impetuosites si violentesqu'elles luietaient plus insupportables que la douleur meme. D'ail- leurs, il aimait le mal physique a cause du plaisir qu'il eprouvait ensuite quand ce mal cessait. II dit , dans le livre VIII de la Variele des choses, qu'il tombait en extase quand il voulait, et qu'alors son ame voyageait hors de son corps, qui de- meurait impassible et comme inanime. — II pre- tendait avoir deux ames, I'une qui le portait au bien et a la science, I'autre qui I'entrainait au mal et a I'abrutissement. II assure que, dans sa jeunesse , il voyait clair au milieu des tenebres; que I'age affaiblit en lui cette faculte : que cepen- clant, quoique vieux, il voyait encore en s'eveil- lant au milieu de la nuit, mais moins parfailement que dans son age tendre. II avait cela de commun, disait-il, avec l'empereur Tibere : il aurait pu dire aussi avec les hiboux. II donnait dans I'alchimie, et on reconnait dans ses ouvrages qu'il croyait a la cabale et qu'il faisait grand cas des secrets cabalistiques. II dit quelque part que, dans la nuit du 13 au 14 aout l/i91 , sept demons ou esprits elementaires de haute stature apparurent a Fazio Cardan , son pere (presque aussi fou que lui), ayant Fair de gens de quarante ans, vetus de sole, avec des capes a la grecque, des chaussures rouges et des pourpoints cramoisis; qu'ils se dirent hommes aeriens, assurant qu'ils naissaient et mouraient; qu'ils vivaient trois cents ans ; qu'ils approchaient beaucoup plus de la nature divine que les habi- tants de la terre; mais qu'il y avait neanmoins entre euxet Dieu une distance infinie. Ces hommes aeriens etaient sans doute des sylphes. II se vantait, comme Socrate, d'avoir un demon familier, qu'il plagaitentrelessubstanceshumaines et la nature divine, et qui se communiquait a lui par les songes. Ce demon etait encore un esprit elementaire ; car, dans le dialogue intitule Tetim, CAR — 136 — CAR et dans le t'rait^ De libris propriis, il dit que son demon familier tient de la nature de Mercure et de celle de Salurne. On sent bien qu'il s'agit ici des planetes. II avoue ensuite qu'il doit tous ses talents, sa vasle erudition et ses plus heureuses idees a son demon. Tous ses panegyristes ont fait la part de son demon familier , ce qu'il est bon de remarquer pour I'honneur des esprils. Cardan assurait aussi que son pere avait ete servi Irente ans par un esprit familier. Comme ses connaissances en aslrologie etaient grandes, il predit a Edouard VI , roi d'Angleterre, plus de cinquante ans de regne, d'apres les regies de I'art. Mais par mallieur Edouard VI mourut a seize ans. Ces memes regies lui avaient fait voir clairement qu'il ne vivrait que quarante-cinq ans. II regla sa fortune en consequence, ce qui I'in- commoda fort le reste de sa vie. Quand il dut avouer qu'il s'etait trompe dans ses calculs , il re- fit son Iheme, et trouva qu'au moins il ne passe- rait pas la soixante-quinzieme annee. La nature s'obslina encore a demenlir I'astrologie. Alors, pour soutenir sa reputation, el ne pas supporter davantage la honte d'un dementi (car il pensail que I'art est infaillible et que lui seul avait pu se tromper), on assure que Cardan se laissa mounr de faim. « De tous les evenements annonces par les as- trologues, je n'en trouve qu'un seul qui soil reel- lement arrive tel qu'il avait ete prevu, dit un dcrivain du dernier siecle * , c'est la mort^ de Cardan, qu'il avait Uii-meme predile el fixee a un jour marque. Ce grand jour arriva : Cardan se portait bien ; mais il failait mourir ou avouer I'in- suinsance et la vanite de son art; il ne balanga pas; et, se sacrifiant a la gloire des astres, 11 se tua lui-meme ; 11 n'avait pas explique s'il peri- rait par une maladie ou par un suicide. » II laut rappeler, parmi les extravagances astro- logiques de Cardan, qu'il avait dresse 1' horoscope de Notre-Seigneur Jesus-Chrisl : il le publia en Italie et en France. II trouvait dans la conjonc- lion de Mars avec la lune au signe de la Balance le genre de mort de I'Honune-Dieu ; et il voyail le mahomelisme dans la rencontre de Salurne avec le Sagitlaire , a I'epoque de la naissance du Sauveur. En somme, Jerome Cardan fut un homme su- perstitieux , qui avait plus d'imagination que de jugement. Ce qui est bizarre , c'est que , croyant a tout, il croyail mal aux seules merveilles vraies, celles que I'figlise admet. On le poursuivit a la fois comme magicien et comme impie. Delancre dit qu'il avait ele bien instruil en la magie par son pere, lequel avait eu trenle ans un demon enferme dans une cassette , et discourait avec ce demon sur toules ses affaires ^ On trouve done des choses bizarres dans presque tous ses ou- vrages, qui ont ete recueillis en dix volumes in- folio, p'rincipalement dans le livre de la Variety des choses , de la Sublilite des demons, etc., el dans son Traite des soncjes \ Voij. M^:toposcopie et Onguents. Carenus (Alexandre) , auteur d'un TraiU des soiu/cs - publie a Padoue eh 1575. Carlostad (Andre Bodenstein de), archidiacre de Wurtemberg, d'abord partisan, ensuite en- nemi de Luther, mais toujours dissident comme lui. Le jour ou il prononca son dernier preche, un grand homme noir , a la figure triste et de- composee, monta derriere lui I'escalier de la chaire et lui annonga qu'il irait le voir dans Irois 1 Essai sur les superstitions , par M. L. C. ln-12. 2 L'incredulite et mecreance, etc., traite I, p. 43, etc. jours. D'autres disent que I'homme noir se tint ensuite devant lui le regardant d'un ceil fixe, a quelques pas de la chaire et parmi les auditeurs. Carlostad se troubla; il depechason preche, et, au sorlir de la chaire, il demanda si Ton coti- naissait I'homme noir qui en ce moment sorlait du temple. Mais personne que lui ne I'avait yu.— Cependant le meme fantome noir etait alle a la maison de Carlostad et avait dit au plus jeune de ses Ills : (1 Souviens-toi d'averlir ton pere que je reviendrai dans trois jours, el qu'il se tienne pret. )) Quand I'archidiacre renlra , son fils lui raconta celle autre circonstance. Carlostad epou- vanle se mitau lit, et Irois jours apres, le 25 de- cembre I5iil, qui etait la fete de Noel, on le trouva mort, le cou tordu. L'evenement eut lieu a Bale \ Carmentes, deesses tut^laires des enfants chez les anciens. Elles ont ele remplacees par nos fees; elles presidaient a la naissance, chanlaient I'horoscope du nouvcau-ne, lui faisaient un don, comme les fees en Bretagne , et recevaient de petils presents de la part des meres. Elles ne se 1 Hieronymus Cardanus , De somniis. B^le, 4585, hex. Carenus, De somniis, in-i". Patavii, 1575. 3 Celle anecdote se trouve encore dans les ecnts de Luther, el dans un livre du dernier siecle, inti- tule : La Babylone demnsquee, ou Entreliens de deux dames hollandaises sur la religion catholique ro- maine, etc., p. 226, edition de Pepie, rue Sainj- Jacques, a Paris, 1727. — Voyez la legende Carlostad dans les Legendes infernales. de CAR — 137 — CAR raontraient pas; cependant on leur servait a diner dans une chambre isolee pendant les couches. On donnait aussi, chez les Romains, le noin de carmentes ou [charmeuses) aux devineresses cele- bres; et Tune des plus fameuses prophetesses de I'Arcadie s'est nommee Carmentia. On I'a mise dans le ci-devant Olympe. Carnaval. Voy. Mascarades. Carniveau , demon invoque dans les litanies I du sabbat. ' Carnoet. Voy. Troo du chateau. Carnus, devin d'Acarnanie, qui , ayantpredit de grands malheurs sous le regne de Codrus, fut tae a coups de Heches comme magicien. Apollon j envoya la paste pour venger sa mort. Caron. La fable du batelier des enfers vint, dit-on, de Memphis, en Grece. Fils de I'Erebe et de la Nuit, il traversait le Cocyte et I'Acheron dans une barque etroite. Vieux et avare , il n'y recevaitque les ombres de ceux qui avaient regu la sepulture et qui lui payaient le passage. Nul mortel pendant sa vie ne pouvait y entrer, a moins qu'un rameau d'or consacre a Proserpine ne lui servit de sanf-conduit; et le pieux Enee eut besoin que la sibylle lui fit present de cette passe lorsqu'il voulut penetrer dans le royaume de Plulon. Longtemps avanl le passage de ce prince , le nocher infernal avait ete exile pendant un an dans un lieu obscur du Tartare, pour avoir recu dans son bateau Hercule, qui ne s'etait pas muni du rameau. Mahomet, dans le Koran, chap. 28, a con- fondu Caron avec Core , que la terre engloutit lorsqu'il outrageait Moise. L'Arabe Mutardi, dans son ouvrage sur I'Egypte, fait de Caron un oncle du legislateur des Hebreux , et comme il soutint toujours son neveu avec zele, ce dernier lui ap- prit I'alchimie et le secret du grand oeuvre, au moyen duquel il amassa des sommes immenses. Rien ici n'est conforme aux saintes Ecritures. Selon Herodote, Caron , d'abord simple pretre deVulcain, usurpalesouverainpouvoiren Egypte. Devenu roi, il imposa sur les inhumations un gros tribut; et de Tor qu'il en tira il fit batir le cdlebre labyrinlhe d'Egypte. Carpentier (Richard), benedictin anglais du dix-septieme siecle. On recherche de lui : 1° la Ruine de I' Antechrist , in-8°, 16^8; 2° Preuves que I'astrologie est innocente , utile et precise , in-k" , Londres, 1653. II a publie une autre singularite intitulee « la Loi parfaitc de Dieu , sermon qui n'est pas sermon , qui a ete preche et n'a pas Hi preche, 1652 » . Carpocratiens , heresiarques du deuxieme siecle qui reconnaissaient pour chef Carpocrate, professeur de magie , selon I'expression de saint Irenee. lis conlaient que les anges venaient de Dieu par une suite de generations infmies, que lesdits anges s'etaient avises un jour de creer le monde et les ames , lesquelles n'etaient unies a des corps que parce qu'elles avaient oublie Dieu. Carpocrate pretendait que tout ce que nous ap- prenons n'est que reminiscence. II regardait les anges comme nous les demons ; il les disait en- nemis de I'homme, et croyait leur plaire en se livrant a toutes ses passions et aux plaisirs les plus honteux. Ses disciples cultivaient la magie, faisaient des enchantements et avaient des secrets merveiileux. lis marquaient leurs secLateurs a Toreille et commettaient beaucoup d'abomina- tions. Cette secte ne subsista pas longtemps. Carra (Jean -Louis) , aventurier du dernier siecle, qui se lit girondin, et fut guillotine en 1793. II a laisse eritre autres ouvrages un Examen phy- sique du magnetisme animal, in-8°, 1785. Carreau , demon invoque comme prince des puissances dans les litanies du sabbat. Carrefours, lieux oii qualre chemins abou- tissent. G'est aux carrefours que les sorciers se reunissent ordinairement pour faire le sabbat. On montre encore , dans plusieurs provinces , quel- ques-uns de ces carrefours redoutes, au milieu desquels elaient places des poteaux que les sor- ciers ou les demons entouraient de lanternes pendant la fete nocturne. On fait remarquer aussi sur le sol un large rond oii les demons dansaient; et Ton pretend que I'herbe ne peut y croitre. C'est aussi dans un carrefour que Ton tue la poule noire pour evoquer le diable. Cartagra, region du purgatoire. Voy. Gamygyn. Cartes. Voy. Cartomancie. Mais, outre I'art de tirer les cartes, qui est expose plus bas, on pra- tique avec ce jeu d'autres divinations. Les jour- naux de Janvier 1862 contenaient a ce sujet une anecdote que nous croyons devoir repro- duire : « Le 6 janvier, jour des Rois, trois jeunesgens, deux freres et un de leurs amis, jouaient, le soir, aux cartes au coin du feu, dans la maison de I'un d'eux, aPignicourt (Aisne). Apres quelques par- ties, il vint a un des joueurs la bizarre fantaisie d'inlerroger le sort par la voie des carles, et de jouer a I'ecarte et au dernier reslant quel serait celui des trois qui mourrait le premier. Le plus jeune s'opposait vivement a ce que Ton tentat ainsi le hasard; mais, malgre lui , les deux autres s'attablerent et commencerent leur jeu de mort. La premiere par tie fut perdue par le plus age, qui est mort le 16 fevrier. Le plus jeune , celui qui avait d'abord refuse de jouer, perdit la se- conde et mourul dix jours apres son frere, c'est-a- dire le 26 fevrier. Le dernier restant a I'ecarte, celui qui aurait du, ce semble, survivre, frappe peut-etre plus vivement que les autres de la fa- tale prediction, est mort le premier de lous, le 26 janvier. lis etaient ages de vingt, vingt-huit et trente-trois ans, {Journal de I' Aisne.) Carticeya, divinite indienne qui cornmande les armees des genies et des anges; elle a six faces, une multitude d'yeux et un grand nombre de CAR 138 — CAR bras armes de massues, de sabres et de fleches. Elle se prelasse a cheval sur un paon. Cartomancie , divination par les cartes, plus connuo sous le noin d'art de tirer les cartes. On dit que les carles ont ete inventees pour amuser la folie de Charles VI ; mais Allielte , qui ecrivit sous le nom d'Etteilla , nous assure que la carto- mancie , qui est I'art de tirer les cartes , est bien plus ancienne. II fait remonter cette divination au jeu des batons d'Alpha (nom d'un Grec fameux exile en Espagne , dit-il). 11 ajouLe qu'on a depuis cartes ni aux des. II fallait bien aussi qu'ellesfus- sent connues en Espagne lorsque Alphnnse XI les prohiba en 1332, dans les slatuts de I'ordre de la Bande. Quoi qu'il en soil, les cartes, d'abord tolerees, furent ensuitecondamnees; et c'estune opinion encore subsistante dans I'esprit de quel- ques personnes que qui tient les carles tient le diable. C'esl souvent vrai , au ligurc. « Ceux qui font des tours de cartes sont sorciers le plus sou- vent, » dit Boguet. 11 cite un comle ilalien qui vous niettait en main un dix de pique, el vous trouviez que c'elait un roi de ca'ur ^ Que pen- serail-il des presLidigitaleurs actuels? II n'est pas besoin de dire qu'on a trouve tout dans les cartes , histoire, sabeisme , sorcellerie. II y a meme eu des doctes qui out vu tuule I'al- chimie dans les figures; et certains cabalistesont prelendu y reconnaitre les esprilsdesquatre ele- ments. Les carreaux sont les salamandres, les cceurs sonl les sylphes, les trefles les ondins, et les piques les gnomes. Arrivons a I'art de tirer les cartes. On se sert presque toujours, pour la cartomancie, d'un jeu de piquet de trente-deux cartes, ou les figures n'ont qu'une tele. Les coeurs et les trefles sont gerieralement bons et heureux ; les carreaux el les piques, generalement mauvais et malheureux. Les figures en coeur et en carreau annoncent des personnes blondes ou chatain-blond; les figures en pique ou en trefie annoncent des personnes brunes ou chalain-brun. Voici ce que signifie chaque carte : Les huit coeurs. — Le roi de cneur est un homme honorable qui cherche a vous faire du bien ; s'il estrenverse, il sera arrete dans ses ' Discours des sorciers, oh. lhi. perfectionne cette science merveilleuse. On s'est servi de tablettes peintes; et quand Jacquemin Gringoneur offrit les cartes au roi Charles le Bien- Aime , il n'avait eu que la peine de transporter sur des cartons ce qui etait connti des plus habiles devins sur des planchettes. II est facheux que cetle assertion ne soil appuyee d'aucune preuve. Cependant les carles a jouer sont plusanciennes que Charles VI. Boissonade a remarque que le petit Jehan de Sainlre ne fut honore de la faveur de Charles V que parce qu'il ne jouail ni aux loyales intentions. La dame de coeur est une femme honnele et genereuse de qui vous pouvez at- tendre des services; si elle est renversee, c'est le presage d'un retard dans vos esperances. Le valet de coeur est un brave jeune homme , sou- vent un militaire, qui doit entrer dans voire fa- mille el cherche a vous etre utile; il en sera em- peche s'il est renverse. L'as de coeur annonce une nouvelle agreable ; il represente un festin ou un repas d'amis quand il se trouve entoure de figures. Le dix de ccEur est une surprise qui fera grande joie ; le neuf promet une reconciliation, il resserre les liens entre les personnes qu'on veut brouiller. Le huit promet de la satisfaction de la part des enfanls. Le sept annonce un bon mariage. Les huit carreaux, — Le roi de carreau est un homme assez important qui pense a vous nuire, el qui vous nuira s'il est renverse. La dame est une mechante femme qui dit du mal de vous, et qui vous fera du mal si elle est renversee. Le valet de carreau est un militaire ou un messager qui vous apporle des nouvelles desagreables ; et s'il est renverse, des nouvelles facheuses. L'as de carreau annonce une lettre ; ledrx de carreau, un voyage necessaire et imprevu; le neuf, un retard d'argent; le huit, des demarches qui sur- prendrontde la part d'un jeune homme; lesept, un gain de lolerie; s'il se trouve avec l'as de carreau , assez bonnes nouvelles. Les huit piques. — Le roi represente un com- missaire, un juge, un homme de robe avec qui on aura des disgraces; s'il est renverse, perte d'un proces. La dame est une veuve qui cherche a vous tromper : si elle est renversee , elle vous CAR — 139 — CAR trompera. Le valet est un jeune homme qui vous causera des desagrements ; s'il est renverse, pre- sage de trahison. L'as, grande tristesse; Je dix, emprisonnement ; le neuf, retard dansles affaires; le huit, maiivaise nouvelle; s'il est suivi du sept de carreau, pleurs et discordes. Le sept, que- relles et tourments, a moins qu'il ne soit accom- pagne de coeurs. Les huit trefles. — Le roi est un homme juste, qui vous rendra service; s'il est renverse, ses in- tentions honnetes eprouveront du retard. La dame est une femme qui vous aime; ime femme ja- louse , si elle est renversee. Le valet promet un mariage, qui ne se fera pas sans embarras preli- minaires, s'il est renverse, L'as, gain, profit, ar- gent a recevoir ; le dix , succes ; s'il est suivi du neuf de carreau, retard d'argent; perte s'il se trouve a cote du neuf de pique. Le neuf, reus- site; le huit, esperances fondees: le sept, fai- blesse, el s'il est suivi d'un neuf, heritage. Quatre rois de suite, honneurs; trois de suite, succes dans le commerce; deux rois de suite, bons conseils. Quatre dames de suite, grands ca- quets; trois dames de suite, tromperies ; deux dames de suite, amitie, Quatre valets de suite, maladie contagieuse; trois valets de suite, pa- resse ; deux valets de suite, dispute. Quatre as de suite, une mort; trois as de suite, libertinage ; deux as de suite, inimitie. Quatre dix de suite, evenemen ts desagrdables; trois dix de suite, chan- gement d'etat; deux dix de suite, perte. Quatre neuf de suite, bonnes actions ; trois neuf de suite, imprudence ; deux neuf de suite, argent. Quatre huit de suite, revers; trois huit de suite, ma- nage; deux huit de suite, desagrements. Qualre sept de suite, intrigues; trois sept de suite, di- vertissements; deux sept de suite , petites nou- ' velles. II yaplusieurs manieres de tirer les cartes. La plus sure methode est de les tirer par sept, comme il suit : Apres avoir mele le jeu, on le fait couper de la main gauche par la personne pour qui on opere ; on compte les cartes de sept en sept, met- tant de cole la seplieme de chaque paquet. On repete I'operation jusqu'a ce qu'on ait produit douze cartes. Vous elendez ces douze cartes sur la table les unes a cote des autres , selon I'ordre dans lequel elles sent venues; ensuite vous cher- chez ce qu'elles signifient , d'apres la valeur et la position de chaque carte, ainsi qu'on I'a explique. Mais avant de tirer les cartes, il ne faut pas ou- blier de voir si la personne pour laquelle on les tire est sortie du jeu. On prend ordinairement le roi de coeur pour un homme blond marie ; le roi de trefle pour un homme brun marie ; la dame de coeur pour une dame ou une demoiselle blonde ; la dame de trefle pour une dame ou une demoi- selle brune ; le valet de coeur pour un jeune homme blond; le valet de trefle pour un jeune homme brun. — Si la carte qui represenle la personne pour qui on opere ne se trouve pas dans les douze cartes que le hasard vientd'amener, onlacherche dans le reste du jeu, et on la place simplement a la fin des douze cartes sorties. Si , au contraire, elle s'y trouve, on fait tirer a la personne pour qui on travaille (ou Ton lire soi-meme si c'est pour soi que Ton consul te) une treizieme carte a jeu ouvert. On la place pareillement a la fin des douze cartes etalees, parce qu'il est reconnu qu'U faut ireize cartes. Alors, on explique sommaire- ment I'ensemble du jeu. lilnsuite, en partant de la carte qui represente la personne pour qui on interroge le sort, on compte sept et on s'arrete ; on inlerprete la valeur intrinseque et relative de la carle sur laquelle on fail station ; on compte sept de nouveau , et de nouveau on explique, parcou- rant ainsi tout le jeu a plusieurs reprises jusqu'a ce qu'on revienne precisement a la carte de la- quelle on est parti. On doit deja avoir vu bien des choses, II reste cependant une operation im- porlante. On releve les treize cartes, on les mele, on fait a nouveau couper de la main gauche, Apres quoi on dispose les cartes a convert sur dix paquets : 1° pour la personne; 2" pour la maison ouson interieur; 3° pourcequ'elle attend; 4°pour cequ'ellen'attendpas; 5°poursa surprise ; 6° pour sa consolation ou sa pensee. — Les six premieres cartes ainsi rangees sur la table , il en reste sept dans la main. On fait un second tour, mais on ne met une carle que sur chacun des cinq premiers paquets. Au trqisieme tour, on pose les deux der- nieres cartes sur les numeros 1 et 2. On decouvre ensuite successivement chaque paquet , et on I'explique en commenganl par le premier , qui a trois cartes ainsi que le deuxieme, en finissant par le dernier qui n'en a qu'une. — Voila tout en- tier I'art de tirer les cartes; les melhodes va- rient ainsi que la valeur des cartes, auxquelles on donne dans les livres speciaux des sens tres-di- vers et tres-arbi tr aires ; mais les resultats ne va- rient pas. Nous terminerons en indiquant la maniere de faire ce qu'on appelle la reussite. — Prenez ega- lement un jeu de piquet de trente-deux cartes. Faites huit paquets a convert de quatre cartes chacun , et les rangez sur la table ; retournez la premiere carte de chaque paquet; prenez les cartes de la meme valeur deux par deux , comme deux dix, deux rois, deux as, etc., en retour- nant toujours a decouvert sur chaque paquet la carte qui suit celle que vous enlevez. Pour que la reussite soit assuree, il faut que vous retiriez de la sorte toutes les cartes du jeu , deux par deux, jusqu'aux dernieres. — On fait ces reus- sites pour savoir si un projet ou une affaire aura du succes , ou si une chose dont on doute a eu lieu. Alliette, sous le nom d'Etteilla, a publie un long traite sur cette matiere. Citons encore VO- racle parfait, ou nouvelle maniere de tirer les CAS — uo — CAS cartes , au moyen de laquelle chacun peut faire son horoscope. Jn-12, Paris, 1802. Ce petit livre, de 92 pages, est dedie au beau sexe par Albert d'Alby. L'editeur est M. de Valembert, qui fait observer que I'Oracle par/ait devait paraitre en 1788; que la censure I'arreta, et qu'on n'a pu qu'en 1802 en gralifier le public. La methode de ce livre est embrouillee ; I'auteur veut qu'on em- ploie vingt carles disposees en cinq tas , de cette maniere : un au milieu, un au-dessus, un au- dessous, et un de chaque cote; ce qui fait une croix. Les cartes d'en haut signifient ce qui doit arriver bientot, les cartes de droite ce qui ar- rivera dans un temps plus eloigne; les cartes d'en bas sont pour le passe ; les cartes de gau- che pour les obstacles; les carles du milieu pour le present. On explique ensuite d'apres les principes. Mais e'en est assez sur la cartomancie. Nous n'avons voulu rien laisser ignorer du fondement de cette science aux dames qui consultent leurs cartes et qui doutenl de Dieu. Cependant nous les prierons d'observer que ce grand nioyen de lever le rideau qui nous cache I'avenir s'est Irouve quelquefois en defaut. Line des plus fa- meuses tireuses de cartes fit le jeu pour un jeune homrae sans barbe qui s'etait dcguise en fille. EUe lui promit un epoux riche et bien fait, trois gargons, une flUe, des couches laburieuses, mais sans danger. — Une dame qui commeuQait a he- siter dans sa confiance aux cartes se fit un jour une reussite pour savoir si elle avait dejeune. Elle etait encore a table devant les plats vides; elle avait i'estoinac bien garni ; toulefois les cartes lui apprirent qu'elle etait a jeun , car la reussite ne put avoir lieu. Casaubon (Mederic), (ils d'Isaac Casaubon, ne a Geneve en 1599. On a de lui un Trailede I'En- thousiasmc, publie en 1655, in-8". Get ouvrage est dirige centre ceux qui attribuent I'enlhou- siasme a une inspiration du ciel ou a une inspi- ration du demon. On lui doit de plus un TraiU dc la credulili et de I'incredulile dans les choses spirituelles , in-8°, Londres, 1670. 11 y elablit la realite des esprits , des merveilles surnaturelles et des sorciers'. Nousciterons aussi sa Veritable et Jidele relation de ce qui s'est passe entre Jean Dee et certains esprits, 1659, in-fol. Casi. C'esl le nom d'une pagode fameuse sur les bords du Gange. Les Indiens recherchent le privilege d'y mourir ; car Esvvara ne manque pas de venir souffler dans leur oreille droite au dernier instant pour les purifier : aussi ont- ils grand soin de mourir couches sur le cote gauche. Casmann (Olhon) , savant Allemand du sei- zieme siecle , auteur d'un livre sur les anges in- 1 Get ouvrage est connu aussi sous le litre de Traite des esprits , des sorciers et des operations sur- naturelles, en anglais, Londres, <672, in-S". titule Angelographie *. II a laissd un autre ou- vrage , que quelques personnes recherchent, sur les mysleres de la naUire Cassandre. Fille de Priam , a qui Apollon accorda le don de prophetie pour la seduire; mais quand elle eut le don , elle ne voulut pas repondre a la lendresse du dieu , et le dieu dis- credita ses pronostics. Aussi, quoique grande magicienne et sorciere, comme dit Delancre elle ne put pas empecher la ruine de Troie, ni se garanlir elle-meuie des violences d'Ajax. Cassius de Parme. Aiitoine venait de perdre la bataille d'Aclium ; Gassius de Parme, qui avait suivi son parti, se retira dans Athenes : la, au milieu de la nuit, pendant que son esprit s'aban- donnait aux inquietudes, il vit paraitre devant lui un homme noir qui lui parla avec agitation. Cassius lui demanda qui il etait. — Je suis ton demon — repondit le fantome. Ge mauvais de- mon etait la peur. A cette parole, Gassius s'ef- fraya et appela ses esclaves; mais le demon dis- parut sans se laisser voir a d'autres yeux. Persuade qu'il revait, Cassius se recoucha et chercha a se rendormir; aussilot qu'il fut seul , le demon re- parut avec les memes circonstances. Le Romain n'eut pas plus de force que d'abord; il se fit ap- porler des lumieres, passa le reste de la nuit au milieu de ses esclaves, et n'osa plus rester seul. 11 fut tue peu de jours apres par I'ordre du vain- queur d'Aclium ^ Casso ou Alouette. On assure que celui qui porlera sur soi les pieds de cet oiseau ne sera jamais persecute; au contraire, il aura toujours ravantage sur ses ennemis. Si on enveloppe I'oeil droit de Talouette dans un morceau de la peau d'un loup, I'homme qui le portera sera doux, agreable et plaisant; et si on le met dans du vin, on se fera cherir de la persoiuie qui le boira *. Cassotide. Fontaine de Delphes, dont la vertu prophetiquc inspirait des femmes qui y rendaient des oracles. Castaigne (Gabriel de),aum6nierde LouisXlII, cordelier et alchimisle. On lui doit V Or potable qui (juerit de tons maux, in-8°, rare, Paris, 1611 ; le Paradis terrestre, oil Ton trouve la guerison detoute maladie, in-8°, Paris, 1615; « le Grand y> Miracle de nature inetallique , que en imitant » icelle sans sophisliqueries, tous les metauxim- » parfaits se rendront en or fin , et les maladies 1 Angelographia, 2 vol. in-S". Francfort, 1597 et 160o. Nucleus mtjsteriorum natures enucleatus, 1603, in-8". 3 Tableau de 1' inconstance des mauvais anges, etc., liv. I, disc. III. * L'original porte cacodaimon, mauvais demon. Chez les Grecs daimon, simplement, signifiail un genie, 'une bonne intelligence, comme le demon de Socrate et quelques autres. ^ Valere-Maxime, el d'autres anciens. ' Admirubles secrets d' Albert le Grand. CAS — m — CAS » incurables se gueriront, » in-8°, Paris, 1615. Castalie. Fontaine d'Antioche, au faubourg de Daphne; ses eaux etaient prophetiques , et il y avail aupres un oracle ceiebre qui predit I'em- pire a Adrian. Quand cet oracle fut accompli, Adrien fit boucher la fontaine avec de grosses pierres, de peur qu'un autre n'y allat cliercher la meme faveur qu'il avait obtenue. Castalin (Diego). Discours prodirjieux et epou- : vantable de trois Espagnols et une Espagnole , magiciens et sorciers qui se faisaient porter par ; les diables de ville en ville , avec leurs declara- tions d'avoir fait mourir plusieurs personnes et betail par leurs sortileges, et aussi d'avoir fait plusieurs degats aux biens de la terre. Ensemble, ' I'arret prononce contre eux par la cour du par- lement de Bordeaux, in-8°, rare. Paris, 1626. « Trois Espagnols, accompagnes d'une femme espagnole, aussi sorciere et magicienne, se sont promenes par I'ltalie, Piemont, Provence, Fran- che-Comte, Flandre, et ont, par plusieurs fois, traverse la France, et tout aussitot qu'ils avaient recu quelque deplaisir de quelques-uns, en quel- ques villes, ils ne manquaient, par le moyen de leurs pernicieux charmes, de faire secher les bles et les vignes; et pour le regard du betail, il languissait quelques trois semaines, puis demeu- rait mort, tellement qu'une partie du Piemont a senli ce que c'etait que leurs maudites fagons de faire. » Quand ils avaient fait jouer leurs charmes en quelques lieux par leurs arts pernicieux, ils se faisaient porter par les diables dans les nuees, de ville en ville, et quelquefois faisaient cent lieues le jour. Mais comme la justice divine he veut pas longuement souffrir les malfaiteurs, Dieu permit qu'un cure, nomme messire Benoit la Fave, passant pres de Dole, rencontrat ces Es- pagnols avec leur servante, lesquels se mirent en compagnie avec lui et lui demanderent ou il allait. Apres leur avoir declare et conte une partie de son ennui pour la longueur du chemin, un de j ces Espagnols , nomme Diego Castalin , lui dit : — Ne vous deconfortez nullement, il est pres de midi ; mais je veux que nous allions aujour- d'hui coucher a Bordeaux. » Le cure ne repliqua rien, croyant qu'il le di- sait par risee, vu qu'il y avait pres de cent lieues. Neanmoins, apres s'etre assis tons ensemble, ils se mirent a sommeiller. Au reveil du cure , il se trouve aux portes de Bordeaux avec ces Espa- gnols. Un conseiller de Bordeaux fut averti de cette merveille; il voulut savoir comment cela s'etait passe : il denonce les trois Espagnols et la femme. On fouille leurs bagages , oii se trou- vent plusieurs livres, caracteres, billets, cires, couteaux , parchemins et autres denrees servant a. la magie. Ils sont examines ; ils confessent le tout, disant, entre autres choses, d'avoir fait, par leurs ceuvres, perir les fruits de la terre aux en- droits qu'il leur plaisait, d'avoir fait mourir plu- sieurs personnes et bestiaux , et qu'ils etaient resolus de faire plusieurs maux du cote de Bor- deaux. La cour leur fit leur proces extraordi- naire, qui fut prononc^ le l" mars 1610, et condamna Diego Castalin, Francisco Ferdillo, Vincentio Torrados etCataUna Fiosela a elre pris et menes par I'executeur de la haute justice en la place du marche aux pores, et etre conduits sur un bucher, pour la etre brules tout vifs, et leui^ corps etre mis en cendres, avec leurs livres, ca- racteres, couteaux, parchemins, billets et autres choses propres servant a la magie. » L'Espagnolequi les servait, nommee Catalina Fiosela, confessa une infinite de mechancetes par elle exercees, entre autres que, par ses sortileges, elle avait infecte, avec certains poisons, plusieurs fontaines , puits et ruisseaux , et aussi qu'elle avait fait mourir plusieurs betails, et fait, par ses charmes , tomber pierres et greles sur les biens et fruits de la terre. n Voila qui doit servir d'exemple a plusieurs personnes qui s'eludient a la magie; d'autres, sitot qu'ils ont perdu quelque chose, s'en vont au devin et sorcier, et ne considerent pas qu'al- lant vers eux, ils vont vers le diable, prince des tenebres. » On ne pent voir dans ce recit que I'histoire d'une bande de malfaiteurs. Castellini (Luc), frere precheur du dix-sep- tieme siecle. On rencontre des prodiges infernaux dans son Traite des miracles * . Castor. C'est une opinion tres-ancienne et tres-commune que le castor se mutile pour se derober a la poursuite des chasseurs. On la trouve dans les hieroglyphes des Egyptiens, dans les fables d'Esope, dans Pline, dans Aristote, dans £lien ; mais cette opinion n'en est pas moins une erreur aujourd'hui reconnue ^ Castor et Pollux, fils de Jupiter et de Leda. On en fit des dieux marins ; et , dans I'antiquite, les matelots appelaient feux de Castor et Pollux ce que nos marins appellent feux Saint-Elme. Les histoires grecques et.romaines sont remplies d'apparitions de Castor et Pollux. Pendant que Paul-Emilefaisait la guerre en Macedoine, Publius Vatinius, revenant a Rome, vit subitement de- vant lui deux jeunes gens beaux et bien faits, montes sur des chevaux blancs, qui luiannonce- rent que le roi Persee avait ete fait prisonnier la veille. Vatinius se hata de porter au senat cette nouvelle; mais les senateurs, croyant deroger a la majeste de leur caractere en s'arrelant a des puerilites, firent meltre cet homme en prison. Cependant, apres qu'on eut reconnupar les lettres du consul que le roi de Macedoine avait ete ef- fectivement pris ce jour-la, on tira Vatinius de sa prison ; on le gratifia de plusieurs arpents de 1 Tractatus de miraculis. Rome, 1629. 2 Brown, Des erreurs populaireS) liv. Ill, eh. iv. CAS — U2 CAT terre, et le senat reconnul que Castor et Pollux etaicnt les protecteurs de la republique. Pausnnias explique cette apparition : « C'etaient, dit-il , des jeunes gens revetus du costume des Tyndarides et apostes pour frapper les esprits credules. » On salt que Castor et Pollux sont devenus la constellation des Gemeaux. Castro (Alphonse de) , celebre predicateur ne au Perou,et I'un des plus savants tlieologiens du seizieme siecle, auteur d'un livre centre les ma- giciens Cataboliques. « Ceux qui ont lu les anciens savent que les demons cataboliques sont des de- mons qui emporlent les hommes, les tuent, bri- sent et fracassent, ayant cette puissance sur eux. De ces demons cataboliques, Fulgence raconte qu'un certain Campester avait ecrit un livre par- ticulier, qui nous servirait bien, si nous I'avions, pour apprendre au juste comment ces diables trai- taient leurs suppols , les magiciens et les sor- ciers ^. » Cathai-Khann , prince de la mer choz les Tar- tares. Ce demon est un affreux cannibale qui se iii saisit un jour de son compere Djilbeguenn, dit le trompeur, le fit bouillir et le mangea. 11 pos- sede une fleche qui lui revient toujours qiiand elle a accompli sa mission. Elle a percd un jour une montagne de cuivre et lui est revenue apres avoir fait le tour de la terre. Un serpent aux ecailles d'or , qui avait sur sa tete une corne d'ar- gent et des yeux d'escarboucle, distants de douze arpents I'un de I'autre, avec une queue sans fin, devora son enfant. Catai lui ddcocba sa fieche au front, qu'elle separa en deux. Le prince de la mer trouva son enfant dans le ventre du ser- pent; I'enfant vivait encore la, en compagnie de quelques h^ros, vivants encore aussi, avec leurs cbevaux. Alors le cheval de Catai dit a son maitre : « Enleve la couverture qui est sous ma selle; et je donnerai a I'enfant le peu de lait qui me reste du temps on je tetais ma mere ; » et I'enfant vecut ; et plus tard il mangea aussi son pere Ce sont la des traditions tarlares. Catalde, evequc de Tarente au sixieme siecle. Miile ans apres sa mort, on raconte qu'il semontra une nuit, en vision, a un jeune Tarentin du sei- zieme siecle , et le chargea de creuser en un lieu OESilLLES qu'il lui designa , oil il avait cache et enterre un livre ecrit de sa main pendant qu'il etait au monde, lui disant qu'incontinent qu'il aurait recouvrd ce livre, il ne manquat point de le faire tenir a P'er- dinand, roi d'Aragon et de Naples, qui regnait alors. Le jeune homme n'ajouta point foi d'abord a cette vision, quoique Catalde lui apparut pres- que tons les jours pour I'exhorter a faire ce qu'il lui avait ordonne. Enfin, un matin, avant I'au- 1 De sortilegis ac maleficis, eorumque punitione. Lyon, 1568. 2 Leloyer, Hist, et discours des spectres, liv. VII, ch. IV. rore, comme il elait en priere, il apergut Catalde vetu de I'habit episcopal, lequel lui dit avec une contenance severe : — Tu n'as pas tenu compte de cbercber le livre que je t'avais enseigne et de I'envoyer au roi Ferdinand ; sois assure , cette fois pour toutes, que si tu n'ex6cutes ce que je t'ai commande, il I'en adviendra mal. Le jouvenceau , intimide de ces menaces, pu- blia sa vision ; le peuple emu s'assembla pour I'accompagner au lieu marque. On y arriva ; on 1 M. Elie Reclus, Li'gendcs tarlares, extraites d'A. Scheifner. (Revue germanique , livraison d'aout 1860, p. 421 et427.) CAT U3 CAT creusa la terre; on trouva un petit coffre de plomb, si bien clos et cimente que Fair n'y pou- vait penelrer , et an fond dii coffret se vit le livre ou toiUes les miseres qui devaient arriver an royaunie de Naples, au roi Ferdinand et a ses enfants, elaient decrites en formes de propheLie, lesquelles ont eu lieu ; car Ferdinand fut tue au premier conflit ; son fils Alphonse , a peine maitre du trone, fut mis en deroute par ses ennemis, et inourut en exil. Ferdinand, le puine, perit mi- serablement a la fleur de son age, accable de guerres , et Frederic, petit-fils du ddfunt Ferdi- nand, "vit bruler, saccager et ruiner son pays Catalepsie, semblance d'apoplexie, eiatd'oii resulte, dit M. Lecouturier, « une insensibilite capable de faire supporter sans douleur I'opera- tion chirurgicale la plus cruelle. La catalepsie est causee par I'obstrucLion des agents nerveux. II en nait une singuliere combinaison de roideur el de souplesse dans les muscles, qui fait que les cataleptiques, complelement immobiles par eux- memes, se laissent aller a tons les mouvements reguliers qu'on leur imprime et restent fixes dans toutes les attitudes normales qu'on leur commu- nique. On pent meme leur faire prendre des atti- tudes penibles dans lesquelles il serai t impossible a I'horamele plus robuste de se maintenir. » ~ Cette maladie, qui explique quelques pheno- raenes de la sorcellerie , est provoquee ou spon- tanee. Voij. Hvpnotisme et Sommeil magnktique. Catalonos ou Babailanas, pretresses des In- diensdes iles Philippines. Files lisentdansl'avenir et predisent ce qui doit arriver. Quand elles ont annonce le bien ou le mal a ceux qui les consul- tent, elles font le sacrifice d'un cochon, qu'elles tuent d'un coup de lance et qu'elles offrent en dansant aux mauvais genies et aux ames des an- cetres, lesquelles, dans I'opinion des Indiens, ilxent leurs demeures sous de grands arbres. Catanancee , plante que les femmes de Thes- salie employaient dans leurs philtres. On en trouve la description dans Dioscoride. Cataramonachia , anatheme que fulminenl les popes grecs. Dans quelques iles de la Moree, on dit que cet anatheme donne une fievre lente dont on meurt en six semaines. Catalan (Laurent), pharmacien de Montpel- lier au dix-septieme si6cle, 11 a laisse une His- toire de la nature, chasse , verlus , proprietes el usages de la licorne, Montpellier, in-8", 162/i, el un rare et curieux discours de la plante appelee mnndragore, Paris, in-12, 1639. CathareSjheretiquesabominablesqui devaient leur nom a un chat, Calto, donl ils baisaienl le derriere dans leurs reunions secretes , persuades qu'ils etaient que Satan lui-meme recevait ainsi leurs hommages sous cette forme. lis immolaient des enfants et commettaient d'autres horreurs, Histoires prodigieuses de Boistuaux, t. I. qu'on peut lire dans la Mystique de Gorres, chap. 11 et 111 du livre V. Catharin (Ambroise), dominicain de Florence, mort a Rome en 1553, auteur d'une refutation de la doctrine et des prophelies de Savonarole ' , et d'un Traitc de la mortet de la resurrection. Catherine Voij. Revenants. Catherine (Sainte). Voy. Incombdstibles. Catherine de Medicis , celebre reine de France, singulieremont maltraitee dans I'histoire, oil I'esprit de la reforme n'a pas menage les princes catholiques: nee a Florence en 1519, morte en 1589. Elle avait foi a I'aslrologie judi- ciaire et, s'il faut en croire les protestants, a la niagie; ils faccusaient meme d'avoir porte sur I'estomac une peau de velin , peut-etre d'un en- fant egorge (voyez I'effet de ce peut-etre en his- toire), laquelle peau, setnee de figures, de lettres et de caracteres de differentes couleurs, devait la garantir de toute entreprise contre sa personne. Elle fit faire la colonne de I'hotel de Soissons ^, dans lefut de laquelle il y avait un escalier avis pour monter a la sphere armillaire qui est au haut. Elle allait y consulter les astres avec ses astrologues. Cette princesse, que Ton a fort noircie, eut beaucoup d'ennemis , surtout les huguenots, qui Discorso contra la dotirina e le profetie dt Giro- lamo Savonarola, da Ambrosio Calarino polito. ln-8 ', Venise^ ISdS. Thomas Neri combattit cet ouvrage dans en livre intitule Apologia di Tomaso Neri, in difesa della dottrina di Girolamo Savonarola. In- 8°. Florence, 1564. 2 Cette colonne existe encore a Paris, elle est adossee a la halle au ble. CAT — Ihh — CAT alors ne reculaient devant aucune calomnie. lis la represenlent comme ayant ete tres-versee dans I'arld'evoquer les esprits; ils ajoutent que, sur la peau d'enfant qii'elle porlait an cou , etaient representees pUisieurs divinlles paiennes. Etant tombee gravement malade, elle remit, disent-ils, a M. de Mesmes une boite herine- tiquement fermee, en lui faisant promettre de ne jamais I'ouvrir et de la lui rendre si elle re- venait a la vie. Longleraps apres, les enfants du depositaire, ayant ouvert la boite, dans I'es- poir d'y Irouver des pierreries ou un tresor, n'y decouvrirent qu'une niedaille de forme an- tique, large et ovale, ou Catherine de Medicis etait representee a genoux , adorant les Furies et leur presentant une offrande. Ce conle absurde donne la mesure de vingt autres. Catherine de Medicis survecut a M. de Mesmes , et elle n'aurait pas manque de relirer la cassette. Elle avait attache a sa personne , suivant I'u- sage du temps, qnelqiies astrologues, parmi les- quelsilnefautpasoublier I'illustreLuc Gauric. lis lui predirent que Saint-Germain la verraitmourir. Des lors elle ne voulut plus demeurer a Saint- Germain en Laye et n'alla plus a I'eglise de Saint- Germain d'Auxerre. Mais I'eveque de Nazareth , I'ayant assistee a I'heure de sa mort, on rcgarda la prediction comme accomplie, attendu que ce prelat s'appelait Nicolas de Saint-Germain. Catho (Angelo), savant habile dans I'astro- logie, qui predit a Charles le Temeraire sa niort funesle. Le due de Bourgogne n'en tint comple, et perdit tout, comme on sait. Malheureusemeiit, rien ne prouve que la prediction ait ele faite en temps utile. Louis XI estimait tant Angelo Calho, a cause de sa science, qu'il lui donna I'archeveche de Vienne , en Dauphine. C'est peut-etre pour cela que les prolestants en ont fait un aslrologue. Catiau , sorcier conlemporain , condamne par le tribunal de Belhune, le 30 juillet 1850. Voici le resume des faits a cette date : « Salvien-Eduuard-Joseph Catiau , aujourd'hui &ge de soixante ans, lisserand, demeurant a Loos, pres Lens, vivait peniblement de son tra- vail , lorsqu'il eut , il y a cinq ans environ , la pensee de vivre aux depens de la sotlise Im- maine. Bien des gens de la campagne, beaucoup de nos villesaussi, sont disposes , lor.sque plu- sieurs accidents ou malheurs leur arrivent, a les attribuer a une influence secrete et maligne. On leur a jele un sort ; c'est ce sort que Catiau va entreprendre de conjurer. Sa clientele, d'abord restreinle, s'augmenle peu a peu. Nous voyons une femme de Douvrin , la dame Cappe, qui perd successivement ses poulets et sa basse- cour; Catiau lui fait faire une neuvaine; des Pater, des Ave Maria recites journellement en- leveront le sort. » Plus lard, Catiau elargit le cercle de ses operations : ce ne sera plus le sort jele sur les animaux qu'il conjurera , c'est aux maladies hu- maines qu'il va s'atlaquer. Charles Delhaye, age de soixante-huit ans , rentier a Richebourg- I'Avoue , est atteint d'une hernie ; il va voir Catiau chez son gendre. Caliau lui dit qu'il a regu des missionnaires d'Amiens le pouvoir de guerir les hernies; pour cela il faut boire de I'eau que Caliau a heureusement chez lui et qui vient d'une fontaine de Rome ou Vange va se baigner une fois par an. Cette consultation mer- veilleuse coule 150 fr. au pere Delhaye. II prend encore plusieurs bouleilles d'eau ; toutes lui sont cedees genereusement au prix de 10 fr. chacune. » Comme on le voit, la matiere exploitable etait bonne. Catiau ne se fait pas faule d'en user ; il fait croire a Delhaye que ses intelli- gences avec les puissances surnaturelles lui font entrevoir que la guerre de Crimde reviendra envahir la France; qu'il faut se hater de faire des provisions de ble, parce que tout va etre pille, et que ceux qui seront pris au depourvu mourront de faim. Pour arriver a ce but, il fauL que Delhaye retire des mains d'un notaire (car les notaires vont disparaitrc avec tout le reste, sort fatal!) tout I'argent qu'il lui a donne en depot ; avec cet argent, qu'il achete de grandes quan- tiles de ble qu'il meltra dans des sacs tissus par la main do lilies vierges, et que Catiau a seul le bonheur de posseder, mais qu'il cedera au prix modesle de 9 fr. la piece. Delhaye retire en effet un peu d'argent, pas trop, car le paysnn commence a se reveiller et a retrouver sa malice; il achele un peu de ble qu'il met dans des sacs immacules. Mais le ble ne se conserve pas; et puis Catiau s'avise de decou- vrir qu'outre sa hernie, Delhaye est atteint de la picrre. Pour le coup , e'en est trop ; Catiau lui a pris plus de 1,200 fr., il veut encore le gralifier d'une souffrauce qu'il est sur de ne pas avoir. II porta sa plainte, et c'est ainsi que les hauls fails du sorcier arrivent a la connaissance du public, et malheureusement pour lui a celle de la justice, qui poursuit ses investigations, decouvre une ^norme serie de faits et con- damne le sorcier a cinq ans de prison. » Catillus. Voij. Gn.BEiiT. Catoblepas, serpent qui donne la mort a ceux qu'il regarde , si on en veut bien croire Pline. Mais la nature lui a fait la tele fort basse, de maniere qu'il lui est difficile de fixer quel- qu'un. On ajouie que cet animal habile pres de la fontaine Nigris, en filhiopie , que Ton pre- tend etre la source du Nil. Caton le Censeur. Dans son livre De re ruslira, il enseigne, parmi divers reniedes, la maniere de remellre les membres demis, el donne raeme les paroles enchantees dont il faut se servir. CAT — H5 — CAU Catoptromancie , divination par le moyen d'lin miroir. On trouve encore dans beaucoup de villages des devins qui emploient cette di- vination, autrefois fort repandue. Quand on a fait une perte , essuye un vol , ou regu quelques I \ coups clandeslins dont on veut connaitre I'au- leiir, on va trouver le sorcier on devin , qui in- Iroduit le consultant dans une chauibre a demi eclairee. On n'y pent entrer qu'avec un bandeau sur les yeux. Le devin fait les evocations, el le diable montre dans un iniroir le passe , le pre- sent et le futur. Malgre le bandeau , les credules villageois, dans de telles occasions, ont la tete tenement inontee qu'ils ne manquent pas de voir quelque chose. On se servait autrefois pour cette divination d'un miroir que Ton presentait, non devant, mais derriere la tete d'un enfant a qui Ton avail bande les yeux... Pausanias parle d'un autre effet de la catop- tromancie. « II y avail a Patras , dit-il , devant le temple de Ceres, une fontaine separee du temple par une muraille ; la on consultait un oracle, non pour tous les evenements, mais seulement pour les maladies. Le malade descen- dait dans la fontaine un miroir suspendu a un fil , en sorte qu'il ne touchat la surface de I'eau que par sa base. Apres avoir prie la deesse et brule des parfums, il se regardait dans ce mi- roir, et, selon qu'il se trouvait le visage have et defigure ou gras et vermeil , il en concluait tres- certainemenl que la maladie etait mortelle ou qu'il en rechapperait. » Cattani ( Frangois ) , eveque de Fiesole , mort en 1595, auteur d'un livre sur les supers- titions de la magie Catteri, demon du Malabar, qui possede surtout les femmes et les rend folles ou fu- rieuses. Si elles sont belles et bien faites, il leur donne des difformites. Cauchemar. On appelle ainsi un embarras dans la poitrine, une oppression et une diffi- culte de respirer qui surviennent pendant le sommeil, causent des reves fatigants, et ne 1 Sopra la superstitione dell' arte magica. Flo- rence, 1562. 40 CAU — U6 — CAY cessent que quand on se reveille. On ne savai.t pas Irop autrefois, et encore au quinzieme siecle, ce que c'elait que le cauchemar, qu'on appelait aussi alors chauche-poulet. On en fit un monstre; c'etait un moyen prompt de resoudre la difii- culte. Les uns imaginaient dans cet accident une sorciere ou un spectre qui pressait le ventre des gens endonnis, leur derobait la parole et la respiration, et les empecliait de crier et de s'eveiiler pour demander du secours; les aulres, un demon qui etouffait les gens. Les medecins n'y voyaient guere plus clair. On jie savait d'autre remede pour se garantir du cauchemar que de suspendre une pierre creuse dans I'ecurie de sa maison; etDelrio, embarrasse , crut de- cider la question en disant que Cauchemar etait un suppot de Belzebuth; il I'appelle aitleurs m- cnhus morhus. Dans les guerres de la republique frangaise en Italic, on caserna en une eglise profanee un de nos regiments. Les paysans avaient averti les soldals que la nuit on se senlait presque suffoque dans ce lieu-la , et que Ton voyait pas- ser un gros chien sur sa poitrine. Les soldats en riaient; ils se coucherent apres mille plai- sanleries. Minuit arrive, lous se sentent op- presses, ne respirent plus et voient, chacun sur son estomac , un chien noir qui disparut en- fm, et leur laissa reprendre leurs sens, lis rap- porterent le fait a leurs officiers , qui vinrent y coucher eux-memes la nuit suivante, et furcnt tourmentes du meme fantome. — Comment ex- pliquer ce fait? — « Mangez peu, tenez-vous le ventre libre, ne couchez point sur le dos, et votre cauchemar vous quitlera sans grimoire, » dit M. Salgues 11 est certain que dans les pays ou Ton ne soupe plus, on a moins de cauche- mars. Bodin conte ^ qu'au pays de Valois, en Pi- cardie, il y avait de son temps une sorte de sorciers et de sorcieres qu'on appelait cauchc- mares, qu'on ne pouvait chasser qu'a force de prieres. Cauchon (Pierre), eveque intrus de Beau- ' M. Salgues, Des erreurs ct des prejuges, t. I, p. 332. 2 Demonomanie des sorciers, liv. II, ch. vii. vais au quinzieme siecle, poursuivit Jeanne d'Arc comme sorciere et la tit bruler a Rouen. II mourut subitement en Ikk^. Le pape Ca- ll xte 111 excommunia apres sa mort ce prelat deshonore, dont le corps fut deterre et jete a la voirie. Ce qui est assez curieux, c'est que son nom a ete donne depuis a I'animal immonde qu'on n'appelait auparavant que pore ou pour- ceau. Causathan, demon ou mauvais genie que Porphyre se vanlait d'avoir chasse d'un bain pu- blic. Causimomancie, divination par le feu, em- ployee chez les anciens mages. C'etait un heu- reux presage quand les objets combustibles jetes dans le feu venaient a n'y pas bruler. Cautzer, flcuve du huitieme ciel dans le pa- radis de Mahomet. Son cours est d'un mois de chemin; ses rivages d'or; son lit, odoriferant comme le muse, est seme de rubis et de perles; son eau douce comme le lait; son ecume brillante comme les etoiles. Qui en boit une fois n'a plus jamais soif. Cayet ( Pierre- Victor-Palma)., savant ecrivain tourangeau du seizieme siecle. Outre la Chrono- loyic novcnnaivc et la Chronoloyie scplcnnaire, il a laisse VHisloirc j^rodhjlcusc ct lamenlahh du docleur Faust ^ grand magicien , traduite de I'al- Icmand en francais. Paris, 1603, in-12; et VHis- toire vcrilahle romment l ame de I'cnipereur Tra- jan a ete delivree des tourinents de I'enfer par les prieres de saint Gregoire le Grand, traduile du latin d'Alphonse Chacon; in- 8°, rare. Paris, 1607. Cayet rechercha la pierre philosophale , qu'il n'eut pas le talent de trouver; on debila aussi qu'il etait magicien; mais on peut voir qu'il ne pensait guere a se meler de magie , dans I'epilre dedicatoire qu'il a mise en tute de I'hisloire de Faust. Ce sonl les huguenots, dont il avait aban- donne le parti , qui I'accuserent d'avoir fait pacte avec le diable, pour qu'il lui apprit les langues. C'etait alors une grande injure; Cayet s'en ven- gea vivement dans un livre oil il defendit centre eux la doctrine du purgatoire Caym, demon de classe superieure, grand president aux enfers ; il se montre habituelle- mcnt sous la figure d'un merle. Lorsqu'il parait en forme humaine, il repond du milieu d'un brasier ardent; il porte a la main un sabre effile. C'est, dit-on, le plus habile sophiste de I'enfer; et il peut, parl'astuce de .ses arguments, desesperer le logicien le plus aguerri. C'est avec ' La fournaise ardente et le four du reverbere pour evaporer les pretendues eaux de Siloe, et pour corro- borer le purgatoire conlre les heresies, calornnies, faussetes et cavillations ineptes du pretendu ministre Dumoulin. Paris, 1603, in-S". Dumoulin vcnait de publier les Eaux de Siloe, pour eteindre le feu du purgatoire, centre les raisons d'un cordelier portu- gais. In-8", 1603. CAY — 147 — CEC lui que Luther eut celte fameuse dispute dont il nous a conserve les circonslances. Caym donne rintelligence du chant des oiseaux, du mugis- sement des boeufs, de raboiement des chiens et du bruit des ondes. II connait I'avenir. Quel- quefois il s'est montre en homine coiffe d'une aigrette et orne d'une queue de paon. Ce de- mon, qui fut autrefois de I'ordre des anges, commande a present trente legioils aux enfers*. Cayol , proprietaire a Marseille , mort au commencement de ce siecle. Un de ses fermiers lui apporta un jour douze cents francs; il les requt et promit la quittance pour le leudemain, parce qu'il etait alors occupe. Le paysan ne re- vint qu'au bout de quelques jours. M. Cayol ve- nait subitement de mourir d'apoplexie. Son fils avail pris possession de ses biens; il refuse de * Wierus, in Pseudomonarchia dwmon. croire au fait que le paysan raconte , et reclame les douze cents francs en justice. Le paysan fut condamne a payer une seconde fois. Mais la nuit qui suivit cette sentence, M. Cayol apparut a son tils bien eveille, et lui reprocha sa conduite. — <(. J'ai ete paye, ajouta-l-il; regarde derriere le miroir qui est sur la cheminee de ma chambre, tu y trouveras mon regu. » Le jeune homme se leve tremblant, met la main siu' la quittance de son pere et se hate de payer les frais qu'il avait fails au pauvre fer- mier, en reconnaissanl ses torts Gazette (Jacques), ne a Dijon en 1720, guil- lotine en 1793, auteur du poeme A' Olivier, ou beaucoup d'episodes roulent sur les merveilles magiqiies. Le succes qu'obtint cette production singuliere le decida a faire paraitre le DiaUe amoureux. Comme il y a dans cet ouvrage des conjurations et autres propos de grimoire, un etranger alia un jour le prier de lui apprendre a conjurer le diable, science que Cazolle ne possedait pas. Ce qui lui obtient encore place dans ce re- cueii , c'est sa prophetic rapportee par la Harpe; ou il avail pronostique la revolution dans la plu- part de ses details. Mais on n'avail imprime, dit-on, qu'un fragment de cette piece. On I'a plus lard decouverte plus entiere, et quelques- uns disent a present que celte prophetic a ete supposee, ce qui n'est pas prouve. On a public en I'an VI, a Paris, une Correspondance mys- tique de Cazotte, saisie par le tribunal revolu- tionnaire, et ou brille un certain esprit prophe- lique inexplicable. Cebus ou Cephus, monslre adore des Egyp- tiens. C'etait une espece de satyre ou singe qui avait, selon Pline, les pieds et les mains sem- blables a ceux de I'homme. Diodore lui donne une tele de lion, le corps d'une panthere et la taille d'une chevre. On ajoute que Pompee en fit venir un a Rome, et qu'on n'en a jamais vu que cette fois-la. Cecco d'Ascoli ( Frangois Stabili , , p™- fesseur d'aslrologie , ne dans la Marche d'An- cone , au treizieme siecle. II se melait aussi de magie et d'heresie. On dit , ce qui n'est pas certain, qu'il fut brule en 1327, avec son livre d'aslrologie, qui est, k ce qu'on croil, le com- mentaire sur la sphere de Sacrobosco ^ II disail qu'il se formait dans les cieux des ' esprits malins qu'on obligeait , par le moyen des constellations , a faire des choses merveilleuses. 11 assurait que I'influence des astres etait ab- solue, el reconnaissait le fatalisme. Selon sa doctrine , Notre-Seigneur Jesus-Christ n'avait ete pauvre et n'avait souffert une morl ignomi- nieuse que parce qu'il etait ne sous une constel- ' Infermliana, p. 226. 2 Commentarii in sphceram Joannis de Sacrohoaco. In-fol. Bale, USS. 40. CEC — 1 lalion qui caiisait necessairement cet effet....; au conlxaire, I'Anlechrist sera riche et puis- sant, parce qu'il nalLra sous une constellation favorable. Cette doctrine stupide fut condamnee en 1327. « Une preuve que Cecco etait fou , disent INaude et Delrio, c'est : 1° qu'il interprete le livre de Sacrobosco dans le sens des aslrolo- gues, necroinanciens et chiroscopistes ; 2" qu'il cite un grand nonibre d'auLeurs falsifies, commo les Ombres des idees de Salomon, le Livre des esprils d'Hipparc/ius , les Aspects des Hoiles , d'Hippocrate , etc. » On demandait un jour a Cecco ce que c'elaiL que la lune ; il repondit : (( C'est une terrc Comme la notre , ut terra terra est. » On a beaucoup dispute sur cet astrologue, Connu aussi sous le nom de Ceeus Asculan, el plus generalement sous celui de Cliieus Mscu- lanus. Delrio ne voit en lui qu'un hoinme su- perstitieux , qui avait la tetemal timbree. Naude, ainsi que nous I'avons note, le regarde comme un fou savant. Quelques auteurs, qui le mettent au nombre des necromanciens, lui pretent un esprit familier, nomme Floron, de I'ordre des Cherubins, lequel Floron I'aidait dans ses Ira- vaux et lui donnait de bons conseils; ce qui ne TeiDpecha pas de faire des livres ridicules. Cecile. Vers le milieu du seizieme siecle , une femme nommee Cecile se montrait en spectacle a Lisbonne; elle possedait I'art de si bien varier sa voix qu'elle la faisait partir tantot de son CoUde, tantot de son pied, tantot de son ventre. Elle liait conversation avec un etre invisible qu'elle nommait Pierre-Jean, et qui repondait a loutes ses questions. Cette femme ventriloque fut reputee sorciere et bannie dans I'ile Saint- Thomas * M. Salgues, Des erreurs, etc., t. II, p. 227. h% — 'CEN Ceintures magiques. Plusieurs livres de secrets vous apprendront qu'on guerit toutes sortes de maladies interieures en faisant porter au malade une ceinture de fougere cueillie la veille de la Saint-Jean, a midi, et tressee de maniere a former le caractere magique HVTY. Le synode tenu a Bordeaux en 1600 a con- damne ce remede, et la raison, d'accord avec I'Eglise, le condamne tous les jours. Celse, philosophe eclectique du deuxieme siecle, ennemi des Chretiens. En avouant les miracles de Jesus-Christ , il disait qu'ils avaient ete operes par la magie, et que les Chretiens etaient des magiciens. II a ete refute par Ori- gene. Celsius (Andre), Suedois, mort en Mhh, auteur d'une Leltre sur les cometes, publiee a Upsal I'annee de sa mort. Cenchroboles, nation imaginaire dont parlc Lucien. II dit que les Cenchroboles allaient au combat montes sur de grands oiseaux, couverts d'herbes vivaces au lieu de plumes. Cendres. On soulenail dans le dix-seplieme- siecle, entre autres erreurs, qu'il y avait des semences de reproduction dans les cadavres, dans les cendres des animaux et meme des planles brulees; qu'une grenouilic, par exemple, en se pourrissanl, engendrait des grenouilles, et que les cendres de roses avaient produit d'au- tres roses. Voy. V kumtm?,\\-.. Lc Grand Albert dit que les cendres de bois astringent resserrent, el qu'on se relache avec des cendres de bois conlraire. « Et, ajoute-l-il, Dioscoride assure que la Icssive de cendres de sarments, hue avec du sel, est un remede sou- verain conlre la suffocation de poitrine. Quant a moi, ajoule-t-il, j'ai gueri plusieurs personnes de la pesle en leur faisanl boire une quanlile d'euu ou j'avais faitamorlir de la cendre chaude, et leur ordonnant de suer apres I'avoir hue » Cene. Au sabbat, les meneurs qui veulent singer ou conlrefaire tout ce qui est du culle divin font meme la cene ou communion , c'est- a-dire qu'ils donnent ce nom a une horrible sce- leratesse. On lit ceci dans les declarations de Madeleine Bavent. « J'ai vu faire une fois la cene .au sabbat, la nuit du jeudi saint. On ap- porta un enfant tout roti, et les assistants en mangerent. Pendant ce repas horrible, un de- mon circulait en disant a tous : Aucun de vous ne me trahira. » Et ces horreurs ne sont pas des conies. Voy. Sabbat. Cenethus , second roi d'ficosse. Desirant venger la mort de son pere, tue par les Fides, il exhorlait les seigneurs du pays a reprendre les armes; mais, parce qu'ils avaient ete mal- heureux aux precedenles batailles, les seigneurs hesitaient. Cenethus, sous pretexle de les en- ' Les admirables secrets d' Albert le Grand, liv. Ill, ch. I. CEP — U9 — CER tretenir des affaires du pays, manda les plus braves chefs a un conseil. II les fit loger dans son chateau , ou il avait cache dans un lieu se- cret quelques soldats accoutres de vetements horribles faits de grandes peaux de loups ma- rins, qui sont tres-frequents dans le pays, voisin de la mer. lis avaient a la main gauche des ba- tons de ce vieux bois qui luit la nuit, et dans la droite des cornes de bceuf percees par le bout, lis se tinrent reclus jusqu'a ce que les seigneurs fussent ensevelis dans leur premier sommeil : alors ils commencerent a se niontrer avec leurs bois qui eclairaient, et firent resonner leurs cornes de boeuf, disant qu'ils etaient envoyes pour leur annoncer la guerre centre les Pictes. — Leur victoire, ajoutaient-ils , elait ecrite dans le ciel. Ces fantomes jouerent bien leur role, et s'evaderent sans etre decouverts. Les chefs emus vinrent trouver le roi, auquel ils com- miiniquerent leur vision ; et ils assailiirent si vivement les Pictes qu'ils ne les defirent pas seulement en bataille, mais qu'ils en ex'ter- minerent la race *. Cephalonomancie. Voy. Kephalonomancie. Ceram , I'une des iles Moluques. On y remar- qiie, sur la cole meridionale, une monlagne ou resident, dit-on, les mauvais genies. Les navi- gateurs de Tile d'Amboine, qui sont tous tres- siiperstitieux , ne passent guere en vue de cette montagne sans faire une offrande a ces mauvais genies, qu'ils empechent ainsi de leur susciler des tempetes. Le jour, ils deposent des fleurs et une petite piece de monnaie dans une coque de coco; la nuit, ils y mettent de I'huile avec de petites meches allumees, et ils laissent flotter cette coque au gre des vagues. Cerambe, habitant de la terre, qui se retira sur une montagne au moment du deluge de Deu- calion etqui fut change en cette espece d'escargot qui a des cornes. II en est la tige ou la souche, dans I'ancienne mythologie. Ceraunoscopie. Divination qui se pratiquait, chez les anciens , par I'observation de la foudre et des eclairs, et par I'examen des phenomenes de I'air. Cerbere. Cerberus ou Naberus est chez nous un demon. Wierus le met au nombre des marquis de I'empire infernal. II est fort et puissant ; il se monlre, quand il n'a pas ses trois tetes de chien, sous la forme d'un corbeau; sa voix est rauque : neanmoins il donne I'eloquence et I'amabilite ; il enseigne les beaux -arts. Dix-neuf legions lui obeissent. On voit que ce n'est plus la le Cerbere des an- ciens, ce redoutable chien, portier incorruptible des enfers , appele aussi la bele aux cent tetes, centiccps hellua, a cause de la multitude de ser- i pents dont ses trois crinieres etaient ornees. He- j siode lui donne cinquante tetes de chien ; 'mais j 1 Boistuaux, Histoires prodigieuses , t. I. on s'accorde generalement a ne lui en recon- naitre que trois. Ses dents etaient noires et tran- chantes, etsa morsure causait une prompte mort. On croit que la fable de Cerbere remonte aux Egyptiens , qui faisaient garder les tombeaux par des dogues. Mais c'est principalement ici du de- mon Cerberus qu'il afallu nousoccuper. En 1586, il fit alliance avec une Picarde nommee Marie Martin. Voy. Martin. Cercles magiques. On ne pent guere evoquer les demons avec surete sans s'etre place dans un cercle qui garantisse de leur atteinte, parce que leur premier mouvement serait d'empoigner, si Ton n'y mettait ordre. Voici ce qu'on lit a ce propos dans le fatras intitule Grimoire du pape Honor ius : « Les cercles se doivent faire avec du charbon, de I'eau benite aspergee, ou du bois d'une croix benile... Quand ils seront faits de la sorte , et quelques paroles de I'Evangile ecrites autour du cercle, sur le sol, on jettera de I'eau benite en disant une priere superstitieuse dont nous devons citer quelques mots : « — Alpha , sOm^ga, Ely, l5lohe, Zebahot, Elion, Saday. » Voila le lion qui est vainqueur de la tribu de » Juda, racine de David. J'ouvrirai le livre et » ses sept signets... » 11 est facheux que I'auteur de ces belles oraisons ne soit pas connu, on pourrait lui faire des compliments. On recite cela apres quelque formule de con- juration, et les esprits paraissent. Voy. Conjura- tion. Le Grand Grimoire ajoute qu'en entrant dans le cercle, il faut n'avoir sur soi aucun metal impur, mais seulement de I'or ou de I'argent, pour jeler la piece a I'esprit. On plie cette piece dans un papier blanc, sur lequel on n'a rien ecrit ; on I'envoie a I'esprit pour I'empecher de nuire ; et, pendant qu'il se baisse pour la ramasser de- vant le cercle, on prononce la conjuration qui le soumet. Le Dragon rouge recommande les memes precautions. II nous reste a parler des cercles que les sor- CER — 15 0 — CER ciers font au sabbat pour leiirs danses. On en montre encore dans les campagnes; on les ap- pelle cercles du sal)bat ou cercles des fees, parce qu'on croyait que les fees tragaient de ces cercles magiqnes dans leurs danses au clair de la lune. lis ont quelquefois douze ou quinze toises de dia- metre et contiennent un gazon pele a la ronde de la largeur d'un pied , avec un gazon vert au mi- lieu. Quelquefois aussi tout le milieu est aride, des- seche, et la bordure lapissee d'un gazon vert. Jessorp et Walker, dans /cs Transactions philoso- phiques, attribuent ce phenomene au tonnerre : ils en donnent pour raison que c'est le plus sou- vent apres des orages qu'on apercoit ces cercles. D'autres savants ont pretendu que les cercles niagiques etaient I'ouvrage des fourmis, parce qu'on trouve souvent cas insectes qui y travail- lent en foule. On regarde encore aujourd'hui, dans les campagnes peu eclairees, les places ari- des comme le rond du sabbat. Dans la Lorraine, les traces que forment sur le gazon les tourbil- lons des vents et les sillons de la foudre passent toujours pour les vestiges de la danse des fees, et les paysans ne s'en approchent qu'avec ter- reur ^ Cercueil. L'epreuve ou jugement de Dieu par le cercueil a ete longtemps en usage.' Lorsqu'un assassin, malgre les informations, restait inconnu, on depouiilait entierement le corps de la victime; on le meltait dans un cercueil , et tous ceux qui etaient soupconnes d'avoir eu part au meurlre etaient obliges de le toucher. Si Ton remarquait un mouvement, un changement dans les yeux, dans la bouche ou dans toute autre partie du mort, si la plaie saignait, — celui qui touchait le cadavre dans ce mouvement extraordinaire etait regarde et poursuivi comme coupable. Ri- chard Goeur de lion s'etait revolte contre Henri II son pere, a qui il succeda. On rapporte qu'apres la mort de Henri II , Richard s'etant rendu a Fontevrault, oh le feu roi avait ordonne sa se- pulture, a I'approche du fils rebelle, le corps du malheureux pere jela du sang par la bouche et par le nez, et que ce sang jaillit sur le nouveau souverain. On cite plusieurs exemples sembla- bles, dont la terrible morale n'etait pas trop forte dans les temps barbares : Voici un petit fait qui s'est passe en Ecosse : — Un fermier , nomme John Mac Intos, avait eu quelques contestations avec sa soeur Fanny Mac- .AUan. Peu de jours apres il mourut subitement, Les magistrals se rendirent chez lui et remar- querent qu'il avait sur le visage une large bles- sure, de laquelle aucune goutte de sang ne s'e- chappait. Les voisins de John accoururent en foule pour deplorer sa perte; mais, quoique la maison de sa soeur fut proche de la sienne , elle n'y entra pas et parut peu affectee de cet evene- ' Madame Elise Voiart, notes au livre I" de la Vierge d'Arduene. ment, Cela suffit pour exciter parmi les ministres et les baillis le soupcon qu'elle n'y etait peut- etre pas etrangere. En consequence, ils lui or- donnerent de se rendre pres du defunt et de placer la main sur son cadavre. Elle y consenlit ; mais avant de le faire , elle s'ecria d'une voix solennelle : Je souhaite humblement que le Dieu puissant qui a ordonne au soleil d'eclairer I'uni- vers fasse jaillir de celte plaie un rayon de lu- miere dont le rellet designera le coupable. Des que ces paroles furent achevees, elle s'approcha, posa legerement un de ses doigtssurla blessure. et le sang coula immediatement. Les magistrals crurent y voir une revelation du ciel ; et Fanny, condamnee, fut executee le jour meme. On voit dans la vie de Charles le Ron , par Gualbert, que les meurtriers en Flandre, au dou- zieme siecle , apres avoir lue leur victima , man- geaient et buvaient sur le cadavre , dans la per- suasion qu'ils paralysaient par cette ceremonie toute poursuite contre eux a I'occasion du meur- tre. Les assassins de Charles le Bon avaient pris cette precaution ; ce qui ne les empecha pas d'etre tous mis au supplice. Cercopes, demons mechants et impies, dont Hercule reprima les brigandages. Cerdon,heretiquedu deuxieme siecle, chef des cerdoniens. 11 enseignait que le monde avait ete cree par le demon , et admettait deux principes egaux en puissance. Ceres. « Qi^i'etaient-ce que les mysteres de Ceres a Eleusis, sinon les symboles de la sorcel- lerie, de la magie et du sabbat? A ces orgies, on dansait au son du clairon , comme au sabbat des i sorcieres; et il s'y passait des choses abomina- bles, qu'il etait defendu aux profes de reveler » On voit dans Pausanias que les Arcadiens re- presentaient Ceres avec un corps de femme et une tete de cheval. On a donne le nom de Ceres a une planete decouverte par Piazzi en 1801. Cette planete n'a encore aucune influence sur les horoscopes. Voy. Astp.ologie. Cerf. L'opinion qui donne une tres-longue vie | a certains animaux , et principalement aux cerfs, est fort ancienne. Hesiodedilque lavie de I'homme finit a quatre-vingt- seize ans, que celle de la corneille est neuf fois plus longue, et que la vie du cerf est quatre fois plus longue que celle de la corneille. Suivant ce calcul, la vie du cerf est de trois mille quatre cent cinquante-six ans. tit Pline rapporte que, cent ans apres la mort sli d' Alexandre, on prit dans les forets plusieurs cerfs [ auxquels ce prince avait attache lui-meme des i colliers. On trouva , en 1037, dans la foret de i Senlis, un cerf avec un collier portant ces mots : liey CcBsar hoc me donavit. « C'est Cesar qui me I'a donne ; y mais quel Cesar? Ces circonstances ont ' fortifie toutefois le conte d'Hesiode. Les cerfs ne vivent pourtant que trente-cmq a quarante ans. ; I ' Leloyer, Disc, et hist, des spectres, p. 689, 768. I**! i CER — 151 — CES Ce que Ton a debile de leur longiie vie , ajoute Biiffon , n'est appnye sur aucun fonderaent; ce n'est qu'un prejuge populaire , dont Aristote lui- meme a revele I'absurdite. Le collier du cerf de la foret de Senlis ne peut presenter iine enigme qn'aiix.personnes qui ignorent que tous les em- pereurs d'Allemagne ont ete designes par le nom de Cesar. j Une autre tradition touchant le cerf, c'est que la partie destinee a la generation Uii tombe cha- ; que annee. Apres avoir ainsi observe ce qui a lieu par rapport a son bois, on s'est persuade que la meme chose arrivait a la partie en ques- tion. L'experience et la raison detruisenl egale- ment une opinion si absurde Cerinthe, heretique du temps des apotres. 11 disait que Dieu avait cree des genies charges de gouverner lemonde; qu'un de ces genies avait fait tous les miracles de I'histoire des Juifs; que !es enfants de ces esprits etaient devenus des de- mons, et que le Fils de Dieu n'etait descendu j sur la terre que pour ruiner le pouvoir des mau- vais anges. II avait ecrit des revelations qu'il pretendait lui avoir ele faites par un ange de bien, avec qui il se vantait de converser familie- rement. « Mais cet ange , comme dit Leloyer, etait un chenapant de demon, et pas autre chose. » Cerne, mot vieilli. C'etait autrefois le nom qu'on donnait au cercle que les niagiciens ti'a- caient avec leur baguette pour evoquer les de- mons. Ceromancie ou Giromancie. Divination par le moyen de la cire, qu'on faisait fondre et qu'on versait goutte a goutte dans un vase d'eau, pour en tirer, selon les figures que formaient ces gouttes, des presages heureux ou malheureux. Les Turcs cherchaient surtout a decouvrir ainsi les crimes et les lareins. lis faisaient fondre un morceau de cire a petit feu, en raarrnottant quel- ques paroles; puis ils otaient cette cire fondue de dessus le brasier, et y trouvaient des figures qui indiquaient le voleur, sa maison et sa re- traite. Dans I'AIsace, au seizieme siecle, et peut- etre encore aujourd'hui, lorsque quelqu'un est malade et que les bonnes femmes veulent de- couvrir qui lui a envoye sa maladie , elles pren- nent autant de cierges d'un poids egal qu'elles soupconnent d'etres ou de personnes ; elles les allument, et celui dont le cierge est le premier consume passe dans leur esprit pour I'auteur du malefice ^. Cerveau. Les quarterons de savants qui ont attaque le dogme de I'unite de I'espfece humaine ont avance que le cerveau des nfegres etait infe- rieur au cerveau des blancs. Mais le savant Tied- ^ Brown, Essais sur les erreurs, etc., 1. 1, liv. Ill, ch. X. M. Salgues , Des erreurs et des prejuges, t. II , p. 215. Buffon, Histoire naturelle, etc. 2 Delancre, Incredulite et mecreance du sortilege pleinement convaincue, traite V. Delrio, liv. IV. man a parfaitement etabli et prouv^ qu'il n'existe aucune difference appreciable dans le poids moyen et les dimensions moyennes du cerveau du negre et de I'Europeen. La legere difference qu'on re^ marque dans sa forme exterieure disparait dans la structure interne, Cervelle. On fait merveille avec la cervelle de certaines betes. L'auteur des Admirables se- crets d' Albert le Grand dit, au liv. Ill, que la cervelle de lievre fait sortir les dents aux enfants, lorsqu'on leur en frotte les gencives. II ajoute que les personnes qui ont peur des revenants sg guerissent de leurs terreurs paniques , si elles mangent souvent de la cervelle de lifevre. La cervelle de chat ou de chatte, si on s'en frotte les dehors du gosier , guerit en moins de deux jours les inflammations qui s'y font sentir, mais apres une crise de fievre violente, Les premiers hommes ne mangeaient la cervelle d'aucun ani- mal , par respect pour la tete , qu'ils regardaient comme le siege de la vie et du sentiment. Cesaire ou Cesarius d'Heisterbach (Pierre) , moine de Citeaux, mort en 12/|0. On lui doit un recueil de miracles ou les demons figurent tres- souvent'. Ce recueil, nous ne saurions trop en dire la raison , a ete mis a I'index en Espagne. II est cite plusieurs fois dans ce dictionnaire. Cesaire (Saint). Voy. Mirabilis liber. Cesalpin (Andre), medecin du seizieme siecle, ne a Arezzo en Toscane, auteur de Recherches sur les Demons, ou Ton explique le passage d'Hip- pocrate, relatif aux causes surnaturelles de cer- taines maladies ^ Ce traite , compose a la priere de I'archeveque de Pise, parut au moment ou les religieuses d'un convent de cette ville etaient obsedees du demon. L'archeveque demandait a tous les savants si les contorsions de ces pauvres filles avaient une cause naturelle ou surnatu- relle. Cesalpin, particulierement consult^, re- pondit par le livre que nous citons. 11 commence par exposer une immense multitude de fails at- tribues aux demons et a la magie, Ensuite il diS' cute ces faits ; il avoue qu'il y a des demons, mais qu'ils ne peuvent guere communiquer ma' teriellement avec I'homme ; il termine sn se sou- mettant a la croyance de I'Eglise, 11 declare que la possession des religieuses de Pise est surnatU' relle ; que les secours de la medecine y sont in- suffisants, et qu'il est bon de recourir au pouvoir des exorcistes, Cesar (Caius Julius). On a raconte de cet hommefameux quelquesmerveilles surprenantes. Suetone rapporte que, Cesar etant avec son ^ Illustrium miraculorum et historiarum memora- bilium libri XII, a Ccesario Heisterbachensi, ordinis cisterciensis , etc. In-8°. Antverpiae, 1605. Nurem- berg, U81. In-foL Cologne, 1599. In-8°. Douai, 1 604. 2 Dcemonum investigatio peripatetica , in qua ex- plicatur locus Hippocratis : si quid divinum in morbis habeatur. In-4p. Florence, 1580. CES — 152 — CHA armee sur les bords du Rubicon que ses soldats hesitaient a traverser, il apparut un inconnu de taille extraordinaire qui s'avanga en sifilant vers • le general. Les soldats uccoururent pour le voir; aussitot le faiitome saisit la trompette de I'un d'eux, Sonne la charge, passe le fleuve ; et Cesar s'ecrie , sans deliberer davantage : — Aliens ou les presages des dieux et I'injustice de nos en- nemis nous appellent. — L'armee le suivit avec ardeur. Lorsqu'il debarqua en Afrique pour faire la guerre a Juba , il tomba a terre. Les Remains se troublerent de ce presage; mais Cesar rassura les esprits en einbrassant le sol'et en s'ecriant, comme si sa chute eiit ete volontaire: « Afrique, tu es a moi, car je te tiens dans mes bras. » On a vante I'etonnanle force de ses regards ; on a dit que des cotes des Gaules , il voyait ce qui se passait dansl'ile des Bretons. Roger Bacon, qui ne doute pas de ce fait, dit que Jules Cesar n'exaniinait ainsi tout ce qui se faisait dans le? camps et dans les villes d' Anglelerre qu'au moyen de grands miroirs destines a cet usage. On assure que plusieurs astrologues predirent a Cesar sa mort funeste ; que sa femme Cal- < purnie lui conseilla de se defier des ides de mars ; qu'un devin celebre tacha egalement de I'effrayer par de sinistres presages lorsqu'il se rendait au senat, ou il devait etre assassine : toutes choses conlees apres I'evenement. On ajoute qu'une comete parut a I'instant de sa mort. On dit encore qu'un spectre poursuivit Brutus, son meurtrier, a la bataille de Philippes; " que, dans la meme journee, Cassius crut voirau fort de la melee Cesar accourir alui a toute bride, avec un regard foudroyant, et qu'effraye de cette vision terrible, il se perga de sonepee. Quoi qu'il en soit, Jules Cesar fut mis au rang des dieux par ordre d'Auguste, qui prelendit que Venus avait emporte son ame au ciel. On le re- presentait dans ses temples avec une etoile sur la tete, a cause de la comete qui parut au moment de sa mort. Cesar, charlatan qui vivait a Paris sous Henri IV, etqui etait astrologue, necromancien, chiroman- cien, physicien, devin, faiseur de tours magi- ques. 11 disait la bonne aventure par I'inspection des lignes de la main. II guerissait en pronon- gant des paroles et par des attouchements, II ar- rachait les dents sans douleur, vendait assez cher de petits joncs d'or emailles de noir, comme ta- lismans qui avaient des proprietes merveilleuses centre toutes les maladies. II escamotait admira- blement et faisait voir le diable avec ses cornes. Quant a cette derniere operation , il semble qu'il voulait punir les curieux d'y avoir cru ; car ils en revenaient toujours si bien rosses par les su- jels de Belzebuth, que le magicien lui-meme etait oblige de leur avouer qu'il etait fort imprudent de chercher a les connaitre. Le bruit courut a Paris, en 1611, que I'enchanteur Cesar et un autre sorcierdesesamisavaienlete etranglesparle diable. On publia meme, dans un petit imprime, les details de cette aventure infernale. Ce qu'il y a de certain , c'est que Cesar cessa tout a coup de se montrer. II n'etait cependant pas mort; il n'avait meme pas quitte Paris. Mais il etait de- venu invisible, comme quelques autres que I'Etat se charge de loger Voy. RuGGi^ni. Cesara. Les Irlandais croient remonter a Ce- sara, petite-fiile de Noe, disent-ils, qui se re- fugia dans leur ile , ou, par grace speciale, elle fut a I'abri des eaux du deluge. Cesonie, femme de Caligula. SueLone conte que, pour s'assurer le coeur.de son auguste epoux , elle lui fit boire un philtre qui acheva de lui faire perdre I'esprit. On pretend qu'il y avait dans ce philtre de I'hippomane, qui est un morceau de chair qu'on trouve quelquefois , dit- on , au front du poulain nouveau ne. Voy. Hip- pom an k. Ceurawats, sectaires indiens, qui ont si grande peur de detruire des animaux , qu'ils se couvrent la bouche d'un linge pour ne pas ava- ler d'insectes. lis admettent un bon et un mau- vais principe , et croient a des transmigrations perpetuelles dans differents corps d'hommes ou de betes. Cevennes. Voy. Dauphine. Ceylan. Les habitants croient que cette ile fut le lieu qu'Adam et Eve habiterent, apres avoir ete chasses du jardin de delices. Chabbalach. Voy. Malache. Chacon (Alphonse) , en latin Ciaconius , do- minicain espagnol du seizieme siecle , auteur du traite traduit par Cayet : Comment I'dmc de Tra- jan fut delivrie de I'enfer ^. Chacran, tonnerre de Wishnou. Les Indiens le representent sous la figure d'un cercle qui vomit du feu de tons cotes, comme nos soleils d'artifice. Chahriver, amschaspand qui preside aux richesses metalliques enfouies dans le sein de la terre. Chaine du diable. C'est une tradition parmi les vieilles femmes de la Suisse que saint Ber- nard tient le diable enchaine dans quelqu'une des montagnes qui environnent I'abbaye de Clairvaux. Sur cette tradition est fondee la cou- tume des marechaux du pays de frapper tons les lundis, avant de se mettre en besogne, trois coups de marteau sur I'enclume pour resserrer la chaine du diable, afin qu'il ne puisse s'e- chapper. Chaire salee. On donnait ce nom en Cham- pagne a une monsLrueuse efligie de dragon que Ton promenait a Troyes dans les processions 1 Charlatans celebres, t. I, p. 202. 2 Tractatus de liberatione animw Trajani impera- tons a poenis inferni, etc. Rome, 1576. Reggio, 158.5. CHA — 153 — CHA des Rogations. C'etait un symbols de I'herfeie domptee par saint Loup. Le jansenisme a sup- prime de nos fetes ces accessoires, qui attiraient la foule et qui rappelaient des souvenirs utiles. Chaires de magie. 11 y a eu de ces chaires tenues secretement a I'universite de Salamanque, a Tolfede , au pays de Naples et en d'autres lieux, au moyen age ; et assurement il y en a encore aujourd'hui. ^ ^ Chais (Pierre), ministre proteslant, ne a Geneve en 1701. Dans son livre intitule le Sens littdml de I'Ecrilure sainte, etc., traduit de I'an- glais, de Stackhouse, 3 volumes in-8°, 1738, il a mis une curieuse dissertation, dont il est I'au- teur, sur les deraoniaques. Chalcedoine. On conte qu'apres que les Parses eurent ruine Chalcedoine, sur le Bos- phore , Constantin le Grand voulut la rebatir, parce qu'il en aimait le sejour. Mais des aigles vinrent qui, avec leurs serres, enleverent les pierres des mains des ouvriers. Ce prodige se repeta tant de fois , qu'il fallut renoncer a re- construire la ville , si bien que I'empereur alia balir Constantinople.... Chald6ens. On pretend qu'ils trouverent I'as- irologie ou du moins qu'ils la perfectionnerent. lis etaient aussi habiles magiciens. Cham, troisieme fils de Noe , inventeur ou conservateur de la magie noire. 11 perfeclionna les divinations et les sciences superstilieuses. Cecco d'Ascoli dit, dans le chapitre iv de son Commentaire sur la Sphere de Sacrobosco, avoir vu un livre de magie compose par Cham, et contenant les Elements et la pratUpie de la n6- cromancie. II enseigna cette science redoutable a son fils Misraim , qui , poui' les merveilles qu'il faisait, fut appele Zoroastre, et composa, sur cet art diabolique, cent mille vers, selon Suidas, et trois cent mille, selon d'autres. — Les mons- Iriiosites de Cham lui atlirerent , dit-on , un cha- Cliamcau. timent terrible; il fut emporte par le diable a la vue de ses disciples. Berose pretend que Cham est le memo que Zoroastre. Annius de Viterbe pense que Cham pourrait bien etre le type du Pan des anciens parens K Kircher dit que c'est leur Saturne et leur Osiris. D'autres pretendent que c'est Cham ou Chamos qui fut adore sous le nom de Ju- piter-Ammon. On dit encore que Cham a in- vente I'alchimie , et q«'il avait laisse une pro- phetic dont I'heretique Isidore se servait pour faire des proselytes. Nous ne la connaissons pas autrement que par un passage de Christophe Sand, qui dit que Cham, dans cette prophetic, annongait I'immortalite de I'ame ^ 1 Comment, ad Berosi lib. III. Wierus, De pras- tigiis, dit que Pan est le prince des demons incubes. 2 Christop. Sandii lib. de origine anima , p. 99. Chamans, pretres sorciers des Yacouts. Voy. Mang-Taar. Chambres infestees. Voy. Chat, Deshou- LiERES, Despilliers, Ath^;nagore , Ayola, etc. _ Ghameau. Les musulmans onl pour cet ani- mal une espece de veneration ; iis croient que c'est un peche de le trop charger ou de le faire travailler plus qu'un cheval. La raison de ce respect qu'ils ont pour le chameau , c'est qu'il est surtout commun dans les lieux sacres de r Arabic, et que c'est lui qui porte le Koran, quand on va en pelcrinage a la Mccque. Mahomet a mis dans son paradis la chamelle du prophete Saleh^ Les conducteurs des chameaux, apres les avoir fait boire dans un bassin, prennent I'ecume 1 Voyez I'histoire de cette chamelle dans les Le- gendes de I'Ancien Testament.. CHA qui decoule de leur bouche et s'en froUent de- volemcnt la barbe, en disant : « 0 pere pelerin! 6 pere pelerin ! » llscroient que cette ceremonie les preserve de mechef dans leur voyage. — Les Turcs croienL aussi que la peau du chanieau a dcs verLus propres aux operalions magiques. On voit dans les Admirables Secrets d'Alberl le Grand, livre II, chap, iii, que « si le sang du chameau est mis dans la peau d'un taureau pendant que les etoiles brillent, la fumee qui en sortira fera qu'on croira voir un geant dont la tete semblera toucher le ciel. Hermes assure I'avoir eprouve lui-meme. Si qnelqu'un mange de ce sang, il deviendra bientot fou; et si Ton allunie une lampe qui aura ete frotlee de ce menie sang, on s'imaginera que tous ceux qui seront presents auront des tetes de chameau, pourvu cependant qu'il n'y ait point d'autre lampe qui eclaire la chambre. » Voy. Jt: an-Bap- Tisri-,. Chammadai , le meme din' Asmodee. Chamos, demon de la llallerie, membre du conseil infernal. Les Ammonites et les Moabiles adoraient le soleil , sous le nom de Chamos, Ka- mosch ou Kemosch ; et Milton I'appelle Vobscene tcrrenr des en/ants de Moab. D'autres le con- fondenl avec Jupiter-Ammon. Vossius a cru que c'ctait le Comus des Grecs et des Remains, qui elait le dieu des jeux , des danses et des bals. Ceux qui derivent ce mot de I'hebreu Kamos pretendent qu'il signifie le dieu cache, c'esl-a- dire Pluton, dont la demeure est aux enfers. Chamouillard , noaeur d'aiguillette et co- quin coupable de plusieurs mefaits, qui fut condamne, par arret du parlement de Paris, en 1597, a el re pendu et brijle, pour avoir male- ficie une demoiselle de la Barriere. Voy. Liga- tures. Champ du rire. Annibal , lorsqu'il faisait le siege de Rome, se retira, dit-on, de devant cette ville, epouvanle de vaines terreurs et de fan- tomes qui troublerent ses esprits. Les Remains, le voyant lever le siege, pousserent de tels oris de joie et firent de si grands eclats de rire, que le lieu d'ou il decampa s'appela le Champ du rire. Champier (Symphorien) , Lyonnais du quin- zieme siecle, qui a publie en 1503 la Nef des dames verlueuses, en quatre livres melesde prose et de vers, dont le iroisieme contient les pro- pheties des sibylles. On I'a soupgonne a tort d'etre I'auteur du traile des Trois Imposteurs; mais il a laisse un petit livre intitule De Tri- plici disciplhia. In-8°, Lyon, 1508. On lui doit aussi des dialogues sur la necessite de pour- suivre les magiciens ' Champignon. Les Hollandais appellent le champignon /)am du diablc (duivels-brood), 1 Dialogus in magicaruin artium destrudionem. la-i°. Lyon, Balsarin, sans date (vers 1507). CHA Chandelle. Cardan pretend que , pour savoir si un tresor est enfoui dans un souterrain oij Ton creuse dans ce but, il faut avoir une grosse chandelle, faite de suif humain, enclavee dans un morceau de coudrier en forme de croissant, de maniere a figurer avec les deux branches une fourche a trois rameaux. Si la chandelle, elant allumee dans le lieu souterrain, y fait beaucoup de bruit en petillant avec eclat, c'est une marque qu'il y a un tresor. Plus on appro- chera du tresor, plus la chandelle pelillera; enfin elle s'eteindra quand elle en sera tout a fait voisine. Ainsi il faut avoir d'autres chandelles dans des lanternes, afin de ne pas demeurer sans lumiere. Quand on a des raisons solides pour croire que ce sont les esprits des hommes de- funts qui gardent les tresors, il est bon de tenir des cierges benits au lieu de chandelles com- munes; et on les conjure de la part de Dieu de declarer si Ton pent faire quelque chose pour les mettre en lieu de repos; il ne faudra jamais manquer d'executer ce qu'ils auront demande '. Les chandelles servent a plus d'un usage. On voit dans tous les demonographes que les sor- cieres, au sabbat, vont baiser le derriere du diable avec une chandelle noire a la main. Bo- guet dit qu'elles allument ces chandelles a un flambeau qui est sur la tete de bouc du diable, entre ses deux cornes, et qu'elles s'eteignent et s'evanouissent des qu'on les lui a offertes ^ IN'oublions pas que trois chandelles ou trois bougies sur ime table sont de mauvais augure; et que quand de petits charbons se detachent de la lumiere d'une chandelle, ils annoncent, scion quelques-uns, une visite ' ; mais, selon le sen- timent plus general , une nouvelle, agreable s'ils augmentent la himiere , facheuse s'ils I'affai- blissent. Chandelle de la mort. Voy. Canwvll-couph. Chant. Le chant des possedes est toujours altere , de maniere que les femmes ont une voix d'homme et les hommes une voix de femnie. Chant du coq. 11 dissipe le sabbat. Chaomancie, art de predire les choses fu- tures par le moyen des observations qu'on fait sur I'air. Cette divination est employee par quel- ques alchimistes, qui ne nous en ont pas donne le secret. Chapeau venteux. Voy. Eric. Chapelet. On a remarque pertinemment que tous les chapelets de sorcieres avaient une croix cassee ou endommagee : c'etait meme un indice do sorcellerie qu'une croix de chapelet qui n'etait pas enliere. Chapelle du damne. Raymond Diocres, chanoine de Notre-Dame de Paris , mourut en ' Le solide tresor du Petit Albert. - Discours des sorciers, ch. xxii. 3 Brown, liv. V, ch. xxiii. — 15/i — CHA — 155 — CHA repulation de saintele vers Fan IO8/1. Son corps ayant ete porte dans le choeur de la calhedrale, il leva la tete hors dii cercueil a ces graves pa- roles de Toffice des morts : — Repondez-moi , quelles sont mes imquites? Responde mihi quantas haheo iniquitatcs? etc., et qu'il dit : Justo ju- dicio Dei accusatus sum. (J'ai ete cite devant le juste jugement de Dieu.) Les assistants effrayes suspendirent le service et le remirent an lende- main. En attendant, le corps dii chanoine resta depose dans iine chapelle de Notre-Dame, la meme qu'on appelle depuis la Chapelle du damne. Le lendemain on recommenca I'office ; lorsqu'on fiit au meme verset, le mort parla de nouveau et dit : — Justo Dei judicio judicatus sum. (J'ai ete jiige au juste jugement de Dieu.) On remit encore I'office au jour suivant, et au meme verset le mort s'ecria : — Justo Dei ju- dicio condemnatus sum. (J'ai ete condamne au juste jugement de Dieu.) La-dessus, dit la chro- nique, on jeta le corps a la voirie; et ce miracle effrayant fut cause, selon quelques-uns , de la retraite de saint Bruno, qui s'y trouvait present. Quoique cette anecdote soit contestee, elle est consacree par des monuments." La peinture s'en est emparee , el le Sueur en a tire parti dans sa belle galerie de Saint-Bruno. Chapuis (Gabriel), ne a Amboise en 15^6. Nous citerons de ses ouvrages celui qui porte ce titre : les Mondes celestes, terreslres et infernaux, etc., tire des Mondes de Doni; in-S", Lyon, 1583. C'est un ouvrage satirique. Char de la mort. Voy. Brouette. Charadrius, oiseau imraonde que nous ne connaissons pas ; les rabbins disent qu'il est mer- veilleux, et que son regard guerit la jaunisse. II faut pour cela que le malade et I'oiseau se re- gardent fixement; car si I'oiseau detoiwnait la vue , le malade mourrait aussitot. Charbon d'impurete, I'un des demons de la possession de Loudun. Voy. Loudun. Charite. Les offenses a la charite sont quel- quefois punies par la justice divine. On lit dans les Acta sanctorum * « qu'un Espagnol connu sous le nom de Michel de Fontarabie, ayant crache dans la main d'un pauvre mendiant qui lui demandait I'aumone, fut aussitot renverse par terre, et, devenu furieux et possede, se de- mena en criant que saint Yves et d'autres per- sonnages vetus de blanc le rouaient de coups. » — On cite beaucoup d'autres hommes durs aux pauvres qui ont ete pbssedes des demons. Charlatans. On attribuait souvent autrefois aux sorciers ou au diable ce qui n'etait que I'ou- vrage des charlatans. Si nous pensions comme au seizieme siecle,tous nos escamoteurs seraient des sorciers. Voici ce qu'on lit pourtant dans le Voyage de Schouten aux Indes orientates : ' 49 mai, Vie de saint Yves de Kermartin. « II y avait au Bengale un charlatan qui, en faisant plusieurs tours de souplesse, prit una canne longue de vingt pieds, au bout de la- quelle etait une petite planche large de trois ou quatre pouces ; il mit cette canne a sa ceinture , apres quoi une fille de vingt-deux ans lui vint sauter legerement par derriere sur les epaules, et, grimpant au haut de la canne, s'assit dessus, les jambes croisees et les bras e.tendus. Apres cela , I'homme ayant les deux bras balances commenca a marcher a grands pas, porlant toujours cette fille sur le bout de la canne, ten- dant le ventre pour I'appuyer, et regardant sans cesse en haut pour tenir la machine en equi- libre. La fille descendit adroitement, remonta derechef et se pencha le ventre sur le baton, en frappant des mains et des pieds les uns centre les autres. Le charlatan ayant mis alors le baton sur sa tete , sans le tenir ni des mains ni des bras , cette meme fille et une autre petite Mauresque de quinze ans monterent dessus I'une apres I'autre; I'homme les porta ainsi autour de la place en courant et se penchant, sans qu'il leur arrivat le moindi'"e mal. Ces deux memes filles marcherent sur la corde la tete en bas, et flrent une multitude d'autres tours de force tres- merveilleux. Mais quoique plusieurs d'entre nous crussent que tons ces tours de souplesse fussent faits par art diabolique, il me semble qu'ils pou- vaient se faire naturellement; car ces filles, qui etaient tres-adroites, subtiles, et dont les mem- bres etaient grandement agiles, faisaient tout cela a force de s'y etre accoutumees et exer- cees. » II y a eu des charlatans de toutes les especes : en 1728, du temps de Law, un certain Villars confia a quelques amis que son oncle , qui avait vecu pres de cent ans , et qui n'etait mort que par accident, lui avait laisse le secret d'une eau qui pouvait aisement prolonger la vie jusqu'a cent cinquante annees, pourvu qu'on fut sobre. Lorsqu'il voyait passer un enterrement, il levait les epaules de pitie. « Si le def unt , disait-il , avait bu de mon eau , il ne serait pas oii il est. » Ses amis , auxquels il en donna g^nereusement, et qui observerent un peu le regime prescrit, s'en trouverent bien et le pronerent ; alors il vendit la bouteille six francs; le debit en fut prodigieux. C'etait de I'eau de Seine avec un peu de nitre. Ceux qui en prirent et qui s'as- treignirent au regime, surtout s'ils etaient nes avec un bon temperament, recouvrerent en peu de jours une sante parfaite. II disait aux autres : — C'est votre faute si vous n'etes pas entiere- ment gueris. — On sut enfin que I'eau de Villars n'etait que de I'eau de riviere ; on n'en voulut plus et on alia a d'autres charlatans. Mais celui- la avait fait sa fortune. Voy. Ane, Chevre, Alexandre de Paphlagonie, etc. Charles-Martel. On attribue a saint Eucher, CHA eveqiie d'Orleans, une vision dans laquelle, transporle par un ange dans le purgatoire, il vit Charles-Martel qui expiait les pillages qu'il avait soiifferls centre les biens de I'figlise. A cette vi- sion, on ajoiite ce conte que le lombeau de Charles-Martel fut ouvert, et qu'on y trouva un serpent, lequel n'etaitqu'un demon. Etia-dessus les pliilosophes, s'en prenant au clerge. Font ac- cuse de fraudes. Mais le tombeau de Charles- Martel n'a ete ouvert a Saint-Denis que par les profanateurs de 1793 Charlemagne. On lit dans la legende de Berlhe au grand pied que, Pepin le Bref voutant epouser Berthe , fille du comte de Laon , qu'il ne connaissait pas, ceux qui la lui amenaient lui substituerent une autre femme qu'il epousa. lis - 156 — * CHA avaient charge des assassins de tuer la princesse dans la foret des Ardennes. Ayant emu leur pitie, elle en obtint la vie, a condition de se laisser passer pour morte. Elle se refugia chez un nieunier, oh elle vecut plusieurs annees. Un jour Pepin, egare a la chasse, vint chez ce nieunier. Son astrologue lui annonga qu'il se trouvait la une fille destince d quelque chose de grand. Berthe fut reconnue, retablie dans ses droits; elle devint mere de Charlemagne. — La legende ajoute que la premiere epouse de Pd- pin avait donne le jour a un fds, lequel, par la suite, elu pape sous le nom de Leon HI, cou- ronna Charlemagne empereur d'Occident'. 11 serait long de rapporter ici tons les prodiges que Ton raconte de Charlemagne. Son regne est Charlemagne. I'epoque cherie de nos romans chevaleresques. On voit loujours aupres de lui des enchanteurs, des geants, des fees. On a meme dit qu'il ne porta la guerre en Espagne que parce que saint Jacques lui avait apparu pour I'avertir qu'il retirat son corps des mains des Sarrasins. Ses guerres de Saxe ne sont pas moins fe- condes en merveilles, et les circonstances de sa vie privee sont rapportees egalement d'une ma- niere extraordinaire par les chroniqueurs. On dit qu'en sa vieillesse il devint si eper- dument epris d'une Allemande, qu'il en negligea non-seulement les affaires de son royaume, mais meme le soin de sa propre personne. Cette femme etant morte, sa passion ne s'eteignit pas; 1 Voyez Charles-Martel dans les Legendes de I'his- toire de France. Berlhc. de sorte qu'il continua d'aimer son cadavre , dont il ne voulait pas se separer. L'archeveque Turpin, ayant appris la duree de cette effroyable passion, alia un jour, pendant I'absence du prince , dans la chambre ou elait le cadavre, afin de voir s'il n'y trouverait pas quelque sort ou rnalefice qui fut la cause de ce deregle- ment. II visita exactemenl le corps mort, et trouva en effel sous la laugue un anneau qu'il emporta. Le meme jour Charlemagne, ^tant rentre dans son palais, fut fort etonne d'y trouver une carca.sse si puante; et, se reveillant comme d'un profond sommeil, il la lit ensevelir promptement. Mais la passion qu'il avait eue pour le ca- * Voyez dans les legendes de I'histoire de France la legende de la reine Berthe au grand pied. CHA — 1 57 — CHA davre, il I'eiit alors pour I'archeveque Turpin, qui portait I'anneau : il !e suivait partoiit el ne pouvait le quilter. Le prelat, effraye de cette nouvelle folie, et craignant que I'anneau ne lom- bat en des mains qui en pussent abuser, le jeta dans un lac , afin que personne n'en put faire usage a Favenir. Des lors Charlemagne devint amoureux dulac, ne voulut plus s'en eloigner, y batit aupres un palais et un monastere, et y fonda la ville d'Aix-la-Chapelle, ou il vouluL etre enseveli. On sent que tout ce recit n'est qu'un conte, mais il est fort repandu. Charlemagne, dans ses Capitulaires, consigna contre les sor- ciers des mesures qui meritent d'etre raention- nees. Nous citerons specialement ce passage : ((Quant aux conjurateurs, aux- augures, aux devins, a ceux qui troublent le temps ou com- mettent d'aulres malefices, I'archiprelre du dio- cese lesfera interroger soigneusement et lesame- nera a avouer le mal qu'ils auront fait. Alors ils resteront en prison jusqu'a ce que, par I'aide de Dieu, ils se montrent disposes a se convertir. » Voy. OLDliNBF.RG, Vl':TIN, ctc. Charles le Chauve, deuxieme du nom de Charles parmi les rois des Francs. II eut une vi- sion qui le transporta au purgatoire el en enfer : il y vitbeaucoup depersonnages qu'il avail connus, entre autres son pere, Louis le Debonnaire. De plusieurs il regut des conseils et des predictions; et il ecrivit lui-meme la relation de ce voyage, relation qui a quelque peu I'air d'une brochure pSlitiqiie *. Charles VI, roi de France. Ce prince, chez qui on avail deja remarque une raison affaiblie, allant faire la guerre en Bretagne , fut saisi en chemin d'une frayeur qui acheva de Uii deranger entierement le cerveau. II y vit sortir d'un buis- son , dans la foret du Mans, un inconnu d'une figure hideuse, vetu d'une robe blanche, ayant la tele et les pieds nus, qui saisit la bride de son cheval , et lui cria d'une voix rauque : — (( Roi, ne chevauche pas plus avant; retourne, tu es trahi ! » Le monarque , hors de lui-meme , tira son epee et ota la fife aux quatre premieres per- sonnes qu'il rencontra, encriant : — « En avant Siir les traitres! » Son epee s'etant rompue et ses forces epui- sees , on le placa sur un chariot et on le ramena au Mans. Le fantome de la foret est encore aujourd'hui un probleme difficile a resoudre. Etait-ce un in- sense qui se trouvoit la par hasard? elail-ce un emissaire du due de Bretagne contre lequel Charles marchait? Tous les raisonnements du temps aboutissaient au merveilleax ou au sor- tilege. Quoi qu'il en soil, le roi devint tout a fait fou. Un medecin de Laon , Guillaume de Harsely, fut appele au chateau de Creil, et, apres six mois de soins et de menagements, la sante du roi se trouva retablie. — Mais en 1393 son etat devint desespere, a la suite d'une autre impru- dence. La reine , a I'occasion du mariage d'une de ses femmes, donnait un bal masque. Le roi y vint d(3guise en sauvage, conduisant avec lui de jeunes seigneurs dans le meme costume, atta- ches par une chaine de fer. Leur vete*nent etait 1 Visio Caroli Calvi de locis pcenarum et felicitate justorum. Manuscripta bibl. imper., n° 2247, p. 188. Voyez ce \oyage de Charles le Chauve dans les Legetides de I'autre monde. CHA — 158 ~ CHA fait d'une toile enduite de poix-resine, siir la- qiielle on avail applique des etoiipes. Le due d'Orleans, voulant connaitre les masques, ap- procha iin flambeau : la flamme se communiqua avec rapidile, quatre des seigneurs furentbrules; mais un cri s'etant fait entendre : <( Sauvez le roi, » Charles dut la vie a la presence d'esprit de la duchesse de Berri , qui le couvrit de son manteau et arreta la flamme. L'etal du roi empira de cette frayeur et s'ag- grava de jour en jour ; le due d'Orleans fut soup- qonne de I'avoir ensorcele. Jordan de Mejer, De divin., cap. xlu, ecrilque ce due, voulant exter- miner la race royale, coniia ses armes et son an- neau a un aposlat, pour les consacrer au diable et les enchanter par des prestiges; qu'une ma- irone evoqua le demon dans la tour de Montjoie, pres de Ligny; qu'ensuile le due se servit des armes ensorcelees pour oter la raison au roi Char- les, son frere, si subtilement qu'on ne s'enapergut pas d'abord. Le premier enchantement, selon cette version, se fit pres de Beauvais; il fut si violent que les ongles et les eheveux en tomberent au roi. Le second, qui eut lieu dans le Maine, fut plus fort encore ; personne ne pouvait assurer si le roi vivait ou non. Aussitot qu'il revint a lui : — Je vous supplie , dit-il, enlevez-moi cette epee, qui me perce le corps par le pouvoir de mon frere d'Orleans. — C'est toujours Mejer qui parlc. Le medecin qui avait gueri le roi n'existait plus; on fit venir du fond de la Guienne un charlatan qui se disait sorcier, et qui s'etait vanle de guerir le roi d'une seule parole : il apportait avec lui un grimoire qu'il appelait Slmac/orad, par le moyen duquel il etait maitre de la nature. Les courti- sans lui demanderent de qui il tenait ce livre ; il repondit effrontement que « Dieu , pour consoler Adam de la mort d'Abel , le lui avait donne , et que ce livre, par succession, etait venu jusqu'a lui ». 11 traita le roi pendant six mois et ne fit qu'irriter la maladie. — Dans ses intervalles lu- cides, le raalheureux prince commandait qu'on enleval tousles instruments dont il pourrait frap- per. — J'aime mieux mourir , disait-il, que de faire du mal. — II se croyait de bonne foi ensor- cele. Deux moines empiriques, a qui on eut Tim- prudence de I'abandonner , lui donnerent des breuvages desagreables , lui firent des scarifica- tions magiques; puis ils furent pendus, comme lis s'y etaient obliges en cas que la sanle du roi ne fut pas retablie au bout de six mois de Iraite- ment. Au resle, la mode de ce temps-la etait d'avoirpres de soi des sorciersou des charlatans, comme depuis les grands eurent des fous , des nains et des guenons Charles IX, roi de France. Croirait-on qu'un des medecins astrologues de Charles IX lui ayant assure qu'il vivrait autant de jours qu'il pourrait * M. Garinet, Hhloivedelamagie en France, p. 81 . tourner de fois sur soji talon dans I'espace d'une heure, il se livrait tons les matins a cet exercice solennel, et que les principaux ofiiciers de I'Etat, les generaux, le chancelier, les vieux juges pi- rouettaient tous sur un seul pied pour iiniter le prince el lui faire leur cour ' ! ■ On assure qu'apres le massacre politique de la Sainl-Bartheleini, par suite surtoutde I'effroi que lui causaient les conspiraleurs, Charles IX vitdes corbeaux sanglants, eut des visions effroyables el regut par divers tourments le presage de sa mort prematuree. On ajoule qu'il mourut au moyen d'images de cire faites a sa ressemblance, et maudiles par art magique , que ses ennemis, les magiciens prolestants, faisaienl fondre tous les jours par les ceremonies de renvoutement, el qui eleignaient la vie du roi a mesure qu'elles se consumaient ^ En ces temps-la , qiiand quel- qu'un mourait de consomption ou de chagrin, on publiait que les sorciers I'avaient eiivoute. Les medecins rendaient les sorciers responsables des malades qu'ils ne guerissaient pas ; — a nioins qu'il n'y ail, dans ce credit universel des sor- ciers, un niystere qui n'est pas encore explicjue. Charles II, due de Lorraine. Voy. Sabbat. Charles le Temeraire, due de Bourgogne. Jl disparut aprcs la balaille de Morat; el, parmi les chroiiiqueurs, il en est qui disent qu'il fut emporte par le diable, comme Roderik ; d'autres croient qu'il se refugia en une solitude et se fit ermite. Cette tradition a fait le sujel du romande M. d'Arlincourt in[\ln]e le So lUai re. Charles II , roi d'Angleterre. Quoique assez jnslruit, Charles 11 etait, comme son pere, plein de confiance dans I'aslrologie judiciaire. 11 re- cherchait aussi la pieiTephiloso])hale. Charme, enchantement, sortilege, certain ar- rangement de paroles, en vers ou en prose, dont on se sen pour produire des effets merveilleux. Une femmc de je ne sals quelle contree , ayanl grand mal aux yeux , s'en alia a une ecole pu- blique el demanda a un ecolier quelques mots magiques qui pussenl charmer son mal el le guerir, lui promettant recompense. L'ecolier lui donna un billet enveloppe dans un chiffon el lui defendit de I'ouvrir. Elle le porta et guerit. Une des voisines ayant eu la meme maladie porta le billet el guerit pareillement. Ce double inci- dent excita leur curiosite ; elles developpent le chiffon et lisent : « Que le diable I'ecarquille les deux yeux el te les bouche avec de la boue » Delriociteun sorcier qui, enallumanl unecer- taine lampe charmee, excitail toutes les personnes qui etaient dans la chambre, quelque graves et reservees qu'elles fussenl, a danser devanl lui. « Ces sortes de charmes, dil-il, s'operent ordi- nairement par des paroles qui font agir le diable. » ' Curiosites de la littetatufe, traduit de I'anglais par Berlin, t. I, p. 249. '■^ Delrio, Disquisit. mag., lib. Ill, quaest. lu. CHA - 159 CHA Toute I'antiquite a remarque que les sorciers charmaienL les serpents, qui quelquefois tuent le charmeur. Un sorcier de Salzbourg , devant tout le peuple, fit assembler en une fosse tous les ser- pents d'une lieue a la ronde, et la les fit tous niourir, hormis le dernier, qui etait grand, lequel, sautant furieusement contre le sorcier, le tua. (( En quoi il appert que ce n'est pas le mot hi- poliindo, comme dit Paracelse , ni autres mots semblables, ni certaines paroles du psaume 9"= qui font seuls ces prodiges ; car comment les serpents eussent-ils oui la voix d'un homme d'une lieue a la ronde, si le diable ne s'en fut mele Nicetas indique a ce propos un charme qui s'opere sans le secours des paroles : « On tue un serpent, une vipere et tout animal porlant ai- guillon, dit-il, en crachant dessus avant dejeu- ner... » Figuier pretend qu'il a tue diverses fois des serpents de cette maniere, « mouillant de sa salive un baton ou une pierre, et ea donnant un coup sur la tete du serpent...)) On cite un grand nombre d'autres charmes dont les effets sont 'moins vrais qu'etonnanls. Dans quelques villages du Finistere , on emploie celui-ci : on place secretement sur I'autel quatre pieces de six liards , qu'on pulverise apres la messe; et cette poussiere, avalee dans un verre de vin, de cidre ou d'eau-de-vie, rend invulne- rable a la course et a la lutte ^. Ces charmes se font au reste a I'insu du cure ; car I'Eglise a tou- jours severement interdit ces superstitions. Lq Grand Grimoire donne un inoyen de char- mer les amies a feu et d'en rendre I'effet infail- iible; il faut dire en les chargeant : « Dieu y ait part, et le diable la sortie; » et, lorsqu'on met en joue , il faut dire en croisant la jambe gauche sur ladroite : Non tradas... Mathon. Amen, etc. La plupart des charmes se font ainsi par des paroles dites ou tracees dans ce sens. Charme vient du mot latin carmen, qui signifie non-seu- lemeht des vers et de la poesie, mais uneformule de paroles delerminees dont on ne doit point s'e- carter. On nommaitcamiHales lois,les formules des jurisconsultes, les declarations de guerre, les clauses d'un traite, les evocations des dieux Tite-Live appelle lex horrendi carminis la loi qui condamnait a mort Horace meurtrier de sa sceur. Quand lesTurcs ont perdu un esclave qui s'est enfui, ils ecrivent une conjuration sur un papier qu'ils attachent a la porte de la hutle ou de la cellule de cet esclave , et il est force de revenir au plus vite, devant une main invisible qui le poursuit a grands coups de baton Pline dit que de son temps , par le moyen de certains charmes, on eteignait les incendies, on * Bodin, Bemonomanie ) etc., livi II, ch. ii. 2 Cambry, Voyage dans le Finistere, t. Ill, p. '193. ^ BergiQr^Dictionnaire theologique, au mot Charme. Leloyer, Histoire et discours des spectres , liv. IV, ch. XXI. arretait lesang des plaies, on remettait les mem- bres disloques , on guerissait la goutte, on empe- chait un char de verser, etc. — Tous les anciens croyaient fermement aux charmes , dont la for- mule consistait ordinairement en certains vers grecs ou latins. Bodin rapporte, au chap, v du liv. Ill de la Demonomanie , qu'en Allemagne les sorcieres ta- rissent par charme le lait des vaches, et qu'on s'en venge par un contre-charme qui est tel : — On met bouillir dans un pot du lait de la vache tarie, en recitant certaines paroles (Bodin ne les indique pas) et frappant sur le pot avec un baton. En meme temps le diable frappe la sorciere d'au- tant de coups, jusqu'a ce qu'elle ait ote le charme. On dit encore que si, le lendemain du jour ou Ton est mis en prison, on a vale a jeun une croute de pain sur laquelle on aura ecrit ; Senozam, Go- zoza, Goher, Dom, et qu'on dorrae ensuite sur le cote droit , on sortira avant trois jours. On arrete les voilures en mettant au milieu du chemiu'Un baton sur lequel sont ecrits ces mots : Jerusalem, omnipolcns , etc. , convertis-toi, arrete- toi Id. 11 faut ensuite traverser le chemin par ou Ton voit arriver les chevaux. On donne a un pistolet la portee de cent pas, en enveloppant la l3alle dans un papier oi\ Ton a inscrit le nom des trois rois. On aura soin , en ajustant, de retirer son haleine, et de dire : « Je te conjure d'aller droit ou je veux tirer. » Un soldat pent se garantir de I'atteinte des armes a feu avec un morceau de peau de loup ou de bouc , sur lequel on ^crira , quand le soleil entre dans le signe dubelier : « Arquebuse, pis- tolet, canon ou autre arme a feu, je te commande que tu ne puisses tirer, de par I'homme , etc, » On guerit un cheval encloud en mettant trois fois les pouces en croix sur son pied, en pronon- gant le nom du dernier assassin mis a mort, en recitant trois fois certaines prieres II y a une infinite d'autres charmes. On distingue le charme de I'enchantement, en ce que celui-ci sefaisait par des chants. Souvent ' Thiers, Traite des superstitions. CHA — 160 — CHA on les a confondus. Voy. Contre-Charmes , En- CHANTEMENTS, MaLEFICES, TaLISMANS , PaROLES, Philacteres, Ligatures, Chasse, Philtres, etc. Chartier (Alain), poete du commencement du quinzieme siecle. On lui altribue un traile sur la Nature du feu de Vcvfer, que nous ne sommes pas CLirieux de connaUre. Chartumins, sorciers clialdeens, qui etaient en grand credit du temps du prophete Daniel. Chasdins , astrologiies de la Chaldee. lis ti- raient riioroscope , expliquaient les songes et les oracles et predisaient I'avenir par divers moyens. Chassanion (Jean de), ecrivain protestant du seizieme siecle. On kii doit le livre « des Grands et redoutahles jurjemcnts et punitions de Dieu ad- venus au monde, principalement sur les grands, a cause de leurs mefaits. » In-8% Merges, 1581. Dans cet ouvrage tres-partial, il se fait de grands miracles en faveur des protestanls ; ce qui est prodigieux. Chassanion a ecrit aussi un volume sur les geants Chasse. — Secrets merveillevx pour la chasse. — Melez le sue de jusquiame avec le sang et la peau d'un jeunelievre; cette composition attirera tons les lievres des environs. — Pendez le gui de chene avec une aile d'liirondelle a un arbre ; tous les oiseaux s'y rassembleront de deux lieues et demie. — On dit aussi qu'un crane d'homme ca- che dans un colombier y attire Lous les pigeons d'alentour. — Faites tremper une graine , celle que vous voudrez , dans la lie de vin , puis jetez-la aux oiseaux; ceux qui en taleront s'enivreront, et se laisseront prendre a la main. Et le Petit Albert ajoute : « Ayez un hibou que vous altacherez a un arbre : allumez tout pres un gros flambeau , faites du bruit avec un tam- bour; tous les oiseaux viendront en foule pour faire la guerre au hibou, et on en tuera autant qu'on voudra avec du menu plomb. » Pour la chasse de Sa'ml-Huhert , Voy. Veneur. Voy. aussi Arthus, M. de la Foret, Ecureuils, etc. En 1832, on vit a Francfort, aux premiers jours du printemps, un chasseur surnaturel qui est suppose habiler les mines du vieux chateau go- ihique de Rodenstein. 11 traversa les airs dans la nuit, avec un grand fracas de meutes, de cors de chasse, de roulements de voitures, ce qui in- failliblement annonce la guerre, selon le prejug^ du pouple ^ Chassen (Nicolas) , petit sorcier de Franeker, au dix-seplieme siecle ; il se distingua des I'age de seize ans. Ce jeune homme, Hollandais et cal- viniste, etant a I'ecole, faisait des grimaces etran- ges, roulait les yeux et se contournait tout le corps; il montrait a ses camarades des cerises mures au milieu de I'hiver; puis, quand il les leur avait offerles, il les retirait vivement et les mangeait. Dans le precho, ou les ecoliers avaient une 1 De gigantibus eorumque reliquiis aique Us quae ante annas aliquot nostra cetaie in Gallia reperta sunt. In-8°. Bale, 1580. 2 Voyez, dans les Legendes de I'autre monde, le chevalier Hakelberg, seigneur de Rodenstein. CHA — 161 ~ CHA place a part, il faisait sortir de I'argent da banc ou il etait assis. II assurait qu'il operait tous ces tours par le moyen d'un esprit nialin qu'il appe- j lait Serug. — Balthazar Bekker dil dans le Monde enchants * qu'etant a celte ecole , il vit sur le plancher un cercle fait de craie , dans lequel on avait trace des signes dont I'un ressembiait a la tete d'un coq; quelqueschiffres etaientau milieu. II remarqua aussi une ligne courbe comme la poignee d'un moulin a bras; tout cela etait a demi efface. Les ecoliers avaient vu Chassen faire ces caracteres magiques. Lorsqu'on lui demanda ce qu'ils signifiaient, il se tut d'abord; il dit en- suite qu'ils les avait faits pour jouer. On voulut savoir comment il avait des cerises et de I'ar- j gent; il repondit que I'esprit les lui donnait. — Qui est cet esprit? — Beelzebuth, repondit-il. II ajouta que le diable lui apparaissait sous, forme humaine quand il avait envie de lui faire du bien ; d'autres fois sous forme de bOuc ou de i veau ; qu'il avait toujours un pied contrefait, etc. 1 (( Mais , dit Bekker , on finit par reconnaitre que tout cela n'etait qu'un jeu que Chassen avait es- saye pour se rendre considerable parmi les en- fants de son age; on s'etonne seulement qu'il ait pu le soutenir devant tant de personnes d' esprit pendant plus d'une annee. » Chassi, demon auquel les habitants des lies Mariannes altribuent le pouvoir de tourmenter ceux qui tombent dans ses mains. L'enfer est pour eux la inaison de Chassi. Ghastenet (Leonarde) , vieille femme de qnatre- vingts ans, mendiante en Poitou, vers 1591 , et sorciere. Confronlee avec Mathurin Bonnevault, qui soutenait I'avoir vue au sabbat, elle confessa qu'eile y etait allee avec son mari ; que le diable, qui s'y montrait en forme de bouc, elait une bete fort puante. Elle nia qu'eile eut fait aucun malefice. Cependant elle fut convaincue, par dix- neuf temoins, d'avoir fait mourir cinq laboureurs et plusieurs bestiaux. Quand elle se vit condam- nee, pour ses crimes reconnus, elle confessa qu'eile avait fait pacte avec le diable, lui avait donne de ses cheveux, et promis de faire tout le mal qu'eile pourrait; elle ajouta que la nuit, dans sa prison, le diable etait venu a elle , en forme de chat, ((auquel ayant dit qu'eile voudrait etre morte, icelui diable lui avail presente deux morceaux de cire, lui disant qu'eile en mangeat, et qu'eile mourrait; ce qu'eile n'avait voulu faire. Elle avait I ces morceaux de cire ; on les visita , et on ne I put juger de quelle matiere ils etaient composes. Cette sorciere fut done condamnee , et ces mor- ceaux de cire brules avec elle ^ » Chastete. Les livres de secrets merveilleux, 1 Tome IV, p. 154. 2 Discours sommaire des sortileges et venefices , ti- res des proces criminels juges au siege royal de Mont- morillon, en Poitou, en I' annee 4599, p. 4 9. quine respectent rien, indiquent des potions qui, selon eux, ont pour effet de reveler la chastete, mais qui, selon I'experience , nerevelent riendu tout. Chat. Le chat tient sa place dans I'histoire de la superstition. Un soldat remain ayant tue par megarde un chat en Egypte , toule la ville se souleva ; ce fut en vain que le roi interceda pour lui , il ne put le sauver de la fureur du peuple. Observons que les rois d'Egypte avaient rassem- ble dans Alexandrie une bibliotheque immense, et qu'eile etait publique : les Egyptiens cultivaient les sciences , et n'en adoraient pas moins les chats Mahomet avait beaucoup d'egards pour son chat. L'animal s'etait uu jour couche sur la man- che pendante de la veste du prophete , et sem- blait y mediter si profondement , que Mahomet, presse de se rendre a la priere, etn'osantle tirer de son extase , coupa, dit-on, la manche de sa veste. A son relour, il trouva son chat qui reve- nait de son assoupissement, et qui, s'apercevant de I'attention deson maltre, seleva pour lui faire la reverence et plia le dos en arc. Mahomet comprit ce que cela signifiait; il assura au chat qui faisait le gros dos une place dans son paradis. Ensuite, passant trois fois la main sur l'animal, il lui imprima, par cet attouchement, la vertu de ne jamais tomber que sur ses pattes. Ce conte n'est pas ridicule chez les Turcs ^ ' Saint-Foix, Essai sur Paris, t. II, p. 300. 2 Quelquefois ils laissent a leiir chat par testament une rente viagere. II exisle au Caire, pres de Bab-el- Naza (porta de la Victoire), un hopital de ces ani- 11 CHA Void une anecdote ou le chat joue un mau- vais role ; il est vrai que c'est un chat sauvage. Un aide de camp du marechal de Luxembourg vint loger dans une anberge dont !a reputation n'etait pas rassurante. Le diable, disait-on, arri- vail toutes les nuits dans une certaine charabre, tordait le cou a ceux qui osaient y coucher et les laissait etrangles dans leur lit. Un grand nombre devoyageurs remplissaient I'auberge quand I'aide de camp y entra; on lui dit qu'il n'y avait mal- heureusement de vide que la chambrefrequentee par le diable, oiipersonne ne voulait prendre gite. — Oh bien, moi, repondit-il, je ne serai pas — 162 — CHA fache de lier connaissance avec lui ; qu'on fasse mon lit dans la chambre en question, je me charge du resle. Vers minuit, I'officier vit descendre le diable par la cheminee, sous la figure d'une bete fu- rieuse, contre laquelle il fallut se defendre. 11 y eut un combat acharne, a coups de sabre de la part du militaire, a coups de griffes et de dents de la part de la bete; cette lutte dura une heure. Mais le diable finit par rester sur la place ; I'aide de camp appela du monde : on reconnut un enorme chat sauvage, qui, selon le rapport de I'hote, avait deja etrangle quinze personnes *. On lit dans la Demonomanie de Bodin ' que des sorciers de Vernon, auxquels on fit le proces en 1566, s'assemblaient ordinairement en grand nombre dans un vieux chateau sous la forme de chats. Quatre hommes qui avaient resolu d'y coucher se trouverent assaillis par celte multi- tude de chats ; I'un de ces hommes y fut tue , les autres blesses; neanmoins ils blesserent aussi plu- sieurs chattes, qui se trouverent apres en forme de femmes, mais bien reellement mutilees... On sait que les chats assistent au sabbat, qu'ils accompagnent les sorcieres, et que lesdites sor- cieres, aussi bien que le diable leur maitre, maux ; on y recueille les chats malades et sans asile ; les fen^tres sont souvent encombrdes d'hommes et de femmes qui leur donnent a manger a travers les barreaux. 1 Chap. IV, liv. II, p. 257. prennent volontiers la figure de cet animal. On lit dans Boguet qu'un laboureur pres de Stras- bourg fut assailli par trois gros chats, et qu'en se defendant il les blessa serieusement. Une heure apres, le juge fit mander le laboureur et le mit en prison pour avoir maltraite trois dames de la ville. Le Iai)oureur etonne assura qu'il n'avait maltraite que des chats et en donna les preuves les plus evidentes : il en avait garde de la peau. On le relacha, parce qu'on vit que le diable etait coupable en cette affaire. On ne finirait pas si on rappelait tout ce que les demonomanes ont reve sur les chats. Boguet dit encore que la chatte etant frottee d'une herbe appelee nepeta conc^oit sur-le-champ, cette herbe * Gabrielle de P*** , Histoire des fantdmes et des demons, etc., p. 203. CHA — 163 — CHE suppleant au defaut du male^ Les sorciers se servent aussi de la cervelle des chats pour don- ner la mort ; car c'est un poison , selon Bodin et quelques autres^ Les matelots americains croient que si d'un navire on jelte un chat vivant dans la ixier, on ne manque jamais d'exciter une furieuse tem- p^te. Voy. Blokula, BEURRfi des sorcieres, Me- tamorphoses, VOLTIGEUR HOLLANDAIS, etC. Chateau du diable. Plusieurs vieux manoirs portent ce nom dans des traditions et des contes populaires. Chat-Huant. Voij. Chevesche, Chouette, HiBOU. Chatrab. C'est le nom que donnent les Arabes a I'etre mysterieux que nous appeions loup-garou. Chauche-Poulet. Voy. Cauchemar. Chaudiere. C'est ordinairement dans une chau- diere de fer que, de temps immemorial, les sor- cieres composent leurs malefices, qu'elles font bouiOir sur un feu de verveine et d'autres plantes magiques. Chaudron (Madeleine-Michelle), Genevoise, accusee d'etre sorciere en 1652. On dit qu'ayaat rencontre le diable en sortant de la ville refor- mee, elle lui rendit hommage, et que le diable lui imprima sur la levre superieure son seing ou marque. Ce petit seing rend la peau insensible , a la siirete des maisons durant la nuit ; les tuer, chez eux, est un sacrilege : chez nous, c'est un des animaux qui figurent au sabbat. Chavigny (Jean-Aime de), astrologue, dis- ciple de Nostradamus, mourut en 160/i. 11 a com- pose : la Premiere face du Janus frangais, conte- nant les troubles de France depuis XbZh jusqu'en 1589; Fin de la maison valesienne, extraite et colliyee des Centuries et commentaires de Michel Nostradamus (en latin et en francais), Lyon, 1594, in-S"; et nouvelle edition, augmentee, sous le titre de Commentaires sur les Centuries et pronostications de Nostradamus , Paris, in -8", rare ; les Pleiades, divisees en sept livres, prises des anciennes propheties, et conferees avec les oracles de Nostradamus, Lyon, 1603; la plus ample edition est de 1606. C'est un recueil de predictions dans lesquelles I'autsur promet a Henri VI I'empire de I'univers. Voy. Nostra- damus. Chax ou Scox, demon. Voy. Scox. * Discours des sorciers, ch. xiv, p. 81. 2 Bodin, Demonomanie des sorciers , liv. HI, ch. n, p. 326. comme raffirment les demonographes. — Ledit diable ordonna a Michelle Chaudron d'ensorceler deux filles : elle obeit ; les parents I'accuserent de magie ; les filles interrogees attesterent qu'elles etaient possedees. On appela ceux qui passaient pour medecins ; ils chercherent sur Michelle Chau- dron le sceau du diable, que le proces-verbal ap- pelle les marques sataniques; ils y enfoncerent une aiguille. Michelle fit connaitre par ses cris que les marques sataniques ne rendent point in- sensible. — Les juges protestants, ne voyant pas de preuve complete, lui firent donner la ques- tion. Cette malheureuse , cedant a la violence des tourments, confessa tout ce qu'on voulut. Elle fut brulee , apres avoir ete pendue et etranglee ; chez les catholiques, on I'eut admise a penitence. Chaudron du diable, gouffre qui se trouve au sjmmet du pic de Teneriffe. Les Espagnols ont donne le nom de Chaudron du diable a ce gouffre, a cause du bruit que Ton entend lors- qu'on y jette une pierre ; elle y retentit comme fait un vaisseau creux de cuivre centre lequel on frapperait avec un marteau d'une prodigieuse grosseur. Les naturels de I'ile sont persuades que c'est I'enfer, et que les ames des mechants y font leur sejour ^ Chauve-Souris. Les Caraibes regardent les chauves-souris comme de bons anges qui veillent Cheke , professeur de grec a Cambridge , mort eh 1557. II a ecrit un livre^ qu'il adressa au roi Henri VIII , et qu'il plaga a la tete de sa traduc- tion latine du traite de Plutarque De la supersti- tion. II avait des connaissances en astrologie et croyait fermement a I'influence des astres, quoi- qu'ils lui promissent du bonheur, tout juste a des epoques on il devenait le plus malheureux. , Chemens, genies ou espi'its que les Caraibes supposent charges de veiller sur les hommes. lis leur offrent les premiers fruits et placent ces of- frandes dans un coin de leur hutte , sur une table faite de nattes, oh ils pretendent que les genies se rassemblent pour boire et manger; ils en don- nent pour preuve le mouvement des vases et le bruit qu'ils se persuadent que font ces divinites en soupant. Chemim est chez les Caraibes le grand esprit ou I'etre supreme, comme on disait en 1793. Chemise de necessite. Les sorcieres alle- mandes portaient autrefois une chemise faite - 1 La Harpe, Abrege de I'histoire generate des voyages, t. I. ^ De super stitione , ad regem Henricum. 41. CHE — m — CHE d'line fagon detestable, et charg^e de croix me- lees a des caracteres diaboliques, par la vertu de laquelle elles se croyaient garanties de tons maux'. On I'appelait la chemise de necessite. — Les habitants du Finistere conservent encore quelques idees snperstitieuses sur les chemises des jennes enfants. lis croient que si elles en- foncent dans I'eau de certaines fontaines, I'en- fant meurt dans I'annee ; il vit longtemps, au contraire, si ce velement surnage. Cheriour, ange terrible, charge de piinir le crime et de poiirsuivre les criminels, selon la doctrine des guebres. Chesnaye des Bois (Frangois-Alexandre-Au- berl de la), capucin , mort en I18h- On a de kii : lAslrologne dam le puits, 17/tO, in-12 ; et Lettres criliques, avec des songes moraux , sur les songes philosophiques de I'auteiir des Lettres juives (le marquis d'Argens) , in-12, 17/|5. Cheteb ou Chereb, Voy. Dr.BEU. Cheval. Mahomet, voulant ennoblirce bel ani- mal , raconte que, quand Dieu se decida a creer le cheval , il appela le vent du niidi et lui dit : « Je veux tirer de ton sein un nouvel etre ; con- dense-loi en te depouillant de ta nuidile. » Et il fntobei. Alors il prit une poignec de eel element, souffla dessus, et le cheval parut. Le cheval etait chez les anciens un instru- ment a presages pour la guerre. Les Sueves, qui habitaient la Germanie, nourrissaienl a frais com- niuns, dans des bois sacres, des chevaux dont ils liraient des augures. Le grand pretre el le chef de la nation etaient les seuls qui pouvaient les toucher : ils les atlachaient aux chariots sacres et observaient avec attention leurs hennissements et leurs fremissements. 11 n'y avail pas de pre- sages auxquels les pretres el les principaux de la nation ajoulassent plus de foi. On volt encore que chez certains peuples on se rendait les diviniles favorables en precipitant des chevaux dans les fleuves. Quelquefois on se contenlail de ' Bodin, Demonomanie, liv. I, ch. iii. les laisser vivre en liberie dans les prairies voi- sines, apres les avoir devoues. Jules Cesar, avant de passer le Rubicon, voua a ce fleuve un grand nombre de chevaux qu'il abandonna dans les palurages des environs. Une tradition superstitieuse portait qu'une espece de chevaux, qu'on nommail arzels, et qui ont une marque blanche au pied de der- riere du cole droit, etait malheureusc et fu- neste dans les combats. — Anciennement on croyait aussi que les chevaux n'avaient pas de fiel ; mais c'esl une erreur aujourd'hui presque CHE — 165 — CHE g^neralement reconnue. Voy. Drap^, Bayard, Troupeaux, etc. Chevalier (Guillaume) , gentilhomme bear- nais, auteur d'un recueil de quatrains moraux, J intitule Ddces ou Fin du monde, divisee en trots I visions, in-8°, 158/i. Chevalier imperial. Voy. Espagnet, a la note. Chevaliers de I'enfer. Ce sont des demons plus puissants que ceux qui n'ont aucun litre, . mais moins puissants que les comtes, les mar- I quis et les dues. On peut les evoquer depuis le lever de I'aurore jusqu'au lever du soleil, et de- puis le coucher du soleil jusqu'a !a nuit'. Chevanes (Jacques), capucin , plus connu j sous le nom de Jacques d'Aiitun, du lieu de sa naissance, mort a Dijon en 1678. On a de lui j I' Incredulile savante et la crddulite ignoranle, au 1 sujet des magiciens et des sorcicrs. Lyon, 1671, \x\-k°. Ce recueil , plein d'excentricites curieuses, dont nous rapportons en leur lieu les passages remarquables, est une reponse a I'apologie de I Naude pour tons les grands personnages soup- I Qonnes de niagie. Heureusement pour I'auteur, dit I'abbe Papiilon, I'irascible Naude etnit mort depuis longtemps quand ce livre parut. Chevesche, espece de chouette, que Torque- mada definit un oiseau nocturne fort bruyant, 1 lequel lache d'entrer ou sont les enfants; et, quand il y. est, il leur suce le sang du corps et le boit. Les demonographes ont donne le nom de chevesche aux sorcieres, parce que, semblables a cet oiseau , elles sucent le sang de ceux qu'elles peuvent saisir, et principalenient des petits en- fants ^ G'est sans doute la I'idee mere des vam- pires. Les sorcieres qui sucent le sang ont aussi quelque analogic avec les gholes des Arabes. Voy. Lamies et Gholes. Cheveux. « Prenez des cheveux d'une femme dans ses jours de maladie ; mettez-les sous une terre engraissee de fumier, au commencement du printemps, et, lorsqu'ils seront echauffes par la chaleur du soleil, il s'en formera des ser- pents )) Quelques conteurs assurent que les mauvais anges elaient amoureux des cheveux des femmes, et que les demons incubes s'attachent de prefe- rence aux femmes qui ont de beaux cheveux. — Les sorcieres donnent de leurs cheveux au dia- ble, comme arrhes du conlrat qu'elles font avec lui; le demon les coupe tres-menus, puis les mele avec certaines poudres : il les remet aux sor- ciers, qui s'en servent pour faire tomber la grele ; d'ou vient qu'on trouve ordinairement dans la grele de petits poils, qui n'ont pas une autre en- gine... On fait encore avec ces memes cheveux, divers malefices^ * Wierus, in Pseudomonarchia daemon., ad finem. 2 Torquemada, Hexameron, troisieme journee. 3 Secrets d' Albert le Grand, p. 27. * Boguet, Discours des sorciers, ch. xv, p, 456. On croit en Bretagne qu'en soufflant des che- veux en I'air on les metamorphose en animaux; les petits gargons de Plougasnou qui font des echanges entre eux confirment la cession en soufflant au vent un cheveu, parce que ce che- veu etait autrefois Tembleme de la propriete. Des cheveux dans les temps modernes ont meme ete trouves sous des sceaux : ils tenaient lieu de signatures'. Enfm il y a des personnes qui croient qu'il faut observer les temps pour se couper les cheveux et se rogner les ongles. — Autrefois on venerait le toupet, par lequel les Romains juraient, et qu'on offrait aux dieux. 11 parait qu'ils etaient sensibles a ces presents, puisque, quand Bere- nice eut offert sa chevelure, ils en firent une constellation. — Chez les Francs, c'elait une politesse de donner un de ses cheveux, et les families royales avaient seules le privilege de les laisser pousser dans tout leur developpement. En Hollande, beaucoup de gens croient qu'en vendant leurs cheveux a un perruquier, ils auront par sympathie les maux de tete de ceux qui les porteront. Une dameagee, il y apeu de temps, se faisait couper a la Haye de beaux cheveux blancs d'argent, tres-abondants et tres-longs. Le ton- deur lui en offrit 20 florins (42 francs). Elle aima mieux les bruler. — J'aurais, dit-elle, toutes les douleurs que mes cheveux couvriraient. Chevillement, sorte de malefice employe par les sorciers et surtout par les bergers. 11 empeche d'uriner. Le nom de ce maleflce lui vient de ce que pour le faire on so sert d'une cheville de hois, ou de fer qu'on plante dans la muraille, en fai- sant des conjurations, u J'ai connu une personne, dit Wecker, qui mourut du chevillement : il est vrai qu'elle avait la pierre. » Et le diable, qui ' parfois aime a se divertir, chevilla un jour la se- ringue d'lm apothicaire en fourrant sa queue dans le piston. Voy. Noals. — Pour empecher I'effet de ce charme, il faut cracher sur son Soulier du pied droit avant de s'en chausser. Ce qui approche de ce qu'on lit dans Tibulle, que les anciens crachaient dans leur sein par trois fois pour se desensorceler ou empecher le sortilege. On voit dans un livre intitule I' Urotopegnie ou chevillement, que les tonneaux , les fers, les fours, les lessives, les moulins a vent et ceux qui sont sur les ruisseaux et rivieres, peuvent etre pareillement lies et maleficies. Voy. Liga- tures. Chevres. Ces animaux etaient fort reveres a Mendes en Egypte. II etait defendu d'en tuer, parce qu'on croyait que Pan, la grande divinite de cette ville, s'etait cache sous la figure d'une chevre ou plutot d'un bouc ; aussi le represen- lait-on avec une face de bouc, et on lui iinmolait des brebis. Voy. Capricorne. 1 M. Cambry, Voyage dans le Finistere, I. I, p. 4 74 CHI — 166 — CHI Souvent des demons el des sorciers ont pris la forme de chevre. Claude Chappuis de Saint- Amour, qui suivit I'ambassadeur de Henri 111 pres la sublime Porte, conte qu'il vit sur une place publique de Constantinople des bateleurs qui fai- saient faire a des chevres plusieurs tours d'agi- lite et do posse-passc tout a fait adniirables; apres quoi, leur mettant une ecuelle a la bouche, lis leur commandaient d'aller demander la piece, pour leur entretien, tantot au plus beau ou au plus laid, tantot au plus riche ou au plus vieux de la compagnie : ce qu'elles faisaient dextre- ment, entre quatre a cinq mille personnes, et avec une fagon telle, qu'il semblait qu'elles vou- lussent parler. Or, qui ne voit clairenient que ces chevres etaient hommes ou femnies ainsi trans- mues, ou demons deguises ^ ?.,. Voij. Bouc. Chibados, secte de sorciers qui font merveille au royaume d' Angola. Chicota, oiseau des iles Tonga, qui a I'habi- tude de descendre du haut des airs en poussant de grands cris. Les naturels sont persuades qu'il a le don de predire I'avenir. Quand il s'abaisse pres d'un passant, on croib que c'est pour lui annoncer quelque malheur. Chicus ^sculanus. Voy. Cecco d'Ascoli. Chien. Les chiens etaient quelquefois les com- pagnons des magiciens. C'etait le diable qui les' suivait sous cette forme, pour donner moins a soupconner. Mais on le rcconnaissait malgre ses deguisements. Leon de Chypreecrit que le diable sortit un jour d'un possede sous la figure d'un chien noir. — C'est surtout la couleur noire que le diable prend sous une peau de cliien. De bonnes gens se noient assez frequemment a Qui'uper. Les vieilles et les enfanls assurent que c'est le diable, en forme de gros chien noir qui preci- pite les passants dans la riviere'. II y a beau- coup de superstitions qui tiennent au chien dans le Finistere, ou les idees druidiques ne sont pas toutes eteintes. On croit encore dans le canton sauvage de Saint-Ronal que I'ame des scelerats passe dans le corps d'un chien noir. Les anciens mages croyaient aussi que les demons se mon- traient en forme de chiens ; et Plutarque, dans la vie de Cimon, raconte qu'un raauvais genie 1 Cambry, Voyage dans le Finistere, t. HI, p. 22. travcsli en cliien noir vint annoncer a Cimon qu'il mourrait bientot. Un charlatan, du vivant de Justinien, avait un chien si habile que, quand toutes les personnes d'une assemblee avaient mis a terre leurs an- neaux, il les rendait sans se tromper, Fun apres I'autre, a qui lis apparlenaient. Ce chien distin- guait aussi dans la foule, lorsque son maitre le lui ordonnait, les riches et les pauvres, les gens honnetes et les fripous : « Ce qui fait voir, dit Leloyer, qu'il y avait la de la magie, et que ce chien etait un demon*. » Delancre conte qu'en 1530 le demon, par le moyen d'un rairoir, decouvrit, a un pasteur de 1 Delancre , Incredulite et mecreance du sortilege pleineinent convaincues, traite VI, p. 348. 2 Leloyer, Hisloire el discours des spectres, liv. I, chi VIII. CHI — 167 — CHI Nuremberg, des tresors caches dans une caverne pres de la ville et enfermes dans des vases de cristal. Le pasteur prit avec liii un de ses anfiis pour lui servir de compagnon ; ils se mirent a fouiller et decouvrirent une espece de coffre, au- pres duquel etait couche un enorme chien noir. Le pasteur s'avanga avec empressement pour se saisir du tresor ; mais a peine fut-il entre dans la caverne qu'elle s'enfonQa sous ses pieds et I'en- gloutit Notez que c'est un conle et que per- sonne n'a vu le grand chien. Mais on peut juger par ces traits quelle idee avaient des chiens les peuples mal civilises. Chez les anciens , on appe- lait les furies les chiennes de I'enfer; on ,sacri- fiait des chiens noirs aux divinitds infernales. Chez nos peres on pendait entre deux chiens les plus grands criminels. Quelques peuples pensaient pourtant autre- ment ; on a meme honore le chien d'une maniere distinguee. filien parle d'un pays d'Ethiopie dont les habitants avaient pour roi un chien; ils pre- naient ses caresses et ses aboiements pour des marques de sa bienveillance ou de sa colere. Les guebres ont une grande veneration pour les chiens. On lit dans Tavernier que, lorsqu'un guebre est a I'agonie, les parents prennent un chien dont ils appliquent la gueule sur la bouche du mourant, a fin qu'il recbive son ame avec son dernier sou- pir. Le chien leur sert encore a faire connaitre si le defunt est parmi les elus. Avant d'ensevelir le corps, on le pose a terre : on amene un chien ^qui n'ait pas connu le mort, et, au nioyen d'un morceau de pain , on I'attire le plus prfes du corps qu'il est possible. Plus le chien en approche , plus le defunt est heureux. S'il vient jusqu'a monter sur lui et a lui arracher de la bouche un morceau de pain qu'on y a mis, c'est une marque assuree que le defunt est dans le paradis des guebres. Mais I'eloignement du chien est un prdjuge qui fait desesperer du bonheur du mort. II y a aussi des gens qui tiennent a honneur de descendre d'un chien. Les royaumes de Pegu et de Siam reconnaissent un chien pour chef de leur race. A Pegu et a Siam on a done grand res- pect pour les chiens, si maltraites ailleurs ^. La population du Liban , qui s'eleve a quatre cent mille ames, est composee de trois races, les Aq- saries , les Druses et les Maronites. Les Ansaries sont idolatres. Les uns parmi eux professent le culte du soleil; les autres celui du chien On a toutefois honore quelques individus de cette race : tel est le dogue espagnol Berecillo, qui devorait les Indiens a Saint-Domingue , et qui avait par jour la paye de trois soldats... II y aurait encore bien des choses a dire sur 1 Madame Gabrielle de P***, Histoire des fantdmes, p. 27. 2 Hexameron de Torquemada, traduit par G. Chap- puis, premiere journ^e. 3 Voyages du due de Raguse. les chiens. En Bretagne surtout , les hurlements d'un chien egare annoncent la mort. II faut que le chien de la mort soit noir ; et s'il aboie triste- ment a minuit, c'est une mort inevitable qu'il annonce a quelqu'un de la famille pour la per- sonrie qui I'entend. Wierus dit qu'on chasse a jamais les demons en frotlant les murs de la chambre qu'ils infestent avec le liel ou le sang d'un chien noir'. Voy. Adranos, Agrippa, Braga- DiNi , Dorm ANTS, etc. M. Menechet;, dans sa spirituelle description des superstitions du pays de Galles, parle d'une espece de chiens assez merveilleux pour meriter ici une mention: « Les ewes anmon (chiens d'enfer)", que Ton appelle aussi quelquefois ewes wyloir (chiens du ciel), forment, dit-il, une meute fort extraordi- naire. Les personnes qui ont I'oui'e assez fine pour cela les entendent souvent courir la chasse dans les airs , quoique Ton ne dise pas quel est le gibier qu'ils poursuivent. On assure qu'ils sont surtout bruyants peu de temps avant la mort des personnes tres-perverses. Les uns disent que ces animaux sont blancs et ont les oreilles rouges; d'autres pretendent, au contraire, qu'ils sont tout noirs. lis sont peut-etre de la nature du came- leon , qui se nourrit d'air comme eux. » Chifflet (Jean) , chanoine de Tournay , ne a Besangon vers 1611. II a publie : Joannis Ma~ earii Abraxas, seu Apistopistus, quce est antiqua- ria de gemmis hasilidianis disquisilio, eommenlariis illust., Anvers, 1657, \n-lx°. Cette dissertation traite des pierres gravees portant le nom caba- lislique Abraxas , par lequel Basilide , heretique du deuxieme siecle,designait le Dieu createur et conservateur. Elle est curieuse, et les commen- taires que Chifflet y a joints sont estimes. Chija ou Chaja (Abraham Ben), rabbin espa- gnol du onzieme siecle. II a ecrit en hebreu le Volume du Revelateur ; il y traite de I'epoque oil viendra le Messie et de celle ou se fera la resur- rection generale. Pic de la Mirandole cite cet ou- vrage dans son traite contre les astrologues. Childeric 1". Voy. Bazine et Cristallomancie. ■ Childeric III, flls de Chilperic II, et dernier des rois de la premiere race. II publia, en 742, un edit contre les sorciers, oii il ordonne que chaque eveque , aide du magistrat defenseur des eglises , mette tous ses soins a empecher le peuple de son diocese de tomber dans les superstitions paiennes. II defend les sacrifices aux manes , les sortileges , les philtres , les augures, les enchan- tements , les divinations, etc. Chilperic I", roi de France, fils de Clotaire I''. Saint Gregoire de Tours rapporte, sur le temoi- gnage de Gontrand, frere de Chilperic, cette vi- sion merveilleuse. Gontrand vit I'ame de son frere Chilperic liee et chargee de chaines, qui lui fut presentee par trois eveques. L'un elait Tetricus, I'autre Agricola, le troisieme Nicetius de Lyon. * De prcest. deem., lib. V, cap. xxi, CHI — 168 — CHO Agricola et Nicetius , plus humains que I'autre, disaient : — Nous vous prions de le detacher, et, apres I'avoir puni , de permettre qu'il s'en aille. L'eveque Tetricus repondit avec ainertume de coeur : — II ii'en sera pas ainsi ; mais il sera chatie a cause de ses crimes. — Enfin, dit Gontrand, le resultat fut de precipiLer cetle pauvre ame dans une chaudiere bouillante que j'apercus de loin. Je ne pus retenir mes larmes lorsque je vis le miseraljle etat de Chilperic, jete dans la chaudiere, ou tout a coup il parut fondu et dis- sous *. Chimere , monstre imaginaire , ne en Lycie, que les poetes disent avoir ete vaincu par Belle- rophon; il avaitla tete et I'estomac d'un lion, le ventre d'une chevre et la queue d'un dragon. Sa gueule beante vomissait desflammes. Les demo- nographes disent que c'etait un demon.. Chimie. On la confondait autrefois avec I'al- chimie. La chimie, selon les Persans, est une science superstitieuse qui tire ce qu'il y a de plus subtil dans les corps terrestres pour s'en servir aux usages magiques. lis font Caron (le Core du Pentateuque) inventeur de cette noire science qu'il apprit, disent-ils,de Moise. Louis de Fonte- nettes, dans I'epitre dedicatoire de son Hippo- crate depayse , dll que ((d'aucuns pretendent que » la chimie , qui est iin art diabolique , a ete in- » veniee par Cham. » China, idole de la Senegambie. Elle a une tete de veau ; on lui offre en sacrifice du miel qu'on fait bruler, pour obtenir de bonnes recolles. Chion, pJiilosophe d'Heraclee, disciple de Pla- ton. 11 fut averti en songe de tuer Clearque , tyran d'Heraclee, qui etait son ami. II lui sembia voir une femme qui lui mit devant les yeux la bonne renommee qu'il acquerrait par le meurtre du tyran; et, pousse par cette vision, il le tua, Mais ce qui prouve que c'etait une vision diabolique, c'est que Clearque , tyran tolerable , ayant ete tue, fut remplace par Satyre , son frere , bien plus cruel que lui, et que rien ne pouvait adoucir. Chiorgaur. Voy. Gaurie. Chiridirelles, demon qui secourl les voyageurs dans leurs besoins, etqui leur enseigue leur chemin lorsqu'ils sunt egares. On dit qu'il se montre a ceux qui I'invoquent sous la forme d'un passant a cheval. Chiromancie ou Chiroscopie , art de dire la bonne aventure par I'inspeclion des lignes de la main. Cetle science, que les bohemiens ont ren- due celebre, est, dit-on, tres-ancienne. Nous en exposons les principes a I'article Main. Chiron, non pas centaure, mais Hippocen- taure, car, fils de Saturne, il elait moilie Dieu et moitie cheval. Chodar, demon que les necromanciens nom- 1 Greg. Tiiron., Hist, franc, lib. VIII, cap. v. — Lenglet-Dufresnoy , Recueil de dissertations sur les apparitions, p. 72 de la preface. ment aussi Belial; il a I'orient pour district, et commando aux demons des prestiges. Choquet (Louis) , auteur d'un mystere tres- rare intitule 1' Apocalypse de saint Jean Zdbedee, oil sont comprises les visions et revelations qu'icelui saint Jean eut en I'ile de Patmos ; ih-fol. , Paris, 15/tl. Chorropique (Marie) , sorciere bordelaise du temps de Henri IV, qui confessa s'etre donnee au diable par le moyen d'un nomme Augerot d'Armore, lequel la raena dans unelande oi^i elle trouva un grand seigneur vetu de noir, avec la figure voilee. 11 etait entoure d'une infinite de gens richement habilles. Marie Chorropique ayant prononce le nom de Jesus , tout disparut incon- tinent. Son guide ne vint la reprendre que trois heures apres , la tanga d'avoir prononce le nom de Notre-Seigneur, et la conduisit au sabbat pres d'un moulin, oil elle retrouva le meme seigneur noir , avec un nomme Menjoin , qui portait un pot de terre plein de grosses araignees enflees d'une drogue blanche , et deux crapauds qu'on tua a coups de gaule , et qu'on chargea Marie d'ecorcher. Ensuite, Augerot pila ces araignees dans un morlier avec les crapauds. On jeta celte compo- sition sur des paturagcs pour faire mourir les bestiaux. Apres quoi, ces gens s'en allerenl au bourg d'lrauris, ou ils prirent sans bruit un en- fant au berceau. Augerot et Menjoin I'etrangle- rent et le mirent enlre son pere et sa mere qui doi'maient, afin que le pere crut que sa femme I'avait ^touffe, et que la mere a son tour accusat son mari. lis en empoisonnerent d'autres. Dans toutes ces executions , Marie Chorropique atten- dait les deux bandits a la porte. Que penser de ces recits ? Elle dit encore que, dans un sabbat, elle vit deux sorcieres qui apporterent le coeur d'un en- fant dont la mere s'elait fait avorter, et qu'elles le garderent pour en faire un sacrifice au diable. Cette horrible sorciere fut brulee le 2 octobre 1576 Chouette, espece de hibou de la grosseur d'un pigeon. La chouette ne parait qu'au point du jour ou a I'approche de la nuit. Chez les Athe- niens et les Sicilieus , cet oiseau etait d'un bon augure ; partout ailleurs , la rencontre d'une chouette est d'un mauvais presage. Cetle super- stition vit encore dans plusieurs contrees. Voy. Cheveschil . Choun , divinite adoree chez les Peruviens, qui raconlaient ainsi son histoire : — II vint des parties septentrionales un homme qui avail un corps sans os et sans muscles, et qui s'appelait Choun; il abaissait les montagne?, comblait les vallees et se frayail un chemin dans les lieux in- accessibles. Ce Choun crea les premiers habi- ' Delancre, Tabl. de I'inconstance des demons, etc., p. 107. CHO - 169 — CIE tants du Perou; il leur apprit a se nourrir des herbes et des fruits saiivages. Mais un jour , of- fense par quelques Peruviensjl converlit en sa- bles arides une parlie de la terra , auparavant tres-fertile partout: il arreta la pluie , dessecha les plantes; et ensuite, emu de compassion, il ouvrit les fontaines et fit couler les rivieres, pour reparer le mal qu'il avait cause... C'est un sys- teixie qui n'est pas plus bete que celui des philo- sophes modernes. Choux. Une croyance qui n'est pas extreme- men t rare , c'est qu'on ne doit pas manger de chouK le jour de saint Elienne, parce qu'il s'etait cache dans un carre de choux pour eviter le mar- tyre Gonte tres-stupide et superstition tres- absurde. Chretiens. Dans les persecutions , on les ac- cusait de inagie. Christolytes, heretiques du sixieme siecle, qui disaient que Notre-Seigneur avait laisse son corps et son ame aux enfers, et qu'il n'etait re- monle aux cieux qu'avec sa divinile. Christophe. Autrefois, d'apres une opinion expriniee par ce vers : Christophorum videas. postea tutus eas, on croyait que celui qui avait vu quelque image de saint Christophe le matin etaiten sCirete toute la journee. Christoval de la Garrade. Voy. Marissane. Chrysolithe, pierre precieuse qu'AIbert le Grand regarde comme un preservatif contre la folie. EUe a encore , dit-il , la vertu de mettre le repentir dans le ccEur de I'homme qui a fait des fautes... Chrysomallon, nom du fameux belier qui portait la toison d'or. On dit qu'il volail dans les airs, qu'il nageait en perfection, qu'il courait avec la legerete d'un cerf , et que Neptune, dont il etait fils, I'avait convert de soie d'or au lieu de laine. II avait aussi I'usage de la parole , et donnait de bons avis. II est le premier signe du zodiaque. Chrysopee, oeuvre d'or. C'est le nom grec que les alchimisles donnent a la pierre philoso- phale, ou a I'art de transmuer tons les metaux en or pur, Chrysopole, demon. Voy. Olive. Chrysoprase, pierre precieuse a laquelle la superstition attachait la propriete de fortifier la vue, de rejouir I'esprit et de rendre rhomme liberal et joyeux. Ciaconius. Voy. Chacon, Ciceron (Marcus Tuliius). Leloyer dit qu'un spectre apparut a la nourrice de Ciceron : c'etait un demon de ceux qu'on appelle gdnies fami- liers. II lui predit qu'elle allaitait un enfant qui, un jour, ferait grand bien a I'Etat. « Mais d'ou tenait-il tout cela? me dira-t-on. Je repondrai : ' Thiers, Traite des superstitions, t. I. C'est la coutume du diable de begayer dans les choses futures*. » Ciceron devint en effet cequ'on sait. C'est lui qui disait qu'il ne concevait pas que deux augures pussent se regarder sans rire. 11 a combattu quelques idees superstitieuses dans plusieurs de ses ouvrages, surtout dans les trois livres de la Nature des dieiix , et dans les Tuscu- lanes. Dans ses deux livres dc la Divination , il re- connaitaux hommes le don de lire dans I'avenir. Valere-Maxime conte que Ciceron, ayant ete proscrit paries triumvirs, se retiradans sa maison de Formies , ou les satellites des lyrans ne tarde- rent pas a le poursuivre. Dans ces moments de trouble, il vit un corbeau arracher I'aiguille d'un cadran : c'etait lui annoncer que sa carriere etait finie. Le corbeau s'approcha ensuite de lui, comme pour lui faire sentir qu'il allait bienlot etre sa proie, et le prit par le bas de sa robe, qu'il ne cessa de tirer que quand un esclave vint dire a I'orateur roinain que des soldats arrivaient pour lui donner la mort. Les corbeaux d'aujourd'hui sont plus sauvages. CieLUn tel article nepeut entrer dans cedic- tionnairequ'a proposdequelquesfolles croyances. Les musulmans admeltent neuf cieux. 11 y eut parmi les Chretiens des heretiques qui en an- noncaient trois cent soixante-cinq, avec desanges specialement maitres de chaque ciel. Voy. Ba- SILIDE. Bodin assure qu'il y a dix cieux, qui sont marques par les dix courtines du tabernacle et par ces mots : « Les cieux sont les oeuvres de tes doigts, » qui sont au nonibre de dix Les rabbins pretendent que le ciel tourne sans cesse, et qu'il y a au bout du monde un lieu ou le ciel touche la terre. On lit dans le Talmud que le rabbin Bar-Ghana, s'etant arrete en cet endroit pour se reposer , mit son chapeau sur une des fenetres du ciel, et que, I'ayant voulu reprendre un moment apres, il ne le retrouva plus, les cieux I'ayant emporte dans leur course : de sorte qu'il fallut qu'il attendit la revolution des mondes pour le rattraper. Cienga, C'est chez quelques peuples de I'O- ceanie le mauvais esprit, le demon, Cierges. On allume deux cierges a Scaer, en Bretagne, au moment du mariage; on en place un devant le mari, I'autre devant la femme : la lumiere la moins brillante indique celui des deux qui doit mourir le premier. L'eau et le feu, comme chez les anciens , jouent un grand role chez les Bretons, Du cote de Guingamp , et ail- leurs , quand on ne pent decouvrir le corps d'un noye, on met un cierge allume sur un pain qu'on abandonne au cours de I'eaa : on Irouve, dit-on, le cadavre dans I'endroit ou le pain s'arrete ^ 1 Leloyer, Hisloire et discours des spectres/Ai\. II, ch. v; liv. Ill, ch. xvii. 2 Preface de la Demonomanie des sorciers. ^ Voyage de Cambry dans le Finistere, t. Ill , p. 1 59. CIG — 170 — CIP Cigogne. On croiL que les cigognes preservent des incendies les maisons ou elles se retirent. Cette erreur n'est plus tres-repandue. On a dit aussi que les cigognes ne s'etablissaient que dans les Etats libres; mais les Egyptiens, qui eurent toujours des rois, leur rendaient un culte; et c'etait un crime capital en Thessalie, qui etait monarchique, de tuer une cigogne, parce que le pays est plein de serpents, et que les cigognes les detruisent. Elles sent enfin tres-communes et tres-protegeesen Turquie, en figypteeten Perse, oil Ton ne songe guere aux idees republicaines. Cilano (George-Chretien-Ma ternus de) , Hon- grois du dix-huitieme siecle , qui a ecrit un liyre de I'OrUjine et de la Celebration des Saturnales clicz les Romains ^, et (sous le nom d'Antoine Signatelli) des Rccherches sur les cjeants ^. Cimeries, grand et puissant demon, marquis de Tempire infernal. II commande aux parties africaines. II enseigne la grammaire, la logique etla rhetorique; il decouvre les tresors et revele les choses cachees; il rend Thomme leger a la course , et donne aux bourgeois la tournure frin- gante des militaires. Le marquis Cimerifes, capi- taine de vingt legions, est loujours a cheval sur un grand palefroi noir Cimetiere. II n'etait pas permis en Espagne, ail quatrieme siecle, d'aliumer des ciergos en plein jour dans les cimetieres, depeur d'inquieter les esprits. On ci'oyait que les ames des trepasses frequentaient les cimetieres ou leurs corps etaient enterres et le clerge eutjquelque peine a de- truire cette opinion. On croit encore aujourd'hui dans les campagnes que les ames du purgatoire 1 De Saturnalium origine et celebrandi ritu apud Bomanos, 1759. 2 De gigantibus nova disquisitio historica et cri- tica, 1756. 3-jWierus, in Pseudomonarchia dcemon. Dom Calmet, Traite sur les apparitions, etc., ch. XI. reviennent dans les cimetieres; on dit memeque les demons aiment a s'y montrer, et que c'est pour les ecarter qu'on y plante des croix. On conte des anecdotes effrayantes. Peu de villageois traverseraient le cimetiere a minuit : ils ont tou- jours I'histoire de I'un d'entre eux rosse par une ame (ou plutot par un mauvais plaisant) qui lui a reproche de troubler sa penitence. Henri Es- tienne et les ennemis du catliolicisme ont forge des aventures facelieuses, ou ils attribuent de petites fraudes aux gens d'eglise pour maintenir cette croyance ; maisces historiettes sont des in- ventions calomnieuses. On a vu quelquefois, dans les grandes chaleurs, des exhalaisons entlammees sortir des cimetieres ; on salt aujourd'hui qu'elles ont une cause naturelle. Cimmeriens, peuples qui habilaient autour des Palus-Meotides, et dont les Cimbres sont les descendants. Beaucoiip de savants ont place dans ce pays I'antre par lequel on allait aux en- fers. Leloyer dit que les Cimmeriens etaient de grands sorciers, et qu'Ulysse ne les alia trouver que pour interroger par leur moyen les esprits de I'enfer. Cimon, general athenien, fils de Miltiade. Ayant vu en songe une chienne irritee qui aboyait contre lui et qui lui disait d'une voix humaine : — « Viens , tu me feras plaisir a moi et a mes petits, » il alia consulter un devin nomme Astyphile, qui interpreta sa vision de cette maniere : — « Le chien est ennemi de celui contre lequel il aboie; or, on ne pourrait faire a son ennemi un plus grand plaisir que de mourir; et ce melange de la voix humaine avec I'aboi denote un Mede qui vous luera. » Les Grecs etaient en guerre avec les Perses et les Medes : il y avait done chance. Malheureusement pour le devin, le songe ne s'accomplit pas, et Cimon ne mourut que de maladie. Cincinnatulus ou Cincinnatus ( le petit frisi), esprit qui, au rapport de Rhodiginus, parlait par la bouche d'une femme nommee Jo- caba, laquelle etait ventriloque. Cinq. Les Grecs modernes se demandent ex- cuse en pronongant le nombre cinq, qui est du plus mauvais augure, parce qu'il exprime un nombre indefini , reprouve par les cabalistes. Clones. Voy. Kiones. Cippus Venelius, chef d'une partie de I'ltalie, qui , pour avoir assiste a un combat de taureaux et avoir eu toute la nuit I'imagination occupee decornes, se trouva un front cornu le lende- main, D'autres disent que ce prince, entrant victorieux a Rome, s'aper(;ut, en se penchant au-dessus des eaux du Tibre, car il n'avait pas de miroir, qu'il lui etait pouss6 des cornes. II consulta les devins pour savoir ce que lui pre- sageait une circonstance si extraordinaire. On pouvait expliquer ce prodige de plusieurs fagons ; on lui dit seulement que c'etait une marque qu'il cm — 171 — CLA regnerait dans Rome; mais il n'y voulut plus entrer. Cet.Le moderation est plus merveilleuse que les comes. Circe, fameuse magicienne qui changea les compagnons d'Ulysse en pourceaux. Elle savait composer des potions magiques et des enchan- tements par lesquels elle troublait Fair, exci- tait les greles et les tempetes, et donnait aux hommes des maladies de corps et d'esprit. Saint Jean Chrysostome regarde la metamor- phose des compagnons d'Ulysse comme une vive allegorie. Circoncellions , fanatiques du quatrieme siecle, de la secte des donatistes. lis parurent en Afrique. Armes d'abord de batons qu'ils ap- pelaient batons d'Israel, ils commettaient tons les brigandages, sous pretexte de retablir I'ega- lite. lis prirent bientot des armes plus offensives pour tuer les catholiques. On les appelait aussi scotopetes. lis faisaient grand cas du diable et I'honoraient en se coupant la gorge , en se noyant, en se jetant, eux et leurs femmes, dans les precipices. A la suite de Frederic Barbe- rousse, au treizieme siecle, on vit reparaitre des circoncellions qui damnaient les catholiques. Ces violenls sectaires, qui praliquaient le meurtre centre eux-memes et centre les autres, a I'une et I'autre epoque, ne dur^rent pas longtemps. Cire. G'est avec de la cire que les sorcieres composaient les petites figures magiques qu'elles faisaient fondre lorsqu'elles voulaient envouter et faire perir ceux qu'elles avaientpour ennemis. On decapita a Paris, en 157/t, un gentilhomme chez qui Ton trouva une petite image de cire ayant la place du coeur percee d'un poignard. Voy. Envoutement et Ceromancie. Ciruelo (Pierre), savfint aragonais du quin- zieme siecle , a qui Ton doit un livre d'astro- logie*, ou il defend les astrologues et leur science contre les raisonnements de Pic de la Mirandole. Citation, formule employee pour appeler les esprits et les forcer a paraitre. Voy. Evocation. Cites. Saint Augustin a parfaitement decrit ce bas monde , en le divisant en deux cites : la cite de Dieu, peuplee des hommes attaches a I'Egiise, et la cite du diable, composee de tous les autres. Citu, fete au Perou, dans laquelle tous les habitants se frottaient d'une pate oii ils avaient raele un peu de sang tire de I'entre-deux des sourcils de leurs enfants. Ils pensaient par la se preserver pour tout le mois de tout malaise. Les pretres idolatres faisaient ensuite des conjura- tions afin d'eloigner les maladies, et les Peru- viens croyaient que toutes les fievres etaient chassees des lors a cinq ou six lieues de leurs habitations. Civile (FranQois de) , gentilhomme normand, ne en 1536, dont la vie fut remplie de catas- * Apotolesmata astrologies humance, hoc est de mu- tationibus temporum. Alcala, 4521. trophes , pour la plupart imaginees par les ecri- vains protestants, qui ont si souvent fabrique des remans et des historiettes, dans le but de faire lire leurs ecrits. On classe cette vie prodi- gieuse dans les impostures historiques. Clairon ( Claire-Josephe-Leyris de Latude , connue sous le nom d'Hippolyte) , tragedienne frangaise, morte en 1803. Dans ses Mdmoires, publies en 1799, elle raconte I'histoire d'un're- venant qu'elle croit 6tre I'ame de M. de S...., fils d'un negociant de Bretagne , dont elle avait rejete les voeux ; il en mourut de chagrin ; et des lors mademoiselle Clairon entendit loules les nuits, vers les onze heures du soir, pendant plusieurs mois, un cri aigu. Ses gens, ses amis, ses voisins, la police meme, entendirent ce bruit, toujours a la meme heure, toujours par- tant sous ses fenetres, et ne paraissant sortir que du vague de Pair. Ces cris cesserent quelque temps , puis ils fu- rent remplaces , a la meme heure , par un coup de fusil tire dans ses fenetres, sans qu'il en re- sultat aucun dommage. La rue fut remplie d'espions , et ce bruit fut entendu , sans que jamais personne put voir de quel endroit il partait. A ces explosions succeda un claquement de mains, puis des sons melo- dieux. Enfin, tout cessa apres un peu plus de deux ans et demi *. Voila ce que disent des me- moires publies par mademoiselle Raucourt. C'etait sans doute une mystification , qui eut fait un peu plus de bruit a Paris si c'eut ete autre chose. Clairvoyance. On exprime par ce mot le don que possedent quelques personnes de deviner des choses obscures ; a peu pres comme ceux qui decouvrent des sources ou le commun des hom- mes n'en soupQonne pas. Clarus. Saint Augustin rapporte qu'un jeune homme de condition norame Clarus , s'etant donne a Dieu dans un monastere d'Hippone, se persuada qu'il avait commerce avec les anges. II en parla dans le couvent. Comme les freres refusaient de le croire, il predit que la nuit sui- vante Dieu lui enverrait une robe blanche avec laquelle il paraitrait au milieu d'eux. En effet , vers minuit, le monastere fut ebranle, la cellule du jeune homme parut brillante de lumiere; on entendit le bruit de plusieurs personnes qui al- laient, venaient et parlaient entre elles, sans qu'on put les voir. Clarus sortit de sa cellule et montra aux freres la tunique dont il etait vetu : - c'etait une etoffe d'une blancheur admirable et d'une finesse si extraordinaire, qu'on n'avait ja- mais rien vu de semblable. On passa le reste de la nuit a chanter des psaumes en actions de graces ; ensuite on voulut conduire le jeune homme a saint Augustin ; mais il s'y opposa, di- sant que les anges le lui avaient detendu. Ce- t Memoires d'Hippolyte Clairon, edit, de Buisson, p. 467. CLA 172 — CLE pendant on ne I'ecouta point; et, comme on I'y conduisait malgre sa resistance, la tunique dis- parut aiix yeux des assistants ;,ce qui fit jiiger que le tout n'etait qu'une illusion de I'esprit de tenebr^s. Classyalabolas. Voy. Caacrinolaas. Claude, prieur de Laval, fit imprimer a la lin du seizieme siecle un livre intitule Dialogues de la Lycantliropic. Clauder (Gabriel), savant saxon, mort en 1691, membre de I'Academie des Curieux de la nature. II a laisse dans les Memoires de cette societe divers opuscules singuliers. Jels sont : <( le Hemede diabolique du delire » et « les Vingt-cinq ans de sejour d'un demon sur la terre '. » Son neveu, Frederic-Guillaume Clauder, a donne dans les Ephemerides de la meme aca- demie un traile sur les nains ^ Clauneck, demon turc qui a puissance sur les biens, sur les richesses; il fait irouver des tre- sors a ceUii qu'il sert en vertu d'un pacte. II est aime de Lucifer, qui le laisse maitro de prodi- guer I'argent. II rend complaisance pour com- plaisance a qui I'appelle Clauzette. Sur la fin de 1681, une fille in- sensee, Marie Clauzette, se mit a courir les champs aux environs de Toulouse, en se recla- mant du nom de Robert , qu'elle disait elre Ic maitre de tous les diables. On la crut possedee , el tout le monde voulut la voir. Q^iatre jeunes fiUes, qui assisterent aux premiers exorcismes, se crurent possedees pareillement. Le vicaire general de Toulouse, voulant eprouver si la pos- session etait vraie, fit employer d'aburd des exorcismes feints; et I'eau commune, la lecture d'un livre profane, le minislere d'un laique ha- bill6 en pretre agiterent aussi violemment les pretendues possedees , qui n'etaient pas preve- nues, que si un pretre eiJt lu le Riluel avec des aspersions d'eau benite. Les medecins decla- rerent que le diable n'etait pour rien dans cette affaire. Les possedees vomissaient des epingles crochues; mais on remarqua qu'elles les ca- chaient dans leur bouche pour les rejeter devant ' Obedias ilH, el obediet. Clavicules de Salomon, p. 14. les spectateurs. Le parlemenl de Toulouse pro- clama la fraude ot dissipa cette ridicule affaire. Clavicules de Salomon. Voy. Salomon. Clay (Jean), litterateur allemand, mort en 1592. On recherche son Alkumisfira, petit poeme en vers allemands centre la folie des alchimistes et faiseurs d'or. Cledonismancie, divination tiree de cerlaines paroles qui, entendues ou prononcees en di- verses rencontres , etaient regardees comme bons ou mauvais presages. Cette divination elait surtout en usage a Smyrne; il y avait la jadis un temple ou c'etait ainsi qu'on rendait les oracles. Un nom seul offrait quelquefois I'augure d'un bon succes. Leotychide , presse par un Samien d'entreprendre la guerre contre les Perses, de- manda a ce Samien son nom ; et , en apprenant qu'il s'appelait Hegesistrate , mot qui signifie conducteur d'armee , il r^pondit : « J'accepte I'augure d'Hegesistrate. » Ce qu'il y avait de commode en lout ceci, c'est qu'on elail libre 1 De diabolico delirii remedio. — Be diabolo per viginli quinque annos frequentante cum muliere, nulla veneficii opera. 2 De nanorum generatione. CLE — 1 73 — CLE d'accepter ou de refuser le mot a presage. S'il etait saisi par celiii qui I'sntendait et qu'il frap- pat son imagination, il avait toute son influence; niais si I'auditeur le laissait tomber, ou n'y fai- sait pas une promple attenlion, I'augure etait sans force. Clef d'or. On a publie,"sous le tilre de la Clef d'or, plusieurs petits volumes stupides qui I enseignent les moyens infaillibles de faire for- tune avec la loterie, et qui, quand la loterie existait, ne faisaient que des dupes. La Clef d'or ou le Veritable trisor de la fortune, qui se reim- primait de temps en temps a Lille, chez Cas- tiaux, n'est pas autre chose que la decouverte des nombres sympathiques, que I'auteur se vanle d'avoir trouves ; « ce qui lui a valu trois cent )) mille francs en deux ans et demi ». II est affreux de mentir aussi impunement pour engager les pauvres gens a se ruiner dans les loteries. Or, les cinq nombres sympathiques ne manqiient pas desortir, dit-il effrontement, dans les cinq tirages qui suivent la sortie du numero indicateur. II faut done les suivre pendant cinq tirages seule- ment pour faire fortune. Par exemple , les nom- bres sympathiques de h sont 30, /jO, 50, 70, 76. Ces cinq numeros sortiront dans les cinq tirages qui suivront la sortie de k , non pas tous a la fois peut-etre, mais au moins deux ou trois ensemble. Du reste, les nombres sympathiques sont ima- ginaires, et chacun les dispose a son gre. Cleidomancie ou Cleidonomancie, divina- tion par le moyen d'une clef. On voit dans Delrio et Delancre qu'on employait cette divination pour decouvrir I'auteur d'un vol ou d'un meurtre. On tortillait autour d'une clef un billet contenant le nom de celui qu'on soupgonnait; puis on at- tachait cette clef a une Bible, qu'une fille vierge soutenait de ses mains. Le devin marmollait en- suile tout bas le nom des personnes soupgon- nees; et on voyait le papier tourner et se mou- voir sensiblement. On devine encore d'une autre maniere par la cleidomancie. On attache elroi- tementune clef sur la premiere page d'un livre; on ferme le livre avec une corde , de faqon que I'anneau de la clef soit dehors; la personne qui a quelque secret a decouvrir par ce moyen pose le doigt dans I'anneau de la clef, en pronongant tout bas le nom qu'elle soupgonne. S'il est in- nocent, la clef resle immobile; s'il est coupable, elle tourne avec une telle violence qu'elle rompt la corde qui attache le livre ^ Les Cosaques et les Russes emploient souvent cette divination ; mais ils metlent la clef en tra- vers et non a plat, de maniere que la compres- sion lui fait faire le quart de tour. lis croient sa- voir par la si la maison ou ils sont est riche, si leur famille se porte bien en leur absence, si leur pere vit encore , etc. lis font usage surtout ' Delancre, Incredulite et mecreance du sortilege - pleinement convaincues , traite V. de cette divination pour decouvrir les tresors. On les a vus plusieurs fois en France recourir a cet oracle de la clef sur I'Evangile de saint Jean , durant I'invasion de ISlk- Clement, pretre ecossais, contemporain de Charlemagne. II soutenait qu'en descendant aux enfers Jesus-Christ en avait delivre tous les dam- nes, sans exception. Cette doctrine a ete con- dam nee. Cleonice. Pausanias, general lacedemonien , ayant tue a Vicence une, vertueuse jeune fille, nommee Cleonice, qui lui avait resiste, vecut dans un effroi continuel et ne cessa de voir, jus- qu'a sa mort, le spectre de cetle jeune fille a ses cotes. — Si Ton connaissait ce qui a precede les visions, on en trouverait souvent la source dans les remords. Cleopatre. C'est, dit-on, une erreur que I'opinion ou nous sommes que Cleopatre se fit mourir avec deux aspics. Plutarque dit, dans la vie de Marc-Antoine, que personne n'a jamais su comment elle etait morte. Quelques-uns as- surent qu'elle prit un poison qu'elle avait cou- tume de porter dans ses cheveux. On ne trouva point d'aspic dans le lieu ou elle etait morte ; on dit seulement qu'on lui remarqua au bras droit deux piqures imperceptibles ; c'est la-dessus qu'Augusle hasarda I'idee qui est devenue popu- laire sur le genre de sa mort. II est probable qu'elle se piqua avec une aiguille empoisonnee'. Cleromancie, art de dire la bonne a venture par le sort jete, c'est-a-dire avec des des, des osselets, des feves noires ou blanches. On les agilait dans un vase, et, apres avoir prie les dieux , on les renversait sur une table et Ton pre- disait I'avenir d'apres la disposition des objets. 11 y avait a Bura, en Achaie, un oracle d'Hercule qui se rendait sur un lablier avec des des. Le pelerin, apres avoir prie, jetait quatre des, dont le pretre d'Hercule considerait les points, et il en tirait la conjecture de ce qui devait arriver. 11 fallait que ces des fussent faits d'os de betes sacrifiees^ Le plus souvent on ecrivait sur des osselets ou sur de petites tablettes qu'on melait dans une urne; ensuite on faisait tirer un lot par le premier jeune gargon qui se rencontrait ; et si I'inscription qui sortait avait du rapport avec ce qu'on voulait savoir, c etait une prophetie cer- taine. Celte divination etait commune en Egypte et chez les Remains; et Ton trouvait frequem- ment des cleromanciens dans les rues et sur les places publiques, comme on trouve dans nos fetes des cartomanciens. lay. Astuagalomancii;. Cleves. On dit que le diable est chef de cette noble maison et pere des comtes de Cleves. Les cabalistes pretendent que ce fut un sylphe qui vint a Cleves par les airs, sur un navire merveil- 1 Voyez Brown, Des erreurs populaires , liv. V, ch. XII. 2 Delancre, Incredulite et mecreance, etc., traite V. cu - 174 - CLO leux traine par des cygnes, et qui repartit un jour, en plein midi, a la vue de tout le monde, sur son navire aerien. « Qu'a-t-il fait aux doc- teurs qui les oblige a I'eriger en demon? » dit I'abbe de Villars^ C'est en niemoire de cette ori- gine merveilleuse, diversement expliquee, qu'on avait fonde au pays de Cleves I'ordre des che- valiers du Cygne. Climaterique. Voij. Annee. Clistheret, demon qui fait paraitre la nuit au milieu du jour, et le jour au milieu de la nuit, quand c'est son caprice, si vous en croyez les Clavicuks de Salomon. Cloches. Les anciens connaissaient les cloches, dont on attribue I'invention aux Egyptiens. Elles etaient en usage a Athenes et chez les Romains. Les musulmans n'ont point de cloches dans lenrs minarets ; ils croient que le son des cloches ef- frayerait les ames des bienheureux dans le para- dis. Les cloches ne furent generalement em- ployees dans les eglises chretiennes que vers le septieme siecle. On voit dans Alcuin que la ceremonie dii bapteme qui les consacre avait lieu deja du temps de Charlemagne. C'est, dit-on, parce qu'elles sont baptisees que les cloches sont odieuses a Satan. On assure que quand le diable porte ses suppots au sabbat, il est force de les laisser tomber s'il entend lo son des cloches. Torquemada raconle, dans son Hexamcron, qu'une femme revenant du sabbat, portee dans les airs par I'esprit malin , entendit la cloche qui sonnait VAtujelus. Aussitot le diable I'ayant lachee, elle tomba dans une haie d'epines, au bord d'une riviere. Elie apercut un jeune honime a qui elle demanda secours, ct qui, a force de prieres, se decida a la reconduire en sa maison. 11 la pressa tellement de lui avoiier les circonslaiices de son aventure, qu'ell3 la lui apprit; elle lui lit ensuite de petits presents, pour 1 'engager a ne rien dire ; mais la chose nc manqua pourlant pas de se repandre. On croit dans quelques contrees que c'est le diable qui excite les tempetes, et que, par con- sequent, les cloches conjurent les orages. Les paysans sonnent done les cloches des qu'ils en- tendent le tpnnerre, ce qui maintcnant est re- connu pour une imprudence. Citons a ce sujet un fait consigne dans les Mcmoircs dc I'Acade- mie des sciences : u En 1718, le 15 aout, un vaste orage s'etendit sur la basse Bretagne, le tonnerre tomba sur vingt-quatre eglises situees entre Landernau et Saint-Pol de Leon ; c'etaitpre- cisement celles ou I'on sonnait pour ecarter la foudre ; celles ou Ton ne sonna pas furent epar- gnees. » M. Salgues pense cependant que le son des cloches n'altire pas le tonnerre, parce que leur mouvement a pen d'intensite ; mais le bruit seul agite Fair avec violence, et le son du tam- • L'abbe de Villars, dans le Comte de Gabalis. bour sur un lieu eleve ferait peut-etre le mSme effet d'atlirer la foudre. On a cru encore, dans certains pays, qu'on se mettait a I'abri de toute atteinte des orages en portant sur soi un morceau de la corde attachee a la cloche au moment de son bapteme. Cloche du diable. 11 nous reste a dire un mot de cette cloche. Dusaulx visitant les Pyre- nees a pied, son guide, qui etait un franc mon- tagnard , le conduisit dans un marecage comme pour lui montrer quelque chose de curieux. 11 pretendit qu'une cloche avait jadis ete enfoncee dans cet endroit; que cent ans apres le diable, a qui appartenaient alors tons les metaux souter- rains, s'etait empare de cette cloche, et qu'un patre depuis pen de temps I'avait entendu son- ner pendant la nuit de Noel dans I'inLerieur de la montagne. — Fort bien , dit Dusaulx ; ce qu'on a pris pour le son d'une cloche ne viendrait-il pas plutot des eaux souterraines qui s'engouf- frent dans quelque cavite ? — Oh ! que non , re- pliqua le guide. Cloche du jugement dernier. 11 y a des cloches celebres. On respecCe beaucoup dans les Pyrenees la cloche de la vallee ; on lui donne toutes sortes d'origines merveilleuses : la plus commune , c'est qu'elle a ete fondue par les anges. On I'entend, ou peut-etre on croit I'en- tendre quelquefois : mais on ne salt pas ou elle est suspendue. C'est cette cloche qui doit, a ce que disent les montagnards, reveiller leurs pa- triarches endormis dans les creux des rochers, et appeler les hommes au dernier jugement. Lorsque Ferdinand le Catholique fut attaque de la maladie dont il mourut, la fameuse cloche de la Villela (qui a dix brasses de tour) sonna, dit-on, d'elle-meme; ce qui arrive quand I'Espagne est menacee de quelque malheur. On publia aussitot qu'elle annongait la mort du roi, qui mourut ef- fectivement peu apres'. Clofye, oiseau d'Afrique, noir et gros comme un etourneau. C'est pour les negres un oiseau de presage. 11 predit les bons evenements, lorsque en chantant il s'eleve dans les airs; il en pronostique de mauvais s'il s'abaisse. Pour annoncer a quel- qu'un une mort funeste, on lui dit que le Clofye a chanle sur lui. Clotho. L'mie des trois Parques et la plus jeune. C'est elle qui file les destinees ; on lui donne une quenouille d'une hauteur prodigieuse. La plupart des mylhologues la placent avec ses soeurs a la porte du repaire de Pluton. Lucien la met dans la barque a Garon ; mais Plutarque dit qu'elle est dans la lune, dunt elle dirige les mou- vements. Clou. II y a sur les clous quelques petites superstitions dont on fera son profit. Les Grecs modernes sont persuades qu'en fichant le clou ' Voyez, dans les Legendes d' Allemagne , de Raoul de Navery, La cloche du prieur. CLO — 175 — COG d'un cercneil a la porte d'une maison infestee, on en ecarte a jamais les revenants et les fan- tomes. Bogiiet parle d'nne sorciere qui, pour im cheval blesse, disait certains mots en forme d'oraison et plantait en terre un clou qu'elle ne retirait jamais. Les Remains, pour chasser la peste, fichaient un clou dans une pierre qui etait au cote droit du temple de Jupiter ; ils en faisaient autant contre les charmes et sortileges, et pour apaiser les discordes qui survenaient entre les citoyens. « 11 y en a pareillement qui, se voulant prevaloir contre leurs ennemis, plantent un clou dans un arbre. Or, quelle force peut avoir ce clou ainsi plante* ? » Clovis, fils de CTiilperic I". II ne restait a Chilperic que ce fils de sa premiere femme. Le jeune homme fut assez indiscret pour s'expliquer sans menageraent sur Fredegonde , qu'il regar- dait comme son enneinie. Elle resolut de se de- barrasser de lui. Clovis aimait une jeune fille de basse extraction ; un emissaire de Fredegonde vint dire au roi que c'etait la fille d'une magi- cienne ; que Clovis avait employe les artifices de cette femme pour se defaire de ses deux freres (empoisonnes , a ce qu'on croit) , et qu'il tramait la mort de la reine. La vieille femme, mise a la question, fut forcee d'avouer qu'elle etait sor- ciere. Clovis, convaincu, se vit depouille de ses riches vetements et conduit dans une prison , ou des assassins le poignarderent , si les historiens disent vrai ; et on fit accroire au monarque qu'il s'etait tue lui-meme. La magicienne, dont la fille venait aussi d'etre mise a mort, fut epouvantee de ses aveux , qu'elle retracta ; mais on se hata de lui imposer silence en la conduisant au bu- cher. C'est du moins ainsi que racontent les choses des chroniqueurs peu favorables, il est vrai , a Fredegonde ^ Cluricaunes, esprits familiers un peu lutins en Irlande. On en compte beaucoup d'histoires'. Cobales, genies malins et trompeurs de la suite de Bacchus, dont ils etaient a la fois les gardes et les bouffons. Selon Leloyer, les co- bales, connus des Grecs, etaient des demons doux et paisibles, nommes par quelques-uns bonhomets ou petits bonshommes des mon- tagnes, parce qu'ils se raonlrent en vieux nains de basse stature; ils sont vetus court, demi-nus, la manche retroussee sur I'epaule, et portent un tablier de cuir sur le§ reins, "Cette sorte de demons est presentement assez plaisante, car tantot vous les verrez rire, tantot se gaudir, tantot sauter de joie, et faire mille tours de singe ; ils contreferont et imiteront les singes, et feront tant et plus les embesognes, combien qu'ils ne fassent rien du tout. A cette 1 Boguet, Discours des sorciers, ch. lx. 2 Sur le roi Clovis P"", voyez ses legendes, dans les Legendes de I'hisloire de France. 3 Voyez les Legendes des esprits et demons. heure, vous les verrez becher dans les veihes d'or ou d'argent, amasser ce qu'ils auront be- che, el le meltre en des corbeilles et autres vais- seaux pour cet effet prepares, tourner la corde et la poulie afin d'avertir ceux d'en haut de tirer le metal, et fort rarement voit-on qu'ils offensent les ouvriers, s'ils ne sont grandement provoques de brocards, injures et risees dont ils sont im- patients. Mors ils jetteront premierement de la terre et de petits cailloux aux yeux des pion- niers, et quelquefois les blesseront'. » Les Allemands appellent ces memes demons familiers Kohold. Voij. ce mot. Coboli, genies ou demons reveres par les an- ciens Sarmates. lis croyaient que ces esprits ha- bitaient les parties les plus secretes des maisons, et meme les fentes du bois. On leur offrait les mets les plus delicats. Lorsqu'ils avaient I'inten- tion de se fixer dans une habitation , ils en pre- venaient ainsi le pere de famille : la nuit ils as- semblaient des tas de copeaux et repandaient de la fienle de divers animaux dans les vases de lait: gracieuses manieres de s'annoncer. Si le lendemain le maitre de la maison laissait ces co- peaux en un tas, et faisait boire a sa famille le lait ainsi souille , alors les cobolis se rendaient visibles et habilaient desormais avec lui ; mais s'il dispersait les copeaux et jetait le lait, ils al- laient chercher un autre gite. Les cobolis sont de I'essence des gobelins, des cobales , du kobold des Allemands , des boggards et des cluricaunes. Cocconas. Voij. Alexandre de Paphlagonie. Cochon. Est-il vrai, comme le croit lepeuple, que de tous les animaux le cochon soit celui dont I'organisation ait le plus de ressemblance avec ' Leloyer, Histoire et discours des spectres, etc., p. 345, post Wierum, De prast., lib. I, cap. xxii. coc — 176 — COD celle de I'homme? Sur ce poinL, dil M. Salgues, on lie saurait inieux faire que de s'en rapporter a Cuvier. Or, void ce que lui out revele ses re- cherches. L'estomac de rhomme et celui du co- clion n'oiit aucune ressemblance : dans riiomnie, ce viscere a la forme d'une cornemuse ; dans le coclion, il esl globuleux; dans I'homme, le foie est divise en trois lobes; dans le cochon, il est divise en quatre : dans I'liomme , la rate est courle et ramassee- dans le cochon, elle est lon- gue et plale; dans Thomme, le canal intestinal egale sept a huit fois la longueur du corps; dans le cochon , il egale quinze a dix-huit fois la meme longueur. Son coeur presente des differences no- tables aveccekii de I'homme; et j'ajouterai, pour la satisfaction des savants et des beaux esprils, que le volume de son cerveau est aussi beaucoup moins considerable, ce qui prouve que ses fa- cultes intellectuelles sont inferieures a celles de nos academiciens. II y aurait bien des choses a dire sur le cochon. Le diable s'est soiivent montre sous sa figure; et elle est digne de lui. On conte a Naples qu'au- trefois il apparaissait souvent avec cetle forme dans le lien meme oi^i I'eglisc de Sainte-Marie- Majeure a depuis ete batie, ce qui rejouissait peu les Napolitains. Des que I'eglise fut commencee, la singuliere apparition ne se montra plus. C'est en memoire de cet evenement que I'eveque Pom- ponius fit faire le pourceau de bronze qui est en- core sur le portail de cette eglise. Cam^rarius raconte que, dans une ville d'Allemagne , un juif malade etant venu chez une vieille, et lui ayant demande du lait de femme, qu'il croyait proprc a le guerir , la sorciere s'avisa de traire une truie et en porta le lait au juif, qui le but. Celaitcom- mcuQant a operer, le juif s'aperc^'ut qu'il grogiiait et devina la ruse de la sorciere, qui voulait sans doute lui faire subir la metamorphose des com- pagnons d'Ulysse. II jeta le resle du lait sans le boire , et incontinent tous les cochons du voisi- nage moururent Codes (Barthelemy) , chiromancien du sei- zieme siecle. II avait aussi des connaissances en asLrologie et en physiognomonie. II predit a Luc Gauric, celebre astrologue du meme temps, qu'il subirait iiijustement une peine douloureuse etin- famante; et Luc Gauric fut en effet condamne au supplice de I'estrapade par Jean Bentivoglio, tyran de Bologne, dentil avait pronostique I'ex- pulsion prochaine. Codes prophetisa qu'il serait lui-meme as- sassine, et qu'il perirait d'un coup sur la tete. Son horoscope s'accomplit ponctuellement, car Hermes de Bentivoglio , fils du tyran , ayant appris qu'il se melait aussi de predire sa chute, le fit assassiner par un brigand nomme Caponi, le 2h septembre 1504 ^ On assure meme que, * Camerarius, De nat. el affect, dcemon., inprooemio. 2 M. Salgues, Des erreurs et des prejuges. connaissant le sort qui le menaqait, il portait de- puis quelque temps une calotte de fer, el qu'il ne sortait qu'arme d'une epee a deux mains. On dit encore que celui qui devait I'assassiner etant venu le consulter peu auparavant, il lui predit qu'avant vingt-quatre heures il se rendrait coupable d'un meurtre. II est plus que probable que ces pro- pheties n'ont etc faites qu'apres coup. Codes a ecrit sur la physiognomonie etla chi- romancie, mais son livre a subi des modifica- tions. L'edition originale est : Physioynomonice ac rhiromancioe anastaus , sive compendium cx plu- ribiis ct pene Vi finilis auclo. thus, cum approhalione Alcxandri Achillini. Bologne, 150^, in-fol. La preface est d'Achillini. Cocoto, demon succube, adore aux Indes oc- cidentales, et menlionne par Bodin Cocyte,run desfieuves de I'enfer desanciens. II entourait le Tartare, et n'etait forme que des larmes des mediants. Code des sorciers. Boguet, qui avait tant de zelc pour rextinclion de la sorcellerie, amis a la Ihi de son Discours des sorciers une instruction pour un juge en fait de sorcellerie. Cette piece curieuse, publiee en 1601 , est divisee en quatre- vingt-onze articles. On la connait plus generale- ment sous le litre de Code des sorciers. En voici le precis : Le juge du ressort instruit I'affaire et la juge, sans suivre en cas pareil les formes ordinaires. La presomption de sorcellerie suffil pour faire ar- reier le suspect; I'inlerrogatoire doit suivre I'ar- restation, parce que le diable assiste les sorciers en prison. Le juge doit faire altenlion a la conte- nance de I'accuse, voir s'il ne jette point delarmes, s'il regarde a terre, s'il barbole a part, s'il blas- pheme ; tout cela est indice. Souvent la honte empeche le sorcier d'avouer; c'est pourquoi il est bon que le juge soit seul, et que le greOTier soit cache pour ecrire les reponses. Si le sorcier a devant lui un compagnon du sab- bat, il se trouble. On doit le raser, afin de mettre a decouvert le sort de taciturnite. II faut le visiter avec un chirurgien pour chercher les marques. ' Demonomanie, liv. II, ch. vii. COD — 177 — COL Si I'accuse n'avoue pas , il faut le mettre dans une dure prison et avoir gens affides qui tirent de lui la verite. II y a des juges qui veulentqu'on promette le pardon, et qui ne laissent pas de passer a I'execution ; mais cette coutume me pa- rait barbare. Le juge doit eviter la torture, elle ne fait rien sur le sorcier; neanmoins il est permis d'en user. Si le prevenu se trouve saisi de graisses, si le bruit public I'accuse de sorcellerie , ce sont de grandes presomptions qu'il est sorcier. Les in- dices legers sont les variations dans lesreponses, les yeux fixes en terre , le regard effare. Les in- dices graves sont la naissance, comme si, par example, le prevenu est enfant de sorcier, s'il est marque , s'il blaspheme. Le fils en tel cas est admis a deposer contre son pere. Les te- mo ins reprochablesdoi vent etre entendus comme les autres; on doit aussi entendre les enfants. Les variations dans les reponses du temoin ne peuvent faire presumer en faveur de I'innocence du prevenu, si tout I'accuse d'etre sorcier. La peine est le supplice du feu : on doit etran- gler les sorciers et les bruler apres; les loups- garous doivent etre brules vifs. On condamne jus- tement sur des conjectures et presomptions ; mais alors on ne brule pas, on pend. Le juge doit as- sister aux executions, suivi de son greffier, pour recueillir les depositions... Ce chef-d'oeuvre de jurisprudence et d'huma- nite, ouvrage d'un avocat, regut dans le temps les suffrages des barreaux frangais. Boguet le dedia a Daniel Romanez, avocat a Salins'. Codronchi (Baptiste) , medecin d'Imola , au seizieme siecle. II a laisse un traite des annees climateriques , de la maniere d'en eviter le dan- ger, et des moyens d'allongersa vie ^. Ccfilicoles, secte juive qui adoraitles astres et les anges gardiens des astres. CcBur. Des raisonneurs modernes ont critique ce qui est dit dans V Ecclesiaste , que le cceur du sage est au cole droit, et celui de I'insense au cote gauche. Mais il faut entendre cette maxime comme le mot de Jonas a propos de ceux des Ninivites qui ne savaient pas faire la difference entre leur main droite et leur gauche, c'est-a-dire entre lebien et le mal. Que le coeur de I'homme soit situe au cole gauche de la poitrine, c'est un sentiment qui, a la rigueur, peut etre refute par inspection seule , dit le docteur Brovi^n ; car il est evident que la base et le centre du coeur sont exactement places au milieu. La pointe, a la ve- rite, incline ducole gauche; mais on dit de I'ai- guille d'un cadran qu'elle est situee au centre, 1 M. Jules Garinet , Histoire de la magie en France, p. 320. 2 De annis climatericis, nec non de ratione vitandi eorum pericula, itemque de modis vitam producendi commentarius, In-S". Bologne, 4 620. quoique la pointe s'etende vers la circonference du cadran. Nous rappellerons que quelques hommes ont eu le coeur velu. Voy. Aristomene. Cohoba , herbe dont les vapeurs enivraient les Indiens d'Hispaniola jusqu'a les plonger dans I'extase. Coiffe. On s'est forme differentes idees sur la membrane appelee cOiffe, qui couvre quelquefois la tele des enfants lorsqu'ils sorlent du sein de leur mere. Les personnes superstilieuses la con- servent avec soin, comme un moyen de bon- heur, et on dit d'un homme heureux qu'il est ne coiffe. On a meme avance que cette coiffe etend ses effets favorables j usque sur ceux qui ia por- ' tent avec eux. Spartien parle de celle superstition dans la vie d'Antonin. II dit que les sages-femmes vendaient ordinairement ces coiffes naturelles a des jurisconsultes credules, qui en attendaient d'heureux resultats pour leurs affaires. lis etaient persuades que ce talisman leurferaitgagner toutes les causes On se le disputait chez nous au seizieme siecle. Dans quelques provinces , on croyait que la coiffe revelail une vocation a la vie monastique ^ Les sages-femraes predisaient aussi chez nos peres le sort de I'enfant qui apportait la coiffe sur la tete. Voy. Amniomancie. Avant qufe I'erapereur Macrin montat sur le trone, sa femme lui donna un fils qui naquit coiffe. On predit qu'il s'eleverait au rang supreme, et on le surnorama Diadematus. Mais quand Macrin fut tue , il arriva de Diadematus qu'il fut proscrit et lue comme son pere. Coirieres (Claude) , sorciere du seizieme sie- cle. Pendant qu'elle etait detenue en prison , elle donna une certaine graisse a un nomme Frangois Gaillard, pareillement prisonnier, lequel, s'en etant frotte les mains , fut enleve de sa prison par I'assistance du diable , qui toutefois le laissa reprendre ^ Colarbase , heretique valentinien , qui pre- chait la cabale et I'astrologie comme sciences re- ligieuses. II etait disciple de Valentin. II disait que la generation et la vie des hommes dependaient des sept planetes, et que toute la perfection et la plenitude de la verite etait dans I'alphabet grec, puisque Jesus -Christ etait nomme Alpha et Omega Colas (Antide) , sorciere du seizieme sifecle, qui, faisant commerce avec le diable, qu'elle nommait Lizabet, fut apprehendee et mise en prison sur I'avis de Nicolas Milliere, chirurgien. Elle confessa qu'etant detenue a Betoncourt, le diable s'etait apparu a elle en forme d'homme noir et I'avait sollicilee a se jeter par une fenetre ou bien a se pendre ; une autre voix Ten avait * Brown, Bes err eurs populaires, t. II, p. 88. 2 Salgues, Des err eurs et des prejuges. 3 Boguet, Discours des sorciers, ch. Lii, p. 327. * Bergier, Dictionnaire theologique. . 12 COL — 178 — COM dissuadee. Convaincue d'etre sorciere, mais aussi d'avoir commis beaucoup de turpitudes, cette femme fat brCilee a Dole en 1599 * ; et c'est ainsi que se terminent ordinairement les histoires ra- contees par Boguet. Colere , bien des gens ont ele possedes plus ou moins grievement dans un acces de colere. Coleti (Etienne), auteur d'un livre intitule Manure de reconnaitre et de dclivrer les energu- menes ^. Coley (Henry), astrologue anglais, mort en 1690. On a de lui la Clef des elements de I'astro- logie. Londres, 1675, in-8°. C'est un traite com- plet de cette science fantastique. On y trouve I'art de dresser toutes sortes de themes d'horos- copes, avec des exemples de nalivites calculees. Collanges (Gabriel de),mathemaiicien, ne en Auvergne en 152/j. II n'employa ses connais- sances qu'a la recherche des secrets de la cabale et des nombres. II est traducteur de la Polygra- phie et universe.lle ccriture cabalistique de Tri- theme, Paris, 1561, in-k"- On cite plusieurs ou- vrages de lui, dent aucun n'a ete imprime, non plus que sa version de la Philosophie occultc d'Agrippa. II a laisse en manuscrit un TraiU de I'heur et mal/ieur du mariage. Collehites, pierre que Ton assure etre propre a chasser les demons et a prevenir les charmes '; mais on aurait du la designer. Colleman (Jean), astrologue, ne a Orleans; le roi Charles VII en faisait grand cas. Louis XI, dit-on, lui donna des pensions, parce qu'il lui apprit a supputer des almanachs. On dit que Colleman etudiait si assidumenl le cours de la lune, qu'a force d'application il en devint le- preux Collyre. On voit dans la Lycanthropie de Nynauld qu'un sorcier composait un certain col- lyre avec le fiel d'un homme, les yeux d'un chat noir et quelques autres choses que I'ecrivain ne nomme pas ; « lequel collyre applique aux yeux faisait voir et apparaitre en I'air ou ailleurs les ombres des demons. » Colokyntho-Pirates, pirates nains fabuleux, qui , dans I'histoire veritable de Lucien , navi- guaient sur de grandes citrouilles ou coloquintes, longues de six coudees (trois metres). Lors- qu'elles elaient seches, ils les creusaient; les grains leur servaient de pierres dans les combats, et les feuilles de voiles, qu'ils altachaient a un mat de roseau. Colombes. 11 y avait dans le temple de Ju- piter, a Dodone, des colombes que Ton gardait 1 Boguet, Discours des sorciers, ch. xiii, p. 323. 2 Energumenos dignoscendi et liberandi ratio. Ve- rone, 1746. Delancre, Tablea:'. del'inconst. des demons, etc., liv. IV, p. 297. * Ancien manuscrit de la bibliotheque royale. Voyez Joly, Remarques sur Bayle, a la fin. soigneusement ; elles repondaient d'une voix hu- maine lorsqu'elles elaient consultees. Mais on lit dans Pausanias que c'etaient des femmes pre- tresses qu'on appelait colombes dodoniennes. Les Perses, persuades que le soleil avait en horreur les colombes blanches, les regardaient comme des oiseaux de mauvais augure, et n'en souf- fraient point dans leur pays. Colma, chateau fort sur le Danube, qui, se- lon la tradition, est sorti de terre tout construit, par une puissance magique , comme autrefois dans la mythologie grecque Pegase sous le pied de Minerve. Des savants disent qu'en realite il a ete bati en une nuit par la puissante armee sar- mate du roi Deucaos. Ruincs de Colm:i. Colonne du diable. On conserve a Prague trois pierres d'une colonne que le diable apporta de Rome pour ecraser un pretre avec lequel il avait fait pacte, et Ic tuer pendant qu'il disait la messe. Mais saint Pierre, s'il faut en cruire la le- gende populaire , elant survenu , jeta trois fois de suite le diable et sa colonne dans la mer, et cette diversion donna au pretre le temps de se repentir. Le diable en fut si desole qu'il rompit la colonne et se sauva Coltreni, lutins italiens, de I'espece de nos Gobelins. Combadaxus, divinite dorniante des Japo- nais. C'etait un bonze dont ils racontent I'anec- dote suivante. « A huit ans il fit conslruire un temple magnifique, et, pretendant etre las de la vie , il annonca qu'il voulait se retirer dans une caverne et y dormir dix mille ans : en conse- ^ Voyages du docteur Patin. COM — 179 — COM qnence il y entra; Tissue fut scellee sur-le- chnmp. Les Japonais le croient encore vivant. » Combourg. « Les gens etaient persuades (au sombre chateau de Combourg, en Brelagne) qu'un certain comte de Combourg, a jambe de bois, mort depuis trois siecles, apparaissait a certaines epoqnes , et qu'on I'avait rencontre dans I'escalier de la tourelle. Sa jambe de bois se promenait aussi quelquefois, seule, avec un chat noir ^ » Comediens. « 11 serait bon , comme dit Bo- giiet , de chasser nos comediens et nos jongleurs, attendu qu'ils sont pour la plupart sorciers el i raagiciens, n'ayant d'aulre but que de vider nos j bourses et de nous debaucher. « Boguet n'est pas tout a fait dans son tort. Comenius (Jean-Amos), philologue du dix- septieme siecle. II a laisse la Ltimiere dans les. tenebres , Hollande , 1657, m-h"; idem, aug- mentee de nouveaux rayons, 1665, 2 vol. in-k", fig. C'est une traduction latine des pretendues -propheties et visions de Kolter, de Dabricius et de Christine Poniatowska, habiies gens que nous ne connaissons point. Cometes. On a toujours vu dans les cometes les signes avant-coureurs des plus tristes cala- mites. Due com^te parut quandjXerxes vint en Europe avoc dix-liuil cent niille hommes (nous ne les avons pas comptes); elle predisait la de- faite de Salamine. 11 en parut une avant la guerre du Peloponnese; une avant la defaite des Athe- niens en Sicile ; une avant la victoire que les Thebains remporterent sur les Lacedemoniens; une quand Philippe vainquit les Atheniens; une avant la prise de Carthage par Scipion ; une avant la guerre civile de Cesar et de Pompee; une a la mort de Cesar; une a la prise de Jeru- salem par Titus; une avant la dispersion de I'empire romain par les Goths; une avant I'in- vasion de Mahomet, etc.; une enfin avant la chute du premier Empire. Tous les peuples regardent egalement les co- metes comme un mauvais presage ; cependant, si le presage est funeste pour les uns , il est heu- reux pour les autres, puisque enaccablant ceux- ci d'une grande defaite, il donne a ceux-la une grande victoire. Cardan explique ainsi les causes de I'influence des cometes sur I'economie du globe. « Elles ' Chateaubriand , Memoires , tome 1='. rendent I'air plus subtil et moins dense , dit-il , en I'echauffant plus qu'a I'ordinaire : les per- sonnes qui vivent au sein de la mollesse, qui ne donnent aucun exercice a leur corps, qui se nourrissent trop delicatement, qui sont d'une sante faible, d'un age avance et d'un sommeil peu tranquille, souffrent dans un air moins anime et meurent souvent par excesde faiblesse. Cela arrive plutot aux princes qu'a d'autres, a cause du genre de vie qu'ils menent; et il suffit que la superstition ou I'ignorance aient attache aux cometes un pouvoir funeste pour qu'on re- marque, quand elles paraissent, des accidents qui eussent ete fort naturels en tout autre temps. — On ne devrait pas non plus s'etonner de voir a leur suite la secheresse et la peste, puisqu'elles dessechent Fair et ne lui laissent pas la force d'empecher les exhalaisons pestiferees. Enlin les cometes produisent les seditions et les guerres en echauffant le coeur de I'homme et en chan- geant les humeurs en bile noire. » On a dit de Cardan qu'il avait deux ames, I'une qui disait des choses raisonnables, I'autre qui ne savait que deraisonner. Apres avoir parle comme on vient de voir, I'astrologue retombe dans ses vi- sions. Quand une comete parait aupres de Sa- turne, dit-il, elle presage la peste, la mort des souverains pontifes et les revolution? dans les gouvernements; aupres de Mars, les guerres; aupres du soleil , de grandes calamites sur tout le globe; aupres de la lune, des inondations et quelquefois des secheresses; aupres de Venus, la mort des princes et des nobles; aupres de Mercure, divers malheurs en fort grand nombrc. Wiston a fait de grands calculs algebriques pour demontrer que les eaux extraordinaires du deluge furent amenees par une comete, et que quand Dieu decidera la fin du monde , ce sera une comete qui le brulera..., Comiers (Claude), docteur en theologie, mort en 1693. 11 est auleur d'un TraiU de pro- pheties, vaticinations , predictions et prognosti- cations. II a ecrit aussi sur la baguette divina- toire et sur les sibylles. Communisme, doctrine qui nie le peche ori- ginel, et par consequent les demons; qui de- clare, d'apres Jean-Jacques Rousseau, I'homme ne parfait; qui met tout en commun, qui donne a I'homme et a la femme tous les droits. C'est le resume d'une foule d'heresies et le precede le plus sur pour ramener I'homme a I'etat sauvage. Les apotactiles, les bezards, les vaudois, les hussites et une foule d'autres secies ont preche cette doctrine sans pouvoir I'etablir. Compitales, fetes des dieux lares ou lulins du foyer, chez les anciens Remains. On leur sa- criiiait, dans I'origine, des enfanls, auxquels Brutus substitua des tetes de pavots. Comtes de I'enfer, demons d'un ordre su- perieur dans la hierarchie infernale, et qui com- 12. CON — 180 — CON mandent de nombreuses legions. On les evoque a toute heure dii jour, pourvu que ce soil dans un lieu sauvage que les homines n'aienl pas cou- tume de frequenter Conclamation, ceremonie romaine du temps du paganisme. Elle consistait a appeler a grands cris I'individu qui venait de mourir, afm d'ar- reter I'ame fugitive et de lui indiquer son che- min ou de la reveiller si elle etait encore Irop attacliee au corps. Conde. On lit dans une lettre de madame de Sevigne au president du Monceau que, trois se- maines avant la morl du grand Conde, pendant qu'on I'attendait a Fontainebleau , M. de Ver- nillon, I'un de ses gentilshommes, revenanl de la chasse sur les Irois heures, et approchant du chateau de Chantilly (sejour ordinaire du prince), vil, a une fenetre de son cabinet, un fantome revelu d'une armure qui semblait garder un homme enseveli ; il descendit de cheval et s'ap- procha, le voyant toujours; son valet vit la meme chose et Ten avertit. lis demanderent la clef du cabinet au concierge ; mais ils en trou- verent les fenetres fermees et un silence qui n'avait pas ete trouble depuis six mois. On conta cela au prince, qui en fut un peu frappe, qui s'en moqua cependant ou parut s'en moquer; mais tout le monde sut cette histoire et tremola pour ce prince, qui mourut trois semaines apres. . . Condormants, sectaires qui parurent en Alle- magne au treizieme et au seizieme siecle, et qui durent leur nom a I'usage qu'ils avaient de cou- cher tous ensemble, sous prelexte de charite. lis adoraient une image de Lucifer et ils en tiraient des oracles, dans un bois voisin de Cologne. Les recits conlemporains nous apprennent qu'un pretre ayant apporte dans cette assemblee la sainte Eucharistie, I'idole se brisa en mille pieces. Conferentes , dieux des anciens dont parle Arnobe , et qui etaient , dit Leloyer, des demons incubes. Confucius. On sait que ce philosophe est re- vere comme un dieu a la Chine. On lui offre sur- tout en sacrifice de la soie dont les restes sont distribues aux jeunes filles, dans la persuasion ou Ton est que, tanl qu'elles conservent ces pre- cieuses amuleltes, elles sont a I'abri de tous dan- gers. Conjurateurs, magiciens qui s'attribuent le pouvoir de conjurer les demons et les tempetes. Conjuration, exorcismes, paroles et cere- monies par lesquelles on chasse les demons. Dans I'Eglise romaine, pour faire sortir le demon du corps des possedes, on emploie certaines for- mules ou exorcismes, des aspersions d'eau be- nite, des prieres et des ceremonies insliluees a ce dessein 'K — Les personnes superstilieuses et crimiuelles qui s'occupent de magie abusent du * Wierus, in Pseudomonarchia daemon. 2 Bergier, Diclionnaire theologiquc. mot et nomment conjuration leurs sortileges impies. Dans ce sens la conjuration est un com- pose de paroles souvent sacrileges et de cere- monies delestables ou absurdes, adoptees par les sorciers pour evoquer les demons. Conjuration des sorciires. On commence par se placer dans le cercle magique {Voy. Cercle) ; puis on recite les for- mules. Voici quelque idee de ces precedes. Nous les empruntons aux Grimoires. Conjuration universelle pour les esprits. — « Moi (on se nomme), je te conjure, esprit (on nomme I'esprit qu'on veut evoquer), au nom du grand Dieu vivant, de m'apparaitre en telle forme (on I'indique); sinon saint Michel archange, in- visible, te foudroiera dans le plus profond des enfers; viens done (on nomine I'esprit), viens, viens, viens pour faire ma volonte. » Conjuration d'un livre magique. — « Je vous conjure et ordonne, esprits ( tous et autant que vous etes , de recevoir ce livre en bonne part , . afin que toutes les fois que nous lironsledit livre, ou qu'on le lira etant approuve et reconnu etre en forme et en valeur, vous ayez a paraitre en belle forme humaine lorsqu'on vous appellera, selon que le lecteur le jugera, dans toutes cir- constances. Je vous conjure de venir aussitot la conjuration faite, afin d'executer sans retar- dement tout ce qui est ecrit et mentionne en son lieu dans cedit livre : vous obeirez , vous servirez , enseignerez , donnerez , ferez tout ce qui est en votre puissance , en utilite de ceux qui vous ordonneront, le tout sans illusion.— Et si par hasard quelqu'un des esprits appeles parmi vous ne pouvait venir ou paraitre lors- qu'il serait requis, il sera tenu d'en envoyer d'autres revetus de son pouvoir, qui jureront solennellement d'executer tout ce que le lecteur pourra demander, en vous conjurant tous par les tres-saints noms du tout-puissant Dieu vi- vant, etc )) Conjuration des demons. — « Alerte , venez tous, esprits. Par la vertu et le pouvoir de votre roi, et par les sept couronnes et chaines de vos rois , tous esprits des enfers sont obliges d'ap- CON — 181 — CON paraitre a moi devant ce cercle , quand je les appellerai. Venez tous a mes ordres pour faire tout ce qui est en votre pouvoir, etant reconi- mandes ; venez done de I'orient, midi, Occident et septentrion; je vous conjure et ordonne, par la vertu et puissance de celui qui est Dieu , etc. » Conjuration pour chaque jour de la semaine. — Pour le lundi , a Lucifer. Cette experience se fait souvent depuis onze heures jusqu'a douze, et depuis trois heures jusqu'a quatre. II faudra du charbon, de la craie benite pour faire le cercle, autour duquel on ecrira : « Je te defends, Lucifer, par le nom que tu crains , d'entrer dans ce cercle. » Ensuite on recite la formula sui- vante : « Je te conjure, Lucifer, par les noms ineffables On, Alpha, Ya, Rey, Sol, Messias, Ingodum, etc., que tu aies a faire, sans me nuire (on designe sa demande). » Pour le mardi , a Nambroth. Celts experience se fait la nuit , depuis neuf heures jusqu'a dix ; on doit donner a Nambroth la premiere pierre que Ton trouve, pour etre regu de lui en dignite et honneur. On procedera de la fagon du lundi; on fera un cercle autour duquel on ecrira : « Obeis-moi, Nambroth, obeis-moi, par le nom que tu crains. >> On rdcite a la suite cette for- mule : (( Je te conjure, Nambroth, et te com- mande par tous les noms par lesquels tu peux etre contraint et lie de faire telle chose. » Pour le mercredi, a Astaroth. Cette experience se fait la nuit, depuis dix heures jusqu'a onze; on le conjure pour avoir les bonnes graces du prince et des autres. On ecrira dans le cercle : ■ <( Viens , Astaroth ; viens , Astaroth ; viens , As- taroth ; » ensuite on recitera cette formule : « Je te conjure, Astaroth, mechant esprit, par les paroles et les vertus de Dieu, etc. » Pour le jeudi, a Acham. Cette experience se ' fait la nuit, de trois heures a quatre; il parait en forme de roi. II faut lui donner un morceau de pain lorsqu'on veut qu'il parte. On ecrira au- tour du cercle : « Par le Dieu saint — , Nasim, 7, 7, H. M. A. ; » ensuite on recitera la formule ' qui suit : « Je te conjure , Acham ; je te com- mande par tous les royaumes de Dieu, agis, je t' adjure , etc. » \ Pour le vendredi, a Bechet. Cette experience se fait la nuit, de onze heures a douze; il lui faut donner une noix. On ecrira dans le cercle : I (( "Viens, Bechet; viens, Bechet ; viens, Bechet; » ' i et ensuite on dira cette conjuration : « Je te con- ■ jure, Bechet, et te contrains de venir a moi ; je te conjure derechef de faire au plus tot ce que je veux , qui est , etc. » Pour le samedi, a Nabam. Cette experience se fait de nuit, de onze heures a douze, et sitot qu'il parait il faut lui donner du pain brule et lui demander ce qui lui fait plaisir. On ecrira dans son cercle : « N'entre pas , Nabam; n'entre pas, Nabam; n'entre pas Nabam ; » et puis on reci- ! tera la conjuration suivante : « Je te conjure, Nabam , au nom de Satan , au nom de Belz6buth, au nom d' Astaroth et au nom de tous les es- prits, etc. » Pour le dimanche, a Aquiel. Cette experience se fait la nuit, de minuit a une heure; il deman- dera un poil de votre tete ; il lui faut donner un poil de renard; il le prendra. On ecrira dans le cercle : <( Viens , Aquiel ; viens , Aquiel ; viens , Aquiel. » Ensuite on recitera la conjuration sui- vante : « Je te conjure, Aquiel, par tous les noms ecrits dans ce livre , que sans ddlai tu sois ici tout pret a m'obeir, etc. » Conjuration tres -forte, pour tous les jours et d toute heure dujour et de la nuit, pour les trSsors caches tant par les hommes que par les esprits. — (( Je vous commande, demons qui residez en ces lieux, ou en quelque partie du monde que vous soyez, et quelque puissance qui vous ait ete don- nee de Dieu et des saints anges sur ce lieu merae, je vous envoie au plus profond des abimes infer- naux. Ainsi, allez tous, maudits esprits et dam- nes, au feu eternel qui vous est prepare et a tous vos compagnons. Si vous m'eles rebelles et des- obeissants, je vous contrains et commande par toutes les puissances de vos superieurs demons de venir, obeir et repondre positivement a ce que je vous ordonnerai au nom de J.-C, etc. « Voy. Pierre d'Apone, etc. Nous n'avons fait qu'indiquer ces stupidites inconcevables. Les commentaires sont inu tiles. Voy. Evocations. Conjureurs de tempetes. Les marins su- perstitieux donnent ce nom a certains etres, ma- rins comme eux, mais en commerce avec le diable , de qui ils obtiennent le pouvoir de com- mander aux vents. Ce pouvoir reside dans un anneau de fer qu'ils portent au petit doigt de la main droite, et il les soumet a certaines condi- tions, comme de faire des voyages qui ne depas- sent pasun mois lunaire,de n'etre jamais a terre plus de trois jours. Si ces conditions n'ont pas ete observees, on n'apaise J'esprit maitre de I'anneau qu'en luttant avec lui , ce qui est pe- rilleux, ou en jetant un homme a la mer. Constantin. Tout le monde sait que, frappe de I'apparition d'une croix miraculeuse et de I'avis qui lui etait donne qu'il vaincrait par ce signe , Constantin le Grand se convertit et mit la croix sur ses etendards. Jusqu'au seizieme siecle, aucun ecrivain n'a- vait attaque la vision de Constantin; tous les monuments contemporains altestent ce miracle. Mais les proteslants , voyant qu'il pouvait servir a autoriser le culte de la croix, ont entrepris d'en faire une ruse rnilitaire Les philosophes du dernier siecle n'ont pas manque de copier leurs deraisonnements. J.-B. Duvoisin, eveque de Nantes, et I'abbe de I'Estocq, docteurs en Sorbonne, ont public CON ~ 182 — CON des dissertations sur la vision de Constantin , qui a au moins cela pour elle qu'elle n'a ete con- testee qu'apres plus de douze siecles par des gens inleresses a tout nier. « Combien de remarques ne pourrait-on pas ajouter, dit Lenglet-Dufresnoy dans son Traite des visions. On peul voir ce qa'ont dit de celle-ci le savant pere Pagi sur Baronius, et Tillemont dans son histoire. Ces temoignages rendus a la verite par de tels ecrivains doivent I'eniporter sur les doutes des critiques a qui rien ne plait que ce qui part de leur incrddule imagination. Vo- lonliers pour se distinguer du commun, ils adop- tent des fables qui peuvent prejudicier a quelque doctrine gendralement avouee ; mais ils se gar- dent bien de croire des points d'histoire, appuyes sur les preuves coinmunenient regues dans la discussion des faits historiques. » Constantin Copronyme , empereur icono- claste de Constantinople. II elait, dit-on, magi- cien; il conjurait habileinent les demons, ditLe- loyer ; il evoquait les morts et faisait des sacri- fices dotestables et invocations du diable. 11 mou- rul d'un feu qui le saisit par tout le corps, el dont la violence elait telle qu'il ne faisait que crier*. Constellations. I! y en a douze, qui sont les douze signes du zodiaque , et que les astrologues appellent les douze maisons du soleil , savoir : le belier, le taureau, les gemeaux, I'ecrevisse, le lion, la vierge, la balance, le scorpion, le sagil- laire, le capricorne, le verseau et les poissons. On les designe tres-bien dans ces deux vers tech- niques, que tout le monde connail : Sunt aries, taurus, geinini, cancer, leo, viigo, Libraque, scorpius, arcitenens, caper, anipliora, pisces. On dit la bonne aventure par le moyen de ces constellations. Voy. Horoscopes et Astrologie. Contre - Charmes , charmes qu'on emploie pour detruire I'effet d'autres charmes. Quand les charmeurs operent sur des animaux ensorceles, ils font des jets de sel prepares dans une ecuelle avec du sang tire d'un des animaux maleficies. Ensuite ils recilent pendant neuf jours certaines formules. Voy. Gratianne, Amulettes, Sort, Mal^fices, Ligatures, etc, Contre -Sorciers, nom que prennent des charlatans d'un genre special , qui se donnent pour maitres en fait de sorcellerie et se presen- tent comme ayant le pouvoir d'aneantir les ma- lehces. Deux hommes de ce genre ont exploite tout recemment une commune de I'Aube ou ils prelendaient que I'epizootie qui y regnait n'etait qu'un ensorcellement. Ils ne guerirent aucune bete et tirerent des bonnes gens beaucoup d'ecus. Le tribunal d'Arcis-sur-Aube les a conclamnes a dix-huit mois de prison, le 3 juillel 1857. — Et 1 Leloyer, Hisloire des spectres et des apparitions des esprits, liv. IV, ch vi, p. 302. Ton dit que nos campagnes sont en progres, de- puis qu'on y lit des journaux demolisseurs. Convulsions. Au neuvieme siecle, des per- sonnes suspectes deposerent dans une eglise de Dijon des reliques qu'elles avaient , disaient-elles , apportees de Rome, el qui elaient d'un saint dont elles avaient oublie le nom. L'eveque Theobald refusa de recevoir ces reliques sur une allegation aussi vague. Neanmoins, elles faisaient des pro- diges. Ces prodiges elaient des convulsions dans ceux qui venaient les reverer. L'opposition de l'eveque fit bientot de ces convulsions une epide- mie ; les femmes surtout s'empressaient de leur donner de la vogue. Theobald consulta Amolon , archeveque de Lyon , dont il etait sulfragant. (( Proscrivez, lui repondit l'eveque, ces fictions infernales, ces hideuses merveilles, qui ne peu- vent elre que des prediges et des impostures. Vit-on jamais, aux tombeaux des martyrs, ces funestes prodiges qui , loin de guerir les malades, font souffrir les corps et troublent les esprits?. .. » Celte espece de manie fanatique se renouvela quelquefois ; elle fit grand bruit au commence- ment du dix-huitieme siecle; et on prit encore pour des miracles les convulsions, les conlor- sions et les grimaces d'une foule d'insenses. Les gens melancoliques et atrabilaires ont beaucoup Convulsioniiaiics du cimclieie Sainl-Medard. de dispositions a ces jongleries. Si, dans le temps surtout ou leur esprit est derange, ils s'appli- quent a rever fortement, ils linissent toujours par tomber en extase, et se persuadent qu'ils peuvent ainsi prophetiser. Celle maladie se com- munique aux esprits faibles, et le corps s'en res- sent. De la vient, ajoule Brueys', que, dans le fort de leurs acces, les convulsionnaires se jeltent par terre, ou ils demeurent quelquefois assoupis. D'autres fois, ils s'agitent extraordinairement; et c'est en ces differents elats qu'on les enlend par- ler d'une voix etouffee et debitor toutes les 1 Preface de VHisloire du fanatisine. COP — 18 3 — COR extravagances dont leur folle imagination est remplie. Tout le monde a entendu parler des convulsions et des merveilles absurdes qui eurent lieu, dans la capitale de la Finance, siir le tom- beau du diacre Paris, homme inconnu pendant sa vie, et trop celebre apres sa mort'. La fre- nesie fanatique alia si loin , que le gouvernement I fut oblige, en 1732 , de fermer le cimetiere Saint- I Medard, oii Paris etait enterre, Sur quoi un plai- saut fit ces deux vers : De par le roi , defense a Dieu , D'operer miracle en ce lieu, Des lors les convulsionnaires tinrent leurs seances dans des lieux particuliers et se don- nerent en spectacle certains jours du inois. On accourait pour les voir, et leur reputation sur- passa bientot celle des bohemiens ; puis elle tomba , tuee par I'exces et le ridicule. Copernic, astronome celebre, mort en 15/|3. On dit communement que son sysleme fut con- damne par la cour de Rome : ce qui est faux et controuve. II vivait a Rome d'un bon canonicat et y professait librement I'astronoraie. Mais voyez a ce sujet Tarticle Galilei:. Coq. Le coq a, dit-on, le pouvoir de mettre en fuite les puissances infernales ; et comme on a remarque que le demon , qu'on appelle le lion d'enfer, disparait des qu'il voit ou entend le coq, on a repandu aussi cette opinion que le chant ou la vue du coq epouvante et fait fuir le lion. C'est du moins le sentiment de Pierre Delancre. « Mais il faut repondre a ces savants, dit M. Salgues^ que nous avons des lions dans nos menageries ; qu'on leur a presente des coqs ; que ces coqs ont chanle, et qu'au lieu d'en avoir peur, les lions n'ont temoigne que le desir de croquer I'oiseau chanteur; que toutes les fois qu'on a mis un coq dans la cage d'un lion, loin que le coq ait lue le lion , c'est au contraire le lion qui a mange le coq. » On sait que tout disparait au sabbat aussi- tot que le coq cliante. On cite plusieurs exemples d'assemblees de demons et de sorcieres que le premier chant du coq a mises en deroute ; on dit meme que ce son, qui est pour nous, par une sorte de miracle perpetuel, une horloge vivante, force les demons , dans les airs , a laisser tomber ce qu'ils portent : c'est a peu pres la vertu qu'on attribue au son des cloches. Pour empecher le coq de chanter pendant leurs assemblies noc- 1 Carre de Mongeron a recueilli ces merveilles en trois gros volumes in-4°, avec figures, Yoici un de j ces miracles rapporte dans une chanson de madame I la duchesse du Maine : Un decroteur k la royale , Du talon gauche estropie, Obtint, par giace speciale, D'etre boiteux de Tautre pie. Voyez le cimetiere de Saint-Medard , dans les Legendes infernales. 2 Bes erreurs et des prejuges, etc., preface. turnes, les sorciers, instruits par le diable, ont soin de lui frotter la tele et le front d'huile d'olive, ou de lui mettre au cou un collier de sarment. Beaucoup d'idees superstitieuses se rattachenta cet oiseau, symbole du courage et de la vigilance, vieil embleme des Gaulois. On dit qu'un jour Vitellius rendant la justice a Vienne en Dauphine, un coq vint se percher sur son epaule ; ses de- vins deciderent aussitot que I'empereur tombe- rait surement sous un Gaulois; et, en effet, il fut vaincu par un Gaulois de Toulouse. On devinait les choses futures par le moyen du coq. Voy. Alectryomancie. On dit aussi qu'il se forme dans I'estomac des coqs une pierre qu'on nomme pierre alectorienne, du nom grec de I'animal. Les anciens accordaienta cette pierre la propriete de donner le courage et la force : c'est a sa vertu qu'ils attribuaient la force pro- digieuse de Milon de Crotone. On lui supposait encore le don d'enrichir, et quelques-uns la re- gardaient comme un philtre qui moderait la soif. On pensait autrefois qu'il y avail dans le coq des vertus propres a la sorcellerie. On disait qu'avant d'executer ses malefices, Leonora Galigai ne mangeait que des cretes de coq et des rognons de belier qu'elle avait fait charmer. On voit dans les accusations portees centre elle qu'elle sacri- fiait des coqs aux demons*. Certains juifs, la veille du chipur ou jour du pardon, chargent de leurs peches un coq blanc qu'ils elranglent ensuite, qu'ils font rotir, que personne ne veut manger, et dont ils exposent les entrailles sur le toit de leur maison. On sacri- fiait, dans certaines localites superstitieuses, un coq a saint Ghristophe , pour en obtenir des gue- risons. On croyait enfin que les coqs pondaient des oeufs , et que , ces oeufs etant maudits , il en sortait un serpent ou un basilic. « Cette supers- tition fut tres-repandue en Suisse ; et dans une petite chronique de Bale, Gross raconte serieu- sement qu'au mois d'aout 147i un coq de cette ville , ayant ete accuse et convaincu de ce crime , fut condamne a mort. Le bourgeois le brula pu- bliquement avec son ceuf, dans un endroit nomme Kablenberg, a la vue d'une grande multitude de personnes^. » Voy. Basilic, Mariage, etc. Corail. Quelques auteurs ont 6crit que le co- rail a la vertu d'arreter le sang et d'ecarter les mauvais genies. Marsile Ficin pretend que le co- rail eloigne les terreurs paniques et preserve de la foudre et de la grele. Luceti en donne cette raison, que le corail exhale une vapeur chaude qui, s'elevant en Fair, dissipe tout ce qui peut causer la grele ou le tonnerre. Brown , dans ses Essais sur les erreurs populaires, dit qu'il est tenle de croire que I'usage de mettre des colliers de corail au cou des enfants, dans I'esperance de leur faire sortir les dents, a une origine su- 1 M. Garinet, Hist, de lamagie en France, p. 100 2 Dictionnaire d' anecdotes suisses, p. 114. COR — m — COR perstitieuse, et que Ton se servait autrefois du corailcomine d'aneamuleUe oupreservatif contre les sortileges. Corbeau, oiseau de mauvais augure, qui, dans les idees superstilieuses, annoiice des ma!- heurs et quelquefois la mort. II a pourlant des qualites nierveilleuses. Le livre des Admirahles secrets d' Albert le Grand dit que, si Ton fait ciiire ses oeufs, et qu'ensuite on les remelte dans le nid ou on les aura pris, aussitot le corbeau s'en ira dans une ile 01^1 Alogricus, autrement appele Alruy, a ete enseveli, et il en apportera une pierre avec laquelle, touchant ses oeufs, il les fera revenir dans leur premier etat ; « ce qui est tout a fait surprenant ». Cetle pierre se nomme pierre indienne, parce qu'elle se trouve ordinai- rement aux Indes. On a devine, par le chant du corbeau, si son croassement peut s'appeler chant. M. Bory de Saint-Vincent trouve que c'est un langage. On I'interpretait en Islande pour la con- naissance des affaires d'Etat. Les Islandais croient le corbeau instruit de tout ce qui se passe au loin ; il annonce I'avenir, disent-ils ; il prevoit surtout les morls qui doivent frapper une fa- miile : alors il vient se percher sur le toit de la maison , d'ou il part pour faire le tour du cime- tiere, avec un cri continu et des inflexions de voix. Les Islandais disent encore qu'un de leurs savants, qui avait le don d'entendre I'idionfie du corbeau , ^tait par ce moyen instruit des choses les plus cachees, Hesiode avance que la corneille vit huit cent soixante-quatre ans, tandis que rhomnie ne doit vivre que quatre-vingt-seize ans, el il assure que le corbeau vit trois fois plus que la cor- neille, ce qui fait deux mille cinq cent quatre- vingt-douze ans. On croit dans la Bretagne que deux corbeaux president a chaque maison, et qu'ils annoncent la vie et la mort. Les habi- tants du Finislere assurent encore que Ton voit sur un rocher eloigne du rivage les ames de leur roi Gralon et de sa fille Dahut qui leur ap- paraissent sous la forme de deux corbeaux ; elles disparaissenta I'oeil deceux qui s'en approchent*. I'oy. Odin, Cici!;noN, Auguhes, Arthus, etc. Corbeau noir. Voy. Calige du sabbat. Corde de pendu. Les gens credules preten- daient autrefois qu'avec de la corde de pendu on echappait a tons les dangers et qu'on elait heu- reux au jeu. On n'avait qu'a se serrer les tempes avec une corde de pendu pour se guerir de la migraine. On portait un morceau de cette corde dans sa poche pour se garantir du mal de dents. Enlin, on se sert de cette expression prover- biale, avoir de la corde de pendu, pour indiquer un bonheur constant, et les Anglais du menu peuple courent encore apres la corde de pendu ^ Cordeliers d'Orleans. On a fait grand bruit de Taffaire des cordeliers d'Orleans, qui eut lieu sous FranQois I". Les protestants s'en empa- rerent; et d'un tort qui est assez mal etabli, on fit un crime aux moines. C'etait peut-etre faire leur eloge que de s'etonner qu'ils ne fussent pas lous des anges. Voici I'histoire. Le seigneur de Saint - Mesmin , prevot d'Orleans, qui donnait dans les erreurs de Luther, devint veuf. Sa feinme elait comme lui lulherienne en secret. 11 la fit enlerrer sans fiambeaux et sans ceremo- nies. EUe n'avait pas re^u les derniers sacre- menls. Le gardien et le custode des cordeliers d'Orleans, indignes dece scandale, firentcacher, dit-on , un de leurs novices dans les voutes de I'eglise, avec des instructions. Aux matines, ce novice fit du bruit sous les voutes. L'exorciste, qui pouvait bien n'etre pas dans le secret, prit le rituel, el croyant que c'etait un esprit, lui de- manda qui il etail? Point de reponse. — S'il elait muet? — 11 frappa trois coups. On n'alla pas plus loin ce jour-la. Le lende- main et le surlendemain ; le meme incident se repela. — Fanlome ou esprit, dit alors l'exor- ciste, es-tu I'ame d'un tel? — Point de reponse. — D'un tel. — Point de reponse. — On nomma successivement plusieurs personnes enlerrees dans I'eglise. Au nom de Louise de Mareau, femme de Frangois de Saint - Mesmin , prevot d'Orleans, I'esprit frappa trois coups. — Es-tu 1 Cambry, Voyage dans le Finistere, t. II , p. 261 . 1 2 Salgues, Des erreurs et des prejuges, t. I, p. 433. ' COR — 185 — COS dans les flammes. — Trois coups. — Es-tu dam- nee pour avoir partage les erreurs de Luther? — Trois grands coups... Les assistants 6taient dans I'effroi. On se dis- posait a signifier an seigneur de Saint- Mesmin I'ordre d'enlever de I'eglise sa lutherienne; mais 11 ne se deconcerta pas. II courut a Paris et ob- tint des commissaires du conseil d'Etat un arret qui condamnait huit cordeliers d'Orleans a faire amende honorable pour avoir suppose de fausses apparitions (1534). Celte faute (s'il y a eu faute) etait individuelle , et les huit condamnes, dont deux seulement etaient coupables, le gardien et le custode, furent bannis sans que personne appelat ni re- clamat. Core, compagnon de Dathan et d'Abiron. Les mahometans, qui le confondent avec le batelier Charon, le font cousin germain de Moise, qui, le voyant pauvre, lui enseigna I'alchimie, par le moyen de laquelle il acquit de si grandes richesses qu'il lui fallait quarante chameaux pour porter son or et son argent. II y en a qui pretendent meme que plusieurs chameaux etaient charges seulement des clefs de ses coffres-forts. Moise ayant ordonne aux Israelites de payer la dime de tous leurs biens (nous suivons toujours les auteurs musulmans) , Core refusa d'obeir, se souleva meme contre son bienfaiteur jusqu'a re- pandre sur lui des calomnies qui compromet- taient son autorite parmi le peuple, si Moise ne s'en fut plaint a Dieu, qui punit I'ingrat; la terre I'engloutit, comme on sait, avec ses adherents. Corneille. Le chant de la corneille ^tait re- garde par les anciens comme un tres-mauvais presage pour celui qui commencai t una entreprise. lis I'invoquaient cependant avant le mariage, parce qu'ils croyaient que les corneilles, apres la mort de Fun ou de I'autre dans chaque couple , observaient une sorte de veuvage. Voy. Corbeau, AuGURES, etc. Les sorcieres out eu quelquefois des corneilles a leur service, comme on le voit dans plusieurs legendes*. Cornelius , pretre paien de Padoue , dont parle Aulu-Gelle. II avait des extases et son ame voya- geait hors de son corps ; le jour de la bataille de Pharsale, 11 dit en presence de plusieurs assis- tants qu'il voyait une forte melee , designant les vainqueurs et les fuyards; et a la fin il s'ecria tout a coup que Cesar avait vaincu ^. Cornes. Tous les habitants du tenebreux em- pire portent des cornes ; c'est une partie essen- tielie de I'uniforme infernal. On a vu des enfants avec des cornes, et Bar- tholin cite un religieux du monastere de Saint- Justin qui en avait deux a la tete. Le marechal ^ Voyez, dans les Legendes infernales,\3i Corneille de Barklay. 2 Leloyer, Histoire des spectres, ou Apparitions des esprits , liv. IV, ch. xxv, p. 456. de Lavardin amena au roi un homrae sauvage qui portait des cornes. On montrait a Paris, en 1699, un Frangais, nomme Trouillon , dont le front etait arme d'une corne de belier*. Voyez Cippus. Dans le royaurae de Naples et dans d'autres conlrees , les cornes passent pour un preservatif contre les sortileges. On a dans les maisons des cornes orn^es ; et dans la rue ou dans les con- versations, lorsqu'on soupgonne un sorcier, on lui fail discretement des cornes avec les doigts pour paralyser ses intentions magiques. On pend au cou des enfants, comme ornement, unc paire de petites cornes. Cornet d'Oldenbourg. Voy. Oldenbourg. Cornouailles. Les habitants de ce comte disent qu'il doit son nom au petit chevalier Corineus, qui a tue Gog et Magog, aupres de Plymouth. Corsned, sorte d'epreuve chez les Anglo- Saxons, qui consistait a faire manger par I'accuse a jeun une once de pain ou de fromage consacre , avec beaucoup de ceremonies. Si I'accuse etait coupable, cette nourriture devait I'etouffer en s'arretant dans le gosier; mais si elle passait aisement, I'accuse etait declare innocent. Corybantiasme , espece de frenesie. Ceux qui en etaient attaques s'imaginaient voir des fantomes et entendre continuellement des sif- flements. lis ouvraient les yeux lorsqu'ils dor- maient. Ce d^lire sanguin a ete souvent juge possession du diable par les demonomanes. Cosingas , prince des Cerrheniens , peuples de Thrace, et pretre de Junon. II s'avisa d'un singulier expedient pour reduire ses sujets re- belles. 11 ordonna d'atlacher plusieurs longues echelles les unes aux autres, et fit courir le bruit qu'il allait monter au ciel , vers Junon , pour lui demander raison de la desobeissance de son peliple. Alors les Thraces, superstitieux et gros- siers, se soumirent a Cosingas et s'engagerent par serment a lui rester fideles. Cosmas, voyageur du sixieme siecle, sur- nomme Indicopleustes , parce qu'il avait beau- coup navigue danS I'lnde, a laisse une bizarre topographic ou il etablit que la terre est un carre long, le firmament un cintre supporle par des vofiles immenses. II pose la terre sur une mon- tagne renversee qui n'est visitee que par les astres, dans leur tour journalier. Mabillon a pu- blie ce livre curieux en 1707. Dans ce livre, ou le monde est compare a un grand coffre, Cosmas dit, entre autres faits singu- liers, que le soleil, la lune et les autres astres sont conduits chacun par un ange , et que ce sont d'autres anges qui preparent la pluie et les orages, qui distribuent le chaud, le froid, la neige, la rosee, les brouillards, etc. — Ne nous etonnons pas de ces opinions. Sous Philippe Auguste le ' M. Salgues , Des erreurs et des prejuges , t. Ill , p. 128. COS — 186 — COU vulsaire croyait encore que la terre etait carree. Cosquinomancie on Coscinomancie, sorte (le divination qui se pratique au inoyen d'un crihie, d'un sas, ou d'un tamis. On met un crible sur des tenailies , qu'on prend avec deux doigts; ensuite on nomine les personnes soupgonnees de larcin ou de quelquc crime secret, et on juge coupable celie au nom de qui le crible tourne ou tremble, coinme si celui qui lient les tenailies ne pouvait pas remuer le crible a sa volonte ! Au lieu da crible , on met aussi (car ces divi- nations se pratiquent encore) un larais sur un pivot , pour connaitre I'auteur d'un vol ; on nomme de meme les personnes soupconnees, et le tamis tourne au nom du voleur. G'esl ce qu'on appelle dans les campagnes tonrner le sas. Cette superstition est surtout tres-repandue dans la Bretagne'. Toy. Criblk. Cossen, rocher du Fichtelberg, que les Alle- mands disent etre le sommet du haut duquel le diable monlra a Notre-Seigneur tons les royaumes de la terre. Cote. Dieu prit une cote d'Adam pour en faire notre mere Eve. Mais il ne faut pas croire pour cela, comme fait le vulgaire, que dans les des- cendants d'Adam les liommes ont une cote de mollis que les femmes. Cou. On regardait chez les anciens comme un augure favorable une palpitation dans la partie gauche du cou, et comme funesle celle qui avail lieu dans la partie droite. Couberen, idole de I'lnde, qui donne les ri- chesses. Couches. On pretendait en certains pays faire accoucher aisement les femmes en liant leur cein- ture a la cloche de I'eglise , et en sonnant trois coups. Ailleurs, la femme en couches metlait la culotte de son mari. I'oij. Aktite. Coucou. On croiL en Bretagne qu'en com^- tant le chant du coucou, on y trouve I'annonce de I'annee precise ou Ton doit se marier^. S'il chante trois fois, on se mariera dans trois ans, etc. On croit aussi, dans la plupart des provinces, que si on a de I'argent avec soi la premiere fois qu'on entend le chant du coucou , on en aura toute I'annee. — Le coucou de Balkis, probable- ment la reine de Saba, est un des dix animanx que Mahomet place dans son paradis. Coucoulampons , anges du deuxieme ordre, qui, quoique materiels, selon les habitants de Madagascar, sont invisibles et ne se decouvrent qu'a ceux qu'ils honorent d'une protection spe- ciaje. 11 y en a des deux sexes; ils contractent mariage entre eux et sont sujets a la morl; mais leur vie est bien plus longue que celle des horn- mes, et leur sante ii'est jamais troublee par les ' M. Cambry, Voyage dans le Finislere, t. Ill, p. 48. - M. Cambry, Voyage dans le Finislere , t.I, p. 175. maladies. Leur corps est a I'epreuve du poison et de tous les accidents. Coudais, dieux des Tartares de 1' Altai en Si- berie. lis .sont au nombre de sept, tous geants de forme humaine, assez pen puissants et assez pea honores. Coudrier. Les branches de cet arbre ont servi a quelques divinations. Voj. Baguette divin.\- TOIRi:. Couleurs. Pline le naluralisle nous apprend que les anciens tiraient des augures et des pre- sages de la couleur des rayons du soleil , de la lune, des planetes, de Fair, etc. Le noir est le signe du deuil, dit Rabelais, parce que c'est la couleur des tenebres, qui sont tristes, et I'oppose du blanc, qui est la couleur de la lumiere et de la joie. Coumbhacarna, geant de la mythologie in- dienne, qui etait si vorace qu'on craignait qu'il ne devorat la terre. 11 fut tue par Rama. Coupe (divination par la), tres-usitee en Egyple des le temps de Joseph, employee encore aujourd'luii. Voij. Hydromwcie. Coups. En 1582, dit Pierre Delancre ' , il ar- riva qu'a Constantinople, a Rome el a Paris, cer- tains demons el mauvais esprits frappaient des coups aux ])oi'les des moisons ; c'etait un indice de la morl d'autant de personnes qu'il y avail de coups. Cour infernale. Wierus et d'aulres demono- manes, verses dans I'inlime connaissance des enfers, ont decouvert qu'il y avail lades princes, des nobles , des olliciers, etc. lis ont meme compte le nombre des demons , et distingud leurs em- plois, leurs digniles el leur puissance. Suivanl ce qu'ils onlecrit, Satan n'est plus trop le souverain de I'enfer ; Belzebuth regno a sa place. Voici relalacluel du gouvei'nement infernal : Princes et grands di(juitaires. Belzebuth, chef supreme de I'empire infernal, fondateurde I'ordre de la Mouche ; Satan, chef du parti de I'opposi- lion. Eurynome, prince de la morl, commandeur de I'ordre de la Mouche; Moloch, prince du pays des larmes, commandeur de I'ordre; Pluton , prince du feu ; Leonard , grand mailre des sab- bats, chevalier de la Mouche; Baalberith, mailre des alliances; Proserpine, archidiablesse, souve- raine princesse des esprits malins. Ministeres. Adrameleck, grand cliancelier, com- mandeur de I'ordre de la Mouclie ; Aslaroth, grand tresorier; Nergal, chef de la police secrete ; Baal, general en chef des armees infernales, comman- deur de I'ordre de la Mouche ; Leviathan , grand amiral, chevalier de la Mouche. Ambassadeurs. Belphegor , ambassadeur en France ; Mammon , ambassadeur en Angleterre ; Belial, ambassadeur en Turquie; Rimmon, am- bassadeur en Russie ; Thamuz , ambassadeur en ' Incredulite et mecreance du sorlilege, etc. , traite VII, p. 37. cou — 187 — COU Espagne ; Hutgin, ambassadeuren Italie ; Martinet, ambassadeiir en Suisse, etc. Justice. Lucifer, grand justiciar ; Alaslor, exe- ciileur des hautes oeuvres. Maison des princes. Verdelet, ■maitre des cere- nionies ; Succor-Benoth, chef des eunuques ; Cha- mos, grand chambellan , chevalier de laMouche; Melchom, tresorier payeur; Nisroch , chef de la cuisine ; Behemoth, grand echanson ; Dagon, grand panetier; Mnllin , premier valet de chambre. Menus plaisirs. Kobal, directeur des spectacles; Asmodee, surintendant des maisons de jeu ; Nyb- bas, grand paradiste. Antechrist, escamoteur et necromancien. Boguet I'appelle le singe de Dieu. On voit que les demonomanes se montrent assez gracieux envers les habitants du noir se- jour. Dieu veuille qu'apres lant de reveries ils n'aient pas merite d'aller en leur societe! M. Berbiguier a ecrit en 1821, apres avoir transcrit cette liste des princes de la cour infer- nale : « Cetle cour a aussi ses representants sur la terre : Moreau , magicien et sorcier a Paris, representant de Belzebuth ; Pinel pere, medecin a la Salpetriere, representant de Satan; Bonnet, employe a Versailles, representant d'Eurynome; Bouge, associe de Nicolas, representant de Plu- ton; Nicolas, medecin a Avignon, representant de Moloch; Baptiste Prieur, de Moulins, repre- sentant de Pan ; Prieur aine, son frere, marchand droguiste, representant de Lilith; Etienne Prieur, de Moulins, representant de Leonard; Papon- Lominy, cousin des Prieur, representant de Baal- berith; Jeanneton Lavalette, la Mansotte et la Vandeval, representant I'archidiablesse Proser- pine, qui -a voulu meltre trois diablesses a mes trousses » Toy. Berbiguier Courils, petits demons malins, corfompus et danseurs, dont M. Cambry a trouve la croyance etablie sur les cotes du Finistere. On les rencontre au clair de la lune, sautant autour des pierres consacrdes ou des monuments druidiques. S'iis vous saisissent par la main, il faut suivre leurs mouvements; ils vous laissent extenues sur la place quand ils la quittent. Aussi , les Bretons, dans la nuit , evitent-ils avec soin les lieux ha- bites par cette espece de demons, genre des co- bales. On ajoute que les courils perdirent une grande partie de leur puissance a I'arrivee des apotres du Catholicisme dans le pays. I'oy. Willis. Courma-Vataram. Les Indiens adorent sous ce nom leur dieu Vichnou , dans sa seconde in- carnation , qui est celle d'une tortue. Couronne nuptiale. Chez les habitants de rEnllebuch, en Suisse, le jour des noces, apres le festin et les danses, une femme vetue de jaune demande a la jeune epousee sa couronne virgi- nale, qu'elle brule en ceremonie. Le petillement 1 Les farfadets, etc., t. I, p. 4 et 5. du feu est, dit-on, de mauvais augure pour les nouveaux maries. Courroie de Soulier. C'etait un mauvais pre- sage chez les Romains de rompre la courroie de son Soulier en sortant de chez sol. Celui qui avait ce malheur croyait ne pouvoir terminer une af- faire commencee et ajournait celles qu'il s'etait propose d'entreprendre. Court de Gebelin,ecrivain extravagant, venu de Lausanne a Paris au dernier siecle; il fit, sous le titre de Monde primitif, un roman philoso- phique en neuf volumes in-k° , que la livree de Voltaire prona parce qu'il attaquait la verite reli- gieuse, et qui est descendu chez les epiciers. II se passionna pour le magnetisme, et le 13 mai 1784 il se magnetisa si bien lui-meme qu'il en tomba roide mort. On lui fit cette epigraphe : Ci-git ce pauvre Gebelin, Qui parlait grec, hebreu,' latin. Admirez tons son heroisme : II fut martyr du magnetisme. Gourtiniere. Un gentiihomme breton, nomme M. de la Gourtiniere, ayant regu un jour dans son chateau plusieurs seigneurs ses voisins, les traita bien pendant quelques jours. Apres leur depart , il se plaignit a sa femme de ce qu'elle ne leur avait pas fait assez bon visage; il fit sans doute ces remontrances avec des paroles peu honnetes : la femme, d'une humeur hautaine, ne repondit rien, mais elle resolut interieurement de se venger. M. de la Gourtiniere s'etant couche et dormant profondement, la dame, apres avoir corrompu deux de ses domestiques, leur fit egor- ger son niari, dont ils porterent le corps dans un cellier. lis y firent une fosse , I'enterrerent , et ils placerent sur la fosse un tonneau plein de pore sale. La dame, le lendemain , annonga que son mari etait alle faire un voyage. Peu apres, elle dit qu'il avait ete tue dansun bois, en porta le deuil , montra du chagrin et fit faire des ser- vices dans les paroisses voisines. Mais ce crime ne resta pourtant pas impuni : le frere du defunt, qui venait consoler sa belle- soeur et veiller a ses affaires, se promenant un jour dans le jardin du chiiteau, et conteinplant un parterre de tleurs en songeant a son frere, fut pris d'un saigneinent de nez qui I'etonna, n'ayant jamais eprouve cet accident. Au meme instant il lui sembla voir I'ombre de M. de la Gourtiniere qui lui faisait signe de le suivre. 11 suivit le spectre jusqu'au ceHier, ou il le vit dis- paraitre. Ge prodige lui ayant donne des soup- Qons , il en paria a la veuve , qui se montra epou- vantee. Les soupgons du frere se fortifiant de ce trouble , il fit creuser dans le lieu ou il avait vu disparaitre le fantome. On decouvrit le cadavre, qui fut leve et reconnu par le juge de Qi-iiinper- Gorentin. Les coupables , arretes, furent con- damnes , la veuve (Marie de Sornin) , a ayoir la cou — 188 — CRA tete tranchee et tous les membres de son corps disperses, pour etre ensuite brules et les cendres jetees au vent; les deux doinesLiques, a avoir la main droite coupee , et apres etre penduset etran- gles, leurs corps aussi brules — Get evene- ment eut lieu vers la fin du seizieme siecle. Courtisanes. Les Chretiens sont bien etonnes de voirdes courtisanes servir de pretresses dans les Indes. Ces filles , justement deshonorees chez nous, sont privilegiees la depuis I'aventure de I'une d'elles. Devendiren, dieu du pays, alia trou- ver un jour ceLte courtisane sous la figure d'un homme , et lui promit une haute recompense si elle etait fidele ; pour I'eprouver le dieu fit le mort. La courtisane, le croyant verilablement mort, se resoku a mourir aussi dans les flammes qui allaient consumer le cadavre, nialgre les re- presentations qu'on lui faisait de ce qu'eile n'etait pas mariee. Elle allait se mettre sur le bucher deja enilamme, lorsque Devendiren se reveilla, avoua sa supercherie , prit la courtisane pour sa femme et remmenadans son paradis... Coutellier, demon invoque dans les litanies du sabbat. Couv6ra, dieu des richesses dans I'lnde, ar- riere-pelit-fils de Brahma. C'est un lepreux dif- forme ; il a trois jambes. Sa bouche ne possede que huit dents , et une piece d'or couvre un de ses yeux. Crabangon (Jacques de). Voy. Images. Crabes. Ces hideux petits habitants de la mer sont attaches par quelque lien aux demons des eaux, et, suivant le dire des Ecossais riverains, lis dansent au sabbat des sorcieres, lorsqu'il se rassemble sur la plage. Craca, magicienne qui, au rapport de Saxon le Grammairien , changeait les viandes en pierres ou autres objets, aussitot qu'eile les voyait posees sur une table. Crachat. Lorsque les sorciers renoncent au diable , ils crachent trois fois a terre. lis assurent que le diable n'a plus alors aucun pouvoir sur eux. lis crachent encore lorsqu'ils guerissent des ecrouelles et font de leur salive un remede. Les anciens avaient I'habitude de cracher trois * Arr^t du parlement de Bretagne , t. II des Dis- sertations de Lenglet-Dufresnoy ; et Leloyer, liv. Ill , ch. IV. fois dans leur sein pour se preserver de tous charmes et fascinations. Gracher sur soi : mauvais presage. Voy. Ghe- VILLF.MENT. Crachat de la lune. Les alchimistes appel- lenl ainsi la matiere de la pierre philosophale avant sa preparation. G'est une espece d'eau con- gelee , sans odeur et sans saveur , de couleur verte , qui sort de terre pendant la nuit ou apres un orage. Sa substance aqueuse est tres-volatile et s'evapore a la moindre chaleur, a travers une peau extremement mince qui la contient. Elle ne se dissnut ni dans le vinaigre, ni dans I'eau, ni dans I'esprit-de-vin ; mais si on la renferme dans un vase bien scelle, elle s'y dissout d'elle-meme en une eau puante. Les philosophes hermeliques la recueillent avant le lever du soleil dans du verre ou du bois et en tirent une espece de poudre blanche semblable a I'amidon, qui pro- duit ensuite ou ne produit pas la pierre philoso- phale. Crampe. Les morsesont sur les babines, comme au-dessous, plusieurs soies creuses. 11 n'y a point de matelot qui ne se fasse une bague de ces soies, dans ropiniunqu'elles garantissentde la crampe'. Crane d'enfant. La cour d'assisesde la Haute- Marne ajuge, en fdvrier 1857, une affaire qui puise sa cause premiere dans une horrible super- stition. ((Descultivateursde la commune d'Heuil- lez-le-Grand, dit I'acle d'accusation , vivaient dans une ferme isolee, et devaient a cet isolement meme une tranquillite que rien ne semblait vou- loir troubler, lorsque le 21 janvier dernier un crime horrible, unique peul-etre dans les annales judiciaires , vint les jeter dans le deuil et la deso- lation. Le mari, Jean-Baptiste Pinot, etait parti des le matin pour le travail, et sa femme I'avait bienlot rejoint apr^s s'elre assuree toulefois que son enfant, age de onze mois, qui etait couche dans son berceau , dormait profondement.Gomme la grange ou elle allait travailler n'etait qu'a quelques pas de la maison d'habitation, elle n'a- vait pas pensd en sortant a fermer les portes a la clef. » Le travail dura quelque temps ; la femme Pinot rentra la premiere pour s'assurer si I'enfant dor- mait encore. Quel ne fut pas son effroi lorsqu'elle s'aperQut que le berceau etait vide. On fit imme- diatement de vaines recherches. Ce ne fut que le lendemain, dans I'apres-midi, que Ton ddcouvrit, cache sous des gerbes de paille, dans une ecurie de la ferme, le corps de I'enfant entierement nu, affreusement mutile. La tete en avait ete detachee au moyen d'un instrument tranchant , et ne put etre retrouvee. De profondes entailles, failes sur I'une des epaules, indiquaient qu'on avait eu la pensee de couper le corps en morceaux pour le faire disparaitre. Le crime etait constant, mais * H. Lebrun, Abrege des voyages au p6le nord, ch. I. CRA — 189 — CRA quel etait I'assassin , et quel interet_avait pu armer son bras? La pauvre viclime etait agee de onze mois a peine; les soupQons ne tarderent pas a se porter sur un homme qui etait au ser- vice de la ferme. Ses antecedents etaient faits pour les eveiller. Voleur d'habitude depuis son enfance, il avait ete condamne pour vol a deux ans de prison , et pour se soustraire aux reclier- ches de la justice, il avait change de nom; il avait substitue a son nom de Vautrin celui de Mo- risot. Cethommeest age devingt-quatreans. II elait taciturne, recherchait I'isolement, et avait plu- sieursfoisdonne despreuvesd'unefroide cruaiUe. A la nouvelle de la disparition de I'enfant, Vautrin avait pali ; et au lieu de se livrer comme tous a des recherches actives, on I'avait vu morne et preoccupe, cherchant a diriger les soupQons siir un ancien domestique de son maitre , qui aurait pris I'enfant pour liii couper la tete et aller avec cette tete dans les chateaux. » Mais cet etrange propos, emis avant que personne siit si la tete de I'enfant avait ete mu- tilee , etait une revelation. II indiquait le mobile et I'interet du crime. Vautrin avouait en effe't le lendemain qu'il avait cntendu dire que le crane quelques-uns, qu'elles soignent, qu'elles nourris- sent et qu'elles accoutrent de livrees de velours vert , rouge ou noir. Pierre Delancre dit que les grandes sorcieres sont ordinairement assistees de quelque demon , qui est toojours sur leur epaule gauche en forme de crapaud , ayant deux petites cornes en tete ; il ne pent etre vu que de ceux qui sont ou qui ont ete sorciers. Le diable baptise ces crapauds au sabbat. Jeannette Abadie et d'au- tres femmes ont revele qu'elles avaient vu de ces crapauds habilles de velours rouge , et quel- ques-uns de velours noir; ils portaient une son- nette au cou et une autre aux pattes de derriere. Au mois de septembre 1610, un homme se promenant dans la campagne, pres de Bazas, vit un chien qui se tourmentait devant un trou; ayant fait creuser, il y trouva deux grands pots renverses I'un sur I'autre, lies ensemble a leur ouverture et enveloppes de toile ; le chien ne se calmant pas, on ouvrit les pots, qui se trouve- rent pleins de son, au dedans duquel reposait un gros crapaud vetu de taffetas vert*. C'etait a * Delancre, Tableau de I'mconst. des demons, etc., liv. II, discours iv, p. 133. d'un enfant assassine avait la propriete de rendre invisible celui qui le portait , et de permettre a un voleur qui s'en ferail une lanterne, de pene- trer impunement dans les habitations. Vautrin croyaita cette odieuse superstition; ainsi s'expli- quaient I'interet du crime et la mutilation. Vautrin fut arrete , et I'interrogatoire qui suivit ne vint que trop confirmer les soupqons qu'on avait eus sur lui. Les investigations ont d'aiileurs fait de- couvrir derriere des buissons des debris de che- mise et un pantalon souilles de sang et de boue appartenant a Vautrin et reconnus par lui ; la tete de la victime a ete egalement retrouvee dans un bois voisin , et a quelques metres un vieux bonnet raye ayant appartenu a I'inculpe. A I'audience, comme dans I'instruction , Vautrin se renferma dans un systeme complet de denegations. Mais les depositions des temoins etaient si accablantes, que le verdict du jury fut alTirmatif sans circon- stances attenuantes. En consequence, Vautrin fut condamne a la peine de mort. » Cranologie. Voy. Gall. Crapaud. Les crapauds tiennent une grande place dans lasorcellerie. Les sorcieres les aiment et les choient. EUes ont toujours soin d'en avoir coup sur une sorciere qui I'avait mis la pour quelque raalefice. Crapauds dansant au sabbat. Nous rions de ces choses a present, mais c'e- taient choses serieuses au seizieme siecle, et choses dont I'esprit ne nous est pas explique. Crapaud se rendant au sabbat. CRA — 190 — CRI Le peuple csL persuade, dil M. Salgiics', que le crapaud a la faculle de faire evanouir ceux qu'il regarde fixemenl, et celle assertion est accreditee par un certain abbe Rousseau, qui a publie, dans le cours da dernier siecle, quel- ques observations d'histoire nalurelle: il pretend que la vue seule du crapaud provoque des spas- mes, des convulsions, la niort meme. II rapporte qu'un gros crapaud , qu'il tenait renferine sous un bocal, I'ayaut regarde fixement, il se sentit aussitot saisi de palpitations, d'angoisses , de mouvements convulsifs, et qu'il serait mort in- failliblement si Ton n'etait venu a son secours... Ellen, Dioscoride, Nicandre , ^Etius, Gesner, ont encore ecrit que I'lialeine du crapaud elail mortelle, et qu'elle infectait les lieux ou il res- pire. On a cite I'exemple de deux amants qui, ayant pris de la sauge sur laquelle un crapaud s'etait promene, moururent aussitot'. Mais ce sont la souvent des contes. Cependant le cra- paud est en horreur chez lous les peuples, ex- cepte sur les bords de I'Orenoque, oil, pour le consoler de nos mepris , des Indiens lui ren- daient les honneurs d'un culte; ils gardaient soi- gneusement les crapauds sous des vases, pour en obtenir de la pluie ou du beau temps, selon leurs besoins, et ils etaient tellement persuades qu'il dependait de ces animaux dc I'accorder, qu'on les fouettait chaque fois que la priere n'e- tait pas exaucee Crapaudine, pierre qui se trouve dans la tete des crapauds ; les sorcieres la recherchent pour leurs malefices. Plusieurs ecrivains assurent que c'est un objet tres-rare, et si rare, que quelques- uns nient I'e'xistence de cette pierre. Cependant Thomas Bro\^n ne croit pas le fait impossible, puisque, dit-il, tous les jours on trouve des sub- stances pierreuses dans la tete des morues, des carpes, des gros limacons sans coquilles. II en est qui pensent que ces crapaudines sont des con- cretions minerales que les crapauds rejettent apres les avoir avalees, pour nuire a rhomme'*. Mais ce ne sont la encore que des conies. Crapoulet. Voy. Zozo. Crateis , deesse des sorciers et des enchan- teurs, mere de la fameuse Scylla. Credulite. Elle a ses exces, qui pourtant sont moins funestes que ceux de I'incredulite. Crescence , cardinal , legat du saint-siege au concile de Trente . qui mourut paisiblement en 1552. Jean de Chassanion, huguenot, n'aimant pas ce prince de I'Eglise, parce qu'il s'etait eleve -centre les protestants, a ecrit que le diable, en forme de chien noir, etait venu le voir a son 1 Dps erreurs et des prejuges, etc., t. I, p. 423. 2 C'esl un conte du Decameron. ^ Pons, Voyage a la partie orienlale de la terre ferine de rAinerique meridionale , t. I. * Thomas Brown , Essai sur les erreurs populaires, I. I, liv. Ill, ch. XIII, p. .312. dernier moment et I'avait etrangle', ce qui est un meusonge niais. Voy. Carlostad et Luther. Crespet (Pierre), religieux celeslin, morl en 159/i, auteur d'un traite contre la magie intitule Deitx livres de la hciine de Satan el des malins csprils contre I'homme, etc. Paris, 1590, in-8°. Get ouvrage est rare et curieux. Cretinisme, inlirmite qui dispose quelquefois, dit-on, au vampirisme. Crible. Parler au crible est un ancien pro- verbe qui signifiait faire danser un taniis par le inoyeu de paroles mysterieuses. Theocrile nom- mait les gens qui avaient ce pouvoir crible-sor- ciers ou sorciers du crible. <( Je me suis trouve, dit Bodin ^ il y a vingl ans, dans une niaison a Paris ou un jeune homme fit mouvoir un tamis sans y toucher, par la vertu de certaines paroles frangaises, et cela devant une societe, et la preuve, dit-il, que c'etait par le pouvoir de I'es- prit malin , c'est qu'en I'absence de ce jeune homme on essaya vainement d'operer en pro- nongant les memes paroles. » Voy. Gosouino- MANCIE. Grieriens, fantomes des naufrages, que les habitants de Pile de Sein , en Bretagne , croient entendre demander la sepulture , a travers ce bruit sourd qui precede les orages. Les ancieus Bretons disaient : « Eermons les porles, on en- tend les crieriens; le tourbillon les suit. » Crimes. Voy. Possessions. Cristalomancie, divination par le moyen du cristal. On tirait des presages des miroirs et des vases de cristal, dans lesquels le demon faisait, dit-on , sa demeure. Le roi Ghilderic cherchait I'avenir dans les prismes d'un petit globe de crislal. Les devins actuels predisent encore par le mi- roir. L'anecdote suivanle fera coniiaiLre leur me- thode. — Un pauvre laboureur des environs de Sezanne, a qui on avail vole six cents francs, alia consulter le dcvin ; c'etait en 1807. Le de- vin lui lit donner douze francs, lui mil trois mouchoirs sur les yeux, un blanc, un noir el un bleu, lui dit de regarder dans un iniroir ou il faisait venir le diable et tous ceux qu'il voulait evoquer. — Que voyez-vous? lui demanda-l-il. — Rien , repondil le paysan. La-dessus le sor- cier parla fort et longtemps; il recommanda au bonbomme de songer a celui qu'il croyail capa- ble de I'avoir vole, de se represenler les choses et les personnes. Le paysan se monta la tete, et, a travers les trois mouchoirs qui lui serraient les yeux, il crut voir passer dans le miroir un homme qui avail un sarrau bleu, un chapeau a grands bords et des sabots. Un moment apres il crut le reconnailre, et il s'ecria qu'il voyait son voleur. — Eh bien , dit le devin , vous prendrez • Des grands et redoutables jugements de Dieu, p. 66. Demonomanie des sorciers, liv. II, p. ^55. CRI — 191 — C.RO iin coeur de boeuf , et soixante-trois clous a lat- tes que vous planterez en croix dans ledit coeur; vous le ferez bouillir dans un pot neuf avec un crapaud et une feuille d'oseille ; trois jours apres, le voleur, s'il n'est pas raort, viendra vous rapporler votre argent, ou bien il sera en- sorcele. Le paysan fit tout ce qui lui etait recom- mande. Mais son argent ne revinl pas ; d'ou il conclut que son voleur etait ensorcele, et il s'en frotta les mains. Cristoval de Garalde. Voij. Marissane. Critomancie, divination qui se pratiquait par le raoyen des viandes et des gateaux. On consi- derait la pate des gateaux qu'on offrait en sacri- fice , et la farine d'orge qu'on repandait sur les victimes, pour en tirer des presages. Crocodiles. Les Egyptiens modernes assurent que jadis les crocodiles etaient des animaux doux , et ils racontent de la maniere suivante I'origine de leur ferociLe. Humeth, gouverneur d'Egyple sous Gisar Al-Mutacil , calife de Bag- dad , ayant fait meltre en pieces I'image de plomb d'un grand crocodile (figure talismani- que) que Ton avait trouvee en creusant les fonde- ments d'un ancien temple de paiens, a I'heure nieme de cette execution les crocodiles sortirent du Nil , et ne cesserent , depuis ce temps , de nuire par leur voracite'. Voij. Etoiles. Pline et Plularque temoignent que les Egyptiens con- naissent, par I'endroit ou les crocodiles pondent leurs oeufs, jusqu'od ira le. debordement du Nil. Mais il serait difficile , dit Thomas Br.ovi'n , de comprendre comment ces animaux ont pu devi- ner un effet qui , dans ces circonstances, depend de causes extremement eloignees , c'est-a-dire de la mesure des rivages dans I'Ethiopie. Les habitants de Thebes et du lac Moeris rendaient un culte particulier aux crocodiles. lis leur met- taient aux oreilles des pierres precieuses et des ornements d'or, et les nourrissaient de viandes consacrees. Apres leur mort, ils les embau- maient et les deposaient en des urnes que Ton portait dans le labyrinthe qui servait de sepul- * Leloyer, Histoire et discours des spectres, etc., liv. IV, ch. XXI , p. 417. ture aux rois. Les Ombites poussaient meme la superstition jusqu'a se rejouir de voir leurs en- fants enleves par les crocodiles. Mais ces ani- maux etaient en horreur dans le reste de I'Egypte, excepte a T.entiris ou Denderah, dont les habitants ne les redoutaient pas. Ceux qui les adoraient disaient que, pendant les sept jours consacres aux fetes de la naissance d'Apis, ils oubliaient leur ferocite naturelle et ne fai- saient aucun mal ; mais que le huiLieme jour, apres midi, ils redevenaient furieux. Croft (Elisabeth)'. Quand les Anglais apprirent que leur reine Marie Tudor, que Ton a si lache- ment calomniee, allait epouser le roi d'Espagne Philippe II, ce fut parmi les reformes un grand effroi , et plusieurs intrigues surgirent pour em- pecher cette union. Un certain Drack obtint d'une jeune fille nommee Elisabeth Croft , moyennant une somme d'argent, qu'elle se lais- serait enferraer entre deux murs, et qu'au moyen de tuyaux dissimules elle pourrait dire les pa- roles qu'on lui mettrait a I'oreille, ce qui se fit. Bientot done on apprit dans Londres qu'on en- tendait des voix qui venaient certainement du ciel, puisqu'on ne voyait absolument personne. La multitude accourut. La voix menacait I'An- gleterre des plus affreux desastres si la reine se mariait avec I'Espagnol ; elle s'elevait avec fu- reur contre le Pape el contre I'Eglise romaine , et les reformes se pamaient d'aise. Cette impos- ture dura plusieurs jours sans qu'on en soupQon- nat le procede, et il n'elait bruit dans Londres que de I'ange qui parlait. Mais parmi les magis- trats, quelques-uns etaient encore catholiques; ils soupconnerent un stratageme ; on demolit le mur d'oi^i sortait la voix, et on decouvrit Elisa- beth Croft. 11 ne parait pas qu'on I'ait punie , non plus que son suborneur, parce qu'ils avaient dans la foule de nombreux partisans. Croix. Ce saint nom, qui est la terreur de I'enfer, ne devrait pas non plus figurer ici. Mais la superstition, qui abuse de tout, ne I'a pas res- pecte. II y a des croix dans toutes les formules des grimoires, et aucun sorcier ne s'est jamais vante de commander au moindre demon sans ce signe. Les croix que les sorcieres portent au cou et a leurs chapelets, et celles qui se trouvent aux lieux oil se fait le sabbat, ne sont jamais entie- res, comme on le voit par celles que Ton decou- vre dans les cimetieres infestes de sorciers et dans les lieux ou les sabbats se tiennent. La rai- son en est, disent les demonomanes, que le dia- ble ne peut approcher d'une croix intacte. Croix (Epreuve de la). Voy. Epreuves. Croix (Magdeleine de la). Voy. Magdeleine. Cromeruach, idole principale des Irlandais, avant I'arrivee de saint Patrice en leur pays. L'approche du saint la fit tomber, disent les le- gendes, tandis que les divinites inferieures s'en- CRO — 192 — CUR foncerent dans la terre jasqu'au menton, Suivant certains recits , en memoire de ce prodige , on voit encore leiirs teles a fleiir de terre dans une plaine qui ne se trouve plus. Cromniomancie, divination par les oignons. Ceux qui la praliquaienl mettaient, la veille de Noel, des oignons sur un autel. lis ecrivaient sur les oignons le nom des personnes dont on vou- lait avoir nouvelle. L'oignon qui germait le plus vite annonQait que la personne dont il portait le nom jouissait d'une bonne sante. Cette divination est encore en usage dans plu- sieurs cantons de I'Allemagne, parmi les jeunes filles, qui cherchent a savoir ainsi qui elles au- ront pour epoux Croque - Mitaine , espece d'ogre dont on epouvante a Paris les pelits enfanls indociles. Aujourd'hui que ses dents sont tonibees , il se conlente de les mettre au cachot et de leur don- ner le fouet, malgre les lumieres du siecle. Voy. Babaq. Crucifixion au sabbat. On lif, dans les de- clarations de Madeleine Bavent, de la possession de Louviers, qu'au sabbat, oii elle a assiste long- temps, elle a vu cruciQcr plusieurs fois des hosties consacrees, attachees a une croix et dont quel- ques-unes ont saigne. Une certaine nuit, celle du vendredi saint au samedi saint, elle vit une sor- ciere apporLer un enfant nouveau-ne, que Ton crucifia en lui clouant a une croix noire les pieds et les mains. On lui enfonga ensuite des clous autour de la tele en forme de couronne, et on lui perga le cote. Elle ajoutait que deux hommes qui elaient venus au sabbat en novices, ayant a ce sujet temoigne quelque sentiment d'horreur, furent crucifies eux-memes et mis a mort. Voy. Louviers. Crusembourg (Guy de), alchimiste, Voy. Pierre philosophale. Cubomancie , divination par le moyen des des. Auguste et Tibere avaient grande confiance en cetle maniere de consulter le sort. Les Grecs s'en servaient aussi. C'est a peu pres la meme chose que I'aslragalomancie. Voy. ce mot. Cuivre. Theocrite assure que le cuivre pur a naturellement la vertu de chasser les spectres et les fantomes ; c'est pourquoi les Lacedemoniens frappaient sur un chaudron toutes les fois qu'un de leurs rois venait a mourir. Culte. Les demons recevaient un culte par tout I'univers avant le christianisme. Jupiter et les autres dieux n'elaient veritablement que des demons ; mais le diable a recu un culte plus spe- cial de gens qui savaient bien qu'ils s'adressaient a lui et non a un dieu. Ainsi les sorciers au sab- bat adorent le diable par son nom. Le culte qu'ils lui rendent consiste principalement a liii baiser le derriere, a genoux , avec une chandelle * Delancre , /ncreduiife ef me'cre'once, etc., traite V. noire a la main , et a commettre ensuite tout le contraire de ce que present I'Eglise. Certains peuples de I'Afrique ne rendent au- cun culte a Dieu, qu'ils croient bon, et font des sacrifices au diable pour la raison contraire. Voy. KURDES. Cunegonde, femme de Henri II, empereur d'Allemagne. Elle fut accusee d'adultere par des calomniateurs , et se purgea de I'accusation en marchant pieds nus, sans accident, sur des sees de charrue roiigis au feu. Voy. Epreuves. Cupai. Voy. Kupay. Curdes. Voy. Kurdes. Cureau de la Chambre, habile medecin, murt en 1669. On a de lui un Discours sur les prinripes de In chiromancie et de la metoposco- pie. Paris, 1653, in-8". On I'a aussi imprime sous le titre de VArt de connaitre les hommes. Curko, divinite des Prussiens avant leur con- version au christianisme. Elle etait leur pour- voyeuse, et ils rendaient quelques honneurs a son image. Or cette image etait une peau de che- vre elevee sur une perche de trois metres et cou- ronnee d'epis. Curma. Du temps de saint Augustin, un pay- san des environs d'Hippone, nomme Curma, mourut un matin et denieura deux ou trois jours sans sentiment. Comme on allait I'enterrer, il rouvrit les yeux et demanda ce qui se passait chez un autre paysan du voisinage qui , comme lui, se nommait Curma. On lui repondit que ce dernier venait de mourir a I'instant ou lui-meme etait ressuscite. — Cela ne me surprend pas , dit-il ; on s'etait trompe sur les noms : on vient de me dire que ce n'etait pas Curma le jardi- nier, mais Curma le marechal qui devait mou- rir. — II raconta en meme temps qu'il avait entrevu les enfers , et il mena depuis meilleure vie. Curson. Voy. Pursan. Curtius, fils d'un gladiateur romain. On dit qu'un spectre lui annonga ainsi sa mort : il avait accompagne en Afrique un lieutenant du gouver- neur de ce pays conquis. II vit un jour dans une galerie le spectre d'unc femme de haute sta- ture, qui lui dit qu'elle etait I'Afrique, et qu'elle venait lui annoncer le bonheur. Elle I'assura qu'il aurait de grands honneurs a Rome ; qu'il revien- drail encore sur le sol africain, non plus comme valet, mais avec la qualite de commandant en chef, et qu'il y mourrait. Cette prediction s'ac- complit entierement ; Curtius fat qiiesteur, puis preteur; il eut les privileges du consulat, et fut envoye comme gouverneur en Afrique; mais en debarquant il se sentit frappe d'une maladie dont il mourut'. II est tres-probable que ce conte a ete fait apres coup. Pour un autre Curtius, voy. Devouement. ' Leloyer, Hisloire des spectres ou apparitions des esprits, liv. Ill, ch. xvi, p. 268. CWE — 193 — DAG Cwes. Voy. Chien. Cyclopes, personnages fabuleux qui habi- |taient la Sicile dans la partie qui entoure I'Etna. jlls etaient forgerons; geanLs rudes et grossiers, 'anthropophages, ils n'avaient qu'un oeil au milieu du front. Voy. l'Odyssi^e. Cylindres, sortes d'amulettes circulaires que les Perses et les Egyptiens portaient au cou , et qui etaient ornees de figures et d'hieroglyphes. Cymbale , c'est le nom que les sorciers don- nent au chaudron dans lequel ils mangent leur soupe au lard parmi les fetes du sabbat. Cynanthropie. Ceux qui sont atlaques de cette espece de frenesie se persuadent qu'ils sont changes en chiens. C'est, comme la bousanthro- pie, une nuance de I'etat de loup-garou. Voy. LoilPS-GAROUS. Cynobalanes, nation imaginaire que Lucien represente avec des museaux de chien et montes sur des glands ailes. Cynocephale, singe que les Egyptiens nour- rissaient dans leurs temples pour connaitre le temps de la conjonction du soleil et de la lune. On etait persuade que, dans cette circonstance , I'animal devenu aveugle refusait toute nourri- ture. Son image, placee sur les clepsydres, etait purement hieroglyphique. On pretendait qu'a chaque heure du jour le cynocephale criait tres- exactement. Voy. Loups-gap.ous. Cyprien (saint). Avant de se convertir au christianisme, saint Cyprien s'occupait de ma- gic. On voit dans ses Actes , ecrits par Simeon Metaphraste, qu'il evoquait les demons, et que ce furent les epreuves qu'il fit de leur impuis- sance contre le simple signe de la croix qui I'a- menerent a la foi chretienne. Cyrano de Bergerac,ecrivain remarquable du dix-septieme siecle. On trouve dans ses ceuvres deux lettres tres-originales sur les sorciers. Nous n'avons pas besoin d'indiquer ses histoiies des empires da soleil et de la lune. II a fait aussi un voyage aux enfers; c'est une pure plaisanterie -o&o-- Dabaida. Les naturels de Panama ont une idole de ce nom, qui elait nee de race mortelle et qu'on deifia apres sa morl. Quand il tonne ou qu'il fait des eclairs, c'est Dabaida qui est fachee ; alors on brule des esclaves en son honneur. Dactyles, genies phrygiens du genre des ca- bires ; ils enseignerent aux hommes Fart de for- ger le fer, si on veut bien en croire la mytholo- gie grecque. Dactylomancie, divination qui se pratiquait au moyen de bagues ou anneaux fondiis sous I'aspect de certaines constellations, et auxquels sLaient attaches des charmes et des caracteres magiques. C'est, dit-on, avec un de ces anneaux 5ue Gyges se rendait invisible en tournant le :haton dans sa main. Clement d'Alexandrie parle le deux anneaux que possedaient les lyrans de la Phocide, et qui les avertissaient, par un son, 3u temps propre a certaines affaires ; ce qui ne les empecha pas de tomber dans les griffes du iemon , lequel leur tendait un piege par ses arti- kes*. Dadjal ou Deggial,nom de rAntechrist chez es Chaldeens et chez les mahometans ; il signifie ians leur langue le menteur et I'iinposteur par jxcellence. Dagobert I", roi de France, mort en 638, a 'age de irente-sept ans. Une vieille legende eta- )lit qu'apres qu'il fut mortun bon ermite, nomme ' Delancre, IncreduUte et mecreance du sortilege )hinement convaincues , traits V, p. 261 . Jean , qui s'etait retire dans une petite ile voisine des cotes de la Sicile, vit en songe, sur la mer, I'ame du roi Dagobert enchainee dans une bar- que, et des demons qui la maltraitaient en la conduisant vers I'Etna, ou ils devaient la preci- piter. On croyait autrefois que le cratere de ce volcan etait une des entrees de I'enfer, etil n'est pas encore verifie que ce soit une erreur. L'ame appelait a son secours saint Denis, saint Maurice et saint Martin, que le roi, en son vivant, avait fort honores, parce qu'un jour qu'il avait offense son pere ils lui avaient promis leur appui , dans une vision. Les trois saints descendirent, re- vetus d'habits lumineux, assis sur un nuage brii- lant. lis arreterent les malins esprits, leur enle- verent la pauvre ame et I'emporterent ^ Un monument curieux, le tombeau de Dagobert, sculpte au temps de saint Louis, retrace naive- ment ces circonstances. La principale facade est divisee en trois bandes. Dans la premiere on voit quatre demons (deux ont des oreilles d'ane) qui emmenent Fame du roi dans une barque ; la se- conde represente saint Denis, saint Maurice et saint Martin , accompagnes de deux anges, avec un benitier ; ils chassent les demons. Sur la troi- sieme bande, on voit Fame qui s'enleve, et une main genereuse sort d'un nuage pour I'accueil- lir. Les farceurs ont glose sur cette poesie du moyen age, sur cette legende et sur le naonu- ' Voyez les Legendes de V autre monde. 2 Gesta Dagoberii regis, etc. 13 DAG ment, qui est loujours dans I'eglise de Saint- Denis. Mais quel mal y a-t-il done dans ces recits que I'Eglise n'a jamais imposes, et qui sont 19/, — DAN au moins des fleurs? Ce qu'il y a de mal, c'est que ces fleurs lombent quelquefois devant des pourcoaux. ,|/'„l'i'i?i'i^'«'""Whi Vision de Tagdhcrt Dagon, demon de second ordre, boulanger et grand panetier de la cour infernale. On le trouve figurant dans la possession d'Auxonne. Les Phi- listins I'adoraient sous la forme d'un monstre reunissant le buste de I'liomme a la queue du poisson. lis lui attribuaient I'invention de I'agri- cullure, qu'on a atLribuee a tant d'autres. On lit dans le premier livre des Rois que, les Philistins s'etant rendus maitres de I'arche du Seigneur, et I'ayant placee a Azot dans leur temple, ou se trouvait I'idole de Dagon, on vit le lendemain celte idole mutilee, et sa tete avec ses deux mains sur le seuil de la porte. « Depuis lors, dit I'au- teur sacre, les sacriiicateurs de Dagon et tous ceuxquientraient dans son temple ne marchaient plus sur le seuil de cette porte, » Au Pegu on regarde Dagon comme le Dieu createur, et on croit la que, quand les kiakias auront detruit ce monde, Dagon ou Dagoun en fera paraitre un autre qui sera bien plus beau et beaucoup plus agreable. Dahman est chez les Persans le genie qui recoit et protege les ames des morts , et il les place comme elles I'ont merite. Dahut. Voy. Is. Damnetus ou Damachus, loup-garou de I'anliquile. On conte qu'ayant mange le venire d'un petit enfant sacrifie a Jupiter Lycien en Ar- cadie , il fut change en loup. Mais il reprit sa premiere forme au bout de dix ans. II remporla mcme, depuis, le prix de la lutlc aux jeux Olym- piques ^ Danake. C'est le nom de I'obole ([ue Ton pla- cait chez les pa'iens sous la langue des morts, et qu'ils donnaient a Charon pour leur passage dans sa barque. Daniel, I'un desquatre grands prophetes. On lui attribue im traite apocryphe de VArt des songes. Les Orientaux le regardent aussi comme I'invenleur de la geomancie. Danis, sorcier du dernier siecle, qui fut ac- cuse d'avoir ensorcele un jeune horame de Noisy le Grand, en 1705. Ce fait est rapporle longue- ment dans VHisloire des pratiques supersliticuses du pere Lebrun, qui pense qu'il pourrail bien y. avoir la de la sorcellerie. D'autres croienl que le 1 Delancre, Tableau de I'mconst. des demons, etc., liv. IV, disc. Ill, p. 267. DAN — 195 — DAN jeiine homme ensorcele n'avait que des halluci- nations. Le magnelisme, dont on commence a comprendre la puissance, pourrait donner raison a'l pere Lebrun, comma il explique maintenant beaucoup de nialefices qii'on niait, contre tous les temoignages, il n'y a pas encore trente ans Danse de saint Guy, danse epidemique qui gagnait au moyen age des populations tout en- tieres, et que les uns attribuaient a un chaliment de Dieu , les autres a I'obsession des demons ; et cela a propos d'un menetrier qu'on voulait mettre a mort injuslement, et qui amena sa delivrance en faisant danser les masses On Le menelricr d'Eclilernacli. en cherclia la guerison a Echternacli, en Luxem- bourg, devant les reliques venerees de saint Willibrord , et le souvenir de ce singulier phe- nomene y est toujours vivant. Ces danses eurent lieu au quatorzieme siecle surtout. On croyait ces danseurs possedes , parce qu'ils dansaient malgre eux et qu'ils se disaient frappes souvent de vi- sions merveilleuses. Au reste on ne les guerit que par des exorcismes. Danse des Esprits. Olaiis Magnus, au troi- sieme livre de son Histoire des peiiplcs scpten- trionaux, Gcrit qu'on voyait encore de son temps, en beaucoup de ces pays-la , des esprits et fan- tomes dansant et sautant, principalement de ^ Voyez les Legendes infernales. 2 Voyez dans les Legendes des Commandements de Dieu le Menetrier d'Echtcrnach. nuit, au son de toutes sortes d'instruments de musique. Cette danse est appelee par les gens du pays chorea elvancm (danse des elfes). Saxon le Grammairien fait mention de ces danses fan- tastiques dans son Histoire de Danemark. Pom- ponius Mela, dans sa description de I'Ethiopie, dit qu'on a vu quelquefois, au dela du mont At- las, des flambeaux, et entendu des flutes et clo- cheltes, et que le jour venu on n'y trouvait plus rien On ajoutait que lesfantomes faisaient dan- ser ceux qu'ils renconlraient sur leur chemin , lesquels ne manquaient pas de se tenir pour avertis qu'ils mourraient bientot. On ne rencontre plus guere de ces choses-la. Danse des fees. On pretendaitchez nos peres que les fees habitaient les forets desertes, et qu'elles venaient danser sur la gazon au clairde lune. I'oy. Fijes. Danse des geants. Merlin, voulant faire une galanterie de courtisan, fit venir, dit-on, d'lr- lande en Angleterre, des rochers qui prirent la figure de geants , et s'en allerent en dansant for- mer un trophee pour le roi Ambrosius. C'est ce qu'on appela la danse des geants. Des ecrivains soutenaient, il n'y a pas longtemps, que ces ro- chers dansaient encore a I'avenement des rois d' Angleterre. Danse des morts. L'origine des danses des morts, dont on fit le sujet de tant de peintures, dale du moyen age; elles ont ete longtemps en vogue. D'abord on voyait frequemment , pendant le temps du carnaval, des masques qui represen- taient la mort ; ils avaient le privilege de danser avec lousceux qu'ils rencontraient en lesprenant par la main, et I'effroi des personnes qu'ils for- caient de danser avec eux amusait le public. Bientot ces masques eurent I'idee d'aller dans les cimetieres executer leur danse en I'honneur de? trepasses. Ces danses devinrent ainsi un effrayant exercice de devotion ; elles etaient accompagnees de sentences lugubres, et Ton ne sait pourquoi alors elles prirent le nom de danses macahres. On fit des images de ces danses qui furent reve- rees par le peuple. Ces danses macahres se mul- tiplierent a I'infini au quinzieme et au seizieme siecle : les artistes les plus habiles furent em- ployes a les peindre dans les vestibules des cou- vents et sur les murs des cimetieres. La danse des morts de Bale fut d'abord executee dans cette ^ Taillepied, Psijchologie, p. M'6. 13. DAN — 196 — DAN ville en 1^35 par I'ordre du concile qui y etait temps M. Saint-Marc Girardin. Ce monde-ci est rasseiiible. Ce qui I'a rendue celebre, c'estqii'elle un grand bal ou la mort donne le branle. On fut ensuile refaite par Holbein. « L'idee de cette danse plus ou moins de contredanses., avec plus danse est juste eL vraie , disait il y a quelque ou moins de joie; mais cette danse enfin, c'est toujours la mort qui la mene : et ces danseurs le meme ecrivain : I'une a Dresde, dans le ci- de tous rangs et de tons etats, que sont-ils? Des ' metiere au dela de I'Elbe; I'autre en Auvergne, mourants a plus ou moins long terme. j dans I'admirable egiise 'de la Chaise-Dieu. Cette » Je connais deux danses des morts, poursuit 1 derniere est une fresque que Thumidite ronge Danse des lees. chaque jour. Dans ces deux danses des morts, la I vieillard et le jeune homme, et la mort les en- mort est en tete d'un choeur d'hommes d'ages et traine lousapres elle. Ces deux danses des morts d'etats divers : il y a le roi et le mendiant, le | expriment l'idee populaire de la maniere la plus DAN — 197 - DAN simple. Le genie d'Holbein a feconde cette idee dans sa fameuse Danse des morts dii cloitre des dominicains a Bale; c'etait une fresque, et elle a peri conime perissent pea a pen les fresques. II en reste au musee de Bale quelques debris et des minialures coloriees. La danse d'Holbein n'est pas,comme celles de Dresde eL de la Chaise- Dieu, une chaine continue de danseurs menes par la mort; chaque danseur a sa'mort costumee d'une fagon differente, selon I'etat du mourant. De cette maniere, la danse d'Holbein est une suite d'episodes reunis dans le nieme cadre. II y a quarante et une scenes dans le drame d'Hol- bein , et dans ces quarante et une scenes une variete infinie. Dans aucun de ces tableaux vous ne trouverez la meme pose, la meme attitude, la meme expression : Holbein a compris que les hommes ne se ressemblent pas plus dans leur mort que dans leur vie, et que, comme nous vivons tous a notre maniere , nous avons tous aussi noire maniere de mourir. » Holbein costume le laid et vilain squelette sous lequel nous nous iigurons la mort, et il le costume de la fagon du mondela plus bouffonne, exprimant, par les attributs qu'il lui donne, le caractere et les habitudes du personnage qu'il veut representer. Chacun de ses tableaux est un chef-d'oeuvre d'invention. — II est incroyable avec quel art il donne I'expression de la vie et du sentiment a ces squelettes hideux, a ces figures decharnees, Tous ses morts vivent, pensent, respirent; tous ont le geste, la phy- sionomie, j'allais presque dire les regards et les couleurs de la vie. » Holbein avait ajoute a I'idee populaire de la Danse des morts: le peintre inconnu du pont de Lucerne a ajoute aussi a la danse d'Holbein. Ce ne sont pas des peintures de prix que les pein- tures du pont de Lucerne ; mais elles ont un me- rite d'invention fort remarquable. Le peintre a represenLe, dans les triangles que forment les poutres qui soutiennent le toit du pont, les scenes ordinaires de la vie, et comment la mort Jes in- terrompt brusquement. » Dans Holbein , la mort prend le costume et DAN — 198 — DAN les atti'ibiits de tous les elats, montrant par la que nous sommes tous soumis a sa necessiLe. Au poijt de Lucerne, la niorlvitavec nous. Faisons- nous une pai Lie de campagne, elle s'habille en cocher, fait claquer son fouel ; les enfants rient et petillent : la mere seule se plaint que la voi- ture va Irop vite. Qi\e vouiez-vous 1 c'est la mort qui conduit, elle a hate d'arriver. Allez-vous au bal , void la mort qui enlre en coiffeur, le peigne a la main, u Hatez-vous , dit la jeune fdle, lialez- vons ! je ne veux pas arriver trop tard. — Je ferai vite! » Elle fait vile; car a peine a-t-elle touche du bout de son doigt decharne le front de la danseuse, que ce front de dix-sept ans se desseche aussi bien que les lleurs qui devaient le parer. » Le pont de Lucerne nous montre la mort a nos cotds et partout : a table, oii elle a la ser- viette autour du cou , le verre a la main , et porte des santes; dans I'atelier du peintre, oii, en garcon barbouilleur, elle tient la palette et broie les couleurs; dans le jardin, ou, vetue en jardi- nier, I'arrosoir a la main , elle mene le maitre i;oir si ses tulipessonticloses; dans la boutique, oil en garcon marchand, assise sur des ballots d'eloffe, elle al'air engageant et appelle les pra- tiques; dans le corps de garde, ou, le tambour en main, elle bat le rappel ; dans le carrefour, oil, fln faiseur de tours, elle rassemble les ba- dauds ; au barreau, oi!i, vetue en avocat, elle prend des conclusions : le seul avocat (dit la legendeen mauvais vers allemands places au bas de chaque tableau) qui aille vite et qui gagne toutes ses causes; dans ranliclianibre du minis- tre, oil, en solliciteur, I'air humble et le dos courbe, elle presente une petition qui sera ecou- tee; dans le combat, enfin, ou elle court en tele' des balaillons, et pour se faire suivre elle s'esl none le drapeau autour du cou... d Danse des tables. Voi/. Tables TOURWANTiiP. Danse du sabbat. Pierre Delancre assure que les danses du sabbat rendent les homines furieux et font avorler les femmes. Le diable, dit-on , apprenait dilTerentes sortes dc danses aux sorciers de Geneve. Ces danses elaient fort rudes, puisqu'il se servait de verges et de batonscomme ceux qui font danserles animaux. 11 y avait dans ce pays une jeune femme a qui le diable avail donne une baguette de fer qui avait la vertu de faire danser les personnes qu'elle touchait. Elle se moquait des jiiges durant son proces, et leur protestait qu'ils iie pourraient la faire mourir; mais elle dechanla Les demons^ dansent avec les sorcieres, en 1 Delancre, Tableau de I'incomt, des demons, etc., liv. Ill, disc. IV, p. 204. - Bodin, Demonomariie , liv. I. ch. iv. DAN — 199 — DAV fonnede bouc ou de tout autre animal. On danse generalement en rond au sabbat, dos a dos, ra- rement soul ou a deux. II y_a trois branles: le premier se nomme le branle a la bohemienne ; le second s'e.xecute comme celui de nos artisans dans les campagnes, c'est-a-dire en sautanl tou- jours le dos tourne ; dans le troisieme branle, on se place tous en long, se tenant par les mains et avec certaine cadence, a peu pres comme dans ce qu'on appelle aujourd'hui le galop. On exe- cute ces danses au son d'un pelit tambourin , d'une flute, d'un violon ou d'un autre instrument (|ue Ton frappe avec un baton. C'est laseulemu- ' sique du sabbat. Cependant des sorciers ont as- sure qu'il n'y avait pas de concerts au monde mieux executes... Danse du soleil. C'est une croyance encore repandae dans beaucoup de villages que le soleil danse le jour de Paques. Mais cette gracieuse tradition populaire n'est que de la poesie, comme les trois soleils qui se levent sur Thorizon le ma- tin de la Trinite. Dante, le plus grand poete de I'ltalie, mort en 1321, a fait dans sa Divina Comcdia une des- : eription prodigieuse, en Irente-trois chants, de I'enfer et une autre du pnrgatoire. Mais il ne faut chercher la qu'une grande poesie. M. E. Aroux, dans son livre intitule VHcrhie du Dante, a voulu demontrer que Dante etait attache a I'he- resie vaudoise, qui entraina tant d'imaginations au Ireizieme siecle; c'est douteux. Daphnephages, devinsqui, avantde repondre aux questions qu'on leur faisait, mangeaient des feuilles de laurier, parce que, cet arbre etantcon- sacre a Apollon, ils se croyaient de la sorte in- spires de ce dieu. Daphnomancie, divination par le laurier. On en jetait une branche dans le feu ; si elle petil- lait en brulant, c'etait un heureux presage ; mais si elle brulait sans faire de bruit, le pronostic ^tait facheux. Dards magiques. Les Lapons, qui passaient autrefois pour de grands sorciers et qui le sont a present bien peu, langaient, dit-on, des dards de plomb longs d'un doigt centre leurs ennemis absents, et croyaient leur envoyer avec ces dards enchanles des maladies et des douleurs violentes. VoiJ. TVRE. Daroudji. C'est le nom que les Persans don- nent a la troisieme classe de leurs mauvais genies. Darvands', mauvais genies en Perse, opposes aux amschaspands. Daugis , auteur peu connu d'un livre contre les sorciers intitule Traite sur la macjie, le sor- tilege, les possessions , obsessions et malejices , oil Ton endemontre la verite etlarealite; avec une methode sure et facile pour les discerner , et les reglements contre les devins, sorciers, magi- ciens, etc. Paris, in-12, 1732. Dauphin. On ne salt pas trop sur quoi est fondde cette vieille croyance populaire , que le dauphin est I'ami de I'homme. Les anciens le connaissaient si imparfaitement, qu'on I'a presque toujours represente avec le dos courbe en arc, tandis qu'il a le dos plat comme les autres pois- sons , a moins que nous ne donnions le nom de dauphin a un poisson qui ne serait pas celui des anciens. II y a des races perdues. On trouve dans Elien et dans d'autres naturalistes des enfants qui se promenent en mer a cheval sur des dau- phins apprivoises ; ce sont de ces merveilles qui ne sont plus faites pour nous. — On salt que le dauphin est le symbole de la rapidite : et c'est dans un sens emblematique , pour rappeler qu'il faut se hater avec prudence , qu'on a peint le dauphin enlortille a une ancre ; car il est faux que par affection pour I'homme il la conduise au fond de la mer, comme le contaient nos peres Dauphine, ancienne province de France qui, des le quatorzieme siecle , attaquee dans sa foi, ainsi que les Cevennes, par diverses bandes he- retiques, accueillit rapidement le calvinisme, et lors de la revocation de I'edit de Nantes, devint le theatre de phenomenes extraordinaires ou se glissa vite la magie. 11 s'eleva la des ecoles de prophetes, qui, dans des extases etdes transports, disaient etfaisaient des choses tout a fait excen- triques. Un nomme Serre ou Duserre etait le gou- verneur et le maitre de I'ecole de prophetie. Quelques-uns de ses eleves se firent un nom, entre autres Gabriel Astier et une jeune fille (car il y avait prophetes et prophetesses) nom- mee Isabelle, connue sous le nom de la belle Isabeau. Des rainistres protestants se melaient a cet ebranlement ; Jurieu lui-meme prophetisa. II fallut envoyer des troupes pour abattre cette tem- pete qui devenait menagante. Isabeau se con- vertit; et la repression, que les reformes ont fort noircie, se fit avec moderation ^On a appele ces singuliers rebelles camisards , a cause de leur maniere de se reconnaitre dans leurs reunions secretes : ils se mettaient une chemise par-dessus leurs habits. David. Selon les Orientaux, ce prophete-roi se faisait obeir des poissons, des oiseaux et des pierres; ils ajoutent que le fer qu'il tenait dans ses mains s'amollissait , et que les larmes qu'il versa pendant les quarante jours qu'il pleura son peche faisaient naitre des plantes. Adam , disent les musulmans , avait donne soixante ans de la duree de sa vie pour prolonger celle de David, dont il prevoyait le regne glorieux. David, pretre apostat, mele a la possession de ' Brown, Bes erreurs populaires , liv. V, oh. ii. 2 Voyez, dans les Legendes i7ifernales, les Prophetes du Dauphine. M. Hippolyte Blanc a donne recemment line curieuse et tres-interessante histoire de ces fails, sous ce titre : De I' inspiration des 'camisards , in-12, 1860, a Paris, chez Henri Plon. DAY — 200 — DEL Louviers par ses relations avec Madeleine Ba- vent. II eut iine mort subite. David Georges, vitrier de Gand, qui en 1525 se mil a courir les Pays-Bas, en disant qu'il etait le Messie envoye siir la terre pour remplir le ciel, qui avail beaucoup trop de vide. On le si- gnala coinme un fou dangereux ; mais il changeait de nom pour se mettre a couvert des poursuites. II ensorcelait les espriLs, dit Delancre, tandis que les autres sorciers ensorcelaient les corps. Au bouL de treize ans qu'il sejourna a Bale, il mou- rut. Ses disciples furent etonnes de sa mort, car ils le croyaienL immorlel : cependant il leur avait predit qu'il ressucilerait trois jours apres son trepas. Ce qui n'eut pas lieu * ; et ses resles fu- rent brules en 1559. David Jones. Les matelots anglais appellent de ce nom le mauvais genie qui preside a tous les esprils malfaisanls de lamer. 11 est dans tous les ouragans; oil I'a vu quelquefois d'une taille gigantesque , montrant irois rangs de dents ai- gues dans sa bouche enorme, ouvrant de grands yeux effrayants et de larges narines , d'ou sor- taient des flammes bleues. Deber. Des theolugiens hebreux disent que Deber signifie le demon qui offense la nuit; et Cheteb ou Chereb, celui qui offense en pleinmidi. Decarabia. Voy. Carabia. Decius (Publius). Pendant la guerre des Ro- mains contre les Latins, les consuls Publius De- cius et Manlius Torquatus, campes pres du Ve- suve, eurent tous deux le meme songe dans la meme nuit : ils virent en dormant un liomme d'une figure haute, qui leur dit que I'une des deux armees devait descendre chez les ombres, et que celle-la serait victorieuse dont le general se devouerait aux puissances de la mort. Le lendemain les consuls, s'etant raconte leur songe, firent un sacrifice pour s'assurer encore de la volonte des dieux , et les entrailles des vic- times confirmerent ce qu'ils avaient vu. lis con- vinrent done entre eux que le premier qui ver- rait plier ses bataillons s'immolerait au salut de la patrie. Quand le combat fut engage, Decius, qui vit fl^chir I'aile qu'il commandait, se devoua, et avec lui toute I'armee ennemie aux dieux infer- naux, et se precipita dans les rangs des Latins, ou il regut la mort en assurant a Rome une vic- toire eclatante ^. Si ce double songe des consuls et les presages des victimes publics dans les deux armees n'e- taientqu'un coup de politique, le devouement de Decius etait un acte de patriotisme bien grand, meme chez les Romains. Decremps, escamoteur du dernier siecle, qui publia un Traitc de la magie blanche. 1 Voyez I'histoire de David Georges, dans les Le- gendes in females. 2 Tite-Live et Valere-Maxime. Dedshail, le diablechez plusieurs tribusarabes. Dee (Jean), savant fou, ne a Loudres en 1527. 11 s'occupa de cabale, d'alchiniie et d'astrologie. La reine Elisabeth le tira de sa misere el I'appela son philosophe. II a laisse quelques ecrits que Ca- saubon a publies. Morten 1607. Deification. Vespasien, se voyantsur le point de mourir, dit a ses amis, par une assez fine raillerie de I'adulation des Romains , qui deifiaient leurs empereurs apres la mort : « Je sens que je deviens dieu. » Deiphobe, sibylle de Cumes. Voy. Sibylles. Deisme. Le deisine n'est autre chose que la religion de la nature materielle, mais en niant tout dans le surnaturel: cetle triste et froide doc- trine n'explique rien , ne produit rien, ne mene a rien. Dejections. Le medecin de Haen, dans le der- nier chapilre de son Traitc de la magie , dit que si Ton voit sortir de quelques parties que ce soit du corps humain , sans lesion considerable , des choses qui naturellement ne peuvent y enlrer, comine des couleaux , des morceaux de verre, du fer, de la poix, des touffes de crin , des os, des insectes , de grosses epingles tordues , des charbons, etc. , on doit atiribuer tout cela au de- mon el a la magie. Voij. Excrements. Delancre (Pierre) , demonographe renonime, no a Bordeaux dans le seizieme siecle. 11 fut charge d'instruire le proces de quantites de vau- riens accuses de sortileges. Dans ces travaux il demeura convaincu de toutes les abominations du sabbal el des sorciers. II mourul a Paris vers 1630. On a de lui deux ouvrages recherches sur ces matieres. 1° L'inrredidiU et mdcrdance du sortilege pleir nement convaincues , ou il est amplement et cu- rieusement traite de la verite ou illusion du sor- tilege, de la fascination, de I'attouchement , du scopelisme, de la divination , de la ligature ou liaison magique, des apparitions et d'une infi- nite d'autres rareset nouveaux sujels, par P. De- lancre, conseiller du roi en son conseil d'Elat. Paris, Nicolas Buon, 1612, in-i" de pres de 900 pages, assez rare , dedie au rpi Louis XIII , divise en dix trailes. Dans le premier Iraile, I'auteur prouve que tout ce qu'on dil des sorciers est veritable. Le se- cond, intitule de la Fascination , deinontre que les sorcieres ne fascinent, en ensorcelant, qu'au moyen du diable. Par le troisieme traite, consacre a \' attouchement , on voit ce que peuvent faire les sorciers par le toucher, bien plus puissant que le regard. Le traite quatrieme, oii il s'agit du scopelisme, nous apprend que par cette science secrete on maleficie les gens en jelant simple- ment des pierres charmees dans leur jardin. Le magnetisme explique aujourd'hui la plupart de ces prodiges. Le traite suivant detaille toutes les divinations. Au sixieme traite , on s'instruit de DEL — 201 — DEM tout qui tient aux ligatures. Le seplieme roule sur les apparitions. L'auleur, qui ne doute peut-eLre pas assez, en rapporte beaucoup. II tombs, dans le huitieme traite, sur les juifs, les apostats et les athees. Dans le neuvieme , il s'eleve centre les heretiques, dont TappariLion dans tous les temps a produit en effet des fanatismes plus ou moins absurdes ou abominables. II se recrie, dans le dernier traite , centre I'incredulite et mecreance des juges en fait de sorcelierie. Le tout est suivi d'un recueil A' arrets notables centre les serciers. 2° Tableau de I' mconstance des mauvais anges et dimons , ou il est amplement traite de la sor- celierie et des serciers ; livre tres-curieux et tres- ulile , avec un discours contenant la procedure faite par les inquisiteurs d'Espagne et de Na- varre a cinquante-trois magiciens, apostats, juifs et serciers, en la ville de Logrogne, en Castille, le 9 novembre 1610; en laquelle on voit combien I'exercice de la justice en France est plus juridi- quement traite et avec de plus belles formes qu'en tous autres empires, royaumes, republiques et Etats, par P. Delancre, conseiller du roi au par- lement de Bordeaux; Paris, Nicolas Buon, 1612, in-4° d'environ 800 pages % tres-recherche, sur- tout lorsqu'il est accompagne de I'eslampe qui represente les ceremonies du sabbat. Get euvrage est divise en six livres ;, le premier contient trois discours sur I'inconstance des de- mons, le grand nombre des serciers et lepenchant des femraes du pays de Labourd pour la sorcelierie. Le second livre traite du sabbat en cinq discours. Le troisieme roule sur la meme matiere et sur les pactes des serciers avec le diable, pareille- ment en cinq discours. Le qualrieme livre , qui contient quatre discours, est consacre aux leups- garous; le livre cinquieme , en treis discours, aux superstitions et apparitions ; et le sixieme, aux pretres sorciers , en cinq discours. Tout ce que ces ouvrages presentent de cu- rieux tient sa place dans ce dictionnaire. Delangle (Louis), medecin espagnol et grand astrologue. On raconte qu'il predit au roi de France Charles VII la journee de Freraigny en 1Z|5U; il predit aussi, selon quelques auteurs, Temprison- nement du petit prince de Piemont, ainsi que la peste de Lyon I'annee suivante. On I'accusa de superstition , quoiqu'il ne se dit qu'astrolegue. Le rei le retint a quatre cents livres de pension et I'envoya pratiquer sa science a Lyon. II fit plu- sieurs livres et traduisit d'espagnol en latin les Nativitis, de Jean de Seville. On ajoute qu'il pre- vit le jour de sa morL II fit faire, dit-on, quinze jours d'avance son service , que Ton continua jusqu'a I'heure marquee ou en effet il mourut ^ Delphes (I'oracle de) . Diodore deSicile nous ap- prend I'origine des merveilles qu'on en a contees. ' II y a une preface de Jean d'Espagnet. 2 Ancien manuscrit de la bibliotheque du roi, rap- porte a la fin des Remarques de Joly sur Bayle. II arriva un jour que des chevres s'6tant appro- chees sur le Parnasse d'un trou d'oh sortait une exhalaisun forte, elles se rairenta danser. La nou- veaute de la chose et I'ignorance oii Ton etait de la vertu nalurelle de ces vapeurs firent croire qu'il y avait la-dessous du merveilleux , et que sans doute ce trou etait la demeure de quelque dieu (ou demon), dont on ne devait pas negliger les inspirations. II n'en fallut pas plus : on y batit un temple, on y instilua un oracle, des pretres, une pythie, des ceremonies. L'exhalaisen qui montait a la tete de la pretresse I'agitait violem- ment : c'etait, comme le remarque Benjamin Binet, I'inspiration du dieu qui la saisissait. Elle' parlait sans se faire cemprendre : c'etait le dieu qui combattait ses facultes. Elle revenait a elle- meme et prenongait I'eracle : c'etait le dieu qui, devenu le mailre, parlait par son organe. La force de l'exhalaisen etait quelquefeis si vielentequ'elle faisait mourir la pythie. Plutarque en cite un exemple. Delrio (Marlin-Anteine), ne a Anversen 1551, savant jesuite , auteur d'un livre intitule Be- cherches magiques * , en six livres , oii il est traite soigneusement des arts curieux et des vaines su- perstitions; in-i° , Louvain , 1599, souvent re- imprime. Ce livre celebre, qui eut dans son temps beaucoup de vogue , a ete abrege et traduit en francais par Andre Duchesne, Paris, in-4° in-8°, 2 vol., 1611, tres-recherche. L'auteur se montre generalement pluseclaire que la plupart des ecri- vains de son siecle. Son euvrage est divise en six livres; le premier traite de la magie en ge- neral , nalurelle et arLificielle , et des prestiges; le second, de la magie infernale ; le troisiem.e, des malefjces; le quatrieme, des divinations el pre- dictions; le cinquieme, des devoirs du juge et de la maniere de proceder en fait de sorcelierie; le sixieme, des devoirs du cenfesseur et des re- medes permis ou prohibes centre la sorcelierie. En general, ces disquisitions magiques sent un recueil de faits bizarres , meles de raisonnements et de citations savantes. Deluge. Voij. Is ^ Demence. Voy. Possession. Democrite, philosophe celebre qui flerissait en Grece environ treis cents ans apres la fonda- tioii de Rome. Les ecrivains du quinzieme et du seizieme siecle I'ont accuse de magie ; quelques- uns lui ont meme attribue un traite d'alchimie. Psellus pretend qu'il ne s'etait creve les yeux qu'apres diVOvc souffle tout sen bien a la recherche de la pierre philosophale. La cecite de Democrite a embarrasse bien des personnes. Tertullien dit qu'il se priva de la vue parce qu'elle etait pour lui une occasion de mauvaises cenveitises. PIu- 1 Disquisitionum magicarum libri sex, etc., auc- tore Marlino Delrio , etc. ^ Pour le deluge universal, voyez les Legendes de r Ancien Testament. — 202 — DEM tarqiie pense que c'elait pour philosopher plus a son aise, et c'est le sentiment le plus repandu, qiioiqu'il soit aussi denue de fondemcnt que les autres. Ddniocrite ne fut point aveugle, si Ton en cj'oit Hippocrate, qui raconte qu'appele paries Abderilains pour guerir la folie pretendue de ce philosophe, il le trouva occupe a la lecture de certains livres et a la dissection de quelques ani- iiiaux , ce qu'il n'eut point fait s'il eut ete aveugle. De jeunes -Abderitains, sachant que Democrile s'dtait enfenne dans un sepulcre ecarte de la ville pour philosopher, s'habillerent un jour en de- mons avec de longues robes noires et des mas- ques hideux; puis ils I'allerenl trouver el se mi- rent a danser autour de lui ; Democriie n'en parul pas effraye; il ne leva pas meme les yeux do dessus son livre et continua d'ecrire 11 riait de lout, nous dit-on, mais son rire ctait moral, et il voyait autrement que les hommes dont il se moquail. Croyons done, avec Scaliger, qu'il etail aveugle moralenient, (juod alioruin more oculis non utcretur. On a dit qu'il entendait le chant des oiseaux, et qu'il s'etait procure cette facullo merveilleuse en mangeant un serpent engcndre du sang me- lange de certains oisillons; mais que n'a-t-on pas dit I On a dit aussi qu'il commerqait avec le diable, parce qu'il vivail solitaire. Demogorgon, adore en Arcadic, a laisse une curieuse histoire. II elait enfoni au milieu de la terre, alorsinerte, el il s'y ennuyait, car il n'a- vail pour compagnon que le chaos. 11 s'avisa done de se faii-e une pelile voiture en foi'ine de sphere; il la lanca ct se mil dessus. Comme elle tournait loujours circulairemenl, son excursion forma le ciel. Ayant rencontre le feu en chemin, il en Hi le soleil, et piece apiece il construisit ce monde. Voila un des dogmes des pai'ens. Demon barbu. Voij. Baubu. Demoniaques. I'oij. Poss^des. Demonocratie , gouvernement des demons, inlluence immediate des esprits malfaisanls , re- ligion de quehiucs i)euplades americaines, afri- caines , asiatiquos , sibcriennes , kamtschada- les, etc., qui reverent le diable avant tout, comme par exemple les Kurdes. Demonographie, histoire et description de ce qui regarde les demons. On appelle demonogra- phes les auteursqui ecriventsur ce sujet, comme Boguet, Delancre , Leloyer, Wierus, etc. Demonolatrie, culle des demons. On a public a Lyon vers 1819 un volume in -12 intitule Superstilions ct demonoldlrie des philosophes. Ce livre a ete un pen bafoue, quoiqu'il contienne de Ires-bonnes choses et de serieuses veriles. II est certain que chez nous-memes, qui sommes si fiers de nos kimieres et de nos progres , le demon comple encore d'innombrables servileurs. Qu'on ^ Leloyer, Histoire des spectres ou Apparition des esprits, liv. I. cli. ix, p. 80. lise lessavanles pages de la Mi/sti'^/uc divine, na- turelle et diabolirjne de Gorres, on y verra qu'au- jourd'htii, au moment ou ces lignes se lisent, il y a sur noire sol, dans les bas-fonds de la society, une foule de demonolatres ou adorateurs du d6- mon , qui lui rendent un culte (enebreux , qui se donnent et se livrent a lui el qui agissent en con- sequence. C'esl du resle la suile logique et con- stanle de toutes les eres philosophiques. * Demonologie, discours el Iraites sur les de- mons. Pour la demonologie du roi Jacques, voij. ce nom. I'oi/. aussi Waltkr Scott. Demonomancie, divination par le moyen des demons. Cello divination a lieu par les oracles qu'ils rendenl ou par les reponses qu'ils font a ceux qui les evoquent. Demonomanie, manie de ceux qui croient sans I'dscrve a lout ce qu'on raconte sur les demons et les sorciers, comme Boguet, Leloyer, Delan- cre, Wierus, etc. Un ouvrage de Bodin porte le lilre de Dhnonomnnic des sorciers ; mais la ce mot signifie diablerie. Voij. Bobin. Demons. Ce que nous .savons d'exact sur les (lemons se borne a ce que nous en enseigne I'E- glise: (|ue ce sonl des anges loinbes, qui , prives do la vue de Dieu depuis leur revolle, ne respi- renl plus (pie le mal et ne cherchent qu'a nuire. Ils onl c()mmenc(; leur ivgne sinislre par la se- dueiion de nos premiers p(ires; ils continuent de lulter contre les anges fideles qui nous prolegent, et ils triomphent do nous quand nous ne leur re- sislons pas avec courage , oubliant de nous ap- puyer sur la grace de Dieu. On ne pent nier leur existence sans lomber dans I'absurde et dans I'inexplicable. Lock, Clarke, Leibniz, Newton, toutes les tetes soUdes ont compris I'impossibilite de celle negation. DEM — 203 — DEM Nous ne pouvons faire ici un traiLe dogma tique sur les demons. Nous devons nous borner a rap- porler les opinions bizarres et siiigulieres aiix- quelles ces elres maudils ont donne de I'inleret. Les paiens adinettaient trois sortes de demons, les bons, les mauvais et les neutres. Mais lis ap- pelaient demon tout esprit. Nous entendons par demon un ange de tenebres, un esprit mauvais. Presque toutes les traditions font remonter I'exis- tence des demons plus loin que la creation do rhomme. La chute des anges a eu lieu en effet auparavant. Parmi les Juifs, Aben-Esra pretend qu'on doit fixer cette chute au second jour de la creation. Menasse Ben-Israel , qui suit la meme opinion, ajoute qu'apres lear chule, Dieu les placa dans les nuages et leur donna le pouvoir d'ha- biter I'air inferieur ^ Origene et quelques philosophes soutiennent que les bons et les mauvais esprits sunt beau- coup plus vieux que noire monde; qu'il n'est pns probable que Dieu se soit avise lout d'un coup, il y a seulement six ou sept mille ans ^, de tout creer pour la premiere fois ; que les anges et les demons elaient restes immortels apres la mine' des mondes qui ont precede le notre, etc. Manes, ceux qu'il a copies et ceux qui ont adople son systeme font le diabl& presque eternel et le rc- gardentcomme leprincipe du mal,ainsi que Dieu est le principe du bien. Qiioique faux a i'exces,. ce systeme a encore trop de partisans. Pour nous, ; nous devons nous en lenir sur les demons au sentiment de I'Eglise catliolique. Dieu avail cree | les choeurs des anges. Toiite cetle niiiice celeste I etait pure et non portee au mal. Ouekiues-uns so laisserent aller a rorgtieil; iis oserent se croire- aussi grands que leur Crealeur, et eotrainerenl dans leur revoke une parlie de I'armee des anges. Satan, le premier des seraphins el le plus grand de tons les elres crees^ , s'elait mis a la lete des rebelles. 11 jouissaitdans le ciel d'une gloire inal- terable et ne reconnaissait d'aulre maitre que FEternel. Une folle ambition causa sa perle; il voulut regner sur la moilie du ciel, el sieger sur un irone aussi eleve que celui du Createur. L'ar- change Michel et les anges restes dans le devoir lui livrerent combat. Satan fut vaincu ct precipile avec tons ceux de son parti ' , loin du ciel, dans un lieu que nous nommons I'cnfev ou I'abimc, et que plusieurs opinions placentau centre enllamme de notre globe. Mais les demons habilent aussi I'air, qu'ils remplissent. Nous le lisons dans sainl Paul. Saint Prosper les place dans les brouillards. Swinden a voulu demontrer qu'ils logeaicnl dans 1 Da resurreclione moriuoruni, lib. Ill, cap. vi. 2 La version des Septante donne au nionde qiiinze ou dix-liuit cents ans de plus que nous. Les Grecs modernes ont siiivi ce calcul, et le P. Pezron I'a un peu reveille dans VAyitiquite retablie. 3 Quique creaturce prcBfulsit in ordine primus.... Ale. Activi poem., lib. IL * Apocalypse, ch. v, vers. 7 et 9. le soleil ; d'autres les ont relegues dans la lune. Boriions-nous a savoir qu'ils sont dans les lieux infcricurs, et que Dieu leur permel de lenter les hommes et de les eprouver. Nous connaissons la dure et incontestable hisloire du peche originel, repare, dans ses el'fels eternels, par la redemp- tion. Depuis, le pouvoir des demons, resserre dans de plus etroites limiles, se borne a un role vil el tenebreux qui a produit pourtant de lamen- tables fails. On n'a aucune donnee du nombre des dem.ons. Wierus, comme s'il les avail comples, dit qu'ils se divisent en six mille six cent soixanle-six le- gions, composees cliacune de six mille six cents soixanle-six anges noirs; il en reduit ainsi le nombre a quarante-cinq millions, ou a peu pres, mais il y en a bien davantage. 11 leur donne soixanle-douze princes, dues, marquis ou comtes. lis ont leur large part dans le mal qui se fait ici- bas", puisque les mauvaises inspirations viennent d'eux seuls. Fiyiiie (run dt'iDoii. Selon Michel Psellus, les demons se divisent en six grandes sections. Les premiers sont les demons du. feu, qui en habitent les regions; les seconds sont les demons de Fair, qui volent au- tour de nous et ont le pouvoir d'exciler les orages ; les Iroisiemes sont les demons de la terre, qui se melon t avec les hommes et s'oc- cupent de les tenter; les qualriemes sont les demons des eaux, qui habitent la mer et les ri- vieres, pour y elever des lempeles et causer des naufrages; les cinquiemes sont les demons sou- terrains, qui preparent les tremblements de lerre, souillenl les volcans, font ecrouler les puits et lourmenlent les mineurs; les sixiemes sont les demons tenebreux , ainsi nommes parce qu'ils vivent loin du soleil et ne se n)ontrent que peu sur la terre. On ne sail trop ou Michel Psellus a trouve ces details; mais c'est dans ce systeme que les cabalistes ont imagine les salamandres, qu'ils placenl dans les regions du feu ; les sylplics qui remplissent I'air; les ondins, ou nymphes, qui vivent dans I'eau, et les gnomes, qui sont loges dans I'interieur de la lerre. Des docles ont prelendu que les demons mul- tiplient enlre eux comme les hommes; ainsi, leur nombre doit s'accroitre, surlout si Ton considere DEM — 204 — DEN la duree de leur vie, que quelques savants out bien voulu suppiiter; car il en est qui ne les font pas iinmortels. Hesiode leur donne une vie de six cent quatre-vingt mille quatre cents ans. Plu- tarque, qui ne congoit pas bien qu'on ait pu faire I'experience d'une si longue vie, la reduit a neuf mille sept cent vingt ans... Ajoutons ici une remarque de Benjamin Binet, dans son Traile des dieux et des demons du pa- ganisme : u Les anciens s'etaient imagine quo , Dieu etant esprit, il fallait que les anges et les demons fussent des corps, a cause de la clistance infinie qui eloigne le Createur de la creature. » (t 11 est certain, dit Tertullien, que les anges n'ont pas eu une chair qui leur fut personnelle , etant spirituels de leur nature; et s'ils ont un corps, il convient a leur nature. (Tert. , De came Chrisli, cap. 6.))) Saint Macaire I'ancien pousse encore la chose plus loin en ce passage : « Cha- cun est corps selon sa propre nature ; en ce sens , range el I'ame et le demon sont corps. » (Mac. , horn. /).) Plutarque compare la nature des demons a celle des hommes. 11 les represente sujets aux memes ^jesoins, aux memes infirmiles, se nour- rissant de la fumee, de la graisse el du sang des sacrifices... II y a bien des choses a dire sur les demons el sur les diverses opinions qu'on s'esl failes d'eux. On trouvera generalement ces choses ix leurs ar- ticles dans ce diclionnaire. Les Moluquois s'imaginenl que les demons s'inlroduisent dans leurs maisons par I'ouver- ture du toil et apportent un air infect qui donne la petite verole. Pour prevenir ce malheur, ils placenl a I'endroit ou passent ces demons cer- taines petitcs stalues de bois pour les epouvan- ter, comme nous hissons des hommes de pailie sur nos cerisiers pour ecarter les oiseaux. Lorsque ces insulaires sortent le soir ou la nuit, temps atlrisle par les excursions des esprits malfaisants, ils portent loujours sur eux comme sauvegarde un oignon ou une gousse d'ail , un couteau , quelques morceaux de bois; et quand les meres meltent leurs enfanls au lit, elles ne manquenl pas de meltre I'un ou I'aulre de ces preservatifs sous leur tete. Les Chingulais pour empecher que leurs fruits ne soient voles annoncent qu'ils les ont donnes aux demons. Des lors, personne n'ose plus y toucher. Les Siamois ne connaissenl point d'autres de- mons que les ames des mechants qui, sorlant des enfers ou elles etaient detenues, errent un certain remps dans ce monde et font aux hommes tout le mal qu'elles peuvent. De ce nombre sont encore les criminels executes, les enfants mort- nes, les femmes morles en couches et ceux qui ont ele tues en duel. A ceux qui sont assez obtus pour nier les de- mons, nous citerons encore Bayle, qu'on n'ac- cusera pas de credulite excessive. II reconnait lui-meme I'existence des demons el les faits que I'Egiise leur attribue avec fondements. « II se Irouve dans les regions de I'air, dil-il , des etres pensants, qui etendenl leur empire aussi bien que Iciu's connaissances sur notre monde. Et comme on ne pent nier I'exislence sur la terre d'elres mechants qui font le mal et s'en re- jouissent, on serait ridicule si on osait nier qu'il y ait, outre ceux-la qui ont des corps, plusieurs autres qu'on ne voit pas et qui sont encore plus malins et plus habiles que I'homme'. » Demons blancs. Voy. Femmes blanches. Demons familiers, demons qui s'apprivoi- senl el se plaisent a vivre avec les hommes qu'ils aiment assez a obliger. Un hislorien Suisse rapporte qu'un baron de Regensberg s'elait relire dans une tour de son chateau de Bale pour s'y adonner avec plus de soin a I'elude de I'Ecriture sainte et aux belles- lettres. Le peuple etait d'autant plus surpris du choix de cette retraite, que la tour etait liabilee par un demon. Jusqu'alors le demon n'en avail permis I'entree a personne ; mais le baron etait au-dessus d'une telle crainte. Au milieu de ses Iravaux, le demon lui apparaissail, dil--on, en liabit seculier, s'asseyait a ses cotes, lui faisait ,des queslions sur ses recherches el s'enlrele- nait avec lui de divers objets, sans jamais lui faire aucun mal. L'historien credule ajoule que, si le baron eul voulu exploiter melhodiquement ce demon, il en eul tire beaucoup d'eclaircisse- menls utiles. Voy. Berith , Cardan , Esimuts , LuTiNS, Farfadets, Kobold, Socuate, etc. Demons de midi. On parlail beaucoup chez les anciens de certains demons qui se monlraienl parliculierement vers midi a ceux avec lesquels ils avaient conlracte familiarite. Voy. Agathion. Ces demons visilent ceux a qui ils s'alLachenl, en forme d'hommes ou de beles, ou en se lais- saul enclorc en un caraclere, chill're, fiole, ou bien en un anneau vide et creux au dedans. « lis sonl connus , ajoule Leloyer, des magiciens qui s'en servenl, et, a mon grand regret, je suis conlraint de dire que I'usage n'en esl que Irop commun^. » Voy. Empuse. Demons obsesseurs. Voy. Obsessions. Demons possesseurs. Voy. Possessions. Denis Anjorand, docteur de Paris, medecin el astrologue au qualorzieme siecle. Ce ful lui qui predit la venue du prince de Galles, et qui configura d'avance par astrologie la prise du roi Jean a Poitiers. Mais on n'en tint pas compte. Neanmoins, apres que la chose ful advenue, il ful grandemenl estime a la cour\ ' Diclionnaire critique. Art. Spinoza et Ruggeri. ~ Histoire des spectres, liv. Ill, eh. iv, p. 198. 3 Ancien manuscril de la bibliotheque du roi, cit^ par Joly, fiemarques sur Bayle. DEN — 205 — DES Denis le Chartreux , ecrivain pieux du quin- zieme siecle, ne dans le pays de Liege. Nous ne citerons que son ouvrage Des quatre dernieres fins de I'homme, ou il traite du purgatoire et de I'enfer. Voij. Enfer. Denis de Vincennes, medecin de la faculte de Montpellier et grand astrologue. Appele au service du due Louis d'Anjou, il fut fort expert en ses jugements particuliers, entre lesquels il en fit un audit due, qui etait gouverneur du petit roi- Charles VI , au moyen duquel il trouva le tre- sor du roi Charles V, qui etait seulement a la connaissance d'un norame Errart de Serreuze, homme vertueux, discret et sage. II y avait dans ce tresor, que Denis de Vincennes decouvrit par son art, dix-huit millions d'or. Aucuns (attendu que ce roi avait toujours eu la guerre) disent que Jean de Meung, auleur du roman de la Rose, lui avait amasse ce tresor par la vertu de la pierre philosophale Dents. II y a aussi quelques histoires merveil- leuses sur les dents ; et d'abord on a vu des en- fants naitre avec des dents ; Louis XIV en avait deux lorsqu'il vint au inonde. Pyrrhus^ roi des ; Epirotes, avait au lieu de dents un os continu en haut de la machoire et un os pareil en bas. II y avait meme en Perse une race d'hommes qui apportaient ces os-la en naissant^. La republique des Gorgones devait etre bien laide, comme dit M. Salgues, s'il est vrai que ces feinmes n'avaient pour elles toutes qu'un oeil et qu'une dent, qu'elles se pretaienl I'une a I'autre. En 1691, le bruit courut en Silesie que les dents etant toinbees a un enfant de sept ans, il lui en etait venu une d'or. On pretendait qu'elle ^tait en partie naturelle et en partie merveil- leuse, et qu'elle avait ete envoyee du ciel a cet enfant pour consoler les Chretiens affliges par les Turcs, quoiqu'il n'y eut pas grand rapport entre cette dent et les Turcs, et qu'on ne voie pas quelle consolation les Chretiens en pouvaient tirer. Cette nouvelle occupa plusieurs savants ; elle eleva plus d'une dispute entre les grands homines du temps, jusqu'a ce qu'un orfevre ayant examine la dent, il se trouva que c'etait une dent ordinaire a laquelle on avait applique une feuille d'or avec beaucoup d'adresse : mais on commenca par disputer et faire des livres, puis on consulta I'orfevre. On voit dans les Admirables secrets d' Albert le Grand qu'on calme le mal de dents en deman- ' dant I'aumone en I'honneur de saint Laurent. C'est une superstition. — Les racines d'asperges sont, dit-on, un tres-bon specifique : sechees et appliquees sur les dents malades , elles les arra- chent sans douleur. Nous ne I'avons pas eprouve. Derodon (David), dialecticien du dix-septieme siecle. On conte qu'un professeur, presse par un ^ Torquemada, Hexameron , p. 29. 2 Saint-Foix, Essais , t. I. argumentateur inconnu, lui dit, sur le point de se rendre : « Tu es le diable, ou tu es Derodon. » Ce savant a laisse un Discours contre I'astrologie judiciaire, in-S", 1663. Dersail ou Detsail, sorcier du pays de La- bourd, qui portait le bassin au sabbat, vers I'an 1610. Plusieurs sorcieres ont avoue I'y avoir vu recevant les offrandes a la messe du sabbat; elles ont assure de plus qu'il employait cet ar- gent pour les affaires des sorciers et pour les siennes'. Desbarolles (M. Adolphe), auteur d'un livre intitule les Mysleres de la main, chiromancie nouvelle, assez fantaslique. Un vol. in-12 de 62i pages. Desbordes, valet de chambre du due de Lor- raine Charles IV. Ce valet fut accuse, en 1628, d'avoir avance la mort de la princesse Christine, mere du due, et cause diverses maladies que les medecins attribuaient a des malelices. Charles IV avait concu de violents soupgons contre Des- bordes , depuis une partie de chasse ou il avait servi un grand diner au due, sans autres prepa- ratifs qu'une petite boite a trois etages, dans la- quelle se trouvait un repas exquis. C'etait peut- etre un autoclave. Dans une autre occasion, il s'etait permis de ranimer trois pendus (car il faisait toujours tout par trois) qui, depuis trois jours, elaient attaches a trois gibets ; et il leur avait ordonne de rendre hominage au due , apres quoi il les avait renvoyes a leurs potences. On verifia encore qu'il avait ordonne aux person- nages d'une tapisserie de s'en detacher et de venir danser dans le salon... Charles IV, effraye de ces prodiges, voulut qu'on informat contre Desbordes. On lui fit son proces et il fut con- damne au feu^ mais soyez assure qu'il y avait a la charge de cet homme autre chose que des tours de gibeciere et des lours de passe-passe. Descartes (Rene), I'un des hommes celebres du dix-septieme siecle. II fut persecute en Hol- lande lorsqu'il publia pour la premiere fois ses opinions. Voet (FoefiMs) , qui jouissait de beau- coup de credit a Utrecht, I'accusa d'atheisme; il congut meme le dessein de provoquer sa con- damnation, sans lui permettre de se defendre, et, avec la mansuetude protestante, de le faire bruler a Utrecht sur un bucher tres-eleve, dont la fiamme serait apercue de toutes les Provinces- Unies'..., pays assez plat pour une telle tenta- tive. — A cote de ces fureurs peu chretiennes, comparez I'Eglise romaine, qui s'est contentee de signaler les quelques erreurs de Descartes parce ' Delancre, Tableau de I'inconst. des demons, etc., P-90- , ,. , 2 M. Salgues, Des erreurs et des prejuges, et M. Jules Garinet, Histoire de la magie en France, p. 204. 3 Ciiriosites de la littprature, trad, de I'anglais par Berlin, 1. I, p. 52. DES — 206 — DES qu'elles sont dangereiises , et que ce danger est reconnii bien reel , puisque les pliilosophes sepa- rcs s'en appiiieiit. Deserts. C'est surtoiit dans les lieux deserts et abaiidonnes que les sorciers font leur sabbat et les demons leurs orgies. C'est dans de tels lieux que le diable se monlre a ceux qu'il veut acheter ou servir. C'est la aussi qu'on a peur et qu'on voit des fantomes. Voij. Cap.uicfolt.s. Desfontaines. En 1695, un certain M. Bezuel (qui depuis ful cure de Valognes), etant alors ecolier de quinze ans , fit la connaissance des enfants d'un procureur nomme d'Abaquene, eco- liers comme lui. L'aine etait de son age; le ca- det, un peu plus jeune, s'appelait Desfontaines; c'etait celui des deux freres que Bezuel aimait davantage. Se promenant tons deux, en 1696, ils s'entrolonaient d'une lecture qu'ils avaient Ueslxjidcs. faite de I'histoire de deux amis, Icsquels s'elaient promis que celui qui mourrail le premier vien- drait dire des nouvelles de son etat au survivdnt. Le mort revinl, disait-on , et conta a son ami des choses surpronantes. Le jeune Desfontaines pro- posa a Bezuel de se faire nnUuellement une pa- reille proinesse. Bezuel ne le voulut pas d'abord; niais quelques mois apres il y consentit, au mo- ment ou son ami allait partir pour Caen. Des- fontaines lira de sa poche deux petils papiers qu'il tenait lout prets, I'un signe de son sang, ou il promellait, en cas de mort, de venir voir Bezuel; I'autre, ou la meme promesse etait ecrile , fut signee par Bezuel. Desfontaines partit ensuite avec son frere, el les deux amis entre- linrent correspondance. 11 y avail six semaines que Bezuel n'avait regu de lettres lorsque, le 31 juillet 1697, se trou- vant dans une prairie, a deux heures apres midi, il se senlil tout d'un coup etourdi et pris d'une faiblesse, laquelle neanmoins se dissipa ; le len- demain , a pareille heure, il eprouva le meme symplome; le surlcndemain il vit pendant son affaiblissement son ami Desfontaines qui lui fai- sait signe de venir a lui Comme il ^lait assis, il se recula sur son siege. Les assistants remar- querent ce mouvement. Desfontaines n'avancant pas, Bezuel se leva enfin pour aller a sa ren- DES — 207 — DES conlre; le spectre s'approcha, le prit par le bras gauche et le conduisit a trente pas de la dans un lieu ecarte. — « Je vous ai promis , lui dit-il, que si je mourais avant vous je viendrais vous le dire : je me suis noye avant-hier dans la ri- viere, a Caen, vers cette heure-ci. J'etais a la promenade ; il faisait si chaud qu'il nous prit envie de nous baigner. 11 me vint une faiblesse dans I'eau et je coulai. L'abbe de Menil-Jean, mon camarade, plongea; je saisis son pied; mais, soic qu'il crut que c'etait un saumon, soit qu'il voulut promptement remonter sur I'eau, il secoua si rudement le jarret qu'il me donna un grand coup dans la poitrine et me jeta au fond de la riviere, qui est la tres-profonde. » Desfon- taines raconta ensuite a son ami beaucoup d'au- tres choses. Bezuel voulut I'erabrasser, mais il ne trouva qu'une ombre. Cependant son bras etait si fortement tenu qu'il en conserva une douleur. 11 voyait continuellement le fantome, un peu plus grand que de son vivant, a demi nu , portant entortille dans ses cheveux blonds un ecriteau ou il ne pouvait lire que le mot in II avait le meme son de voix; il ne paraissait ni gai ni triste, mais dans une tranquillite parfaite. 11 pria son ami survivant, quand son frere serait revenu , de le charger de dire certaines choses a son pere et a sa mere; il lui demanda de re- citer pour lui les sept psaumes qu'il avait eus en penitence le dimanche precedent et qu'il n'avait pas encore recites ; ensuite il s'eloigna en di- sant : jusqii'au revoir, qui etait le terme ordi- naire dont il se servait quand il quitlait ses ca- inarades. Cette apparition se renouvela plusieurs fois. Quelques-uns I'expliqueront par les pres- sentiments, la sympathie, etc. L'abbe Bezuel en raconta les details dans un dhier, en 1708, de- vant l'abbe de Saint-Pierre, qui en fait une longue mention dans le tome IV de ses oeuvres poli- tiques. Desforges (Pierre- Jean-Bap liste Choudard), ne a Paris en 17/|6 , auteur plus que frivole. Dans les Milk ct un souvenirs, ou Vcillees conju- gales, livre immoral qu'on lui attribue, il raconte plusieurs histoires de spectres qui ont ete re- produites par divers recueils. Deshoulieres. Madame Deshoulieres etant allee passer quelques mois dans une terre, a quatre lieues de Paris, on lui permit de choisir la plus belle charabre du chateau ; mais on lui en interdisait une qu'un revenant visitait toutes les nuits. Depuis longtemps madame Deshou- lieres desirait voir des revenants; et, malgre les representations qu'on lui fit, elle se logea pre- cisement dans la chambre infeslee. La nuit ve- nue, elle se mit au lit, prit un Hvre selon sa coutume; et, sa lecture finie, elle eteignit sa lu- miere et s'endormil, Elle fut bientot eveillee par un bruit qui se fit a la porle , laquelle se fermait raal ; on I'ouvrit , quelqu'un entra qui marchail assez fort. Elle parla d'un ton tres-decide ; car elle n'avait pas peur. On ne lui repondit point. L'esprit fit tomber un vieux paravent et lira les rideaux avec bruit. Elle harangua encore I'ame, qui, s'avangant toujours lentement et sans mot dire, passa dans la ruelle du lit, renversa le gueridon et s'appuya sur la couverlure. Ce fut la que madame Deshoulieres fit paraitre toute sa fermete. — « Ah! dit-elle, je saurai qui vous etes!.... » Mors, etendant ses deux mains vers I'endroit ou elle entendait le spectre, elle saisit deux oreilles velues qu'elle eut la Constance de tenir jusqu'au matin. Aussitot qu'il fut jour, les gens du chateau vinrent voir si elle n'etait pas morte. II se trouva que le prelendu revenant etait un gros chien, qui trouvait plus commode de coucher dans cette chambre deserte que dans la basse-cour. Despilliers. Le comle Despilliers le pere, qui mourut avec le grade de marechal de camp de I'empereur Charles VI, n'etait encore que capitaine de cuirassiers lorsque , se trouvant en quartier d'hiver en Flandre , un de ses cavaliers vint un jour le prier de le changer de logement, disant que toutes les nuits il revenait dans sa chambre un esprit qui ne le laissait pas dormir. Despilliers se moqua de sa simplicite et le ren- voya. Mais le militaire revint au bout de quel- ques jours et repeta la meme priere ; il fut en- core moque. Enfin il revint une troisieme fois et assura a son capitaine qu'il serait oblige de deserter si on ne le changeait pas de logis. Des- pilliers, qui connaissait cet homme pour bon soldat, lui dit en jurant : — « Je veux aller cette null coucher avec toi et voir ce qui en est. » Sur les dix heures du soir, le capitaine se rend au logis de son cavalier. Ayant mis ses pistolets armes sur la table, il se couche tout vetu, son epee a cote de lui. Vers minuit il entend quel- qu'un qui entre dans la chambre, qui, en un instant, met le lit sens dessus dessous, et en- ferme le capitaine et le soldat sous le matelas etia paillasse. Apres s'etre degage de son mieux, le comte Despilliers, qui etait cependant tres- brave , s'en retourna tout confus et fit deloger le cavalier, II raconta depuis son aventure, pen- sant bien qu'il avait eu affaire avec quelque de- mon. Neanmoins il se trouva , dit-on , que le hiLin n'etait qu'un grand singe. Desrues, empoisonneur, rompu et brule a Paris en 1777, a I'age de irenle-deux an?. 11 avait ete execute depuis quinze jours lorsque tout a coup le bruit se repandit qu'il revenait toutes les nuits sur la place de Greve. On voyait un homme en robe de chambre, tenant un crucifix a la main, so promenant lentement autour de I'espace qu'avaient occupe son echafaud et son bucher, et s'ecriant d'une voix lugubre : — « Je viens chercher ma chair et mes os. » Quelques nuits se passerent ainsi, sans que personne osat DES — 208 — DEV s'approcher assez pour savoir quel pouvait etre I'auleur de celle farce un peu sombre. Pkisieurs soldats de patrouille et de garde en avaient ete epouvantes. Mais enfin la terreur cessa : un in- trepide eiit le courage de s'avancer sur la place; il empoigna le spectre et le conduisit au corps de garde, ou I'on reconnut que ce revenant etait le frere de Desrues , riche aubergisle de Senlis , qui elait devenu fou de desespoir. Destinee. Voy. Fatalism r. Desvigues, Parisienne qui avail, au com- mencemenl du dix-septieine siecle, des attaques de nerfs dont elle voulut lirer parti pour se faire une ressource. Les uns la disaient sorciere ou possedee, les autres la croyaient prophetesse. Le pere Lebrun , qui parle d'elle dans son His- toire des superstitions, reconnut, comme les me- decins, qu'il y avait dans son fait une grande fourberie. Le bruit qu'elle avait fait tomba su- bitement. DetsaiL Voi/. Dersail, Deuil. Les pi'emiers poetes disaient que les anies, apres la mort, allaient dans le sombre empire ; c'est peul-etre conformement a ces idees, dit Saint-Foix, qu'ils crurent que le noir etait la couleur du deuil. Les Chinois et les Sia- mois choisissent le blanc, croyant que les morts deviennent des genies bienfaisants. En Turquie, on porte le deuil en bleu ou en violet; en gris chez les Elhiopiens; on le portait en gris de souris au Perou quand les Espagnols y entrerenU Le blanc, chez les Japonais, est la marque du deuil, et le noir est ceile de la joie. En Castille, les vetements de deuil etaient autrefois de serge blanche. Les Parses s'habillaient de brun et se rasaient avec toute leur famille et tous leurs ani- raaux. Dans la Lycie, les hommes portaient des habits de femme pendant . tout le temps du deuil. Chez nous, Anne de Bretagne, femme de Louis XII, changea en noir le deuil, qui jusque- la avait ete porte en blanc a la cour. A Argos on s'habillait de blanc et on faisait de grands I'estins. A Uelos on se coupait les cheveux, qu'on mettait sur la sepulture du mort. Les Egyptiens se meurtrissaient la poitrine et se couvraient le visage de boue. lis portaient des vetements jaunes ou feuille-morte. Chez les Remains, les femmes etaient obligees de pleurer la mort de leurs ma- ris, et les enfants celle de leur pere, pendant une annee entieie, Les maris ne pouvaient pleu- rer leurs femmes; et les peres n'avaienl droit de pleurer leurs enfants que s'ils avaient au moins trois ans. Le grand deuil des Juifs dure un an; il a lieu a la mort des parents. Les en- fants ne s'habillent pas de-noir; mais ils sont obliges de porter toute I'annee les habits qu'ils avaient a la mort de leur pere,- sans qu'il leur soit permis d'en changer, quelque dechires qu'ils soient. lis jeunent tous les ans a pared jour. Le deuil moyen dure un mois ; il a lieu a la mort des enfants, des oncles et des tantes. lis n'osent, pendant ce temps, ni se laver, ni se parfumer, ni se raser la barbe, ni raeme se couper les on- gles ; ils ne mangent point en famille. Le petit deuil dure une semaine : il a lieu a la mort du mari ou de la femme. En rentrant des funerailles, I'epoux en deuil se lave les mains, dechausse ses souliers et s'assied a terre , se tenant toujours en cette posture, et ne faisant que gemir et pleurer, sans travailler a quoi que ce soit jus- qu'au septieme jour. Ces usages n'ont lieu que chez les Juifs pur sang. Les Chinois en deuil s'habillent de grosse toile blanche , coupent leur queue et pleurent pendant troia mois. Le ma- gistral n'exerce pas ses fonctions; le plaideur suspend ses proces. Les jeunes gens vivent dans la retraite, ne peuvent se marier qu'apres trois annees et n'ecrivent qu'a I'encre bleue pendant un an. Le deuil des Caraibes consiste a se couper les cheveux et a jeuner rigoureusement jusqu'a ce que le corps du defunt qu'ils pleurent soit pourri; apres quoi ils font la debauche pour chasser toute tristesse de leur esprit. Chez cer- tains peuples de I'Amerique , le deuil etait con- forme a I'age du mort. On elait inconsolable a la mort des enfants et on ne pleurait presque pas les vieillards. Le deuil des enfants, outre sa du- ree, etait commun, et ils etaient regrettes de tout le canton ou ils etaient nes. Le jour de leur mort, on n'osait pas approcher des parents, qui faisaient un bruit effroyable dans leur maison, se livraient a des acces de fureur, hurlaient comme des desesperes , s'arrachaient les che- veux, se mordaient, s'egratignaient tout le corps. Le lendemain ils se renversaient sur un lit qu'ils treinpaient de leurs larmes. Le troisieme jour ils commencaient les gemissements qui duraient toute I'annee, pendant laquelle le pere et la mere ne se lavaient jamais. Le reste de la ville, pour compatir a leur affliction , pleurait trois fois le jour, jusqu'a ce qu'on eut porte le corps a la sepulture Voy. Funerailles. Deumus ou Deumo, divinite des habitants de Calicut, au Malabar. Cette divinite, qui n'est qu'un diable adore sous le nom de Deumus, a une couronne, quatre cornes a la tete et quatre dents crochues a la bouche, qui est fort grande ; elle a le nez pointu et crochu, les piedsen pattes de coq, et tient entre ses griffes une ame qu'elle semble prele a devorer ^. Devadi, penitent hindou de noble race, qui avait regu de ses dieux le privilege de rajeunir les vieillards. Devaux, sorcier du seizieme siecle, a qui Ton trouva une marque sur le dos, de la forme d'un chien noir, Lorsqu'on lui enfongait une epingle dedans, il n'en eprouvait aucune dou- ' Muret, Des ceremonies funebres, etc. 2 Leloyer, Histoire des spectres ou Apparitions des esprits, liv. Ill, ch. iv, p. 207. DEV — 209 — DEV leur; mais lorsqu'on se disposait a y planter I'aigLiille , il se plaignait beaucoup , quoiqu'il ne vit pas celai qui portait les doigts au-dessus de la marque K Devendiren. Voy. Courtisanes. Deumus. Devins, gens qui devinent et predisent les choses futures. Dans un siecle aussi eclaire que le notre pretend I'etre , il est encore des per- sonnes qui croient aux devins ; souvent meme ces personnes si credules ont regu une education qui devrait les elever au-dessus de ces prejuges vulgaires, lln plat d'argent ayant ete derobe dans la maison d'un grand seigneur, celui qui avail la charge de la vaissselle s'en alia avec un de ses compagnons trouver une vieille qui ga- gnait sa vie a deviner. Croyant deja avoir decouverl le voleur et recouvre le plat , ils arri- verent de bon matin a la maison de la devine- resse, qui, remarquant en ouvrant sa porte qu'on I'avait salie de boue et d'ordure, s'ecria tout en colere : — « Si je connaissais le gredin qui a mis ceci a ma porte pendant la nuit, je lui rejetterais tout au nez. » Celui qui la venait consulter regardant son compagnon : — « Pour- quoi, lui dit-il, allons-nous perdre de I'argent? cette vieille nous pourra-t-elle dire qui nous a voles , quand elle ne sait pas les choses qui la touchent ^ ? » Un passage des Confessions de saint Augustin (liv. IV, chap, n ) nous donne une idee de ce que faisaient les devins de son temps. — « J'ai un souvenir bien distinct, dit-il, quoiqu'il y ait longteraps que la chose soit arrivee, qu'ayant eu dessein de disputer un prix de poesie qui se donnait publiquement a celui qui avait le mieux reussi, un certain homme qui faisait le metier de devin voulut traiter avec moi pour me faire ' Delancre, Tableau de I'inconst. des demons, etc., Hv. Ill, p. 185. 2 Barclay, dansYArgenis. remporter le prix. Saisi d'horreur pour les sa- crifices abominables que les gens de cette pro- fession offraient aux demons , je le renvoyai au plus loin et lui fis dire que, quand la couronne dont il s'agissait ne se devrait jamais fletrir, quand meme ce serait une couronne d'or, je ne consentirais jamais que, pour me la procurer, il en coutat la vie a une mouche. >• Devin. Aujourd'hui, chez nous, dans beaucoup de departements encore , les jeunes villageois que le recrutement militaire menace dans la plus sainte des libertes vont trouver les devins pour obtenir un heureux numero au tirage. L'Irlande a toujours des devineresses. Elles font la mede- cine , et disent surtout la bonne aventure ; elles tordent pour cela un echeveau mystique qu'il faut descendre dans la carriere a chaux, au bord de laquelle la curieuse demande : « Qui tient? » Elle attend la reponse avec grande inquietude. La devineresse explique si c'est un pretendant ou un demon. Ces femmes connaissent le lieu ou quatre sources se reunissent. C'est la qu'a une epoque mysterieuse de I'annee elles trempent la chemise qui doit ensuite etre deployee devant le feu, a minuit, au nom de Belzebuth, pour etre retournee avant le matin par I'image de i'epoux destine a celle qui consulte cette voix du sort. Elles font tenir le peigne de la main gauche a une jeune fille qui porte en meme temps de la droite une pomme a sa bouche, pour voir son futur adjure dans une glace. On ote pendant cette operation tout instrument de fer de la mai- son; car sans cela, au lieu d'un beau jeune homme avec une bague au doigt, la curieuse verrait un corps sans tete venir a elle arme d'une broche ou d'un fourgon. Voy. Cartomancie, Main, Predictions, et cent autres moyens de deviner. Devouement, mouvement de ceux qui se d^- vouent ou sort de ceux qu'on devoue. Les his- toires grecque et romaine fournissent beaucoup de traits de devouement. Nous ne rappellerons DIA — 2 pas ici le devouement de Decius {Voy. ce mot) , ni celui de Codrus, ni lant d'autres. II y avait aussi des villes ou Ton donnait des maledictions a un homme pour lui faire porter tons les maux publics que le people avait merites. Valere- Maxime rapporte I'exemple d'un chevalier ro- main, nomme Curtius, qui voulut attirer sur lui-meme tous les malheurs dont Rome etait me- nacee. La terre s'etait epouvanlablemeut entr'- ouverte au milieu du marche ; on crut qu'elle ne reprendrait son premier etat que lorsqu'on ver- rait quelque action de devouement extraordi- naire. Le jeune chevalier monte a cheval, fait le tour de la ville a toute bride, et se jelte dans le precipice que Touverture de la terre avait pro- duit, et qu'on vit se reformer ensuite presque en un moment. On lit dans Servius, sur Virgile, qu'a Marseille, avant le christianisme, des qu'on apercevait quelque commencement de pesle, on nourrissait un pauvre homme des meilleurs ali- ments; on le faisaiL promener par toute la ville en le chargeant hautement de maledictions, et on le chassait ensuite, afin que la peste et lous les maux sortissent avec lui'. Les Juifs de- vouaient un bouc pour la remission de leurs pe- ches. Voy. Azazel. Voici des traits plus modernes : un inquisi- teur, en Lorraine, ayant visite un village devenu presque desert par une mortalile, apprit qu'on attribuait ce lleau a une femme ensevelie, qui avalait pen a peu le drap morluaire dont elle etait enveloppee. On lui dit encore que le lleau de la mortalite cesserait lorsque la morlc, qui avait devoue le village, aurait avale tout son drap. L'inquisiteur, ayant rassemble le conseil , fit creuser la tombe. On trouva que le suaire etait deja avale el digere. A ce spectacle, un ar- cher lira son sabre, coupa la leLe au cadavre, le jeta hors de la tombe et la peste cessa. Apres une enquete exacte, on decouvrit que cette femme avait ete adonnee a la magie et aux sortileges ^ Au reste, cette anecdote convient au vampi- risme. Voy. Envoutement et Vampires. Dia. Les anciens peuples de la Siberie ado- raient une divinite appelee Dia, qu'ils croyaient triple et une. Ses images la representaient avec trois tetes et six bras. Elle tenait un sceptre, un miroir et un coeur entlamme. Diable. C'est le nom general que nous don- nons a toute espece de demons. 11 vient d'un mot grec qui designe Satan, prccipitc da ciel. Mais on dit le diable lorsqu'on parle d'un esprit malin, sans le dislinguer particulierement. On dit le diable pour nommer specialement I'ennemi des hommes. On a fait mille contes sur le diable. Citons-en un. * Lebrun, Hisloire des superstitions, t. I, ch. iv, p. 413. 2 Sprenger, Malleus malefic., pari. I , qu£Est. xv. Voyez aussi Envoulement. DIA Un chartrcux elant en prieres dans sa cham- bre sent tout a coup une faim non accoutumee, et aussitol il voit entrer une femme , laquelle n'etail qu'un diable. Elle s'approche de la che- minee, allume le feu et, trouvant des pois qu'on avait donnes au religieux pour son diner, les fri- casse, les met dans I'ecuelle et disparait. Le chartreux continue ses prieres, puis il demands au superieur s'il peut manger les pois que le diable a prepares. Celui-ci repond qu'il ne faut jeler aucune chose creee de Dieu, pourvu qu'on la recoive avec actions de graces. Le religieux mangea les pois, et assura qu'il n'avait jamais rien mange qui fut mieux prepare. Nous ne dirons rien de ce petit trait, qui est rapporte sans doute en maniere de rire par le cardinal Jacques de Vitry. Mais voici d'autres' histoires qui font voir qu'on a pris quelquefois pour le diable des gens qui n'etaient pas de 1 autre monde. Un raarchand breton s'embarqua pour le commerce des hides, et laissa a sa femme le soin de sa maison. Cette femme etait sage ; le mari ne craignit pas de prolonger le cours de son voyage et d'etre absent plusicurs annees. Or, un jour de carnaval, la dame, vou- lant pourtant s'egayer un peu , donna a ses pa- rents et a ses amis une petite fete qui devait ctre suivie d'une collation. Lorsqu'on se mil au jeu, un masque habille en procureur, ayant des sacs de proces a la main, entra et proposa a la dame de jouer quelques pistoles avec elle ; elle accepta le deli et gagna; le masque presenla en- core plusieurs pieces d'or qu'il perdit sans dire mot. Quelques personnes ayant vouUi jouer con- tre lui perdirenl ; iJ ne se laissait gagner que lorsque la dame jouait. On lit d'injurieux soup- cons sur la cause qui I'engageait a perJre. — Je suis le demon des richesses, dit alors le masque en sortant de ses poches plusieurs bourses plei- nes de louis. Je joue tout cela, madame, contre lout ce que vous avez gagne. La dame trembla a cetle proposition et refusa le defi en femme pru- dente. Le masque lui offrit cet or sans le jouer; mais elle ne voulut pas I'accepter. Cette aven- lure commengait a devenir extraordinaire. Une dame agee, qui se Irouvait presente, vint a s'i- maginer que ce masque pouvait bien etre le dia- ble. Cette idee se communiqua a I'assemblee , et comme on disait ademi-voix ce qu'on pensait, le masque, qui I'entendit, se mil a parler plusieurs langues pour les confirmer dans cette opinion; puis il s'ecria tout a coup qu'il etait venu de I'aulre monde pour venir prendre une dame qui s'etait donnee a lui, et qu'il ne quitterait point la place qu'il ne se fut empare d'elle, quelque ob- stacle qu'on voulut y apporler... Tous les yeux se fixerent sur la maltresse du logis. Les gens cre- dules etaient saisis de frayeur, les autres a demi epouvantes; la dame de la maison se mit a rire. Enfm le faux diable leva son masque , et se fit 10 - DIA — 21 1 — DIA reconnaitre pour le mari. Sa femme jela un cri de joie en le reconnaissant. — J'apporte avec moi Topulence, dit-il. Puis se tournant vers les joueiirs : Vous eles des dupes, ajouLa-t-il; ap- prenez a jouer. II leur rendit leur argent, et la fete devint plus vive et plus complete. Un vieux negociant des Etats-Unis , retire du commerce, vivait paisiblement de quelques ren- tes acquises par le travail. II sortit un soir pour toucher douze cents dollars qui lui etaient dus. Son debiteur, n'ayant pas davantage pour le mo- ment, ne lui paya que la moitie de la somme. En rentrant chez lui, 11 se mit a compter ce qu'il venait de recevoir. Mais, pendant qu'il s'occupait de ce soin , il enlend quelque bruit, leve les yeux, et volt descendre de'sa cheminee dans sa chambre le diable en personne. 11 etait en cos- tume : tout son corps , convert de poils rudes et noirs, avait six pieds de haut. De grandes cornes surmontaient son front, accompagnees d'oreilles pendantes ; 11 avait des pieds fourchus, des grif- fes au lieu de mains , une queue , un museau comme on n'en voit point, et des yeux comme on n'en voit guere, A la vue de ce personnage, le vieux marchand eut le frisson. Le diable s'approcha et lui dit : — Mes affaires vont mal , je suis le diable ; il faut que tu me donnes sur I'heure douze cents dollars , si tu ne veux pas que je t'emporte en enfer. — Helas ! repondit le negociant , je n'ai pas ce que vous me demandez — Tu mens , interrompit brusquement le diable ; je sais que tu viens de les recevoir a I'instant. — Dites que je devais les recevoir ; mais on ne m'en a pu donner que six cents. Si vous voulez me laisser jusqu'a demain , je promets de vous compter la somme... Eh bien , ajouta le diablo en prenant les six cents dollars, apres un moment de reflexion, j'y consens; mais que demain, a dix heures du soir, je trouve ici les six cents autres, on je t'entraine sans misericorde. Sur Lout que personne, si tu tiens a la vie, ne soit instruit de notre enlrevue. — Apres avoir dit ces mots, le diable sortit par la porte. — Le lendemain matin, le negociant, qui etait un methodiste calme , alia trouver un vieil ami, et le pria de lui preler six cents dol- lars. Son ami lui demanda s'il en etait bien presse. — Oh ! oui , tres-presse ; il me les faut avant la nuit. II y va de ma parole et peut-etre d'autre chose. — Mais n'avez-vous pas regu hier une somme? — J'en ai dispose. — Cependant je ne vous connais aucune affaire qui ndcessite ab- sokiment de I'argent. — Je vous dis qu'il y va de ma vie... Le vieil ami, etonne, demande I'e- claircissement d'un pareil mystere. On lui re- pond que le secret ne pent se trahir. — Gonsi- derez, dit-il au negociant effare, que personne ne nous ecoule ; dites-moi votre affaire : je vous prelerai les six cents dollars. — Sachez done que le diable est venu me voir ; qu'il faut que je lui donne douze cents dollars; que je n'ai pu DIA 212 — DIA hier lui en remeltre que six cents, et qu'il me faut les six cents autres. — L'ami ne repliqua plus; il savait I'imagination de ce pauvre ami facile a effrayer. II tira de son coffre 1 a somme qu'on lui demandait, et la preta de bonne grace ; mais a huit heures du soir il se rendit chez le vieux marchand. — Je viens vous faire societe, lui dit-il , et attendre avec vous le diable que je ne serais pas fache de voir. Le negociant repon- dit que c'etait impossible, ou qu'ils s'expose- raient a etre emportes tous les deux. Apres des debats, il permit que son ami attendit I'evene- ment dans un cabinet voisin. A dix heures pre- cises, un bruit se fit entendre dans la cheminee, le diable parait dans son costume de la veille. Le vieillard se met en tremblant a compter les ecus. En meme temps, Thomme du cabinet en- tra. — Es-tu bien le diable? dit-il a celui qui de- mandait de I'argent... — Puis, voyant qu'il ne se pressait pas de repondre, et que son ami fris- sonnait, grelottait et tremblolait, il lira de sa poche deux longs pistolets, et, les presentant a la gorge du diable, il s'ecria : — Je veux savoir si tu es a I'epreuve du feu Le diable recula, cherchant a gagner la porte, — Fais-toi bien vite connaitre ou tu es mort... — Le demon se hata de se demasquer et de mettre bas son cos- tume infernal. On trouya sous ce deguisement un voisin du bon marchand, qui faisait quelque- fois des dupes et qu'on n'avait pas encore soup- Qonne. II fut juge comme escroc, et le negociant apprit par la que le diable n'est pas le seul qui soit dispose a nous nuire. Yoici une autre aventure ou la coquinerie a voulu se cacber sous le masque du diable. Eile a eu lieu il n'y a que quelques annees. Toute la ville de Brunn etait en emoi ; les rues etaient en- combrees. Les jeunes gens riaient; les vieillards et les femmes pleuraient, se signaient et appe- laient a leur aide tous les saints. Cinq gendar- mes conduisaient a la prison le diable meme. Tete surmontee de deux cornes, et flanquee d'o- reilles de bouc, corps velu, a jambes de cheval, a pieds fourchus, et ce Lucifer penaud se laissait conduire a la geole. Voici dans quelles circon- stances. Au village de Demon, une paysanne, Marie Hert, venait d'accoucher; pendant qu'elle se Irouvait seule dans sa chambre, elle entendit un bruit semblable a un cliquetis de chaines, puis a I'instant meme s'approcha de son lit le diable que nous venons de decrire , et qui lui dit : « Donnez-raoi votre enfant nouveau-ne ou les cent florins que vous avez en pieces neuves de vingt-quatre kreutzersi » La pauvre femme intimidee indiqua au diable I'endroit ou se trou- vait cette somme ; le diable s'en empara et dis- parut. Le jour venu, Marie Hert fit appeler son cure, et lui raconta ce qui lui etait arrive ; elle ajouta que les cent florins que le diable lui avait enle- ves, elle les avait economises sou par sou. Le bon cure lui demanda si elle n'avait dit a per- sonne qu'elle possedat les cent florins; elle lui repondit qu'elle n'avait confie ce secret qu'a sa sage-femme. « Alors, dit le cure, il y a peut-etre un moyen d'arracher au diable votre argent. Voici ce que vous devez faire : racontez votre aventure de la nuit a votre sage-femme, et dites- lui qu'il est fort heureux que le diable ignorat que vous eussiez encore cinquante florins en bonne monnaie blanche, car autrement il vous aurait force a les lui livrer aussi. Si le diable re- vient -chez vous, ne craignez rien; je placerai dans le voisinage de votre maison un exorciste qui I'empechera de faire le moindre mal a vous et aux votres. » Ce conseil, Marie Hert le suivit. Elle fit la communication dont il s'agissait a la sage-femme. Dans la meme nuit, le diable lui fit une nouvelle visite, mais cette fois il n'eut pas le temps de lui demander de I'argent, car, au mo- ment ou il ouvrait la porte de la chambre, I'exorciste, c'est-a-dire un des gendarmes, le saisit par le collet. Ce pretendu diable etai't le mari de la sage-femme. Encore une historiette sur les idees qu'on se fait du diable : Rich , celebre arlequin de Londres , sortant un soir de la comedie, appela un fiacre, et lui dit de le conduire a la taverne du Soleil, sur le mar- che de Clarri. A I'instant ou le fiacre etait pres de s'arreter, Rich s'apergut qu'une fenetre de la taverne etait ouverte, et ne lit qu'un saut de la portiere dans la chambre. Le cocher descend, ouvre son carrosse, et est bien surpris de n'y trouver personne. Apres avoir bien jure, suivant I'usage, centre celui qui I'avait ainsi escroque, il remonte sur son siege, tourne et s'en va. Rich epie I'instant ou la voiture repassait vis-a-vis la fenetre, et d'un saut se reinet dedans. Alors il crie au cocher qu'il se trompe et qu'il a passe la taverne. Le cocher, tremblant, retourne de nou- veau, et s'arrete encore a la porte. Rich descend de voilure, gronde beaucoup cet homme, tire sa bourse et veut le payer. « A d'autres! monsieur le diable, s'ecria le cocher, je vous connais bien : vous voudriez m'empaumer; gardez votre argent. » A ces mots, il fouette et se sauve a toute bride. Nous nous representons souvent le diable comme un monstre noir : les negres lui attri- buent la couleur blanche. Au Japon, les parti- sans de la secte de Sintos sont persuades que le diable n'est que le renard. En Afrique le diable est generalement respecte. Les negres de la Cote-d'Or n'oublient jamais, avant de prendre leur repas, de jeter a terre un morceau de pain qui est destine pour le mauvais genie. Dans le canton d'Aute, ils se le representent comme un geant d'une prodigieuse grosseur, dont la moitie du corps est pourrie, et qui cause infailliblement DIA 213 DIA la mort par son attouchement; ils n'oublient rien de ce qui peut detourner la colore de ce mons- tre. Ils exposent de tous cotes des mets pour lui. Presque tous les habitants pratiquent une cere- monie bizarre et extravagante , par laquelle ils pretendent chasser le diable de leurs villages; huit jours avant cette ceremonie, on s'y prepare par des danses et des festins ; il est permis d'in- sulter impunement les personnes meme les plus distinguees, Le jour de la ceremonie arrive, le peuple commence des le matin a pousser des oris horribles; les habitants courent de tous co- tes comme des furieux, jetant devant eux des pierres et tout ce qu'ils trouvent sous leurs mains ; les femmes furetent dans tous les coins de la raaison , et recurent toute la vaisselle , de peur que le diable ne se soit fourre dans une marmite ou dans quelque autre uslensile. La ce- remonie se termine.quand on a bien cherche et qu'on s'est bien fatigue; alors on est persuade que le diable est loin. Les habitants des iles Philippines se vantent d'avoir des entreliens avec le diable. lis racon- tent quequelques-uns d'entre eux, ayanthasarde de parler seuls avec lui , avaient ete tues par ce genie malfaisant ; aussi se rassemblent - ils en grand nombre lorsqu'ils veulent conferer avec le diable. Les insulaires des Maldives mettent tout en usage lorsqu'ils sont malades pour se rendre le diable favorable. lis lui sacrifient des coqs et des poules. Le diable nous est singulierement depeint par le pape saint Gregoire , dans sa Vie de saint Be- noit. Un jour que le saint allait dire ses prieres a I'oratoire de Saint-Jean , sur le mont Cassin , il rencontra le diable sous la forme d'un veteri- naire, avec une hole d'une main et un licou de I'autre. Le lexte disait : In mulo medici specie; par I'introduction d'une virgule qui de- compose le sens : In mulo, medici specie, un co- piste fit du diable ainsi deguise un docteur monte sur sa mule, comme cheminaient les docteurs en medecine avant I'invention des carrosses, et un tableau de cet episode ayant ete execute d'apres ce texte corrompu, Satan a ete souvent repre- sente avec la robe doctorale et les instruments de la profession en croupe sur sa monture. Une autre fois, on denonca a saint Benoit la conduite legere d'un jeune frere appartenant a I'un des douze monasteres affilies a la regie du reformateur. Ce moine ne voulait ou ne pouvait prier avec assiduite ; a peine s'etait-il mis a ge- noux, qu'il se levait et allait se promener. Saint feenoit ordonna qu'on le lui amenat au mont Gas- sin, et la, lorsque le moine, selon son habitude, interrompit ses devoirs et sortit de la chapelle , le saint vit un petit diable noir qui le tirait de toutes ses forces par le pan de sa robe. Parmi les innombrables episodes de I'hisloire du diable dans les Vies des Saints , quelques-uns sont plus bizarres, quelques autres plus effrayants. Saint Antoine vit Satan dresser sa tete de geant au-dessus des nuages, et etendre ses larges mains pour intercepter les ames des morts qui pre- naient leur vol vers le ciel. Parfois le diable est un veritable singe, et sa malice ne s'exerce qu'en espiegleries. G'est ainsi que, pendant des an- nees, il se tint aux aguets pour troubler la piet^ DIA — 21 DIB de sainte Gudule. Toutes ses ruses avaient ele vaines, lorsqne enfin il se resolut a iin dernier effort. C'etait la coutume de celLe noble et chaste vierge de se lever au chant du coq et d'aller prier a I'eglise, precedee de sa servante portant une lanterne. Que fit le pere de toule malice? il ^teignit la lanterne en sonfflant des- siis. La sainte ent recours a Dieu, et, a sa. priere , la meche se ralluma ; miracle de la foi qui sufiit pour renvoyer le malin honteux et confus. 11 n'est pas sans exemple que le diable se laisse tromper par les plus simples artifices, et une equivoque sufiit souvent pour le rendre dupe dans ses marches avec les sorciers ; coumie lorsque Nostradamus obtint son secours a condi- tion qu'il lui apparliendrait tout enlier apres sa mort, soil qu'il fut enterre dans une eglise, soit qu'il fut enterre dehors. Mais Nostradamus ayant ordonne par testament que son cercueil fuL de- pose dans la muraille de la sacrislie, son corps y repose encore, el il n'est ni dans I'eglise ni dehors. Le vieil Heywood a redige en vers une no- menclature curieuse de tous les petils demons de la superstition populaire ; il y comprend les far- fadels, les follets, les alfs ou elfs, les Robin Goodfellows, et ces lutins que Shakspeare a don- nes pour sujets a Oberon et a Titania. On a prouve que le roi ou la reine de feerie n'est au- tre que Satan lui-meme, n'importe son deguise- ment. I'oy. Puck et tous les lutins. On trouvera peut-elre un peu de frivolite dans tout ce qui vient d'etre dit ici sur le diable. Mais ce livre n'est pas un livre de theologie. Les lec- tears Chretiens savent que ce diable , dont saint Louis ne prononQait jamais le nom et qui est a tout propos dans la bouche de nous tous, cet esprit de malice noire, que nous citons souvent pour avoir Fair de nous en jouer, est le plus per- fide , le plus cruel et le plus implacable de nos ennemis ; « qu'il rode autour de nous chorchant qui devorern.Si nous I'avons traite ici d'une maniere trop legere, c'est par mepris; ce qui I'offense, comme I'a remarque saint Frangois de Sales, et ce meme saint conseille a ceux qui se trouvent circonvenus de lui ou des siens de re- pousser ces miserables en les nommant de sobri- quets qui les humilient. On a publit§ a Amsterdam une Hisloire du diable, 2 volumes in-12, qui est une espece de mauvais roman, ou les aventures du diable sont plusquemediocrement accommodeesala fanlaisie de I'auteur. M. Frederic Soulie a prodigue dans les Mdmoires du diable beaucoup de talent a faire un livre, qui aurait pu etre fort singulier et fort piquant si I'auteur avait respecte les moeurs. Voy. D^IMONS. Diable de mer. » Grand bruit parmi les ma- telots; on a crie tout d'un coup : Voild le diable. ilfaul I'avoir. Aussitot tout s'est reveille, tout a pris les armes. On ne voyait que piques, harpons et mousquets; j'ai couru moi-meme pour voir le diable, et j'ai vu un grand poisson qui ressemble a une raie, hors qu'il a deux cornes comme un laureau. 11 a fail quelques caracoles, loujours ac- compagne d'un poisson blanc qui, de temps en temps, va a la petite guerre et vient se remettre sous le diable. Enlre ses deux cornes, il porle ua petit poisson gris, qu'on appelle le pilote du diable , parce qu'il le conduit et le pique quand il voit du poisson ; et alors le diable part comme un trait. Je vous conte tout ce que je viens de voir *. » Diablerets, monlagnes de Suisse qui ont recu ce nom parce que dans la conlree on les croit habitecs inldrieurement par des diables. Les bonnes gens disent que c'est un faubourg de I'enfer. Diables bleus. On appelle ainsi les hallucina- tions. I'oy. ce mot. Diamant. La superstition lui allribuait des ver- lus merveilleuses contra le poison , la peste, les lerreurs paniques , les insomnies , les prestiges et les cncliantemenls.il calmait lacolere etentrete- nail I'union enlre les epoux , ce qui lui avait fait donner le nom do pierre de reconciliation. II avait en outre celte propriete talismanique de rendie invincible cclui qui le porlait, pourvu que, sous la planete de Mars, la figure de ce dieu ou celle d'Hercule surmonlant J'hydre y fut gravee. On a ele jusqu'a pretendre que les diamanls en en- gondraient d'autres ; et Ruerus parle serieuse- menl d'luie princesse de Luxemboiu'gqui en avait d'hereditaires, lesquelsen produisaient d'autres en certains temps 'K — Enfin les savants du seizieme siecle croyaient qu'on pouvait amollir le diamant avec du sang de bouc Diambiliche, nom du diable dans I'lle de Madagascar. 11 y est plus revere que les dieux memes : les pretres lui oflVenl les pr^mices de tous les sacrifices. Diave. C'est le nom du diable dans les iles Maldives. On lit dans le voyage de Pyrard de Laval , imprime en 1615, que les habitants de ces iles se figuraient alors la terre comme un grand plateau ilollant dans I'espace , enloure d'un im- mense remparl de cuivre qui le protege contre fenvahissement des eaux. lis croyaient que toutes les nulls le diable cherchait a percer ce rempart, et que quand il y serait parvenu ce serait le der- nier deluge et la fin du monde. Aussi tous ces ha- bitants se levaient avant le jour pour prier Dieu d'empecher le diable. Dibasson, sorciere arretee a vingt-cinq ans, ' L'abbe de Gtioisy, Relation de I'amhassade de Siam. 2 Incredulite. et mecreance, du sortilege, etc., tr. V, p. 37. ^ Erastne, Discours sur 1' Enfant Jesus. Die — 215 — DIG j avec Marie de la Ralde. Elle allait au sabbat et I disait que le sabbat est un vrai paradis. Dicke (Alice) , jeune Anglaise de Wiocauton . dont parle Glanvill. Elle avait un esprit familier qui kii suqait un peu de sang tous les soirs. Didier, imposteur bordelais du sixieme siecle, qui parut vers ce temps-la dans la ville de Tours. U se vantait de communiquer avec saint Pierre et saint Paul ; il assurait meme qu'il etait plus puissant que saint Martin et se disait egal aux apotres. Comme il avait su gagner le peuple, on lui amenait de tous cotes des malades a guerir ; i et voici, par exemple, comment il traitait les pa- ralytiques, II ordonnait qu'on etendit le malade a terre, puis il lui faisait tirer les membres si fort que quelquefois il en mourait; s'il guerissait, c'etait un miracle. Didier n'elait pourtant qu'un magicien et un sorcier, comme dit Pierre Delan- cre; car si quelqa'un disait du mal de lui en se- cret, il le lui reprochait lorsqu'il le voyait; « ce I qu'il ne pouvait savoir que par le moyen du de- mon qui lui allait reveler tout ce (jui se passait. » Pour mieux tromper le public, il avait un capu- chon et une robe de poll de chevre. 11 etait sobre devant le monde; mais lorsqu'il se retrouvait en son parliculier , il mangeait tellement qu'un , homme n'aurait pu supporter la viande qu'il ava- lait, Enfin ses fourberies ayant ete decouvertes, il fut arrete et chasse de la ville de Tours; et on n'enlendit plus parler de lui. Didron, savant archeologue qui a public re- cemmenl une curieuse Histoii c du diahle. Didyme. Voy, Posskdes de Flandre. Diemats. Petites images chargees de carac- teres que les guerriers de I'ile de Java portent comme des talismans, et avec lesquelles ils se I croient invulnerables : persuasion qui ajoute a i leur intrepidite. ' Dieux. On lit dans Tite-Live (iV, 30) : « Les ediles sont charges de veiller a ce qu'aucun dieu ne soit recu a Rome, s'il n'cst Romain et adore a la romaine.. . » I Digby (Le chevalier) , original anglais du dix- ! septieme siecle, connu sous le nom du Docteursijm- pathique. 11 avait le secret d'une poudre sympa- thique avec laquelle il guerissait les malades sans les voir et donnait la fievre aux arbres. Cette poudre, composee de rognures d'ongles, d'urine ou de cheveux du malade et placee dans un arbre, communiquait, disait-il, la maladie a I'arbre. Digonnet. C'est, de nos jours, le dieu d'une secte de beguins qui descend des manicheens et des anabaptistes. Ce dieu est vivant et M. Daniel Wurlh a donne de lui , dans le journal la Palrie , une notice si curieuse que nous croyons devoir la rapporter ici : « Jean-Raptiste Digonnet est ne a Tence (Haule- j Loire); il fut successivement magon, scieur de long et sabotier. Un chef de la secte des momiers lui ayant rempli la tete d'idees mystiques, il aban- donna ses travaux et se livra au vagabondage. Arrete en 18/)5, conduit dans les prisons de Mou- lins , puis rendu a la liberte , il continua sa vie errante pendant plusieurs raois. Arrete de nou- veau I'annee suivante, il fut incarcere dans la maison d'arret de Saint-Etienne, ou se trouvait un jeune beguin de Saint-Jean-Bonnefond qui, I'entendant citer a tout propos des passages de la Bible, lui confia que depuis longtemps les ha- bitants de cette commune attendaient le Dieu predit par les Ecritures. » Digonnet se promit de tirer parti de cette confidence. Peu de temps apres, ayant recouvre sa liberie , il se rendit a Saint-Jean-Bonnefond , oiiil executa son projet. Les beguins crurent asa divinite et le surnommerent leur petit bon dieu. A partir de cette epoque, de frequentes reunions de beguins eurent lieu dans cette commune. Dans ces reunions Digonnet prechait la religion a sa maniere, et par suite de son ascendant sur les hommes et surtout sur les femmes , se livrait a des actes d'une immoralite si profonde que la decence ne per met pas de les raconter. Arrete au milieu de ses fideles, il subit di verses condam- nations et fut detenu plusieurs fois dans des maisons d'alienes. S'etant evade de celle d'Au- rillac le 7 juillet 18Zi8, il revint a Saint-Jean- Bonnefond , ou la gendarmerie le saisit de nou- veau pour Tem-prisonner a Montbrison. » Ce fut dans cette derniere ville que je le vis. Digonnet est de petite taille ; il a le regard terne et sans aucune expression'; son front ne presente aucun indice d'intelligence ; ses joues et le des- sous de ses yeux sont colores d'une teinte bleuatre et par endroits legerement violacee ; un lie ner- veux balance continuellement sa tete sur ses epaules, et lorsqu'il debite ses lamentations ri- dicules, on voit de temps a autre passer entre les trois dents jaunes qui lui restent une petite chi- que, qu'il parait sucer avec un sentiment de delicieuse volupte. n Ce fut un de mes amis , commis greffier au tribunal de Montbrison , qui me procura I'avan- tage de voir ce divin vieillard et qui voulut bien le prior de me faire connaitre les diverses con- DIG — 216 — DIN damnations qu'il avait dejasubies. — N'ayant ja- mais passe en jugement, repondit-il, je n'ai pan encore subi de condamnation. Des brigands, il est vrai, m'ont fait emprisonner pour etouffer ma parole; mais je n'ai point ete juge et ne le serai jamais en ce monde, parce que ne relevant que du Pere, la justice des hommes ne peut arriver jus- qu'a moi !... — O^i'appelez-vous done le Pere? lui deman- dai-je, apreslui avoir entendu prononcer ce mot pour la seconde fois. — Le Pere! s'ecria-t-il, c'est Dieu!... c'est le Tout-Puissant qui m'a en- voye sur la terre pour annoncer aux hommes que les temps sont proches et que le chutiment sera ter- rible! — Mais, murmura en souriant men com- pagnon, vous n'etes done que prophete?... Je croyais que vous eliez dieu ? — Je suis dieu et prophete toal a la fois, me repondit-il d'une voix lente. Je suis le premier des sept elus qui sont repandus sur la terre. 11 m'a mis au-dessus d'eux parce que j 'avals une foi plus forte que leur foi, et en ceci il a agi comme un pere de famille, qui ayant sept enfants en aimerait un plus que les autres, parce que dans celui-la il aurait reconnu des qualitesdont les autres seraientdepourvus. » » En ce moment, j'avoue que j'eprouvais un certain plaisir a ccouter ce vieillard, fou pour les uns, fripon pour les autres. Le voyant assez bien dispose a me repondre , je me preparais a I'iq- terrogcr longuernent ; mais j'avais comple sans mon hole, c'est-a-dire sans mon ami, qui, voulant taquiner un pen sonprophete, comme il I'appelait, s'Jcria tout a coup : — Mais, pere Digonnet, dites- moi done pourquoi vous etes si bien vetu, vous qui defendez le luxe a vos lideles?... Savez-vous qu'il n'y a pas a Paris de plus beaux par-dessus que le votre; qu'on n'y voit rien d'aussi coquet que cette calotte de velours brodde d'or qui orne votre tele ; que ce superbe gilet noir brode comme votre calotte ; que celte chemise si fine , si blan- che... si... — Je sais tout cela, interrompit Digonnet sans se facher du ton railleur de mon compagnon; je porte ces velements parce que pour me les donner les beguins s'appauvrissent, ce qui les empeche de penser au superflu... Pour moi, je vous assure que je ne tiens pas a ces beaux habits. J'en ai de toutes les fagons. Mes beguins m'ont donne une culotte ou il y a pour plus de douze millc francs d'or en hroderies. Tenez , voyez ces attaches , con- tinua-t-il en deboutonnant son gilet pour me montrer de superbes bretelles marquees a ses initiales ; eh bien , j'en ai encore de plus belles... Mais, ajouta-t-il en faisant un geste des plus co- miques, <;ame coupe horriblement les epaules... j'aimerais mieux n'en pas avoir. » » Mon ami se mordit les levres pour ne pas rire; quant a moi, je me hatai de demander a Digonnet a quel ageil avait ete inspire. — A'cin- quante-cinq ans, me repondit-il; je ne devais I'etre qu'a soixante , mais le Pere m'a avance de cinq annees, a cause des iniquites qui se com- mettent sur la terre. — Comme dieu, comme prophete , vous devez avoir le don des miracles? — Oui ! — Ainsi, si vous le vouliez, vous sortiriez a I'instant de cette prison? — Non pas! Descendu sur la terre pour' y accomplir un sacrifice, je dois tout souffrir sans me plaindre. Les portes de cette prison se- raient ouvertes que je n'en sortirais pas avant I'ordre du Pere. Oh ! je suis d'une garde facile mainlenant; mais qnand le moment sera venu, les geoliers auront beau fermer leurs portes, tirer leurs verrous, je m'ouvrirai un passage invisible dans les murs ^pais qui m'entourent, et quittant la laide carcasse dans laquelle je suis incarne, j'irai rejoindre le Pere. — On dit, je crois, que vous fabriquez une echelle pour vous facililer cette ascension. — Ce sont les brigands qui disent ces absurdiles. . . Est-ce que la puissance du Pere ne suffira pas pour me faire traverser I'espace et m'y soutenir?... Est-ce que le soleil, est-ce que la lune, est-ce que les etoiles out eu besoin d'une echelle pour monter au firmament? Est-ce que la puissance du Pere n'est pas infinie? Est-ce que je ne puis pas ceque je veux , moi! » Le petit dieu des beguins pro- nonga ces dernieres paroles avec un ton d'ani- malion qui, malgresa mauvaise prononcialion et quelques liaisons hasardees , ne manquait pas d'une certaine poesie. Son visage s'etait forte- ment empourpre, et ne voulant pas sans doute s'entretenir plus longlemps avec nous, il rentra dans sa chambre sans ajouter un seul mot. » Mainlenant si, abandonnant le cote comique dc ce monomane, on se prend a penser qu'au dix-neuvieme siecle il peut encore se rencontrer des populations assez credules pour se laisser prendre aux absurdes predications d'un individu sans intelligence, sans apparence meme, on est saisi d'un sentiment de tristesse amere, et Ton se demande en tremblant s'il est vrai que la ci- vilisation ait chasse le fanatisme et I'ignorance du fond de nos campagnes? » Dindarte (Marie), jeune sorciere de Sare, dans les Basses-Pyrenees. Elle confessa avoir et6 souvent au sabbat. Qnand elle se trouvait seule et que ses vuisines elaient absenles, le diable lui donnait un onguent dont elle se frottait, et sur- le-champ elle se transportait par les airs. Elle voyageait ainsi la nuit du 27 septembre 1609; on I'apercut et on la prit le lendemain. Elle confessa aussi avoir mene des enfants au sabbat, lesquels se trouverent marques de la marque du DIN — 217 — DIV diable '. On lui demanda si on pouvait faire eveiUe le voyage du sabbat. Elle repondit qu'on n'y allait qu'apres avoir dormi, et que quelque- fois il suliisait d'avoir ferme un oeil pour s' en- lever. Dinscops, sorciere et sibylle du pays de Clo- ves, dont parle Bodin en son quatrieme livre. Elle ensorcelait et maleficiait tous ceux vers qui elle etendait la main. On la brula; et quand sa main sorciere et endiablee fut bien cuite, tous ceux qu'elle avait frappes de quelque mal revin- rent en sante... Diocletien. N'etant encore que dans les grades inferieurs de I'armee, il reglait un jour ses comples avec une cabaretiere de Tongres, dans la Gaule Belgique, Comme cette femme, qui etait drui- desse, lui reprochait d'etre avare : « Je serai plus genereux, lui dit-il en riant, quand je serai em- pereur. — Tu le seras, repliqua la druidesse, quand tu auras tue le sanglier. » Diocletien , etonne , sentit I'ambition s'eveiller dans son ame et chercha serieusement a presser I'accomplisse- ment de cette prediction, qui nous a ete conservee par Yupiscus. II se livra particulierement a la chasse du sanglier. Cependant il vit plusieurs princes arriver au trone sans qu'on songeat a I'y elever; et il disait sans cesse : « Je tue bien les sangliers; mais les autres en ont le profit. » 11 avait ete consul et il occupait des fonctions im- portantes. Quand Numerien eut ete tue par son beau-pere, Arius Aper, toutes les esperances de Diocletien se reveillerent : I'armee le porta au trone. Le premier usage qu'il fit de son pouvoir fut de tuer lui-meme de son epee le perfide Aper, dont le nom est celui du sanglier , en s'ecriant qu'il venait enfin de tuer le sanglier fatal. — On sait que Diocletien fut ensuite un des plus cruels persecuteurs de I'Eglise. II elaitphilosophe. Diocres. Voy. Chapelle du damn6. Diodore de Catane, magiciendont le peuple de Catane garda longtemps le souvenir. C'etait le plus grand sorcier de son temps; il fascinait tenement les personnes qu'elles se persuadaient etre changees en betes : il faisait voir en un in- stant aux curieux ce qui se passait dans les pays les plus eloignes. Comme on I'eut arrete en qua- lite de magicien , il voulut se faire passer pour faiseur de miracles. II se fit done transporter par le diable de Catane a Constantinople, et de Con- stantinople a Catane en un jour, ce qui lui acquit tout d'un coup parmi le peuple une grande re- putation ; mais ayant ete pris malgre son habi- lete et sa puissance , on le jeta en un feu ardent ou il fut brule Le peuple de Catane, qui ne I'a pas oublie, I'appelle Liodore. * Delancre, Tableau de I'inconst. des demons, etc., liv. IV, p. I'l?. 2 Leloyer. Histoire des spectres et apparitions des esprits, fiv. Ill, eh. viii, p. 316. Apres Thomas Fa- zelli, De rebus siculis, decas I, lib. III. Dion de Syracuse, fitant une nuit couche sur son lit, eveille et pensif, il entendit un grand bruit, et se leva pour voir ce qui pouvait le pro- duire. II apercut au bout d'une galerie une femme de haute taille , hideuse comme les Furies , qui balayait sa maison. 11 fit appeler aussitot ses amis et les pria de passer la nuit aupres de lui. Mais le spectre ne reparut plus. — Quelques jours apres le flls de Dion se precipita d'une fenetre et se tua. Sa famille fut detruite en pen de temps, et, « par maniere de dire, ajoute Leloyer, balayee et exterminee de Syracuse, comme la Furie, qui n'etait qu'un diable, avait semble Ten avertir par le balai ». Dionysio dal Borgo, astrologue italien qui professait la theologie a I'universite de Paris au treizieme siecle. Villani conte (livre X) qu'il predit juste la mort de Castruccio , tyran de Pistoie. Diopite, bateleur, ne aLocres, qui, apres avoir parcouru la Grece , se presenta sur le theatre de Thebes pour y faire des tours. Il avait sur le corps deux peaux de bouc, I'une remplie de vin et I'autre de lait, par le moyen desquelles il faisait sortir de ces liqueurs par sa bouche, si bien qu'on I'a mis au rang des sorciers. Discours. Discours des esprits follets, publie dans le Mercure galant de 1680. — Discours epou- vantahle d'une ^Irancje apparition de demons en la maison d'un geniilliomme en Silcsie, in-8", Lyon , par Jean Gazeau, 1609, brochure de 7 pages. — Discours sur la vanitS des songes^ et sur I'opinion de ceux qui croient que ce sent des pressentiments. Voy. SoNGES, etc. Disputes. L'abominable Henri YIII avait une telle passion pour I'argumentation , qu'il ne de- daigna pas d'argumenter avec un pauvre argu- mentateur nomme Lambert. Une assemblee ex- traordinaire avait ete convoquee a Westminster pour juger des coups. Le roi, voyant qu'il avait affaire a forte partie , et ne voulant pas avoir le dernier, donna a Lambert le choix d'etre de son avis ou d'etre pendu. C'est ainsi qu'un dey d' Al- ger, faisant un cent de piquet avec son vizir, lui disait : « Joue ccEur, ou je t'etrangle. » Lambert ne joua pas coeur; il fut etrangle. Nous citons cette anecdote parce que l'abominable Henri VIII etait assurement possede du diable. Diti, et son oeuf. Voy. Garuda. Dives. Les Persans nomment ainsi les mauvais genies ; ils en admettent de males et de femelles et disent qu'avant la creation d'Adam Dieu crea les Dives ou genies males et leur confia le gou- vernement du monde pendant sept mille ans; apres quoi , les Peris ou genies femelles leur suc- cederent et prirent possession de I'univers pour deux autres mille ans, sous I'empire de Gian- ben-Gian , leur souverain ; mais ces creatures etant tombees en disgrace pour leur desobeis- sance , Dieu envoya centre eux Eblis , qui , etant DIV — 21 8 — DOJ d'luie plus noble nature, eL forme de I'element du feu, avail ete eleve parmi les anges, Eblis, charge des ordres divins, descendit du ciel et fit la guerre contre les Dives et les Peris, qui se reunirent pour se defendre ; Eblis les defit el prit possession de ce globe, lequel n'etail encore habile que par des genies. Eblis ne fut pas plus sage que ses predecesseurs ; Dieu , pour abaltre son orgueil, fil Fhomme el ordonna a lous les anges de lui rendre hommage. Sur le refus d'Eblis, Dieu le depouilla de sa souverainele el le maudil. Ce ne sont la, conune on voil, que des alterations de TEcrilure sainte. Divinations. II y en a plus de cent series. Voij. AlectryomancU': , Alphitomancie , Astuaga- LOMANCIF, , ASTROLOGIE , BOTANOMANCIE , GaRTOMAN- ciE, Catoptromancie,Chiuomancie, Cristalloman- ciE, Cranologie, Daphnomancie , Gastromancie , HVDROMANCIE , LaMPADOMANCIE , MeTOPOSCOPIE , MiMiQUE, Necromangie, Onomancie, Ornithoman- ciE, Physiognomonie, Pyromancie, Rabdomancie, Theomancie, etc., etc., etc. Ciceron reduil toute la divination a deux especes, donl I'une elail na- Uirelle el I'autre artiiicielle (Cicero , De divin., lib. i). La premiere se faisait par une emotion de Tesprit qui , etant saisi d'une espece de fureur, predisail les choses a venir. Tel etait I'esprit qui animail la Pylhie sur le trepied. La divination artificielle se faisait par I'observation de signes et de circonstances naturelles dans les sujels que Ton savait destines u predire I'avenir. A celte seconde espece apparlenait I'astrologie, les au- gures, les auspices, les sortileges el les prodiges. Djilbeguenn, magicien larlare dont le souve- nir est vivace encore en Siberie. U brillail dans les temps hero'iques; et on raconle de lui de grandes merveilles. 11 se montrait quelquefois sous la figure d'un monstre a neuf teles. II etait monte sur un boeuf a Irenle cornes lorsqu'il coupa la tele de Comda'i-Mirguenn. II entendait le langage de toutes les betes. A la suite de beau- coup d'actions alroces, il est alle en enfer el n'en est pas revenu. Dobie, esprit familier dans le comte d'York en Angleterre. On donne cet esprit a toute famille qui porte le nom de Dobie. C'est, dit-on, le spectre d'un ancetre qui s'attache a quelques-uns de ses descendants. Docetes, heretiques du premier siecle qui niaient I'incarnation el qui soulenaienl que Nolre- Seigneur etait trop pur pour avoir pris une chair humaine. Saint Jerome ecrit a ce sujet que le sang du Sauveur fumait encore dans la Judee, lors- qu'on se mil a enseigner que son corps n'avait ete qu'un fanlome. lis doivent leur nom de do- cetes a un mot grec qui signifie appare7ice et qui explique leur sysleme que Jesus avail simple- menl paru un homme. Docks. Voy. Alfares. Dodone. Herodole raconle ainsi I'origine des oracles de Dodone. Deux colombes noires, selon les habitants de la contree, vinrenl dans le pays; I'une s'abattit sur un chene et dit d'une voix humaine qu'il fallait balir sous ce chene un temple a Jupiter : ce qui eul lieu ; el le chene rendit des oracles. Herodole explique ensuite que ces deux colombes etaient deux pretress?s egypliennes. La seconde de ces colombes se ren- dit en Libye, ou elle instilua le culle de Jupiter Ammon. Dogdo, ou Dodo, et encore Dodu. Voij. Zo- ROASTRE. Doigt. Dans le royaume de Macassar, si un malade est a I'agonie , le pretre idolatre lui prend la main et lui frotle doucement le doigt du mi- lieu, afin de favoriser par celte friction un che- min a Fame, c|ui sort loujours, selon eux, par par le bout du doigt. Les Turcs mangenl habituellement le riz avec les doigls ; ils n'emploienl pour cela que le pouce, I'index et le medius ; ils sont persuades que le diable mange avec les deux autros doigls. Dans certaines conlrees de la Grece moderne, on so croit ensorcele quand on voil quelqu'un etendre la main en presentant les cinq doigls. Doigt annulaire. C'est une opinion regue que le ({uatrieme doigt de la main gauci)e a une vertu cordiale; que celte vertu vient d'un vais- seau, d'un ncrf ou d'une veine qui lui est com- numiquee par le copur, et, par cetle raison, qu'il merile preferablement aux autres doigls I'hon- neur de porter I'anneau. Levinus Lemnius assure que ce vaisseau singulier est une artere, et non pas un ncrf, ni une veine, ainsi que le pretendent les anciens. II ajoute que les anneaux qui sont portes a ce doigt influent sur le coeur. Dans les evanouissements, il avail coutume de frotler ce doigt, pour lout medicament. II dit encore que la goutte rattaquc rarement, mais toujours plus lard que les autres doigls, et que la fin est bien proclie quand il vient a se nouer. Dojartzabal, jeune sorciere de quinze a seize ans qui confessa, vers 1609, avoir ete menee au sabbal par une autre sorciere, laquelle etait de- lenuc en prison*; ce que celle-ci niail, disant qu'etanl altachee a de grosses chaines de fer et surveillee, elle ne pouvail etre sortie de son ca- chol ; et que, si elle en etait sortie, elle n'y serail pas renlree. La jeune personne expliqua loutefois que, comme elle etail couchee pres de sa mere , celte sorciere I'etait venue chercher sous la forme d'un chat..., pour la transporter au sabbal, et que, malgre leurs fers, les sor- cieres peuvent aller a ces as?emblees, bien que le diable n'ait pas moyen de les delivrer des mains de la justice. Elle assura encore que le diable , qui la faisait enlever ainsi d'aupres de sa mere, mettait en sa place une figure qui lui res- ' Delancre, Tableau de I'inconst. des demons, etc., liv. II, p. 101. DOL — 219 — DOR semblait. CetLe pretendiie sorciere, qui n'exer- cait probablement qu'une petite vengeance, si elle n'etait pas en proie a quelque illusion, ne tut pas chatiee. Dolers, demon invoque dans les litanies du sabbat. Domfront (Guerin de) , fils de Guillaume de Belleme, seigneur de Domfront, ayant traitreu- sement fait couper la tete a son ennemi endormi chez lui, fut, dit-on, etouffe par le diable Domingina-Maletana, sorciere qui, dans une joute qu'elle fit avec une autre sorciere, sauta sans se blesser du haut de la montagne de la Rhune, qui borne les trois royaumes de France, d'Espagne at de Navarre, et gagna le prix ^ Dominique. Voy. Hallucinat[ons. Domitien. Un jour qu'il donnait un festin aux senateurs de Rome, a I'occasion de son triomphe sur les Daces, Domitien, qui avait de singuliers caprices, les fit entrer dans une salle qu'il avait fait tendre en noir, et qui etait eclairee par des lampes sepalcrales. Chaque convive se trouva place vis-a-vis d'un cercueil, sur lequel il vit son nom ecrit. .. Une troupe d'enfants barbouilles de noir representait une danse des ombres infer- nales. La dause finie, ils se disperserent, chacun aupres du convive qu'il devait servir. Les mets furent les raemes que ceux que I'on offrait aux morts dans les ceremonies funebres. Un morne silence regnait dans cette asseniblee. Domitien parlait seul ; il ne raconlait que des histoires san- glantes et n'entretenait les senateurs que de mort. Les convives sorlirent enfin de la salle du festin et furent accompagnes chacun a leur maison par des hommes vetus de noir, armes et silencieux. — A peine respiraient-ils, que I'empereur les fit redemander; mais c'etait pour leur donner la vaisselle qu'on avait servie devant eux et a cha- cun celui de ces petits esclaves qui les avaient servis. C'etait bien la mi plaisir de tyran, Domoivoi, esprils de tenebres chez les Russes. On les chasse par I'eau de la Neva, benite le jour de I'Jipiphanie. Donatistes, sectateurs de Donat, qui domi- naient et ne pardonnaient rien. Dans leurs fureurs centre les catholiques, qui admettent a la recon- ciliation ceux qui sont tombes , les donatistes atiaquaient partout les fideles enfants de I'Eglise, les assommaient, brulaient leurs maisons et leurs eglises, « Ils commencent leurs massacres au )) chant de V Alleluia, disent les recits contem- » porains; ni I'age, ni I'innocence n'obtiennent » grace a leurs yeux; quand ils veulent bien faire » misericorde , ils tuent d'un sfeul coup. » Leur schisme, eleve au commencement du quatrieme 1 Memoires de Thebaut de Champassais sur la ville de Domfront. 2 Delancre, Tableau de I'mconst. des demons, etc., liv. m, p. 210. siecle, dura une centaine d'annees. Les precedes des donatistes ont ete renouveles par les Albi- geois, puis par les hussites, par les lutheriens et par les calvinistes. Les camisars entraient dans cette voie, si on ne les eut pas arretes. Doni (Antoine-Francois) , Florentin, ne en 1503 ; il y a des choses bizarres dans ses Mondes cdlesles , terrestres et infernaux , volume in-k°, dont on a une vieille traduction francaise. Doppet (Frangois-Amedee) , membre du con- seil des Cinq-Cents, auteur d'un Traite theoriqne et pratique du magnetisme animal ; Turin , 1784 , un vol. in-8°; d'uhe Oraison funehre de Mesmer, avec son testament, Geneve, 1785, iii-8°; d'une Medecine occulte ou Traite de la macjie naturelle et medicinale , 1786, in-Zi". Dorach-y-Rhibyn , fee sinistre du pays de Galles. Elle vient frotter ses ailes de cuir centre les vitres pour annoncer la mort de quelqu'un. Elle appelle le malade par un long cri lamen- table. Doree (Catherine) , sorciere du dix-septieme siecle, qui fut brulee vive pour avoir tue son en- fant par ordre du diable ; elle jelait des poudres et guerissait les ensorceles en leur mettant un pigeon sur I'estomac. Barbe Doree, autre sor- ciere, etait parente de Catherine. Dormants. L'bistoire des sept Dormants est encore plus fameuse chez les Arabes que chez les Chretiens. Mahomet I'a inseree dans son Ko- ran, et les Turcs I'ont embellie. Sous I'empire de Decius, I'an de notre ere 250, il y eut une grande persecution centre. les Chretiens. Sept jeunes gens, attaches au service de I'empereur, ne voulant pas desavouer leur croyance et craignant les supplices, se refu- gierent dans une caverne situee a quelque dis- tance d'Ephese. Par une grace particuliere , ils y dormirent d'un sommeil profond pendant deux cents ans. Les mahometans assurent que , durant ce sommeil, ils eurent des revelations surpre- nantes, et qu'ils apprirent en songe tout ce que pourraient savoir des hommes qui auraient em- ploye un pareil espace de temps a etudier assi- dument. Leur chien, ou du moins celui d'un d'entre eux, les avait suivis dans leur retraite; il mit a profit, aussi bien qu'eux, le temps de son som- meil. 11 devint le chien le plus inslruit du monde. Sous le regne de Theodose le jeune, I'an de iNotre-Seigneur Zi50 , les sept Dormants se reveil- lerent et entrerent dans la ville d'Ephese, croyant n'avoir fait qu'un bon somme ; mais ils trouverent tout bien change. 11 y avait longtempsque les per- secutions centre le christianisme etaient linres; des empereurs Chretiens occupaient les deux trones imperiaux d'Orient et d'Occident. Les questions des freres et I'etonnement qu'ils temoi- gnerent aux reponses qu'on leur fit surprirent tout le monde. lis conterent naivement leur his- DOS — 220 — DRA Loire. Le peiiple, frappe d'admiration , les con- duisit a I'eveque, cekii-ci aa patriarche et le patriarche a I'empereur. Ges sepl Dormaiits reve- lerent les choses du monde les plus singalieres, et en predirent qui ne I'etaient pas moins. lis annoncerent entre autres I'avenement de Maho- met, I'elablissement et les succes de sa religion, comme devant avoir lieu deux cents ans apres son re veil. Quand ils eurent satisfait la curiosite de I'em- pereur, ils se retirerent de nouveau dans leur caverne et y moururent tout de bon : on monlre encore cetle grolte aupres d'Ephese. Quant a leur chien Kratim ou Kalmir, il acheva sa carriere et vecut autant qu'un chien peut vivre, en ne comptant pour rien les deux cents ans qu'il avait dormien compagnie de ses maitres. C'etait un animal dont les connaissances surpas- saient celles de tous les pbilosophes, les savants et les beaux esprits de son siecle ; aussi s'em- pressait-on de le feter et de le regaler ; et les mu- sulmans le placent dans le paradis de Mahomet, entre I'ane de Balaam et celui qui portait Notre- Seigneur le jour des Rameaux. Cette historielte a tout Fair d'une contre-parlie de la fable d'Epimenides de Crete, qui, s'etant endormi sur le midi dans une caverne en cher- chant une de ses brebis egai'ee, ne se reveilla que quatre-vingt-sept ans apres, et se remit a chercher ses brebis comme s'il n'eut dormi qu'un peu de temps. Delrio parle d'un paysan qui dorniil un automne el un hiver sans se reveiller*. bosithee, magicien de Samarie, contempo- rain de Simon le Magicien ; il se presentait comme etant le vraie Messie, et il parvint a seduire la foule par des prestiges, des enchantements el des tours d'adresse. 11 menait avec lui trente disciples, autant qu'il y avait de jours dans le mois, et n'en voulait pas plus. 11 avait admis a sa suite une femme qu'il appelait la Lune. 11 ju- daisait, et le point capital de sa doctrine consis- tait, pour ceux qu'il enlrainait, a passer le jour du sabbat dans I'immobilite la plus complete. Double. On croiten Ecosse qu'un homme peut etre double, c'esl-a-dire qu'il peut etre vu a la fois en deux lieux differents, qu'il peut lui-meme, en certaines occasions, voir sa doublure devant lui. Cette doublure n'est qu'une ombre, a la ve- rite. Eh bien, nous pouvons avoir le meme avan- lage en nous plagant devant une glace. — Voy. Flaxbindf.r. Dourga , monstrueuse divinite des Indiens. Voij. Fktes religieuses de l'Inde. Dourlet (Simone). Voy. Poss^id^ies de Flandre. Douze , c'est un nombre heureux. Les apolres elaient douze, dit Cesaire d'liesterbach, parce que le nombre douze est compose de quatre fois Irois, ou de trois fois quatre. lis ont ete elus douze ajoute-t-il, pour annoncer aux quatre coins du monde la foi de la sainte Trinite. Les douze apolres, dil-il encore, sont les douze signes du zodiaque, les douze mois de I'annee, les douze heures du jour, les douze etoiies de la couronne de I'epouse. Les douze apolres sont encore les douze fils de Jacob, les douze fon- taines du desert, les douze pierres du Jourdain, les douze boeufs de la mer d'airain, les douze fondemenls de la Jerusalem celeste. Drac , demon du rang des princes de I'enfer. II se montra a Faust en maniere de flamme bleue, avec une queue rougealre. Brack, lutin du midi de la France. Dans cer- taines contrees, ce n'est qu'un follet malin qui prend loules sortes de formes et fait toules sorles d'espiegleries. Dans d'autres , c'est un ogre. l ay. Ogres. Draconites ou Dracontia. Pierre fabuleuse ([ue Pline et quelques naturalisles anciens ont placee dans la lete du dragon. Pour se la procu- rer, il fallait I'endormir avant de lui cooper la tete. Dragon. Les dragons ont fait beaucoup de bruit; el, parce que nous n'en voyons plus, les sceptiques les ont nies : mais Cuvier et les geo- logues modernes ont reconnu que les dragons avaient exists. G'est seulement une race perdue. C'etaient des sortes de serpents ailes. Philoslrate dil que, pour devenir sorciers et devins, les Arabes mangeaient le coeur ou le foie d'un dra- gon volant. On monlre aupres de Beyrouth le lieu ou saint Georges tua un monslrueux dragon ; il y avail sur ces lieux, consacres par le courage * Dans les Disquisitions magiques. de saint Georges, une eglise qui ne subsiste plus*. 11 est fait mention de plusieurs dragons dans les < Voyage deMonconis.deThevenotetdu P.Goujon. DRA — 221 — DRE legendes; quelques-uns peuvent etre des alle- gories ou par le dragon il faut entendre le de- mon que les saints ont vaincu. Le diable , en effet, porte soiivent le nom d'ancien dragon, et quel- quefois il a pris la forme de cet animal merveil- leux : c'est ainsi qu'il se montra a sainte Margue- rite. On dit que le dragon dont parle Possidonius couvrait un arpent de terre, et qu'il avalait, comme une pilule , un cavalier tout arme ; mais ce n'elait encore qu'un petit dragon en compa- raison de celui qu'on decouvrit dans I'lnde, et qui , suivant Maxime de Tyr, occupait cinq ar- pents de terrain. Les Chinois rendent une espece de culte au dragon. On en voit sur leurs vetements, dans leurs livres, dans leurs tableaux. lis le regardent comme le principe de leur bonheur ; ils s'ima- ginent qu'il dispose des saisons et fait a son gre tomber la pkiie et gronder le tonnerre. lis sont persuades que tous les biens de la terre- ont ele confies a sa garde, et qu'il fait son sejour ordi- naire sur les montagnes elevees. Le dragon etait aussi tres-important chez nos aieux ; et tous nos contes de dragons doivent re- mon ter a une haute antiquite. Voici la chronique du dragon de Niort'. Un soldat avait ete condamne a mort pour crime de desertion ; il apprit qu'a Niort, sa patrie, un enorme dragon faisait depuis trois mois des ravages, et qu'on promettait bonne recompense a celui qui pourrait en delivrer la conlree, II se presente ; on I'admet a combaltre le monstre, et on lui promet sa grace s'il par- vient a le detruire. Convert d'un masque de verre et arme de toutes pieces, I'inlrepide soldat va a I'anlre obscur ou se tient le monstre aile, qu'il trouve endormi. Reveille par une premiere bles- sure, il se leve, prend son essor et vole contre I'agresseur. Tous les spectateurs se retirent, lui seul reste et I'attend de pied ferme. Le dragon tombe sur lui et le terrasse de son poids ; mais au moment qu'il ouvre la gueule pour le devo- rer, le soldat saisit I'instant de lui enfoncer son poignard dans la gorge. Le monstre tombe a ses pieds. Le brave soldat allait recueillir les fruits de sa victoire, lorsque, pousse par une fatale curiosite , il ota son masque pour considerer a son aise le redoutable ennemi dont il venait de triompher. Deja il en avait fait le tour, quand le monstre, blesse mortellement, et nageant dans son sang, recueille des forces qui paraissaient epuisees, s'elance subitement au cou de son vain- queur et lui communique un venin si maifaisant qu'il perit au milieu de son triomphe. — On voyait encore, il y a peu de temps, dans le cimetiere de Ihopital de Niort, un ancien tombeau d'un homme tue par le venin du serpent. Est-ce aussi une allegorie ? A Mons, on vous contera I'histoire du dragon 1 Voyage dans le Finistere, t. Ill, p. 1 12. qui devastait le Hainaut*, lorsqu'il fut tue par le vaillant Gilles de Chin, en 1132. Et que direz- vous du dragon de Rhodes, qui n'est certainement pas un conte^? Voy. Trou du chateau de Car- NOET. Dragon rouge. Le dragon rouge , ou I'art de commander les esprits celestes , aeriens , ter- restres, infernaux, avec le vrai secret de faire parler les morts, de gagner toutes les fois qu'on met aux loteries, de decouvrir les tresors ca- ches, etc., etc., in-18, 1521. On a reimprime tres-frequemment ce fatras absurde, dont on trouvera les plus curieuses elu- cubrations a leur place, dans ce dictionnaire. Drames. Le theatre n'a pas neglige les mer- veilleuses ressources que lui offraient les demons, les follets, les revenants, la magie et les sciences occultes. De nos jours on a fait les Sept chateaux du Diable, les Pilules du Diable, la Part du Diable; on a meme mis en vaudeville les Me- moires du Diable, de M. Soulie. L'Esprit follet, de Colle; le Spectre, de Seraminis; celui d'Ham- let; les Sorcieres, de Macbeth; la Sylphide, le Magicien du Pied de mouton, et une foule d'au- tres donnees sont prises, comme Robin des bois, le Chasseur rouge, Trilby, le Vampire, les IVi- lis, etc., etc., du vaste repertoire de prodiges qui aliraentent les livres de demonologie. Drape. On donne a Aigues-Mortes le nom de Lou Drape a un cheval fabuleux , qui est la ter- reur des enfants, qui les retient un peu sous I'aile de leurs parents , et reprime la negligence des meres. On assure que quand Lou Drape vient a passer, il ramasse sur son dos, I'un apres I'autre, tous les enfants egares; et que sa croupe, d'abord de taille ordinaire , s'allonge, au besoin , jusqu'a contenir cinquante et cent enfants qu'il emporte on ne sait oii. Drawcansir, lutin matamore qui, chez les Anglais, gourmande les rois, disperse les arraees et seme le desordre partout. C'est probablement ce que les anciens appelaient la terreur panique. Drepano. L'esprit de Drepano a aussi sa ce- lebrite : il faisait grand bruit, jetait des pierres qui ne blessaient pas , lancait en I'air les usten- siles de menage sans rien briser, et chantait des chansons scandaleuses , le tout sans se montrer. Quand le maitre de la maison ou il hantait reve- nait de quelque course trempe par la pluie , il I'annongait avant que personne le vit, et pres- sait la famille d'alluraer un grand feu. C'etait un 1 Voyez cette legende dans Les douze convives du chanoine de Tours. 2 « Les divers insectes carnivores , vus au micro- scope, sont des animaux forniidables ; ils etaient peut- ^Lre ces dragons ailes dont on retrouve les anatomies; diminues de taille a mesure que la matiere diminuait d'energie, ces hydros, griffons et autres se trouve- raient aujourd'hui a I'etat d'insectes. Les geants ante- diluvians sont les petits hommes d'aujourd'hui. » (Chateaubriand, Memoires, tome IL) DRl — 2: demon obsesseiir qui ne reussit pas; car les ha- bitants de la maison se condiiisirent en Chre- tiens, ce qui suffit souvent'. Driff, nom donne a la pierre de Buttler, a la- quelle on attribuait la propriele d'attirer le ve- nin ; elle etait , dit-on , composee de mousse for- mee sur des teles de mort, de sel niarin, de vitriol cuivreux empate avec de la colle de pois- son. On a pousse le merveilleux jusqu'a pre- tendre qu'il suffisait de toucher cette pierre du bout de la langue pour elre gueri des maladies les plus redoutables. Van Helmont en fail de grands eloges. Drolles. Les droiles sont des demons ou lu- tins qui, dans certains pays du Nord, prennenl soin de panser les chevaux , font tout ce qu'on leur commande et avertissent des dangers. Voy. Farfadets , BiiRrrn , Kobold , etc. Drouva, roidel'Hindoustan, qui regna vingl- six millc aiis, on ne sait ou , et qui laissa Irois enfants : Kai pagaLarou , Kouraga ct Kourkala; ce qui est pen pour une si longue vie. Drows. C'est le nom qu'on donne aux duer- gars dans les iles Orcades. Drude (la), cauchemar femclle qui, en forme d'une vieille furie, parait serrer la gorge d'une personne endormie. Pline I'appelle Malum dce- moniacnm. Druides, pretres des Gaulois. lis enseignaient la sagesse et la morale aux principaux person- nages de la nation, lis disaient que les araes cir- culaient eternellemenl de ce monde-ci dans I'autre ; c'est-a-dire que ce qu'on appelle la mort est I'entree dans I'aulre monde, et ce qu'on ap- pelle la vie en est la sortie pour revenir dans ce monde-ci ^ Les druides d'Autun attribuaient une grande vertu a I'oeuf de serpent; ils avaient pour ar- moiries dans leurs bannieres : d'azur a la cou- chee de serpents d'argent, surmontee d'un gui de chene garni de ses glands de sinople. Le chef des druides avail une clef pour symbole K 1 Delrio, Disquisit., lib. VI, cap. ii. - Diodore de Sicile. 3 Saint-Foix, Essais, etc., t. IL I - DRU Druidesses. Dans la petite ile de Sena, au- jourd'hui Sein, vis-a-vis la cote de Quimper, il y avail un college de druidesses que les Gaulois appellent Sencs (prophetesses). Elles etaienl au nombre de neuf, gardaienl une perpeUielle vir- ginite, rendaienl des oracles et avaient le pou- voir de retenir les vents et d'exciler les tem- peles; elles pouvaient aussi prendre la forme de toule espece d'animaux, guerir les maladies les plus inveterees et predire I'avenir. Elles exer- gaient un sacerdoce. II y avail d'autres drui- desses qui se mariaient; mais elles ne sortaient qu'une fois dans I'annee, el ne passaient qu'un seul jour avec leurs maris'. Voy. aussi Dio- CLl'n iHN , Vl:LLl-DA , CtC. L)i uitlc. Druses, peuplade feroce qui habite le Liban. Elle adore un veau el n'est ni chretienne ni musulmane. Drusus. Charge par I'empereur Auguste du commandement de I'armec romainc qui faisait la guerre en Mkmagne , Drusus se preparait a passer I'Elbe, apres avoir deja remporte plu- sieurs vicloires, lorsqu'une femme majestueuse lui apparul el lui dit : — « Ou cours-tu si vite, Drusus? Ne seras-lu jamais las de vaincre? Ap- prends que les jours touchenl a leur lerme... » Drusus trouble lourna bride, fit sonner la re- traile el mourut au bord du Rhin. On vil en mcme temps deux chevaliers inconnus qui fai- saienl caracoler leurs chevaux autour des Iran- chees du camp remain, et on entendit aux en- virons des plaintes et des gemissements de femmes ^ ; ce qui n'est pas merveille dans une derou'.e. Drutes. Les drutes sont des sorcieres qui suivent Holda avec leurs quenouilles. Voy. HOLDA. ' Sainl-Foix, Essais sur Paris, t. Ill, p. 384. 2 Dion Cassius. DRY — 223 — DUE Dryden (Jean.), celebre poele anglais, inort en 1707. On rapporle qu'il tirait aux des le jour . de !a naissance de ses enfants, pour deviner s'il aurait un gargon ou une iille; et sa prediction relative au sexe de son fils Charles se realisa ' ; ce qui n'est pas fort etonnant, Voij. Astraga- LOMANCIE. Dsigofk, partie de I'enfer japonais ou les mediants sont lounnentes suivant le noinbre ou la qualite de leurs crimes. Leurs supplices ne durent qu'un certain temps, au bout duquel leurs ames sont renvoyeesdanscemonde, pour animer les animaux impurs dont les vices s'accordent avec ceux dont ces ames s'etaient souillees. De la elles passent successivement dans les corps des animaux plus nobles, jusqu'a ce qu'elles rentrent dans des corps humains, ou elles peuvent meriler ou demeriter sur nouveaux frais. Dualisme. II y a des tremblements de terre , des tempetes , des ouragans , des debordements de rivieres, des maladies pestiientielles , des betes venimeuses, des animaux feroces, des hommes naturellement mechants, perfides et cruels. Or, un etre bienfaisant, disaient les dua- listes, ne pent elre I'auteur du nial. Done il y a deux etres, deux principes, I'un bon, I'autre mauvais, egalement puissants, coeternels, et qui ne cessent point de se coinbattre. Si Ton refle- chit sur le dualisme, dit Saint-Foix, je crois Duergars. qu'on le trouvera encore plus absurde que I'ido- latrie. Les Lapons disent que Dieu, avant de pro- duire la terre, se consulta avec I'esprit malin, aflu de determiner comment il arrangerait chaque chose. Dieu se proposa done de remplir les ar- bres de moelle , les lacs de lait , et de charger les plantes et les arbres de tous les plus beaux fruits. Par malheur, un plan si convenable a I'homme deplut a I'esprit malin, qui fit toutes sortes de niches; et il en resulta que Dieu n'ela- blit pas les choses aussi bien qu'il I'aurait voulu. .. Un certain Ptolomee soutenait que le grand Etre avait deux femmes; que, par jalousie, elles se contrariaient sans cesse, et que le mal, tant dans ' Berlin, Curiosites de la Utterature, t. I, p. 248. le moral que dans le physique, venait unique- ment de leur mesintelligence , I'une se plaisant a gater, a changer ou a detruire tout ce que fai- sait I'autre. Les manicheens ont adopte le sys- teme des deux principes. Bardesane, les Ap- pellistes et une foule d'autres chefs de secte les ont dans cette voie precedes ou suivis. La ve- rite et le sens commun ont toujours repousse ces absurdes suppositions. Les luttes du bien et du mal nous sont exposees dans leur realite par la doctrine de I'Eglise catholique. Duende. Le Dmnde, lutin espagnol, cor- respond au Gobelin normand et au Tomte- gobbe suedois. Duende, selon Cobaruvias, est une contraction de ducno de casa, maitre de la maison. Ce farfadet espagnol a ete cite de tout DUF — 224 — DUR temps pour la facilile de ses metamorphoses. Duergars. Les diables nains ou diiergars de la Scandinavie sent de la meme famille que les elfs de la nuit. lis assistent a la mort de la dame de la maison qu'ils hantent et la gardent la nuit. Les doctrines scandinaves disent que leurs dieux les ont fait naitre en foule du cadavre d'Imer, et leur ont infuse toutes les sciences et tous les arts. Les Norvegiens attri- buent la forme reguliere et le pjli des pierres cristallisees aux travaux de ces petits habitants de la montagne dont I'echo n'est autre chose que leur voix. Cetle personnification poetique a donne naissance a un metre particulier en Is- lande, appele le galdralag, ou le lai diabolique, dans lequel le dernier vers de la premiere stance termine toules les autres. Dufay (Charles-Jerome de Cisternay), al- chimiste, quoique homme de guerre. II s'oc- cupait du grand oeuvre; et il depensa beaucoiip d'argent a la recherche de la pierre philoso- phale. II mourut en 1723. Duffo ou Duffus, roi d'Ecosse. Pendant une maladie de ce prince, on arreta plusieurs sor- ciers de son royaume qui rotissaient, aupres d'un petit feu, une image faite' a la ressem- blance du roi, sortilege qui, selon leurs confes- sions, causait le mal du monarque. En effet, apres leur arrestation , la sante de Duffus se re- tablit ^ Dulot (Jacques), magicien^ Voy. Marigny. Dumons ( Antoinc), sorcier du dix-septieme siecle, accuse de fournir des chandelles au sab- bat pour I'adoralion du diable. Duncanius, abbe de Liebenthal, qui, au douzieme siecle, lit un pacte avec le diable pour I'erection d'un immense edifice et crut jouer le malin. Mais le diable lui avait laisse un livre de conjurations au moyen duquel tout etait pos- sible. L'abbe osa s'en servir; il fit des choses prodigieuses , enlra dans les voies de I'orgueil , tomba dans les vices, et, au bout de quinze ans, devint la proie de Satan , qui I'emporta. Sa le- gende a ete ecrite par Henry Zschokke. Dupleix (Scipion), conseiller d'Etat et his- toriographe de France, mort en 1661. Parmi ses ouvrages tres-remarquables, on peut voir la Cause de laveilleet du sommeil, des songes, de la vie et de la mort. Paris, 1615, in-12; Lyon, 1620, in-S". Durandal,epee merveilleuse de Charlemagne. C'etait, selon les romans de chevalerie, un ou- vrage des fees. Durer (Albert), peintre illustre, ne a Nu- remberg en U71 , mort en 1528 , avec la gloire assez rare d'avoir laisse beaucoup de chefs- d'neuvre ou son pinceau , son crayon et son bu- rin n'ont jamais offense en rien la religion ni les moGurs. On raconte de lui une vision que nous rapporterons ici : « Albert, le pieux artiste, revait quelque nou- veau chef-d'oeuvre; il voulait se surpasser lui- meme; mais le genie de I'homme a ses limites que jamais il ne peut franchir sans se perdr'e dans les abimes du monde inlellectuel. Pendant une belle nuit d'ete, il avait commence et re- commence I'esquisse des quatre evangelistes. II voulait retracer les traits de ces hommes inspires qui furent trouves dignes de devenir les histo- riens de I'Homme-Dieu. Mais rien de ce que sa main produisail ne rendait a son gre les traits qui se peignaient dans son ame. C'etait a Nu- remberg. La nuit etait superbe, la lune eclairait de sa magique lumiere les eglises de Saint-Se- bald et de Saint-Laurent. Des milliers d'etoiles brillaient a la voute celeste au-dessus de cette ville silencieuse et de ses rues desertes. « Dieu, s'ecria Albert , a permis a des hommes de trans- former ici des debris de rochers en batiments magnifiques, pleins d'harmonie dans leur en- ' Leloyer, Histoire et discours des spectres, etc., liv. IV, ch. XV, p. 369. DUS — 225 — EAU semble et dans toutes leurs parties , elevant ma- jeslueusement leurs tours vers le ciel , et il ne me perinettrait pas a moi de I'endre sur la toile et en son honneur les portraits de ses saints en- voyes , portraits que cependant je porte en mon ame! » Albert se sent emu; ses mains se re- joignent pour prier ; et en ce moment I'eglise de Saint-Sebald se colore de feu et de flamme ; des nuages bleus forment le fond sur lequel se des- sinent les figures imposanles des quatre evange- listes. (( Oh ! voila, dit-il, les trails que j'ai en vain cherches, qui echappaicnt a mon art debile! » 11 court a sa toile abandonnee , il saisil ses pin- ceaux et bientot I'esquisse est terminee. II ne sera pas difficile au grand artiste d'achever di- gnement son oeuvre. » Durer croijait et voyait. Voila pourquoi il sut creer des chefs-d'oeuvre d'une si pure spiri- tualite. Beaucoup de ceux qui voulurent marcher sur ses traces echouerent souvent, non parce que le talent leur manquait , mais parce qu'ils n'avaienl pas sa foi naive et forte. Le ciel et ses merveilles resterent caches pour eux, derriere les sombres nuages du monde materiel » Buses, demons de la nuit qui effrayent les Allemands par une sorte de cauchemar. Duvernois. Voy. Rolande. Dysers, deesses des anciens Celtes, que Ton supposait employees a conduire les ames des heros au palais d'Odin , ou ces ames buvaient de la biere dans des coupes faites des cranes de leurs ennemis. Dythican, demon prince qui se montra au docteur Faust sous la forme d'une perdrix co- lossale, avec le cou mouchete de vert. Dzivogeon, femmes etranges, du genre des esprits elementaires. Elles habilent plusieurs montagnes de la Russie. -c&o- E ' Eatuas ou Atouas,dieux subalternes desOlai- liens, enfants de leur divinile supreme, Taroa- taihetoomoo , el du rocher Lepapa. Les Eatuas, dil-on , engendrerenl le premier homme. Ces dieux sont des deux sexes : les hommes adorent les dieux males, et les femmes les dieux femelles. lis ont des temples ou les personnes d'un sexe different ne sont pas adraises, quoiqu'ils en aient aussi d'autres ou les hommes et les femmes peuvent enlrer. Le nom iVEatua ou 'Atotta est aussi donne a des oiseaux , lels que le heron et le marlin-pe- cheur. Les Ola'iiiens et les insulaires leurs voi- sins honorent ces oiseaux d'une attention parti- culiere ; lis ne les tuenl point et ne leur font aucun mal ; mais ils ne leur rendent pourtanl aucune espece de culle, et paraissent n'avoir a leur egard que des idees superstitieuses relatives a la bonne ou mauvaise fortune ; ainsi le peuple a demi degrossi en a chez nous sur le rouge- gorge, sur I'hirondelle et sur quelques autres oiseaux. Les Otaitiens croient que le grand Eatua lui- meme est soumis en certains cas aux genies in- ferieurs a qui il a donne I'existence, qu'ils le de- vorent souvent, mais qu'il a toujours le pouvoir de se recreer. Eau. Presque tous les anciens peuples ont fait une divinite de eel element, qui, suivant certains philosophes, etaitle principe de toutes choses. Les Guebres le respectent; un de leurs livres sacres leur defend d'employer I'eau la nuit et de jamais emplir tout a fait un vase d'eau pour la faire bouillir, de peur d'en renverser quelques gouttes. Les cabalisles peuplent I'eau d'ondins et de nymphes. Voy. ces mots. Eau amere (Epreuve de 1'). Elle avail lieu ainsi chez les anciens Juifs : lorsqu'un homme soupgonnait sa femme en mal , il demandait qu'elle se purgeat selon la loi. Le juge envoyait les par- ties a Jerusalem, au grand consistoire, compose de soixante vieillards. La femme etait exhortee a bien regarder sa conscience, avant de se sou- meltre au hasard de boire les eaux ameres. Si elle persistait a dire qu'elle etait nette de peche, on la menait a la porte du Saint des saints, et on la promenait afin de la faliguer et de lui laisser le loisir de songer en elle-meme. On lui donnait alors un vetement noir. Un pretre elait charge d'ecrire son nom et toutes les paroles qu'elle avait dites ; puis se faisant apporter un pot de terre, il versait dedans avec une coquille la valeur d'un grand verre d'eau ; il prenait de la poudre du ta- bernacle, avec du jus d'herbes ameres, raclait le nom dcrit sur le parchemin et le donnait a boire a la femme, qui , si elle etait coupable, aussitot blemissait ; les yeux lui tournaient et elle ne tar- dait pas a mourir ^ ; mais il ne lui arrivait rien si elle etait innocente. Eau ardente, renommee chez les sorciers d'autrefois. Elle prenait feu au contact d'une al- lumetle enflammee : ce que fait I'eau-de-vie a present. Eau benite. C'est une couturae aussi ancienne < Nouvelle revue de Bruxelles. F^vrier 1844. 2 Leloyer, Histoire des spectres, liv. IV, ch. xxl. 15 EAU — 226 — EAU que I'Eglise et de tradition apostolique',de benir par des prieres, des exorcismes et des ceremo- nies, I'eau dont on fait des aspersions SLir les fi- deles et sur les choses qui sont aleur usage. Par cette benediction, I'Eglise demande a Dieu de purifier du peche ceux qui s'en serviront, d'e- carter d'eux les embiaches de Tennemi du salut et les fleaux de ce monde ^. Dans les constitutions apostoliques, I'eau benite est appelee un moyen d'expier le peche et de nieltre en fuite le demon. On se sert aussi au sabbat d'une eau particu- liere, que Ton ose appeler eau benite. Le sorcier qui fait les fonctions sacrileges qu'on appelle la messe du sabbat est charge d'en asperger les assistants Eau bouillante (Epreuve de 1'). On I'em- ployait autrefois pour dccouvrir la verite dans les tortures qu'on appelait temerairemcnt jugements de Dieu. L'accuse plongeait la main dans un vase plein d'eau bouillante, pour y prendre un anneau suspendu plus ou moins profondement. Ensuite on enveloppait la main du ])alieiit avec un linge sur lequel le juge et la partie adverse apposaicnt leurs sceaux. Au bout de trois jours on les levait; s'il ne paraissait point de marque de brulure, l'accuse etait renvoye absous. Eau d'ange. Pour faire de bonne eau d'ange, ayez un grand alambic dans lequel vous metlez les drogues suivantes : benjoin, quatre onces; slyrax , deux onces; sandal citrin, une once; clous de girofle, deux drachmes; deux ou trois morceaux d'iris de Florence ; la moitie d'une ecorce de citron ; deux noix muscades; cannelle, demi-once; deux pinles de bonne eau de roche; chopine d'eau de fleurs d'orange; chopine d'eau de melilot; vous metlez le tout dans un alambic bien scelle et vous distillez au bain-marie. Cette distillation sera une eau d'ange exquise ' , ainsi nommee parce que la receltc en fut enseignee par un ange... Elleguerit beaucoup de maladies, disent ses proneurs. Eau froide (Epreuve de 1'). Elle etait fort en usage au neuvieme siecle et s'etendait non-seu- lemeut aux sorciers elnux heretiques, mais encore a tout accuse dont le crime n'etait pas evident. Le coupable ou pretendu lei 6lait jete, la main droite liee au pied gauche , et la main gauche liee au pied droit , dans un bassin ou dans une grande cuve pleine d'eau , sur laquelle on priait pour qu'elle ne piat supporter un criminel : de fagon que celui qui n'enfoncait pas etait declare in- nocent, Eau lustrale. Eau commune dans laquelle, chez les peuples paiens, on eteignait un tison ar- ' LeV. Lehvnn, Explicaiiondes cerem., t. I, p. 76. 2 Bergier, Dictionnaire theologique. 3 Boguet, Discours des sorciers, ch. xxii, p. 141, etDelancre, Tableau de I' inconstance des demons, etc., liv. IV, disc. Ill, p. 437. * Secrets du Petit Albert, p. 162. "dent tire du foyer des sacrifices. Quand il y avail un mort dans une maison, on mettait a la porte un grand vase rempli d'eau lustrale, apporlee de quelque maison ou il n'y avail point de mort. Tous ceux qui venaient a la maison en deuil s'as- pergeaient de cette eau en sortant. — Les druides employaient I'eau lustrale a chasser les malefices. Eau verte. On lit dans Delancre que les sor- ciers composaient de son temps une eau verte, dont le contact donnait la mort. Voy. Poisons. Eberard, archeveque de Treves, mort en 1067. Ayanl menace les Juifs de les chasser de sa ville, si dans un certain temps qu'il leur ac- corda pour se faire inslruire, ils n'embrassaient pas le chrislianisme, ces miserables, qui se di- saienl reduits au desespoir, subornerent un sorcier qui, pour de I'argent, leur baptisa du nom de I'eveque une image de cire, a laquelle ils at- tacherent des meches el des bougies ; ils les al- lumerent le samedi saint , comme le prelat allait donner le bapteme. Pendant qu'il etait occupe a cette sainle fonclion, la statue etant a moitie consumee, Eberard se sentit extrememeiit mal; on le cohduisit dans la sacristie, oii (dit la chro- nique) il expira bientot apres Eblis, nom que les mahometans donnent au diable. lis disent qu'au moment de la naissance de leur prophete, le Irone d'Eblis fut precipite au fond de I'enfer el que les idoles des genlils furent renvers^es. Ebroin. On lit ceci dans Ic B. Jacques de Va- rasc (legenda cxiv) : — Une petite troupe de pieux cenobiles regagnait de nuit le monaslere. lis arriverenl au bord d'un grand fleuve et s'ar- reterent sur le gazon pour se reposer un instant. Bientot ils entendirenlplusieurs rameurs qui des- cpndaient le fleuve avec une grande impetuosite. L'un des moines leur deraanda qui ils etaient : (( Nous sommes des demons, repondirent \es ra- meurs, el nous emportons aux enfers I'ame d'E- 1 Histoire des archeviques de Treves, ch. LVii. EBR — 227 — ECL broin , maire du palais , qui tyrannisa la France et qui abandonna le monastere de Saint-Gal pour rentrer dans le monde. » fibron , demon honore a Tournay , du temps de Clovis. On ne voyait que sa tete, qui se re- muait pour repondre a ses devots. II est cite parmi les demons dans le roman de Godefroid de Bouillon, vieux poerae dont I'auteur etait du Hainaut. Echo. Presque tous les physiciens ont attribue la formation de I'echo a une repercursion de son, semblable a celle qu'eprouve la lumiere quand elle tombe sur un corps poli, L'echo est done produit par. le moyen d'un ou de plusieurs ob- stacles qui interceptent le son et le font rebrousser en arriere. II y a des echos simples et des echos composes. Dans les premiers, on entend une simple repetition da son, dans.les autres on I'en- tencl une, deux, trois, quatre fois et davantage. II en est qui repetent plusieurs mots de suite les uns apres les autres ; ce phenomene a lieu toutes les fois qu'on se trouve a une distance de l'echo telle qu'on ait le temps de prononcer plusieurs mots avant que la repetition du premier soit par- venue a I'oreille. Dans la grande avenue du cha- teau de Villebertain, a deux lieues de Troyes, on entend un echo qui repete deux fois un vers de douze syllabes. Quelques echos ont acquis une sorte de celebrite. On cite celui de la vigne de Simonetta, qui repetait quarante fois le meme mot. A Woodstock, en Angleterre, il y en avait un qui repetait le meme son jusqu'a cinquante fois. A quelques lieues de Glascow, en Ecosse, il se trouve un echo encore plus singulier, Un homme joue un air de trompette de huit a dix notes; l'echo les repete fidelement, mais une tierce plus bas et cela jusqu'a trois fois, inter- rompues par un petit silence. II y eut des gens assez simples pour chercher des oracles dans les echos. Les ecrivains du der- nier siecle nous ont conserve quelques dialogues de mauvais gout sur ce sujet : — Un amant : Dis- moi, cruel amour, mon bonheur est-il evanoui? L'icho : Oui. — L'amant : Tu ne paries pas ainsi quand tu seduis nos coeurs, et que tes promesses les entralnent dans de funestes engagements. L'Mio : Je mens. — L'amant : Par pitie, ne ris pas de ma peine. Reponds-moi, me reste-t-il quelque espoir ou non 1 L'echo .-Non. — L'amant: Eh bien , e'en est fait, tu veux ma mort, j'y cours. Vecho : Cours. — L'amant : La contree, instruite de tes rigueurs, ne sera plus assez insensee pour dire de toi un mot d'eloges. L'icho : Deloge. Les anciens Ecossais croyaient que l'echo etait un esprit qui se plaisait a repeter les sons. Les paiens en avaient fait une nymphe. Voy. Lavisaru Eckart (Le fidele). Ce heros d'une tradition allemande vivait a la cour d'un due de Bourgogne de la premiere dynastie. Dans un combat il sauva ce due en exposant sa vie. Le prince reconnais- sant le combla de faveurs et lui donna le nom de fidele que la tradition lui maintient. Mais les cour- tisans, jaloux de son influence, parvinrent a le faire tomber en disgrace. Le due de Bourgogne le bannit et lui enleva ses deux fils, dont il n'eut plus de nouvelles qu'au bout de plusieurs an- nees. Alors il apprit que I'ingrat prince avait fait perir ses deux fils , voulant aneantir sa race, et qu'il etait lui-meme en danger. Or il y avait dans un canton de I'Helvetie, qui reconnaissait alors I'autorite de ce due, une montagne dite la Mon- tagne de Freya (la Venus des Germains). Un mys- terieux joueur de guitare en sortait de temps en temps , et il tirait de sa guitare des sons d'une magie si puissante qu'ils entrainaient les passants dans une caverne dont on ne les voyait plus sortir. Le fidele Eckart s'elait retire non loin de la et connaissait ce sortilege. Un jour le due de Bourgogne, egare a la chasse oia il avait perdu son cheval, se trainait epuise dans le bois qui servait de refuge au fidele Eckart. Le vieux serviteur eut pitie de son prince malgre son crime ; il le porta sur ses epaules a une cabane ou il regut des soins ; la il fut reconnu par le due, qui lui rendit ses bonnes graces et le nomma tuteur de ses fils. 11 s'acquitta dignement de ses devoirs sans quitter sa retraite. Un soir qu'il se promenait avec eux, le joueur de guitare parut et les entraina. Mais Eckart etait avec eux : il combattit et mit en fuite les mauvais genies qui voulaient s'emparer des jeunes princes, les ecarta de la caverne de Freya, et craignant que ce danger se renouvelat pour eux , il se devoua a rester devant I'entree du repaire infernal pour en repousser tous ceux qui y seraient attires ; il y est encore, mais on ne le voit pas. flclairs. On rendait autrefois une espece de culte aux eclairs, en faisant du bruit avec la bouche ; et les Remains honoraient sous le nom de Papysma une divinite champetre, pour qu'elle en preservat les biens de la terre. Les Grecs de rOrient les redoutent beaucoup. Eclipses. C'etait une opinion generale chez les paiens que les eclipses de lune procedaient de la vertu magique de certaines paroles par les- quelles on arrachait la lune du ciel , et on I'atti- rait vers la terre pour la contraindre a jeter sur les herbes une ecume qui les rendait plus propres aux sortileges des enchanteurs. Pour delivrer la lune de son tourment et pour eluder la force du charme , on empechait qu'elle n'en entendit les paroles en faisant un bruit horrible. Une eclipse annoncait ordinairement de grands raalheurs , et on voit souvent dans I'antiquite des armees refuser de se battre a cause d'une eclipse. Au Perou , quand le soleil s'eclipsait, les gens da pays disaient qu'il etait fache centre eux et se croyaient menaces d'un grand malheur. lis avaient encore plus de crainte dans I'eclipse de lune. lis la croyaient malade lorsqu'elle paraissait noire; 15. — 228 — ECR ils comptaient qu'elle mourrait infailliblement si elle achevait de s'obscurcir ; qu'alors elle Lom- berait du ciel, qu'ils periraient tous et que la fin dii monde arriverait. Ils cn avaient une telle frayeur, qu'aussitoL qu'elle comiiiencait a s'e- clipser ils faisaient un bruit terrible avec des trompettes , des cornets et des tambours ; ils foueltaient des chiens pour lesfaire aboyer, dans I'espoir que la lune , qui avail de I'affection pour ces animaux, aurait pitie de leurs cris et s'eveil- lerait de I'assoupissement que sa maladie lui cau- sait. En meirie temps, les bommes, les femmes et les enfants la suppliaient, les larmesaux yeux et avec de grands cris, de ne point se laisser mourir, de peur que sa niort ne fut cause de leur perte universelle. Tout ce bruit ne cessait que quand la lune reparaissant ramenail ie calme dans les esprits epouvantes. Les Talapoins prelendent que quand la lune s'eclipse, c'est un dragon qui la devore; et que quand elle reparait, c'est le dragon qui rend son diner. Dans les vieilles mythologies germaniques, deux loups poursuivaient sans cesse le soleil et la lune ; les eclipses etaient des luttes centre ces monstres. Les Europeens, credules aussi, regar- daient autrefois les eclipses comme des signes facheux ; une eclipse de soleil qui eut lieu le 13 aout i 66/j fut annoncee comme I'avant-coureur d'un deluge semblable a ceUii qui etait arrive du temps de Noe ou plutot d'un deluge de feu qui devait amener la lin du monde. Celte prediction epouvanta tellement les masses qu'un cure de campagne (c'est un petit conte que nous rappor- tons) ne pouvant sufiire a confesser tous ses paroissiens, qui craignaient de monrir dans cetle circonslance , et sachant que tout ce qu'il pour- rait leur dire de raisonnable a cet egard ne pre- vaudrait pas contre les predictions facbeuses, fut contraint de leur annoncer au prone qu'ils ne se pressassent pas tant, et que I'eclipse avait ete remise a quinzaine *. * Legal!., Calend. veritable, p. 4C. Dans les Indes on est persuade, quand le soleil ou la lune s'eclipse, qu'un certain demon aux griffes noires les etend sur I'astre dont il veut se saisir ; pendant ce temps on voit les rivieres cou- vertes de tetes d'Indiens qui croient soulager I'astre menace en se tenant dans I'eau jusqu'au cou , et jetant sans relacbe avec leurs mains de I'eau au nez du soleil ou de la lune. Les Lapons sont convaincus aussi que les eclipses de lune sont I'ouvrage des demons. Les Chinois preten- daient, avant I'arrivee des missionnaires jesuites, | qui les eclairerent, que les eclipses etaient occa- , sionnees par un mauvais genie, lequel cacbaitle soleil de sa main druite et la lune de sa main gauche. Cependant cette opinion n'elait pas ge- nerale, puisque quelques-uns d'entre eux disaient qu'il y avait au milieu du soleil un grand trou, el que, quand la lune se rencontrait vis-a-vis, elle devait naturellement etre privee delumiere. Dieu, discnt les Persans , tienl le soleil enferme dans un tuyau qui s'ouvre et se ferme au bout par un volet. Ce bel ceil du monde eclaire I'univers et rechauffe par ce trou; et quand Dieu veut punir les bommes par la privation de la lumiere, il en- voie range Gabriel I'ermer le volet, ce qui produit les eclipses. Mais Dieu esl si bon qu'il n'est ja- mais fache longtemps. Les Mandingues, negres mahometans de I'in- terieur de I'Afrique, atlribuent les eclipses de lune a un chat gigantesque qui met sa patte entre la lune et la terre; et pendant tout le temps que dure I'eclipse, ils ne cessent de chanter et de danser en I'honneur de Mahomet. Les Mexicains effrayes jeunaient pendant les eclipses. Les fem- mes se maltraitaient , et les lilies se liraient du sang des bras. Us s'imaginaient que la lune avait ete blessee par le soleil pour quelque querelle de menage. On racontait des habitants de I'Arcadie qu'ils etaient tellement ignoranls qu'au moment d'une eclipse ils eventrerent un ane qu'ils accusaient d'avoir mange la lune, parce que I'image de la lune avait disparu dans I'eau oii I'ane buvait a I'instanl oii I'eclipse avait eu lieu. Ecregores, peres des geants, suivant un livre apocryphe d'Enoch. Les anges qu'il nomme ainsi s'assemblerent sur le mont Hemon, du temps du patriarche Jared, ec s'engagerent par des ana- themes a ne se point separer qu'ils n'eussent en- leve les lilies des bommes. Ecriture. Art de juger les homines par I'ecri- lure, d'apres Lavater. Tous les mouvements de notre corps regoivent leurs modilicaiions du tem- perament etdu caraclere. Le mouvement du sage n'est pas celui de I'idiot, le port et la demarche different sensiblement du colerique au flegmati- que, du sanguin au inelancolique. De tous les mouvemenls du corps, il n'en est point d'aussi varies que ceux de la main et des doigts, et de tous les mouvements de la main et ECR 229 — ECR des doigls, les plus diversifies sont ceux que nous faisons en ecrivant. Le moindre mot jete sur le papier, combien de points, corabien de courbes ne renferme-t-il point!... II est evident encore, poursuit Lavaler, que chaque tableau, que chaque figure detachee, et aux yeux de I'observateur et du connaisseur, chaque trait conservent et rap- pellent I'idee du peintre. — Que cent peintres, que tous les ecoliers d'un meme maitre dessinent la meme figure, que toutes ces copies ressem- blent a Foriginal de la maniere la plus frappante, elles n'en auront pas moinschacune un caractere particulier , une teinte et une louche qui les fe- ront distinguer. Si Ton est oblige d'admettre une expression caracteristique pour les ouvrages de peinture , pourquoi voudrait-on qu'elle disparut entierement dans, les dessins et dans les figures que nous traqons sur le papier? Ghacun de nous a son ecriture propre, individuelle et inimitable, ou qui du moins ne saurait etre conlrefaite que tres-difficilement et tres-imparfaitement. Les ex- ceptions sont en trop petit nombre pour detruire la regie. Cette diversite incontestalDle des ecri- tures ne serait-elle point fondee sur la difference reelle du caractere moral ? On objectera que le meme horame, qui pour- tant n'a qu'un seul et meme caractere, peut di- versifier son ecriture. Mais cet homrae , malgre son egalite de caractere, agit ou du moins parait agir souvent de mille manieres differentes. De meme qu'un esprit doux se livre quelquefois a des emportements, de meme aussi la plus belle main se perniet dans I'occasion une ecriture ne- gligee ; niais alors encore celle-ci aura un ca- ractere tout a fait different du griffonnage d'un homme qui ecrit toujours mal. On reconnaitra la belle main du premier jusque dans sa plus mau- vaise ecriture, landis que I'ecriture la plus soi- gnee du second se ressentira toujours de son barbouillage. Cette diversile de I'ecriture d'une seule et meme personne ne fait que confirmer la these; il resulte de la que la disposition d'es- prit oii nous nous trouvons influe sur noire ecri- ture. Avec la meme encre, avec la meme plume el sur le meme papier, I'homme fagonnera tout autrement son ecriture quand il Iraite une affaire desagreable, ou quand il s'enlretienl cordiale- ment avec son ami. Chaque nation, chaque pays, chaque ville a son ecriture particuliere , tout comme ils ont une physionomie el une forme qui leur sont propres'. Tous ceux qui ont un com- merce de lettres un peu etendu pourront verifier la justesse de cette remarque. L'observateur in- telligent ira plus loin , et il jugera deja du carac- tere de son correspondant sur la seule adresse {f mtends V ecriture de I' adresse, carle style fournit des indices plus posiLifs encore), a peu pres comme le litre d'un livre nous fait connaitre sou- vent la tournure d'esprit de I'auteur. Une belle ecriture suppose necessairemenl une certaine jus- tesse d'esprit, et en particulier I'amour de I'ordre. 1 Quand Lavaler ecrivait, on n'avait pas encore introduit I'ecriture mecanique, dite ecriture anglaise ou americaine. fiCR — 23 Pour ecrire avec Line belle main, il faut avoir du moins une veine d'energie , d'industrie , de pre- cision et de gout, chaque effet supposant une cause qui lui est analogue. Mais ces gens dont I'ecriture est si belle et si elegante , la peindraient peut-etre encore mieux, si leur esprit etaitplus cul- tive et plus orne. On distingue clans I'ecriture la substance et le corps des lettres, leur forme et leur arrondissement, leur hauteur et leur longueur, leur position , leur liaison , I'intervalle qui les se- pare, I'intervalle qui est entre les lignes, la net- tete de Tecriture, sa legerete ou sa pesanteur. Si toutcela se trouve dans une parfaite harmonie, il n'est nullement diOicile de decouvrir quelque chose d'assez precis dansle caractere fondamental de I'ecrivain. Une ecriture de travers annonce un esprit faux, dissimule, inegal. II y a la plupart du temps une analogic admirable entre le langage, la demarche et I'ecriture. Des lettres inegales , mal jointes, mal separees, mal alignees, et jetees en quelque sorte separement sur le papier, denolent un na- lurel llegmatique, lent, peu ami de I'ordre et de la proprete. Une ecriture plus liee , plus sui- vie, plus energique et plus ferme accuse plus de vie, plus de chaleur, plus de gout. 11 y a des ecritures qui signalent la lenteur d'un homme lourd et d'un esprit pesant. Une ecriture bien formee , bien arrondie , promet de I'ordre , de la precision et du gout. Une ecriture extraordinai- rement soignee annonce plus de precision et de fermete, mais peut-etre moins d'esprit. Une ecri- ture lache dans quelques-unes de ses parties, serree dans quelques autres, puis longue, puis etroite, puis soignee, puis negligee, laisse entre- voir un caractere leger, incertain et ilottant. Une ecriture lancee, des lettres jetecs pour ainsi dire d'un seul trait, et qui denotent la vivacite de I'ecrivain, designent un esprit ardent, du feu et des caprices. Une ecriture un peu penchee sur la droite et bien cuulante annonce de I'activite et de la penetration. Une ecriture bien liee, cou- lante et presque perpendiculaire , promet de la finesse et du gout. Une ecriture originale et ha- sardee d'une certaine facon , sans methode, mais belle et agreable, porte I'empreinte du genie, etc. II est inutile d'observer combien, avec quelques remarques judicieuses, ce systeme est plein de temerites et d'exagerations. Voy. Mimique et Phy- SIOGNOMONIE. Ecrouelles. Delancre dit que ceux qui nais- sent legitimement septiemes males, sans melanges de filles, ont le don inne de guerir les ecrouelles en les touchant. Les anciens rois d'Angleterre, suivant certains auteurs, avaient ce pouvoir*, mais d'une autre source. Quand Jacques II fut reconduit de Rochester a White-Hall, on proposa de lui laisser faire quelque acte de royaute, comme de toucher les ecrouelles. II ne se presenta per- 1 Polydore Virgile. 0 — EDR Sonne. On attribua aussi aux rois de France le don d'enlever les ecrouelles par I'imposition des mains, accompagnee du signe de la croix. Louis XIII en 1639 toucha a Fontainebleau douze cents scrofuleux, et les memoires du temps at- testent que plusieurs furent gueris. On fait re- montercette prerogative jusqu'aClovis, Voy. Lan- CINI'T , Cf'iACHAT, GrEATRAKES , etC. Ecume. On a remarque que beaucoup de pos- sedes ecument de la bouche comme les chiens enrages. Une jeune fille que Ton amena a saint Vincent Ferrier, rendait par la bouche et par le nez une ecume qui prenait successivement plu- sieurs nuances Ecureuils. Les chasseurs des moots Ourals ont pour la chasse de I'ecureil une superstitieuse idee qu'on ne pent deraciner. lis ne cherchent dans toute la journee les ecureuils qu'au haut des sapins rouges, si le premier tue le matin s'est trouve sur un arbre de cette espece ; et ils sont fermement convaincus qu'ils en chercheraient en vain ailleurs. Si c'est au contraire sur un sapin sylvestris ({w'Ws oni aperqu leur premier ecureuil, ils ne porteront leurs regards que sur cette sorte d'arbres pendant tout le jour de la chasse. Edda, livre des origines scandinaves. II est plein de rudes merveilles, Edeline ou Adeline (Guillaume), docteur en theologie du quinzieme siecle, prieur des Cannes de Saint-Germain en Laye. II fut expose et admoneste publiquement a Evreux pour s'etre donne au diable, alin de satisfaire ses passions mondaines. II avoua, sans y etre pousse par la torture, qu'il s'etait transports au sabbat acheval sur un balai ^ ; que de sa bonne volonte il avait fait hommage a I'ennemi, qui elait la sous la forme d'un mouton ; qu'il lui avait alors baise brutale- ment sous la queue son derriere en signe de re- verence et d'hommage Ce sabbat n'etait com- pose que de Vaudois. Le jour du jugeraent etant arrive, il fut conduit en place publique, ayant une mitre de papier sur la tete; I'inquisiteur I'en- gagea a se repentiret lut la sentence qui le con- domnait a la prison , au pain et a I'eau. « Lors ledit maitre Guillaume commenqa a gemir et a condouloir de son mefait, criant merci a Dieu, a I'eveque et a justice*. » Quinzieme siecle, Edris, nom que les musulmans donnent a Enoch ou Henoch , sur lequel ils ont forge di- verses traditions. Dans les guerres continuelles que se faisaient les enfants de Seth et de Cain, Henoch, disent-ils, fut le premier qui introduisit ' Gbrres, Mystique, liv. VII, ch. xi, d'apres la Demonomania de Georges Seiler. 2 Edodus scopam sumere, et inter femora equitis instar ponere , quo volebat brevi momento, etc. Ga- guin, liv. X. 3 Monstrelet, Alain Chartier, a I'annee 1453. * Monstrelet, cite par M. Garinet, Histoire de la magie en France, p. 107. EFF 231 ELE la coutume de faire des esclaves. II avait regu da del, avec le don de science et de sagesse, trente voluines remplis des connaissances les plus ab- straites; lui-meme en composa beaucoup d'aiitres, aussi pen connus que les premiers. Dieu I'envoya aux Cainites pour les ramener dans la bonne voie. Mais ceux-ci ayant refuse de I'ecouter, il leur fit la guerre et reduisit leurs femmes et leurs enfants en esclavage. Les Orientaux lui attribaent I'in- vention de la couture et de I'ecriture * , de I'as- tronomie, de Tarithmetique, et encore plus par- ticulierement de la geomancie. On dit de plus qu'il fut la cause innocente de I'idolatrie. Un de ses amis, afilige de son enlevement, forma de lui , par I'instigation du demon , une representa- tion si vivement exprimee, qu'il s'entretenait des jours entiers avec elle, et lui rendait des hom- mages particuliers , qui pen a peu degenererent en superstition. Voy. Henoch. EfFrontes, heretiques qui parurent dans la premiere moitie du seizierae siecle. lis niaient le Saint-Esprit, pratiquaient diverses superstitions, rejetaient le bapteme et le remplagaient par une ceremonie qui consistait a se racier le front avec un clou jusqu'a effusion de sang, puis a le panser avec de I'huile. C'est cette marque qui leur res- tait au front qui leur a fait donner leur nom d'effrontes. Egerie, nymphe qui seconda Numa Pompi- lius dans son projet de civiliser les Remains. Les demonomanes en ont fait un demon succube, et les cabalistes un esprit elementaire, une ondine selon les uns, une salamandre selon les autres, qui la disent fille de Vesta. Voy. Zoroastre et Noma. Egipans , demons que les paiens disaient ha- biter les bois et les montagnes, et qu'ils re- presentaient comme de pelils homines velus, avec des comes et des pieds de chevre. Les an- ciens parlent de certains monstres de Libye, auxquels on donnait le meme nom ; ils avaient un museau de chevre avec une queue de pois- son :, c'est ainsi qu'on represente \e capricorne. On trouve cette meme figure dans plusieurs mo- numents egypliens et remains, Egithe, sorte d'epervier boiteux, dont une idee bizarre avait repandu I'opinion chez les an- ciens que sa rencontre etait du plus heureux presage pour les nouveaux maries. Egiise (1') et les Sorciers. Les pauvres etres accuses de sorcellerie n'ont jamais ete traites par I'Eglise avec les cruautes des juges laiques. Voy. I'article Sorciers, a la fin. £lais, une des filles d'Anios, d'Elee, magi- cienne qui changeait en huile tout ce qu'elle tou- chait. Elasticite. 11 y a des pierres elastiques et des gres flexibles. Une poutre en marbre , qui fait I'etonnement des curieux a la cathedrale de Lin- 1 Voyez Cadmus. coin, est elastique De telles raretes ont pass6 autrefois pour oeuvres de feerie. Eleazar, magicien , Juif de nation , qui atta- chait au nez des possedes un anneau ou etait en- chassee une racine dont Salomon se servait, et que Ton presume etre la squille ^. A peine le demon I'avait-il flairee qu'il jetait le possede par terre et I'abandonnait. Le magicien recitait en- suite des paroles que Salomon avait laissees par ecrit; et, au nom de ce prince, il defendait au demon de revenir dans le meme corps; apres quoi il remplissait une cruche d'eau et com- mandait audit demon de la renverser. L'esprit malin obeissait; ce signe etait la preuve qu'il avait quitte son gite. Eleazar de Garniza, auteur hebreu qui a laisse divers ouvrages dont plusieurs ont ete im- primes et d'autres sont restes manuscrits. On distingue de lui un Traite de I'ume, cite par Pic de la Mirandole dans son livre contre les astro- logues, et un Commentaire cabalistique sur le Pentateuque. Elements. Les elements sont peuples de sub- stances spirituelles, selon les cabalistes. Le feu est la demeure des salamandres ; fair, celle des sylphes; les eaux, celle des ondins ou nymphes, et la terre, celle des gnomes. II est certain que les elements, Fair surtout, sont abondamment peuples de demons et d'esprits, et que les puis- sances de I' air ne le laissent pas vide. filephant. On a dit des choses merveilleuses de I'elephant. On lit encore dans de vieux livres qu'il n'a pas de jointures, et que, par cette rai- son, il est oblige de dormir debout, appuye contre un arbre ou contre un mur; que s'il tombe , il ne pent se relever. Cette erreur a ete accreditee par Diodore de Sicile , par Strabon et par d'autres ecrivains. Pline conte aussi que I'elephant prend la fuite lorsqu'il entend un co- chon : et, en effet, on a vu en 1769 qu'un co- chon ayant ete introduit dans la menagerie de Versailles, son grognement causa une agitation si violente a un elephant qui s'y trouvait qu'il eut rompu ses barreaux si Ton n'eut retire aus- sitot I'animal immonde. iElien assure qu'on a vu un elephant qui avait ecrit des sentences entieres avec sa trompe , et meme qui avait parle. Chris- tophe Acosta assure la meme chose Dion Cas- sius prete a cet animal des sentiments religieux. Le matin, dit-il, il salue le soleil de sa trompe; le soir il s'agenouille ; et quand la nouvelle lune parait sur I'horizon, il rassemble des fleurs pour lui en composer un bouquet. On salt que les ele- phants ont beaucoup de gout pour la musique; Arrien rapporte qu'il y en a eu un qui faisait danser ses camarades au son des cymbales. On 1 Monthly Magazine, oct. 1825, p. 224. 2 Bodin, Demonomanie, liv. I, ch. in, p. 88. 3 Thomas Brown , Essai sur les erreurs populai- res, liv. Ill, ch. i, p. 241. — ELE vit a Rome des elephants danser la pyrrhique et execLiter des sauls perilleux siir la corde... Enfin, avant les feles donndes par Germanicus, doiize elephants en costume dramatique exe- cuterent im ballet en action. On leiir servit en- suite Line collation ; ils prirent place avec de- cence siir des lits qui leur avaient ete prepares. Les elephants males elaient revetus de la toge; les femelles de la tunique. lis se comporterent avec toute I'urbanite de convives bien eleves, choisirent les mets avec discernement et ne se firent pas moins remarquer par leur sobriete que par leur politesse Au Bengale I'elephant blanc a les honneurs de la divinite; 11 ne mange jamais que dans la vaisselle de vermeil. Lorsqu'on le conduit a la promenade , dix personnes de distinction por- tent ua dais sur sa tete. Sa marche est une es- pece de triomphe, et tous les instruments du pays I'accompagnent. Les memes ceremonies s'observent lorsqu'on le mene boire. Au sortir de la riviere, un seigneur de la cour lui lave les pieds dans un bassin d'argent. Voici sur I'elephant blanc des details plus etendus : « Un Europeen, elabli a Calcutta de- puis deux ans, ecrivait dernierement au Sema- phore de Marseille une leltre dont le passage sui- vant rappelle une des plus etranges superstitions des peuples de I'lnde : « Je vous envoie le recit que vient de me faire M. Smithson, voyageur anglais, arrive tout re- cemment de Juthia, capitale du royaume de Siam. M. Smithson m'a beaucoup amuse aux de- pens de ces Siamois qui continuent toujours a adorer leurs elephants blancs. Depuis plusieurs mois, la tristesse etait a la cour et parmi tous les habitants de Juthia : un seul elephant blanc avait survecu a une espece de contagion qui s'etait glissee dans les ecuries sacrees. Le roi fit publier a son de trompe qu'il donnerait dix esclaves, autant d'arpents de terre qu'un ele- phant pourrait en parcourir dans un jour, et une de ses filles en mariage a I'heureux Siamois qui trouverait un autre elephant blanc. — M. Smith- son avait pris a son service, pour lui faire quel- ques commissions dans la ville , un pauvre here borgne, bossu, tout extenue de misere, qui s'appelle Tungug-Poura. Ce Tungug-Poura avait louche le coeur compatissant du voyageur an- glais, qui I'avait fait laver, habiller, et le nour- rissait dans sa cuisine, Tungug, nialgre sa che- tive et stupide apparence, nourrissait une vasle ambition dans sa chemise de toile, son unique vetement; il entendit la proclamation de I'em- pereur de Siam et vint, d'un air recueilli, se presenter a M. Smithson, qui rit beaucoup en 1 M. Salgues, Des erreurs, etc., t. Ill, p. 196. I'entendant lui declarer qu'il allait chercher un elephant blanc, et qu'il etait decide a mourir s'il ne trouvait pas I'animal sacre. Tungug-Poura ne faisait pas sur M. Smithson I'effet d'un chas- seur bien habile : les Elephants blancs se trou- vent en tres-petit nombre dans des retraites d'eaux et de bois d'un acces difficile. Mais rien ne put changer la resolution de Tungug, qui, serrant avec reconnaissance une petite somme d'argent dont son nialtre le gratifia, parlit avec un arc, des Heches et une mauvaise paire de pistolets. — M. Smithson, que je vais luisser parler, me disait done I'autre soir : « Cinq mois apres , je me reveillai au bruit de tous les tam- bours de I'armee du roi; un tintamarre affreiix remplissait la ville. Je m'habille et descends dans la rue, ou des hommes, des femmes, des en- fants couraient en poussant des cris de joie. Je m'informai de la cause de tous ces bruits; on me repondit que I'elephant blanc arrivait. Cu- rieux d'assister a la reception de ce grand et haut personnage, je me rendis a la porte de la ville que precede une place immense entouree d'arbres et de canaux; la foule la remplissait. Sous un vaste dais, des officiers richement vetus attendaient le monarque, qui a bientot paru avec tous ses ministres et ses esclaves. On agitait de- vant lui un vaste eventail de plume. — L'ele- phant sacre, arrive la veille, avait passe la nuit sous une lenle magnifique dont j'apercevais les banderoles. Peu apres les gongs, les tambours. — 233 ELF les cymbales retentirent avec leurs sons aigres et pergants. J'etais assez commodement place. Un cortege de talapoins cominenga a defiler ; ces preLres avaient I'air grave et s'avangaient lente- ment. Una triple rangee de soldats entourait le noble animal , qui avait un air maladif et mar- chait difiicilement. — On cria a mes cotes : Voila celui qui I'a pris. — Je regardai et vis un petit homme borgne et bossu qui tenait un des nombreux rubans dores passes au cou de I'ele- phant; cet homme etait mon domestique, Tun- gug-Poura. Le voila done gendre du roi. II vint me voir un jour en palanquin et me parul fort content de sa noiivelle position. L'elephant blanc qui a fait sa fortune se presenta a lui a cin- quante journees de marche de JiUhia, dans un marais ou il etait couche, abattu par une fievre a laquelle les animaux de cetle espece sont su- jets; car leur couleur blanche est, comme on salt, le resultat d'une maladie. Tungug-Poura s'approcha de l'elephant, le nettoya, versa de I'eau sur les plaies et les boutons du dos, et pro- digua tellement ses soins et ses caresses a I'in- telligente bete que celle-ci lecha Tungug de sa trompe et se mit a le suivre avec la docilite d'un petit chien. Tungug est ainsi parvenu, favorise d'abord par un hasard presque inespere, a s'em- parer d'un elephant blanc. Le pauvre bossu a maintenant des esclaves et possede la princesse dont le nom signifie en langue siamoise les yeux de la mill. » Elephant-Dieu. Voy. Kosaks. La reiiie des ElCcs. Elfdal, vallee des Elfes dans la Suede. La on faisait subir des epreuves aux enfants qu'on vou- lait inilier an sabbat. On les menagait de les jeter dans des fondrieres s'ils refusaient de re- noncer a Dieu. Dans les procedures qui eurent lieu contre eux, plusieurs de ces enfants decla- rerent que souvent un ange blanc s'en venait au devant d'eux et leur defendait de faire ce que le demon leur demandait. Elfes, genies scandinaves. On croit aux bords de la Baltique qu'il y a un roi des Elfes, lequel regne a la fois sur I'ile de Stern , sur celle de Moe et sur celle de Rugen. II a un char attele de quatre etalons noirs. II s'en va d'une ile a I'autre en traversant les airs; alors on distingue tres-bien le hennissement de ses chevaux , et la mer est toute noire. Ce roi a une grande armee a ses ordres ; ses soldats ne sont autre chose que les grands chenes qui parsement I'ile. Le jour ils sont condamnes a vivre sous une ecorce d'arbre; mais la nuit ils reprennent leur casque et leur epee et se promenent fierement au clair de la lune. Dans les temps de guerre, le roi les assemble autour de lui. On les voit errer au- dessus de la cote , et alors malheur a celui qui tenterait d'envahir le pays * ! La tradition des bons et des mauvais anges est sensible dans les fictions de I'Edda. Snorro Sterlason nous ap- prend que les elfs de la lumiere, dont Ben John- son a fait les esprits blancs de ses masques, se- journent dans Alf-Heim (demeure des Elfs), le 1 M. Marmier, Traditiom de la Baltique. ELF 234 EL palais du ciel, tandis que les swart el/s, elfs de ianuit, habitent les entrailles de la terre. Les premiers ne seront pas sujets a la mort; car les flainmes de Siirtur ne les consumeront pas, et leur derniere demeure sera Vid-Blain, le plus haul ciel des bienheureiu ; mais les swart, clfs sont mortels et sujets a toutes les maladies, quels que soient d'ailleurs leurs attributs. — Les Islandais modernes considerent aussi le peuple elf comme formant une monarchie, ou du moins ils le font gouverner par un vice-roi absolu qui, tous les ans , se rend en Norvege avec une de- putation de pucks (latins), pour y renouveler son sennent d'bommage-lige au souverain sei- gneur qui reside dans la mere patrie. 11 est evi- dent que les Islandais croient que les elfs sont, comme eux , une colonic transplantee dans I'ile * . Voy. Danses des esprits. Elfland, le pays, I'ile, le royaume des fees et des Elfes, Les fees et les Elfes, qui sont les fees du Nord, enlevent quelquefois les enfants et les emportent dans FEllland pour le peupler. Quelques hommes faits y ont ete transportes aussi, lorsqu'ils s'etaient endormis sur quelque montagne hantee par les fees ou les Elfes. Voy. Erceldoune. Elf-Roi , le roi des Elfes, Voy. Nain-Laurin. Elie. Les musulmans et la plupart des Orien- taux font de ce grand prophete un puissant ma- gicien * : ils I'appellent Khizzer. Elie de Worms, rabbin juif allemand, qui passait au treizieme siecle pour un magicien tres- habile. Eligor, demon, le meme qu'Abigor. Voy. Abigor. Elinas, roi d'Albanie, pere de Melusine. Voy. Melusine. filingsor. Dans le poeme de Percival, c'est un magicien qui descend de la famille de Virgile. II est ne dans la Calabre ; il est initie a la magie par des Juifs. 11 batit sur une montagne un palais enchante ou Ton voit un lit qui fuit devant celui qui veut y monter et qui lui lance des fleches s'il y parvient. C'est un vieux conte populaire qui remonte au temps oix les Sarasins occu- paient la Sicile et une partie du pays de Naples. Elixir de vie, L'elixir de vie n'est autre chose , selon le Trevisan , que la reduction de la pierre philosophale en eau mercurielle ; on I'ap- pelle aussi or potable. II guerit toutes sortes de maladies et prolonge la vie bien au dela des bornes ordinaires. L'elixir par/ait au rouge change le cuivre, le plomb, le fer et tous les metaux en or plus pur que celui des mines. L'elixir par/ait au hlanc, qu'on appelle encore huile de talc , change tous les melaux en argent t res-fin. Voici la recette d'un autre Mixir de vie. Pour faire cet elixir, prenez huit hvres de sue mer- curiel ; deux livres de sue de bourrache , tiges et feuilles; douze livres de miel de Narbonne ou autre, le meilleur du pays; mettez le tout a bouillir ensemble un bouillon pour I'ecumer; passez-le par la chausse a hypocras et clarifiez- le. Mettez a part infuser, pendant vingt-quatre heures, quatre onces de racine de gentiane cou- 1 Traditions populaires , d&ns\a Quarterly Review. pee par tranches dans ^trois ' chopines de vin blanc, sur des cendres chaudes, agitant de temps en temps ; vous passerez ce vin dans un linge sans I'exprimer; mettez cette colature dans lesdils sues avec le miel, faisant bouillir douce- ment le tout et cuire en consistance de sirop; vous le ferez rafraichir dans une terrine ver- nissee, ensuite le deposerez dans des bouteilles que vous conserverez en un lieu tempere , pour vous en servir, en en prenant tous les matins une cuilleree. Ce sirop prolonge la vie , retablit la sante centre toutes sortes de maladies, meme la goutte, dissipe la chaleur des entrailles; et ' Voyez sa legende dans les Legendes de I'Ancien Testament. — 235 — qiiand il ne resterait dans le corps qii'un petit morceau de poumon et que le resle serait gate , il maintiendrait le boa et relablirait le mauvais; il giierit les douleurs d'estomac, la sciatique, les vertiges, la migraine et generalement les dou- leurs internes. Ce secret a ete donne par un pau- vre paysan de Calabre a celui qui fut nomme j par Charles-Quint pour general de cette armee I navale qu'il envoya en Barbarie, Le bonhoinine I ^tait age de cent trente-deux ans, a ce qu'il as- sura a ce general , lequel etait alle loger chez lui, et, le voyant d'un si grand age, s'etait in- forme de sa maniere de vivre et de celle de plu- sieurs de ses voisins, qui etaient presque tous ages coinme lui \ On conte qu'un medecin charlatan apporta j un jour a I'empereur de la Chine Li-kon-pan un elixir merveilleux et Texhorta a le boire, ea lui promettant que ce breuvage le rendrait immortel. Un ministre qui etait present, ayant j tente inutilement de desabuser le souverain , prit I la coupe et but la liqueur. Li-kon-pan, irrite de cette hardiesse , condamna a mort le mandarin , qui lui dit d'un air tranquille : « Si ce breuvage donne I'immortalite , vous ferez de vains efforts pour me faire mourir; et s'il ne la donne pas, auriez-vous I'injustice de me faire mourir pour un si frivole larcin ? » Ce discours calma I'empe- reur, qui loua la sagesse et la prudence de son ministre. Eloge de I'enfer, ouvrage critique, histo- rique et moral ; nouvelle edition ; la Haye, 1759, 2 vol. in-12 , fig. — G'est un livre satirique tres- pesamment ecrit, dans un esprit tres-mediocre. Elossite, pierre qui a la vertu de guerir les maux de tete. On ne salt pas trop ou elle se trouve. Elpide, medecin qui vivait sous Theodoric, roi des Ostrogoths. Sa maison etait hantee par des lutins qui lui jetaient souvent des pierres. Saint Cesaire , d' Aries, etant venu a Ravenne, purifia cette .maison avec de I'eau benite, et des lors elle ne fut plus infestee. Elspeth-Rule , sorciere ecossaise qui floris- sait en 1708. Elle etait signalee comme faisant mourir ceux qui la priaient et guerissant ceux qui la maltraitaient. Elxai ou Elcesai , chef des elcesaites , here- tique du deuxieme siecle , qui faisait du Saint- Esprit une femme, et qui proposait une liturgie dont les prieres etaient des jurements absurdes. £maguinquilliers,race de geants, serviteurs d'lamen , dieu de la mort chez les Indiens. lis sont charges de tourraenter les mechants dans les enfers. Embarrer. Voy. Ligatures. 1 Admirables secrets du Petit Albert, p. 165. Embungala, pretre idolatre du Congo. II passe, chez les noirs de ces contrees, pour un si grand sorcier, qu'il peut d'un coup de sifflet faire venir devant lui qui bon lui semble, s'en servir comme d'un esclave et le vendre meme s'il le juge a propos. fimeraude. La superstition a longtemps at- tribue a cette pierre des vertus miraculeuses , telles entre autres que celle d'empecher les symptomes du mal caduc, et de se briser lorsque la crise est trop violente pour qu'elle puisse la vaincre. La poudre de franche emeraude arre- tait, disait-on, la dyssenterie et guerissait la morsure des animaux veneneux, Les peuples de EMM — 236 — ENC la vallee de Manta, au Peroii, adoraient une emeraude grosse coinine iin CEuf d'autruche et lui offraient d'aiitres emeraudes. Emma, fille de Richard II , due de Normandie. Cette princesse epoiisa Elhelred , roi d'Angle- lerre , et en eut deux fils dont I'un regna apres la inort de son pere : c'est saint Edouard. Ce prince ecoulait avec deference les pieux avis de sa mere; mais un ambitieux que I'histoire peinl sous d'assez laides couleurs, Godwin, comte de Kent, qui etait son ministre, et qui voyaitavcc peine son autorile partagee avec Emma, cher- cha a perdre cette princesse; il I'accusa de differenls crimes, et il eut I'adresse de faire appuyer son accusation par plusieurs seigneurs, mecon tents comme lui du pouvoir d'Emma. Le roi depouilla sa mere de toutes ses richesses. La princesse eut recours a Ahvin , eveque de Win- chester, son parent. Le comte de Kent, voulant ecarter un protecteur aussi puissant, el ne re- culant pas devant les moyens les plus infames, accusa la princesse d'un commerce coupable avec ce prelat : cette odieuse accusation , ap- puyee impudemment par les ennemis de la prin- cesse et du saint eveque, fit impression sur I'es- prit d'Edouard ; il eul la faiblesse de mettre sa mere en jugement; elle fut condamnee a se purger par I'epreuve du feu. La coulume de ce temps-la en Angleterre voulait que I'accuse pas- sat nu-pieds sur neuf coulres de charrue rougis au feu; et la condamnalion portait qu'Emma ferait sur ces coulres neuf pas pour elle-nieme et cinq pour I'eveque de Winchesler. Elle em- ploya en prieres la nuit qui preceda celte pe- rilleuse epreuve; puis ral'fermie, elle marclia sur les neuf coulres, au milieu de deux eveques, habillee comme une simple bourgeoise et les jambes nues jusqu'aux genoux. Le feu ne lui fit aucun mal; de sorte que son innocence fut re- connue. Emodes, I'un des demons qui possedaient Ma- deleine de la Palud. Emole, genie que les basilidiens invoquaient dans leurs ceremonies magiques. Empuse, demon de midi. Arislophane, dans sa comedie des Grenouilles, le represente comme un spectre horrible, qui prend diverses formes, de chien , de femme , de boeuf, de vipere , qui a le regard alroce , un pied d'ane et un pied d'ai- rain, une flamme autour de la tele, et qui ne cherche qu'a faire du mal. Les paysans grecs et russes on I conserve des idees populaires alta- chees a ce monstre ; ils tremblent au temps des foins et des moissons a la seule pensee de I'Em- puse, qui, dit-on, rompt bras et jambes aux fau- cheurs et aux moissonneurs, s'ils ne se jettent la face en lerre lorsqu'ilsl'apercoivent. On dit meme en Russie que I'Empuse et les demons de midi, qui sont soumis a cet horrible fanlome, parcou- rent quelquefois les rues a midi en habils de veuve et rompent les bras a ceux qui osent les regarder en face. Le moyen de conjurer I'Empuse et de s'en faire obeirchez les anciens, c'etait de lui dire les plus grandes injures. Chacun a ses go 11 Is. Vasco de Gama , cite par Leloyer rapporle qu'il y a dans la ville de Calicut un temple con- .sacre a des demons qui sont des especes d'Em- puses. Personne n'ose enlrer dans ces temples, surlout le mercredi , qu'apres que le midi est passe; car si on y entrail a cetle heure-la, on mourrait a I'instant memo. Enarque. 11 revint de I'autre monde (oud'une syncope) apres avoir passe plusieurs jours en enfer, et raconla a Plutarque lui-meme lout ce qui concernait Plulon, Minos, Eaque, les Par- ques , etc. ^ Encelade, geant de la mylhologie grecque. II avail cent bras el donnail de grandes inquietudes a Jupiter. Minerve, qui n'avait que deux bras, mais longs etsolides, jela surle geant I'ile de la Sicile; et il est retenu sous I'Etna, ou il soupire loujours. C'est la cette mylhologie que Boileau admirail. Encens. « En la region Sachalite, qui n'est autre que le royaume de Tarlas, I'encensqui s'y recueillail se metlait a grands monceaux en cer- taine place , non loin du purl oii les marchands abordaient. Gel encens n'etail garde de personne, parce que le lieu etait assez garde des demons; et ceux qui abordaient pres de la place n'eussent ose, encachelle ni ouverlement, prendre un seul grain d'encens et le meltre en leur navire sans la licence el permission expresse du prince; autre- ment leurs navires etaient relenus par la puissance secrete des demons , gardiens de I'encens et ne pouvaient se mouvoir ni partir du port *. » Enchantements. On enlend par enchante- ment I'art d'operer des prodiges par des paroles chanlees; mais on a beaucoup etendu le sens de ce mot. On voyait, au rapport de Leon I'Africain, tout au haul des principales tours de la citadelle de Maroc, trois pommes d'ord'un prix inestimable, si bien gardecs par enchanlement, que les rois de Fez n'y ont jamais pu toucher, quelques ef- forts qu'ils aient fails. Ces pommes d'or ne sont plus. Marc Paul conle que lesTartares, ayant pris huit insulaires de Zipangu, avec qui ils etaient en guerre, se disposaient a les decapiler ; mais ils n'cn purenl venir a bout, parce que ces insu- laires portaient au bras droit, enlre cuir et chair, une petite pierre enchanleo qui les rendait in- sensibles au tranchanl du cimelerre : de sorte qu'il fallut les assommer pour les faire niourir. 1 Histoire des spectres, liv. Ill, cli. xiv. 2 Jil. Sal^ues: Des errcurs et des prejuges, t. I, p. 313. Lelnyor. Diet, et hii^t. des spectres, p. 413. ENC — 237 — ENE Voij. Paroles magiques, Charmes, Fascination, Tour enchantee , etc. On enlend souvent par enchanLeraent quelque chose de nierveilleiix. Les arts ont aussi produit des enchantements , mais natiirels, et regardes comme oeuvre de magie par ceiix-la seals qui attribuent a la magie tout ce qui est extraordi- naire. — M. Van Estin, dit Decremps dans sa Magie blanche devoilee , nous fit voir son cabinet de machines. Nous enlrames dans une salle bien eclairee par de grandes fenetres pratiquees dans le dome. — Vous voyez, nous dit-il, tout ce que j'ai pii rassembler de piquant et de curieux en mecaniques. — Cependant nous n'apercevions de tons cotes que des tapisseriessurlesquelles etaient representees des machines utiles, telles que des horloges, des pompes , des pressoirs, des moulins a vent, des vis d'Archimede, etc. ■ — Toutes ces pieces ont apparemment beau- coup de valeur, dit en riant M. Hill; elles peu- vent recreer un instant la vue ; mais il parait qu'elles ne produiront jamais de grands effets Enfant vole par une Teo. — Page 23S. par leurs mouvemenls. M. Van Eslin repondit par un coup de sifilet. Aussitot les quatre tapis- series so levent et disparaissent ; la salle s'agrandit et nos yeux eblouis voient ce que I'industrie hu- maine a invente de plus etonnant. D'un cole des serpents qui rampent , des fleurs qui s'epanouis- sent, des oiseaux qui chantent; de I'autre, des cygnes qui nagent , des canards qui mangent et qui digerent , des orgues jouant d'elles-memes, et des automates qui touchent du clavecin. M. Van Eslin donna un second coup de sifflet, et tous les mouvements furent suspendus, Un instant apres nous vimes un canard nageant et barbotant dans un vase, au milieu duquel elait un arbre. Plusieurs serpents rampaient au- tour du tronc et allaient successivement se ca- cher dans les feuillages. Dans une cage voisine etaient deux serins qui chantaient en s'accompa- gnant, un homrne qui jpuait de la flute, un autre qui dansait , un petit chasseur et un sauteur chi- nois, tous arlificiels et obeissant au commande- ment. Voij. Brioche, elc. Enchiridion. Voij. Leon III. Encre. Divination par la goutte d'encre, Voy. Hauvis. Endor (Pylhonisse d'). Voy. Pythonisse. Energumene. On appslle energumenes ceux qui sont possedes du demon. Voy. Possession. EINF — 238 - ENG Enfants. Croirait-on que des savants en de- mence et des medecins sans clientele ont re- cherche les moyens de s'assurer du sexe d'an enfant qui n'etait pas ne, et qu'on a fait autour de ce theme absurde des livres niais qui trou- vent de niais lecteurs? Voy. SiiXE. Enfants du diable. Voij. Cambions. Enfants voles par les fees. On pretend dans le Nord que les fees enlevent quelquefois les en- fants qui leur plaisent et leur snbstituent de petits monstres nes d'elles. Pour les forcer a rendre I'enfant qu'elles ont pris, on expose I'enfant sub- stitue sur une pelle et on le tourmente cruelle- inent. En Danemark la mere chauffe le four et met I'enfant sur la pelle en menaqant de le lancer dans la flamme, ou bien elle le foueite avec des verges, elle le jetle dans la riviere. Eu Suede et en Irlande on I'expose a la porte sur une pelle. Quelquefois on lui fait boire une potion de co- quilles d'oeufs. Dans le Glossaire provincial de Grose, on voil la mere d'lm enfant vole casser une douzaine d'oeufs et placer les vingt-quatre demi-coquilles devant I'enfant substitue, qui s'e- crie : « J'avais sept ans quand on me mit ennour- rice, quatre ans se sent passes depuis, et je n'ai jamais vu de petits pots aussi blancs. » Le clian- gement d'un enfant est toujours fait avant le bap- teme. Le moyen de prdvenir ce nialheur est de faire une croix sur la poile el sur le berceau, de meltre un morceau de fer aupres de I'enfant, de laisser une lumiere aliumee. En Thuringe on sus- pend au mur les culottes du pere En Ecosse on attribue le meme crime de rapt aux elfes, et quand un enfant est sourd, muet, aveugle ou ccntrefait, ou le croit substitue. Les sorcieres, ce que les procedures ont etabli, enlevaient aussi des enfants, ou pour les aflilier au diable ou pour les lui sacrilier. Voij. Elfdal., Enfanls au sabbal. Enfants dans la divination. Votj. Harvis. Enfers, lieux inferieurs ou les mechants su- bissent apres leur mort le chaliment du a leurs crimes. ISier qu'il y ait des peines et des recom- penses apres le trepas , c'est nier I'existence de Dieu, puisqu'il ne peut etre que necessairement juste. Mais les tableaux que certains poetes et d'autres ecrivains nous ont faits des enfers ont ete souventles fruits de I'imagination. On doitcroire ce que I'Eglise enseigne, sans s'egarer dans des de- tails que Dieu n'a pas juge a propos de reveler. * M. Dufau , Contes irlandais. Les anciens et la plupart des modernes pla- cent les enfers au centre de la terre. Le docteur Swinden , dans ses recherches sur le feu de I'enfer, pretend que I'enfer est dans le soleil , parce que le soleil est le feu perpetuel. Quelques-uns ont ajoute que. les damnes eiitretiennent ce feu dans une activite continuelle, et que les taches qui paraissent dans le disque du soleil apres les grandes catastrophes ne sont produiles que par I'encombrement. II serait tres-long de rapporter les sentiments des differenls peuples sur I'enfer *. Les Druses discnt que tout ce qu'on mangera dans les enfers aura un gout de fiel et d'amertume , et que les damnes porteront sur la tete , en signe d'une eternelle reprobation , un bonnet de poll de co- chon d'un pied et demi de long. Ce que nous savons positivement , c'est que I'enfer a ete fait pour les demons et pour ceux qui les suivent. Enflure. L'enflure du corps est un symptome de la possession. Un inoine fut possede au cou- vent de I'abbe Baithin, successeur de saint Co- lomban , en Ecosse. II etait tout enfle. L'abbe of- frit pour lui le saint sacrifice, le fit amener dans I'eglise et chassa le demon. Au moment ou le demon sortit, I'enllure disparut tout a coup et la peau parut collee sur les os. Souvent I'enllure est mobile et passe d'une partie du corps a une autre, affeclant diverses formes ^ Engagements du sabbat. L'initie s'oblige par d'horribles serments a faire tout le contraire de ce que present I'Eglise, adetruire tout ce qui est sacre , a seduirc au moins une fois par mois un Chretien pour I'attacher au demon , a lui amener des enfants, en un mot a reculer devant lout ce qui est bien et a faire avec zele tout ce qui est reprouve. Ces exces ont 6ie avoues danspresque toutes les procedures. Engastrimisme, art des ventriloques. On I'at- tribuait autrefois a la magie. Engastrimithes ou Engastrimandres, de- vins qui faisaient entendre leurs reponses dans leur ventre. Voij. Ventriloque, Cecile, etc. Engelbrecht (Jean), visionnaire allemand, mort en 16/)2. II etait protestant et d'un naturel si melancolique qu'il tenia souvent de s'oter la vie. Un soir, vers minuit, il lui sembla que son corps etait Iransporte, et il arriva a la porle de I'enfer oil regnait une obscurite profonde , et d'ou s'exhalait une puanteur a laquelle il n'y a rien a comparer sur la terre. De la il fut conduit en pa- radis. Quand il en eut goule les delices, un ange le renvoya sur la terre, et il raconta sa vision, II en eut d'autres ; il entendit pendant quarante nuits une musique celeste si harinonieuse qu'il 1 Voyez les Legendes de I'autre monde, pour servir a I'histoire du paradis, du purgatoire etde I'enfer. 2 Gtirres, Mystique, liv. VII, ch. xxii, exlrait des Acta Sanctorum, '1 9 mai. S. Dunstan. — 230 — ENL ne put s'empecher d'y joindre sa voix. Parcourant la basse Saxe, il prechait, disait-il , comme il en avait regu I'ordre d'en haut. Un jour qu'il racon- tait ses extases, il dit qu'il avait vu les ames des bienheiireux voltiger autour dc lui, sous la forme d'etincelles, et que voulant se meler a leur danse, / / il avait pris le soleil d'une main et la lune de I'autre. Ces absurdites ne I'empecherent pas de faire des proselytes parmi les reformes. 11 a laisse divers volumes : 1° Veritable vue et histoire du del, Amsterdam, 1690 , \n-k° • c'est le recit de son excursion en enfer et en paradis ; 2° Mandat et ordre divin et cilestc delivris par la cliancellerie celeste, Breme, 1625, \x\-k°\ cet ecrit manque dans le recueil intitule OEuvres, visions et reve- lations de Jean Engelhrecht , Amsterdam, 1680, \n-h°. Enigme. On lit dans de vieilles histoires de Naples que , sous le regne de Robert Guiscard, on trouva une statue qui avait eu la tete doree, et sur laquelle etail ecrit : Aux calendes de mai, qiiand le soleil se levera, j'aurai la tele toute d'or. Robert chercha longtemps a deviner le sens de cette enigme ; mais ni lui ni les savants de son royaume ne purent la resoudre. Un prisonnier de guerre sarasin promit de I'interpreter si on lui jccordait la liberie sans rangon. II avertit done le prince d'observer aux premiers jours de mai I'ombre de la tete de la statue au lever du soleil, et de faire becher la terre a I'endroit oii tombe- rait cette ombre. Robert suivit ce conseil et trouva de grands tresors, qui lui servirent dans ses guerres d'ltalie. II recompensa le Sarasin, non- seulement en lui accordant la liberte, mais en lui donnant de bonnes sommes. 11 y a beaucoup d'enigmes dans les divina- tions. On peut voir le traite des enigmes du pere Menestrier , de la compagnie de Jesus, intitule la Philosophie des images enigmatiques , oil il est traite des enigmes , hi^roglyphes , oracles, pro- phelies, sorts, divinations, loteries , talismans, songes, centuries de Nostradamus, et de la ba- guette. Lyon, 169/j, in-12. Enlevement. Nous ne parlons ici que de ceux qui ont ete enleves par le diable. Une Allemande avait eontract6 I'habitude de jurer et de dire des mots de corps de garde, Elle fut bientot prise pour modele par quelques femmes de son pays, et il fallut un exemple qui arretat le desordre. Un jour qu'elle pronongait avec energie ces pa- roles qui sent tristes, surtout dans la bouche d'une femme : Que le diable rrCemporte!... le diable arriva en hussard et I'emporta*. On lit en ' Wierus , De prast. dam., lib. II ; Bodin , Demo- nomanie, liv. Ill, ch. i. beaucoup de livresqu'un certain comte de Macon, homme violent et impie , exergait une espece de tyrannie centre les ecclesiastiques et contre ce qui leur appartenait, sans se mettre en peine de cacher ni de colorer ses violences. Un jour qu'il etait assis dans son palais, bien accompagne, on y vit entrer un inconnu a cheval , qui s'avanca jusqu'aupres du comte, etlui dit : — Suivez-moi, j'ai a vous parler : — Le comte suit I'etranger, entraine par un pouvoir surnaturel. Lorsqu'il ar- ENN — 240 — EON rive a la porle , il trouve un cheval prepare , le iTionte et il est transporLe dans les airs , criant d'une voix terrible a ceux qui elaient presents: — A moi ! au secours!... On le perdtt de vue, et on ne put douter que le diable no Teut em- porte Dans la meme ville, il y eut un bailli qui fut aussi enleve par le diable a I'heure de son diner et porte trois fois autour de Macon, a la vue de tous les habitants, qui assurent ne I'avoir pas vu revenir ^ Ce fait est raconte par un pro- testant. Voij. Agrippa , Carlostad , Gabrielle d'Estrees, Luther, etc, etc. Ennoia, la supreme intelligence chez quel- ques disciples de Simon Ic Magicien. Voij. Me- nandre. Enoch. Voy. Henoch. Enrico, comte allemand qui reparut en fan- tome. I'OIJ. ArME i:S PKODIGIEL'SES. Enroleurs de Satan. Ceux qui s'engagent au diable s'obligcnL a lui amener des recrues ; comme il se fait au resle dans toutc socieLe se- crete. Voy. Engagements. Ensalmadores. Voy. Saludadores. Ensoph, dieu supreme de la cabale juive. 11 est cache dans les plus profonds abimes de I'etre. 11 est lout, et pourtanl il n'est rien de ce qui est. C'est lui qui a tout cree par Menra, qui est son verbe. Et Menra a produit les trois grands sephi- rotbs ; de ces trois sonl sortis les sephirollis in- ferieurs. Ensoph s'est manifesle dans les dix spheres qui composent I'univers; ses emanations s'etendent sur les quatre mondes, depuis les es- prils les plus hauls jusqu'a la matiere la plus in- iime. Dans ces emanations se Iruuvent diverses series d'esprits ou demons que Ton rencontre parlout ; des esprils parliculiers sent charges de surveiller les soixanle-dix peuples. De ces esprits, les uns sont des esprits de lumiere qui ont pour chef supreme Jezer-Job; les autres sonl des es- prits de tenebres qui obeissent a Jezer-Hara. Trois intelligences superieures, Metratun, Sandalphon ct Acalries, president les phalanges des bons es- prits, qui se parlagent en dix choeurs et ont pour sejours les trois cieux et les sept planeles. Le chef des esprits mauvais est Samael ou Satan, qui a pour lieutenants Asmodee et Bedargon, et pour ministres les Schedim, les Sayrim , les Ma- lache-Chabbalah. Ces mauvais esprils ou demons ont domicile dans les sept regions de I'enfer. Les esprits de la nature (sans doule les fees, les elfes, les follels et toutes les especes dece genre), sunt disperses enlre les bons et les mauvais esprits des sejours invisibles, lis pullulent dans notre atmosphere et se montrent a I'occasion *. 1 C'est I'histoire du comle Guillaume III, qu'on peutvoir, detaillee, dans les Lcgendes infernales. 2 Jean de Chassanion , huguenot, Des grands etre- doutables jugements de Dieu, advenus au nionde, p. 116. 3 Gorres, Mystique, liv. V, ch. ii. Tire de I'his- Ensorcellement. Bien des gens se sont crus ensorceles, qui n'etaient que le jouel de quelque hallucinalion. On lisait ce fait dans le Journal des Debuts du 5 mars 1841. — « II y a trois jours, M. Jacques Coquelin, demeurant rue du Marche Saint-Jean, n" 21, a Paris, loge au troisieme etage, renLrait chez lui vers onze heures du soir, la lete echaulfee par le vin. Arrive sur le palier du deuxieme etage, il se croit dans son domicile; il se deshabille Iranquillement, jette une a une ses liardes par une large fenelre donnant sur la cour et que dans son ivresse il prend pour son alcove; puis il se fait un bonnet de nuit avec sa cravale, el n'ayant plus que sa chemise sur le corps il se lance kii-meme par la fenelre, croyant se jeler sur son lit... Ce ne fut que le lendemain vers six heures du matin que les autres habitants de la maison s'apergurent de ce malheureux evenement. Le corps de Tinforlune Coquelin etail elendu sans raouvement sur les dalles de la cour. Pourtanl cet homme, age sculement de vingt-sept ans et doue d'une grande force physique, n'etait pas mort, quoique son corps fut borriblement mulile. Trans- porle chez lui, il vecut deux jours encore; mais son etat etail desespere, el il expira apres soixanle heures des plus cruelles souffrances, » — Dans d'autres temps ou dans d'autres pays, on eijt v« la un ensorcellement. Voy. loulefois Sortileges, Paroles, Bergers, etc., etc. Enterres vivants. Voy. Vampire, a la fin. Enthousiastes. On a donne ce nom a cerlains seclaires qui, elant agiles du demon, se croyaient inspires. invLS. Voy. GuNEM. Envie (L') , peche capital qui rejouit le de- mon, i)orce qu'il offense Dieu. Envoutement. Les sorcicrs font, dil-on, la figure en cire de leurs ennemis , la piquenl, la lourmenlent, la fondent devant le feu, afin que les originaux vivanls ct animes ressenlenl les memes douleurs. Cost ce que Ton appelle en- voulcr, du nom do la figure, vols ou voult. Voy. Vols. £on de I'Etoile. Dans le douzieme siecle, un certain Eon de I'Eloile , gentilhomme breton , abusant de la maniere dont on pronon^ail ces pa- roles : Per eum qui venturns est (on prononQait per Eon) , pr^lendit qu'il etail le fils de Dieu qui doit venir juger les vivanls et les morls, se donna pour lei, eut des adherents qu'on appela Eoniens, et qui se mirent, comme lous les novaleurs, a piller les eglises et les monasteres. flons. Selon les gnostiques, les Eons seniles elres vivants et intelligents que nous appelons des esprils. Les Grecs les nommaient demons; ce mot a le meme sens. Ces Eons prelendus etaienl ou des attributs de Dieu personnifies , ou toire, doctrine et noms de toutes les sectes juives qui ont existe autrefois et existent encore aujour- d'hui , par Beer. EPA 2/jl — EPI des mots hebreux tires de I'Ecriture, ou des mots barbares forges a discretion. Ainsi de Pleroma, la plenitude ou la divinite , sortaient -So/;/t/a, la sagesse; Nous, I'intelligence ; Sige, le silence; Logos, le verbe; Achamoth , la prudence, etc. L'un de ces Eons avait forme le monde, I'autre avait gouverne les Juifs et fabrique leur loi , un troisieme etait venu parmi les hommes sous le nom de Fils de Dieu ou de Jesus-Christ. II n'en coLitait rien pour les multiplier ; les uns etaient males et les autres femelles, et de leurs ma- nages il etait sorti une nombreuse famille. Les Eons etaient issus de Dieu par emanation et par j necessite de nature, Les inventeurs de ces ' reveries disaient encore que I'homme a deux ames, I'une sensitive qu'il a regue des Eons, et I'autre intelligente et raisonnable que Dieu lui a donnee pour reparer les bevues des Eons mal- adroits *. Epaule de mouton. Giraud, cite par M. Gau- irel, dans son memoire sur la part que les Fla- mands prirent a la conquete de I'Angleterre par les Normands , dil que les Flamands qui vinrent en Angleterre connaissaient I'avenir et le passe par I'inspection de I'epaule droite d'un mouton, depouillee de la viande non rotie, mais cuite a I'eau : « Par un art admirable et vraiment pro- phetique, ajoute le meme ecrivain,ils savent les choses qui dans le moment meme se passentloin d'eux ; ils annoncent avec la plus grande certi- tude, d'apres certains signes, la guerre et la paix, les massacres et les incendies, la raaladie et la mort du roi. G'est a tel point qu'ils previrent un an auparavant le bouleversement de I'Etat apres la mort de Henri J" , vendirent tous leurs biens et echapperent a la ruine enquittant le royaume avec leurs richesses. » — Pourtant on voit dans les historiens du temps que ce fait avance par Giraud n'est pas exact, et qu'il arriva au con- traire a ces Flamands beaucoup de choses qu'ils n'avaient pasprevues. Ephialtes ou Hyphialtes, Epheles, nom grec du cauchemar. Les Eoliens donnaient ce nom a une sorte de demons incubes qui etouffent' . Epicure. « Qui pourrait ne pas deplorer le sort d'Epicure, qui a le malheur de passer pour avoir attache le souverain bien aux plaisirs des sens, etdont a cette occasion on a fletri la me- moire ? Si Ton fait reflexion qu'il a vecu soixante- dix ans, qu'il a compose plus d'ouvragesqu'aucun des autres philosophes, qu'il se contentait de pain et d'eau, et que quand il voulait diner avec Jupiter, il n'y faisait ajouter qu'un peu de fro- mage , on reviendra bientot de cette fausse pre- vention. Que Ton consulte Diogene Laerce , on trouvera dans ses ecrits la vie d'Epicure, ses lettres, son testament, et Ton se convaincra que les faits que Ton avance centre lui sont ca- lomnieux. Ce qui a donne lieu a cette erreur, ^ Bergier, Bid. thcologique, au mot Gnostiques. 2 Leloyer, Hist, des spectres, ou Apparitions des es- prits, liv. II, ch. v, p. 497. c'est que Ton a mal pris sa doctrine; en effet, il ne faisait pas consister la felicite dans les plaisirs du corps, mais dans ceux de I'ame, et dans la tranquillite que selon lui on ne pent ob- tenir que de la sagesse et de la vertu *. » Voila ce que disent quelques critiques combattus par d'autres. flpidemies demoniaques. Voy. Bourignon, Orphrlines d' Amsterdam, Kentoiip, etc. Epilepsie. Les rois d' Angleterre ne gueris- saientpas seulement les ecrouelles ; ils benissaient encore des anneaux qui preservaient de la crampe et du mal caduc. Cette ceremonie se faisait le vendredi saint. Le roi , pour communiquer aux anneaux leur vertu salutaire , les frottait entre ses mains. Ces anneaux, qui etaient d'or ou d'ar- gent, etaient envoyes dans toute I'Europe comme des preservatifs infaillibles ; il en est fait mention * Brown, Essai sur les erreurs, etc., liv. VII, ch. XXVII, p. 329. EPO — 2li2 — ERG dans differents monumenLs anciens II y a d'au- tres nioyens naifs de trailer I'epilepsie , qui n'o- bligent pas a passer la rner. On croyait en guerir chez nos aieux en altachant au bras du malade un clou tire d'un crucifix. La meme cure s'ope- rait en lui meltant sur la poitrine ou dans la poche les noms des trois mages , Caspar, Balthazar, Melchior. Cette recette est indiquee dans des li- vres anciens: Caspar fert myrrham, fluis Melchior, Balthazar aurum, Haec tria qui secum portabit nomina regum Solvitur a morbo, Christi a pietate, caduco. Mais il y a encore bien d'autres remedes. Le Journal du Cateau publiait dernierement , sous le litre d'une tradition suedoise , les fails que voici : (( Dans ce pays de Suede que j 'habile de- puis peu , la peine de niort consisle en la decol- lation par le moyen d'une hache, el a eel effet la tele du patient est posee sur un billol devant le- quel on creuse une fosse oii la lele tombe apres avoir ete coupee , el ou Ton jelte aussi le corps du supplicie ; apres quoi on la remplit de ma- niere qu'il n'en reste aucune trace a la surface du sol. Or, il exisle parmi le peuple suedois une croyance deplorable ; a savoir, que le sang d'une personne decapitee, pris comme medicament in- terne, gueril radicalemenl I'epilepsie; el ce qui est encore plus deplorable , c'esl que rantorile, d'apres un usage immemorial, permelte outolere que les speclateurs des executions recueillent ce sang. Dans une execution qui a eu lieu ces jours- ci, apres que la tele du criminel eul ete separee du corps, une paysanne d'un age mur, atteinle du haul mal , se precipita vers le lieu du sup- plice avec un morceau de pain a la main,pourle tremper dans le sang qui jaillissail du cadavre; mais au moment ou elle allait consommer eel acte, elle ful frappee d'une atlaque de sa cruelle maladie, el elle tomba roide morle dans la fosse ou venail de rouler la tele ensanglanlee. Get effel a produit sur I'opinion egaree un grand mouve- menl. La foule semblait frappee de lerreui-. Mors I'aulorile , profitanl de cetle epouvanle , s'est empressee de faire comprendre au public, par des afliches qui defendent a I'avenir un pa- reil usage, combien Dieu le reprouvait, puisqu'il le punissait de morl subite el faisail lomber les deux cadavres dans la meme fosse. » Epona , deesse des ecuries chez les Romains. Son image elail honoree dans les etables. Elle avail eu pour pere Fulvius Stellus el pour mere une jument. Epoques diaboliques. On donna ce nom aux temps deplorables ou la recrudescence des sor- ciers a produit le plus d'horreurs. Les manicheens albigeois ont presente au treizieme siecle une de ces epoques sinislres. Le seizieme siecle a vu re- naitre dans la guerre des paysans , dans les atro- * Lebrun, Histoire des pratiques superstitieuses , t. II, p. 128. cites des premiers anabaplistes el ailleurs, une de ces epoques. La guerre de trente ans, dont le heros elail un manicheen aflilie aux socieles infernales, a failli jeter I'Europe dans la barbarie. Les Iriomphes de la philosophie separee se sonl presque loujours clos par un retour aux choses de Salan. Les Etats-Unis sont aujourd'hui avec leur spiritisme a une de ces epoques que nous signalons. Epreuves. L'epreuve golhique qui servail a reconnaitre les sorciers a beaucoup de rapporl avec la maniere judicieuse que le peuple emploie pour s'assurer si un chien est enrage ou ne I'esl pas. La foule se rassemble et tourraenle aulant que possible le chien qu'on accuse de rage. Si I'animal devoue se defend et mord, il est con- damne d'une voix unanime d'apres ce principe, qu'un chien enrage mord tout ce qu'il rencontre. S'il tache au contraire de s'echapper el de fuir a toules jambes, I'esperance de salut est perdue sans ressource ; on salt de reste qu'un chien en- rage court avec force el tout droit devanl lui sans se delourner. La sorciere soupgonnee elail plongee dans I'eau , les mains el les pieds forle- ment lies ensemble. Surnageait-elle , on I'enlevait aussilolpour la precipiler dans un bucher comme convaincue d'etre criminelle , puisque I'eau des epreuves la rejetait de son sein. Enfongait-elle, son innocence etail des lors irreprochable; mais celle juslificalion lui coutait la vie *. II y avail bien d'aulres epreuves. Celle de la croix consislait generalemenl, pour les deux ad- versaires, a demeurer les bras etendus devanl une croix , celui qui s'y tenait le plus longlemps gagnait sa cause. Mais le plus souvent les epreu- ves judiciaires se faisaient autrefois par I'eau ou lefeu. Voy. Eau bouillante, Cercueil, Ferchaud, Ordalie , etc. fipreuves du Sabbat. Voij. Elfdal. firard, vieillard de Cesaree, dont la fdle fut ensorcelee par un valet lui-meme possede. Saint Basile les delivra^. Erceldoune. Les avenlures merveilleuses de Thomas d'Erceldoune sonl I'une des plus vieilles legendes de fees que Ton connaisse. Thomas d'Erceldoune , dans le Lauderdale , surnomme le Rimeur, parce qu'il avail compose un roman poelique sur Trislrem et Yseult, roman curieux comme I'echantillon de vers anglais le plus an- cien qu'on sache exisler , florissait sous le regne d' Alexandre III d'Ecosse. Ainsi que d'aulres hom- mes de talent a cette epoque, Thomas fut soup- gonne de magie. On disait aussi qu'il avait le don de prophetiser, parce qu'il elail enlre un jour dans le royaume des fees 1 Goldsmith , Essai sur les mceurs. 2 Voyez celle histoire : Un pacie a, Cesaree, dans les Legendes infernales. 3 Voyez sa legende , dans les Legendes des esprits (lutins, fees et demons). ERE — 2i3 — ERL £rebe, fleuve des enfers. On le prend aussi pour une partie de I'enfer et pour I'enfer meme, II y avail chez les paiens un sacerdoce particulier pour les ames qui etaient dans I'Erebe, Ergenna, devin d'Etrurie dans I'antiquite. j Eric au chapeau venteux. On lit dans Hector de Boece que le roi de Suede Eric ou Henri, sur- nomme le Chapeau venteux, faisait changer les vents, en tournant son bonnet ou chapeau sur sa tete , pour montrer au demon avec qui il avait fait pacte de quel cote il lesvoulait; et le demon etait si exact a donner le vent que demandait le signal du bonnet, qu'on aurait pu en toute siirete prendre le couvre-chef royal pour une gi- rouelte. Erichtho , sorciere qui , dans la guerre entre Cesar et Porapee, evoqua un mort lequel predit I toutes les circonstances de la bataille de Phar- ! sale Erles, esprits ou genies qui donnent la peur en Allemagne. Goethe' a fait sur eux une bal- lade. Erleursortok , le diable au Greenland. II est toujours aux aguets, et il se jette sur toute ame qui s'echappe de sa prison mortelle ; habituelle- ment il la devore, car il a toujours faim. Erlik ou Erlig. Les Kalmouks croient que tout desastre leur est cause par un mauvais genie nomme Erlik ou le diable, qui, avec son nez en trompe, flaire les mourants. Des qu'un malade n'offre plusd'espoir, les gueloungs (leurs pretres) ont recours a I'expedient du rachat, en presen- tant a I'Erlik, qui s'obstine a ne pas se montrer, une poupee d'argile comme offrande. Pour con- server la vie d'un kan ou de quelque autre chef important , si I'opiniatrete de la maladie prouve clairement que I'Erlik est decide a s'emparer du malade , on cherche parmi ses subordonnes un individu qui, par atlachement, soil dispose a se sacrifier pour lui. Des exemples d'un pareil de- vouement ne sont pas rares chez les Kalmouks. Celui qui se determine a sauver des griffes de I'Erlik un chef atteint d'une affection mortelle recoit le nom , les habillements les plus riches et I'armure complete du malade ; on tache de lui ' Wierus, De prcBstigiis, lib. II, cap. ix. donner exterieurement la plus grande ressem- blance avec lui; il monte son cheval favori, con- vert d'une selle brillante ; et aux sons guerriers de la trompette et d'autres instruments , escorte par le peuple et les guelongs qui font les prieres prescrites pour un tel cas, il est conduit autour de I'houroul (temple de I'idole) , et puis on le poursuit a grands cris comme un andyne (exclu). L'andyne pent cependant se naturaliser dans un autre oulousse (village) ; il pent meme s'y ma- rier; mais il conserve le nom d'andyne et le transmet a ses enfants. Toutefois cet usage se perd, et on substitue des andynes d'argile ou de farine aux andynes vivants. — Independamment de ces artifices, les gueloungs se servent d'autres expedients. Dans le but de satisfaire leuravidite, ils reussissent quelquefois a persuader au malade que son ame s'est deja separee du corps, et qu'il faut altribuer aux derniers efforts de sa force vi- tale ce qui lui resLe encore de connaissance et de respiration. Cependant ils lui laissentl'espoir qu'il est possible de reunir son ame a son corps, alors que I'infortune offre toutce qu'il possede pour pro- longer ses jours. Le gueloung semble faire des efforts pour rappeler I'ame, d'abord en faisant entendre le son d'instruments a vent ; puis il sort de la kibithe (tente) , fait des signes a I'ame qui s'enfuit et I'invite en lui criant : « Reviens sur tes pas, si tu ne veux etre devoree par les loups. » Le malade , flottant entre la crainte et I'esperance , demande le resultat de ces efforts, et le gueloung repond : « Tout va bien; I'ame se montre deja dans le lointain et semble disposee a revenir. » II continue ainsi a flatter son malade jusqu'a sa mort ou jusqu'a son retablissement. Dans ce der- nier cas il le felicite de I'heureux retour de son ame ; mais si I'evenement est contraire, il assure aux parents du defunt que I'ame etait sur le point de revenir, quand le mechant Erlik employa un artifice inattendu qu'il raconte en detail. Si dans une maladie grave un homme tombe dans le delire et prononce des paroles inintelli- gibles , les assistants ne manquent pas de croire que I'Erlik le tourmente et veut lui ravir son ame. Alors ils font non-seulement dans la kibi- the , mais aussi au dehors , un bruit effroyable ; ceux qui se trouvent aupres du malade s'arment de tout ce qui leur tombe sous les mains, courent de tous les coles en jetant de grands cris, frap- pent I'air el s'efforcent de chasser le mauvais ge- nie, encourages d'ailleurs par I'exemple et les exhortations des gueloungs'. Erlik-Khan , prince des enfers ; il a une tete de bufile ornee de cornes et un collier de cranes autour du cou. Quelquefois il prend une tete d'homme, car il en a deux a son usage. Quand il fait I'homme, il tient dans I'une de ses quatre 1 Extrait d'un voyage fait en 1832 et 1833 au pays des Kalmouks , par Nesedieff. 16. ERO — 2 M - ESC mains un sceptre surmonte d'line tele de mort. Sa femme s'appelle Samorindo ou Samoiindo. flroconopes, peuples imaginaires que Liicien represenle comme d'habilcs archers, monies sur des moucherons monslres. Erocordaces, autre peuple imaginaire que le meme auleur represenle comballant avec des raves en guise de fleches. Eromantie, une des six especes de divina- tions pratiquees chez les Perses par le moyen de I'air. lis s'enveloppaient la tele d'une serviette, exposaient a I'air un vase rempli d'eau el pro- feraient a voix basse I'objet de leurs voeux. Si I'eau venail a bouillonner, c'elait un pronostic lieureux. Erotylos, pierre fabuleuse dent Democrite el Pline apres lui vantenl la propriete pour la di- vination. Erouniakcha. Dans la mythologie hindoue, c'est un fils de Dili , mere des genies malfaisants. Un jour il prit le monde et le jela dans la mcr. Nous ne chargeons pas, nous copions. Vichnou irrite revetit pour le combaltre la forme d'un sanglier; ce qui est sa troisieme incarnation. II eventra le fils de Dili et remit le monde a sa place. Voila des dogmes! Erreurs populaires. Lorsque le Danle publia son Enfcr, la simplicile de son siecle lo regul comme une veritable narration de sa descente dans les sombres manoirs. A I'epoque ou I'utopie de Thomas Morus parol pour la premiere fois, elle occasionna une plaisante meprise. Ce roman poetique donne le modele d'une republique ima- ginaire dans une ile qui est supposee avoir cle nouvellemenl decouverte en Amerique. Comme c'elait le siecle, dit Granger, Buddee et d'au- tres ecrivains prirent le conle pour une hisloire veritable el regarderent comme une chose im- porlante qu'on envoyat des missionnaires dans celle ile. — Ce ne fut que longlemps apres la publication des Voyages dc Gulliver, par Swift, qu'wn grand nombre de ses lecteursdemeurerenL convaincus qu'ils elaient fabuleux Les erreurs populaires sonlen si grand nombi-e qu'elles ne liendraienl pas loutes dans ce livre. Nous ne parlerons pas des erreurs physiques ou des erreurs d'ignorance : nous ne nous eleve- rons ici que contre les erreurs enfantees par les savants. Ainsi Cardan eut des parlisans lorsqu'il debila que, dans le nouveau monde, les goutles d'eau se changenl en petiles grenouilles verles. Cedrenus a ecrit tres-merveilleusement que tous les rois francs de la premiere race naissaienl avec I'epine du dos couverle et herissee d'un poil de sanglier. Le peuple croit fermemenl, dans cerlaines provinces, que la louve enfante, avec ses louveleaux, un petit chien qu'elle de- vore aussilol qu'il voil le jour, — Voij. la plu- parl des articles de ce dictjonnaire. ' Berlin, Curiosites de la litterature, t. I, p. 304. Erus ou Er, his de Zoroaslre. Platen assure qu'il sortit de son tombeau douze jours apres avoir ele brule sur un bucher, el qu'il conta bcaucoup de choses sur le sort des bons et des mechants dans I'aulre monde. Escalibor, epee merveilleuse du roi Arlhus. Escamotage. On I'a pris quelquefois pour la sorcellerie; le diable, dit Leloyer, s'en est sou- venl mele. Delrio (liv. 11, quest. 2) rapporle qu'on punit du dernier supplice, a Treves, une sorciere tres-connue qui faisail venir le lail de loutes les vaches du voisinage en un vase place dans le mur. Sprenger assure pareillement que cerlaines sorcieres se postent la nuit dans un coin de leur maison, tenant un vase devanlelles; qu'elles planlent un couleau ou tout autre in- strument dans le mur; qu'elles tendent la main pour traire, en invoquant le diable, qui Iravaille avec elles a Iraire telle ou telle vache qui parail la plus grasse el la mieux fournie de lail; que le demon s'cmpresse de presser les mamelles de la vache el de porter le lail dans I'endroil ou se Irouve la sorciere, qui I'escamole aussi. Dans nos villages, les escamoteurs out encore le nom de sorciers. Mais il y a mieux qu'eux : (( Foisanl route de Bombay a Pounah (en 1839),- dil M. Theodore Pavie *, je m'arrelai a Karli pour visiter le temple soulerrain creuse dans la coUine qui fait face au village; el pendant la chaleur du jour je me reposais sous I'ombrage des cocoliers, si beaux en ce lieu , quand je vis s'avancer, au bruit d'instrumenls discordanls, unc bande d'Hindous. L'un d'eux tenait dans chaque main une cohra-capella , la plus terrible espece de serpents donl I'lnde puisse se vanler, et en outre il porlail en sautoir un enorme hoa. Arrive pres de moi , ]e jongleur jela ses serpents a lerre, les lit courir, irrita les cobras, qui de- roulaienl leurs anneaux d'une maniere effrayanle, embrassa son boa; puis il se prit a lesfaire dan- ser tous les Irois au son d'un flageolet singulier qui se louchait comme une vielle, bien qu'il fill forme d'une calebasse. Pendant ce temps, ses acolytes avaient dispose tout leur etablissement sur la poussiere; le tambourin rassemblait les enfanls du village , el bienlot se forma un cercle considerable de speclaleurs de dix ans et au- dessous : les plus pelils nus, les autres portant une ceinlure, el tous accroupis dans raltente des grandes choses qui se preparaienl. » Ce jongleur avail toule la volubilile d'ex- pres.sions d'un saltimbanque europeen. 11 s'ex- primail tres-clairemenl , en bon hindoustani, h'len qu'il se trouval en pays mahratle; mais le public semblait n'y rien perdre, tanl ses gesles et ses gambades elaienl ininlelligibles. D'abord il posa par lerre une marionnelte, soldal portant ' Les harvis et les jongleurs, ccrit dale de Pounah, chez les Mahralles, le 25 decembre 1839, publie p^r la Revue des Deux-Mondes. ESC — 2h5 — ESC le sabre et Tare, A I'entendrc, c'elait iin sipaki, un grand chasseur, un Liieur de lions, de ligres, de gazelles... Bientot, a son coinmandement, la marionnette lanca une fleche et renversa le but dispose devant elle, non pas une fois, mais a pUisieurs reprises, a la satisfaction evidente de la jeune assemblee. » Ce n'etait la qu'un preambule, les bagatelles de la porle! Le jongleur prit une poignee de ble noir Idjouari) , la mit dans un itianteau; puis, quand. on eut bien secoue le inanteau, bien vanne le grain , il se trouva change en un beau riz blanc, pur, pret a faire un harry. Je n'y avals rien compris, et je commenqais a rentrer dansmes habitudes de credulite lorsque I'esca- inoteur ambulant etala une seconde marionnette Escamolour indien. longue de six pouces au plus et de la grosseur du poignet. Celte informe poup^e epouvanta grandement la partie la plus naive du public; mais quelle ne fut pas la surprise generale quand de ce morceau de bois cache sous un mouchoir sortirent successivement jusqu'a quatre gros pi- geons! lis devaient y 6tre contenus d'avance, a moins de sortilege... Quant a moi , j'aurais eu peine a y introduire quatre moineaux. Notre jon- gleur accompagnait ses tours de mantras (prieres magiques) et traqait des cercles avec sa ba- guette. Mais il avait sur ses confreres d'Europe un avantage, ou plutot une superiorite bien mar- quee; car il operait sur le sol, sans table ni go- belets, et completement nu, sauf le turban et la ceinture que les Hindous ne quiltent jamais: done, pas de manches, pas de gibeciere. Son cabinet consistait en quelques mauvais paniers de bambou , destines a porter les serpents qu'il escamotait aussi et faisait paraitre et disparaitre ESC — 246 — ESC avec une telle adresse que le plus fin n'y eut 1 rien compris. Ainsi d'un mouchoir deroule , se- 1 coue et mis au vent comme un pavilion , je le : vis faire sortir une de ces cobras laissee dans un panier pres de moi, a une tres-grande dis- tance du lieu ou il se trouvail ; en sorte que , voyant le nid de I'animal entierement vide , je soupQonnai qu'il s'etait fraye un chemin sous terre. )) Cependant les tours de magie continuaient sans interruption. Le jongleur tenait a la main une cruche aussi impossible a vider que le ton- neau des Danaides I'etait a remplir : il versait I'eau a terre, la jetait dans son oreille et la ren- dait par la bouche, s'administrait des douches sur la tete, et toujours le vase etait plein jus- qu'au bord. Ensuite il tira de son sac une paire de pantoufles de bois plus larges que la plante de ses pieds. Apres bien des discours et des charges, il finit par faire adherer a ses talons nus ces semelles Ires-polies, et fit plus de gam- bades avec de telles chaussures que n'en pour- raient faire a I'Opera de jolis petits pieds chaus- ses d'elegants escarpins. Tan tot il s'elevait en I'air; tantot il frappait la pantoufle sur la terre, de maniere a la faire tomber; mais jamais elle ne glissait. Ce fut encore la une chose inexpli- cable pour moi ; car il n'avail applique a ses pieds aucune substance collante, et il pouvait a vo- lonte lacher ces pantoufles unies comme la glace. » Enfin la seance se termina par une expe- rience plus surpreuante encore que, par ceLte raison sans doute, noLre magicien gardait pour la derniere. L'un des joueurs de tambourins, grand gargon d'une belle taille, se laissa atla- cher les pieds, lier les mains derriere le cou et enfermer dans un filet a poissons bien serre par une douzaine de noeuds. Dans cet etat, apres I'avoir promene autour du cercle des specta- teurs, on le conduisit pres d'un panier de deux pieds de haut sur quatorze pouces de large. « — Voulez-vous que je le jelte dans I'elang? demanda le chef de bande. G'est un vaurien ; le voila bien lie; I'occasion est bonne : j'ai envie de m'en defaire ! » » Et I'auditoire credule se tournait deja du cote de cette piece d'eau ombragee d'arbres ma- gnifiques et creusee au bas de la pagode pour les ablutions et les besoins du village. — Non, dil en s'interrompant le jongleur, apres une minute de reflexion; je vais 1 escamoter, fenvoyer. .. ou vous voudrez : a Pounah , a Dehli , a Ahmed- Nagar, a Benares ! » Et sur-le-champ il enleva le patient , tou- jours incarcere dans son filet, et le plaga au fond du panier, en rabatlant le couvercle sur sa tele ; il s'en fallait de plus de trois pieds que les bords se joignissent. On jeta un manteau sur le tout. » Insensiblement le volume diminua, s'affaissa ; on vit voler en I'air le filet et les cordes qui at- tachaient le jeune Hindou; puis le panier se ferma de lui-meme, et une voix qui semblait sortir des nues cria : — Adieu ! » — II est parti pour Ahmed-Nagar, il est en- vole ; Our-Gaya! Our-Gaya! repeta le jongleur avec transport ; il ne saurait tenir dans un aussi petit espace (et cela paraissait physiquement impossible). Je vais done attacher le panier et prendre conge de I'assemblee. » Le paquet fut ficele ; il ne restait plus qu'a le mettre sur le dos du bufile destine a porter les bagages de la troupe. — Un instant! reprit su- bitement le jongleur; si pourtant il etait dans le panier ! Qui salt? — Et la-dessus, tirant un long sabre , il traversa le panier presque par le mi- lieu... Le sang coula en abondance... I'anxiele etait a son comble... lorsque tout a coup le cou- vercle sc leve de nouveau, et d'un bond le grand gar£on saute hors de sa niche frais et dispos, sans la moindre egratignure ! » Ce tour est simple , tres-simple , dira-t-on ; mais se debarrasser des cordes et du filet, se cacher dans un si petit espace, y rester un quart d'heure sans broncher, et de telle facon que le sabre ne puisse rencontrer quelque membre a entamer, ce sont la des prodiges de dexterite, de souplesse et de patience que Ton ne peut concevoir, surtout quand on les a vus. » Apres ce nec plus ultra de la science, les jongleurs firent leurs paquets et se mirent en marche vers Nagapour, leur patrie. Je les vis se perdre dans la foule de boeufs charges que des troupes de mahrattes, tribus ambuiantes trainant avec eux armes et bagages, femmes et enfants, conduisent dans I'interieur. La foule se dispersa pen a peu *. » 1 Voici une anecdote d'escamotage rapportde par la Chronique de Courtrai du 25 avril 1843. « Dans une des baraques, sur la Grand'Place, hier, pendant qu'un escamoleiir executait ses tours, il vit un des assistants derober fort adroitement le mou- choir de son voisin et s'en ecarter aussitot en allant se placer d'un autre cote. 11 trouva la une occasion superbe de se donner du relief. — Monsieur, dit I'es- camoteur titulaire a la victime du larcin, pretez-moi, s'i! vous plait, voire foulard, je vais faire un tour des plus surprenants. Celui-ci s'empressa de mettre la main dans sa poclie, et tout ebahi s'ecria qu'il ^tait vole, en dirigeant ses regards accusaleurs sur ceux qui I'entouralent. — Vole! s'ecria I'escamoteur tout etonne; eh bien, tant mieux! mon tour en sera plus beau. — De quelle couleur est votre foulard? — Rouge et jaune. — Bon, soyeztranquille, s'il est encore dans la salle, il vous reviendra. Et faisant tourner sa baguette sur le bout de ses doigts, il en arreta le mouvement dans la direction de I'escamoteur de con- trebande, et luidit : — Le foulard est dans ta poche, rends-le. Cette apostrophe consterna le voleur, qui cependant se remit aussitot, affecta une grande sur- prise et passa le mouchoir a son proprietaire aux ; acclamations des spectateurs saisis d'admiration. La police ful avertie, le filou mis en prison et I'art du devin , prone par toutes les bouches , ne cessa d'at- i tirer une foule considerable a sa baraque pendant ■ toute la journ^e. » ESC — 2Z|7 — ESC • Escargots. On ne voit nuUe part que ces hon- netes creatures aient jamais figure au sabbat. Mais il parait qu'elles ont aussi leur cole myste- rieux, et qu'elles pourraient, quand les etudes dont s'occupent les savants auront abouti, faire concurrence au telegraphe electrique. On a done propose en 1850 un precede qui se murit, c'est la boussole pnsilalinique - sympathique . Si vous trouvez ce nom bizarre, I'agent de cette boussole ne Test pas moins ; c'est I'escargot. Deux amis separes par de grandes distances se seront munis chacun d'un escargot de meme esp^ce , les au- ront magnetises ensemble pour etablir la sym- pathie ; puis I'ami reste a Paris chargera son es- cargot des nouvelles qu'il veut transmettre a son ami installe a Pekin , et ce dernier repondra de la meme maniere; par quels moyens faciles? nous I'ignorons ; mais en mars de la presente annee, les journaux disaient qu'on etait a la veille de re- sultats satisfaisants, et les spiriles affirment que cette decouverte se rattache a ce que nos peres appelaient la magie naturelle. Un Americain pre- tend meme que les escargots magnetises parle- ront, ou bien un esprit, de ceux qui tiennent aux tables , pourra parler pour eux. Eschyle , tragique grec a qui on avail pr^dit qu'il mourrait de la chute d'une maison, ce qui fit qu'il s'alla loger en pleine campagne ; mais le conte ajoute qu'un aigle qui portait une tortue entreses griffesla laissa tombersur la tete chauve du poete, pensant que ce fut un rocher, et la prediction s'accomplit. ESD — 248 — ESP Esdras, pour ]es ecrits cabalistiques qu'on liii altribue, voij. Pic de la Mirandole Eskthirnir, daim monstrueux des mytholo- gies scandinaves. C'est de ses cornes que s'echap- pent les fleuves qui circulent sur la terre. Espagnet (Jean d'), philosoplie hermelique, qui a fait deux trailes inlilules, I'un Enchiridion dc la physique retablie, I'aulre Secret de la philo- sophie hermHicjue'^ \ encore lui conteste-t-on ce dernier, que Ton altribue a un inconnu qui se faisait appeler le Chevalier Imperial ^ Le Secret de la philosophie renferme la pratique du grand a?uvre , et V Enchiridion la Iheorie physique sur laquelle repose la Iransmulabiiile des metaux. D'Espagnel est encore auteur de la preface qui l^recede le Traitd de I'lnconstance des demons de Pierre Delancre. On lit dans cette preface que les sorcieres ont coutume de voler les pelits enfants pour les consacrer au demon. Espagnol (Jean 1'), docteur en Iheologie, grand prieur de Saint-Remi de Picims, auteur d'un livre intitule Hisloirc notable de la conver- sion des Anglais, etc., in-8°, Douai , 161Z|. La vingtieme annotation, qui commence a la page 200 et va jusqu'a la page 306, est un traite sur les apparitions des esprits, oii avec des choses passables et mediocres on trouve de bonnes ob- servations *. Esprits. Les anciens ont cru que les esprits, qu'ils appelaient demons ou genies, etaient des demi-dieux. Chaque nation, dit Apulee, meme chaque famille et chaque homme , a son esprit qui le guide et qui veille sur sa conduite. Tous les peuples avaienl du respect pour eux et les Romainsles reveraient. lis n'assiegeaientlesvilles et n'entreprenaient leurs guerres qu'apres que leurs prelres avaient invoque le genie du pays. Caligula meme fit punir publiquement quelques- uns de ceux qui les avaient raaudits Des pliilo- sophes se sont imagine que les ames des morts , des qu'elles etaient separees de leurs corps, er- raient incessamment sur la terre. Ce sentiment leur paraissait d'autantplus vraisemblable, qu'ils se vantaient de voir des spectres aupres des tom- beaux, dans les cimetieres et dans les lieux oii Ton avail tue quelques personnes. « Les esprits, 1 Voyez, dans les Legendes de I'Ancien Testament, la legende d'Esdras. 2 Enchiridon phijsicce restituce. Arcanum philoso- phice hernieticce. 3 Ce chevalier, tres-rev^re des alchimisles, est mentionne souvent dans la Trompette franQaise, petit volume contenant une Prophctie de Bombart sur la naissance de Louis XIV. On a du Chevalier impe- rial \e Miroir des alchimistes , avec inslructions aux dames pour dordnavant etre belles sans plus user de fards venimeux, 1609. In-16. * Lenglet-Dufresnoy, Catalogue des auteurs qui ont (?crit sur les apparitions. ^ Discours sur les esprits follets, Mercure galant, 1680. dit Wecker , sont les seigneurs de Pair ; ils peu- vent exciter les tempetes, rompre les nues el les transporter ou ils veulent avec de grands tour- billons, enlever I'eau de la mer, en former la grele et tout ce que bon leur semble. » 11 y a dans I'interieur de I'Amerique septen- trionale des j>euplades sauvages qui croienl que lorsqu'un homme est enterre sans qu'on place aupres de lui tout ce qui lui a appartenu, son es- prit revient sous forme humaine, et se montre sur les arbres les plus pres de sa maison anne d'un fusil; on ajoute qu'il ne pent jouir du repos qu'apres que les objels qu'il reclame ont ete deposes dans sa tombe. Les Siamois admettent une multitude d'esprits repandus dans I'air; leur puissance est fort grande et ils sont tres-malfai- sants. On trace certaines paroles magiques sur des feuilles de papier pour se premunir centre leur malice. Lorsqu'on prepare une medecine, on garnit le bord du vase d'un grand nombre de ces papiers, de peur que les esprits n'em- poilent la vertu des remedes. Les auteurs caba- listiques pretendent que les esprits sont des creatures materielles, composeesde la substance la plus pure des elements; que plus cette nia- tiere est subtile, plus ils ont de pouvoir et d'ac- tion. Ces auteurs en distinguent de deux sorles, de superieurs et d'inferieurs : les superieurs sont ou celestes ou aeriens; les inferieurs sont ou aquatiques ou terrestres. Ceux qui ont cru que ces esprits etaient des creatures materielles les ont assujellis a la morl comme les hommes. Cardan dit que les esprits qui apparurenl a son pere lui firenl connailre qu'ils naissaient el qu'ils mouraienl comme nous ; mais que leur vie etait plus longue et plus heureuse que la noire. Voici de pelits traits d'esprits : Guillaume de Paris ecrit que, I'an ikhl, il y avail un espril a Poitiers dans la paroisse de Saint-Paul, lequel rompait vitres et verrieres et frappait a coups de pierres sans blesser personne'. Ca^sarius raconte que la fille d'un prevot de Cologne etait si tour- mentfe d'un esprit malin qu'elle en devinl frene- lique. Le pere fnl averti defaire alier sa fdle au dela du Rhin el de la changer de lieu, ce qu'il fit. L'esprit fut oblige d'abandonner la fille, mais il batlit lanl le pere qu'il en mourut Irois jours apres Cet esprit pouvait bien etre un corps. ■ — Au commencement du regne de Char- les IV, dit le Bel , l'esprit d'un bourgeois mort depuis (juelques annees parut sur la place pu- blique d'Arles en Provence ; il rapportait des choses merveilleuses de I'aulre monde. Le prieur des jacobins d'Arles, homme de bien , pensa que eel esprit pouvait etre un demon deguise. 11 .se rendil sur la place ; soudain I'espril decouvrit qui il etait el pria qu'on le Ural du purgatoire. 1 Bodin, Demonornanie des sorciers, liv. Ill, p. 393. - Bodin, Demonomanie des sorciers, liv. Ill, p. 393. ESP — 249 ~ ESP Ayant ainsi parle, il disparuL, et comme on pria pour son ame , il ne fut oncques vu depuis En 1750 un officier du prince de Conti, etant couche dans le chateau de I'lle-Adam, sentit tout a coup enlever sa couverture. II la retire ; on re- nouvelle le manege tant qu'a la fin roliicier en- nuye jure d'exterminer le mauvais plaisant, met I'epee a la main , cherche dans tons les coins et ne trouve rien. Etonne.mais brave, il veut avant de conter son aventure eprouver encore le len- demain si Timporlun reviendra. II s'enferme avec soin, se couche, ecoute longtemps et finit par s'endormir. Mors on lui joue le meme tour que la veille. II s'elance du lit , renouvelle ses mena- ces et perd son temps en recherches. La crainte s'empare de lui ; il appelle un frotteur qu'il prie de coucher dans sa chambre, sans lui dire pour quel motif. Maisl'esprit, qui avait fait son tour, ne paralt plus. La nuit suivante il se fait accompa- gnor du frotteur, a qui il raconle ce qui lui est arrive, et ils se couchent tous deux. Le fantome vient bientot , eteint la chandelle qu'ils avaient laissee allumee , les decouvre et s'enfuit. Comme ils avaient enlrevu cependant un monstre dif- forme, hideux et gambadant, le frotteur s'ecria que c'etait le diable et courut chercher de I'eau benite. Mais au moment qu'il levait le goupillon pour asperger la chambre , I'esprit le lui enleve et disparait... Les deux champions poussent des cris ; on accourt, on passe la nuit en alarmes, et le matin on apercoit sur le toit de la maison un gros singe qui, arme du goupillon, le plongeait dans I'eau de la gouttiere et en arrosait les pas- sants. En 1210 un bourgeois d'Epinal, nomme Hu- gues, fut visile par un esprit qui faisait des choses merveilleuses, et qui parlait sans se montrer. On lui demanda son nom et de quel lieu il venait. 11 l epondit qu'il etait I'esprit d'un jeune homme de Clerentine, village a sept lieues d'Epinal , et que sa femme vivait encore. Un jour Hugues ayant ordonne a son valet de seller son cheval et de lui donner a manger, le valet differa de faire ce qu'on lui commandait; I'esprit fit son ouvrage au grand etonnement de tout le monde. Un autre jour Hugues, voulant se faire saigner, dit a sa fille de preparer des bandeleltes. L'espritalla prendre une chemise neuve dans une autre chambre , la dechira par bandes et vint la presenter au maitre en lui disant de choisir les meilleures. Un autre jour la servante du logis ayant etendu du linge dans le jardin pour le faire secher, I'esprit le porta au grenier et le plia plus proprement que n'aurait pu faire la plus habile blanchisseuse. Ce qui est remarquable, c'est que pendant six mois qu'il frequenta cette maison, il n'y fit aucun mal a personne et ne rendit que de bons offices, * Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des esprits. contre I'ordinaire de ceux de son espece. Voy. Hecdekin. Sur la fin de I'annee 17/i6 on entendit comme des soupirs qui partaient d'un coin de I'impri- merie du sieur Lahard , I'un des conseillers de la ville de Constance. Les garcons de I'imprimerie n'en firent que rire d'abord. Mais dans les pre- miers jours de janvier on distingua plus de bruit qu'auparavant. On frappait rudement contre la muraille, vers le meme coin oil Ton avait d'abord entendu des soupirs; on en vint jusqu'a donner des soufllets aux imprimeurs et a jeter leurs cha- peaux par terre. L'esprit continua son manege pendant plusieurs jours, donna'nt des soufflets aux uns, jetant des pierres aux autres; en sorte que les compositeurs furent obliges d'abandonner ce coin de I'imprimerie. II se fit alors beaucoup d'autres tours, dans lesquels les experiences de la physique amusante entrerent probablement pour beaucoup , et enfin cette farce cessa sans explication. Voy. Revenants, Appakitions, Dro- LES, etc. Voici I'histoire d'un esprit qui fut cite en jus- tice : — En 1761 un fermier de Soulhams, dans le comte de Warwick (Angleterre) , fut assassine en revenant chez lui. Le lendemain un voisin vint trouver la femme de ce fermier et lui de- manda si son mari etait rentre ; elle repondit que non et qu'elle en etait dans de grandes inquie- tudes. — Vos inquietudes , repliqua cet homme, ne peuvent egaler les miennes, car comme j'etais couche cette nuit sans elre encore endormi, votre mari m'est apparu , convert de blessures et m'a dit qu'il avait ete assassine par son ami John Dick et que son cadavre avait ele jete dans une marniere. La fermiere alaruiee fit des perquisi- tions. On decouvrit dans la marniere le corps blesse aux endroits que le voisin avait designes. CeUii que le revenant avait accuse fut saisi et mis enlre les mains des juges, comme violemment soupconne de meurtre. Son proces fut instruit a Warwick; les jures I'auraient condamne aussi teinerairement que le juge de paix I'avait arrete, si lord Raymond, le principal juge, n'avait sus- pendu I'arret. — Messieurs, dit-il aux jures, je crois que vous donnez plus de poids au temoi- gnage d'un revenant qu'il n'en merite. Quelque cas qu'on fasse de ces sortes d'histoires, nous n'avons aucun droit de suivre nos inclinations par- ticulieres sur ce point. Nous formons un tribunal de justice, et nous devons nous regler sur la loi; or je ne connais aucune loi existante qui admette le temoignage d'un revenant, et quand il y en au- rait une qui I'admettrait , le revenant ne parait pas pour faire sa deposition. Huissier, ajouta-t-il, appelez le revenant. Ce que I'huissier fit par trois fois sans que le revenant parut. — Messieurs, continua lord Raymond, le prisonnier qui est a la barre est, suivant le temoignage de gens irre- prochables, d'une reputation sans tache, et il n'a ESP — 2, 50 — ESP point para dans le cours des informations qu'il y ait eii aucune espece de querelle entre lui et le mort. Je le crois absolument innocent, et comme ii n'y a aucune preuve centre lui , ni directe ni indirecte, il doitetre renvoye. Mais par plusieurs circonstances qui m'ont frappe dans le proces, je soupQonne fortement la personne qui a vu le re- venant d'etre le meurtrier, auqael cas il n'est pas difficile de concevoir qu'il ait pu designer la place, les blessures, la marniere et le reste sans aucun secours surnaturel ; en consequence de ces soupQons, je me crois en droit de la faire arreter jusqu'a ce que Ton fasse de plus amples infor- mations. — Get homme fut effectivement arrete ; on fit des perquisitions dans sa maison ; on trouva les preuves de son crime , qu'il avoua lui-meme a la fin, et il fut execute aux assises suivantes. Esprits elementaires.Lescabalistes,quis'ob- stinent a ne reconnaitre que quatre elements : I'air, le feu, I'eau et la lerre, peuplent ces ele- ments d'esprits divers. Les salamandres habitent le feu; les sylphes, I'air; les gnomes, la terre"; I'eau est le sejour des ondins ou nymphes. Voij. ces mots. Les cabalistes, cherchant les mysleres du grand ceuvre dans toutes les figures, les trouvent j usque dans les cartes. Suivant ces doctes, les carreaux sont les salamandres; les coeurs, les sylphes ; les trefles, les ondins, et les piques, les gnomes. Esprits familiers. Scaliger, Cecco d'Ascoli, Cardan et plusieurs autres visionnaires ont eu, comme Socrate, des esprits familiers. Bodin dit avoir connu un homme qui etait toujours accom- pagne d'un esprit familier, lequel lui donnait un petit coup sur I'oreille gauche quand il faisait bien et le tirait par I'oreille droile quand il faisait mal. Get homme etait averti de la memo fagon si 08 qu'il voulait manger etait bon ou mauvais, s'il se trouvait avec un honnete homme ou avec un coquin, etc. G'etait Ires-avantageux. Esprits foUets. Voy. Feux follets. Esprits frappeurs. Depuis les precedenles editions de ce livre, des faits nouveaux sont venus jeter de grandes lumieres sur les esprits. Tout le monde sait aujourd'hui qu'on peut les evoquer par divers precedes, et notamment au moyen de tables qu'ils animent. Ces tables des lors frap- pent, tournent, s'agilent, marchent, gesticulent et repondent aux questions. G'est aux Etats-Unis que Dieu a permis d'abord ces manifestations. Ellesont eclate bientotpartout, comme pour con- firmer ces paroles de saint Paul, que nous vivons enteures des puissances de I'air contre lesquelles nous avons a lutler. Les consciencieux ouvrages de M. Eudes de Mirville et de M. des Mousseaux ont parfaitement donne I'histoire de ces nou- veaux prodiges. Mais leurs savants ecrits ne peu- vent pas etre mis indifferemment dans toutes les mains. II y a danger a se jouer avec les demons, et quoique les esprits frappeurs et parleurs se donnent quelquefois pour de bons anges ou pour des ames d'honnetes defunts, il ne faut pas.s'y tromper. On voit dans saint Thomas que souvent les esprits se font passer pour des ames dont ils prennent frauduleusement le nom, afin de ne pas effrayer tout d'abord Aussi I'Eglise catholique a-t-elle partout defendu ces coupables tentatives qui appellent les demons. Sur ces faits nouveaux qui deconcertent la science humaine, voici le jugement d'un savant medecin, publie dans la Revue medicale : « En ma qualite.de Chretien, je crois sur la parole de I'fivangile que la foi, cette force de I'homme par excellence, peut faire qu'un murier plante sur une rive du fleuve, aille se planter sur I'autre rive. Je crois, sur la parole de saint Paul, qu'il y a des puissances repandues dans I'air, des esprits, des intelligences intermediaires dont Dieu, le diable et I'homme peuvent provoquer intervention , pour produire dans le monde phy- sique des phenomenes dont le physicien aura le droit d'etre fort etonne... Quant a la question speciale du fait realise, la quantite, et dans cette quantite la qualite des temoins qui I'attestent, me parait suffisante pour obligor a I'admettre. Les tables ont done tourni et parU. Mais apres la question de realite vient pour moi la question de X'utiliU des tables tournantes au beau milieu du dix-neuvieme siecle. Selon moi, si un fait comme celui-la n'etait pas utile, il aurait beau etre possible, il ne se serait pas realise. Je crois done qu'a I'epoque ou des corps bruts et inertes ont execute des mouvements et reproduit des signes d'intelligence, il y avait utilite a ce que cela eut lieu ainsi. Je ne sais pas, ignorant que je suis, tout ce a quoi pouvaient servir ces manifesta- tions ; mais je sais que , lorsqu'elles ont paru , la science selon nos savants n'existait que pour et par Vobservation : la science etait I'observation meme et I'observation sensuelle la plus gros- siere ! L'intelligence avait failli, dans ces temps de lumiere menteuse, devenir inutile et superflue... Je connais des savants de la veille qui n'osent plus prononcer le mot olservation depuis qu'ils ont observe des tables tournantes. Le fait etait done utile pour le retablissement des droits de l'intelligence. En un mot, je crois que les tables ont tourne pour la mystification des savants, qui avaient degrade la science jusqu'a la reduire a ce qu'ils ap^e\menl Vobservation sensuelle... » Voici un fait tres-singulier et en meme temps assez remarquable pour donner a reflechir au Iccteur; il est raconte par M, de Mirville dans son livre sur la Question des esprits : « M. le baron de N*** , occupant une position offlcielle et con- 1 Pour mieux venir a bout de leurs mauvais des- seins, les demons, dit saint Thomas, feignent sou- vent d'etre les ames des morts : Frequenter dcemones simulant se esse animas mortuorum. [Summa, p. 1, quest, cxvii, art. 4.) ESP — 251 — ETA siderable dans un des -ministeres de Paris, en nous permettant , a M. des Mousseaux et a nous , de raconter les fails qui vontsuivre, a bien voulu y joindre la permission de le nommer verbalement. Nous rappelant parfaitement ses expressions, nous croyons pouvoir les reproduire avec la plus grande fidelite. — Nourri, nous dit-il, ou plutot sature de tout le scepticisme du dix-huitieme siecle, double au dix-.neuvieme de celui que je tenais de ma propre nature, j'avais et j'aurais defie tous les predicateurs du monde de pratiquer la moindre breche a une pareille forteresse... Mais arrive- rent les tables; les manier,les ecouter etdeviner tout le mystere ne fut pas long pour moi. Vous dire quelle revolution cette conviction nouvelle opera dans mon esprit serait une chose impos- sible. Des le premier instant, j'entrevis a quelles extrdmites tout cela devait infailliblement me con- duire, et je ne le cachai pas a ces convertisseurs d'un nouveau genre. — Savez-vous bien, leur disais-je, que vous travaillez contra vous? Savez- vous que vous me menerez lout droit a confesse? — Non , non , repondirent-ils. — Mais si , si. — Non. • — Si. — Non , je t'en empecherai bien. — Et comment pensez-vous vous y prendre? — Tu le verras. Le fait est que je remportai la vic- toire et que j'allai tout droit a ce qui les revoltait tanl. Mais a partir de ce moment, leur vengeance fut atroce : je devins leur table a mon tour ; Us s'emparerent de moi et Y identification fut com- plete. Je ne pensais plus par moi-meme ; ce n'e- tait plus moi qui parlais ; je souffrais tous les tourments de I'enfer et litteralement j'etais fou ou plutot possede. Mon desespoir etait extreme, et je ne sais ce que tout cela Kit devenu , sans la grande et prudente verlu du directeur que je ni'etais donne. Grace a lui , a la paix, a I'obeis- sance, au redoublement de priere el de con- fiance dans lesquels il avail su me maintenir, la possession disparut, et le dernier de ces cruels holes me quilla en me disant : — Adieu, tu I'em- portes , mais nous te retrouverons sur ton lit et a I'heure de la mort ; c'est la que nous sommes tout-puissants. Depuis lors, messieurs, je me regarde comme sauve , et suis le plus heureux des homraes. Neanmoins, un jour, je voulus en- core essayer de tirer d'eux quelques veriles et peut-elre quelque bien. — Donnez-nous, leur di- sais-je, quelque idee de la bonte divine. — Com- ment le voudrais-lu, puisqu'elle est infmie? — Elle est infmie, et cependanl tu souffres, mal- heureux! — Cruellement... — Et toujours? — Toujours... — Mais, miserable comme tu parais I'etre , et Dieu etant bon comme tu le dis , si tu essayaisde le flechir!... Qui sail? — Tu demandes encore la une chose absolument impossible. — Et pourquoi? — 11 ne saurail me pardonner,/?ttis- queje ne le veux pas? — Et s'il te proposait I'a- neantissement complet, accepterais-tu? Apres quelque hesitation, I'un des esprits r^pond : — Oui, parce que I'etre est le seul bien que je tienne en- core de lui, et qu'alors, ne lui devant plus 7'ien, je serais quilte envers lui. Quant a I'autre : — Non , je n' accepterais pas , dit-il, parce que je n'aurais phis la consolation de le hair. — Tu hais done bien!... — Sii je hais! Mais mon nom est ; la haine. Je hais tout; je me hais moi-meme... Quant a rauthenticite du recil, nous ferons re- marquer pour la derniere fois que la permission de nommer equivaut a I'acte de signer. » Ce qui doit sembler prodigieux a tout esprit qui n'est pas delraque, c'est que les pays proleslants voient s'eiever dans leur sein le culte des esprits a la hauteur d'une religion. Les demons, qui ont deja des temples a Geneve, a New- York et ail- leurs , se flatle sans doule de ramener le paga- nisme au sein des societes que les philosophes ont egarees. C'est du reste la fin et la cloture de toutes les epoques de philosophie. Citons encore un petit trait fort original , rap- porte dans le journal frangais de Nev\^-York : « Un jeune homme, fiance a une jeune fille de Bordentown, oia il demeurait , mourut vendredi dernier. Les deux promis el leurs families etaient les uns et les autres de fermes croyants dans I'existence et les manifestations des esprits , ce qui leur suggera I'idee la plus bizarre dont on ait entendu parler. II futresolu d'un commun ac- cord que le mariage ne serait pas suspendu par la mort du f utur, mais que son esprit , degage de I'enveloppe terrestre, serait neanmoins uni a I'esprit incarne dans le corps de la fiancee. » Dimanche, en effet, la ceremonie a ete ce- leb ree en tre la jeune fille, pleine de vie et de jeunesse, elle cadavre inanime de son adoraleur, dont I'esprit avail guide ces absurdes prescrip- tions. » Heureusement cette momerie impie ne sau- rail avoir d'effet qu'aulant que la survivanle le trouvera bon , car il n'est pas de loi au monde qui reconnaisse un pareil mariage. Lors done que la premiere exaltation sera calmee, elle sera libre encore de reconnaitre efficacement que, si I'union des esprits a quelque chose de seduisant, c'est surlout lorsqu'ils ont des corps animes pour leur servir d'intermediaires. » Voy. Drepano, Hude- MULLEN, SpIRITISME, TaBLES TOURNANTES, WeSLEY, BoRTiSME, etc. Esseniens, secte celebre parmi les Juifs. Les Esseniens avaient des superstitions parliculieres. Leurs devins pretendaient connailre I'avenir par I'etude des livres saints faite avec cerlaines preparations. lis y trouvaient meme la mede- cine et toutes les sciences , par des combinai- sons cabalistiques. Esterelle, fee. Voy. Fees. Etang de la vie. Au sortir du pont oii se fait la separation des elus et des reprouves, les doc- teurs persans font descendre les bienheureux dans eel etang dont les eaux sont blanches et ETE — 252 — ETE douces comine le miel. Pour la commodile des ames, il y a tout le long de I'etang des cruches en forme d'etoiles, toujoiirs pleines de cetle eau; les fideles en boiront avant d'entrer dans le paradis, pares que c'est I'eau de la vie eter- nelle, et que si Ton en boit seulement une goutle, on n'a plus rien a desirer. Eternite. Botice definit Teternite : I'enliere, parfaite et complete possession d'une maniere d'exisler, sans commencement, sans fm, sans aucune succession. Le latin est plus rapide : In- terminahilis vitce tola simul et perfecta possessio. L'eternite n'a point de parties qui se succedent; elle ne va point par le present du passe au fu- tur, comme fait le temps; elle est un present continuel. Voila pourquoi, comnie le reniar- quent les theologiens, Dieu diten parlant de lui- meme : Ego sum qui sum. L'eternite n'appar- tient qu'a Dieu; elle ne pent etre communiquee a aucune creature, puisque ce qui est cree a un commencement. Mais pourtant on dit YctcrniU, pour designer la vie future des intelligences creees, vie qui n'aura point de fin. Dans ce sens il y aura dans le ciel I'eternile de bonheur pour les justes et dans I'enfer Teternite de peines pour les reprouves. C'est un dognie que les cer- veaux impies ont combattu, mais qu'ils n'ont pu ebranler; et saint Thomas d'Aquin en a de- montre la necessile ('quitable. l^^^gH^ Eternument. 0[i — ^'^^■'^ quand vous ^■1^7^*^^^: eternuez , pour vous marquer, dit Aristote, /z^^ qu'on honore votre cer- 1 ill ' All ' siege du bon r 'iMalr ^^"^ I'esprit. Cette I ^wMggg^jSijp, politesse s'etend jusque A ^^^^tSteB^I^ cliez les peuples que nous ^1 iii"'**™'**!^' Irailons de bai'bares. Quand i'umpereur du Monomotapa elernuait, ses sujcts en etaient avertis par un signal convenu, el il se faisait des acclamations generalesdans tous ses fitats. Le pere Famien Strada pretend que, pour trouver I'origine de ces salutations, il faul remonter jusqu'a Promethee ; que cet illusLre contrefacteur de Jupiter, ayant derobe un rayon solaire dans une petite boite pour animer sa statue, le lui insinua dans les narines comme une prise de tabac, ce qui la fit eternuer aus- sitot. Les rabbins soutiennent que c'est a Adam qu'il faut faire honneur du premier eternument. Dans I'origine des temps, c'etait, dit-on, un mauvais pronostic et le presage de la mort. Cet etat conlinua jusqu'a Jacob, qui, ne voulant pas mourir pour cause aussi legere, pria Dieu de changer cet ordre de choses; et c'est de la qu'est venu, selon ces docteurs, I'usage de faire des souhails heureux quand on eternue. On a trouve une autre raison de cette politesse; c'est que, sous le ponlificat de saint Gregoire le Grand, il y eut en Italie une sorle de peste qui se manifeslait par des eternuments ; tous les pesliferes eter- nuaient; on se recommnnda a Dieu, et c'est de la qu'est venue I'opinion populaire que la cou- tume do se saluer tire son origine d'une maladie epidemique qui emportait ceux dont la mem- brane pituitaire elail sliinuk'o trop vivemenl. En general reternuiiient cliez les anciens etait pris tantot en bonne, tantot en mauvaise part, suivant les temps, les lieux et les circonstances. Un bon eternument etait celui qui arrivait depuis midi jusqu'a minuit, et quand la lune etait dans les signes du Taureau , du Lion, de la Balance, du Capricorne et des Poissons; mais s'il venait de minuit a midi, si la lune etait dans le signe de la Vierge, du Verseau, de I'Ecrevisse, du Scorpion; si vous sortiez du lit ou de la table, c'etait alors le cas de se recornmander a Dieu \ ^ M. Salgues, Des erreurs et des prejuges. Quel- ques savants, entre aiitres Perkains et Voet, ont blamd la coutume de saluer reternument , parce ETI L'eternutnent, quand on I'entendait a sa droite, etait regarde chez les Grecs et les Remains comrae un heureiix presage. Les Grecs, en par- lant d'lme belle personne , disaient que les amours avaient elernue a sa naissance. Les Sia- mois admettent un enfer. lis disent que, dans cet affreux sejour, ii y a des juges qui ecrivent sur un grand livre tous les peches des hommes, que leur chef est continuellement occupe a par- courir ce recueil , et que les personnes dont il lit I'article ne manquent jamais d'eternuer au meme instant. De la, disent-ils, est veuue la coutume de souhaiter une longue vie ou I'as- sistance divine a ceux qui eternuent. Lorsque le roi de Sennaar eternuait, ses courtisans lui tournaient le dos, eii se donnant de la main une claque sur la fesse droite. Etienne. Un homme qui s'appelait Etienne avait la mauvaise habitude de parler a ses gens comme s'il eut parle au diable, ayant toujours le diable a la bouche. Un jour qu'il revenait de voyage, il appela son valet en ces termes : — Viens ca, bon diable, lire-moi mes chausses. A peine eut-ii prononce ces paroles qu'une griffe invisible deba ses caleqons, fit tomber ses jar- retieres et descendit ses chausses jusqu'aux ta- lons. Etienne, effraye, s'ecria : — Retire- toi, Satan, ce n'est pas toi, mais bien mon domes- tique que j'appelle. Le diable se retira sans se monlrer, et maitre Etienne n'invoqua plus ce nom Pour un autre Etienne, Voy. Guido. Etna. Le christianisme chassa de I'Etna et des lies de Lipari Vulcain , les Cyclopes et les Qeants. Mais les demons se mirent a leur place ; et quand on institua la fete des morts, afin d'en- lever au purgatoire et de rendre au paradis une foule d'ames souffrantes, on entendit, comme le raconte un saint ennite, des bruits affreux dans I'Etna et des detonations etourdissantes dans les lies voisines. C'etait Satan et toute sa cour, Satan que celte coutume nous est venue des Juifs et des gentils, comme si nous devions rejeter tous les usages honneles qui nous sont venus des uns et des autres. lis ajoutent qu'elles doivent passer pour criminelles, puisque les Peres de I'Eglise les ont condamnees. Mais, ajoute Chevreau, « lis n'onl condamne que la superstition et les augures que I'on tirait d'dternuer le soir, le matin ou a minuit, k certaines heures, a droite ou a gauche, une fois ou deux , sous le signe du Belier, du Taureau, du Sagittaire, du Capri- corne, etc.; et 11 ne faut que le sens commun pour etre assure que cela ne presage ni bien ni mal. Mais si nous souliaitons bonlicur et sante a nos parents et a nos amis quand ils s'embarquent pour un long voyage, ou qu'ils entreprennent une grande affaire, oil est le mal de leur dire : Dieu vous soit en aide! quand ils eternuent, puisque I'eternument est une espece de convulsion et d'epilepsie de courte duree; qu'il est nuisible quand il est violent et redouble; que nous savons, des liistoriens et des medecins, qu'il a etc suivi de la mort en quelques rencontres , et qu'il en est meme quelquefois un signe? » * Gregorii Magni Dialog., lib. Ill , cap. xx. EUR et tout son peuple de demons qui hurlaient de desespoir et redemandaient a grands cris les ames que la nouvelle foi venait de leur ravir Ethnophrones, heretiques du septieme siecle, qui joignaient au christianisme les superstitions pa'iennes, I'astrologie, les augures, les expia- tions, les jours heureux et malheureux, les di- vinations diverses. Etoiles. Mahomet dit que les etoiles stables et les etoiles qui filent sont les sentinelles du ciel ; elles empechent les diables d'en approcher et de connaitre les secrets de Dieu. Les Romains voyaient des divinites dans les etoiles. Les Eteens observaient, un certain jour de I'annee, le lever de I'etoile Sirius : si elle paraissait obs- cure , ils croyaient qu'elle annonqait la peste. Etraphill, I'un des anges des musulmans. U se tient toujours debout : c'est lui qui embou- chera la trompette pour annoncer le jour du ju- gement. Etrennes. Dans les temps recules, chez nos peres, loin de se rien donner mutuellement dans les families le premier jour de I'an, on n'osait meme rien preter a son voisin. Mais chacun met- tait a sa porte des tables chargees de viandes pour les passants. On y plagait aussi des pre- sents superstitieux pour les esprits. Peut-etre etait-ce un reste de ce culte que les Romains rendaient, le premier jour de I'annee, aux di- vinites qui presidaient aux petits cadeaux d'amis. Quoi qu'il en soit, I'Eglise fut obligee, sous Charlemagne, d'interdire les presents supersti- tieux que nos ancetres deposaient sur leurs tables. Les canons donnent a ces presents le nom d'efrennes du diable. Etteilla. On a publie sous ce nom deguise, qui est I'anagramme d'Alliette, plusieurs traites de cartomanck. Eubius, auteur d'un livre intitule Apparitions d' Apollonius , ou Demonstration des apparitions d'aujourd'hui, in-4", Amsterdam, 1735 (en latin). Eucharistie. « L'epreuve par I'Eucharistie se faisait en recevant la communion. Ainsi Lo- taire, roi de Lotharingie, jura, en recevant la communion de la main du pape Adrien II , qu'il avait renvoye Valdrade, sa concubine; ce qui etait faux. Comme Lothaire mourut un mois apres, en 868, sa mort fnt attribuee a ce par- jure sacrilege. Cette epreuve fut supprimee par le pape Alexandre II ^ » Euchites. Voij. Satanaki. Eumeces, caillou fabuleux, ainsi nomme de sa forme oblongue, et que Ton disait se trouver dans la Bactriane. On lui attribuait la vertu d'ap- prendre a une personne endormie ce qui s'etait passe pendant son sommeil , si elle avait dormi avec cette pierre posee sur sa tete. Eurynome, demon superieur, prince de la ' M. Didron , Histoire du diable. 2 Bergier, Dictionnaire theologique. — 253 — EVA — 254 — EXC mort, selon quelques demonomanes. II a de grandes el longues dents, un corps effroyable tout rempli de plaies, et pour vetement una peau de renard. Les paiiens le connaissaient. Pausa- nias dit qu'il se repalt de charognes et de corps morts. 11 avait dans le temple de Delphes une statue qui le representait avec un teint noir, montrant ses grandes dents comine un loup af- fame et assis sur une peau de vautour. Evangile de saint Jean. On croit dans les campagnes que celui qui porte sur soi I'Evangile de saint Jean, In principio erat I'erbum , ecnl sur du parchemin vierge , et renferme dans un tuyau de plume d'oie, le premier dimanche de I'annee, une heure avant le lever du soleii, sera invulnerable et se garantira de quanlite de niaux Voy. Cleiuomancie. Eve. Les musuimans et les talmudistes lui donnent, comme a notre premier pere, une taille d'une lieue ^. Voy. Adam et une singuliere facetie au mot Pamers. Eveque marin. On lit dans la Grande Chro- nique des Pays-lias, sous I'annee 1/|33, qu'on pecha cette annee-la dans la mer du Nord un poisson qui avait la forme d'un homme mal de- grossi, une mitre en tete formee d'ecailles, et les nageoires disposees de maniere a presenter la ressemblance des autres ornemenls d'un eveque qui oflicie. On ajoute qu'il se pouvait dresser sur ses pieds, qu'il se laissait toucher sans temoigner d'effroi ; mais qu'il manifestait un extreme desir de retourner a la mer. Aldo- vrandus, dans son livre des poissons, decrit un etre tout semblable a celui que la Grande Chro- nique des Pays-Has appelle Veveque marin. Est-ce un conte? est-ce un phenomene? Evocations. Celui qui veut evoquer le diable lui doit le sacrifice d'un chien , d'un chat ou 1 Thiers, Traite des super slitions ^ t. I. 2 Voyez la legende d'Eve et d'Adam, dans les Le- gendes de I'Ancien Testament. I d'une poule, a condition que ces trois animaux soient sa propriete. II jure ensuite fidelite et obeissance eternelles et regoit une marque au moyen de laquelle il jouit d'une puissance ab- solue sur trois esprils infernaux, I'un de la terre, I'autre de la mer, le troisieme de Pair*. On se tlatte de faire venir le diable en lisant certaines forinules duGrimoire. Voy. Conjurations. — Deux chevaliers de Malte avaient un esclave qui se vanlait de posseder le secret d'evoquer les de- mons et de les obliger a decouvrir les choses cachees. On le conduisit dans un vieux chateau ou Ton soupqonnait des tresors enfouis. L'es- clave desceiidit dans un souterrain, fit ses evo- cations : un rocher s'ouvrit, et il en sorlit un coffre. II tenta plusieurs fois de s'en emparer; mais il n'en put venir a bout, parce que le coffre renlrail dans le rocher des qu'il s'en approchait. 11 vint dire aux chevaliers ce qui lui arrivait et demanda un peu de vin pour reprendre des forces. On lui en donna. Quelque temps apres, comme il ne revenait point, on alia voir ce qu'il faisait; on le trouva etendu mort, ayant sur toute sa chair des coups de canif representant des croix. Les chevaliers porterent son corps au bord de la mer et I'y precipiterent avec une pierre au cou^ — Sur revocation des ames, voy. NliCROMANCIE, TABLES TOURNANTES, CtC. Exael , le dixieme des premiers anges. II ap- prit aux hommes, selon le livre d'Enoch, Part de fabriquer les armes et les machines de guerre, les ouvrages d'or et d'argent qui plaisent aux femmes; il leur enseigna Pusage des pierres pre- cieuses et du fard. Exageration. II y en a beaucoup dans la plupart des juges laiques qui ont ecrit sur les sor- ciers et qui ont vu trop gencralement des crimes ou il n'y avait souvent que demence ou maladie. Cependant le mal diabolique, malum dcemoniacum, elait si repandu a cerlaines epoques qu'il est permis de leur trouver la des excuses. Les juges ecclesiastiques ont pourtant toujours ete beau- coup plus indulgents. Voy,, a la fin de Particle SoRciEus, les prescriptions de la cour romaine, et comparez-les au code des sorciers de Boguet. Excommunication. II y a eu quelquefois des abus de la part des hommes dans Pusage des excommunications,; et on est parti de la pour crier centre ces excommunications, qui ont rendu cependant de si grands services a la so- ciete dans des siecles barbares. Mais on ne trou- verait pas facilement dans toute I'histoire un ex- communie frappe regulierement par le saint-siege qui ait prospere jusqu'au bout On lit dans les ^ DancBus Fortianis. 2 D. Calmet et Guyot-Delamarre. ^ Voyez , dans les Legendes des commandements de Dieu, \a Legende du chanoine de Liege, et dans les Legendes des commandements de I'Eglise, le para- graphe intitule Ne touchez pas au Pape. EXC — 255 — EXO Mendes des Grecs, au 16 octobre, « qu'un reli- gieux du desert de Scele, ayant ete excomraunie par son superieur pour quelqiie desobeissance, sortit du desert et vint a Alexandrie, ou il fat arrete par le gouverneinent de la ville, depouille du saint habit, puis vivement sollicite de sacri- fier aux faux dieux. Le solitaire resista gene- reusement; il fut tourmente en .diverses ma- nieres, jusqu'a ce qu'enfin on lui tranchat la tete; on jeta son corps hors de la ville. Les Chretiens I'enleverent la nuit, et I'ayant enve- loppe de linceuls I'enterrerent dans I'eglise comme martyr. Mais pendant le saint sacrifice de la messe le diacre ayant crie tout haut a I'or- dinaire : « Que les catechumenes et ceux qui ne cominunient pas se retirent », on vit tout a coup le tombeau s'ouvrir de lui-meme et le corps du martyr se retirer dans le vestibule de I'eglise. Apres la messe il rentra de lui-meme dans son sepulcre, Un pieux vieillard ayant prie pendant irois jours apprit par revelation que ce religieux avait encouru I'excommunication pour avoir des- obei a son superieur, et qu'il demeurait lie jus- qu'a ce que ce meme superieur lui eut donne I'absolution. On alia done au desert ; on en amena le superieur, qui fit ouvrir le cercueil du martyr et lui donna I'absolution; apres quoi il demeura en paix dans son tombeau » C'est la un fait merveilleux que nous ne pretendons pas donner comrae frequent. Dans le second concile de Limoges, tenu en 1031, I'eveque de Gahors raconte une aventure qui lui etait particuliere et qu'il presenta comme toute recente : « Un chevalier de notre diocese , dit ce prelat, ayant ete tue dans I'excommuni- cation, je ne voulus pas ceder aux prieres de ses amis, qui me suppliaient vivement de lui donner I'absolution : je voulais en faire un exemple , a fin que les autres fussent touches de crainte ; 11 fut enterre par quelques gentils- hommes , sans ceremonies ecclesiastiques et sans I'assistance des pretres, dans une eglise dediee a saint Pierre. Le lendemain matin on trouva son corps hors de terre et jete au loin de son tombeau, qui etait demeure entier, et sans au- cune marque qui prouvat qu'on y eut touche. Les gentilshommes qui I'avaient enterre n'y trou- verent que les linges oii il avait ete enveloppe; ils I'enterrerent une seconde fois et couvrirent la fosse d'une enorme quantite de terre el de pierres. Le lendemain ils trouverent de nouveau le corps hors du tombeau , sans qu'il parut qu'on y eut travaille. La meme chose arriva jusqu'a cinq fois. Enfin ils enterrerent I'excommunie comme ils purent , loin du cimetiere , dans une terre profane ; ce qui remplit les seigneurs voi- sins d'une si grande terreur qu'ils vinrent tous demander la paix ^. » ' D. Calmet, Dissertation sur les reuenanis, p. 329. 2 ConciL, t. IX, p. 902. Jean Bromton raconte dans sa chronique que saint Augustin, apotre de I'Angleterre, ayant dit devant tout le peuple, avant de commencer la messe : « Que nul excommunie n'assiste au saint sacrifice! » on vit sortir aussitot de I'eglise un mort qui etait enterre depuis longues annees. Apres la messe, saint Augustin, precede de la croix , alia demander a ce mort pourquoi il etait sorti. Le defunt repondit qu'il etait mort dans I'excommunication. Le saint pria cet excom- munie de lui dire ou etait enterre le pretre qui avait porte contre lui la sentence. On s'y trans- porta. Augustin conjura le pretre de se lever : il le fit; a la demande du saint eveque, il donna I'absolution a I'excommunie , et les deux morts retournerent dans leurs tombeaux. » Les Grecs schismatiques croient que les corps excommunies ne pourrissent pas en terre , mais qu'ils s'y con- servent noirs et puants. En Angleterre, le tribunal des doctors com- mons excommunie encore; et, en 1837, il a frappe de cette peine un marchand de pain d'epices, nomme Sludberry, pour avoir dit une parole injurieuse a un autre paroissien, dans une sacristie anglicane. Voy. Interdit. Excrements. On sail que le dalai-lama, chef de la religion des Tartares independants, est regarde comme un dieu. Ses excrements sont conserves comme des choses venerables. Apres qu'on les a fait secher et reduire en poudre , on les renferme dans des boites d'or enrichies de pierreries, et on les envoie aux plus grands princes. Son urine est un elixir propre a guerir toute espece de maladie. Dans le royaurae de Boutan , on fait secher egalement les plus gros- sieres dejections du roi , et apres les avoir ren- fermees dans de petites boites, on les vend dans les marches pour saupoudrer les viandes. Voy.BE- jECTioNS, FiENTE, Tanchelm , Vache , etc. Exorcisme, conjuration, priere a Dieu et commandement fait au demon de sortir du corps des personnes possedees. Souvent il est seule- ment destine a les preserver du danger. On re- garde quelquefois exorcisme et conjuration comme synonymes; cependant la conjuration n'est que la formule par laquelle on commande au demon de s'eloigner; I'exorcisme est la ceremonie en- tiere *. — Les gens qui s'occupent de magie ont aussi leurs exorcismes pour evoquer et ren- voyer. Voy. Conjurations. Voici une legende bizarre sur un exorcisme : on lit dans Cesaire d'Hesterbach ^ que « Guil- laume, abbe de Sainte-Agathe, au diocese de Liege, etant alle a Cologne avec deux de ses raoines, fut oblige de tenir tete a une possedee. II fit a I'esprit malin des questions auxquelles celui-ci repondit comme il lui plut. Le diable fai- 1 Bergier, Dictionnaire theologique. 2 CcBsarii Heisterbach miracul., liv. V, ch. xxix, et Schellen, De diabol., liv. VIL EXP — 256 — EXT sant aiitant de mensonges que de reponses, I'abbe s'en aperQUt et le conjura de dire la verite; il obeit. II apprit au bon abbe comment se por- taient plusieurs defunts dont il voulait savoir des noiivelles. Un des freres qui I'accompa- gnaienl voulut Her conversation avec le diable. — Tais-toi, lui dit I'esprit malin, tu as vole hier douze sous a ton abbe ; ces douze sous sont maintenant dans ta ceinfure. — L'abbe, ayanten- tendu ces choses, voulut bien en donner I'abso- lution a son moine; apres quoi il ordonna au diable de quitter la possedee. » — Ou voulez-vous que j'aille? demanda le demon. — Je vais ouvrir ma bouche , repondit l'abbe , tu entreras dedans , si tu peux. — II y fait trop chaud , repliqua le diable ; vous avez communie. . — Eh bien! mets-loi ici. Et l'abbe, qui etait gai, tendait son pouce. — Merci, vos doigts sont sanctifies. — En ce cas, vas ou tu voudras, mais pars. — Pas si vite, repliqua le diable; j'ai permission de rester ici deux ans encore.. .. » L'abbe dit alors au diable : — Montre-toi a nos yeux dans ta forme naturelle. — Vous le voulez? — Oui. — Voyez. » En meme temps la possedee commen(;a de grandir et de grossir d'une maniere effroyable. En deux minutes elle etait deja haute comme une tour de trois cents pieds; ses yeux devinrent ardents comme des fournaises et ses traits epou- vantables. Les deux moines tomberent evanouis; l'abbe, qui seul avait conserve du courage, ad- jura le diable de rendre a la possedee la taille et la forme qu'elle avait d'abord. II obeit encore et dit a Guillaume : — Vous failes bien d'etre pur: car nul homme ne pent, sans mourir, me voir tel que je suis, s'il est souille. » I'oij. Pactks, Possessions, etc. Expiation. Les anciens Arabes coupaienl I'oreille a quelque animal et le lachaient au Ira- vers des champs en expiation de leurs peches. — Un juif, dit Saint-Foix, s'arme d'un couteau, prend un coq , le tourne trois fois autour de sa tete et lui coupe la gorge en lui disant : — Je te charge de mes peches ; ils sont a present a toi : tu vas a la mort, et moi je suis rentre dans le chemin de la vie eternelle Extases. L'extase (consideree comme crise materielle) est un ravissement d'esprit, une suspension des sens causee par une forte con- templation de quelque objet extraordinaire et surnaturel. Les melancoliques peuvent avoir des extases. Saint Augustin fait mention d'un pretre qui paraissait mort a volonte et qui resta mort, tres-involontairement sans doule, dans une de ses experiences. S'il fit le mort, il le fit bien. Ce pretre se nommait Pretexlat; il ne sentait rien de ce qu'on lui faisait souffrir pendant son extase. Les demonomanes appellent l'extase un trans- port en esprit seulement , parce qu'iis recon- naissent le transport en chair et en os, par I'aide et assistance du diable. Une sorciere se frotta de graisse , puis tomba pamee sans aucun sentiment; et trois heures apres elle retourna en son corps, disant nouvelles de plusieurs pays qu'elle ne connaissait point, lesquelles nouvelles furent par la suite averees Le magnetisme fait tout ceia. Cardan dit avoir connu un homme d'eglise qui tombait sans vie et sans haleine toutes les fois qu'il le voulait. Cet etat durait ordinaire- ment quelques heures ; on le tourmentait , on le frappait, on lui brulait les chairs sans qu'il eprouvat aucune douleur. Mais il entendait con-' fusement, et comme a une distance tres-eloi- gnee, le bruit qu'on faisait autour de lui. Cardan assure encore qu'il tombait lui-meme en extase a sa volonte ; qu'il entendait alors les voix sans y rien comprendre, et qu'il ne sentait aucune- ment les douleurs. Le pere de Prestantius, apres avoir mange un fromage maleficie, crut qu'etant devenu che- val il avait porle de tres-pesantes charges, quoique son corps n'eut pas quitte le lit ; et Ton regarda comme une extase produite par sor- tilege ce qui n'etait qu'un cauchemar cause par une indigestion. « Saint Auguslin distingue deux sortes d'ex- tases ^, I'une naturelle et I'autre surnaturelle, et cite comme appartenant a la premiere I'exemple d'un pretre nomme Restitut, de I'eglise de Talama. Toutes les fois qu'on imitait devant lui la voix d'un homme qui se plaint, il perdait I'usage de ses sens et devenait semblable a un mort; de sorte qu'on pouvait le piquer, le pin- cer ou meme le bruler sans qu'il le sentit. Sa respiration s'arretait. Cependant, si on lui par- lait sur un ton eleve, il lui semblait, disait-il, entendre des voix lointaines'. » Les extases naturelles sont generalement periodiques ou amenees par des causes speciales. L'extase sur- ' Bodin , dans la Demonomanie. 2 La Cite de Dieu, liv. XIV, ch. xxiv. 3 Gorres, Mystique, liv. IV, ch. v. — 257 — FAK naturelle est a son tour de deux sortes : I'extase j chretienne et I'extase diabolique. De la premiere on peut voir beaucoup de faits dans la vie des saints- L'autre est souvent exposee dans les procedures de ces malheureux qui ont aban- I donne la cite de Dieu pour entrer dans la cite du diable. C'etait souvent dans des extases que I les sorcieres assistaient au sabbat. Bodin raconte j dans sa Demonomanie qu'en 1571 une sorciere ! emprisonnee a Bordeaux ayant avoue qu'elle allait au sabbat touLes les semaines, le magis- I trat Belot la pria d'y aller devant lui. Elle re- pondit qu'elle n'en avait pas le pouvoir. II la mil done en liberte. Aussitot elle s'oignit tout le corps d'un onguent dont I'effet fut tel qu'elle tomba comma morte. Le magistral ne la quitta point. Elle revint a elle au bout de cinq heures et raconta beaucoup de choses toutes actuelles des lieux qu'elle avait parcourus. On fit prendre sur-le-champ des informations, et les declara- tions de la sorciere furent trouvees verilables. — Les ames des somnambules magnetises font la meme chose. Ce qui est la preuve de I'existence des ames, a part des corps qu'elles occupent. Vo]^. Elfdal. Ezechiel. Les. musulmans disent que les os- sements desseches que ranima le prophete lize- chiel etaient les restes de la ville de Davardan , que la peste avait detruite et qu'il releva par une simple priere *. — o©o- F Faal, nom que les habitants de Saint- Jean d'Acre donnent a un recueil d'observations astro- logiques , qu'ils consultent dans beaucoup d'oc- casions. Faber (Albert-Othon) , medecin de Hambourg au dix-septieme siecle ; il a ecrit quelques reve- ries sur I'or potable. Faber (Abraham); de simple soldat, il devint marechal de France, et il s'illustra sous Louis XIV. C'etait alors si extraordinaire qu'on I'accusa de devoir ses succes a un commerce avec le diable. Ce qui a pu donner lieu a cette prevention, c'est qu'il croyait a I'astrologie judiciaire. Fabre (Pierre-Jean) , medecin de Montpellier, qui fit faire des pas a la chimie au commence- ment du dix-septieme siecle. II y melait un peu d'alchimie. II a ecrit sur cette matiere et sur la medecine spagyrique. Son plus curieux ouvrage est VAlchimiste chretien {Alchimista christianus) , in-S"; Toulouse, 1632. II a publie aussi \ Hercules piockymicus, Toulouse, 165k, in-8°, livre ou il soutient que les travaux d'HercuIe ne sont que des emblemes qui couvrent les secrets de la phi- losophie herinetique. Fabricius ( Jean- Albert ) , bibliographe alle- mand, ne a Leipzig en 1668. Il y a des choses curieuses sur les superstitions et les contes popu- laires de I'Orient dans son recueil des livres apo- cryphes que I'figlise a repousses de VAncien et du Nouveau Testament *. Fadhel-ben-Sahal, vizir du kalife Almamon, ^tait aussi grand astrologue, et on cite de lui ' Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti, col- lectus, castigatus, testimoniisque censuris et ani~ madversionibus illustratus. In-8". Hambourg et Leip- zig, 1715. — Codex apocriphus Novi Testamenti, etc. Hambourg, 1719. In-80. des horoscopes et des previsions surprenantes , si elles.sont vraies. II est certain que sa prudence habile tira souvent son maitre d'embarras Faim diabolique. II y a des possedes chez lesquels le demon s'est plu a produire une faim insatiable. Brognoli delivra un enfant qui man- geait sans s'arreter du matin au soir et ne pou- vait se rassasier. Gorres, au chap, xx du livre VII de sa. Mystique, cite beaucoup d'exemples de cette faim enragee , entre autres un enfant qui buvait d'un seul coup un seau d'eau. Ce qui est digne de remarque , c'est que ces affreuses maladies n'ont jamais ete gueries que par I'exorcisme. Fairfax (Edouard), poete anglais du seizi^me siecle, auteur d'un livre intitule la Demonologie , ou il parle de la sorcellerie avec assez de cre- dulite. Fairfolks, espece de farfadets qui se mon- trent en ficosse , et qui sont a peu pres nos fees. Fairies. C'est le nom qu'on donne aux fees en Angleterre. Fakir. Voy. Faquir. Fakone, lac du Japon, oil les habitants pla- cent une espece de limbes habites par tous les enfants morts avant I'age de sept ans. lis sont persuades que les ames de ces enfants souffrent quelques supplices dans ce lieu-la, et qu'elles y sont tourmenteesjusqu'a ce qu'elles en soientra- chetees par les passants. Les bonzes vendent des papiers sur lesquels sont ecrils les noms de Dieu. Gomme ils assurent que les enfants eprou- vent allegement lorsqu'on jette ces papiers sur I'eau , on en voit les bords du lac converts. — II 1 Voyez cette legends dans les Legendes de I'An- cien Testament. 2 Voyez son histoire, dans les Legendes de I' esprit prophetique. <7 FAL — 258 — FAN est aise de reconnaitre dans ces usages des tra- ditions allerees de I'Eglise.. Falcon. L'annalisle allemand Archenolz, mort Lc docteur Falcoo. en 1812, raconte ce qui suit, dans son Tableau de I'Angleterre, publie a Paris en 1788 : « II y a » a Londres un homme extraordinaire qui de- » puis trente ans est celebre dans les annales ca- I) balistiques. 11 se nomme Ca'in Chenul Falk, et il 1) est connnu generalement sous le nom de doc- I) teur Falcon. Un certain cornte de Ranzow , i) mort depuis peu au service de France comme I) marechal de camp , assure dans ses memoires I) cabalistiques, magiques, etc., avoir vu ce Falk i) dans le pays de Brunswick, sur une des terres ') de son pere, en presence de beaucoup de per- I) sonnes connues, qu'il nomme toutes et qu'il ) prend a temoin de la verite de ce qu'il avance. i) (II evoquait les esprits.) Falk s'est-il servi dans ') cette operation de la methode de Schropfer? ) Je n'en sais rien, ce qu'il y a de certain, c'est ) que cet homme vit actuellement a Londres. > Lorsqu'il sort, ce qui arrive tres-rarement, il ) est toujours revetu d'un long talar, qui va tres- ) bien avec sa longue barbe et sa figure se- ) rieuse et interessante. 11 est actuellement age de ) soixante-dix ans a peu pres. Je ne me donnerai ) pas la peine de rapporter ici toutes les choses ) incroyal)les et extraordinaires qu'on raconte de ) ce vieillard... » Voy. Schopfer. Falconet (Noel), medecin, mort en 173^. Fadhel-ben-Sahal. Nous ue citerons de ses ouvrages que ses Lettres etses remarques sur I'or pretendu joo^ai/eyelles sent assez curieuses. Fanatisme. L'Eglise I'a toujours condamne, comme elle condamne tous les exces. Les actes de fanatisme des conquerants du nouveau monde etaient commis par des scelerats, contre lesquels le clerge s'^levait de toutes ses forces. On peut le voir dans la vie et dans les ecrits de Barthe- lemi de Las Casas. Les ecrivains philosophes ont souvent appele fanatisme ce qui ne I'etait pas. lis se sont trompes ou ils ont trompe lorsque, par exemple, ils ont attribue le massacre politique de la Saint-Bartheiemi a la religion, qui y fut etrangere ; lorsqu'ils ont defendu les fanatiques des Cevennes, qui exterminaient tout autour d'eux, etc. II y a eu tres-souvent du fanatisme outre dans les heresies et meme dans la sorcellerie. Sous le regno de Louis XII, un ecolier de I'universite de FAN — 259 — FAN Paris , persuade que la religion d'Homere etait la bonne, arracha la sainte hostie des mains d'un pretre qui la consacrait et la foula aux pieds. Yoila du fanatisme. Les Juifs en ont fourni de nombreux exemples , et un tres-grand fanatisme Falconet. distingue beaucoup de philosophes modernes. « 11 y a un fanatisme politique, un fanatisme lit- teraire, un fanatisme guerrier, un fanatisme phi- losophique » On a nomme d'abord fanatiques les pretendus devins qui rendaient leurs oracles dans les temples , /aw«. Aujourd'hui on entend par fanatisme tout zele aveugle. Fannius (Caius), historien qui mourut de peur en composant un ouvrage contre Neron. II en avait termine trois livres, et il commengait le quatrieme, lorsque Neron, dont il avait I'imagi- nation remplie, lui apparut en songe, et, apres avoir parcouru les trois premiers livres de son ouvrage, se retira sans toucher au quatrieme qui etait en train. Ce revefrappa Fannius; il crut y voir que son ouvrage ne serait pas acheve , et il mourut en effet peu apres. Fantasmagoriana, titred'un recueilde contes populaires , ou les apparitions et les spectres jouent les premiers roles. Ces contes prolixes sont, pour la plupart, traduits de I'allemand, 2 vol. in-12; Paris, 1812. Fantasmagorie, spectacle d'optique, du genre des lanternes magiques perfectionnees , et qui, aux yeux des ignorants , peut paraitre de la sor- cellerie. Fant6mes, esprits ou revenants de mauvais augure, qui effrayaient fort nos peres , quoiqu'ils sussent bien qu'on n'a aucunement peur des fan- tomes, si Ton tient dans sa main de I'ortie avec du millefeuille ^ Les Juifs pretendent que le fan- tome qui apparait ne peut reconnaitre la personne qu'il doit effrayer, si elle a un voile sur le visage ; mais quand cette personne est coupable, ils croient, au rapport de Buxtorf, que le masque ^ Bergier, Dictionnaire theologique. ' Les admirahles secrets d' Albert le Grand. tombe, afin que I'ombre puisse la voir et la pour- suivre. Des fan tomes sont venus quelquefois an- noncer la mort; un spectre se presenta pour cela aux noces du roi d'Ecosse, Alexandre III, qui mourut peu apres. Camerarius rapporte que de son temps on voyait quelquefois dans les eglises des fantomes sans tele, vetus en moines et en religieuses, assis dans les stalles des vrais moines et des soeurs qui devaient bientot mourir. — Un chevalier espagnol avait ose concevoir une pas- sion criminelle pour une religieuse. Une nuit qu'il traversait I'eglise du convent dont il s'etait procure la clef, il vit des cierges allumes et des pretres, qui lui etaient inconnus, occupes a ce- lebrer I'office des morts autour d'un tombeau. II s'approcha de I'un d'eux et demanda pour qui on faisait le service. « Pour vous, » lui dit le pretre. Tous les autres lui firent la meme re- ponse ; il sorlit effraye , monta a cheval , s'en re- ' tourna a sa maison , et deux chiens I'etranglerent a sa porte ^ Une dame voyageant dans une chaise de poste fut surprise par la nuit pres d'un village ou I'es- sieu de sa voiture s'etait brise. On etait en au- tomne, I'air etait froid et pluvieux; il n'y avait point d'auberge dans le village; on lui indiqua le chateau. Comme elle en connaissait le maitre, elle n'hesita pas a s'y rendre. Le concierge alia la recevoir, et lui dit qu'il y avait au chateau dans ce moment beaucoup de monde qui etait venu celebrer une noce, et qu'il allait informer le sei- gneur de son arrivee. La fatigue, le desordre de 1 Torquemada, Hexameron. 17. FAN — 260 — FAQ sa toilelte et le desir de continuer son voyage engagerent la voyageuse a prier le concierge de ne point deranger son maitre, Elle lui demanda seulement une chambre. Toutes etaient occupees, al'exception d'une seule, dans un coin ecarte du chateau, qu'il n'osait lui proposer a cause de son delabrement; mais elle lui dit qu'elle s'en con- tenterait, pourvu qu'on lui fit un bon lit et un bon feu. Apres qu'on eut fait ce qu'elle desirait, elle soupa legerement, et s'etant bien rechauf- fee, elle se mit au lit. Elle commenQait a s'en- dormir, lorsqu'un bruit de chaines et des sons lugubres la reveillerent en sursaut. Le bruit ap- proche, la porte s'ouvre, elle voit, a la clarte de son feu , entrer un fantome couvert de lam- beaux blanchatres; sa figure pale et maigre, sa barbe longueet touffue, les chaines qu'il portait aulour du corps, tout annongait un habitant d'un autre monde, Le fantome s'approche du feu , se couche aupres tout de son long, se tourne de tous coles en gemissant, puis, a un leger mouve- ment qu'il entend pres du lit, il se releve promp- tement et s'en approche. Quelle amazone eut brave un tel adversaire? Quoique notre voya- geuse ne manquat pas de courage, elle n'osa I'at- tendre, se glissa dans la ruelle du lit, et, avec une agilite dont la frayeur rend capables les moins legeres, elle se sauve en chemise a toutes jambes, enfile de longs et obscurs corridors, toujours poursuivie par le terrible fantome, dont elle entend- le frottement des chaines contre la muraille. Elle apercoit enfin une faible clarte, et, reconnaissant la porte du concierge, elle y frappe et tombe evanouie sur le seuil. II vient Guvrir, la fait transporter sur son lit et lui pro- digue tous les secours qui sont en son pouvoir. Elle raconta ce qui lui etait arrive. Helas! s'e- cria le concierge, notre fou aura brise sa chaine el se sera echappe! Ce fou etait un parent du maitre du chateau, qu'on gardaitdepuisplusieurs annees. 11 avail effectivement profile de I'absence de ses gardiens, qui etaient a la noce, pour de- tacher ses chaines, et le hasard avail conduit ses pas a la chambre de la voyageuse, qui en fut quilte pour une grande peur Voy. Appap.itions, Visions, Hallucinations, Esprits, Revenants, Spectres, Deshoulieres, etc., etc. Fantome volant. On croit, dans la Basse- Brelagne, entendre dans les airs, lorsqu'il fait un orage , un fantome volant qu'on accuse de dera- ciner les arbres et de renverser les chaumieres. Voy. VOLTIGEUR HOLLANDAIS. Fapisia, herbe fameuse chez les Portugais, qui I'employaient comme un excellent specifique pour chasser les demons ^. Faquir ou Fakir. II y a dans I'lnde des fa- kirs qui sont d'habiles jongleurs. On lit ce qui 1 Spectriana, p. 79, 2 Delanc.re , Tableau de I' inconstance de demons, etc. , liv. IV, p. 297. suit dans I'ouvrage de M. Osborne, intitule la Cour el le camp de Rundjet-Sing : « A la cour de ce prince indien , la mission anglaise eut I'occa- sion de voir un personnage appele specialement le Fakir, homme enterre et ressuscite , dont les prouesses avaient fail du bruit dans les provinces du Punjaub. Ce Fakir est en grande veneration parmi les Sihks, a cause de la faculte qu'il a de s'enlerrer tout vivant pendant un temps donne. Nous avions oui raconler de lui lant d'histoires, que notre curiosite etait excilee. Depuis plusieurs annees, il fail le metier de se laisser enterrer. Le capilaine Wade me dit avoir ele temoin d'une de ses resurrections, apres un enlerrement de quelques mois. La ceremonie preliminaire avail eu lieu en presence de Rundjet-Sing, du general Ventura et des principaux sirdars. Les prepara- tifs avaient dure plusieurs jours, on avail arrange un caveau tout expres. Le Fakir termina ses dispositions finales en presence du souverain ; il se boucha avec de la cire les oreilles , le nez et tous les autres orifices par lesquels I'air aurait pu entrer dans son corps. II n'excepta que la bouche. Cela fait, il fut deshabille et mis dans un sac de toile, apres qu'il se fut retourne la langue pour fermer le passage de la gorge, et qu'il se fut pose dans une espece de lethargic; le sac fut ferme et cachete du sceau de Rundjet- Sing el depose dans une boile de sapin, qui, fermee et scellee egalement, fut descendue dans le caveau. Par-dessus on repandil el on foula de la lerre, on sema de I'orge el on plaga des sen- tinelles permanentes. )) 11 parait que le maha-rajah, Ires-sceptique sur cette morl, envoya deux fois des gens fouil- ler la terre, ouvrir le caveau et visiter le cer- cueil. On trouva chaque fois le Fakir dans la meme position et avec tous les signes d'une sus- pension de vie. Au bout de dix mois, terme fixe, le capilaine Wade accompagna le maha-rajah pour assister a rexhumation : il examina allen- tivemenl par lui-meme I'interieur de la tombe; . il vil ouvrir les serrures, briser les sceaux el porter la boile ou cercueil au grand air. Quand on en lira le Fakir, les doigts poses sur son ar- tere et sur son coeur ne purent percevoir au- cune pulsation. La premiere cho.se qui ful faite pour le rappeler a la vie , et la chose ne se fit pas sans peine , fut de ramener sa langue a sa place nalurelle. Le capilaine Wade remarqua que I'occiput etait brulant, mais le reste du corps tres-frais et tres-sain. On I'arrosa d'eau chaude, — et au bout de deux heures le ressuscite etait aussi bien que dix mois auparavanl, » II pretend faire dans -son caveau les reves les plus delicieux : aussi redoule-t-il d'etre re- veille de sa lethargic. Ses ongles et ses cheveux cessenl de croilre : sa seule crainte est d'etre enlame par des vers ou des insecles ; c'esl pour s'en preserver qu'il fail suspendre au centre du FAR — 261 — FAS caveau la boite ou il repose. Ce Fakir eat la maladroite fantaisie de faire I'epreuve de sa mort et de sa resurrection devant la mission an- glaise, lorsqu'elle arriva a Lahore. Mais les An- glais, avec une cruelle mefiance, proposerent de lui imposer quelques precautions de plus : ils montrerent des cadenas a eux apparlenant, et parlerent de mettre au tombeau des factionnaires europeens. Le Fakir fit d'abord de la diploma- tie; il se troubla et finalement refusa de se sou- mettre aux conditions britanniques. Rundjet-Sing sefacha. — Je vois bien, dit le Fakir au capitaine Osborne, que vous voulez me perdre, et que je ne sortirai pas vivant de mon tombeau. Le ca- pitaine, ne desirant pas du tout avoir a se re- procher la mort du pauvre charlatan, renonga a I'epreuve. » Voy. Jamambuxes. Farfadets, esprits, lutins ou demons fami- liers, que les personnes simples croient voir ou entendre la nuit. Quelqaes-uns se liiontrent sous des figures d'animaux; le plus grand nombre resteat invisibles. lis passent generalement pour rendre de bons offices. Des voyageurs content que les Indes sont pleines de ces esprits bons ou mauvais, et qu'ils ont un commerce habituel avec les hommes du pays. Voici I'bistoire d'un farfadet : En I'annee 1221, vers le temps des vendanges, le frere cuisinier d'un monastere de Giteaux chargea deux servi- teurs de garder les vignes pendant la nuit. Un soir, I'un de ces deux hommes, ayant grande envie de dormir, appela le diable a haute voix et promit de le bien payer s'il voulait garder la vigne a sa place. II achevait a peine ces mots, qu'un far- fadet parut. — Me voici pret, dil-il a celui qui I'avait demande. Que me donneras-tu si je remplis ta charge? — Je te donnerai un panier de rai- sin, repondit le serviteur, et du bon, a condition que tu veilleras jusqu'au matin. — Le farfadet accepta I'offre ; et le domestique rentra a la mai- son pour s'y reposer. Le frere cuisinier, qui etait encore debout, lui demanda pourquoi il avait quitte la vigne? — Mon compagnon la garde, re- pondit-il, et il la gardera bien. — Va, va, repril le cuisinier, qui n'en savait pas davantage , ton compagnon pent avoir besoin de toi. — Le valet n'osa repliquer et sortit; mais il se garda bien de paraitre dans la vigne. 11 appela I'autre valet, lui conta le procede dont il s'etait avise ; et tous deux, se reposant sur la bonne garde du lutin, entrerent dans une petite grotte qui etait pres de la et s'y endormirent. Les choses se passe- rent aussi bien qu'on pouvait I'esperer ; le farfa- det fut fidele a son poste jusqu'au matin, et on lui donna le panier de raisin promis. — Ainsi flnitle conte \ Voy. Berbiguier, Berith, Esprits, Feux follets, Hegdekin, Orthon, etc. Farfarelli. C'est le nom qu'on donne aux far- fadets en Itahe. ' Ccesarius Heisterbacheensis ill. miracul., lib. V. Farmer (Hugdes), theologien anglican, mort en 1787. On a de lui un Essai sur les dimonia- ques du Nouveau Testament, 1775, oia il cherche a prouver, assez gauchement, que les maladies attribuees a des possessions du demon sont I'ef- fet de causes naturelles, et non I'effet de Taction de quelque malin esprit. Fascination, espece de charme qui fait qu'on ne voit pas les choses telles qu'elles sont. Un bohemien sorcier, cite par Boguet, changeait des bottes de foin en pourceaux, et les vendait comme tels, en avertissant toutefois I'acheteur de ne laver ce betail dans aucune eau. Un acque- reur de la denree du bohemien , n'ayant pas suivi ce conseil, vit, au lieu de pourceaux, des bottes de foin nager sur I'eau ou il voulait de- crasser ses betes. Delrio conte qu'un certain magicien, au moyen d'un certain arc et d'une certaine corde tendue a cet arc, tirait une certaine fleche, faite d'un certain bois , et faisait tout d'un coup paraitre devant lui un fleuve aussi large que le jet de cette fleche. Etd'autres rapporlent qu'un sorcier juif, par fascination , devorait des hommes et des charreties de foin, coupait des tetes et demem- brait des personnes vivanles, puis remettait tout en bon etat. Dans la guerre du due Vladislas centre Gremo- zislas , due de Boheme , une vieille sorciere dit a son beau-fils , qui suivait ie parti de Vladislas , que son maitre mourrait dans la bataille, avec la plus grande partie de son armee , et que, pour lui , il pouvait se sauver du carnage en fai- sant cequ'ellelui conseillerait; c'est-a-dire, qu'il tuat le premier qu'il rencontrerait dans la me- lee ; qu'il lui coupat les deux oreilles , et les mit Le bonnet magique. dans sa poche; puis qu'il fit, avec la pointe de son epee, une croix sur la terre entre les pieds de devant de son cheval , et qu'apres avoir baise cette croix il se hatat de fuir. Le jeune homme, ayant accompli toutes ces choses singulieres, revint sain et sauf de la bataille ou perirent Vla- dislas et le plus grand nombre de ses troupes. FAT — 262 — FAU Mais en rentrant dans la maison de sa maratre , ce jeune guerrier trouva sa femine , qu'il cheris- sait uniqiiement, percee d'un coup d'epee, ex- pirante et sans oreilles.... Mais beaucoup et la pluparl des fascinations ne sent generalement que des tours d'adresse. On lit dans les Aventiires de Til I'espiegle des fas- cinations de ce genre. Un jour, dans une foire, il paria avec un grand seigneur que, sur un signe magique qu'il allait faire , une marchande de faience briserait toute sa boutique, ce qui eul lieu. Mais il avait paye d'avance les pots casses. 11 joua un autre tour semblable en payant un festin, au moyen de son chapeau, qu'il disait magique et qu'il faisait pirouetler sur son doigt pour solder I'addition. Le diner pareillement se trouvait paye d'avance. Les femmes maures s'imaginent qu'il y a des sorciers qui fascinent par leur seul regard, et tuent les enfants. Cette idee leur est commune avec les anciens Romains , qui honoraient le dieu Fascinus, a qui I'on attribuait le pouvoir de garantir les enfants des fascinations et malefi- ces. Voij. Yr.ux, Zilon, Prestiges, etc. Lej faiences brisees Fatalisme, doctrine de ceux qui reconnais- sent une destinee inevitable. Si quelqu'un ren- contre un voleur, les fatalistes disent que c'etait sa destinee d'etre tue par un voleur. Ainsi cetLe falalile a assujetli le voyageur au fer du voleur, et a donne longtemps auparavant au voleur I'in- tenlion et la force , afin qu'il eut , au temps mar- que, la volonte et le pouvoir de tuer celui-ci. Et si quelqu'un est ecrase par la chute d'un batiment, lemur est tombe parceque cethomme etait destine a elre enseveli sous les ruines de sa maison Dites plutot qu'il a ete enfoui sous les ruines parce que le mur est tombe Ou serait la liberte des hommes, s'il leur etait im- possible de se sousliaire a une falalite aveugle , a une destinee inevitable ? Est-il rien de plus libre que de se marier, de suivre tel ou tel genre de vie? Est-il rien de plus fortuit que de perir par le fer, de se noyer, d'etre malade ?. . . ' Barclai, dans r^rp'ems. L'bomme vertueux, qui parvient par de grands efforts a vaincre ses passions, n'a done plus be- soin de s'etudier a bien faire , puisqu'il ne peut etre vicieux?... C'est un peu la detestable doc- trine de Calvin. Faunas , dieux rustiques inconnus aux Grecs. On les distingue des satyres et sylvains , quoi- qu'ils aient aussi des cornes de chevre ou de bouc , et la forme d'un bouc depuis la ceinture jusqu'en bas. Mais ils ont les traits moins hideux, une figure plus gaie que celle des satyres , el moins de brutalite. D'anciens Peres les regardent comme des demons incubes * ; et voici I'histoire qu'en donnent les docteurs juifs : « Dieu avait deja cree les ames des faunes et des satyres, lorsqu'il fut interrompu par le jour du sabbat, en sorte qu'il ne put les unir a des corps , et qu'ils resterent ainsi de purs esprits et des creatures * Delancre, Tableaudel'inconstance des demons, elc, p. 214. FAU — 263 FAU imparfailes. Aussi, ajoutent-ils , ces esprilscrai- gnent le jour du sabbat , et se cachent dans les tenebres jiisqu'a ce qu'il soit passe; ils prennent quelquefois des corps pour epouvanter les hom- mes, Mais ils sont sujets a la mort. Cependanl ils peuvent approcher si prfes des intelligences celestes , qu'ils leur derobent quelquefois la con- naissance de certains evenements futurs, ce qui leur a fait produire des propheties, au grand etonnement des amateurs. » Faust (Jean), celdbrite allemande dans la magie. II brilla au commencement du seizieme siecle. Un genie plein d'audace, une curiosite indomptable , un immense desir de savoir, telles etaient, disent ses panegyristes , ses qualites prononcees. II apprit la medecine, la jurispru- dence, la theologie ; il approfondit la science des astrologues; quand il eut epuise les connais- sances naturelles, il se jeta dans la magie. — On I'a confondu souvent avec Faust, I'associe de Guttenberg dans I'invention de rimprimerie; on sait que quand les premiers livres imprimes pa- rurent, on cria a la sorcellerie ; on soulint qu'ils etaient I'ouvrage du diable ; et sans la protection de Louis Xt et de la Sorbonne , rimprimerie en naissant etait etouffee a Paris. Faust et M^phisloph^les. Mais I'histoire de Faust ne sera jamais bien connue dans ses details intimes. Geux qui I'ont vu poetiquement le font naitre a Weimar, ou a Anhalt, ou dans la Souabe , ou dans la Marche de Brandebourg. On ne peut guere Irouver rien de positif sur cet homme que dans Tritheme et dans Melanchthon. II etait ne a Gundling, dans le Wurtemberg, a la fin du quinzieme siecle. Son pere etait un paysan; il avait des parents riches a Wittemberg ; il y alia , y fit ses etudes et con- nut la Luther, Melanchthon et plusieurs autres philosophes avances. On volt, dit Philippe Camera- rius, qu'il alia, a dix-neuf ans, etudier la magie a Cracovie, ou Ton donnait alors des legons de sciences occultes. II reparut ensuite, se disant le chef des necromanciens, le premier astrologue, le second dans la magie , dans la chiromancie et les autres divinations. Ayant herite alors des biens considerables que laissait un oncle qu'il avait a Wittemberg, il se livra sans frein a lade- bauche et s'adonna entierement a revocation des esprits et aux sortileges. II se procura tous les livres magiques, prit des leQons d'un celebre cristallomancien (Christophe Kayllinger), et re- chercha tous les arts defendus. On dit qu'il se vanta de faire d'aussi grands miracles que le Christ. Ge qui parait incontestable, c'est qu'a vingt-sept ans il conjura le demon et fit avec lui un pacte qui devait durer vingt-quatre ans , au bout desquels il s'obligeait a livrer son ame. 11 FEC — 264 — rcQut pour serviteur assidu le demon Mephisto- pheles, et des lors il fit tout ce qu'il voulut. De graves hisloriens rapportent les fascinations etonnantes qu'il produisit a la cour de I'empe- reur Maximilien et a la cour de Charles-Quint. II pretendait que les armees iniperiales lui de- vaient toutes leurs victoires. Melanclithon, qui le counaissait personnellennent, le peint corame la bete la plus immonde, le cloaque des botes de I'enfer, chasse de partout par les magistrals, II raconte qu'ayant tente de voler, corame Simon le magicien, il fut a demi ecrase en tombant. Au terme de son pacte, il fut etrangle par le demon, aupres de Rimlich , et I'ecrivain que nous citons parle de cette fm horrible comme d'un fait notoire. Dans I'etude publiee par M. Francois Hugo sur le Faust anglais {Revuefrancaise du 10 inai 1858) , Faust est Timprimeur. Le Parlement de Paris le tient emprisonne , mais il s'evade et gagne Mayence. II evoque le diable, qui parait sous di- verses formes, de dragon, de griffon, d'etoile, de poutre de feu , enfin de nioine gris. II s'ac- corde avec lui et va le visiter en enfer. Sa visite lui est rendue assez vite, et sept princes de I'enfer arrivent chez lui: Belzebub, habille en boeuf ; Lucifer en homme couleur des glands du chene rouge; Astaroth en serpent, avec deux petits pieds jaunes; Satan en ane, avec une queue de chat; Anabry en chien noir et blanc, avec des oreilles de quatre aunes; Dythican en perdrix ; Drac en flamme bleue , avec une queue rouge; Belial en elephant, riche d'une trompe demesuree. On a recueilli , sous le nom de triple ban de I'enfer de Faust, une sorte de rituel infernal qui donne des formules de la derniere stupidile pour evoquer toute espece de demons. On y voit qu'il faut ecrire des sommations a comparaitre sur du papier noir avec du sang de corbeau. Voij. Pactes. — Wagner, disciple de Faust, Videman et plu- sieurs-autres, ontecrit I'histoire de Faust. Goelhe en a fait un poeme singulier *. Fechner (Jean), auteur d'un traite latin sur la pneumatique , ou doctrine des esprits selon les plus celebres philosophes de son temps. Bres- lau, in-12, 1698. Fecondite. De graves ecrivains afRrment que le vent produit des poulains et des perdrix. Varron dit qu'en certaines saisons le vent rend fecondes les juments et les poules de Lusitanie. Virgile, Pline, Columelle, ont adopte ceconte, et le mettent au nombre des faits constamment vrais, quoiqu'on n'en puisse dire la raison. On a soutenu autrefois beaucoup d'impertinences de ce genre, qui aujourd'hui sont reconnues des erreurs. On a publie un arret donne en 1537 par le parlement de Grenoble, qui aurait reconnu ' Voyez la legende de Faust et de M^phistophel^s, dans les Legendes infernales. la fecondite d'une femme produite par la seule puissance de I'imagination. Cet arret suppose n'est qu'une assez mauvaise plaisanterie. Fecor, compagnon d'Anarazel. Voy. ce mot. Fees. Si les histoires des genies sont anciennes dans rOrient, la Bretagne a peut-etre le droit de reclamer les fees et les ogres. Nos fees ou fades (fatidicce) sont assurement les druidesses de nos peres. Chez les Bretons , de temps imme- morial , et dans tout le reste des Gaules , pen- dant la premiere race des rois francs, on croyait generalement que les druidesses penetraient les secrets de la nature, et disparaissaient du monde visible. Elles ressemblaient en puissance aux magiciennes des Orientaux. On en a fait des fees. On disait qu'elles habitaient au fond des puits , au bord des torrents , dans des cavernes sombres. Elles avaient le pouvoir de donner aux hommes des formes d'animaux , et faisaient quel- quefois dans les forets les memos fonctions que les nymphes du paganisme. Elles avaient une reine qui les convoquait tous les ans en assera- blee generale , pour punir celles qui avaient abuse de leur puissance et recompenser celles qui avaient fait du bien. Dans certaines contrees de I'Ecosse, on dit que les fees sont chargees de conduire au ciel les ames des enfants nouveau-nes, et qu'elles aidenl ceux qui les invoquent a rompre les ma- lefices de Satan. On voit dans tous les contes et dans les vieux romans de chevalerie , ou les fees jouent un tres-grand role, que, quoique im- mortelles , elles etaient assujetties a une loi qui les forfait a prendre tous les ans, pendant quel- ques jours, la forme d'un animal, et les expo- sait , sous cette metamorphose , a tous les ha- sards, meme a la mort, qu'elles ne pouvaient recevoir que violente. On les distinguait en bonnes et mechantes fees ; on etait persuade que leur amitie ou leur haine decidait du bonheur ou du malheur des families. A la naissance de leurs enfants, les Bretons avaient grand soin de dresser dans une chambre ecartee une table abondamment servie, avec trois converts, afin d'engager les meres ou fees a leur etre favo- rables, a les honorer de leur visite, et a douer le nouveau-ne de quelques qualites heureuses. Us avaient pour ces etres mysterieux le meme respect que les premiers Romains pour les car- rnentes, deesses tutelaires des enfants, qui pre- sidaient a leur naissance , chantaient leur horos- cope et recevaient des parents un culte. On Irouve des fees chez tous les anciens peu- ples du Nord, et c'etait une opinion parlout adoptee que la grele et les tempetes ne gataient pas les fruits dans les lieux qu'elles habitaient. Elles venaient le soir, au clair de la lune, danser dans les prairies ecartees ; elles se transportaient aussi vile que la pensee partout ou elles souhai- taient, a cheval sur un griffon, ou sur un chat FEE — 265 — FEE d'Espagne, ou sur un niiage. On assuraitque, par un caprice de leur destin, les fees etaient aveugles chez elles et avaient cent yeux dehors. Frey remarque qu'il y avait entre les fees, comme parmi les hommes , inegalite de moyens et de puissance. Dans les romans de chevalerie et dans les contes on voit souvent une bonne fee vaincue par une mechante qui a plus de pouvoir. Les cabalistes ont aussi adopte I'existence des fees , mais lis pretendent qu'elles sont des sijl- phides , ou esprits de I'air. On vit , sous Charle- magne et sous Louis le Debonnaire, une multi- tude de ces esprits , que les legendaires appelerent des demons, les cabalistes des sylphes, et nos chroniqueurs des fees. Corneille de Kem- pen assure que , du temps de Lothaire , il y avait en Frise quantite de fees qui sejournaient dans les grottes, autour des montagnes, et qui ne sortaient qu'au clair de la lune. Olaiis Magnus dit qu'on en voyait beaucoup en Suede de son temps, (( Elles ont pour demeure, ajoute-t-il, des antres obscurs dans le plus profond des fo- rets; elles se montrent quelquefois, parlent a ceux qui les consultent, et s'evanouissent subi- tement. » On voit dans Froissart qu'il y avait Fee des cavernes. egalement une multitude de fees dans File de Cephalonie; qu'elles protegeaient le pays contre tout mechef , et qu'elles s'entretenaient familie- rement avec les femmes de File. Les femmes blanches de FAlleipagne sont encore des fees ; mais celles-la etaient presque toujours dange- reuses. Leloyer conte que les Ecossais avaient des fees , ou fairs , ou fairfolks , qui venaient la nuit dans les prairies. Ces fees paraissent etre les striges , ou magiciennes , dont parle Ausone. Hector de Boece , dans ses Annales d'Ecosse, dit que trois de ces fees prophetiserent a Banquo , chef des Stuarts , la grandeur future de sa mai- son. Skakspeare , dans son Macbeth , en a fait trois sorcieres. II reste beaucoup de monuments de la croyance aux fees : telles sont ces grotles du Chablais qu'on appelle les grottes des fies. On n'y aborde qu'avec peine. Chacune des trois grottes a, dans le fond, un bassin dont I'eau passe pour avoir des vertus miraculeuses. L'eau qui distille dans la grotte superieure , a travers le rocher, a forme, sous la voute, la figure d'une poule qui couve ses poussins. A cot^ du bassin on voit un rouet, ou tour a filer, avec la quenouille, Les femmes des environs, dit un ecrivain du dernier siecle , pretendent avoir vu autrefois , dans I'enfoncement , une femme petri- fiee au-dessus du rouet. Aussi on n'osait guere approcher de ces grottes ; mais depuis que la figure de la femme a disparu on est devenu moins tiraide. Aupres de Ganges, en Languedoc, on FfiE montre une autre groLte des fees , ou grottes des demoiselles, dont on fait des contes merveilleiix. On voit a Merlingen , en Suisse , une citerne noire qu'on appelle le puits de la fie. INon loin de Bord-Saint-Georges , a deux lieues de Cham- bon, on respecte encore les debris d'un vieux puits qu'on appelle aussi le puits des fees ou fades, et sept bassins qu'on a nornmes les creux des fades. On voit pres de la , sur la roche de Beaune, deux empreintes de pied humain : I'une est celle du pied de saint Martial , I'autre appar- lient, suivant la tradition, a la reine des fees, qui, dans un moment de fureur, frappa si forle- ment le rocher de son pied droit qu'elle en laissa la marque. On ajoute que, mecontente des habi- tants du canton , elle tarit les sources minerales qui remplissaient les creux des fees, et les fit couler a Evaux, oi!i elles sont encore. On voyait pres de Domremy Varhre des fees : Jeanne d'Arc fut meme accusee d'avoir eu des relations avec les fees qui venaient danser sous cet arbre. On remarque dans la petite ile de Concourie, a une lieue de SainLes, une haute butte de terre qu'on appelle le Mont des fees. La Bretagne est pleine de vestiges semblables; plusieursfontaines y sont encore consacrees a des fees , lesquelles metaniorphosent en or, en diamant, la main des indiscrets qui souillent I'eau de leurs sources ^ Le mail d'Amiens, appele aujourd'hui prome- nade de la Hautoye, elait autrefois le mail des fees. Lecomte d'Angeweiller epousa une fee, comme le rapporte Tallemant des Reaux ; elle lui donna un gobelet, une cuiller et une bague, Irois mer- veilleux objels qui resterenl dans sa familie comme gages de bonheur. On lit aussi dans la legende de saint Armentaire , ecrite en Fan 1300, quelques details sur la fee Esleretle , qui vivait aupres d'une fontaine ou les Provencaux lui ap- portaient des offrandes. Elle donnail des breu- vages enchantes aux femmes. Le monastere de Notre-Dame de I'Esterel 6lait bati sur le lieu qu'avait habitd cette fee. Melusine elait encore ' Le Quimperois racontait , il y a quinze ans , une singuliere aventure arrivee aupres de Chateaulin : « Le bateau a vapeur le Parisien, revenant du pardon de Sainte-Pliilomene a Landevenec, coula dans la riviere de Chateaulin. II faisait nuit ; les dames qui se trouvaient a Lord furent debarquees comme les autres passagers sur la plage. Elles se dirigerent vers une metairie situee a quelque distance pour y demander I'hospitalite. Le fermier, qui etait couche, vint a leur appel ouvrir sa porte. Mais aussitot qu'il les eut vues dans leurs elegantes et blanches parures, il ferma vivement son huis et refusa obstinement de les rerevoir, les prenant pour des fees ou pour des fantomes. Le jour, toute la ferme eut ete a leur disposition, elles y eussent ^te recues comme des reines; la nuit, elles en furent chassees comme des esprits malfaisants. Si pareille aventure arrivail a tel de nos poetes ou antiquaires celtiques, on les verrait sans doute moins epris des naYves et toucliantes su- perstitions de la Bretagne. » FEL une fee ; il y avait dans son destin cette parlicu- larite , qu'elle etait obligee tous les samedis de prendre la forme d'un serpent dans la parlie in- ferieure de son corps. La fee qui |epousa le sei- gneur d'Argouges , au commencement du quin- zieme siecle , I'avait , dit-on , averti de ne jamais parler de la mort devant elle; mais un jour qu'elle s'etait fait longlemps attendre , son mari, impatiente, lui dit qu'elle serait bonne a aller chercher la mort. Aussitot la fee disparut en laissant les traces de ses mains sur les murs, contre lesquels elle frappa plusieurs fois de depit. G'est depuis ce temps que la noble maison d'Ar- gouges porte dans ses armes trois mains posees en pal , et une fee pour cimier. L'epoux de Me- lusine la vit egalement disparaitre pour n'avofr pu vaincre la curiosite de la regarder a travers la porte dans sa metamorphose du samedi La reine des fees est Titania, epouse du roi Oberon , qui a inspire a Wieland un poeme ce- lebre en Allemagne. Felgenhaver ( Paul ) , visionnaire allemand du dix-septieme siecle. 11 se vantait d'avoir reQu de Dieu la connaissance du present, du passe et de I'avenir; il prechait un esprit astral, soumis aux regeneres ( ses disciples) , lequel esprit astral est celui qui a donne, dit-il, aux propheles et aux apotres le pouvoir d'operer des prodiges et de chasser les demons. Ayanl ete mis en prison a cause de quelque scandale qu'il avait cause, il composa un livre ou il prouvait la divinile de sa mission par ses souffrances. II y raconle une revelation dont le Seigneur, a ce qu'il disait, I'avait favorise. Ses principaux ouvrages sont : 1° C/tronolof/ie ou efficaciU des annees du monde, sans designation du lieu d'impression , 1620, in-k". II pretend y demontrer que le monde est de deux cent trente-cinq ans plus vieux qu'on ne le croit ; que Jesus-Christ est n^ I'an /|235 de la creation; et il trouve de grands mysteres dans ce nombre , parce que le double septenaire y est conlenu ^. Or, le monde ne pouvant pas subsisler plus de six mille ans, il n'avait plus, en 1620, a compter que sur une 1 Voyez les legendes de Melusine et de quelques autres, dans les Legendes des esprits et demons. '■^ C'est de la cabale : comme en a fait dans I'alma- nach prophetique M. Eug. Bareste : 4,235 se compo- sent de quatre chiffres qu'on additionne : 4 2 3 5 < 4 ou deux fois 7. Mais 4,136 donnent le meme resultat, aussi bien qu'une foule d'autres combinaisons de quatre chif- fres, par exemple, 3,245, 2,453, etc., a moins qu'on ne veuille prendre le premier et le Iroisieme chiffre qui font 7, comme le second avec le quatrieme ; ce qui ne fait que diminuerle nombre des combinaisons. — 266 — FEM — 267 — FEM duree de cent quaranle-cinq ans. Le jugement dernier etait tres-proche , et Dieu liii en avait |. revele I'epoque, qui etail 1765. 2° Miroir des i temps, dans lequel , independamment des admo- nitions adressees d tout le monde, on expose axtx yeux ce' qui a ele et ce qui est parmi tous les Etats icrit par la grace de' Dieu et par ['inspi- ration du Saint-E sprit..., 1620, in-Zi"; 3° Pos- tilion ou Nouveau calendrier et pronosticon-as- trologico-propheticum , presente a tout I'univers et d toutes les creatures, 1636, in-12 (en alle- maiid). Felgenhaver, en resume, nous parait avoir ete un rival de Matlhieu Laensberg. Femmes. II y eut une doctrine adoptee par quelques heretiques, que les femmes etaient des brutes, mulieres non esse homines. Les prelats, i au second concile de Macon , foudroyerent cette j extravagance, qui venait des rabbins. Nous ne rapporterons pas ici toutes les mille et une er- reurs qu'on a debitees centre les femmes. De- lancre et Bodin assurent qu'elles sont bien plus aptes que les hommes a la sorcellerie, et que c'est une terrible chose qu'une femme qui s'entend I avec le diable. D'anciens philosophes disent aussi que la presence des femmes en certains jours fait tourner le lait, ternit les miroirs, desseche les campagnes, engendre des serpents et rend les chiens enrages. Les philosophes sont bien niais. Femmes blanches. Quelques-uns donnent le nom de femmes blanches aux sylphides , aux nymphes et a des fees qui se montraient en Allemagne, protegeant les enfants et s'interessant a quelques families. D'autres entendent par la cer- tains fantomes qui causent plus de peur que de mal. II y a une sorLe de spectres peu dangereux, dit Delrio, qui apparaissent en femmes toutes blanches dans les bois et les prairies ; quelquefois meme on les voit dans les ecuries , tenant des chandelles de cire aliumees dont elles laissent tomber des goutles sur le toupet et le crin des chevaux, qu'elles peignent et qu'elles tressent ensuite fort proprement; ces femmes blanches, ajoute le m6me auteur, sont aussi nommees sibylles et fees. En Bretagne , des femmes blan- ches, qu'on appelle lavandieres ou chanteuses de nuit, lavent leur linge en chantant, au clair de la lune, dans les fontaines ecart^es; elles re- clament I'aide des passants pour tordre leur linge et cassent le bras a qui les aide de mau- vaise grace. Erasme parle d'une femme blanche celebre en Allemagne et dont voici le conte : — « La chose qui est presque la plus remarquable dans notre Allemagne, dit-il , est la femme blanche, qui se fait voir quand la mort est prete a frapper a la porte de quelque prince, et non-seulement en Allemagne, mais aussi en Boheme. En effet, ce spectre s'est montre a la mort de la plupart des grands de Neuhaus eL de Rosemberg, et il se montre encore aujourd'hui. Guiliaume Sla- vata, chancelier de ce royaume, declare que cette femme ne pent etre retiree du purgatoire tant que le chateau de Neuhaus sera debout, Elle y apparait non-seulement quand quelqu'un doit mourir, mais aussi quand il se doit faire un mariage ou qu'il doit naitre un enfant; avec cetle difference que quand elle apparait avec des vetements noirs, c'est signe de mort; et, au conlraire, un temoignage de joie quand on la voit lout en blanc. Gerlanius temoigne aussi avoir oui dire au baron d'Ungenaden, ambas- sadeur de I'empereur a la Porte, que cette femme blanche apparait toujours en habit noir lorsqu'elle predit en Boheme la mort de quel- qu'un de la famille de Rosemberg. Le seigneur Guiliaume de Rosemberg s'etant allie aux quatre maisons souveraines de Bruhswick , de Brande- bourg, de Bade et de Pernslein, I'une apres I'aulre, et ayant fait pour cela de grands frais, surtout aux noces de la princesse de Brande- bourg , la femme blanche s'est rendue familiere a ces quatre maisons el a quelques aulres qui leur sont alliees. A I'egard de ses manieres d'agir, elle passe quelquefois tres-vite de chambre en charabre, ayant a sa ceinture un grand trous- seau de clefs dont elle ouvre el ferme les portes aussi bien de jour que de nuit. S'il arrive que quelqu'un la salue , pourvu qu'on la laisse faire, elle prend un ton de voix de femme veuve , une gravite de personne noble, et, apres avoir fait une honnete reverence de la tele, elle s'en va. Elle n'adresse jamais de mauvaises paroles a personne; au conlraire, elle regarde tout le monde avec modeslie el avec pudeur. II esl vrai que souvent elle s'est fachee, et que meme elle a jele des pierres a ceux a qui elle a enlendu le- nir des discours inconvenants tant contre Dieu FEM — 268 — FER que contre son service ; elle se montre bonne en- vers les paavres et se tourmente fort quand on ne les ^ide pas a sa fanlaisie. Elle en donna des marques Idrsque, apres que les Suedois eurent pris le chateau, ils oublierent de donner aux pauvres le repas de bouillie qu'elle a institue de son vivant, Elle mena si grand charivari que les soldats qui y faisaient la garde ne savaient ou se cacher. Les generaux memes ne furent pas exempts de ses importunites, jusqu'a ce qu'enfm un d'eux rappelat aux autres qu'il fallait faire de la bouillie et la distribuer aux pauvres; ce qui ayant ete accompli, tout fut tranquille. » Voy. Fees. Femmes-cygnes. 11 y a des femmes-cygnes dans les legendes scandinaves : ce sont des on- dines; mais elles ont quelque chose d'humain, quoiqu'elles ne soient pas de I'espece, tandis que chez les Tartares de 1' Altai ce sont probable- ment des demons. On en voit une se deguiser en renard noir pour egarer les heros, II parait qu'elles sont au nombre de quarante. Un jour trenle de ces femmes se metamorphoserent en un seul loup-garou. Quelquefois elles concen- trent leur quarante perfidies pour constituer une seule femme-cygne dont la malice est alors ef- froyable. Pour se defatiguer, elle avale du sang trois fois plein sa main, apres quoi elle pent courir quarante ans sans desemparer \ Femmes vertes. Les Ecossais donnent ce nom a des fees qui paraissent, aux lieux deserts, habillees de robes vertes eclatantes. Fenris. Le loup Fenris est un des monslres de I'enfer scandinave, ne de Loke et de la geante Angerbode. 11 est assez fort pour ebxanler la terre. 11 doit, a la fin du monde, devorer Odin. J usque-la il est enchaine. Far chaud (epreuvedu). Celui qui voulait sejustifier d'une accusation, ou prouver la ve- rite d'un fait conteste, et que Ton condamnait pour cela a I'epreuve du fer chaud, etait oblige de porter a neuf ou douze pas une barre de fer rouge pesant environ trois livres. Cette epreuve se faisait aussi en mettant la main dans un gantelet de fer sortant de la fournaise, ou en marchant sur du fer rougi. Voy. Emma. Un mari de Didymoteque, soupconnant la fidelite de sa femme, lui proposa d'avouer son crime ou de prouver son innocence par I'attouchement d'un fer chaud. Si elle avouait, elle etait morte ; si elle tenlait I'epreuve, elle craignait d'etre brulee. Elle eut recours a I'eveque de Didymo- teque , prelat recommandable ; elle lui avoua sa faute en pleurant et promit de la reparer. L'eveque, assure de son repentir, et sachant que le repentir vrai restitue I'innocence , lui dil qu'elle pouvait sans crainte se soumettre a I'epreuve. Elle prit un fer rougi au feu, fit trois 1 M. Elie Reclus, Legendes tartares , dans la Re- vue germanique , 31 aout 1860. fois le tour d'une chaise , I'ayant toujours a la main ; et le mari fut pleinement rassure. Ce trait eut lieu sous Jean Cantacuzene. Sur la cote du Malabar, I'epreuve du fer chaud etait aussi en usage. On couvrait la main du criminel d'une feuille de bananier, et Ton y ap- pliquait un fer rouge; apres quoi le surinten- dant des blanchisseurs du roi enveloppait la main de I'accuse avec une serviette trempee dans de I'eau de riz; il la liait avec des cor- dons ; puis le roi appliquait lui-meme son cachet sur le noeud. Trois jours apres on deliait la main et on declarait le prevenu innocent, s'il ne res- tait aucune marque de brulure; mais s'il en etait autrement, il etait envoye au supplice.— Au reste, I'epreuve du fer chaud est fort an- cienne; car il en est question dans VKlectre de Sophocle. Ferdinand IV, dit rAjourne, roi de Castille et de Leon, ne en 1285. Ayant condamne a mort deux freres que Ton accusait d'avoir as- sassine un seigneur castillan au sortir du palais, il voulut que la sentence fut executee , quoique les accuses protestassent de leur innocence et quoiqu'il n'y eut aucune preuve solide centre eux. Alors, disent les historiens de ce temps, les deux freres , en montant le rocher du haut duquel ils devaient etre precipites, ajournerent Ferdinand a comparaitre dans trente jours au tribunal du juge desrois; et, precisement trente jours apres, le roi, s'etant retire apres le diner pour dormir, fut trouve mort dans son lit. Voy. Ajournement. Fernand (Antoine), jesuite espagnol, au- teur d'un commentaire assez curieux sur les vi- sions et revelations de VAncien Testament, publie en 1617. Ferragus , geant dont parle la Chronique de I'archeveque Turpin. 11 avait douze pieds de haut et la peau si dure qu'aucune lance ou epee ne la pouvait percer. II fut vaincu par I'un des preux de Charlemagne. Farrier (Auger), medecin et astrologue, auteur d'un livre peu connu intitule Jugements d' astronomic sur les nativith, ou horoscopes, in-16, qu'il dedia a la reine Catherine de Me- dicis.— Auger Ferrier a laisse encore un petit traite latin, De somniis, imprime a Lyon en 15/t9, avec le traite d'Hippocrate sur les insomnies. Fery (Jeanne), jeune fille de Sore, sur la Sambre, qui, ayant ete maudite par son pere, fut obsedee d'un demon des I'age de quatre ans. II lui donnait du pain blanc et des pommes et faisait qu'elle ne sentait pas les coups qu'on lui appliquait comrae chatiment. Lorsqu'elle fut grande, il la demoralisa peu a peu ; il lui fit signer un papier ou elle renonqait a son bap- leme, a I'Eglise et au Christ. Elle avala ensuite ce papier dans une orange, et, livree au demon, elle commit tous les peches imaginables, pro- r FES fanations , sacrileges, blasphemes, abominations. Elle etait transportee aux reunions diaboliques, . oil elle adora plusieurs demons ; elle en nomma I quelques-uns dans sa confession : Fun s'appelait Charme, un autre Ninus, un autre Esprit de I Sang , un autre Beleal , etc. Lorsqu'elle eut vingt- cinq ans, on remarqua a beaucpup de signes ; qu'elle etait possedee. L'archeveque de Cam- i brai , Louis de Berlaimont , la fit exorciser. Mais I ces exorcismes , ou de grandes horreurs furent revelees, durerent pres de deux ans; et une foule de teraoignages tres-graves ne permettent pas de contester cette histoire, dont les details nombreux sontreproduitspar Gorres au livre VIII de sa Mystique, chap. xii. La malheureuse Jeanne fut delivree enfm par la protection spe- ciale de sainte Marie Madeleine qu'elle invoquait j ardemment. i Festins du sabbat. Le sel n'y parait jamais, j Le pain n'est pas fait de farine de ble, mais de farine de pois. Les viandes sont de la chair de chien ou de chat vole. Si elle est en putrefac- tion , c'est un regal. On mange des cadavres d'enfants. En quelques heux, les habitues du sabbat ont deterre le corps d'un des leurs de- cede et I'ont mange a toutes sauces. Dans les proces des sorciers , on voit des sorcieres con- vaincues d'avoir mis a la broche des enfants de- robes. On ne boit que des liqueurs. Le vin, I'huile , le sel et tout ce que I'Eglise benit est exclu dans ces hideuses fetes. Fetes dans I'lnde. Nous donnons ici une idee du culte public en un pays oh les Anglais, depuis cent ans, auraient porte la lumiere s'ils etaient restes catholiques : c'est la fete que les Hindous celebrent au commencement d'octobre , en I'honn'eur de la deesse Dourga, epouse de Siva , appelee aussi Bhavani , et de sa fille Cali , nee de son ceil, appelee encore Mohakali, la noire, la grande noire, et Boudrani, la mere des larmes. Cette fete est I'une des plus magni- fiques , des plus couteuses et des plus populaires du cuUe hindou. Voici les details que donne, a propos de ces ceremonies religieuses, V India, de J.-Th. Stocqueler ; Les preliminaires seuls prennent plus de temps que I'adoration , qui dure cependant trois jours. Pendant toute cette periode, les affaires sont suspendues, et chacun se livre sans mesure au plaisir et a la gaiete. Le premier jour on donne la vue et I'existence a I'idole destinee a devenir I'objet de la veneration generale. Un brahme s'en acquitle en touchant les joues, les yeux , la poi- trine et le front de la .divinite, en disant : j « Puisse I'ame de Dourga etre longtemps heu- j reuse dans ce corps I » D'aulres ceremonies, I ainsi que I'immolation d'un grand nombre de bestiaux , tels que des bisons , des moutons, des chevres , etc. , succedent a celle-la. La chair et le sang des victimes sont offerts en holocauste FET aux images de la deesse et des divinites qui I'entourent. Les ceremonies et les sacrifices qui s'accomplissent le deuxieme et le troisieme jour sont presque semblables a ceux du premier. A la fin, lorsque tous les animaux ont ele im- moles, la multitude se couvre de boue et de sang coagule , puis danse avec frenesie au lieu meme oh elle s'est prosternee. Le lendemain des fetes, I'idole est depouillee de ses pouvoirs par le meme brahme qui Ten ayait revetue. Cette statue, I'une des plus revoltantes qu'on puisse imaginer, repi^esente Dourga ou Cali, personnifiant la mort : c'est une horrible femme tres-noire, quelquefois bleue, qui tient d'une de ses quatre mains un cimeterre, de I'autre une tete de geant qu'elle a saisie par les cheveux; de la troisieme, etendue tout ouverte, elle semble benir, el de la quatrieme elle defend d'avoir peur. Ses boucles d'oreilles sont deux squelettes; son collier une rangee de cranes. Sa langue tombe jusqu'au bas de son menton, en teraoi- gnage de la honte qu'elle eprouve en s'aperce- vant que, dans sa fureur indomptable, elle a foule aux pieds son mari Siva. Des tetes de geants coupees entourent sa taille d'une cein- ture, et ses nattes tombent jusque sur ses ta- lons. Comme elle a bu le sang des geants qu'elle a tues pendant le combat, ses sourcils ont pris la couleur du breuvage qui I'a desalteree, et un ruisseau vermeil , de la meme nature, s'echappe de sa poitrine; ses yeux sont rouges comme ceux d'un ivrogne; elle est debout, un pied sur la poitrine de son mari, I'autre sur sa cuisse. Cette statue est placee par les pretres sur une estrade de bambous et transportee, accompagnee d'une foule immense , au bruit des tambours, des cornets et d'autres instruments hindous, sur la rive du fleuve sacre ; on la precipite dans les flots, en presence d'un concours de tous rangs et de toutes conditions, tandis que les pretres invoquent la deesse et lui demandent la vie, la sante et la prosperite, la suppliant, elle, leur mere univer- selle, comme ils disent, de retourner momenta- nement dans ses domaines, pour revenir plus tard au milieu d'eux. Pendant ces trois jours di! adoration , les mai- sons des riches Hindous sont splendidement illu- minees la nuit, et ouvertes le jour a tout venant. Mais tout n'est pas fini t le jour suivant on apporte des villages, souvent fort eloignes du fleuve, des idoles que Ton vient y jeter, et le tumulte , la confusion qui regnent alors sont in- descriptibles. Les statues exhibees en pareille occasion sont faites de foin, de morceaux de bois, d'argile, et quelques-unes atteignent dix a douze pieds de haut. Ces fetes absorbent des sommes immenses; une partie, et c'est la plus considerable, est dis- tribuee en aumones, employees a nourrir et a vetir les pretres et les mendiants; le reste est — 269 — — 270 — FEU consacrc aux rejouissances publiques et a enri- chir les bayaderes qui dansent devant la deesse. Les Anglais n'ont jamais porte la lamiere dans ces hideiises tenebres ; et ils n'ont rien fait pour empccher ces abominations. Fetiches, diviniles des negres de Guinee. Ces divinites varient : ce sont des animaux desse- ches , des branches d'arbres , des arbres memes , des montagnes, ou toute autre chose. lis en ont de petits qu'ils portent au cou ou au bras, sou- vent des coquillages. lis honorent un arbre qu'ils appellent V arbre des fetiches ; ils placent au pied une table couverte de vin de palmier, de riz et de millet. — Get arbre est un oracle que Ton consulte dans les occasions importantes ; il ne manque jamais de faire connaitre sa reponse par I'organe d'un chien noir, qui est le diable, selon nos demonographes. — Un enorme rocher nomme Tabra, qui s'avance dans la mer en forme de presqu'ile , est le grand fetiche du cap Corse, On lui rend des honneurs particuliers, comme au plus puissant des fetiches. — Au Congo, personne ne boit sans faire une oblation a son principal fetiche, qui est souvent une defense d'elephant. Nous empruntons ce qui suit a la lievue coloniale : « Dans les deux Guinees regne partout un af- freux fetichisme, avec un cortege de supersti- tions ridicules, degradantes et parfois cruelles. La metempsycose , la polygamie, le divorce, les sacrifices humains et meme souvent I'anthropo- phagie sont consacres par la religion. » Pour comprendre la force et I'influence des idees et des pratiques superstitieuses de ces peu- ples, il est bon de faire observer qu'elles font partie integrante de leur etat social, et que les fetichistes, pas plus que les mahometans, n'eta- blissent de distinction enlre I'ordre politique et I'ordre religieux. Chez eux les idees et les pra tiques religieuses sont I'essence de leur etat social. Aussi le culte de leurs fetiches ou genies prolecleurs se revele partout, dans la vie pu- blique comme dans la vie individuelle. Ainsi il y a le fetiche du royaume, celui du village, celui de la famille, celui de I'individu. » G'est au nom du fetiche que les chefs gou- vernent, qu'ils jugent les litiges, qu'ils reglent le commerce et meme 1' usage des aliments. C'est au nom du fetiche que le maitre exerce sur son esclave son droit de vie et de mort, et que la chair humaine devient I'aliment de I'homme. G'est au fetiche suppose irrite qu'on immole des viclimes humaines pour I'apaiser. » Les formes sous lesquelles le fetiche est ho- nore varient selon les pays. Tantot c'est sous la figure d'un animal, tel que le lezard, le cheval, I'hyene, le tigre, le vautour et plus souvent le serpent; tantot c'est sous la forme d'un arbre ou d'une plante dont I'espece devient sacree ; tan lot, enfin, c'est sous I'image d'une statuette de bois a figure humaine. » Feu, Flusieurs nations ont adore cet element. En Perse, on faisait des enclos fermes de mu- rallies el sans toit, ou Ton entretenait du feu. Les grands y jetaient des es.sences et des parfums. Quand un roi de Perse etait a I'agonie, on elei- gnait le feu dans les villes principales du royaume, pour ne le rallumer qu'au couronnement de son successeur. Certains Tartares n'abordent jamais les etrangers qu'ils n'aient passe entre deux feux pour se purifier; ils ont bien soin de boire la face tournee vers le midi, en I'honneur du feu. Les Jagous, peuple de Siberie, croient qu'il existe dans le feu un etre qui dispense le bien et le mal ; ils lui offrent des sacrifices perpetuels. On sait que, selon les cabalisles, le feu est I'element des Salamandres. 1/oy. ce mot. Parmi les epreuves superstitieuses qu'on ap- pelait jugements de Dieu, I'epreuve du feu ne doit pas etre oubliee. Voy. Fur chaud, Eau bouil- LANTR, etc. Feu de la Saint-Jean. En 163Z|, a Quimper, en Bretagne, les habitants mettaient encore des sieges aupres des feux de joie de la Saint-Jean, pour que leurs parents morts pussent en jouir a leur aise. — On reserve, en ce pays, un tison du feu de la Saint-Jean pour se preserver du ton- nerre. Les jeunes filles, pour etre sures de se marier dans I'annee, sont obligees de danser au- tour de neuf feux de joie dans cette meme nuit : ce qui n'est pas difficile, car ces feux sont tene- ment multiplies dans la campagne qu'elle parait illuminde. On conserve ailleurs la meme opinion qu'il faut garder des tisons du feu de Saint-Jean comme d'excellents preparatifs qui, de plus, portenl bonheur. — A Paris, autrefois, on jelait deux douzaines de petits chats (emblemes du diable sans doute) dans le feu de la Saint-Jean', parce qu'on etait persuade que les sorciers fai- saient leur grand sabbat cette nuit-la. — On di- sait aussi que la nuit de la Saint-Jean etait la plus propre aux malefices, et qu'il fallait recueil- lir alors le tfefle a quatre feuilles, et toutes les autres herbes dont on avail besoin pour les sor- tileges. Feu gregeois. Du terrible feu gregeois et de la maniere de le composer, u Ce feu est si vio- lent qu'il brule lout ce qu'il louche, sans pou- voir etre eteinl, si ce n'est avec de I'urine, de fort vinaigre ou du sable. On le compose avec du soufre vif, du lartre, de la sarcocole, de la picole, du sel commun recuit, du pentreole et de I'huile commune; on fail bien bouillir le tout, jusqu'a ce qu'un morceau de toile qu'on aura jele dedans soil consume; on le remue avec une spatule de fer, II ne faut pas s'exposer a faire cette composition dans une chambre, mais dans une cour ; parce que si le feu prenait , on serail tres-embarrasse pour I'eteindre ^ » • Voyez I'article Chat. 2 Admirables secrets du Petit Albert, p. 88. FEU — 2' 71 - FEV Ce n'est sans doute pas la le feu gregeois d'Ar- chimede. Feu Saint-Elme, ou Feu Saint-Germain, ou Feu Saint-Anselme. Le prince de Radzivill , i dans son Voyage de Jemsalem, parle d'lin feu ■ qui parut plusieurs fois au haut du grand mat du vaisseau sur lequel il etait monte ; 11 le nom- inait feu Saint -Germain; d'autres, feu Saint- Elme, et feu Saint-Anselme. Les paiens attri- buaient ce prodige a Castor et Pollux , parce que quelquefois il parait double. Les physiciens disent que ce n'est qu'une exhalaison entlammee. Mais les anciens croyaient y voir quelque chose de surnaturel et de divin'. Faux follets. On appelle feux follets, on es- prits follets, ces exhalaisons enflammees que la terre, echauffee par les ardeurs de I'ete, laisse echapper de son sein, principalement dans les longues nuits de I'Avent; et, comme ces flammes roulent natnrelleraent vers les lieux bas et les marecages, les paysans, qui les prennent pour de malins esprits, s'imaginent qu'ils conduisent au precipice Ic voyageur egare que leur eclat eblouit , et qui prend pour guide leur trompeuse lumiere. Olaiis Magnus dit que les voyageurs et les bergers de son temps rencontraient des es- prits follels qui brulaient tellement I'endroit ou ils passaient qu'on n'y voyait plus croitre ni herbe ni verdure ^. Chez les Russes et chez les Polonais , les feux follets sont les ames des morts. Un jeune homme, revenant de Milan pendant une nuit fort noire, fut surpris en cheinin par un orage ; bientot il crut apercevoir dans le loin- tain une lumiere et entendre plusieurs voix a sa gauche ; pen apres il distingua un char enflamme qui accourait a lui, conduit par des bouviers dont les cris repetes laissaient entendre ces mots : Prends garde a toi! Le jeune homme epouvante pressa son cheval ; mais plus il courait, plus le char le serrait de pres. Enfin , apres une heure ^ DomCalmet, Dissert, sur les apparitions, p. 88. 2 Dom Calmet, Dissert, sur les apparitions, p. 109. de course , il arriva , en se recommandant a Dieu de toutes ses forces, a la porte d'une eglise ou tout s'engloutit. Cette vision, ajoute Cardan, etait le presage d'une grande peste qui ne tarda pas a se faire sentir, accorapagnee de plusieurs autres fleaux. Cardan etait enfant lorsqu'on lui raconta cette histoire , de sorte qu'il pent aisement I'avoir denaturee. Le jeune homme qui eut la vision n'avait que vingt ans ; il etait seal, il avait eprouve une grande frayeur. Quant a la peste qui suivit , elle etait occasionnee, aussi bien que I'exhalai- son , par une annee de chaleurs extraordinaires. Voy. Elfs, Jack of Lantern, etc. Un des habitants de Cardigan, en ficosse, eut une vision de follets qui ne parait pas tant une illusion. Elle est rapportee par Barter, dans son livre De la certitude des esprits. S'etant reveille une nuit apres minuit Sonne, il vit entrer succes- sivement, un a un, dans sa chambre, douze feux follets qui avaient forme de femmes porlant de petits enfants. Sa chambre en etait parfaitement eclairee. Les follets, apres avoir danse, s'assirent autour d'un tapis et parurent se disposer a sou- per. lis I'inviterent meme a venir manger avec eux ; et comme il priait pendant cette vision , une voix lui dit de n'avoir'pas peur. Au bout de quatre heures la vision disparut. Celui qui I'avait eue jura qu'il etait bien eveille et qu'il n'etait pas le jouet d'une illusion. G'etait un homme de bon sens et qui meritait confiance. Feval (Paul) , auteur de la belle legende inti- tulee la Femme blanche des marais, de la Fee des greves et Du fils du diable. I8/16. Ce dernier ou- vrage est moins recommandable. Feves. Pythagore defendait a ses eleves de manger des feves, legume pour lequel il avait une veneration particuliere, parce qu'elles ser- vaient a ses operations magiques et qu'il savail bien qu'elles etaient animees. On dit qu'il les faisait bouillir ; qu'il les exposait ensuite quelques nuits a la lune, jusqu'a ce qu'elles vinssent a se convertir en sang, dont il se servait pour ecrire sur un miroir convexe ce que bon lui semblait. Alors, opposant ces lettres a la face de la lune quand elle etait pleine, il faisait voir a ses amis eloignes, dans le disque de cet astre, tout ce qu'il avait ecrit sur son miroir... Pythagore avait puise ses idees sur les feves chez les Egyptiens , qui ne touchaient pas a ce legume, s'imaginant qu'il servait de refuge a certaines ames , comme les oignons servaient de logement a certains dieux. On conte qu'il aima mieux se laisser tuer par ceux qui le poursuivaient que de se sauver a travers un champ de feves. C'est du moins une legende borgne tr^s-repandue. Quoi qu'il en soit, on offrait chez les anciens des feves noires aux divinites infernales. Il y avait en Egypte, aux bords du Nil, de pe- tites pierres faites comme des feves, lesquelles mettaient en fuite les demons. N'etaient-ce pas FEY — 272 — FIE des feves petrifiees ? Festus pretend que la fleur de la feve a quelque chose de lugubre , et que le fruit ressemble exactement aux portes de I'en- fer... Dans I' Incrcdulite et mecrcance dn sortilege pleinement convaincue, page 263, Delancre dit qu'en promenant une feve noire , avec les mains nettes, par une maison infestee, et la jetant en- suite derriere le dos en faisant du bruit avec un pot de cuivre et priant neuf fois les fantomes de fuir, on les force de vider le terrain. Les jeunes filled de Venise pratiquaient avec des feves noires une divination qui n'est pas encore passee de mode. Quand on veut savoir de plusieurs coeurs quel sera le plus fidele, on prend des feves noires, on leur donne a chacune le nom d'un des Jeunes gens par qui on est recherchee, on les jette ensuite sur le carreau : la feve, qui se fixe en tombant, annonce le cceur certain; celles qui s'ecartent avec bruit sont des poursuivants vo- lages. Fey, nom que Ton donne en Ecosse a toute personne que Ton croit ensorcelee. Fian, docteur en medecine, qui, selon les procedures, etait associe ou affilie aux sorcieres du temps du roi Jacques. Foy. Jacques. Fiard (I'abbe), auteur de Lettres philoso- phiques sur la magie, du livre intitule la France trompee par les dernonoldtres , d'un autre intitule les Prkurseurs de I' Antcchrist , d'un autre inti- tule Superstitions et prestiges des philosophes ou les dernonoldtres du siecle de lumieres, mort a Paris en 1818. On I'a beaucoup critique, parce qu'il voyait dans les ennemis de Dieu des servi- teurs du diable. G'est pourtant conforme a I'adage divin : qui n'est pas pour moi est contre moi. II disait que Voltaire etait un demon; mais Thomas I'a dit avant lui. Ficino (Marsile) , philosophe florentin , ne en lZi33. Un jour qu'il disputait avec Michel Mer- cati, son disciple, sur I'immortalite de I'ame, comme ils ne s'entendaient pas, ils convinrent que le premier qui partirait du monde en vien- drait donner des nouvelles a I'autre. Peu apres ils se separerent. Un soir que Michel Mercati, bien eVeille, s'occupait de ses etudes, il entendit le bruit d'un cheval qui venait en toute hate a sa porte, et en meme temps la voix de Marsile Ficino qui lui criait : — Michel , rien n'est plus vrai que ce qu'on dit de I'autre vie. — Michel Mercati ouvrit la fenetre et vit son maitre Fi- cino, monte sur un cheval blanc, qui s'eloignait au galop. II lui cria de s'arreter; mais Marsile Ficino continua sa course jusqu'a ce qu'on ne le vit plus. Le jeune homme, stupefait, envoya aus- sitot chez Ficino et apprit qu'il venait d'expirer. Marsile Ficino a pubhe sur I'astrologie , sur Talchimie, sur les apparitions et sur les songes, divers ouvrages devenus rares. Fidelite. On lit dans Les admirables secrets d' Albert le Grand qu'en mettant un diamant sur la tete d'une femme qui dort, on connait si elle est fidele ou infidele ; parce que, si elle est infi- dele , elle s'eveille en sursaut et de mauvaise hu- t m.eur ; si , au contraire , elle est fidele , elle a un ' reveil gracieux. Le Petit Albert dit qu'on peut etre bien sur de la fidelite d'une femme, quand on lui a fait manger de la moelle de I'epine du dos d'un loup*. Fien (Thomas), Anversois, auteur d'un livre curieux sur les effets prodigieux de I'imagina- tion, De virihus imaginalionis , Londres, 1657. Fientes. Des vertus et proprietes de plusieurs sortes de fientes. — « Comme I'homme est la plus noble creature, ses excrements ont aussi une propriete particuliere pour guerir plusieurs ma- ladies. Dioscoride et Galien en font cas et assu- rent qu'ils enlevent les maux de gosier ou esqui- . nancies. Voici la maniere de les preparer. On donnera a manger a un jeune homme de bon temperament des lupins pendant trois jours et du pain bien cuit, ou il y aura du levain et du sel; on lui fera boire du vin clairet, et on gar- dera les excrements qu'il rendra apres trois jours de ce regime. On les melera avec autant de miel, et on les fera boire et avaler comme de I'opiat, ou bien , si le malade n'est pas ragoCite d'un tel condiment, on les appliquera comme un cata- plasme : le remede est infaillible. » Nous ne di- rons pas s'il est agreable. Fiente de chien. — (( Si on enferme un chien et qu'on ne lui donne pendant trois jours que des OS a ronger, on ramassera sa fiente, qui, sechee et reduite en poudre, est un admirable remede contre la dyssenterie. On prendra des cailloux de riviere qu'on fera chauffer; ensuite on les jeltera dans un vaisseau plein d'urine, dans lequel on mettra un peu de cette fiente de chien reduite en poudre ; on en donnera a boire au malade deux fois la journee, pendant trois jours, sans qu'il sache ce qu'on lui donne... Cette fiente est aussi un des meilleurs dessiccatifs pour les vieux ulceres malins et inveteres... » Fiente de loup. — « Comme on salt que cet animal devore souvent les os avec la chair de sa , proie , on prendra les os que Ton trouvera parmi sa fiente, parce que, piles bien menus, bus dans du vin , c'est un specifique contre la colique. » Fiente de hceuf et de mche. — « La fiente de b(Euf et de vache, recente et nouvelle, envelop- pee dans des feuilles de vigne ou de chou, et chauffee dans les cendres, guerit les inflamma- tions causees par les plaies. La meme fiente apaise la sciatique. Si on la mele avec du vi- naigre , elle a la propriete de faire suppurer les glandes scrofuleuses et ecrouelles. Galien dit qu'un medecin de Mysie guerissait toutes sortes d'hydropisies en mettant sur I'enflure de la fiente chaude de vache. Cette fiente aussi appliquee sur 1 Le soUde tresor du Petit Albert, p. 24. 1 FIE — 273 — FIG la piqure des mouches a miel, frelons et autres, en enleve aussitot la douleur. » Fiente de pore. — (( Cette fiente guerit les cra- cliements de sang. On la fricasse avec aulant de crachats de sang du malade, y ajoutant du beurre frais, et on la lui donne a avaler (s'il en a le cou- rage). » Fiente de cJievre. — « La lienle de chevre a la vertu de faire suppiirer toutes sortes de tumeurs. Galien guerissail fort souvent ces turaeurs et les dureles des genoux , melant cette fiente avec de la farine d'orge et de I'oxycrat, et I'appliquant en forme de cataplasme sur la durete; elle est admirable pour les oreillons, melee avec du beurre frais et de la lie d'huile de noix. Ce secret serablera ridicule ; mais il est veritable , car on a gueri plus de vingt personnes de la jaunisse, leur faisant boire tous les matins, pendant huit jours, a jeun , cinq petites crottes de chevre dans du vin blanc. .. » Fiente de brebis. — (( II ne faut jamais prendre cette fiente par la bouche comme celle des autres animaux, mais I'appliquer exterieurement sur le mal : elle a les memes proprietes que la fiente de chevre. Elle guerit toutes sortes de verrues, de furoncles durs et de clous, si on la detrempe avec du vinaigre, et qu'on I'applique sur la dou- leur. )) Fiente des pigeons ramiers et des pigeons do- mestiques. — « Pour les douleurs de I'os ischion , la fiente des pigeons ramiers ou domestiques est admirable , etant melee avec de la graine de cres- son d'eau ; et lorsqu'on veut faire murir une tumeur ou une fluxion , on peut user d'un cata- plasme dans lequel entre une once de cette fiente, deux drachmes de graine de moutarde et de cres- son , une once d'huile distillee de vieilles tuiles. II est sur que plusieurs personnes ont ete gueries par cette fiente, melee avec de I'huile de noyaux de peches. » Galien dit que la Jie7ite d'oie est inu- tile a cause de son acrete ; mais on est certain qu'elle guerit aussi de la jaunisse, lorsqu'on la detrempe dans du vin blanc et qu'on en boit pen- dant neuf jours. « Dioscoride dit que la fiente de poule ne peut etre efficace que pour guerir de la brulure, lorsqu'elle est melee avec de I'huile ro- sat; mais Galien et Eginette assurent que, jointe avec de I'oxymel , cette fiente apaise la suffoca- tion et soulage ceux qui ont mange des champi- gnons, car elle fait voniir tout ce qui embarrasse le coeur. Un medecin du temps de Galien gueris- sait la colique avec cette fiente , detrempee d'hy- pocras fait de miel et de vin. La fiente de souris, melee avec du miel , fait revenir le poll lorsqu'il est tombe, pourvu qu'on en frotte I'endroit avec cette mixtion... » (( Pour conserver la beaute, voici un secret tres-important au beau sexe : c'est une maniere de faire le fard. On prendra de la fiente de petits lezards, du tartre de vin blanc, de la raclure de corne de cerf , du corail blanc et de la farine de riz, autant de I'un que de I'autre; on broiera le tout dans un mortier, bien menu, on le fera tremper ensuite dans de I'eau distillee d'une sem- blable quantite d'amandes, de limaces de vigne ou de jardin, et de fieurs de bouillon-blanc, apres cela on y melera autant de miel blanc, et Ton broiera encore le tout ensemble. Cette composi- tion doit etre conservee dans un vase d'argent ou de verre, et Ton s'en servira pour se frotter le visage et les mains*... » Voila, convenez-en, une singuliere pharmacopee. Fievre. Quelques personnes croient encore se guerir de la fievre en buvant de I'eau benite la veille de Paques ou la veille de la Pentecote. En Flandre, on croyait autrefois que ceux qui sont nes un vendredi ont recu de Dieu le pou- voir de guerir la fievre ^. Figuier (M. Louis), auteur d' etudes curieuses sur le merveilleiix dans les temps modernes, Trop sceptique. Figures du diable. Le diable change sou- vent de formes , selon le temoignage de quan- tity de sorcieres. Marie d'Aguerre confessa qu'il sortait en figure de bouc d'une cruche placee au milieu du sabbat. Frangoise Secretain declara qu'il avait la mine d'un grand cadavre. D'autres sorcieres ont dit qu'il se faisait voir sous les Une des figures du diable. traits d'un tronc d'arbre, sans bras et sans pieds , assis dans une chaire , ayant cependant quelque forme de visage humain. Mais plus ge- neralement c'est un bouc ayant deux cornes par devant et deux par derriere. Lorsqu'il n'a que trois cornes, on voit une espece de lumiere dans celle du milieu , laquelle sert a allumer les bou- gies noires du sabbat. II a encore une maniere de bonnet ou chapeau au-dessus des cornes. II s'est montre aussi en squelelte. On a pretendu que le diable se presente sou- vent sous I'accoutrement d'un homme qui ne veut pas se laisser voir clairement , et qui a le visage rouge de feu ^ D'autres disent qu'il a 1 Secrets d' Albert le Grand, p. 167. 2 Delancre, Incredulite et mecreance du sortilege pleinement convaincue , p. 157. 3 Delancre, Tall, de I'inconstance des demons, etc., liv. II, p. 70. 18 FIL — 27Z| — FIN deux visages a la tete , comme Janus. Delancre rapporte que , dans les procedures de la Tour- nelle, on I'a represente en grand levrier noir, et parfois ressemblant a un boeuf d'airain couche a terre. II prend encore la forme d'un dragon , ou bien c'est un gueux qui porte les livrees de la misere, dit Leloyer. D'autres fois il abuse de la figure des prophetes ; et , du temps de Theodose, il prit celle de Moise pour noyer les Juifs de Candie, qui comptaient, selon ses promesses, traverser la mer a pied sec *. Le commentaleur de Thomas Valsingham rapporte que le diable sortit du corps d'un diacre schismatique sous la figure d'un ane, et qu'un ivrogne du comte de Warwick fut longtemps poursuivi par un esprit malin deguise en grenouille. Leloyer cite quelque part un demon qui se montra a Laon sous la figure d'une mouche ordinaire. Ces metamor- phoses diverses que se donnent les demons pour se faire voir aux hommes sont mullipliees a rinfini. Quand ils apparaissent avec un corps d'homme , on les reconnait a leurs pieds de bouc ou de canard , a leurs griffes et a leurs comes , qu'ils peuvent bien cacher en partie, mais qu'ils ne deposent jamais entierement. Caesarius d'Heisterbach ajoute a ce signale- ment qu'en prenant la forme humaine, le diable n'a ni dos ni derriere , de sorte qu'il se garde de montrer ses talons. {MiracuL, lib. III.) Les Europeens representent ordinairement le diable avec un teint noir et brule; les negres au con- traire soutiennent que le diable a la peau blanche. Un ofiicier frangais se trouvant au dix-seplieme siecle dans le royaume d'Ardra, en Afrique, alia faire une visite au chef des pretres du pays. II aperQut dans la charabre du pontife une grande poupee blanche et demanda ce qu'elle represen- tait. On lui repondit que c'etait le diable. — Vous vous trompez, dit bonnement le Frangais, le diable est noir. — C'est vous qui etes dans I'erreur, repliqua le vieux pretre ; vous ne pou- vez pas savoir aussi bien que moi quelle est la couleur du diable : je le vois tons les jours, et je vous assure qu'il est blanc comme vous Voy. k leurs articles particuliers les principaux de- mons. Voy, aussi Formes. Fil de la Vierge. Les bonnes gens croient que ces flocons blancs cotonneux qui nagent dans I'atmosphere et descendent du ciel sont des presents que la sainte Vierge nous fait, et que c'est de sa quenouille celeste qu'elle les detache. lis annoncent le beau temps. Le physicien La- marck pretend que ce ne sont pas des toiles d'araignees ni d'autres insectes fileurs, mais des filaments atmospheriques qui se remarquent dans les jours qui n'ont pas offert de brouillard. Selon le resultat des observations de ce savant, le fil de la Vierge n'est qu'un residu des brouil- * Socrate , ffjsi. eccl., liv. VII, ch. xxviii. 2 Anecdotes africaines de la c6te des Esclaves,i). 57. lards dissipes, et en quelque sorte reduits et condenses par Taction des rayons solaires, « de sorte qu'il ne nous faudrait qu'une certaine suite de beaux soleils et de brouillards sees pour approvisionner nos manufactures et nous fournir i un coton tout file , beaucoup plus beau que celui ' que nous tirons des pays chauds *. » i Filiat-Chout-Chi, dieu des Kamtschadales, i pere de Touita. j Filles du diable. Voy. Mariage du diable. Fin du monde. Herodote a predit que le monde durerait 10,800 ans; Dion, qu'il dure- rait 13,98i ans; Orphee, 120,000; Cassander, 1,800,000. II serait peut-etre mieux de croire a ces gens-la, dont les predictions ne sont pas en- core dementies, qu'a une foule de prophetes, maintenant reputes sots dans les annales astro- logiques. Tels furent Aristarque, qui predisait la i debacle generale du genre humain en I'an du I monde 3384; Daretes en I'an 5552; Arnauld de ' Villeneuve, en I'an de Notre-Seigneur 1395 ; Jean Hilten, AUemand, en 1651, L'Anglais Wistons, explicateur de I'Apocalypse, qu'il voulait eclair- cir par la geometrie et I'algebre, avait conclu, apres bien des supputations, que le jugemenl ' dernier aurait lieu en 1715, ou au plus tard en 1716. On nous a donne depuis bien d'autres frayeurs. Le ISjuillet 1816 devait etre le der- nier jour. M. de Krudener I'avait remis a 1819, M. de Libenstein a 1823, M. de Sallmard-Mont- fort a 1836, et d'autres prophetes, sans plus de succes, au 6 janvier 18/jO. Attendons; mais si nous sommes sages , tenons-nous prets. Non loin d'Avignonet, village qui est aupres de Villefranche en Languedoc, est un petit mon- ticule situe au milieu d'une des plus fertiles plaines de I'Europe; au haut de ce monticule sont placees les pierres de Naurause, c'est-a- dire deux enormes blocs de granit qui doivent avoir ete transportes la du temps des druides. Or, il faut que vous sachiez (tous les gens du pays vous le diront) que quand ces deux pierres viendront a se baiser, ce sera le signal de la fin du monde. Les vieilles gens disent que depuis un siecle elles se sont tellement rapprochees qu'un gros homme a tout au plus entre elles le passage libre, tandis qu'il y a cent ans un homme a cheval y passait sans difiiculte. Voy. Bernard DE Thuringe, Felgenhaver, Eclipses, etc. Finnes. On lit dans Albert Krantz ^ que les Finnes ou Finlandais sont sorciers , qu'ils ont le pouvoir de connaitre I'avenir et les choses ca- chees; qu'ils tombent en extase; que, dans est etat, ils font de longs voyages sans que leur corps se deplace,et qu'a leur reveil ils racontent ce qu'ils ont vu, apportant en temoignage de la M. Salgues, Des erreurs et des prejuges, t. Ill, p. -184. - Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des esprits, liv. lY, p. 450. FIN — 2' verite une bague , un bijou que leur ame a pris en voyageant dans les pays eloignes. Delancre dit que ces sorciers du Nord vendent les vents, dans des outres , aux naviga tears , lesquels se dirigent alors comme ils veulent. Mais un jour un maladroit, qui ne savait ce que contenaient ces outres, les ayant crevees, il en sortit une si furieuse tempete que le vaisseau y perit. Olaiis Magnus rapporte que certains de ces magiciens vendaient aux navigateurs trois noeuds magiques serres avec une courroie. En denouant le pre- mier de ces noeuds, on avait des vents doux et favorables; le second en elevait de plus vehe- ments; le troisieme excitait les plus furieux ou- ragans. Finskgalden, espece de magie en usage chez les Islandais; elle a ete apportee en Islande par un magicien du pays, qui avait fait a ce dessein un voyage en Laponie. Elle consiste a maitriser un esprit, qui suit le sorcier sous la forme d'un ver ou d'une raouche, et lui fait operer des mer- veilles. Fioravanti (Leonard), medecin, chirurgien et alchiraiste du seizierae siecle. On remarque parmi ses ouvrages, qui sont norabreux, le Re- sumi des secrets qui regardent la medecine, la chi- rurgie et Valchimie K Venise, 1571, in-8°, 1666 ; Turin, 1580. Fiorina. Voy. Flokine. Fischer (Gertrude). M. I'abbe David, du diocese de Liege, a conte I'histoire de cette fiUe, a la suite d'un recit tres-remarquable intitule le Million de Vusuriere : « L'histoire d'une per- sonne nommee Gertrude, fille de Fischer, bour- geois de Lubus, qui vivail au seizieme siecle, prouve que I'amour de I'argent nous dispose quelquefois a recevoir les influences du demon. Gertrude n'avait qu'a prendre quelqu'un par son habit, ou par sa manche, ou par sa barbe, pour etre sure d'attraper toujours de I'argent; puis elle le mettait aussitot dans sa bouche, le ma- chait et I'avalait, si on ne Ten empechait. Plu- sieurs habitants de sa ville natale ont conserve longtemps des pieces de monnaie qui leur etaient venues d'elle. Son contemporain , le trop fameux docteur Martin Luther, fut consulte sur I'etat de Gertrude. II conseilla de la conduire au sermon et de prier Dieu pour elle. Les pasteurs protes- tants n'ayant rien pu pour la soulager, le pere de Gertrude Fischer s'adressa a un pretre ca- tholique, qui reconnut en elle une veritable pos- session du demon de I'avarice, et la delivra par I'exorcisme. Gertrude servit, apres sa gue- rison , comme domestique dans une maison ou Ton n'eut qu'a se louer de sa conduite. » Voici comment Gertrude avait ete seduite par le demon. Elle etait tounnentee du desir de posseder de Tor et de I'argent. Une nuit elle entend pendant son sommeil une voix qui lui ' Compendia dei secreti, etc. 3 — FLA dit : — De grandes richesses te seront donnees ; leve-toi. Gertrude obeit et voit devant elle un homme qui lui dit : — Si tu veux etre mon es^ clave , tu possederas tons mes tresors qui sont dans la terre. Elle avait eu I'imprudence de re- pondre, poussee par I'avarice : — Qui que tu sois, tu es mon m.aitre. — Tout a coup I'appa- rition avait pris une forme- terrible , et Gertrude etait possedee. L'histoire de cette fille offre des circonstances bizarres qu'il est inutile de ra- conter ^ Qu'on sache seulement qu'avant que le demon , chasse de son corps par les prieres de I'Eglise , I'eut defmitivement quittee , elle exer- gait sur les metaux une attraction inimaginable. Gardons-nous done de I'avarice, qui, corroboree par des influences sataniques, peut nous attirer le meme sort. » Flade, recteur de I'universite de Treves, grand ennemi des sorciers, en fit bruler plu- sieurs; apres quoi, reconnu sorcier lui-meme et vendu aux demons que ses cruautes servaient, il fut brule publiquement lui-meme dans sa ville, en I'an 1586. Temps et pays de reforme! Flaga , fee malfaisante des Scandinaves. Quel- ques-uns disent que ce n'etait qu'une magicienne qui avait un aigle pour monture. Flambeaux. Trois flambeaux allumes dans la meme chambre sont un presage de mort, Ayez done soin d'en avoir deux ou quatre. Flamel (Nicolas), celebrite du quatorzieme siecle. On ne salt precisement ni la date ni le lieu de sa naissance, que Ton suppose avoir eu lieu a Paris ou a Pontoise. II fut ecrivain public aux charniers des Innocents, poele, peintre, architecte. De pauvre qu'il etait , il devint extre- mement riche, et on attribua sa fortune au bonheur qu'il avait eu de trouver la pierre phi- losophale. Les uns disent qu'elle lui fut revelee par un esprit dont on ne declare pas I'espece ; 1 Gtirres , dans sa Mystique, en rapporte quelques- unes, t. V, p. 284. FLA — 2 76 — FLA les autres qu'il la dut a une certaine priere ca- balistique que plusieurs curieux ont recitee sans profit, et qu'il parvint a changer le cuivre en or. Dans un livre que M. Aug. Vallet, de I'Ecole des chartes, a analyse, Flamel conte qu'il trouva, a force d'aides et d'application , le secret du grand ceuvre. II devint riche a cinq millions , qui en valaient plus de cinquante d'aujourd'hui. Mais ce ne sont la que des fables. L'abbe Vilain a demontre que Flamel etait un simple bour- geois qui devint riche par le travail opinialre, et qui fit de bonnes oeuvres. Toutefois bien des amateurs voient encore en lui le plus habile des philosophes herraetiques ; et il se trouve des gens, meme de nos jours, qui croient que, grace a la pierre philosophale , qui est aussi I'elixir de vie, Nicolas Flamel n'est pas mort. Voici toutefois sa legende : ■> Conte imagine par les ennemis du Pape. Gayot de Pitaval, Lyonnais, auteur de la compilation des Causes celehrcs, ouvrage indi- geste. Mort en 11 hi- Nous ne le citons que pour faire remarquer I'esprit leger, mais hostile, dans lequel, a propos de la possession de Loudun, il a adrnis tous les mensonges de Saint-Aubin. Voy. ce nom. ' Pomponii Gaurici Neapolitani tractatus de sijm- metriis, iinearnentis et physiognonionia , ejusque spe- ciebus, etc., Argentor., 4630, avec la Chiromancle de Jean Ab Indagine. 2 LuccB Gaurici geophonensis episcopi civitatensis tractalus astrologicus , in quo agitur de prceteritis multoruin hominum accidentibus per proprias eorum genituras. ad unguem examinatis. Venetiis. In-4°, 1532. ^ M. de Marchangy, Tristan le voijageur, ou la France au quatorzieme siecle, t. P"", ch. iv, p. 63. GAZ Gazardiel, ange qui, selon le Talmud, pre- side a rOrient , afin d'avoir soin que le soleil se leve et de I'eveiller s'il ne se levait pas. Gaze (Theodore de), proprietaire d'une ferme dans la Cainpanie, au seizieme siecle; il la fai- sait cultiver par im fermier. Comma ce bon- homme travaillait un jour dans un champ, il decouvrit un vase rond ou etaient enfermees les I cendres d'un mort. Aussitot il lui apparut un spectre qui lui commanda de remettre en terre le meme vase avec ce qu'il contenait, sinon qu'il ferait mourir son fds aine. Le fermier ne tint compte de ces menaces, et peu de jours apres son fils aine fut trouve mort dans son lit. Quel- que lemps plus tard , le meme spectre lui appa- rut, lui reiterant le meme commandement, et le menaca de faire mourir son second fils. Le la- boureur avertit de tout cela Theodore de Gaze, qui vint lui-meme a sa metairie et fit remettre I le tout a sa place : sachant bien\ dit Leloyer, I qu'il fait mauvais jouer avec les morts Gazxel, demon charge de la garde des tresors souterrains, qu'il transporte d'un lieu a un autre pour les soustraire aux hommes. C'est lui qui ebranle les fondements des maisons et fait souf- fler des vents accompagnes de flamraes. Quel- quefois il forme des danses qui disparaissent tout I a coup ; il inspire la terreur par un grand bruit j de cloches et de cloche ttes ; il ranime les cada- vres, mais pour un moment. Anarazel est son compagnon. Geants. Les geants de la fable avaient le re- gard farouche et effrayant, de longs cheveux, une grande barbe , des jambes et des pieds de serpent, et quelques-uns cent bras et cinquante- tetes. Horaere represente les Abides, geants re- j marquables, comme etant d'une taille si prodi- gieuse qu'a I'age de neuf ans ils avaient neuf coudees de grosseur, trente-six de hauteur, et croissaient chaque annee d'une coudee de cir- conference et d'un metre de haut. Les talmiidistes assurent qu'il y avait des geants dans I'arche. Comme ils y tenaient beaucoup de place, on fut oblige, disent-ils, de faire sortir le rhinoceros, qui suivit I'arche a la nage. Aux noces de Charles le Bel, roi de France, on vit une femme de Ze- lande d'une taille extraordinaire, aupres de qui les hommes les plus hauts paraissaient des en- fants ; elle etait si forte, qu'elle enlevait de chaque main deux tonneaux de biere, et portait aisement hull hommes sur une poutre *. 11 est certain qu'il y a eu de tout temps des hommes d'une taille et d'une force au-dessus de I'ordinaire. On troava au Mexique des os d'hommes trois fois aussi grands que nous, et, dit-on, dans I'ile de Crete un cadavre de quarante-cinq pieds... Hector de Boece dit avoir vu les restes d'un honnne qui avait quatorze pieds. En 1693, il y avait a Le- kerke un homme assez maigre, nomme Guerrit 1 Jonsthoni thaumatographia. Baastrausee, pecheur de son metier, qui avait huit pieds du Rhin de hauteur et qui pesait cinq cents livres. Pour la force , nous citerons Milon de Crotone, tant de fois vainqueur aux jeux Olym- piques ; ce Suedois qui, sans armes, tua dix sol- dats armes; ce Milanais qui portait un cheval charge de ble; ce Barsabas qui, du temps de Louis XIV, enlevait un cavalier avec son equipage et sa rnonture; ces geants et ces hercules qu'on montre tous les jours au public. Mais la difference qu'il y a entre eux et le resle des hommes est petite , si on compare leur taille reelle a la taille prodigieuse que les traditions donnent aux an- cle ns geants. Geber, roi des Indes et grand magicien , au- quel on attribue un traite absurde du rapport des sept planetes aux sept noms de Dieu, et quelques autres opuscules inconnus*. Gedi , pierre merveilleuse qui , dans I'opinion des Getes, avait la vertu, lorsqu'on la trempait dans I'eau, de changer Fair et d'exciter des vents et des pluies orageuses. On ne connait plus la forme de cette pierre. Geilana,duchesse deFranconie, ay ant ordonne le meurtre de saint Kilian , fut, aussitot apres le crime, possedee d'un demon. Geillis Duncane, sorciere anglaise qui gue- rissait cerlaines maladies par I'aide d'un demon, comme elleledeclara. Le roi Jacques la fit arreter. Geiralda, sorciere, Voy. Kalta. Gello ou Gilo , c'etait une fille qui avait la manie d'enlever les petits enfants. On dit meme que parfois elle les mangeait , et qu'elle emporla un jour le petit empereur Maurice ; mais qu'elle ne put lui faire aucun mal , parce qu'il avait sur lui des amulettes. Son fantome errait dans I'ile de Lesbos, oii, comme elle etait jalouse de toutes les meres, elle faisait mourir dans leur sein les enfants qu'elles portaient, un peu avant qu'ils fussent a terme ^ On voit que c'etait I'epouvan- tail du sixieme siecle. Elle n'elait pas seule. Gellons, compagnons de Gello en Grece. Ces esprits penetrent dans les appartements quoique les portes en soient fermees et y enlevent les enfants. Foycz aussi Gi5lu des. Gellone (vallee de). Voy. Pie. Geloscopie. Espece de divination qui se tire du rire. On pretend acquerir ainsi la con- naissance du caractere d'une personne , et de ses penchants bons ou mauvais. Un rire franc n'annonce certainement pas une ame fausse, et on pent se defler quelquefois d'un rire force. Voy. Physiognomonie. Geludes, sorcieres-vampires de I'Orient. Saint Jean Damascene parle de ces monstres qui en- traient dans les maisons maigre serrures et ver- 1 Naude, Apologie pour tous les grands person- nages soupQonnes de magie, ch. xiv, p. 360. ^ Delrio, Disquisitions magiques; Wierus, De prcest., p. 466. — 299 — GEM — 300 — roiis , sugaient le sang des enfants ou les eiile- vaient pour manger leur foie. Mais il cile ces propos comtne croyances erronees. Gematrie. C'est une des divisions de la cabale chez les Juifs. Elle consisle a prendre les leltres d'un mot hebren pour des cliiOVes ou nombres arithmeliques, et a expliqucr chaque mot par la valeur arithmetique des lettres qui le composent. Selon d'autres, c'est une interpretation qui se fait par la transposition des lettres. Gemma (Cornelius), savant professeur de Louvain, auteur d'un livre intitule Des carac.tet es divins et des clioses admirabk's \ public a Anvers, chez Christophe Plantin, architypographe du roi ; 1575, in-12. C'est un tableau des merveilles de la nature dont I'auteur a profondement saisi la marche etle but. II y a des reflexions admirables, exprimees avec un langage de sentiment qui louche autant qu'il instruit le lecteur. Generation. I/oy. Enfants. Gengues, devins japonais qui font profession de decouvrir les choses cachees et de retrouver les choses perdues. lis habilent des huttes per- chees sur le sommet des niontagnes et sont tous extremement laids. 11 leur est permis de se ma- rier, mais seulement avec des femmes de leur caste et de leur secte. Un voyageur pretend que le signe caracteristique de ces devins est une corne qui leur pousse sur la tele. II ajoute qu'ils sont tous vendus au diable qui leur souffle leurs oracles; quand leur bail est fini, le diable leur ordonne de I'attendre sur une certaine roche. A midi, ou plus souvent vers le soir, il passe au milieu de I'assemblee; sa presence cause une vive emotion. Une force irresistible entraine alors ces malheureux, qui sont precipiles a sa suite et ne reparaissent plus Geniane, pierre fabuleuse a laquelle on attri- buait la vertu de chagriner les ennemis de ceux qui la portaienl. On pouvait de (res-loin, en frot- lant sa pierre, vexer de toute fagon les amis dont on avail a se plaindre, et se vengersans se compromettre. Les doctes n'indiquent pas ou se Irouve cette pierre curieuse. Genies. La tradition des anges, parvenue alteree chez les paiens, en a fait des genies. Chacun avait son genie. Un magicien d'Egypte avertit Marc-Antoine que son genie etait vaincu par celui d'Octave; et Antoine intimide se retira vers Cleopatre^ Neron, dans Britannicus, dit en parlant de sa mere : Mon genie etonne tremble devant le sien. Les borborites, heretiques des premiers siecles de I'Eglise, enseignaient que Dieu ne pent etre ^ De naturcB divinis char act er i smis , sen raris et admirandis spectactdis, causis, indiciis, jyroprietatibus rerum in partibus singulis universi libri II, auctore Cornelio Gemma, etc. - Plutarque , Vie de Marc-Antoine. I'auteur du mal ; que, pour gouverner le cours du soleil , des etoiles et des planetes, il a cre6 une multitude innombrable de genies, qui ont ete , qui sont et seront toujours bons et bienfai- sants; qu'il crea I'homme indifferemment avec tous les autres anin)aux, et que i'homme n'avait que des pattes comme les chiens; que la paix el la Concorde regnerenl sur la terre pendant pUi- sieurs siecles, et qu'il ne s'y commettail aucun desordre ; que mallieureusement un genie prit I'espece humaine en affection, lui donna des mains, et que voila I'origine et I'epoque du mal. L'hoinme alors se procura des forces arlificielles, se fabriqua des amies , attaqua les autres ani- maux, lit des ouvrages surprenants; et I'adresse de ses mains le rendit orgueilleux; I'orgueil lui inspira le desir de la propriete et la vanite de posseder certaines choses a I'exclusion des autres; les querelles et les guerres commencerent ; la victoire fit des lyrans et des esclaves, des riches et des pauvres. 11 est vrai, ajoutent les borbo- rites, que si I'homme n'avait jamais eu que des pattes, il n'aurait pas bati des villes, ni des pa- lais, ni des vaisseaux ; qu'il n'aurait pas courules mers; qu'il n'aurait pas invente I'ecriture, ni compose des livres ; et qu'ainsi les connaissances de son esprit ne se seraient point etendues. Mais aussi il n'aurait eprouve que les maux physiques et corporels, qui ne sont pas comparables a ceux d'une ame agitee par I'ambition, I'orgueil, I'ava- rice, par les inquietudes et les soins qu'on se donne pour elever une famille , et par la crainte de I'opprobre, du deshonneur, de la miscre et des chatiments. Aristote observe que Thomme n'est pas superieur aux animaux parce qu'il a une main, mais qu'il a une main parce qu'il est superieur aux animaux. Les Arabes ne croient pas qu'Adam ait ete le premier etre raisonnable qui ait habile la terre, mais seulement le pere de tous les hommes ac- tuellement existants. lis pensenl que la terre etait peuplee avant la creation d'Adam par des etres d'une espece superieure a la noire ; que dans la composition de ces etres, crees de Dieu comme nous, il entrait plus de feu divin et moins de limon. Ces etres, qui ont habile la terre pen- dant plusieurs milliers de .siecles, sont les genies, qui ensuite furent renvoyes dans une region par- liculiere, mais d'ou il n'est pas impossible de les evoqaer et de les voir parailre encore quelque- fois, par la force des paroles magiques el des talismans. II y a deux sortes de genies, ajoutent- iis, les peris, ou genies bienfaisants, et les dives, ou genies malfaisants. Gian-ben-gian, du nom de qui ils furent appeles ginnes ou genies, est le plus fameux de leurs rois. Le Ginnistan est un pays de delices et de merveilles, ou ils ont ete relegues par Taymural, I'un des plus anciens rois de Perse, Ce sont encore la des vestiges alteres de I'ancienne tradition. GEN — 301 — GER Les Chinois ont des genies qui president aux eaux , aux montagnes ; et chacun d'eux est honore par des sacrifices solennels. — Voy. Fees, Anges, EspRiTs, etc. Genirade, niedecin materialiste, amide saint Augustin et tres-connu a Carthage pour sa grande capacite. II doutait qu'il y eut un autre monde que celui-ci. Mais una nuit il vit en songe un jeune homme qui lui dit : — Suivez-moi. — II le suivit et se trouva dans une viile oil il entendit une melodie admirable. Une autre fois il vit le merae jeune homme qui lui dit : — Me connais- sez-vous? — Fort bien, lui repondit-il. — Et d'oia me connaissez-vous ? — Gerinade lui raconla ce qu'il lui avait fait voir dans la ville ou il I'avait conduit. Le jeune homme ajouta : — Est-ce en songe ou eveille que vous avez vu tout cela ? — C'est en songe, repondit le medecin. Le jeune homme dit : — Ou est a present votre corps? — Dans mon lit. — Savez-vous bien que vous ne voyez rien a present des yeux du corps? — Je le sais. — Quels sont done les yeux par lesquels vous me voyez?... Comme le medecin hesitait et ne savait que repondre, le jeune homme lui dit encore : — De meme que vous me voyez et m'entendez, a present que vos yeux sont fermes et vos sens engourdis, ainsi apres votre mort vous vivrez, vous verrez , vous enlendrez, mais des yeux de I'esprit. Ne doutez done plus. — Genirade conclut que si I'ame pouvait voyager ainsi dans le sommeil, elle n'etait done pas liee a la matiere ; et il se convertit. Gennadius , patriarche de Constantinople. Al- lant a son eglise, il rencontra un spectre hideux, II reconnut que c'etait le diable, le conjura et entendit une voix qui lui dit : — Je t'avertis, Gennadius, que durant ta vie je ne pourrai nuire plus que toi a I'Eglise grecque; mais apres ta mort je la ruinerai. — Le patriarche se mit a genoux, pria pour son Eglise, et mourut peu apres'. Ceci se passait tandis que Mahomet II faisait la eonquele de I'erapire. Geoffroi d'Iden, chevalier du treizieme siecle, qui ful tue dans une guerre injuste au diocese de Macon, et qui revint, deux mois apres, reclamer des prieres. II se montra deux fois a deux per- sonnes differentes, portant encore saignante renorme blessure qui lui avait donne la mort ; et il obtint ce qu'il demandait, Ces faits, dont touie la contree ne put douter, sont rapportes par Pierre le Venerable ^ Geomancie ou Geomance, divination par la terre. Elle consiste a jefer une poignee de pous- siere ou de terre au hasard sur une table, pour juger des eveneraents futurs par les lignes et les figures qui en resullent : c'est a peu pres le meme 1 Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des espnls, p. 270. 2 Voyez cette histoire dans les Legendes de I'autre trionde (legendes du purgatoirej. procede que celui du marc de cafe. Selon d'autres docteurs, la geomancie se pratique tantot en traganl par lerre ou sur un globe des lignes et des cercles, sur lesquels on veut deviner ce qu'on a envie d'apprendre ; tantot en faisantau hasard, par terre ou sur le papier, plusieurs points sans gar- der aucun ordre; les figures que le hasard forme alors fondent un jugement sur I'avenir; tantot enfin en observant les fentes et les crevasses qui se font naturellement a la surface de la terre, d'ou sortent, dit -on, des exhalaisons propheti- ques, comme de I'antre de Delphes. Gerard. C'est le nom, a ce qu'on croit, de I'architecte qui entreprit la somptueuse basilique de Cologne. Plusieurs traditions se rattachent a cet immense edifice. Selon les unes, le diable en aurait fait le plan et I'aurait offert a Gerard, moyeunant un pacte qui lui eut livre son ame. L'architecte aurait d'une main saisi le plan, et de I'autre, armee d'une relique de sainte Ursule, il aurait mis le diable en fuite. Mais en se retirant violemment le diable avait arrache du plan la portion la plus importante ; ce qui fit que le mo- nument n'a pu etre acheve. Selon d'autres tra- ditions, Gerard etait avance dans I'erection de sa cathedrale au point oh nous la voyons , lorsqu'il paria orgueilleusement avec le diable qu'il au- rait acheve sa grande tour avant que lui, Satan, eut termine le grand aqueduc de Treves a Co- logne, qu'il avait entrepris. Mais le diable gagna le pari, et Gerard humilie se precipita du haut de sa tour, dont personne jusqu'ici n'a entrepris I'achevement. Gerard le Diable, garnement du treizieme siecle, enfant de grande maison a Gand. La si- nistre histoire de ce possede , de son fils Gerard le Maure et de la tour rouge est etablie dans les Legendes infernales . Gerardine (Rose) , pauvre femme de la Lor- raine qui fut arretee comme sorciere en 1856. Elle confessa qu'on I'avait emmenee au sabbat malgre elle, qu'on I'avait cruellement battue parce qu'elle se refusait a faire le mal qui lui GER — 302 — GHI etait prescrit ; el elle montrail les traces des plaies qti'elle avait regues. Elle ne fut pas punie. Gerbert. Voy. Sylvestrf. II. Gereahs. Les habitants de Ceylan croient les planeles occupees par des esprits qui sont les arbitres de leur sort. lis leur attribuent le pou- voir de rendre leurs favoris heureux en depit des demons. lis forment autant d'images d'argile appelees Gereahs qu'ils supposent d'esprits mal disposes; ils leiirdonnentdes figures monstrueuses et les honorent en mangeant et buvant ; le festin est accompagne de tambours et de danses jus- qu'au point du jour: les images sont jelees alors sur les grands chemins, on elles regoivent les coups et epuisent la colere des demons malin- tenlionnes. Germanicus, general romain qui fut empoi- sonne par Plancine. On ne dit pas si ce fut par des parfums ou par un poison plus direct, on par des malefices; mais ce qui est certain, dit Tacite, c'est que Ton trouva dans sa demeure des osse- ments et des cendres de morls arraches aux tom- beaux, et le nom de Germanicus ecrit sur une lame de plomb qu'on avait devouee a I'enfer'. Germar (Gilles), infame coquin, ne a Lyon et arrete a Dole pour ses crimes , a travers les guerres de la reforme. II avoua, sans y etre con- traint, qu'un jour, habille en loup-garou, il avait, dans le bois de la Serre pres de Dole , etrangle une jeune fille et qu'apres avoir mange la chair de ses bras et de ses jambes, il en avait porte a sa femme qui partageait ses gouts; qu'un mois apres il avait , sous la ineme forme de loup-ga- rou, tue une jeune fille pour la manger pareille- ment, mais qii'il en avait ete einpechee par I'ar- rivee de trois persovmes , a I'aspect desquelles il s'etait enfui; que quinze jours plus tard, dans la vigne de Gredisans, il avait tue un enfant et en avait mange aussi la chair des bras et des jambes ; enfin que, cette fois en sa forme d'homrae et non plus en loup-garou, il avait tue un enfant de douze a treize ans dans le bois de Perouze et qu'il se disposait a le manger lorsqu'on I'avait arrete. Get anlhropophage fut condamne au feu^, Geroldseck , I'un des vieux manoirs des bords du Rhin. Sous ses ruines sont ensevelis Wittich , Siegfried et d'autres chevaliers bandits des plus mauvais jours du moyen age, attendant le juge- ment dernier, Gerson (Jean Charlier de) , chancelicr, pieux et savant, de I'universite de Paris, mort en 1/|29, auteur de VExamen des esprits, ou Ton trouve des regies pour discerner les fausses revelations des veritables ; auteur aussi de YAstrologie rr/or- mee, qui eut un grand succes. Nous ne parlous pas ici de ses ouvrages de piete. Gert (Berthomine de), sorciere de la ville de ^ Leloyer, Hisloire des spectres et apparitions des esprits, p. 370. * Bodin, Demonomanie , liv. II. Prexliac en Gascogne, qui confessa vers 1608 que, lorsqu'une sorciere revenant du sabbal etait tuee dans le chemin, le diable avait I'habitude de prendre sa figure , et de la faire reparaUre et mourir dans son logis pour la tenir en bonne re- putation. Mais si celui qui I'a tuee a quelque bougie ou chandelle de cire sur lui, et qu'il en fasse une croix sur la mprte, le dialjle ne pent, malgre toute sa puissance , la tirer de la , et par consequent est force de I'y laisser *. Gervais , archeveque de Reims, mort en 1067, dont on conte cette aventure. Un chevalier nor- mand qui le connaissait, voulant,pour le besoin de son ame, aller a Rome visiter les tombeaux des saints apotres, passa par Reims, ou il de- manda a I'archeveque sa benediction , puis il reprit son chemin, dont il s'etait ecarte. II arriva a Rome et fit ses oraisons. 11 voulut ensuite aller au mont Saint-Ange. Dans son chemin, il ren- contra un ermite qui lui demanda s'il connaissait Gervais, archevfique de Reims; a quoi le voya- geur repondit qu'il le connaissait. — Gervais est mort, reprit Termite. — Lc Normand demeura stupefait; il pria Tinconnu de lui dire comment il savait cette nouvelle. L'ermite lui repondit, qu'ayant passe la nuit en priere dans sa cellule, il avait entendu le bruit d'une foule de gens qui marchaient le long de son corridor en faisant beaucoup de bruit ; qu'il avait ouvert sa fenetre, et demande ou ils allaient ; que I'un d'eux lui avait repondu : Nous sommes les anges de Sa- tan; nous venons de Reims. Nous emportions I'ame de Gervais ; mais a cause de ses bonnes ceuvres, on vient de nous I'enlever, ce qui nous fache rudement. Le pelerin remarqua le temps et le jour ou il avait appris tout cela, etde retour a Reims, il trouva que I'archeveque Gervais etait mort a la meme heure ^. Geyseric, demoniaque goth, dont Fame fut emportee par le diable en enfer apres que son corps eut creve, comme ceux de Bucer et d'Arius, pendant qu'il etait au lit Ghilcul ou Gilgoul. Chez les Juifs modernes c'est la melempsycose ou transmigration des ames en d'autres corps, doctrine recue dans quel- ques-unes de leurs sectes. Selon une do leurs traditions, le prophete Elie avait ete anparavant Phinees, fils d' Aaron. Ghirardelli (Corneille), franciscain , ne a Bologne vers la fin du seizieme siecle. II eludia I'astrologie et la metoposcopie ; on connait de lui des discours astrologiques , des almanachs comme celui de Matthieu Lsensberg, enfin la Ce- phalonie physionomique , avec cent tetes dessi- 1 Delancre, Tahl. de I' inconstance des demons, etc., p. 455. 2 Manuscrit de la bibliolheque imperiale, rapporte par Lenglet-Dufresnoy, Dissertations , t. I""". 3 Delancre, Tabl. del' inconstance des demons, etc., p. 5. GHO — 30 GIR neeset des jugements sur chaque figure, lesquels jugements sont renfermes en un sonnel rehausse d'lin distique; m-k°, 1630. Gholes. La croyance aux vampires , aux gho- les, aux lamies, qui sont a peu pres le meme genre de spectres, est repandue de temps imme- morial chez les Arabes, chez les Perses, dans la Grece moderne et dans tout I'Orient. Les Milk et une Nuits et plusieurs autres contes arabes rou- lent sur celte matiere , et maintenant encore cette terrible superstition porte I'epouvante dans plu- sieurs contrees de la Grece moderne et de I'Ara- bie. Les gholes sont du sexe feminin. On en cite des histoires qui remontent jusqu'au dixieme siecLe et meme jusqu'au regne d'Haroim al Ras- chid. Elles mangent la chair humaine el boivent le sang, comme les loups-garous plutot que comme les vampires, car elles n'ont pas toujours besoin d'etre morles pour se livrer a leurs festins fu- nebres. Quand la chair vivante leur manque, elles vont dans les cimetieres deterrer les cada- vres frais. Ces traditions doivent etre fondees sur des faits sinistres. On voit aussi dans les contes orientaux une espece de vampire qui ne peat conserver son odieuse vie qu'en avalant de temps en temps le coeur d'un jeune homme : ces contes prouvent que les horribles idees du vampirisme sont an- ciennesen Arable. Ghoolee-Beenban, vampire, on lamie ou ghole. Les Afghans croient que chaque solilude, chaque desert de leur pays est habite par un demon, qu'ils appellent le Ghoulee-Beenban ou le spectre de la solitude. lis designent souvent la ferocite d'une tribu en disant qu'elle est sauvage comme le demon du desert. Giall, fleuve des enfers scandinaves; on le passe sur un pont appele Giallar. Gian-ben-Gian. Voy. Genies. Gibel, c'est I'Etna, montagne volcaniciue au sommet de laquelle se trouve un cratere d'oul'on entend lorsqu'on prete I'oreille des gemissements et un bouillonnement effroyable. Les Grecs je- taient dans ce soupirail des vases d'or et d'argent, et regardaient comme un bon presage que la flamme ne les repoussatpas ; ilspensaientapaiser par la les dieux de I'enfer, dont ils croyaient que cette ouverture etait une des entrees Gilbert, demon dont parle Olaiis Magnus. 11 se montrait chez les Ostrogoths et il avait en- chaine dans une caverne le savant Catillus, ne- cromancien suedois qui I'avait insulte ^ Gilles de Chin, chevalier celebre par sa force et son courage , est regarde comme le vainqueur d'un dragon terrible qui desolait les environs de Mons dans le Hainaut. On montre la tete du dra- gon a rholel de ville de Mons, et on voyait a ' Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits, p. 50. 2 Wierus, Deprmst., p. 466. I'abbaye de Saint -Guislain I'epitaphe de Gilles de Chin ; mais elle a disparu avec la vieille eglise *. Gilles de Vailladoros. Voy. Vailladoros. Gilo. Voy. Gello. Gimi ou Gimin, genies que les musulmans croient d'une nature mitoyenne entre I'ange et I'homme. Ce sont nos esprits follets. Ginguerers, cinquieme tribu des geants ou genies malfaisants chez les Orientaux. Ginnes, genies femelles chez les Persans, qui les disent maudiles par Salomon, et formees d'un feu liquide et bouilionnant avant la creation de I'homme. Ginnistan, pays imaginaire ou les genies mal- faisants font leur residence, selon les opinions popuiaires des Persans. Voy. Genies. Ginnungagap , nom de I'aWme, partie de I'enfer chez les Scandinaves. Gioerninca-Vedur. Les Islandais appellent de ce nom le pouvoir magique d'exciter des orages et des tempetes, et de faire perir des barques et des batiments en mer. Cette idee superstitieuse appartient autant a la magie moderne qu'a I'an- cienne. Les ustensiles que les inities emploient sont tres-simples : par exemple une bajoue de tete de poisson sur laquelle ils peignent ou .gra- vent differents caracteres magiques, entre autres la tete du dieu Thor, de qui ils ont emprunte cette espece de magie. Le grand art consiste a n'em- ployer qu'un ou deux caracteres, et tout leur se- cret est que les mots T/ior hafot ou hafut puis- sent etre lus devant eux ou en leur absence , sans etre compris de ceux qui ne sont pas admis a la connaissance de ces mysleres. Giourtasch, pierre mysterieuse que les Turcs orientaux croient avoir regue de main en main de leurs ancetres en remontant jusqu'a Japhet, fils de Noe, et qu'ils pretendent avoir la vertu de leur procurer de la pluie cpand ils en ont besoin. Girard (Jean-Bap liste) , jesuite ne a Dole en 1680. Les ennemis de la societe de Jesus n'ont neglige aucun effort pour le presenter comme un homme de scandale. lis Font accuse d'avoir se- duit une fiUe nommee Catherine Cadiere, et sur ce theme ils ont bati tons les plus hideux ro- mans. Cette fille, folle ou malade, sembla pos- sedee dans les idees du temps ou le fut peut- etre, et on dut I'enfermer aux Ursulines de Brest, Sur quelques divagations qu'elle debita,un proces fut intente par le parlement d'Aix. Mais toutes choses examinees et pesees , il fallut se borner a rendre Catherine Cadiere a sa famille. On ne put pas meme trouver moyen d'impliquer le pere Girard dans cette affaire comme coupable, quoi- qu'on eut ameute trois partis violents contre lui, les jansenistes , le parlement et les philosophes. 1 Voyez riiisloire de Gilles de Chin , dans les Le- gendes des douze convives du diamine de Tours, nou- veile edition. GIR — 30/j — cm — Ce qui n'a pas empeche les ecrivains anlireli- gieiix de faire revivre sur sjn comple des calom- nies condamnees. On a rassemble ces calomnies en six gros volumes. L'avocat janseniste Francois Richer les a concentrees dans ses Causes celebres avec uneferocite haineuse qui fait peine. Freron, dans I'Annee UUcraire 1772, t. II, p. 250, a pul- verise, preuves en main , cet echafaudage d'odieux mensonges. Ce qui n'a pas empeche une tele obtuse dans son liel de les republier de nos jours en une brochure in-S" intilulee Details hisloriques sur Ic pare Girard,jesuite, et mademoiselle Cadiere de Toulon, imprimee a Nimes, chez Ballivet et Fabre, IShh- Au resume, la Cadiere etait une coquine, le pere Girard un saint et ses calomnia- leurs des faussaires ^ Girtanner, docteur de Goettingue qui a an- nonce que, dans le dix-neuvienie siecle, lout le monde aurait le secret de la transmutation des metaux; que chaque chimiste saurait faire de I'or; que les instruments de cuisine scraient d'or et d'argent, ce qui contribuera beaucoup, dit-il, a prolonger la vie, qui se trouve aujourd hui com- promise par lesoxydes de cuivre, de plomb et de fer que nous avalons avec notre nourrilure \ Les bons chimisles actuels partagenl cet avis. Gitanos, mot espagnol, qui veut dire Egyp- tiens. Voy. Bohemiens. Giwon, esprit japonais. Les habitants croient qu'il veille particulierement a la conservation de leur vie, et qu'il peut les preserver de tout acci- dent facheux, comme des chutes, des mauvaises rencontres, des maladies et surtout de la petite verolc. Aussi ont-ils coulume de placer sur la porte de leurs maisons I'image de Giwon. Glanvil , cure anglican d'Abbey- Church a Bath, mort en 1680. On lui attribue un traite des Visions et apparitions, in-8° , Londres, 1700; mais il est certainement auteur d'un ouvrage in- titule Considerations philosophiques louchant I' exis- tence des sorriers et la sorcellcrie, 1666, in-/j°. Glaphyra, epouse d'Alexandre, fils decetef- froyable Herode, qu'on a appele Herode le Grand. Cette princesse, ayant perdu Alexandre, se maria avec Archelai'is , son beau-frere , et mourut la nuit meme de ses noces, I'imagination troublee par la vision de son premier epoux, qui seniblait lui reprocher ses secondes noces avec son frere Glasialabolas. Voy. Caacrinolaas. Gleditch. Voy. Hallucinations. Glocester. Sous Henri VI , les ennemis de la * Nous ajouterons avec regret que , dans le tome IV de sa Mystique, Giirres expose assez mal, pages 176 a 179, I'afTaire de la Cadiere; il est vrai qu'un pen plus loin, page 182, il defend le pere Girard. II est facheux qu'il n'ait pas lu la judicicuse dissertation de Freron, que nous avons citee. 2 Philosophie magiquc, t. VI, p. 383, citee dans les Curiosites de la litteraturc, I. F'', p. 2G2. 3 Leloyer, Histoire des spectres et des apparitions des esprits^ ch. xxiii, p. 436. duchesse de Glocester, voulant la pcrdre, I'accu- serent d'etre sorciere. On pretendit qu'elle avait eu desentretiens secrets avec Roger Bolingbroke , soupgonne de necromancie, et Marie Gardemain, reputee sorciere. On declara que ces Irois per- La duclicssc de Glocester. sonnes reunies avaient, a I'aide de ceremonies diaboliques, place sur un feu lent une elligie du roi faite en cire, dans I'idee que les forces de ce prince s'epuiseraient a mesure que la cire fon- drail, et qu'a sa totale dissolution la vie de Henri VI serait terminee. Cette accusation s'ac- credila sans peine. Tons trois furent declares coupables, et ni le rang ni I'innocence ne purent les sauver. La duchesse fut condamnee a un emprisonnement perpetuel , Roger Bolingbroke pendu et Marie. Gardemain brulee dans Smith- field Glubbdubdrib.lledessorciersdansles voyages de Gulliver. Swift y fait des contes tres-piquants. Gnomes, esprils elementaires amisde I'homme, composes des plus subtiles parties de la terre, dont ils habiLent les entrailles, selon les caba- listes. — La terre, disenl-ils, est presque jus- qu'au centre remplie de gnomes, gens de petite stature, gardiens des tresors, des mines et des pierreries. lis aiment les hommes, sont ingenieux et faciles a gouverner. Ils fournissent aux caba- 1 Goldsmith, Histoire d'Angleterre. GNO — 305 — GOB listes tout I'argent qui leur est necessaire et ne demandent guere, pour prix de leurs services, que la gloire d'etre commandes. Les gnomides, leurs femmes, sont petites, mais agreables, et veLues d'une maniere fort curieuse^ Les gnomes vivent et meurent a peu pres comme les homines ; ils out des villes et se rassemblent en societes. Les cabalistes pretendent que ces bruits qu'on entendait, au rapport d'Aristote, dans certaines lies, ou pourtant on ne voyait personne, n'etaient autre chose que les rejouissances et les fetes de noces de quelque gnome. Ils ont une ame mor- ! telle ; mais ils peuvent se procurer rimmorlalile j en contractant des alliances avec les hommes. j Voy. Lncubo, Cabalk, Pygmees, Nains, Gobe- lins, KoBOLD, etc. Gnostiques, heretiques qui admetlent une foule de genies producteurs de tout le monde. Leur no'm signifie illumines; ils I'avaient pris parce qu'ils se croyaient plus eclaires que les autres hommes. Ils parurent au premier et au deuxieme siecle, principalement dans TOrient. Ils lionoraient, parmi les genies, ceux qu'ils croyaient avoir rendu au genre humain les bons offices les plus importants. lis disaient que le genie qui avait appris aux hommes a manger le fruit de I'arbre de la science du bien el du mal avait fait pour nous quelque chose de tres-signale... lis I'honoraient sous la figure qu'il avait prise, et tenaient un serpent enferme dans une cage : lors- qu'ils celebraient leurs mysleres, ils ouvraient la cage et appelaient le serpent, qui montait sur une table oii etaient les pains, et s'entortillait alentour. C'est ce qu'ils appelaient leur eucharis- tie... Les gnostiques, auxquels se rattachaient les basilidiens, les ophites, les simoniens, les carpocra liens, etc., tenterent centre le Catholi- cisme de grands^efforts. Leur serpent, non plus que les autres, n'y put faire qu'user ses dents, Voy. Tv.TE DE BoPHOMET, EoNS , etc. Goap, roi des demons de midi. On peut I'evo- quer de trois heures du matin a midi , et de neuf heures du soir a minuit^ Gobbino. Voy. Imagination. Gobelins, espece de lutins domestiques qui se retirent dans les endroits caches de la maison, sous des tas de bois. On les nourrit des mets les plus delicats , parce qu'ils apportent a leurs maitres du ble vole dans les greniers d'autrui. lis sont de I'espece des cobales. On dit que la manufacture des Gobelins a Paris doit son nom a quelques follels qui, dans I'origine, venaient tra- vailler avec les ouvriers et leur apprendre a faire de beaux tapis. C'est d'eux, ajoute-t-on, qu'on tient le secret des riches couleurs. Les Normands regardent les Gobelins comme 1 II y a apparence que ces contes de gnomes doi- vent leur origine aux relations de quelques anciens voyageurs en Laponie. ^ Wierus, in Pseudomonarchia dcemon. les bons genies des campagnes. S'ils sont irrites cependant, ils entrent dans les maisons et chan- gent les enfanls, meltant le fils d'un prince dans le berceau d'un Ills de mendiant et celui-ci dans le berceau royal. On appelait Gobelin ce demon d'Evreux que saint Taurin expulsa, mais qui, ayant montre un respect particulier au saint exorciste, oblint la permission de ne pas retourner en enfer, et con- tinua de hanter la ville sous diverses formes, a condition qu'il se contenterait de jouer des tours innocents aux bons Chretiens de I'Eure. Mais le Gobelin d'Evreux semble s'etre ennuye de ses es- piegleries depuis quelques annees, el il a rompu son ban pour aller tourmenter les habitants de Caen. L'un de ces derniers hivers, les bourgeois de la bonne ville de Guillaume le Balard furent souvent effrayes de ses apparitions. II s'etait affu- ble d'une armure blanche et se grandissait jus- qu'a pouvoir regarder a travers les fenetres des elages les plus eleves. Un vieux general rencon- tra ce diable importun dans une impasse et le defia , mais Gobelin lui repondit : — Ce n'est pas de toi que j'ai regu ma mission, ce n'est pas a toi que je dois en rendre coinple. Le general ayanl insiste , six diables blancs de la meme taille sorlirent tout a coup de terre , et le general jugea prudent de batlre en relraite devant le nombre. Le journal du departement rendit justice a son courage ; mais le general n'eut pas moins besoin de se faire saigner par le docleur Vastel. Voy. Lu- tins, FOLLETS, KOBOLD, etC. Gobineau de Montluisant, genlilhomme chartrain qui cherchait la pierre philosophale. II voyait toule la science hermetique exposee dans les sculptures qui decorent le portail de Nolre- Dame de Paris. Le Pere eternel et les deux anges qui sont aupres de lui represenlent, dit-il, le Createur tirant du neant le souffre incombustible et le mercure de vie , figures par ces deux anges. Une figure a sous ses pieds un dragon volant qui mort sa queue ; elle n'est pas autre chose que la pierre philosophale, composee de deux sub- stances, la fixe et la volatile. La gueule du dra- gon denote le sel fixe qui, par sa siccite, devore le volatile que designe la queue glissante de I'ani- mal. Une autre figure a sous ses pieds un chien et une chienne qui s'entremordent. C'est encore la lutle de I'humide et du sec, etc. Le savant abbe Leboeuf a vu ces figures avec d'aulres yeux. La slalue qui foule aux pieds le dragon est Jesus- Christ vainqueur du demon; I'autre, qui a au- dessous d'elle un chien el une chienne, repre- sent le meme Jesus-Christ ecrasant le peche et I'heresie, etc. Gobs, lutins ecossais du genre des Gobelins. Gobes. On appelle gobes , dans la cainpagne , des boules spheriques que Ton trouve quelque- fois dans I'estomac des animaux ruminants, et qui sont formees de polls avales spontanement, 20 GOD — 306 — GOL meles de foiirrages et aggliitines par les sues gas- triqiies. On persuaderait diilicileinent a la plupart des gens de la campagne que ces boules no sont pas I'effet d'lin sort Godeslas, meunier dii diocese de Maestricht, qui so raillait des Croises et dii saint sepalcre, et qui ful emporle par le dial)le Godwin, cointe de Kent. Voij. Emma. Godwin, ecrivain anglais qui a publie la Vie des necromancicns , ou hisfoire des personnages Goilcslas. les plus celebres auxquels on a attribue, dans les difTerents ages, une puissance surnaturelle. Goethe, auteur du drame de Faust, qui a fait un si grand bruit. M. Francois Hugo a demontre que le fond de ce poeme appartient a Marlowe, poete anglais , anterieur a Goethe de deux siecles. Goetie. La goetie est une phase de la magie, qui consiste a s'adresser aux esprits de rabime pour se les rendre favorables et arracher leurs secrets par des enchantements, des formules mys- terieuses, des conjurations, des amulettes et des talismans. Quand on s'adresse aux puissances de la lu- miere, c'est la theurgie. II y a dans le magnetisme des faits qui tien- nent de la goetie et d'autres qui sont de la theur- gie. — La goetie est la magie noire des temps antiques, et la theurgie leur magie blanche. Goffe (Marie), femme de Rochester, qui se sen- tant mourir temoigna un ardent desir de revoir ses enfants, dont elle etait eloignee de quelques lieues. G'etait le 3 juin 1691. On lui fit com- prendre qu'elle ne pouvait etre transportee; ce qui I'affligea vivement. A deux heures du matin , le h juin, elle eut une sorte d'extase qui la mit aupres de ses enfants. Elle sortit de son eva- * Salgues, Des erreur'i etdes prejuges j t. II, p. 14. nouissement au point du jour, loute joyeuse de les avoir rcvus ; et ce qui est siugulier, c'est que la bonne qui gardait les enfants avait vu avec surprise leur mere assise en silence sur leur lit a I'heure meme ou elle etait evanouie, a quatre lieues de la. La pauvre mere mourut ce meme jour. Goguis, demons de forme humaine qui ac- compagnent les pelerins du Japon dans leurs voyages, les font entrer dans une balance et les contraignent de dire leurs peches. Si les pelerins taisent une de leurs fautes dans cet examen, les diables font penclier la balance, de sorte qu'ils ne peuvent eviter de tomber dans un precipice oil ils se rompent tous les membres''. Gohorry (Jacques) , ecrivain alchimiste assez ignore. Goitres. Les Arabes prelendent guerir cette infirmite avec des amulettes. Le docteur Aber- nethy, que Ton consultait sur la maniere de dis- siper un goitre, repondit : « Je crois que le meil- leur topique serait de sifiler... n Goldner. On lit dans la Chroniquc de Thorn, en Prusse, que le fils d'un marchand de cette 1 Voyez son histoire dans les Ugendes infernales. 2 Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits, ch. ii, p. 336. GOM — 30 7 — GOU ville, nomme Goldner, avait un enfant obsede par iin esprit frappeur. Get esprit se montrait quel- cf'iefois en forme de bouc, de chevreuil on d'autre animal, battait I'enfant et le tom-mentail de plusieurs manieres; ce qui dura Irois mois de I'annee 1665. Gomory, puissant due des cnfers ; il apparait sous la forme d'une femme; il a une couronne ducale sur ta tete, et il est monle sur un cha- meau. II repond sur le present, le passe et I'ave- nir ; il fait decouvrir les tresors caches ; il com- mande a vingt-six legions ^ Gonderic, roi des Vandales, qui fut, a I'exemple de Geyseric et de Bucer, eventre par le diable, et dont I'ame, selon les chroniqueurs, fut conduite en enfer ^ Gonin. Les Frangais d'autrefois donnaient le nom de maitre gonin a leurs petits sorciers, charmeurs, escamoteurs et faiseurs de tours de passe-passe*. Gontran. Helinand conte qu'un soldat nomme Gontran, de la suite de Henry, archeveque de Reims, s'etant endormi en pleine campagne apres le diner, comme il dormait la bouche ouverte, * Wierus, in Pseudomon. dcBmonum. 2 Delancre, Tabl. de I'inconstance des demons, etc., p. 5. ^ Bodin, Demonomanie, p. 148. ceux qui I'accompagnaient, et qui etaient eveil- les, virent sorlir de sa bouche une bete blanche semblable a une petite belette, qui s'en alia droit a un ruisseau assez pres de la. Un homme d'armes, la voyant monter et descendre le bord du ruis- seau pour trouver un passage, tira son epee et en fit un petit pont sur lequel elle passa et courut plus loin... Peu apres, on la vit revenir, et le meme homme d'armes lui fit de nouveau un pont de son epee. La bete passa une seconde fois et s'en retourna a la bouche du dormeur, ou elle rentra... II se reveilla alors ; et comme on lui demandait s'il n'avait point reve pendant son sommei! , il repondit qu'il se trouvait fatigue et pesant, ayantfait une longue course et passe deux fois sur un pont de fer. Mais ce qui est plus mer- veilleux, c'est qu'il alia par le chemin qu'avait suivi la belette ; qu'il becha au pied d'une petite colline et qu'il deterra un tresor que son ame avait vu en songe. Le diable , dit Wierus , se sert souvent de ces machinations pour tromper les hommes et leur faire croire que i'ame , quoique invisible , est corporelle et meurt avec le corps ; car beaucoup de gens ont cru que cetle bete blanche etait I'ame de ce soldat, tandis que c'elait une imposture du diable... Goo, epreuve par le moyen de pilules de pa- pier que les jammabos , fakirs du Japon, font avaler aux personnes soupgonnees d'un vol ou de quelque autre delit. Ce papier est rempli de caracteres magiques et de representations d'oi- seaux noirs; le jammabos y met ordinairement son cachet. Le peuple est persuade que si celui qui prend cette pilule est coupable, il ne pent la digerer et souffre cruellement jusqu'a ce qu'il confesse son crime. Voy. Khomano-Goo. Goodwin. Voxj. Parris. Gcerres, auteur contemporain d'un tres-sa- vant livre, qui a pourtant quelques erreurs : La Mystique divine, naturelle et diaholique. Get ou- vrage a ete traduit en frangais par M. Ch. Sainte- Foi. 5 vol. in-8°, 1855. Gorson , I'un des principaux demons , roi de rOccident; il est visible le matin a neuf heures ^ Gouffres. On en a souvent fait des objets d'ef- froi. Sur une montagne voisine de Villefranche , on trouve trois gouffres ou etangs considera- bles, qui sont toujours le theatre des orages; les habitants du pays croient que le diable est au fond, et qu'il ne faut qu'y jeter une pierre pour qu'il s'eleve aussitot sur ces etangs une tempete. Gougou. « Ghamplain , a la fin de son pre- mier voyage au Ganada, en 1603, raconte que (( proche de la baie des Chaleurs, tirant au sud, » est une ile oii fait residence un monstre epou- » vantable que les sauvages appellent Gougou. » Le Canada avait son geant, comme le cap des Tempetes avait le sien. Homere est le veritable pere de ces inventions; ce sont toujours les 1 Wierus, Pseudom. deem.; p. 931. 20. • GOU — 308 — GRA Cyclopes , Charybde et Scylla , ogres on gou- gous » Goul, espece de larves on sorcieres vampires qui repondent aux empuses des anciens. C'esl la rneme chose que ghole. Goule (la grande). C'est un enorme dragon que Ton promenait a Poitiers aux processions des Rogations. On I'appelait la bonne sainte ver- mine; ce qui est assez singulier; car elle repre- sentail le demon, que la foi chretienne avail detrone. 11 en etait ainsi de la Chair Salee de Troyes, de la Graouilli de Metz, de la Gargouille de Rouen, du Dragon de saint Marcel a Paris, de la Tarasque a Tarascon. Gouleho , genie de la mort chez les habitants des lies des Amis. 11 gouverne un royaume som- bre ou se rendent les ames. Gourmandise (la), peche capital, odieux au Ciel et a la terre, et qui envoie aux enfers beau- coup de recrues. Elle a un autre effet, qui sulTi- rait peut-etre aux materialistes pour les faire hesi- terdevant elle: c'est qu'elle amene brusquenient le triomphe de cet apre squelette que nous ap- pelons la mort. Goyon. l ay. Matignon. Graa, sorle d'immortelle (plante) que les Is- landais employaient autrefois a la magie, et qui servait aussi a ecarter les sorciers. Grains benits. On se sert encore dans les campagnes (et celte coutume est desapprouvee par I'Eglise comme superstitieuse) de certains grains dits benits qui ont la propriete de delivrer les possedes par I'attouchement , d'eteindre les incendies et les embrasements, de garantir du tonnerre, d'apaiser les tempetes, de guerir la peste, la lievre, la paralysie; de delivrer des scrupules, des inquietudes d'esprit, des lenta- tions centre la foi , du desespoir, des magiciens et des sorciers ^. Grains de ble, divination du jour de Noel. Dans plusieurs pays du Nord, on fait, le jour de Noel, une ceremonie qui ne doit pas manquer d'apprendre au juste combien on aura de peine a vivre dans le courant de I'annee. Les paysans surtoul pratiquent cette divination. On se ras- semble aupres d'un grand feu, on fait rougir une plaque defer ronde, et, lorsqu'elle estbrulante, on y place douze grains de ble sur douze points marques a la craie, auxquels on a donne les noms des douze mois de I'annee. Chaque grain qui brule annonce disette et cherte dans le mois qu'il designe; et si tons les grains disparaissent, c'est le signe assure d'une annee de miseres. Triste divination ! Graisse des sorciers. On assure que le dia- ble se sert de graisse humaine pour ses male- fices. Les sorcieres se frottent de celte graisse pour aller au sabbat par la cheminee ; mais celles 1 Chateaubriand, Mcmoifes , tome II. 2 Lebrun, Histoire dus superstilions , t. I", p. 397. de France croient qu'en se mettant un balai entre les jambes, elles sent transportees sans graisse ni onguent. Celles d'ltalie ont toujours un bouc a la porte pour les transporter. Gralon. Voij. Is. Grandier (Urbain). L'histoire de cet homme n'est guere connuc du public que par le livre du calviniste Saint-Aubin, qui I'a ecrite sous le tilre d'Hisloire des diahles de Loudun, et qui avait in- terct, dans I'esprit de sa secte, a travestir les faits. Son livre, on le reconnait aujourd'hui, n'est qu'un pamphlet menleur et calomnieux. Grandier etait malheureusement un pretre plus dissipe, comme le disent les recits du temps, -que sa condition ne le comportait. II avait done la un titre aux sympathies des ennemis de I'Eglise romaine. 11 y avait depuis sept ans a Loudun un couvent d'ursulines, que Grandier voulut se- duire. II ensorcela les religieuses, comme on disait alors; on dirait aujourd'hui il les magne- tisa, au nioyen de fleurs charmees qu'il leur fit parvenir; et ces saintes filles devinrent posse- dees et frenetiques. Les phenomenes que pro- duit le magnetisme sous nos yeux expliquent bien des faits que les dissidents et les philoso- phes ont traites d'absurdes, et qu'on ne peut plus revoquer en doute. Une procedure fut enta- mee, suivie avec beaucoup d'ordre, de lenteur et de sagesse. Grandier, en prison', composait ou fredonnait des chansons. 11 futcondamne a mort. On s'est recrie centre cette sentence et on a gemi a propos de son execution. Mais le magne- tisme et les tables tournantes ont produit ou pro- duiront des crimes, qui seront, aussi bien que ceux de Grandier, du ressort des cours prevota- les ou des cours d'assises. Voy. Loudun Grando. Une legende citee par Gorres' parle d'un vampire nomme Grando, qui inquieta assez longtemps les habitants de la Carniole. On le trouva tout rouge, longlemps apres sa mort. Son visage fit les mouvements du rire lorsqu'on le decouvrit, et il bailla comme pour respirer I'air frais. On lui presenla un crucifix ; aussitot il versa des larmes. Apres qu'on eut prie pour le repos de son ame, on eut recours a I'expedient qui delivre des vampires, on lui coupa la tele; il poussa un cri , se lourna et se tordit comme s'il eut ele vivant et remplit tout le cercueil de son sang... Grange du diable. On voit encore a la ferme d'Hamelghem, qui appartient a M. d'Hoogsvorth, et qui est tenue par M. Sterckx, frere de I'arche- veque de Malines, ferme dependante de la com- mune d'Osselt, enlre Meysse et Ophem, a une bonne lieue de Vilvorde, a trois lieues de Bruxel- les; en allant par Laeken, on voit, dis-je, dans cette ferme une grange, qui passe pour la plus ' Voyez aussi l'histoire de Grandier, dans les Le- gendes m females. ~ Livre V de sa Mystique, ch. xiv. GRA 309 — GRA vaste da pays, mais qui en est assiirement la plus reinarquable, et qu'on appelle la Grange da Diable {Duyvd's dak). II n'y a presque pas de province oii Ton ne nionlre, dans quelqae ferme ecarlee, ane grange mal famee qu'on appelle la Grange da diable. Par suite d'un pacle avec un paysan dans I'em- barras, c'est loujours le diable qui I'a batie en une nuit, et partout le chant du coq I'a fail fuir avant qa'il eul gagne son pari; car il y a un Irou qui n'est pas convert, ou qaelque autre chose qui manque a toutes ces granges. On en cite plusieurs qui sont fameuses Granson. Paul Diacre {Hist. Longoh.) raconte ceci : Deux seigneurs lombards, nommes Aldon et Granson, ayant deplu a Cunibert, roi de Lorn- bardie, ce prince resolut de les faire mourir. 11 s'enlretenait de ce projet avec son favori, lors- qu'une grosse mouche vint se planter sur son front et le piqua vivement; Cunibert chassa I'insecte, qui revint a la charge, et qui I'importuna jusqu'a le mettre dans une grande colere. Le favori, ssiiiiiiiiiiii Grandier Cn prison. voyant son maitre irrite,ferma la fenetrepour em- pecher I'enneini de sortir et se mit a poursuivre la nnouche , pendant que le roi tira son poignard pour la tuer. Apres avoir sue bien longtemps, Cunibert joignit I'insecte fugitif, le frappa; mais il ne lui coupa qu'une patte, et la mouche dispa- ruL. — Au meme instant Aldon et Granson, qui etaient ensemble, virent apparaitre devant eux une espece d'homme qui semblait epuise de fa- tigue et qui avait une jambe de bois. Get homme les avertit du projet du roi Cunibert, leur con- seilia de fuir et s'evanouit tout aussitot. Les deux seigneurs rendirent graces a I'esprit de ce qu'il faisait pour eux; apres quoi ils s'eloignerent comme I'exigeaient les circonstances. Grasvitnir, dragon scandinave qui epouvante le monde de ses sifflements dans lesi tempetes. Gratarole (Guillaume), medecin du seizieme siecle, mort en 1568. II est auteur d'un ouvrage intitule Observations des differentes parties du corps de I'homme pour juger de ses faculty mo- rales ^ Bale, 155^, in-8. II a compose aussi sur I'Antechrist un ouvrage que nous ne connaissons pas; enfin, des traites sur I'alchimie et sur I'art de faire des almanachs. Gratianne (Jeannette) , habitante de Sibour ou Siboro, au commencement du dix-septienie siecle. Accusee de sorcellerie a I'age de seize ans, 1 Voyez la Grange du diable, dans les Legendes infernales. 2 De prcedictione morum naturarumque hominum facili ex inspectiom partium corporis. GRA 310 — ORE elle depc-ja qu'elle avail eLe nienee au sabbat; qu'un jour le diable lui avail arrache un bijou de ciiivre qu'elle porLail au cou ; ce bijou avail la forme d'un poing serre, le pouce passe enlre les doigts, ce que les femmes du pays regardaienl comine un preservaLif conLre touLe fascinalion el sorlilege. Aussi le diable ne le put emporler, mais le laissa pres de la porte. Elle assura aussi qu'en revenant un jour du sabbal, elle avail vu le diable en forme d'homme noir, avec six cornes sur la tele , une queue au derriere , deux vi- sages, elc; que, lui ayant ete presenlee, elle en avail requ une grosse poignee d'or; qu'il I'avail fail renorxer a son Createur, a la sainte Vierge, a lous les saints el a tous ses pa- rents Gr.ilarole. Gratidia, devineresse qui Irompa Pompee, comme le rapporle Horace : car lui ayant de- mande Tissue de la guerre de Pharsale, elle I'assura qu'il serait victorieux ; neanmoins il fut vaincu ^. Gratoulet, insigne sorcier qui apprenail le secret d'embarrer ou nouer I'aiguillette, et qui s'etait vendu a Belzebulh. II donna des legons de sorcellerie a Pierre Aupetil, condarane en 1598. Greatrakes (Valentin), empirique qui fit du bruit en Angleterre dans le dix-septienie siecle; il etait ne en Irlande en 1628. On ignore la date de sa morl. II remplit de brillants emplois, mais il avail la tele derangee. En 1662, il lui sembla entendre une voix lui dire qu'il avail le don de guerir les ecrouelles; il voulut en user et se crut memo appele a traitor toutes les maladies : ce qui lui atlira une grande celebrile. Cependant une sentence de la cour de I'eveque de Lismore lui defendit de guerir. Sa methode consistait a appliquer les mains sur la partie malade el a faire de legeres frictions de haul en bas; etait- ce du magnetisme? II touchail meme les pos- sedes, qui tombaient dans des convulsions aus- sitol qu'ils le voyaient ou I'entendaient parler. Plusieurs ecrivains se moquerenl de lui. Saint- 1 Delancre, Tabl. de I' inconstance des demons, etc., liv. IV, p. 132. 2 Delancre, TaW. del' inconstance des demons, elc, liv. II, p. 53. Evremont ecrivil centre la folle confiance qu'on lui accordail. Mais Greatrakes a eu des defen- seurs, et Deleuze, dans son Histoire du magne- tismc animal, I'a presente sous un jour qui fait voir que c'etait en effel un magnetiseur. Green (Christine), Anglaise du dix-septieme siecle, citee par Glanvil. Elle avail un esprit fa- milier qui vivait avec elle sous la forme d'un ht*- risson , et lui sucail tons' les matins un peu de sang pour lui donner des extases. Gregoire le Thaumaturge (saint). Voij, Idoles. Gregoire VII ( saint ) , I'un des plus grands papes, sauva I'Europe au onzieme siecle. Comme il fit de grandes choses pour I'unite, il eul des ennemis dans tous les heretiques , et en dernier lieu dans les protestants, qui I'accuserent de magie et meme de commerce avec le diable. Leurs mensonges furenl stupidemenl repetes par les calholiques. Ce saint pape vienl d'etre bien venge; car I'hisloire, qui lui rend justice enfin, est ecrile par un protestanl (Voigt) Greillmeil, sorcier. Voij. Jacques I". Grele. Chez les Romains, lorsqu'une nuee pa- raissail disposee a se resoudre en grele, on im- molait des agneaux; ou, par quelque incision a un doigl, on en faisail sortir du sang dont la vapour, montant jusqu'a la nuee, Tecartail ou la dissipait entierement : ce que Seneque refute comme une folie ^ Grenier (Jean), loup-garou qui florissait vers I'an 1600. Accuse d'avoir mange des enfants, par Jeanne Garibaut et par d'aulres, quoiqu'il eut a peine quinze ans, il avoua qu'il etail fils d'un pretre noir (pretre du sabbat ) , qui portait une peau de loup el qui lui avail appris le metier. On le condamna a servir loute sa vie dans un convent, ou il se convertit. Voy. Poi- RiER el Pierre Labourant. Grenouille. On n'ignore pas eel admirable secret des paysans, que la grenouille des buis- sons, coupee et mise sur les reins, fail tene- ment uriner, que les hydropiques en sonl gue- ris Voy. Messie des Juifs, Tremblement de TERRE , elc. Des philosophes allemands ont pretendu, a force de profondes recherches, etablir que nous descendons de la grenouille, qui, peu a peu, s'esl perfectionnee : ce qu'elle ne fait pourtant plus. Et Lavater a fail graver un tableau pour montrer qu'au raoyen d'une vingtaine de transi- tions legeres, une tele de crapaud devient une tele d'Apollon.... Gresili , I'un des demons qui possedaient Louise Capelle , compagne de Madeleine de la , Palud. ' Voyez I'abrege de cette histoire par M. I'abbe Jorrv. - Lebrun , t. I", p. 376. M. Jules Garinet, Histoire de la magie en France. GRI — 311 — GRI Grey-Meil, Anglaise qui remplissait an sab- bat les fonctions de portiere, dans la procedure d' Agnes Sampson , dirigee par le roi Jacques. Griifon. Brown assure qu'il y a des griffons, c'est-a-dire des animaux mixtes qui par devant ressemblent a I'aigle et par dcrriere au lion, avec des oreilles droites, quatre pieds el une large queue. Des traditions du moyen age donnaient au griffon I'aigle pour pere et la iouve pour mere. Grigri, demon familier que Ton voit chez les Americains, et surlout dans les forets du Ca- nada et de la Guinee. Grillandus (Paul), Castillan, auteur d'un traite des Malefices {Dc maleficiis), publie a Lyon en 1555; de traites des sortileges, des lamies, de la torture, etc.; Lyon, 1536, et de quelques autres ouvrages de ce genre. II conte quelque part qu'un avocat, ayant ele noue par un puissant malefice que nul art de medecine ne pouvait secourir, eut recours a un magicien qui lui fit prendre, avant de dormir, une certaine ])otion , et lui dit de ne s'effrayer de rien. A onze heures et demie de la nuit, survint un vio- lent orage accompagne d'eclairs; I'avocat crut d'abord que la maison lui tombait surie dos; il entendit bientot de grands oris, des gemisse- ments, et vit dans sa chambre une multitude de personnes qui se meurtrissaient a coups de poing et a coups de pied , et se dechiraient avec les on- gles et les dents ; il reconnut une certaine femme d'un village voisin, qui avait la reputation de sor- ciere, et qu'il soupconnait de lui avoir donne son mal ; elle se plaignait plus que tous et s'elait elle- meme dechire la face et arrache les cheveux. Ce mystere dura jusqu'a minuit, apres quoi le mai- Ire sorcier entra; tout disparut; il declara au malade qu'il etait gueri: ce qui fut vrai Grillon. Dans beaucoup de villages, et surtout en Angleterre, on regarde les grillons qui ani- ment le foyer a la campagne, et qui chantent si joyeusement la nuit, comme de pelits esprits familiers d'une nature bienveillante, qui em- pruntent leur forme exigue pour echapper aux malices humaines, Beaucoup de villageois se figurent que leur presence porte bonheur dans la famille et qu'on ne les tue pas impunement. Aussi, en general, ne voit-on pas d'un bon ceil le pied brutal qui les ecrase. (( Toute la tribu des grillons se compose de puissants esprits, bien que cela soit ignore des gens qui ont affaire a eux ; et il n'est pas dans le monde invisible de voix plus gentilles et plus sinceres a qui on puisse se fier dayantage ou dont les conseils soient plus devoues et plus siirs que les voix qu'erapruntent ces esprits de I'atre et du foyer pour s'adresser a I'espece humaine ^. » * Delancre, Tabl. de I' inconstance des demons, etc., p. 356. - M. Ch. Dyckens, Le grillon du foyer, conte de Noel. Grimaldi. Sous le regne de Louis le Debon- naire , il y eut dans toule I'Europe une maladie epidemique qui s'etendit sur les troupeaux. Le bruit se repandit dans le peiiple que Grimaldi, due de Benevent, ennemi de Charlemagne, avait occasionne ce degat en faisant repandre de tous cotes une poudre meurtriere par ses affides. On arrela un grand nombre de malheureux soup- qonnes de ce crime; la crainte et la torture leur firent confesser qu'ils avaient en effet repandu cette poudre qui faisait rnourir les troupeaux. Saint Agobard , archeveque de Lyon , prit leur defense et deraontra que nulle poudre n'avait la vertu d'infecter Fair ; et qu'en supposant meme que tous les habitants de Benevent, hommes, femmes, jeunesgens, vieillards et enfants, se fussent disperses dans toute I'Europe, chacun suivi de trois chariots de cette poudre , lis n'au- raient jamais pu causer le mal qu'on leur attri- buait Grimalkin. C'est le nom que les sorcieres anglaises donnent au demon lorsqu'il vient au sabbat sous la figure d'un chat. Grimoire. Tout le monde sait qu'on fait venir le diable en lisant le Grimoire; mais il faut avoir soin, des qu'il parait, de lui jeter quelque chose a la tete, une savate, une souris, un chiffon, autrement on risque d'avoir le cou tordu. Le terrible petit volume connu sous le nom de Grimoire, autrefois tenu secret, etait brule tres- justement des qu'il etait saisi. Nous donnerons ici quelques notes sur les trois Grimoires les plus connus. Gremoire (sic) du pape Honorius, avec un re- cueil des plus rares secrets ; sous la rubrique de Rome, 1670 , in-16, orne de figures et de cer- cles. Les cinquante premieres pages ne con- tiennent que des conjurations. Voy. Conjurations et Evocations. — Dans le liecueil des plus rares secrets, on trouve celui qui force trois demoi- selles a venir danser le soir dans une chambre. 11 faut que tout soit lave dans cette chambre; qu'on n'y remarque rien d'accroche ni de pendu ; qu'on mette sur la table une nappe blanche, trois pains de froment, trois sieges, trois verres d'eau ; on recite ensuite une certaine formule de conjuration 2, et les trois personnes qu'on veut voir viennent, se mettent a table et dansent; mais au coup de minuit tout disparait. On trouve dans le meme livre beaucoup de betises de ce genre que nous rapportons en leur lieu. Grimorium verum, vel jjrobatissimw Salomonis claviculce rabhini Hebraici, in quibus turn na- 1 M. Salgues, Des erreurs et des prejuges, t. I, p. 298. ' Voici les paroles de cette conjuration : « Besti- cirum! consolation, viens a moi. Vertu creon , creon, creon... Je ne mens pas; je suis maitre du parche- min; par ta louange , prince de la montagne, fais taire mes ennemis et donne-moi ce que tu sals. » GRI 312 GRI turalia, turn sxipernaturalia secrcta , licet abdi- tissima, inpromplu apparent, modo operator perneccssariu et contenta facial; sciat tamen opporlet dcBinoimnipotentia duntaxat peracjantur : traduit de I'hebrea, par Plaingicre, avec iin re- cueil de secrets curieux. A. Memphis , chez Ali- beck I'Egyplien, 1517, in-16 {sic omnia) \ et sur le revers da titre : Lcs vevilahles clavicules de Salomon, a Memphis, chez AHbeck I'Egyp- tieii, 1517. Le grand Grimoire avec la cjrande clavicule de Salomon, et la magie noire on les forces in- fernales dii grand Agrippa, pour decouvrir les Iresors caches et se faire obeir a tous les es- prits; siiivis de tous les arts magiques, in-18, sans date ni nom de lieu. Ces deux grimoires contiennent, comme I'aulre, des secrets que nous donnons ici aux divers articles qu'ils cou- cernent. Voici une anecdote sur le Grimoire : — Un petit seigneur de village venait d'emprunter a son berger le livre du Grimoire avec lequel celui-ci se vantait de forcer le diable a paraltre. Le seigneur, curieux de voir le diable, se re- tira dans sa chambre et se mit a lire les paroles qui obligent I'esprit de tenebres a se montrer. IP Grimalkin. Au moment oii il prononcait avec agitation ces syllabes niaises qu'il croyait puissantes, la porte, qui etait mal fermee, s'ouvre brusquement : le diable parait, arme de ses longues cornes et tout couvert de polls noirs... Le curieux sei- gneur perd connaissance et tombe mourant de peur sur le carreau, en faisant le signe de la croix. II resta longtemps sans que personne vint le relever. Enfin il rouvrit les yeux et se re- Irouva avec surprise dans sa chambre. 11 visita les meubles pour voir s'il n'y avait rien de de- grade : un grand miroir qui etait sur une chaise se trouvait brise; c'etait I'oe.uvre du diable. Mal- heureusement pour la beaute du conte, on vint dire un instant apres a ce pauvre seigneur que son bouc s'etait echappe et qu'on I'avait repris devant la porte de cette meme piece oii il avait si bien represente le diable. II avait vu dans le miroir un bouc semblable a lui et avait brise la glace en voulant combatlre son ombre K Grisgris, nom de certains fetiches chez les Maures d'Afrique, qui les regardent comme des puissances subalternes. Ce sont de petits billets sur lesquels sont tracees des figures magiques ou des pages du Koran en caracteres arabes ; ces billets sont vendus assez cher, et les habitants les croient des preservatifs assures centre tous les maux. Chaque grisgris a sa forme et sa pro- priele. Voij. Goo. Grisou. Le feu grisou est un gaz qui s'en- ilamme spontanement ou par occasion dans les mines de houille, et qui produit souvent de grands desastres. — Beaucoup de mineurs re- ' Histoire des fantdnies et des demons, p. 214. GRO — 313 — GUA gardent le grisou comine iin lutin de mechante espece. Groenjette. 11 y a sur les cotes de la Bal- tique, comme dans la plupart des contrees inon- tagneiises de I'Europe, des chasseurs defunts, condamnes pour leurs mefaits a courir eternel- lement a travers les marais et les taillis. Les habitants du Sternsklint entendent souvent le soir les aboiements des chieiis de Groenjette; ils le voient passer dans la vallee , le chasseur re- prouve, la pique a la main; et ils deposent de- vant ieur porte un peu d'avoine pour son cheval, afin que dans ses courses il ne foule pas aux pieds leurs moissons Voij. Veneur. Gros-Jacques, sorcier. Voy. Boguet. Grospetter. Voy. Laghernard. Grossesse. On a cru longtemps a Paris qu'une femme enceinte qui se regarde dans un miroir croit voir le diable : fable autorisee par la peur qu'eut de son ombre une femme grosse, dans le temps qu'elle s'y mirait, et persuadee par son accoucheur qui lui dit qu'il etait toujours dan- gereux de se regarder enceinte. On assure aussi qu'une femme grosse qui regarde un cadavre aura un enfant pale et livide^Dans certains can- tons duBresil, aucun mari ne tue d'animal durant la grossesse de sa femme, dans Topinion que le fruit qu'elle porte s'en ressentirait. Voy. Imagi- nation. On ignore encore le motif pour lequel certaines eglises particulieres refuserent long- temps la sepulture aux femmes qui mouraient enceintes ; c'etait sans doute pour engager les femmes a redoubler de soins envers leurs en- fants. Un concile tenu a Rouen en 107i a or- donne que la sepulture en terre sainte ne fut nuUe part refusee aux femmes enceintes ou mortes pendant I'accoucheinent. Grosse-Tete (Robert), eveque de Lincoln, auquel Gouverus donne une androide comme celle d'Albert le Grand. Gruau de la Barre, un des nombreux pre- tendants que nous avons vus reclamer le trone de Louis XVI, en preiiant sans peur le nora de Louis XVII, a fait imprimer en 1840 un volume in-12 intitule Revelations sur les erreurs de I'Ancien Testament. II debute ainsi : « Londres, 1840, le mercredi 5 fevrier. » Moi, Charles-Louis, due de Normandie, qui 6cris ceci , j'ai reconnu que la sainte volonte de I'Eternel, le Tout-Puissant, est infaillible ; et que Dieu , selon son incomparable sagesse , dans I'iuteret du salut des mortels de cette terre, a voulu se servir de Torphelin du Temple, fils du roi-martyr de France et de Marie-Antoinette, pour repandre dans le monde entier la lumiere de la veritable doctrine celeste qui deja avait 1 Marmier, Trad, de la Baltique. 2 Brown, Essai sur les erreurs populaires , p. 101. ete renouvelee, dans son temps, par I'ange de la face de I'Eternel , notre Seigneur Jesus-Christ. J'attesle et je confesse devant Dieu et devant I'univers qu'en accomplissant ce devoir qui in'est commande , je ne fais rien de moi-meme ; mais que je suis guide par I'auge du Tout-Puis- sant, qui me parle visiblement en esprit et en verite. J'atteste et je confesse encore que cet ange est celui qui m'a dicte et fait ecrire la Doctrine celeste. » Or, cette doctrine celeste , dictee par un ange au due de Normandie, n'est autre chose que la negation de lout I'Ancien Testament, pour eta- blir I'eternite de la matiere et un stupide pan- theisme tire des plus absurdes ecarts de Pigault- Lebrun, de Dupuis, de d'Holbach et de Voltaire. Ce livre a ete publie a Paris par le docteur Charles de Cosson , seuleraent en sa premiere partie. En 18/|1, une deuxieme et une troisieme partie ont paru reunies en un autre volume in-12 , sous le titre de Salomon le Sage , fils de David , sa renaissance sur cette terre et revelation cileste, publie par M. Gruau de la Barre, ancien pro- cureur du roi. Deuxieme et troisieme partie , fai- sant suite a la premiere , intitulee Rcvilations sur les erreurs de I'Ancien Testament. Si le due de Normandie a demoli I'histoire de nos en- gines, M. Gruau de la Barre la reconstruit. II fait creer le monde avec cent soixante-douze pa- radis, par I'eternel Espril-Saint. La terre subit six revolutions avant d'etre propre a recevoir des hommes pour habitants. Aiors l>'eternel Es- prit-Saint forme Lilhamana, son premier ne, et cree toutes les ames , leur donnant la connais- sance du bien et du mal. II cree aussi les anges, parmi lesquels il y a bientot un seditieux qu'on appelle Lisathama. L'eternel Esprit-Saint met les ames creees dans des corps qui peuplent la terre ; il chasse du ciel Lisathama et ses adhe- rents, qui vont tenter les hommes et les font tomber. Cain tue Abel; mais pourtant Cain est bon au fond et fait une grande penitence. Toute I'histoire sainte est travestie ensuite. de la ma- niere la plus prolixe et dans un but que nous ne pouvons apercevoir. Guacharo. Dans la montagne de Tumere- quiri, situee a quelque distance de Cumana, se Irouve la caverne de Guacharo, fameuse parmi les Indiens. Elle est immense et sert d'habitation a des miUiers d'oiseaux nocturnes dont la graisse donne I'huile de guacharo. 11 en sort une assez grande riviere ; on entend dans I'int^rieur le cri lugubre de ces oiseaux , cri que les Inuiens attri- buent aux ames qu'ils croient forcees d'entrer dans cette caverne pour passer dans I'autre monde. Ce sejour lenebreux, disent-ils, leur ar- rache les gemissements plaintifs qu'on entend au dehors. Les Indiens du gouvernement de Cu- mana, non convertis a la fui, ont encore du respect pour cette opinion. Parmi ces peuples, GUA — 31 GUI jusqu'a deux cents lieues de la caverne, des- cendrc au Guacliaro est synonyme de mourir. Guayotta, mauvais genie que les habitants de Tile Teneriffe opposent a Achgnaya-Xerac , qui est cliez eiix le principe du bien. Gudeman (bon homme). C'est le nom d'un esprit redoule en £cosse, auqiiel les laboureurs croient devoir laisser un de leurs champs qu'ils ne cultivent jamais. Guecuba, esprit du mal chez les Araucans. Voij. ToQui. Gueldre, On trouve ce recit dans les histo- riens hollandais : « Un monstre affreux, d'une grandeur prodigieuse, ravageait la canipagne, devorant les bestiaux et les homines memes ; il empoisonnait le pays de son souffle empeste. Deux braves gens , Wichard et Lupoid , cnlre- prirent de delivrer la contree d'un tleau si ter-. rible, et y reussirent. Le monstre, en mou.rant, jela plusieurs fois un soupir qui semblait ex- primer le mot (jhclre. Les deux vainqueurs vou- lurent qu'en memoire de leur trioniphe, la ville Entree du Guacliaio qu'ils batirent pritle nom de Ghelre, dont nous avons fait Gueldre. Guerin (Pierre). Voij. Illumlnls. Gui de chene , plante parasite qui s'attache au chene, et qui etait regardee comme sacree chez les druides. Au mois de decembre, qu'on appelait le mois sacre , lis allaient la cueillir en grande ceremonie. Les devins marchaient les premiers en chanlant, puis le heraut venait, suivi de trois druides portant les choses neces- saires pour le sacriflce. Enfin paraissait le chef des druides, accompagne de tout le peuple; il montait sur le chene, coupait le gui avec une faucille d'or, le plongeait dans I'eau lustrale et criait : « Au gui de I'an neuf (ou du nouvel an). » On croyait que I'eau charmee ainsi par le gui de chene elait tres-efficace centre le sortilege et guerissait de plusieurs maladies. Voy. Gurni-yL. Dans plusieurs provinces on est persuade que si on pend le gui de chene a un arbre avec une aile d'hirondelle , tous les oiseaux s'y rassem- bleront de deux lieues et demie. Guibert de Nogent, abbe de Nogent-sous- Coucy, au diocese de Laon (onzieme siecle), homme savant, qui a ecrit, sous lenom de Gesta Dei per Francos , I'histoire des premieres croi- sades. II y a dans ses ecrils plusieurs petits faits qui etablissent les relations des vivants avec les morls. Guido. Un seigneur nomme Guide, blesse a GUI — 31 mort dans un combat, apparut autrefois tout arme a un pretre nornme. Etienne ou Stephane, ot le chargea de connnissions qui devaient, en ix'parant quelques-unes de ses fautes, abreger son purga'.oire. Cette histoire est rapport^e par Pierre le Venerable ^ Guillaume, domestique de Mynheer Clatz, gentilliomme du duche de Juliers, au quinzieme siecle. Ce Guillaume fut possede du diable et demanda pour exorciste un pasteur heretique nomme Bartholomee Panen , homme qui se fai- sait payer pour chasser le diable , et qui , dans cette circonstance , fut penaud. Comme le de- moniaque palissait , que son gosier enflait et qu'on craignait qu'il ne fut suffoque entierement, I'epouse du seigneur Clatz, dame pieuse, ainsi que toute sa famille , se mit a reciter la priere de Judith. Guillaume alors se prit a vomir, entre autres debris, la ceinture d'un bouvier, des pierres, des pelotons de fil , du sel , des aiguilles, des lambeaux de I'habit d'un enfant, des plumes de paon que huit jours auparavant il avail arra- chees de la queue du paon meine. On lui de- manda la cause de son mal. II repondit que, passant sur un chemin , il avait rencontre, une femme inconnue qui lui avait souffle au visage, et que tout son mal.datait de ce moment. Ge- pendant, lorsqu'il fut retabU, il nia le fait, et ajouta que le demon I'avait foi'ce a faire cet aveu, et que toutes ces matieres n'etaient pas dans son corps; mais qu'a mesure qu'il vomissait, le de- mon changeait ce qui sorlait de sa bouche Guillaume de Garpentras, astrologue qui fit, pour le roi Rene de Sicile et pour le due de Milan, des spheres astrologiques sur lesquelles on tirait les horoscopes. II en fit une pour le roi Charles VIII a qui elle couta douze cents ecus ; cette sphere, conlenant plusieurs utililes, etait fabriquee de telle maniere que tous les mouve- inenls des planetes, a toute heure de jour et de nuit, s'y pouvaient trouver; il I'a, depuis, re- digee par ecrit en tables astrologiques Guillaume le Roux, fils de Guillaume le Conquerant, et tyran de I'Angleterre dans le onzieme siecle. C'etait un prince abominable , sans fdi, sans moeurs, blasphemateur et cruel. II fit beaucoup de mal a I'Eghse , chassa I'arche- veque de Cantorbery et ne voulut point que ce siege fut rempli de son vivant, afin de profiler des revenus qui y elaient attaches. 11 laissa les pretres dans la misere et condamna les moines a la derniere pauvrete. II entrepril des guerres injusles et se fit generalement detester. Un jour qu'il etait a la chasse (en I'annee 1100 , dans la quarante-quatrieme de son age et la treizieme * Voyez-la dans les Legendes de I' autre monde : Legendes du purgatoire. 2 Wierus, De prcest., lib. Ill, cap. vi. 3 Extraif d'un ancien manuscrit, cite a la fin des Remarques de Joly sur Bayle. 5 — ' GUL de son regne), il fut lue d'une flfeche lanc^e par une main invisible. Pendant qu'il rendail le dernier soupir, le comte de Cornouailles , qui s'etait un peu ecarle de la chasse , vit un grand bouc noir et velu, qui emportait un homme de- figure et perce d'un trait de part en part.... Le comte, trouble de ce spectacle, cria pourtant au bouc de s'arreter, et lui demanda qui il elait, qui il portait, oii il allait? Le bouc repondit : — (i Je suis le diable; j'emporte Guillaume le Roux, et je vais le presenter au tribunal de Dieu , ou il sera condainne pour sa tyrannie ; et il viendra avec nous \ » Guillaume de Paris. II est cite par les de- monographes pour avoir fait des statues par- lanles, a I'exemple de Roger Bacon, chose qui ne peut avoir lieu que par les operations dia- boliques ^ Naude a refute cette imputation. Guillaume III, comte de la comte de Bour- gogne. C'etait un bandit sans vergogne et un bourreau sans pitie. Un jour que, charge ,de crimes et de sacrileges, il etait en orgie, un in- connu le fit demander pour lui offrir un beau cheval. Des qu'il I'eut monte, il fut emporte et disparut. L'inconnu etait le diable qui venait prendre son bien Guillemin, esprit familier de Michel Ver- dung , avec I'aide duquel il pouvait courir aussi vitc qu'il le voulait. Guinefort. C'est le nom d'un chien que les fabliaux du moyen age ont illustre. Ce chien, ayant sauve un enfant qu'un serpent voulait de- vorer, fut tue par son maitre, qui , lui voyant la gueule ensanglantee, crut qu'il avail etrangle son enfant; suivant une autre version, il peril dans le combat avec le serpent. Le mailre eclaire lui fit un petit tombeau; ce qui etait im- prudent ; car, dans la suite , des paysans Irom- pes prirent ce tombeau pour celui d'un saint et invoquerent saint Guineforl. Le P. Bourbon, dans une mission qu'il fit au pays de Lyon et en Auvergne , fit tomber cette superstition , qui certainement n'elaitqu'une suggestion du diable. Ce chien , appele Guinefort dans le Lyonnais , s'appelait Ganelon en Auvergne'. Guivre , monstre qu'on ne trouve que dans les besliaires du moyen age et que les artistes ont reproduit. M. Paulin Paris a etabli qu'il ne faut pas confondre la Guivre avec la Vouivre ; la Guivre n'est qu'un griffon ou une hydre que Ton voit figurer sur quelques vieux monuments. Gullets ou Bonasses, demons qui servent les hommes dans la Norvege, et qui se louent * Matlhcei Tympii prcemia virtuturn. — Matthieu Paris, Historia major, t. II. 2 Naude, Apologie pour les grands personnages ac- cuses de magie, ch. xvii, p. 493. 3 Voyez sa legende dans les Legendes infernales. ^ Voyez les Fabliaux du moyen age , recueillis par J. Loyseau, 1846, p. 26. GUN — 316 — HAB pour pen de chose. lis pansenL les chevaux, les etrillent, les froUent, les brident, les selieiit, dressent leurs crins et leurs queues, comme le meilleur palefrenier : ils font meme les plus viles fonctions de la maison. Voy. Berith, Hec- DEKiN, etc. Gunem, appele aussi /Enus, soldat anglais qui, apres avoir servi sous le roi Etienne, se trouvant charge de bien des crimes, s'en alia en Irlande, decide a faire sa penitence dans le purgaloire de Saint-Patrice. II y subit diverses douleurs qu'il accepta en expiation, s'en revint soulage et mena depuis une vie exemplaire, Gurme, chien redoutable, espece de Cerbere de I'enfer des CeUes. Pendant I'existence du monde, ce chien est attache a I'entree d'une ca- verne; mais au dernier jour il doit etre lache, attaquer le dieu Tyr ou Thor, et le tuer. C'est le meme que le loup Fenris. Gusandal (vallee de lumiere). En Suede, ou la magie est en plein mouvement, de nos jours, on donne ce nom au carrefour ou se fait le sabbat. Gusoyn, grand-due aux enfers. II apparait sous la forme d'un chameau. 11 repond sur le present, le passe, I'avenir, et decouvre les choses cachees. 11 augniente les dignites et affermit les honneurs. 11 commando a quarante-cinq legions. Gustaph. I'oij. ZiinoASTRi:. Gutheyl ou Guthyl, nom sous lequel les Germains veneraient le gui de chene. lis lui at- tribuaient des vertus merveilieuses , particulie- rement contre I'epiiepsie, et le cueillaient avec les memos ceremonies que les Gaulois. Dans certains endroils de la haute Allemagne, cetle superstition s'est conservee, et les liabilanls sont encore aujourd'hui dans I'usage de courir de maison en maison et de villo en ville, en criant : « Gutliey! Guthey ! » — Des SeptenLrionaux s'imaginaient qu'un homme muni du gui de chene non-seulement ne pouvait etre blesse, mais etait sur de blesser tous ceux contre les- quels il lancait une fleche. C'est a cause de ces vertus magiques, altribuees au gui de chene, qu'on I'appelle en Alsace Marentahein , c'est-ii- dire arbrisseau des spectres. Guymond de la Touche, poete dramaLique et philosopbe du dernier siecle. II etait alle le 11 fevrier 1760 chez une sorciere, a Paris, dans le dessein de rire, car il ne croyait a rien. II fut frappe pourtant de I'appareil mysterieux qui entourait la sorciere el de FaLlenlion grave que lui prelaient les assistants. Sa curiosile fut pi- quee. Dans I'instant ou , un pen trouble, il s'ap- prochait d'une jeune fille a qui on enfonqait des epingles dans la gorge : — « Vous etes bien em- presse, lui dit la sorciere, a vous eclairer de ce qu'on fait ici. Puisque vous etes si curieux, ap- prenez que vous mourrez dans trois jours. » — Ces paroles dites avec solennile firent sur Guy- mond de la Touche, qui ne croyait a rim, une impression telle qu'il se relira chez lui boule- verse, se mit au lit et mourut en effet trois jours apres, le \h fevrier 1760 Gymnosophistes, philosophes ainsi nommes parce qu'ils aliaient nus ou sans habits. Chez les demonomanes, les gymnosophistes sont des ma- giciens qui obligeaient les arbres a s'incliner et a parler aux gens comme des creatures raison- nables. Tespesion , I'un de ces sages, ayant com- mando a un arbre de saluer Apollonius, il s'in- clina , el, rabaissant le sommet de sa tele et ses branches les plushaules, il lui lit des compli- ments d'une voix distincle, mais feminine, « ce qui surpasse la magie nalurelle » Gyromancie, sorte de divination qui se pra- tiquait en marchant en rond, ou en tournant au- lour d'un cercle, sur la circonference duquel etaient tracees des letlres. A force de tourner on s'etourdissait jusqu'a se laisser tomber, et de I'assemblage des caracteres qui se rencontraient aux divers endroits ou Ton avait fait des chutes, on tirait des presages pour I'avenir. Voy. Aleg- TRYOMANCIE. — o&o- H Haagenti , grand president aux enfers. II parait sous la figure d'un taureau avec des ailes de griffon. Lorsqu'il se monlre portant face hu- maine, il rend I'homme habile a toutes choses; il enseigne en perfection I'art de transmuer tous les metaux en or, et de faire d'excellent vin avec de I'eau claire. II commando trente-trois legions. Habondia, reine des fees, des femmes blan- ches, des bonnes, des sorcieres, des larves, des furies et des harpies, comme I'assure Pierre De- lancre en son livre de I'lnconstance des demons. Haborym, demon des incendies, appele aussi Aym. II porte aux enfers le titre de due; il se montre a cheval sur une vipere, avec trois teles, I'une de serpent, I'autre d'homme, la troisieme ' Voyez celle histoire dans les Legendes de I'autre monde. 2 Delaiicre, IticreduUte et mecreance du sortileye pleinement convaincues . p. 33. HAC — 31 7 — HAL de chat. II tient, a la main une torche alkimee. U coinmande vingt-six legions. Quelques-uns disenl que c'est le meme que Raum ; ce qui nous parait au moins douteux. Haceldama ou Hakeldama, qui signifie he- ritage ou portion de sang. Ce mot est devenu comiiiua a toutes les langues du Christianisme, depuis le recit sacre qui nous apprend qu'apres que Judas se fut pendu, les pretres juifs ache- lerent, des trente pieces d'argent qu'ils lui avaient donnees pour trahir Notre-Seigneur, un champ qui fut destine a la sepulture des etran- gers, et qui porta le nom d'Haceldama. On montre encore ce champ aux etrangers. II est petit et couvert d'une voute sous laquelle on pretend que les corps qu'on y depose sont con- sumes dans I'espace de trois a qualre heures. Hack, demon cite dans les Clavicules dites de Salomon, comrae un des plus puissants chefs de I'enfer. ■ Hakelberg. « L'origine du nom de Woden ou Odin se revele par la racine etymologique de I'anglo-saxon Woodin, qui signifie le ferocc ou le furieux. Aussi I'appelle-t-on dans le Nord le chasseur feroce, et en Allemagne Groden'sheer ou Woden sheer. Woden, dans le duche de Bruns- wick, se retrouve sous le nom du chasseur Ha- kelberg^. » II etait seigneur de Rodenstein, et a vait renonce a sa part de paradis pour qu'il lui fut permis de chasser toujours. Le diable, avec qui il faisait le pacte, lui avait promis qu'il chasserait jusqu'au jour du jugement dernier. II mourut, el on montre dans la foret d'Usslar une pierre brute qui est, dit-on, son tombeau, parmi les ruines de son chateau de Rodenstein. Les savants pensent que cette pierre est un monument druidique. Mais les voisins racontent qu'elle est gardee par les chiens de I'enfer, et que le chasseur indomptable sort ' Traditions populaires. Quarterly Rewiev. de sa tombe a minuit pour chasser avec fureur. Lorsqu'il se laisse voir, c'est un signe de guerre prochaine. Lorsqu'on I'evoque, ii se montre; mais a son aspect effroyable et au bruit de sa suite, le curieux tombe a demi mort de peur ; et aussilot la vision s'evanouit Hakkims , medecins qui gu^rissent par cliar- mes, en Perse. Hakkin. Voy. Haquin. Haleine. Une haleine forte et violente est la marque d'un grand esprit, dit un savant, et au -conlraire , ajoute-t-il, une haleine faible est la marque d'un temperament use et d'un esprit debile... Hallucination. Waller Scott, dans sa Demo- nologie, voil la plupart des apparitions comme de veritables hallucinations. II a raison quelque- fois. Mais il ne faut pas faire de celte explication un systeme, a la maniere des esprits qui veulent tout comprendre, dans un monde ou nous sommes environnes de tant de choses que nous ne com- prenons pas. C'est une hallucination epidemique ou un singulier mirage, que I'exemple qu'il cite de I'Ecossais Patrick Walker, si, en effet, il n'y avait la que les phenomenes d'une aurore bo- reale. — « En I'annee 1686, aux mois de juin et de juillet, dit I'honnele Walker, plusieurs per- sonnages encore vivants peuvent attester que, pres le bac de Crosford, a deux milles au-dessous de Lanark, et particulierement aux Mains, sur la riviere de la Clyde, une grande foule de curieux se rassembla plusieurs fois apres midi pour voir une pluie de bonnets, de chapeaux, de fusils et d'epees; les arbres et le terrain en etaient cou- verts ; des compagnies d'liommes armes mar- chaient en Fair le long de la riviere, se ruaient les unescontre les aulres, et disparaissaient pour faire place a d'autres bandes aeriennes. Je suis alle la trois fois consecutivement dans I'apres- 1 Voyez le chevalier Hakelberg, dans les Legencles infernales. HAL — 318 — HAL midi, et j'ai observe que les deux tiers des te- moiiis avaient vu, el que I'autre tiers n'avait rien vu. Quoique je n'eusse rien vu mui-meme, ceux qui voyaient avaient une telle frayeur et un tel tremblenient, que ceux qui ne voyaient pas s'en apercevaient bien. Un gentilliomnie, toutpres de nioi, disait : — Ces damnes sorciers ont une seconde vue; car le diable m'emporte si je vois quelque chose ! — Et, sur-le-cliamp , il s'opera un changement danssa physionomie. llvoyait... — Plus effraye que les autres, il s'ecria : — Vous tous qui ne voyez rien, ne dites rien ; car je vous assure que c'est un fait visible pour tous ceux qui ne sont pas aveugles, — Ceux qui voyaient ces choses-la pouvaient decrire les especes de batterie des fusils, leur longueur et leur largeur, et la poignee des epees, les ganses des bon- nets, etc. » Ce phenomena singulier, auquel la multitude croit, bien que seulement les deux tiers eussent vu, peut se comparer, ajoule Waller Scolt, a Faction de ce plaisant qui, se posant dans Fatti- tude de Fetonnement, les yeux fixes sur le lion de bronze bien connu qui orne la facade de Flio- tel de Northumberland dans le Strand a (Londres) , attira Fatlention de ceux qui le regardaienl en disant : — Par le ciel, il remue!... il remue de nouveau ! — ct reussit ainsi, en peu de minutes, a faire obstruer la rue par une foulc immense : les uns s'imaginanl avoir effeclivement apergu le lion de Percy remiier la queue, les autres atten- dant pour admirer la meme merveille. De veritables hallucinations sont enfantees par une funeste maladie, que diverses causes peuvent faire naitre. Leur source la plusfrequcnle est pro- duite par les habitudes d'intemperance de ceux qui , a la suite d'exces de boisson , contractent ce que le peuple nomme les diahles hlcus, sorte de spleen oudesorganisation mentale. Lesjoyeuses illusions que, dans les commencements, enfanle Fivresse, s'evanouissent avec le temps et dege- nerent en impressions d'effroi. Le fait qui va suivre ful raconte a I'auteur par un ami du pa- tient. Lin jeune homme riche, qui avait mene une vie de nature a compromellre a la fois sa sante et sa fortune, se vit oblige de consul ter un mede- cin. Une des choses dont il se plaignait le plus etait la presence habituelle d'une suite de fan- tomes habilles de vert, executant dans sa chambre une danse bizarre, dont il etait force de suppor- ter la vue, quoique bien convaincu que lout le corps de ballet n'existait que dans son cerveau. — Le medecin lui prescrivit un regime ; il lui recommanda de se retirer a la campagne, d'y observer une diete calmante, de se lever de bonne heure, de faire un exercice modere, d'evi- ter une trop grande fatigue. Le malade se con- forma a cette prescription et se retablit. Un autre exemple d'hallucinations est celui de M. Nicolai, celebre libraire de Berlin. Get homme ne se bornait pas a vendre des livres, c'etail encore un litterateur; il eut le courage moral d'exposer a la Societe philosophique de Berlin le recit de ses souffrances, et d'avouer qu'il etait sujet a une suite d'illusiuns fantastiques. Les cir- constances de ce fait peuvent etre expo:-ees tres- brievement, comme elles Font ete au public, attestees par les docteurs Ferrinr , Hibbert et autres qui ont ecrit sur la demonologie. Nicolai fait remonter sa maladie a une serie de desagre- ments qui lui arriverent au commencement de 1791. L'affaissement d'esprit occasionne par ces evenements fut encore aggrave par ce fait, qu'il negligea Fusage de saignees periodicjues aux- quelles il etait accoutume ; un tel etat de sante crea en lui la disposition a voir des groupes de fantomes qui se mouvaient et agissaient dovant Uii^ et quelquefois meme liri parlaient. Ces fan- tomes n'olTi aienl rien de desagreable a son ima- gination, soit par leur forme, soit par leurs ac- tions; et le visionnaire possedait trop de force d'ame pour etre saisi, a leur presence, d'un sen- timent autre que celui de la curiosite, convaincu qu'il etait, pendant toute la duree de Faeces, que ce singulier effet n'etait que la consequence de sa mauvaise sante, et no devait sous aucun autre rapport etre considere comme sujet de frayeur. Au bout d'un certain temps, les fantomes parurent moins distincls dans leurs formes, prirent des couleurs moins vivos, s'affaiblirent aux yeux du malade, et finirent par disparaitre entierement. Un malade du docteur Gregory d'Edimbourg, I'ayant fait appeler , lui raconta dans les terraes suivants ses singulieres souffrances : — J'ai I'ba- bitude, dit-il, de diner a cinq heures; et lorsquc six heures precises arrivent, je suis sujet a une visile fantastique. La porte de la chambre, meme lorsque j'ai eu la faiblesse de la verrouiller, ce qui m'est arrive souvent, s'ouvre tout a coup : une vieille sorciere , semblable a celles qui han- laient les bruyeres de Forres, entre d'un air menacant, s'approche, se pose devant moi, mais si brusquement, que je ne puisl'eviter, elalors me donne un violent coup de sa bequillc ; je tombc de ma chaise sans connaissance, et je reste ainsi plus ou moins longtemps. Je suis tous les jours sous la puissance de cette apparition. Quelque- fois la vieille est une dame qui , en parure de bal, me fait des mines. — Le docteur dcmanda au malade s'il avait jamais invite quelqu'un a etre avec lui temoin d'une semblable visile. 11 repondit que non. Son mal etait si parliculier, on devait si naturellement Fimputer a un de- rangement mental qu'il lui avait loujours re- pugne d'en parlcr a qui que ce fut. — Si vous le permeltez, dit le docteur, je chnerai avec vous aujourd'hui tete a tele, et nous verrons si voire mechanle vieille viendra troubler notre societe. Le malade accepta avec gratitude. lis duierent, elle docteur, qui supposait Fexistence de c^uel- HAL — 319 — HAL que maladie nerveiise, employa le charme de sa brillante conversation a captiver I'alLenLion de son hole, pour I'empecher de penser a I'heure fatale qu'il avail coutume d'atlendre avec ler- reur. II reussit d'abord. Six heures arriverenl sans qn'on y fil atlenlion. Mais a peine quelques minutes elaient-elles [ecoulees que le monomane s'ecria d'une voix troublee : — Voici la sorciere ! — el, se renversant sur sa chaise, il perdit con- naissance. Le medecin lui lira un peu de sang, el se cohvainquil que eel accident periodique, dont se plaignait le malade, etait une tendance a I'apo- plexie. Le fantome a la bequille ctait simplement une sorte de combinaison analogue a celle donl lafantaisieproduitle derangement appeleephialle, ou cauchemar , ou toute autre impression exte- rieure exercee sm' nos organes pendant le som- meil. Un autre exemple encore me fut cile, dit Walter Scott, par le medecin qui avail ele dans le cas de I'observer. Le malade etait un hono- rable magistral, lequel avail conserve entiere sa reputation d'integrite, d'assiduite el de bon sens. — Au moment des visiles du medecin, il en etait Une dame en paruro de bal. — I'aye 318. reduit a garder la chambre, quelquefois le lit; cependant, de temps a autre, applique aux af- faires , de maniere que rien n'indiquait a un observateur superficiel la moindre alteration dans ses facultes morales; aucun symptome ne faisait craindre une maladie aigue ou alarmante ; mais la faiblesse du pouls, I'absence de I'appetit, le constant affaiblissement des esprits, semblaient prendre leur origine dans une cause cachee que le malade etait resolu a taire. Le sens obscur des paroles de eel infortune, la brievete el la con- trainte de ses reponses aux questions du mede- cin, le delerminerent a une sorte d'enquele. II eul recours a la famille : personne ne devinait la cause du mal. L'etat des affaires du patient etait prospere ; aucune perte n'avait pu lui oc- casionner un chagrin ; aucun desappointement dans ses affections ne pouvait se supposer a son age; aucune idee de remords ne s'alliait a son caractere. Le medecin eul done recours avec le monomane a une explication; il lui parla de la folie qu'il y avail a se vouer a une mort Iriste el lente, plutot que de devoiler la douleur qui le minait. II insista sur I'atteinte qu'il portait a sa reputation, en laissant soupconner que son abat- tement put provenir d'une cause scandaleuse, peut-etre meme trop deshonoranle pour etre pe- netree ; il lui fit voir qu'ainsi il leguerait a sa fa- mille un nom suspect el terni. Le malade frappe exprima le desir de s'expliquer franchemenl avec le docteur, et, la porte de la chambre fermee, il entrepril sa confession en ces termes : « Vous ne pouvez comprendre la nature de mes souffrances , et votre zele ni voire habilete ne peu vent m'apporler de soulagement. La si- tuation oil je me trouve n'est pourtant pas nou- velle, puisqn'on la retrouve dans le celebre ro- man de Lesage. Yous vous souvenez sans doule HAL — 320 — HAL de la maladie dont il y est dit que mourut !e due d'Olivares : I'idee qu'il etait visile par utie ap- parition, a I'existence de laquelle il n'ajoutait aucuneinent foi ; mais il en mourul neanmoins, vaincu et terrasse par son imagination. — Jc suis dans la meme position ; la vision acliarnee qui me poursuit est si penible et si odieuse, que ma raison ne sufTit pas a combattre mon cerveau af- fecte : href, je suis victime d'une maladie iraagi- naire. » Le medecin ecoutail avec anxiete. « Mes visions, reprit le malade, ont com- mence il y a deux ou trois ans. Je me trouvais de temps en temps trouble par la presence d'un gros chat qui entrait et sortait sans que je pusse dire comment, jusqu'a ce qu'enfin la verile me fut demontree, et que je me visse force ane plus le regarder comme un animal domestique , mais bien comme un jeu, qui n'avait d'existence que dans mes organes visuels en desordre, ou dans mon imagination dereglee. Jusque-la je n'avais nuliement pour cet animal I'aversion absolue de ce brave chef ecossais qu'on a vu passer par les differentes couleurs do sun plaid lorsque par hasard un chat se trouvait dans un appartement avec lui. Au contraire, je suis ami des chats, et je supportais avec tranquillite la presence de mon visiteur imaginaire, lorsqu'un spectre d'une grande importance lui succeda. Ce n'etait autre chose que I'apparition d'un huissier de la cour. Ce personnage , avec la bourse et I'epee, une veste brodee et le chapeau sous le bras , se glis- sait a mes coles, et, chez moi ou chez les autres, montail I'escalier devant moi, comme pourm'an- noncer dans un salon, puis se melail a la sociele, quoiqu'il fut evident que personne ne remarquait sa presence, et que seul je fusse sensible aux chimeriques honneurs qu'il me voulait rend re. Cette bizarrerie ne produisit pas beaucoupd'effet sur moi : cependant elle m'alarma a cause de I'influence qu'elle pouvait avoir sur mesfacultes. Apres quelques mois, je n'aperqus plus le fan- tome de I'huissier. II fut remplace par un autre, horrible a la vue, puisque ce n'est autre chose que I'image de la mort elle-meme, un squelette. Seul ou en compagnie, la presence de ce fantome ne m'abandonne jamais. En vain je me suis re- pete cent fois que ce n'est qu'une image equi- voque et I'effet d'un derangement dans I'organe de ma vue; lorsque je me vols, en idee a la ve- rile, le compagnon d'un lei fantome, rien n'a de pouvoir centre un pareil malheur, et je sens que je dois mourir victime d'une affection aussi me- lancolique , bien que je ne croie pas a la realite du spectre qui est devant mes yeux. » Le medecin alTlige fit au malade, alors au lit, plusieurs questions. «Ce squelelle, dit-il, semble done toujours la ? — Mon malheureux destin est de le voir toujours. — Je comprends; il est, a I'instant meme, present a voire imagination? — II est present a I'instant meme. — Et dans quelle partie de voire chanibre le voyez-vous? — Au pied de mon lit ; lorsque les rideaux sent entr'ou- verts, il se place entre eux et remplit I'espace vide. — Aurez-vous assez de courage pour vous lever et pour vous placer a I'endroit qui vous semble occupe, afin de vous convaincre de la dece[)tion? » Le pauvre homme soupira et secoua la lete d'une nianiere negative. « Eh bien , dit le docr- teur , nous ferons I'experience une autre fois. » Alors il quitta sa chaise aux coles du lit; et se plagant entre les deux rideaux entr'ouverts, in- diques comme la place occupee par le fantome, il demanda si le spectre etait encore visible. (( Non enlieremenl, dit le malade, parce que voire personne est entre lui et moi; mais j'aperQois sa tele par-dessus vos epaules. » Le docteur Iressaillit un moment , malgre sa philosophic, a une reponse qui aflirmait d'une maniere si precise que le spectre le touchait de si pres. II recourul a d'autres moyens d'investi- gation , mais sans sucees. Le malade tomba dans un marasme encore plus profond; il en mourut, et son hisloire laissa un douloureux exemple du pouvoir que le moral a sur le physique, lors meme que les lerreurs fantastiques ne parvien- nent pas a absorber I'intelligence de la personne qu'elles lourmentent. Rapportons encore, comme failattribue a I'hal- lucinatiou, la celebre apparition de Maupertuis a un de ses confreres , professeur de Berlin. Elle est decrite dans les Ades de la Sociele roijalc de Berlin, et se trouve rapportee par M. Thiebaut dans ses Souvenirs de Frederic le Grand. II est essentiel de prevenir que M. Glediteh, a qui elle est arrivee, etait un botaniste distingue, profes- seur de philosophic naturelle, et regarde comme un homme d'un earactere serieux , simple et Iranquille. Peu de temps apres la mort de Mau- pertuis, M. Glediteh, oblige de traverser la salle dans laquelle I'academie lenail ses seances, ayant HAL — 321 — HAQ quelques arrangements a faire dans le cabinet d'histoire naturelle qui elail de son ressort, apergut ^en entrant dans la salle I'ombre de M. de Mau- l|l")erluis , deboiit et fixe dans le premier angle a jlmain gauche et ses yeux braques sur lui. II etait Itrois heures de I'apres-midi. Le professeur dc ■phiiosophie en savait trop sur sa physique pour Isupposer que son president, mort a Bale dans la Ifamille de Bernouilli, serait revenu a Berlin en Ipersonne. 11 ne regarda la chose que comme une ■illusion provenant du derangement de ses or- Iganes. II continua de s'occuper de ses affaires I sans s'arreler plus longtemps a cet objet. Mais il Iraconta cette vision a ses confreres, les assurant Iqu'il avait vu une figure aussi bien formee et aussi parfaile que M. de Maupertuis lui-meme aurait pu la presenter. Voici un autre petit fait : Un prince, s'eLant imagine qu'il etait mort, ne voulut plus prendre de nourriture , quelque chose qu'on lui dit pour lui persuader qu'il vivait. Cette diele hors de raison faisait craindre avec justice des suites fa- cheuses, et Ton commengait a perdre toute es- perance, lorsqu'un des principaux offlciers s'avisa de faire habiller trois valets de chambre en se- nateurs romains , tels qu'on les voit represenler sur les theatres, et les fit placer a une table garnie d'excellenls mets, qu'il fit dresser dans la chambre oh le prince etait couche : le prince voyant cet appareil demanda qui etaient ces etrangers ? « Ce sont, dit roflicier, Alexandre, Cesar et Pompee. — Comment! repliqua le prince, ils sont morts, et les morts ne mangent point. — II est vrai, repondit-il, qu'ils sont morts, raais ils mangent de bon appetit. — Si cela est, dit le prince, qu'on me metle mon couvert, je veux manger avec eux. » Ce mort d'imagination se leva, mangea avec ses illustres convives, et cette invention de son officier lui fit recouvrer la sante du corps et de I'esprit qui etait en grand danger*. Halphas, grand comte des enfers. II parait sous la forme d'une cigogne, avec une voix bruyante. 11 batit des villes, ordonne les guerres et commande vingt-six legions ^ G'est peut-etre le meme que Malphas. Haltias. Les Lapons donnenl ce nom aux va- peurs qui s'elevent des lacs, et qu'ils prennent pour les esprits auxquels est commise la garde des montagnes. Hamlet, prince de Danemark, a qui apparut le spectre de son pere pour demander une ven- 1 Un tableau de Restout, peintre c^lebre, mort en 1768, donna lieu a une aventure assez plaisante. Le tableau representait la destruction du palais d'Ar- mide. Un Suisse, qui etait dans le vin, se passionna pour ce palais, a peu pres comme don Quichotte pour don Galiferos et la belle Melissande. II prit son sabre, et frappant a grands coups sur les demons qui demo- lissaient cet edifice, il detruisit I'effet magique du tableau et le tableau lui-meme. '■^ Wierus, in Pseudomonarchia deem. \ geance dont il se chargea. Shakspeare a illustre cette sombre histoire. On montre toujours sur une colline voisine d'Elseneur la tombe d'Hamlet, que des croyances peureuses entourent et pro- tegent. Hammerlein. C'est le nom que donnait au demon qui le dominait un possede cite par Bro- gnoli dans son Alexiacon. Cet homme ne put etre delivre. Handel, celebre musicien saxon. Se trouvant en 1700 a Venise, dans le temps du carnaval, il joua de la harpe dans une mascarade. II n'avait alors que seize ans , mais son nom dans la mu- sique etait deja tres-connu. Dominique Scarlati, habile musicien d'alors sur cet instrument, I'en- tendit et s'ecria : « II n'y a que le Saxon Handel ou le diable qui puisse jouer ainsi...)) Hanneton. II y a dans la Cafrerie une sorte de hanneton qui porte bonheur quand il entre dans une hutte. On lui sacrifie des brebis. S'il se pose sur un negre, le negre en devient tout fier. Hannon, general carthaginois , distingue par cetle fourberie : il nourrissait des oiseaux a qui il apprenait a dire : Hannon est un dieu; puis il leur donnait la liberte. Hantise,frequentation. Le mot hanler est tou- jours pris en mauvaise part : « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. » Les maisons ou paraissent des demons s'appellent des maisons hantees. Sous le titre de la Maison hantee, le comte Yermolof a ecrit avec beaucoup de charme une tradition de Moscou. Cette maison avait ete habitee par un alchimiste qui evoquait les esprits elementaires. Une salamandre la hantait, et on disait que depuis qu'elle avait brule quelques- uns des evocateurs, elle gemissait tous les jours a minuit, sans qu'on vit jamais rien et sans qu'on put rien decouvrir dans la chambre oii I'alchi- miste avait opere. Hapi. Voy. Apis. Haquart. Remi, dans sa Demonolocjie , rap- porle qu'une sorciere nommee Francoise Ha- quart, condamnee au feu en 1587, avait livre sa fille Jeanne au demon lorsqu'elle n'avait encore que sept ans. Une femme chretienne se chargea de cette enfant, et pour la prot^ger contre le de- mon , elle la mit coucher entre deux pieuses servantes. Mais, a la vue de tous les voisins, elle fut enlevee et resta longtemps suspendue en I'air, pendant que les servantes criaient : « Seigneur Jesus, sauvez-nous. » Elle resta huit jours sans prendre aucun aliment, et on ne la delivra que par I'exorcisme. Haquin. Les anciennes histoires scandinaves font mention d'un vieux roi de Suede, nomme Haquin, qui commenga a regner au Iroisieme siecle et ne mourut qu'au cinquieme, age de deux cent dix ans, dont cent quatre-vingt-dix de regne. 11 avait deja cent ans lorsque , ses sujets s'etant revoltes contre lui , il consulla I'oracle d'Odin 21 HAR — 322 — HAR qu'on reverait aupres d'Upsa]. II Ini fut repondu que s'il voulait sacrifier le seul flls qui lui reslait, il vivraii et regnerait encore soixante ans. II y con- sentit, et ses dieux lui tinrent parole. Bien plus, sa vigueur se ranima a I'age de cent cinquante ans; il eut un Ills a nouveau et successivement cinq autres, depuis cent cinquanle ans jusqu'a cent soixante. Se voyant pres d'arriver a son terme, il tacha encore de le prolonger; et les oracles lui repondirent que s'il sacriiiait I'aine de ses en- fants, il regnerait encore dix ans; il le fit. Le second lui valut dix autres annees de regno, et ainsi de suite jusqu'au cinquieme. Enfin il ne lui restart plus que celui-la ; il etait d'une caducite extreme, mais il vivait toujours; ayant voulu sacrifier encore ce dernier rejeton de sa race, le peuple , lasse du monarque et de sa barbarie , le chassa du trone ; il niourut, et son fils lui succeda. Delancre dit que ce monarque etait grand sor- cier , et qu'il combaltait ses ennemis a I'aide des Elements. Par exeniple il leur envoyaitde la pluie ou de la grele. Haridi,serpenthonoreaAkhmin, villed'Egypte. II y a quelques siecles qu'un derviclie nomme Haridi y mourut; on lui eleva un tonibeau, sur- monte d'une coupole , au pied de la niontagne ; les peuples vinrent lui adresser des prieres, Un autre derviche profita de la credulile des bonnes gens, et leur dit que Dieu avait fait passer I'es- prit du defunt dans le corps d'un serpent. 11 en avait apprivoise un de ceux qui sont communs dans la Theba'ide et qui ne font pas de mal ; ce reptile obeissaita sa voix. Le derviche mit a I'ap- parition de son serpent tout I'appareil du cliarla- tanisme; il eblouit le vulgaire et pretendit guerir toutes les maladies. Quelques succes lui donne- rent la vogue. Ses successeurs n'eurent pas de peine a soutenir une imposture lucrative ; ils s'en- richirent en donnant a leur serpent I'immortalite et pousserent I'impudence jusqu'a en faire un essai public ; le serpent fut coupe en morceaux en presence de I'emir, et depose sous un vase pendant deux heures. A I'instant oii le vase fut leve , les serviteurs du derviche eurent sans doute I'adresse d'en substituer un semblable; on cria au prodige, et I'immortel Haridi acquit un nou- veau degre de consideration. Paul Lucas raconte que , voulant s'assurer des choses merveilleuses que Ton racontait de cet animal , il fit pour le voir le voyage d'Akhmin ; qu'il s'adressa a Assan-Bey, lequel fit venir le derviche avec le serpent ou I'ange, car tel est le nom qu'on lui donnait, et que ce derviche tira de son sein en sa presence I'animal merveilleux. C'etait, ajoute-t-il, une couleuvre de mediocre grosseur et qui paraissait fort douce. Haro, amille noble d'Espagne, qui pretend descendre d'une fee. Harold-Germson, roi de Norvege qui, vou- lant chalier I'lslande , envoya un habile et savant troldman (niagicien) espionner le pays apres avoir etudie ses abordages. Le troldman, pour n'etre pas devine , se changea en baleine , et nagea vers I'lslande. II vit venir a lui dans une nacelle un Islandais qui , etant aussi magicien , le reconnut sous son deguisement; le pretendu ba- telier sifila ; et les ladwaiturs, genies protecleurs de I'lslande, dCanent avertis, s'elancerent en formes de dragons et flrent tomber sur la ba- leine une trombe de venin. Le troldman deguise s'echappa et courut dans un autre site sous la forme d'un enorme oiseau. Le magicien islandais I'attaqua avec une pique; I'oiseau blesse tomba; le troldman en sortit encore et se metamorphosa en un taureau monstrueux ; c'etait aupres de Bri- dafort; echouantde nouveau, il reparut en geant; mais toujours sans succes ; et Harold-Germson ne put avoir les renseignemenls qu'il voulait. Tout ce recit nous vient d'une saga due a un vieux barde idolatre, et c'est une alteration de la verile. II s'agit la des efforts que firent les rois scandinaves Olof Triggvason et llarald ou Ha- rold-Germson pour convertir I'lslande au chris- tianisme. Ce ne furent pas des magiciens, mais des missionnaires qu'ils y envoyerent; et il fal- lut des efforts immenses pour etablir dans celte lie sauvage un peu de christianisme, qui depuis est tombe , avec celui des autres pays du Nord, dans le lutheranisme, tout en conservant ses ma- giciens ou sorciers, qui florissent encore de nos jours *. Harpe. Chez les Caledoniens, lorsqu'un guer- rier cclebre etait expose a un grand peril, les harpes rendaient d'elles-memes un son lugubre et prophetique; souvent les ombres des aieux du guerrieren pincaientles cordes. Lesbardes alors commenqaient un chant de mort, sans lequel au- cun guerrier n'etait admis dans le palais de nuages, et dont I'effet etait si salutaire que les fantomes retournaient dans leur demeure pour y recevoir avec empressement et revetir de ses armes fantastiques le heros decede. Harppe. Thomas Bartholin, qui ecrivait au dix-septieme siecle, raconte, apres une ancienne magicienne nommee Landela, dont I'ouvrage n'a jamais ele imprime, un trait qui doit etre du trei- zieme siecle ou du quatorzieme. — Un homme du Nord , qui se nommait Harppe, etant a I'article de la mort, ordonna a sa femme de le faire enterrer tout debout devant la porte de sa cuisine, alin qu'il ne perdit pas tout a fait I'odeurdes ragouts qui lui etaient chers , et qu'il put voir a son aise ce qui se passerait dans sa maison. La veuve executa docilement et fidelenient ce que son inari lui avait commande. Quelques semaines apres la mort de Harppe, on le vit souvent apparaitre, sous la forme d'un fantome hideux, qui luait les 1 Voyez la belle et savante introduction de M. Leouzon-le-Duc a sa traduction du Glaive runique de Nicander. HAR — 323 — HAR ouvriers et molestait tellement les voisins, que personne n'osait plus demeurer dans le village. Un paysan, nomme Olaiis Pa, fut assez hardi pour attaquer ce vampire, car e'en etait un ; il lui porta un grand coup de lance , et laissa la lance dans Ja plaie. Le spectre disparut. Le lendemain, Olaiis fit ouvrir le tombeau du mort; il trouva sa lance dans le corps de Harppe, au meme endroit ou il avait frappe le fantome. Le cadavre n'etait pas corrompu; on le tira de terre; on le brula, on jeta ses cendres a la mer, et on fut delivre de ses funestes apparitions des corps dont ils se sont revetus, et dans les- quels ils apparaissent. » Le plus croyable sur cette histoire peu averee est probablement qu'elle est fort alleree. Voy. Vampires. Harvilliers (Jeanne), sorciere des environs de Compiegne, au commencement du seizieme siecle. Dans son proces, elle raconta que sa mere I'avait presentee au diable des I'age de douze ans; que c'etait un grand negre vetu de noir; qu'il arrivait, quand elle le voulait, botte, epe- ronne et ceint d'une epee ; qu'elle seule le voyait, ainsi que son cheval, qu'il laissait a la porle. — * Bartholini, De causa contemptus mortis, etc., lib. IL <( Le corps de Harppe, dit ici Dom Calmet (si Ton adniet la verite de ce fait), etait done reel- lement sorli de terre lorsqu'il apparaissait. Ce corps ^vait etre palpable et vulnerable, puisqu'on trouva la lance dans la plaie. Comment sortit-il de son tombeau, et comment y rentra-t-il? C'est la difiieulte ; car qu'on ait trouve la lance et la blessure sur son corps, cela ne doit pas sur- prendre, puisqu'on assure que les sorciers, qui se metamorphosent en chiens, en loups-garous, en chats, etc. , portent dans leurs corps humains les blessures qu'ils ont recues aux meraes parties La" mere de Jeanne avait ete brulee comme sor- ciere. Elle, qui du reste avait commis d'autres crimes, fut egalement brulee, a I'age de cinquante ans, le dernier jour d'avril de I'annee 1578 Harvis. C'est le nom qu'on donne aux sor- ciers de I'Egypte moderne. (( De tout temps, dit M. Theodore Pavie, I'Egypte a eu des sorciers. Les devins qui lul- terent contre Moise firent tant de prodiges, qu'il fallut au legislateur des Hebreux la puissance invincible dont Jehovah I'avait doue pour triom- pher de ses ennemis. La cabalistique , la magie, ' M. Jules Garinet, Hist, de la magie en France, p. 133. 21. HAR — 3 ■2k — HAR les sciences occultes , imporlees par les Arabes en Espagne, puis dans toute I'Europe, ou deja elles avaient paru sous d'auLres formes a la suite des barbares venus d'Orient par le Nord, n'etaienl que des tentalives pour retrouver ces pouvoirs surnaturels, premier apanage de I'homme, alors qu'il commandait aux choses de la creation en les appelant du nom que la voix de I'Eternel leur avail impose. Desormais, soit que les lumieres de la verite, plus repandues, rendent moins faciles les experiences des sorciers degeneres, soit que rhomme en avangant dans les siecles perde peu a peu ce reste d'empire sur la matiere, qu'il cherche aujourd'hui a dompter par I'analyse des lois auxquelles elle obeit, toujours est-il que la magie est une science perdue ou consideree comme telle. L'Egypte cc,;cndant pretend en avoir conserve la tradition ; et les devins du Caire jouissent encore, sur les bords du Mil, d'une re- putation colossale. II ne s'agit pas pour eux pre- cisement de jeter des sorts , de predire des mal- heurs ; ils n'ont pas la seconde vue du Tyrol ou de I'Ecosse ; leur science consiste a evoquer, dans le creux de la main d'un enfant pris au liasard, telle personne eloignee dont le nom est prononce dans I'assemblee, el de la faire depeindre par ce meme enfant, sans qu'il I'ait jamais vue, sous des trails impossibles a meconnailre. Le plus ce- lebre des harvis a eu I'honneur de travailler de- vant plusieurs voyageurs europeens , dont les ecrits onl ele lus avec avidite, el il a generale- menl assez bien reussi pour que sa gloire n'ait eu rien a souffrir de ces rencontres perilleuses. Voir cet homme, assister a une seance de magie, juger par mes propres yeux de I'etat de la sor- cellerie en Orient, ces Irois desirs me lenlaient violemmenl : I'occasion s'en presenla. » C'etail au Caire, dans une des hotelleries de cette capitale de I'Egyple. A la suite de quelques discussions qui s'etaient elevees entre nous au sujet du grand harvi, il fut unanimemenl resolu de le faire appeler. La table etail presque loule composee d' Anglais. Vers la lin du diner, le sor- cier arriva. 11 entre, fait un leger signe de tele, et va s'asseoir au coin du divan, dans le fond du salon. Bienlol, apres avoir acceple le cafe et la pipe, comme chose due a son importance, il se recueille, tout en parcourant I'assemblee d'un regard scrulateur. Le devin est ne a Alger; sa physionomie n'a rien de gracieux, son oeil est perqant et peu ouvert ; sa barbe grisonnante laisse voir une bouche petite, a levres minces et serrees; ses traits, plus fins que ceux d'un Egyp- tien, n'ont pas non plus le calme impassible et sauvage du Bedouin; il est grand, fier, dedai- gneux, et se pose en homme superieur. Tandis que nous achevions de fumer, celui-ci son chi- bouk, celui-la son narguile , le harvi, immobile dans son coin, cherchait a lire sur nos visages le d"gre de croyance que nous etions disposes a lui accorder ; puis tout a coup il lira de sa poche un calam (sorte de plume) etde I'encre, demaada un rechaud, et se mil a ecrire ligne a ligne, sur un long morceau de papier, de mysterieuses sen- tences. Des qu'il eut jete dans le feu quelques- i unes de ces lignes, dechirees successivement, le i charme commencant a operer, un enfant fut in- Iroduil. C'etail un Nubien de sept a huit ans, esclave au service de I'un de nos convives , re- cemment arrive de son pays, noir comme I'encre du harvi, el affuble du plus simple costume lure. L'Alj^rion ct son Nubieii. Le sorcier prit la main de I'enfanl, y laissa tom- ber une goutte du liquide magique, I'etenditavec sa plume de roseau , et abaissant la lete du pa- tient sur ses doigts, de maniere qu'il ne put rien voir, il le plaga dans un coin de I'apparle- ment, pres de lui, le dos tourne a I'assemblee. — Lady K... ! s'ecria le plus impetueux des spectaleurs. — Et I'enfanl, apres avoir hesile quelques instants, prit la parole d'une voix faible. — One vois-tu ? lui denianda son mailre, tandis que le harvi, de plus en plus serieux, marmollait des vers magiques , tout en brulant ses papiers, dont il lira une grande poignee de dessous sa robe. — Je vois, repondil le petit Nubien; je vois des bannieres, des mosquees, des chevaux, des cavaliers, des musiciens, des chameaux... — Toutes choses qui n'ont rien a faire avec Lady K..., me dit lout bas un esprit fort. — S/mif la ib ! S/ionf ta ib ! regarde bien ! criail le spectateur qui voulail evoquer lady K... L'en- fant se taisail, balbuliail; puis il declara qu'il voyail une personne. — Est-ce une dame, un monsieur ? — Une dame ! — Le harvi s'apergut a nos regards qu'il avail deja convert! a moitie les plus incredules.—El comment est celte dame? — Elle est belle, reprit I'enfant, bien vetue et bien blanche ; elle a un bouquet a la main ; elle est pres d'un balcon, el regarde un beau jardin. — On dirait que ce negrilion a vu quelquefois les portraits de Lawrence, dit le mailre de I'es- HAR — 325 — HAR clave a son voisin; il a devine juste, et pourtant jjamais riei) de semblable ne s'est presente a ses iyeiix. — Et puis , reprit I'enfant apres quelques ^econdes, car il parlait lentement et par mots ^ntrecoupes, cette belle dame a trots jambes! L'effort que fit le harvi pour ne pas aneantir le pegrillon d'un coup de poing se trabit par un pourire force. II lui repeta avec une douceur con- - jtrainte, une grace pleine de rage: — Shonf ta \h! regarde bien ! L'enfant trerablait ; toutelbis il iffirma que le personnage evoque dans le creux Je sa main avait trois jambes. )) Aucun de nous ne put se rendre compte de 'illusion; mais on fit retirer le petit negre , qui lit remplace par un autre en tout semblable. i)urant cette interruption, le sorcier avait mar- notte bon nombre de phrases magiques et brule orce papiers. L'assemblee fumait, le cafe circu- ait sans cesse : I'animation allait croissant. On onvint d'evoquer cette fois sir F. S... , facile a econnaitre, puisqu'il a perdu un bras. Le nou- 'eau negrillon prit la place du premier, abaissa le meme sa tete sur la goutte d'encre, et Ton fit ilence. — Sir F. S... ! dit une voix dans I'as- ;emblee, et l'enfant repeta, syllabe par syllabe, ;e nom tout a fait barbare pour lui. Ainsi que son )redecesseur , il declara voir des chevaux , des hameaux, des bannieres et des troupes de mu- ;iciens : c'est le prelude ordinaire, le chaos qui ;e debrouille avant que la lumiere magique de la ^oulte d'encre eclaire le personnage demande. .e harvi ne comprend ni le frangais, ni I'anglais, ^\ I'italien ; mais, habitue a lire dans les regards lu public, il devina qu'on lui proposait un sujct narque par quelque signe particulier. Jadis on iii avait demanddde faire paraitre Nelson, a qui, omme chacun sait , il manquait un bras et une ainbe, et il avait rencontre juste, grace a la i:elebrite du heros. Cette fois, il eut vent de j^iielque tour de ce genre; aussi, apres bien des reponses confuses, I'enfant s'ecria : — Je \'ois un monsieur ! c'est un Chretien , il n'a pas Je turban: son habit est vert Je ne vols iqu'un bras! A ces mots, nous echangeames pn sourire, comme des gens qui s'avouent vain- icus : il fallait croire a la magie... Mais mon voisin I'esprit fort , apres avoir fait bouillonner I'eau de son narguile avec un bruit effroyable , regarda le harvi. Je remarquai que notre pensee javait ete mal interpretee par le devin, et qu'il Ichancelait dans son affirmation, supposant que jnous avions ri de pitie. II demanda done a I'en- {fant: — Tu ne vois qu'un bras? Et I'autre? L'enfant ne repondit pas , et il se fit un grand isilence. On entendit les petits papiers s'enflam- mer pins vivement sur le rechaud. — L'autre jbras, reprit le negrillon... je le vois: ce mon- sieur le met devant son dos, et il tient un gant de cette main !.,. » Ainsi le harvi qui opera devant M. Th. Pavie ne fut pas heureux ou ne fut pas adroit'. M. Leon de Laborde avait ete plus favorise ; car voici un fragment curieux qu'il a publie en 1833 dans la Revue des deux mondes, et qu'on retrouve dans ses Commentaires geographiques sur la Genese. « L'Orient, cet antique pays, ce vieux ber- ceau de tons les arts et de toutes les sciences, fut aussi et de tout temps le domaine du savoir occulte et des secrets puissants qui frappent I'ima- gination des peuples. J'etais etabli au Caire de- puis plusieurs mois (1827), quand je fus averti un matin par lord Prudhoe qu'un Algerien^ sor- cier de son metier, devait venir chez lui pour lui montrer un tour de magie qu'on disait extraor- dinaire. Bien que j'eusse alors peu de confiance dans la magie orientale, j'acceptai I'invitation ; c'etait d'ailleurs une occasion de me trouver en compagnie fort agreable. Lord Prudhoe me regut avec sa bonte ordinaire et cette humeur enjouee qu'il avait su conserver au milieu de ses connais- sances si varices et de ses recherches assidues dans les contrees les plus difficiles a parcourir. Un homme grand et beau, portant turban vert et benisch de meme couleur, entra : c'etait I'Al- gerien. 11 laissa ses souliers sur le bout du tapis, alia s'asseoir sur un divan et nous salua tous, a tour de role, de la formule en usage en Egypte. 11 avait une physionomie douce et affable, un regard vif, pergant, je dirai meme accablant, et qu'il semblait eviter de fixer, dirigeant ses yeux a droite et a gauche plutot que sur la personne a laquelle il parlait; du reste, n'ayant rien de ces airs etranges qui denotent des talents surnaturels et le metier de magicien. Habille comme les ecri- vains ou les hommes de loi, il parlait fort sim- plement de toutes choses et meme de sa science , sans emphase ni mystere , - surloul de ses expe- riences , qu'il faisait ainsi en public et qui sem- blaient a ses yeux plutot un jeu, a cote de ses autres secrets qu'il ne faisait qu'indiquer dans la conversation. On lui apporta la pipe et le cafe, et pendant qu'il parlait, on fit venir deux enfants sur lesquels il devait operer. )) Le spectacle alors commenga. Toule la so- ciete se rangea en cercle autour de I'Algerien, qui fit asseoir un des enfants pres de lui, lui prit la main et sembla le regarder attentivement. Cet enfant, fils d'un Europeen, etait age de onze ans et parlait parfaiLement I'arabe. Achmed, voyant son inquietude au moment ou il tirait de son ecritoire sa plume de jonc, lui dit : — N'aie pas peur, enfant, je vais t'ecrire quelques mots dans la main , tu y regarderas, et voila tout. L'enfant se remit de sa frayeur, et I'Algerien lui traga dans la main un carre, entremele bizarrement de lettres et de chiffres, versa au milieu une encre epaisse et lui dit de chercher le reflet de 1 L'extrait qu'on vient de lire de M. Theodore Pavie a vu le jour en 1839. 2 Ce n'otait pas celui que vit plus tard M. Pavie. HAR — 326 — HAR son visage. L'enfant repondit qu'il le voyait. Le magicien deraanda un rechaud qui fut apporte siir-le-champ ; puis il deroula trois petits cornels de papier qui conlenaienl differents ingredients, qu'il jeta en proportion calculee sur le feu. II I'engagea de nouveau a chercher dans I'encre le reflet de ses yeux , a regarder bien altentive- ment, et a I'averlir des qu'il verrait paraitre un soldat lure balayant une place. L'enfant baissa la tele; les parfums petillerent au milieu des charbons : et le magicien, d'abord a voix basse, puis relevant davantage, prononca une kyrielle de mots dont a peine quelques-uns arriverent distinclemenl a nos oreilles. — Le silence elait profond ; l'enfant avail les yeux fixes sur sa main ; la fumees'eleva en larges ilocons, repandanl une odeur forte et aromalique. Achmed, impassible, semblait vouloir stimuler de sa voix, qui de douce devenait saccadee, une apparition trop tardive, quand tout a coup , jetant sa tele en arriere , pous- sant des cris et pleurant amerement, I'enfaul nous dil , a travers les sanglols qui le suffoquaient, qu'il ne voulait plus regarder, qu'il avail vu une figure affreuse; il semblait terrifie. L'Algerien n'en parut point etonne, il dil simplemenl : — Get enfant a eu peur, laissez-le; en le forgant, on pourrait lui frapper trop vivement Tiraagination. » On amena un petit Arabe au service de la mai- son el qui n'avail jamais vu ni rencontre le ma- gicien ; peu intimide de tout ce qui venait de se passer, il se prela gaiemenl aux preparatifs el fixa bientot ses regards dans le creux de sa main , sur le reflet de sa figure , qu'on apercevail meme de cole, vacillant dans I'encre. — Les parfums recommencerent a s'elancer en fumee epaisse, el les formules parlees en un chant monotone, se renforganl et diminuant par intervalles, sein- blaient devoir soutenir son attention : — Le voila, s'ecria-l-il , el nous remarquames I'emotion sou- daine avec laquelle il porta ses regards sur le centre des signes magiques. — Comment est-il habille? — II a une veste rouge brodee d'argent, un turban et des pislolets a sa ceiuture. — Que fait-il ? — 11 balaye une place devant une grande tente riche et belle ; elle est rayee de rouge et de vert avec des boules d'or en haul. — Regarde qui vienl a present? — C'est le sultan suivi de tout son monde. Oh ! que c'est beau !... El l'en- fant regardait a droite el a gauche, comtne dans lesverresd'une optique dont on cherche aelendre I'espace. — Comment est son cheval ? — Blanc, avec des plumes sur la tele. — Et le sultan ? — II a une barbe noire, un benisch vert. » Ensuitel'Algerien nous dil : Maintenant, mes- sieurs, nommez la personne que vous desirez faire paraitre ; ayant soin seulemcnt do bien arti- culer les noms, afin qu'il ne puisse pas y avoir d'erreur. Nous nous regardames tous, et, comme toujours, dans ce moment personne ne retrouva un nom dans sa memoire. — Shakspeare, dit enfin le major Felix, compagnon de voyage de lord Prudhoe. — Ordonnez au soldat d'amener Shakspeare, dit I'Algerien. — Amene Shaks- peare ! cria l'enfant d'une voix de maitre. — Le voila ! ajouta-t-il apres le temps necessaire pour ecouler quelques-unes des formules inintelligibles du sorcier. Notre elonnement serait difficile a d6- crire, aussi bien que la fixite de notre attention aux reponses de l'enfant. — Comment est-il ? — II porte un benisch noir; il est tout habille de noir, il a une barbe. — Est-ce lui? nous demanda le magicien d'un air fort naturel, vous pouvez d'ailleurs vous informer de son pays , de son age. — Eh bien, ou est-il ne? dis-je. — Dans un pays tout entoure d'eau. Cette reponse nous elonna encore davantage. — Faites venir Cradock, ajouta lord Prudhoe avec cette impatience d'un homme qui craint de se fier trop facilement a une super- cherie. Le caouas (soldat lure) I'amena. — Com- ment est-il habille? — II a un habit rouge, sur sa tele un grand tarbousch noir, et quelles droles de bottes! je n'en ai jamais vu de pareilles : elles sont noires et lui viennenl par-dessus les jambes. » Toutes ces reponses dont on retrouvait la verile sous un embarras naturel d'expressions qu'il aurait ele impossible de feindre, etaient d'autant plus extraordinaires qu'elles indiquaient d'une maniere evidente que l'enfant avait sous les yeux des choses entierement neuves pour lui. Ainsi, Shakspeare avait le petit manleau noir de I'epoque , qu'on appelail benisch , et l0(*l le costume de couleur noire qui ne pouvait se rap- porter qu'a un Europeen, puisque le noir ne se porte pas en Orient, et en y ajoutant une barbe que les Europeens ne portent pas avec le cos- tume franc, c'elait une nouveaute aux yeux de l'enfant. Le lieu de sa naissance , explique par un pays tout entoure d'eau , est a lui seul sur- prenant. Quant a I'apparilion de M. Cradock, qui elait alors en mission diplomatique pres du pacha , elle est encore plus singuliere ; car le grand tarbousch noir, qui est le chapeau mill- 1 taire a trois cornes, et ces bottes noires qui se i portent par-dessus la culotte, etaient des choses ■ que l'enfant avouait n'avoir jamais vues aupara- j vant ; et pourtanl elles lui apparaissaienl. ' » Nous fimes encore apparaitre plusieurs per- j sonnes; et chaque reponse, au milieu de son i irregularite, nous laissait toujours une profonde impression. Enfin le magicien nous avertit que i l'enfant se fatiguait; il lui releva la tele, en lui appliquant ses pouces sur les yeux et en pronon- gant des paroles mysterieuses ; puis il le laissa. L'enfant elait comme ivre : ses yeux n'avaieht point une direction fixe , son front elait convert de sueur ; tout son etre semblait violemment at- laque. Cependant il se remit peu a peu, devint gai , content de ce qu'il avait vu ; il se plaisait a le raconter , a en rappeier toutes les circon- HAR — 327 HAS stances, ety ajoutaitdes details commea un evene- meiit qui se serait reellement passe sous ses yeiix. » Mon etonoement avait siirpasse mon at- tente; mais j'y joignais line apprehension plus grande encore ; je craignais une mystification, el je rfeolus d'examiner par moi-meme ce qui , dans ces apparitions, en apparence si reelles et cerlainement si faciles a obtenir, appartenait an metier de charlatan, et ce qui pouvait resulter d'une influence magnetique quelconque. Je me retirai dans le fond de la chambre, et j'appelai Bellier, mon drogman. Je lui dis de prendre a part Achmed et de lui demander si , pour une somme d'argent, qu'il fixerait, il voulait mede- voiler son secret ; a la condition , bien entendu , que je m'engagerais a le tenir cache de son vi- vant. — Le spectacle termine , Achmed , tout en fumant , s'etait mis a causer avec quelques-uns des spectateurs, encore surpris de son talent; puis apres il partit. J'etais a peine seul avec Bel- lier, que je m'informai de la reponse qu'il avait obtenue. Achmed lui avait dit qu'il consentait a m'apprendre son secret. )> Le lendemain nous arrivames a la grande mosquee El-Ahzar, pres de laquelle demeurait Achmed I'Algerien. Le magicien nous regut po- liment et avec une gaiete affable-; un enfant jouait pres de lui : c'etait son fils. Peu d'instants apres, un petit noir d'une bizarre tournure nous ap- porta les pipes. La conversation s'engagea. Achmed nous apprit qu'il tenait sa science de deux cheicks celebres de son pays' el ajouta qu'il ne nous avait raontre que bien peu de ce qu'il pouvait faire. — Je puis, dit-il, endormir quelqu'un sur-le-champ , le faire tomber, rouler, entrer en rage , et au milieu de ses acces le for- cer de repondre a mes demandes et de me de- voiler tons ses secrets. Quand je le veux aussi, je fais asseoir la personne sur un tabouret isole , et , tournant autour avec des gestes particuliers , je Tenders immediatement ; mais elle reste les yeux ou verts, parle et gesticule comme dans I'etat de veille. » Nous reglames nos conditions; il demanda quarante piastres d'Espagne et le serment sur le Koran de ne reveler ce secret a personne. La somme fut reduite a trenle piastres; et le ser- ment fait ou plulot chante , il fit raonter son petit garQon et prepara , pendant que nous fu- mions , tons les ingredients necessaires a son operation. Apres avoir coupe dans un grand rou- leau un petit morceau de papier, il traca dessus les signes a dessiner dans la main et les lettres qui y ont rapport; puis, apres un moment d'he- sitation, il me le donna. J'ecrivis la priere que voici sous sa dictee : « Anzilou-Aiouha-el-Djenni- Aiouha-el-Djennoun-Anzilou-Bettakki-Matalahou- touhou-Aleikoum-Taricki-Anzilou-Taricky. » — Les trois parfums sont : « Takeh-Mabachi , — Ambar-Indi. — Kousombra-Djaou. » » L'Algerien opera sur son enfant devant moi. Ce petit garcon en avait une telle habitude que les apparitions se succMaient sans difficulte. II nous raconta des choses fort extraordinaires , et dans lesquelles on remarquait une originalite qui otait toute crainte de supercherie. J'operai le lendemain devant Achmed avec beaucoup de succes , et avec toute I'eraotion que pent donner le pouvoir etrange qu'il venait de me comrau- niquer. A Alexandrie je fis de nouvelles expe- riences , pensant bien qu'avec cette distance je ne pourrais avoir de doute sur I'absence d'intel- ligence entre le magicien et les enfants que j'em- ployais, et, pour en etre encore plus sur, je les allai chercher dans les quartiers les plus recules ou sur les routes, au moment oii ils arrivaient de la campagne. J'obtins des revelations surpre- nantes , qui toutes avaient un caractere d'origi- nalite encore plus extraordinaire que ne I'eut ^te celui d'une verite abstraite. Une fois entre autres, je fis apparaitre lord Prudhoe, qui etaitau Caire, et I'enfant, dans la description de son costume, se mit a dire : — Tiens , c'est fort drole , il a un sabre d'argent. Or, lord Prudhoe etait le seul peut-etre en Egypte qui portat un sabre avec un fourreau de ce metal. De retour au Caire, je sus qu'on pariait deja de ma science, et un matin, a mon grand etonnement, les domestiques de M. Msarra, drogman du consulat de France, vin- rent chez moi pour me prier de leur faire re- trouver un manteau qui avait ete vole a I'un d'eux. Je ne commengai cette operation qu'avec une certaine crainte. J'etais aussi inquiet des re- ponses de I'enfant que les Arabes qui atten- daient le recouvrement de leur bien. Pour comble de malheur, le caouas ne voulait pas paraitre, malgre force parfums que je precipitais dans le feu, et les violentes aspirations de mes invoca- tions aux genies les plus favorables ; enfin il ar- riva et, apres les preliminaires necessaires, nous evoquames le voleur. II parut. II fallait voir les teles tendues, les bouches ouvertes, les yeux fixes de mes spectateurs, attendant la reponse de I'ora- cle, qui en effet nous donna une description de sa figure, de son turban, de sa barbe : — C'est Ibrahim , oui , c'est lui , bien sur ! — s'^cria-t-on de tons cotes; et je vis que je n'avais plus qu'a appuyer mes pouces sur les yeux de mon patient, car ils m'avaient tons quilte pour courir apres Ibrahim. Je souhaite qu'il ait ete coupable, car j'ai entendu vaguement parler de quelques coups de baton qu'il regut a cette occasion.... » Hasard. Le hasard , que les pa'iens appelaient la Fortune, a toujours eu un culte etendu, quoi- qu'il ne soit rien par lui-meme. Les joueurs, les guerriers.les coureursd'aventures, ceux qui cher- chent la fortune dans les roues de la loterie, dans I'ordre des cartes, dans la chute des des, dans un tour de roulette, ne soupirent qu'apres le hasard! Qu'est-ce done que le hasard? Un ev6- HAS — 328 — HEC neinenl fortuit amene par I'occasion on par des causes qu'on n'a pas sii prevoir, heiireux pour les uns, malheureux pour les anlres. » Un Alle- mand saulant en la ville d'Agen sur le gravier, I'an 1597, au saut de I'Allemand, mourut tout roide au troisieme sauL Admirez le liasard, la Hasparius-Eubedi. Saint Augustin cite cet hoirime de son diocese coninfie ayant eu sa niaison infeslee par les esprits inalins. Un pretre qu'il envoya i'en delivra *. Hatchy. I'oij. HnAcmcii. Hatton II, surnomme Bonose, usurpateur du siege archiepiscopal de Mayence ; il vivait en 107/|. 11 avail refuse de nourrir les pauvres dans un temps de famine, el avail meme fait bruler une grange pleine de gens qui lui deman- daienl du pain : il peril miserablement. On rap- porte que eel inlrus, elant tombe malade dans une tour qui est situee en une pelite ile sur les bords du Rhin, y avail ete visile de tant de rats, qu'il fut impossible de les chasser. II se fit trans- porter ailleurs, dans I'espoir d'en etre delivre, mais les rats, s'etant multiplies, le suivirent a la nage, le joignirent el le devorerent. Poppiel II, roi de Pologne, souille de crimes, fut pareillement d^vore par les rats. * La Cite de Dieu, liv. XXII, ch. viii. bizarrerie el la rencontre du nom, du saul eldu sauteur, dit gravement Delancre : Un Allemand saute au saut de I' Allemand , et la mort , an troi- sieme saut, lui fait f aire le saut de la mort... » On voilqa'au seizieme siecle meme on trouvait aussi des hasards merveilleux dans les jeux de mots. 1 » V Haussy (Marie de) , sorcierc du seizieme sie- cle , qu'une autre sorciere declara dans sa con- fession avoir vue danser au sabbal avec un sor- cier de la paroisse de Faks, leqnel adorait le dial)le Hecate, diablesse qui preside aux rues et aux carrefours. Eile est chargee, aux enfers, de la police des cliemins el de la voie publique. Elle a trois visages : le droit de cbeval, le gauche de chien , le miloyen de femme. Delrio dit : « Sa presence fait trembler la terre, eclaler les fenx el aboyer les chiens. ;> Hecate, chez les anciens, etait aussi la triple Hecate : Diane sur la terre, Proserpine aux enfers, la lune dans le ciel . Ce sont, au dire des aslronomes, les trois phases de la lune. Hecatonchires. Ce sonl les geants marins qui se revolterenl conlre Jupiter avec les Tilans. lis doivent leur nom a celle circonstance qu'ils avaient cent bras el cinquante letes. 1 Delancre, Tableau de V inconslance des demons, p. 44. Le HasarJ ou li Forlime. Etc 329 HEL Hecla. Les Islandais prelendaient autrefois que I'enfer etait dans leur ile, et ils le placaient dans le goufre du mont Hecla. lis croyaient aussi que le bruit produit par les glaces, quand elles se choquentet s'amoncellent sur leurs rivages, vient des cris des damncs tourmenles par un froid excessif, et qu'il y a des ames condamnees a geler eternellement , comme il y en a qui bru- lent dans des feux eternels. Cardan dit que cette raontagne est celebre par I'apparition des spectres et des esprits. II pense avec Leloyer ' que c'est dans celte monlagne de I'Hecla que les ames des sorc'ers sont punies apres leur mort. Hecdekin ou Hodeken. En I'annee 1130, un demon que les Saxons appelaient Hecdekin ou Hodeken, c'est-a-dire V esprit an bonnet, a cause du bonnet dont il etait coiffe , vint passer quel- ques mois dans la ville d'Hildesheim , en basse Saxe. L'eveque d'Hildesheim en etait aussi le souverain. En raison de ces deux litres, le de- mon crut devoir s'attacher a sa maison. 11 se posta done dans le palais et s'y tit bientot con- naitre avantageusement, soil en se montrant avec complaisance a ceux qui avaient besoin de lui, soit en disparaissant avec prudence lorsqu'il de- venait imporlun, soit en faisant des choses re- marquables et difficiles. — II donnait de bons conseils dans les affaires diplomatiques , portait de I'eau a la cuisine et servait les cuisiniers. La chose s'est passee dans le douzieme siecle : les moeurs 6laient alors plus simples qu'aujourd'hui. 11 frdquentait done la cuisine et le salon ; et les marmitons, le voyant de jour en jour plus familier, se divertissaient en sa compagnie. — Mais un soir un d'eux se porta centre lui aux injures, quelques-uns disent meme aux voies de fait. Le demon en colere s'alla plaindreau maitre d'hotel, de qui il ne recut aucune satisfaction; alors il crut pouvoir se venger. 11 etouffa le mar- miton, en assomma quelques autres, rossa le maitre d'hotel , et sortit de la maison pour n'y plus reparaitre ^ Hehugaste, sylphide qui se familiarisait avec I'empereur Auguste. Les cabalistes disent qu'Ovide fut relegue a Tomes pour avoir surpris Auguste en tete-a-tete avec elle; que la sylphide fut si piquee de ce que ce prince n'avait pas donne. d'assez bons ordres pour qu'on ne la vit point, qu'elle I'abandonna pour toujours Hekacontalithos. Pierre qui en renferiyie soixante autres diverses, que les troglodytes of- fraient au diable dans leurs sorcelleries Hela, fdle d'Angerbode et reine des trepasses chez les anciens Germains. Son gosier, toujours 1 Hisloire des spectres, p. 519. 2 Trith^me, Chronique d'Hirsauge. 3 Lettres cabal i stiques , t. \", p. 64. ^ Delancre, Tabl. de I'inconstance des demons, etc. . p. 18. ouvert, ne se remplissait jamais. Elle avait le meme nom que I'enfer. La mythologie scandi- nave donne le pouvoir de la mort a Hela, qui gouverne les neuf mondes du Niflheim. Ce nom signifie mystere, seci'et, abime. Selon la croyance populaire des paysans de Tantique Cimbrie, Hela repand au loin la peste et laisse tomber tous les ileaux de ses terribles mains en voyageant la nuit sur le cheval a trois pieds de I'enfer (Hel- hest). Hela et les loups de la guerre ont long- temps exerce leur empire en Normandie. Cepen- dant, lorsque les hommes (hi Nord de Hastings devinrent les Normands de Rollon, ils semblent n'avoir pas perdu le souvenir de leurs vieilles su- perstitions aussi rapidement que celui de leur langue niaternelle. D'Hela naquit Hellequin, nom dans Ie([uel il est facile de reconnaitre Hela- Kion, la race d'Hela deguisee sous I'orthographe romaine. Ce fut le tils d'Hela que Richard Sans peur, (ils de Robeit le Diable, due de Normandie, rencontra chassant dans la foret. Le roman ra- conte qu'Hellequin etait un cavalier qui avait depense toute sa fortune dans les guerres de Charles -Martel contre les Sarasins pai'ens. La guerre (inie, Hellequin et ses fils, n'ayant plus de quoi soutenir leur rang, se jeterent dans de mauvaises voies. Devenus de vrais bandits, ils n'epargnaient rien ; leurs viclimes demanderent vengeance au ciel , et leurs cris furent entendus. Hellequin tomba malade et mourut; ses peches I'avaient mis en danger de damnation eternelle : heureusement ses merites comme champion de la foi contre les paiens lui servirent. Son bon ange plaida pour lui, et obtintqu'en expiation de ses derniers crimes, la famille d'Hellequin erre- rait apres sa mort , gemissante et malheureuse, tantot dans une foret, tantot dans une autre, n'ayant d'autres distractions que la chasse au sanglier, m.ais souvent poursuivie elle-meme par une meute d'enfer , punition qui durera jusqu'au jugement dernier. Helene ou Oleine, reine des Adiabenites, dont le tombeau se voyait a Jerusalem, non sans artifice, car on ne pouvait I'ouvrir et le fermer qu'a certain jour de I'annee. Si on I'essayait dans un autre temps , tout etait rompu ^ Helene ou Selene, compagne mysterieuse de Simon le magicien ^ Heleneion, plante que Pline fait naitre des larmes d'Helene aupres du chene ou elle fut pendue , et qui avait la verlu d'embellir les fem- mes et de rendre gais ceux qui en mettaient dans leur vin. Helgafell, montagne et canton d'Islande, qui a joui longtemps d'une grande reputation dans 1 Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des esprits, p. 61. Voyez sur cette reine les Legendes du Nouveau Testament. ~ Voyez, dans les Legendes infernales, celle de Simon le magicien. HEL — 330 — HEN I'esprit des Islandais. Lorsque des parties plai- daient sur des objels doiileux, etqu'elles nepou- vaient s'accorder, elles s'en allaient a Helgafell pour y prendre conseil : on s'imaginait que tout ce qui s'y decidait devait avoir una pleine reus- site. Certaines families avaientaussi la persuasion qu'apres leur mort elles devaient revenir habiter ce canton. La montagne passait pour un lieu saint. Personne n'osait la regarder qu'il ne se fut lave le visage et les mains. Helhest , cheval a trois pieds de I'enfer. I'oy. Hela. Helias. « Apparition admirable et prodigieuse arrivee a Jean Helias, le premier jour de I'an 1623, au faubourg Saint-Germain a Paris. » — Cast un gentilhomme qui conta ' : « Etant alia le di- mancha, premier jour de I'annee 1623, sur les quatre heures apres midi a Notra-Dame, pour parler aM. le grand penitencier sur la conversion de Jean Helias, men laquais, ayant decide d'une heure pour le faire instruire, parce qu'il quittait son heresie pour embrasser la vraie religion, je m'en fus passer le raste du jour cbez M. de Sainte-Foi, docteur an Sorbonne, et me retirai sur las six heures. Lorsque je rentrai, j'appalai mon laquais avant da monter dans ma chambre; il ne me repondit point. Je demandai s'il n'etait pas a I'ecurie ; on ne m'en sut rien dire. Ja mon- tai, eclaire d'une servante; ja trouvai les deux portes fermees, les clefs sur les serrures. En entrant dans la premiere chambre, j'appelai en- core mon laquais, qui ne repondit point; je le trouvai a demi couche aupres du feu , la teta ap- puyea contre la rauraille, las yaux at la bouche ouverts; je crus qu'il avail du vin dans la teta; at, le poussantdu pied, je luidis: — Lavez-vous, ivrogne! — Lui, tournant las yeux sur moi : — Monsieur, me dit-il , ja suis perdu; je suis mort; le diable tout a I'haure voulait m'emporter. — II poursuivit qu'etant entre dans la chambre, ayant ferme les portes sur lui et allame la feu, il s'assit aupres , tira son chapelat da sa pocha et vit tomber de la cheminee un gros charbon ardent entre les chenets. Aussitot on lui dit : — Eh bien, vous voulez done me quitter? — Croyant d'abord que c'etait moi qui parlais, il repondit : — Par- donnez-moi, monsieur, qui vous a dit cela? — Je I'ai bien vu , dit le diable ; vous etes alle tantot a I'eglise. Pourquoi voulez-vous me quitter? je suis bon maitre; tenez, voilade I'argent ; prenez- en tant qu'il vous plaira. — Ja n'en veux point, repondit Helias. Le diable , voyant qu'il rafusait son argent, voulut lui faire donner son chapelet. — Donnez-moi ces grains que vous avez dans la main , dit-il , on bien jeiez-les au fau. Mon la- quais repondit : — Dieu ne commande point cela; ja ne veux pas vous obeir. Alors le diable se montra a lui ; at voyant qu'il etait tout noir , He- 1 Recueil de dissertations de Lenglet-Dufresnoy, t. II, p. 459. lias lui dit : — Vous n'etes pas mon maitre, car il porta une fraisa blanche et du clinquant a ses habits. Au mama instant, il fit le signe de la croix et le diable incontinent disparut... » Etait-ce une hallucination? Heliodore, magicien qui se donna au demon et que quelques-uns croiant etre le meme que Diodore; il fit a Catane des prodiges qua la Si- cile raconte encore. On le compare a Simon le magicien , a Virgile et aux plus celebres enchan- teurs. Comma Faust etait servi par Mephisto- pheles, Heliodore etait servi par un autre demon nomme Gaspard. II faisait accepter des pierres pour da I'or. II voyageait sur un cheval qui etait un demon. II fascinait ceux qui voulaiant I'arretar an prenant une figure et des formes qui n'etaient pas las siennes. On lit dans la vie de saint Leon, tradiiite du grec en 1826, qu'un jour I'impudent magicien, entrant dans la basilique ou saint Leon celebrait las saints mysteras , annonga que , par son charme, il allait le faire danser avec tons ses pretres. Mais le saint descendit de I'autel , le lia de son etole et le conduisit a un biicher prepare, ou il resta avec lui jusqu'a ce que cet homme vendu au diable fut reduit en candras. Heliogabale, empereur de Rome ; il s'occupait de necromancie , quoiqu'il meprisat toute reli- gion. Bodin assure qu'il allait au sabbat et qu'il y adorait le diable. Heliotrope. On donnait ce nom a une pierre precieuse, verte et tachetee ou vainee de rouge, alaquellelesanciensontattribue un grand nombre de vertus fabuleusas, comme de rendre invisibles ceux qui la portaient. L'heliotrope, plante qui suit, dit-on, le cours du soleil, a ete aussi I'objet de plusieurs contes populaires. Hellequin, fils d'Hela. Pour sa legende, voy. IIkla. Helsingeland, contree de la Suede qui a une femme blanche. On dit qu'elle ne fait que du bien. On I'appelle la dame de I'Helsingeland \ Hennisseur (Le),lutin flamand, ainsi nomme a cause de son cri qui est celui d'un cheval en hilarile. Henoch. Les rabbins croient qu'Henoch, trans- ports au ciel, fut requ au nombre des anges, et que c'est lui qui est connu sous les noms de Me- traton et de Michel, I'un des premiers princes du ciel , lequel tient registre des merites et des pe- ches des Israelites. lis ajoutent qu'il aut Dieu et Adam pour maitres. Saint Jude, dans son Epitre, parlant de plusieurs Chretiens mal convartis, dit (( C'est d'eux qu'Henoch , qui a ete le saptieme depuis Adam , a prophetise en ces termes : — Voila le seigneur qui va venir avec la multitude de ses saints pour exercer son jugement sur tons les hommes, et pour convaincre tons les impies. » 1 Voyez HodMdis, dans les Legendes des esprits et demons. HEN — 331 — HEN Le Livre d'Hinoch, tel que nous I'avons, passe pour apocryphe et n'est probablement pas celui que cite saint Jude. Henri III , fils de Catherine de Medicis ; il etait infatue de superstitions. Ses contemporains le representent comme sorcier. Dans un des pam- phlets qu'on repandit contre lui, on lui reproche d'avoir tenu au Louvre des ecoles de magie et d'avoir regu en present des raagiciens un es- prit familier nomme Terragon {voyez ce mot), du nombre des soixante esprits nourris a I'ecole de Sohman. Cette accusation de sorcellerie est, dit- on, ce'qui mit le poignard dans les mains de Jacques Clement. Les ennemis de ce mauvais prince avaient tente auparavant de le faire mourir en piquant ses images en cire , ce qui s'appelait envouter. Voici I'extrait d'un pamphlet intitule les Sor- cclleries de Henri de Valois et les oblations qu'il faisait au diable dans le hois de Vincennes, Didier- Millot, 1589, pamphlet qui parut quelques mois avant I'assassinat de Henri III : « Henri de "Valois, d'Epernon et les autres mignons faisaient quasi publiquement profession de sorcellerie, etant commune a la cour entre iceux et plusieurs per- sonnes devoyees de la religion catholique; on a trouve chez d'Epernon un coffre plein de papiers de sorcellerie, auxquels il y avait divers mots hebreux , chaldaiques , latins et plusieurs carac- teres inconnus, des rondeaux ou cernes, desquels alentour il y avait diverses figures et ecritures ; meme des miroirs, onguents ou drogues, avec des verges blanches, lesquels semblaient etre de coudrier, que Ton a incontinent brules pour I'hor- reur qu'on en avait. On a encore trouve dernie- rement au bois de Vincennes deux satyres d'ar- gent, de la hauteur de quatre pieds. lis etaient au-devant d'une croix d'or, au milieu de laquelle on avait enchasse du bois de la vraie croix de Notre Seigneur Jesus-Christ, Lespolitiquesdisent que c'etaient des chandeliers. Ce qui fait croire le contraire , c'est que dans ces vases, il n'y avait point d'aiguille qui passat pour y mettre un cierge ou une petite chandelle. Ces monstres diaboliques ont ete vus par messieurs de la ville. Outre ces deux diables, on a trouve une peau d'enfant, laquelle avait ete corroyee, et suricelle y avait aussi plusieurs mots de sorcellerie et di- vers caracteres... » Le fait est que les Valois s'occupaient de sciences occultes. On fit I'ana- gramme du nom de Henri III : Henri de Valois, oil Ton trouve Vilain Hirode. Henri III, empereur d'Allemagne. Elant en- core tres-jeune, Henri II! obtint d'un clerc une petite canule d'argent avec laquelle les enfants s'amusent a jeter de I'eau. Pour I'engager a lui faire ce modique present, il avait promis a ce clerc que , des qu'il serait monte sur le trone, il ne manquerait pas de le faire eveque. C'etait a ^ une epoque oi'i le saint-siege ne cessait de tra- vailler a eteindre la simonie , frequente surtout en Allemagne. Henri devint empereur en 1139; il se souvint de sa parole et I'executa. Maisil ne tarda guere a tomber dans une facheuse mala- die ; il fut trois jours a I'extremite sans aucun sentiment. Un faible mouvement du pouls fit juger seulement qu'il y avait encore quelque lueur d'esperance de le ramener a la vie. Le prince recouvra en effet la sante. Aussitot il fit appeler ce prelat, qu'il avait fait si precipitamment eve- que, et, de I'avis de son conseil , il le deposa. Afin de justifier un jugement aussi bizarre, il as- sura que, pendant les trois jours de sa lethargie, les demons se servaient de cette meme canule d'argent, qui avait ete le prix de I'eveche , pour lui souffler un feu si violent que notre feu ele- mentaire ne saurait lui etre compare. Ce fait singulier est rapporte par Guillaume de Malmes- bury, historien du douzieme siecle. Henri IV, empereur d'Allemagne, I'un des monstres de I'histoire. Excommunie, il eut une mort miserable*. Son fils, Henri V, marcha sur ses traces. Henri IV , roi d'Angleterre. II poursuivit les sorciers ; mais il encouragea d'autres philosophes. Au rapport d'Evelyn, dans ses Numismata, Henri IV fut reduit a un tel degre de besoin par ses folles depenses , qu'il chercha a remplir ses coffres avec les secours de I'alchimie. L'enregis- trement de ce singulier projet contient les pro- testations les plus solennelles et les plus serieuses de I'existence et des vertus de la pierre philoso- phale, avec des encouragements a ceux qui s'oc- cuperont de sa recherche , et leur affranchisse- ment de toute espece de contrarietes de la part des statuts et prohibitions anterieures. On avait predit a ce roi Henri IV qu'il mourrait a Jerusa- lem. II se garda bien d'y aller. Mais il tomba ma- lade subitement dans I'abbaye de Westminster et y mourut dans une chambre appelee Jerusalem. Henri VIII. Le Neron de I'Anglelerre servait le diable, aussi bien que Luther, Calvin et con- sorts. Henri IV , roi de France. On fit une recherche assez curieuse sur le nombre quatorze relative- ment a Henri IV. II naquit quatorze siecles, qua- torze decades , et quatorze ans apres I'ere chre- tienne. II vint au monde le li decembre et mourut le 14 mai. II a vecu quatre fois quatorze ans, quatorze semaines, quatorze jours. Enfin, dans son nom de Henri de Bourbon, il y a quatorze leltres. Henri le Lion. C'est le due Henri de Bruns- wick, qui partit a la croisade vers la fin du dou- zieme siecle, et fut jete en revenant dans une ile deserte, ou un lion s'attachaa lui. II y avait sept ans qu'il soupirait la apres sa patrie, lorsque le diable se presenta a ses regards, offrant de le ' Voyez a ce sujet les Legendes des croisades. HEP _ 332 — HER remettre dans son palais, s'il voiilait lui vendre Mais on ajoute qu'il disparut en 1195, emporte son ame , marche qii'il accepta. II fat done re- par la nieme voie qui Favait tire dii desert. — porte Chez lui en un clin d'neil , lui et son lion. C'est line calomnie, et le lion un conte*. Hepatoscopie ou Hieroscopie, divination qui avait lieu par I'inspection du foie des victimes dans les sacrifices, cliez les Romains. Quelques sorciers modernes cherchaient aussi I'avenirdans les entrailles des animaux. Ces animaux etaient ordinairement ou un chat, ou une taupe , ou un lezard, ou une chauve-souris, ou un crapaud, ou une poule noire. Voij. Aruspiges. Hera. C'est en Westphalie une bonne fee qui parcourt les airs entre Noel et I'Epiphanie, re- pandant sur la terre I'abondance el le bonheur. Heraide. Voij. Hermaphrodites. Herbadilla. Autrefois, 11 y avait a la place du lac de Grand-Lieu en Bretagne un vallon deli- cieux et fertile qu'ombrageait laforet de Vertou. Ce fut la que se refugierent les plus riches citoyens de Nantes, et qu'ils sauviVent leurs tresors de la rapacite des legions de Cesar. lis y batirent une cite qu'on nomma Herbadilla, a cause de la beauLe des prairies qui I'environnaient. Le commerce cenlupla leurs richesses ; mais en meme temps le luxe charria jusqu'au sein de leurs murs les vices des Romains. lis provoqueront le courroux Hera. du ciel. Un jour que saint Martin de Verton, fati- gue de ses courses apostoliques, se reposait pres ' Voyez cette aventiire dans les TJgendes infer- nales. HER 33 — HER d'Herbadilla, a I'oinbre d'un chene, une voix lui cria : Fidele confesseur de la foi, eloicjne-loi de la cite pecheresse. Saint Martin s'eloigne, et soudain jaillissent, avec un bruit affreiix , des eaiix jns- qu'alors inapercues, et qui faisaient eruption d'une caverne profonde. Le vallon ou s'elevait la Babylone des Bretons fut tout a coup submerge. A la surface de cetle onde sepulcrale vinrent aboutir par milliers des bulles d'air, derniers soupirs de ceux qui expiraient dans I'abiine. Pour perpetuerle souvenir du chatiment, Dieu permet que Ton entende encore au fond de cet abime les cloches de la ville engloutie, et que I'orage y vive familierement. Aupres est une ile au milieu de laquelle s'eleve une pierre en forme d'obe- lisque. Cette pierre ferme I'entree du gouffre qui a vomi les eaux du lac , et ce gouffre est la pri- son d'un geant formidable qui puusse d'horribles rugissements. C'est une legende. A quatre lieues de cet endroit, vers4'est, on trouve une grande pierre qu'on appelle la vieilk de Saint-Martin ; car il est bon de savoir que cette pierre, qui pour bonne raison garde figure hu- maine, fut jadis une femme veritable, laquelle, s'etant retournee malgre la defense en sortant de la ville d'Herbadilla, fut Iransformee en statue'. Voy. Is. Herbe de coq. Les habitants de Panama vantent beaucoup une herbe qu'ils appellent herbe de coq, et dont ils pretendent que I'appli- cation est capable de guerir sur-le-champ un poulet a qui Ton aurait coupe la tete, en respec- tant une seule vertebre du cou. Des voyageurs solliciterent en vain ceux qui faisaient ce recit de leur montrer Therbe ; ils ne purent I'obtenir, quoiqu'on leur assurat qu'elle etait commune : d'oili Ton doit conclure que ce n'est qu'un conte populaire ^. Herbe d'or. Voy. Baauas. Herbe maudite. Les paysans normands croient qu'il exisle une fleur qu'on appelle V/ierbe mau- dite : celui qui marche dessus ne cesse de tour- ner dans un.meme cercle, et il s'imagine qu'il continue son cherain, sans avancer d'un pas au dela du lieu oia I'herbe magique I'a enchaine. Herbe qui egare. II y a, dit-on aussi, dans le Pjerigord, une certaine herbe qu'on ne peut fou- ler sans s'egarer ensuite de maniere a ne plus retrouver son chemin. Cette herbe, qui n'est pas connue , se trouvait aboudamment aux environs du chateau de Lusignan, bati par Melusine ; ceux qui marchaient dessus erraient dans de longs circuits, s'efforgaient en vain de s'eloigner, et se retrouvaient dans I'enceinte redoutee jusqu'a ce qu'un guide preserve de I'enchantement les remit dans la bonne voie. ' M. de Marchangv, Tristan le voyagcur, t. 1, p. 1 13. - La Harpe, Hisioire abregee des voyages. Herbourt, famille de la grande Pologne dont on a cru (|ue les membres sont changes en oi- seaux lorsqu'ils meurent. Heresies. Celui qui etudiera un peu attentive- vement I'origine des diverses heresies recoii- naitra que tons les rebelles qui les ont fondees etaientevidemment possedes, d'une maniere plus ou moins patente, par quelqu'un de ces anges in- surges qui sont devenus les demons. Ajoutons qu'aucun de ces pervers n'a quitte ce monde par une mort douce. Herenberg (Jean - Christophe) , auteur de Pensecs p/iilosophiques et chritiennes sur les vani- ,pires, 1733. Hermaphrodites. Longtempsavant Antoinette Bourignon, qui soutint cette singuliere the.se au dix-septieme siecle , il s'etait eleve, sous le pon- tificat d'Innocent III, une secte de novateurs qui enseignait qu'Adam etait a sa naissance homme et femme tout a la fois. Pline assure qu'il existait en Afrique, au dela du desert de Zara, un peuple d'raidrogynes. — Les lois romaines mettaient les hermaphrodites au nombre des monstres, et les condamnaient a mort. Tite-Live et Eutrope rap- portent qu'il naquit aupres de Rome, sous le consulat de Claudius Neron, un enfant pourvu des deux sexes ; que le senat, effraye de ce prodige, decreta qu'il fallait le noyer. On enferma I'enfant dans un coffre ; on I'embarqua sur un batiment et on le jeta en pleine mer. Leloyer parle lon- guement d'une femme de Macedoine, nommee Heraide, qui se maria comme femme, et devint homme ensuite dans une absence de son mari. C'etait, dans les vieilles opinions, un hermaphro- dite. Mais on ne voit plus d'hermaphrodites au- jourd'hui. Les hermaphrodites, dans les contes plus anciens, avaient les deux sexes, deux tetes quatre bras et quatre pieds. Les dieux , dit Pla- ton, avaient d'abord forme Thomme avec deux corps et les deux sexes. Ces hommes doubles etaient d'une force si extraordinaire qu'ils reso- lurent de faire la guerre aux dieux. Jupiter irrite les parlagea pour les affaiblir ; et Apollon seconda le pere des dieux dans I'execution de ses volontes. Voy. POLYCRITE. Hermeline, demon familier qui s'appelait aussi Hermione et Hermelinde , et qui frequenta quarante ans Benedetto Berna, dont Frangois Pic de la Mirandole rapporte lui-meme I'histoire. (( Cet homme, dit-il, buvait, mangeait, parlait avec son demon, qui I'accompagnait partout sans qu'on le vit; de sorle que le vulgaire, ne pouvant comprendre le mysteredeceschoses, se persua- dait qu'il etait fou. » Le vulgaire n'avait peut- etre pas tort. Hermes. On vous dira qu'il a laisse beaucoup de livres merveilleux , qu'il a ecrit sur les demons et sur I'astrologie. C'est lui qui a decide que, comme il y a sept trous a la tete, il y a aussi sept planetes qui presidentaces trous, savoir : Saturne HER — 53k — HIB et Jupiter aux deux oreilles , Mars et Venus aux deux narines, le soleil et la lane aux deux yeux, et Mercure a la l)ouche. Hermialites ou Hermiens, disciples d'un heretique du deuxieme siecle, nomme Hermas ; ils honoraient I'Univers-Dieu, disant a la fois que ce monde est Dieu et que ce monde est I'enfer. Hermione. Voy. Hermeline. Hermolao Barbaro , savant du quinzieme siecle, qu'on accusa, selon Bodin, d'avoir invoque le diable pour obtenir I'intelligence de quelques passages difiiciles d'Aristote. Hermotime. On sait que Cardan et une foule d'autres se vantaient de faire voyager leur ame sans que le corps fut de la partie. L'ame d'Her- motime de Clazomene s'absentait de son corps lorsqu'il le voulait, parcourait les pays eloignes, et racontait a sonretourdes choses surprenanles. Apparennnent que Hermotime eut des ennemis. Un jour que son ame elait allee en course, et que son corps elait comme de coutume semblable a un cadavre , ses ennemis le brulerent et olerent ainsi a Fame le moyen de renlrer dans son etui. Mais, dans d'autres versions, Hermotime est un vampire. Voy. Huet. Herodiade. On dit en Catalogue que la dan- seuse homicide d'Herode , Finiame Salome , fille d'Herodiade, ayant longtemps couru le monde, se noya dans le Segre. lleuve qui passe a Lerida, et cause de temps en temps des devastations. Les bonnes femmes ajoutcnt qu'Herode y est enseveli avec elle. D'autres traditions noient Salome dans un lac glace sur lequel elle dansait; ce qu'ellc n'avait cesse de faire depuis son affreuse aventure. La glace se creva sous ses pieds, et, se refermanl pendant qu'elle s'enfoncait, lui tranclia la tele. Ce lac est en Suisse, et cette tete danse tou- jours. Mais peu de gens la peuvent voir. D'autres font noyer cette malheureuse dans le Rhone. Heron, ermite qui, apres avoir passe plus de cinquante ans dans les deserts de la Thebaide, se laissa persuader par le diable, sous la figure d'un ange, de se jeter dans un puits, attendu que, comme il etait en bonne grace avec Dieu, il ne se ferait point de mal. II ajouta foi, dit Le- loyer, aux paroles du diable, et, se precipitant d'un lieu eleve, dans la persuasion que les anges le soutiendraient, il tombadans le puits, d'oii on le retira disloque; il mourut trois jours apres*. Hertha , femme blanche honoree dans la Po- meranie, ou elle fait croitre Fherbe dans les prai- ries et remplit les greniers. Hervilliers (Jeanne). C'est la merae que Jeanne Harvilliers. Hese (Jeande), voyageurdu quinzieme siecle, qui a parcouru I'Asie et vu des merveilles, 1 Lenglet-Dufresnoy, Dissertations sur les appari- tions, t. I, p. '159, et Bodin, Demonomanie des sor- ciers, p. 279. hommes a tete de chien, poissons a face hu- maine , pygmees , sauvages qui n'ont qu'un oeil, etc. M. de Reiffenberg a donne une curieuse analyse de ce voyage singulier, dans le Recueil encyclojK' clique beige. Heure. I'oy. Minuit. Anges ou demons des heures. Voy. Pierre d'Apone. Hexagone, habitant de File de Chypre, qui vivait tres-bieu avec les serpents. II en donna la preuve en se faisant jeter dans une cuve pleine de serpents, lesquels, loin de lui faire aucun mal, I'enlacaient d'une maniere caressante el le le- chaient de leurs langues en lui faisant de bons ' yeux. Hibou, oiseau de mauvais augure. On le re- garde vulgairement comme le messager de la mort; et les personnes superstitieuses qui per- dent quelque parent ou quelque ami se ressou- viennent toujours d'avoir entendu le cri du hibou. Sa presence, selon Pline, presage la sterilite. Son oeuf, mange en omelette, guerit, dit-on, de I'ivrognerie. Get oiseau est mysterieux, parce qu'il recherche la solitude , qu'il hante les clochers, les tours et les cimetieres. On redoute son cri , parce qu'on ne I'entend que dans les tenebres; et, si on I'a vu quelquefois sur la maison d'un mourant, il y etait peut-elre attire par Fodeur cadavereuse, ou par le silence qui regnait dans cette maison. Un philosophe arabe, se promenant dans la campagne avec un de ses disciples, entendit une voix de- testable qui chantait un air plus detestable encore. — Les gens superstilieux, dit-il, pretendent que le chant du hibou annonce la mort d'un homme ; si cela etait vrai, le chant de cet homme annon- cerait la mort d'un hibou. Cependanl si le hibou est regarde comme un mauvais presage chez les HIE — 335 — HIP gens de la campagne , quand on le voit perche sur le haut d'une maison, il est aussi regarde comme d'un bon augure quand il vient se refu- gierdans un colombier. Les anciens Francs con- damnaient a una forte amende quiconque tuait ou volait le hibou qui s'etait refugie dans le co- lombier de son voisin ^ II y detruisait les souris et les rats ; et c'est une grande maladresse aux laboureurs de tuer le hibou. On ne peut passer sous silence ses vertus. Si Ton met son coeur avec son pied droit sur une personne endormie, elle dira aussitot ce qu'elle aura fait et repondra aux demandes qu'on lui adressera ; de plus, si on met les memes par- ties de cet oiseaii sous les aisselles, les chiens ne pourront aboyer apres la personne qui les por- tera; et enfm , si on pend son foie a un arbre, tous les oiseaux se rassembleront dessus^ Hierarchie. Agrippa disait qu'il y avail au- tant de mauvais anges que de bons, qu'il y en avait neuf hierarchies de bons et neuf de mau- vais. Wierus , son disciple , a fait I'inventaire de la monarchie de Satan, avec les noms et surnoms de soixante-douze princes et de plusieurs millions de diables, nombres fantastiques, qui ne sont ap- puyes sur d'autres raisons que sur la revelation de Satan meme. Voij. Cour infernale. Hieroglyphes. Les Egyptiens avaient beau- coup d'idees superstitieuses , s'il faut les juger par leurs hieroglyphes. Us expriment le sexe masculin par un vautour, dit un ancien, parce que tous les vautours sont femelles, et que le vent seul feconde leurs oeufs ; ils representaient le coeur par deux drachmes, parce que le coeur d'un enfant d'un an ne pese que deux gros. Une femme qui n'avait qu'un enfant, ils la figuraient par une lionne, parce que cet animal ne fait qu'un petit (du moins ils le croyaient de la sorte). lis indiquaient I'avortement par un cheval qui donne un coup de pied a un loup^ parce que, disaient-iis, une cavale avorte si elle marche sur les traces d'un loup etc. M. Champollion donne d'autres explications. Hieromnenon , pierre que les anciens em- ployaient dans leurs divinations, mais dont ils ne nous ont laisse aucune description. Hieroscopie. Voy. HiiPAToscopiE. Himmemberg , contree du paradis d'Odin. On y arrivait par un pont lumineux, qui est I'arc- en-ciel. Hipokindo , mot qui , prononce d'une certaine fagon, charme les serpents et les empeche de nuire. Paracelse en parle. Hipparchus. On lui attribue un ouvrage in- titule le Livre des esprits. Hippocrate, pere de la medecine. Les le- gendes du moyen age font de lui un grand ma- gicien, et lui pretent des aventures dans le genre 1 M. Salgues, Des erreurs et des prejuoes, etc., t. I, p. 439. 2 Des admirables secrets d' Albert le Grand, p. '107. 3 Brown , Essai sur les erreurs ponulaires, t. II , p. 69. de celles qu'elles attribuent a Virgile'. On met sous son nom un Traile des songes dont on re- cherche les editions accompagnees des Commen- taires de Jules-Cesar Scaliger; in-8°, Gnesne, 1610 ; et un autre livre intitule les Aspects des etoiles. Hippogriffe, animal fabuleux , compose du cheval et du griffon , que I'Arioste et les autres romanciers donnent quelquefois pour monture aux heros des romans de chevalerie. Hippomane, excroissance charnue que les poulains apportent a la tete en naissant , et que la mere mange aussitot. Les anciens donnaient le nom d'Aipj90»i«ne a certains philtres, parce qu'on pretend qu'il y entrait de cette excroissance. Hippomane est aussi le nom d'une herbe qui fait entrer les chevaux en fureur lorsqu'ils la broutent ^— On raconte qu'une cavale de bronze, placee aupres du temple de Jupiter Olympien, faisait hennir les chevaux comme si elle eut ete 1 Voyez ces legendes, dans les Legendes infernales. 2 Manuel lexique de I'abbe Prevost. HIP — 336 — HOC vivanle, vertu qui lui elait communiquee par I'hippomane qu'on avail melee avec le cuivre en la fondant. I'oy. Philtres. Hippomancie, divination des Celtes. lis for- maient leurs pronostics sur le hennissement et le tremoussenient de certains chevaux blancs, nourris aux depens du public dans des forels consacrees , ou ils n'avaient d'autre convert que les arbres. On lesfaisait marcher immediatenienl apres le char sacre. Le pretre et le roi ou chef du canton observaienl tous leurs mouvements, et en tiraient des augures auxquels ils donnaient une ferme coniiance , persuades que ces animaux etaient confidenls du secret des dieux , landis qu'ils n'etaient eux-memes que leurs ministres. Les Saxons tiraient aussi des pronostics d'un cheval sacre, nourri dans le temple de leurs dieux , et qu'ils en faisaient sortir avant de de- clarer la guerre a leurs ennemis. Quand Ic cheval avanqait le pied droit, I'augure etait favorable; sinon, le presage etait mauvais, et ils renon- caient a leur entreprise. Hippomyrmeces, peuple imaginaire, place par Lucicn dans le globe du soleil. C'etaient des hommes montes sur desfourmis ailees, qui cou- vraienl deux arpenls de leur ombre, et qui com- battaient de leurs cornes. Hippopodes, peuple fabuleux qui avait des pieds de cheval , et que les anciens geographes placent au nord de I'Europe. Hirigoyen , sorcier du commencement du dix-septieme siecle, que Ton a vu danser au sabbat avec le diable , qu'il adorait ^ Hirondelles. Plularque cite I'hisloire d'un nomme Bessus qui avait tue son pere et dont on ignorait le crime. Etant un jour pres d'aller a un souper, il prit une perche avec laquelle ilabatlit un nid d'hirondelles. Ceux qui le virent en fu- rent indignes et lui demanderent pourquoi il maltraitrait ainsi ces pauvres oiseaux. II lour repondit qu'il y avait assez longLemps qu'elles lui criaient qu'il avait tue son pere. Toutes s(u- pefaites de cette reponse, ces personnes la rap- porterent au juge , qui ordonna de prendre Bes- sus et de le mettre a la torture. 11 avoua son crime et fut pcndu ^ Brown, dans son Essaisxir les crreurs populaires , dit que Ton craint de tuer les hirondelles, quoiqu'elles soient incom- modes, parce qu'on est persuade qu'il en resul- terait quel([ue malheur. Elien nous apprend que les hirondelles etaient consacrees aux dieux Pe- nates, et que par cette raison on s'abstenait de les tuer. On les honorait, dit-il , comme les herauts du printemps , et a Rhodes on avait une espece de chant pour celebrer le retour des hirondelles. Histoire. 11 y a dans la bibliographie infer- nale beaucoup d'histoires prodigieuses publiees 1 De I'tnconstaiice des demons, etc., p. 144. 2 Taillepied, Apparitions des esprits, p. 40. sans nom d'auleur. Nous n'en citerons que quel- ques-unes : « Histoire d'une apparition, avec des rellexions qui prouvent la diiiiculte de savoir la verite sur le retour des esprils; in-S"; Pai'is, chez Saugrin, 1722, brochure de 2k pages. — Histoire prodigieuse nouvellement arrivee u Pa- ris , d'une jeime fille agitee d'un esprit fantas- tique, in-S".— Histoire du diable, in-12 ; Amster- dam, 1729 , 2 vol. ; et Rouon, 1730 , 2 vol. — Histoire miraculeuse advenue en la Rochette, ville de Maurienne en Savoie, d'une jeune fille ayant ete enlerree dans un jardin en temps de pesle, I'espace de quinze ans, par lequel son esprit est venu rechercher ses os par plusieurs evidents signes miraculeux; in-8°, Lyon. — His- toire remarquable d'une femme decedee depuis cinq ans, laquelle est revenue trouver son mari, et parlcr a lui au faubourg Saint-Marcel; Paris, 1618, etc. » Vol/. Apparitions. Hocque. Apres I'edit de 1682 pour lapunition des malelices, la race des sorciers malfaisanls diminua sensiblement en France. Mais il restait encore dans la Brie, aux environs de Paris, une cabale de bergers qui faisaient mourir les bestiaux, attentaienl a la vie des hommes, cum- uicttaient plusieurs autres crimes et s'elaienl rendus formidables a la province. 11 y en eut enfin d'arretes; le juge de Pacy instruisit le pro- ces, et par lespreuvesil parut evident que tous ces maux etaient commis par malefices et sor- tileges. Les soils et les poisons dont ces bandits se servaient pour faire mourir les bestiaux consis- taicnt dans une composition qu'ils avouerent au proces, et qui est rapportee dans les factums, mais remplie de sacrileges, d'impietes, d'abo- ininalions et d'horreurs, en meme temps que de poisons. lis mettaient cette composition dans un pot de terre, et I'enterraient ou sous le seuil de la porte des etablcs aux bestiaux, ou dans le chemin par oii ils passaient; et tant que ce sort demeurait en son lieu, ou que celui qui I'avait pose etait en vie, la morlalite ne cessait point ; c'est ainsi qu'ils s'en expliquerent dans leurs in- terrogatoires. Une circonstance singuliere de leur proces fit croire qu'il y avait un vrai pacte entre eux et le diable pour commettre tous ces malefices. lis avouerent qu'ils avaient jete des sorts sur les bestiaux du fermier de la terre de Pacy, pres de Brie-Comte-Robert, pour venger I'un d'eux que ce fermier avait chasse et mis hors de son .ser- vice. Ils firent le recit exact de leur composition ; mais jamais aucun d'eux ne voulut decouvrir le lieu ou ils avaient enterre le sort, et on ne savait, apres de semblables aveux, d'ou pouvait venir leur reticence sur ce dernier fait. Le juge les pressa de s'en expliquer ; ils dirent que s'ils de- couvraient ce lieu, et qu'on levat le sort, celui qui I'avait pose mourrait a I'instant. HOC — 337 L'un de leurs complices , nonime ELienne ,Hocque, moins -coupable que les autres, et qui HOG 'avail ete condamiie qu'aiix galeres, etait a la chaine dans les prisons de la Tournelle. On ga- gna an autre forgat noinme Beatrix, qui elait attache avec lui. Ce dernier, a qui le seigneur de Pacy avaitfait tenir de I'argent, fit un jour tant boire Hocque qu'il I'enivra, et en cet etat le mit sur le chapitre du sort de Pacy. U tira de lui le secret qu'il n'y avait qu'un berger nomme Bras- de-Fer, qui demeurait pres de Sens , qui put le- ver le sort par ses conjurations. Beatrix , profilant de ce coraniencement de confidence , engagea le vieux berger a ecrire a son fils une lettre par laquelleil luimandait d'al- ler trouver Bras-de-Fer, pour le prier de lever le sort, et lui defendait surtout de dire a Bras- de-Fer qu'il flit condamne et emprisonne, ni que c'etait lui, Hocque, qui avait pose ce sort. Cette lettre ecrite, Hocque s'endormit. Mais a son reveil , les fumees du vin etant dissipees, et rellechissant sur ce qu'il avait fait, il poussa des cris et des hurlements epouvantables, se plai- gnant que Beatrix I'avait trompe et qu'il serait cause de sa mort. 11 se jela en meme lennps sur lui et voulut I'etrangler, ce qui excila les autres forgats centre Beatrix , en sorte qu'il fallut que le commandant de la Tournelle vint avec ses gardes pour apaiser ce desordre et tirer Beatrix de leurs mains. Cependant la lettre fut envoyee au seigneur, qui la fit remettre a son adresse. Bras-de-Fer vint a Pacy, entra dans les ecuries, et, apres avoir fait des figures et des imprccalions, il Irouva effectivement le sort qui avait ete jete sur les chevaux et sur les vaches; il le leva et le jeta au feu , en presence du fermier et de ses domestiques. Mais a I'instant il parut chagrin , temoigna du regret de ce qu'il venait de faire et dit que le diable lui avait revele que c'etait Hocque, son ami, qui avait pose le sort en cet endroit, et qu'il etait mort a six lieues de Pacy, au moment oia ce sort venait d'etre leve.... En effet, par les observations qui furent failes au chateau de la Tournelle, il y a prcuve qu'au meme jour et a la meme heure ou Bras-de-Fer avait commence a lever le sort, Hocque, qui etait un homme des plus forts et des plus ro- bustes, etait mort en un instant dans des con- vulsions elranges, et se tourmentant comme un possede, sans vouloir entendre parler de Dieu ni de confession,... Bras-de-Fer avait ete presse de lever aussi le sort jele sur les moutons, mais il dit qu'il n'en ferait rien , parce qu'il venait d'apprendre que ce sort avail ete pose par les enfantsde Hocque, 22 HOD 38 — HOL et qu'il ne voulait pas les faire moiirir comnie leur pere. Sur ce refiis, le fermier eut reconrs aux juges du lieu. Bras-de-Fer, les deux fils et la fille fie Hocque furent arretes avec deux au- tres bergers, leurs complices, nomines Jardin el le Pelit-Pierre ; leur proces instrnit, Bras-de- Fer, Jardin et le Petit-Pierre furent condamnes a etre pendus et brules, et les trois enfants de Hocque bannis pour neuf ans Bras-(Ie-Fcr Hodeken. Voy. Hecdkkin. Hoffmann. Celebre auleur allemand de con- tes nocturnes ou.fantastiques , etd'aulres ecrits, DU le surnaturel a une place tres-originale. Holda. La holda etait, chez les anciens Gau- lois, une espece de sabbat nocturne, oii des sorciers faisaient leurs orgies avec des demons transformes en danseuses. Voy. Bk.nsozia. On parle encore en Allemagne de holda, la bonne Jilcnse (sorte de fee qui remplace , dans les opi- nions populaires, une divinile antique). Elle visite sans etre vue la maison du laboureur, elle charge de laine les fuseaux des menageres dili- gentes et repand I'abondance autour d'elle ^ Mais dans d'autres contrees , holda est la reine des sorcieres. Hollandais errant. C'est un vaisseau fantas- tique qui apparalt, dit-on, dans les parages du cap de Bonne-Esperance. Ce vaisseau deploie Loutes ses voiles lorsque aucun navire n'osorait en risquer une seule. On est partage d'opinions sur la cause de ce prodige; d'apres la version la plus repandue, c'etait, dans I'origine, un navire richement charge a bord duquel se commit un ^ Le commissairo Delamarre, Traife de Ja police. - M. Oznnam, Dc relablissement du christianisme en Allemarjne. horrible forfait. La peste s'y declai'a , et les cou- pables errerent vainement de port en port, of-' frant leur riche cargaison pour prix d'nn asile. On les repoussail partout, de peur de la conta- gion. Les matelots disent que la Providence, pour perpe(.uer le souvenir de ce chatiment, permet que le Hollaiidais errant apparaisse en- core dans ces mers ou la catastrophe eut lieu. Cette apparition est considi'ree comme un mau- vais augure par les navigateurs K Le Hollandais errant, sujet de beaucoup de traditions , s'appelle aussi le VolUgair hollandais, Hollere, magicien danois qui s'elait acquis, au treizieme siecle, la reputation d'un homme a miracles, et qui n'etait qu'un sorcier adroit. Pour passer la mer, il se servait d'un os gigan- tesque, marque de quelques charmes et carac- teres magiques. Surce singulier esquif , il traver- sait rOcean comme s'il eiil ele aide de voiles et pousse par les vents. 11 fut maltraite par les autres sorciers, ses envieux, qui I'obligcrent a quitter Ic pays ^ Holzhauser (Barthelemy) , pieux allemand, ne en IGlo, celebre par des visions sur les- quelles nous ne saurions nous prononcer et qui sont admises comme respectables. Sa vie 3' etc publiue, en 1836, par M. I'abbe Tresvaux, qui I'avait traduite de I'ltalien, Homme. 11 parait qu'il n'y a que I'homme h qui la nature ait donne une figure droite et la faculte dc contcmpler les cieux. Seul parmi les animaux il a I'epine dii dos et I'os de In cuisse en ligne droite. C'est un fait, dit Aristole, que si I'homme est le seul a qui il arrive des illusions nocturnes, c'est parce qu'il n'y a proprement que lui qui se couche sur le dos, c'est-a-dire de maniere que I'epine et la cuisse fassenl une ligne droite, et quel'une et I'autre, avec les bras, soicnt paralleles a I'horizon.Or, les animaux ne peuvent pas se coucher ainsi : quoique leur opine soit parallelc a I'horizon, leurs epaules sont detournees et forment deux angles. Lisez Herodote, Plutarque et autres histo- riens, vous verrez qu'il existe des contrees fa- buleuses oh les hommes ont une tete de doguc ou de bichon , des pays ou ils n'ont qu'un ceil, d'autres ou ils n'ont qu'un pied, sur lequel ils sautent, de sorte que quand ils veulent courir, ils sont obliges de se metlre deux et de se tenir par le bras; d'autres enfln on ils n'ont point de tete, etc. 1 Walter Scott, Mathilde de Bokeby, chant n'. - Jugements de Dieu, de Cliassanion, p. 114. 3 Biographia venerabilis scrvi Dei Bartholomm Holzhauser, etc., Bambergae, 1784, in-S". Accedunt ejusdem in Apocahjpsini cominenlarii plane admira- biles. — Visiones venerabilis servi Dei BartholomcBi Holzhauser, etc., digna cevi nostri memoria ad ejus Biographiam appendix, Bambergt'E , 1793, in-8". M. Salgiies , Des erreurs et des prejuges, I. I, p. 10. HOM — 339 — HOM Homme noir. L'homme noir qui promet aux pauvres de les faire riches s'ils veulent se don- ner a lui , n'est autre que le diable. — On lit ce qui suit dans la Lecjende doree: — Un chevalier qui depensait sa fortune en liberalites, devint pauvre et toniba dans une grande tristesse; Oc- cupe de ses chagrins , il s'egara dans une soli- tude ; il y vit un homme noir, d'une taille haute, monte sur un beau cheval. Ce cavalier lui de- inanda la cause de sa douleur, et quand il I'eut apprise , il lui dit : « Si vous voulez me rendre bommage , je vous donnerai plus de richesses que vous n'en avez perdu. » Le chevalier promit a I'etranger de faire ce qu'on exigerait. « Eh bien ! reprit le diable (car c'etait lui) , retournez a votre maison , vous trouverez dans tel endroit de grandes sommes d'or et une quantite de pierres precieuses. Quant a Fhominage que j 'at- tends de vous, c'est que vous ameniez votre femme ici dans un an.)) Le chevalier s'engagea, regagna sa maison, trouva les tresors indiques, reprit son habitude de largesses , et a la fin de I'annee, il songea a tenir ce qu'il avait promis. 11 appela sa femme. «. Vous allez monter a che- val et venir avec moi , lui dit-il, nous avons un voyage a faire. )) C'etait une dame pieuse, qui avait grande devotion a la sainte Vierge. EUe fit sa priere et suivit son mari sans demander ou il la conduisait. Apres avoir marche une heure, les deux epoux rencontrerent une eglise. La dame voulant y entrer, descendit de cheval ; son mari I'attendit a la porte. A peine fut-elle dans I'eglise qu'elle s'endormit ; la sainte Vierge ayant pris sa figure , rejoignit le chevalier et partit avec lui au rendez-vous. Lorsqu'ils arriverentau lieu designe , le demon y parut avec fracas. Mais en apercevant la dame que le chevalier lui ame- nait, il trembla. c Homme perfide, s'ecria-t-il , est-ce ainsi que tu devais reconnaitre mes bien- fails? Je t'avais prie de m'amener ta femme, et tu viens ici avec la mere ne Dieu, qui va me renvoyer aux enfers ! » Le diable dut en effet se retirer. Le chevalier eperdu se jeta a genoux de- vant Notre-Dame, et retourna a I'eglise oi\ sa femme dormait encore. Les deux epoux ren- trerent chez eux ; ils se depouillerent des ri- chesses qu'ils tenaient du diable ; mais ils n'en furent pas plus pauvres , parce qu'ils reconnu- rent que les biens materiels ne sont pas les vraies richesses Le pere Abram rapporte 1' anecdote suivante, dans son histoire manuscrite de I'universite de Pont-a-Mousson : « Un jeune garQon de bonne famille, mais peu fourni d'argent, se mit a servir dans I'armee parmi les valets. De la ses parents I'envoyerent aux ecoles; mais ne s'accommodant pas de I'assujettissement que demandent les etudes, il resolut de retourner a son premier genre de vie. En chemin il rencontra un homme vetii de soie noire , mais de mauvaise mine , qui lui demanda oii il allait et pourquoi il avait I'air triste?-^ Je suis, ajouta-t-il, en etat de vous mettre a votre aise, si vous voulez vous donner a moi. Le jeune homme, croyant qu'il parlait de I'engager a son service , lui demanda un moment pour y penser. Mais, commengant a se defier des magnifiques promesses que I'etranger lui faisait, il le considera de plus pres, et ayant re- marque qu'il avait le pied gauche fendu comme celui d'un boeuf, il fut saisi de frayeur, fit le signe de la croix et invoqua le nom de Jesus. Le spectre s'evanouit. Trois jours apres, la memo figure lui apparut de nouveau et lui demanda s'il avait pris sa resolution? Le jeune homme repondit qu'il n'avait pas besoin de maitre. L'homme noir jeta a ses pieds une bourse pleine d'ecus, dont quelques-uns paraissaient d'or et nouvellement frappes. Dans la meme bourse il y avait une poudre que le spectre disait tres-sub- tile. II lui donna ensuite des conseils abomina- bles et I'exhorta a renoncer a I'usage de I'eau benite et a I'adoration de I'hostie. Le jeune homme eut horreur de ces propositions; il fit le signe de la croix sur son coeur, et en meme temps il se sentit jete si rudement centre terre qu'il y demeura une demi-heure. S'etant releve , il retourna chez ses parents, fit penitence et changea de conduite. Les pieces qui paraissaient d'or et nouvellement frappees , ayant ete raises au feu , ne se trouverent etre que du cuivre. » Ainsi, bonnes gens, defiez-vous de l'homme noir. Homme rouge, — demon des tempetes. « La nuit , dans les affreux deserts des cotes de la Bretagne, pres Saint-Paul-de-Leon ^ des fan-' tomes hurlants parcourent le rivage. L'homme rouge en fureur commande aux elements et pre- * Voyez, datis \es Legendes infernaJes, la legende du Sire de Champ-Fleurij. 2 Cambry, Voyage dans le FinisUre, t. L 22 HON — 340 — HOR cipite dans les ondes le voyageur qui trouble ses secrets ct la solitude qu'il aime. » On a cru un moment dans le peuple qu'un petit hommc rouge mysterieux avait apparu a Napoleon I" pour lui annoncer ses revers. Hongrois. Voy. Ogres. Honorius. Voy. GnniomE. Hopkins, juge anglais qui, du temps de Char- les 1", fit niourir one multitude de mallieureuses accusees de sorcellerie, II continua ses fonclions sous le long parlement, et Grey rapporte qu'il possedait une liste de trois mille personnes sup- pliciees en ce temps-la, le plus grand nombre par ce juge qui se croyait done d'un talent sans pared pour deviner les sorcieres. Jamais I'Eglise ca- tholique n'eiit souffert ces abominations. Get homme faisait avouer, par des tortures de cinq a six jours, tout ce qu'il voulait. Nous empruntons quelques details sur lui a de curieuses recherches publiees par le Droit : « Un certain Mattliew Hopkins fut nomme rechercheur de sorcieres {witc/i finder) pour quatre comtes , et dans I'espace d'un an , dans la seule viile d'Essex, 11 ne fit pas pendre moinsde soixante malheureusesfemmes. Ge miserable pre- tendait avoir acquis une experience infailliblc pour les reconnaitre a de certaines taches sur la peau , certains signes , certaines veines qu'il re- gardait comme autant de tetines pour allaiter de petils demons. Son epreuve favorite etait celle de I'eau. Si les sorcieres pretendues revenaient a la surface de I'eau et nageaient , il les declarait coupables, les faisait retirer de I'eau et bruler; si au conlraire elles enfon^aient , elles etaient simplement noyees, mais leur innocence elail reconnue. Gette epreuve venait peut-etre d'une parole fort sage que sa Tres-Sacree Majeste le roi Jacques avait souvent a la bouche, a savoir que , comme quelques personnes avaient renonce aux avantages de leur bapteme par I'eau , de meme I'eau refusait a son tour de les recevoir dans son sein. « A la fin Hopkins, ce qui est assez original, devint lui-meme suspect de sorcellerie ; on lui fit subir I'epreuve qu'il avait souvent fait subir aux autres ; il eut la maladresse de nager ; il fut tout naturellement declare coupable , pendu et brule vif. (( 11 ne fut pas le seul rechercheur de sorcieres ; bien d'autres se melerent de ce metier, qui ne laissait pas que d'etre lucratif, puisqu'il leur procurait vingtschellings (25 francs) par chaque execution. » Hoppo, maitre sorcier et vrai coquin, qui fut poursuivi a Berne. II etait de la secLe des Lol- lards et faisait des disciples. Nousignorons sa fin. Horey , nom que les negres de la cote occi- dentale d'Afrique donnent au diable, qui n'est sans doute qu'un negre aposLe par les mara- bouts. Les ceremonies de la circoncision ne man- quent jamais d'etre accompagnees des mugisse- ments du Horey. Ge bruit ressemble au son le plus bas de la voix humaine. 11 se fait entendre a peu de distance et cause une frayeur extreme aux jeunes gens. Des qu'il commence, les negres preparent des aliments pour le diable et les lui portent sous un arbre. Toul ce qu'on lui pre- sente est devore , dit-on, sur-le-champ , sans qu'il en reste un os. Si la provision ne lui sullit pas, il trouve le moyen d'enlever quelque jeune homme non encore circoncis. Les negres pre- lendent qu'il garde sa proie dans son ventre, et que plusieurs jeunes gens y ont passe jusqu'a dix ou douze jours. Apres sa deiivrance, la vic- lime qui a ete avalee demeure muette autant de jours qu'elle en a passe dans le ventre du diable. Les negres parlent avec effroi de cet esprit ma- lin , et Ton ne pent qu'elre surpris de la con- fiance avec laquelle ils assurent avoir ete non- seulement enleves, mais avales par ce monstre. Hornock , docleur suedois , qui raconte avec complaisance le supplice de soixante-deux fem- mes et de quinze enfants, accuses d'avoir ete au sabbat et d'y avoir soigne le diable , qui s'y trou- vait malade.... Ce spectacle, car il donne ce nom a I'execulion d'une pareille sentence , eut lieu le 25 aoutl672, « par un temps superbe. » Horoscopes. Un marechal ferrant de Beau- vais avait fait tirer I'horoscope de son fils. L'as- Irologue , apres avoir examine les divers aspects des aslres, decouvrit que I'enfant etait menace de mourir a quinze ans d'un coup de Lonnerre. II designa en meme temps le mois, le jour et I'heure ou I'evenement devait avoir lieu; mais il ajouta qu'une cage de fer sauverait le jeune homme. Quand le temps arriva , le pere chercha comment la cage de fer pourrait eviterason fils une mort si prematuree ; il pensa que le sens de I'oracle etait probablement d'enfermer ce jour-la son enfant dans une cage de fer bien fermee. II se mit a travailler a la construction de cette cage sans en parler a personne. Le moment arriva. Une nuee paraissait se former dans le ciel , et justifiait jusqu'alors le dire de I'astrologue. II HOR — Zki — HOR appella done son fils et lui annonqa que son etoile le condainnait a etre tiie du tonnerre, un peu avant midi, s'il n'avait heufeusement trouve le moyen de le soiistraire a sa mauvaise planete ; il le pria d'entrer dans la cage de fer. Le fils, un peu plus inslruii que son pere, pensa que, loin de le garantir du tonnerre, cette cage ne servirait au contraire qu'a Fattirer ; il s'obstina a resler dans sa chainbre, ou il se mit a reciter I'Evangile de saint Jean. Cependant les nuages s'amoncellent , le temps se couvre, le tonnerre gronde, I'eclair brille, la foudre tombe sur la cage de fer et la reduit en poudre. Le marechal surpris benit pour la premiere fois le ciel d'avoir rendu son fils desobeissant , et vit toutefois I'ora- cle accompli. Du moins tel est le conte. Voy. ASTROLOGUES. Horoscopes tout faits , ou moyen de con- nailre sa destinee par les constellations de la naissance. Nous empruntons ces plaisanteries, qui ont ele si serieuses pour nos peres , et que I'Eglise a toujours combattues, aux divers livres sur la matiere , traitee par Jacques de Hagen et par cent autres , du ton le plus grave. Les au- teurs qui ont ecrit sur les horoscopes ont etabli plusieurs syslemes semblables a celui-ci pour la forme , et tout differents pour les presages. Les personnes qui se trouvent ici nees avec le plus heureux naturel , seront ailleurs des etres abo- minables. Les astrologues ont fonde leurs oracles sur le caprice de leur imagination, et chacun d'eux nous a donne les passions qui se sent ren- contrees sous sa plume au moment ou il ecri- vait. Qui croira aux presages de sa constellation, (levra croire aussi a tous les pronostics de I'al- manach journalier, et avec plus de raison encore, puisque les astres ont sur la temperature une influence qu'ils n'ont pas tant sur nous. Enfm, si la divination qu'on va lire etait fondee, il n'y aurait dans les hommes et dans les femmes que douze sortes de naturels, des lors que tous ceux qui naissent sous le meme signe ont les memes passions et doivent subir les memes accidents ; et tout le monde sail si dans les millions de mor- tels qui habitent la surface du globe, il s'en trouve souvent deux dont les deslinees et les caracteres se ressemblent. 1° La Balance. (C'est la balance de Themis qu'on a mise au nombre des constellations. Elle donne les proces.) La Balance domine dans le ciel depuis le 22 septembre jusqu'au 21 octobre. — Les hommes qui naissent dans cet espace de temps naissent sous le signe de la Balance. — lis sont ordinairement querelleurs. lis aiment les plaisirs, reussissent dans le commerce, princi- palement sur les mers, et feront de grands voya- ges, lis ont en partage la beaute, des manieres aisees, des talents pour la parole; cependant ils manquent a leurs promesses et ont plus de bon- heur que de soin. Ilsauront de grands heritages, lis seront veufs de leur premiere femme et n'au- ront pas beaucoup d'enfanls. Qu'ils se defient des incendies et de I'eau chaude. — La femme qui nait sous cette constellation sera aimable, gaie, agreable, enjou^e, assez heureuse. Elle aimera les fleurs ; elle aura de bonnes manieres ; la douce persuasion coulera de ses levres. Elle sera cependant susceptible et querelleuse. — Elle se mariera a dix-sept ou a vingt-trois ans. Qu'elle se defie du feu et de I'eau chaude. 2° Le Scorpion. (C'est Orion , que Diane chan- gea en cet animal, et qu'on a mis au nombre des HOR ,— 342 — HOR constellations. II donne la malice et la fourberie.) Le Scorpion doraine dans le ciel du 22 octobre au 21 novembre. — Ceux qui naissentsous cette constellation seront hardis, effrontes, flatteiirs, foiirbes et cachant la mechancete sous one ai- mable apparence. On les entendra dire une chose, tandis qu'ils en penseront une autre. lis seront generaleinent secrets et dissimules. Leur naturel eniporte les rendra inconstants. lis jugeront mal des autres, conserveront rancune, parleront beaucoup et auront des acces de melancolie. Hs n'aimeront a rire qu'aux depens d'autrui , auronl quelquos amis et I'emporteront sur lenrs enne- niis. — lis seront sujets aux coliques et peuvenl s altendre a de grands heritages. — La femme qui nait sous cette constellation sera adroite et Irompeuse. Elle se conduira moins bien avec son premier mari qu'avec son second. Eile aura les paroles plus douces que le cocur. Elle sera en- jouee , gaie , aimant a rire , mais aussi aux ddpens des autres. Elle fera des inconsequences, par- lera beaucoup, pensera mal de tout le monde. Elle deviendra melancolique avec I'age. — Elle aura un cautere aux epaiiles a la suite d'une ma- ladie d'humeurs. 3° Le Sacjiltaire. (C'est Chiron le Centaure , qui apprit a Achille a tirer de Tare, et qui fut mis au nombre des constellations. 11 donne I'amour de la chasse et des voyages.) Le Sagit- taire domine dans le ciel du 22 novembre au 21 decembre. — L'homme qui nait sous cette con- stellation aimera les voyages et s'enrichira sur les mers. 11 sera d'un temperament robuste, aura de I'agilite et se montrera d'un esprit attentif. II se fera des amis dont il depensera I'argent. 11 aura un gout determine pour I'equitation, la chasse, les courses, les jeux de force el d'adresse, et les combats. II sera juste, secret, fidele, la- borieux , sociable , et aura autant d'amour-propre que d'esprit. — La femme qui nait sous cette constellation sera d'un esprit inquiet et remuant ; elle aimera le travail. Son ame s'ouvrira aise- ment a la pitie ; elle aura du gout pour les voya- ges et ne pourfa rester longtemps dans le meme pays. Elle sera presomptueuse et douee de quel- ques qualites tant de I'esprit que du coeur. — Elle se mariera a dix-neuf ou a vingt-quaLre ans. Elle sera bonne mere. k" Le Caprkorne. (C'est la chevre Amalthee qui allaila Jupiter, et qui fut mise au nombre des constellations. Elle donne I'etourderie. ) Le Ca- pricorne domine dans le ciel du 22 decembre au 21 Janvier. Celui qui nait sous cette constellation sera d'un naturel irascible, leger, soupQonneux, ami des proces et des querelles; il aimera le tra- vail, mais il hanlera de mauvaises societes. Ses exces le rendront malade. Rien n'est plus incon- stant que cet homme, s'il est ne dans la nuit. 11 sera enjoue, aclif et fera quelquefois du bien. Son etoile le rendra heureux sur mer. II parlera mo- derement, aura la tete petite et les yeux enfonces, II deviendra riche et avare dans les dernieres annees de sa vie. Les bains, dans ses maladies, pourront lui rendre la sante. — La femme qui nait sous cette constellation seravive, gaie, et cependant tellement timide dans ses jeunes an- nees, qu'un rien pourra la faire rougir. Mais son caractere deviendra plus ferme et plus hardi dans I'agc plus avance. Elle se montrera toujours bonne, avec un peu de jalousie. Elle parlera sa- gement, evitera les inconsequences, sera bonne fille et bonne mere; elle aimera a voyager, etsera d'une beanie moyenne. 5" Le Vcrscau. (C'est Ganymede, fils de Tros, que Jupiter enleva pour verser le nectar aux dieux, et qu'on a mis au nombre des conslella- tions. II donne la gaiete.) Le Verseau domine dans le ciel du 22 janvier au 21 fevrier. — L'homme qui nait sous cetle constellation sera aimable, spiriliiel, ami de la joie, curieux, sujet a la fievre, facile aux projets, pauvre dans la premiere parlie de sa vie, riche ensuile, mais moderement. II sera bavard et leger, quoique discret. II fera des maladies, courra des dangers. II aimera la gloire, vivra longtemps, et aura peu d'cnfants. — La femme qui nait sous celte con- stellation sera constante, genereuse, sincere et liberale. Elle aura des chagrins, sera en bulle aux adversites, et fera de longs voyages. Elle sera sage et enjouee. 6° Les Poissons. (Les dauphins qui amenerent Amphitrile a Neplune furent mis au nombre des constellations. lis donnent la douceur.) Les Pois- sons dominent dans le ciel du 22 fevrier au 22 mars. — Celui qui nait sous celte constellation sera officieux, gai, aimanl a jouer, d'un bon na- turel, heureux hors de sa maison. 11 ne sera pas riche dans sa jeunesse. Devenu plus aise, il prendra peu de soin de sa fortune, etne profitera pas des logons de I'experience. Des paroles in- discreles lui atlireront quelques desagrements. II sera presomplueux. — La femme qui nait sous cetle constellation sera belle. Elle eprouvera des ennuis et des peines dans sa jeunesse. Elle aimera a faire du bien. Elle sera sensee, discrete, eco- HOR — 3^3 — HOR nome, mediocrement sensible, et fuira le monde. Sasante, faible jDsqu'a vingt-huit ans, devieadra alors plus robuste. Elle aura cependant de temps en temps des coliques. 7" Le Belier. (C'est le belier qui portait la toi- son d'or, et qui ful mis au nombre des constel- lations. Jl donne les emportements. ) Le belier doimine dans le ciel du 23 mars au 21 avril. — Geux qui naissent sous cette constellation sont irascibles, prompts, vifs, eloquents, sludieux, violents, menteurs, enclins a I'inconstance. lis tiennent rarement leur parole et oubiient leurs promesses. lis courront des dangers avec les che- vaux. lis aimeront la peche et la chasse. — La femme qui nalt sous cette constellation sera jolie, vive et curieuse. Elle aimera les nouvelles, aura un grand penchant pour le mensonge, et ne sera pas ennemie de la bonne chere. Elle aura des coleres, sera medisante dans sa vieillesse et ju- gera severement les femmes. Elle se mariera de bonne heure et aura beaucoup d'enfants. 8° Le Taureau. (C'est le taureau dont Jupiter prit la forme pour enlever Europe, et qui fut mis au nombre des constellations. II donne la har- diesse et la force.) Le Taureau domine dans le ciel du 22 avril au 21 mai. — L'homme qui nait sous cette constellation est audacieux; il aura des ennemis qu'il saura mettre hors d'etat de lui nuire. Le bonheur ne lui sera pas etranger. II voyagera dans des pays loin tains. Sa vie sera longue et peu sujette aux maladies. — La femme qui nait sous cette constellation est douee de force j et d'energie. Elle aura du courage; mais elle sera violente et emportee. Neanmoins elle saura se plier a son devoir et obeir a son mari. On trou- vera dans cette femme un fonds de raison et de bon sens. Elle parlera pourtant un peu Irop. Elle sera plusieurs fois veuve et aura quelques en- fants, a qui elle laissera des richesses. 9° Les Gemeaux. (Les Gemeaux sont Castor et Pollux qu'on a mis au nombre des constellations, lis donnent I'amitie. ) Les Gemeaux dominent dans le ciel du 22 mai au 21 juin. — Celui qui nait sous cette constellation aura un bon coeur, une bella figure , de I'esprit , de la prudence et I de la generosite. II sera presomptueux , aimera les courses et les voyages , et ne cherchera pas beaucoup a augmenter sa fortune ; cependant il ne s'appauvrira point. II sera ruse, gai, enjoue ; il aura des dispositions pour les arts. — La femme qui nait sous cette constellation est aimante et belle. Elle aura le coeur doux et simple. Elle negligera peut-etre un peu trop ses affaires. Les beaux-arts, principalement le dessin et la mu- sique, auront beaucoup de charmes pour elle. 10° L'Ecrevisse. (C'est le cancer ou I'ecrevisse qui piqua Hercule tandis qu'il tuait I'hydre du marais de Lerne, et qui fut raise au nombre des constellations. Elle donne les desagrements. ) L'Ecrevisse domine dans le ciel du 22 juin au 21 juillet. — Les hommes qui naissent sous cette constellation sont sensuels. lis auront des proces et des querelles, dont ils sortiront souvent a leur avantage ; ils eprouveront de grands perils sur mer. Get horoscope donne ordinairement un pen- chant a la gourmandise ; quelquefois aussi de la prudence , de I'esprit, une certaine dose de mo- destie, — La femme qui nait sous cette constel- lation est assez belle, active, emportee, mais facile a apaiser. Elle ne deviendra jamais tres- grasse ; elle aimera a rendre service, sera timide et un peu trompeuse. 11° Le Lion. (C'est le lion de la foret de N^- mee, qu'Hercule parvint a etouffer, et qui fut HOR — m - HOR mis an nombre des constellations. II donne le courage.) Le Lion domine dans le ciel du 22 jiiillet au 21 aout. — Celiii qui nait sous celle constel- lation est brave, hardi, niagnanime, fier, eloquent et orgueilleux. II aime la raillerie. 11 sera souvent entoLire de dangers; ses enfants feront sa conso- lation el son bonheur. 11 s'abandonnera a sa co- lere et s'en repenlira toujours. Les honneurs et les dignites viendront le trouver; mais aupara- vant il les aura chercbes longtemps. 11 aura de gros iTiolIets. — La femme qui nait sous cetlei constellation sera vive, colere et bardie. Elle( gardera rancune. Elie parlera beaucoup, et ses paroles seront souvent ameres. Au reste , elle sera belle; elle aura la tete grosse. — Qu'elle se tienne en garde centre I'eau bouillante et le feu. Elle sera sujetle aux coliques d'estomac. Elle aura peu d'enfants. Le dessin auia ecrit le nom d'un individu quelconque sur un » drop mortuaire, une biere, une figure de pate, » ou une feuille, et ensuite si Ton enterre cet » objet , si on le suspend a un arbre , si on I'ex- » po ic sur la voie publique, ou au milieu de deux » chemins qui se croisent, il y a sorcellerie. — » Si Ton ecrit le nom d'un individu quelconque )) sur un ossement, soit de la tete , soit de toute » autre partie du corps, et qu'apres avoir em- » ploye pour cette operation un melange de sang n et de charbon, on le place sur le seuil d'une )) porle, il y a sorcellerie. — Quiconque use de !) sortileges, sera condamne a mort par le juge, » et si la chose est prouvee d'une maniere evi- » denle, la peine de mort s'6tendra sur les pa- » rents, les enfanls, les petits-enfants du cou- 1) pabfe, sans qu'aucun puisse en etre excepte. » — Qu'il ne soit point permis aux criminels n convaincus d'une telle abomination de souillcr » plus longtemps la terre par leur presence ; que » leurs proprietes de toute espece soient conlis- » quees; que les parents et enfants du sorcier » soient relegues dans la partie la plus recul^e » du pays, et s'ils preunent la fuite, qu'ils soient » punis de mort; que leurs biens soient, dans » tous les cas, recherches et confisques. » Jayet d'Islande. Les anciens Islandais attri- buaient des vertus surnaturelles a ce jayet, qu'ils regardaient comme un ambre noir. Sa principale qualite etait de preserver de tout sortilege celui qui en portait sur lui. En second lieu, ils le croyaient un antidote contre le poison. Sa troi- sieme propriele etait de chasser les esprits et — 373 — JEA 'les fantomes, lorsqu'on en brulait dans une mai- ison; la quatrieme, de preserver de maladies iepidemiques les appartements qui en elaient par- fumes. La plupart de ces idees superstilieuses isubsistent encore. ' Jean (Evangile de saint). Voy. Bibliomancie. Jean, magicien sectateur d'Apollonius de Tyane. U courait de ville en ville, faisant le me- tier de charlatan, et portait une chaine de fer au cou. Apres avoir sejourne quelque temps a Lyon, lil acquit une si grande celebrite par ses cures merveilleuses, que le souverain du pays I'admit en sa presence. Jean donna a ce prince une su- perbe epee enchantee ; elle s'entourait merveil- ieusement, dans le combat, de cent quatre-vingts couteaux tires. II lui donna aussi un bouclier portant un miroir , qu'il disait avoir la vertu de divulguerles plus grands secrets. Ces armes dis- iparurent un jour ou furent volees; sur quoi De- lancre conclut' que si les rois de France dres- saient, comme les dues d'ltalie, des arsenaux de vieilleries (ce qu'ils font a present) , on y trou- verait de ces armes enchantees et fabriquees par quelque magicien ou sorcier. Jean, patriarche schismatique de Constanti- nople. Zonaras conte que I'empereur grec Theo- pliile, se voyant oblige de mettre a la raison une i province revoltee sous la conduile de trois capi- laines, consulta le patriarche Jean, habile en- 1 chanteur. Celui-ci fit faire trois gros marteaux d'airain, les mit entre les mains de trois hommes robustes, et conduisit ces hommes au milieu du cirque, devant une statue de bronze a trois tetes. ■ lis abattirent deux de ces tetes avec leurs mar- teaux, et firent pencher le cou a la troisieme 1 sans I'abattre. Peu apres , une bataille se donna I entre Theophile et les rebelles : deux des capi- Uaines furent tues, le troisieme fut blesse et mis ' hors de combat , et tout renlra dans I'ordre. Jean XXII, pape, mort en 1334, apres un , pontificat de dix-huit ans. On lui attribue les i Taxes de la chambre apostoliquc , traduites en francais sous le tilre de Taxes des parties casuelles de la boutique du pape. Ce texte , presque par- tout, est une supposition d'un proteslant faus- I saire. On donne encore a Jean XXII V Elixir des philosophes ou VArt transmutatoire des metaux , livre qu'il n'a pas fait. Ce livre a ete traduit du latin enfranqais; in-12, Lyon, 1557. On dit enfin que Jean XXII ou Jean XXI s'oc- cupait d'astrologie et s'amusait a supputer les I changements de temps. On a fait la-dessus de petits contes assez depourvus de sel. Jean ou Iwan Basilowitz, grand -due de Moscovie, au quatorzieme siecle, tyran cruel. A I'arlicle de la mort, il tomba, dit- on, dans des pamoisons terribles, et son ame fit de penibles voyages. Dans le premier, il fut tourmente en un 1 Tableau de I'inconstancedes demons, etc., liv. V, p. 343. lieu obscur, pour avoir tenu au cachot des pri- sonniers innocents ; dans la seconde excursion , il fut encore plus tourmente pour avoir accable le penple d'impots ; et son successeur Theodore eut soin de Ten decharger en partie. Iwan mou- rut a son troisieme voyage; son corps jeta une puanteur si infecte qu'on ne pouvait I'approcher; ce qui fit penser que son ame avait ete emportee par le diable ; d'autant plus que son cadavre avait disparu , quand vint le jour fixe pour I'en- terrement'. Jean-Baptiste. II y a despaysans qui croient, on ne salt sur quelle autorite , que saint Jean- Baptiste est ne dans un chameau. .. Jean d'Arras, ecrivain frangais du quator- zieme siecle , qui compila le roman de Mdlusine. Voy. CE MOT. Jean d'Estampes. D'anciennes chroniques rapportent que Jean d'Estampes, I'un des gardes de Charlemagne, mourut en 1139, apres avoir vecu 336 ans ; mais d'autres disent qu'il ne ve- cut que 250 ans: malheureuseraent son secret de longevite n'est connu de personnel. Jean de Leyde ou Jean Bockelson, chef des anabaptistes de Miinster, qu'il constitua en repu- ^OHAN\BQCi^LS0HN KQNIG DEf^y/lEDEHJAUFFEl^ZU MUNSTE[\, IN WESTPHALEN blique communiste et sociale ; il s'y posa en in- spire, fit une constitution ^bouriffante et une reli- gion speciale. II etait tailleur a Leyde ; il se proclama roi a Miinster, prit la couronne et bat- tit monnaie. II disait qu'il ramenait le regno de Salomon. Dans sa liturgie commode, on dansait, puis on communiait en plein air avec des gateaux et du vin ; le gateau et la coupe etaient presentes aux hommes par des femmes et aux femmes par des hommes. Devenu roi, Jean, que possedaient evidemment plusieurs demons dont il servait les desirs , epousa seize femmes qu'il appela toutes reines ; il tua en memo temps tous ceux qui lui 1 Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprils, liv. IV, p. 301 . 2 Legall, Calend, vMtab., p. 140. JEA — 37Zi — JEA paraissaient suspects de ne pas le venerer. II en venait a se faire adorer, quand les princes qu'il Lc Le roi le crut et se garda bien de le faire mourir. Du moins tel est le conle, et on en a prele beaucoup a ce roi si partialement juge. Louis XIII, roi de France, ne en 1601 , mort en 1641, surnomme le Juste, parce qu'il etait ne sous le signe de la Balance ; mais il merita ce sumom. Lorsqu'il epousa I'infante Anne d'Au- triche, on prouva, dil Sainte-Foix, qu'il y avail entre eux une merveilleuse et tres-heroique cor- respondance. Le nom de Loijs de Bourbon con- tient treize leltres. Ce prince avail treize ans quand le manage fut resolu ; il etait le li^eizieme ' Voyez riiistoirc d'Urbain Grandier, dans les Le- goidrs in females. 2 Garinct, Histoire de la magie en France, p. 41. roi de France du nom de Loys. Anne d'Autriche avail aussi treize leltres en son nom ; son age etait de treize ans, et treize infantes du meme nom se trouvaient dans la maison d'Espagne. Anne et Loys elaient de la meme taiile; leur con- dition elail egale ; ils etaienl nes la meme annee el le meme mois. Louis XIV. Voij. Anagrammes. Louis de Hongrie. Pen de temps avant la mort de ce prince, arrivee en 1526, comme il dinait enferme dans la ciladclle de Bude, on vit paraitre a sa porte un boiteux mal vetu, qui de- mandail avec instance a parler au roi. II assurail qu'il avail des choses de la derniere importance a lui communiquer. On le meprisa d'abord , et Ton ne daigna pas I'annoncer. II cria plus haul el protesta qu'il ne pouvait decouvrir qu'au roi seul ce dont il etail charge. On alia dire a Louis ce qui se passait. Le prince envoya le plus apparent LOU — 4U — LOU des seigneurs qui etaient aiipres cle lui et qui fei- gnil d'etre leroi ; il demanda a eel homme ce qu'il avail a lui dire. II repondit : « Je sais que vous n'eles pas le roi ; mais, puisqu'il meprise de m' en- tendre, diles-lui qu'il mourra cerlainemenl bien- tol. » Ayanl dit cela, il disparut, el le roi mourut en effel peu apres Louise de Savoie , duchesse d'Angouleme, mere de Francois 1", niorte en 1532. Elle avail quelques prejuges superstilieux el redoutait sur- tout les comeles. Branlome raconte que, Irois jours avant sa morl, ayant apergu pendanl la nuit une grande clarle dans sa chambre, elle lil tirer son rideau el fut frappee de la vue d'une comele. « Ah! dil-elle alors, voila un signe qui ne parail pas pour une personne de basse qua- lite; refermez la fenetre. C'est une comele qui m'annonc'e la morl; il faul done s'y preparer. » Les medecins I'assuraient neanmoins qu'elle n'en elail pas la. aSi je n'avais vu, dit-elle, le signe de morl, je le croirais , car je ne me sens point si bas. » Cette comele n'est pas la seule qui ait epou- vante Louise de Savoie. Comme elle se prome- nait dans le bois de Romorantin, la nuit du 28 aoul 1514 , elle en vil une vers I'occident, et s'ecria : — Les Suisses ! les Suisses ! — Elle resta persuades que c'etait un avertissement que le roi serait en grande affaire centre eux *. Loup. Chez les anciens Germains et chez les Scandinaves, le diable ou le mauvais principe elail represenle par un loup enorme et beanl. C'est Lock. A Quimper, en BreLagne, les habi- tants mettent dans leurs champs un trepied ou un couleau fourchu, pour garanlir le belail des loups et autres betes feroces ^. Pline dit que si un loup apergoit un homme avant qu'il en soit vu, cet homme deviendra enroue et perdra la voix ; fable qui est restee en vigueur dans toute I'llalie. En Espagne, on parle souvent des sorciers qui vont faire des courses a cheval sur des loups , le dos tourne vers la tele de la bete , parce qu'ils ne sauraient aller autrement, a cause de la rapidile. lis font cent lieues par heure ; car ces loups sonl des demons. La queue de ces loups est roide comme un baton, et il y a au bout une chandelle qui eclaire la route. 11 n'y a pas un homme a la campagne qui ne vous assure que les moutons devinent a I'odorat la presence du loup ; qu'un troupeau ne franchira jamais le lieu ou Ton aura enterre quelque por- tion des entrailles d'un loup; qu'un violon monte avec des cordes tirees des intestins d'un loup metlrait en fuite tout le bercail. Des hommes instruits et sans prejuges ont verifie toutes ces croyances el en ont reconnu I'absurdite. Kirker a repete a ce sujet des experiences demonstra- tives; il a meme pousse I'epreuve jusqu'a sus- ^ Leundayius. Pandedce hist, turcicce, etc.,]). 59. ^ Voyage au Finistcre, t. Ill, p. 35. pendre un coeur de loup au cou d'un mouton, et le pacifique animal n'en a pas moins broute I'herbe^. Voy. Oraison du loup. Un journal anglais de I'lnde dit qu'il a ete pu- blie un elrange document constatant qu'en un Ires-court espace de temps il a ele devore 600 en- fants par les loups dans le Penjaub (royaume de Lahore). 11 y a vingt ans, pres de 1,000 en- fants ont ete devores de la meme maniere dans le voisinage d'Agra. On retrouve les vetements de ces pauvres petites viclimes dans les antres oil se tiennent ces animaux. Les miserables qui font le metier de recueillir les habillements ou parures des victimes ont eu I'habilete d'accredi- ler parmi le peuple le bruit que tout village oii Ton tue un loup doit etre infailliblement ruine; de la cette superstitieuse veneration pour ces animaux feroces. Quand on en prend, on s'em- presse de les relacher en se contentant de leur altacher une sonnette au cou. Lou-pecat, nom du diable en Gascogne. Loup-garou (le). C'est le nom du demon de la nuit a Blois. II est de mauvaise rencontre. Loups- garous. On appelle loups-garous en sorcellerie les hommes el les femmes qui ont ete metamorphoses ou qui ,se melamorphosent ' M. Weiss , Biographic universelle. 2 Salgues, Des erreurs et des prejuges, t. I, p. 9. LOU - hi 5 — LOU et se transinuent eux-memes ea loiips, ou qui se travestissent pour feindre cette transmutation, ou qui,s'imaginant,par une demence abominable, qu'ils sonl changes en loups , prennent des habi- tudes et des moeurs de loups. Lenom de loups- garous veut dire loups dont il faut se garer. Les loups-garous ont ete bien longtemps la terreur des campagnes, parce qu'on savait que les sorciers ne pouvaient se faire loups que par le secours du diable. Dans les idees des demono- graphes, un loup-garou est un sorcier que le diable lui-meme transmue en loup, et qu'il oblige a errerdans les campagnes en poussant d'affreux hurlements. L'existence de loups-garous est at- testee parVirgile, Solin, Strabon, Pomponius Mela, Dionysius Afer, Varron, et par tous les jurisconsultes et aussi par des demonomanes des derniers siecles. A peine commencait-on a en douter sous Louis XIV. L'empereur Sigismond fit debattre devant lui la question des loups-garous, et il^fut unanimement resolu que la transformation des loups-garous etait un fait positif et constant. Un garnement qui voulait faire des friponneries mettait aisement les gens en fuite en se faisant •passer pour loup-garou. II n'avait pas besoin pour cela d'avoir la figure d'un loup, puisque les loups-garous de reputation etaient arretes 'comme tels , quoique sous leur figure humaine. On croyait alors qu'ils portaient le poil de loup- garou entre cuir et chair. Peucer conte qu'en Livonie, sur la fin du mois de decembre, il se trouve tous les ans un belitre qui va sommer les sorciers de se rendre en cer- tain lieu; et, s'ils y manquent, le diable les y mene de force , a coups si rudement appliques que les marques y demeurent. Leur chef passe devant, et quelques milliers le suivent, traver- sant une riviere , laquelle passee , ils changent ■leur figure en celle d'un loup , se jettent sur les hommes et sur les troupeaux et font mille dom- mages. Douze jours apres, ils retournent au nieme fleuve et redeviennent hommes. On attrapa un jour un loup-garou qui courait dans les rues de Padoue ; on lui coupa ses pattes de loup , et il reprit au meme instant la forme d'homme, mais avec les bras et les pieds coupes, a ce que dit Fincel. L'an 1 588, en un village distant de deux lieues d'Apchon, dans les montagnes d'Auvergne, un gentilhomme ^ etant sur le soir a sa fenetre , apergut un chasseur de sa connaissance et le pria de lui rapporter de sa chasse. Le chasseur promit, et, s'etant avance dans la plaine, il vit un gros loup qui venait a sa rencontre. II lui lacha un coup d'arquebuse et le manqua. Le loup se jeta sur lui et I'attaqua vivement. Mais I'autre, en se defendant, lui ayant coupe la patte droite avec son couteau de chasse, le loup estropie s'enfuit et ne revint plus. Comme la nuit appro- chait, le chasseur gagna la maison de son ami. qui lui demanda s'il avait fait bonne chasse. II tira de sa gibeciere la patte coupee au pretendu loup, mais il fut bien etonne de la voir con- vertie en main de femme , et a I'un des doigts un anneau d'or que le gentilhomme reconnut etre celui de son epouse. II alia aussitot la trou- ver. Elle etait aupres du feu, cachant son bras droit sous son tablier. Comme elle refusait de Ten tirer, il lui montra la main que le chasseur avait rapportee ; cette malheureuse, eperdue, avoua que c'etaitelle, en effet, qu'on avait pour- suivie sous la figure d'un loup-garou ; ce qui se verifia encore en confrontant la main avec le bras dont elle faisait partie. Le mari courrouce livra sa femme a la justice ; elle fut brulee. Que penser d'une telle histoire, raconlee par Boguet comme etant de son temps ? Etait-ce une trame d'un mari qui voulait, comme disent les Wallons, etre quitte de sa femme ? Daniel Sennert, inedecin celebre qu'on a appele le Galien de TAlleraagne, au chap, v de ses Ma- ladies occultcs , rapporte des faits d'ou il resul- lerait que I'habitude pour certains maniaques endiables de courir le loup - garou aurait de I'ana- logie avec la mysterieuse puissance qui trans- portait au sabbat certaines personnes dont le corps , pendant cette excursion , restait en syn- cope. Une femme accusee d'avoir couru le loup- garou, rassuree par la promesse de son juge, qui lui assurait la vie sauve si elle voulait donner la preuve de ce qu'elle faisait dans ses courses, se frotta le corps d'un onguent particulier et tomba aussitot endormie. Elle ne se reveilla qu'au bout de trois heures. Elle raconta alors qu'etant changee en loup, elle avait eventre une brebis pres d'un bourg qu'elle nomma ; on y en- voya aussitot, et on trouva qu'en effet la brebis qu'elle avait designee, etait dechiree et mou- rante. Comment expliquer cela ? Les loups-garous etaient fort communs dans le Poitoa ; on les y appelait la bete bigourne qui court la galipode. Quand les bonnes gens enten- dent les hurlements du loup-garou, ce qui n'ar- rive qu'au milieu de la nuit, ils se gardent de mettre la tete a la fenetre , parce qu'ils auraient le cou tordu. On assure , dans cette province , qu'on peut forcer le loup - garou a quitter sa forme d'eraprunt, en lui donnant un coup de fourche entre les deux yeux. On sait que la qualite distinctive des loups- garous est un grand gout pour la chair fraiche. Delancre assure qu'ils etranglent les chiens et les enfants; qu'ils les mangent de bon appetit; qu'ils marchent a quatre pattes; qu'ils hurlent comme de vrais loups, avec de grandes gueules, des yeux etincelants et des dents crochues. On dit, dans la Saintonge, que la peau des loups-garous est d'une durete telle qu'elle est a I'epreuve des balles ordinaires ; mais il n'en est plus de meme si ces balles ont ete benites a LOU — 416 — LOY cerlaines heures mysterieuses de la nuit, dans une chapelle dediee a saint Hubert : alors le sor- cier peat etre tue, et la forme de bete qu'il avait prise s'evanoiiit et disparait. Or, les ceremonies de la benediction desbalies sont d'lm accomplis- sement diflicile; il faut avoir sm' soi tant de choses precieuses , du trefle a quatre feuilles surtout, que la peau coriace des loups-garous echappe le plus souvent aux embuches ; et c'est ce qui fait que nul ne peat etre assure avoir vu un sorcier autrement que sous la forme natu- relle de bete bipede. Les croyances sainton- geoi'^es, au reste, ne s'eloignent en rien de celles des peuples du Nord, et sont nees aux monies sources que la fable de Robin des Bois des char- bonniers allemands. Le nom des loups-garous a ete connu dans loutes les provinces de France au moyen age, bien que souvent travesti en loups-beroux. Bodin raconte sans rougir qu'en 15/)2 on vit un matin cent cinquante loups-garous sur une place de Constantinople. — On trouve dans le roman de Persilcs el Siijismonde, dernier ouvrage de Cervantes, des lies de loups-garous et des sorcieres qui se cliangent en loaves pour enlever leur proie, comme on trouve dans Gulliver une ile de sorciers. IMais au moins ces livres sont des romans. — Delancre propose * comnic un bel exemple ce trait d'un due de Russie. Averti qu'un sien sujet se cbangeait en toutes sortes de betes, il I'envoya chercher, le fit encbainer et lui comnianda de donner une preuve de son art ; ce qu'il fit, se transformant en loup ; mais ce due, ayant prepare deux dogues, les fit lancer contre ce miserable , qui aussitot fut mis en pieces. — On amena au medecin Pomponace un paysan alleint de lycanthropie, qui criait a ses voisins de s'enfuir s'ils ne voulaientpasqa'illesmangeat. Comme ce pauvre homme n'avait rien de la forme d'un loup , les villageois , persuades pour- tant qu'il I'etait, avaient commence a I'ccorcher, pour voir s'il ne portait pas le poil .sous la peau. Pomponace le guerit ; ce n'etait qu'un bypo- condre. J. de Nynauld a public en 1615 un traite complel de la Lycanlhropic, qu'il appelle aussi Folic louviere et lycaonic, mais dont il admet incontestablement la realile. — Un sieur de Beau- voys de Chauvincourt , gentilhomme angevin , a fait imprimer en 1599 (Paris, petit in-12) un volume intitule Discours de la bjcantJirojyie , oti de la transmutalioii des Jiommes en loups. — Claude, prieur de Laval , avait public queiques annees auparavant un autre livre sur la meme maliere, intitule Dialogue de la lycanthropie. lis affirment tous qu'il y a certainement des loups-garous. Ce qui est plus singulier, c'est qu'il y a encore ' Inconstance cks mautnis anges, liv. IV, p. 304. dans plusieurs villages des loups-garous , ou de mauvais garnements qui passent pour tels. On se demandera comment il se pent qu'un sorcier ou un loup-garou trouble ou epouvante une contree pendant trois ou quatre ans , sans que la justice I'arrete. C'est encore une des miseres de nos paysans. Comme il y a chez eux beaucoup de mechants, ils se craignent entre eux; ils ont un discernement et une experience qui leur appren- nent que la justice n'est pas toujours juste ; et ils disent : Si nous denongons un coupable et qu'il ne soit pas hors d'etat de nuire, c'est un enneini implacable que nous aliens nousfaire. Les paysans sont vindicalifs. Apres dix ans de galeres, ils reviennent se venger de leurs denoncialeurs. 11 faudrait peut-etre qu'un coupable qui sort des galeres n'eut pas le droit de reparaitre dans le pays qui a ete le Ibeatre de ses mefaits. Voy. Cy- NANTIinOPIE , BoUSANTHHOPIE , RaOLLET, BlSCLAVA- RET, etc. Louviers (possession de). Un prelre, nomme David, deserteur de Dieu, se trouvant confesseur des religieuses franciscaines de Louviers, perver- til ces jcunes .soeurs et les mit sur les voies qui menent aux demons. En-mourant, apres avoir, entanie son oeuvre infernale, il eut pour succes- seur son ami Mathurin Picard , qui etait comme lui lie a Satan et qui se faisait seconder par Boule , son vicaire. C'en etait assez pour amener une possession cbez les franciscaines de Lou- viers. Cette possession devint effroyable. Made- leine Bavent, qui etait venue la innocente et devouee a saint Frangois, declara comment on i'avait entraincie a profaner la sainte liostie et a commettre d'autres sacrileges. Elle raconta com- ment elle avait ete emmenee a ces orgies exe- crables qu'on appelle le sabbat. Elle y trouvait Picard, Boule, son vicaire, ses soeurs Catberinc de la Croix, Anne Ban e, Elisabeth dela Nativite, Catherine de sainte Genevieve, une nommee Simonette et plusieurs autres personnes qui fai- ^^aient sans horreur des abominations affreuses. C'est toule une monstrueuse histoire. Les posses- sions de cette maison se manifesterent si violem- ment qu'on dut exerciser les religieuses. La plus saillante etait Madeleine Bavent. Apres la deli- vrance du couvent, on no la condamna qu'a une penitence qu'elle lit genereuscment toute sa vie. Mais Boule fut condamne au feu par le parlement de Rouen ; et il le meritait. On deterra le corps de Picard pour lui faire subir le meme supplice; ce miserable etait mort, un peu avant la sentence. On publia qu'il s'etait suicide, peut-etre aide par Satan. Loyer ( Pierre le ) , sieur de la Brosse, con- seiller du roi au siege presidial d'Angers, et demonographe, ne a Huilledans I'Anjou, en 1550, auteur d'un ouvrage intitule Discours el histoircs des speclrcs , visions et apparilions des esprits , anges, demons et dmes se montrant visibles aux I LOY LUC hommes ; divise en huit livres, desquels, par les visions merveilleuses et prodigieuses apparitions avenues en tons les siecles , lirees et recueillies des plus celebres auteurs tant sacres que profanes, est inanifeslee la certitude des spectres et visions des esprits, et sont baillees les causes d'iceux, leurs effets, leurs differences, les moyens pour reconnaitre les bons et les mauvais et chasser les demons; aussi est traite des extases et ravis- sements; de I'essence , nature et origine des ames, et de leur etat apres le deces de leurs corps; plus des magiciens et sorciers; de leurs communications avec les malins esprits ; ensemble des remedes pour se preserver des illusions et impostures diaboliques. Paris, chez Nicolas Buon, 1605, 1 vol. in-4°. Ce volume singulier est dedie Deo optimo maximo; il est divise en huit livres, comme I'annonce le titre qu'on vient de lire. Le premier contient la definition du spectre, la refutation "des saduceens, qui nient les apparitions et les esprits ; la refutation des epicuriens, qui tiennent les esprits cor porels, etc. Le deuxieme livre traite, avec la physique du temps , des illusions de nos sens, des prestiges, des extases et metamorphoses des sorciers, des philtres. Le troisieme livre eta- blit les degres, charges , grades et honneurs des esprits ; les histoires de Philinnion et de Poly- crite, et diverses aventures de spectres et de demons. Dans le livre suivant, on apprend a quelles personnes les spectres apparaissent ; on,y parle des demoniaques, des pays ou les spectres et demons se montrent plus volontiers. Le demon de Socrate, les voix prodigieuses , les signes merveilleux, les songes diaboliques; les voyages de certaines ames hors de leur corps tiennent place dans ce livre. Le cinquieme traite de I'es- sence de I'ame, de son origine, de sa nature, de son etat apres la mort, des revenants. Le livre sixieme roule lout enticr sur I'apparilion des ames; on y demontre que les ahies des damnes et des bienheureux ne reviennent pas ; mais seu- lement les ames qui souffrent en purgatoire. Dans le septieme livre, on etablit que la pytho- nisse d'Endor fit paraitre un demon sous la figure de Fame de Samuel. II est traite en ce livre de la magie, de revocation des demons, des sor- ciers, etc. Le dernier livre est employe a I'indi- cation des exorcismes, fumigations, prieres et autres moyens anlidiaboliques. L'auteur , qui a rempli son ouvrage de recherches et de science indigeree, combat le sentiment ordinaire qu'il faut donner quelque chose au diable pour le ren- voyer. « Quant a ce qui est de donner quelque chose au diable, dit-il, I'exorciste ne le peut faire, non pas jusqu'a un cheveu de la tete, non pas jus- qu'a un brin d'herbe d'un pre; car la tBrre et tout ce qui habite en elle appartient a Dieu, » Lubin. C'esL le poisson dont le fiel servit au jeune Tobie pour rendre -la vue a son pere. On dit qu'il a contre I'ophthalmie une grande puis- sance, et que son coeur sert a chasser les demons ' . Lucesme , demon invoque dans les litanies du sabbat. Lucien, ecrivain grecdonton ignore I'epoque de la vie et de la mort. On a dit qu'il fut change en ane, ainsi qu'Apulee, par les sorciers de La- risse, qu'il etait alle voir pour essayer si leur art magique etait veritable; de sorte qu'il devint sorcier. Lucifer, nom de I'esprit qui preside a I'orient, selon I'opinion des magiciens. Lucifer etait evo- que le lundi , dans un cercle au milieu duquel etait son nom. 11 se contentait d'une souris pour prix de ses complaisances. On le prend souveut pour le roi des enfers, et, selon quelques demo- noniames , il est superieur a Satan. On dit qu'il est parfois facetieux, et qu'un de ses tours est de retirer les balais sur lesquels les sorcieies vont au sabbat et de leur en donner sur les epaules ; ce que les sorcieres de Moira, en Suede, ont atteste en 1672. Les memes sorcieres ont affirme qn'elles avaient vu au sabbat le meme Lucifer en habit gris, avec des bas bleus etdes culottes rouges, ornees de rubans. Lucifer ci m- mande aux Europeens et aux Asiatiques. 11 ap- parait sous la forme et la figure du plus bel enfant. Quand il est en colere, il a le visage en- flamme, mais cependant rien de monstrueux. C'est, selon quelques demonographes, le grand justicier des enfers. II est invoque le premier dans les litanies du sabbat. Luciferiens, nom donne aux partisans de Lucifer, eveque schismatique de Cagliari, au qua- trieme siecle. 1 Leloyer, Hisioire des spectres ou apparUtons des esprits, liv. VHI, p. 833. 27 LUC — /tl8 — LUN Lucumoriens, sujets da czar de Moscovic, qui , a I'instar de la marmotle , depiiis le mois d'octobre jusqu'a la fin du mois d'avril suivant , demeurent comme morts, an dire de Leloyer^ Ludlam , sorciere , fee ou magicienne tres- fameuse, dont les habitants du comte de Surrey, en Angleterre, placent I'liabitation dans une caverne voisine du chateau de Farnham , connu dans le pays sous le nom de Ludlam's Hole, caverne de la mere Ludlam. La tra^lition popu- laire porte que cette sorciere n'etait point un de ces etres malfaisants qui tiennent une place dis- tinguee dans la demonologie; au contraire, elle faisait du bien a tous ceux qui imploraient sa protection d'une maniere convenable. Les pau- vres habitants du voisinage, manquant d'usten- siles de cuisine ou d'instruments de labourage, n'avaient qu'a lui manifester leurs besoins, ils la trouvaient disposee a leur preter ce qui leur etait necessaire. L'homme qui voulait avoir un de ces ineubles se rendait a la caverne a minuit, en faisait trois fois le tour et disait ensuite : — Bonne mere Ludlam , ayez la bonte de m'envoycr un chaudron , ou telle chose ; je vous promets de vous le rendre dans deux jours, Cette priere faite, on seretirait; le lendemain, de grand malin , on retournait a la caverne , a I'entree de laquelle on trouvait la chose deman- dee. Mais ceux qui invoquaient la mere Ludlam ne se montrerent pas toujours aussi honnetes qu'elle : un paysan vint la prier une fois de lui preter une grande chaudiere et la garda plus longtemps qu'il ne I'avait promis. La mere Ludlam, offensee de ce manque d'exactitude , refusa de recevoir sa chaudiere lorsqu'on la lui rapporta , et depuis ce temps elle se venge en ne se pretant plus a aucune des demandes qu'on lui fait \ Lugubre , oiseau du Bresil , dont le cri fu- nebre ne se fait entendre que la nuit; ce qui le fait respecter des naturels , qui sont persuades qu'il est charge de leur apporter des nouvelles des morts. Lery, voyageur francais, raconteque, traversant un village , il en scandalisa les habi- 1 Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits , liv. IV, p. 4o5. 2 Noel , Diclionnaire de la Fable. tants pour avoir ri de Tattention avec laquelle ils ecoulaient le cri de cet oiseau. — Tais-toi, lui dit rudement un vieillard, ne nous empeche pas d'entendre les nouvelles que nos grands-peres nous envoient. Lulls (Raymond), I'un des maitres le plus souvent cites de la philosophic hermetique, et I'un des savants les moins connus du moyen age. II etait ne a Palma, dans I'ile de Majorque , en 1235. C'etait un saint plus encore qu'un savant. II consacra presque toute sa vie , missionnaire de- voue , a la conversion des Maures. II recut le martyre pres de Bougie , a I'age de quatre-vingts ans, tue a coups de pierre par les sectateurs de Mahomet, le 29 juin 1315 , jour de Saint-Pierre. Toutefois, il etait savant chimiste; et les an- nales de son temps soutiennent, avec preuves, qu'il fitde I'or. M. E.-J, Delecluse termine ainsi. une belle notice qu'il a publiee sur cet homme : « Les chimistes des onzieme , douzieme et' treizieme siecles etaient-ils des fous, et la trans- mutation des metaux est-elle une operation im- possible? » II ne m'appartient pas de traiter une pareille question , et je me bornerai a rapporter a ce su- jet les paroles d'un des chimistes les plus eclaires de nos jours : — S'il ne sort de ces rapproche- ments, dit M. Dumas, aucune preuve de la pos- sibilite d'operer des transmutations dans les corps simples, du moins s'opposent-ils a ce qu'on re- pousse cette idee comme une absurdite qui serait demontree par I'etatactuel denos connais- sanccs. » Lumiere merveilleuse. — Prenez quatre onces d'herbe appelee serpentinette, mettez-la dans un pot de terre bouche, puis faites-la dige- rer au ventre de cheval , c'est-a-dire dans le fu- mier chaud , quinze jours ; elle se changera en de petits vers rouges, desquels vous tirerez une huile selon les principes de I'art; de cette. huile vous garnirez une lampe, et lorsqu'elle sera al- lumee dans une chambre, elle provoquera au sommeil ct endormira si profondement ceux qui seront dans ladite chambre, que Ton ne pourra en eveiller aucun tant que la lampe brCilera. Lune, la plus grande divinite du sabeisme apres le soleil. Pindare I'appelle I'oeil de la nuit, et Horace la reine du silence. Une partie des Orientaux Thonoraient sous le titre d'Uranie. C'est risis des Egyptiens, I'Astarte des Pheni- ciens, la Mylitta desPerses, I'Alilatdes Arabes, la Selene des Grecs, et la Diane, la Venus, la Junon des Romains. Cesar ne donne point d'au- tres divinites aux peuples du Nord et aux an- ciens Germains que le feu, le soleil et la lune. Le culte de la lune passa dans les Gaules, ou la lune avait un oracle desservi par des druidesses dans I'ile de Sein, sur la cote meridionale de la basse Bretagne. Elle avait un autel a Ailon [Ara LUN — 419 — LUN LuncB). Lesrnagiciennes de Thessalie se vantaient d'avoir un grand commerce avec la lune , et de pouvoir, par leurs enchantements, la delivrer du dragon qui voulait la devorer (lorsqu'elle etait eclipsee) , ou la faire a leur gre descendre siir la terre. L'idee que cet astre pouvait etre habile a donne lieu a des fictions ingenieuses : telles sont, entre autres, les voyages de Lucien, de Cyrano de Bergerac , et la fable de I'Arioste , qui place dans la lune un vaste magasin rerapli de fioles etiquetees, ou le bon sens de chaque individu est renferme. On a publie en 1835, sous le chaperon du savant astronome Herschell, qui sans doute ne soupgonnait pas Thonneur qu'on lui faisait, une plaisante description des habitants de la lune, canard qui venait des Etats-Unis. Les Peruviens regardaient la lune comme la soeur et la femme du soleil, et la mere de leurs Incas; ilsl'appelaient mere universelle, et avaient pour elle la plus grande veneration. Cependant ils ne lui avaient point eleve de temple a part et ne lui offraient point de sacrifices. lis preten- daient que les marques noires qu'on apergoit dans la lune avaient ete faites par un renard qui , ayant monte au ciel, I'avait embrassee si etroi- tement qu'il lui avail fait ces laches a force de la serrer. Suivant les Taitiens, les taches que nous voyons a la^ lune sont des bosquets d'une espece d'arbres qui croissaient autrefois a Taiti ; un acci- dent ayant detruit ces arbres, les graines fu- rent portees par des pigeons a la lune, ou elles ont prospere Les mahometans ont une grande veneration pour la lune; ils la saluent des qu'elle parait, lui presentent leurs bourses ouvertes et la prient d'y faire multiplier les especes a mesure qu'elle croitra. -La lune est la divinite des Nicaborins, habi- tants de Java. Lorsqu'il arrive une eclipse de lune, les Chinois idolalres, voisinsde la Siberie, poussent des cris et des hurlements horribles, sonnent les cloches , frappent contre du bois ou des cliaudrons et touchent a coups redoubles sur les timballes de la grande pagode. lis croient que le mechant esprit de I'air Arachula attaque la lune, et que leurs clameurs doivent I'effrayer. II y a des gens qui pretendent que la lune est douee d'un appetit extraordinaire; que son esto- mac , comme celui de Tautruche , digere des pierres. En voyant un batiment vermoulu, ils disent que la lune I'a mulile et qu'elle peut ron- ger le marbre, ce qui est vrai dans certains climats. Combien de personnes n'osent couper leurs cheveux dans le decours de la lune ! dit M, Sal- gues ^. Mais les medecins sont convenus enfin ' Voyages de Cook. 2 Des erreurs et'des prejuges, etc., t. I, p. 240. que la lune influe sur le corps humain , comme sur bien d'autres choses \ La plupart des peuples ont cru encore que le lever de la lune etait un signal mysterieux auquel les spectres sortaient de leurs tombeaux. Les Orientaux content que les lamies et les gholes deterrent les raorls dans les cimetieres et font leurs festins au clair de la lune. Dans certains cantons de I'orient de I'Allemagne, on prelen- dait que les vampires ne commengaient leurs infestations qu'au lever de la lune, et qu'ils etaient obliges de rentrer en terre au chant du coq. L'idee la plus extraordinaire, adoptee dans quelques villages, c'est que la lune ranimait les vampires. Lorsqu'un de ces spectres, poursuivi dans ses courses nocturnes , etait frappe d'une 1 Ceux qui ont observe les ph^nomenes que pre- sente le climat des regions intertropicales n'ont pas prete une assez grande attention a I'influence que la lune y exerce. Si Ton s'accorde a reconnaitre que la pression ou rattraction lunaire agit fortement sur les marees , on ne doit pas craindre d'affirmer que I'at- mosphere est soumise a une action semblable. Ce qu'il y a de certain, c'est que, dans les basses terres des regions intertropicales, un observateur attentif de la nature est frappe du pouvoir que la lune exerce sur les saisons aussi bien que sur le regno animal et sur le vegetal. A Dera^rara, il y a cheque annee treize printemps et treize automnes; car il est constate que la seve des arbres y monte aux branches et redescend aux racines treize fois alternativement. Le vallaba, arbre resineux assez commun dans les bois de Demdrara , et qui ressemble a Facajou , fournit un exemple Ires-curieux en ce genre. Si on le coupe la nuit, quelques jours avant la nouvelle lune, son bois est excellent pour les charpentes et toute espece de constructions, et la durete en est telle qu'on ne peut le fendre qu'avec beaucoup de peine, et encore inegalement. Abattez-le pendant la pleine lune, vous le partagez en une infinite de plan- ches aussi minces et aussi droites qu'il vous plait avec la plus grande facilite ; mais alors il ne vaut rien pour les constructions et se deteriore bientot. Faites des pieux avec des bambous de la grosseur du bras ; si vous les avez coupes a la nouvelle lune, ils dureront dix a douze annees ; mais si c'est pendant qu'elle etait dans son plein , ils seront pourris en moins de deux ans. Les effets de la lune sur la vie animale sont prouves aussi par un grand nombre d'exemples. On a vu en Afrique des animaux nouveau-nds perir en quelques heures aupres de leur mere pour etre restes exposes aux rayons de la pleine lune. S'ils en sont frappes, les poissons fraichement peches se corrompent, et la viande ne se peut plus conserver, meme au moyen du sel. Le marinier qui dort sans precaution la nuit sur le tillac, la face tournee vers la lune , est atteint de nyctalopie ou cecitd nocturne , et quelquefois sa tele entle d'une maniere prodigieuse. Les paroxysmes des fous redoublent d'une maniere effrayante a la nou- velle et a la pleine lune ; les frissons humides de la fievre intermittente se font sentir au lever de cet astre, dont la douce lueur semble a peine efHeurer la terre. Mais, qu'on ne s'y meprenne pas, ses effets sont puissants, et, parmi les agents qui regnent sur Tatmosphere, on peut affirmer qu'elle ne tient pas le dernier rang. (Martin's history of the British colonies.) 27. LUN /t20 — LUT ballc ou d'liii coup de lance, on pensait qii'il pouvait moLirir iine seconde fois , inais qu'expose aux rayons de la lune il reprcnait ses forces el pouvait sucer de nonveau les vivants. Lundi. En Russie , le lundi passe pour un jour malheureux. Parmi le peuple et les personnes supersliLienses, la repugnance a euLreprendre ce jour-la qnelque cliose , surtouL un voyage, esl si universeile que le petit nombre des gens qui ne la partagent pas s'y soumet par egard pour I'opi- nion publique. Lure (Guillaunie), docteur en theologie, qui futcondamne comme sorcier, a Poitiers, en 1453, convaincu par son propreaveu, par ternoins, et pour avoir ete Irouve saisi d'nn pacte fait avec le diable, par lequel il renongait a Dieu et se donnaiL a icelui diable ^ Luricaunes , lutins pygtnees de la race des fees. On les appelle en Irlande luricaunes el cluricaunes, lurigadaunes a Tipperari, logherys dans ruister. lis connaissent les tresors cacbes. Luridan, puissant esprit de I'air en Norvege et en Laponie. Voy. Harold. Lusignan. On pretend que la maison de Lu- signan descend en ligne directe de Melusine. VoiJ. MELUSINE. Lusmore. Les Irlandais donnent ce nom a la dicjitalis pwpurea, qu'ils appellent aussi plus communement bonnet de fie, a cause de la res- semblance supposee de ses clocbettes avec celle partie de Tbabilleinent des fees. On pretend qu'elle salue les etres surnaturels en pliant de- vant eux sa longue tige , en signe de reconnais- sance Luther (Martin), le plus fameux novateur re- ligieux du seizieme siecle, ne en Ik^k en Saxe, mort en 15/i6. II dut son education a la cbarite des moines et entra chez les auguslins d'Erfurt. Devenu professeur de tbeologie , il s'irrila de ne pas etre le Judas des indulgences, c'est-a-dire de n'en pas lenir la bourse; il ecrivil centre le Pape et precha conlre I'Eglise romaine. Devenu epris de Catherine Bore, religieuse, il I'enleva de son convent avec huit autres soeurs, se hata de I'epouser et publia un ecrit ou il comparait ce rapt a celui que Jesus-Christ fit, le jour de la Passion , lorsqu'il arracha les ames de la tyrannie de Satan 1 M. Dufau , Contes irlandais. Nous ne pouvons ici faire sa vie ^ mais sa mort nous revient. Ses ennemis ont assure que le diable I'avait etrangle ; d'aulres qu'il mourut subilement en allant a la garde-robe, comme Arius , apres avoir trop soupe ; que , son tombeau ayant ele ouvert le lendemain de son enlerre- menl, on n'y avail pu trouver son corps, et qu'il en etait sorli uue odeur de soufre insupportable. — Georges Lapdlre le dit fils d'un demon el d'une sorciere. A la mort de Luther, disent les relations rd- pandues chez ses contemporains , les demons en deuil , habilles en corbeaux , vinrent chercher cet ami de I'enfer. lis assislerent invisiblement aux funerailles; et Thyraeus ajoute qu'ils I'emporte- renl ensiu'le loin de ce monde , ou il ne devait que passer. — On conte encore que le jourde sa mort tons les demons qui se Irouvaient en une cerlaine ville de Brabant (a Malines) sorlirenldes corps qu'ils possedaient et y revinrent le lende- main ; el comme on leur demandait oii ilsavaient passe la journee precedenle, ils repondirent que, par I'ordre de leur prince , ils s'etaient rendus a I'enterrement de Luther. Le valet de Luther, qui I'assislait a sa mort, declara, ce qui est tres- singulier, en conformile de ceci, qu'ayant mis la UHe a la fenetre pour prendre I'air au moment du trepas de son maitre, il avail vu plusieurs ' Dolancre, Inconstance des d'rmons , t. YI , p. 4h5. 2 On trouvera cette vie de Lutlier dans les Legcndcs infernales. LUT — Z|21 LUT esprits horribles qui dansaient autour de la mai- son , et ensLiite des corbeaux maigres qui accorn- pagnerent le corps en croassant jusqu'a Wit- temberg. . . . La dispute de LuLher avec le diable a fait beau- coup de bruit. Un religieux vint un jour frapper rudement a sa porte , en demandant a lui parler. Le renegat ouvre; le prelendu moine regardc un moment le refonnateur et lui dit : — J'ai d^cou- vert dans vos opinions cerlaines erreurs papis- tiques sur lesquelles je voudrais conferer avec vous. — Parlez, repond Luther. L'inconnu pro- posa d'abord quelques discussions assez simples, que Luther resolut aisement. Mais chaque ques- tion nouvelle etait plus difficile que la prece- dente , et le moine suppose exposa bientot des syllogismes tres-embarrassants. Luther, offens^ , lui dit brusquement : — Vos questions sont trop embrouillees; j'ai pour le moment autre chose a faire que de vous repondre. Cependant il se le- vait pour argumenter encore, lorsqu'il remarqua que le religieux avait le pied fendu et les mains armees de griffes. — N'es-tu pas, lui dit-il, celui dont la naissance du Christ a du briser la tete? Etle diable, qui s'attendait avec son ami aun combat d'esprit et nun a un assaut d'injures, regut dans la figure I'encrier de Luther, qui etait de plomb ' : il dut en rire a pleine gorge. On montre encore sur la muraille, a Wittemberg, les eclaboussures de I'encre. On trouve ce fait rapporte, avec quelque difference de details, dans le livre de Luther lui-meme sur la messe Lulher privee , sous le titre de Conference de Luther avec le diable^. II conte que, s'etant eveille un jour, vers minuit, Satan disputa avec lui, I'dclaira sur les erreurs du Catholicisme et I'engagea a se separer da Pape. C'est donner a sa secte une assez triste origine. L'abbe Cordemoy pense , avec beaucoup d'apparence de raison , que cer- tains critiques ont tort de prctendre que cette piece n'est pas de Luther. II est constant qu'il etait tres-visionnaire ; M. Michelet I'a reconnu positivement, ce qui doit suffire aux incredules; pourjes croyants, il etait tres en etat de voir le diable. II est meme possible que la bravade de I'encrier soit une vanterie. * Colloquium Lutherum inter et diabolum, ah ipso Luthero conscriptum , in ejus libro de Missa pri- vata, etc. Lutins. Leslutins sont du nombre des demons qui ont plus de malice que de m^chancete. llsse plaisent a tourmenter les gens et se contentent de faire plus de peur que de mal. Cardan parle d'un de ses amis qui, couchant dans une chambre que hantaient les lutins, sentit une main froide et molle comme du coton passer sur son cou et son visage, et chercher a lui ouvrir la bouche. II se garda bien de bailler; mais, s'eveillant en sursaut, il entendit de grands eclats derire sans rien voir autour de lui. Leloyer raconte que de son temps il y avait de mauvais garnements qui faisaient leurs sabbats dans les cimetieres pour etablir leur reputation et se faiije craindre , et que, quand ils y etaient parvenus, ils allaient dans les maisons buffeter le bon vin. ' M^lanchthon, De examin. theolog. operum, t. I. LUT — 422 — LYN Les latins s'appelaient ainsi parce qu'ils pre- naient quelquefois plaisir a liitter avec les hom- mes. II y en avail un a Thennesse qui se battaiL avec tous ceux qui arrivaient dans cette ville. Au reste , disent les bons legendaires , les lutins ne metlent ni durete ni violence dans leurs jeux.... Voy. Elfes, etc. Lutschin. Au pied de Lutschin, rocher gigan- tesque de la Suisse, coule un torrent oii se noya un fratricide en voulant laver son poignard en- sanglanle. La nuit, a I'heure ou le meurtre fut commis, on entend encore pres du torrent des soupirs et comrae le rale d'un homme qui se meurt. On se dit aussi que I'ame du meurtrier rode dans les environs , cherchant un repos qu'elle ne peut trouver. Lutteurs, demons qui aiment la lutte et les petits jeux de mains. G'est de leur nom qu'on a nomme les lutins. Luxembourg (Frangois de Montmorency), marechal de France, ne en 1628, mort en 1695. On I'accusa de s'etre donne au diable. Un de ses gens , nomme Bonard , voulant retrouver des pa- piers qui etaient egares , s'adressa a un certain Lesage pour les retrouver. Ce Lesage etait un homme derange, qui se melait de sorcellerie et de divination. 11 lui ordonna d'aller visiter les eglises, de reciter des psaumes; Bonard'se sou- mit a tout ce qu'on exigeait de lui, et les papiers ,ne se retrouverent pas. Une iille, nommee la Dupin, les retenait. Bonard, sous les yeux de Lesage, fit une conjuration au nom du marechal de Luxembourg ; la Dupin ne rendit rien. Deses- pere , Bonard fit signer un pacte au marechal qui se donnait au diable. A la suite de ces menees, la Dupin fut trouvee assassinee. On en accusa le marechal. Le pacte fut produit au proces. Lesage deposa que le marechal s'etait adresse au diable el a lui pour faire mourir la Dupin. Les assassins de cette fille avouerent qu'ils I'avaient decoupee en quartiers et jetee dans la riviere par les ordres du marechal. La cour des pairs devait le juger ; mais on mit de la negligence a instruire son pro- ces; enfin on lui confronta Lesage el un autre sorcier, nomme Davaux, avec lesquels on I'ac- cusa d'avoir fait des sortileges pour faire mourir plus d'une personne. — Parmi les imputations horribles qui faisaient la base du proces, Lesage dit que le marechal avail fait un pacte avec le diable, pour pouvoir allier un de ses lils avec la famille de Louvois. Le proces dura quatorze mois. II n'y eut de jugement ni pour ni contre. La Voisin, la Vigoureux et Lesage, compromis dans ces crimes, furent brules a la Greve. Le marechal de Luxembourg fut elargi , passa quel- ques jours a la campagne, puis revint a la cour et repril ses fonctions de capitaine des gardes... Luxembourg (la marechale de). Madame la marechale de Luxembourg avail pour valet de chambre un vieillard qui la servait depuis !ong- lemps, et auquel elle etait attachee. Ce vieillard tomba tout a coup dangereusement malade. La marechale etait dans I'inquietude. Elle ne cessait d'envoyer demander des nouvelles de eel homme, et souvent allail elle-meme en savoir. Se portant tres-bien , elle s'eveille au milieu de la nuit avec une agitation singuliere ; elle veut sonner pour demander ce que fait son valet de chambre; elle ouvre les rideaux de son lit; a I'instant, I'imagi- nation fortement frappee, elle croit apercevoir dans son appartement un fantome convert d'un linceul blanc; elle croit entendre ces paroles: — Ne vous inquietez point de moi, je ne suis plus de ce monde, el avant la Penlecole vous viendrez me rejoindre. « La fievre s'empara d'elle ; elle fut bientot a toute extremite. Ce qui contribua le plus a augmenter sa terreur, c'est qu'a I'inslant meme ou elle fut frappee de cette vision , riiomme en question venait effectivement d'expirer. La marechale a cependant survecu a la prediction du fantome imaginaire, el cette re- surrection fait furieusement de tort aux spectres pour les choses de I'avenir'. » Lycanthropie , transformation d'un homme en loup. Le lycanthrope s'appelle communemeat loup-garou. Voy. Loups-garous. Lycaon, fils de Phorenee, roi d'Arcadie, a laquelle il donna le nom de Lycaonie. II batil sur les montagnes la ville de Lycosure, la plus an- cienne de toute la Grece, et y eleva un aulel a Jupiter Lycaeus, auquel il commenga a sacrifier des victimes humaines. 11 faisait mourir, pour les manger, tous les etrangers qui passaient dans ses Etats. Jupiter etant alle loger chez lui, Ly- caon se prepara a oler la vie a son hole pendant qu'il serait endormi ; mais auparavanl il voulut s'assurer si ce n'etait pas un dieu et lui fit ser- vir a souper les membres d'un de ses botes, d'autres disent d'un eselave. Un feu vengeur, allume par I'ordre de Jupiter, consuma bientot le palais, et Lycaon fut change en loup. C'est le plus ancien loup-garou. Suivant quelques traditions, il reprenait la figure d'homme au bout de dix ans, si, dans ces dix ans, il s'etait abstenu de chair humaine. Lycas, demon de Themese, chasse par le champion Euthymius, et qui fut en grande re- nommee chez les Grecs. 11 etait tres-noir, avail le visage et tout le corps hideux, et porlail une peau de loup pour vetement^. Lychnomancie, divination qui se faisait par I'inspection de la ilamme d'une lampe; il en reste quelques traces. Lorsqu'une etincelle se delache de la meche, elle annonce une nouvelle et la di- rection de cette nouvelle. Voy. Lampadomancie. Lynx. Les anciens disent des merveilles du lynx. ISon-seulement ils lui attribuenl la faculle 1 Histoire des revemnts ou pretendus tcls, t. I, p. 174. 2 Leloyer, Histoire des spectres, p. 198. LYS — 423 — MAC de voir a travers les murs, mais encore la vertu Lynx. serieusement que les filets de son urine se trans- fonnent en ambre, en rubis et en escarboucles. Mais il ajoute que, par un sentiment de jalousie, cet animal avare a soin de nous derober ces richesses en couvrant de terre ses precieuses evacuations. Sans cela nous aurions pour rien I'ambre, les rubis et les escarboucles*. Lysimachie, plante ainsi nommee parce que, posee sur le joug auquel les boeufs et autres ani- maux etaient atteles, elle avail la vertu de les empecher de se battre. Lysimaque, devin dont parle Demetrius de Phalere dans son livre de Socrate. II gagnait sa vie a interpreter des songes au moyen de cer- laines tables astrologiques. II se tenait aupres du temple de Bacchus ^, — ooo— M Ma , nom japonais de I'esprit malin ; on le donne au renard, qui cause de grands ravages au Japon, ou des sectaires n'admettent qu'une ] espece de demons, qui sont les ames des me- ' chants, lesquelles, apres la mort, sont unique- ment destinees a animer les renards. Mab. C'est en Irlande la reine des fees , appe- lee aussi Titania. Maberthe. On lit dans YHistoire des possedes de Flandre, tome II, page 275, qu'il y avait, en quelque royaume de I'Europe, une jeune fiUe nommee Maberthe, menant une vie qui semblait celeste ; qu'elle fut recue en pitie dans la maison du seigneur de Swert, I'an 1618. Elle se faisait passer pour sainte et se vantait que son Dieu lui parlait souvent. Mais elle refusa de conferer de ces merveilles avec un eveque , ce qui parut sus- pect ; et comme on disait qu'un jour le diable I'avait prise par la main et s'etait promene avec elle, le seigneur de Swert insista pour qu'elle en parlat audit eveque , ce qu'enfln elle accorda. Apres la conference, qui embarrassa tout le monde sans rien eclaircir, elle s'en alia de la maison en disant : « S'ils savaient que je sais ce que je sais, ils diraient que je suis une sorciere. » On Unit par decouvrir de grandes abominations dans cette fille. Mais elle etait effrontee ; et lors- qu'on lui parlait de se convertir, elle repondait : « J'y pen.serai; il y a vingt-quatre heures au jour. » On croit qu'elle finit par etre brulee. Mac-Allan (Fanny). Voy. Cekcueil. Mac-Alzean (Euphemie), accusee de sorcelle- rie parce qu'elle etait catholique. Voxj. Jacques I". Mac-Carthy. Les legendes irlandaises racon- tent I'histoire d'un certain Charles Mac-Carthy qui, apres une jeunesse tres-dissipee, mourut un jour et ressuscita au moment ou on allait I'enle- ver pour le cimetiere. II raconta des details cu- rieux sur I'autre monde. Etait-ce une lethargie avec reve ou une grace speciale? C'est ce que nous ne decidons pas. Mac-Donald (Archibald) , voyant celebre. II voyait a dix lieues un homme qui passait, et le decrivait avec toutes les singularites qui pou- vaient le faire reconnaitre'. Macha-Halla ou Messa-Hala, astrologue arabe du huitieme siecle de notre ere. On a de lui plusieurs ouvrages dont on trouve la liste dans Casiri. Les principaux ont ete traduits en latin : 1° Un TraiU des eUments et des choses cdestes ; 2" un autre , De la revolution des annees du monde; 3° un troisieme, De la signification des planetes pour les nativitis, Nuremberg, 1549. La biblio- theque Bodleienne a parmi ses rnanuscrits une traduction hebraique de ses Problemes astrolo- giques, faile par Aben-Ezra, Machines. Des savants ont produit par la me- canique des machines compliquees oia de bonnes gens ont vu de la magie, parce qu'ils ne savaient pas. Voy. Albert le Grand, Descartes avait fait, dit-on, avec beaucoup d'industrie, une machine automate pour prou- ver demons trativement que les betes n'ont point d'ame, et que ce ne sont que des machines bien compos^es qui se remuent a Foccasion des corps etrangers qui les frappent et leur communiquent une partie de leur mouvement. Ce philosophe ayant mis cette machine sur un vaisseau, le ca- pitaine eut la curiosile d'ouvrir la caisse dans laquelle elle etait enfermee ; surpris des mouve- ments qu'il remarqua dans cette machine, qui agissait comme si elle eut ete animee, il la jeta 1 M. Salgues, Des erreurs, etc., t. 11, p. 103. 2 Plutarque , Vie d'Aristote, § 66. 3 Cite, a propos de la seconde vue, dans le t. Ill de la Mystique de Gorres. MAC - m — MAG dans la mer, croyant que c'elait le diable. Au reste, la raison que donnait Descartes pour eta- blir que les betes n'ont point d'anies, c'est qu'elles sont a jamais incapables de progres. Ce qui est proiive depuis le commencement du monde. Machlyes , peuple fabuleux d'Afrique , que Pline pretend avoir eu les deux sexes et deux ma- melles, la droite semblable a celle d'un homme, et la gauche a celle d'une femme. Mac-Intos. Voy. Cercueil. Macreuses, oiseaux de la famille des canards , qui sont tres-communs sur les cotes d'Angleterre , d'Ecosse et d'lrlande. lis ont ele le sujet de bien des contes. Plusieurs auleurs ont assure que ces oiseaux sont produits sans oeufs : les uns les font venir des coquilles qui se trouvent dans la mer; d'autres ont avance qu'il y a des arbres sem- blables a des saules, dont le fruit se change en macreuses, et que les feuilles de ces arbres qui tombent sur la terre produisent des oiseaux , pen- dant que celles qui tombent dans I'eau deviennenl des poissons. II est surprenant, dit le P. Lebrun, que ces pauvreles aient ete si souvent repetees, quoique divers auteurs aient remarque et assure que les macreuses elaient engendrees de la meme maniere que les autres oiseaux. Albert le Grand I'avait declare en termes precis; et depuis, un voyageur a truuve , au nord de I'Ecosse , de' grandes troupes de macreuses el les oeufs qu'elles devaient couver, dont il mangea. « 11 n'y a pas longtemps qu'un journal de Nor- mandie nous racontait serieusement, dit M. Sal- gues ' , qu'on venait de pecher, sur les cotes de Granville, un mat de vaisseau qui dormait depuis plus de vingt ans sous les eaux ; que Ton fut fort etonne de le trouver enveloppe d'une espece de poisson fori singulier, que les Normands nomment hernack ou bernache. Or, ce bernache ou ber- nacle est un long boyau rempli d'eau jaunalre, au bout duquel se trouve une coquille qui ren- ferme un oiseau, lequel produit une macreuse. Celle absurde nouvelle se repandil, et les Pari- siens, ajoute M. Salgues, furenl bien etonnes d'apprendre qu'il y avail des oies qui naissaienl au bout d'un boyau, dans une petite coquille. » Johnston , dans sa Taumalographie naturelle, rapporle que les macreuses se forment dans le bois pourri ; que le bois pourri se change en ver el le ver en oiseau... Hector deBoece esll'homme donl I'autorite lui parail la plus imposante. Or, ce savant rapporle qu'en H90 on pecha sur les cotes d'Ecosse une piece de bois pourri ; qu'on I'ouvril en la presence du seigneur du lieu, el qu'on y Irouva une quanlite enorme de vers; mais ce qui surprit singulieremenl I'honorable baronnet el les speclaleurs, c'est que plusieurs de ces vers com- menqaienl a prendre la forme d'oiseau, que les uns avaient des plumes, el que les autres elaient > Des erreurs et des prejuges, t. I, p. 448. encore tout rouges. Ce phenomene parut si eton- nant, que Ton deposa la piece de bois dans I'eglise voisine , ou elle fut conservee. Boece ajoute a ce conle, et pour le faire lenir debout, qu'il fut lui -meme lemoin d'un prodige sem- blable ; que le ministre d'une paroisse voisine des bords de la mer ayanl peche une grande quanlite d'algues et de roseaux, il apergul a I'exlremite de leurs racines des coquillages sin- guliers, qu'il les ouvrit et y Irouva au lieu de poissons des oiseaux. L'auteur assure que le pas- teur lui fit part de cette merveille, et il repete qu'il fut lui-meme lemoin de la veril6 du fail.... Mac-Rodor, medecin ecossais donl voici I'avenlure : « En I'annee 157/4, un nomme Trois- Rieux s'obligea envers un medecin ecossais, nomme Mac-Rodor (tons deux habitants de Bor- deaux) , de lui servir de demon apres sa mort ; c'esl-a-dire que son esprit viendrail lui obeir en loules choses et lui faire connailre ce qui elail cache aux hommes. Pour parvenir a ces fins, ils signerenl un pacte en lellres de sang sur un par- chemin vierge. — Ce Mac-Rodor elail regarde comme sorcier et magicien ; il eul une fin mise- rable, ainsi que toule sa famille. On surprit chez lui I'obligation que nous venons de mentionner, avec une platine de cuivre ronde, de mediocre grandeur, sur laquelle Elaient graves les sept noms de Dieu , sept anges , sept planetes el plu- sieurs autres figures, caracteres, lignes, points, tons inconnus'. » Maczocha, gouffre celebre en Pologne par I'avenlure d'un condamne qui, jete la du temps des hussiles, en fut tire par un monslrueux dra- gon , sur le dos duquel il se glissa. Voi/. Obesslik. Madeleine de la Croix, religieuse de Gor- doue, qui mena mauvaise vie au seizieme siecle, se disant sorciere et se vanlanl d'avoir pour familier un demon. Frangois de Torre-Blanca ra- conte qu'elle avail a volonte des roses en hiver, de la neige dans le mois d'aout, el qu'elle pas- sait a travers les murs, qui s'ouvraienl devanl elle. Elle fut arretee par I'inquisition; mais ayanl lout confesse, elle fut adniise a penitence; car les inquisileurs n'ont jamais eu la ferocile que leur pretenl cerlains livres ullra-menteurs. Magares, sorciers de Mingrelie, fort redoutes des gens du pays, parce qu'ils nouaient I'aiguil- lelte. Aussi la ceremonie du mariage , en ce pays, se faisait loujours en secret, et sans qu'on en sill le jour, de peur que ces prelendus sorciers ne jelassenl quelques sortileges facheux sur les epoux. Voy. Ligatures. Mages, sectaleurs de Zoroastre, adorateurs du feu et grands magiciens. C'est d'eux, disent les demonomanes, que la magie ou science des mages lire son nom. Ils prechaienl la metempsy- cose astronomique ; c'est-a-dire que, selon leur 1 Delancre, Tabl. de I'inconslance des demons, etc., liv. II, p. 174. MAG — Z|25 — MAG doctrine, les kmes, au sortir de ce monde, al- laient habiter siiccessivement ton les les planete? avant de revenir sur la lerre. Magie et Magiciens. La magie est I'art de produire dans la nature des choses aii-dessns du poll voir des homines, par le secours desxlemons, ou en einployant cerlaines ceremonies que la re- ligion interdit. Celui qui exerce cet art est appele raagicien. On distingue la magie noire, la magie naturelle, la cwlesUalis, qui est I'astrologie judi- ciaire, et la coeremonialis. Cette derniere consiste dans I'invocation des demons, en consequence I d'un pacte formel ou tacile fait avec les puis- sances infernales. Ses diverses branches sont la cabale, I'enchantement, le sortilege, revocation des morts et des esprits malfaisants, la decou- verte des tresors caches et des plus grands se- crets, la divination , le don de prophetie, celui de guerir par des termes magiques et par des pratiques mysterieuses les maladies les plus opi- niatres, de preserver de lous maux, de. tons dangers, au moyen d'amulettes, de talismans; la frequentation du sabbat, etc. ' La magie naturelle, selon les demonographes , est I'art de connailre i'avenir et de produire des effets merveilleux par des nioyens naturels, mais au-dessus de la portee du commun des hommes. La magie artificielle est I'art de fasciner les yeux etd'etonner les spectateurs,ou par des automates, ou par des escamotages , ou par des tours de physique. La magie blanche est I'art de faire des operations siirprenantes par revocation des bons anges, ou simplement par adresse et sans aucune evocation. Dans le premier cas, on pretend que Salomon en est I'inventeur; dans le second, la magie blanche est la mSme chose que la magie naturelle, confondue avec la magie artificielle. La magie noire ou diabolique , enseignee par le * « Je ne sais si je dois vous dire que Ton compte d'ordinaire six especes principales de magie : la ne- cromancie, la pyromancie, raeromancie, I'hydro- mancie, la geomancie et la chiromancie. Mais peut- etre ne serez-vous pas fache que j'observe que ces diverses especes de divination elaient bien sacrees en substance, quand les lois les autorisaient comme au- tant de mysteres , mais qu'elles etaient abominables lorsque d'autres que le college des pretres s'en me- laient; parce que Ton s'imaginait qu'il n'y avait que les pretres qui eussent le droit, en vertu des lois, de consulter les bons demons; et que, par con- sequent, les magiciens, qui n'etaient que des per- sonnes particulieres sans vocation , n'agissaienl que par illusion, ou tout au plus par le commerce des mauvais demons, qui ne demandaient pas mieux que de donner par leur ministere des marques de leur malignite. » G'estpourquoi les paiens, qui avaient en horreur le seul nom de magie, donnerent a leurs mysteres celui de divination , et afm d'y mettre une difference plus r^elle, lis en changerent, autant qu'ils le pa- rent, les divers sujets, et en augmenterent les es- peces. » (BiNET, Traite historique des dieux et des demons du paganisme, lettre troisieme.) diable, et pratiquee sous son influence, est I'art de commercer avec les demons, en consequence d'un pacte fait avec eux, et de se servir de leur ministere pour operer des effets au-dessus de la nature. C'est de cette magie que sont accuses ceux qu'on appelle proprement magiciens. Cham en a ete, dit-on, I'inventeur ou plutot le conser- vateur; car Dieu n'envoya le deluge, disent les demonomanes, que pour nettoyer la terre des magiciens et des sorciers qui la souillaient. Cham enseigna la magie et la sorcellerie a son (ils Mis- raim , qui , pour les grandes merveilles qn'il faisait, fut appele Zoroastre. On a dit qu'il avait compose cent mille vers sur ce sujet, et qu'il fut emporte par le diable en presence de ses dis- ciples. En fait, la magie existe; et I'Eglise n'a pa se tromper en la considerant comme une aposlasie et un enrolement dans les phalanges de Satan. II n'est pas necessaire d'etablir ici la verite des faits rapportes dans I'Ecriture sainte sur la magie et les magiciens. lis ne sont contestes que par la mauvaise foi des incredules qui ont leur parti pris de nier. Mais tous les peuples ont reconnu I'existence de la magie; et les plus forts des esprits forts ne la nieront pas, s'ils ont vu quelques-unes des merveilles du magnetisme. Nous ne parlons ici que des faits et non de la maniere de les in- terpreter. Disons toutefois qu'on a atlribue a cet art noir bien des accidents qui n'en ont pas ete les produits. 11 est constant que les ecrivains des siecles passes ont entoure les histoires de faits magiques d'une credulite trop etendue. La ma- gie, disent-ils, donne a ceux qui la possedent une puissance a laquelle rien ne pent resister : d'un coup de baguette, d'un mot, d'un signe, ils bouleversent les elements, changent I'ordre im- muable de la nature, livrent le monde aux puis- sances infernales, dechainent les tempeles, les vents et les orages; en un mot, font le froid et le chaud. Les magiciens et sorciers, dit Vecker, sont portes par I'air d'un tres-leger mouvement, vont oil ils veulent, et cheminent sur les eaux, comme Oddon le pirate, lequel voltigeait ga et la en haule mer, sans esquif ni navire On conte qu'un magicien coupa la tete d'un valet en presence de plusieurs personnes qu'il voulait divertir ; toutefois il coupait cette tete avec le dessein de la remettre; mais pendant qu'il se disposait a la retablir, il vit un autre ma- gicien qui s'obslinait a le contre-carrer, quelque prifere qu'il lui adressat; il fit naitre tout d'un coup un Us sur une table, et en ayant abattu la tete , son ennemi tomba par terre sans tete .et sans vie. Puis il retablit celle du valet et s'en- fuit. Ce sont la des contes. Or, ces contes sur I'histoire la chargent sans I'aneantir. Un autre magicien, en 128/j, delivra la ville d'Hameln des rats innombrables qui I'infeslaient ; il opera cette merveille au moyen d'une flute en- MAG — /|26 — MAG chantee dont les sons alliraient iiivinciblement les rats. Mais, apres ce service rendu, les magis- trals d'Hanieln refuserent au magicien le prix convenu. II s'en vengea, au moyen d'une autre flute qui, par ses vibrations, entraina lous les enfants de la ville. On ne les revit plus; et des documents etabiissent qu'ils furent transportes en Transylvanie. Des monuments appuient ce trait d'histoire*, dont Guslave Nieritz a fait un conte de fantaisie ^. Mouchemberg, dans la suite de I'Argenis, va plus loin. 11 raconte les aventures bizarres du magicien Lexilis. Ce magicien ayant ete mis en prison par ordre du souverain de Tunis (le fait a eu lieu quelque temps avant la splendeur de Rome) , il arriva dans ces entrefailes une chose dtrange au fds du geolier de la prison otj Lexilis etait detenu. Co jeune homme venait de se ma- rier, et les parents celebraient les noces hors de la ville. Le soir venu, on joua au ballon. Pour avoir la main plus libre , le jeune marie Ota de son doigt I'anneau nuptial ; 11 le mit au doigt d'une statue qui etait pres de la. Apres avoir bien joue, il retourne vers la statue pour reprendre son anneau; mais la main s'eLait fermee, et il lui ful impossible de le retirer. Ce fait se retrouve dans plusieurslegendesdu moyen age. Le jeune homme ne dit rien d'un tel prodige; mais quand tout le monde ful renlre dans la ville, il revint seul de- vant la statue, trouva la main ouverte et etendue comma auparavant, toutefois sans la baguequ'il y avail laissee. Ce second evenement le jeta dans une grande surprise. 11 n'en alia pas moins re- joindre sa famille. Mais il vouUit inuLilemenl se rapprocher de sa femme. Un corps solide se pla- gail continuellement devant lui. « C'est moi que tu dois embrasser, lui dil-on enfin, puisque tu m'as epousee aujourd'hui : je suis la statue au doigt de laquelle tu as mis ton anneau. » Le jeune epoux effraye revela la chose a ses parents. Son pere lui con.seilla d'aller trouver Lexilis dans son cachol; il lui en remit la clef. Le jeune homme s'y rendit et trouva le magicien endormi sur la table. Apres avoir atlendu longlemps qu'il s'e- veillat, il le lira doucement par le pied : le pied avec la jambe lui demeura dans les mains... Lexilis, s'eveillanl alors, poussa un cri :1a porle du cachol se referma d'elle-meme. Le marie tremblant se jeta aux genoux du magicien, lui demanda pardon de sa maladresse et implora son assistance. Le magicien promit de le debarrasser de la statue , moyennant qu'on le mit en liberie. Le marche fait, il rajusta sa jambe a sa place et sortil. O^iand il ful libre, Lexilis ecrivit une leltre qu'il donna au jeune homme : « Va-t'en a mi- nuit, lui dil-il, dans le carrefour voisin ou abou- 1 Voyez cette curieuse tradition dans les Legendes des Coinmandements de Dieu. 2 Le sifflet magique, Iraduit de I'allemand en fran- Qais, par J. B. J. Champagnac. \ vol. 'm-\%. tissent quatre rues; attends debout et en silence ce que le hasard t'amenera. Tu n'y seras pas longtemps sans voir passer plusieurs personnages, chevaliers, pietons, gentilshommes : les uns ar- mes, les autres sans amies ; les uns tristes, les aulres gais. Quoi que tu voiesel que tu entendes, garde-toi de parler ni de remuer. Apres cette | troupe, suivra un certain, puissant de taille, assis sur un char; tu lui remettras la leltre, sans dire un mot, et tout ce que tu desires arrivera. » Le jeune homme fit ce qui lui etait present et vit passer un grand cortege. Le mailre de la compagnie venait le dernier , monte sur un char triomphal. II passa devant le fils du geolier, et, je;ant sur lui des regards lerribles, il lui demanda de quel front il osail se trouver a sa rencontre ? Le jeune homme, mourant de peur, eut pourlant le courage d'avancer la main et de presenter sa leltre. L'esprit, reconnaissant le cachet, la lut aussitot el s'ecria : « Ce Lexilis sera-t-il long- lemps encore sur la terre!... » Un instant apres, il envoya un de ses gens oter I'anneau du doigt de la statue, et le jeune epoux cessa d'etre trouble! Cependanl le geolier fit annoncer au souverain de Tunis que Lexilis s'etail echappe. Tandis qu'on le cherchait de toutes parts , le magicien enlra dans le palais, suivi d'une vingtaine de jeunes lilies qui portaient des mets choisis pour le prince. Mais, tout en avouant qu'il n'avait rien mange de si delicieux , le roi de Tunis n'en renouvela pas moins 1 'ordre d'arreler Lexilis. Les gardes, voulant s'iiinparer de lui, ne trouverent a sa place qu'un chien mort, sur le venire duquel ils avaient lous la main,... prestige qui excila la risee ge- nerale. Apres qu'on se ful calme, on alia a la maison du magicien; il etait a sa fenelre, regar- dant venir son monde. Aussitot que les soldats le virent, ils coururent a sa porle, qui se ferma in- continent. De par le roi, le capilaine des gardes lui commanda de se rendre, le menacant d'en- foncer la porle s'il refusait d'obeir. « Et si je me rends , dit Lexilis , que ferez-vous de moi ? — Nous vous conduirons courloisement au prince. — Je vous remercie de voire courtoisie; mais par oil irons-nous au palais? — Par cette rue, » reprit le capilaine en la monlrant du doigt. En meme temps il apergut un grand lleuve qui venait a lui en grossissant ses eaux el remplis- sait la rue qu'il venait de designer , tellement qu'en moins de rien ils en eurent jusqu'a la gorge. Lexilis, riant, leur criait : « Retournez au palais, car pour moi je ne me soucie pas d'y aller en barbet. » Le prince, ayant appris ceci,resolul de perdre sa couronne plulot que de laisser le magicien impuni : il s'arma lui-meme pour aller a sa pour- suite et le trouva dans la campagne qui se pro- menait paisiblement. Les soldals I'entourerent pour le saisir; mais Lexilis faisant un geste, MAG — 427 — MAG chaqiie soldat se Irouva la tete engagee entre deux piquets, avec deux cornes de cerf qui I'em- pechaient de se retirer, lis resterent longtemps dans cette posture, pendant que des enfants leur donnaient de grands coups de houssine sur les cornes... Le magician sautait d'aise a ce spec- tacle, et le prince etait furieux. Ayant apergu a terre , aux pieds de Lexilis , un morceau de par- chemin carre sur lequel etaient traces des ca- racteres , le roi de Tunis se baissa et le ramassa sans etre vu du magicien. Des qu'il eut ces ca- racteres dans la main , les soldats perdirent leurs cornes, les piquets s'evanouirent, Lexilis futpris, enchaine , mene en prison , et de la sur I'echa- faud pour y etre rompu. Mais ici il joua encore un tour de son metier ; car , comme le bourreau dechargeait la barre de fer sur lui, le coup tomba sur un tambour plein de vin, qui se repandit sur la place, et Lexilis ne reparut plus a Tunis... Voici une autre histoire contee par Wierus : « Un magicien de Magdebourg gagnait sa vie en faisant des tours de son metier, des enchante- ments , des fascinations et des prestiges sur un theatre public, Un jour qu'il montrait, pour quel- que monnaie, un petit cheval auquel il faisait exe- cuter, par la force de sa magie, des choses in- croyables , apres qu'il eut fini son jeu , il s'ecria qu'il gagnait trop peu d'argent avec les hommes et qu'il allait monter au ciel... Ayant done jete son fouet en I'air, ce fouet commenga de s'en- lever. Le petit cheval ayant saisi avec sa ma- choire I'extremite du fouet, s'enleva pareillement. L'enchanteur, comme s'il eut voulu retenir son bidet, le prit par la queue et fut emporte de meme. La femme de cet habile magicien em- poigna a son tour les jambes de son mari qu'elle suivit; enfm la servante s'accrocha aux pieds de sa maitresse , le valet aux jupes de la servante, et bientot le fouet, le petit cheval, le sorcier, la femme, la cuisiniere, le laquais, s'enleverent si haut qu'on ne les vit plus. Pendant que tous les assistants demeuraient stupefaits d'admiralion , il survint un homme qui leur demanda pourquoi ils bayaient aux corneilles, et quand il le sut : « Sdyez en paix, leur dit-il, votre sorcier n'est n pas perdu , je viens de le voir a I'autre bout de )) la ville, qui descendait a son auberge avec tout » son monde » Voij. Harvis. On raconte qu'Hemmingius , theologien ce- lebre, cita un jour deux vers barbares dans une de ses lecons, et ajouta, pour se divertir, qu'ils pouvaient chasser la fievre , parce qu'ils etaient magiques. L'un de ses auditeurs en fit I'essai sur son valet et le guerit. Puis apres on fit courir le remede, et il arriva que plusieurs febricitants s'en trouverent Men. Hemmingius, apres cela, se crut oblige de dire qu'il n'avait parle de la sorte qu'en riant, et que ce n'etait qu'un jeu 1 Wierus, De prcest., lib. II, cap. vii. d'esprit. Des lors le remede tomba ; mais il y en eut beaucoup qui ne voulurent point se dedire de la confiance qu'ils y avaient ajout^e. Les ma- ladies n'existent souvent que dans I'imagination : telle personne guerira avec un charlatan en qui elle a confiance ; telle autre ne guerira point avec un excellent medecin de qui elle se defie. La magie a reparu en Suede en 1859 avec une sorte d'epidemie diabolique. Voici ce qu'on ecri- vait alors : (( Une superstition Strange, qui a pris la forme d'une veritable epidemie, a sevi pendant I'ete dernier dans quelques contrees de la Suede. Le prevot du chapitre de Leksand , le docteur Hva- ser, charge de faire une enquete, a consigne dans son rapport les faits suivants : » Cette superstition a beaucoup de ressem- blance avec celles des sorcieres du moyen age qui croyaient avoir assiste au sabbat du diable, ce qui s'appelait en Suede aller a Blokulla. Mais cette fois , et c'est ce qu'il y a de plus curieux, ce ne sont presque que des enfants qui sont en prole a ces hallucinations. En outre, ce n'est plus a Blokulla qu'on est cense aller , mais a Jo- sefsdal, qui doit etre pres de Stockholm. » Voici ce que les enfants racontent sur leurs peregrinations. D'abord ils sont changes en vers, et ils s'echappent au dehors a travers un trou pratique dans la fenetre ; ensuite ils prennent la forme de pies, et, quand ils se sont rassembles, ils redeviennent enfants. Alors ils montent sur des peaux de veaux ou de vaches a travers les airs vers un clocher, oi!i ils se vouent au diable. » Anciennement on enlevait des parcelles du metal de la cloche en pronongant ces mots : « Que » mon ame n'arrive jamais au regne de Dieuavant )) que ce metal redevienne une cloche. » Aujour- d'hui la farine a remplace le metal, et arrive a Josefsdal, on en prepare une bouillie appelee welling, qu'on mange en societe avec le malin esprit, qui s'appelle A^orisj/M&ft (le vieux duNord). » En dansant, il porte des bottes fourrees dont il se debarrasse quand il s'est echauffe. Presque tous les enfants des deux communes de Gagnef et de Mockjards sont affectes de ces hallucina- tions. Quelques-uns en souffrent, d'autres restent bien portants. Les parents , qui croient leurs en- fants perdus et vendus au prince des tenebres, s'en desolent. D'autres, et ce ne sont pas les moins superstitieux, quand leurs enfants ne veu- lent pas faire des aveux, les tourmentent d'une maniere incroyable. » Un petit gargon nomme Grabo Pehr, qui af- firmait avoir ete plusieurs fois a Josefsdal , pre- tendait y avoir vu une petite fille, et lorsque la mere de celle-ci interrogeait Grabo Pehr, il indi- quait pour preuve qu'en mangeant a Josefsdal, la petite fille s'etait eclaboussee a la figure, d'oii il serait resulte une blessure qui ne pourrait ja- mais guerir. La petite fille, en effet, souffrait, MAG — 428 — MAG tout pres de I'oeil , d'une plaie de mauvaise nature et dont on ignorait I'origine. On peut croire quelle impression faclieuse une telle coincidence apparenle faisait sur sa pauvre mere. La petite fiile, cependant, n'avait aucune idee de Josefs- dal, ni du welling, et par consequent ne put jamais faire aucune revelation. » Heureusement cette epidemic, dans ces deux villages, s'est calmee un peu au bout de quelques mois; mais les esprits de la population n'en sont pas moins extremement agiles, et des symptomes alarmantssemontrent dans les contrees voisines. » II y a eu de tout temps, chez tous les peu- ples peu eclaires, grand nombre de magiciens, et on a beaucoup ecrit contre eux. Nous citerons ici quelques-uns des mille et un volumes qui trai- tent de cette maliere ex pvofesso : 1° le Traite de la magic blanche, ou de I' escamotagc , de De- cremps ; 2° la Magic naturclle , de Porta ; 3° la Veritable magie noire, ou le Secret des secrets, manuscrit trouve a Jerusalem dans le sepulcre de Salomon , contenant quarante-cinq talismans, avec la maniere de s'en servir et leurs merveil- leuses proprietes; plus, tous les caracteres ma- giques connus jusqu'a cejour, traduit du mage Iroe-Grego, Rome, 1750. Cetouvrage stupide est donne comnie un ecrit de Salomon. On y trouve surtout des conjurations. h° Trinum magicum, ou Traite des secrets magiqucs, contenant des re- cherches sur la magie naturelle, arlificielle et superstitieuse ; les talismans, les oracles de Zo- roastre , les mysleres des Egyptiens , Hebreux, Chaldeens, etc., in-8°, Francfort, 1673; 5° Lcttres de Saint-Andre , conseiller niedecin ordinaire du roi, a quelques-uns de ses amis, au sujet de la magie, des malefices et des sorciers, etc., Paris, in-12, 1725; 6° Traits sur la magic, le sortilege, les possessions, obsessions et malefices, etc.; par M. Daugis; Paris, in-12, 1732. De nos jours on a vu paraitre sur ces matieres quelques ou- vrages d'esprit divers. M. Jules Garinet a donne en 1818 une Histoire de la magie en France, pleine de faits curieux, mais trop sceptiques. Plus recemment, M. Alfred Maury a ecrit sur la magie pour la nier. M. Louis Figuier a voulu ainsi expliquer le merveilleux sans trop I'ad- mettre. L'abbe Fiard, dont on s'est raille, a ete peut-etre un peu credule aux yeux du vulgaire; mais il n'a pas toujours vu faux. M. Eudes de Mirville a parfaitement demontre I'existence pal- pable des esprits. M. le chevalier Gougenot des Mousseaux, dans son savant livre intitule la Magic au dix-neuvieme siecle, a solidement etabli les faits magiques, dans le passe et de nos jours, ainsi que le concours actif des demons autour de nous Enlin , la Mystique divine , naturelle et ' La magie au dix-neuvieme siecle, ses agents, ses verites , ses mensonges, par le chevalier Gougenot des Mousseaux, etc. Beau vol. in-8°, Henri Plon, edi- teur, 1861. diaboHque, de Gorres, est aussi un livre que les negations ne tueront pas. Voy. Bodin, Delrio, Delancre, Leloyer , BoGUET, WiERus, etc. Magie islandaise. La premiere magie de ces peuples, devenus aujourd'hui plus senses, con- sistait autrefois a evoquer des esprits aeriens, et a les faire descendre sur la terre pour s'en servir. Elle etait regardee comme la magie des grands. Cependant ces derniers en avaient une seconde, qui consistait a interpreter le chant des oiseaux, surtout des corneilles, les oiseaux les plus instruits dans la connaissance des affaires d'Etat et les plus capables de predire I'avenir. Mais comme il n'en existe point en Islande, les corbeaux remplissaient cet office : les rois ne faisaient pas meme scrupule de se servir de cette magie. Magnetisme , science longtemps occulte. Ce- pendant elle a ete pratiquee par I'heretique Marc, plus recemment par Mesmer et Cagliostro. Voici ce qu'ecrivait a Bruxelles, en 1839, dans un re- cueil periodique intitule le Magnetophile, un ecri- vain qui pouvait etre M. Jobard ou M. Victor Idgiez : (c Le nom de magnetiseurs ne designait autre- fois que quelques mesmeriens ou illumines et quelques songe-creux. Aujourd'hui le magne- tisme a fraternise avec les sciences physiques, qui seules pouvaient eclairer ses donnees ; il forme la souche principale dont les autres sciences ne sont que les rameaux... Ses progres sont lies plus immediatement au profit de la societe qu'elle ne semble le penser, dans la preoccupation de ses mesquines passions , de sa vie tumultueuse et agitee. Sous quelque point de vue qu'on le considere, son importance eclate et grandit chaque jour; mais son immensite nuit encore a ses pro- gres, parce que personne, isolement, n'a encore le pouvoir d'embrasser son etendue. Le magne- tisme est un probleme qui se debat depuis pres d'un siecle en Europe, dont I'Academie de me- decine, en France, a ranime I'energie sans en donner la solution , et qui se complique, au con- Iraire, chaque jour davantage par des pheno- menes plus merveilleux. On I'a vu concentre d'abord entre les mains de quelques adeptes ignorants ou fanatiques ; de grandes experiences ont ete faites ensuite, appuyees sur des noms qui ont porte la conviction dans quelques esprits. Aujourd'hui des savants le rejettent encore, il est vrai ; mais un savant se decide si difficilement a desapprendre! Une innovation I'epouvanle, car elle I'humilie et le detrone. Les doctrines carte- siennes ont lutte longtemps en France contre les vieilles universites avant d'oblenir leur droit de cite; plus tard elles repousserentelles-memes les principes de la philosophie newtonienne ; celle-ci rejetait les decouvertes d'Huygens ; Beaume et Lesage niaient les belles theories de la chimie moderne; Rome-Delisle persitlait I'in- I MAG — Li i iterprele des phenomenes electro -magnetiques. iD'ailleiirs, le tabac, le cafe, I'einetique, la vac- cine et jusqu'aux pommes de terre, n'ont-ils pas hprouve leur temps de persecution? L'Academie ie medecine ne se constitua-t-elle pas formelle- '•nent opposee a ce que la chimie, cette corne i'abondance des societes modernes, fut enseignee ! Jans Paris , comme elant , pour lonnes causes et considerations , def endue et censuree par arret du parlenmit? L'etablissementdes banqnes, des eco- les, des voi tares publiques, ne rencontra-t-il pas egalement una opposition formidable dansce meme parlement? Jacquart ne vit-il.pas bruler en place publique, par ordre des prud'hommes jde Lyon, ses metiers, qui devaient faire cepen- dant la prosperite et la fortune de cette seconde capilaledela France? Franklin nefut-ilpas tourne en ridicule quand il apprit aux campagnards I'art de fertiliser les champs avec du platre? Chris- tophe Colomb ne fut-il pas chasse de toules les cours quand son genie lui fit apparaitre un monde dont il voulaitdoter sa palrie'?... Pitheas, Wedel, Cook, Billinghausen, Biscoe et autres voyageurs celebres, ne furent-ils pas taxes d'imposture? Averrhoes, Volta, Fullon, Salomon de Cans, Davy, Arkwriglit, Gall, Lavater et lous ceux qui se sont presentes, une decouverle a la main, a la porte de ce vaste Charcnton qu'on appelle le monde, n'ont-ils pas ele regus a coups de sif- flets?... » Cependant le magnetisme voit aussi son triomphe. Deja il a detruit les doctrines impies de I'ecole medicale physiologique de Broussais, qui pretendait ramener aux seuls organes materiels du corps les nobles facultes de I'inteliigence ; mission d'autant plus grande que la sonl les bases de toute societe , la clef de voute et le ci- ment de tout edifice social. Le premier et le plus bel apanage du magnetisme est done de devenir une arme toute-puissante contre les partisans de la matiere, une preuve irresistible, irrefragable, evidente, palpable, de I'existence de I'ame inde- pendante du secours des sens... » Sans o?er juger ici le magnetisme, et sans pouvoir nier ses effets, qui sont evidents, bor- nons-nous a dire que le magnetisme exisle; que c'est une nouvelle branclie de merveilles plus incomprehensible encore que le galvanisme; qu'on n'en pourra jamais sans doute etablir les elements, mais qu'on en doit tirer un immense parti en medecine. L'Academie des sciences, qui s'obslinait a le nier lorsqu'elle n'etait composee en majorite que de materialistes, le reconnait aujourd'hui. Les juges religieux n'ont condamne que ses abus. Voy. Somnambulisme. Voy. aussi Mesmer. Les plus surs ouvrages a consul ter pour con- * Cet ecrivain, se trompant commo tant d'autres. cite Galilee. Voyez Galilee. 9 — ' MAI naitre impartialement le magnetisme sont les li- vres speciaux de M. Aubin Gauthier, surtout son Traite pratique du magnetisme, in-8°, Paris, 18/(5. On pent voir aussi le livre de M. I'abbe Loubers et le remarquable ouvrage de M. de Mirville sur les esprits. Magoa, I'un des plus puissants demons , roi de I'Orient. On I'evoque par I'oraison suivante prononcee au milieu d'un cercle. Elle pent servir tous les jours et a toute heure, dit un grimoire : « Je te conjure et invoque , 6 puissant Magoa , roi de I'Orient ; je te fais commandement d'obeir a ce que tu aies a venir ou m'envoyer sans re- tardement Massayel , Asiel, Satiel , Arduel , Aco- rib , et sans aucun delai , pour repondre a tout ce que je veux savoir et faire. » Magog. Schraderus , dans son lexique scan- dinave, fait le geant Magog chef des anciens Scythes, inventenr des runes, especes d'hiero- glyphes ou caracteres dont se sont servis les peuples seplenlrionaux , et dont I'usage a pre- cede en Europe celui des lettres grecques. Voy. Og. Mahomet, imposteur suffisamment connu. On peut voir le plus curieux de ses faits extraordi- naires, son voyage au paradis, dans les Legendes de I' autre monde. Maillat ( Louise ) , petite demoniaque , qui vivait en 1598; elle perdit I'usage de ses mem- bres ; on la trouva possedee de cinq demons qui s'appelaient hup, chat, chien , joly , griffon. Deux de ces demons sortirent d'abord par sa bouche en forme de pelotes de la grosseur du poing ; la premiere rouge comme du feu ; la deuxieme, qui etait le chat, sortit toule noire; les autres partirent avec moins de violence. Tous ces demons, etant hors du corps de la jeune per- sonne , firent plusieurs tours devant le foyer et disparurent. On a su que c'etait Francoise Secre- tain qui avait fait avaler ces diables a cette pe- tite fllle dans une croi^ite de pain de couleur de fumier * Maimon , chef de la neuvieme hierarchie des demons, capitaine de ceux qui sont tenlateurs, insidiateurs , dresseurs de pieges, lesquels se tortillent autour de chaque personne pour contre- carrer le bon ange ^. Main. On s'est moque avec raison des bor- borites, secte heretique des premiers siecles de I'Eglise, qui avaient des idees absurdes en theo- logie, et qui disaient que la main est toute la civilisation de I'homme ; que sans la main I'homme ne serait qu'un cheval ou un boeuf; que I'esprit ne serait bon a rien avec des pieds fourclius ou des mains de corne ou des pattes a longues griffes. lis faisaient un systeme d'ori- gines; ils contaient que I'homme, dans le com- ' M. Garinet, Hisioire de la magie en France, p. -162. - Dclancre, Tabl. del'inconstance desdemons, etc., liv. I, p. 22. MAI — /|30 — MAI mencement, n'avait que des paltes comme les chiens ; que lant qii'ils n'eurent que 'des paLtes , les hommes, comme des brutes, vecurent dans la paix , I'heureuse ignorance et la concorde ; mais, ajoutaient-ils, un genie prit les hommes en affection et leiir donna des mains. Des lors nos peres se trouverent adroits; ils se firent des armes, ils subjuguerent les autres animaux, ils imaginerent, ils produisirent avec leurs mains des choses surprenantes, batirent desmaisons, taillerent des habits et firent des peintures. Otez a I'homme ses mains, disaient-ils, et, avec tout son esprit , vous verrez ce qu'il deviendra. Mais nous avons les mains, et c'est Dieu qui nous les a donnees. Quoique nous n'en posse- dions que deux, la loi de I'egalite si vanlee , celte loi impossible, a echoue aussi dans nos mains. II y a de I'aristocratie jusque-la. La main droite se croit bien au-dessus de la main gauche; c'est un vieux prejuge qu'elle a de temps imme- morial. Aristote cite I'ecrevisse comme un etre privilegie , parce qu'il a la patte droite beaucoup plus grosse que la gauche. Dans les temps an- ciens, les Perses et les Medes faisaient comme nous leurs serments de la main droile. Les ne- gres regardent la main gauche comme la ser- vante de I'autre; elle est, disent-ils, faite pour le travail , et la droite seule a le droit de porter les morceaux a la bouche et de toucher le vi- sage. Un habitant du Malabar ne mangerait pas d'aliments que quelqu'un aurait touches de la main gauche. Les Romains donnaient une si haute preference a la droite que , lorsqu'ils se mettaient a table, ils se couchaienl toujours sur le cole gauche pour avoir I'autre entierement libre. Ils se deliaient tellement de la main gauche , qu'ils ne representaient jamais I'amitie qu'en la figurant par deux mains droites reunies. Chez nous, toutes ces opinions ont survecu. Les gens su- perstitieux pretendent meme qu'un signe de croix fait de la main gauche n'a aucune valeur. Aussi on habitue les enfants a tout faire de la main droite et a regarder la gauche comme nulle, tandis que pent- etre il y aurait avanlage a se servir egalement des deux mains. Puisqu'on attache a la main une si juste im- portance, on doit voir sans surprise que des sa- vants y aient cherche tout le sort des hojnmes. On a ecrit d'enormes volumes sous le litre de cMromancie ou divination par la main. Celle science bizarre presente une foule d'indices qui sont au moins curieux ; c'est toute la science des bohemiennes, que nos peres regardaient ordinai- rement comme des prophetesses et que Ton ecoule encore dans les campagnes. De tout temps, dit-on, I'homme fut de glace pour les verites et de feu pour les mensonges; il estsurlout ami du merveilleux. Si Pcau d'Ane m'elait conle, a dit la Fontaine, j'y prendrais un plaisir extreme. Voila la cause de la credulile que nos bons aieux accordaient aux bohemiennes; el voici les prin- cipcs de Vart de dire la honne avcnture dans la main , science celebre parmi les sciences mysle- rieuses, appelee par les adeples chiromancie, xeiromancie et chiroscopie. II y a dans la main plusieurs parties qu'il est important de distinguer : la paunie ou dedans de la main, le poing ou dehors de la main lors- qu'elle est fermee, les doigts, les ongles, les jointures, les lignes et les montagnes. — H y a cinq doigts : le pouce, I'index, le doigt du mi- lieu, I'annulaire, I'auriculaire ou petit doigt. 11 y a quinze jointures : trois au petit doigt, trois a I'annulaire , trois au doigt du milieu , trois a I'in- dex, deux au pouce et une entre la main et le bras. II y a quatre lignes principales. La ligne de la vie, qui est la plus importante, commence au haul de la main, entre le pouce et I'index, et se prolonge au bas de la racine du pouce jusqu'au milieu de la jointtu^e qui separe la main du bras; la ligne de la sante etde I'esprit, qui a la meme origine que la ligne de vie, entre le pouce et I'index , coupe la main en deux et iinit au milieu de la base de la main , entre la jointure du poi- gnet et I'origine du petit doigt ; la ligne de la fortune ou du bonheur, qui commence a I'ori- gine de I'index, finit sous la base de la main, en dega de la racine du petit doigt; enfin la ligne de la jointure, qui est la moins importante, se trouve sous le bras, dans le passage du bras a la main; c'est plutot un pli qu'une ligae. On re- marque une cinquieme ligne qui ne se trouve pas dans toutes les mains; elle se nomme ligne du triangle, parce que, commengant au milieu de MAI - hi 1 — MAI la jointure, sous la racine du ponce, elle finit I ^ous la racine da petit doigt. 11 y a aiissi sept ituberosites on monlagnes, qui portent le noin 'des sept planetes. Nous les designerons tout a I'heure. Pour la chiromancie, on se sert toujours Je la main gauche, parce que la droite, etant plus faliguee, quoique plus noble , presents quel- quefois dans les lignes des irregularites qui ne sent point naturelles. On prend done la main gauche lorsqu'elle est reposee , un peu fraiche et sans aucune agitation, pour voir an juste la couleur des lignes et la forme des traits qui s'y Irouvent. La figure de la main peut deja donner une idee, sinon du sort futur des personnes, au nioins de leur naturel et de leur esprit. En gene- ral, une grosse main annonce un esprit bouche, a moins que les doigts ne soient longs et un peu delies. Une main potelee, avec des doigts qui se terminent en fuseau, comme on se plait a en souhaiter aux femmes, n'annonce pas un esprit tres-etendu. Des doigts qui rentrent dans la main sont le signe non equivoque d'un esprit lent, quelquefois d'un naturel enclin a la fourberie. Des doigts qui se relevent au-dessus de la main annoncent des qualites contraires. Des doigts aussi gros a I'extremite qu'a la racine n'annon- cent rien de mauvais. Des doigts plus gros a la jointure du milieu qu'a la racine n'annoncent rien que de bon. Nous donnons serieusement ces details, ne pensant pas qu'il soit necessaire de les refuter. Une main large vaut mieux qu'une main trop etroite. Pour qu'une main soit belle, il faut qu'elle porte en largeur la longueur du doigt du milieu. Si la ligne de la jointure, qui est quel- quefois double , est vive et coloree , elle annonce un heureux temperament. Si elle est droite , ega- lement marquee dans toute sa longueur, elle promet des richesses et du bonheur. Si la join- ture presentait quatre lignes visibles , egales et droites , on peut s'attendre a des honneurs, a des dignites, a de riches successions. Si elle est traversee de trois petites lignes perpendiculaires ou marquee de quelques points bien visibles , c'est le signe certain qu'on sera trahi. Des lignes qui partent de la jointure et se perdent le long du bras annoncent qu'on sera exile. Si ces lignes se perdent dans la paume de la main, elles pre- sagent de longs voyages sur terre et sur raer. Une femme qui porte la figure d'une croix sur la ligne de la jointure est chaste , douce , remplie d'honneur et de sagesse ; elle fera le bonheur de son epoux. Si la ligne de vie, qui se nomme aussi hgne du coeur, est longue, marquee, egale, vive- ment coloree , elle presage une vie exempte de maux et une belle vieillesse. Si cette ligne est sans couleur, tortueuse, courte , peu apparente, separee par de petites lignes transversales, elle annonce une vie courte, une mauvaise sante. Si cette ligne est etroite, mais longue et bien co- loree , elle designe la sagesse , I'esprit ingenieux. Si elle est large et pale, c'est le signe quelquefois de la sottise. Si elle est profonde et d'une cou- leur inegale , elle denote la malice , le babil , la jalousie, la presomption. Lorsqu'a son origine, entre le pouce et I'index , la ligne de vie se se- pare en deux , de maniere a former la fourche , c'est le signe de I'inconstance. Si cette ligne est coupee vers le milieu par deux petites lignes transversales bien apparentes , c'est le signe d'une mort prochaine. Si la ligne de vie est en- touree de petites rides qui lui donnent la forme d'une branche chargee de rameaux, pourvu que ces rides s'elevent vers le haut de la main, c'est le presage des richesses. Si ces rides sont tour- nees vers le bas de la main, elles annoncent la pauvrete. Toutes les fois que la ligne de vie est interrompue , brisee , c'est autant de maladies. La ligne de la sante et de I'esprit est aussi ap- pelee ligne du milieu. Lorsqu'elle est droite, bien marquee, d'une couleur naturelle, elle donne la sante et I'esprit, le jugement sain, une heu- reuse memoire et une conception vive. Si elle est longue , on jouira d'une sante parfaite. Si elle est tellement courte qu'elle n'occupe que la moitie de la main , elle denote la timidite , la faiblesse, I'avarice. Si la ligne de sante est tor- tueuse , elle donne le gout du vol; droite, au contraire , c'est la marque d'une conscience pure et d'un coeur juste. Si cette ligne s'interrompt vers le milieu pour former une espece de demi- cercle, c'est le presage qu'on sera expose a de grands perils avec les beles f^roces. La ligne de MAI — ko 2 — MAI la forlune ou du honhcur coniinence , comme nous Tavonsdit , sous la racine de I'index , et se lermine a la base de la main , en dcga de la ra- cine du petit doigt : elle est presque parallele a la ligiie de sante. Si la ligne de la fortune est egale , droite , assez longue et bien marquee , elie annonce un excellent naturel , la force , la modestie et la Constance dans le bien. Si , au lieu de commencer sous la racine de I'index, entre I'index et le doigt du milieu, elle commence presque au haut de la main , c'est le signe de I'orgueil. Si elle est tres-rouge dans sa partie superieure, elle denote I'envie. Si la ligne de la fortune est chargee de petites lignes formant des rameaux qui s'elevent vers le haut de la main , el!e presage des digniles, le bonheur, la puis- sance et les richesses; niais si cetle ligne est absolument nue, unie, sans rameaux, elle pre- pare la misere et I'infortune. S'il se trouve une petite croix sur la ligne de la fortune, c'est la marque d'un copur liberal, ami de laveracite, bon , affable , orne de toutes les vertus. Si la ligne du bonhem' ou de la fortune, au lieu de naitre oia nous I'avons dit, prend racine entre le pouce et I'index , au meme lieu que la ligne de sante , de facon que les deux lignes forment ensemble un angle aigu, on doit s'attendre a de grands perils, a des chagrins. Si la ligne de sante ne se trouvait pas au milieu de la main, et qu'il n'y cut que la ligne de vie et la ligne de la for- tune et du bonheur reunies a leur origine, de maniere a former un angle , c'est le presage qu'on pcrdra la tete a la bataille ou qu'on sera blesse morlellement dans quclque affaire. Si la ligne de la fortune est droite et deliee dans sa partie superieure , elle donne le talent de gou- verner sa maison et de faire face honnetement a ses affaires. Si celte ligne est interrompue vers le milieu par de petites lignes transversales, elle indique la dnplicite. Si la ligne de la forlune est pale dans toute sa longueur, elle promet la pu- deur et la chastete. La ligne du triangle manque dans beaucoup de mains, ;ans qu'on en soil plus malheureux. Si la ligne du triangle est droite, apparente (car ordinairement elle parait peu) et qu'elle s'avance jusqu'a la ligne de la sante, elle promet de grandes richesses. Si elle se prolongs jusque vers la racine du doigt du milieu, elle donne les plus heureux succes. Mais si elle se perd au-dessous de la racine du petit doigt, vers le bas de la main , elle amene des rivalites. Si elle est tortueuse , inegale, de quelque cote qu'elle se dirige , elle annonce qu'on ne sortira pas de la p;uivrcte. L'eminence ou gonllement charnu qui se trouve a la racine du pouce et s'etend jusqu'a la ligne de la vie se nomme la montagne de Vimis. Quand cette tuberosite est douce, unie, sans rides, c'est I'indice d'un heureux temperament. Si cette mon- tagne est ornee d'une petite ligne parallele a la ligne de vie et voisine de cette ligne , c'est le presage des richesses. Si le pouce est traverse dans sa longueur de petites lignes qui se rendent de I'ongle a la jointure , ces lignes prometlent un grand heritage. Mais si le pouce est coupe de lignes transversales, comme le pli des jointures, c'est le signe qu'on fera des voyages longs et perilleux. Si le pouce ou la racine du pouce pre- sente des points ou des etoiles, c'est la gaiele, L'eminence qui se trouve a la racine de I'index se nomme la montagne de Jiipiler. Qimnd cette tuberosite est unie et agreablement coloree, c'est le signe d'un heureux naturel et d'un coeurporte a la vertu. Si elle est chargee de petites lignes' doucemcnt marquees, on recevra des honneurs et des dignites imporlanles. La tuberosite qui s'eleve dans la paume de la main, a la racine du doigt du milieu , se nomme la montagne de Sa- turne. Si celte eminence est unie et naturelle- ment coloree, elle marque la simplicite et I'a- mour du travail ; mais si elle est chargee de pe- tites rides, c'est le signe de I'inquietude, c'est I'indice d'un esprit prompt a se chagriner. Si la jointure qui separe la main du doigt du milieu MAI — /|33 MAI presente des plis tortueux, elle designe un juge- ment lent, un esprit paresseux, une conception dure. Une femnie qui aurait sous le doigt du mi- lieu, entre la seconde jointure et la jointure voi- sine de I'ongle, la figure d'une petite croix, por- terait la un signe heureux pour I'avenir. La tuberosile qui se trouve a la racine du doigt annulaire se nomme la montagne du Soldi. Si cette montagne est chargee de petites lignes na- turellement marquees, elle annoiice un esprit vif et heureux, de I'eloquence, des talents pour les empiois", un peu d'orgueil. Si ces lignes ne sent qu'au nombre de deux , elles donnent moins d'eloquence, mais aussi plus de modestie. Si la racine du doigt annulaire est chargee de lignes croisees les unes sur les autres, celui qui porte ce signe sera -victorieux sur ses enneinis et I'em- portera sur ses rivaux. L'eminence qui s'eleve dans ia main a la racine du petit doigt se nomme la monlagnc de Mercure. Si celte eminence est unie , sans rides , on aura un heureux tempera- ment, de la Constance dans I'esprit et dans le coeur; pour les liommes, de la modestie; pour les femmes, de la pudeur. Si cette eminence est traversee par deux lignes legeres qui se dirigent vers le petit doigt, c'est la marque de la libera- Hte. L'espace qui se trouve sur le bord inferieur de la main au-dessous de la montagne de Mer- cure , depuis la ligne du bonheur jusqu'a I'extre- mite de la ligne de I'esprit, se nomme la mon- tagne de la Lune. Quand cet espace est uni , doux , net , il indique la paix de I'ame et un es- prit naturellement tranquille. Lorsqu'il est fort colore, c'cst le signe de la tristcsse, d'un esprit chagrin et morose, et d'un temperament mcian- colique. Si cet espace est charge de rides , il an- nunce des voyages et des dangers sur mer. L'espace qui se trouve au bord inferieur de la main , en dega de la montagne de la Lune , depuis I'extremile de la ligne dc I'esprit jusqu'a I'extre- mite inferieure de la ligne de la jointure, se nomme la montagne de Mars. Quund cet es- pace est uni, doux et net, il est le caractere du vrai courage et de cette bravoure que la pru- dence accompagne toujours. S'il est fortement colore, il designe I'audace, la temerite. Lorsque la montagne de Mars est chargee de grosses ri- des, ces rides sont aulant de dangers plus ou moins grands , suivant leur profondeur et leur longueur ; c'est aussi le presage d'une mort possible entre les mains des brigands, si les lignes sont livides ; elles sont I'indice d'un trepas funeste si elles sont fort rouges, d'une mort glorieuse au champ de balaille si elles sont droites. Des croix sur la montagne de Mars pro- mettent des dignites et des commandements. IN'oublions pas les signes des ongles. De petits signes blanchatres sur les ongles presagent des crainles; s'ils sont noirs, ils annonci'iit des frayeurs et des dangers ; s'ils sont rouges , ce qui est plus rare, des malheurs et des injustices; s'ils sont d'un blanc pur, des esperances et du bonheur. Quand ces signes se trouvent a la ra- cine de I'ongle, I'accomplissement de ce qu'ils presagent est eloigne. lis se rapprochent avec le temps, el se trouvent a la sommite de I'ongle quand les crainles et les esperances se justifient par I'evenement. Pour qu'une main d'homme ou de femme soit tres-heurcuse , il faut qu'elle ne soit pas trop potelee , qu'elle soit un peu longue , que les doigts ne soient pas trop arrondis , que Ton dis- tingue les noeuds des jointures. La couleur en sera fraiche et douce, les ongles plus longs que larges ; la ligne de la vie , bien marquee , egale , fraiche, ne sera point interrompue et s'eleindra dans la ligne de la jointure. La ligne de la sante occupera les trois quarts de I'etendue de la main. La ligne de la fortune sera chargee de rameaux et vivement coloree. On voit, dans tons les livres qui traitent de la chiromancie, que les doctes en cette matiere renconnaissaient deux sortes de divinations par 28 MAI — m - MAI le moyen de la main : la chiromancie physique, qui, par la simple inspection de la main, devine le caractere et les destinees des personnes ; et la chiromancie astrolocjique , qui examine les in- fluences des planeles sur les lignes de la main, et croit pouvoir determiner le caractere et pre- dire ce qui doit arriver en calculant ces in- fluences. Nous nous sommes plus appesanti sur les principes de la chiromancie physique , parce que c'est la seule qui soit encore en usage. G'est aussi la plus claire et la plus ancienne. Aristote regarde la chiromancie comme une science certaine; Auguste disait lui-meme la bonne aventure dans la main. Mais les demono- manes pensent qu'on ne peut pas etre chiroman- cien sans avoir aussi un peu de necromancie, el que ceux qui devinent juste en vertu de cette science sont inspires souvent par quel que mau- vais esprit*. « Gardez-vous, en chiromancie, dit M. Sal- gues * , des lignes circulaires qui embrasseraient la totalite du pouce ; les cabalistes les nomment I'anneau de Gyges, et Adrien Sicler nous pre- vient que ceux qui les portent courent risque qu'un jour un lacet fatal ne leur serre la jugu- laire. Pourle prouver, il cite Jacquin Gaumont, enseigne de vaisseau, qui fut pendu, ne s'etant pas assez mefie de ceLle funeste figure. Ge serait bien pis si ce cercle etait double en dehors et simple en dedans : alors nul doute que votre triste carriere ne se lerminat sur une roue. Le meme Adrien Sicler a connu a Nimes un fameux impie qui fut roue en 1559, et qui portait ce signe mortel a la premiere phalange. » II n'est pas possible de vous tracer toules les lignes decrites et indiquees par les plus illustres chiromanciens pourdecouvrir la destinee et fixer I'horoscope de chaque individu ; mais il est bon que vous sachiez qu'Isaac Kim-Ker a donne soixante-dix figures de mains au public; le docle Melampus, douze; le profond Gompotus, huit; Jean de Hagen, trente-sept; le subtil Romphilius, six; I'erudit Gorvaeus, cent cinquante; Jean Gi- rus, vingt; Patrice Tricassus, quatre-vingts ; Jean Belot, quatre; Traisnerus, quaranle, etPerrucho, six; ce qui fait de bon compte quatre cent vingt- trois mains sur lesquelles votre sagacite peut s'exercer. Mais, dites-vous, I'experience et les fails parlent en faveur de la chiromancie. Un Grec predit a Alexandre de Medicis, due de Tos- cane, sur I'inspection de sa main, qu'il mourrail d'une mort violenle; et il fut en effet assassine par Laurent de Medicis, son cousin. De tels fails ne prouvent rien ; car , si un chiromancien ren- contra juste une fois ou deux, il se trompa mille fois. A quel homme raisonnable persuadera-t-on en effet que le soleil se mele de regler le mouve- 1 Fexameron de Torquemada , quatrieme journ^e. 2 Des erreurs et des prejuges, etc., t. 11, p. 49 et suivantes. ment de son index (comme le disent les maitres en chiromancie astrologique ) ? que Venus a soin de son pouce , et Mercure de son petit doigt ? Quoi ! Jupiter est eloigne de vous immensemenl; il est quatorze cents fois plus gros que le petit globe que vous habitez , et decrit dans son or- bite des annees de douze ans, et vous voulez qu'il s'occupe de votre doigt medius !... » Le docteur Bruhier, dans son ouvrage des Caprices de /'mrtj/inaijon, rapporte qu'un homme de quaranle ans, d'une humeur vive et enjouee, rencontra en societe une femme qu'on avail fait venir pour tirer des horoscopes. 11 presenle sa main ; la vieille le regarde en soupirant : — Quel dommage qu'un homme si aimable n'ait plus qu'un mois a vivre 1 — Quelque temps apres, il s'echauffe a la chasse, la fievre le saisit, son ima- gination s'allume , et la prediction de la bohe- mienne s'accomplit a la leltre. » Un personnage important du dernier siecle, M. Raillon , raconlait souvent que, dans sa jeu- nesse, s'etant fait dire sa bonne aventure par une bohemienne , elle Uii avail surtout conseille de prendre garde a I'echafaud, qui lui serait funeste. Son etal et sa conduite le mettaient certainemenl a I'abri de toute crainte a eel egard. Gependant, le triste horoscope s'est malheureusemenl ac- compli , quoique d'une maniere bien differente du sens que Ton attribue a ce mot pris en mau- vaise part. Elanl a Paris, et se faisant batir un hotel, il voulut voir par lui-meme si les ouvriers executaient bien ses ordres. Monte sur un echa- faud mal construit , qui cassa sous lui , il tomba de trente pieds de hauteur , et resla mort sur le coup. Main de gloire. Ge que les sorciers appellent ?«am de gloire est la main d'un pendu, qu'on prepare de la sorte : on I'enveloppe dans un morceau de drap mortuaire, en la pressant bien, pour lui faire rendre le peu de sang qui pourrait y etre reste ; puis on la met dans un vase de terre, avec du sel , du salpelre , du zimat et du poivre long , le tout bien pulverise. On la laisse dans ce pot I'espace de quinze jours ; apres quoi on I'expose au grand soleil de la canicule, jus- qu'a ce qu'elle soit parfaitement dessechee : si le soleil ne suffil pas, on la met dans un four chauffe de fougere et de verveine. On compose ensuite une espece de chandelle avec de la graisse de pendu, de la cire vierge et du sesame de Laponie ; et on se sert de la main de gloire, comme d'un chandelier, pour tenir cette mer- veilleuse chandelle allumee. Dans tous les lieux ou Ton va avec ce funeste instrument , ceux qui y sont demeurent immobiles, et ne peuvent non plus remuer que s'ils etaient morts. II y a diverses manieres de se servir de la main de gloire ; les scelerats les connaissent bien ; mais , depuis qu'on ne pend plus chez nous , ce doit etre chose rare. MAI — Zi35 — MAI Deux magiciens, etant venus loger dans un cabaret pour y voler, demanderent a passer la nuit aupres du feu, ce qu'ils obtinrent. Lorsque tout le monde fut couche , la servante, qui se defiait de la mine des deux voyageurs , alia re- garder par un trou de la porle pour voirce qu'ils faisaient. Elle vit qu'ils tiraient d'un sac la main d'un corps mort, qu'ils en oignaient les doigts de je ne sais quel onguent, et les allumaient, a I'exception d'un seul qu'ils ne purent allumer, quelques efforts qu'ils lissent, et cela parce que, comma elle le comprit, il n'y avait qu'elle des Malgr^ les secours qu'il rerut des Sarasins, ses allids , il fut tue dans le combat. — Page 436. gens de la maison qui ne dormit point ; car les autres doigts etaient allumes pour plonger dans le plus profond sorameil ceux qui etaient deja endormis. Elle alia aussitot a son maitre pour reveiller, mais elle ne put en venir a bout, non plus que des autres personnes du logis, qu'apres avoir eteint les doigts allumes , pendant que les deux voleurs commengaient a faire leur coup dans une chambre voisine. Les deux magiciens , se voyant decouverts, s'enfuirent au plus vite, et on ne les trouva plus Les voleurs ne peuvent se servir de la main ' Delrio , Disquisitions magiques. MA! — /i36 — MAL de gloire, quand on a eu la precaution de frotter le seuil de la porte avec un onguent compose de fiel de chat noir, de graisse de poule blanche et de sang de chouette, lequel onguent doit etre fait dans la canicule Main invisible. Gaspard Schott, dans sa Magie universelle , livre IV, page /i07, rapporle le fail suivant, dont il a ete temoin dans son en- fance, et qu'il a entendu raconter a des temoins plus ages que lui. Deux compagnons sortaient d'une ville, armes et portant leur bagage, pour aller travailler dans une contree. L'un d'eux ayant trop bu altaque I'autre, qui refuse de se ballre avec un homme ivre; niais il reqoit un coup a la tete. Voyant couler son sang, il riposte et perce de part en part le malheureux ivrogne. On accourt aussitot de la ville, et parmi les as- sistants se trouve la ferame raeme du mort. Dans le moment qu'elle donnait des solas a son epoux, le meurtrier, qui s'enfuyait, se sentit saisi par une main invisible et fut entraine aupres du magis- trat, lequel le fit metlre en prison. Qu'elait-ce que celte main invisible ? Celle du mort qui reve- nail degrise. Mainfroi ou Manfred , roi de Naples , qui regna dans les Deux-Siciles de I25k a 1206, fiis nalurel de I'empereur Frederic II. Lorsqu'il fut excommunie pour ses crimes, il s'occupa, dit-on, de magie. Pic de la Mirandole conte que Main- froi, etant en guerre contre Charles d'Anjou, voulut savoir des demons I'evenement de la ba- laille qu'il allait lui livrer, et que le demon, pour le tromper , ne lui repondit qu'en paroles ambi- gues, quoique cependant il lui predit samort; et en effet, malgr6 les secours qu'il requt des Sara- sins, ses allies, il fut tue dans le combat. On remarque que Charles d'Anjou ecrivit a Mainfroi, avant la bataille, ces singuheres paroles : « Au- jourd'hui , je t'enverrai en enfer si tu ne m'en- voies pas en paradis. » On a attribue a Manfred un livre latin intitule la Pomme philosophique , ou il traite de la science de I'alchimie , qu'il dit etre la soeur germaine de la magie ^ Maison ensorcelee. A la fin de nivose an xni (1805) , il s'est passe a Paris, rue Notre-Dame- de-Nazarelh, dans une ancienne maison dont on avail depouille des religieuses cordelieres , une scene qui fit quelque bruit. On vit tout a coop voler en I'air des bouteilles depuis la cave jus- qu'au grenier; plusieurs personnes furent bles- sees ; les debris de bouteilles resterent entasses dans le jardin, sans que la foule des curieux put decouvrir d'ou provenail ce phenomene. On con- sulta des physiciens el des chimistes, ils ne purenl pas meme dire de quelle manufacture ve- naient les bouteilles qu'on leur montra. Les gens du quartier se persuaderent qu'elles venaieut de 1 Le sdlide ttesor du Petit Albert. 2 Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des isprils, liv. lY, p. 303. la manufacture du diable , et que cette aventure ne pouvait etre que I'ouvrage des sorciers ou des revenanls ; les personnes plus inslruites, tout aussi credules , ne surent que penser. La police decouvrit enfin que ces revenanls n'etaient que des habitants de la maison voisine, aides d'un physicien de leurs amis, qui, au moyen de I'elec- tricite et d'un trou imperceptible pratique dans le mur, parvenait a faire mouvoir a leur gre les meubles de la maison prelendue ensorcelee. Ils avaient pour objet d'empecher le nouveau proprietaire de la vendre ; ils se vengeaient en meme temps d'une personne dont ils croyaienl avoir a se plaindre'. Voy. Alessandro, Atheno- Dor.E, Ayola, Bolacre, Chambres infestees, Re- VENANTS , etc. Malache-Chabbalah. On nomme ainsi, dans la cabale juive, les demons qui sont aux ordres de Samael. lis remphssent « les sept regions de r enfer ». Malades. « Divers sont les jugements qui se font d'aucuns, si un malade doit vivre ou mourir; mais je publierai ce present signe infaillible , duquel se pourra servir un chacun, et en faire un fermc jugement : Prenez une ortie et la met- tez dans I'urine du malade, incontinent apres que le malade I'aura faite, et avant qu'elle soil cor- rompue ; laissez I'ortie dans ladile urine I'espace de vingl-qaatre heures; el apres, si I'ortie se trouve verte, c'esl un signe de vie ^. » Delancre ' nous conseille de ne pas admettre I'opinion des gnostiques, qui disent que chaque maladie a son demon , et d'eviter I'erreur popu- laire qui pretend que tous ceux qui tombenl du haul mal sont possedes. Les maladies ont sou- vent cause de grands desordres. Le P. LeLrun rapporte I'exemple d'une femme attaquee d'une maladie de I'oeil qui lui faisait voir une foule d'images bizarres et effrayantes ; elle se crut en- sorcelee : un habile oculisle I'opera, et guerit en meme temps son oeil et son imagination. Plu- sieurs des sorciers , loups-garous et possedes n'etaient que des malades ; mais il est des cas ou les maladies sont des elTets de possessions. Voy. Hallucination. Malafar. Voy. Valafar. Malaingha , nom general des anges du pre- mier ordre chez les habitants de Madagascar. Cos anges font mouvoir les cieux, les eloiles, les planetes, el sont charges du gouvernemenl des saisons : les hommes sont confies a leur garde, ils veillenl sur leurs jours , delournent les dan- gers qui les menacent el ecartent les demons.^ Malatasca. C'esl le nom que sainle Calheritie de Sienne donnait au diable. Mal caduc. Pour gu^rir ce mal, on se sert d'un * Salgues , Des erreurs et des prejuges. 2 Le Petit Albert. : 3 Tableau de I'inconstance des demons, sorciers et magiciens, liv. IV, p. 284. MAL MAL anneau dont voici la recette : « Vous ferez un anneau de pur argent, dans le chaton duquel vous enchasserez un morceau de corne de pied d'elan ; puis vous choisirez un lundi du printemps auquel la lune sera en aspect benin ou en con- jonction avec Jupiter ou Venus, et a I'heure fa- vorable de la constellation , vous graverez en dedans de I'anneau ce qui suit : hf^Dabi, hj^Habi, i^Haber, Habi. Soyez assure qu'en portant habituellement cet anneau au doigt du milieu de la main, il vous garantira du mal caduc*. » Si vous n'y croyez pas, moi non plus. Maldonat, celebre jesuite, ne en 153^, a Casas de la Reina dans I'Estramadure. II etudia a Salamanque et antra chez les jesuites de Rome en 1562, Deux ans aprfes, il ouvrit, au college de Clermont, a Paris, un cours de philosophie, dans lequel il obtint les plus brillants succes, quoiqu'il n'eut encore que trente ans. Ayant form6 le des- sein de travailler a un commentaire sur les qualre evangelistes, il crut voir, pendant quelques nulls, un homme qui I'exhortait a fmir promptement cet ouvrage, et qui I'assurait qu'il I'acheverait, mais qu'il survivrait peu de jours a sa conclusion; cet homme lui marquait en meme temps un certain endroit du ventre, qui fut le meme ou Maldonat sentit les vivos douleurs dont il mourut en 1583, peu de temps apres avoir acheve son ouvrage. Si I'orlie se Irouve vcrle, c'esf un signe de vie. — Page 436. Male-Bete, monstre qui passait autrefois, dans I'opinion du peuple de Toulouse, pour cou- rir les rues la nuit. La superstition avait fait croire que tous ceux qui renconlraient ou envi- sageaient la male -bete mouraient le lendemain. Malebranche (Nicolas), savant pretre de rOratoire, ne a Paris en 1638, mort en 1715. On trouve dans sa Recherche de la verity d'assez bonnes choses sur la sorcellerie , qu'il regarde comme une maladie d'imagination : ce qui est vrai assez souvent. On dit qu'en un certain temps il n'osait pas se moucher , parce qu'il etait per- suade qu'il lui pendaitun gigotde moulon au bout du nez. On ne le guerit de cette hallucination 1 Le Petit Albert, p. 456. qu'en faisant semblant de couper Ic gigot avec un rasoir : c'est du moins ce qui a 6le raconte'. Voy. Mallebranche. Malefices. On appelle malefices toutes pra- tiques superstitieuses employees dans le dessein de nuire aux hommes, aux animaux ou aux fruits de la terre. On appelle encore malefices les ma- ladies et autres accidents malheureux causes par un art infernal , et qui ne peuvent s'enlever que par un pouvoir surnaturel. II y a sept principales sorles de malefices employes par les sorciers : l" ils mettent dans le coeur une passion crimi- nelle; 2° ils inspirent des sentiments de haine 1 M. I'abb^ Blampignon , dans la remarquable vie de Malebranche , qu'il a mise en avant de sa pr^- cieuse etude sur ce grand homme, n'a pas cite ce fait. MAL — 7i38 — MAL ou d'envie a une personne contre une autre; 3" ils jettent des ligatures; h" ils donnent des maladies ; 5° ils font mourir les gens ; 6" ils otent I'usage de la raison ; 7" ils nuisent dans les biens et appauvrissent leurs ennemis. Les anciens se preservaient des malefices a venir en crachant dans leur sein. En Allemagne, quand une sor- ciere avait rendu un homme ou un cheval impo- tent et maleficie , on prenait les boyaux d'un autre homme ou d'un cheval mort, on les Irai- nait jusqu'a quelque logis, sans entrer par la porte commune, mais par le soupirail de la cave, ou par-dessous terre, et on y brulait ces intes- tins. Alors la sorciere qui avait jete le malefice sentait dans ses entrailles une violente douleur, et s'en allait droit a la maison ou Ton brulait les intestins pour y prendre un charbon ardent, ce qui faisait cesser le mal. Si on ne lui ouvrait promptement la porte, la maison se remplissait de tenebres avec un tonnerre effroyable, et ceux qui etaient dedans etaient conlraints d'ouvrir pour conserver leur vie'. Les sorciers, en otant un sort ou malefice , sont obliges de le donner a quelque chose de plus considerable que I'etre ou I'objet a qui ils I'otent : sinon, le malefice retombe sur eux. Mais un sorcier ne peut oter un malefice s'il est entre les mains de la justice : il faut pour cela qu'il soit pleinement libre. On a regarde souvent les epidemics comme des malefices. Les sorciers, disait-on, mettent quelquefois sous le seuil de la bergerie ou de I'etable qu'ils veulent ruiner une touffe de che- veux ou un crapaud, avec trois maudissons, pour faire mourir etiques les moutons et les bestiaux qui passent dessus : on n'arrete le mal qu'en otant le malefice. Delancre dit qu'un boulanger de Limoges voulant faire du pain blanc suivant sa coutume, sa pate fut tellement charmee et maleficiee par une sorciere, qu'il fit du pain noir, insipide et infect. Une magicienne ou sorciere, pour gagner le cceur d'un jeune homme marie , mit sous son lit, dans un pot bien bouche, un crapaud qui avait les yeux ferm^s; le jeune homme quilla sa femme et ses enfants pour s'at- tacher a la sorciere ; mais la femme trouva le malefice, le fit brCiler, et son mari revint a elle Un pauvre jeune homme ayant quitte ses sabots pour monter a une echelle, une sorciere y mit quelque poison sans qu'il s'en apergut, et le jeune homme., en descendant, s'etant donne une en- tbrse , fut boiteux toute sa vie \ Une femme en- sorcelee devint si grasse , dit Delrio , que c'etait une boule dont on ne voyait plus le visage , ce qui nelaissait pas que d'etre considerable. De plus, on entendail dans ses entrailles le memo bruit que font les poules, les coqs, les canards, les moutons, les bceufs, les chiens , les cochons et 1 Bodin, Demonomanie , liv. IV. 2 Delrio , Disquisitions magiques. 3 Delancre, Dc 1' inconstance , etc. les chevaux, de faQon qu'on aurait pu la prendre pour une basse-cour ambulante. Une sorciere avait rendu un maqon impotent et tellement courbe , qu'il avait presque la tete entre les jambes. II accusa la sorciere du male- fice qu'il eprouvait; on I'arreta, et le juge lui dit qu'elle ne se sauverait qu'en guerissant le ma- Qon. Elle se fit apporter par sa fille un peli^ paquet de sa maison, et, apres avoir adore le diable, la face en terre, en marmottant quelques charmes, elle donna le paquet au magon, lui commanda de se baigner et de le mettre dans son bain, en disant : Va de par le diahle! Le magon le fit, et guerit. Avant de mettre le paquet dans le bain, on voulut savoirce qu'il contenait; on y trouva trois petits lezards vifs; et quand le magon fut dans le bain, il sentit sous lui comme Irois grosses carpes , qu'on chercha un moment apres sans rien trouver Les sorciers mettent parfois le diable dans des noix, et les donnent aux petits enfants, qui de- viennent maleficies. Un de nos demonographes (c'est, je pense, Boguet) rapporte que, dans je ne sais quelle ville , un sorcier avait mis sur le parapet d'un pont une poinme maleficiee , pour un de ses ennemis , qui etait gourmand de tout ce qu'il pouvait trouver sans desserrer la bourse. Heureusement le sorcier fut apergu par des gens experimentes, qui defendirent prudemment a qui que ce fut d'oser porter la main a la pomme, sous peine d'avaler le diable. II fallait pourtant I'oter, a moins qu'on ne voulut lui donner des gardes. On fut longtemps a deliberer, sans trou- ver aucun moyen de s'en defaire; enfin il se presenta un champion qui, muni d'une perche, s'avanga a distance de .la pomme et la poussa dans la riviere, ou etant tonibee , on en vit sor- tir plusieurs petits diables en forme de poissons. Les spectateurs prirent des pierres et les jeterent a la tete de ces petits demons, qui ne se mon- trerent plus... Boguet conte encore qu'une jeune fille ensorcelee rendit de petits lezards, lesquels s'envolerent par un trou qui se fit au plancher. Voy. Charmes, Enchantements, Magiciens, Sor- ciEKS, etc. Maletena (Domingina) , femme des environs de Fontarabie, qui allait au sabbat et qui fit un jour le pari de sauter plus loin que ses com- pagnes ; elle le gagna en montant sur le mont de la Rhune et de la executant, devant temoins, un saut qui I'emporta a deux lieues ^ Malheur. En beaucoup de lieux , detruire le nid d'une hirondelle, tuer un roitelet, un grillon du foyer, un chien devenu caduc au service de la famille, et quelques autres faits de ce genre portent malheur. Et pourquoi pas , puisque ce sont des actions mauvaises ? Malices des demons. On trouve sur cc cha- • Bodin, Demonomanie. 2 Rapporte par Pierre Delancre. MAL — 439 — MAM pitre des legendes bien naives. II y avait a Bonn, dit Cesaire d'Heisterbach, un pretre remarquable par sa purete, sa bonte et sa devotion. Le diable se plaisait a lui jouer de petits tours de laquais ; lorsqu'il lisait son breviaire, I'esprit malin s'ap- prochait sans se laisser voir, mettait sa griffe sur la lecon du bon cure et I'empechait de finir ; une 1 autre fois il fermait le livre, ou tournait le feuillet 1 a centre- temps. Si c'etait la nuit, il soufflait la ' chandelle. Le diable esperait se donner la joie de rnettre sa victime en colere; mais le bon pretre Tecevait tout cela si bien et resistait si constamment a I'impatience , que I'importun es- prit fut oblige de chercher une autre dupe Cassien parle de plusieurs esprits ou demons de la meme trempe qui se plaisaient a tromper les passants, a les detourner de leur chemin et a leur indiquer de fausses routes, le tout par ma- licieux divertissement Un baladin avait un demon familier qui jouait I avec lui et se plaisait a lui faire des espiegleries. ' Le matin il le reveillait en tirant les couvertures, quelque froid qu'il fit ; et quand le baladin dor- j mait profondement, son demon I'emportait hors I du lit et le deposait au milieu de la chambre Pline parle de quelques jeunes gens qui furent tondus par le diable. Pendant que ces jeunes gens dormaient, des esprits familiers, vetus de blanc, i entraient dans leurs chambres, se posaient sur j leur lit, leur coupaient les cheveux proprement, et s'en allaient apres les avoir repandus sur le plancher Malin. C'est une des epithetes qu'on donne volontiers au demon, appele souvent I'esprit ma- lin : elle est prise dans son plus maiivais sens. Malina. Voy. Anninga. Mallebranche, marqueur du jeu de paume, deraeurant en la rue Sainte-Genevieve , a Paris, lequel fut, le 11 decembre 1618, visite par un revenant. C'etait sa femme , morte depuis cinq ans. Elle lui donna de bons conseils qui redres- serent sa mauvaise vie , mais parla sans se mon- trer. On a fait la-dessus une brochure in-12, intitulee Histoire nouvelle et remarquable de I'esprit d'une femme qui s'est apparue au fau- I bourg Saint-Marcel, apres quelle a demeurd cinq ans entiers ensevelie : elle a parU d son mari, lui a commande de faire prier pour elle, ayant com- mend de parlerle mardi 11 ddcenbre 1618. Paris, in-12, 1618 \ Malphas, grand president des enfers, qui apparait sous la forme d'un corbeau. Quand il se j montre avec la figure humaine, le son de sa voix est rauque ; il batit des citadelles et des tours 1 Ccesarii Heisterb. miracul., lib. V, cap, uii. 2 Cassiani collat. VII , cap. xxxii. 3 Guillelmi Parisiensis partis II princip., cap. viii. ^ Plin., lib. XVI, epist. xxvii. ^ Voyez cette aventure resumee dans les Legendes des esprits et demons. inexpugnables , renverse les remparts ennemis, fait trouver de bons ouvriers , donne des esprits familiers, re^oit des sacrifices et trompe les sa- crificateurs : quarante legions lui obeissent. Malphas. Mambres, celebre enchanteur de I'Egypte, un de ceux que Moise confondit par ses miracles. Mammon , demon de I'avarice : c'est lui , dit Milton, qui, le premier, apprit aux hommes h ddchirer le sein de la terre pour en arracher les tresors. Mammon. Mammouth , animal dont la race est perdue. Voici sur ce monstre une tradition des indigenes de I'Amerique du Nord : « II y a dix mille lunes que cette terre etait couverte de forets epaisses. Des bandes de betes feroces et des hommes aussi libres qu'elles etaient les seuls maitres du pays. II existait une race d'animaux grands comme un precipice, cruels comme des pantheres, legers comme I'aigle; les MAN MAN chenes craquaient sous leurs pieds, et le lac dimi- nuaitquand ils venaient y eteindre leur soif. C'est en vain qu'on tirait contre eux le fort javelot ; la fleche aigue eLait egaleinent inutile. Les forets etaient devastees et reduites en farine. On en- tendait de tons cotes les gemissements des ani- maiix expirants, et des contrees entieres habitees par des hommes etaient detraites. Les clameiirs qu'excitait cette desolation s'etendaient de tons cotes, jiisque dans la region de la paix, qui est a I'ouest. » L'esprit bon s'interposa pour sauver les mal- heureux : un eclair fourchu brilla et un tres- grand coup de tonnerre ebrania le monde ; les feux du ciel furent lances seulement contre les cruels destructeurs , et les echos des montagnes relentirent des mugissemenls de la mort. Tous furent tues, excepte un male, le plus feroce de la race, contre lequel les traits du ciel frapperent en vain. L'animal monta sur le sommet le plus bleu d'ou sort la source du Monangohela, et par ses terribles rugissements , il bravait toute ven- geance : la foudre rouge cassa un Ires-gros chene et lanQa contre lui les eclats de cet arbre ; mais a peine eflleurerent-ils la peau du monstre en- rage. A la fin , la fureur le rendit fou ; il fit un grand saut par-dessus les vagues de I'ouest, et il regne niaintenant monarque absolu du desert; il regne rnalgre la toule-puissance divine*.)) Man,ennemi de Sommona-Kodom. LesSiamois le representent coinnie une espece de monstre, avec une tete herissee de serpents , un visage fort large et des dents horriblement grandes. Mancanas, imposteur qui, dans les iles Ma-, riannes, s'attribuait le pouvoir de commander aux elements, de rendre la sanle aux malades, de changer les saisons et de procurer une recolLe abondante ou d'heureuses peches. I|| Manche a balai. Qamd les II-/ sorciers et les demons faisaient le sabbat, les sorcieres s'y rendaient Wr^ souvent a cheval sur un manche Mandragores , demons fami- liers assez debonnaires ; ils appa- IIIW raissent sous la figure de petits ^HKji hommes sans barbe, avec les che- veux epars, Un jour qu'une man- dragore osa se montrer a la re- quete d'un sorcier qu'on tenait en WjJm justice, le juge ne craignit pas de J|F lui arracher les bras et de les jeter B^m dans le feu. Ce qui explique ce fait, c'est qu'on appelle aussi man- -JH^raL dragores de petites poupees dans lesquelles le diable se lege, et que les sorciers consul tent en cas d'embarras. On lit dans le Petit Albert que, voyageant en Flandre et passant par Lille, I'au- ' M. Ferdinand Denis , Le monde enchante. teur de cet ouvrage fut invite par un de ses amis a I'accompagner chez une vieille femme qui pas- sait pour une grande devineresse , et dont il de- couvrit la fourberie. Cette vieille conduisit le;, deux amis dans un cabinet obscur , eclaire seu- lement par une lampe, a la lueur de laquelle on voyait, sur une table couverte d'une nappe, une espece de petite statue ou mandragore, assise sur un trepied, ayant la main gauche etendue el tenant de cette main un cordon de soie tres-d^- lie, au bout duquel pendait une petite mouche de fer bien poli. On avait place au-dessous un verre de cristal, en sorteque la mouche se trou- vait suspendue au-dessus de ce verre. Le mys- lere de la vieille consistait a commander a la mandragore de frapper la mouche contre le verre, pour rendre K^moignagne de ce que Ton voulait savoir. Ainsi elle disait, en s'adressant a la sta- tue : « Je t'ordonne, mandragore, au nom de celui a qui tu dois obeir, que si monsieur doit etre heureux dans le voyage qu'il va faire, lu fasses frapper trois fois la mouche contre le verre. » La mouche frappait aussitot les trois coups demandes, quoique la vieille ne touchat aucunement ni au verre , ni au cordon de soie, ni a la mouche, ni a la statue; ce qui surprenait les spectateurs. Et afin de mieux duper les gens par la diversile de ses oracles, la vieille faisait de nouvelles questions a la mandragore et lui defendait de frapper si telle ou telle chose devait ou ne devait pas arriver; alors la mouche restait immobile. Voici en quoi consistait tout I'artifice de la vieille : la mouche de fer, qui etait suspen- due dans le verre , etant fort legere et bien ai- mantee, quand la vieille voulait qu'elle frappat contre le verre, elle mettait a un de ses doigts une bague dans laquelle etait enchasse un gros morceau d'aimant. On salt que la pierre d'ai- mant a la vertu d'attirer le fer : I'anneau de la vieille mettait en mouvement la mouche ai- manlee , et la faisait frapper autant de fois qu'elle voulait contre le verre. Lorsqu'elle desi- rait que la mouche ne frappat point, elle otait la bague de son doigt, sans qu'on s'en aperQut. Ceux qui etaient d'intelligence avec elle avaient soin de s'informer des affaires de ceux qu'ils lui menaient, et c'est ainsi que tant de personnes furent trompees. Les Germains avaient aussi des mandragores qu'ils nommaient Alrunes : c'etaient des figures de bois qu'ils reveraient, comme les Romains leurs dieux lares , et comme les negres leurs fe- tiches. Ces figures prenaient soin des maisons et des personnes qui les habitaient. On les faisait des racines les plus dures, surtout de la man- dragore. On les habillait proprement, onlescou- chait mollement dans de pelits coffrets; toutes les semaines on les lavait avec du vin et de I'eau, et a chaque repas on leur servait a boire et a manger, sans quoi elles auraient jete des cris MAN — khl — MAN comme des enfants qui souffriraient la faim et la soif, ce qui eut atlire des malhenrs; enfin on les tenait renfermees dans un lieu secret , d'oii on ne les retirait que pour les consulter. Des qu'on avait le bonheur d'avoir chez soi de pa- reilles figures (hautes dehuit a neuf ponces), on se croyait heureux, on ne craignait plus aucun danger, on en attendait to]jtes sortes de biens, surlout la sante et la guerison des maladies les plus rebelles. Mais ce qui ^lait encore plus admi- rable, c'est qu'elles faisaient connaitre I'avenir : on les agilait pour cela, et on croyait attraper leurs reponses dans des hochements de tete que le mouvement leur imprimait. On dit que cette superstition des anciens Germains subsiste en- core aujourd'hui parmi le peuple de la basse Allemagne, du Danemark et de la Suede. Les anciens attribuaient de grandes vertus a la plante appelee mandragore. Les plus merveil- leuses de ces racines etaient celles qui avaient pu etre arrosees de I'urine d'un pendu; mais on ne pouvait I'arracher sans mourir. Pour eviter ce malheur, on creusait la terre tout autour, on y fixait une corde atlachee par I'autre extremite au cou d'un chien ; ensuite ce chien , etant chasse, arrachait la racine en s'enfuyant; il suc- combait a I'operation , mais I'heureux mortel qui ramassait alors cetle racine ne courait plus le raoindre danger et possedaitun tresor inestimable contre les malefices. Voy. Bouchey, Brioche, etc. Mane-Raja. C'est le Noe de la mythologie indienne, qui n'est qu'une tradition horriblemenl alteree de I'Ecriture sainte. 11 fut sauve au jour du deluge universe! , en recompense des vertus qu'il avait seul pratiquees au milieu de la cor- ruption de son temps. Un jour qu'il se baignait , Dieu se presenta a lui sous la forme d'un petit poisson et lui dit de le prendre : Mane I'ayant fait, et le voyant grossir dans sa main, le mit dans un vase oii il grossit encore avec tant de promptitude, que le r-aja fut contraint de le por- ter dans un grand bassin , de la dans un etang , puis dans le Gange , et enfm dans la mer. Alors le poisson lui apprit que tous les hommes al- laient etre noyes dans les eaux du deluge, a I'exception de lui , Mane. II lui ordonna en con- sequence de prendre une barque qui se trouvait attachee au rivage, de I'amarrera ses nageoires, et de se meltre dedans a sa remorque. Mane , ayant obei, fut sauve de la sorte, et le poisson disparut quand les eaux se retirerent. Le deluge indien ne dura que sept jours. Manes, dieux des morts , qui presidaient aux lombeaux chez les anciens. Plus souvent encore les manes sont les ames des morts. Le nom de manes en Italie etait parliculierement attribue aux genieshienfaisants et secourables. Les manes pouvaienl sortir des enfers, avec la permission de Summanus , leur souverain. Ovide rapporte que , dans une peste violente , on vit les manes se lever de leurs tombeaux et errer dans la ville et les champs en jetant des hurlements affreux. Ces apparitions ne cesserent avec la peste , sui- vant ce poete , que quand on eut retabli les fetes ferales, elablies par Numa , et qu'on eut rendu aux ombres le culte ordinaire qu'on avait depuis quelque temps interrompu. Lorsque les manes etaient nommes Lemures ou Remures, on les regardait comme des genies irrites, malfaisants el ardents a nuire. Leloyer ' dit que les manes n'etaient que des demons noirs et hideux, comme les diables et les ombres infernales. Voy. Lt- MURES. Manfred. Voy. Mainfroi. Mang-Taar, espece d'enfer des Yakouts, ha- bite par huit tribus d'esprits malfaisants; ces esprits ont un chef, dont le nom est Achardi Rioho, le puissant. Le betail dont le poll est en- tierement blanc est sacre pour les Yakouts, comme devoue au grand Acharai. Les Yakouts croientque, des que leurs schamanes meurent, ils se reunissent a ces esprits. Ces schamanes sont des sorciers, ou pretendus tels, qui font au- pres de leurs idoles roffice de pretres. Manicheens, sectateurs;_ de I'hesesiarque Ma- nes, ne dans la Perse en 240. Ilsreconnaissaient deux principes egalement puissants, egalement eternels, Dieu, auleur du bien, et le diable, au- teur du mal. Manie. II y a des manies feroces qu'on n'ex- plique plus. Nos peres y voyaient une possession, et peut-etre n'avaient-ils pas si tort. Le 24 oc- tobre 1833, un fermier de Habershausen (Ba- viere), nomme Joseph Raas, sans doute possede, tua sa femme par fanatisme ; il la croyait elle- meme possedee du demon , il voulait le chasser du corps de celte malheureuse ; a cet effet il la frappa a coups redoubles d'une croix de metal qui lui oLa la vie. Pendant cette affreuse opera- tion, quatre de ses enfants Etaient presents et priaient, par son ordre, pour I'heureuse deli- vrance de leur mere. Aux cris de la victime , les voisins accoururent; mais malheureusement il etait trop tard : I'infortunee venait d'expirer. Dernierement , a Paris , un homme d'une qua- rantaine d'annees, ayant une visite a faire dans le quartier Saint-Marcel , s'apergut que sa barbe etait plus longue qu'il ne convenait, et entra, pour se faire raser, chez le sieur R. , perruquier dans une petite rue du quartier Mouffetard. Le barbier silencieux barbouilla de mousse de savon le visage de sa pratique et commenga son office. Quand il en fut arrive au cou du patient, il s'ar- rela tout a coup et alia fermer a double tour la porte d'entree, dont il mit la clef dans sa poche. 11 revint alors vers son homme , qui I'avait re- garde avec etonnement, et lui mettant le rasoir sur la gorge : « Monsieur, lui dit-il , je suis sous la dependance d'un esprit qui est toujours invi- * Histoire des spectres, etc. MAN — W2 - MAR sible pres de moi et qui vient de m'ordonner de vous couper le cou. » Troiivant la plaisanterie assez deplacee, le monsieur regarda le perru- quier et remarqua que ses yeux brillaient d'un eclat extraordinaire. Quoique cominengant a s'ef- frayer, il ne perdit pas son sang-froid, et d'un air degage il repondit : « Vous me laisserez au moins le temps de fairema priere. — C'est juste, repond le barbier, et pour que ma presence ne vous derange pas , je vais me retirer. » 11 entra en effet dans rarriere-boutique et en ferma la porte sur kii. Le monsieur courut alors a la de- vanture, Brisa un carreau et appela du monde. La porte ayant ete enfoncee , on penetra dans Tarriere-boutique, et on trouva le perruquier etendu sanglant sur le parquet; il s'etait a lui- meme coupe la gorge avea le rasoir. Depuis quelques jours cet homme donnait des signes d'alienation mentale ; mais on etait loin de sup- poser qu'il atteindrait d'luie maniere si subite le paroxysme de la folie. Manifestations fluidiques. Foy. Tables TOURNANTES. Manipa, idole adoree dans les royaumes de Tangut et de Barantola , en Tartarie. Elle a neuf tetes, qui s'elevent en pyramide. Tous les ans, des jeunes gens armes, saisis d'une rage enlhou- siaste , courent la ville et luent tout ce qu'ils rencontrent, en I'honneur de Manipa, croyant se fairs ainsi de grands droits a ses faveurs. Manitou. C'est le nom que les negres don- nent au diable. Votj. Matchi-Manitou. Manto, sibylle thessalienne , a qui on attribue cette prophelie, appliquee a Notre-Seigiieur Je- sus-Christ : (( Celui qui est grand viendra ; il Iraversera les monlagnes et les eaux du ciel; il regnera dans la pauvrete et dominera dans le silence, et il naitra d'une vierge *. » Mansote (La). Voij. Beubiguier. Many, faux propliete etpeintre celebre parmi les Orientaux, qui fonda en Perse une sects, dont I'existence des deux principes eternels du bien et du mal , la metempsycose , I'abstinence des viandes, la prohibition du meurtre de tout animal, sont les dogmes principaux. C'est, dit- on, le meme que Manes. Maoun, troisieme ciel des musulmans, peu- ple d'anges qui ont la figure du vautour. Maoridath, preservatif centre les enchante- ments. C'est le nom que les musulmans donnent aux deux derniers chapitres du Koran , qu'ils re- citent souvent pour se garantir des sortileges et de toutes autres mauvaises rencontres. Marais. Dans le Pallene , contree du Septen- trion que nous ne connaissons pas, les conteurs anciens signalent un marais non moins ignore, ou ceux qui se baignaient neuf fois recevaient le plumage d'un cygne et la faculle de voler. Marat, monstre qui eclata chez nous en 1793 et qui etait sans doute un demon incarne, pro- bablement le demon du massacre; au moins il en etait possede , et il etait Prussien. A sa mort, on lui rendit un culte a Paris. Son buste etait sur une sorte d'autel a la place du Carrousel , et les passants devaient lui faire hommage en se met- tant a genoux devant sa figure. De plus , on lui eleva une chapelle dans son club , et on se re- ' Magnus veniet, et transibit montes et aquas coeli, regnabit in paupertate et in silentio dominabitiir, nasceturque ex ulero virginis. MAR W3 - MAR commandait en ce lieu au coeur de Marat II est vrai que, pen dejours apres , on jeta son buste et ce qui restait de lui dans I'egout de la rue Montmartre Marbas ou Barbas , grand president des en- fers ; il se montre sous la forme d'un lion furieux, Lorsqu'il est en presence d'un exorciste, il prend la figure humaine et repond sur les choses ca- chees. Il envoie les maladies ; il donne la con- I naissance des arts mecaniques ; il change I'homme I en differentes metamorphoses; il commande trente-six legions ^. Marc. L'heresiarque Valentin eut entre aulres disciples un nomme Marc , qui exercait une es- pece de magnetisme par lequel il pretendait communiquer le don de prophetie. Quand une femme a qui il avait promis ce don lui disait : Maisje ne suis pas prophetesse, il faisait sur elle des invocations afln de I'etonner, et il ajoutait : Ouvre la bouche a present et dis tout ce qui te viendra , tu prophetiseras. La pauvre femme se hasardait et se croyait prophetesse. II donnait dans la cabale ; et sans doute ses sectateurs te- naient de lui cette doctrine que les vingt-quatre lettres de I'alphabet sont vingt-quatre eons ou esprits qui dirigent toutes choses. On ajoute que dans ses prestiges , car il faisait aussi de la ma- gie, il etait seconde par le demon Azazel. Marc de cafe (Art de dire la bonne aventure par le). Les preparatifs de Vart de lire les choses futures dans le marc de cafi sont fort simples. Vous laisserez dans la cafetiere le marc que le cafe y a depose ; qu'il soit vieux ou frais , il a des Tesultats, pourvu qu'il soit a peu pres sec quand vous voudrez I'employer. Vous jetterez un verre d'eau sur ce marc ; vous le ferez chauffer jusqu'a ce qu'il se delaye. Vous aurez une assiette blan- che, sans tache, essuyee et sechee. Vous re- muerez d'abord le marc avec une cuiller, vous le verserez sur I'assiette , mais en petite quantite et de fagon qu'il n'emplisse I'assiette qu'a moitie. 1 Voyez la legende de Sylvain Mareschal dans les Legendes de I'autre monde. 2 Wierus, in Pseudomonarchia dcemon. Vous I'agiterez en tous sens, avec legerete, pen- dant une minute ; ensuite vous repandrez douce- ment tout le liquide dans un autre vase. Par ce moyen il ne reste dans I'assiette que des parti- cules de marc de cafe disposees de mille ma- nieres, et formant une foule de dessins hidro- glyphiques. Si ces dessins sont trop brouilles, que le marc soit_ trop epais, que I'assiette ne ressemble a rien , vous recommencerez I'opera- tion. On ne peut lire les secrets de la destinee que si les dessins de I'assiette sont clairs et dis- tincts , quoique presses. Les bords sont ordinaire- ment plus epais ; il y a meme souvent des parties embrouillees dans le milieu ; mais on ne s'en in- quiete point; on peut deviner quand la majeure partie de I'assiette est dechiffrable. Des sibylles pretendent qu'on doit dire certaines paroles mys- terieuses * en versant I'eau dans la cafetiere , en rerauant le marc avec la cuiller devant le feu-, en le repandant sur I'assiette. C'est peut-etre une supercherie. Les paroles n'ont pas ici de vertu. Si on les ajoute , ce n'est que pour donner a I'oeuvre quelque solenniU et pour contenter les gens qui veulent que tout se fasse en ceremonie. Le marc, de cafe , apres qu'on I'a verse dans I'assiette, y laisse done diverses figures. II s'agit de les demeler ; car 11 y a des courbes , des on- dulations , des ronds , des ovales , des carres , des triangles, etc., etc. Si le nombre des ron^ * Les void. En jetant I'eau sur le marc : Aqua boraxit venias carajos; en remnant le marc avec la cuiller : Fixatur et patricam explinabit tornare ; en repandant le marc sur I'assiette : Hax verlica- line, pax fantas marobum, max destinatus, vcida porol. Ces paroles ne signifiant rien , ne s'adressanl a personne, pourraient bien 6tre sans utilite. MAR kkli — MAR ou cercles, plus ou moins parfaits, I'einporle sur la quantite des aiitres figures , ce signe annonce qu'on recevra de I'argent. S'il y a peu de ronds , il y a de la gene dans les finances de la personne qui consulle. Des figures carrees annoncent des desagrements , en raison de leur noinbre. Des figures ovales promettenl du succes dans les af- faires, quand elles sont nombreuses ou distinc- tement marquees. Des lignes grandes ou petites, pourvu qu'elles soieiit saillantes ou miiltipliees, presagent une vieillesse heureuse. Les ondula- tions ou lignes qui serpentent annoncent des revers et des succes entremeles. Une croix au milieu des dessins de I'assielte promet une morl douce. Trois croix presagent des honneurs. S'il se trouve dans I'assiette un grand nonibre de croix , on reviendra a Dieu apres la fougue des passions : il eut ete mieux de ne pas le quitter. Un triangle promet un emploi honorable. Trois triangles k peu de distance I'un de I'autre sont un signe heureux; en general, cette figure est de bon presage. Une figure qui aurait la forme d'un H annonce un empoisonnement. Un carre long bien distinct promet des discordes dans le menage. Si vous apercevez au milieu des dessins de I'assiette une raie degagee , c'est un chemin qui annonce un voyage. 11 sera long , si ce che- min s'etend ; facile si le chemin est net ; embar- rasse si le chemin est charge de points ou de petites lignes. Un rond dans lequel on trouve quatre points promet un enfant. Deux ronds de cette sorle en promettent deux , et ainsi de suite. Vous decouvrez dans I'assiette la figure d'une maison a cote d'un cercle? Attendez-vous a pos- seder cette maison. Elle sera a la ville, car vous voyez un X dans le voisiriage. Elle serait a la campagne si vous distinguiez aupres de ce signe la forme d'un arbre , d'un arbuste ou d'une plante quelconque. Cetle maison vous sera donnee, ou du moins vous I'aurez par heritage , lorsqu'elle est accompagnee de triangles. Vous y mourrez si elle est surmonlee d'une croix. Vous trouverez peut-etre la forme d'une couronne ; elle vous promet des succes a la cour. On rencontre sou- vent la figure d'un ou de plusieurs petits pois- sons ; ils annoncent qu'on sera invite a quelque bon diner. La figure d'un animal a quatre pattes promet des peines. La figure d'un oiseau presage un coup de bonheur. Si I'oiseau semble pris dans un filet, c'est un proces. La figure d'un reptile annonce unetrahison. La figure d'une rose donne la sante ; la forme d'un saule pleureur, une me- lancolie; la figure d'un buisson, des retards. La forme d'une roue est le signe d'un accident. Une fenetre ou plusieurs carres joints ensemble de maniere a former une espece de croisee vous avertissent que vous serez vole. C'est bon a sa- voir. Si vous voyez une tete ou une forme de chien a cote d'une figure humaine, vousavez un ami. Si vous voyez un homme monte sur un che- val ou sur tout autre quadrupede, un homme| estimable fait pour vous de grandes demarches. | Quand vous apercevez trois figures I'une aupres; de I'autre, attendez quelque emploi honorable. I Si vous distinguiez une couronne de croix, un' homme de vos parents mourrait dans I'annee. Une couronne de triangles ou de carres annonce. la mort d'une de vos parentes egalement dans I'annee qui court. Un bouquet compose de quatre fleurs ou d'un plus grand nombre est le plus heureux de tons les presages. — Voila. Marceau, I'un des generaux les plus renom- mes de la premiere republique frauQaise. La Gazelle de Cologne a publie recemment I'histoire suivante, qui lui a ete communiquee par son correspondant de Coblentz, et qui forme encore dans cette ville le sujet de toutes les conver- sations. On sait qu'au-dessous du fort Empereur-Fran- Qois , aupres de la route de Cologne , se trouve le monument du general frangais republicain Marceau, qui tomba a Altenkirchen et fut ense- veli a Coblentz, sur le mont Saint-Pierre, ou se trouve maintenant la partie principale du fort sus-mentionne. Le monument du general, qui est une pyramide tronquee, fut plustardenleve, lorsqu'on commenga les fortifications de Coblentz. Toutefois, surl'ordre expres du feu roi Frederic- Guillaume III, il fut reconstruit a la place ou il se trouve maintenant. M. de Stramberg, qui, dans son Rheinnischen antiquarius , donne une biographie tres-detaillee de Marceau , raconte , en faisant mention du mo- nument de ce dernier, que des personnes pre- lendent avoir vu le general, de nuit, a diffe- rentes reprises, apr^s sa mort, monte sur un cheval blanc et convert d'un manteau de meme couleur (des chasseurs franqais), se dirigeant vers le mont Saint-Pierre. Dernierement, un soldat qui elait en faction a minuit sur ce mont dit avoir vu venir a lui un spectre blanc monte sur un cheval gris. N'ayant regu aucune reponse a son interpellation , le sol- dat a fait feu trois fois. Une patrouille, elant arrivee au bruit de ces decharges, a trouve la sentinelle etendue sur le sol , presque evanouie et dans un affreux paroxysme de fievre. Elle a ete transportee a I'hopitai, ou elle est tombee dangereusement malade, et ou, au milieu du delire, elle n'a parle que de I'apparilion sus- mentionnee. Marcellus, medecin enPamphylie, contem- porain de I'empereur Marc-Aurele, a compose un poeme sur lalycanthropie, melancolie diabolique qui frappe ceux qui en sontatleints del'ideequ'ils sont changes en loups. Des fragments de ce poeme sont conserves dans le Corpus poelarum deMaittaire. Londres, 1713 a 1722, 27 v. in-12. Marchocias , grand marquis des enfers. II se montre sous la figure d'une louve feroce , avec MAR — A/i5 - MAR des ailes de griffon et une queue de serpent; ';ous ce gracieux aspect le marquis vomit des lammes. Lorsqu'il prend la figure humaine, on croit voir un grand soldaL. 11 obeit aux exor- cistes , est de I'ordre des Dominations et com- mande Irente legions ^ Marcionites , heretiques dii cinquieme siecle qui avaient pour chef Marcion. lis etaient dua- listes et disaient que Dieu avait cree nos ames, mais que le diable, jaloux, avait aussitot cree nos corps, danslesquels il avait emprisonne les- dites ames. Mardi. Si on rogne ses ongles les jours de la semaine qui ont un R , conune le mardi , le mer- credi et le vendredi, les bonnes gens diseiit qu'il viendra des envies aux d.)igls. Marechal de salon. I'oy. Micniir,. Marentakein , arbrisseau des spectres. Voy. GUTHEYL. Margaritomancie , divination par les perles. On en pose une aupres du feu; on la couvre d'un vase renverse, on I'enchante en recitantles noms de ceux qui sont suspects. Si quelque chose a ete derobe , au moment ou le nom du larron est prononce , la perle bondit en haut et perce le fond du vase pour sortir; c'est ainsi qu'on re- connait le coupable ^. Marguerite, Hollandaise qui vivait au trei- zieme siecle. Ayant refuse brutalement I'aumone a une pauvre femme qui avait plusieurs enfants, et lui ayant reproche sa fecondite , cette pau- vresse lui predit qu'elle-meme auraitautantd'en- fanls qu'il y a de jours dans I'an. Elle accoucha en effet de trois cent soixante-cinq enfants, qui furent presenles au bapteme , tons les gargons, gros comme le doigt, avec le nom de Jean, et toutes les filles , aussi mignonnes , avec le nom de Marie, sur deux grands plats que Ton garde ' Wierus, in Pseudomonarchia drnmon. 2 Delancre, IncredulUe el mecreance du sortilege pleinement convaincues , p. 270. toujours a Loosduynen , pres de la Haye , ou cette histoire n'esl pas mise en doule. Avec les deux plats bien conserves, onmontre le tombeau des trois cent soixante-cinq enfants, morls tous aussitot apres leur bapteme *. Marguerite, Ilalienne qui avait un esprit fami- lier. Lenglet-Dufresnoy rapporte ainsi son histoire sur le temoignage de Cardan : « 11 y avait a Milan une femme nommee Marguerite, qui publiait partout qu'elle avait un demon ou esprit familier qui la suivait et I'accompagnait partout, mais qui pourtant s'absentait deux ou trois mois de I'annee. Elle trafiquait de cet esprit; car souvent elle etait appelee en beaucoup de maisons, et incontinent qu'on lui avait fait commandement d'evoquer son esprit, elle courbait la tete ou I'enveloppait de son tablier et commengait a I'appeler et adjurer en sa langue ilalienne. 11 se presentait soudain a elle et repondait a son evo- cation ; la voix de eel esprit ne s'entendait pas aupres d'elle , mais loin , comme si elle fut sor- tie de quelque Irou de muraille ; et si quelqu'un se voulait approcher du lieu oii la voix de cet esprit resonnait, il elait etonne qu'il ne I'enten- daitplus en cet endroit, mais en quelque autre coin de la maison. » Quant a la voix de I'esprit, elle n'etait point articulee ni formee de maniere qu'on la put bien entendre; elle etait grele et faible, de sorle qu'elle se pouvait dire pkilot un munnure qu'un son de voix. Apres que cet esprit avait siffle ainsi el murmure , la vieille lui servait de truchement et faisait entendre aux autres ce qu'il avait dit. Elle a demeure en quelques maisons ou les fem- mes, qui ont observe ses fagons de faire, disent qu'elle enferme quelquefois cet esprit en un lin- ceul , et qu'il a coulume de lui mordre la bouche tenement qu'elle a presque toujours les levres 1 Voyez cette legeude dans les Legendes des verlus theologales. MAR ulcerees. Cette miserable femme est en si grande horreur a tout le monde, a cause de eel esprit, qu'elle ne trouve personne qui la veuille loger ni qui consente a frequenter avec elle'.)) Nous n'avons pas besoin d'ajouler que c'etait la un tour de ventriloquie. Marguerite de Navarre. Cette reine, ma- lade , vit la nuit une grande kuniere, et, appre- nant que c'etait une comete, elle regarda cette apparition comme I'annonce de sa mort. 0"oi- qu'elle ne se sentit pas trop mal , elle s'y pre- para, frappee, et mourut en effet Irois jours apres. Mariacho de Moleres, insigne sorciere qui fut accusee par une jeune fille nommee Marie Aspiculette, agee de dix-neuf ans, de I'avoir menee au sabbat, I'emportant sur son cou apres s'etre frottee d'une eau epaisse et verdatre, dont elle se graissait les mains, les handles et les genoux ^ Mariage. On a plusieurs moyens de connaitre quand et avec qui on se mariera. M. Chopin conle qu'en Russie les jeunes filles curieuses de connaitre si elles seront mariees dans I'annee fornient un cercle dans lequel chacune repand devant soi une pincee de grains d'avoine. Cela fait, une femme placee au centre, et tenant un coq enveloppe , tourne plusieurs fois sur elle- meme en fermant les yeux et iache I'animal , qu'on a eu soin d'affamer; il ne manque pas d'aller picoter le grain. Celle dont I'avoine a 6l6 la premiere entaraee peut compter sur un pro- chain mariage. Plus le coq y met d'avidite, et plus promptement I'union pronostiquee doit se conclure. S'il est nature! a une jeune fille russe de de- sirer le mariage , il ne Test pas moins qu'elle souhaite de connaitre celui qui sera son epoux. Le moyen suivant satisfait sa curiosity. Elle se rend a minuit dans une chambre ecartee ou sont prepares deux miroirs places parallelement vis- a-vis I'un de I'autre et eclaires de deux flam- beaux. Elle s'assied et prononce par trois fois ' ces mots : Kto inoy soujnoy kto moy riajnoy , tot pokajetsia mnie. « Que celui qui sera mon epoux m'apparaisse ! » Apres quoi elle porte ses regards sur I'un des miroirs, et la reflexion lui presente une longue suite de glaces ; sa vue doit se fixer sur un espace eloigne et plus obscur, oil Ton pretend que se fait rapparition. On conQoit que plus le lieu observe parait eloigne, plus il est fa- cile a I'imaginalion deja preoccupee de se faire une illusion. On se sert du meme precede pour savoir ce que font des personnes absentes. ' Recueil de dissertations de Lenglet-Dufresnoy, t. I, p. 156. - Delancre, Tabl. del'inconstance des demons, etc., iiv. II, p. 416. ^ Les Russes supposent au nombre trois une vertu particuliere. Bog tionbit Iroilzon est un diclon popu- laire qui signifie : Dicu aime le nombre ti'ois. MAR Ceux qui desirent apprendre ( toujours chez les Russes) si une jeune fille se mariera bientot font un treillage en forme de pont avec de petites branches entrelacees, et le mettent sous son chevet sans qu'elle s'en apergoive. Le lendemain ! on demande ce qu'elle a vu en songe ; si elle i raconte avoir passe un pont avec un jeune homme, J c'est un signe infaillible qu'elle lui sera unie la | meme annee. Cette divination s'appelle en russe most mastite *, On lit dans les Admirablcs secrets du Petit Albert cette maniere de connaitre avec qui on s'unira. II faut avoir du corail pulverise et de la poudre d'aimant, les delayer ensemble avec dtt sang de pigeon blanc ; on fera un petit peloton de pale qu'on enveloppera dans un morceau de taffetas bleu ; on se le pendra au cou ; on mettra sous son chevet une branche de myrte vert, et on verra en songe la personne qu'on doit epou- ' ser. Les filles ou veuves obtiennenl le memere- sultat en liant une branche de peuplier avec leurs chausses sous leur chevet , et se frottant les | tempes, avant de dormir, d'un peu de sang de ' huppe. i On croit aussi dans plusieurs provinces, et on le croit sur nombre d'exemples, que les epoux qui mangent ou boivent avant la cdlebration de leur mariage ont des enfants muots. Les coutunies superstitieuses qui en Ecosse precedent et suivent les manages sont innom- brables ; le peuple croit que les evocations , ac- compagnees de certaines paroles magiques , ont la puissance de faire apparaitre I'ombre des fu- turs epoux, et que des noisettes jetees au feu in- diquent, par les divers petillements de la flamme, si leur union sera heureuse. Un savant regrette de n'avoir pu decouvrir I'origine certaine et la signification des presents echanges entre les fian- ces. L'anneau est le symbole de I'esclavage qui pese sur la femme, et on a cru qu'il etait plac^ au quatrieme doigt de la main gauche, parce qu'une veine conduit de ce doigt au coeur. Cette opinion etait repandue chez les Egyptiens et chez les Grecs. Un anneau de mariage avec un dia- mant presageait une union malheureuse, parce que interruption du cercle annongait quel'atta- chement des epoux ne serait pas de duree , on a done adopte un cercle d'or. On entend dire encore de nos jours que quand deux manages se font a la meme messe, I'un des deux n'est pas heureux. Mariage du diable. Gorres, dans le chapi- tre XIV de la sixieme partie de sa Mystique , rap- porte une allegorie que voici : « L'idee vint un jour au diable de prendre femme , afin de pro- pager sa race. II s'adressa done al'lmpiete, et apres I'avoir epousee il en eut sept filles. II les maria bientot, I'Orgueil aux puissants de 1 M. Chopin, De I'elat actuel de la Russie, ou coup d'ail sur Saint-Petersbourg , p. 82. - kk6 — MAR — khl — MAR la terre, rAvarice aux marchands, I'Avidite de- loyale aux mercenaires, I'Hypocrisie aux fourbes, I'Envie aux artistes, la Vanile aux effemines. L'Impurete lui restait; car, reflexion faite, il se- tait decide a la garder chez lui pour que ceux qui desireraient I'avoir vinssent la chercher. II comptait sur un grand nombre de visiles, et il ne fat pas trompe dans ses previsions. Mariagrane (Marie) , sorciere qui dit avoir vu souvent le diable , et qui se trouve citee dans JDelancre. Marigny ( Enguerrand de ) , ministre de Louis X, roi de France. Alix de Mons, femme d'Enguerrand, et la dame de Canteleu, sa soeur, furent accusees d'avoir eu recours aux sortileges pour envouter le roi, messire Charles , son frere, et autres barons, et d'avoir fait des malefices pour faire evader Enguerrand , qui etait empri- sonne. On fit arreter .les deux daines. Jacques Dulot, magicien , qui etait cense les avoir ai- dees de ses sortileges, fut mis en prison ; sa femme fut brulee et son valet pendu. Tous ces gens etaient des bandits. Dulot , craignant pareil supplice , se tua dans son cachot. Le comte de Valois , oncle du roi , fit considerer a ce prince que la raort volontaire du magicien etait une grande preuve contre Marigny. On montra au monarque les images de cire ; il se laissa persuader et declara qu'il otait sa main de Marigny et qu'il I'abandonnait a son oncle. On assembla aussitot quelques juges; la deliberation ne fut pas longue : Marigny fut condarane, malgre sa' qualite de gentilhomme, a etre pendu comme sorcier. L'ar- ret fut execute la veille de I'Ascension, et son corps fut attache au gibet de Montfaucon , qu'il avait fait relever durant son ministere. Le peu- ple, que I'insolence du ministre avait irrite, se montra touche de son malheur. Les juges n'ose- rent condamner sa femme et sa soeur ; le roi lui- ineme se repentit d'avoir abandonne Marigny a ses ennemis. Dans son testament il laissa une somme considerable a sa famille , en considera- tion, dit-il, de la grande infortune qui lui etait arrivee *. Marionnettes. On croyait autrefois que dans les marionnettes logeaient de petits demons. Voy. Brioche, BouGHEY, Mandragores, etc. Marissane. Un jeune homme de quinze ou seize ans , nomme Chr-istoval de la Garrade , fut enleve, sans graisse ni onguent, par Marissane de Tartras, sorciere, laquelle le porta si loin et si haut a travers les airs, qu'il ne put recon- naitre le lieu du sabbat; mais il avoua qu'il avait ele bien etrille pour n'avoir pas voulu prendre part audit sabbat, et sa deposition fut une des preuves qui firent bruler la sorciere. Pourtant il pouvait n'avoir fait qu'unreve. Voij. Ralde. Marius. II menait avec lui une sorciere scythe qui lui pronostiquait le succes de ses entreprises. < M. Garinet, Histoire de la magie en France. Marie (Thomas de), comte d'Amiens et sire de Coucy, dont on peut lire les crimes dans les chroniques du regne de Louis le Gros. A sa mort, il recula sur ses forfaits et voulut se reconci- lier avec Dieu ; mais comme il refusait de reparer une des plus sombres actions de sa vie *, lors- qu'il se souleva pour recevoir la sainte commu- nion qu'il avait demandee , Suger atteste qu'une main invisible lui tordit le cou. Marlowe , poete anglais de la fin du seizieme siecle, ne en fevrier 1563, tue en duel le 15 juin 1593 a I'age de trente ans. C'etait un debauche, si on s'en rapporte a son epitaphe. II a laisse un poeme de Faust, anterieur de deux siecles a celui de Goethe ^. Marot. Mahomet cite I'histoire des deux anges Arot et Marot pour justifier la defense qu'il fait de boire du vin. « Dieu , dit-il, chargea Arot et Marot d'une commission sur la terre. Une jeune dame les invita a diner, et ils trouverent le vin si bon qu'ils s'enivrerent. lis remarquerent alors que leur hotesse etait belle, s'eprirent d'amour et se declarerent. Cette dame , qui etait sage , re- pondit qu'elle ne les ecouterait que quand ils lui auraient appris les mots dont ils se servaient pour monter au ciel. Des qu'elle les sut, elle s'e- leva jusqu'au trone de Dieu, qui la transforma, pour prix de sa vertu, en une etoile brillante (c'est I'etoile du matin), et qui condamna les deux anges ivrognes a demeurer jusqu'au jour du jugement suspendus par les pieds dans le puits de Babel , que les pelerins musulmans vont visiter encore aupres de Bagdad. Marque du diable. On salt que les sorcieres qui vont au sabbat sont marquees par le diable , et ont particulierement un endroit insensible que les juges ont fait quelquefois sonder avec de lon- gues epingles. Lorsque les prevenues ne jettent aucun cri et ne laissent voir aucune souffrance , elles sont reputees sorcieres et condamnees comme telles , parce que c'est une preuve evi- dente de leur transport au sabbat. Delancre ' ajoute que toutes celles qui ont passe par ses mains ont avoue toutes ces choses lorsqu'elles furent jetees au feu. Bodin pretend que le diable ne marque point celles qui se donnent a lui vo- lontairement et qu'il croit fideles ; mais Delancre refute cette assertion , en disant que toutes les plus grandes sorcieres qu'il a vues avaient une ou plusieurs marques, soit a I'oeil, soit ailleurs. Ces marques ont d'ordinaire la forme d'un petit croissant ou d'une griffe , ou d'une paire de cornes qui font la fourche. Marquis de I'enfer. Les marquis de I'enfer, • II tenait sa belle-mere enfermee dans un cachot ignore de tous , connu de lui seul ; il s'obstina en mourant a ne pas reveler son affreux secret. ... ^ M. FranQois Hugo nous a fait connaitre le poeme de Marlowe, dans la Revue frauQaise, mai 1858. 3 Tableau de V inconstance des demons, p. 103. MAR MAR commc Pha;nix, Cimeries, Aiulras, soiit, ainsi que chez nous , un peu supcrieurs aux comles. On les evoque avec fruit (dans le sens diaboli- que) depuis trois heures du soir jusqu'a la chuLe du jour *. Marsay. Voij. Ocureit. Martibel (Sarena ou Serena), sorciere du diocese de Soissons au quinzieme siecle. Des le- moins declarerent I'avoir vue danser an sabbat avec qnalre crapauds habilles, I'un siir son epaule gauche, I'autre sur son epaule droile, et les deux aulres sur ses deux poings , ou lis se tenaient comme les faucons ou les eperviers sur le poing du chasseur. Martin (Sainl). Un juur que saint Martin de Tours disait la messe, le diable entra dans I'eglise avec I'espoir de le distraire. C'est une naive his- torielte de la Legcnde dorce ; elle est representee dans une eglise de Brest, Elle paruta Grosnet un trait si joli qu'il le mit en vers. Le diable elait, selon cet ancien poete , dans un coin de I'eglise ecrivant sur un parchemin les caquets des fem- mes et les propos inconvenants qu'on tenaita ses oreilles pendant les saints offices. Quand sa feuille fut remplie , comme il avait encore bien des notes 1 Wierus , in Pseudomonarchia doemon. a prendre, il mit le parchemin entre ses dents et le tira de toutes ses forces pour I'allonger ; mais la feuille se dechira, et la tete du diable alia frapper centre un pilier qui se trouvait derriere lui. Saint Martin, qui se retournait alors pour le Dominns vobiscum , se mit a rire de la grimace du diable et perdit ainsi le merile de sa messe, aujugementdu moins de I'espritmalin, quitoute- fois se hata de fuir... Martin (Marie), sorciere du bourg de la Neuf- ville-le-Roi, en Picardie, qui fut arretee pour avoir fail mourir des betes et des hommes par sortilege ou plutol par malefice , car au moins ce MAR MAS motveut dire mauvaise action. Un magicien qui passait par la la reconnut, et, siir son avis, la sorciere fut rasee. On lui Irouva la marque du diable, ayant I'empreinte d'une paLte de chat. Elle dit au juge qu'elle se reconnaissait cou- pable. Traduite a la prevote, elle avoua qu'elle etait sorciere , qu'elle jetait des sorts au moyen d'une poudre composee d'ossements de trepas- ses ; que le diable Cerberus lui parlait ordinaire- ment. Elle nomma les personnes qu'elle avait ensorcelees et les chevaux qu'elle avait raale- ficies. Elle dit encore que, pour plairc a Cerbe- i rus, elle n'allait pas a la messe deux jours avant ' de jeler ses sorts; elle conta qu'elle etait allee au chapitre tenu par Cerberus, ef qu'elle y avait et(§ conduite la premiere fois par Louise Morel , sa tante. Dans son second interrogatoire,- elle declara que la derniere fois qu'elle etait allee au sabbat c'etait a Varipon, pres Noyon; que Cer- berus, vetu d'une courte robe noire, ayant une barbe noire, ceiffe d'un chapeau a forme haute, tenait son chapitre pres des haies dudit Varipon, et qu'il appelait la par leurs noms les sorciers et les sorcieres. Elle fut condamnee par le con- seil de la ville de Montdidier a etre pendue , le 2 juin 1586. Elle en appela au parlement de Paris, qui rejela le pourvoi. Son execution eut lieu le 25 juillet meme annde Martin (Thomas) , laboureur de Gaillardon en Beauce, qui eut, dans un de ses champs, le 15 Janvier 1816, vers deux heures de I'apres-midi , une vision d'un personnage vetu de blanc, le- quel le chargea d'une mission pour le roi Louis XVIII. 11 eut beau s'en defendre, la vision se represenla tant de fois qu'on le fit parlir pour Paris, ou, apres avoir ete minutieusement exa- mine par les plus habiles medecms , il fut admis devant le roi, avec qui il s'entretint seul a seul pendant une heure. Quelques-uns ont cru que Martin etait un hallucine , ce qui n'a pu etre eta- bli. On a publie cette aventure plusieurs fois. La meilleure relation est celle qui a ele editee chez Hivert, a Paris, en 1831, petit in-8''. 1 M. Garinet, Hist, de la magie en France , p. i 46. Martinet , demon familier, qui accompagnait les magiciens el leur defendait de rien entre- prendre sans sa permission, ni de sortir d'un lieu sans le conge de maitre Martinet. Quelque- fois aussi il rendait service aux voyageurs, en leur indiquant les chemins les plus courts, ce qui etait de la complaisance. Martre. On croit, en Russie, que la peau de martre est un preservatif assure centre les char- mes, sortileges et malefices. Martym ou Batym, due aux enfers, grand et fort : il a I'apparence d'un homme robuste, et au derriere une queue de serpent. II monte un cheval d'une blancheur livide. II connait les vertus des herbes et des pierres precieuses. II transporte les hommes d'un pays dans un autre avec une vitesse incroyable. Trente legions lui obeissent. Mascarades. Les Gaulois croyaient que My- thras presidait aux constellations ; ils I'adoraient comme le principe de la chaleur, de la fecondite et des bonnes et mauvaises influences. Les inities a ses mysteres etaient partages en plusieurs con- freries, dont chacune avait pour symbole une constellation ; les confreres celebraient leurs fetes et faisaient leurs processions et leurs festins degui- ses en lions, en beliers, en ours, en chiens, etc., c'est-a-dire sous les figures qu'on suppose a ces constellations. Voila sans doute, selon Saint-Foix, I'origine de nos mascarades. On lit, sur les mascarades, cette plaisanlerie ingenieuse dans Montesquieu : On demandait a un Turc, revenu d'Europe, ce qu'il y avait vu de remarquable. « A Venise, repondit-il, ils deviennenl fous pendant un temps de I'annee; ils courent deguises par les rues, et cette extravagance augmente au point que les ecclesiastiques sent obliges de I'arreter ; de sa- vants exorcistes font venir les malades un cer- tain jour (le mercredi des Cendres), et, aussitot qu'ils leur ont repandu un peu de cendre sur la tete, le bon sens leur revient, et ils retournent a leurs affaires. » Massaliens ou Messaliens, illumines des premiers siecles qui croyaient que chaque homme tire de ses parents et apporte en lui un demon qui ne le quilte pas. lis faisaient de longues prieres pour le dompter; dpres quoi ils dansaient et se livraient a des contorsions et a des gambades en disant qu'ils sautaient sur le diable. Une autre secte de massaliens, au dixieme siecle , admettait deux dieux nes d-un premier etre; le plus jeune gouvernait le ciel, I'aine presidait a la terre; ils nommaient le dernier Sathan , et supposaient que les deux freres se faisaient une guerre con- tinuelle, mais qu'un jour ils devaient se recon- cilier Mastication. Les anciens croyaient que les morts mangeaient dans leurs tombeaux. On ne 1 Bergier, Dictionnaire theologique. 29 MAS — /|50 — MAU sail pas s'ils les entendaient niacher; mais il esl certain qu'il faut attribuer a I'idee qui conservail aux morts la faculte de manger I'habitude des repas funebres qu'on servait de temps immemo- rial , et Chez tous les peuples , sur la tombe du defunt. L'opinion que les spectres se nourrissent esl encore repandue dans le Levant. 11 y a longtemps que les Allemands sont persuades que les morts mdchent comme des pores dans leurs tombeaux, et qu'il est facile de les entendre grogner en broyantce qu'ils devorent. Philippe Rherius, au dix-septieme siecle, et Michel Raufft, au com- mencement du dix-huitieme , ont meme publie des Traites sur les morts qui mdchent dans leurs sdpulcres *. lis disent qu'en quelques endroits de I'AIlemagne, pour empecher les morts de ma- cher, on leur met dans le cercueil une motte de terre sous le menton ; ailleurs on leur fourre dans la bouche une petite piece d'argent, et d'autres leur serrent forteraent la gorge avec un mou- choir. lis citent ensuite plusieurs morts qui ont devore leur propre chair dans leur sepulcre. On doit s'etonner de voir des savants trouver quelque chose de prodigieux dans des faits aussi naturels. Pendant la nuit qui suivit les funerailles du comte Henri de Sahn , on entendit dans I'eglise de I'ab- baye de Haute-Seille, ou il etait enterre, des cris sourds que les Allemands auraient sans doute pris pour le grognenient d'une personne qui ma- che; et le lendemain, le tombeau du comle ayant ele ouvert, on le trouva mort, mais renverse et le visage en bas , au lieu qu'il avait ete inhume sur le dos. On I'avait enterre vivant , comme on en a enterre tant d'autres. On doit attribuer a une cause semblable I'his- toire, rapportee par Raufft, d'une femme de Bo- heme, qui, en 13^5, mangea, dans sa fosse, la moiti^ de son linceul sepulcral, Dans le dernier siecle, un pauvre homme ayant ete inhume precipitamment au cimetiere, on entendit pen- dant la nuit du bruit dans son tombeau : on I'ouvrit le lendemain, et on trouva qu'il s'etait mange les chairs des bras. Get homme, ayant bu de I'eau-de-vie avec exces, avait ete enterre vivant. Une demoiselle d'Augsbourg etant tom- bee en lethargic, on la crut morte, et son corps fut mis dans un caveau profond, sans etre con- vert de terre. On entendit bientot quelque bruit dans son tombeau ; mais on n'y fit pas attention. Deux ou trois ans apres, quelqu'un de la famille mouruL : on ouvrit le caveau , et Ton trouva le corps de la demoiselle aupres de la pierre qui en fermait I'entree. Elle avait inutilement tente de deranger cette pierre, et elle n'avait plus de doigts a la main droite, qu'elle s'etait devoree de desespoir. Voy. Vampires. Mastiphal. C'est le nom qu'on donne au * De masticatione mortuorum in tumulis. prince des demons, dans un livre apocryphe cite par Cedrenus et qui a pour litre : la Petite Gc- nese. Matchi-Manitou, esprit malfaisant, auquel les sauvages de I'Amerique septentrionale altri- buent tous les maux qui leur arrivent. Ce mau- vais genie n'est autre que la lune. Plusieurs de ces sauvages s'imaginent que les orages sont causes par I'esprit de la lune. lis jellent a la mer ce qu'ils ont de plus precieux dans leurs canots, esperant apaiser par ces offrandes I'esprit irrite. Matiere. C'est le culte de la matiere qui a donne naissance a la cabale et a toutes les sciences occultes. Matignon (Jacques Goyon de) , genlilhomme, qui servit Henri III et Henri IV. Ses envieux, apparemment pour le decrier, disaient que I'es- prit, I'habilele, la prudence, le courage n'etaient point naturellement en lui, mais qu'ils lui venaient d'un pacte qu'il avait fait avec le diable. II fallait que ce diable fut une bonne creature, dit Saint- Foix, puisque Matignon donna, dans toutes les occasions , des marques d'un caractere plein de douceur et d'humanite*. Matignon (le P. A. de), de la compagnie de Jesus, a publie en 1861 la Question du surna- turel , vol. in-12, qui traite du merveilleux et notamment du spiritisme, et, en 1862, les Morts et les Vivants, entretiens sur les communications d'oulre-tombe, vol. in-12, qui se ratlache au precedent. Matthieu Laensberg, Liegeois celebre qui passe parmi le peuple pour le plus granU mathe- maticien , astrologue et prophete des temps mo- dernes. G'etait un bon chanoine, qui donnait dans I'astrologie. Ses predictions trouvent encore , dans les campagnes , de bonnes gens qui se fe- raient scrupule d'en douter, et qui, quand son almanach predit de la pluie pour un jour de beau temps, se contenlent de dire : « II pleul ailleurs. » Le premier almanach de Malthieu Laensberg a paru en 1636 ^ Matzou, divinite chinoise. G'etait, suivant quelques auleurs, une magicienne. Maupertuis. Voy. Hallucination. Maurice, empereur, couronne en 582. On lit dans sa vie qu'etant petit enfant, il fut enleve et emporle plusieurs fois, par les esprits appeles Gellons; mais qu'ils ne lui purenl faire aucun mal, a cause de son bapteme. Maury (Alfred), savant de notre temps qui a ecrit avec une grande erudition sur la magie et I'astrologie , mais pour nier la magie, malgre ses evidences. Nous n'entenduns ici par la magie que les relations avec les mauvais esprits qui nous entourent. Maury (Jean- Siffrein). Un colporteur, en ' Histoire de I'ordre du Saint-E sprit , promotion de 1579. 2 Voyez sa legende dans les Lcgendes du calendrier. MfiC — h. 1792 , pour mieux piquer la curiosite da peuple de Paris, criait, en vendant ses pamphlets : Mort de I'ahbi Maury ! L'abbe passe, s'en approche , lui donne un soufflet et lui dit : c Tiens, si je suis mort, an moins tu croiras aux revenants. » Mecanique. Ainsi que toutes les sciences compliquees, la mecanique a produit des combi- naisons surprenantes qui ont ete regues autrefois comme des prodiges. Ce qui a le plus etonne les esprits, c'est Tautomate qu'on appelait aussi an- droi'de. Nous avons parle de Tandroide d'Albert le Grand , qui passa aux yeux de ses contempo- rains pour une oeuvre de magie. Jean Muller, savant du quinzieme siecle , plus connu sous le nom de Regiomontanus , fit, dit-on, un aigle au- tomate qui avait la faculle de se diriger dans les airs ; il devangait le canard automate de Vaucan- son , qui barbotait , vpltigeait, cancanait et dige- rait. Aulu-Gelle rapporte qu'Architas, dans I'an- tiquite, avait construit un pigeon qui prenait son vol , s'elevait a une certaine hauteur et revenait a sa place. On attribue a Roger Bacon une tete qui pronongait quelques paroles. Vaucanson fit un joueur de flute qui executait plusieurs airs. Jacques Droz, son contemporain , fit au dernier siecle un automate qui dessinait et un autre qui jouait du clavecin. Dans le meme temps, l'abbe Mical construisit deux tetes de bronze qui, comme I'androide de Roger Bacon , pronongaient des paroles. Mais ce qui fit plus d'effet encore, ce fut le joueur d'echecs du baron de Kempelen. G'6tait tin automate mu par des ressorts, qui jouait aux echecs centre les plus forts joueurs et les gagnait quelquefois. On ignorait, il est vrai , que le me- canisme etait dirige par un homme cache dans I'armoire a laquelle I'automate etait adosse. Mais ce n'en etait pas moins un travail admirable. 51 — MED Autrefois, nous le repetons, on ne voyait dans les androides que 1' oeuvre d'une science occulte. Aujourd'hui, par un revirement inconcevable, on semble faire peu de cas de ces efforts du ge- nie de la mecanique. On a laisse perir tous les automates celebres, et nos musees et nos conser- vatoires, qui sont encombres de tant de futilites, ne possedent pas d'androides. Mecasphins, sorciers chaldeens qui usaient d'herbes, de drogues particulieres et d'os de morts , pour leurs operations superstitieuses. Mechant. Le diable est appele souvent le me- chant , le mauvais et le malin. II est le principe en effet et le pere de la mechancete. Mechtilde (sainte). Elle parut environ cent ans apres sainte Hildegarde. Elle etait soeur de sainte Gertrude. Ses visions et revelations ont ete imprimees en 1513. C'est un recueil assez curieux et assez rare, qui contient le livre du Pasteur elles Visionsdu moineVetin,reimprimees depuis par le pere Mabillon, au quatrieme livre de ses Actes de I'ordre de saint Benoit, partie pre- miere. On y trouve aussi les revelations de sainte Elisabeth de Schonav\^, qui contiennent cinq livres, aussi bien que celles de sainte Mechtilde. Celles de sainte Gertrude viennent ensuile, et sont suivies des visions du frere Robert, domini- cain, qui vivait en 1330. Sainte Mechtilde est morte en I'an 128i ou 1286. On trouve dans ce recueil beaucoup de descriptions de I'enfer. Medecine. Si la medecine et la chirurgie ont fait quelque progres en Turquie el en Egypte, lisait-on, il y a six ou sept ans, dans la Revue britannique , c'est grace aux efforts de quelques Europeens actifs et eclaires ; les Persans en sont encore reduits , dans toutes les maladies graves, aux predictions des astrologues et aux incanta- tions mystiques de leurs hakkims; souvent I'in- fortune patient meurt faute de soins, lorsque I'emploi des moyens convenables lui aurait faci- lement conserve la vie. Celui qui ferait en ce pays des experiences chimiques passerait pour etre en correspondance avec le diable et serait ina-nediatement regarde comme un magicien; ainsi les prejuges des Persans s'opposent a toute espece de progres. Medee, enchanteresse de Colchide qui ren- dit Jason victorieux de tous les monstres et gue- rit Hercule de sa fureur par certains remedes magiques. Elle n'est pas moins celebre par ses vastes connaissances en magie que parle meurtre de ses enfants (recit qui, selon Elien, est une calomnie). Les demonographesremarquentqu'elle pouvaitbien eire grande magicienne, parce qu'elle avait appris la sorcellerie de sa mere, Hecate. Les songe-creux lui attribuent un livre de con- juration qui porte en effet son nom. Vorj. Mijlye. Media. On trouvait, dit-on, chez les Medes, des pierres merveilleuses, noires ou vertes, qui rendaient la vue aux aveugles et guerissaient la 29. MEE — h52 - MEL goiilte, appliquees sur le mal dans Line compresse de lait de brebis. Meerman , homme de mer. Les habitants des bords de la mer Baltique croient a I'existence de ces hommes de mer ou esprits des eaux, qui ont la barbe verte et les cheveux tombants sur les epaules comma des tiges de nenuphar'. lis chantent le soir parmi les vagues , appelant les pecheurs. Mais malheur a qui se laisse seduire par eux ; leur chant precede les tempetes. Megalanthropogenesie , moyen d'avoir de beaux enfants et des enfants d'esprit. — On sait quels sont les effets de I'imagination sur les in- telligences qui s'y laissent emporLer; ces effets sont surtout remarquables dans les femmes en- ceintes, puisque souvent I'enfant qu'elles portent dans leur sein est marque de quelqu'un des ob- jets dont leur imagination a ete fortement occu- pee pendant la grossesse. Quand Jacob voulut avoir des moutons de diverses couleurs, il pre- senta aux yeux des brebis des choses bigarrees, qui les frapperent assez pour amener le resultat qu'il en esperait. L'effet que Timagination d'une brebis a pu produire doit agir plus surement en- core sur I'imagination incomparablement plus vive d'une femme. Aussi voyons-nous bien plus de variete dans les enfants des hommes que dans les petits des animaux. On a vu des femmes mettre au monde des enfants noirs et velus; et lorsque Ton a cherche la cause de ces effets, on a decouvert que, pendant sa grossesse, la femme avait I'esprit occupe de quelque tableau mons- trueux. Les statues de marbre et d'albatre sont quelquefois dangereuses. Une jeune epouse ad- mira une petite statue de I'Amour de marbre blanc. Get Amour elait si gracieux, qu'elle en demeura frappee ; elle conserva plusieurs jours les memos impressions, et accoucha d'un enfant plein de graces, parfaitement semblable a I'Amour de marbre , mais pale et blanc comme lui. Tor- quemada rapporle qu'une Italienne des environs de Florence , s'etant frappe I'esprit d'une image de Moise, mit au monde un fils qui avait une longue barbe blanche. On peut se rappeler, sur le meme sujet, une foule d'anecdotes non moins singulieres ; peut-elre quelques-unes sont-elles exagerees. Voy. Accouchements. En 1802, une paysanne enceinte, arrivant a Paris pour la premiere fois , fut menee au spec- tacle par une soeur qu'elle avait dans la capitale. Un acteur qui jouait le role d'un 7iiais la frappa si fortement, que son fils fut idiot, stupide et semblable au personnage force que la mere avait vu avec trop d'attention. Puisque I'imaginalion des femmes est si puis- sante sur leur fruit, c'est de cette puissance qu'il faut profiter, disent les professeurs de megalan- thropogenesie. Ornez la chambre des femmes de belles peintures durant toute la grossesse ; n'occu- ' M. Marmier, Traditions de la Baltique. pez leurs regards que de beaux anges et de sujetsi gracieux; evitez de les conduire aux spectacles' de monstres, etc. A Paris, ou les salons de pein-i ture occupentles dames, les enfants ont ete long-| temps plus jolis que dans les villages, ou Ton' voit rarement des choses qui puissent donner une idee de la beaute. Si aujourd'hui la popu- lation parisienne est generalement laide, on le doit aux caricatures qui s'etalent partout et s'ap- pliquent a tout. C'est un gout qui nous vient des Anglais; mais les Anglais ne font pas autant de' laideurs que nous. Chez les Cosaques , ou tout est grossier, tous les enfants sont hidenx comme leurs peres. Pour obtenir des enfants d'espril, il n'est pas necessaire que les parents en aient, mais qu'ils en desirent, qu'ils admirent ceux qui en ont, qu'ils lisent de bons livres, que la mere I se frappe des avantages que donnent I'esprit, la i science, le genie; qu'on parle souvent de ces i choses, qu'on s'occupe pen de sottises. Voy. Ima- gination. On a publie il y a quelques annees un traite de Majalantliropogcnesie qui est un peu oublie , et qui merile de I'etre davanLage, 2 vol. in-S". Mehdi. Les journaux d'avril 18^1 annongaient i I'apparition en Arable d'un nouveau prophete i appele Mehdi. « Ceux qui croient en lui (disaient ces journaux) , et ils sont nombreux , comptent i la nouvelle ere mahometane du jour de son ap- ' parilion. Ils disent qu'il entrera a la Mecque dans sa quarantifeme annee , que de la il ira a Jerusa- lem et regnera avec puissance et grandeur jus- qu'a ce que Dcdschail, le demon du mal, se soil leve conlre lui et I'ait vaincu. Alors Jesus, le prophete des Chretiens, viendra a son secours avec soixanle-dix mille anges. Toute la terre reconnaitra Mehdi, et apres la conversion des pai'ens , des juifs et des Chretiens a I'islamisme, commencera I'empire des mille et mille annees. Ce prophete a fait battre des monnaies, surles- quelles il s'intitule Imam de.s deux continents et des deux mers. » Toutefois , on ne parla de ce Mehdi qu'un moment. C'etait ce qu'on appelle un canard de journal ; et voici I'origine de celui-la : LesPersans disent qu'il y a eu douze grands imams ou guides. Ali fut le premier; ses successeurs furent les enfants qu'il eut de Fatime, sa glorieuse epouse, fdle de Mahomet. Le dernier a ete retire par Dieu de ce monde corrompu; et les hommes sontresles sans imam visible. 11 s'appelle IcMehdi, c'est-a-dire ceUii qui est conduit et dirige par Dicu. II doit reparaitre sur ia terre a la fin du monde. Meigmalloch , esprit de I'espece des Brow- nies. II parait toujours sous la forme d'une jeune fille et semble se plaire en Ecosse. Melampus, auteur d'un Traite de I'art de ju- ger les inclinations et le sort futur des hommes par I'inspeclion des seings ou grains de beauts. Voy. Seings. i53 — Melanchthon, disciple de Luther, mort en 1568. II croyait aux revenanls comme son maitre, et ne croyait pas a I'Eglise. II rapporte, dans un de ses ecrits, que sa tante, ayant perdu son mari lorsqu'elle etait enceinte , vit un soir , etant as- sise aupres de son feu, deux personnes entrer dans sa chambre, I'une ayant la figure de son epoux defunt, I'autre celle d'un franciscain de la ville. D'abord elle en fut effrayee ; inais son de- funt mari la rassura et lui dit qu'il avait quelque chose d'important a lui communiquer. Ensuite il fit signe au franciscain de passer un moment dans la piece voisine , en attendant qu'il eut fait connaitre ses volontes a sa femme; alors il la pria de lui faire dire des messes et I'engagea a lui donner la main sans crainte ; elle donna done la main a son mari , et elle la retira sans dou- leur, mais brulee, de sor te qu'elle en demeura noire tout le reste de ses jours. Apres cela, le spectre rappela le franciscain , et tous deux dis- parurent... Melancolie. Les anciens appelaient la melan- ^^^^ . . 1^,^ Mehdi. colie le bain du diable, a ce que disent quel- ques demonomanes. Les personnes melancoliques etaient au moins maleficiees, quand elles n'etaient pas demoniaques; et les choses qui dissipaient 1 humeur melancolique, comme faisait la musique sur I'esprit de Saiil , passaient pour des moyens Stirs de soulager les possedes. Melchisedech. Plusieurs sectes d'heretiques, qu'on appela melchisedechiens , tomberent dans de singulieres erreurs a propos de ce patriarche, Les uns crurent qu'il n'etait pas un homme, mais la grande vertu de Dieu et superieur a Jesus- Christ; les autres dirent qu'il etait le Saint-Es- prit. II y en eut qui soutinrent qu'il etait Jesus- Christ meme. Une de ces sectes avait soin de ne toucher personne , de peur de se souiller. Melchom , demon qui porte la bourse ; il est aux enfers le payeurdes employes publics. Melek-al-Mout. C'est le nom que les anciens Persans donnent a I'ange de la mort. Les Per- sans modernes I'appellent aussi I'ange aux vingt mains, pour faire entendre comment il pent suf- fire a expedier toutes les ames. II parait etre I'ange Azrael des Juifs et le Mordad des mages, appele encore Asuman. Melissa. Voy. Abeilles. Meleze, arbre maudit chez les Tartares. Melchom. Melusine, fee celebre qui epousa le chef de la maison de Lusignan , a condition qu'il n'entre- rait jamais, le samedi, dans la chambre ou elle MEL se retirait, C'est qu'elle etait obligee tous les sa- medis de passer ce jour dans sa forme naturelle , moitiefemmeetmoilie serpent. II vecutlongtemps avec elle et en eut plusieurs enfants, sunnontant j usque -la sa curiosite. Mais un jour, qu'il n'en fut pas le maitre, c'etait un samedi, il alia, par une fente de la porfe, epier sa femme, el il la vit telle qu'elle etait. La fee s'apergut de I'indiscre- tion , s'envola et ne se remontra plus a son mari. On dit, dans le Poitou, qu'elle vient la nuit baltre des mains et pousser des cris autour du chateau de Lusignan , toutes les fois qu'un de ses descendants doit mourir*. Melye. II y avait chez les fees , comrae chez les hommes, une inegalite de moyens et de puis- sance. On voit dans les romans de chevalerie et dans les contes merveilleux que souvent une fee bienfaisante etait genee dans ses bonnes in- tentions par une mechante fee dont le pouvoir etait plus etendu. Melye etait une mechante fee. Voy. Urgande. Menah. C'est une vallee mysterieuse a quatre lieues de la Mecque. Les pelerins qui la par- courent doivent y jeter sept pierres par-dessus leur epaule. On en trouve trois raisons chez les docteurs musulmans : c'est, selon les uns, pour renoncer an diable et le rejeter, a riuiitation d'Ismael , qu'il voulut tenter au moment ou son pere Abraham allait le sacrifier (car ils confon- dent Ismael avec Isaac). Ismael, disent-ils, fit fuir le demon en lui jetant des pierres. Mais d'autres docteurs disent que le diable tenta Abraham lui-meme, voulant I'empecher d'egorger Ismael. II ne put rien gagner, ni sur le patriarche, ni sur Ismael, ni meme sur Agar : ces trois personnages I'eloignerent a coups de pierres. Le troisieme sentiment differe : cette ceremonie aurait lieu en memoire des pierres qu'Adam jeta au diable lorsqu'il vint I'aborder effrontement apres lui avoir fait commettre le peche originel. Menandre, disciple de Simon le Magicien; il profita des legons de son maitre et enseigna la meme doctrine que lui. II professait la magie, Simon se faisait appeler la Grande Verlu. Me- nandre dit que, quant a lui, il etait envoye sur la terre par les puissances invisibles pour operer le salut des hommes. Ainsi Menandre et Simon doivent etre mis au rang des faux messies plutot qu'au rang des heretiques. L'un et I'auLre ensei- gnaient que la supreme intelligence, qu'ils nom- maient Ennoia, avait donne I'etre a un grand nombre de genies qui avaient forme le monde et la race des hommes. Valentin, qui vint plus tard, trouva la ses eons 'K Menandre donnait un bap- teme qui devait rendre immortel... Menasseh ben Israel, savant juif portugais, 1 Voyez sa l^gende dans les Legmdes des esprits et demons. 2 Bergier, Diclionnaire theologique. MfiP ne vers 1604. H a beaucoup ecrit sur le Thalmud. II y a quelques faits merveilleux dans ses Trois livres de la resurrection des maris ^. Son ouvrage de I'Esperance d' Israel^ est curieux. Un juif con- verti de Villaflor en Portugal, Antoine Monte- sini, etant venu a Amsterdam vers 16Zi9, publia qu'il avait vu dans I'Amerique meridionale de nombreuses traces des anciens Israelites. Menas- seh ben Israel s'imagina la-dessus (avait-il tort?) que les dix tribus enlevees par Salmanasar etaient allees s'etablir dans ce pays-la , et que telle etait I'origine des habitants de I'Amerique; il publia son Spes Israelis pour le prouver . Dans la troisieme partie de son livre. Souffle de vie il traite des esprits et des demons, selon les idees des rab- bins de son temps , et, dans la quatrieme partie, de la metempsycose, qui est pour beaucoup de juifs une croyance. II avait commence un traits de la science des thalmudistes et un autre de la philosophie rabbinique, qui n'ont pas ele acheves. Menestrier (Claude-Francois), jesnite, auteur d'un livre intitule la Philosophie des images inig- matiques, ou il traite des enigmes, hieroglyphes, oracles, propheties, sorts, divinations, loteries, talismans, songes, centuries de Nostradamus et baguette divinatoire, in-12, Lyon, 169/j. Meneurs de loups. Pres du chateau de Lu- signan , ancienne demeure de Melusine , on ren- contre de vieuxbergers, maigres et hideux comme des spectres : on dit qu'ils menent des troupeaux de loups. Cette superstition est encore accreditee dans quelques pays, entre autres dans le Ni- vernais ^. Menippe, compagnon d'Apollonius de Tyane. Visile d'une lamie ou demon succube, il en fut delivre par ApoUonius ^ Menjoin, sorcier. Voy. Chorropique. Menra ou le Verbs. C'est le Createur dans la doctrine des cabalistes. Mensonge. Le diable est appele dans I'fivan- gile le pere du mensonge. Mephistopheles , demon de Faust; on le re- connait a sa froide mechancete , a ce rire amer qui insulte aux larmes, a la joie feroce que lui cause I'aspect des douleurs. C'est lui qui, par la raillerie , attaque les vertus , abreuve de mepris les talents, fait mordre sur I'eclat de la gloire la rouille de la calomnie. II n'etait pas inconnu a Voltaire, a Parny et a quelques autres. C'est, apres Satan , le plus redoutable meneur de I'en- fer*. Voy. Faust. * Libri ires de resurrectione mortuorum. Amster- dam, 1636, in-8°. Typis sumptibus auctoris. 2 Spes Israelis, Amsterdam, 1630, in-12. 3 En hebreu. Amsterdam, 5412 (1652), in-4<'. * M. de Marchangy, Tristan le voyageur, ou la France au qualorzieme siecle, t. I"". 5 Leloyer, Histoire des spectres et des apparitions des esprits, liv. IV, p. 310. e MM. Desaur et de Saint-Genies , les Aventures de Faust, t. I". - h5k — MER — Z|55 — MER Mercana , branche de la cabale qui donne la science des choses suriiaturelles. Mercati (Michel). Voy. Ficino. Mercier, auteiir d'un Tableau de Paris, qui a fait quelque bruit, at de Songes philosophiques, oil Ton trouve deux ou trois songes qui roulent sur les vampires et les revenants. Mercredi. Ce jour est celui ou les sorciers I jouent au sabbat leurs mysteres et chantent leurs litanies. Voy. Litanies du sabbat. Les Persans regardent le mercredi comma un jour blanc, c'est-a-dire heuraux, parce qua la lumiere fut creea ce jour-la ; pourtant ils exceptant le dernier mercredi du mois de sephar , qui repond a fe- vrier ; ils appellent calui-la le mercredi du inal- heur ; c'est la plus redoute de leurs jours noirs. Mercure. II est charge , dans I'ancienne my- I thologie, de conduire les ames des morts a leur destination derniere. Meres. G'est le nom qu'on donne souvent aux fees en Bretagna ; et comme on croit qu'alles sa changent frequemmant en oies , on appalle quel- quefois les contes de fees , Contes de via mere I'oie. Merle , oiseau commun , dont la vartu est ad- mirable. Si I'on pend les plumes da son aile droite avec un fil rouge au milieu d'une maison ou Ton n'aura pas encore habite, personne n'y pourra sommeiller tant qu'elles y seront pandues. Si Ton met son coeur sous la tete d'une personne endormie et qu'on I'intarroge, elle dira tout haut ce qu'alle aura fait dans la journee. Si on le jette dans I'eau da puits, avac le sang d'una huppa, et qu'on frotte de ce melange las tampas de quelqu'un, il tombera malade et an danger de mort. On se sert da cas secrets sous una planfete favorable et propre, comma celles de Jupiter at da Venus , at quand on vaut faira du mal , celles de Saturne et de Mars . . Le diable s'ast quelque- fois montre sous la forme de cot oiseau. On salt aussi qu'il y a das merles blancs. Merlin. Merlin n'est pas ne en Angletarre, comme on le dit communement , mais en basse Bretagna, dans I'ile de Sein. II etait fils d'un de- mon et d'une druidassa, fille d'un roi des bas Bretons. Las cabaUstas disant qua la pera de Merlin etait un sylphe. Que ce fut un sylphe ou un demon, il eleva son fils dans toutes las sciences et la randit habile a operer das prodiges. Ca qui a fait croire a quelques-uns que Merlin etait An- glais , c'est qu'il fut porte dans ca pays quelquas jours apres sa naissance. Voici I'occasion da ce voyage : Wortigern, roi d'Anglaterre , avait resolu de faire batir une tour inexpugnable ou il put se inettre en surety contre les bandes de pirates qui devastaient ses ELats. Lorsqu'on an jeta les fondements, la terre engloutit pendant la nuit tous las travaux de la journee. Ce phenomene se 1 Albert le Grand, Admirables secrets, p. 116. rep^ta tant de fois que le roi assembla les ma- giciens pour les consultar. Ceux-ci declarerent qu'il fallait affermir les fondements de la tour avec le sang d'un petit enfant qui fut ne sans pare. Apres baaucoup de recherches, dans le pays et hors du pays , on apprit qu'il venait de naitre dans I'ile da Sein un petit enfant d'une druidesse, qui n'avait point da pare connu. C'etait Merlin. II presentait les qualites raquisas par les magiciens ; on I'enleva et on I'amana davant le roi Wortigern. Merlin n'avait qua seize jours. Cependant il n'aut pas plutoL antandu la decision das magiciens qu'il se mit a disputer contre aux avec une sagesse qui consterna tout I'auditoire. II annonga ensuite que, sous les fondements de la tour que Ton voulait batir, il y avait un grand lac, at dans ce lac deux dragons furieux. On creusa; les deux dragons parurent : I'un, qui etait rouge, rapresentait les Anglais ; I'autre , qui etait blanc, rapresentait les Saxons. Ces deux peuples etaiant alors an guerre , et las deux dra- gons etaiant leurs genies protectaurs. lis com- mancerent, a la vue du roi at da sa cour, un combat terrible , sur lequel Merlin se mit a pro- phetiser I'avenir des Anglais. On pansa bien qu'apres ce qui venait de sa passer, il ne fut plus question de tuer le petit enfant. On se disposa a le raconduire dans son pays et on I'invita a visiter quelquefois I'Angletarre. Merlin pria qu'on ne s'occupat point de lui ; il frappa la terre, at il an sortit un grand oiseau sur lequel il se plaga ; il fut en moins d'une heure dans les bras de sa mere, qui I'attandait sans inquietude, parce qu'alle savait ce qui se passait. Merlin fut done elave dans les sciences et dans I'art des prodiges par son pere at par les consails de sa mere, qui etait- prophetesse; on croit meme qu'elle etait fee. Quand il fut devenu grand , il se lia d'amitie avec Ambrosius, autre roi des Anglais. Pour randre plus solennelle I'antree de ce prince dans sa capitale, il fit venir d'Irlande en Angleterre plusiaurs rochers qui accompagnerent en dansant le cortege royal, et formerent an s'arretant une espece de trophee a la gloire du monarque. On voit encore ces ro- chers a quelquas lieues da Londres, et on assure qu'il y a des temps oii ils s'agitent par suite du prodiga de Merlin; on dit meme que pour ce roi , son ami , il batit un palais de fees en moins da temps qua Satan ne construisit le Pandemo- nium des enfers. Apres una foule de chosas semblables, Merlin, jouissant da la reputation la plus etendue et de I'admiration universelle, pouvait etonner la monde et s'abandonner aux douceurs de la gloire; il aima mieux agrandir ses connaissances at sa sa- gesse. II se retira dans une foret de la Bretagne, s'enferma dans une grotte et s'appliqua sans re- lache a I'etude des sciences mysterieuses. Son pare la visitait tous les sept jours et sa mere plus frequemmant encore ; il fit, sous eux, des progr^s MER — ^56 — MfiR etonnanls et les surpassa bientot I'un et I'aiUre. On a 111 dans les histoires de la chevalerie he- ro'iqiie les innombrables aventiires de Merlin. II purgea I'Europe de plusieiirs tyrans; il protegea les dames, et bien souvent les chevaliers erranLs benirent ses heiireiix secours. Las de parcourir le monde, il se condamna a passer sept ans dans I'ile de Sein. C'esl la qii'il composa ses prophe- ties, dont quelques-unes ont ete publiees. On sait qu'il avail donne a I'lin des chevaliers er- rants qui firent la gloire de la France une epee enchanlee avec laqiielle on etaiL invincible; un autre avaiLreguun cheval indompLablealacourse. Le sage enchanleur avait aussi compose pour le roi Arthus mie chambre magique, ou ne poii- vaient entVerque les braves, une couronne trans- parente qui se troublait sur la tete d'unc co- quette, et une epee qui jetait des etincelles dans les mains des guerriers iiitrepides. Quelques-uns ont dit que Merlin mourut dans une extreme vieillesse ; d'autre ■, qu'il ful emporte par le diable ; mais I'opinion la plus repandue aiijourd'hui en Bretagne , c'est que Merlin n'est pas mort; qu'il a su se mettre a I'abri de la fa- talite commune, et qu'il est loujours plein de vie dans une foret du Finistere nominee Broceliande, ou il est enclos et invisible a I'ombre d'un bois d'aubepine. On assure que niessire Gauvain et quelques chevaliers de la Table-Ronde cherche- rent vainement partout ce magicien colebre ; Gauvain seul I'enteiidit, mais ne put le voir, dans la foret de Broceliande. La science donne a Merlin le nora de Myr- dhinn Merovee, troisieme roi des Francs, dont la naissance doit etre placee vers Fan ; il monta sur le trone en l\k^ et mourut en Zi58. 11 siegeait dans les provinces bclgiques. Des chroniqueurs L'dp^e d'Artbus rapportent ainsi sa naissance : <; La femme de Clodion le Chevelu, se promenant un jour an bord de la mer, fut surprise par un raonstre qui sortit des tlots ; elle en eut im fils qui fut nornme Merovee, etquisucceda a Clodion. » Sauvalcroit que cette fable fut inventee par Merovee lui- meme, pour imprimer du respect dans I'esprit des siens en s'attribuant une origine si extraor- dinaire, Des chroniqueurs ont dit que son nom Meer-Wech signifie veau marin.... Merveilles. Pline assure que les insulaires de Minorque demanderent un secours de troupes a I'empereur Auguste contre les lapins qui renver- saient leurs maisons et leurs arbres. Aujourd'hui , dit un critique moderne, on demanderait apeine un secours de chiens. Un vieux chroniqueur conte qu'il y avaitaCambaya, dans I'Hindoustan, un roi qui se nourrissait de venin , et qui devint si parfaitement veneneux , qu'il tuait de son ha- leine ceux qu'il voulait faire mourir. On lit dans Pausanias que , quatre cents ans apres la balaille de Marathon , on entendaittoutes les nuits dans I'endroit oii cette grande lutte avait eu lieu des hennissements de chevaux et des bruits de gens d'armes qui se battaient. Et ce qui est admirable , c'est que ceu'x qui y ve- 1 M. le vicomte de la Villemarque vient de publier sur ce personnage un iivrc tres-remarquable et tres- curieux, intitule Myrdhinn, ou I'enchanteur Merlin, son hisloire, ses ceuvres, son influence. In-S". Paris, 1862. Nous ne devions donner ici que les traditions populaires. MES — 457 — MET naient expres n'entendaient rien de ces briiils : ils n'etaient entendus que de ceux que le hasard conduisait la. Albert le Grand assure qu'il y avait en Alle- magne deux enfants jumeaux dont I'un ouvrait les portes les mieux fermees en les louchant avec son bras droit; I'autre lesfermait en les touchanl avec son bras gauche. Paracelse dit qu'il a vu beaucoup de sages passer vingl annees sans manger quoi que ce fut. Si on veut se donner cetle satisfaction, qu'on enferme, dit-il, de la terre dans un globe de verre, qu'on I'expose au soleil jusqu'a ce qu'elle soit petrifiee, qu'on se I'applique sur le nomtril, et qu'on la renouvelle quand elle sera seche, on se passera de manger et de boire sans aucune peine. Paracelse assure intrepidement avoir fait lui-meme cette experience pendant six mois. Voy. la plupart des articles de ce Dictionnaire. Mesmer (Antoine), medecin allemand, fa- meux par la doctrine du magnetisme animal , ne a Mesburg en 1734, mort en 1815. II a laisse plusieurs ouvrages dans lesquels il soutient que jes corps celestes , en vertu de la meme force qui produit leurs attractions mutuelles, exercent une influence sur les corps animes, et principa- lement sur le systems nerveux , par I'interme- diaire d'un fluide subtil qui penelre tous les corps et remplit tout I'univers. 11 alia s'etablir a Vienne, et tenta de guerir par le magnetisme mineral en appliquant des aimants sur les parties malades. Ayant trouve un rival dans cet art, il se restrei- gnit au magnetisme animal , c'est-a-dire a I'ap- plication des mains seuleraent sur le corps, ce qui le fit regarder a tort comme un fou et un viBionnaire par les differenles academies de me- decine ou il presenta ses decouvertes. Mais les academies nous prouvent tous les jours qu'elles ne sont pas infaillibles. II vint a Paris : le peuple et la cour furent surpris de ce nouveau genre de cures. On nomma des docteurs pour examiner le magnetisme animal , et on publia des ecrits si violents centre Mesmer qu'il fut contraint de quitter la France. II alia vivre incognito en An- gleterre , ensuite en Allemagne , oh il mourut. 11 reste de lui : 1" De I'injluence des planetes, Vienne, 1766, in-12 ; 2" Mdmoire sur la decou- verte du magnetisme animal, Paris , 1779, in-12 ; 3° Precis historique des fails relalijs au magne- tisme animal , jusqu' en avril il8i , Londres, 1781, in-8° ; k° Histoire abregde du magnetisme animal, Paris, 1783, in-8°; 5" Mdmoire deF.-A. Mesmer sur ses decouvertes, Paris, an vii (1799), in-S". Voy. Magnetisme. Messa-Hala. Voy. Macha-Halla. Messe du diable. On a vu , par differentes confessions de sorciers , que le diable fait aussi dire des messes au sabbat. Pierre Aupetit, pretre aposlat du village de Fossas, en Limousin ,' fut brule pour y avoir celebre les mysteres. Au lieu de dire les saintes paroles de la consecration, on dit au sabbat : Belzdbuth, Belzebut/i, Belz6- huth. Le diable vole sous la forme d'un papillon autour de celui qui dit la messe et qui mange une hostie noire, qu'il fautmacher pour I'avaler*. Voy. Sabbat. Messie des juifs. Comrae ils n'ont pas re- connu le vrai , plusieurs faux messies se sont offerts a eux : Dosithee , Andre , Bar-Kokebas, le faux Moise, Julien, Alruy, Sabatai'-Zevi, etc. Pour prevenir de nouvelles tentatives d'impos- teurs vulgaires, les rabbins ont represents le messie qu'ils attendent avec une apparence et des entourages si gigantesques qu'on ne pent les simuler. Ainsi se prepare pour son festin, ou seront appeles tous les juifs , un boeuf qui mange chaque jour le foin de mille montagnes, un pois- son qui occupe de sa masse tout un ocean , et un oiseau qui couvrirait Paris de sa queue ^. Metamorphoses. La mylhologie des paiens avait ses metamorphoses variees ; nous avons aussi les transformations gracieuses des fees et les transformations plus brutales des sorciers. Les sorciers qu'on brula a Vernon, en 1566, s'assemblaient dans un vieux chateau, sous des formes de chats. Quatre ou cinq hommes, un peu plus hardis qu'on ne I'etait alors, resolurent d'y passer la nuit; mais ils se trouverent assaillis d'un si grand nombre de chats que I'un d'eux fut tue et les autres grievement blesses. Les chats, de leur cote, n'etaient pas invulnerables ; et on en vit plusieurs le lendemain qui, ayant repris leur figure d'hommes et de femmes , por- taient les marques du combat qu'ils avaient sou- tenu. Voy. Loups-garous. Spranger conte qu'un jeune homme de I'ile de Chypre fut change en ane par une sorciere, parce qu'il avait un penchant pour I'indiscretion. Si les sorcieres etaient encore puissantes , bien des jeunes gens d'aujourd'hui auraient les oreilles longues. On dit quelque part qu'une sorciere metamorphosa en grenouille un cabaretier qui mettait de I'eau dans son vin. Voy. Fees, Ur- GANDE, Sorciers, etc. Metatron, une des trois intelligences de la cabale ; les deux autres sont Acatriel et San- dalphon. Metemfsycose. La mort, suivant cette doc- trine , n'etait autre chose que le passage de I'ame dans un autre corps. Ceux qui croyaient a la metempsycose disaient que les ames , etant sor- ties des corps , s'envolaient , sous la conduite de Mercure, dans un lieu souterrain ou etaient d'un cote le Tartare et de I'autre les champs filysees. La, celles qui avaient mene une vie pure etaient heureuses , tandis que les ames des mechants se voyaient tourmentees par des furies. Mais, apres * Delancre, Incredulite et mecreance, etc., p. 506. 2 Voyez, sur le Messie des Juifs, les Legendes de I'Ancien Testament, a la fin. MEY un cerLain temps, les unes et les autres quil- taient ce sejour pour habiter de nouveaux corps, meme ceux des animaux ; et afin d'oublier en- tierement tout le passe , elles buvaient de I'eau du fleuve Lethe, On peat regarder les figyptiens comme les premiers auteurs de celte ancienne opinion de la metempsycose, que Pythagore a repandue dans la suite. Les manicheens croient a la metempsycose, tellement que les ames, selon eux, passent dans les corps de I'espece qu'elles ont le plus aimee dans leur vie prece- dente ou qu'elles ont le plus maltraitee. Celui qui a tue un rat ou une mouche sera contraint , par punition, de laisser passer son ame dans le corps d'un rat ou d'une mouche. L'elat ou Ton sera misapres sa mort sera pareillement oppose a l'elat ou Ton est pendant la vie : celui qui est riche sera pauvre , et celui qui est pauvre de- viendra riche. C'est cette derniere croyance qui , dans les temps, mulliplia un peu le parti des manicheens. I'oij. Ghilcul et Transmigration. Metoposcopie. Art de connaitre les hommes par les rides du front. Voy. Front. Meurtre. « Dans la nuit qui suivit I'enseve- lissement du comte de Flandre Charles le Bon, ses meurlriers, selon la coutume des paiens et des sorciers, firent apporter du pain el un vase plein de cervoise. lis s'assirent aulour du ca- davre, placerent la boisson et le pain surle lin- ceul, comme sur une table, buveantetmangeant sur le mort, dans la confiance que par cette action ils empecheraient qui que ce fut de ven- ger le meurtre commis « Annee 1127. Meyer, professeur de philosophie a I'univer- sile de Halle, auleur d'un Essai sur les appari- tions, traduit de I'allemand par F.-Ch. de Baer, 1748, in-12. L'auteur convient qu'on est sur un mauvais terrain lorsqu'on ecrit sur les spectres. II avoue qu'il n'en a jamais vu et n'a pas grande envie d'en voir. II observe ensuite que I'imagi- nation est pour beaucoup dans les aventures d'apparitions. * Gualbert, Vie de Charles le Bon, ch. xviii, dans la collection des boUandisles, 2 mars. "Supposons, dit-il, un homme dont la me- moire est remplie d'histoires de revenants ; car les nourrices, les vieilles et les premiers mai- tres ne manquent pas de nous en apprendre; que cet homme pendant la nuit soil couche seul dans sa chambre, s'il entend devant sa porte une demarche mesuree, lourde et trainante, ce qui marche est peut-etre un chien , mais il est loin d'y songer, et il a entendu un reve- nant, qu'il pourra meme avoir vu dans un moment de trouble. » L'auteur termine en don- nant cette recette contre les apparitions : 1° qu'on tache d'ameliorer son imagination et d'eviter ce qui pourrait la faire extravaguer; 2° qu'on ne lise point d'histoires de spectres; car un homme qui n'en a jamais lu ni entendu n'a guere d'apparitions. a Qu'un spectre soit ce qu'il voudra, ajoute Meyer, Dieu est le maitre. MIC — 459 — MIC et il nous sera toujours plus favorable que' con- traire. » Michael (Eliacim). Jean Desmarels, sieur de Saint-Sorlin , avait publie des Avis du Saint-Es- prit au roi. Mais le plus eclatant et le plus im- portant des avis de cette sorte est celui qui fut apporte un peu plus tard par le grand prophete filiacim Michael. II nous avertissait , ditBaillet, que dans peu de temps on verrait une armee de cent quarante mille homraes de troupes sacrees sous les ordres du roi , qui aurait pour lieute- nants les quatre princes des anges. II ajoutait que Louis XIV, avec cette armee, exterminerait absolument tous les hereliques et tous les maho- metans, mais que tous ses soldats merveilleux seraient immoles ^ Michaelis (Sebastien), dominicain, neau dio- cese de Marseille en 1543. II a ecrit VHisloire veritable de ce qui s'est passi dans I'exorcisme de trois Jilles possedSes au pays de Flandre, avec un TraiU des sorciers et des magiciens , 2 vol. in-12, tres-rares, imprimes a Paris en 1623, cinq ans apres la mort de I'auteur, II dit dans cet ou- vrage que les tribunaux senses ne consideraient la confession de magie et d'assistance au sabbat que comme preuves chimeriques, et qu'ils ne condamnaient la magie que si elle etait aggravee par la circonstance d'un attentat contre les hom- mes ou contre leurs biens. Michel (Mont Saint-). II y a sur leraont Saint- Michel , en Bretagne , cette croyance que les de- mons chasses du corps des hommes sont en- chaines dans un cercle magique au haut de cette montagne. Ceux qui mettent le pied dans ce cercle courent toute la niiit sans pouvoir s'arre- ter : aussi la nuit on n'ose traverser le mont Saint-Michel \ Michel, marechal ferrant de Salon en Pro- vence, eut une singuliere aventure en 1697. Un spectre , disait-on , s'etait montre a un bourgeois de la ville et lui avait ordonne d'aller parler a Louis XIV, qui etait alors a Versailles , en lui re- commandant le secret envers tout autre que Fin- tendant de la province, sous peine de mort. Ce bourgeois effraye conta sa vision a sa femme et paya son indiscretion de sa vie. Quelque temps apres, la meme apparition s'etant adressee a un autre habitant de Salon , il eut I'imprudence a son tour d'en faire part a son pere, et il mourut comme le premier. Tous les alenlours furent epouvantes de ces deux tragedies. Le spectre se montra alors a Michel , le marechal ferrant ; celui-ci se rendit aussitot chez I'intendanl, ou il fut d'abord traite de fou; mais ensuite on lui accorda des depeches pour le marquis de Barbe- zieux, lequel lui facihta les moyens de se pre- * P. Nicolle, sous le nom de Damvilliers, Lettres des visiorinaires ; Baillet, Jugements des savants, Prejuges des titres des livres. 2 Cambry, Voyage dans leFinistere, 1. 1, p. 242. senter au premier ministre du roi. Le ministre voulut savoir les motifs qui engageaient ce bon- homme a parler au prince en secret. Michel, a qui le spectre apparut de nouveau a Versailles , Le spcclre. assura qu'au risque de sa vie il ne pouvait rien divulguer, et, comme il etait neanmoins presse de parler, il dit au ministre que, pour lui prouver qu'il ne s'agissait pas de chimeres, il pouvait de- mander a Sa Majeste si , a sa derniere chasse de Fontainebleau, elle-meme n'avait pas vu un fan- tome? si son cheval n'en avait pas ete trouble? s'il n'avait pas pris un ecart ? et si Sa Majeste , persuadee que ce n'etait qu'une illusion, n'avait pas evite d'en parler a personne? Le marquis et le ministre ayant informe le roi de ces particula- rites, Louis XIV voulut voir secretement Michel le jour meme. Per'sonne n'a jamais pu savoir ce qui eut lieu dans cette entrevue. Mais Michel, apres avoir passe trois jours a la cour, s'en revint dans sa province, charge d'une bonne somme d'argent que lui avait donnee Louis XIV, avec I'ordre de garder le secret le plus rigoureux sur le sujet de sa mission. On ajoute que , le roi etant un jour a la chasse, le due de Duras, capitaine des gardes du corps, ayant dit qu'il n'aurait ja- mais laisse approcher Michel de la personne du roi, s'il n'en avait recu I'ordre, Louis XIV repon- dit : (( II n'est pas fou , comme vous le pensez , et voila comme on juge mal. » Mais on n'a pu de- couvrir autre chose de ce mysterej Michel de Sahourspe, sorcier du pays de Saxe, qui declara qu'il avait vu au sabbat un grand et un petit diable ; que le grand se servait du petit comme d'un aide de camp ; et que le derriere du grand maitre des sabbats etait un visage. Michel I'Ecossais, astrologue du seizieme siecle. II predit qu'il mourrait dans une eglise ; ce qui arriva, dit Granger. Comme il etait un MIC — ^60 — MIL jour a I'office , il kii tomba sur la tele une pierre de la voute qui le tua. Michel le Bohemien, medecin empirique du seizieme siecle, accuse d'avoir eu des relations avec le diable. On le cite souvent sous le nom de Michel Boemius Midas. Lorsque Midas, qui fut depuis roi de Phrygie, etait encore enfant, un jour qu'il dor- mait dans son berceau, dcs fourmis eniplirent sa bouche de grains de froment. Ses parents vou- lurent savoir ce que signiflait ce prodige : les devins consultes repondirent que ce prince serait le plus riche des liommes. Ce qui n'a ete ecrit qu'apres qu'il I'etail devenu. Midi. Voy. Demon de midi. Migalena , sorciere du pays de Labourd, qui fut arrelee a I'age de soixante et un ans et Ira- duite devant les tribunaux, en meme temps que Bocal, son fils, sorcier du meme terroir. Miga- lena avoua qu'elle avail ete au sabbat, qu'elle y avail fait des cboses abominables, qu'elle y avail assiste aux mysteres en presence de deux cents sorciers. Pressee par son confesseur de prier Dieu , elle ne put reciter une priere courammenl : elle commenQail le Pater et VAve, sans les ache- ver, comme si le diable, qu'elle servait, Ten eut empechee formellemenl^ Mikado, I'un des deux empereurs du Japon. II est specialement charge du spirituel. Aux yeux de ses sujels, disenl les voyageurs, le mikado n'esl pas un homme, c'est un dieu; c'est meme bien plus qu'un dieu, car lous les aulres dieux de la mylhologie japonaise, lous les kamis (ainsi les nomme-l-on) sont d'un rang inferieur au mi- kado; ils le craignent, ils lui obeissenl, et ils viennenl, lous les ans, passer un raois a sa cour. II est vrai qu'ils ne sont visibles qu'a I'ceil du mikado. Pendant ce mois, les temples reslent 1 M. Ch. Rabou a donne sur lui des details curieux dans le Chdtiment des pipeurs et charlatans. 2 Delancre, Tableau de I'inconstance des demons, liv. YI, p. 423. deserts ; les dieux n'y residant plus , personne ne vient en troubler la solitude. Le mikado ne louche jamais la terre de son pied sacre ; noire planele est indigne d'un lei honneur. Toujours porte sur les epaules de ses valets, ce monarque ne sort jamais de sa de- raeure ; nul regard profane ne saurait venir le souiller. Tout ce qui pourrait ressembler a une mutilation de sa personne augusle est defendu; c'est lorsqu'il dorl qu'on lui coupe les cheveux, que Ton rogne ses ongles. 11 peut epouser neuf fois neuf femmes, mais habituellement il juge que neuf c'est bien assez pour un dieu japonais. On ne I'approche qu'a genoux , on le consulte sur toules les affaires importanles, mais on ne lui accorde, apres lout, qu'un vain litre el de riches revenus. Sa race est imperissable ; s'il ad- vient cependant qu'il ne devienne point pere, le ciel y pourvoil ; on trouve un matin sous un arbre du jardin un bel enfant que des mains surnalu- relles y onl depose duranl la nuit : c'est le mikado presomplif. Le mikado actuel est le cent dix- septieme de la Iroisieme dynastie , et la premiere dynaslie monta sur le Irone, suivanl les chrono- logisles japonais les plus exacts, 83679/i ans avant noire ere, C'est une date qu'on peut de- batlre. C'est dans le corps du mikado que s'est incarne le dieu Ama-lerasu-oo-Kami, I'arbilre souverain des hommes el des choses ; il s'occupe a fixer les jours auxquels doivenl se celebrer certaines fetes mobiles ; il determine les couleurs propres a ef- frayer les mauvaisesprits; il passe, cliaque vingt- qualre heures, un assez long espace de temps assis sur son Irone, dans une immobilile com- plete, S'il faisail, de droile ou de gauche, le moindre mouvement, on ne doute point qu'il n'amenat d'affreuses catastrophes sur ce cole r^- prouve de I'empire. Lorsqu'il est demeure ainsi comme petrifie durant Irois heures, il se leve et s'en va. Le reste du temps, la couronne impe- riale occupe sa place; elle doit se conforiiier au meme principe d'immobilite absolue durant vingt heures. Le mikado ne porte jamais deux fois le meme vetemenl ; lout ce qui a louch6 sa personne sa- cree est brule aussitot qu'il s'en depouille; les verres, les plats, les assieltes, qui paraissenl sur sa table sont brises immedialement apres le des- sert ; nul profane ne pourra s'en servir. L'empereur temporel s'appelle le Taicoun. Milan, oiseau qui a des proprietes admirables, Albert le Grand dil que, si !'on prend sa lete et qu'on la porte devant son eslomac, on se fera aimer de tout le monde. Si on I'altache au cou d'une poule, elle courra sans relache jusqu'a ce qu'elle Tail deposee ; si on frotte de son sang la Crete d'un coq, il ne chantera plus. II se trouve dans ses rognons une pierre qui, mise dans la casserole ou cuit la viande que doivenl manger MIL — 461 — MIM deux ennemis, les rend bons amis et les fait vivre en bonne intelligence. . . Millenaires. On a donne ce nom : 1" a des gens qui croyaient que Notre -Seigneur, a la fin du raonde, regnera mille ans sur la terre; 2° a d'autres qui pensaient que la fin-du monde arri- verait en I'an mil ; 3° a d'aucuns encore qui avaient imaging que, de mille ans en mille ans, il y avait pour les damnes une cessation des peines de I'enfer. Milan. Miller. Le prophete americain Miller, qui avait commence en 1833 ses predictions de la fin pro- chaine du monde, et qui les a continiiees pen- dant dix ans sans que les dementis qu'il recevait periodiquement parussent alterer sa confiance im- perturbable, est mort le 20 decembre iSkk a Hampton , dans le comte de Washington (Etat de New-York), a I'age de 68 ans. Ses calculs du millmium elaient fondes sur I'interpretation d'un passage de I'Apocalypse qui a deja occasionne les commentaires les plus extravagants. Get illumine ne complait pas moins de 30 ou /tO,000 disciples. Leurs reveries ont donnt§ lieu a plusieurs contes- tations judiciaires , dont les journaux americains ont rendu compte. Les milUnaires, persuades qu'ils n'avaient plus que peu de temps a vivre, s'empressaient de vendre leurs biens, et surtout croyaient pouvoir se dispenser de payer leurs dettes. Le dernier delai de rigueur irrevocable et sans remise , fixe a un certain jour de I'annee 1843, s'est ecoule sans autre phenomene qu'une eclipse totale de lune annoncee dans tous les almanachs. Depuis ce temps, la credulite des adeptes du prophete a ete fort ebranlee, et, s'il reste encore des illu- sions a quelques-uns d'entre eux, la mort meme du prophete a du les faire evanouir. II avait an- nonce que lui et un tres-petit nombre d'elus devaient survivre a la catastrophe, afin de pro- noncer I'oraison funebre du genre humain et de solliciter la clemence celeste lors du jugement dernier, que Miller appelait le jour de I'epreuve. Millo, vampire de Hongrie au dix-huitieme siecle. Une jeune fille, nommee Stanoska, s'elant couchee un soir en parfaite sante, se reveilla au milieu de la nuit toute tremblante, jetant des cris affreux, et disant que le jeune Millo, enterre de- puis neuf semaines, avait failli I'etrangler. Cette fille mourut au bout de neuf jours. On pensa que Millo pouvait etre un vampire; il fut deterre, re- connu pour tel et decapite apres avoir eu le coeur perce d'un clou. Ses restes furent brules et jetes dans la riviere. Voy. Vampires. Milon, athlete grec, dont on a beaucoup vante la force prodigieuse. Galien , Mercurialis et d'au- tres disent qu'il se tenait si ferme sur une planche huilee , que trois hommes ne pouvaient la lui faire abandonner. Athenee ajoute qu'aux jeux Oiym- piques il porta longtemps sur ses epaules un boeuf de quatre ans, qu'il niangea le meme jour tout enlier ; fait aussi vrai que le trait de Gargantua, lequel avala six pelerins dans une bouchee de salade'. Milton. Dans son beau poeme du Paradis perdu, il a pompeusement peint les demons. Sa- tan figure aussi dans son Paradis recoiiquis. Mimer. En face de Kullan , on apergoit une col- line couverle de verdure, qu'on appelle la colline d'Odin. C'est la, dit-on, que le dieu scandinave a ete enterre. Mais on n'y voit que le tombeau du conseiller a'Etat Schimmelmann, qui etait un homme fort paisible . tres-peu soucieux , je crois, de monter au Valhalla et de boire le miced avec les Valkyries. Gependant une enceinte d'arbres protege I'endroit oii les restes du dieu supreme ont ete deposes ; une source d'eau limpide y coule avec un doux murmure. Lgs jeunes flUes des en- virons, qui connaissent leur mythologie, disent que c'est la vraie source de la sagesse, la source de Mimer, pour laquelle Odin sacrifia un de ses yeux. Dans les beaux jours d'ete, elles y viennent boire ^. Mimi. Voy. Zozo. Mimique, art de connaitre les hommes par leurs gestes, leurs habitudes. G'est la partie la moins douteuse peut-etre de la physiognomonie. La figure est souvent trompeuse, mais les gestes et les mouvements d'une personne qui ne se croit pas observee peuvent donner une idee plus ou moins parfaite de son caractere. Rien n'est plus significatif, dit Lavater, que les gestes qui ac- compagnent I'atlitude et la demarche. Naturel ou affecte, rapide ou lent, passionne ou froid, uni- forme ou varie , grave ou badin , aise ou force , degage ou roide, noble ou bas, fier ou humble, hardi ou timide, decent ou ridicule, agreable, gracieux, imposant, menagant, le gesle est dif- ferencie de mille manieres, L'harmonie etonnante qui existe entre la demarche , la voix et le geste , se dement rarement. Mais pour demeler le fourbe, 1 Brown, Essai sur les erreurs populaires, liv. VII, ch, XVIII , p. 334. 2 Marmier, Souvenirs danois. MIM — h62 M.1M il faudrait le surprendre aii moment ou, se croyant seul, il est encore liii-meme et n'a pas eu le temps de faire prendre a son visage I'expression qu'il sait lui donner. Decouvrir I'liypocrisie est la chose la plus difficile et en mcnie temps la plus aisee : difficile tant que I'hypocrite se croit ob- serve, facile des qu'il oublie qu'on I'observe. Cependant on voit tous les jours que la gravite et la limidite donnent a la physionomie la plus honnete un apergu de malhonnetete. Souvent c'est parce qu'il est timide, et non point parce qu'il est faux, que celui qui vous fait un recit ou une confidence n'ose vous regarder en face. N'at- tendez jamais une humeur douce et tranquille d'un homme qui s'agite sans cesse avec violence; et en general ne craignez ni emportement ni exces de quelqu'un dont le maintien est toujours sage et pose. Avec une demarche alerte , on ne peut guere elre lentet paresseux; et celui qui se traine non- chalamment a pas comptes n'annonce pas cet esprit d'activile qui ne craint ni dangers ni ob- stacles pour arriver au but. Une bouche beante et fanee, une attitude insipide, les bras pendants et la main gauche tournee en dehors, sans qu'on en devine le motif, annoncent la slupidile naturelie, la nullite, le vide, une curiosile hebetee. La demarche d'un sage est differente de celle d'un idiot, et un idiot est assis autrement qu'un homme sense. L'attitude du sage annonce la md- diLalion, le recueillement ou le repos. L'imbecile reste sur sa chaise sans savoir pourquoi ; il semble fixer quelque chose, et son regard ne porle sur rien ; son assiette est isolee comme lui-meme. La pretention suppose un fond de sotlise. Attendez- vous a rencontrer I'une et I'autre dans toute phy- sionomie disproportionnee et grossiere, qui af- fecte un air de solennite et d'autorite, Jamais I'homme sense ne se donnera des airs, ni ne prendra l'attitude d'une tele eventee. Si son at- MIM /i63 — iention excilee I'oblige a lever la LeLe, il ne croi- era pourtant pas les bras sur le dos ; ce maintien sionomie qui n'a rien de desagreable, mais qui n'est pas celle d'un penseur. Un air d'incerdtude uppose de I'affectation , surtout avec uue phy- dans I'ensemlile, un visage qui, dans son iiximo- biliLe, ne dit rien da tout, ne sont pas des signes de sagesse. Un homme qui , reduit a son neant, s'applaudit encore lui-meme avec joie , qui rit La crainte d'etre distrait se remarque dans la bouche. Dans I'attention elle n'ose respirer. eomrae un sot sans savoir pourquoi , ne parvien- dra jamais a former ou a suivre une idee raison- nable. Un homme vide de sens qui veut se donner des airs met la main droite dans son sein et la gauche dans la poche de sa pulotte, avec un maintien MIM - h^k - MIM affecle et theaLral. Une personne qui est toujours aux ecoutes ne promet rien de bien distingue. Quiconque sourit sans sujet avec une levre de travel's, quiconque se tient souvent isole sans aucune direction , sans aucune tendance deler- minee, quiconque salue le corps roidc, n'in- clinant que la tete en"av"anl , est un fou. Si la demarche d'une femme estsinistre, non- seulement desagreable , mais gauche , impe- tueuse, sans dignite, se precipitant en avant el de cole d'un air dedaigneux, soyez sur vos gardes. Ne vous laissez eblouir ni par le charme de la beaule, ni par les graces de son esprit, ni meme par I'attrait de la confiance qu'elle pourra vous temoigner ; sa bouche aura les memes caracleres que sa demarche , et ses precedes seront durs et faux comme sa bouche; elle sera peu touchee de tout ce que vous ferez pour elle et se vengera de la moindre chose que vous aurez negligee. Comparez sa demarche avec les lignes de son front et les plis qui se trouvent autour de sa bouche , vous serez etonne du nierveilleux accord de tons ces signes caracteristiques. Ayez le plus de reserve possible en presence de I'homme gras et d'un temperament colere qui semblc toujours macher, roule sans cesse les yeux autour de soi, ne parle jamais de sens rassis, s'est donne cependant I'habitude d'une polilesse alTcctec , inais traite tout avec une espece de desordrc et d'improprcte. Dans son nez rond, court, retrousse, dans sa bouche beante, dans les mouvemenls irrdguliers de sa levre inferieure. de son front saillant et plein d'excroissances, dans sa demarche, qui se fait entendre de loin, vous reconnaitrez I'expression du mepris et de la durete, des demi-talents avec la pretention d'un talent accompli , de la mechancete sous une gauche apparence de bonhomie. Fuyez I'homme dont la voix tendue , toujours montee, toujours haute et sonore, ne cesse de decider; dont les yeux, tandis qu'il decide, s'a- grandissent, sortent de leur orbite; dont les sourcils se herissent, les veines se gonflent, la levre inferieure se pousse cn avant, dont les mains se tournent en poings, mais qui se calme tout a coup , qui rcprend le Ion d'une politesse froide, qui fait rentrer dans un calme apparent ses yeux et ses levres, s'il est interrompu par la presence imprevue d'un personnage important qui se trouve etre votre ami. — L'homme dont les traits et la couleur du visage changent subite- ment, qui cherche avec soin a cacher cette alte- ration soudaine et sait reprendre aussitot un air calme ; celui qui possede I'art de tendre et d6- MIM — 465 — tendre les muscles de sa bouche, de les Lenir pour ainsi dire ea bride, particulierement lorsque I'oeil observateur se dirige sur lui : cet homme a moins de probite que de prudence; il est plus courtisan que sage et modere. Rappelez-vous les gens qui glissent plulot qu'ils ne marchent, qui reculent en a'avanqant, qui disent des grossieretes d'une voix basse et d'un air timide , qui vous fixent hardiment des que vous ne les voyez plus et n'osent jamais vous regarder tranquillement en face, qui ne disent du bien de personne, sinon des mechants, qui trouvent des exceptions a tout-et paraissent avoir toujours conlre I'assertion la plus simple une contradiction toute pr6te; fuyez I'atmosphere oii ces gens respirent. Celui qui releve la tete et la porle en arriere (que cetle tete soit grosse ou singulierement petite) ; celui qui se mire dans ses pieds mignons da maniere a les faire remar- quer; celui qui, voulant monlrer de grands yeux encore plus grands qu'ils ne sont, les tourne expres de cote comme pour regarder tout par- dessus I'epaule; celui qui, apres vous avoir prete longlemps un silence orgueilleux , vous fait en- suite une reponse courte, seche et tranchante, qu'il accompagne d'un froid sourire-, qui, du moment qu'il apergoit la replique sur vos le- vres , prend un air sourcilleux et murmure tout bas d'un ton propre a vous ordonner le silence : cet homme a pour le moins trois qualites haissa- bles, avec tous leurs symptomes, I'entetement, I'orgueil , la durete ; tres-probablement il y joint 30 MIM — ^66 — MIM encore la faussete , la fourberie et I'avarice. Le corps penche en avant annonce un homme pru- dent et laborieux. Le corps penche en arriere annonce un homme vain, mediocre et orgueil- leux. Les borgnes , les boiteux et surtout les bos- sus, dit Albert le Grand, sont rus^s, spiri- tuels , un peu malins et passablement m^chants. L'homme sage ne rit aux eclats que rarement et peu. II se contente ordinairement de sourire. Quelle difference entre le rire affectueux de I'hu- manite et le rire infernal qui se rejouit du mal d'autrui 1 II estdes larmes qui penetrent les cieux ; il en est d'autres qui pi'ovoquent I'indignation et le mepris. Reraarquez aussi la voix (comme les Italiens le font dans leurs passe-ports et dans leurs signale- ments); distinguez si elle est haute ou basse, forte oufaible, claire ou sourde, douce ou rude, juste ou fausse. Le son de la voix, son articula- tion , sa faiblesse et son etendue , ses inflexions dans le haut et dans le has, la volubilite et I'em- barras de la langue , tout cela est infiniment ca- racteristique. Le cri des animaux les plus cou- rageux est simple, dit Aristote, et ils le poussenl sans effort marque. Celui des animaux timides est beaucoup plus per^ant. Comparez a cet egard le lion, le boeuf, le coq qui chante son triomphe, avec le cerf et le lievre ; ceci peut s'appliquer aux hommes. La voix grosse et forte annonce un homme robuste ; la voix faible un homme timide. La voix claire et sonnante denote quelquefois un menteur; la voix habituellement tremblante in- dique souvent un nalurel soupconneux. L'effronte et I'insolent ont la voix haute. La voix rude est un signe de grossierete. La voix douce et pleine, agreable a I'oreille, annonce un heureux naturel. Un homme raisonnable se met tout autrement qu'un fat; une femme pieuse, autrement qu'une coquette. La proprete et la negligence, la sim- plicity et la magnificence , le bon et le mauvais gout, la presomption et la decence, la modeslie et la fausse honte : voila autant de choses qu'on distingue a I'habillement seul. La couleur, la coupe, la fagon, I'assortiment d'un habit, tout cela est expressif encore et nous caracterise. Le sage est simple et uni dans son exterieur; la simplicite lui est naturelle. On reconnait bientot un homme qui s'est pare dans I'intention de plaire, celui qui ne cherche qu'a briller et celui qui se neglige, soit pour insulter a la decence, soit pour se singulariser. II y aurait aussi des remarques a faire sur le choix et I'arrangeraent des meubles , dit Lavater. Souvent d'apres ces bagatelles on peut juger I'esprit et le caractere du proprietaire ; mais on ne doit pas tout dire. Voy. Physiognomonie. MIN — /i67 — MIR Mineurs (Demon). II y a de malins esprits qui, sous les formes de satyres, de boucs et de jchevres , vont toarmenter les mineurs ; on dit Iqu'ils apparaissent souvent aux mines metalli- Iques et battent ceux qui tirent les metaux. Ce- pendant ces demons ne sont pas tous mauvais, puisqu'on en cite qui , au contraire , aident les ouvriers. Olaiis Magnus dit que ces derniers se laissent voir sous la forme de nains, grands d'un demi-metre ; qu'ils aident a scier les pierres , a creuser la terre ; mais que malgre cela ils ont toujours une tendance aux tours malicieux, et que les malheureux mineurs sont souvent vic- times de leurs mauvais traitements. Au reste, on a distingue six sorles d'esprits qui frequentent les mines et sont plus ou moins mediants. Quel- ques-uns disent qu'ils en ont vu dans les mines d'AUemagne , pays ou les demons semblent assez se complaire , et que ces malins esprits ne lais- saient aucun repos aux iravailleurs, tellement qu'ils etaient contraints d'abandonner le metier. Entre autres exemples qu'ils donnent de la ma- lignite de cette engeance infernale, nous ne si- gnalerons qu'un demon mineur qui tua douze artisans a la fois : ce qui fit delaisser une mine I d'argent tres- productive Voy. Anneberg , ' MONTAGNARDS , etC. Mingrelie. Le christianisme dans ce pays de schisme grec est tres-corrompu. On y voit des pretres baptiser les enfants distingues avec du vin. Lorsqu'un malade demande des secoursspi- rituels, le pretre ne lui parle pas de confession; mais il cherche dans un livre la cause de sa ma- ladie et Tattribue a la colere de quelqu'une de leurs images, qu'il faut apaiser par des offrandes. Minoson, demon qui fait gagner a toutes sortes de jeux ; il depend de Bael , I'un des plus puissants chefs de I'enfer ^. Minuit. C'est a cette heure-la que se fait ge- neralement le sabbat des sorciers, et que les spectres et les demons apparaissent. Cependant le diable n'aime pas uniquement I'heure de mi- nuit, car il peut tenir sabbat a midi, comme I'ont avoue plusieurs sorcieres, telles que Jean- nette d'Abadie et Catherine Naguille Mirabel (Honore) , fripon qui fut condamne aux galeres perpetuelles, apres avoir ete appli- que a la question, par arret du 18 fevrier 1729. II avait promis a un de ses amis, nomme Au- guier, de lui faire trouver des tresors par le moyen du diable. Ufouilla, apres maintes con- jurations, dans des mines pres de Marseille, et dit qu'il y avait la un sac de pieces portugaises que lui avait indique un spectre. II tira , en pre- sence de plusieurs personnes et d'un valet nomme * Lenglet-Dufresnoy, Recueil de dissertations, t. I , p. 162. ^ Clavicules de Salomon, p. 20. 3 Delancre, Tabl. de I'inconstance des demons, etc., liv. II, p. 66. Bernard, un paquet enveloppe d'une serviette; I'ayant emporte chez lui , il le delia et y trouva un peu d'or, qu'il donna a Augier, lui en pro- mettant davantage et le priant de lui preter qua- rante francs; ce qui doit sembler assez singulier. L'ami lui preta cette somme, lui passa un billet par lequel il reconnaissait lui devoir vingt mille livres, et lui remettait les quarante francs. Le billet fut signe le 27 septembre 1726. Quelque temps apres , Mirabel demanda le payement du billet; comme on le refusa, parce que le sorcier n'avait donne que des esperances qui ne s'etaient pas realisees , il eut la hardiesse d'intenter un proces; mais, en fin de cause, il se vit, comme on I'a dit, condamne aux galeres, par messieurs du parlement d'Aix Mirabilis liber. On attribue la plus grande part de ce livre a saint Cesaire. C'est un recueil de predictions dues a des saints etadessibylles. Ce qui peut surprendre les esprits forts, c'est que dans I'edition de 1522 on voit annonces les evenements qui ont clos si tragiquement le der- nier siecle, I'expulsion et I'abolition de la no- blesse , les persecutions contre le clerge , la sup- pression des couvents , le mariage des pretres , le pillage des eglises, la mort violente du roi et de la reine , etc. On y lit ensuite que I'aigle venant des pays lointains retablira I'ordre en France Miracles. Un certain enchanteur abattit une bosse en y passant la main; on cria au mi- racle !.... La bosse etait une vessie enflee Tels sont les^ miracles des charlatans. Mais parce que les charlatans font des tours de passe-passe qui singent les faits surnaturels proprement appeles miracles (et il n'y a de miracles que ceux qui viennent de Dieu) , il est absurde de les nier. Nous vivons entoures de miracles qui ne se peU- 1 Dom Calmet, Dissert, sur les apparitions, p. U5. 2 Mirabilis liber qui prophetias revelationesque, necnonres mirandas, prwterilas, prcesenles etfuluras aperte demonstrat. In-4°. Paris, 4522. * Voyez, dans les Legendes des sept peches capi- taux , I'a legende de Tachelin. 30, MIR — /i68 — MIR vent expliquer, qiioiqn'ils soient constants. Nous ne pouvons parler ici que des faux miracles, ORUvre de Satan, ou fourberies des imposteurs qui servent ainsi la cause de I'esprit du mal. Ce qui est adiigeant, c'est que les jongleries ont sou- vent plus de credit chez les honimes fourvoyes que les faits extraordinaires dont la verite est etablie, comme les superstitions ont plus de ra- cines que les croyances religieuses dans les tetes detraquees On raconte I'anecdote suivante pour prouver que les plus grandes absurdites trouvent des par- tisans. Deux charlatans debutaient dans une petite ville de province, au temps ou Cagliostro et d'autres personnages importants venaient de se presenter a Paris a titre de docleurs qui gue- rissaient toules les maladies. lis penserent qu'ils fallait quelque chose de plus releve pour accre- diter leur savoir-faire, lis s'annoncerent done comme ayant le pouvoir de ressusciter les morts ; et, afin qu'on n'en put douter, ils declarerent qu'au bout de trois semaines , jour pour jour, ils rappelleraient a la vie, publiqucment , dans le cimetiere indique , le mort dont on leur montre- rait la sepulture, fut-il enlerre depuis dix ans. lis demandent au juge du lieu qu'on les garde a vue pour s'assurer qu'ils ne s'echapperont pas, mais qu'on leurpermette en attendant de vendre des drogues et d'exercer leurs talents. La pro- position paraU si belle qu'on n'hesite pas a les consulter. Tout le monde assiege leur maison ; tout le monde trouve de I'argent pour payer de tels medecins. Le grand jour approchait. Le plus jeune des deux charlatans, qui avaitmoins d'au- dace, temoigna ses craintes a I'autre, et lui dit: — Malgre toute votre habilete , je crois que vous nous exposez a etre lapides; car enlin vous n'avez pas le talent de ressusciler les morts. — Vous ne connaissez pas les hommes, lui repliqua le docteur, je suis tranquille. L'evenement justifia sa presomption. II recut d'abord une lettre d'un gentilhomme du lieu ; elle etait ainsi congue : « Monsieur, j'ai appris que vous deviez faire une grande operation qui me fait trembler. J'avais une mechante femnie ; Dieu m'en a delivre; et je serais le plusmalheu- reux des hommes si vous la ressusciLiez. Je vous conjure done de ne point faire usage de voire secret dans notre ville, et d'accepter un petit dedommagement que je vous envoie, etc. » Une heure apres , les charlatans virent arriver chez eux deux jeunes gens qui leur presenterent une 1 On contait devant M. Mayran qu'il y avail une boucherie a Troyes ou jamais la viande ne se gatait, quelque clialeur qu'il fit. II demanda si dans le pays on n'attribuait pas cette conservation a quelque chose de particulier. On lui dit qu'on I'attribuail a la puis- sance d'un saint revere dans fhistoire. « Eh bien, dit M. Mayran, je me range du cote du miracle, pour ne pas compromettre ma physique. » Ce saint est saint Loup. autre gratification, sous la condition de ne point employer leur talent a la resurrection d'un vieux parent dont ils venaient d'heriter. Ceux-ci furent suivis par d'autres, qui apporterent aussi leur argent pour de pareilles craintes, en faisant la meme supplication. Enfin le juge du lieu vinl lui-meme dire aux deux charlatans qu'il ne dou- tait nutlement de leur pouvoir miraculeux, qu'ils en avaient donne des preuves par une foule de guerisons; mais que I'experience qu'ils devaient faire le lendemain dans le cimetiere avait mis d'avance toute la ville en combustion ; que Ton craignait de voir ressusciler un mort dont le retour pourrait causer des revolutions dans les fortunes ; qu'il les priait de partir, et qu'il allait leur donner une attestation comme quoi ils res- suscitaient reellement les morts. Le certificat fut signe, paraphe, legalise, dit le conte; et les deux compagnons parcoururent les provinces, montrant partout la preuve legale de leur talent surnalurel.... Mirage, deception des sens, causeepar cer- tains phenomenes de I'almosphere , qui fait voir des aspects enchanteurs, soil sur les mers, soil sur les deserts de sables, tandis qu'il n'y a rien. Cerlains voyageurs ont cru voir la des charmes magiques. Mirak. Votj. AcRAFiiNA. Miroir. Lorsque Frangois 1" faisait la guerre a Charles-Quint , on conte qu'un magicien ap- prenait aux Parisiens ce qui se passait a Milan en ecrivant sur un miroir les nouvelles de cette ville el I'exposant a la lune , de sorte que les Parisiens lisaient dans cet astre ce que portait le miroir. Ce secret est perdu comme tant d'autres. Voy. Pythagorf.. Pour la divination par le mi- roir, wy. Cristallomancie. En Bretagne , se re- garder la nuit dans un miroir, c'est le moyen de devenir laide ou d'etre ornee d'un visage de loup. Mirville (J. Eudes de), auteur de travaux remarquables sur les Esprits, leurs fails incontes- tables et leur realite. MIS — ^69 ~ MOI Miscaun-Marry. On donne ce nom , en Ir- lande, an feufollet, ignis fatmis. Misraim , fils de Cham. Voy. Magie. Moensklint. Les riverains de la mer Baltique voiis montrent avec orgueil iine grande masse de roc toute blanche , taillee a pic , surmontee de quelques fleches aigues eL couronnee d'arbustes. Mais voyez , ce que le geologue appelle pierre calcaire , ce n'est pas la pierre calcaire , et ce qui s'eleve au haiit de cette montagne sous la forme d'un massif d'arbres, ce n'est pas un massif d'arbres. II y a la one jeune fee tres-belle qui regne sur les eaux et sur I'ile. Ce roc nu , c'est sa robe blanche qui tombe a grands replis dans les vagues et se diapre aux rayons du soleil ; cette pyramide a,igue qui le surmonte, c'est son sceptre ; et ces rameaux de chene, c'est sa cou- ronne. Elle est assise au haut du pic qu'on ap- pelle le Dronnings Stol (le siege de la Reine). De la elle veille sur son empire , elle protege la bar- que du pecheur et le navire du marchand. Sou- vent la nuit on a entendu sur cette cote des voix [larmonieuses , des voix etranges qui ne ressem- blent pas a celles qu'on entend dans le monde. Ge sont les jeunes fees qui chantent et dan- sent aulour de leur reine , et la reine est la qui les regarde et leur sourit. Oh ! le peuple 3st le plus grand de tous les poetes. La oi^i la science analyse et discute, il invente, il donne la vie a la nature animee, il spiritualise les etres que le physicien regarde comme une matiere brute. II passe le long d'un lac, et il y voit des jsprits; il passe au pied d'un roc de craie, il y i'oit une reine et il I'appelle le Mcensklint (le 'ocher de la Jeune Fille) K ■ Mog. De ce nom peut-etre est venu le mot nagus , magicien. On retrouve encore dans I'Ar- nenie I'ancienne region des Mogs. « Le nom de Mog, dit M. Eugene Bore ^ est un mot zend et 3ehlvi qui a passe dans la langue chaldeenne a 'epoque oi!i le symbole religieux de la Perse fut idople par le peuple de Babylone. II represenlait a classe ponlificale , initiee sans doute a des doc- ;rines secretes dont I'abus et I'imposture firent ;omber ensuite ce litre en discredit. Les pretres diisi designees etaient ces anciens desservants iu temple de Belus, qu'avait visites et entrete- lus Herodote, et qu'il nomme Chaldeens aussi Dien que le prophete Daniel. lis avaient encore e nom de sages ou philosophes, de voyants et i'astronomes. Lorsqu'ils melerent aux principes Aleves de la science et de la sagesse les super- stitions de I'idolatrie et toutes les erreurs de 'astrologie et de la divination, ils furent appeles jnchanteurs, inLerpretes de songes, sorciers, en an mot rnagiciens. » Mais, audixieme siecle, Tho- mas Ardzdrouni , cite par M. Bore , appelle en- i Marmier, Traditions de la mer Baltique. - De la Chaldee et des Chaldeens. core la contr^e qu'ils habitaient le pays des Mogs. Les Mogols viendraient-ils des Mogs? Mogol. Delancre dit qu'un empereur mogol guerissait certaines maladies avec I'eau dans la- quelle il lavait ses pieds. Mohra , bourg celebre dans la Suede pour les sorciers qu'il a produits. En 1559, pendant les debuts de la reforme , on y arreta soixante-dix sorcieres qui avaient seduit trois cents enfants. Moine bourru. Voy. Bourru. - Moines. On lit parlout ce petit conte. Un moine qu'une trop longue abstinence faisait souffrir s'avisa un jour, dans sa cellule, de faire cuire un oeuf a la lumiere de sa lampe. L'abbe, qui faisait sa ronde, ayant vu le moine occupe a sa petite cuisine, Ten reprit; le bon religieux , pour s'excuser, dit que c'etait le diable qui I'avait tente et lui avait inspire cette ruse. Tout aussitot parut le diable lui-meme, lequel etait cache sous la table, et s'ecria en s'adressant au moine : « Tu en as menti par ta barbe ; ce tour n'est pas de mon invention , et c'est toi qui viens de me I'apprendre. » Cesaire d'Heisterbach donne cet autre petit fait. « Le moine Herman, compa- rant la rigoureuse abstinence de son ordre aux bons ragouts que Ton mange dans le monde , vit entrer dans sa cellule un inconnu de bonne mine qui lui offrit un plat de poisson. II regut ce pre- sent, et lorsqu'il voulut accommoder son pois- son , il ne trouva plus sous sa main qu'un plat de fiente de cheval. II comprit qu'il venait de rece- voir une legon, et fut plus sobre *. Mois. Diviniles de chague mois chez les patens. — Junon presidait au mois de Janvier; Neptune, a fevrier ; Mars, au mois qui porteson nom; Ve- nus, au mois d'avril; Phebus, au mois de mai: Mercure, au mois de juin; Jupiter, a juillet; Ce- res, au mois d'aout; Vulcain, aseptembre; Pal- las, au mois d'octobre; Diane, a novembre ; Vesta, a decembre. Anges de chaque mois. Selon les cabalistes , Janvier est le mois de Gabriel; fevrier, le mois de Barchiel; mars, le mois de Machidiel; avril, le mois d'Asmodel ; mai, le mois d'Ambriel ; Juin, le mois de Muriel; Juillet, le mois de Verchiel; aout, le mois d'Hamaliel; septembre, le mois d'Uriel; octobre, le mois de Barbiel; novembre, le mois d'Adrachiel; decembre, le mois d'Ha- nael. Demons de chaque mois. Janvier est le mois de Belial; fevrier, le mois de Leviathan ; mars , le mois de Satan; avril, le' mois d'Astarte; mai, le mois de Lucifer; Juin, le mois de Baalberith ; Juillet, le mois de Belzebuth; aout, le mois d'As- taroth; septembre, le moisdeThamuz; octobre, le mois de Baal; novembre, le mois d'Hecate; decembre, le mois de Moloch, ' CaesariiHeistei'bach.,Z)eie?Jia*., lib. l\;Miracul., cap. Lxxxvii. MOI — hlO — MOM Animaux de chaque mois. La brebis est consa- cree au mois de janvier ; le cheval , au mois de fevrier; la chevre, au mois de mars; le bouc, au mois d'avril: le taureau, au mois de mai; le chien, au mois de juin; le cerf, au mois de juil- let; le sanglier, au mois d'aout; I'ane, au mois de septembre; le loup, au mois d'oct.obre; la biche, au mois de novembre; le lion, au mois de decembre. Oiseaux de chaque mois. Le paon est consacre au mois de janvier; le cygne, au mois de fevrier; le pivert, au mois de mars; la colombe, au mois d'avril; le coq, au mois de mai; I'ibis, au mois de juin ; I'aigle, au mois de juillet; le moineau, au mois d'aout; I'oie, au mois de septembre; la chouette, au mois d'octobre; la corneille, au mois de novembre ; I'hirondelle , au mois de de- decembre. Arbres de chaque mois. Le peuplier est I'arbre de janvier; I'orme, de fevrier; le noisetier, de mars ; le myrthe , d'avril ; le laurier, de mai ; le coudrier, de juin; le chene, de juillet; le pom- mier, d'aout; le buis, de septembre; I'olivier, d'octobre ; le palmier, de novembre ; le pin , de decembre. Moise. Les talmudistes et les Orientaux ont surcharge I'histoire de Moise de beaucoup de le- gendes et de contes prodigieux'. En kik, un im- posteur, selonles uns, le diable lui-meme, selon les autres, se presenta aux Israelites de Candie , en leur disant qu'il etait Mouse , ressuscite pour les ramener en Palestine., La multitude se laissa seduire et suivit son pretendu chef jusqu'a la mer, comptant bien qu'elle allait s'ouvrir de nou- veau pour lui livrer passage ; mais il n'y eut pas de miracle. La mer furieuse engloutit vingt mille Juifs, s'il faut en croire les historiens, et le faux Moise ne se retrouva plus. Moiset. C'est le nom que prit le demon ou le fourbe qui se donnait pour tel, et qui engagea pour le sabbat et la sorcellerie Pierre Bourget et Michel Verdung. Mokissos , genies reveres des habitants de Loango, mais subordonnes au Dieu supreme. lis pensent que ces genies peuvent les chatier et meme leur oter la vie s'ils ne sont pas fideles a leurs obligations. Lorsqu'un honime est heureux et bien portant, il est dans les bonnes graces de son mokisso. Est-i! malade ou eprouve-t-il des revers, il attribue cette calamite a la colere de 'son genie. Ces peuples donnent le meme nom a leur souverain , auquel ils croient une puissance divine et surnalurelle , comme de pouvoir faire tomber la pluie et d'exterminer en un instant des milliers d'hommes, etc. Les mokissos sont des figures de bois qui representent ou des hommes grossierement faits, ou des quadrupedes , ou des 1 Voyez ces excentricites dans les Legendes de I'An- cien Testament. oiseaux. On leur offre des voeux et des sacrifices pour les apaiser. Voy. F^tichks. Molitor (Ulrich), auteur d'un livre rare inti- tule Traite des lamies et des pythonisses : Trac- tatus de lamiis et pythonicis , Constance, H89, in-^". Paris, 1561, in-8°. On y voit des choses singulieres, qui ne sont pourtant pas des fables, car I'auteur est circonspect et critique serieux. Moloch, prince du pays des larmes, membre du conseil infernal. II etait adore par les Ammo- nites sous la figure d'une statue de bronze assise dans un trone de meme metal , ayant une tete de veau surmontee d'une couronne royale. Ses bras etaient etendus pour recevoir les victimes hu- maines : on lui sacrifiait des enfants. Dans Mil- ton , Moloch est un demon affreux et terrible con- vert des p leurs des meres et du sang des enfants. Les rabbins pretendent que , dans I'interieur de la statue du fameux Moloch , dieu des Ammo- nites, on avait menage sept especes d'armoires. On en ouvrait une pour la farine , une autre pour les tourterelles , une troisieme pour une brebis, une quatrieme pour un belier, la cinquieme pour un veau, la sixieme pour un boeuf, la septiem'e pour un enfant. C'est ce qui a donne lieu de con- fondre Moloch avec Mithras, et ses sept portes mysterieuses avec les sept chambres. Lorsqu'on voulait sacrifier des enfants a Moloch, on allu- mait un grand feu dans I'interieur de cette sta- tue. Mais afin qu'on n'entendit pas leurs cris plaintifs , les pretres faisaient un grand bruit de tambours et d'autres instruments autour de I'i- dole. Voy. MrsxiiRES. Momies. Le prince de Radzivill, dans son Voyage de Jerusalem , raconte une chose singu- liere dont il a ete le temoin. 11 avait achete en Egypte deux momies , I'une d'homme et I'autre de femme, et les avait enfermees secretement en des caisses qu'il fit mettre dans son vaisseau lorsqu'il partit d'Alexandrie pour revenir en Eu- MON — till — MON I rope. II n'y avait que lui et ses deux domesti- ques qui sussent ce que contenaient les caisses, pares que les Turcs alors permettaient difflcile- ! ment qu'on emporlat les momies , croyant que les Chretiens s'en servaient pour des operations j magiques. Lorsqu'on fut en mer, il s'eleva une tempete qui revint a plusieurs reprises avec tant de violence, que le pilote desesperait de sauver ' le navire. Tout le nionde etait dans I'attente d'un naufrage prochain et inevitable, Un bon pretre polonais, qui accompagnait le prince de Radzi- vill , recitait les prieres convenables a une telle I ' Ajoutons que de nos jours les marins du Le- vant conservent cette opinion que les momies i attirent les tempetes, et on ne peut les embar- ' quer qu'a leur insu. Monarchie infernale. Elle se compose, selon Wierus, d'un empereur, qui est Belzebuth; de sept rois , qui regnent aux quatre points cardi- naux, et qui sont Bael, Pursan, Byleth, Paymon, Belial, Asmoday, Zapan; de vingt-trois dues, savoir : Agares, Busas, Gusoyn, Bathym, Eligor, Valefar, Zepar, Sytry, Bune , Berith, Astaroth, Vepar, Chax, Pricel, Murmur, Focalor, Gomory, Amduscias , Aym , Orobas , Vapula , Hauros , Alocer ; de treize marquis , Aamon , Loray, Na- berus , Forneus , Roneve , Marehocias , Sabnae , Gamigyn, Arias, Andras, Androalphus, Cime- ries. Phoenix; de dix comtes, Barbatos, Botis, Morax , Ipes , Furfur, Raym , Halphas , Vine , Decarabia, Zaleos; de onze presidents, Marbas, Buer, Glasialabolas , Forcas, Malphas , Gaap , Caym, Volac, Oze , Amy, Haagenti, et de plu- sieurs chevaliers , comme Furcas, Bifrons, etc. Les forces de la monarchie infernale se compo- sent de 6666 legions, chacune de 6666 demons; ce qui ne fait que 44,635,566 combattants. Mais chacun de ces demons a sous lui des bandes. Voy. CouR. Monde. Votj. Origines. Monkir et Nekir, anges qui, selon la croyance des musulmans, interrogent le mort aussitot circonstance ; le prince et sa suite y r^pondaient. Mais le pretre etait tourmente, disait-il, par deux spectres (un homme et une femme) noirs et hideux , qui le harcelaient et le menagaient. On erut d'abord que la frayeur et le danger du nau- frage lui avaient trouble I'imagination. Le calme etant revenu, il parut tranquille ; mais le tumulte des elements reparut bientot; alors ces fantomes le tourmenterent plus fort qu'auparavant, et il n'en fut delivre que quand on eut jete les deux morales a la mer, ce qui fit en meme temps ces- ser la tempete *. » qu'il est dans le sepulcre , et commencent leur interrogatoire par cette demande : — Qui est votre seigneur, et qui est votre prophete? — Leurs fonctions sont aussi de tourmenter les re- prouves. Ces anges ont un aspect hideux et une voix aussi terrible que le tonnerre. Apres qu'ils ont reconnu que le mort est devoue a I'enfer, ils le fouettent avec un fouet moitie fer et moitie feu. Les mahometans ont tire cette idee du Talmud. Monsieur de Laforet. G'est le nom qu'on donnait autrefois au fantome plus connu sous le titre de grand Veneur de la foret de Fontaine- bleau. Voy. Veneur. Sa residence ordinaire etait dans cette foret ; mais il s'en ecartait quelquefois. Delancre rap- porte qu'un enfant qui vivait en AUemagne fut trouve vetu d'une peau deloup et courant comme un petit loup-garou ; il dit que c'etait M. de La- foret qui lui avait donne sa peau ; que son pere s'en servait aussi. Dans un interrogatoire, cet enfant avoua que si M. de Laforet lui apparais- sait , il pouvait le mettre en fuite par des signes de croix. II ajouta que M. de Laforet lui deman- dait quelquefois s'il voulait etre a lui, et qu'il lui offrait pour cela de grandes riehesses. Monstres. Mery, celebre anatomiste et chi-" rurgien-major des Invalides, vit.et diss^qua, en ' Dom Calmet, Dissertation sur les apparitions. MON /t72 MON 1720, un petit monstre ne a six mois de terme, sanstete, sans bras, sans coeur, sans poumons, sans estomac, sans reins, sans foie, sans rate, sans pancreas, et pourtant ne vivant. Cette pro- duction extraordinaire fnt suivie d'une fille bien organisee , qui tenait au petit monstre par un cordon ombilical commun. Son observation est consignee dans les Memoires de V Academic des sciences. Comment la circulation du sang s'op6- rait-elle dans cet individu depourvu de coeur? Mery essaya de I'expliquer dans une disserta- tion En d'autres temps, on eut tout mis sur le compte du diable, et qui sait? Voy. Imagina- tion, 1 Salgues, Bes errnirs et des prejuges, etc., t. Ill, p. -lie des teles de chiens et aboyaient comme eux; cc qui ne se voit de nos jours que dans les caricatures. II dit aussi que certains habitants du monfiVlilo avaient huit doigts aux pieds et les MON — /|73 — MOR pieds toiirnes en arriere, ce qui rendait ces hommes extremement legers a ]a course. On voit dans de vieilles, chroniques qu'il y avait au nord des homines qui n'avaient qu'un ojil au milieu du front ; en Albanie , des hommes dont les cheveux devenaient blancs des I'enfance, et qui voyaient mieux la nuit que le jour (conte produit par les Albinos) ; des hidiens qui avaient j des tetes de chien ; d'autres sans cou et sans tete, I ayant les yeux aux epaules, et, ce qui surpasse I tou!e admiration ; un peuple dont le corps etait velu et convert de plumes, comme lesoiseaux, et qui se noarrissait seulement de I'odeur des fleurs. On a pourtant ajoute foi a ces fables. N'oublions pas celles qui se trouvent consi- gnees dans le Journal des voyages de Jean Struys, qi>i dit avoir vu de ses propres yeux les habi- tants de I'ile de Formose ayant une queue au derriere, comme les bcEufs. II parle aussi d'une espece de concombre, qui se nourrit, dit-on, des plantes voisines. Get auteur ajoute que ce fruit surprenant a la figure d'un agneau , avec les pieds , la tete et la queue Be cet animal distinc- tement formes ; d'ou on I'appelle, en langagedu pays, hanaret ou honarez , qui signifie agneau. Sa peau est couverte d'un duvet fond blanc, aussi delie que la soie. Les Tartares en font grand cas, et la plupart le gardent avec soin dans leurs maisons , ou eel auteur en a vu plusieurs. II croit sur une tige d'environ trois pieds de haut, L'endroit par ou il tient a sa tige est une espece de nombril , sur lequel il se tourne et se baisse vers les herbes qui lui servent de nourri- ture, se sechant et se fletrissant aussitot que ces herbes lui manquent. Les loups I'aiment et le devorent avec avidite , parce qu'il a le gout de la chair d'agneau ; et I'auteur ajoute qu' on lui a assure que cette plante a elTectivement des os , du sang et de la chair : d'oii vient qu'on I'appelle encore dans le pays zoaphUe, c'est-a-dire plante animale *. Montagnards, demons qui font leur sejour dans les mines sous les montagnes, et tourmen- tent les minewrs. lis ont trois pieds de haut, un visage horrible , un air de vieillesse , une cami- sole et un tablier de cuir, comme les ouvriers dont ils prennent souvent la figure, lis sont soumis a un esprit geant ; ce qui fait contraste. On dit que ces demons autrefois n'elaient pas malfaisants, qu'iis entendaient meme la plaisanlerie ; mais une insulte leur etait sensible, et ils la souffraient rarement sans se venger. Un mineur eut I'audace de dire des injures a un de ces demons. Le de- mon indigne sauta sur le mineur et lui tordit le cou. L'infoi tune n'en mourut pas, mais il eut le cou I'enverse et le visage tourne par derriere tout le reste de sa vie. II y a eu des gens qui font vu en cet etat, dit le narrateur.... lis avaient de bons yeux. Voy. Mineurs. 1 Lebrun, Histoire des superstitions , t. I, p. 112. Montalembert (Adrien de), aumonier de Francois I", auteur d'un ouvrage intitule La merveilkuse Histoire de I' esprit qui depuis nacjuere s'est apparuau monastere des religieuses de Saint- Pierre de Lxjon. Paris, 1528, \n-k°\ Rouen, 1529; Paris, 1580, in-12. C'est I'histoire d' Alice de Telieux. Montan, chef des heretiques montanisles au onzieme siecle. C'etait un eunuque phrygien, II avait des attaques d'epilepsie , et il les fit passer pour des exlases oii il s'entretenait avec Dieu. 11 reconnaissait que le Saint-Esprit etait venu , mais il le distinguait du Paraclet, et il disait : C'est moi qui suis le Paraclet. Les monlanistes ad- meltaient les femmes a la pretrise. Montanay, sorcier. Voy. Galigai". Montezuma. Voy. Presages. Monture des esprits. Dans les idees de I'lr- lande et de plusieurs autres peuplades du Nord, les esprits, fees ou lutins, qui ont a voyager en- fourchent un jonc, un brin d'herbe , un Ironc de choux, et toule aulre chose; sur cetle monture ils parcourent des distances incroyables en un quart d'heure. Mopsus, devin de I'anliquile, qui se montra plus habile que Galchas ec le fit mourir de ja- lousie. Morail, demon qui a la puissance de rendre invisible, selon les Clavicules de Salomon. Morax ou Forai, capitaine, comte et presi- dent de plusieurs bandes infernales; il se fait voir sous la forme d'un taureau. Lorsqu'il prend la figure humaine , il instruit I'homme dans f as- tronomie et dans tons les arts liberaux. II est le prince des esprits familiers qui sont doux et sages. 11 a sous ses ordres trente-six legions. Mordad, I'ange de la mort chez les mages. Moreau, chiromancien du dix-neuxieme sie- cle, qui, dit-on, predit a Napoleon sa chute et ses malheurs. Bien d'autres furent aussi sorciers que lui. II exergait a Paris, ou il est mort en 1825. Morel (Louise), sorciere , tante de Marie Martin. Voy. Martin. Morgane, soeur du roi Arlhus, dlevede Mer- lin, qui lui enseigna la magie; elle est fameuse MOR - hlh — MOR dans les romans de chevalerie par ses enchan- tetnents el par les tours qu'elle joua a Genievre, sa belle-soeur. C'est dans la Brelagne une grande fee , I'une des prophetesses de I'ile de Sein , et la plus puissante des neuf soeurs druidesses. Les Bretons I'appellent la Chanteuse des raers , et il y a dans ce pays des pecheurs qui pretendent descendre d'elle. Pour pUisieurs, Morgane est un mirage; Mor- giane , chez les Orientaux , est une peri qu'ils appellent aussi Mergiann. Morin (Jean-Baptiste), medecin de mademoi- selle de Guise, ne au Mans en 1615, et mort en 1705. II pronostiquait comme Luc Gauric. On dit qu'il annonca le sort de Gustave-Adolplie et du jeune Cinq-Mars, et qu'il lixa, a quelques legeres differences pres, le jour et I'heure oii moururent le cardinal de Richelieu et le conne- table de Lesdiguieres. On lui altribue a tort la reponse adroite de cet astrologue qui , interroge par Louis XI s'il connaissait lui-meme I'epoque de sa propre mort , repondit : — Oui , prince , trois jours avant la votre. Sous le regne de Louis Xlll, on etait tres-in- fatue de I'astrologie judiciaire. Morin ayant pre- dit que tel jour le roi etait menace de quelque malheur, on respecta assez sa prediction pour recommander au roi de ne pas sortir. II garda effectivement I'appartement toute la matinee; mais s'ennuyant I'apres-midi , il voulut prendre I'air et tomba. — Qu'on ne parle pas de cela a Morin , dit le prince ; cet accident le rendrait trop glorieux. Morin (Simon), visionnaire fanatique du dix- seplieme siecle, ne vers 1623, qui voulut rela- blir la secte des illumines, et qui annongait que Notre-Seigneur Jesus-Christ s'etait incarne en lui. 11 fit quelques proselytes ; mais a la suite de plusieurs detentions a la Bastille, il futcondamne a etre brule, apres avoir fait amende honorable comme accuse de conspiration contre le roi ; il monta sur le bCicher le l/j mars 1663. C'etait un agitateur fanatique qui eijt bien voulu une petite revolution. Mort. « La mort, si poetique parce qu'elle touche aux choses immortelles, si mysterieuse a cause de son silence, devait avoir mille ma- nieres de s'enoncer pour le peuple. Tantot un trepas se faisait prevoir par le tintement d'une cloche qui sonnait d'elle-meme , tantot I'homme qui devait mourir entendait frapper trois coups sur le plancherde sa chambre. Une religieuse de Saint-Benoit, pres de quitter la terre, trouvait. une couronne d'epines blanches sur le seuil de sa cellule. Une mere perdait-elle son fils dans un pays lointain, elle en etait instruite a Tinstant par ses songes. Ceux quinientlespressentiments ne connaitront jamais les routes secretes par oia deux coeurs qui s'aiment communiquent d'un bout du monde a I'autre. Souvent le mort cheri , sortant du tombeau, se presentait a son ami, ku recommandait de dire des prieres pour le rache- ter des flammes et le conduire a la felicite des elus *. » De tons les spectres de ce monde, la mort est le plus effrayant. Dans une annee d'indi- gence, un paysan se trouve au milieu de quatre petils enfants qui portent leurs mains a leur boucbe, qui demandent du pain, et a qui il n'a rien a donner. ... La demence s'empare de lui ; il saisit un couteau ; il egorge les trois aines; le plus jeune , qu'il aliait frapper aussi , se jette a ses pieds et lui crie : — Ne me tuez pas, je n'ai plus faim. Dans les armees des Perses , quand un simple soldat etait malade a I'extremite , on le portait en quelque foret prochaine , avec un morceau de pain, un pen d'eau et un baton pourse defendre. contre les betes sauvages, tant qu'il en aurait la force. Ces malheureux etaient ordinairement de- vores. S'il en echappait quelqu'un qui revint chez lui, tout le monde le fuyait comme si c'eut ete un demon on un fantome ; on ne lui permet- tait de communiquer avec personne qu'il n'efit ete purifie. On etait persuade qu'il devait avoir eu de grandes liaisons avec les demons , puisqiie les betes ne I'avaient pas mange, et qu'il avait recouvre ses forces sans aucun secours. Les anciens altachaienl tant d'importance aux ceremonies funebres, qu'ils inventerent les dieux manes pour veiller aux sepultures. On trouve dans la plupart de leurs ecrits des traits frap- pants qui nous prouvent combien etait sacre parmi eux ce dernier devoir que I'homme puisse rendre a I'homme. Pausanias conte que , cer- tains peuples de I'Arcadie ayant tue inhumaine- ment quelques jcunes gargons qui ne leur fai- saient aucun mal, sans leur donner d'autre sepulture que les pierres avec lesquelles ils les avaient assommes, et leurs femmes, quelque temps apres, se trouvant atteintes d'une maladie qui les faisait toutes avorler, on consulta les ora- cles, qui commanderent d'enterrer au plus vita les enfanls si cruellement prives de fimerailles. Les Egyptiens rendaient de grands hon- neurs aux morts. Un de leurs rois, se voyant prive d'heritiers par la mort de sa fille unique, n'epargna rien pour lui rendre les derniers de- voirs et tacha d'immortaliser son nom par la plus riche sepulture qu'il put imaginer. Au lieu d'un mausolee , il lui fit batir un palais; et on ensevelit le corps de la jeune princesse dans un bois incorruptible, qui represenlait une genisse wuverte de lames d'or et revetue de pourpre. Cette figure etait a genoux, portant entre ses cornes un soleil d'or massif, au milieu d'une salle magnifique et entouree de cassolettes oil bruiaient continuellement des parfums odorife- rants. ' M. de Chateaubriand , Genie du christianisme. MOR 475 MOR j Les Egyptiens einbaumaient les corps et les Iconservaient precieusement ; les Grecs et les Romains les brulaient. Cette coutiime de bruler les morts est fort ancienne. Les Egyptiens, avant de rendre a leurs rois les honneurs>funebres , les jugeaient devant le peuple et les privaient de . sepulture s'ils s'etaient conduits en tyrans. Quand le roi des Tartares mourait, on mettait son corps embaume dans un chariot, et on le promenait dans loutes ses provinces. II etait- permis a chaque gouverneur de lui faire quelque outrage, pour se venger du tort qu'il en avait regu. Par exemple, ceux qui n'avaient pu obte- nir audience maltraitaient les oreilles, qui leiir avaient ete fermees ; ceux qui avaient ete indi- gnes de ses debauches s'en prenaient aux che- veux, qui etaient sa principale beaute, et lui faisaient mille huees, apres I'avoir rase, pour le rendre laid et ridicule. Ceux qui se plaignaient de sa trop grande delicatesse lui dechiraient le nez, croyant qu'il n'elait devenu effemine que parce qu'il avait trop aime les parfums. Ceux qui decriaient son gouvernement lui brisaient le front, d'ou etaient sorties toutes ses ordonnances tyranniques ; ceux qui en avaient regu quelque violence lui mettaient les bras en pieces. Apres qu'on I'avait ramene an lieu ou il etait mort, on le brulait avec une de ses femmes , un echan- son, un cuisinier, un ecuyer, un palefrenier, quelques chevaux et cinquante esolaves ^ Quand un Romain mourait, on lui fermait les yeux pour qu'il ne vit point Tainiction de ceux qui I'entouraient. Lorsqu'ii etait sur le bucher, on les lui rouvrait pour qu'il put voir la beaute des cieux qu'on lui souhaitait pour demeure. On faisait faire ordinairement la figure du mort , ou en cire , ou en marbre , ou en pierre ; et cette figure accompagnait le cortege funebre, entouree de pleureuses a gages. Chez plusieurs peuples de I'Asie et de I'Afrique, aux funerailles d'un homme riche et de quelque distinction, on egorge et on enlerre avec lui cinq ou six de ses esclaves. Chez les Romains, dit Saint-Foix, on egorgeait aussi des vivants pour honorer les morts; on faisait combattre des gladiateurs devant le bu- cher, et on donnait a ces massacres le nom de jeux funeraires. En Egypte et au Mexique, dit le meme auteur, on faisait toujours marcher un chien a la lete du convoi funebre. En Europe, sur les anciens fombeaux des princes et des che- valiers, on voitcommunement des chiens a leurs pieds. Les Parlhes , les Medes et les Iberiens expo- saient les corps, ainsi que chez les Perses, pour qu'ils fussent au plus tot devores par les betes sauvages, ne trouvant rien de plus indigne de I'homme que la putrefaction. Les Bactriens nour- rissaient, pour ce sujet, de grands chiens dont * Muret, Des ceremonies funebres. ils avaient un soin extreme. lis se faisaient a u- tant de gloire de les nourrir grassement qae les autres peuples de se batir de superbestombeaux. Un Bactrien faisait beaucoup d'eslime du chien qui avait mange son perc. Les Barceens faisaient consister le plus grand honneur de la sepulture a etre devores par les vautours ; de sorte que Louies les personnes de merite et ceux qui mou- raient en combattant pour la patrie etaient aus- sitot exposes dans les lieux ou les vautours pou- vaient en faire curee. Quant a la populace , on I'enfermait dans des tombeaux , ne la jugeant pas digne d'avoir pour sepulture le ventre des oiseaux sacres. Plusieurs peuples de I'Asie eussent cru se ren- dre coupables d'une grande impiete en, laissant pourrir les corps ; c'est pourquoi , aussitot que quelqu'un etait mort parmi eux, ils le mettaient en pieces et le mangeaient en grande devotion avec les parents et les amis. C'etait lui rendre honorablement les derniers devoirs. Pythagore enseigna la metempsycose des ames; ceux-ci pratiquaient la metempsycose des corps , en fai- sant passer le corps des morts dans celui des vivants. D'autres peuples, tels que les anciens Hiberniens, les Bretons et quelques nations asia- tiques, faisaient encore plus pour les vieiliards : ils les egorgeaient des qu'ils etaient septuage- naires et en faisaient pareillement un festin. C'est ce qui se pratique encore chez quelques peuplades sauvages. Les Chinois font publier le convoi , pour que le concours du peuple soit plus nombreux. On fait marcher devant le mort des drapeaux et des bannieres , puis des joueurs d'instruments , sui- vis de danseurs revetus d'habits fort bizarres , qui sautent lout le long du chemin avec des gestes ridicules. Apres cette troupe viennent des gens armes de boucliers et de sabres , ou de gros batons noueux. Derriere eux, d'autres por- tent des armes a feu dont ils font incessamment des decharges. Enfin, les pretres, criant de toutes leurs forces, marchent avec les parents, qui melent a ces cris des lamentations epouvan- tables ; le cortege est ferme par le peuple. Cette musique enragee et ce melange burlesque de joueurs, de danseurs, de soldats, dechanteuses et de pleureurs donnent beaucoup de gravite a la ceremonie. On ensevelit le mort dans un cer- cueil precieux , et on enterre avec lui , entre plu- sieurs objets, de petites figures horribles, pour faire sentinelle pres de lui et effrayer les demons ; apres quoi on celebre le festin funebre, ou Ton invite de temps en temps le defunt a manger et a boire avec les convives. Les Chinois croient que les morts reviennent en leur maison une fois tous les ans, la derniere nuit de I'annee. Pen- dant toute cette nuit, ils laissent leur porte ou- verte, afin que les ames de leurs parents tre- passes puissant entrer ; ils leur pr^parent des lits MOR — /|76 MOR et mettent dans la chambre on bassin plein d'eau pour qu'ils puissent se laver les pieds. lis atlcn- dent jusqu'a minuit. Mors, siipposant les morls arrives, ils leiir font compliment, alUimcnt des cierges , briijent des odenrs et les prient, en leur faisant de profondes reverences, de ne pas OLiblier leiirs enfants et de leiir obtenir des dieiix la force, la sante, les biens et una longue vie. Les Siamois brCilent les corps et mettent aiitour dii biicher beaucoup de papiers on sont peints des jardins, des maisons, des aniinaux, des fruits, en un mot, tout ce qui peut etre utile et agreable dans Tautre vie. lis croient que ces pa- piers brules deviennent reellement ce qu'ils re- prdsentent. lis croient aussi que tout elre, dans la nature, quel qu'il soil, un habit, une fleche, une hache , un cbaudron , etc. , a une ame , et que cet ame suit dans I'autre monde le mailre a qui la chose appartenait dans ce monde-ci. On aurait dit serieusement pour eu\ ccs vers bur- lesques : J'aporcus I'ombre d'un coclier Qui, tenant I'oinbre d une brosse, Kn froltait I'ombre d'un carrosse Le gibet, qui nous inspire tant d'horreur, a passe chez quelques peuples pour une telle mar- que d'honneur que souvent on ne I'accordait qu'aux grands seigneurs et aux souverains. Les Tibareniens, les Suedois, les Goths suspendaient les corps a des arbres et les laissaient se defi- gurer ainsi peu a peu, et servir de jouet aux vents. D'autres emportaient dans leurs maisons ces corps desseches et les pendaient au plancher comme des pieces de cabinet Les Groenlan- dais, habitant le pays du monde le plus froid, ne prennent pas d'autres soins des morts que de les exposer nus a I'air, ou ils se g^lent et se dur- cissent aussitot comme des pierres ; puis , de peur qu'en les laissant au milieu des champs ils ne soient devores par les ours, les parents les en- ferment dansde grands paniers qu'ils suspendent aux arbres. Les Troglodytes exposaient les corps mcft'ts sur une eminence , le derriere tourne vers les assistants; de sorte qu'excitant, par cette posture, le rire de loule I'asseniblee, on se mo- quait du mort au lieu de le pleurer; chacun lui jetait des pierres, el quand il en etait couvert, on plantait au-dessus une corne de chevre et on se retirait. Les habitants des iles Baleares depe- Qaient le corps en pelits morceaux el croyaient honorer infiniment le defunt en I'ensevelissant dans une cruche. Dans certains pays de I'lnde, ' la femme se brule sur le bucher de son mari. Lorsqu'elle a dit adieu a sa famille, on lui apporlc des leltres pour le defunt, des pieces do toile, des bonnets, des souliers, etc. Quand les presents cessenl de venir , elle demande jusqu'a trois fois a I'assemblee si Ton n'a plus rien a lui apporler et a lui recommander, ensuite elle fait un paquel de tout et Ton met le feu au bucher. Dans le royaume de Tonquin, il est d'usage, parmi les * De Ch. Perraull, attribaes mal apropos a Scarron. personnes riches, de remplir la bouche du mort de pieces d'oret d'argenl, pour ses besoins dans I'autre monde. On revet I'homme de sept de ses meilleurs habits el la femme de neuf robes. Les Galates metlaient dans la main du mort un cer- tificat de bonne conduite. Chez les Turcs, on loue des pleureuses qui accompagnenl le convoi, et on porte des rafrai- ' Murct, Des ceremonu'S funcbres , etc MOR 77 — MOR Khissements aupres du tombeau pour regaler les jpassants, qii'on invite a pleiirer et a pousser des cris lamenlables. Les Gaulois enterraient avec le corps mort ses arines, ses habits, sesanimaux, it meme ceux de ses esclaves qu'il avait paru le plus cherir. Quand on decouvrit le tombeau de Childeric, pere de Clovis, a Tournay, on y trouva des pieces d'or et d'argent , des boucles, des agrafes, des filaments d'habits, la poignee d'une 6pee , le tout d'or ; la figure en or d'une lete de boeuf, qui etait, dit-oo, I'idole qu'il ado- Irait; les os, le mors, un fer et quelques restes du harnais d'un cheval , un globe de cristal dont !il se servait pour deviner, une pique, une hache d'armes, un squelelte d'homme en entier, une autre tete moins grosse , qui paraissait avoir ete celle d'un jeune homme, et apparemment de I I'ecuyer qu'on avait tue, selon la coutuine, pour accompagner et aller servir la-^bas son maitre. On voit qu'on avait eu soin d'enterrer avec lui ses habits, ses arnies, de I'argent, un cheval, un domestique, des tablettes pour ecrire, en un mot lout ce qu'on croyait devoir lui etre necessaire dans I'autre monde. Quelquefois ineme on en- terrait avec les grands personnages leur raedecin. La belle Auslregilde oblint en mourant, du roi Gontran , son mari, qu'il ferait tuer et enterrer I avec elle les deux medecins qui I'avaient soignee I pendant sa maladie. ((Ce sont, je crois, les seuls, I dit Saint-Foix, qu'on ait inhumes dans le tom- beau des rois ; mais je ne doute pas que phisieurs autres n'aient merite le meme honneur. » On observait anciennement en France une coutume singuliere aux enterremenls des nobles : on faisait coucher dans le lit de parade qui se portait aux enterrements un homme arme de pied en cap pour representer le defunt, On trouva dans les comples de la maison de Polignac : Donne cinq sous a Blaise , pour avoir fait le che- valier mort, a la sepulture de Jean , fils de Ran- donnet-Armand , vicomte de Policjnac. Quelques peuples de I'Amerique enterraient leurs morts assis et entoures de pain , d'eau , de fruits et d'armes. A Panuco, dans le Mexique, on regardail les medecins comme de petites divi- nites, a cause qu'ils procuraient la sante , qui est le plus precieux de tous les biens. Quand ils mouraient, on ne les enterrait pas comme les autres ; on les brulait avec des rejouissances pu- bliques; les hommes et les femmes dansaient pele-raele autour du bucher. Des que les os etaient reduils en cendres, chacun tachait d'en emporter dans sa maison et les buvait ensuile avec du vin, comme un preservatif contre toutes sorles de maux. Quand on brulait le corps de quelque empereur du Mexique, on egorgeait d'a- bord sur son bucher I'esclave qui avait eu soin, pendant sa vie, d'allumer ses lampes, afin qu'il lui allat rendre les memes devoirs dans I'autre monde. Ensuite on sacrifiait deux cents esclaves. tant hommes que femmes, et parmi eux quel- ques nains et quelques bouffons pour son diver- tissement. ,Le lendemain, on enfermait les cen- dres dans une petite grotte voutee, toute peinte en dedans, et on mettait au-dessus la figure du prince, a qui Ton faisait encore de temps en temps de pareils sacrifices, car le qualrieme jour apres qu'il avait ete brule, on lui envoyait quinze esclaves en I'honneur des quatre saisons, afin qu'il les eut toujours belles; on en sacrifiait cinq le vingtieme jour, afm qu'il eut, toute I'eternite, une vigueur pareille a celle de vingt ans; le soixantieme, on en immolait trois autres, afin, qu'il ne sentit aucune des principales incommo- dites de la vieillesse , qui sont la langueur , le froid et I'humidite. Enfin , au bout de Tannine, on lui en sacrifiait encore neuf, qui est le nombre le plus propre a exprimer reternil(3, pour lui souhaiter une eternite de plaisir. Quand les Indiens supposent qu'un de let^irs chefs est pres de rendre le dernier soupir, les savants de la nation se rassemblent. Le grand pretre et le medecin apportent et consullent chacun la figure de la divinite, c'esl-a-dire de I'esprit bienfaisant de Fair et de celui du feu. Ces figures sont en bois, artistement taillees, et representent un cheval, un cerf, un castor, un cygne, un poisson, etc. Tout autour sont sus- pendues des dents de castor, des griffes d'ours et d'aigle. Leurs mailres se placent avec elles dans un coin ecarte de la cabane pour les con- suiter; il exisle ordinairement entre eux une ri- valite de reputation, d'autorite, de credit; s'ils ne tombent pas d'accord sur la nature de la ma- ladie, ils frappent violemment ces idoles les unes contre les autres, jusqu'a ce qu'une dent ou une griffe en tombe. Celte perle prouve la defaite de I'idole qui I'a eprouvee et assure par consequent une obeissance formelle a I'ordonnance de son competiteur. Aux funerailles du roi de Mechoacan, le corps etait porte par le prince que le defunt avait choisi pour son successeur; la noblesse et le peuple le suivaient avec de grandes lamentations. Le con- voi ne se mettait en marche qu'a minuit, a la lueur des torches. Quand il etait arrive au temple, on faisait qualre fois le tour du bucher ; apres quoi on y deposait le corps et on amenait les of- ficiers destines a le servir dans I'autre monde ; entre autres, sept jeunes filles, I'une pour serrer ses bijoux, I'autre pour lui presenter sa coupe, la troisieme pour lui laver les mains, la quatrieme pour lui donner la serviette, la cinquieme pour lui faire sa cuisine, la sixieme pour mettre son convert, la septieme pour laver son linge. On mettait le leu au bucher, et toulcs ces malheu- reuses victimes, couronnees de fleurs, etaient assommt^es a grands coups de massue et jetees dans les flammes. Chez les sauvages de la Louisiane, apres les MOR — 478 - MOR ceremonies des obseques, quelque homme no- table de la nalion, mais qui doit n'etre pas de la faniille du inort, fait son eloge fiinebre. Quand il a lini , les assistants vont tout nus , les uns apres lesautres, se presenter devant I'orateur, qui leur applique a chacun , d'un bras vigoureux, trois coups d'une laniere large de deux doigts, en di- sant : « Souvenez- vous que pour etre un bon guerrier comme I'etait le defunt, il faut savoir souffrir. » Les protestants lutheriens n'ont point de ci- metiere et enterrent indistinctement les morts dans un champ , dans an bois , dans un jardin. « Parmi nous, dit Simon de Paul , I'un de leurs predicants, il est fort indifferent d'etre enlerre dans les cimelieres ou dans les lieux ou Ton ecorche les anes. — Helas, disait un vieillard du Palatinat , faudra-t-il done qu'apres avoir vecu avec honneur, j'aille demeurer apres ma mort parmi les raves, pour en etre eternellement le gardien? » Les Circassiens lavent les corps des morts , a moins que le defunt ne soit mort loyalement dans une balaille pour la defense du pays, au- quel cas on I'enterre dans son harnais, sans le laver, supposant qu'il sera re(;.u d'emblee en pa- radis Les Japonais temoignent la plus grande Iris- tesse pendant la maladie d'un des leurs, et la plus grande joie a sa mort. lis s'imaginent que les maladies sont des demons invisibles, et sou- vent ils presentenl requete contre elles dans les temples. Ces memes Japonais poussent quelque- fois si loin la vengeance, qu'ils ne se contentent pas de faire perir leur ennemi ; mais ils se don- nent encore la mort pour aller I'accuser devant leur dieu et le prier d'embrasser leur querelle ; on conte meme que des veuves, non contentes d'avoir bien tourmente leurs maris pendant leur vie, se poignardent pour avoir le plaisir de les faire enrager apres leur mort. Quand un Caraibe est mort, ses compagnons viennent visiter le corps et lui font mille ques- tions, bizarres, accompagnees de reproches sur ce qu'il s'est laisse mourir, comme s'il eut de- pendu de lui de vivre plus longtenips : « Tu pouvais faire si bonne chere! il ne te manquaiL ni manioc, ni patates, ni ananas; d'ou vient done que tu es mort? Tu etais si considere! chacun avait de I'estime pour toi, chacun t'honorait, pourquoi done es-tu mort?... Tes parents t'ac- cablaient de caresses; ils ne te laissaient man- quer de rien; dis-nous done pourquoi tu es mort? Tu etais si necessaire au pays! tu t'elais signale dans tant de combats ! tu nous mettais a convert des insultes de nos ennemis ; d'ou vient done que tu es mort? » Ensuite on I'assied dans une fosse ronde ; on I'y laisse pendant dix jours * Stanislas Bell , Voyage en Circassie. sans I'enterrer; ses compagnons lui apportent tons les matins a manger et a boire ; mais enfin, voyanl qu'il ne veut point revenir a la vie, ni toucher a ces viandes, ils les lui jeltent sur la tete, et, comblant la fosse, ils font un grand feu, autour duquel ils dansent avec des hur- lements. Les Turcs en enterrant les morts leur lais- sent les jambes libres, pour qu'ils puissent se mettre a genoux quand les anges viendront les examiner; ils croient qu'aussitot que le mort est dans la fosse, son ame revient dans son corps et que deux anges horribles se presentent a lui et lui demandent : « Quel est ton dieu, la religion et ton prophete? » S'il a bien vecu , il repond : « Mon dieu est le vrai Dieu, ma religion est la vraie religion , et mon 'prophete est Mahomet. » Alors on lui amene une belle figure, qui n'est autre chose que ses bonnes actions, pour le di- vertir jusqu'au jour du jugement, oi\ il entre en paradis. Mais si le defunt est coupable, il tremble de peur et ne pent repondre juste. Les anges noirs le frappent aussitot avec une massue de feu et I'enfoncent si rudement dans la terre que tout le sang qu'il a pris de sa nourriee s'e- coule par le nez. La-dessus vient une figure tres- vilaine (ses mauvaises actions) qui le tourmente jusqu'au jour du jugement, ou il entre en enfer. G'est pour- delivrer le mort de ces anges noirs que les parents lui crient sans cesse : « N'ayez pas peur et repondez tovement. » lis font une autre distinction des bons et des meehanls , qui n'est pas moins absurde. Jls disent qu'au jour du jugement Mahomet viendra dans la vallee de Jo- saphat, pour voir si Jesus-Christ jugera bien les hommes ; qu'apres le jugement il prendra la forme d'un mouton blanc; que tons les Turcs se cacheront dans sa toison, changes en petite ver- mine, qu'il se secouera alors, et que tous ceux qui tomberont seront damnes, tandis que tous ceux qui resteront seront sauves, parce qu'il leg meneraen paradis. Des docteursmusulmans expo- sent encore autrement la chose : Au jugement dernier, Mahomet se trouvera a cole de Dieu, monte sur le Borak et convert d'un manteau fait des peaux de lous les chameaux qui aurontporte a la Meeque le present que chaque sultan y en- voie a son avenement a I'empire. Les ames des bienheureux nnisulmans se transformeront en puces, qui s'attacheront aux poils du manleau du prophete, et Mahomet les emportera dans son paradis avec une rapidite prodigieuse ; il ne sera plus question alors que de se bien tenir, car les ames qui s'echapperont, soit par la rapidite du vol , soit autrement , tomberont dans la mer, ou elles nageront eternellement. Parmi les juifs modernes, aussitot que le ma- lade est abandonne des medecins, on fait venir un rabbin, accompagne, pour le moins, de dix personnes. Le juif repare le mal qu'il a pu faire; MOR /i79 MOR puis il change de nom, pour que I'ange de la mort, qui doit le punir, ne le reconnaisse plus; ensuite il donne sa benediction a ses enfants, s'il ,en a, et regoit celle de son pere, s'il ne I'a pas I encore perdu. De ce moment on n'ose plus le laisser seul, de peur que I'ange de la mort, qui ^ est dans sa chambre, ne lui fasse quelque violence. Ce mechant esprit, disent-ils, avec I'epee qu'il a dans sa main , parait si effroyable que le malade en est tout epouvante. De cette epee , qu'il tient toujours nue sur lui, decoulent trois gouttes d'une liqueur funeste : la premiere qui tombe lui donne la mort, la seconde le rend pale et difforme, la derniere le corrompt et le fait devenir puant et infect. Aussitot que le malade expire, les assis- tants jettent par la fenetre toute I'eau qui se trouve dans la maison ; ils la croient empoison- iiee, parce que I'ange de la mort, apres avoir tue le malade, y a trempe son epee pour en oter le sang. Tous les voisins, dans la meme crainte, en font autant. Les juifs racontent que cet ange de la mort etait bien -plus mechant autrefois; mais que, par la force du grand nom de Dieu, des rabbins le lierent un jour et lui creverent I'oeil gauche; d'ou vient que, ne voyant plus si clair, il ne saurait plus faire tant de mal. Dans leurs ceremonies funebres, les juifs sont per- suades que, si on omettait une seule des observa- tions et des prieres prescrites , I'ame ne saurait elre portee par les anges jusqu'au lit de Dieu, pour s'y reposer eternellement; mais que, tris- tement obligee d'errer ga et la, elle serait ren- contree par des troupes de demons qui lui fe- raient souffrir mille peines. lis disent qu'avant d'entrer en paradis ou en enfer, I'arae revient pour la derniere fois dans le corps et le fait lever sur ses pieds; qu'alors I'ange de la mort s'ap- proche avec une chaine, dont la moitie est de fer et I'autre moitie de feu, et lui en donne trois coups : au premier, il disjoint tous les os et les fait tomber confusement a terre; au second, il les brise et les eparpille; et au dernier, il les re- duit en poudre. Les bons anges viennent ensuite et ensevelissent les cendres. Les juifs croient que ceux qui ne sont point enterres dans la terre promise ne pourront point ressusciter; mais que toute la grace que Dieu leur fera, ce sera de leur ouvrir de petites fentes au.travers desquelles ils verront le sejour des bienheureux. Cependant le rabbin Juda, pour consoler les vrais israelites, assure que les ames des justes enterrees loin du pays de Chanaan rouleront par de profondes ca- vernes, qui leur seront pratiquees sous terre, jusqu'a la montagne des Oliviers , d'oii elles entreront en paradis. En Bretagne, on croit que tous les morts ou- vrent la paupiere a minuit Et a Plouerden, pres Landernau, si I'oeil gauche d'un mort ne se ferme pas , un des plus proches parents est me- nace sous peu de cesser d'etre K On dit ailieurs que tout le monde voit les demons en mourant, etque la sainte Vierge fut seule exempte de cette vision. Le jour de la Commemoration des tre- passes, les Bretons ne balayenl pas leurs maisons pour ne pas troubler les morts, qui y reviennent ce jour-la en grandes troupes. Les Anneniens frottent les morts d'huile, parce qu'ils s'imaginent qu'ils doivent lutter corps a corps avec de mauvais genies. Chez les Chretiens schismatiques de I'archipel Grec, si le corps d'un mort n'est pas bien roide, c'est un signe que le diable y est entre , et on le met en pieces pour empecher ses fredaines. Les Tonquinois de la secte des lettres rendent un culte religieux a ceux qui sont morts de faim ; les premiers jours de chaque semaine , ils leurs presentent du riz cuit qu'ils ont ete mendier par la ville. Chez les anciens, celui qui rencontrait un ca- davre etait oblige de jeter sur lui, par trois fois, de la poussiere, sous peine d'immoler a Ceres la victime que Ton nommait porca prmcidanea; on regardait meme comme maudits ceux qui passaient deyant un cadavre sans lui rendre ce dernier devoir. Yoici sur les morts des anecdotes d'un autre genre. Mehemet Almedi, roi de Fez, prince am- bitieux , ruse , hypocrite , eut une longue guerre a soutenir centre des peuples voisins qui refu- saient de se soumettre a lui. II remporta sur eux quelques victoires ; mais ayant perdu une ba- taille, ou il avait expose ses troupes avec une fureur aveugle , elles refuserent de retourner a I'ennemi. Pour les ranimer, il employa un strata- geme. II offrit a un certain nombre de ses offi- ciers, ceux qui lui etaient le plus affectionnes, des recompenses considerables, s'ils voulaient se laisser enfermer quelques heures dans des tom- beaux, comme s'ils fussent morts a la bataille. — J'ai fait pratiquer a ces tombeaux, leur dit-il, des ouvertures par lesquelles vous pourrez respi- rer et vous faire entendre ; car je disposerai les esprits, et, quand I'armee passera, je vous inter- rogerai ; vous repondrez que vous avez trouve ce que je vous avals promis , c'est-a-dire une felicite entiere et parfaite , recompense de votre devouement, bonheur reserve a tous ceux qui combattront avec vaillance. Le tout s'executa comme I'avait propose Mehemet Almedi. 11 cacha parmi les morts ses plus fideles serviteurs, les couvrit de terre, leur laissant un petit soupirail pour respirer et se faire entendre. Ensuite il ren- tra au camp, et faisant assembler les principaux chefs au milieu de la nuit : — Vous etes, leur dit-il, les soldats de Dieu, les defenseurs de la loi et les protecteurs de la verite. Disposez-vous a exterminer nos ennemis, qui sont aussi ceux Cambry, Voyage dans le Finistere , t. II, p. 15. ' Cambry, Voyage dans leFinistere, t. II, p. 170. MOR — ^80 — MOU du Tres-HaiiL ; complez que vous ne retroiiverez jamais line occasion aussi certaine de liii plaire. Mais comme il poiirrait se troiiver parmi vous des cneurs pusilianimes qui ne s'en rapporteraient pas a ities parolss, je veux les convaincre par iin grand prodige. Allez an champ de bataille ; inler- rogez ceux de nos freres qui ont ete tues aujour- d'liui ; ils vous assureront qu'ils jouissent du plus parfait bonheur, pour avoir perdu la vie dans la guerre sainte. 11 conduisit alors ses guerriers sur le champ de bataille, oii il cria de toute sa force : — Assemblce des fideles martyrs, failes-nous sa- voir ce que vous avez vu des merveilles du Dieu Tres-Haut. Les comperes enfouis repondirent : — Nous avons regu du Tout-Puissant des recom- penses infinies et qui ne peuvent etre comprises par des vivants. Les chefs, surpris du prodige de cette reponse, coururent la publier dans I'ar- mee et reveillerent le courage dans le coeur de tons les soldats. Pendant que le camp s'agitait, le roi , feignant une extase occasionnee par le miracle qui venait d'avoir lieu , etait demeure pres des tombeaux oi^i ses serviteurs ensevelis attendaient leur delivrance. Mais il boucha les soupiraux par lesquels ils respiraient et les en- voya recueillir, par ce barbarc stratageme, les recompenses qu'il venait d'annoncer a leurs freres. Disons un mot ne la peur que tous les hommes ont pour les morts. Trois mauvais sujets de mu- siciens, au retour d'une parlie de debauche, pas- saient devant un cimetiere; ils y entrent; apres s'elre permis, pour s'encourager, de mauvaises plaisanteries sur les morls qui habitaient la, une idee folle leur vint. lis porlaient avec eux leurs instruments de musique. Ils Irouvent original de donner un concert a un tas d'ossements rassem- bles en faisceau dans I'une des extremites de ce champ du repos. Ils n'ont pas plutot commence leur affreuse serenade, qu'un cri part du fond de I'ossuaire ; tous les ossements qui le composent se meuvent, s'agitent, s'entrechoquentavec bruit, semblent se reunir et se ranimer pour punir les audacieux qui bravent ainsi I'empire de la mort. Les concertanls sont tellement effrayes que deux d'entre eux tombent morls a I'instant, et I'autre , a deini ecrase , reste longtemps sans connais- sance. En reprenant ses sens il demeura si vive- ment frappe qu'il se fit ermite. — Voici le secret de I'aventure. Un pauvre mendiant, qui n'avait pas d'asile, s'elait refugie derriere le monceau d'ossements, pour y passer la nuit; cette musique inattendue lui avait fait une telle frayeur, en le reveillant en sursaut, qu'il s'etait enfui et qu'en se sauvant il avail fait crouler la pyramide falale. Voij. Nkcromancie, Vampirf.s, Revf.nants, etc. Mortemart. Un seigneur de celle famille ce- lebre perdit sa femme qu'il cherissait. Tandis qu'il se livrait a son desespoir, le diable lui appa- rut et lui offrit de ranimer la defunte s'il voulait se donner a lui. Le mari, dit-on, y consentit; la femme revecul. Mais un jour qu'on prononqa de- vant elle le nom de Jesus, elle retomba morte, et ce fut lout de bon. Most-Mastite. Voij. Mariage. Motelu, demon que Ton trouve cite dans le proces inlenle a Denise de Lacaille. Motogon, le dieu createuren Australie. « Les Australiens disent que le Mologon, qu'ils croient un homme tres-fort, tres-grand, Ires-sage, de leur couleur et de leur pays, quand il crea le soleil , la terre, les arbres, le kangarou, etc., usa de celLe parole : « Terre, parais dehors! <> et il soufTla, et la terre fut creee. « Eau, parais de- hors! » il souffla, et I'eau fut crede. Ainsi de tous les aulres etres. C'est une tradition assurement de laformule de la Genese » Chez ces peuples, le demon se nomme Cienga. Mouche. Le diable apparait quelquefois en forme de mouche ou de papillon. On le vit sorlir sous celle forme de la bouche d'un demoniaque de Laon ^ Les demonomanes appellent Belze- bulh seigneur des mouches ; les habitants de Cey- lan appellent le diable Aclior, qui signifie'^n leur langue dieu des mouches ou chasse- mouches; ils lui offrent des sacrifices pour etre delivres de ces insecles , qui causent quelquefois dans leur pays des maladies contagieuses ; ils disent qu'elles meurenl aussitol qu'on a sacrifie a Achor M. Emeric David , a propos de Jupiter, dit que les ailes de mouches qui , dans quelques monu- ments, forrnenl (a ce qu'on pretend) la barbe de Jupiter, sont un hommage au feu generateur, les mouches elant produites par la canicule Voij. Granson, Myiagorus, etc. Moult (Thomas-Joseph), astrologue napoli- lain, inferieur a Matthieu Laensberg; il a laisse des predictions populaires. Mouni, esprils que reconnaissenl les Indiens, quoique aucun de leurs livres sacres n'en fasse mention; ils leur attribuent les qualites que les Europeens accordenl aux esprits follets. Ces es- prils n'ont point de corps, mais ils prennent la forme qui leur plait , ils rodent la nuit pour faire mal aux hommes, tachent de conduire les voya- geurs egares dans des precipices, des puits ou des rivieres, se transformanl en lumiere et ca- • Voyage en Australie, par le R. P. Salvado, tra- duit par M. Charles Auberive. 2 Leloyer, Histoire et discours des spectres. 3 Les Acliatiques etaient des fetes qui se cele- braient tous les trois ans en Thonneur d'Apollon. Elles avaient pris leur nom du promontoire d'Actium. Ces fetes consistaient en jeux et danses ; on y tuait un boeuf qu'on abandonnait aux mouches, dans la persuasion oii Ton elait que, rassasiees de son sang, elles s'envolaient et ne revenaient plus. Augusle, vainqueur de Marc-Antoine, renouvela les jeux Ac- liatiques; on ne les celebra d'abord qua Actium, et tous les trois ans; mais ce prince en transporta la celebration a Rome et en fixa le retour tous les cinq ans. MOU — /|81 - MUM chant le peril ou ils les entrainent. C'est pour se les rendre propices que les Indians elevent en leur honneur de grossieres statues colossales , auxquelles ils vont adresser des prieres. Mouton. Le diable s'est montre plusieurs fois sous la forme d'un moulon. Le sorcier AupeLit, qui ful condamne a elre brule vif, avoua qu'il s'elait presente a kii sous la figure d'un mouton plus noir que blanc, et qu'il lui avait dit que toutes les fois qu'il -verrait dans les nuages un mouton, ce serait le signal du sabbat'. Quand vous rencontrez dans un voyage des moutons qui viennent a vous, c'est un signe que vous serez bien regu ; s'ils fuient devant vous, ils presagent un triste accueil. Voij. Morts. Mouzouko , nom que les habitants du Mono- raotapa donnent au diable , qu'ils representent comme fort mediants II n'est bon nulle part. Mozart. Tout le monde salt les circonstances singulieres de la raort de ce celebre compositeur. Un inconnu vint lui deraander, a haut prix, une messe de Requiem pour un grand personnage qu'il ne voulut pas lui nommer. Le mystere dont, s'entourait cet inconnu, sa figure peut-etre, I'ira- possibilite de decouvrir qui il etait, troublerent i'esprit de Mozart. II Iraina assez longtemps le travail promis, se figurant que ce serait sa der- niere oeuvre. II mourut apres I'avoir termine. Salieri , son rival, qu'il ne connaissait pas, avoua , en mouranl a son tour, que c'etait lui qui avait joue le personnage de I'inconnu ; et il s'accusa ainsi de la mort de Mozart, dont il elait envieux. Mugeta d'Essen , sorciere lorraine qui fut condamnee au bucher. Avant d'y monter, elle declara que I'espriL impur defend a ses adherents de se laver le matin et qu'il a la proprele en hor- reur. En consequence, elle conseilla a son mari, s'il voulait faire reculer les demons, de se laver tous les matins les mains et la figure et de se re- commander a Dieu des son reveil ^ Muhazimim, uom que les Africains donnent a leurs possedes. Ils font des cercles, impriment des caracteres sur le front de ces muhazimim, et le diable qui les possede deloge aussitot*. 1 Delancre, Tableau de I'inconst. des demons, etc., p. 503. 2 Abrege des Voyages, par la Harpe. 3 Remi, Demonologie. * Bodin, Demonomanie , p. 396. Mulet. C'est sous cette forme que se montre le lutin Odet. Muller (Jean) , astronome et astrologue , plus connu sous le nom de Regiomontanus , ne en 1436, en Franconie, mort a Rome en l/i76. II parait qu'il prophetisait aussi, puisqu'on dit qu'il annonga la fin du monde en meme temps que Stoffler. Ces deux hommes firent tant de bruit que les esprits faibles crurent que le monde lini- rait infailliblement en 1588. On dit qu'il con- struisit deux automates merveilleux : 1° un aigle qui volait et qui alia au-devant de I'Empereur, lors de son entree a Ratisbonne ; 2° une mouche de fer, qui faisait le tour d'une table en bourdon- nant a I'oreille de chaque convive, et revenait se poser sur sa main. Ses contemporains voyaient dans ces deux o'bjets, dont on exagere la perfec- tion , des oeuvres de raagie. Mozart. Mullin, demon d'un ordre inferieur, premier valet de chambre de Belzebuth. II y a aussi dans quelques proces de sorciers un certain maitre Jean Mullin, qui est le lieutenant du grand maitre des sabbats. Mummol. En 578 , Fredegonde perdit un de I ses fils, qui mourut de la dyssenterie. On accusa 31 MUN — Zt82 MUN le. general Mummol, qu'elle haissait, de I'avoir fait perir par des charmes et des malefices. II avait eu I'imprudence de dire a quelques per- sonnes qu'il connaissait una herbe d'une eflica- citeabsolue centre la dyssenlerie*. 11 n'en fallut pas davantage pour qu'il fut soupgonne d'etre sorcier. La reine fit arreter plusieurs femmes de Paris, qui confesserent qu'elles etaient sorcieres, qu'elles avaient tue plusieurs personnes , que Munimol devait perir, et que le prince avait ele sacrilie pour sauver Mummol. De ces sorcieres, qui etaient coupablesde meurtres, les unes furent brulees , d'autres noyees ; quelques-unes expi- rerent sur la roue. Apres ces executions, Frede- gonde partit pour Compiegne et accusa Mummol aupres da roi*. Ce prince le fit venir ; on lui lia les mains derriere le dos ; on lui demanda quel malefice il avait employe pour tuer le prince ; il ne voulut rien avouer de ce qu'avaient depose les sorcieres ; mais il convint qu'il avait souvent charme des onguents et des breuvages, pour ga- gner la favour du roi et de la reine. Qi^iand il fut retire de la torture, il appela un sergent et lui commanda d'aller dire au roi qu'il n'avait eprouve aucun mal. Chilperic, entendant ce rapport, s'ecria : '< II faut vraiment qu'il soil sorcier pour n'avoir pas souffert de la question!... » En meme temps il fit reprendre Mummol ; on I'appliqua de Munccr (Thomas). nouveau a la torture ; mais quand on se preparait a lui trancher la tele , la reine lui fit grace de la vie, se contentant de prendre ses biens. On le plaga sur una charrette attelee pour le conduire a Bordeaux , ou il etait ne ; il ne devait point y mourir, tout son sang se perdit pendant la route, et il expira d'epuisement. On brula tout ce qui avait apparlenu au jeune prince, autant a cause des tristes souvenirs qui s'y attachaient, que pour aneantir tout ce qui portait avec soi I'idee du sor- tilege^. Muncer (Thomas), d'abord disciple de Luther, puis son rival. II se donna comme inspire de I'Es- prit-Saintpour renverser tons les trones et rendre tous les hommes egaux. 11 pratiquait la prophe- tie, racontait ses visions ; et il charma si bien les 1 C'est I'herbe que les paysans appellent I'herbe a cochon. 2 Gregoire de Tours, livre IV de VHistoire des Francs. Cite par M. Garinet , Histoire de la magie en France. masses qu'il rassembla une armee de quarante mille hommes. Comme il saccageait non-seule- ment les eglises et les objets sacres, mais les chateaux des princes, ceux-ci s'armerent contre lui. II marcha a la balaille en annongant que I'esprit qui I'inspirait lui assurait pleine victoire et qu'il recevrait dans sa manche tous les bou- lets qu'on allait lancer contre ses fideles. Mais il s'en tint si loin qu'il n'en put recevoir aucun. Cependant on lui tua sept mille hommes et on dispersa ses bandes. Lui-mome, pris a Mulhouse, monta sur I'echafaud en 1525 et alia rejoindre I'esprit qui le possedait. Munnings, vieille Anglaise qu'on amena aux juges, comme sorciere, en 1694. Un temoin jura que, sorlant du cabaret vers neuf heures du soir, et regardant chez elle par sa fenetre, il I'avait vue tirer de son panier deux pelits demons, I'un blanc et I'autre noir. La pauvre femme eut beau 1 Chilperic MUN protester que le demon blanc etait un fuseau de laine blanche qu'elle allait filer, et qne le demon noir n'en etait que I'ombre, elle n'en fut pas moins pendue. G'etait la justice laique. L'Eglise roraaine, qui n'envoyait les vrais sorciers ni a la potence ni au feu, el qui se contentait de les exer- ciser avec I'eau benite et la priere, n'a jamais vu ces barbaries qu'avec horreur. Munster. « Si Ton en croit le teraoignage de quelques contemporains , des signes precurseurs avaient annonce les calamites qui frapperent Munster (de 1531 a 1535 , sous la domination des anabaptistes). Des 1517, la veille des ides de janvier, on vit trois soleils a la fois, que pergaient d'outre en outre des glaives lumineux. Quelques jours apres, trois lunes; on ne dit pas qu'elles aient ete traitees aussi- cruellement que les so- leils. Mais les etoiles ne forent point epargnees. De petites epees qu'on apercevait ga et la dans les nues semblaient les poignarder : In nubibus sparsim gladioli, quasi stellas transjigentes . N'ou- blions point un bras qui ne tenait a rien , etendu vers le nord et arme d'un sabre nu, ni des eclipses de soleil et de lune , ni une comete, ni des feux errants pendant la nuit. Ajoutons a ces prodiges des enfantements monstrueux. En plein jour, un liomme celeste tra'versa les airs; il avait une couronne d'or sur la tete, un glaive dans une main, une verge dans I'autre. Mais qu'etait-ce, en comparaison d'un spectre hideux , vu pareil- lement en I'air, tenant dans ses mains decharnees des entrailles palpitantes, qu'il comprimait si reellement, que le sang en degoutta sur le toit de plusieurs maisons ? « L'auteur que je suis est trop sage pour ga- rantir ces tristes merveilles, et je me borne comme lui a les donner pour ce qu'elles valent. II en est une cependant qui merite plus d'atten- tion, parce que I'historien assure qu'il en fut te- moin, prwsente me, dit-il. La fille d'un lailleur, nomme Tomberg, agee de quinze a seize ans, timide et parlant difflcilement , fut tout a coup saisie d'un enthousiasme terrible, parla trois heures de suite avec une sorte de fureur, annon- gant a la ville les malheurs dont elle etait mena- cee. Sa prediction finie, elle tomba morte. Ce trait ressemble assez au juif du siege de Jerusa- lem*. » Voy. Ji;an de Leyde. Muraille du diable. C'est cette fameuse mu- raille qui separait autrefois I'Angleterre de I'E- cosse , et dont il subsiste encore diverses parties que le temps n'a pas trop alterees. La force du ciment et la durete des pierres t)nt persuade aux habitants des lieux voisins qu'elle a ete faite de la main du diable ; et les plus superstitieux ont grand soin d'en recueillir jusqu'aux moindres debris, qu'ils melent dans les fondements de 1 M. Baston , Jean Bockelson. Fragment historique tire d'un manuscrit contemporain de la prevote de Varlard. MUft leurs maisons , pour leur communiquer la meme solidite. Elle a et^ batie par I'empereur Adrien. Un jardinier ecossais , ouvrant la terre dans son jardin , trouva une pierre d'une grosseur consi- derable , sur laquelle on lisait , en caracteres du pays, qu'elle etait la pour la surete des murs du chateau et du jardin, et qu'elle y avait ete ap- portee de la grande muraille dont elle avait fait autrefois partie; mais qu'il serait aussi dange- reux de la remuer qu'il y aurait d'avantage a la laisser a sa place. Le seigneur de la maison, moins credule que ses ancetres , voulut la faire transporter dans un autre endroit, pour I'exposer a la vue, comrae un ancien monument. On entre- prit de Ici faire sortir de terre a force de ma- chines , et on en vint a bout, comme on I'aurait fait d'une pierre ordinaire. Elle demeura sur le bord du trou, pendant que la curiosite y fit des- cendre le jardinier, plusieurs domestiques , les deux fils du gentilhomme, qui s'amuserent quel- ques moments a creuser encore le fond. La pierre fatale, qu'on avait neglige apparemment de pla- cer dans un juste equilibre, prit ce temps pour retomber au fond da trou , et ecrasa tous ceux qui s'y trouvaient. Ce n'etait la que le prelude des malheurs que devait causer cette pierre. La jeune epouse de I'aine des deux freres apprit ce qui venait d'arriver. Elle courut au jardin ; elle y arriva dans le temps que les ouvriers s'empres- saient de lever la pierre, avec quelque esperance de trouver un reste de vie aux infortunes qu'elle couvrait. lis I'avaient levee a demi , et Ton s'a- pergut en effet qu'ils respiraient encore, lorsque I'imprudente epouse, perdant tout soin d'elle- meme, se jeta si rapidement sur le corps de son mari, que les ouvriers, saisis de son action, lacherent malheureuseraent les machines qui sou- tenaient la pierre et I'ensevelirent ainsi avec les autres. Get accident confirma plus que jamais la superstitieuse opinion des Ecossais : on ne man- qua pas de I'attribuer a quelque pouvoir etabli pour la conservation du mur d'Ecosse et de toutes les pierres qui en sent detachees. Murmur, grand-due et comte de I'empire infernal, demon de la musique. II parait sous la forme d'un soldat monte sur un vautour et ac- compagne d'une multitude de trompettes; sa tete est ceinte d'une couronne ducale; il marche pre- cede du bruit des clairons. II est de I'ordre des Anges et de celui des Trones Murzanti. Une jeune Italienne de Poncini etait possedee d'un esprit qui se donnait pour I'ame d'un homm.e appele Murzanti , lequel avait ete assassine dans une partie de jeu. L'esprit, inter- pell^, d^clara qu'il quitterait le corps de cette jeune fille lorsqu'on aurait fait dire des prieres et des messes pour le repos de son ame. On le fit, et la possedee fut guerie. 1 Wierus, in Pseudomonarchia dmmon. 31. MUS — m MYR Muschat. En Ecosse, presd'Edimbourget des rochers de Salisbury, on remarque une elevation appelee « la biUte de Muschat , » ainsi nommee parce que la meme un scelerat nomme Muschat coupa la gorge a sa femme. Les temoins indignes le lapiderent sur le lieu meme oii il venait de commettre son crime ; et la butte s'est formee, dit-on , de I'immense quantite de pierres amon- celees sur I'assassin et sa victime. Or, on pre- tend dans la con tree que Muschat et sa femme sont toujours la-dessous, que la femme a recousu son gosier et qu'ils se querellent encore. Musique celeste. Entre plusieurs decouvertes surprenantes que lit Pythagore, on admire sur- tout celte musique celeste que lui soul entendait. II trouvait les sept tons de la musique dans la distance qui est entre les planetes : de la terre a la lune, un ton; de la lune a Mercure, un demi- ton ; de Mercure a Venus, un demi-ton ; de Ve- nus au soleil, un ton et demi; du soleil a Mars, un ton ; de Mars a Jupiler , un demi-ton ; de Ju- piter a Saturne, un demi-ton , et de Saturne au zodiaque, un ton et demi. C'est a celte musique des corps celestes qu'est attachee rharmonie de toutes les parties qui composent I'univers. Nous autres , dit Leon I'Hebreu , nous ne pouvons en- tendre cette musique, parce que nous en sommes trop eloignes, ou bien parce que I'habitude con- tinueile de I'entendre fait que nous ne nous en apercevons point, comme ceux qui habitent pres de la mer ne s'apergoivent plusdu bruit des vagues, parce qu'ils y sont accoutumes. Muspelheim. Les Scandinaves nomment ainsi un monde lumineux , ardent , inhabitable aux etrangers. Surtur le Noir y tient son empire ; dans ses mains brille une epee flamboyante. II viendra a la fin du monde, vaincra tous les dieux et livrera I'univers aux flammes. Musucca , nom du diablfe chez quelques peu- ples de I'Afrique. lis en ont une tres-grande peur et le regardent comme I'ennemi du genre hu- main ; mais ils ne lui rendent aucun hommage. C'est le meme que Mouzouko. Mutisme. Souvent les possedes sont prives passagerement ou longtemps de I'usage de la pa- role; dans le cas surlout ou reside en eux I'es- prit qu'on appelle le demon muet. On exorcisa a Laon, en 1566, une femme par la bouche de la- quelle le demon parlait, tandis que la langue de la possedee etait retiree dans sa gorge. Mycale , magicienne qui faisait descendre la lune par la force de ses charmes. Elle fut mere de deux celeb res Lapithes, Broteas et Orion. Myagorus, genie imaginaire auquel on altri- buait la vertu de chasser les mouches pendant les sacrifices. Les Arcadiens avaient des jours d'assemblee , et commencaient par invoquer ce dieu et le prier de les preserver des mouches. Les Eleens encensaient avec Constance les autels de Myagorus, persuades qu'autrement des essaims de grosses mouches viendraient infester leur pays sur la fin de I'ete et semer la peste. Voy. Achor, Belzebuth. Mycale. Myoam , genie invoque par les basilidiens. Myomancie , divination par les rats ou les souris ; on tii'ait des presages malheureux ou de leur cri, ou de Icur voracite. Elien raconte que le cri aigu d'lme souris suffit a Fabius Maximus pour I'engager a se duaietlre de la dictalure; et, selon Varron , Cassius Flaminius , sur un pareil presage, quitta la charge de general de cavalerie. Plutarque dit qu'on augura mal de la derniere campagnede Marcellus, parce que des rats avaient ronge quelques dorures du temple de Jupiter. Un Romain vint un jour, fort effraye , cor.sulter Ga- lon , parce que les rats avaient ronge un de ses souliers. Caton lui repondit que c'eut ete un tout autre prodige si le Soulier avait ronge un rat. Myricaeus , surnom donne a Apollon , comme presidant a la divination par les tiges de bruyere, a laquelle on donnait I'epithete de prophetique. MYS — 485 — MYT On lui mettait alors a la main une tige de cette plante. Mysteres. Nonnus dit que chez les Remains ^il fallait passer par quatre-vingts epreuves diffe- rentes pour etre initie dans les mysteres de iMithras ou du Soleil. D'abord on faisait baigner lie candidal, puis on I'obligeait a se jeter dans le feu ; ensuile on le releguait dans un desert, ou il etait soumis a un jeune rigoureux de cinquante jours ; apres quoi on le fusLigeait durant deux jours; on le mettait vingt autres jours dans la neige. Ce n'etait qu'apres ces epreuves, sur I'observalion rigoureuse desquelles veillait un jpretre, et dans lesquelles le recipiendiaire suc- |combait souvent , qu'on etait admis aux mys- I teres. II y avait d'autces ceremonies tres-bizarres ,'aux mysteres d'Eleusis, de Trophonius, de la igrande deesse , etc. Mythologie. Contentons - nous de citer ici quelques fragments de Benjamin Binet dans son Traits des dieux et des dimons du paganisme : « Si Ton fixait la theologie paienne a ce que les poetes nous en debitent , et a ce que le vul- gaire a cru, il y aurait d'abord de quoi s'etonner en voyant comment I'homme, qui a conserve quelques lineaments de I'image de Dieu et qui en ' a une idee naturelle, s'est abandonne. a des su- perstitions si absurdes. Les paiens, qui n'avaient point d'autre guide que la meche fumante de leur raison, sont tombes dans une espece de delire en faisant autant de monstres de dieux qu'il y avait de creatures. II est juste, avantd'examinerlacroyance des philosophes, de vous decrire succinctement combien la croyance du vulgaire etait grossiere. » Leurs dieux les plus veneres, tels que les poetes nous les depeignent, etaient plus propres a faire rire qu'a exciter la devotion, lis en avaient de ronds, de carres, de triangulaires, d'informes, de boiteux, de borgnes, d'aveugles. Combien d'extravagances ne leur attribuait-on pas! Les poetes nous parlent d'une maniere bouffonne des amours d'un Anubis impudique et de la Lune; ils nous apprennent que Diane avait ete fouettee ; nous y lisons la precaution pieuse d'un Jupiter qui , etant sur le point de mourir , fit son testa- ment ; nous y voyons les dieux en guerre au siege de Troie , I'attentat des Titans centre Jupiter, la terreur qu'ils donnerent a tons les dieux, terreur qui leur fit quitter leur domicile et interrompre leurs fonctions pour aller se 'cacher en Egypte, et s'y metamorphoser en crocodiles et en oignons. lis nous depeignent la faim pressante des trois Hercules, les accents lugubres du Soleil deplorant le malheur de son fils foudroye par Jupiter, les soupirs d'une Cybele lascive qui se plaint de Tin- difference d'un berger insensible a i;es flammes. Hercule vidait du furaier. Apollon etait bouvier ; Neptune se loua aLaomedon pour batir les murs de Troie, et fut en cela d'autant plus malheureux qu'il n'en fut pas paye. Jupiter, le plus grand des dieux, prenait d'etranges formes ponr seduire et ravir les femmes : il se changeait tantot en pluie d'or, tantot en cygne, tantot en taureau. » Pour ce qui est des fonctions des dieux, Ar- nobe reproche aux paiens qu'ils en avaient dont les uns etaient drapiers , les autres matelots, menetriers, gardes du betail ; que I'un 6tait mu- sicien, I'autre servait de sage-femme, I'autre sa- vait I'art de deviner, I'un etait medecin, I'autre presidait a I'eloquence, I'un se melait des armes, I'autre etait forgeron. » Enfin, saint Augustin, parlant des charges que les paiens attribuaient a leurs dieux, conclut que « cela sent plutot la bouffonnerie de theatre que la majeste de Dieu {De Civit. Dei, lib. Ill, cap. v ».) « Mais afin de vous montrer combien la theo- logie des paiens etait grossiere , il faut vous en donner un petit abrege plus exact. Evhemerus de Messine, qui a recueilli Thistoire de Jupiter et des autres dieux avec leurs titres, leurs epitaphes et leurs inscriptions, trouvees dans les temples les plus anciens , et particulierement dans celui de Jupiter Triphilin, qui possedait une colonne ou Jupiter avait lui-meme grave ses actions; cet Evhemerus dit en substance que Saturne prit Ops pour femme ; que Titan, qui etait I'aine de ses enfants, voulut regner : mais que Vesta, leur mere, et Ceres et Ops, leurs soeurs, conseil- lerent a Saturne de ne point ceder I'empire. Ce que voyant , Titan , qui se sentait le plus faible , s'accorda avec Saturne, a condition que , s'il en- gendrait des enfants males, il ne les eleverait point, afin que I'empire revuit a ses enfants : ainsi ils tuerent le premier fils qui naquit a Sa- turne ; qu'ensuite naquirent Jupiter et Junon, dont ils ne montrerent que Junon , et donnerent Jupi- ter a Vesta pour le nourrir en cachette ; qu'apres vint Neptune, que Ton cacha aussi, et enfin Plu- ton et Glauca ; que Ton montra Glauca, qui mou- rut bientot apres, et que Pluton fut nourri, comme Jupiter, en cachette. Or, cela etant parvenu aux oreilles de titan, il assembla ses enfants , et mit Saturne et Ops au cachot. Mais Jupiter, etant devenu grand, combattit contre les Titans, les vainquit, et mit son pere et sa mere hors de pri- son. Cependant, ayant decouvert que son pere, qu'il avait retabU , 6tait jaloux de lui et attentait a sa vie, il s'empara de I'Etat et le relegua en Italie. {Lactant., lib. I, cap. xiv.) » Les paiens distinguaient leurs dieux en divers ordres; les uns etaient majores ou communes, comme Virgile les appelle {/Eneid., lib. xn), parce qu'ils etaient reconnus et servis pour tels par toutes les nations sujettes a I'empire remain. On les nommait auSsi wviterni. Ces grands dieux composaient une espece de cour souveraine et etaient au noml^re de douze , compris en ces deux vers d'Ennius : Juno , Vesta , Minerva , Ceres , Diana , Venus , Mars , Mercurius, Jupiter, Neptunus, Vulcanus, Apollo. NAB — 486 — NAC )) Les autres dieux passaient pour des divinites moyennes, celestes, terrestres, aquatiques et infernales, auxquelles on confiait le gouverne- ment de certaines parties de I'linivers. II y en avail d'autres que Tonne reconnaissait que pour des dieux nouveaux qui avaient ete ou engendres des homines et des dieux , ou deifies par I'apo- theose, a cause des bienfaits que Ton en avait regus. Ces dieux s'appelaient indigetes, semidei. Tels etaient Hercule, Castor, Pollux, Esculape, et tous ceux que leurs merites avaient eleves au ciel. Sur quoi Ciceron dit agreablement que le del est penpU du genre humain. 11 y en avait en- core d'autres que Ton ne considerait que comme des dieux ou barbares et etrangers , ou incer- tains-et inconnus, que Ton invoquait d'une ma- niere douteuse , si tu es dieu , si tu es d^esse , ou en general, sans les nommer, comme fait le bouffon comique de Plaule : Fassetit, dit-il, tous les dieux grands ou petits, et les dieux des pots (Plant., Cist., act. ii),etc. Ge sont ces divinites qu'Ovideappelle la populace desdieux,\es Faunes, les Satyres, les Lares, les Nymphes. » De tous ces dieux, il y en avait de bons et de mauvais , auxquels on sacrifiait afin qu'ils ne Assent point de mal (Aul. Gell., lib. v). Ces divinites hautes, moyennes et basses, n'etaienl pas toutes egalement venerees: on rendait a celles du premier ordre un culte supreme et uni-' versel , a celles du second un service subalterne. Que I'on adore , dit Ciceron , les dieux et ceux qui ont toujour s etS es times celestes, et ceux que leurs merites ont deves au ciel {De leg. , lib. u). Mais pour les dieux inferieurs , etrangers , incer- tains et particuliers, on ne leur deferait qu'un honneur arbitraire , ou proportionne a leur faible pouvoir, qui ne s'etendait que sur certaines par- lies du monde , dont on leur avail donne le gou- vernement. » Je ne dirai rien de celle multitude de divi- nites pa'iennes dont le nom seul est ridicule : tels etaient les dieux Vagitonus, Robigus, Picus, Tiherinus, Pilumnus, Consus ; telles etaient les deesses Cloacina, Educa, Potina, Volupia , Febris, Fessonia, Flora , etc. Je ne vous en rap- porterai point mille hisloires absurdes pour vous prouver que ce que Ton contait des dieux ne venail que des fictions des poetes, que le peu- ple, nalurellement superstitieux, avait adoptees comme conforlnes a ses prejuges. » N Nabam, demon que Ton conjure le samedi. Voy. Conjurations. Nab6rus, appele aussi N^biros, marquis du sombre empire , marechal de camp et inspec- teur general des armees. 11 se monlre sous la figure d'un corbeau; sa voix est rauque; il donne I'eloquence , famabilile et enseigne les arts liberaux. II fait Irouver la main de gloire ; il indique les qualites des melaux, des vdgelaux et de tous les animaux purs et impurs; I'un des chefs des necromanciens, il predit I'avenir. II commande a dix-neuf legions ^ "Nabuchodonosor, roi de Babylone, crut pou- voir exiger des peuples le culle et les hom- mages qui ne sont dus qu'a Dieu, et il fut pendant sept ans change en boeuf, Les paradisles croient faire une grande plaisanlerie en annon- Qant qu'on verra chez eux I'ongle de Nabuchodo- nosor ^ parmi d'autres bagatelles; mais I'ongle de Nabuchodonosor est dans le cabinet de curio- sites du roi de Danemark.... « Entre les Peres de I'Eglise, les uns, ditChe- ' Wierus, in Pseudomonarchia doernonuni. 2 Et plus exactement Nebuchadnetzar, nom qui signifie Nebo le dieu prince, et Nebo serait le nom chald^en de la planete de Mercure (M. Eugene Bore, De la Chaldee et des Chaldeens }. vreau , ont cru certaine la reprobation de Nebu- chadnetzar, les autres n'ont doute nuUement de son salut. On a fait encore des questions assez inutiles sur le texte de Daniel, oia il est dit que « Nabuchodonosor fut banni sept ans de la com- pagnie des homnies; qu'il demeurait avec les betes des champs ; qu'il mangeait I'herbe comme les boeufs; que son poil devint long comme les plumes des aigles , et ses ongles comme ceux des oiseaux. » Saint Cyrille de Jerusalem , Cedrenus et d'autres ont ele persuades qu'il avait ete change en bceuf; et notre Bodin y auraitsous- crit, lui qui a cru a la lycanthropie. Je ne pous- serai point cette question , et je me contente de dire ici, apres beaucoup d'autres, qu'il perdit I'usage de la raison ; qu'il fut tellement change par les injures de I'air, par la longueur de son poil et de ses ongles , et par sa manifere de vivre avec les betes, qu'il s'imagina qu'il en etait une, Tertullien dit qu'en cet etat il fut frenetique; saint Thomas, qu'il eut I'imagination blessee; et les paroles de saint Jerome sont remarquables : Quando autem dixit sensuni sibi redditurn , osten- dit non formam se amisisse , sed mentem ' . » Nachtmaneken, ou petit homme de nuit, nom que les Flamands donnent aux incubes. 1 Chevrceana, t. I, p* 249. NAG — 487 — NAI Nachtvrouwtje, ou petite femme de nuit, nom que les Flamands donnent aux succubes. Nagates, astrologues de Ceylan. Des voya- geurs credules vantent beaucoup le savoir de ces devins, qui, disent-ils, font souvent des predic- tions que I'evenement accomplit. lis decident du sort des enfants. S'ils declarent qu'un astre malin a pr-eside a leur naissance , les peres , en qui la superstition etouffe la nature , leur otent une vie qui doit etre raalheureuse. Cependant, si I'en- fant qui voit le jour sous I'aspect d'une planete contraire est un premier-ne , le pere le garde , en d^pit des predictions; ce qui prouve que I'as- trologie n'est qu'uri pretexte dont les peres trop charges d'enfants se servent pour en debarrasser leur maison. Ces nagates se vantent encore de predire , par I'inspection des astres , si un ma- i^iage sera heureux, si une maladie est mor- telle , etc. Naglefare, vaisseau fatal chez les Celtes. II est fait des ongles des hommes morts; il ne doit etre acheve qu'a la fin du monde , et son appa- rition fera trembler les hommes et les dieux. C'est sur ce vaisseau que I'armee des mauvais genies doit arriver d'Orient. Nagual. C'est le nom que donnent les Mexi- cains a leur esprit familier. Chaque nouveau-ne a le sien. Les peuplades ont le leur collectif. Le nagual de chaque nouveau-ne est vivant sous la forme d'un animal, d'un poisson , d'unoiseau, qui est signale le jour de sa naissance par son horoscope. C'est un tigre, un chat, un perro- quet, un insecte. Dans le culte du Mexique, avant la conquete, on offrait souvent du sang aux dieux et aussi aux esprits familiers; on tirait a I'enfant qui venait de naitre une goutte de sang sous I'oreille ou sous la langue pour I'offrir avant tout a Chalchinhlicue , la deesse des eaux et la protectrice des enfants. L'ara, gros perroquet, recevait un culte pro- vincial dans quelques lieux du Mexique. II avait ses pretres, qui lui presentaient goutte par goutte leur propre sang en se tatouant de pi- qures, et ce culte subsistait encore dans des ca^ vernes il n'y a pas longtemps Naguille (Catherine) , petite sorciere &gee de onze ans , qui f ut accusee d'aller au sabbat en plein midi ^. Naguille (Marie), jeune sorciere, soeur de la precedente. Arretee a seize ans , elle avoua que sa mere I'avait conduite au sabbat. Lorsqu'elles devaient y aller ensemble , le diable venait ou- vrir la fenetre de leur chambre et les attendait a la porta. La mere tirait un pen de graisse d'un pot, s'en oignait la tete, excepte la figure, pre- nait sa fille sous le bras , et elles s'en allaient en I'air au sabbat. Pour revenir a la maison, le (liable leur servait de porteur. Elle avoua encore que le sabbat se tenait a Pagole, pres d'un petit bois Nahama, soeur de Tubalcain. On lit dans le Talmud que c'est une des quatre raferes des diables. Elle est devenue elle-meme, selon les deraonomanes , un demon succube. Nain-Laurin ou I'Elf-roi. C'est le roi des petils elfs , des kobolds et d'autres esprits nains. 1 Voyez sur ces fails de curieux details dans I'in- teressant voyage de M. I'abbdBrasseur de Bourbourg, sur I'isthme de Tehuantepec, I'Etat de Chiapos et la republique de Guatemala. 2 Delancre, Tableau de I'inconst. des demons, etc., liv. 11, p. 66. 3 Delancre, Tableau de I'inconst. des demons, etc., liv. II, p. 418. NAI — Zi88 — NAP II joue un grand role dans le poeme de Nibe- lungs. Nains. Presque tous les esprits de I'espece des fees sont nains en Irlande. Aiix noces d'un certain roi de Baviere, on vit un nain si petit qu'on I'enferma dans un pate, arme d'line lance et d'une epee. II en sortit au milieu du repas , sauta sur la table , la lance en arret, et excita radmiralion de toutle monde*. La fable dit que les pygmees n'avaient pas deux pieds de haut et qu'ils etaient toujours en guerre avec les grues. Les Grecs, qui reconnais- saient des geants, pour faire le contraste parfait, imaginerent ces petitshonimes, qu'ils appelerent pygmees. L'idee leur en vint peiit-etre de cer- tains peuples d'Ethiopie, appeles Pechinics , qui etaient d'une petite laille. Et comme les grues se retiraient tous les hivers dans leur pays, ils s'assemblaient pour leur faire peur et les empe- cher de s'arreter dans leurs champs : voila le combat des pygmees contre les grues. Swift fait trouver a son Gulliver des hommes hauls d'un demi-pied dans I'ile de Lilliput. Avant lui, Cyrano de Bergerac, dans son Voyage au * Johnston , Thaumatographia naturalis. soleil, avail vu de pelits nains /)a* plus hauls que \ le police. Les Celtes pensaient que les nains etaient des especes de creatures formees du corps du geant Ime, c'est-a-dire de la poudre de la terre. Ils n'etaient d'abord que des vers; mais, parl'ordre des dieux , ils participerent a la raison el a la figure humaines, habitant toujours cependanl entre la terre et les rochers. « On a decouvert sur les bords de la riviere Merrimak , a vingl milles de I'ile Saint-Louis, dans les Etats-Unis, des tombeaux en pierre, construits avec une sorte d'art et ranges en ordre symetrique , mais dont aucun n'avait plus de quaLre pieds de long. Les squelettes humains n'excedent pas trois pieds en longueur. Cependanl les dents proa- vent que c'etaient des individus d'un age mur. Les cranes sont hors de proportion avec le reste du corps. Voila done les pygmees retrouves*. » Voy. Pygmi^e. Laissons passer une anecdote de nain. On montre dans le chateau d'Umbres, a une lieue d'lnspruck, le tombeau d'Haymon, geant ne dans le Tyrol au quinzieme siecle. II avail seize pieds de haut et assez de force, dit-on, pour porter un boeuf d'une main. A cote du sque- iette d'Haymon est celui d'un nain qui fut cause de sa morl. Ce nain ayanl delie le cordon du Sou- lier du geant, celui-ci se baissa pour le renouer; le nain profita de ce moment pour lui donner un souillet. Cetle scene se passa devant I'archiduc Ferdinand et sa cour ; on en rit : ce qui fit lant de peine au geant que pen de jours apres il en mourul de chagrin. C'etait un luxe, autrefois, d'avoir a la cour des nains on des fous. Nairancie. Espece de divination usitee parmi les Arabes et fondee sur plusieurs phenomenes du soleil et de la lune. Nakaronkir, esprit que Mahomet envoie dans leur sommeil aux musulmans coupables, pour les pousser au repentir. Nambroth, demon que Ton conjure le mardi. Voy. Conjurations. Nan, mouches assez communes en Laponie. Les Lapons les regardent comme des esprits et les portent avec eux dans des sacs de cuir, bien persuades que par ce moyen ils seront preserves de toute espece de maladies. Napier (Barbara). Voy. Jacques I". Napoleon P', empereur des Frangais. On a pretendu qu'il avail un genie familier, comme Socrate el lous les grands hommes dont les ac- tions ont excite I'admiration de leurs contempo- rains. On I'a fait visiter par un petit homme rouge, espece de genie mysterieux. Des esprits hostiles onl vu aussi dans Napoleon un des pre- curseurs de FAntechrist; ce qui est absurde. 1 Journal des Debats du 23 janvier 1819. NAR 489 NAU Narac, enfer des Indiens; on y sera tour- inente par des serpents. Nastrande ou Nastrund, partie de I'enfer des Scandinaves. La sera un batiment vasle et infame; la porte, touriiee vers le nord, ne sera construite que de cadavres ef de serpents , dont toutes les tetes, tendues a I'interieur, voiniront des flots de venin. 11 s'en forinera un fleuve em- poisonne, dans les ondes rapides duquel flotte- ront les parjures, les assassins et les adulteres. Dans une autre region , la condition des damnes sera pire encore ; car un loup devorant y dechi- rera sans cesse les corps qui y seront envoyes. Nathan de Gaza , juif visionnaire qui se pre- senta en precurseur du faux messie Sabathai- Zevi. Napol(5oii I'^', cmpereur di Natona (Berthe), Genoise qui fut possedee en 1217 de trois demons. lis I'enlevaient en I'air a huit ou neuf pieds. Elle fut delivree devant les reliques de saint Ubald, dont ses exorcistes im- ploraient I'intercession. Naturel et Surnaturel. Ce qui a fourvoye beaucoup d'esprits qui se sont crus forts parce qu'ils etaient faibles et qu'ils ne s'en doutaient pas , c'est qu'ils ont confondu ces deux essences : le naturel et le surnaturel. Ainsi Balthasar Bec- ker, dans son Monde enchanle, veut aneantir les demons, parce que sa laideur faisait dire qu'il etait I'un d'eux. II voulait s'escrimer sur la chute de I'homme or, il s'insurgea centre ces paroles de Moise : & Le serpent dit a la femme. » Est-ce que le serpent a les organes qu'il faut pour parler? IS I'rancais. — Paye 488. se demanda-t-il. Et si on lui objecte que le diablo a pris la figure du serpent, il repond qu'un es- prit n'a pas non plus les organes qui parlent. II en tire done cette conclusion : « Cela ne se peut naturellement; done cela n'est pas. » Mais Ben- jamin Binet lui a replique : « Ce que vous repon- dez, c'est ne rien dire, puisqu'il s'agit la d'un fait surnaturel. » Les naturalistes, les rationalistes, les realistes (car nous avons ces sectes autour de nous) rai- sonnent comme Becker ; et ainsi ils deraisonnent. Naude (Gabriel) , I'un des savants distingues de son temps, ne a Paris en 1600. II fut d'abord bibliothecaire du cardinal Mazarin, ensuite de la reine Christine, et mourut a Abbeville en 1653. II a laisse une Instruction a la France sur la vi- NAU — /j90 — rile de I'histoire des frcres de la Rose-Croix , 1623, m-k" et in-S"; rare. Naude y prouve que les pre- tendus freres de la Rose-Croix n'etaient que des fourbes qui cherchaient a trouver des dupes, en se vantant d'enseigner I'arL de faire de Tor, et d'autres secrets non inoins merveilleux. Ce cu- rieux opuscule est ordinairement reuni a una autre brochure intitulee Avertissement au sujet des freres de la Rose-Croix. On a encore de lui : Apologie pour les grands hommes faussement soup- connis de magic, 1625, in-S". Get ouvrage, peut- etre un peu trop systeinatique , a eu plusieurs editions. II y prend la defense des sages, anciens et modernes, accuses d'avoir eu des genies fami- liers, tels que Socrate, Aristote, Plotin, etc., ou d'avoir acquis par la magie des connaissances au-dessus du vulgaire. Naurause (Pierres de). Voy. Fin du monde. Navius (Accius). Ce Navius, etant jeune, dit Ciceron, fut reduit par la pauvrete a garder les pourceaux. En ayant perdu un, il fit voeu que, s'il le retrouvait, il offrirait aux dieux la plus belle grappe de raisin qu'il y aurait dans I'annee. Lorsqu'il eut retrouve son pourceau, il se tourna vers le midi , s'arreta au milieu d'une vigne , par- tagea I'horizon en quatre parties ; et apres avoir eu dans les trois premieres des presages con- traires, il trouva une grappe de raisin d'une admirable grosseur. Ce fut le recit de cette aven- ture qui donna a Tarquin la curiosity de mettre a I'epreuve son talent de divination. I! coupa un jour un caillou avec un rasoir, pour prouver qu'il devinait bien. Naylor (James), imposteur du seizieme siecle, ne dans le diocese d'York, en Angleterre. Apres avoir servi quelque temps en qualite de marechal des lugis dans le regiment du colonel Lambert, iJ se retira parmi les trembleurs et s'acquit tant de reputation par ses discours, qu'on le regardait comma un saint homma. Voulant profiter de la bonne opinion qu'on avait de lui et se donner en quelque sorte pour un dieu, il resolut, en 1656, d'entrer dans Bristol en plein jour, monte sur un cheval dont un homme et une femme tenaient les renes, suivi de quelques autres qui chantaient tous : Saint, saint, saint, le Dieu de sabaoth *. Les magistrals I'arreterent et I'en- NEC voyerent au parlement, ou, son proces ayant ete instruit, il fut condamne, la 25 janvier 1657, comme blasphemateur et seducteur du peuple, a avoir la langue percee avec un fer chaud et le front marque de la lettre B (blasphemateur) , a etra ensuite reconduit a Bristol , ou il rentrerait a cheval , ayant la visage tourne vers la queue : ce qui fut execute a la lettre, quoique ce fou miserable eut desire paraitre sur un ane. Naylor fut ensuite enferme pour le reste de ses jours ; mais on I'elargit un peu plus tard , et il ne cessa 1 Nous traduisons le Dieu des armees; mais Deus sabaoth veut dire le Dieu des phalanges celestes. de precher ceux de sa secle jusqu'a sa mort. Naxac, sejour de peines oii les habitants du Pegu font arriver les ames apres plusieurs trans- migrations. Nebiros. Voy. Naberus. Necato , sorciere d'Andaye qui allait au sabbat avec d'autres, quoique emprisonnee; ce qui eta- blit que, comme plusieurs de ces malheureuses, ella n'y allait qu'en esprit. Delancre depeint cette sorciere comme un monstre de laideur. Elle avait une barbe de salyre, des yeux de chat sauvage, une voix rauque. Son regard affrayait meme ses compagnes. Necromancie, art d'evoquer les morts ou de deviner les choses futures par I'inspection des cadavres. Voy. Anthhopomancie , Eiuchtho, etc. II y avait a Seville , a Tolede et a Salamanque des ecoles publiques de necromancie dans de profondes cavernes, dont la grande Isabelle fit murer les entrees. Pour prevenir les superstitions de revocation des manes et de tout ce qui a pris le nom de necromancie, Moise avait fait de sages defenses aux Juifs. Isaie condamne egalement ceux qui demandent aux morts ce qui interesse les vivants et ceux qui dorment sur les tombeaux pour avoir des reves. C'est meme pour obvier aux abus de la necromancie repandue en Orient que Chez le peuple Israelite celui qui avait tou- che un mort etait impur. Cette divination etait en usage chez les Grecs et surtout chez les Thes- saliens; ils arrosaient de sang cliaud un cadavre , et ils pretendaient ensuite en recevoir des re- ponses certaines sur I'avenir. Ceux qui consul- taient le mort devaient auparavant avoir fait les expiations prescrites par le magicien qui presi- dait a cette ceremonie, et surtout avoir apaise par quelques sacrifices les manes du defunt : sans ces preparalifs, le defunt demeurait sourd a toutes les questions. Les Syriens se servaient aussi de cette divination, et voici comment ils s'y prenaient : lis tuaient de jeunes enfants en leur tordant le cou, leur coupaient la tete, qu'ils salaient et embauniaient, puis gravaient sur une lame ou sur une plaque d'or le nom de I'esprit malin pour lequel ils avaient fait ce sacrifice ; ils plagaient la tele sur cette plaque, I'entouraient de cierges, adoraient cette sorte d'idole et en tiraient des reponses^ Voy. Magie. Les rois idolatres d'Israel et de Juda se livre- rent a 'la necromancie. Saiil y eut recours lors- qu'il voulut consulter I'ombre de Samuel. L'Eglise a toujours condamne ces abominations. Lorsque Constantin , devenu Chretien , permit encore aux paiens de consulter leurs augures, pourvu que ce fut au grand jour, il na lolera ni la magie noire ni la necromancie. Julien se livrait a cette pratique execrable. II restait, au moyen age, quelques traces ' Leloyer. Histoire des spectres ou apparitions des esprits, liv. V, p. 544. NEF - Lm — de la necromancie dans I'epreuve du cercueil. Neffesoliens , secte de mahometans qui pre- tendent etre nes du Saint-Esprit , c'est-a-dire sans operation d'iiomme : ce qui les fait tene- ment venerer qu'on ne s'approche d'eux qu'avec reserve. On pretend qu'un malade guerit pour peu qu'il puisse toucher un de leurs cheveux. Mais Delancre dit que ces saints homines sont au contraire des enfants du diable, qui tachent de lui faire des proselytes* ; et c'est le plus pro- bable. Nega. « Tu as fait un voeu a sainte Nega. » Expression des bandits corses. Cette sainte n'est pas dans le calendrier ; mais , chez ces bandits , 1 se vouer a sainte Nega , c'est nier tout de parti pris^. N6gation. La preiniere negation a ^te faite par Satan, qui a donne un insolent dementi a ' Dieu ineme. La plus affreuse negation dans ce monde est celle des insenses qui nient Dieu. La mort les eclairera malheureusement trop tard. Negres. II est demontre que les negres ne sont pas d'une race differente des blancs , comme ■ I'ont voulu dire quelques songe-creux; qu'ils ne sont pas non plus la posterite de Cain, laquelle a peri dans le deluge. Les hommes, cuivres en Asie, sont devenus noirs en Afrique et blancs dans le Septentrion ; et tous descendent d'un seul couple. Les erreurs, plus ou moins inno- centes, des philosophes a ce sujet ne sont plus admises que par les ignorants. Les sorciers ap- pelaient quelquefois le diable le grand negre. Un jurisconsulte dont on n'a conserve ni le nom ni le pays, ayant envie de voir le diable, se fit con- duire par un magicien dans un carrefour peu fre- quente, ou les demons avaient.coutume de se reunir. II apergut un grand negre sur un trone eleve, entoure de plusieurs soldats noirs amies de lances et de batons. Le grand negre, qui etait le diable, demanda au magicien qui il lui arae- nait. — Seigneur, repondit le magicien, c'est un serviteur fidele. — Si tu veux me servir et m'ado- rer, dit le diable au jurisconsulte, je te ferai as- seoir a ma droite. Mais le proselyte, irouvant la cour infernale plus triste qu'il ne I'avait espere , fit le signe de la croix, et les demons s'eva- nouirent^ Les negres font le diable blanc. Nekir. Voy. Monkir. Nembroth , un des esprits que les .magiciens consultent. Le mardi lui est consacre et on I'e voque ce jour-la : il faut, pour le renvoyer, lui jeter une pierre ; ce qui est facile. Nemrod, roi d'Assyrie. Ayant fait batir la tour 1 Delancre, Tableau de I'inconst. des demons, etc., liv. Ill , p. 231 . ^ P. Merimee, Colomba. 3 Legenda aurea Jacobi de Voragine, leg. lxiv. Voyez sur les negres les Legendes de I'Ancien Tes- tament, Pi 84i de Babel, et voyant, disent les auteurs arabes, que cette tour, a quelque hauteur qu'il I'eut fait elever, etait encore loin d'atteindre au ciel, il imagina de s'y faire transporter dans un panier par quatre enormes vautours. Les oiseaux I'em- porterent en effet lui et son panier, mais si haut et si loin que depuis on n'entendit plus parler de lui. Nenufar, plante aquatique froide, dont voici un effet : Un couvreur travaillait en ete sur une maison, a I'une des fenetres de laquelle le maitre uvait un flacon d'eau de fleurs de nenufar a puri- fier au soleil. Le couvreur, etant echauffe et altere, prit le flacon et but de cette eau ; il s'en retourna chez lui avec les sens glaces. Au bout de quel- ques jours, surpris de son refroidissement, il se crut ensorcele. II se plaint du maleflce qu'on lui a fait. Le maitre de la maison examine son flacon et le trouve vide. II reconnait aussitot d'ou vient le malefice , console le couvreur en lui faisant boire du vin de gingembre conflt et toutes choses propres a le rechauffer. II le retablit enfin et fit cesser ses plaintes*. Nephelim, nom qui signifie egalement geants ou brigands. Aussi est-ce celui que I'Ecriture donne aux enfants nes du commerce des anges avec les fiUes des hommes. Selon I'auteur du livre d'Enoch, les nephelim etaient fils des geants. Nequam , pretendu prince des magiciens , a qui les chroniques mayengaises attribuent la fon- dation de Mayence. Ner ou Nere. C'est le nom que Ton donne en Perse aux genies males de la race des Dives. lis sont tres-mechants. Les plus renommes de ces dives pour leur ferocite sont Demrousch-Nere , Sehelan-Nere , Mordach-Nere, Cahamerage-Nere. lis ont fait la guerre aux premiers monarques de rOrient (dans les temps fabuleux). Tahmuras les a vaincus et enchaines dans des cavernes bien closes^. Nergal, demon du second ordre, chef de la police du tenebreux empire, premier espion de Belzebuth, sous la surveillance du grand justi- cier Lucifer. Ainsi le disent les demonomanes. Toutefois Nergal ou Nergel fut une idole des Assyriens ; il parait que dans cette idole ils ado- raient le feu. Neron, empereur remain, dont le nom odieux est devenu la plus cruelle injure pour les mau- vais princes. II portait avec lui une petite statue ou mandragore qui lui predisait I'avenir. On rap- porte qu'en ordonnant aux magiciens de quitter I'ltalie , il comprit sous le nom de magiciens les philosophes , parce que , disait-il , la philosophie favorisait I'art magique. Cependant il est cer- tain, disent les demonomanes, qu'il evoqua lui- meme les manes de sa mere Agrippine ^ 1 Saint- Andre, Lettres sur la magie. 2 D'Herbelot, Bibliotheque orientale , art. Div. 3 Suetone, Vie de NerOn, ch. xxiv. NET — 4 Netla. Voij. OrtTiE. Netos, genies malfaisants aux Moluques. lis onl pour chef Lanthila. Neuf. Ce nombre est sacre chez differents peiiples. Les Chinois se prosLernent neiif fois devant leur empereur. En Afrique, on a vu des princes, superieurs aux autres en puissance, exi- ger des rois leurs vassaux de baiser neuf fois la poussiere avant de leur parler. Pallas observe que les Mogols regardent aussi ce nombre comme tres-auguste , et I'Europe n'est pas exempte de cette idee. Neuhaus (Femme blanche de). Voij. Femmi'S BLANCHES. Neures ou Neuriens, peuples de la Sannatie europeenne qui pretendaient avoir le pouvoir de se meiainorphoser en loups une fois tons les ans," et de reprendre ensuite leur premiere forme. New-Haven. La barque de la fee de New- Haven apparait, dil-on, sur les mers avant les naufrages au nouveau monde. Cette tradition prend sa source dans une de ces apparitions merveilleuses et inexplicables qu'on suppose etre occasionnees par la refraction de I'atmo- sphere, cumme le palais de la fee Morgane, qui brillc au-dessus des eaux dans la bale de Mcssine. Niais est un adjectif qui vient de nier ; et ceux qui nient n'en doivent pas etre bien fiers. Nibrianes. Les nibrianes sont les fees des Napolitains. II y en a une attachee a chaque mai- son; et ceux qui I'occupent offensent la n^briane s'ils se plaignent de lour logis. C'est la sans doute une invention de proprietaires. Nickar ou Nick. D'apres la mythologie scan- dinave , source principale de toutes les croyances populaires de I'AUemagne et de I'Anglelerre , Odin prend le nom de Nickar ou Hnickar lors- qu'il agit comme principe destructeur ou mau- vais genie. Sous ce nom et sous la forme de Mpic, cheval-diable d'Ecosse, il habite les lacs 32 — NIF I et les rivieres de la Scandinavie , ou il souleve j des lempetes et des ouragans. II y a dans I'ile de Rugen un lac sombre dont les eaux sont troubles et les rives couvertes de bois epais. C'est ! la qu'il aime a tourmenter les pecheurs en faisant chavirer leurs bateaux et en les langant quelque- fois jusqu'au sommet des plus hauls sapins. Du Nickar scandinave sont provenus les hommes d'eau et les femmes d'eau, les nixes des Teutons. II n'en est pas de plus celebres que les nymphes de I'Elbe et de la Gaal. Avant I'etablissement du Christianisme, les Saxons qui habitaient le voisi- nage de ces deux Ileuves adoraient une divinite du sexe feminin, dont le temple etait dans la ville de Magdebourg ou Megdeburch (ville de la jeune fille) , et qui inspira toujours depuis une certaine crainte comme la naiade de I'Elbe. Elle apparaissait a Magdebourg, ou elle avait cou- lume d'aller au marche avec un panier sous le bras : elle etait pleine de grace, propre, et au premier abord on I'aurait prise pour la fille d'un bon bourgeois ; mais les malins la reconnais- saient a un petit coin de son tablief, toujours humide, en souvenir de son origine aquatique*. Chez les Anglais, les matelots appellent le diable le vieiix Nick. Nicksa. Voy. Nixas. Nicolai. Voy. Hallucination. Nid , degre superieur de magie que les Islan- dais comparaient a leur seidur ou magie noire. Cette espece de magie consistait a chanter un charme de maledictions contre un ennemi. Nider (Jean), savant dominicain mort en IWO. Son Formkarium contient sur les posses- sions des faits curieux. Niflheim (Abime), nom d'un double enfer chez les Scandinaves. lis le plagaient dans le neuvieme monde ; suivant eux , la formation en avait precede de quelques hivers celle de la terre. Au milieu de cet enfer, dit I'Edda, il y a une fontaine nommee Hvergelmer. De .la coulent 1 Traditions populaires du Nord. {Revue britan- nique, 1837.) NIG — 493 — NOM les fleuves suivants : I'AngoissG, rEnnenii de la Joie, le Sejour de la Mort, la Perdition, le Gouf- fre, la Tempete, le Tourbillon , le Rugissement, * le Huiieinent, le Vaste; celui qui s'appelle le Bruyant coule pres des grilles du Sejour de la '"I Mort. Get enfer est une espece d'hotellerie , ou , * si Ton veut, une prison dans laquelle sont dele- nus les homines laches ou paciliques qui ne peu- ") vent defendre les dieux inferieurs en cas d'atta- que imprevue. Mais les habitants doivent en s ; sortir au dernier jour pour etre condamnes ou 111 absous. C'est une idee tres-imparfaite du purga- i- toire. « Nigromancie , art de connaitre les choses ' cachees dans les endroits noirs , tenebreux , I comme les mines, les petrifications souterrai- 'j nes, etc. Ceux qui faisaient des decouvertes de ce genre evoquaient les demons et leur comman- dment d'apporter les tresors caches. La nuit etait particulierement destinee a ces evocations, et ! c'est aussi durant ce temps que les demons exe- cutaient les commissions dont ils etaient charges. Ninon de Lenclos. On conte qu'elle dut de conserver une certaine beaute, trop vantee, jus- qu'a I'age de quatre-vingts ans, a certain pacte qu'elle fit avec le diable , lequel lui avait apparu, dans un moment de vanite, sous les traits d'un nain vetu de noir. On ajoute qu'a I'heure de sa mort elle vit aux pieds de son lit le nain qui I'attendait Nirudy ou Nirondy, roi des demons malfai- sants chez les Indiens. On le represente porte s'ur les epaules d'un geant et tenant un sabre a la main. Nis et Nisgodreng, lutins danois de I'espece des Cluricaunes. t^oy. ce mot. Nisses, petites fees en Ecosse. Nitoes , demons ou genies que les habitants des lies Moluques consul tent dans les affaires importantes. On se rassemble, on appelle' les demons au son d'un petit tambour, on allume des flambeaux, et I'esprit parait, ou plutot un de ses ministres; on I'invite a boire et a manger, et, sa reponse faite, I'asserablee devore les restes du festin. Nixas ou Nicksa , dieu d'une riviere ou de rOcean, adore sur les bords de la Baltique, pa- rait incontestablement avoir tons les attribnts de Neptune. Parmi les vents brumeux et les epouvantables tempetes de ces sombres contrees, ce n'est pas sans raison qu'on I'a choisi comme la puissance la plus contraire a rhomme, et le caraclere surnaturel qu'on lui a attribue est parvenu jusqu'a nous sous deux aspects bien dif- ferents. La Nixa des Germciins est une de ces aimables fees , noramees Naiades par les anciens ; le vieux Nick (le diaWe en Angleterre) est un veritable descendant du-dieu de la mer du Nord, ^ Voyez son aventure dans les Legendes infernales. et possede une grande portion de sa puissance. Le malelot anglais, qui semble ne rien craindre, avoue la terreur que lui inspire cet etre redou- table, qu'il rcgarde comme I'auteur des diffe- rentes calamiles auxquelles sa vie precaire est •conlinuellement en butte. Noals (Jeanne) , sorciere qui fut brulee par arret du parlement de Bordeaux, le 20 mars 1619, pour avoir cheville le moulin de Las-Cou- dourleiras, de la paroisse de Vegenne. Ayant porte un jour du ble a moudre a ce moulin avec deux autres femmes, le meunier, Jean Destrade, les pria d'attendre que le ble qu'il avait deja depuis plusieurs jours fut moulu; mais elles s'en allerent mecontentes, et aussilot le m.oulin se trouva cheville , de fagon que le meunier ni sa femme n'en surent trouver le deiaut. Le mailre du moulin ayant ete appele, il s'avisa d'y amener ladite sorciere, qui, s'etant mise a genoux sur i'engin avec lequel le meunier avait coutume d'arreter I'eau, fit en sorte qu'un quart d'heure apres le moulin se remit a moudre avec plus de Vitesse qu'il n'avaiL jamais fait ^ Nodier (Charles), spirituel auteur de Trilby ou le luUii d'Argail (Argyle), et de beaucoup " d'ecrits charmants oi^i les fees et les follets tien- nent poetiquement leur personnage. Noe. Les Orientaux ont charge de legendes merveilleuses I'histoire de ce patriarche ^. Noel (Jacques) , pretendu possede et peut- etre obsede, qui fit quelque bruit en 1667. 11 etait neveu d'un professeur de philosophie au college d'Harcourt, a Paris. 11 s'imaginait sans cesse voir des spectres. II etait sujet aux convul- sions epileptiques, faisait des grimaces, des con- torsions, des cris et des mouvements extraordi- naires. On le crut demoniaque, on I'examina ; il pretendit qu'on I'avait maleficie, parce qu'il n'a- vait pas voulu aller au sabbat. II assura avoir vu le diable plusieurs fois en differentes formes On finit par decouvrir qu'il etait fou. Noh, nom du premier homme selon les Hot- tentots. Ils pretendent que leurs premiers pa- rents entrerent dans le pays par une porte ou par une fenetre; qu'ils furent envoyes de Dieu meme , et qu'ils comrauniquerent a leurs enfants I'art de nourrir les bestiaux, avec quantite d'au- tres connaissances. Noix. Un grand secret est renferme dans les noix ; car si on les fait bruler, qu'on les pile et qu'on les mele avec du vin et de I'huile, elles entretiennent les cheveux et les empechent de tomber ^ Nomancie, divination par lesnoms et par les 1 Delancre, Incredulite et mecreance de la divina- tion,, du sortilege, etc., tr. VI, p. 3'18. 2 Voyez ces legendes dans les Legendes de I'Ancien Testament. 3 Lettres de Saint-Andre sur la magic , etc. * Albert le Grand, p. 199. NOM — m — NOY lettres qui les composent. C'est la meme science que I'onoinancie. Voy. ce mot. Nombre deux. Depuis PyLhagore , qui avail regards le nombre deux comma representant le mauvais principe, ce nombre etaitaux yeux de ritalie le plus malheureux de tous; Platon, imbu de cette doctrine , comparait le nombre deux a Diane, toujours sterile, et partant peu honoree. Cost d'apres le meme principe que les Romains avaient dedie a PhUon le deiixieme mois de I'an- nee et le deuxieme jour du mois; parce que tout ce qui etait de mauvais augure lui etait speciale- ment consacre. Diverses croyances s'attachaient a quelques autres n ombres. Voy. Neuf, etc. Nonos , genies malfaisants, que les Indiens des lies Philippines placent dans des sites extraordi- naires entoures d'eau ; ils ne passent jamais dans ces lieux , qui remplissent leur imagination d'ef- froi , sans leur en demander permission. Quand ils sont attaques de quelque infirmite ou mala- die-, ils'portenta ces genies, en forme d'offrande, du riz , du vin , du coco et le cochon , qu'on donne ensuite a manger aux malades. Nornes, fees ou parques chez les Celtes. Elles dispensaient les ages des hommes , et se nom- maient Urda (le passe), Verandi (le present) et Skalda (I'avenir). Norsgubb, le Vieux du Nord ou des Norses. C'est le noni populaire du diable en Suede. Nostradamus (Michel), medecin et astro- logue, ne en 1503 a Saint-Remi en Provence , mort a Salon en 1566. Les talents qu'il deploya pour la guerison de plusieurs maladies qui afili- geaient la Provence lui attirerent la jalousie de ses collegues; il se retira de la societe. Vivant seul avec ses livres, son esprit s'exalta au point qu'il crut avoir le donj'de connaitre I'avenir. II ecrivit ses predictions dans un style enigmati- que; et pour leur donner plus de poids, il les mit en vers. II en composa autant de quatrains, dont il publia sept centuries a Lyon en 1555. Ce recueil eut une vogue inconcevable ; on prit parti pour le nouveau devin ; les plus raisonnables le regarderent comme un visionnaire, les aulres imaginerent qu'il avait commerce avec le diable, d'autres qu'il etait veritablement prophete. Le plus grand nombre des gens senses ne vit en lui qu'un charlatan qui , n'ayant pas fait fortune a son metier de medecin , cherchait a mettre a profit la credulite du peuple. La meilleure de ses visions est celle qui lui annonga qu'il s'enrichi- rait a ce metier. 11 fut comble de biens et d'hon- neurs par Catherine de Medicis, par Charles IX et par le peuple des petits esprits. Le poete Jo- delle fit ce jeu de mots sur son nom : Nostra damns cum falsa damus, nam fallere nostrum est; Et cum falsa damus, nil nisi nostra damus. Ce n'est point merveille, ditNaude, si, panni le nombre de mille quatrains , dont chacun parle toujours de cinq ou six choses differenles, et surtout de celles qui arrivent ordinairement, on rencontre quelquefois un hemistiche qui fera mention d'une ville prise en France, de la mort d'un grand en Italie, d'une peste en Espagne, d'un raonstre, d'un embrasement, d'une victoire ou de quelque chose semblable. Ces propheties ne ressemblent a rien mieux qu'a ce Soulier de Theramene , qui se chaussait indifferemment par toutes sortes de personnes. Et quoique Chavi- gny, qui a tant reve la-dessus, ait prouve, dans son Jamts franrais, que la plupart des predic- tions de Nostradamus etaient accomplies au com- mencement du dix-septieme siecle , on ne laisse pas neanmoins de les remettre encore sur le lapis. II en est des propheties comme des alma- nachs; les idiots croient a tout ce qu'ils y lisent, parce que sur mille mensonges ils ont rencontre une fois la verile. Nostradamus est enterre a Salon ; il avait predit de son vivant que son lorn- beau changerait de place apres sa mort. On I'en- terra dans I'eglise des Cordeliers, qui fut de- truite. Mors le tombeau se trouva dans un champ, et le peuple est persuade plus que jamais qu'un homme qui predit si juste merite au moins qu'on le croie Notarique , une des trois divisions de la ca- bale chez les Juifs. Elle consiste a prendre ou chaque letlre d'un mot pour en faire une phrase enliere , ou les premieres lettres d'une sentence pour en former un seul mot. Noyes. Lesmarins anglais etamericains croient que retirer un noye et I'amener sur le pont d'un ' De Thou rapporte que le fils de Nostradamus se disait herilier du don de son pere, et se melait de predire comme lui. Lorsqu'on assiegeait le Poussin, en Dauphine , interroge par Saint-Luc sur le sort qui attendait le Poussin, il lui repondit : — « II perira par le feu. » — Pendant que les soldats pillaienl la place, continue rhistorien, le fils du prophete y mil lui-meme le feu en plusieurs endroits, afin que sa prediction fut accomplie. Mais Saint-Luc, irrite de cette action , poussa son cheval centre le jeune astro- logue qui en fut foule aux pieds. NUI — 495 — NUM navire qui va appareiller, c'est, si le noye y meurt, on mauvais presage, qui aniionce des j maltieurs et le danger de perir. Superstition in- ! humaine. Aussi laissent-ils les noyes a I'eau. Void une legende qui a ete racontee par le poete OEhlenschloesger. Ce n'est point une le- gende, c'est un drame de la vie reelle. Un pauvre juatelot a perdu un fils dans un naufrage , et la , douleur I'a rendu fou. Chaque jour il monte sur I sa barque et s'en va en pleine mer; la; il frappe a grands coups sur un tambour, et il appelle son nis a haute voix : — Viens, lui dit-il , viens ! sors de ta relraite, nage jusqu'ici, je te placerai a cote de moi dans mon bateau ; et si tu es mort, je te donnerai une tombe dans le ciinetiere, une tombe entre des fleurs et des arbustes; tu dor- miras raieux la que dans les vagues. Mais le mal- heureux appelle en vain et regarde en vain. Quand la nuit descend , il s'en retourne en di- sant : — J'irai demain plus loin , mon pauvre fils ne m'a pas enlendu ^ Nuit des trepasses. De tous les jours de I'annee , il n'en est point que I'imagination su- 1 Marmier, Traditions des herds de la BaUique. perstitieuse des Flamands ait entoure de plus grandes terreurs que le I" novembre. Les morts sortent a minuit de leurs tombes pour venir, en longs suaires, rappeler les prieres dont ils ont besoin aux vivants qui les oublient. La sorciere et le vieux berger choisissent cette soiree pour exercer leurs redoutables maleOces. L'ange Ga- briel souleve alors pour douze heures le pied sous lequel il retient le demon caplif, et rend a cet infernal ennemi des hommes le pouvoir mo- mentane de les faire souffrir. D'ordinaire , la de- solation de la nature vient encore ajouter aux terreurs de ces croyances; la tempete mugit, la neige tombe avec abondance, les torrents se gonflent et debordent ; enfin la souffrance et la mort menacent de toutes parts le voyageur K Numa-Pompilius , second roi de Rome. II donna a son peuple des lois assez sages, qu'il disait tenir de la nympbe Egerie. II marqua les jours heureux et les jours malheureux , etc. ^ Les demonomanes font de Numa un insigne enchanteur et un profond magicien. Cette nym- phe, qui se nommait Egerie, n'etait autre chose qu'un demon qu'il s'etait rendu familier, comme e'tant un des plus verses et mieux entendus qui aient jamais existe en revocation des diables. Aussi tient-on pour certain , dit Leioyer, que ce ful par I'assistance et I'industrie de ce demon qu'il fit beaucoup de choses curieuses pour se mettre en credit parmi le peuple de Rome , qu'il voulait gouverner a sa fantaisie. A ce propos, Denys d'Hahcarnasse raconte qu'un jour, ayant invite a souper bon nombre de citoyens , il leur fit servir des viandes simples et communes en vaisselle peu somptueuse ; mais des qu'il eut dit un mot, sa diablesse le vint trouver, et tout in- continent la salle devint pleine de raeubles pre- cieux, et les tables furenl couvertes de toutes sortes de viandes exquises et delicieuses. II etait si habile dans ses conjurations , qu'il forgait Jupi- ter a quitter son sejour el a venir causer avec lui. Numa-Pompilius fut le plus grand sorcier et' le plus fort magicien detous ceux qui ont porte couronne, dit Delancre; il avait encore plus de ^ H. Berthould , La nuit de la Toussaint. 2 Entre autres choses, 11 presenta aux Remains, un jour, un certain bouclier (qu'on nomma ancile ou ancilie) et qu'il dit etre tombe du ciel pendant une peste qui ravageait I'ltalie ; il pretendit qu'a la con- servation de ce bouclier etaient attachees les des- tinees de I'empire romain , important secret qui lui avait ete revele par Egerie et les Bluses. De peur qu'on n'enlevat ce bouclier sacre, il en fit faire onze autres, si parfaitement semblables, qu'il etait impos- sible de les distinguer du veritable, et que Numa lui-meme fut dans I'impossibilite de le reconiiaitre. Les douze boucliers etaient echancres des deux cotes. Numa en confia la garde a douze pretres qu'il in- stitua pour cet efTet, et qu'il nomma Saliens -ou Agonaux. Mammurius, qui avait fait les onze copies si habilement, ne voulut d'autre recompense de son travail que la gloire de I'avoir convenablement exe- cute. NUR 496 NYM poiivoir sur les diables que sur les hommes. 11 composa des livres de magie qa'on brula qiialre cenis ans apres sa inort... Voij. Egerie. Nursie, au royaume de Naples. La etait la grolLe de la Sibylle, remplacee au moyen age par des sorcieres qu'on allait consiilter. Nybbas, demon d'un ordre inferiour, grand paradiste de la cour infernale, II a aussi TinLen- dance des visions et des songes. On le traile avec assez pen d'egards , le regardant comme bateleiir et charlatan. Nymphes, demons femelles. Leur nom vient de la beauLe des formes sous lesquelles ils se montrent. Chez les Grecs, les nymphes, tres-ho- norees, elaient partagees en pkisieurs classes : les melies suivaient les personnes qu'elles vou- laient favoriser ou troraper; elles couraient avec une Vitesse inconcevable. Les nymphes genetyl- lides presidaient a la naissance, assistaient les enfants au berceau, faisaient les fonclions de sages-femmes , et leur donnaientmeme la nour- riture. Ainsi Jupiter fut nourri par la nymphe Melisse, etc. Ce qui prouve que ce sont bien des demons, c'est que les Grecs disaient qu'une per- sonne etait remplie de nymphes pour dire qu'elle etait possedee des demons. Du reste, les caba- listes pensenl que ces demons habilent les eaux, ainsi que les salamandres habitent le feu, les sylphes Fair, et les gnomes ou pygmees la terre. Voij. Ondins. Nymphe de I'Elbe. Pretorius, auleur esti- mable du seizieme siecle, raconte que la nymphe de I'Elbe s'assied quelquefois sur les bords du fleuve, peignant ses cheveux a la maniere des sirenes. Une tradition semblable a celle *que Walter Scott a mise en scene dans la Fiancee de Lamermoor avait cours au sujet de la sirene de I'Elbe ; elle est rapportee tout au long par les freres Grimm, dans leur Recueil de legendes ger- maniques. Quelque belles que paraissent les on- dines ou nixes, le principe diabolique fait lou- jours partie de leur essence : I'esprit du mal n'est Kymplics. oouvert que d'un voile plus ou moius transpa- rent, et tot ou tard la parente de ces beautes mysterieuses avec Satan devient manifeste. Une mort inevitable est le partage de quiconque se laisse seduire par elles. Des auteurs pretendent que les dernieres inoiidations du Valais furent NYIN — 407 — OBE caiisees par des demons qui , s'ils ne sont. pas des nickars on des nixes, sont du moins de na- ture amphibie. II y a pres de la vallee de Bagnes une montagne fatale ou les demons font le sab- bat. En I'annee 1818, deux freres mendiants de Sion, prevenus de cette assemblee illegale, gra- virent la campagne pour verifier le nombre et les intentions des delinquanls. Un diable , I'ora- teur de la troupe , s'avanga. — Reverends freres, dit-il , nous sommes ici une armee telle que, si on divisait entre nous a parts egales tous les gla- ciers et tous les rochers des Alpes, nous n'en aurions pas chacun une livre pesant * . Nynauld (Jean de) , auteur d'un livre intitule De la Lycanthropie , transformation et extases des sorciers. Paris, 1615, in-B". Nyol, vicomte de Brosse, poursuivi comme sorcier a la fin du seizieme siecle. II confessa qu'ayant entendu dire qu'on brulait les sorciers, il avait quitte sa maison et en etait demeure longlemps absent. Ses voisins, I'ayant suivi, I'a- vaient trouve dans une etable de pourceaux ; ils I'interrogerent sur differents maleflces dont il etait accuse; il reconnut qu'il etait alle une fois au sabbat, a la croix de la Motte , ou il avait vu le diable en forme de chevre noire ; qu'il s'etait donne audit diable, sous promesse qu'il aurait des richesses et serait bien heureux au monde , « et lui baiila pour gage sa ceinture , partie de ses cheveux , et apres sa mort un de ses pouces. Ensuite le diable le marqua sur I'epaule; il lui commanda de donner des maladies, de faire mourir les honimes et les bestiaux , de faire perir les fruits par des poudres qu'il jetterait au nom de Satan. II avoua encore que le diable I'avait fait danser au sabbat avec les autres sorciers ayant chacun une chandelle, et que quand le diable se retirait enfin , eux lous se trouvaient transportes dans leurs maisons. » Vingt-huit te- moins confrontes soutinrent que le vicomte de Brosse avait la reputation de sorcier, et qu'il avait fait mourir quatre hommes et beaucoup de bestiaux 11 fut condamne. Nypho ou Nyphus (Augustin), sorcier italien, qui avait un demon familier et barbu , dit Delan- cre ^, lequel demon lui apprenait toutes choses. II a fait un livre Des divinations , imprime a la suite de I'explication des songes par Artemidore. Voij. Arti;;midore. Nysrock, demon du second ordre, chef de cuisine de Belzebuth , seigneur de la delicate len- tation et des plaisirs de la table. -ooo- 0 Oannes ou Oes, monstre moitie homme et i moitie poisson, dans les vieilies mythologies de i rOrient; venu de la mer egyptienne, il sortait ] de I'cEuf primitif, d'oi^i tous les autres etres avaient I ete tires. II parut, dit Berose , pres d'un lieu ' voisin de Babylone. II avait une tete d'homme 1 sous une tete de poisson. A sa queue etaient ( joints des pieds d'homme , et il en avait la voix i et la parole. Ce monstre demeurait parmi les ( hommes sans manger, leur donnait la connais- i sance des leltres et des sciences, leur enseignait i les arts, I'arithmetique, I'agriculture; en un mot, i tout ce qui pouvait contribuer a adoucir les i moeurs. Au soleil couchant , il se retirait dans la mer et passait la nuit sous les eaux. C'etait un poisson comme on n'en voit guere. i Ob, demon des Syriens, qui etait, a ce qu'il parait, ventriloque. II donnait ses oracles par le . derriere, organe qui n'est pas ordinairement des- tine a la parole , et toujours d'une voix basse et ; sepulcrale, en sorte que celui qui le consultait ne I'entendait souvent pas du tout, ou plutot > enlendait tout ce qu'il voulait. Obereit (Jacques Hermann), alchimiste el 1 Traditions populaires du Nord. {Revue hritan- nique, 1837.) mystique, ne en 1725, a Arbon en Suisse, et mort en 1798. Son pere avait eu le meme gout pour I'alchimie, qu'il appelait I'art de perfec- tionner les metaux par la grace de Dieu. Le lils voulut profiler des legons que lui avait laissees le vieillard; comme sa familie etait reduite a I'in- digence , il travailla sans relache dans son labo- ratoire ; mais I'autorile vint le former, comme dangereux pour la surele publique. Cependant il reussit a prouver que ses operations ne pouvaient nuire, et il s'elablit chez un frere de Lavater. Depuis dix-huit ans, Jacques (qui etait fou), connaissait, disait-il, une personne -qu'il nomme Thettntis, bergere seraphiqiie ; il I'epousa dans un chateau, sur une montagne entouree de nua- ges. « Notre mariage, dit-il, n'etait ni platonique ni epicurien, c'etait un etat dont le monde n'a aucune idee. » Elle mourut au bout de trente- six jours , et le veuf , se souvenant que Marsay, grand mystique de ce temps, avait entonne un cantique de reconnaissance a la mort de sa femme, chanta a gorge deployee durant toule la nuit 1 Rikius, Discours sommaire des sortilegeS) vend' /ices, idolatries, etc. 2 Tableau de I'inconstance des mauvais anqes, etc., liv. V, p. /*14. 32 OBE — /t98 — OBE du deces de la sienne. 11 a publie, en 1776, a Augsbourg, un traile de la Connexion originaire des esprils et des corps, d'apres les principes de Newton. On Ini doit aussi les Promenades de Ga- maliel, juif philosophe , 1780. Obergemeiner, proprietaire a Munchhof, pres de Gratz , d'une maison qui fut infeslee , en jan- vier 1821, de mains invisibles ou de precedes inexplicables qui, malgre la surveillance de trente hommes arines , langaient aux fenelres des pierres de quinze livres, parlies le plus souvent de I'in- terieur de la maison ou ces pierres ne se troii- vaient pas, qui brisaient la vaisselle, cassaienL les pots et jetaienl rudement a la lete des assis- tants les cuillers a pot en fer, lesquelles arrivaient violemment a leur but, mais sans causer le moindre mal , au conlraire des pierres qui brisaient les vitres. Le seau plein d'eau s'enlevait tout seul au plafond; les plats volaient et faisaient des courbes. On n'a pu avoir explication de ces phe- nomenes, mentionnes et decrils longuement dans la Mystique de Gorres *. 1 Chapitre xx du livre V. Oberon, roi des fees et desfanLomes aeriens. II joue un grand role dans la poesie anglaise; c'est I'epoux de Titania. lis habilent I'lnde; la nuit, ils franchissent les mers et viennenl dans nos climats danser au clair de la lune; ils re- doutent le grand jour et fuient au premier rayon du soleil , ou se cachent dans les bourgeons des arbres jusqu'au retour de robscurite. Oberon est le sujet d'un poeme celebre de Wieland. Obesdik. Du temps des hussites, un brigand OBS — 499 — ODl norameObesslikserendil a la justice, qui le pour- suivait depuis longLemps; mais i! se rendit a condition qu'on epargnat son sang. II fut done condanine a mourir de faiin et descendu dans le gouffre de Maczocha avec une cruche d'eau et un seul pain. Le pain fut bientot devore, la cruche d'eau bientot videe. Mors commenga pour lui cette horrible agonie dont on pent se faire une idee apres avoir lu I'episode d'Ugolin dans le Dante. La mort lente s'approchait avec le deses- poir, lorsque tout a coup le condamne entendit un sifllement etrange dans I'air et vit , en levant les yeux, un dragon aile qui plongea a grands coups d'aile dans le precipice. Obesslik, qu'e- pouvanlait I'idee que ce dragon le devorerait, ramassa le reste de ses forces , se recula dans une crevasse de la paroi prit une pierre et la jeta vers le dragon, qui fut atteint sous le ventre, seul endroit qui n'etait pas protege par des ecailles comme tout le resie de son corps. Un sang noir sortit de la blessure du monstre, qui s'nbattit sur une saillie du cratere, oiiil se reposa quelque temps; une demi-heure s'ecoula ainsi, et, quand 11 eut repris quelques forces par le repos, il se releva et sortit. Ainsi delivre de son bote monstrueux , Obesslik pensa ceci : « Ne pourrais-jc pas me sauver par son se- cours , s'il revenait ? Le lendemain, a la meme heure, le dragon redescendit dans le gouffre et se mit afouiller la vase avec son bee immense pour y chercher des viperes d'eau dont il se nourrissait. Obesslik se glissa derriere lui et se placa sur son dos ecaille. Quand le monstre se fut bien repu , il reprit son vol, sans s'apercevoir qu'un homme etait sur lui, et sorlit du precipice. li s'eleva bien haut dans I'air , portant toujours son cavalier, qui at- tendait un moment tavorable pour descendre de son etrange coursier. Ses ailes bruissaient dans le vent, et il s'abattit dans une foret voi- sine, oil il se coucha sous un grand chene et s'endormit. Obesslik sauve reprit son ancien metier de de- valiseur, et plus d'une fois I'effroi se repandit dans la contree au recit des crimes de celui que Ton croyait mort dans la Maczocha. Les monta- gnes de Hradi etaient surtout le theatre de ses sanguinaires exploits. Mais il fut repris et deca- pite a Olmiitz. Obole, piece de monnaie que les Romains et les Grecs mettaient dans la bouche des morts, pour payer leur passage dans la barque a Caron. Obsedes. Dom Calmet fait cette distinction entre les possedes et les obsddes. Dans les posses- sions, dit-il, le diable parle, pense, agit pour le possede. Dans les obsessions , il se tient au de- hors, il assiege, il tourmente, il harcele. Saiil elait possdde , le diable le rendit sombre; Sara, qui epousa le jeune Tobie, n'etait qw'ohsedee, le diable n'agissait qu'autour d'elle. Voy. Possedes. Obsequens (Julius). 11 a laisse un livre des prodiges , dont une partie est perdue. Occultes. On appelle sciences occultes la magie , la necromancie , la cabale , I'alchimie et toutes les sciences secretes. Ochosias, roi d'Israel, mort 896 ans avant notre ere. II s'occupait de magie et consultait Belzebuth, honore a Accaron. 11 eut une fm miserable. Oculomancie, divination dont le but etait de decouvrir un larron, en examinant la maniere dont il tournait I'oeil, apres cerlaines ceremonies superstitieuses. Oddo. Voy. Kalta. Oddon, pirate flamand des temps anciens, qui voguait en haute mer par magie , sans esquif ni navire. Od-esprit. M. Gagne, qui est un des adeptes du spiritisme, croit avoir decouvert dans I'at- mosphere un agent imponderable ou flottent les esprits qui nous circonviennent, et avec qui les habiles se mettent en communication. II appelle cet agent I'Od-esprit. Odet, demon de la nuit, qui se montre a Or- leans sous la forme d'un mulet et fait de mauvais tours a ceux qu'il rencontre. II est de I'espece de kleudde. Odeur. On voit dans tous les proces de sor- cellerie que I'odeur des sorciers est abominable , ce qui ne pent surprendre, puisque leurs chefs leur defendent de se laver. — Plusieurs possedes sont aussi tres-puants. Odin, dieu des Scandinaves. Deux corbeaux sont souvent places sur ses epaules et lui disent a I'oreille tout ce qu'ils ont vu ou entendu de neuf. Odin les lache tous les jours; et, apres qu'ils ont parcouru le monde, ils reviennent le soir a I'heure du repas. C'est pour cela que ce dieu sait tant de choses, et qu'on I'appelle le dieu des corbeaux. A la fin des siecles, il sera mange par le loup Fenris. Les savants vous di- ront que I'un de ces corbeaux est I'embleme de la pensee; quelle pensee! et I'autre le symbole de la memoire. Les deux loups qui se tiennent aux pieds d'Odin figuraient la puissance. II y a des gens qui ont admire ce mythe. Odin , a la fois pontife , conquerant , monarque, orateur et poete, parut dans le Nord, environ soixante-dix ans avant Notre-Seigneur selon les uns , plus tard selon d'autres. Le theatre de ses exploits fut principalement le Danemark. II avait la reputation de predire I'avenir et de ressusciter les morts. Quand il eut fini ses expeditions glo- rieuses, il retourna en Suede, et, se sentant pres du tombeau , il ne voulut pas que la ma- ladie tranchat le fil de ses jours, apres avoir si souvent brave la mort dans les combats. II con- voqua tous ses amis , les compagnons de ses ex- ploits; il se fit, sous leurs yeux, avec la pointc d'une lance, neuf blessures en forme de cercle; 32. ODO — 500 — OEUF et, au moment d'expirer, il declara qu'il allail dans la Scythie prendre place parmi les dieux, promeltant d'accueiilir un jour avec honneur dans son paradis tous ceux qui s'exposeraient cou- rageusement dans les batailles, ou qui mour- raient les armes a la main. Toute la mythologie des Islandais a Odin pour principe, comme le prouve I'Edda, traduit par Mallet, a la tete de son Histoire de Danemark^. Voy. Woden, Ha- KELBERG , ClC. Odontotyrannus. Voy. Serpent de mer. Odorat. Cardan ditau livre XIII de la SubtiUie qu'un odorat excellent est une marque d'esprit, parce que la qualite chaude et seclie du cerveau est propre a rendre I'odorat plus subtil, et que ces memes qualites rendent Timagination plus vive et plus feconde. Rien n'est moins sur que celte assertion ; il n'y a point de peuple qui ait si bon nez que les habitants de Nicaragua, les Abaquis, les Iroquois; et on salt qu'ils n'en sont -- Odct, d(*mon de la uuit, sous la forme d'un mulct. — I'age 499. pas plus spirituels. Mamurra , selon Martial , ne consultait que son nez pour savoir si le cuivre qu'on lui presentait etait de Corinthe. (Eil. Les gorgones avaient un seul ceil, dont elles se servaient tour a tour pour changer en pierres tous ceux qui les regardaient. Les anciens font mention des Arimaspes, comme de peuples qui n'avaient qu'un ceil , et qui etaient souvent aux prises avec les griffons, pour ravir I'or confie a la garde de ces monstres. Pour le mauvais ceil, Voy. Yeux. (Enomancie, divination par le vin, dont on considere la couleur en le buvant, et dont on re- marque les moindres circonstances pour en tirer des presages. Les Perses etaient fort attaches a celte divination. CEnothere, geant de I'armee de Charlemagne, qui, d'unrevers de son epee, fauchait des batail- lons ennemis comme on fauche I'herbe d'un pre ^ (Eonistice, divination par le vol des oiseaux. Voy. AUGURES. Oes. Voy. OANNiis. (Eufs. On doit briser la coque des oeufs frais, quand on les a manges , par pure civilite ; aussi cet usage est-il pratique par les gens bien eleves, dit M. Salgues'; cependant il y a des personnes * Le livre unique, numero 9. 2 M. Salgues, Des erreurs et des prejuges, etc., t. I, p. 416. 2 Des erreurs et des prejuges, t. I, p. 392. qui n'ont pas coutume d'en agir ainsi. Quoi qu'il en soit, cette loi remonte a une tres-haute anti- quite. On voit, par un passage de Pline, que les Remains y attachaient une grande importance. L'oeuf etait regarde comme I'embleme de la na- ture, comme une substance mysterieuseet sacree. On etait persuade que les magiciens s'en ser- vaient dans leurs conjurations, qu'ils le vidaient et tracaient dans I'inlerieur des caracteres ma- giques dont la puissance pouvait operer beaucoup de mal. On en brisait les coques pour detruire les charmes. Les anciens se contentaient quel- quefuis de les percer avec un couteau , et dans d'autres moments de frapper trois coups dessus. Les ceufs leur servaient aussi d'augure. Julie, fille d'Auguste, etant grosse de Tibere, desirait ardemment un fils. Pour savoir si ses voeux se- raient accomplis, elle prit un oeuf, le mit dans son sein, I'echauffa; quand elle etait oblige de le quitter, elle le donnait a une nourrice pour lui conserver sa chaleur. L'augure fut heureux , dit Pline : elle eut un coq de son oeuf et mit au monde un garcon ^ Les druides pratiquaient , dit-on , cette super- ' Ciceron rapporte qu'un homme ayant r^ve qu'il mangeait un oeuf frais alia consuiter I'interprete des songes, qui lui dit que le blanc d'oeuf signifiait qu'il aurait bientot de I'argent, et le jaune, de For. II eut efTectivement peu apres une succession oii il y avait de I'un et de I'autre. II alia remercier I'interprete, et OGI — 501 — OGR stition etrange; ils vantaient fort une espece d'oeuf inconnu a tout le nionde, forme en ete par une quantite prodigieuse de serpents en tor Lilies ensemble , qui y contribuaient tous de leur bave et de Tecume qui sortait de leur corps; Aux sif- fiements des serpents, I'oeuf s'elevait en I'air; il fallait s'en emparer alors, avant qu'il touchat la terre : celui qui I'avait regu devait fuir; les serpents couraient tous apres lui jusqu'a ce qu'ils fussent arretes par une riviere qui coupat leur chemin Ils faisaient ensuite des prodiges avec cet oeuf. Aujourd'hui on n'est pas exempt de bien des superstitions sur I'oeuf. Celui qui en mange tous les matins sans boire meurt, dit-on, au bout de I'an. II ne faut pas bruler les coques des oeufs, suivant une croyance populaire superstitieuse, de peur de bruler une seconde fois saint Lau- rent, qui a ete brule sur un feu nourri de pareils aliments ^ Albert le Grand nous apprend, dans ses Secrets, que la coque d'oeuf, broyee avec du vin blanc et bue, rompt les pierres tant des reins que de la vessie. Pour la divination par les Wanes d'ceufs, voijez OOiMANCIE, GaRUDA, OtC. Og, roi de Basan. Og, selon les rabbins, etait un de ces geants qui ont vecu avant le deluge. II s'en sauva en raontant sur le toit de I'arche ou etaient Noe et ses fils. II etait si pesant, qu'on fut oblige de mettre dehors le rhinoceros, qui suivit I'arche a la nage. Noe cependant fournit a Og de quoi se nourrir, non par compassion, mais pour faire voir aux hommes qui viendraient apres le deluge quelle avait ete la puissance du Dieu qui avait extermine de pareils monstres. Les geants vivaient longtemps. Og etait encore du monde quand les Israelites, sous la conduite de Moise, camperent dans le desert. Le roi de Basan leur fit la guerre. Voulant d'un seul coup detruire le camp d'Israel, il enleva une montagne large de six mille pas, avec laquelle il se proposait d'ecra- ser I'armee de Moise. Mais Dieu permit que des fourmis crevassent la montagne, a I'endroit oii elle posait sur la tete du geant , de sorte qu'elle tomba sur son cou en maniere de collier. Ensuite ses dents s'etant accrues extraordinairement, s'en- foncerent dans le roc et I'empecherent de s'en debarrasser. Moise alors le tua, mais non sans peine ; car le roi Og etait d'une si enorrae sta- ture, que Moise, qui lui-meme etait haut de six aunes, prit une hache de la meme hauteur; et encore fallut-il qu'il fit un saut de six aunes pour parvenir a frapper la cheville du pied d'Og. Ogier le Danois. On croit qu'il vit dans sa lui donna une piece d'argent. L'interprete, en le re- conduisant, lui dit : — Et pour le jaune n'y a-t-il rien? Nihilne de vitello? 1 Pline, liv. XXIX, ch. in. 2 Thiers, Traite des superstitions, etc. tombe, comme Frederic-Barberousse et d'autres ' . Ogres. Sauf le nom, ces monstres etaient con- nus des anciens. Polypheme, dans VOdyssee, n'est autre chose qu'un ogre ; on trouve des ogres dans les Voyages de Sindbadle marin; et un autre passage des Mille et une nuits prouve que les ogres ne sont pas etrangers aux Orientaux. Dans le conte du Vizir puni, un jeune prince egare rencontre une dame qui le conduit a sa masure : elle dit en entrant : — Rejouissez-vous , mes fils , je vous amene un gargon bien fait et fort gras. — Ma man, repondent les enfants, ou est-il, que nous le mangions ? car nous avons bon appetil. — Le prince reconnait alors que la femme , qui se disait lille du roi des hides, est une ogresse, femme de ces demons sauvages qui se retirent dans les lieux abandonnes et se servent de mille ruses pour surprendre et devorer les passanls, comme les sirenes, qui, selon quelques mytho- logues , etaient certainement des ogresses. C'est a peu pres I'idee que nous nous faisons de ces etres effroyables; les ogres, dans nos opinions, tenaient des trois natures : humaine, animale et infernale. lis n'aiment rien tant que la chair fraiche ; et les petits enfants etaient leur plus de- licieuse pature. Le Drac , si redoute dans le Midi , etait un ogre qui avait son repaire aux bords du Rhone, ou il se nourrissait de chair humaine. II parait que cette anthropophagie est ancienne dans nos contrees, car le chapitre lxvii de la loi sa- lique prononce une amende de deux cents ecus contre tout sorcier ou stryge qui aura mange un homme. Quelques- uns font remonter I'existence des ogres jusqu'a Lycaon , ou du moins a la croyance oil Ton etait que certains sorciers se changeaient en loups dans les orgies nocturnes, et mangeaient au sabbat la chair des petits enfants qu'ils pou- vaient y conduire. On ajoutait que, quand ils en avaient mange une fois , ils en devenaient extre- mement friands et saisissaient ardemment toutes les occasions de s'en repaitre : ce qui est bien le naturel qu'on donne a I'ogre. On voit une multi- tude d'horreurs de ce genre dans les proces des sorciers ; on appelait ces ogres des loups-garous ; et le loup du petit Chaperon -Rouge n'est pas autre chose. Quant a I'origine du nom des ogres, I'auteur des Letlres sur les contes des fees de Ch. Perrault I'a trouvee sans doute. Ce sont les feroces Huns ou Hongrois du moyen age, qu'on appelait Hunnigours, Oigours, et ensuite par cor- ruption Ogres. Les Hongrois, disait-on, buvaientle sang de leurs ennemis ; ils leur coupaient le coeur par morceaux et le devoraient en maniere de remede contre toute maladie. lis mangeaient de la chair humaine, et les meres hongroises, pour donner a leurs enfants I'habitude de la dou- 1 Voyez sa legende dans les Ligendes de I'autre monde. OIA — 502 — OLD leur, les raordaient au visage dfes leiir naissance. C'etait en effet un terrible peuple que ces paiens, dont les hordes innombrables, accou- rues des extremiles septentrionales de I'Asie, de- vasterent pendant deux tiers de siecle I'llalie, I'Allemagne el la France. lis incendiaient les villes el les villages, egorgeaient les habitants ou les emmenaient prisonniers. La pitie leur etait in- Hongrois. connue, car ils croyaient que les guerriers etaienl servis dans I'autre monde par les ennemis qu'iis avaient lues dans cekii-ci. Une defaile signalee que leur lit eprouver Olhon,. empereur d'AUe- magne, delivra pour jamais de leurs ravages I'Europe occidentale. La terreur profonde qu'iis avaient inspiree se propagea longtemps encore apres leur disparilion ^ et les meres se servirenl du nom des Hoiigrois, ogres, pour epouvanter leurs petits enfanls. Voy. Yt?s, Omestes, etc. Oiarou, objel du culte des Iroquois. C'esl la premiere bagatelle qu'iis auront vue en songe, un calumet, une peau d'ours, un couleau, une plante, un animal, etc. lis croient pouvoir, par la vertu de cet objet, operer ce qui leur plait, meme se transporter et se metamorphoser. Oigours. Voij. Ogres. Oilette , demon sans renommee , invoque dans les litanies du sabbat. Oiseaux. Naude conte que I'archeveque Lau- rent expliquait le chant des oiseaux, comme il en lit en jour Texperience a Rome devanl quel- ques prelats; car il entendit un petit moineau qui avertissait les autres par son chant qu'un chariot de ble venait de verser a la porte Ma- jeure , et qu'iis trouveraient la de quoi faire leur profit'. A la cole du Croizic, en Brelagne, sur un ro- cher au fond de la mer, les femmes du pays vont, parees avec recherche, les cheveux epars, or- nees d'un beau bouquet de fleurs nou- velles ; eiles se placenl sur le rocher, les yeux eleves vers le ciel, et demandent avec un chant sentimental aux oiseaux de leur ramener leurs epoux et leurs fiances^. Voy. Auguiies, Couneille, Hi- Bou, elc. Okkisiks, nom sous lequel les Hu- ronsdesignenldes geniesou esprils, bien- faisants ou malfaisants, attaches a chaque homme. Oldenberg, montagne de rAllemagne S:-'^" sous laquelle Charlemagne vit loujonrs avec ses douze pairs el son armee. Tra- dition locale. Oldenbourg. « Je ne puis m'empecher, dil Balthasar Bekker, dans le tome IV, chapitre xvii, du Monde enchante, de rapporter une fable dont j'ai cherche aussi exaclemenl les details qu'il m'a ele possible : c'est celle du fameux cornet d'Ol- denbourg. « On dit que le comte Otlon d'Olden- bourg, elant alle un jour a la chasse sur la mon- tagne d'Ossemberg, fut alteint d'une soif qu'il ne pouvait etancher ; il se mil a jurer d'une inaniere indigne , en disant qu'il ne se souciait pas de ce qui pourrait lui arriver, pourvu que quelqu'un ui donnat a boire. Le diable lui apparut aussitot sous la forme d'une femme ; elle semblait sorlir de terre ; elle lui presenta a boire dans un cornet ^ Apologie pour les grands personnages accuses de magic. 2 C ambry, Voyage dans le Finistere. OLD — 503 — OND fort riche , d'une maliere inconnue et qui ressem- blait au vermeiL Le coirite, se doutant de quelque chose, ne voulut pas boire et renversa ce qui etait dans le cornet sur la croupe de son cbeval. La force de ce breuvage einporta tout le poil aux endroits qu'il avait touches. Le comte fremit; mais il garda le cornet, qui subsiste encore, dit-on, j et que plusieurs se sont vantes d'avoir vu. On le j trouve represents dans plusieurs hotelleries : c'est un grand cornet recourbe, conime un cor- net a bouquin , et charge d'ornements bizarres. » Old Gentleman. Le peuple en Angleterre ap- pelle le diable le vieux gentleman. Olive (Robert) , sorcier qui fut brule a Falaise en 1556. On etablit a son proces que le diable le transportait d'un lieu a un autre ; que ce diable s'appelait Chrysopole, et que c'etait a I'instiga- ; tion dudit Chrysopole que Robert Olive tuait les j petits enfants et les jetait au feu*. Olivier, ddmon invoque comme prince des archanges dans les litanies du sabbat. Ololygmancie, divination tiree du hurlement des chiens. Dans la guerre de Messenie, le roi Aristodeme apprit que les chiens hurlaient comme I des loups, el que du chiendent avait pousse au- I tour d'un autel. Desesperant du succfes, d'apres cet indice et d'autres encore {Voij. Ophioneus) , I quoiqu'il eiit deja immole sa fille pour apaiser les I dieux, il se tua sur la foi des devins, qui virent ' dans ces signes de sinislres presages. Olys , talisman que les pretres de Madagascar donnent aux peuples pour les preserver de plu- sieurs malheurs, et notamment pour enchainer la puissance du diable. Ombre. Dans le systeme de la mythologie paienne , ce qu'on nommait ombre n'appartenait ni au corps ni a I'ame, mais a un etat mitoyen. C'etait cetle ombre qui descendail aux enters. On croyait que les animaux voyaient les ombres des morts. Aujourd'hui meme, dans les mon- tagnes d'Ecosse, lorsqu'un animal tressaille subi- tement, sans aucune cause apparenle, le peuple allribuecemouvemenlarapparitiond'unfantome. En Bretagne , les portes des maisons ne se ferment qu'aux approches de la tempete. Des feux follets, des sifflemenls I'annoncent. Quand on entendait ce murmure eloigne qui precede I'orage, les anciens s'ecriaient : — Fermons les portes , ecoutez les crieriens le tourbillon les suit. Ces crieriens sont les ombres, les ossements des naufrages qui demandent la sepulture, de- sesperes d'etre depuis leur mort ballottes par les elements^. On dit encore que celui qui vend son ame au diable n'a plus d'ombre au soleil ; cette tradition , tres-repandue en AUemagne , est le fon- dement de plusieurs legendes. Voy. Revenants. Ombriel , genie vieux et rechigne , a I'aile pe- * Bodin, Demonomanie , p. 108. 2 Cambry, Voyage dans le Finistere, t. II, p. 253. sante, a I'air refrogne. 11 joue un role dans la Boucle de cheveux enlevee de Pope. Omestes , surnom de Bacchus , considere comme chef des ogres •ou loups-garous qui man- gent la chair fraiche. Omomancie, divination par les epaules chez les rabbins. Les Arabes devinent par les epaules da mouton , lesquelles , au moyen de certains points dont elles sont marquees, representent diverses figures de geomancie. Omphalomancie, divination par le nombril. Les sages-femmes, par les noeuds inherents au nombril de I'enfant premier-n6, devinaient com- bien la mere en aurait encore apres celui-la. Omphalophysiques , fanatiques de Bulgarie que Ton trouve du onzieme au quatorzieme siecle, et qui, par une singuliere illusion, croyaient voir la lumiere du Thabor a leur nombril. On, mot magiqiie, comme tetragrammaton , dont on se sert dans les formules de conjurations. Ondins ou Nymphes, esprits elementaires, composes des plus subtiles parties de I'eau qu'ils habitent. Les mers et les fleuves sont peuples, disent les cabalistes , de meme que le feu , I'air et la terre. Les anciens sages ont nomme Ondins ou Nymphes cette espece de peuple. II y a peu de males, mais les femmes y sont en grand nombre ; leur beaute est extreme, et les filles des hommes ONE — 50k — OOM n'ont rien de comparable', Voy. Cab ale, Nic- KAR, etc. En Ailemagne, le peuple croit encore aux Ondines, esprits des eg-ux, qui ont une assez mauvaise reputation. Du fond de leurs humides demeures, elles epient le pecheur qui reve au bord des ondes et I'attirent dans on gouffre oii il disparait pour toiijours. On croit en Suede a I'esprit des eaux, Chaque riviere a le sien ; tous sont soumis a un chef. De meme que ceux des montagnes, ils sont invi- sibles : leur main seule ne Test pas , suivant la tradition en vogue le long du lac Miaesen. Un pe- cheur qui demeurait sur ses bords, desirant pre- senter un gateau de Noel a I'esprit des eaux , le porta au rivage; I'eau etait gelee, il ne voulut pas poser le gateau sur la glace, pour ne pas don- ner au demon la peine de la casser ; il retourna chez lui pour y prendre une pioche, puis frappa de toute sa force pour briser la glace, mais ne reussit qu'a faire un trou trop petit pour que le gateau put y passer. Dans son desespoir, ne sa- chant plus que faire, il plaga son gateau sur la glace : aussitot une tres-petite main, aussi blanche que la neige, sortit du trou, et le gateau se re- duisant a une dimension proportionnee, la main put s'en saisir et I'emporter. Les habitants du bord du lac ont profile de cet exemple pour epargner leur farine et leurs rai- sins sees. Afin d'eviter au genie du Miaesen la peine de changer la dimension du gateau, celui qu'ils lui offrent est toujours de taille a pouvoir penetrer par la plus petite ouverture que Ton puisse faire dans la glace. Cette tradition a forme matiere a un compliment pour les dames : on dit habituellement de celles donton veut faire I'eloge: « Elle a la main comme celle de I'esprit du lac. » Voy. Nymphes, Nictar, etc. Oneirocritique, art d'expliquer les songes. Voy. SONGES. Ongles. Les Madecasses ont grand soin de se couper les ongles une ou deux fois la semaine; ils s'imaginent que le diable s'y cache quand ils sont longs, C'etait une impiete chez les Remains que de se couper les ongles tous les neufs jours. Cardan assure, dans son traite De varietate rerum, qu'il avait prevu par les taches de ses ongles tout ce qui lui etait arrive de singulier, Voy. Cin- ROMANCIE. On sait qu'il pousse des envies aux doigts quand on coupe ses ongles les jours qui ont un R, comme mardi, mercredi et vendredi..,. Enfin, quelques personnes croient en Hollande qu'on se met a I abri du-mal de dents en coupant re- gulierement ses ongles le vendredi. Voy. Ony- CHOMANCIE, Onguents. 11 y a plusieurs especes d'onguents, qui ont tous leur propriete particuliere. On sait ' L'abbe de Villars , dans le Cornte de Gabalis. que le diable en compose de differentes fagons, et qu'il les emploie a nuire au genre humain. Pour endormir, on en fait un avec de la racine de bel- ladone, de la morelle furieuse, du sang de chauve- souris, du sang de huppe, de I'aconit, de la suie, du persil, de I'opium et de la cigue. Voy. Graisse. Onomancie ou Onomatomancie, divination par les noms, Elle etait fort en usage chez les anciens. Les pythagoriciens pretendaient que les \ esprits, les actions et les succes des hommes | etaient conformes a leur destin , a leur genie et ' a leur nom. On remarquait qu'Hippolyte avait et6 dechire par ses chevaux, comme son nom le portait. De meme, on disait d'Agamemnon que, suivant son nom, il devait rester longtemps de- vant Troie ; et de Priam, qu'il devait etre rachete d'esclavage. Une des regies del'onomancie, parmi les pythagoriciens , etait qu'un nombre pair de voyelles dans le nom d'une personne signifiait quelque imperfection au cote gauche , et un nombre impair quelque imperfection au cole droit. lis avaient encore pour adage que de deux personnes, celle-la etait la plus heureuse dans ie nom de laquelle les letlres numerales jointes en- semble formaient la plus grande somme. Ainsi, disaient-ils, Achille devait vaincre Hector, parce que les leltres numerales comprises dans le nom d' Achille formaient une somme plus grande que celles du nom d'Hector. C'etait sans doule d'apres un principe semblable que, dans les parties de plaisir, les Remains buvaient a la sanle de leurs belles autant de coups qu'il y avait de leltres dans leur nom. Enfin, on peut rapporter a I'ono- mancie tous les presages qu'on pretendait tirer des noms , soit consideres dans leur ordre natu- rel, soit decomposes et reduits en anagrammes; folie trop souvent renouvelee chez les moderncs. Voy. Anagrammes. Coelius Rhodiginus a donne la description d'une singuliere espece d'onomancie; Theodat, roi des Goths, voulant connaitre le succes de la guerre qu'il projetait centre les Remains, un devin juif lui conseilla de faire enfermer un certain nombi-e de pores dans de pelites etables, de donner aux uns des noms goths, avec des marques pour les distinguer, et de les garder jusqu'a un certain jour. Ce jour elant arrive, on ouvrit les elables, et Ton trouva morts les cochons designes par des noms goths, ce qui fit predire au juif que les Remains seraient vainqueurs*. Onychomancie , divination par les ongles. Elle se praliquait en frottant avec de la suie les ongles d'un jeune gargon, qui les presentait an soleil, et Ton s'imaginait y voir des figures qui faisaient connaitre ce qu'on souhaitait de savoir. On se servait aussi d'huile et de cire. Oomancie ou Ooscopie, divination par es ceufs. Les devins des anciens jours voyaient dans • M. Noel, Dictionnaire de la Fable. 1 OPA — 505 — OPT la forme exterieiire et dans les figures interieures d'lin oeuf les secrets les plus impenetrables de I'avenir. Snidas pretend que cette divination fut inventee par Orphee. On devine a present par I'inspection des hlancs d'wufs; et des sibylles modernes (entre autres mademoiselle Lenormand) ont rendu cette divi- nation celebre. II faut prendre pour cela un verre d'eau, casser dessus un neuf frais et I'y laisser tomber doucement. On voit paries figures que le blanc forme dans I'eau divers presages. Quel- ques-uns cassenl I'ceuf dans de I'eau bouillante ; on explique alors les signes comme pour le marc de cafe. Au reste, cette divination n'est pas nou- velle ; elle est meme indiquee par le Grimoire. (( L'operation de I'ceuf, dit ce livre, est pour sa- voir ce qui doit arriver a quelqu'un qui est pre- sent lors de l'operation. On prend un ceuf d'une poule noire, pondu du jour; on le casse, on en tire le germe ; il faut avoir un grand verre bien fin et bien net , I'emplir d'eau claire et y mettre le germe de I'ceuf; on met ce verre au soleil de midi dans I'ete, en recitant des oraisons et des conjurations, et avec le doigt on remue I'eau du verre pour faire tourner le germe ; on le laisse ensuile reposer un instant, et on regarde sans toucher. On voit ce qui aura rapport a celui ou a celle pour qui l'operation se fait. II faut tacher que ce soit un jour de travail, parce qu'alors les objets s'y presentent dans leurs occupations or- dinaires ^ Voy. OEufs. Opale. Cette pierre recree le coeur, preserve de tout venin et contagion de Fair, chasse la tris- tesse, empeche les syncopes, les maux de coeur et les affections malignes... Opalski , sources d'eaux chaudes dans le Karatschalka. Les habitants s'imaginent que c'est la demeure de quelque demon et ont soin de lui apporter de legeres offrandes pour apaiser sa colere. Sans cela, disent-ils, il souleverait centre eux de terribles tempetes. Ophiogenes, charmeurs qui, dans I'Helles- pont, guerissaient par le simple toucher les mor- sures des serpents. Varron cite quelques-uns de ces habiles qui faisaient la meme chose avec leur salive. Ophiomancie , divination par les serpents, Elle etait fort usitee chez les anciens, et consis- tait a tirer presage des divers mouvements qu'on voyait faire aux serpents. On avait tant de foi a ces oracles, qu'on nourrissaitexpres des serpents pour connaitre ainsi I'avenir. Voy. SeRriiNTS. Ophionee, chef des demons ou mauvais ge- nies qui se revolterent centre Jupiter, selon Phe- recyde le Syrien. Ophioneus, celebre devin de Messenie, aveugle de naissance. 11 demandait a ceux qui venaient le consul Ler comment ils s'etaient conduits jus- * Les trois grimoires, p. 55. qu'alors, et, d'apres leurreponse, predisait ce qui leur devait arriver. Ce n'etait pas si bete. Aristodeme, roi des Messeniens, ayant consulle I'oracle de Delphes sur le succes de la guerre centre les Lacedemoniens, il lui fut repondu quo quand deux yeux s'ouvriraient a la lumiere et so refermeraient peu apres, e'en serait fait des Mes- seniens. Ophioneus se plaignit de violents maux de tete qui durerent quelques jours, au bout des- quels ses yeux s'ouvrirent pourse refermerbien- tot. Aristodeme, en apprenant cette double nou- velle, desespera du succes et se tua pour ne pas survivre a sa defaite. Voy. Ololygmancik. Ophites , heretiques du deuxieme siecle qui rendaient un culte superstitieux au serpent. lis enseignaient que le serpent avait rendu un grand service aux hommes en leur faisant connailre le bien et le mal ; ils maudissaient Jesus-Christ, parce qu'il est ecrit qu'il est venu dans le monde pour ecraser la tete du serpent. Aussi Orig^ne ne les regardait-il pas comme Chretiens. Leur secte etait peu nombreuse. Ophthalmius, pierre fabuleuse qui rendait,, disait-on, invisible celui qui la portait. Ophthalmoscopie , art de connaitre le carac- tere ou le temperament d'une personne par I'in- spection de ses yeux. Voy. Physiognomonie. Optimisme. On parle d'une secte de philoso- phes optimistes qui existaient jadis dans I'Arabie , et qui employaient tout leur esprit a ne rien trouver de mal. Un docteur de cette secte avait une femme acarialre , qu'il supporta longtemps , mais qu'enfm il etrangla de son mieux ; et il trouva que tout etait bien. Le calife fit empaler le coupable, qui souffrit sans se plaindre. Comme les assistants s'etonnaient de sa tranquillile : — Eh mais! leur dit-il, ne suis-je pas bien empale? On fait aussi ce conte : Le diable emportait un philosophe de la meme secte, et celui-ci se lais- sait emporter tranquillement, — II faut bien que nous arrivions quelque part, disait-il, et tout est pour le mieux*. 1 Un jeune homme etait bossu; il se consacrait aux arts et ne revait que la gloire. Un savant chirur- glen le redressa; devenu un homme bien fait, il se jeta dans le monde et y fut englouti sans y laisser de nom. M. Eugene Guinot, qui cite ce fait, ajoute : « Esope n'aurait peut-etre pas compose ses fables, si I'orthopedie avait ete inventee de son temps. Le meme ecrivain cite d'autres victimes de la science. Un homme du monde etait begue, on lui trouvait de I'esprit; I'hesitation pretait de Foriginahte a ses dis- cours; il avait le temps de reflechir en parlant; il s'arretait quelquefois d'une maniere heureuse au mi- lieu d'une phrase; il avait des demi-mots qui faisaient fortune. Un operateur lui rend le libre exercice de sa languc ; il parle net, et on trouve qu'il n'est plus qu'un sot. Un pauvre aveugle, commodement installe sur le pont Neuf, recevait d'abondantes aumones. Un savant docteur lui rend la vue. 11 retourne a son poste; mais bientdt un sergent de ville le prend au collet en vertudes ordonnances qui regissent la men- dicite. — Je suis en regie, dit le mendiant, voici ORA — 506 — ORA Oracles. Les oracles etaienl chez les anciens les interpretes des dieiix, et que les sorciers ne ce que soiit les devins parmi nous. Toute la dil'- peuvent relever que du diable. On honorait les ference qu'il y a enlre ces deux especes , c'est premiers ; on meprise les seconds, que les gens qui rendaienl les oracles se disaient Le P. Kirker, dans le dessein de detroniper les Un doctear de celte secle avail une femme acaridtrc. . — Page 503. gens superstitieux sur les prodiges attribues a roracle de Delphes, avail imagine un tuyau adapte avec tant d'art a une figure automate, que quand quelqu'un parlait un autre entendait dans une chambre eloignee ce qu'on venait de dire , et re- pondait par ce meme tuyau, qui faisait ouvrir la bouche et remuer les levres de I'automate. 11 sup- posa en consequence que les pretres du paga- nisme, en se servant de ces tuyaux, faisaient accroire aux sots que I'ldole satisfaisait a leurs questions. L'oracle de Delphes est le plus fameux de tous. II etait situe sur un cole du Parnasse, coupe de sentiers tallies dans le roc, entoure de rochers qui repetaient plusieurs fois le son d'une seiile trompette. Un berger le decouvrit en remarqiianl que ses chevres etaienl enivrees de la vapeur que produisait une grotte autour de laquelle elles paissaient. La pretresse rendait ses oracles, as- sise sur un trepied d'or, au-dessus de cetle cavite ; la vapeur qui en sortail la faisait entrer dans une sorte de delire effrayant, qu'on prenait pour un enthousiasme divin. Les oracles de la Pythie n'etaienl autre chose qu'une inspiration demoniaque, dit Leloyer, et ne procedaient point d'une voix humaine. Dtis qu'elle entrait en fonction, son visage s'alterait, sa gorge s'enflait , « sa poitrine pantoisait et ha- mon aulorisation. — Vous vous moquez, reprit le sergeiit de ville , celte permission est pour un aveu- gle, et vous jouissez d'une fort bonne vue. Vous irez en prison. » letait sans cesse ; elle ne ressentait rien que rage ; elie remuait la tete, faisait la roue du cou, pour Devin. parler comme le poete Stace, agitait tout le corps et rendait ainsi ses reponses. » Les pretres de Dodone disaient que deux co- ORA — 507 — ORA lombes etaient venues d'figypte dans leiir foret, parlant le langage des homines, et qu'elles avaient j commande d'y batir un temple a Jupiter, qui ' promettait de s'y trouver et d'y rendre des ora- cles. Pausanias conte que des filles merveilleuses se changeaient en colombes, et sous cette forme rendaient les celeb res oracles de Dodone. Les chenes parlaient dans cette foret enchantee {Voy. Arbres), et on y voyait une statue qui re- pondait a tous ceux qui la consultaient, en frap- pant avec une verge sur des chaudrons d'airain, laissant a ses pretres le soin d'expliquer les sons prophetiques qu'elle produisait. Le boeuf Apis, dans lequel I'ame du grand Osiris sletait retiree, etait regarde chez les Egyp- tiens comme un oracle. En le consultant, on se mettait les mains sur les oreilles et on les tenait bouchees jusqu'a ce qu'on fut sorti de I'enceinte du temple ; alors on prenait pour reponse du dieu la premiere parole qu'on entendait. Ceux qui allaient consulter en Achaie I'oracle d'Hercule, aprfes avoir fait leur priere dans le temple , jetaient au hasard quatre des , sur les faces desquels elaient gravees quelques figures ; ils allaient ensuite a un tableau ou ces hieroglyphes etaient expliques et prenaient pour la reponse du dieu I'interpretation qui repondait a la chance qu'ils avaient amenee. Les oracles presentaient ordinairement un double sens, qui sauvait I'honneur du dieu et leur donnait un air de verite, mais de verite cachee au milieu du mensonge, que peu de gens avaient I'esprit de voir. Theagene de Thase avail remporte quatorze cents couronnes en differents jeux , de sorte qu'apres sa mort on lui eleva une statue en me- moire de ses victoires. Un de ses ennemis allait souvent insulter cette statue, qui tomba sur lui et I'ecrasa. Ses enfants , conformement aux lois de Dracon, qui permetlaient d'avoir action meme centre les choses inanimees, quand il s'agissait de punir I'homicide, poursuivirent la statue de Theagene pour le meurtre de leur pere ; elle fut condamnee a etre jetee dans la mer. Les Thasiens furent peu apres affliges d'une peste. L'oracle consulte repondit : Rappekz vos exiles. Ils rap- pelerent en consequence quelques-uns de leurs concitoyens; mais la calamite ne cessant point, ils renvoyerent a l'oracle, qui leur dit alors plus clairement : Voiis avcz detriiit les honneurs du cjrand TMagene!... La statue fat remise a sa place; on lui sacrifia comme a un dieu, et la peste s'apaisa. On consultait l'oracle sur toutes choses. Eu- chidas, jeune Plateen , perit victime de son zele pour son pays. Apres la bataille de Platee, l'oracle de Delphes ordonna a ses compatriotes d'eteindre tout le feu qui etait dans le pays, parce qu'il avait ete profane paries barbares, etd'en venir prendre un plus pur a Delphes. Le feu fut eteint dans toute la con tree. Euchidas se chargea d'aller chercher celui de Delphes avec toute la diligence possible. En effet, il partit en courant et revint de meme, apres avoir fait mille stades dans un jour. En arrivant, il salua ses compatriotes, leur remit le feu sacre et tomba mort de lassitude. Les Plateens lui eleverent un tombeau avec cette epitaphe : « Ci-git Euchidas, mort pour etre alle a Delphes et en etre revenu en un seul jour. » Philippe, roi de Macedoine , fut' averti par l'oracle d'Apollon qu'il serait tue par une char- rette : c'est pourquoi il commanda aussitot qu'on fit sortir toutes les charretles et tous les chariots de son royaume. Toutefois il ne put echapper au sort qiie l'oracle avait si bien prevu : Pausanias, qui lui donna la mort, portait une charrette gra- vee a la garde de I'epee dont il le perga. Ce menie Philippe desirantsavoir s'il pourraitvaincre les Atheniens, l'oracle qu'il consultait lui repondit ■ Avec lances d'argent quand tii feras la guerre, Tu pourras terrasser les peuples de la terre; Ce moyen lui reussit merveilleusement, et il di- sait quelquefois qu'il etait maitre d'une place s'il pouvait y faire entrer un mulet charge d'or. L'ambiguite etait un des caracteres les plus ordinaires des oracles, et le double sens ne pou- vait que leuretre favorable. Ainsi, quand la Pythie dit a Neron : « Garde- toi des soixante-treize ans, » ce prince crut que les dieux lui annoncaient par la une longue vie. Mais il fut bien etonne quand il vit que cette reponse indiquait Galba, vieillard de soixante-treize ans, qui le detrona. Quelquefois les oracles ont dit des verites. Qui les y contraignait ? On est surpris de lire dans Porphyre que l'oracle de Delphes repondit un jour a des gens qui lui demandaient ce que c'etait que Dieu : « Dieu est la source de la vie , le principe de toutes choses, le conservateur de tous les etres. Tout est plein de Dieu : il est par- tout. Personne ne I'a engendre : il est sans mere. II sait tout, et on ne peut rien lui apprendre. II est inebranlable dans ses desseins, et son nora est ineffable. Voila ce que je sais de Dieu, ne cherche pas a en savoir davantage : ta raison ne saurait le comprendre, quelque sage que tu sois. Le mechant et ['in juste ne peuvent se cacher devant lui ; I'adresse et I'excuse ne peuvent rien deguiser a ses regards pergants. » Dans Suidas , l'oracle de Serapis dit a Thulis , roi d'Egyple : « Dieu, le Verbe, et I'Esprit qui les unit, tous ces trois ne sont qu'un : c'est le Dieu dont la force est eternelle. Mortel, adore et tremble, ou tu es plus a plaindre que I'animal depourvu de raison. » Le comte de Gabalis, en attribuant les oracles aux esprits elementaires , ajoule qu'avant Jesus- Christ ces esprits prenaient plaisir a expliquer aux hommes ce qu'ils savaient de Dieu et a leur ORA 508 — ORI donner de sages conseils ; mais qu'ils se relirerent quand Dieii viiU lui-meme instruire les homines, et que des lors les oracles se Uirent. (( On pensera des oracles des paiens ce que Ton voudra, dit dom Calmet dans ses Disserta- tions sur les apparitions, je n'ai nul interet a les defendre, je ne ferai pas raeme difficuUe d'avoiier qu'il y a eu de la part des pretres et des pre- tresses qui rendaient ces oracles beaucoup de superclieries et d'illusions. Mais s'ensuit-il que le demon ne s'en soit jamais mele? On ne pent dis- convenir que, depuis le Christianisme, les oracles ne soient tombes insensiblement daus le mepris et n'aient ete reduits au silence, et que les pretres, qui se melaient de predire les choses cachees et futures, n'aient ete souvent forces d'avouer que la presence des Chretiens leurimposait silence. » Orages. Voy. Crierif.ns, Tonnkrre, etc. Oraison du loup. Qi^iand on I'a prononcee pendant cinq jours au soleil levant, on peut de- iier les loups les plus affames et mettre les chiens a la porte. La void, cette oraison fameuse : (( Viens, bete a laine, c'est I'agneau d'humilite ; je te garde. Va droit, bete grise, a gris agripeuse ; va chercher ta proie, loups et louves et louve- teaux : tu n'as point a venir a cette viande qui estici. Fade retro, o Satana! » Voy. Gardes. Oray ou Loray , grand marquis des enfers , qui se montresous la forme d'un superbe archer por- tant un arc et des fleches; il anime les combats, empire les blessures faites par les archers, lance les javelines les plus meurtrieres. Trente legions le reconnaissent pour dominaleur et souverain*. Orcavelle , magicienne ceiebre dans les ro- mans de chevalerie. Elle operait des enchante- nients extraordinaires. Ordalie. On donnait le nom d'ordalie a une serie d'epreuves par les elements. Elles consis- taient a marcher les yeux bandes parmi des socs de charrue rougis au feu , a traverser des bra- siers enflammes, a plonger le bras dans I'eau bouillante, a tenir a la main une barre de fer rouge, a avaler un morceau de pain myste- rieux , a etre plonge , les mains liees aux jambes , dans une grande cuve d'eau, enfin a etendre pen- dant assez longtemps les bras devant une croix. Voy. Croix, Eau, Feu, etc. Oreille. On dit que nos amis parlent de nous quand I'oreille gauche nous tinte, et nos ennemis quand c'est la droite. Oresme (Guiilaume), astrologue du quator- zieme siecle , dont on salt peu de chose. Orfa. Le lac d'Orfa, pres d'Edesse, pullnle de poissons reputes sacres. 11 est expressement de- fendu, en memoire d' Abraham , d'y jamais tendre un filet ou d'y jeter une amorce. Orgueil, le pechequi ouvre la phalange odieuse des sept peches capitaux. C'est le peche d'Adam, et il nous est reste. ' Wierus, in Pseudom. deem. Orias, demon des astrologues et des devins, grand marquis de I'empire infernal. II se montre sous les traits d'un lion furieux , assis sur un cheval qui a la queue d'un serpent. 11 porte dans chaque main une vipere. 11 connait Tastronomie et enseigne I'astrologie. II metamorphose les hommes a leur volonte, leur fait obtenir des di- gnites et des titres , et commande trente legions. Originel (Peche) , la source detous les maux qui allligent I'humanite, repare par le bapteme dans ses consequences elernelles. Ceux qui nient le peche originel n'ont pourtant jamais pu expli- quer leur negation. Voy. Peche. Origines du monde. Tout s'accorde pour reconnaitre au monde une origine peu eloignee, L'hisloire, aussi bien que la sainte Bible, ne nous permet guere de donner au monde plus de six mille ans; et rien dans les arts, dans les monu- ments , dans la civilisation des anciens peuples, ne contredit I'Ecriture sainte. Raconlons toute- fois les reveries des conteurs paiens. Sanchonia- ton presente ainsi I'origine du monde. Le Tres- Haut et sa femme habitaient le sein de la lumiere. lis eurent un lils beau comme le Ciel , dont il porta le nom, etune fille belle comme la Terre, dont elle porta le nom. Le Tres-Haut mourut, tue par des betes feroces , et ses enfants ledeifie- rent. Le Ciel, maitre de I'empire de son pere, epousa alors la Terre, sa soeur, et en eut plu- sieurs enfants, enlre autres Hus ou Saturne. II prit encore soin de sa posterite avec qiielques autres femmes; mais la Terre en temoigna tant de jalousie qu'ils se separerent. Neanmoins le Ciel revenait quelquefois a elle et I'abandonnait ensuite de nouveau , ou cherchait a detruire les enfants qu'elle lui avait donnes. Quand Saturne fut grand, il prit le parli de sa mere et la pro- legea centre son pere , avec le secours d'Hermes, son secretaire. Saturne chassa son pere et regna en sa place. Ensuite il batit une ville, et se de- hant de Sadid, I'un de ses fils, il le tua etcoupa la tete a sa (ille, au grand etonnement des dieux. Cependant le Ciel, toujours fugitif , envoya trois de ses filles a Saturne pour le faire perir; ce prince les fit prisonnieres et les epousa. A cette nouvelle, le pere en detacha deux autres que Saturne epousa pareillement. Quelque temps apres Saturne, ayant tendu des embuches a son pere, I'estropia et I'honora ensuite comme un dieu. Tels sont les divins exploits de Saturne , tel fut I'age d'or. Astarte la Grande regna alors dans le pays par le consentement dc Saturne; elle porta sur sa tete une tete de taureau pour marque de sa royaute, etc. 1 L'auteur du Monde primitif trouve la clef de ce morceau dans I'agriculture..... ; d'aiitres en cher- client I'explication dans I'aslronomie, ce qui n'est pas moins ingenieux; ceux-ci n'y voient que les opi- nions religieuses des Plieniciens touchant I'origine du monde, ceux-la y croient voir I'histoire denaturee des premiers princes du pays, etc. Ofll — 609 — All commencement, ditHesiode, etaitle Chaos, eiisnite la Terre, le Tartare, I'Amour, le plus beau des dieux. Le Chaos engendra I'Erebe et la Nuit, de I'union desquels naquirent le Jour et la Lumiere. La Terre produisit alors les etoiles, les montagnes el la mer. Bientot, unie au Ciel, elle enfanta I'Ocean, Hyperion, Japhet, Rhea, Phoebe, Thetis, Mnemosyne, Themis et Saturne, ainsi i que les Cyclopes et les geants Briaree et Gyges, qui avaient cinquante tetes et cent bras. A mesure que ses enfants naissaient , le Ciel les enfer- j mait dans le sein de la Terre. La Terr.e, irritee, I fabriqua une faux qu'elle donna a Saturne. Ce- lui-ci en frappa son pere, et du sang qui sortit de cetle blessure naquirent les geants et les fu- ries. Saturne eut de Rhea, son epouse et sa soeur, Vesta, Ceres, Junon, Pluton, Neptune et Jupiter. Ce dernier, sauve de la dent de son pere . qui mangeait ses enlants , fut eleve dans une caverne, et par la suite lit rendro a Saturne ses oncles qu jl lenait en prison , ses freres qu il- avait a va- les , le chassa du ciel , et, la foudre a la main , devint le maltre des dicux et des hommes. Les Egyptiens faisaient naitre Thomme et les animaux du limon echauffe par le Soleil. Les Pheniciens disaient que le Soleil, la Lune et les astres ayant paru, le Limon, fils de I'Air et du Feu, enfanta tons les animaux; que les premiers hommes habitaient la Phenicie ; qu'ils furent d'une grandeur demesuree et donnerent leur nom aux montagnes du pays; que bientot ils adore- rent deux pierres, I'une consacree au Vent, I'au- tre au F.eu, et leur immolerent des victimes. Mais le Soleil fut toujours le premier et le plus grand de leurs dieux. Tons les peuples anciens faisaient ainsi remon- ter tres-haut leur origine, et chaque nation se croyait la premiere sur la terre. Quelques nations modernes ont la meme ambition : les Chinois se disent anterieurs au deluge de quelques centaines de mille ans. lis croient la matiere eternelle; ils lui fontproduire un jour le dragon, la tortue, le dragon-cheval , des oiseaux singuliers, et un homme que les chroniques chinoises appellent Pan-kou; quand il s'est tate et reconnu dans le chaos, Pan-kou, qui n'est ni cree ni createur, se fait un ciseau et un maillet avec quoi il debrouille les elements divers. Les Japonais soutiennent que les dieux dont ils sont descendus ont habite leur pays plusieurs millions d'annees avant le regne de Sin-Mu, fondateur de leur monarchie. C'est ainsi que les vieux chroniqueurs francais f on t remonter la genealogie de nos rois plus loin que Noe. Une seule decouverte dans ces pretentions explique toutes les autres. Nos chroniqueurs ont mis a la file soixante petils rois qui regnaient ensemble, dans le meme temps, chacun en sa ORN — 510 — ORP ville. Telle est la verite des dynasties chinoises, egypliennes et japonaises. l.es Parsis on Giiebres pretendent que , pour peiipler plus promptement le monde nouvelle- ment cree, Dieu permit qu'Eve, notre mere commune, mit au monde chaque jour deux en- ■ fants jumeaux ; ils ajoutent que durant mille ans la mort respecta les hommes et leur laissa le temps de se multiplier. Les Lapons, qui ne sont pas tres-forts, s'imaginent que le monde existe de toule eternile et qu'il n'aura jamais de fin. Disons un mot de quelques autres origines. Les hommes tirent plus de vanite d'une noble souche ou d'une souche singuliere que d'un cceur noble et d'un merite personnel. Les peu- ples de la Cote-d'Or, en Afriquc , croient que le premier homme fut produit par une araignee. Les Atheniens se disaient descendus des fourmis d'une foret de I'Attique. Parmi les sauvages du Canada, il y a trois families principales : I'une pretend descendre d'un lievre, I'aulre dil qu'elle descend d'une Ires-belle et tres-courageuse fern me qui eut pour mere une carpe, dont I'oeuf fut echauffe par les rayons^du soleil ; la troisieme famille se donne pour premier ancetre un ours. Les rois des Goths etaient pareillement nes d'un ours. Les Pegusiens sont nes d'un cliien. Les Suedois et les Lapons sont issus de deux freres, dont Ic courage etait bien different, s'il faul en croire les Lapons. Un jour qu'il s'etait eleve une tempete horrible, I'un des deux freres (ils se trouvaient ensemble) fut si epouvante qu'il se glissa sous une planche , que Dieu, par pitie, converlit en maison. De ce poltron sont ncs tous les Suedois. L'autre, plus courageux, brava la furie de la tempete , sans chercher meme a se cacher : ce brave fut le pere des Lapons, qui vivent encore aujourd'hui sans s'abriter. Les Syriens disent que notre planele n'etait pas faile pour etre habitee originairemeuLpar des gens raisonnables, mais que, parmi les citoyens du ciel, il se trouva deux gourmands, le mari et la femme, qui s'aviserent de manger une galette. Presses ensuite d'un besoin qui est la suite de la gourmandise , ils demanderent a un des princi- paux domestiques de I'empire ou etait la garde- robe. Celui-ci leur repondit : Voyez-vous la terre , ce petit globe qui est a mille millions de lieues de nous? C'est la. lis y allerent, el on les y laissa pour les en punir. Selon les Indiens, huit elephants soutiennent le monde; ils les appellent Achtequedjams. On peul voir, pour plus de details, le pream- bule des Lcgendcs de I'Ancien Testament. Ornithomancie, divination qu'on tirait de la langue , du vol , du cri et du chant des oiseaux. Voy. AUGURES. Orobas , grand prince du sombre empire. On le voit sous la forme d'un beau cheval. Quand il parait sous la figure d'un homme, il parle de I'essence divine. Gonsulte, il donne des re- ponses sur le passe, le present et I'avenir. 11 decuUVi'o le mensonge, accorde des dignites et des emplois, reconcilie les ennemis, et a sous ses ordres vingt legions. Oromasis, salamandre distingue que les ca- balisLes donnent pour compagnon de Noe dans I'arche. Oromaze, Ormos, Ormuzd. La mylhologie persane dit que le dieu Oromaze fit vingl-quatre dieux, et les mit lous dans un ceuf. Ahrimane, son ennemi , en nyant aussi fait un pared nom- bre , ceux-ci percerenl I'ceuf , et le mal se trouva alors mele avec le bien. Voy. Ahrimane. Oronte. Pausanias raconle qu'un. empereur remain , voulant transporter ses troupes depuis la mer jusqu'a Antioche, entrepril de rendre I'Oronle navigable, afin que rien n'arretat ses vaisscaux. Ayant done fait creuser un canal avec beaucoup de peines et de frais, il delourna le fleuve el lui fit changer de lit. Quand le premier canal fut a sec , on y trouva un tombeau de bri- ques long de onze coudees, qui refermait un cadavre de pareille grandeur et de figure hu- maine dans toutes ses parlies. Les Syriens ayant consulle I'oracle d'Apollon, a Claros, pour savoir ce que c'elait, il leur fut repondu que c'etait Oronte, hidien de nation. Orphee, epoux d'Eurydice, qu'il perdit le jour de ses uoces, qu'il pleura si longtemps, et qu'il alia enfin redemander aux enfers. Pluton la lui rendit, a condition qu'il ne regarderait point derriere lui jusqu'a ce qu'il fut hors du sombre empire. Orphee ne put resister a son impatience; il se retourna et perdit Eurydice une seconde fois et sans retour. 11 s'enfonga alors dans un de- sert, jura de ne plus aimer, et chanta ses dou- leurs d'un ton si touchant qu'il attendrit les betes feroces. Les bacchantes furent moins sensibles, car sa trislesse le fit mettre en pieces par ces furieuses. Les anciens voyaient dans Orphee un ORP — 511 — OUR musicien habile a qui rien ne pouvait resister. Les compilateurs dii moyen age I'ont regarde comme un magicien insigne, et ont attribue aux charmes de la magie les merveilles que la my- Ihologie attribue au channe de sa voix. Orphee fut le plus grand sorcier et le plus igrand necroinancien qui jamais ait vecu, dit Pierre Leloyer. Ses ecrits ne sonL farcis que des louanges des diables. II savait les evoquer. II institua I'ordre des Orpheotclestes , espece de sorciers, parmi lesquels Bacchus tenait ancien- nement pareil lieu que le diable tient aujour- d'hni aux assemblies du sabbat. Bacchus, qui n'etait qu'un diable deguise, s'y nommait Saba- sius : c'est de la que le sabbat a tire son nom. Apres la morl d'Oi'phee, sa tele rendit des ora- cles dans I'ile de Lesbos. Tzetzes dit qu'Orphee lapprit en Egypte la funeste science de la magie , qui y etait en grand credit , et surtout I'art de charmer les serpents. Pausanias explique sa des- cente aux enfers par un voyage en Thesprotie, ou Ton evoquait par des enchantements les ames des morts. L'epoux d'Eurydice , trompe par un fantome qu'on lui fit voir pendant quelques in- j slants, mourut de regret, ou du moins renonga I pour jamais a la societe des hommes et se retira jsur les mdntagnes de Thrace. Leclerc pretend qu'Orphee elait un grand magicien ; que ses hymnes sont des evocations infernales , et que, si Ton en croit Apollodore et Lucien, c'est lui qui a mis en vogue dans la Grece la magie, I'art de lire dans les astres et revocation des manes. Orphelinats. Plusieurs fois ces etablissements de charite ont ete obsedes par les malins esprits. Dans la maison d'orphelines fondee a Lille au mi- lieu du dix-septieme siecle par Antoinette Bouri- gnon , la fondatrice crut voir un jour une nuec de petits demons voltigeant autour des tetes de ses jeunes filles. Elle les entoura de surveillance. Un jour, une d'elles s'etant echappee d'unc chambre bien close oia on I'avait enfermee , on lui demanda qui I'avait mise en liberte ; elle re- pondit : « J'ai ete delivree par un esprit auquel je me suis vouee des I'enfance. » Des lors cin- quante orphelines se declarerent possedees; elles disaient qu'elles etaient emportees au sabbat toutes les nuits. On accusa la Bourignon d'avoir enflamme les imaginations de ces pauvres jeunes filles, et la peur qu'elle eut d'etre poursuivie I'engagea a s'enfuir. En 1669, les orphelins de I'hospice de Horn furent pareillement atteints de convulsions et de delire. G'etait un pays de protestants , et les demons avaient beau jeu ; car les ministres , qui Chez eux remplacaient nos pretres, ne pouvaient exerciser. Gependant, ces orphelins hurlaient et aboyaient comme des chiens. lis se jelaient par terre et se heurtaient a se briser centre des corps durs. Un siecle auparavant, en 1566, la meme crise avait eu lieu dans la maison des orphelins d'Amsterdam. Hooft, dans son Histoire des Pays- Bas, rapporte que soixante-dix de ces pauvres enfants elaient evidemment possedes par de niau- vais esprits. lis grimpaient aux murs les plus eleves et couraient sur les toits comme des chats. Si on les fachait, leurs figures devenaient hor- ribles, lis parlaient des langues qu'ils n'avaient jamais apprises et racontaient dans leur petite chambre ce qui se passait et ce qui se disait a I'hotel de ville, au moment meme oii ils parlaient. G'etait done une epidemic diabolique ; et nous ne saurions dire comment elle fut calmee. Orpheotelestes, gens qui faisaient le sabbat, c'est-a-dire les mysteres d'Orphee. Or portable, Or artificiel. Voi/. Alchimie. Orr (John). G'etait un Americain, en corres- pondance sans doute avec les esprits. II prechait le spiritisme dans les rues, se disant I'ange Ga- briel, et par consequent a I'abri de la mort. 11 avait des adeptes qui furent done bien surpris de le voir mourir comme un homme, au commence- ment de I'annee 1857, a Demerara. Orthon , lutin ou esprit familier qui s'attacha au comte de Foix. Le bon Froissart en a parle'. Ortie brulante. Les Islandais, qui appellent cette plante netla, croient qu'elle a une vertu singuliere pour ecarter les sortileges. Selon eux, il faut en faire des poignees de verges et en fouetter les sorciers a nu. Os des morts. Certains habitants de la Mau- ritanie ne' mettent jamais deux corps dans la meme sepulture , de peur qu'ils ne s'escamotent mutuellement leurs os au jour de la resurrection. Othon. Suetone dit que le spectre de Galba poursuivait sans relache Othon, son meurtrier, le tiraillait hors du lit, I'epouvantait et lui causait mi lie tourments. G'etait peut-etre le remords. Otis ou Botis, grand president des enfers. 11 apparait sous la forme d'une vipere; quand il prend la figure humaine, il a de grandes dents, deux cornes sur la tete et un glaive a la main ; il repond effrontement sur le present, le passe et I'avenir. II a autant d'amis que d'ennemis. II commando soixante legions ^. Ouahiche, genie ou demon dont les jon- gleurs iroquois se pretendent inspires. G'est lui qui leur revele les choses futures. Ouikka, mauvais genie qui, chez les Esqui- maux, fait naitre les tempetes et renverse les barques. Oulon-Toyon, chef des vingl-sept tribus d' es- prits malfaisants, que les Yakouts supposent re- pandus dans I'air et acharnes a leur nuire. II a une femme et beaucoup d'enfants. Oupires. Voy. Vampires. Ouran ou Ouran-Soangue, homme endiuble, sorte de magiqiens de File Gromboccanore , dans 1 Voyez son histoire dans les Legendes des esprits et demons. 2 Wierus, in Pseudom. dcemon. OUR — 512 — OZE les hides orienlales. lis ont la reputation de se rendre invisibles quand il leur plait, et de se Iransporler oii ils veiilent, Le peiiple les craint et les hait mortellement; quand on peut en at- traper quelqu'un, on le tue sans misericorde. Ourisk, lutin du genre des sylvains et des satyres du paganisme. Ours. Quand les Osliacks ont tue un ours, ils I'ecorclient et nietlent sa peau sur un arbre au- pres d'une de leurs idoles; apres quoi ils lui ren- dent leurs hommages, lui font de tres-hunibles excuses de lui avoir donne la mort et lui repre- sentent que dans le fond ce n'est pas a eux qu'il doit s'en prendre, puisqu'ils n'ont pas forge le fer qui I'a perce , et que la plume qui a hate le vol de la tleche appartient a un oiseau etranger. Au Canada, lorsque des chasseurs luent un ours, un d'eux s'en approche, lui met entre les dents le tuyau de sa pipe, souffle dans le fourneau, et, lui remplissant ainsi de fumee la gueule et le gosier, il conjure I'esprit de cet animal de ne pas s'offenser de sa mort. Mais comme I'esprit ne fait aucune reponse, le chasseur, pour savoir si sa priere est exaucee, coupe le filet qui est sous la langue de Tours et le garde jusqu'a la fin de la chasse. Mors on fait un grand feu dans toute la bourgade, et toute la troupe y jetle ces filets avec ceremonie : s'ils y petillent et se retirent, comme il doit naturellement arriver, c'est une marque certaine que les esprits des ours sont apaises; autrement on se persuade qu'ils sont irrites et que la chasse ne sera point heureuse I'annee d'apres , a moins qu'on ne prenne soin de se les reconcilier par des presents et des invocations \ ' La Ilarpe, Hist, des voyages, t. XVIII, p. 396. Le diable prend quelquefois la forme de cet animal. II s'est presente un jour sous cette peau a une Allemande; il entrainait a sa suite quel- ques petits, qui n'etaient que des cobolds. L'Alle- mande se defia et le mit en fuite par le signe de la croix. Un choriste de Citeaux, s'etant legere- ment endormi aux matines, s'eveilla en sursaut et apercut un ours qui sorlait du choeur. Celte vision commenga a I'effrayer, quand il vit I'ours reparaitre et considerer attenlivement tons les novices , comme un ofTicier de police qui fait sa ronde... Enfin , le monstre sortit de nouveau en disant : « lis sont bien eveilles; je reviendrai tout a I'heure voir s'ils dorment... » Le naif le- gendaire ajoute que c'etait le diable, qu'on avait envoye pour contenir les freres dans leur devoir'. On croyait autrefois que ceux qui avaient mange la cervelle d'un ours etaient frappes de vertiges, durant lesquels ils se croyaient transformes en ours et eu prenaient les manieres. Ovide. On lui attribue un ouvrage de magie intitule le Livre de la vieille, que nous ne con- naissons pas. Oxyones, peuples imaginaires de Germanic, qui avaient, dit-on, la tete d'un homme el le reste du corps d'une bete. C'est une fable et une farce. Les faiseurs de caricatures ont sou- vent pris ce theme, notamment en 1791, pour le general Lafayette, qui etait toujours a cheval. Oze, grand president desenfers. II se presente sous la forme d'un leopard ou sous celle d'un homme. II rend ses adeptes habiles dans les arts liberaux. 11 repond sur les choses divines et abs- traites, metamorphose I'homnie, le rend insense au point de lui faire croire qu'il est roi ou em- pereur. Oze porte une couronne; mais son regne ne dure qu'une heure par jour ^. ' (;o3sarii Hcisterb. Miracul. illustrium, lib. V, cap. XLix. 2 Wierus, in Pseudomon. daemon. PA — 513 — PAC Pa (Olaiis). Voy. Harppe. Facte. II y a plusieurs inanieres de faire pacte avec le diable. Les gens qui donnent dans les croyances siiperstitieuses pensent le faire venir en lisant le Grimoire a I'endroit des evocations, en recitant les formules de conjuration rappor- tees dans ce dictionnaire, ou bien en saignant une poule noire dans iin grand chemin croise , et I'enterrant avec des paroles magiques. Quand le diable veut bien se montrer , on fait alors le mar- che , que Ton signe de son sang. Au reste , on dit range des lenebres accommodant, sauf la con- dition accoutumee de se donner a lui. Le comte de Gabalis , qui ote aux demons leur antique pouvoir , pretend que ces pactes se font avec les gnomes, qui achetent I'ame des hommes pour les tresors qu'ils donnent largement; en cela, cependant, conseilles par les botes du sombre empire. Un pacte, dit Bergier, est une convention, expresse ou tacite, faite avec le demon, dans I'esperance d'obtenir par son entremise des Glioses qui passent les forces de la nature. Un I pacte peut done etre expres et formel , ou tacite et equivalent. II est cense expres et formel : l°lors- que par soi-meme on invoque expressement le demon et que Ton demande son secours, soit que Ton voie reellement cet esprit de tenebres, soit que Ton croie le voir; 2" quand on I'invoque par le ministere de ceux que Ton croit etre en rela- tion et en commerce avec lui ; 3" quand on fait quelque chose dont on attend I'effet de lui. Le pacte est seulement tacite ou equivalent, lorsque I'on se borne a faire une chose de laquelle on espere un effet qu'elle ne peut produire naturel- lement, ni surnaturellement et par I'operation de Dieu, parce qu'alors on ne peut esperer cet effet que par I'intervention du demon. Ceux , par exemple, qui pretendent guerir les maladies par des paroles doivent comprendre que les paroles n'ont pas naturellement cette vertu. Dieu n'y a pas attache non plus cetle efficacite. Si done elles produisaient cet effet, ce ne pourrait etre que par I'operation de I'esprit infernal. De la, les theolo- giens concluent que non-seulement toute espece de magie , mais encore toute espece de supersti- tion, renferme un pacte au moins tacite ou equi- valent avec le demon, puisque aucune pratique superstitieuse ne peut rien produire, a moins qu'il ne s'en mele. C'esl le sentiment de saint Augustin , de saint Thomas et de tous ceux qui ont traite cette maliere * Bergier, Dictionnaire theologique. Voyez les dif- f^rents pactes les plus c^lebres, dans les Legendes in females. " Donnons ici une piece curieuse des grimoires. C'est ce qu'ils appellent le <( Sanctum regmim de la Ciavicule, ou" la veritable maniere de faire les pactes; avec les noms, puissances et talents de tous les grands esprits supirieurs , comme aussi la maniere de les faire paraitre par la force de la grande appellation du chapitre des pactes de la grande Ciavicule, qui les force d'ohcir a quelque operation que I'on souhaite ». « Le veritable sanctum regnum de la grande Ciavicule, aalvemenl dil]es pacta conventa dcemo- niorum, dont on parle depuis si longtemps, sont une chose fort necessaire a etablir ici pour I'in- telligence de ceux qui, voulant forcer les esprits, n'ont point la qualite requise pour composer la verge foudroyante et le cercle cabalistique. lis ne peuvent venir a bout de forcer aucun esprit de paraitre, s'ils n'executent de point en point tout ce qui est decrit ci-apres touchant la maniere de faire des pactes avec quelque esprit que ce puisse etre, soit pour avoir des tresors, soit pour de- couvrir les secrets les plus caches, soit pour faire travailler un esprit pendant la nuit a son ouvrage, ou pour faire tomber une grele ou la tempete partout ou Ton souhaite ; soit pour se rendre in- visible, pour se faire transporter partout oii Ton veut, pour ouvrir toutes les serrures, voir tout ce qui se passe dans les maisons et apprendre tous les tours et finesses des bergers; soit pour acquerir la main de gloire et pour connaitre les 33 PAC — 5U — PAC qualites et les vertus des metaux et des mineraux, des vegelaux et de tous les animaux purs et iin- purs; pour faire, en un mot, des choses si mer- veilleuses, qu'il n'y a aucun homme qui n'en soit dans la derniere surprise. C'est par la grande Clavicule de Salomon que Ton a decouvert la ve- ritable maniere de faire les pactes; il s'en est servi lui-meme pour acquerir de grandes ri- chesses, et pour connaitre les plus impenetrables secrets de la nature. « Nous commencerons par decrire les nomsdes principaux esprits avec leur puissance et pouvoir, et ensuite nous expliquerons les pacta dcemonio- rtim, ou la veritable maniere de faire les pactes avec quelque esprit que ce soit. Voici les noms des principaux : » Lucifer, empereur. — Belzkbut, prince. — AsTAROT, grand-due. » Ensuite viennent les esprits superieurs qui sont Subordonnes aux trois nommes ci-devant : » LuciruGE, premier ministre. — Satanachia, grand general. — Fleurety, lieutenant gene- ral. — Nebiros , marechal de camp. — Agalia- REPT, grand senechal. — Sargatanas, brigadier chef. » Les six grands esprits que je viens denommer ci-devant dirigent, par leur pouvoir, toute la puissance infernale qui est donnee aux autres esprits. lis ont a leur service dix-huit autres es- prits qui leur sont subordonnes, savoir : » Bael, Agares, Marbas, Pruflas, Aamon, Barba- tos, Buer, Gusoyn, Bolis, Bathim, Pursan, Abigar, Loray, Valafar, Foray, Ayperos, Naberus, Glas- syalabolas. » Apres vous avoir indique les noms des dix- huit esprits ci-devant, qui sont inferieurs aux six premiers, il est bon de vous prevenir de ce qui suit, savoir : >' Que LuciFUGE commande sur les trois pre- miers, qui se nomment Bael, Agares et Marbas; Satanachia sur Pruflas, Aamon etBarbatos; Aga- liarept sur Buer, Gusoyn et Botis; Fleurety sur Bathim, Pursan et Abigar; Sargatanas sur Loray, Valafar et Foray ; Nebiros sur Ayperos , Naberus et Glassyalabolas. )) Et, quoiqu'il y ait encore des millions d'es- prits qui sont tous subordonnes a ceux-Ia , il est tres-inutile de les nommer, a cause que Ton ne s'en sort que quand il plait aux esprits superieurs de les faire travailler a leur place, parce qu'ils se servent de tous ces esprits inferieurs comme s'ils etaient leurs esclaves. Ainsi , en faisant le pacte avec un des six principaux dont vous avez besoin, il n'importe quel esprit vous serve; nean- moins demandez toujours a I'esprit avec lequel vous faites votre pacte que ce soit un des trois principaux qui lui sont subordonnees. » Voici precisement les puissances , sciences, arts et talents des esprits susnommes, afin que celui qui veut faire un pacte puisse trouver dans chacun des talents des six esprits superieurs ce dont 11 aura besoin. » Le premier est le grand Lucifuge Rofocale, premier ministre infernal ; il a la puissance que Lucifer lui a donnee sur toutes les richesses et sur tous les tresors du monde. » Le second est Satanachia, grand general ; il a la puissance de soumettre toutes les femmes el commande la grande legion des esprits. » Agaliarept , aussi general, a la puissance de decouvrir les secrets les plus caches dans toutes les cours et dans tous les cabinets du monde ; il devoile les plus grands mysteres ; il commande la seconde legion des esprits. » Fleurety, lieutenant general , a la puissance de faire lei ouvrage que Ton souhaite pendant la nuit; il fait aussi tomber la grele partout ou il veut. II commande un corps tres-considerable d'esprils. )) Sargatanas, brigadier, a la puissance de vous rendre invisible, de vous transporter partout, d'ouvrir toutes les serrures, de vous faire voir tout ce qui se passe dans les maisons , de vous apprendrc tous les tours et linesses des bergersj il commande plusieurs brigades d'esprits. » Nebiros, marechal de camp et inspecteur general , a la puissance de donner du mal a qui il veut; il fait trouver la main de gloire, il enseigne toutes les qualites des metaux, des mineraux , des vegetaux et de tous les animaux purs et impurs; c'est lui qui a aussi I'art de predire I'avenir, elant un des plus grands ne- cromanciens de tous les esprits iufernaux : il va partout; il a inspection sur toules les malices infernales. " Quand vous voudrez faire votre pacte avec un des principaux esprits que je viens de nommer, I'avant-veille du pacle, vous irez couper, avec un couteau neuf qui n'ait jamais servi, une baguette de noisetier sauvage, qui n'ait jamais porle et qui soit semblable a la verge foudroyante ; vous la couperez positivement au moment ou le soleil parait sur I'liorizon. Celafait, vous vous munirez d'une pierre ematille et de deux cierges benils, et vous choisirez ensuite pour I'execution un endroit ou personne ne vous incommode. Vous pouvez memo faire le pacte dans une chambre ecarlee ou dans quelque masure de vieux chateau ruine, parce que I'esprit a le pouvoir d'y trans- porter tel tresor qui lui plait. Vous tracerez un triangle avec votre pierre ematille, et cela seule- ment la premiere fois quo vous faites le pacle; ensuite vous placerez les deux cierges benits a cote ; vous ecrirez aulour le saint nom de Jesus, afm que les esprits ne vous puissent faire aucun mal. Ensuite vous vous poserez au milieu du triangle, ayant en main la baguette mysterieuse, avec la grande appellation a I'esprit, la demande que vous voulez lui faire , le pacte et le renvoi de I'esprit. PAC — 515 — PAI » Vous commencerez a reciter I'appellation sui- vante avec fermete. (( Empereur Lucifer , maitre de tons les esprils rebelles, je te prie de m'etre favorable dans I'ap- pellation que jefais a ton grand ministre Lucifuge I RorocALE, ayant envie de faire pacte avec liii. Je I te prie aussi, prince Belzebut, de me proteger dans raon entreprise. Comte Astarot , sois-moi propice, et fais que dans cette nuit le grand ( Lucifuge m'apparaisse sous une forme humaine, sans aucune mauvaise odeur, et qu'il m'accorde, par le moyen dii pacte que je vais lui presenter, toutes les richesses dont j'ai besoin. 0 grand Lucifuge! je te prie de quitter ta demeure, dans quelque partie du monde qu'elle soit, pour venir me parter; sinon je t'y contraindrai par la force du grand Dieu vivant, de son cher Fils et du Saint-Esprit; obeis promptement, ou tu vas etre eternellement tourmente par la force des puis- santes paroles de la grande Glavicule de Salomon, paroles dont il se servait pour obliger les esprits rebelles a recevoir son pacte. Ainsi, parais au plus tot, ou je te vais continuellement tourmen- ter par la force de ces puissantes paroles de la Glavicule : Agion, tetagram,vaycheonstimulama- ton y ezpares tetragrammaton oryoram irion esy- tion existion eryona onera brasim moym messias soler Emanuel SabaotAdonay, te adoro et invoco. » » Vous eles sur que , d'abord que vous aurez lu ces puissantes paroles, I'esprit paraitra et vous dira ce qiji suit : « Me voici : que me demandes- tu ? Pourquoi troubles - tu mon repos ? Reponds- moi. — Je te demande pour faire pacte avec toi, et enfin que tu m'enrichisses au plus tot; sinon je te tourmenterai par les puissantes paroles de la Glavicule. — Je ne puis t'accorder ta demande j qu'a condition que tu te donnes a raoi dans vingl ans, pour faire de ton corps et de ton ame ce qu'il me plaira. » » Alors vous lui jetterez votre pacte, qui doit etre ecrit de votre propre main sur un petit mor- ceau de parchemin vierge ; il consiste en ce peu de mots auxquels vous mettrez votre signature avec votre veritable sang. « Je promets au grand Lucifuge de le recompenser dans vingt ans de tous les tresors qu'il me donnera. En foi de quoi je me suis signe. » » L'esprit vous repondra : « Je ne puis accorder ta demande. » » Alors, pour le forcer a vous obeir, vousrelirez la grande interpellation avec les terribles paroles de la Glavicule, jusqu'a ce que l'esprit reparaisse et vous dise ce qui suit : « Pourquoi me tour- mentes-tu davantage ? Si tu me laisses en repos, je te donnerai le plus prochain tresor, a condition que tu me consacreras une piece tous les pre- miers lundis de chaque mois, et que tu ne m'ap- pelleras qu'un jour de chaque semaine , de dix heures du soir a deux heures apres minuit. Ra- raasse ton pacte, je I'ai signe ; et , si tu ne tiens pas ta parole , tu seras a moi dans vingt ans. — » J 'acquiesce a ta demande, a condition que tu me feras paraitre le plus prochain tresor que je pourrai emporter tout de suite. » » L'esprit dira : « Suis-moi et prends le tresor que je vais te montrer. » » Vous le suivrez sans vous epouvanter; vous jetterez votre pacte tout signe sur le tresor, en le touchant avec votre baguette ; vous en pren- drez tant que vous pourrez, et vous vous en retournerez dans le triangle en marchant a recu- lons; vous y poserez votre tresor devant vous, et vous commencerez tout de suite a lire le ren- voi de l'esprit. )) Voici maintenant la conjuration et renvoi de l'esprit avec lequel on a fait pacte : « 0 grand Lucifuge I je suis content de toi pour le present; je te laisse en repos et te per- mets de te retirer oii bon te semblera, sans faire aucun bruit ni laisser aucune mauvaise odeur. Pense aussi a ton engagement de mon pacte, car, si tu y manques d'un instant, tu peux etre sur que je te tourmenterai eternellement avec les grandes et puissantes paroles de la Glavicule de Salomon, par lequel on force tous les esprits rebelles a obeir * » Pain (l5preuve du). C'etait un pain fait de fa- rine d'orge, b^nit ou plutot maudit par les im- precations d'un pr^tre. Les Anglo-Saxons le faisaient manger a un accuse non convaincu, persuades que s'il etait innocent ce pain ne lui ferait point de mal; que s'il etait coupable il ne pourrait I'avaler, ou que s'il I'avalait, il elouffe- 1 Voyez sur les pactes plusieurs legendes dans les Legendes infermles. 33. PAI — 516 ~ PAL rait. Le jiige qui fais5it cette ceretnonie deman- dait, par une priere composee expres, que les machoires du crirninel reslassent roides, que son gosier se relrecit, qu'il ne put avaler, qu'il reje- tat le pain de sa bouche. C'elait une profanation des prieres de I'Eglise'. La seule chose qui fut reelle dans cette epreuve, qu'on appelait souvent Yepreuvc du jmin conjure, c'est que, de toutes les especes de pain, le pain d'orge moulue un pen gros est le plus difficile a avaler. Voy. Corsned, Alphttomancie, etc. Pain benit. Du cote de Guingamp en Bretagne, et dans beaucoup d'autres lieux, quand on ne peut decouvrir le corps d'un noye, on met un petit cierge allume sur un pain que Ton a fait benir et qu'on abandonne au cours de I'eau ; on trouve le cadavre dans I'endroit ou le pain s'ar- rete^, et ce qui peut surprendre les curieux, c'est que ce prodige s'est vu tres-souvent. Com- ment I'expliquer ? On a le meme usage en Cham- pagne et ailleurs. Pajot (Marguerite) , sorciere qui fut executee a Tonnerre en 1576, pour avoir ete aux assem- blees nocturnes des demons et des sorciers. Elle composait des malefices et faisait mourir les hommes et les animaux. Elle avait de plus tue un sorcier qui n'avait pas voulu hii prefer un lo- pin de bois avec lequel il faisait des sortileges. Une remarque singuliere qu'on avait notee, c'est qu'elle revenait du sabbat toujours toute froide'. ^ Bergier, Didionnaire tkeologique. 2 Cambry, Voyage dans le Finistere , t. Ill, p. i59. 3 Bodin, Demonomanie. Palingenesie. Ce mot veut dire renaissance. Duchene dit avoir vu a Cracovie un medecin polonais qui conservait dans des holes la cendre de plusieurs plantes ; lorsqu'on voulait voir une rose dans ces holes , 11 prenait celle ou se trou- vait la cendre du rosier , et la mettait sur une chandelle allumee : apres qu'elle avait un peu senti la chaleur, on commengait a voir remuer la cendre; puis on remarquait comme une petite nue obscure qui, se divisant en plusieurs parties, venait enhn a representer une rose si belle, si fraiche et si parfaite, qu'on I'eiit jugee palpable et odorante comme celle qui vient du rosier. Cette nouveaute fut poussee plus loin. On assura que les morts pouvaient revivre naturellement, et qu'on avait des moyens de les faire ressusciter en quelquefagon. Van der Beken, surtout, a donne ces opinions pour des verites incontestables; et dans le systeme qu'il a compose pour expliquer de si etranges merveilles, il pretend qu'il y a dans le sang des idees seminales, c'esl-a-dire des corpuscules qui contiennent en petit tout I'ani- mal. Quelques personnes, dit-il, ont distille du sang humain nouvellement tire, et elles y ont vu, an grand etonnement des assistants saisis de frayeur, un spectre humain qui poussait des ge- missemcnts. C'est pour ces causes, ajoute-t-il , que Dieu a defendu aux Juifs de manger le sang des animaux , de peur que les esprits ou idees de leurs especes qui y sont contenues ne produisis- sent de funestes effets. Ainsi , en conservant les cendres de nos ancetres , nous pourrons en tirer des fantomes qui nous en representeront la hgure. Quelle consolation, dit le P. Lebrun , que de re- passer en revue son pere et ses aieux , sans le secours du demon et par une necromancie tres- permise ! Quelle satisfaction pour les savants que de ressusciter en quelque maniere les Romains , les Grecs , les Hebreux et toute I'antiquite ! Rien d'impossible a cela , il sufht d'avoir les cendres de ceux qu'on veut faire paraitre. Ce systeme eut, comme toutes les reveries, beaucoup de partisans. On pretendait qu'apres avoir mis un moineau en cendres et en avoir extrait le sel, on avait obtenu, par une chaleur moderee, le resul- tat desire. L'academie royale d'Angleterre essaya, dit-on, cette experience sur un homme. Je ne sache pas qu'elle ait reussi. Mais cette decou- verte, qui n'aurait pas du occuper un seul instant les esprits, ne tomba que quand un grand nora- bre de tenlatives inutiles eurent prouve que ce n'etait non plus qu'une ridicule chimere. Voy. Cendres. Lsl palingenesie philosophir/ue de Bonnet est un systeme public au dernier siecle et con- damne ; il est plus du ressort des theologiens que du notre. Palmoscopie, augure qui s'appelait aussi pal- micum, et qui se tirait de la palpitation des parties du corps de la victime, calculees a la main. PAL — 517 — PAN Palud (Madeleine de Mendoz de la), fille d'an gentilhomme de Marseille, et soeur da cou- vent des Ursulines , qui fat ensorcelee par Gau- fridi a I'age de dix-neuf ans. Voy. Gaufridi. Cette femme, quarante ans apres le proces de Gaufridi, vieille et n'ayant qu'un chien pour compagnie, voulut se meler encore de sorcel- lerie, elle fut condaranee, par arret du par- lement de Provence , a la prison perpetuelle , en 1653. Pamilius. Pamilius de Pheres, tue dans un combat, resta dix jours aa nombre des morts ; on I'enleva ensuite du champ de bataille pour le porter sur le bucher ; mais il revint a la vie et conta des histoires surprenantes de ce qu'il avait vu pendant que son corps etait reste sans senti- ment ^ Pan , I'an des huit grands dieax ou dieux de la premiere classe chez les Egyptiens. On le re- I presentait sous les traits d'an homme dans la partie superieure de son corps , et sous la forme d'un bouc dans la partie inferieure. — Dans les demonographies , c'est le prince des demons incubes. Quelques-uns entendent par le grand I Pan le regne des demons , qui fut brise par la I mort de Jesus-Christ sur la croix. Plutarque ra- conte qu'a cette epoqae solennelle, fipitherse s'etant embarque sur un vaiss'eau avec plusieurs aiilres pour aller en Italie, le vent leur manqua pres de cerlaines iles de la mer Egee ; que comme la plupart des passagers veillaient et buvaient apres souper. Ton enlendit tout d'un coup une voix venant de I'une de ces iles, qa'il appelle Paxes, et qui appelait si fort Thamus, pilote egyptien, qu'il n'y eut personne de la * Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprils. compagnie qui n'en fut effraye. Ce Thamus ne repondit qu'a la troisieme fois, lorsque la voix, se renforgant, lui cria que quand 11 serait arrive en un certain lieu qu'elle designait, il annongat que le grand Pan etait mort. On delibera pour savoir si on obeirait, et la conclusion fut que si le ventn'etait pas assez fort pour outre-passer le lieu indique , il fallait executer I'ordre. C'est pourquoi, le calme les arretant, Thamus cria de toute sa force : Le grand Pan est mort. II n'eat pas plutot acheve que Ton entendit de tous cotes des plaintes et des gemissements. L'empereur Tibere, informe de I'aventure, envoya querir Thamus, et assembla a ce sujet les savants. Sur quoi Demetrius , pour confirmer cette pensee de la mort des demons, ajouta une autre histoire : il dit qu'ayant ete lui-meme envoye par l'empe- reur pour reconnaitre certaines iles steriies si- tuees vers I'Angleterre, il aborda a une decelles qui sont habitees ; que pea apres il s'eleva une tempete effroyable qui fit dire aux insulaires que c'etait quelqu'un des demons ou des demi-dieux qui etait mort *. Pandaemonium, capitale de I'empire infer- nal, selon Milton. ' Benjamin Binet, Traite des dieux et devions du paganisme. PAN — 51 Panen (Barlholomee) , exorcisle protestant. Voy. GUILLAUME. Paneros. Pline cite une pierre precieuse de ce nom qui rendait les femmes fecondes. Paniers. Les rabbins racontent une fable assez plaisante sur retymologie du mot Eve. Eve, di- sent-ils, derive du mot qui signifie causer; la premiere femme prit ce nom parce que , lorsque Dieu crea le monde, il tomba du ciel douze pa- niers remplis de caquets, et qu'elle en ramassa neuf , tandis que son mari n'eut le temps de ra- masser que les trois autres. Panjacartaguel. Ce mot, qui chez les In- diens designe les cinq dieux , exprimait aussi les cinq elements qui, engendres par le Crea- teur, concoururent a la formation de I'univers. Dieu, disent-ils, lira I'air du neant. L'action de I'air forma le vent. Du choc de I'air et du vent naquit le feu. A sa retraite celui-ci laissa une humidite, d'ou I'eau tire son origine. De I'union de ces' puissances resulta une ecume; la chaleur du feu en composa une masse qui fut la terre. Panjangam , almanach des brahmines, ou sont marques les jours heureux et les jours malheu- reux, et les heures du jour et de la nnit heu- reuses ou malheureuses. Pantacles, especes de talismans magiques. Toute la science de la Clavicule ddpend de I'usage des pantacles , qui contiennent les noms ineffa- bles de Dieu. Les pantacles doivent etre faits le mercredi , au premier quartier de la lune, a trois heures du matin, dans une chambre aeree, nou- vellement blanchie, ou Ton habile seul. On y bride des plantes odoriferanles. On a du parche- min vierge, sur lequel on decrit trois cercles I'un dans I'autre , avec les trois principales cou- leurs : or, cinabre et vert; la plume et les cou- leurs doivent etre exorcicees. On ecrit alors les noms sacres, puis on met le tout dans un drap de sole. On prend un pot de terre, ou Ton allume du charbon neuf, de I'encens male et du bois d'aloes, le tout exorcise et purifie; puis, la face tournee vers I'orient, on parfume encore les pantacles avec les especes odoriferantes , et on ? — PAP les remet dans le drap de sole consacre pour s'en servir au besoin. On ne peut faire aucune operation magique pour exorciser les esprits sans avoir ce sceau, qui contient les noms de Dieu. Le pantacle n'est parfait qu'apres qu'on a renferme un triangle dans les^ cercles ; on lit dans le triangle ces trois mois : /t 'iialio , reformatio, transformalio. A cole du triangle est le mot acjla , qui est trfes- puissanl pour arreter la malice des esprits. 11 faut que la peau sur laquelle on applique le sceau soit exorcisee et benite ; on exorcise aussi I'encre et la plume dont on se sert pour ecrire les mots que Ton vient de citer. Pantarbe, pierre fabuleuse a laquelle quel- ques docteurs ont altribue la propriete d'attirer I'or, comme I'aimant attire le fer. Philostrate, dans la Vie d' Apollonius , en raconle des mer- veilles. L'eclat en est si vif, dil-il, qu'elle ra- mene le jour au milieu de la nuit; mais, ce qui est le plus etonnant encore, celle lumiere est un esprit qui se repand dans la terre et allire insen- siblement les pierres precieuses; plus cette vertu s'etend , plus elle a de force ; et toutes ces pierres dont la pantarbe se fait une ceinture ressemblent a un essaim d'abeilles qui environnent leur roi. De peur qu'un si riche tresor ne devint trop vii , non-seulement la nature I'a cache dans la terre profonde, mais elle lui a donne la faculte de s'e- ch'apper des mains de ceux qui voudraient la prendre sans precaution. On la Irouve dans cette partie des hides ou s'engendre I'or. Suivaat I'au- teur des Amours de Tliiacjene et de Clmriclee: elle garantit du feu ceux qui la portent. Paouaouci, enchantements ou conjurations au moyen desquels les nalurels de la Virginia prelendent faire paraitre des nuages et tomber de la pluie. Pape. Les huguenots onl dit que le pape etait I'Anlechrist. C'est ainsi que les filous orient au voleur pour detourner raltenlion. Le conte absurde de la papesse Jeanne, invenle par les precurseurs de Luther, est maintenant reconnu si evidemment faux qu'il ne peut nous arreler un instant Papillon. L'image malerielle de I'ame la plus generalemenl adoptee est le papillon. Les arlisles ' Voyez Bergier, Dictionnaire theologique , au mot Papesse Jeanne. PAR — 519 — PAR inciens donnent a Platon une teLe avec des ailes le papillon, parce que c'est le premier philo- ophe grec qui ait ecrit dignement sur Timmor- alile de Fame. Paracelse (Philippe Bombast, dit), ne dans e canton de Zurich en 1/|93. II voyagea, vil les nedecins de presque touts I'Europe , et "'^nfera wee eux. II se donnait pour le i-eformateur de a medecine; et voulant en arracher le sceptre a Hippocrate et a Galien , il decria leurs principes at leur methode. On lui doit la ddcouverte de I'opium et du mercure , dont il enseigna I'usage. 'Paracelse est surLout le heros de ceux qui croient I la pierre philosophale, et qui lui attribiient Jiautement I'avantage de I'avoir possedee , s'ap- puyant en cela de sa propre autorile. C'etait quelquefois un homme etonnant et un grand charlatan. « Quand il etait ivre, dit Wettern, qui a demeure vingt-sept mois avec lui , il me- nagait de faire venir un million de diables , pour raontrer quel empire et quelle puissance il avait sur eux ; mais il ne disait pas de si grandes extra- vagances quand il etait a jeun. » II avait, selon les demonomanes, un demon familier renferme dans le pommeau de son epee. II disait que Dieu lui avait revele le secret de faire de For, et il se vantait depouvoir, soit par le moyen de la pierre philosophale, soit par la vertu de ses remedes, conserver la vie aux hommes pendant plusieurs siecles. Neanmoins il mourut a quarante-huit ans, en 15Zjl, a Salzbourg. Les medecins , ses rivaux , n'ont pas peu con- tribue a le decrier. « Ce fut le diable, dit le doc- teur Louis de Fontenettes, dans la preface de son Hippocrate depaijse , qui suscita Paracelse, auteur de la plus damnable neresie qui ait jamais ete tramee centre le corps humain. » Paramelle. Tout le monde a connu de repu- tation I'abbe Paramelle , qui decouvrait a coup sur les sources cachees, sans baguette divinatoire. Voici une de ses anecdotes : Un riche proprietaire du Jura voulut se mo- quer un peu de la science de I'hydroscope. II possedait dans son jardin une source abondante; il la cacha soigneusement aux yeux. « Aurai-je le bonheur de trouver de I'eau sur cette pro- priete? » Telle est la question qui fut adressee a I'abbe Paramelle. — Non , repondit-il rdsolu- ment. — Mais enfin , monsieur I'abbe , voyez , cherchez bien ; il est impossible qu'il n'y ait pas ici quelque source. — Non, vous dis-je, il n'y aura pas de source ici. Le financier rit sous cape ; son bote n'a pas Fair de s'en apercevoir, et se dirige jusqu'a un champ eloigne de quel- ques centaines de pas. C'etait F unique richesse d'un pauvre paysan." « Seriez-vous bien aise, lui dit I'abbe , de posseder une source dans votre champ? — He ! monsieur Fabbe , repond Fautre, je n'ai pas le moyen de souscrire. — Vous Fau- rez gratis. Apportez une pioche. » La pioche vient, la terre est fouillee, et une belle source jaillit a tous les yeux. Le riche proprietaire se prepare enfin a jouir du fruit de son stratageme et de la confusion de Fabbe. II retourne sur ses pas, accompagne de la foule ; il veut lui montrer la riche fontaine qu'il avait dissimulee. Qui fut surpris? La source a disparu. L'hydroscope Fa- vait arretee dans sa course au milieu du champ du cultivateur. Notre homme jura, mais un peu tard, qu'on ne Fy prendrait plus. Parchemin vierge. 11 est employe dans la magie en plusieurs manieres. On appelle parche- min vierge celui qui est fait de peaux de betes n'ayant jamais engendre. Pour le faire , on met Fanimal qui doit le fournir dans un lieu secret ou personne n'habite ; on prend un baton vierge ou de la seve de I'annee ; on le taille en forme de couteau , puis on ecorche Fanimal avec ce cou- teau de bois, et avec le sel on sale ladite peau, que I'on met au soleil pendant quinze jours. On prendra alors un pot de terre vernisse, autour duquel on ecrira des caracteres magiques ; dans ce pot on mettra une grosse pierre de chaux vive avec de I'eau benile et ladite peau ; on Fy laissera neuf jours entiers. On la tirera enfin, et avec le couteau de bois, on la ratissera pour en oter le poil ; on la mettra secher pendant huit jours a I'ombre , apres I'avoir aspergee ; on la ser- rera ensuite dans un drap de soie avec tous les instruments de Fart. Qu'aucune femme ne voie ce parchemin, parce qu'il perdrait sa vertu. C'est sur ce parchemin qu'on ecrit ensuite les pantacles, talismans, figures magiques , pactes et autres pieces. Parfums. On dit que si I'on se parfume avec de la semence de lin et de psellium, ou avec les racines de violette et d'ache , on connaitra les choses futures , et que , pour chasser les mau- vais esprits et fantomes nuisibles, il faut faire un parfum avec calament, pivoine, menthe et palma- christi. On pent assembler les serpents par le parfum des os de I'exlremite du gosier de cerf , et, au contraire , on les pent chasser et mettra en fuite si on allume la corne du meme cerf. La corne du pied droit d'un cheval ou d'une mule , allumee dans une maison, chasse les souris, et celle du pied gauche les mouches. Si on fait un parfum avec du fiel de seiche, du thymiamas, des roses et du bois d'aloes , et qu'on jette sur ce parfum allume de I'eau ou du sang, la maison semblera pleine d'eau ou de sang, et si on jette dessus de la terre labouree , il semblera que le sol tremble ^ Paris. Une prediction avait annonce que Paris serait detruit par une pluie de feu le 6 janvier 1840. Mais la catastrophe a ete remise au cin- quieme mois de I'annee 1900. Parker (Guillaume). Voy. Buckingham. * Nynauld , p. 72 de la Lycanthropie. PAR — 520 — PAU Parkes (Thomas), Anglais qui, en voulant se mettre en relation avec les esprits , se vit pour- siiivi de visions dpouvantables. Parlements. Le clerge n'a jamais demande la mort des sorciers. Ce sont les parlements qui les ont toujours poursuivis avec chaleur. A la fin du dix-septieme siecle, le clerge reclamaitcontre I'execution de plusieurs sorcieres convaincues d'avoir fait le sabbat avec maitre Verdelel; le parlement de Rouen pria tres-humblement le roi de permettre qu'on brulat incontinent toutes les sorcieres. On citerait mille exemples pareils. Paroles magiques. On pent charmer les des ou les carles de maniere a gagner continuelle- ment au jeu, en les benissant en meme temps que Ton recite ces paroles : Contra me ad incarle cla, a filii a Eniol, Lieber, Braija, Braguesca. On n'est point mordu des puces si Ton dit en se couchant : Och, och. On fait lomber les verrues des mains en les saluant d'un bonsoir le matin et d'un bonjour le soir. On fait filer le diable avec ces mots : Per ipsum, et cum ipso, et in ipso. Qu'on dise : Sista, pista, risla, xista, pour n'a- voirplus^mal a la cuisse. Qu'on prononce trois fois : Onasacjes, pour guerir le mal de dents. On previent les suites funestes de la morsure des chiens enrages en disant : Hax , pax , max. Voy. Beurre, Charmes, Sabbat, Eleazar , Ana- NISAPTA, AmOLETTES, CtC. Parque (Marie de la), compagne au sabbat de Domingina Maletena. Voy. ce mot. Parques, divinites que les anciens croyaient presider a la vie et a la mort; maitressesdu sort des hommes, elles en reglaient les destinees. La vie etait un fil qu'elles filaient : I'une tenait la quenouille, I'autre lefuseau, la troisieme, avec ses grands ciseaux, coupait le fil. On les nomme Clot/to, Lachesis et Atropos. On les fait naitre de la Nuit, sans le secours d'aucun dieu. Orphee, dans I'hymne qu'il leur adresse, les appelle les fille de I'Erebe. Parris, famille protestante etablie a Salem, dans la Nouvelle-Angleterre. Plusieurs jeunes filles de cette famille, dont le pere etait ministre, furent obsedees en 1692, et tomberent dans un etat extraordinaire. Elles se glissaient dans des trous, sous les bancs, sous les meubles, et fai- saient des contorsions etranges. En ce meme temps une jeune fille d'un nomme Goodwin, dans la meme ville, avait des hallucinations, voyait a tout moment un cheval devant elle , se meltait a califourchon sur une chaise et prenait le galop. On crut que ces jeunes filles etaient ensorcelees, d'autant plus qu'elles accusaient certaines femmes de les avoir maleficiees. On mitces femmes en prison, et les obsedees respi- rerent. Tout cela est un peu obscur; mais ce qui est clair, c'est que I'esprit malin etait la pour quel que chose. Parthenomancie , divination ridicule pour connaitre la presence ou I'absence de la virgi- nite. On mesurait le cou d'une fille avec un fil, et en repelant I'epreuve avec le meme fil, on tirait mauvais presage du grossissement du ecu. Pasetes, magicien qui achetait les choses sans les marchander ; mais I'argent qu'il avait donne n'enrichissait que les yeux , car il retour- nait toujours dans sa bourse. Voy. Pistole vo- LANTE, Passalorynchithes , heretiques des premiers siecles , ainsi nommes de deux mots grecs qui veulent dire pieu dans le nez. lis croyaient qu'on ne pouvaient prier convenablement qu'en se mettant deux doigts , comme deux pieux , dans les deux narines. Patala, nom de I'enfer des Indiens. Patiniac , superstition particuliere aux Indiens des lies Philippines. C'est un sortilege qu'ils pretendent attacher au fruit d'une femme, donl I'effet est de prolonger les douleurs de I'enfante- ment et meme de I'empecher. Pour lever le charme, le mari ferme bien la porte de sa case, fait un grand feu tout a Ten tour, quitte le peu de velements dont il est ordinairement convert, prend une lance ou un sabre, et s'en escrirae avec fureur contre les esprits invisibles jusqu'a ce que sa femme soil delivree. Patris .(Pierre) , poete, ne a Caen en 1583, II fut premier marechal des logis de Gaston de France, due d'Orleans. L'esprit de plaisanterie lui valut sa fortune et la confiance dont il jouis- saitaupres du prince. 11 mourut a Paris en 1671. On raconte qu'etant au chateau d'Egmond, dans une chambre ou un esprit venait de se montrer, il ouvrit la porte de cette^ chambre, qui donnait sur une longue galerie , au bout de laquelle se trouvait une grande chaise de bois si pesanle que deux hommes avaient peine a la soulever. 11 vit celte chaise malerielle se remuer, quitter sa place et venir a lui comme soutenue en I'air. II s'ecria : — Monsieur le diable , les interets de Dieu a part , je suis bien votre serviteur ; mais je vous prie de ne pas me faire peur davantage. , La chaise s'en retourna a sa place comme elle etait venue. Cette vision, dit-on, fit une forte impression sur l'esprit de PaLris, et ne contribua pas peu a le faire rentrer dans son devoir. Patroiis. Jupiter avait, sous le nom de Patroiis, a Argos , une statue de bois , qui le representait avec trois yeux , pour marquer qu'il voyait ce qui se passait dans le ciel, sur la lerre etdans les enfcrs. Les Argiens disaient que c'etait le Jupiter Patroiis qui etait dans le palais de Priam, et que ce fut au pied de son autel que ce prince fut tue par Pyrrhus. Pauana. C'est le nom qu'on donnait en Flandre a la danse infernale, violente, dehanchee, excen- trique, que dansaient les sorcieres au sabbat. Paul (Arnold), paysan de Medroiga, village de Hongrie, qui fut ecrase par la chute d'un chariot PAU — 521 — PEC charge de foin, vers I'an 1728. Trente jours apres sa mort, quatre personnes moururent su- bitement et de la meme maniere que meurent ceux qui sont molestes des vampires. On se res- soLivint alors qu'Arnold avait souvent raconte qu'aux environs de Cassova , sur les frontieres de la Turquie , il avait ete tourmente longLemps par un vampire turc; mais que, sachant que ceux qui etaient victimes d'un vampire le deve- naient apres leur mort, il avait trouve le raoyen de se guerir en mangeant de la terre du tombeau du defunt et en se frottaxit de son sang. On pre- suma qite si ce remede avait gueri Arnold (Paul), il ne I'avait pas empeche de devenir vampire a son tour ; en consequence on le deterra pour s'en assurer, et, quoiqu'il fut inhume depuis quarante jours, on lui trouva le corps vermeil ; on s'aper- cut que ses cheveux, ses ongles, sa barbe, s'e- laient renouveles, et que ses veines etaient rem- plies d'un sang fluide. Le bailli du lieu , en presence de qui se fit I'exhumation, et qui etait un homme expert , ordonna d'enfoncer dans le coeur de ce cadavre un pieu fort aigu et de le percer de part en part ; ce qui fut execute sur- le-champ. Le corps du vampire jeta un cri et fit des mouvements ; apres quoi on lui coupa la tete et on le brula dans un grand bucher. On fit subir ensuite le meme traitement aux quatre morts qu'Arnold (Paul) avait tues, de peur qu'ils ne devinssent vampires a leur tour, et il y eut un peu de calme. Voy. Vampires. Paul (Saint). Voy. Art de saint Paul. Pauls. Il y avait au convent des cordeliers de Toulouse un caveau qui servait de catacom- bes ; les morts s'y conservaient. Dans ce caveau etait enterree , depuis la fin du seizieme siecle, une femme celebre dans le pays, sous le nom de la belle Paule. II etait d'usage de visiter son tom- beau le jour anniversaire de sa mort. Un jeune cordelier, la tete un peu echauffee, s'etait un jour engage a descendre dans ces catacombes sans lumiere et sans temoin , et a enfoncer un clou dans le cercueil de Paule. II y descendit en effet ; mais il attacha par megarde au cercueil un pan de sa robe. Lorsqu'il voulut remonter, il se crut retenu par la defunte ; ce qui lui causa une telle frayeur qu'il tomba mort sur la place. Pausanias. Quelques ecrivains ont pretendu que les Lacedemoniens n'avaient point de sor- ciers, parce que, quand ils voulurent apaiser les manes de Pausanias, qu'on avait laisse mourirde faim dans un temple, et qui s'etait montre depuis a certaines personnes, on fut oblige de faire venir des sorciers d'ltalie pour chasser le spectre du defunt. Mais ce trait ne pro'uve rien , sinon que les sorciers de Lacedemone n'etaient pas aussi habiles que ceux de Fltalie, Pavanis (Les). C'est le nom qu'on donne aux magiciens'et devins dans I'isthme de Dari. Paymon , I'un des rois de I'enfer. S'il se montre aux exorcistes , c'est sous la forme d'un homme a cheval sur un dromadaire, couronne d'un diademe etincelant de pierreries , avec un visage de femme. Deux cents legions, partie de I'ordre des Anges, partie de I'ordre des Puis- sances , lui obeissent. Si Paymon est evoque par quelque sacrifice ou libation, il parait accompa- gne des deux grands princes Bebal et Abalam*. Peanite, pierre fabuleuse, que les anciens croyaient douee du privilege de faciliter les ac- couchements. Peau. Pour guerir les taches de la peau et les verrues, il suffit, selon certaines croyances popu- laires, de toucher un cadavre ou de se frotter les mains au clair de laiune. Voy. Verrues ^ Peche , chemin de I'enfer. Peche originel. « Un enfant, dites-vous, ne peut naitre responsable de la faute d'un pere. En etes-vous bien sur? Au sein de I'humanite un sentiment universel se manifesto ; la vie de tous les peuples exprime par les faits les plus signi- ficatifs I'existence d'une loi terrible et myste- rieuse, de la loi d'heredite et de solidarite pour le crime et la peine entre les hommes. Interro- gez les nations qui furent les plus voisines des traditions primitives. En Chine, le fils est puni pour le pere ; une famille et meme une ville en- tiere repondent pour le crime d'un seul. Dans rinde, les parents, I'instituteur, I'ami du cou- ■pable, doivent etre punis. Tout I'Orient jugeait ainsi. II en est de meme encore parmi les peu- plades sauvages. De la aussi ces chants lugubres des poetes qui , voyant Rome desolee par les guerres civiles, en donnent instinctivement pour raison qu'elle expiait les parjures de Laomedon, les parjures des Troyens, le parricide de Romu- lus, c'est-a-dire les crimes commis par ses aieux. * Alexandre meurt au milieu de ses plus belles annees ; apres lui de sanglantes divisions se de- ' Wierus, in Pseudomon. dcemon. 2 Brown, Erreurs populaires , t. IL PED — 522 — PEN clarent; des maux sans nonibre accablent les parents dii conqiierant; les historians paiens at- tribuent sans hesitertous ces malheurs a la ven- geance divine , qui punissait les impietes et les parjures du pere d' Alexandre sur sa famille. Thesee, dans Euripide, trouble de I'attentat dont 11 croit son fils coupable, s'ecrie : « Quel est done » celui de nos peres qui a commis un crime digne » de m'attirer un tel opprobre ? » J'omets a des- sein une foule d'autres monuments, et je m'abs- tiens meme de citer les livres de I'Ancien Tes- tament, fort explicites sur ce point. Mais parmi ces temoignages et ces fails, une loi est ecrite evidemment ; elle est ecrite en caracteres de sang dans les annales de tous les peuples : c'est la loi de I'heredite du crime et de la peine. Un senti- ment profond et universel la proclame. Ce cri des peuples ne saurait etre ni la faussete ni I'injus- tice*. » Pedasiens. Chez les Pedasiens, peuples de Carie, toutes les fois qu'eux ou leurs voisins etaient menaces de quelque malheur, une longue barbe poussait a la prelresse de Minerve. Hero- dote remarque que ce prodige arriva trois fO». Pedegache. Voy. Yeux. Pegomancie , divination par les sources. Elle se praliquait soil en y jetant un certain nombre de pierres dont on observail les divers mouve- inents, soit en y plongeant des vases de verre, et en examinant les efforts que faisait I'eau pour y entrer et chasser I'air qui les remplissail. La plus celebre des pegomancies est la divination par le sort des des, qui se praliquait a la fontaine d'Abano, pres de Padoue; on jelail les des dans I'eau pour voir s'ils surnageaient ou s'ils s'enfon- gaient, et quels numeros ils donnaient; sur quoi un devin expliquait I'avenir. Pegu. Kiak-Kiak, dieu des dieux, ou plutot demon des demons, idole principale du Pegu, est represente sous une figure humaine, qui a vingt aunes de longueur, couchee dans I'attitude d'un homme endormi. Cette idole est placee dans un temple magnifique, dont les portes et les fenetres sont toujours ouvertes et dont I'entree est per- mise a tout le monde. Peigne. Trouver un peigne, presage de bon- heur. Pendus. On sail qu'on gagne a tous les jeux, quand on a dans sa poche de la corde de pendu. — Un soldat de belle corpulence ayant ete pendu, quelques jeunes chirurgiens demanderent la per- mission d'anatomiser son corps. On la leur ac- corda, et ils allerent, a dix heures du soir, prier le bourreau de le leur remeltre. Le bourreau etait deja couche ; 11 leur repondit qu'il ne se souciait pas de se lever, et qu'ils pouvaient aller eux- memes dependre le mort. Pendant qu'ils s'y de- cidalent, le plus eveille d'entre eux se delacha > Le P. de Ravignan , Conferences de 1 843 a Notre- Dame de Paris. sans etre remarque, courut devant, se mit en chemise et se cacha sous son manteau au pied de la polence en attendant les autres. Quand ils furent arrives, le plus hardi de la bande monta a I'echelle et se mit a couper la corde pour faire tomber le corps ; mais aussilot le camarade cach^ se montra et dit : « Qui eles-vous ? et pourquoi venez-vous enlever mon corps? » A ces mots, et a la vue du fantome blanc qui gardait la po- tence, les jeunes gens prennent la fuite epou- vanles; celui qui etait sur I'echelle saute a has sans compter les echelons, pensant que I'esprit du pendu le tenait deja. « Et ne furent ce»pauvres chiriu'giens de longtemps rassures\ » On lisait dernlerement ce Jqul suit dans le Mo7utenr du Calvados : — « Voici un deplorable exemple d'aberralion causee par la ridicule croyance aux erreurs et aux prejuges populalres, malheureusement enracines encore profondement dans I'esprit de nos populations des campagnes. Un magon, honnete ouvrierd'une petite commune du departement de I'Orne, arrivait a grand'peine, a I'aide d'un travail oplniatre, a nourrir sa nom- breuse famille; aussi, la tete troublee par les superstitions et la lecture du Petit-Albert, reso- lut-il de se sacrifier pour le bonheur des siens. II se pendit, en laissant un billet ainsl concu : « Adieu, ma femme et mes enfants ! Gomme je » n'ai pas de fortune a vous donner, je veux » vous laisser de quoi reussir dans tout ce que » vous entreprendrez : Partagez-vons ma corde. » Penitence. Le Kari-Chang est le temps de penitence des idolatres de I'ile Formose ; et chez les peuples que les tenebres couvrent encore, les penitences sont bien autrement dures que chez les Chretiens. Le Kari-Chang les oblige a vingt-sept articles qu'ils doivent observer exac- tement, sous peine d'etre severement chaties. Entre autres choses, 11 leur est defendu, pendant ce temps, de conslruire des huttes, de se marier, de vendre des peaux , de senier , de forger des ' Leloyer, Histoire des spectres. PEN — 523 — PER annes, de faire rien de neuf , de tuer des cochons, de noinmer un enfant noiiveau-ne, etc. Les Formosans pretendent que ces lois leur ont ete imposees par iin de leurs compatriotes, qui , se voyant expose au mepris , parce qu'il etait difforme et hideux, conjura les dieux de Tadinettre dans le ciel, la premiere fois qu'il recevrait quelque insulte. Ses voeux furent en- tendus. Ce Formosan , qui avait a peine figure d'homme, devint done un dieu, et, comme il etait laid , un dieu redoutable. II ne tarda pas a se venger des railleries de ses compatriotes : il descendit dans Tile de Formose et leur apporta les vingt-sept articles du Kari-Chang, leurfaisant les plus terribles menaces, s'ils en negligeaient un seul. Penote, Un alchimiste, reduit a I'hopital (c'etait Penote) , avait coutume de dire qu'il ne souhai- tait rien a ses plus mortels ennemis'qu'un peu de gout pour I'alchimie. Penteman. Le peintre Penteman , ne a Rot- terdam, vers I'an 1650, fut charge de representer dans un tableau des tetes de morts et plusieurs autres objets capables d'inspirer du mepris pour les amusements et les vanites du siecle. Afin d'avoir sous les yeux des modeles , il entra dans un cabinet d'anatomie, qui devait lui servir d'ate- lier. En dessinant les tristes objets qui I'entou- raient, I'artiste s'assoupit malgre lui etcedabien- tot aux charmes du sommeil. II en goutait a peine les douceurs , qu'il fut reveille par un bruit ex- traordinaire. Quelle dutetre safrayeur, en voyant remuer les tetes des squeleltes qui I'environ- naient , et en apercevant les corps suspendus au plancher s'agiter et se heurter avec violence ! Saisi d'effroi , Penteman sort de ce lieu terrible, se precipite du haut de I'escalier et tombe dans la rue a demi mort. Lorsqu'il eut repris connais- sance, il fut facile de s'assurer que le spectacle dont il venait d'etre epouvante n'etait que trop naturel, puisqu'il avait ete occasionne par un tremblement de terre. Mais la terreur avait tene- ment glace son sang qu'il mourut peu de jours apres. Peratoscopie , divination par inspection des phenomenes et choses extraordinaires qui appa- raissent dans les airs. Perdrix. 'On dit qu'un malade ne peut mou- rir lorsqu'il est couche sur un lit de plumes d'ailes de perdrix Perez (Juan). Voy. Inquisition. Pericles, general athenien qui, se defiant de Tissue d'une bataille, pour rassurer les siens, fit entrer dans un bois consacre a Pluton un homme d'une taille haute, chausse de longs brodequins, ayant les cheveux epars, vetu de pourpre, etassis sur un char traine par quatre chevaux blancs ; il parut au moment de la bataille, appela Pe- ^ Thiers, Traite des superstitions. ricles par son nom , et lui commanda de com- battre, I'assurant que les dieux donnaient la victoire aux Atheniens. Cette voix fut entendue des ennemis, comme venant de Pluton , et ils en eurent une telle peur qu'ils s'enfuirent sans tirer I'epee, Peris, genies femelles des Persans, d'une beaute extraordinaire; elles sont bienfaisantes , habitent le Ginnistan , se nourrissent d'odeurs exquises , et ressemblent un peu a nos fee's. Elles ont pour ennemis les dives. Voy. Dives. Perithe , pierre jaune qui avait, dit- on, la vertu de guerir la goutte et qui brulait la main quand on la serrait fortement. Peroun, genie ou dieu du tonnerre chez les anciens Slaves; il etait tres-redoute ; et son cuUe avait lieu encore au sixieme siecle. Perrier, demon invoque comme prince des principautes , dans les litanies du sabbat. Persil (Maitre). Voy. Verdelet. Perteman. Une jeune fille de la commune d'Uccle (pres de Bruxelles) avait dit a plusieurs personnes qu'elle etait ensorcelee; que la nuit des spectres et des revenants , vetus de longues robes jaunes, se presentaient devant son lit et venaient lui causer dfe grandes frayeurs, au point que sa sante en etait alteree. Les freres de cette jeune fille , croyant que leur soeur etait reellement ensorcelee, eurent recours a un individu de la commune surnomme le perteman (le joueur de mauvais tours) , qui avait la reputation de pos- seder le moyen de conjurer les spectres et les es- prits malins. Get homme s'attendait probablement, et pour cause, a etre consulte par les parents de la jeune fille ; il se mit done en devoir d'em- ployer, moyennant salaire, bien entendu, ses ta- lents surnaturels, comme il les appelait, pour combattre les ceuvres des nombreuses sorcieres dont il pretendait que la jeune fille etait la vic- time. Presque tous les soirs il se rendait, muni d'un gros livre, au domicile de la fille, y allumait des chandelles et restait souvent la toute la nuit; cependant le revenant reparaissait toujours lors- que I'exorciseur ne venait pas ; enfin , le perte- man vint annoncer qu'il etait parvenu a recon- naitre la cause du malheur et le remede a employer ; ce remede etait une soinme de 15 fr. a repartir entre les trente sorcieres qui assie- geaient la malheureuse jeune fille ; on les calmait done a raison de 50 centimes par tete. Le frere de cette infortunee, ne possedant pas la somme de quinze francs , alia consulter le bourgmestre, et Ton concoit qu'il n'en faliut pas davantage pour meltre un terrae aux manoeuvres du sorcier. L'autorite communale envoya, le soir meme ou le perteman devait venir operer le de- senchantement d^finitif, deux gardes forestiers charges de verifier ce qui se passait; ceux-ci trouverent le perteman dans la maison. 11 s'oc- cupait a feuilleter son gros volume , a jeter de PER — 52Zi — PEU I'eau benite et a marmotter certaines paroles ; vers minuit, ils virent approcher de la maison une femme habillee de jauiie, qui alia ecouLer a la porte; un instant apres, \e pcrtcman sortit, dispose a lier conversation avec le revenant ; il apergut alors les gardes, prit la fuite , ainsi que la femme , et dans son trouble il laissa tomber son volume myslerieux qui, verification faite, fut trouv6 etre un ouvrage de Mirabeau, intitule De la monarchic priissiemie sous FrMerk le Grand. Le pcrtcman fut arrete , et depuis le revenant n'a plus ete vu ni par la jeune fille ni par personne. Ce fait s'est passe il y a moins de trente ans. Pertinax. Trois ou quatre jours avant que I'empereur Pertinax fut massacre par les soldats de sa garde, on conte qu'il vit dans un etang je ne sais quelle figure qui le menaqait I'epee au poing. Peste. Les rois de Hongrie se vantaient de guerir la jaunisse , comme les rois de France guerissaient les ecrouelles, et comme ceux de Bourgogne dissipaient la peste. Dans le pays de Reuss , on attribue les pestes et les diverses epidemies a une grande diablesse maigre, et remarquable par ses grands cheveux noirs et sordides. EUe parc'ourt les airs sur un chariot noir et marche, suivie de nombreuses filles de I'enfer, qui repandent partout des germes de mort. Pet. Qui pete en mangeant voit le diable en mourant. Axiome populaire, repandu pour ensei- gner la bienseance aux enfants dans les contrees oil Ton mange beaucoup de choux et de navets. Petchimancie , divination par les brosses ou vergettes. Quand un habit ne peut pas se verge- ter, c'est un signe qu'il y aura de la pluie. Petit monde. On appelait petit mondc une societe secrete qui conspirait en Angleterre au dernier siecle pour le retablissement des Stuarts. On debitait beaucoup de contes sur cette societe : par exemple, on disait que le diable en personne, assis dans un grand fauteuil , presidait aux as- semblees. G'etaient des francs-macons. Petit-Pierre. Les contes populaires de I'Alle- magne donnent ce nom au demon qui achete les ames et avec qui on fait pacte. II vient au lit de mort, sous la forme d'un nain , chercher ceux qu'il a achetes. Petpayatons. Les Siamois appellent ainsi les mauvais esprits repandus dans I'air. S'ils prepa- rent une medecine, ils attachent au vase plusieurs papiers, oij sont ecrites des paroles mysLerieuses pour empecher que les Petpayatons n'emportent la vertu du remede. Petrobusiens, disciples de Pierre de Bruys, heretique du Dauphine , contemporain de la pre- miere croisade. lis reconnaissent deux createurs : Dieu et le diable. lis disaient que les prieres sont aussi bonnes dans un cabaret que dans une eglise, dans une etable que sur un autel ; en consequence, ils detruisaient les edilices sacres et brulaient les croix et les images. Pettimancie , divination par le jet des des. VoiJ. ASTRAGALOMANCIE et CUBOMANCIE. Peucer (Gaspard), medecin, ne a Bautzen en 1525. 11 etait gendre de Melanchthon et comme lui separe de I'Eglise. II a laisse un livre sur les divinations : De prwcipuis divinationum generi- bus, traduit en francais par Simon Goulard. An- vers, 158/|. Peuplier. Les"anciens regardaient le peuplier comme un arbre dedie aux enters et aux demons. Peur. On pretend que pour se preserver de la peur il faut porter sur soi une epingle qui ait ete fichee dans le linceul d'un mort, Un oftficier loge en chambre garnie, et sur le point de rejoindre son regiment, etait encore dans son lit au petit point du jour, lorsqu'un menuisier, porteur d'un cercueil pour un homme qui venaitde mourir dans la piece voisine, entra, croyant ouvrir la porte de la chambre du mort. « Voila, dit-il, une bonne redingote pour I'hiver. » L'oflicier ne douta pas qu'on ne vint pourle vo- ler. Aussitot il saute a bas du lit et s'elance contra le pretendu voleur. ... Le menuisier, voyantquel- que chose de blanc, laisse tomber son cercueil, et s'enfuit a toutes jambes, criant que le mort etait a ses trousses.... On dit qu'il en fut malade. Un marchand de la rue Saint-Victor, a Paris, donnant un grand souper, la servante de la mai- son fut obligee de descendre a la cave a dix heures du soir. Elle etait peureuse ; elle ne fut pas plutot descendue , qu'elle remonta tout epou- vantee, en criant qu'il y avait un fantome entre deux tonneaux!... L'effroi se repandit dans la maison , les domestiques les plus hardis descen- dirent a la cave, les maitres suivirent, et Ton reconnut que le spectre etait un mort qui y avait glisse de la charrelte de I'Hotel-Dieu, et etait torabe dans la cave par le soupirail. Un provincial venu a Paris dans le temps dii carnaval fit la partie, comme tant d'autres idiots, d'aller au bal masque avec un de ses amis, et il se deguisa en diable ; c'etait tres-ingenieux. Les deux amis se retirerent avant le jour. Comme le carrosse qui les remmenait passait dans le quar- tier ou logeait le provincial, il fut le premier qui descendit, et son ami le laissa devant sa porte, oil il frappa vivement, parce qu'il faisait grand froid. II fut oblige de redoubler les coups avant depouvoireveiller une vieille servante de sonau- berge , qui vint enfin a moitie endormie lui ouvrir, mais qui, des qu'elle le vit, referma sa porte au plus vite et s'enfuit en criant. Le provincial ne pensait pas a son costume; et, ne sachant ce que pouvait avoir la servante, il se remit a trap- per; mais inulilement, personne nerevint. Mou- rant de froid, il prit le parti de chercher gite ailleurs. En marchant le long de la rue, il aper- Qut de la lumiere dans une maison ; pour comble PHA — 525 — PHE de bonlieur, la porle n'elait pas fermee tout a fait. II vit en entrant un cercueil avec des cierges autour, et un bon homine qui, en gardant le mort, s'etait endormi aupres d'un bon brasier. Le provincial , sans faire de bruit, s'approcha le plus qu'il put du brasier, s'y installa et s'endor- mit aussifort tranquillement sur un siege. Cepen- dant le gardien s'eveilla; voyant la figure qui lui faisait compagnie , avec ses cornes et le reste, il ne douta pas que ce ne fut le diable qui venait prendre le mort. II poussa des cris si epouvan- tables que le provincial, s'eveillant en sursaut. fut tout effraye, croyant de son cote voir le defunt a ses trousses. Quand il fut revenu de safrayeur, il fit reflexion sur son habilleinent et comprit que c'etait ce qui avait cause ses embarras. Comme le jour commengait a paraitre, il alia changer de mise dans une friperie et retourna a son au- berge, oii il n'eut pas de peine cette fois a se faire ouvrir la porte. II apprit en entrant que la servante etait malade, et que c'etait une visite que le diable lui avait rendue qui causait son mal. II n'eut garde de dire que lui-meme etait le diable. II sut ensuite que Ton publiait dans le ppucer (GaspardJ quartier que le diable elait venu pour enlever un voisin. La servante atlestait la chose; et ce qui y donnait le plus de vraiseinblance, c'est que le ' pauvre defunt avait ele usurier. Voij. Appari- tions, Revenants, Fannius, Visions, etc. j Phara-Ildis, ou simp\emenl Phar a , bonne et bienfaisante fee en Norvege. Pharmacie, divination employee par les ma- giciens et enchanleurs, lesquels devinent, a I'aide du commerce qu'ils ont avec les demons, qu'ils j evoquent pour cela au moyen de fumigations I faites sur un rechaud. Phenix, grand marquis des enfers. II parait sous la forme d'un phenix avec la voix d'un en- fant; avant de se montrer a I'exorcisle, il rend des sons melodieux. II faut au contraire se bou- cher les oreilles quand on lui commande de prendre la forme humaine. II repond sur toutes les sciences. C'est un bon poete, qui satisfait en vers a toutes les demandes. Apres mille ans, il espere retourner au septieme ordre des Trones. Vingt legions lui obeissent*. Phenix. II y a, dit Herodole, un oiseau sacre qu'on appelle phenix. Je ne I'ai jamais vu qu'en peinlure. II est grand comme un aigle; son plu- mage est dore et entremele de rouge. II se nour- 1 Wierus, in Pseudomomrchia doemon. PHE — 526 — PHE rit d'aromates et vient tous les cinq cents ans en Egypte, charge du cadavre de son pere enve- loppe de myrrhe, qu'il enterre dans le temple du Soleil. Solin dit que le phenix nait en Arable; que sa gorge est entouree d'aigretles, son ecu brillant comme Tor, son corps pourpre , sa queue melee d'azur et de rose ; qu'il vit cinq cent qua- rante ans. Certains historiens lui ont doniie jus- qu'a douze mille neuf cent cinquante-quatre ans de vie. Saint Clement le Remain rapporte qu'on croit que le phenix nait en Arable, qu'il est unique dans son espece, qu'il vit cinq ans; que, lors- qu'il est pres de mourir, il se fait, avec de I'en- cens, de la myrrhe et d'autres aromates, un cer- cueil ou 11 entre a temps marque, et il y meurt; que sa chair corrompue produit un ver qui se nourrit de I'humeur de I'animal mort et se revet de plumes ; qu'ensuite , devenu plus fort , il prend le cercueil de son pere et le porte en Egypte , sur I'autel du Soleil , a Heliopohs. Outre que tous ceux qui parlent de cet oiseau myslerieux ne Font point vu et n'en parlent que par oui-dire, qui peut etre sur qu'il a vecu cinq cents ans? qui peut assurer qu'il soil seul de son espece? Le P. Martini rapporte, dans son Histoire de la Chine, qu'au commencement du regne de I'em- pereur Xao-Hao IV, on vit paraUre I'oiseau du so- leil, donl les Chinois regardent I'arrivee comme un heureux presage pour le royaume. Sa forme , dit-il, le ferait prendre pour un aigle, sans la beaute et la variete de son plumage. 11 ajouLe que sa rarete lui fait croire que cet oiseau est le meme que le phenix*. Phenomenes. Une negresse de Carthagene, dans le nouveau royaume de Grenade, mit au monde un enfant tel qu'on n'en a jamais vu ; c'etait une fille qui naquit en 1738 et vecut en- viron six mois. Elle etait lachelee de blanc et de noir, depuisle sommetde la tele jusqu'aux pieds, avec tant de symetrie et de variete qu'il semblait que ce fut I'ouvrage du compas et du pinceau. Sa tete etait couverte de cheveux noirs boucles, d'entre lesquels s'elevait une pyramide de poll crepu, qui du sommet de la tele descendait, en elargissant ses deux lignes laterales, jusqu'au mi- lieu des sourcils, avec tant de regularile dans la division des couleurs que les deux moilies des sourcils qui servaient de base aux deux angles de la pyramide elaient d'un poll blanc et bou- cle, au lieu que les deux autres nioities, du cole des oreilles, etaient d'un poll noir et crepu. Pour relever encore I'espace blanc que formait la py- ' Des critiques pensent que le phenix etait le syrri' bole de la chastete et de la temperance chez les paiens; ils comptaient qualre apparitions de cet oi- seau merveilleux, la premiere sous le roi Sesostris, la seconde sous Amasis, la troisieme sous le troi- sieme des Ptolemees , la quatrieme sous Tibere. raraide dans le milieu du front, la nature y avait place une tache noire qui dominait le reste du visage. Une autre pyramide blanche, s'appuyant sur la parlie inferieure du cou, s'elevait avec proportion , et , partageant le menton , venait aboutir au-dessus de la levre inferieure. Depuis I'extremite des doigts jusqu'au -dessus du poi- gnet, et depuis les pieds jusqu'a la moilie des jambes, la jeune lille paraissait avoir des hotlines et des ganls nalurels, d'un noir clair, tirant sur le cendre, mais parsemees d'un grand nombre de mouches aussi noires que du jais. De I'extre- mite inferieure du cou descendait une espece de pelerine noire sur la poilrine et les epaules ; elle se terminait en trois pointes, dont deux elaient placees sur les gros muscles des bras; la troi- sieme, qui etait la plus large, sur la poitrine. Les epaules etaient d'un noir clair, tachete comme celui des pieds et des mains. Les autres parties du corps etaient tachetees de blanc et de noir dans une agreable variete ; deux laches noires couvraient les deux genoux. Toutes les personnes du pays voulurent voir ce phenomene, com- blerent celte petite fiUe de presents ; et on offrit de I'acheter a grand prix. L'auteur a qui nous emprunlons celte descrip- tion assure que la mere avait une petite chienne noire et blanche qui ne la quiltait jamais, el qu'ayant examine en detail les taches de sa (ille et de la chienne, il y trouva une ressemblance lotale, non-seulement par la forme des couleurs, mais encore par rapport aux lieux ou les nuances etaient placees. II en conclul que la vue conli- nuelle de cet animal avail ele plus que suflisanle pour tracer dans I'imagination de la mere celte variete de leinles el I'iniprimer a la fdle qu'elle porlait dans son sein. On dit que le peuple anglais est un peuple de philosophes; ce qui n'empecha pas, en 1726, une fenime de Londres d'accoucher, disail-elle, d'un lapereau chaque jour; le chirurgien qui I'ac- couchait, nomme Saint-Andre, assurail que rien n'elait plus positif, et le peuple philosophe le croyait. — Marguerite Daniel, femme de Rene Rondeau , du bourg du Plesse , dependant du mar- quisat de Blin, devinl grosse en 1685, vers la mi-oclobre. Elle sentil remuer son enfant le jour de la Chandeleur el entendit le vendredi saint suivant Irois cris sortir de son venire. Depuis, son enfant conlinua de faire les memes cris trois ou qualre fois le jour, a chaque fois qualre, cinq cris, et meme jusqu'a huit ct neuf fort distincls, semblables a ceUx d'un enfant nouvellement ne; mais quelquefois avec de lels efforts, qu'on voyait I'eslomac de celle femme s'enfler comme si elle eCil dCi elouffer... En oclobre 18/|2, a Bruxelles, une femme ac- coucha, dans I'hospice de la Maternile, d'une petite fille qui avait une queue de cheval. Son pere etait un cocher. L'operalion qui I'a delivree , PHI — 5 sans la comprometlre auciinement, de cet orne- ment singulier, a ete faite par le docteur Seulin, et le phenomene fut aussitot regulierement con- state Voy. Imagination, etc. Philinnion. Voici un trait rapporte par Phle- gon, et qu'on presume etre arrive a Hypate en Thessalie. Philinnion , fille unique de Democrate et de Charito , mourut en age nubile ; ses parents inconsolables flrent enterrer avec le corps mort les bijoux et les alours que la jeune fille avait le plus aimes pendant sa vie. Quelque temps apres, un jeune seigneur, nomme Machates, vint loger chez Democrate , qui etait son ami. Le soir, comme il etait dans sa chambre, Philinnion lui apparait, lui declare qu'elle I'aime ; ignorant sa mort, il l'epouse en secret. Machates, pour gage de son amour, donne a Philinnion jjne coupe d'or et se laisse tirer un anneau de fer qu'il avait au doigt. Philinnion, de son cote, lui fait present de son collier et d'un anneau d'or, et se retire avant le jour. Le lendemain , elle revint a la meme heure. Pendant qu'ils etaient ensemble, Charito envoya une vieille servante dans la chambre de Machates pour voir s'il ne lui manquait rien. Cette femme retourna bientot eperdue vers sa maitresse et lui annonga que Philinnion etait avec Machates. On la traita de visionnaire ; mais comme elle s'obstinait a soutenir ce qu'elle disait, quand le matin fut venu, Charito alia trouver son bote et lui demanda si la vieille ne I'avait point trompee. Machates avoua qu'elle n'avait pas fait un mensonge, raconta les circonstances de ce qui lui etait arrive, et montra le collier et I'anneau d'or que la mere reconnut pour ceux de sa fille. Cette vue reveilla la douleur de la perte qu'elle 7 - PHI avait faite ; elle jeta des cris epouvantables e supplia Machates de I'averlir quand sa liMe re- viendrait, ce qu'il executa. Le pere et la mere la virent et coururent a elle pour I'embrasser. Mais Philinnion, baissant les yeux, leur dit avec une contenance morne : — Helas ! mon pere , et vous , ma mere , vous detruisez ma felicite , en ni'em- pechant , par voire presence importune , de vivre seulement trois jours. Votre curiosite vous sera funeste, car je m'en retourne au sejour de la mort, et vous me pleurerez autant que qnand je fus portee en terre pour la premiere fois. Mais je vous avertis que je ne suis pas venue ici sans la volonte des dieux. Apres ces mots, elle retomba morte, et son corps fut expose sur un lit a la vue de tous ceux de la maison. On alia visiter le tom- beau, qu'on trouvavide etne contenant seulement que I'anneau de fer et la coupe que Machates lui avait donnes Philosophie hermetique. Voy. Pierre phi- LOSOPHALE. Philotanus, demon d'ordre inferieur, soymis a Belial. Philtre, breuvage ou drogue dont Teffet pre- tendu est de donner I'amour. Les anciens, qui en connaissaient I'usage, invoquaient dans la con- fection des philtres les divinites infernales. II y entrait differents animaux, herbes ou matieres, tels que le poisson appele remore, certains os de grenouilles, la pierre astroite et surtout I'hippo- mane. Delrio, qui met les philtres au rang des malefices, ajoute qu'on s'est aussi servi pour les composer de rognures d'ongles, de limailles de metaux, de reptiles, d'intestins de poissons et d'oiseaux, et qu'on y a mele quelquefois des fragments d'ornements d'eglise. Les philtres s'expliquent , comme les poisons, par la pharmacie. L'hipporaane est le plus fa- meux de tous les philtres ; c'est un morceau de chair noiratre et de forme ronde, de la grosseur d'une figue seche, que le poulain apporte quel- quefois sur le front en naissant. Suivant les livres de secrets magiques , ce mysterieux morceau de chair fait naitre une passion ardente, quand, etant mis en poudre , il est pris avec le sang de celui qui veut se faire aimer. Jean-Baptiste Porta detaille au long les surprenantes propriet^s de I'hippomane; il estfacheux qu'on n'ait jamais pu le trouver tel qu'il le decrit, ni au front du pou- lain naissant, ni ailleurs. Voy. Hippomane. Les philtres sont en grand nombre et plus ri- dicules les uns que les autres. Les anciens les connaissaient autant que nous, et chez eux on rejetait sur les charmes magiques les causes d'une passion violente, un amour dispropor- tionne, le rapprochement de deux coeurs entre qui la fortune avait mis une barriere, ou que les parents ne voulaient point unir. II y a de certains toniques qui enflamment les intestins, causent la demence ou la mort et in- PHL — 528 — PHY Spirent une ardeur qu'on a prise pour de I'ainour. Telies sont les mouches canlharides avalees dans un breuvage. Un Lyonnais, voulant se faire ai- mer de sa femme qui le repoussait, lui lit avaler qiialre de ces inscctes pulverises dans un verre de vin du Rhone; il s'atlendait a un succcs, il fut veuf le lendemain. A ces moyens violents on a donne le nom de philtres. Rien n'est plus curieux, dit un conlemporain, que la superstition qui en Ecosse preside aux moyens employes pour faire naitre I'amour ou vaincre la resistance de I'objet aime. Sir John Colquhoun avait epouse depuis peu de mois lady Liha Graham , fille ainee de Jean , quatrieme comte de Montrose, lorsque lady Catherine, sa belle-soeur, vint passer quelque temps chez lui. Bientot il en devint epris, et, pour vaincre I'in- difference qu'elle lui temoignait, il eut recours a un necromancien habile , qui composa un bou- quet forme de diamants , de rubis et de saphirs monies en or, et le doua de la propriete de livrer a la personne qui le donnait le corps et I'ame de celle' qui le recevait. 11 parait que sir John fit un usage immediat de ce talisman. Les chroniques de celte epoque disent qu'il parlit avec lady Ca- therine pour Londres, apres qu'il eut criminel- leraent abandonne son epouse, et qu'il fut oblige ' d'y rester cache pour echapper a la sentence de mort qui avait ete prononcee contre lui dans sa patrie. Mais on comprend Ires-bien I'effet sur une femme mondaine et vaniteuse d'un philtre com- pose de riches diamants. Phlegeton, fleuve d'enfer qui roulait des tor- rents de llamme et environnait de toutes parts la prison des mechants. On lui attribuait les quali- tes les plus nuisibles. Apres un cours assez long en sens contraire du Cocyte, il se jetait comme lui dans 1' Acheron. Phooka, mauvais esprit qui parait en Irlande sous la forme d'un poulain sauvage, charge de chaines pendantes, ou sous I'apparence d'une vache farouche, d'un oiseau de proie, d'un che- val maigre. II parle ; et son plus grand plaisir est d'inquieter les voyageurs egares pendant la nuit. Phosphore. Voy. Lampes peupetuelles, Stra- TAGEMES, etc. Phrenologie ou Cranologie, art ou science qui donne les moyens de juger les hommes par les protuberances du crane. Voy. Gall. Phylacteres, preservatifs. Les Juifs portaienl a leurs nianches et a leur bonnet des bandes de parchemin, sur lesquelles etaient ecrits des pas- sages de la loi ; ce que Notre-Seigneur leur re- proche dans saint Matthieu, chap, xxiii. Leurs descendants suivent la meme pratique et se per- suadent que ces bandes ou phylacteres sont des amulettes qui les preservent de tout danger, et surtout qui les gardent contre I'esprit malin. Des Chretiens ont fait usage aussi de paroles ecrites ou gravees comme de phylacteres et pre- servatifs. L'Eglise a toujours condamne cet abus. Voy. Amulettes. Phyllorhodomancie, divination parlesfeuilles de roses. Les Grecs faisaient claquer sur la main une feuille de rose et jugaient par le son du suc- ces de leurs vceux. Physiognomonie, art de juger les hommes par les traits du visage, ou talent de connaitre I'interieur de I'homme par son exterieur. Cette science a eu plus d'ennemis que de par- tisans; elle ne parait pourtant ridicule que quand on veut la pousser trop loin. Tous les visages, toutes les formes, tous les etres crees different entre eux, non-seulement dans leurs classes, dans leurs genres, dans leurs especes, mais aussi dans leur individualite. Pourquoi cette diversite de formes ne serait-elle pas la consequence de la diversite des caracleres, ou pourquoi la diversite des caracteres ne serait-elle pas liee a cette di- versite de forme? Chaque passion, chaque sens, chaque qualite prend sa place dans le corps de tout etre cree ; la colere enfle les muscles : les muscles enfles sont done un signe de colere?.... Des yeux pleins de feu, un regard aussi prompt que I'eclair et un esprit vif et penetrant se re- trouvent cent fois ensemble. Un oeil ouvert et serein se rencontre mille fois avec un coeur franc et honnete. Pourquoi ne pas chercher a con- naitre les hommes par leur physionomie ? On juge tous les jours le ciel sur sa physionomie. Un marchand apprecie ce qu'il achete par son exte- rieur, par sa physionomie Tels sont les rai- sonnements des physionomistes pour prouver la surete de leur science. 11 est vrai, ajoutent-ils, qu'on peut quelquefois s'y tromper ; mais une exception ne doit pas nuire aux regies. J'ai vu, dit Lavater, un criminel condamne a la roue pour avoir assassine son bienfaiteur, et ce monstre avait le visage ouvert et gracieux comme I'ange du Guide. II ne serait pas impos- sible de trouver aux galeres des teles de Regulus et des physionomies de vestales dans une maison de force, Cependanl le physionomiste habile dis- tinguera les traits, souvent presque impercep- tibles, qui annoncent le vice et la degradation. Quoi c[u'il en soil de la physiognomonie, en voici les principes, tantot raisonnables, tanlot forces ; le lecleur saura choisir. - La beaule morale est ordinairement en harmo- nie avec la beaute physique. (Socrate et milie et mille aulres prouvent le contraire.) Beaucoup de personnes gagnent a mesure qu'on apprend a les connaitre, quoiqu'elles vous aient deplu au pre- mier aspect. II faut qu'il y ait entre elles et vous quelque point de dissonance, puisque, du pre- mier abord, ce qui devait vous rapprocher ne vous a point frappe. 11 faut aussi qu'il y ait entre vous quelque rapport secret, puisque plus vous vous voyez, plus vous vous convenez. Cepen- PHY — 529 — PHY tlant faites attention au premier mouvemenl d'in- stinct que vous inspire une nouvelle liaison. Tout I homme dont la figure, dont la bouclie, dont la i demarche , dont TecriLure est de travers , aura : dans sa facon de penser, dans son caractere, dans ses precedes , du louche , de I'inconse- quence, de la partialite, du sophistique, de la t faussete, de la ruse, du caprice, des contradic- tions, de la fourberie, une imbecillite dure et froide. Voij. Mimique, Ecriture, etc. La tete est la plus noble partie du corps hu- niain, le siege de I'esprit et des facultes intellec- tuelles. (Le docteur Van Helmont placait les fa- culles intellectuelles dans reslomac.) Une tete qui est en proportion avec le reste du corps , qui parait telle au premier abord , qui n'est ni trop grande ni trop petite , annonce un caractere d'es- prit plus parfait qu'on n'en oserait attendre d'une tete disproportionnee. Trop volumineuse, elle indique presque toujours la grossierete ; trop pe- tite, elle est un signe de faiblesse. Quelque pro- portionnee que soit la tete au corps, il faut encore qu'elle ne soit ni trop arrondie ni trop allongee : plus elle est reguliere, et plus elle est parfaite. On peat appeler bien organisee celle dont la hau- teur perpendiculaire , prise depuis I'extremite de I'occiput jusqu'a la pointe du nez, est egale a sa largeur horizontale. Une tete trop longue an- nonce un homme de peu de sens, vain, curieux, envieux et credule. La tete penchee vers la terre est la marque d'un homme sage, constant dans ses en trep rises. Une tete qui tourne de tous cotes annonce la presomption , la mediocrite , le men- songe, un esprit pervers, leger, et un jugement faible. On pent diviser le visage en trois parties, dont la premiere s'etend depuis le front jusqu'aux sourcils; la seconde depuis les sourcils jusqu'au bas du nez ; la troisierae depuis le bas du nez jusqu'a I'extremite de I'os da menton. Plus ces trois etages sont symetriques, plus on peat comp- ter sur la justesse de I'esprit et sur la regularite du caractere en general. Quand il s'agit d'un vi- sage dont I'organisation est extremement forte ou extremement delicate , le caractere peut etre apprecie plus facilement par le profil que par la face. Sans compter que le profil se prete moins a la dissimulation , il offre des lignes plus vigou- reusement prononcees , plus precises , plus sim- ples, plus pares ; par consequent la signification en est aisee a saisir ; au lieu que souvent les lignes de la face en plein sont assez difficiles a demeler. Un beau profil suppose toujours I'analogie d'un caractere distingue. Mais on trouve mille profils qui, sans etre beaux, peuvent admettre la supe- riorite du caractere. Un visage charnu annonce une personne timide , enjouee , credule et pre- somptueuse. Un homme laborieux a souvent le visage maigre. Un visage qui sue a la moindre agitation annonce un temperament chaud, un esprit vain et grossier, un penchant a la gour- mandise. Les cheveux offrent des indices multiplies du temperament de I'homme, de son energie, de sa fagon de sentir, et aussi de ses facultes spiri- tuelles. lis n'admettent pas la moindre dissimu- lation ; lis repondent a notre constitution phy- sique , comme les plantes et les fruits repondent au terroir qui les produit. Je suis siir, dit Lava- ter, que par I'elasticite des cheveux on pourrait juger de I'elasticite du caractere. Les cheveux longs, plats, disgracieux n'annoncent rien que d'ordinaire. Les chevelures d'un jaune dore, ou d'un blond tirant sur le brun, qui reluisent doucement, qui se roulent facilement et agreablement, sont les chevelures nobles (en Suisse, patrie de Lavater). Des cheveux noirs, plats, epais et gros de- notent peu d'esprit, mais de I'assiduite et de I'amour de I'ordre. Les cheveux blonds annon- cent generalement un temperament delicat, san- guin-Oegmatique. Les cheveux roux caracte- risent, dit-on, un homme souverainement bon, ou souverainement mechant. Les cheveux fins marquent la timidite ; rudes, lis annoncent le 31 PHY — 530 — PHY courage (Napoleon les avait fins, dit-on) : ce signe caracteristique est du nombre de ceiix qui sont commiins a rhomme et aiix animaux. Parmi les quadriipedes, le cerf , !e lievre, la brebis, qui sont au rang des plus timides , se distinguent par- ticulierement des autres par la douceur de leur poil, tandis que la rudesse de celui du lion et dii sanglier repond au courage qui fait leur ca- ractere. Mais que dire du chat et du tigre , qui ont le poil fin? En |appliquant ces reniarqucs ;i Fespccc liu- maine, les habitants du INord sont onlinaircnicnt tres-courageux, et ils ont la chevelure rude ; les Orienlaux sont beaucouj) plus timides, el leurs cheveux sont plus doux. Les chevoux crepus marquent un homme de dure conception. Ceux qui ont beaucoup de ciie- veux sur les lempes el sur le front sont grossiers et orgueilleux. Alexandre Dumas est crepu. Une barbe fournie et bien rangee annonce un homme d'un bon naturel et d'un temperament raisonnable. Celui qui a la barbe claire et mal disposee tient plus du naturel et des inclinations de la femme que de celles de I'homme. Si la cou- leur de la barbe differe de celle des cheveux, elle n'annonce rien de bon. De meme, un con- Iraste frappant entre la couleur de la chevelure et la couleur des sourcils pent inspirer quelque defiance Le front, de toutes les parties du visage, est la plus importante et la plus caracterislique. Les fronts, vus de profil, peuvent se reduire a trois classes generales. lis sont ou penc/ies en arriere, ou perpendimlaires , ou proeminents. Les fronts penches en arriere indiquent en general de I'ima- gination, de I'esprit et de la delicatesse. Une perpendicularite complete, depuis les cheveux jusqu'aux sourcils, est le signe d'un manque total d'esprit. Une forme perpendiculaire, qui se voute insensiblement par le haul, annonce un esprit capable de beaucoup de reflexion, un penseur rassis et profond. Les fronts proemi- nents appartiennent a des esprits faibles et bor- nes el qui ne parviendront jamais a une certaine maturite. Plus le front est allonge, plus I'esprit est depourvu d'energie et manque de ressort. Plus il est serre, court et cjnipacte, plus le ca- ractere est concentre, ferme et solide Pour qu'un front soil heureux, parfailement beau et d'une expression qui annonce a la fois la richesse du jugement et la noblesse du caractere, il doit se trouver dans la plus exacle proportion avec le PHY — 631 — PHY reste du visage. Exempt de toiite espece d'iiie- I galites et de rides permanentes, il doit pourtant I en etre susceptible. Mais alors il ne se plissera que dans les momente d'une meditation serieuse, dans un raouvement de douleur ou d'indignation. II doit reculer par le haut. La couleur de la peau , doit en etre plus claire que cells des autres par- I ties du visage. Si I'os de I'oeil est un peu saillant, c'est le signe d'une aptitude singuliere aux travaux de I'esprit, d'une sagacite extraordinaire pour les I grandes entreprises. Mais sans cet angle saillant, j il y a des tetes excellentes, qui n'en ont que plus de solidite lorsque le bas du front s'affaisse, comme un raur perpendiculaire , sur des sourcils places horizontalement, et qu'il s'arrondit et se voute imperceptiblement , des deux cotes, vers j les tempes. Les fronts courts, rides, noueux, irreguliers, enfonces d'un cote, echancres, ou qui se plissent toujours differemment, ne sont pas une bonne recommandation , et ne doivent pas inspirer beaucoup de confiance. Les fronts carrds, dont les marges laterales sont encore assez spacieuses , et dont I'os de Tceil est en meme temps bien solide, supposent un grand fond de sagesse et de courage. Tous les physio- nomistes s'accordent sur ce point. Un front tres- I osseux et garni de beaucoup de peau annonce un j nalurel acariatre et querelleur. Un front eleve, } avec un visage long et pointu vers le menton, est un signe de faiblesse. Des fronts allonges , avec une peau fortement tendue et tres-unie, sur lesquels on n'apergoit, meme a I'occasion d'une joie peu commune, aucun pli doucement anime, sont toujours I'indice d'un caractere froid, soupconneux, caustique, opiniatre, fa- cheux, rempli de pretentions, rampant et vindi- catif. Un front qui, du haut, penche en avant et s'enfonce vers I'oeil est, dans un horame fait, I'indice d'une irabecillite sans ressource. Voy. Me- TOPOSCOPIE. Au-dessous du front commence sa belle fron- tiere, le sourcil, arc-en-ciel de paix dans sa dou- I ceur, arc tendu de la discorde lorsqu'il exprime I le courroux. Des sourcils doucement arques s'ac- ! cordent avec la modestie et la simplicite. Places en ligne droite et horizontalement, ils se rap- portent a un caractere male et vigoureux. Lors- que leur forme est moitie horizontale et moitie courbee , la force de I'esprit se trouve reunie a j une bonte ingenue. Des sourcils rudes et en desordre sont tou- jours le signe d'une vivacite intraitable; mais cette meme confusion annonce un feu modere, si le poll est fin. Lorsqu'ils sont epais et compactes, que les polls sont coupes parallelement , et pour ainsi dire tires au cordeau, ils promettent un jugement mur et solide, un sens droit et rassis. Des sourcils qui se joignent passaient pour un trait de beaute chez les Arabes, tandis que les anciens physionomistes y altachaient I'idee d'un caractere sournois. La premiere de ces deux opi- nions est fausse, la seconde exageree, car on trouve souvent ces sortes de sourcils aux physio- nomies les plus honneLes et les plus aimables. Les sourcils minces sont une marque infaillible de flegme et de faiblesse ; ils diminuent la force et la vivacite du caractere dans un homme ener- gique. Anguleux et entrecoupes, les sourcils de- notent I'activite d'un esprit productif. Plus les sourcils s'approchent des yeux, plus le caractere est serieux , profond et solide. Une grande dis- tance de I'un a I'autre annonce une ame calme et tranquille. Le mouvement des sourcils est d'une expression infmie ; il sert principalement a mar- quer les passions ignobles, I'orgueil, la colere, le dedain. Un homme sourcilleux est un etre meprisant et souventes fois meprisable. C'est surtout dans les yeux, dit Buffon, que se peignent les images de nos secretes agitations, et qu'on peut les reconnaitre. L'oeil appartient a I'ame plus qu'aucun autre organe; il semble y toucher et participer a tous ses mouvements ; il en exprime les passions les plus vives et les emotions les plus tumullueuses , comme les sen- timents les plus delicats. II les rend dans toute leur force, dans toute leur purete, tels qu'ils viennent de naitre ; il les transmet par des traits rapides. Les yeux bleus annoncent plus de fai- blesse que les yeux bruns ou noirs. Ce n'est pas qu'il n'y ait des gens tres-energiques avec des yeux bleus; mais, sur la totalite, les yeux bruns sont I'indice plus ordinaire d'un esprit male ; tout comme le genie, proprement dit, s'associe pres- que toujours des yeux d'un jaune tirant sur le brun. Les gens coleres ont des yeux de diffe- rentes couleurs, rarement bleus, plus souvent brans ou verdatres. Les yeux de cette derniere nuance sont en quelque sorte un signe distinctif de vivacite et de courage. On ne voit presque ja- mais des yeux bleu clair a des personnes coleres. Des yeux qui forment un angle allonge , aigu et pointu vers le nez, appartiennent a des per- sonnes ou tres-judicieuses ou tres-fines. Lors- que la paupiere d'en haut decrit un plein cintre, c'est la marque d'un bon naturel et de beaucoup de delicatesse, quelquefois aussi d'un caractere timide. Quand la paupiere se dessine presque horizontalement sur I'oeil et coupe diametrale- ment la prunelle, elle annonce souvent un homme tres-adroit , tres-ruse ; mais il n'est pas dit pour cela que cette forme de I'oeil detruise la droiture du coeur. Des yeux tres-grands, d'un bleu fort clair, et vus de profil presque transparents, an- noncent toujours une conception facile, etendue, mais en meme temps un caractere extremement sensible, difficile a manier, soupgonneux, jaloux, susceptible de prevention. De petits yeux noirs, ^tincelants, sous des sourcils noirs et touffus, qui paraissent s'enfoncer lorsqu'ils sourient maligne- 34. PHY — '06. PHV ment, annoncent de la rase, des aperqus pro- fonds, un esprit d'intrigue el de chicane. Si de pareils yeux ne sont pas accompagnes d'une boLiche moqiieuse , ils designent un espriL froid et penetrant, beaiicoup de gout, de I'elegance, de la precision, plus de penchant a I'avarice qu'a la generosite. Des yeux grands, ouverts, d'une clarte transparente, et dont le feubrille avec une mobilite rapide dans les paupieres paralleles, peu larges et forteraent dessinees, reunissent ces caracteres : une penetration vive, de, I'elegance et du gout, un temperament colere, de I'orgueil. Des yeux quilaissent voir la prunelle entiere, et sous la prunelle encore plus ou moins deblanc, sont dans un etat de tension qui n'est pas natu- rel, ou n'appartiennent qu'a des hommes in- quiets, passionnes, a nioitie fous, jamais a des hommes d'un jugement sain, mur, precis, et qui meritent confiance. Certains yeux sont tres-ou- verts, tres-luisants, avec des physionomies fades; ils annoncent de I'entetement, de la be- tise unie a des pretentions. Les gens soupgonneux, emportes, violents, ont souvent les yeux enfonces dans la tete et la Olicier Ic Daim. souvent les yeux hors de la tete. Le fourbe a, en parlant, les paupieres penchees et le regard en dessous. Les gens tins el ruses ont coulume de tenir un oeil et quelquefois les deux yeux a demi fermes. C'esl un signe de faiblesse. En effet , on voit bien rarement un homme bien energique qui soil ruse : noire mefiance envers les aulres nalt du peu de confiance que nous avons en nous. Les anciens avaient raison d'appeler le nez /toneslameiitum faciei. Un beau nez ne s'associe jamais avec un visage ditYorme. On peut etre laid et avoir de beaux yeux; mais un nez regu- lier exige necessairement une heureuse analogic des aulres traits; aussi voit-on mille beaux yeux centre un seul nez parfait en beaute, et la ou il se trouve , il suppose toujours un caraclere dis- tingue : No7i cuiquam datum est habere nasum, Voici , d'apres les physionomisles , ce qu'il faut pour la conformation d'un nez parfaitement beau : sa longueur doit etre egale a celle du front ; il doit y avoir une legere cavile aupres de sa racine. Vue par-devant, I'epine du nez doit etre large et presque parallele des deux cotes; mais il faut que celte largeur soil un peu plus sensible vers le milieu. Le bout ou la pomnie du nez ne sera ni dure ni charnue. De face , il faut que les ailes du nez se presentent dislinctement el que les narines se raccourcissent agreable- ment au-dessous. Dans le profil , le bas du nez n'aura d'elendue qu'un tiers de sa hauteur. Vers le haul , il joindra de pres Tare de I'os de I'oeil , el sa largeur, du cote de I'oGil, doit etre au moins d'un ^demi-pouce. Un nez qui rassemble toutes ces perfections exprime tout ce qui pent s'expri- mer. Cependant nombre de gens du plus grand merite ont le nez difforme; mais il faut diffe- rencier aussi I'espece de merite qui les distingue, Un petit nez, echancre en profii , n'empeche pas d'etre honnele etjudicieux, mais ne donne point Ic genie. Des nez qui se courbent au haul de la racine conviennent a des caracteres imperieux , appeles a commander, a operer de grandes choses , fermes dans leurs projets et ardents a les poursuivre. Les nez perpendiculaires (c'est- a-dire qui approchenl de celte forme, car, dans toutes ses productions, la nature abhorre les lignes complelement droites) tiennenl le milieu entre les nez echancres et les nez arques ; ils supposent une ame qui sail agir et soiiffrir Iran- qtiillement et avec cneryie. Un nez dont I'epine est large, n'importe qu'il soil droit ou courbe, annonce toujours des faculles superieures. Mais cette forme est tres-rare. La narine petite est le signe certain d'un esprit timide, incapable de hasarder la moindre enlreprise. Lorsque les ailes du nez sont bien degagees, bien mobiles, elles denolent une grande delicalesse de sentiment, qui peut degenerer en sensualile. Ou vous ne trouverez pas une petite inclinaison , une espece d'enfoncement dans le passage du front au nez, a moins que le nez ne soil fortemenl recourbe, n'esperez pas decouvrir le moindre caraclere de PHY — 53 PHY ' grandeur. Les hommes dont le nez penche ex- tremement vers la bouche ne sont jamais ni vrai- nient bons , ni vraiment gais , ni grands , ni nobles : leur pensee s'aLtache toujours aux cboses de la terra ; ils sont reserves, froids, insensibles, pen cominunicatifs ; i!s ont ordinairement I'esprit malin; ils sont hypocondres ou melancoliqiies. Les peuples tartares ont generalement le nez plat e.t enfonce; les negres d'Afrique I'ont ca- mard; les Juifs, pour la plupart, aquilin; les Anglais, cartilagineux et rarement pointu. S'il faut en juger par les tableaux et les portraits, les beaux nez ne sont pas coininuns parmi les Hol- landais. Chez les Italiens, au contraire, ce trait est distinctif. Enfin , il est absolument caracteris- tique pour les hommes celebres de la France et de la Belgique. ! Des joues charnues indiquent I'humidite du temperament. Maigres et retrecies, elles an- noncent la secheresse des humeurs. Le chagrin I les creuse ; la rudesse et la betisse leur imprnnent ' des sillons grossiers; la sagesse, I'experience et la finesse d'esprit les entrecoupent de traces le- geres et doucement ondulees. Certains enfonce- ments,pkisou moins triangulaires, qui se re- marquent quelquefois dans les joues, sont le signe infaillible de I'envie ou de la jalousie. Une joue naturellement gracieuse, agitee par un doux tressaillement qui la releve vers les yeux, est le garant d'un coeur sensible. Si, sur la joue qui sourit, on voit se former trois lignes paralleles et circulaires, comptez dans ce caractere sur un fond de folie. L'oreille , aussi bien que les autres parties du corps humain, a sa signification determinee; elle n'admet pas le moindre deguisement ; elle a ses convenances et une analogic particuliere avec I'individu auquel elle apparlient. Quand le bout de l'oreille est degage , c'est un bon augure pour les facultes intellectuelles. Les oreilles larges et depliees annoncent I'effronterie , la vanile , la faiblesse du jiigement. Les oreilles grandes et grosses marqaent un homme simple, grossier, stupide. Les oreilles petites denotent la timidity. Les oreilles trop repliees et entourees d'un bourrelet mal dessine n'annoncent rien de bon quant a I'esprit et aux talents. Une oreille moyenne, d'un contour bien ar- rondi, ni trop epaisse, ni excessivement mince. ne se trouve guere que chez des personnes spi- rituelles, judicieuses, sages et distinguees. La bouche est I'interprete de I'esprit et du coeur; elle reunit, dans son etat de repos et dans la variele infinie de ses mouvements, un monde de caracteres. Elle est eloquente jusque dans son silence. On remarque un parfait rap- port entre les levres et le naturel. Qu'elles soient fermes, qu'elles soient molles et mobiles, le ca- ractere est toujours d'une trempe analogue. De grosses levres bien prononcees et bien propor- tionnees, qui presenteht des deux cotes la ligne du milieu egalement bien serpentee et facile a reproduire au dessin , de telles levres sont in- compatibles avec la bassesse, elles repugnent aussi a la faussete et a la m^chancete. La levre superieure caracterise le gout. L'orgueil et la co- lere la courbent; la finesse I'aiguise; la bont^ i PHY — 53Zi — PHY I'arrondit; le libertinage I'enerve et la flelrit. L'lisage de la levre inferieure est de lui servir de support. Une bouche resserree, dont la fente court en ligne droite, el ou le bord des levres ne parait pas, est I'indice certain du sang-froid, d'un es- prit applique, de I'exactitude et de la proprete, mais aussi de la secheresse de coeur. Si elle re- monte en meme temps aux deux extremites, elle suppose un fond d'affectation et de vanile. Des levres rognees inclinent a la timidite et a I'ava- rice. Une levre de dessus qui deborde un peu est la marque distinctive de la bonte ; non qu'on puisse refuser absolument cette qualite a la levre d'en bas qui avance ; mais, dans ce cas, on doit s'attendre plutot a une froide et sincere bonho- mie qu'au sentiment d'une vive tendresse. Une levre inferieure qui se creuse au milieu n'ap- partient qu'aux esprits enjoues. Regardez atten- tivement un homme gai dans le moment ou il va produire une saillie , le centre de sa levre ne manquera jamais de se baisser et de se creuser un peu. Une bouche bien close , si toutefois elle n'est pas affectee et pointue, annonce le courage; et dans les occasions ou il s'agit d'en faire preuve, les personnes memos qui ont i'habi- tude de tenir la bouche ouverte la ferment ordi- nairement. Une bouche beanie est plaintive; une bouche fermee souffre avec patience, dit le Brun, dans son TraiU des passions , et c'est la partie qui, de tout le visage, marque le plus particu- lierement les mouvements du coeur. Lorsqu'il se plaint, la bouche s'abaisse par les cotes; lorsqu'il est content, les coins de la bouche s'elevent en haut; lorsqu'il a de I'aversion, la bouche se pousse en avant et s'eleve par le milieu. Toule bouche qui a deux fois la largeur de I'oeil est la bouche d'un sot; j'entends la largeur de I'oeil prise de son extremite vers le nez jusqu'au bout interieur de son orbite , les deux largeurs mesu- rees sur le meme plan. Si la levre inferieure, avec les dents, depasse horizontalement la moitie de la largeur de la bouche vue de profil, comptez, suivant I'indication des autres nuances de phy- sionomie , sur un de ces quatre caracteres isoles, ou sur lous les quatre reunis, betise, rudesse, avarice, malignite. De trop grandes levres, quoique bien proportionnees, annoncent toujours un homme peu delicat, sordide ou sensuel, quel- quefois meme un homme stupide ou mechant. Une bouche, pour ainsi dire, sans levres, dont la ligne du milieu est fortement tracee, qui se retire vers le haut, aux deux extremites, et dont la levre superieure, vue de profil depuis le nez, parait arquee; une pareille bouche ne se voit guere qu'a des avares ruses, actifs, industrieux, froids, durs, flatteurs et polis, mais atterrants dans leurs refus. Une petite bouche, etroite, sous de petites narines, et un front elliplique, est toujours peureuse, timide a I'exces, d'une vanite puerile, et s'enonce avec difliculte. S'il se joint a cette bouche de grands yeux saillants, troubles, un menton osseux, oblong, et surtout si la bouche se tient habituellement ouverte soyez encore plus sur de rirab^cillile d'une pa- reille tete. Les dents petites et courtes sont regardees par les anciens physionomistes, comme le signe PHY — 535 — PHY d'une constitution faible. De longues dents sont un indice de timidite. Les dents blanches, pro- pres et bien rangees, qui, au moment ou la bouche S'ouvre , paraissent s'avancer sans deborder , et qui ne se montrent pas toujours entierement a decouvert, annoncent dans I'homme fait un esprit doux et poli , un coeur bon et honnete. Ge n'est pas qu'on ne puisse avoir un caractere tres-es- timable avec des dents galees, laides ou inegales; mais ce derangement physique provient, la plu- part du temps, de maladie ou de quelque me- lange d' imperfection morale. Celui qui a les dents inegales est envieux. Les dents grosses, larges et fortes sont la marque d'un temperament fort, et promettent une longue vie, si Ton en croit Aristote. Pour etre en belle proportion, dit Herder, le menton ne doit etre ni pointu, ni creux, mais uni. Un menton avance annonce toujours quelque chose de positif , au lieu que la signification du I menton recule est toujours negative. Souvent le ' caractere de I'energie ou de la non-energie de I'individu se manifeste uniquement par le menton. II y a trois principales sortes de raentons : les mentons qui reculent, ceux qui, dans le profil, j sont en perpendicularite avec la levre inferieure, ! et ceux qui debordent la levre d'en bas , ou , en d'autres termes, les mentons pointus. Le menton recule, qu'on pourrait appeler hardiment le men- ton feminin , puisqu'on le retrouve presque a I toutes les personnes de I'autre sexe, fait tou- I jours soupgonner quelque cote faible. Les men- tons de la seconde classe inspirent la confiance. Ceux de la troisieme denotent un esprit actif et delie, pourvu qu'ils ne fassent pas anse, car cette forme exageree conduit ordinairement a la pusillanimite et a I'avarice. Une forte incision au milieu du menton semble indiquer un homme judicieux , rassis et resolu, a moins que ce trait ne soit dementi par d'autres traits contradictoires. Un menton pointu passe ordinairement pour le signe de la ruse. Cependant on trouve cette forme chez les personnes les plus honnetes; la ruse n'est alors qu'une bonte rafTmee. Get entre-deux de la tete et de la poitrine, qui tient de Fune et de I'autre, est significatif comme tout ce qui a rapport a I'homme. Nous connais- sons certaines especes de goitres qui sont le signe infaillible de la stupidite, tandis qu'un cou bien proportionne est une recommandation irrecusable pour la solidite du caractere. Le cou long et la tete haute sont quelquefois le signe de I'orgueil et de la vanite. Un cou raisonnablement epais et uh peu court ne s'associe guere a la tete d'un fat ou d'un soL Ceux qui ont le cou mince, delicat et allonge sont timides comme le cerf , au senti- ment d'Aristote, et ceux qui ont le cou epais et court ont de I'analogie avec le taureau irrite. Mais les analogies sont fausses pour la plupart, dit PHY — 536 — PHY Lavater , et jetees sur le papier sans que I'esprit d'observation les ait dictees. II y a aiitant de diversite et de dissemblance entre les formes des mains qu'il y en a entre les physionomies. Deux visages parfaitement ressem- blants n'existent nulle part ; de meme vous ne rencontrerez pas chez deux personnes differentes deux mains qui se resserablent. Chaque main , dans son etat naturel , c'est-a- dire abstraction faite des accidents extraordi- naires , se trouve en parfaite analogic avec les corps dont elle fait partie, Les os, les nerfs, les muscles , le sang et la peau de la main ne sont que la continuation des os, des nerfs, des mus- cles, du sang et de la peau du reste du corps. Le meme sang circule dans le coeur , dans la tete et dans la main. La main contribue done, pour sa part, a faire connaitre le caractere de I'individu ; elle est, aussi bien que les autres membres du corps, un objet de physiognomonie, objetd'au- lant plus significatif et d'autant plus frappant, que la main ne pent pas dissimuler, et que sa mobilite la trahit a chaque instant. Sa position la plus Iranquille indique nos dispositions naturelles; ses llexions, nos actions et nos passions. Dans tous ses mouvements, elle suit impulsion que lui donne le reste du corps. Voy. Main. Tout le monde sait que des epaules larges, qui descendent insensiblement et qui ne remontent pas en pointe sont un signe de sante et de force. Des epaules de travers influent ordinairement aussi sur la delicatesse de la complexion ; mais on diraitqu'elles favorisent la finesse et I'aclivite de I'esprit, I'amour de I'exactitude et de I'ordre. Une poitrine large et carree, ni trop convexe, ni trop concave, suppose toujours des epaules bien constituees et fournit les memes indices. Une poitrine plate, et pour ainsi dire creuse, denote la faiblesse du temperament. Un ventre gros et preeminent incline bien plus a la sensualite et a la paresse qii'un ventre plat et retreci. On doit atlendre plus d'energie et d'activite, plus de flexibilite d'esprit et de finesse, d'un tem- perament sec que d'un corps surcharge d'em- bonpoint. II se trouve cependant des gens d'une taille eflilee qui sont excessivement lents et pa- resseux ; mais alors le caractere de leur indolence reparait dans le bas du visage. Les gens d'un merite superieur ont ordinairement les cuisses maigres. Les pieds plats s'associent rarement avec le genie. Quoiqu'il n'y ait aucune ressemblance propre- ment dite entre I'homme et les animaux , selon la remarque d'Aristote, il peut arriver neanmoins que certains traits du visage humain nous r'ap- pellent I'idee de quelque animal. y Porta a ete plus loin, puisqu'il, a trouve dans chaque figure humaine la figure d'un animal' bu d'un oiseau, et qu'il juge les hommes par le na- turel de I'animal dentils simulent unpen les traits. Le singe , le cheval et I'elephant sont les ani- maux qui ressemblent le plus a I'esp&ce humaine, par le contour de leurs profils et de leur face. Les plus belles ressemblances sont celles du che- val, du lion, du chien, de I'elephant et de I'aigle. Ceux qui ressemblent au singe sont habiles, ac- tifs, adroits, ruses, malins, avares et quelqaefoif mechants. La ressemblance du cheval donne le courage et la noblesse de Tame. Un front comnie celui de I'elephant annonce la prudence et I'e- nergie. Un homme qui par le nez et le front resseniblerait au profil du lion ne serait certai- nement pas un homme ordinaire (la face du lion porte I'empreinte de I'energie, du calme et de la force) ; mais il est bien rare que ce caractere puisse se frouver en plein sur une face humaine. La ressemblance du chien annonce la fidelile, la droiture et un grand appetit ^ ; celle du loup, qui en differe si peu, denote un homme violent, dur, lache, feroce, passionne, traitre et sanguinaire; celle du renard indique la petilesse, la faiblesse, la ruse et la violence. La ligne qui partage le museau de I'hyene porte le caractere d'une du- rete inexorable. La ressemblance du tigre an- nonce une ferocite gloutonne. Dans les yeux et le mufle du tigre, quelle expression de perfidie! La ligne que forme la bouche du lynx et du tigre est I'expression de la cruaute. Le chat : hypo- crisie, attention et friandise. Les chats sont des tigres en petit, apprivoises par une education 1 Dans la Physiognomonie de Porta, Platon res- semble a un chien de chasse. PHY — 537 — PHY domestique. La ressemblance de Tours indiqiie la fureur, le pouvoir de dechirer, une hiimeur misanthrope ' ; celle dii sanglier ou du cochon annonce un naturel lourd, vorace et brutal. .Le blaireau est ignoble, mefiant et glouton. Le boeuf est patient, opiniatre, pesant, d'un appetit gros- sier. La ligne que forme la bouche de la vache et du boeuf est I'expression de Tinsouciance , de la stupidite et de I'entetement. Le cerf et la bi- che : timidite craintive, agilite, attention, douce et paisible innocence. La ressemblance de I'aigle annonce une force victorieuse ; son oeil etince- lant a tout le feu de I'eclair, Le vautour a plus de souplesse, et en memo temps quelque chose de moins noble. Le hibou est plus faible, plus Limide que le vautour. Le perroquet : affectation de force, aigreur et babil, etc. Toutes ces sortes de ressemblances varient a I'infini, mais elles sont difficiles a trouver. Tels sont les principes de la physiognomonie, d'apres Aristote, Albert le Grand, Porta, etc., mais principalement d'apres Lavater, qui a le plus ecrit sur cette matiere, et qui du moins a mis quelquefois un grain de bon sens dans ses essais. II parle avec sagesse lorsqu'il traile des mouvements du corps et du visage, des gestes et des parties mobiles qui expriment, sur la figure de I'homme, ce qu'il sent interieurement et au moment ou il le sent. Mais combien il extra vague aussi lorsqu'il veut decidement trouver du genie dans la main ! II juge les femmes avec une injus- tice extreme. Tant que la physiognomonie apprendra a I'homme a connaitre la dignite de I'etre que Dieu lui a donne , cette science , quoique en grande parlie hasardeuse , meritera pourtant quelques eloges, puisqu'elle aura un but utile et louable. Mais lorsqu'elle dira qu'une personne constituee de telle sorte estvicieiise de sa nature; qu'il faut la fuir et s'en defier ; que, quoique cette personne presente un exterieur seduisant et un air plein de bonte et de candour, il faut toujours I'eviter, 1 Beaucoup d'ecrivains se sont exerces dans ces donnees. M. Alexis Dumesnil , dans ses Mceurs poli- tiques, divise les hommes en deux especes sociales, I'espece conservatrice et I'espece destructive. Le mot n'est pas correct. Pour etre consequent en langage, I'auteur auraitdu dire : I'espece destructrice. Destruc- tif non plus ne s'applique pas rigoureusement aux §tres animes ; et nous le sommes , nous que M. Du- mesnil, detracteur du present, juge en dernier res- sort espece destructive. Ce sont les anciens qui con- servaient , si on veut Fen croire , eux qui n'ont cesse de saccager et de renverser. II va plus loin ; il pre- tend qu'on pent reconnaitre par la mimique et la physiognomonie les individus destructifs. « L'espece destructive , dit-il , a sa forme de tete particuliere , courts ordinairement et etroite du haut, quelquefois meme terminee en pain de sucre, mais toujours re- marquable par un tris-grand developpement du crane vers les oreilles ; ce qui lui donne I'apparence d'une poire. » Voila qui passe la plaisanterie; une tete au contraire qui a la tournure d'un pain de sucre ren- verse ou d'un navet denote I'espece conservatrice parce que son naturel est affreux, que son visage I'annonce et que le signe en est certain, im- muable, la physiognomonie sera une science abominable qui etablit le fatalisme. On a vu des gens assez infatues de cette science pour se donner les defauts que leur visage por- tait necessairement, et devenir vicieux, en quelque sorte, parce que la fataliti de leur physionomie les y condaitmait, semblables a ceux-la qui aban- donnaient la vertu parce que la fatalile de letir etoile les empechait d'etre vertueux. Les pensees suivantes , publiees par le Journal de sante, sont extraites d'un petit Traite de la physiognomonie , par M. Bourdon : « La douleur physique , les souffrances , don- nent souvent a la physionomie une expression analogue a celle du genie. J'ai vu une femme du peuple, affectee d'un cancer, qui ressemblait par- faitement a madame de Stael quant a I'expression profonde de la physionomie. Je dis la meme chose des passions contrariees, des violents chagrins, des fatigues de I'esprit et de I'abus des jouis- sances : tout ce qui remue vivement notre ame, tout ce qui porte coup a la sensibilite, a des ef- fets a peu pres semblables sur la figure. » Une grosse tete annonce de I'imagination par instants, de la pesanteur par habitude, de I'en- thousiasme par eclairs, beaucoup de volonte et souvent du genie. Un front etroit indique de la vivacite ; un front rond de la colere. » Chaque homme a beaucoup de peine a se faire une juste idee de ses propres traits; les femmes elles-memes n'y parviennent que tres-dillicile- ment. Cela vient de ce qu'on ne peut voir les mou- vements des yeux, par c[ui la physionomie recoit sa principale expression. » On peut, jusqu'a un certain point, juger de la respiration d'une personne d'apres son style, d'apres la coupe de ses phrases et sa ponctuation. Assurement J. J. Rousseau ne ponctuait pas comme Voltaire, ni Bossuet comme Fenelon. Quand je dis qu'on peut a I'aide du style ap- precier la respiration d'un individu, c'est dire qu'on peut aussi juger des passions qui I'agitent, de I'emotion c[u'il eprouve ; car les vivos pen- sees ont pour effet de remuer le coeur, et les palpitations du cceur accelerent la respiration et rendent la voix tremblante. Voila d'oi!i vient le pouvoir qu'une voix emue est toujours sure d'exercer sur nous : elle attire I'attention , elle indique un orateur ou inspire, ou timide, ou consciencieux. Les orateurs froids et mediocres simulent cette emotion vraie, qui vient du coeur, a I'aide de I'agitation oscillatoire et saccadee des bras. » La meme emotion morale qui hate la respira- tion, qui fait palpiter le coeur et rend la voix tremblante, rend de meme tous les mouvements du corps vacillants et incertains , tant que dure I'inspiration morale , et quelquefois meme long- PHY — 538 — PIC temps apres que I'agitation de I'esprit a cesse. Voila pourquoi I'ecriture de nos grands ecrivains est generalement si illisible ; et comme il est ecrit que toujours I'incapacite singera jusqu'aux de- fauts inseparables du vrai merite, voiia pourquoi beaucoup d'hommes mediocres se sent crus en- gages d'honneur a graver en caracteres inde- cbiffrables les steriles pensees qu'une verve en- gourdie leur suggerait. )) L'extreme laideur est presque toujours un signe d'esclavage , de souffrances morales ou de durs travaux. 11 est certain que I'oisivete, qu'une douce incurie sont favorables a la beaute corpo- relle : il y avait done plus de vrai qu'on ne pense dans ce titre de gentilhomme dont on gratifiait jadis tout heureux faineant. » 11 n'est pas d'homme peut-etre qui ne consentU tres-volon tiers a echanger, a son choix et selon son gout, quelque trait de sa physionomie, une partie quelconque de son corps. On n'est jamais aussi complelement satisfait de sa figure que de son esprit. Jugez combien la perfection corporelle doit etre rare chez les peuples actuels de I'Eu- rope, puisque la Venus de Tornwaldsen lui a ne- cessite trente differenls modeles ! J'observe tou- tefois que la demoralisation des villes capiiales, mais surtout les bienfaits recents de la vaccine, sont des causes qui doivent puissamment seconder le genie des peintres et des scuipteurs de nos jours. » Un liomme qui a le malheur de loucher doit se montrer beaucoup plus reserve qu'un autre dans ses actions et ses discours; car la malignite humaine est naturelleinent disposee a augurer mal de la symelrie de tout edifice dont les issues sont desordonnees. » De profondes rides aux cotes de la bouche font cunjecturer qu'on est ou moqueur, ou naturelle- ment gai , ou soumis aux caprices d'un maitre mauvais plaisant. » Le rire (je ne parle pas du sourire) est un ca- ractere d'ineptie plutot que d'intelligence : les hommes superieurs sont generalement graves. L'habitudedes grandes pensees rend presque tou- jours indifferent aux petites choses qui sont en possession d'exciter le rire. » Plus sont profondes celles des rides qui de- pendent des muscles , et plus il est permis de croire a une longue vie, a une sanle durable. En effet, I'energie des muscles indique toujours une heureuse organisation, des fonctions regulieres. Voila sur quel principe vrai I'art de la chiromancie est fonde : s'il ne conduit si souvent qu'a des mensonges , cela vient de ce qu'on lui fait dire autre chose que ce qu'il dit en effet... » Terminons ce long article par une anecdote : Louis XIV etait si persuade du talent que Lacham- bre, medecin et academicien frangais, s'attribuait de juger, sur la seule physionomie des gens, quel elait non-seulement leur caractere, mais encore a quelle place et a quels emplois chacun d'eux pouvait etre propre, que ce prince ne se deter- minait, soit en bien, soil en mal, sur les choix qu'il avait a faire qu'apres avoir consulte ce sin- gulier oracle. « Si je meurs avant Sa Majeste, disait Lachambre , elle court grand risque de faire a I'avenir beaucoup de mauvais choix. » La- chambre mourut en effet avant le roi, et sa pre- diction parut plus d'lme fois justiflee. — Ce me- decin a laisse des ouvrages dont le genre denote assez le penchant qu'il avait a etudier les phy- sionomies. I'oy. Mimique. Places, pretres magiciens de I'lle d'Hispaniola, au moment de la conquete ou decouverte de cette lie. On voit dans YHisloire des Indes de Ferdi- nand d'Oviedo , ami de Christophe Colomb , des fails qui etablissent serieusement I'intervention des demons dans les paroles des piaces qui re- velaient exactement ce qui se faisait au loin ; a moins que ce ne fut du magnetisme. Piaches, pretres idolatres de la cole de Cu- mana, aussi en Amerique. Pour etre admis dans leur ordre, il fallait passer par une espece de noviciat qui consistait a errer deux ans dans les forets. lis persuadaient au peuple qu'ils rece- vaient la des instructions de certains esprits en forme humaine. lis disaient que le soleil et la lune etaient le mari et la femme. Pendant les eclipses , les femmes se tiraient du .sang et s'e- gratignaient les bras; elles croyaient la lune en querelle avec son mari. Ces piaches, qui ressemblent aux piaces d'Hispaniola, donnaient un talisman en forme de X comme preservatif centre les fantomes. lis disaient que lesechos sont les voix des trepasses. Picard (Mathurin), direcleur d'un couvent de Louviers, qui fut accuse d'etre sorcieret d'avoir conduit au sabbat Madeleine Bavent, touriere de ce couvent. Comme il etait mort lorsqu'on arreta Madeleine, et qu'on lui fit son proces, ou il fut condamne ainsi qu'elle, son corps fut delivre a I'executeur des sentences criminelles, traine sur des claies par les rues et lieux publics, puis con- duit en la place du Vieux-Marche ; la briile et les cendres jetees au vent; 16/j7. Picatrix, medecin ou charlatan arabe, qui vivail en Espagne vers le treizieme siecle. II se livra de bonne heure a I'astrologie, et se rendit si recommandable dans cette science, que ses ecrits devinrent celebres parmi les amateurs des sciences occultes. On dit qu'Agrippa, etant alle en Espagne , eut connaissance de ses ouvrages et y prit beaucoup d'idees creuses, notamment dans le traiLe que Picatrix avait laisse De laphi- losophie occulte. Pic de la Mirandole (Jean), I'un des hom- mes les plus celebres par la precocite et I'eten- due de I'etude, ne le 24 fevrier l/(63. II avait une memoire prodigieuse et un esprit tres-pene- trant. Cependant un imposteur I'abusa en lui PIC — 539 — PIE faisant voir soixante manuscrits qu'il assurait avoir ete composes par I'ordre d'Esdras, et qvA ne contenaient que les plus ridicules reveries cabalistiques. L'obstinalion qu'il mil a les lire lui fit perdre un temps plus precieux que I'ar- gent qu'il en avait donne el le remplit d'idees chimeriques dont il ne fut jamais entierement desabuse. II mourut en Ik^k- On a recueilli de ses ouvrages des Conclusions philosophiques de cabale et de thcolocjie, Rome, Silbert, in-folio extremement rare; c'est la le seul inerite de ce livre. Car, de I'aveu meme de Tiraboschi , on ne peut que gdmir en le parcourant, de voir qu'un si beau genie, un esprit si etendu et si laborieux, se soit occupe de questions si' frivoles. On a dit qu'il avait un demon familier. Pichacha, nom coUectif des esprits follets chez les Indiens. Picollus, demon revere par les anciens habi- tants de la Prusse, qui lui consacraient la tete d'un homme mort et brulaient du suif en son honneur. Ce demon se faisait voir aux derniers jours des personriages importants. Si on ne I'a- paisait pas , il se presentait une seconde fois ; et lorsqu'on lui donnait la peine de paraitre une troisieme, on ne pouvait plus I'adoucir que par I'effusion du sang humain. Lorsque Picollus 6tait content, on I'entendait rire dans son temple ; car il avait un temple. Pie, oiseau de mauvais augure. En Bretagne, lestailleurs sont les enlremetleurs des manages; ils se font nommer, dans cetle fonction , has- vanals ;ces basvanals, pour reussir dans leurs demandes, portent un bas rouge et un bas bleu, et ils rentrent chez eux s'ils voient une pie, qu'ils regardent comme un funeste presage Plusieurs vieilles sorcieres ont eu leur d^mon familier en forme de pie ou de corbeau. Les pies sont le symbole des caquetages. * Cambry, Voyage dans le Finistere, t. Ill, p. il. M. Berbiguier dit que la pie voleuse, dont on a fait un melodrame , etait un farfadet. Pied. Les Romains distingues avaient dans leur vestibule un esclave qui avertissait les visi- leurs d'entrer du pied droit. On tenait a mauvais augure d'entrer du pied gauche chez les dieux et chez les grands. On entrait du pied gauche lorsqu'on etait dans le deuil ou dans le chagrin K Les anciens avaient pour regie de religion de construire en nombre impair les degres des temples ; d'ou il resultait qu'apres les avoir montes, on entrait necessairement dans I'edifice auquel ces degres conduisaientparle pied droit; ce que les paiens regardaient comme un point essentiel et d'un augure aussi favorable que le contraire eut ete funeste. Pied fourchu. Le diable a toujours un pied fourchu quand il se niontre en forme d'homme, Pierre a souhaits. Voij. Aseli.e. Pierre d'aigle , ainsi nommee parce qu'on a suppose qu'elle se trouvait dans les nids d'aigle. Voy. ArrriE, et a leur nom les autres pierres precieuses. Voi/. aussi Rugner et Sakhrat. Pierre du diable. 11 y a dans la vallee de Schellenen , en Suisse, des fragments de rocher debeau granit, qu'on appelle la jo/erre du diable. Dans un demele qu'il y eut entre les gens du pays et le diable, celui-ci les apportala pour ren- verserun ouvrage qu'il avait- eu, quelque temps auparavant, la complaisance de leur construire. Pierre philosophale. On regarde la pierre philosophale comme une chimere. Un mepris si mal raisonne, disent les philosophes hermetiques, est un effet du juste jugement de Dieu, qui ne permet pas qu'un secret si precieux soit connu des mechants et des ignorants. La science de la pierre philosophale ou la philosophie hermetique fait partie de la cabale, et ne s'enseigne que de bouche a bouche. — Les alchimistes donnent une foule de noms a la pierre philosophale : c'est la fille du grand secret; le soleil est son pere, la lime est sa mere, le vent I'a portee dans son ven- tre , etc. Le secret plus ou moins chimerique de faire de Tor a ete en vogue parmi les Chinois long- temps avant qu'on n'en eut les premieres notions en Europe. Ils parlent dans leurs livres, en ter- mes magiques, de la semence d'or et de la pou- dre de projection. lis promettent de tirer de leurs creusets non-seulement de I'or, mais encore un 1 M. Nisard, Stace. PIE — 5ZiO — PIE remede specifique et universel qui procure a ceux qui le prennent une espece d'immortalile. Zosime, qui vivait au commencement du cin- qiiieme siecle , est un des premiers parmi nous qui aient ecrit sur I'art de faire de I'oret de I'ar- gent , ou la maniere de fabriquer la pierre philo- sophale. Cette pierre est une poudre ou une liqueur formee de divers metaux en fusion sous une constellation favorable. Gibbon remarque que les anciens ne connais- saient pas I'alchimie, Cependant on voit dans Pline que I'empereur Caligula entreprit de faire de Tor avec une preparation d'arsenic, et qu'il abandonna son projet, parce que les depenses I'emportaient sur le profit. Des partisans de cette science pretendent que les Egyptiens en connaissaient tons les mysteres. Cette precieuse pierre philosophale, qu'on appelle aussi elixir universel , eau du soleil , poudre de projection , qu'on a tant cherchee , et que sans doute on n'a jamais pu decouvrir*, procurerait a cekii qui aurait le bonheur de la posseder des richesses incomprehensibles, une sante toujours florissante, une vie exempte de toutes sortes de maladies, et meme, au sentiment de plus d'un cabaliste, I'immortalite... II ne trouverait rien qui put lui resistor, et serait sur la terre le plus glorieux, le plus puissant, le plus riche et le plus heureux des mortels ; il convertirait a son gre tout en or, et jouirait de tous les agrements. L'empereur Rodolphe n'avait rien plus a coeur que cette recherche. Leroi d'Espagne Philippe II employa, dit-on , de grandes sommes a faire travailler les chimistes aux conversions des me- taux. Tous ceux qui ont marche sur leurs traces n'ont pas ea de grands succes. Quelques-uns donnent cette recelle comme le veritable secret de faire Toeuvre hermetique : Mettez dans une fiole de verre fort, au feu de sable, de I'elixir d'Arislee, avec du baume de mercure et une pareille pesanteur du plus pur or de vie ou pre- cipite d'or, et la calcination qui restera au fond de la fiole se multipliera cent mille fois. Que si I'on ne sait comment se procurer de I'elixir d'A- ristee et du baume de mercure, on pent implo- rer les esprits cabalistiques , ou meme , si on I'aime mieux, le demon barbu, dont nous avons parle. On a dit aussi que saint Jean I'evangeliste avait enseigne le secret de faire de I'or; et en effet, on chantait autrefois dans quelques eglises une hymne en son honneur, ou se trouve une alle- goric que les alchimistes s'appliquent : Inexhauslum fert tliesaurum Qui de virgis facit aurum, Gemmas de lapidibus. D'autres disent que, pour faire le grand oeuvre, 1 Voyez pourlant Raymond Lulle, quant a ce qui concerne Tor. il faut de I'or, du plomb, du fer, de I'antimoine, du vitriol, du sublime, de I'arsenic, du tartre, du mercure, de la terre et de I'air, auxquels on joint un oeuf de coq, du crachat, de I'urine et des excrements humains. Aussi un philosophe a dit avec raison que la pierre philosophale elait une saiade, et qu'il y fallait du sel, de I'huile et du vinaigre. Nous donnerons uue plus ample idee de la matiore et du raisonnement des adeptes en pre- sentant au lecteur quelques passages du Traili de chimie philosophique et hermetique, publie a Paris en 1725 *. « Au commencement, dit I'au- teur, les sages, ayantbien considere, ontreconnu que I'or engendre I'or et I'argent, et qu'ils peu- vent se multiplier dans leurs especes. » Les anciens philosophes, travaillant par la voie seche, ont rendu une partie de leuror volatil, et I'ont reduit en sublime blanc comme neige et luisant comme cristal; ils ont convert! I'autre partie en sel fixe ; et de la conjonction du volatil avec le fixe, ils ont fait leur elixir. Les philoso- phes modernes ont extrait de I'interieurdu mer- cure un esprit igne, mineral, vegetal et multi- plicalif, dans la concavite humide duquel est cache le mercure primilif on quintessence univer- selle. Par le moyen de cet esprit, ils ont altire la semence spirituelle contenue en I'or; et par cette voie , qu'ils ont appelee voie humide , leur soufre et leur mercure ont et6 faits : c'est le mercure des philosophes, qui n'est pas solide comme le metal, ni mou comme le vif-argent, mais entre les deux. lis ont tenu longtemps ce secret cache, parce que c'est le commencement, le milieu et la fin de I'oeuvre ; nous I'allons de- couvrir pour le bien de tous. II faut done pour faire I'oeuvre : 1° purger le mercure avec du sel et du vinaigre (saiade) ; 2° le subhmer avec du vitriol et du salpetre ; 3° le dissoudre dans I'eau- forte; 4" le sublimer derechef; 5° le calciner et le fixer; 6° en dissoudre une partie par defail- lance a la cave, oii il se resoudra en liqueur ou huile (saiade) ; 7° distiller cette liqueur pour en separer I'eau spirituelle, I'air et le feu ; 8° mettre de ce corps mercuriel calcine et fixe dans I'eau spirituelle ou esprit liquide mercuriel distille ; 9" les putrefier ensemble jusqu'a la noirceur; puis il s'elcvera en superficie de I'esprit un sou- fre blanc non odorant, qui est aussi appele sel ammo7iiac ; 10° dissoudre ce sel ammoniac dans I'esprit mercuriel liquide, puis le distiller jusqu'a ce que tout passe en liqueur, et alors sera fait le vinaigre des sages; 11° cela paracheve, il fau- dra passer de I'or a I'antimoine par trois fois , et apres le reduire enchaux; 12° mettre cette 1 Traite de chimie philosopkique et hermetique, enriclii des operations les plus curieuses de I'art, sans nom d'auteur. Paris, 1725, in-12, avec appro- bation signt^c Audry, docteur en medecine, et privi- lege du roi. PIE — 5/il — PIE cliaux d'or dans ce vinaigre ires-aigre , les lais- ser putrefier; et en superflcie du vinaigre, il s'elevera una terra feuillee de la couleiir das paries orientales ; i! faiit sublimer de nouveau jusqu'a ce que cette lerre soit tres-pura; alors vous auraz fait la premiere operation da grand cEuvre. » Pour le second travail , prenez , au nom de Dieu , une part de cette chaux d'or et deux parts del'eau spirituelle chargee da son sal ammoniac ; mettez cette noble confection dans un vase de cristal de la forme d'un oeuf , scellez le tout du sceau d'Hermes ; entretenez un feu doux et con- tinue! : I'eau ignee dissoudra peu a peu la chaux d'or ; il se formera une liqueur qui est I'eau des sages et leur vrai chaos, contenant les qualites elementaires , chaud , sec , froid et huraide. Lais- sez putrefier cette composition jusqu'a ce qu'elle devienne noire : cette noirceur, qui est appelee la tete de corbeau et le saturne des sacjes, fait connoitre a I'arliste qu'il est en bon chemin. Mais pour oter cette noirceur puante, qu'on ap- pelle aussi terre noire , il faut faire bouillir de nouveau , jusqu'a ce que le vase ne presente plus qu'une substance blanche comme la neige. Ce degre de I'oeuvre s'appelle le cijgne. II faut enfm fixer par le feu cette liqueur blanche, qui se calcine et se divise en deux parts, I'une blanche pour I'argent, I'autre rouge pour I'or ; alors vous aurez accompli les travaux et vous possederez la pierre philosophale, » Dans les divarses operations, on paut tirer divers produits : d'abord la lion vert, qui est un liquide epais, qu'on nomme aussi Yazot, et qui fait sortir I'or cache dans les matieres ignobles ; le lion rouge, qui convertit les metaux en or : c'est une poudre d'un rouge vif ; la tete de corbeau, dite encore la voile noire du navire de Thesce, depot noir qui precede le lion vert, et dont I'ap- parition au bout de quarante jours promet le succes de I'oeuvre : il sert a la decomposition et putrefaction des objets dont on veut tirer I'or; \3l poudre blanche, qui Lransmue les metaux blancs en argent fin; V elixir au rouge, avec lequel on fait de For et on guerit toutes les plaies ; Y elixir aublanc, avec lequel on fait de I'argent at on se procure une vie extremement longue : on I'appelle aussi la Jille blanche des ijhilosophes. Toutes ces varietes de la pierre philosophale vegetent et se multiplient... » Le resle du livre est sur le meme ton. II contienl tous les secrets de I'alchimie. Voy, Baume universel. Elixir de VIE, Or potable, etc. Les adeptes pretendent que Dieu enseigna I'al- chimie a Adam , qui en apprit le secret a He- noch, duquel il descendit par degres a Abraham, a Mo'ise, a Job, qui multiplia ses biens au septu- ple par le moyen de la pierre philosophale, a Paracelse, et surtout a Nicolas Flamel. lis cilent avec respect des livres de philosophie herrae- tique qu'ils attribuent a Marie, soeur de Moise, a Hermes Trismegiste, a Democrite, a Aristote, a saint Thomas d'Aquin , etc. La boite de Pandore, la toison d'or de Jason , le caillou de Sisyphe , la cuisse d'or de Pythagore, ne sont selon eux que le grand oeuvre '. lis trouvent tous leurs mysteres dans la Genese, dans V Apocalypse surtout, dont ils font un poeme a la louange de I'alchimie ; dans VOdyssee, dans les Metamorphoses d'Ovide. Les dragons qui veillent , les taureaux qui souf- flent du feu, sont les emblemes des travaux her- metiques. Gobineau de Montluisant, gentilhomme char- train, a meme donne une explication extrava- gante des figures bizarras qui ornent la fagade de Notre-Dame de Paris; il y voyait une histoire complete de la pierre philosophale. Le Pere eter- nel etendant les bras et tenant un ange dans chacune de ses mains annonce assez , dit-il , la perfection de I'oeuvre achevee. D'autres assurent qu'on ne peut posseder le grand secret que par le secours de la magie ; ils nomment demon barbu le demon qui se charge de I'enseigner; c'est, disent-ils, un tres-vieux demon. On trouve a I'appui de cette opinion , dans plusieurs livres de conjurations magiquas, des formules qui evoquent les demons hermetiques. Cedrenus, qui donnait dans cette croyance, ra- conte qu'un alchimisle presenta a Fempereur Anastase,. comme I'ouvrage de son art, un frein d'or et de pierreries pour son cheval. L'empe- reur accepta le present et fit mettre I'alchimiste dans une prison, oii il mourut; apres quoi le frein devint noir, et on reconnut que I'or des alchimistesn'etait qu'un prestige du diable. Beau- coup d'anecdotes prouvent que ce n'est qu'une friponnerie ordinaire. Un rose-croix, passant a Sedan, donna a Henri I", prince de Bouillon , le secret de faire 1 Naude, Apol. pour les grands personnages, etc. PIE — 5/|2 — PIE de For, qui coiisistait a I'aire foiidre dans un creuset un grain d'une poudre rouge qu'il lui re- mit, avec quelques onces de litharge. Le prince fit I'operation devant le charlatan , et lira Irois onces d'or pour trois grains de cette poudre; il fut encore plus ravi qu'etonne; et I'adepte, pour achever de le seduire, lui fit present de toute sa poudre Iransmutanle. II y en avait trois cent mille grains. Le prince crut posseder trois cent mille onces d'or. Le philosophe etait presse de partir; il allait a Venise tenir la grande assem- blee des philosophes hermetiques ; il ne lui res- tait plusrien, mais il ne demandait que vingt mille ecus. Le due de Bouillon les lui donna et le renvoya avec honneur. Comme en arrivant a Sedan le charlatan avait fait acheter toute la lilharge qui se trouvait chez les apothicaires de celte ville, et I'avait fait revendre ensuite char- Le baron dc Pluniorollcs |ircsciilc a Cliailcs IX, gee de quelques onces d'or, quand celle litharge futepuisee, le prince ne fit plus d'or, ne vit plus le rose-croix et en fut pour ses vingt mille cus. Jeremie Mederus, cile par Delrio raconte un lour absohiment semblable qu'un autre adepte joua au marquis Ernest de Bade, Tons les souverains s'occupaient autrefois de 1 Disquisit. mag., lib. I, cap. v, quaest. 3. la plerre philosophale ; la fameuse Elisabeth la cherclia longtemps. Jean Gaulhier, baron de Plumerolles, se vanlait de savoir faire de I'or; Charles IX, trompe par ses promesses, lui lit donner cent vingt mille hvres, et I'adepte se mit a I'ouvrage. Mais apres avoir travaille huit jours, il se sauva avec I'argent du monarque. On courut a sa poursuite, on I'allrapa, et il fut pendu : mauvaise fin , meme pour un alchimiste! PIE — 5 ^13 — PIE En 1616, la reine Marie de Medicis donna a Gui de Crasemboiirg vingt mille ecus pour tra- vailler dans la Bastille a faire de I'or. II s'evada aa bout de trois mois avec les vingt mille ecus, et ne reparut plus en France. Le pape Leon X fut moins dupe. Un homme I qui se vantait de posseder le secret de la pierre philosophale lui demandait une recompense. Le protecteur des arts le pria de revenir le lende- main, et il lui fit donner un grand sac, en lui di- sant que, puisqu'il savait faire de Tor, il lui offrait de quoi le contenir Mais il y eut des alchimistes plus fiers. L'empereur Rodolplie II, ayant en- tendu parler d'un chimiste franc -comtois qui passait pour etre certainement un adepte , lui envoya un homme de confiance pour I'engager a venir le trouver a Prague. Le commissionnaire n'epargna ni persuasion, ni promesses pour s'ac- quitter de sa commission ; mais le Franc-Comtois fut inebranlable , et se tint constamment a cette reponse : Ou je suis adepte ou je ne le suis pas; si je le suis, je n'ai pas besoin de l'empereur, et si je ne le suis pas , l'empereur n'a que faire de moi. Un alchimiste anglais vint un jour rendre visite au peintre Rubens, auquel il proposa de partager avec lui les tresors du grand oeuvre , s'il voulail construire un laboratoire et payer quelques petits frais. Rubens, apres avoir ecoute patiemment les extravagances du souffleur, le mena dans son atelier. Vous etes venu, lui dit-ii, vingt ans trop tard, car depuis ce temps j'ai trouve la pierre philosophale avec cette palette et ces pinceaux, Le roi d'Angleterre Henri VI fut reduit a un tel degre de besoin que , an rapport d'Evelyn (dans ses Numismala) , il chercha a remplir ses coffres avec le secours de I'alchimie. L'enregis- trement de ce singulier projet contient les pro- testations les plus solennelleset les plus serieuses de I'exislence et des vertus de la pierre philoso- phale, avec des encouragements a ceux qui s'en occuperont. II annule et condamne toutes les prohibitions anterieures. Aussitot que cette pa- tente royale fut publiee , il y eut lant de gens qui s'engagerent a faire de I'or, selon I'attente du roi, que I'annee suivante Henri VI publia un autre edit dans lequel il annongait que I'heure etait prochaine ou , par le moyen de la pierre philosophale , il allait payer les detles de I'Etat en or et en argent monnayes. Charles II d'Angleterre s'occupait aussi d'al- chimie. Les personnes qu'il choisit pour operer le grand ceuvre formaient un assemblage aussi singulier que leur patente etait ridicule. C'etait une reunion d'epiciers , de merciers et de mar- chands de poisson. Leur patente fut accordee authoritate parliainenti. * Le comte d'Oxenstiern attribue ce trait au pape Urbain VIII , a qui un adepte dediait un traitd d'al- chimie. Pensees, t. I, p. 172. | Les alchimistes etait appeles autrefois multi- plicateurs; on le voit par un statut de Henri IV d'Angleterre, qui ne croyait pas a I'alchimie. Ce statut se trouve rapporte dans la patente de Charles II. Comme il est fort court, nous le cite- rons. (! Nul dorenavant ne s'avisera de multiplier I'or et I'argent, ou d'employer la supercherie de la multiplication , sous peine d'etre traite et puni comme felon. » On lit dans les Curiosites de la lUterature, ouvrage traduit de I'anglais par Th. Berlin , qu'une princesse de la Grande-Bretagne, eprise de i'alchimie, fit rencontre d'un homme qui pre- tendait avoir la puissance de changer le plomb en or. II ne demandait que les materiaux et le temps necessaires pour executer la conversion. II fut emmene a la campagne de sa protectrice , ou Ton construisit un vaste laboratoire, et, afin qu'il ne fCit pas trouble, on defendit que per- sonne n'y entrat II avait imagine de faire tour- ner sa porte sur un pivot, et recevait a manger sans voir, sans etre vu , sans que rien put le dis- traire. Pendant deux ans il ne condescendit a parier a qui que ce fut, pas meme a la princesse. Lorsqu'elle fut introduite enfin dans son labora- toire, elle vit des alambics, des chaudieres, de longs tuyaux , des forges, des fourneaux, et trois ou quatre feux d'enfer allumes; elle ne contem- pla pas avec moins de veneration la figure enfu- mee de I'alchimiste, pale, decharne, affaibli par ses veilles, qui lui revela, dans un jargon inin- telligible, les succes oblenus; elle vit ou crut voir des monceaux d'or encore imparfait repan- dus dans le laboratoire. Cependant I'alchimiste demandait souvent un nouvel alambic et des PIE — 5U — PIE quantitea enorines de charbon. La p^inces^5e, inalgre son zele, voyant qu'elle avail depense une grande parlie de sa fortune a founiir aux besoinsdu phiIosophe,commenca a regler I'essor de son imagination sur les conseils de la sa- gesse. Elledecouvritsa facon depenser an physi- cien : celui-ci avoiia qu'il etaitsurprisde la lenteur de ses progres ; mais il allait redoubler d'efforts et hasarder une operation de laqiielle, jiisque- la, il avait cru pouvoir se passer. La protectrice se retira ; les visions dorees reprirent leur pre- mier empire. Un jour qu'elle etait a diner, un cri affreux, suivi d'une explosion semblable a celle d'un coup de canon, se fit entendre; elle se rendit avec ses gens aupres du chimiste. On trouva deux larges retortes brisees , une grande partie du laboratoire en flamme , et le physicicn grille depuis les pieds jusqu'a la tete. Elie Ashmole ecrit dans sa Quotidictme du 13 mai 1655 : «Mon pere Backouse (astrologue qui I'appelait son fils, methode pratiquee par les gens de cette espece) etant malade dans Fleet- Street, pres de I'eglise de Saint-Dunstan , et se trouvant , sur les onze heures du soir, a Tarlicle de la mort , me revela le secret de la pierre phi- losophale , et me le legua un instant avant d'ex- pirer. » Nous apprenons par la qu'un malheureux qui connaissait I'art de faire de I'or vivait cependant de charites, et qu'Ashmole croyait fermenient etre en possession d'une pareille recette. Ashmole a neanmoius eleve un monument cu- rieux des savantes folies de son siecle, dans son Theatrum chimicuvi hritannkum , vol. in-/t°,dans lequel il a reuni les trailes desalchimistes anglais. Ge recueil presente divers ecliantillons des mys- teres de la secte des roses-croix , et Ashmole raconte des anecdotes dont le merveilleux sur- passe toutes les chimeres des inventions arabes. II dit de la pierre philosophale qu'il en sail assez pour se taire et qu'il n'en salt pas assez pour en parler. La chimie moderne n'est pourtant pas sans avoir I'esperance, pour ne pas dire la certitude, de voir un jour verifies les reves dores des alchi- mistes. Le docteur Girtanner de Goettingue a der- nierement hasarde celte prophetie que, dans le dix-neuvieme siecle, la transmutation des nietaux sera generalement connue; que chaque chimiste saura faire de I'or; que les instruments de cui- sine seront d'or et d'argent , ce qui contribucra beaucoup a prolonger la vie, qui sctrouve au- jourd'hui compromise par les oxydes de cuivrc, de fer et de plonib que nous avalons avec noire nourriture \ G'est ce que surtout le galvanismc amenera. Pierre de sante. A Geneve et en Savoie , on appelle ainsi une espece de pyrite martiale tres- ' Philosophie magique, v. VI, p. 383. dure et susceptible d'un beau poll. On taille ces pyrites en faceltes comme le cristal, el Ton en fait des bagues , des boucles et d'autres orne- ments. Sa couleur est a peu pres la meme que celle de I'acier poli. On lui donne le nom de sante , d'apres le prejuge ou Ton est qu'elle palit lorsque la sante de la personne qui la porle est sur le point de s'allerer. Pierre-de-feu, demon inconnu qui est iu- voque dans les litanies du sabbat. Pierre-fort, demon invoque dans les litanies du sabbat. Nous ne le connaissons pas aulrement, et il se peut aussi que ce soil un des plus affreux saints des sorciers. Pierre d'Apone, philosophe, astrologue et medecin, ne dans le village d'Abano ou Apono pres de Padoue, en 1250. C'etail le plus habile magicien de son temps, disent les demonomanes; il s'acquit la connaissance des sept arts liberaux, par le moyen de sept espritsfamiliers qu'il lenait enfermes dans des bouteilles ou dans des boiles de cristal. II avait de plus I'industrie de faire revenir dans sa bourse tout I'argent qu'il avait depense. II fut poursuivi comme heretique et magicien ; et s'il eCit vecu jusqu'a la iin du proces, il y a beaucoup d'apparence qu'il eut ele brule vivant, comme il le fut en efiigie apres sa mort. 11 mourut a I'age de soixante-six ans. Get homme avait, dit-on, une telle antipalhie pour le lait qu'il n'en pouvait senlir le gout ni I'odeur. Tho- mazo Garsoni dit, entre autres contes merveilleux sur Pierre d'Apone, que, n'ayant point dc puils dans sa maison, il commanda au diable de porter dans la rue le puils de son voisin , parce qu'il refusait de I'eau a sa servante. Malheureusement ' II y a dans le village d'Abone, aujourd'hui Abauo, une fontaine qui pretait autrefois la parole aux muets , et qui donnail a ceux qui y buvalent le lalent de dire la bonne aventure. Yoyez le sej)tieme chant de la Pharsale de Lucain. PIE — 5kB — PIE pour ces belles histoires, il parait prouve que i Pierre d'Apone etait une sorte de pauvre esprit fort qui ne croyait pas au diable , du reste homme de raauvais renom. Les amateurs de livres su- persLitieux recherchcnt sa Geomancie Mais ne lui attribuons pas un petit livre qu'on met sur son compte et dont voici le titre : Ics OEmres I maqiques de Henri-Corneille Agrippa, par Pierre d'Ahan, latin etfrancais, avec des secrets occultes, in-24 , reimprime a Liege, 1788. On dit dans ce livre que Pierre d'Aban etait disciple d'Agrippa , qui vecut trois siecles apres lui... La partie principale est intitulee Heptameron ou les Elements magiques. On y trouve les surs inoyens d'evoquer les esprits et de faire venir le diable. Pour cela, il faut tracer trois cercles I'un dans I'autre, dont le plus grand ait neuf pieds de circonference , et se tenir dans le plus petit, ou Ton ecrit le nom des anges qui president a I'heure, au jour, au mois, alasaison, etc, Voici les anges qui president aux heures. Notez que les heures sont indiquees ici dans la langue infernale. Yayn ou premiere heure , I'ange Mi- chael; lanor ou deuxieme heure, Anael; Nasnia ou troisieme heure , Raphael ; Salla ou quatrieme heure , Gabriel ;. Sadedali ou cinquieme heure , Cassiel ; Thamus ou sixieme heure , Sachiel ; Ourer ou septieme heure, Samael; Thanir ou huitieme heure, Arael ; Neron ou neuvieme heure, Cambiel ; Jaya ou dixieme heure , Uriel ; Abai ou onzieine heure , Azael ; Natalon ou douzieme heure, Sambael. — Les anges du printemps, caba- listiquementnommes Talvi,sont Spugliguel, Cara- casa , Commissoros et Amatiel ; le nom de la terre est alors Amadai, le nom du soleil Abraiim, celui de la lune Agusita. Les anges de I'ete, nommes Gasmaran, sont Tubiel, Gargatiel, Tariel et Gaviel. La terre s'appelle alors Festativi, le soleil Athemai, et la lune Armatas. Les anges de Tautomne, qui se nommera Ardarael, sont Tor- quaret, Tarquam et Guabarel. La terre s'appelle Rahimara , le soleil Abragini , la lune Matafi- gnais. Les anges de I'hiver, appeles Fallas, sont I AUarib, Amabael , Crarari. La terre se nomme I Gerenia , le soleil Comrautat et la lune Affaterim. j Pour les anges des mois et des jours, voy. Mois ■ et Jouns. Apres avoir ecrit tous les noms dans le cer- cle, mettez les parfums dans un vase de terre neuf, et dites : « Je I'exorcice , parfum, pour que tout fantome nuisible s'eloigne de moi. » Ayez une feuille de parchemin vierge sur la- quelle vous ecrirez des croix; puis appelez des quatre coins du monde les anges qui president a I'air, les sommant de vous aider sur-le-champ, et dites : « Nous t'exorcisons par la mer flottante et transparente, par les quatre divins animaux qui vont et viennent devant le trone de la divine ' Geomantia, m-S°, Venise, -1649. Majeste ; nous t'exorcisons ; et si tu ne parais pas aussitot ici, devant ce cercle, pour nous obeir en toutes choses, nous te maudissons et te privons de tout office, bien et joie; nous te condamnons a bruler sans aucun relache dans I'etang de feu et de soufre, etc. » Cela dit, on verra plusieurs fantomes qui rempliront Fair de clameurs. On ne s'en epouvantera point, et on aura soin surtout de ne point sortir du cercle. On apercevra des spectres qui paraitront mena- gants et armes de fleches ; mais ils n'auront pas puissance de nuire. On soufilera ensuite vers les quatre parties du monde et on dira : « Pourquoi tardez-vous? soumettez-vous a votre maitre. » Alors paraitra I'esprit en belle forme qui dira : « Ordonnez et demandez , me voici pret a vous obeir en toutes choses. » Vous lui demanderez ce que vous voudrez , il vous satisfera , et apres que vous n'aurez plus besoin de lui , vous le renver- rez en disant : « Ailez en paix chez vous, et soyez pret a venir quand je vous appellerai. » Voila ce que presentent de plus curieux les OEu- vres magiques. Et le lecteur qui s'y fiera sera du moins mystifie *. Pierre Labourant, nom que des sorciers donnerenl au diable du sabbat. Jeanne Garibaut , sorciere, declara que Pierre Labourant porte une chaine de fer qu'il ronge continuellement, qu'il habile une chambre enflammee ou se trouvent des chaudieres dans lesquelles on fait cuire des personnes, pendant que .d'autres rotissent sur de larges chenets , etc. Pierre le Brabangon, charlatan, ne dans les Pays-Ras. M. Salgues rapporle de lui le fait sui- vant. Etant devenu epris d'une Parisienne, riche heritiere, le Rrabangon contrefit aussitot la voix du pere defunt et lui lit pousser, du fond de sa tombe, de longs gemissements ; le mort se plai- gnit des maux qu'il endurait au purgaloire , et reprocha a sa femme le refus qu'elle faisait de donner sa fiUe a un si galant homme. La femme, effrayee, n'hesita plus : le Rrabancon obtint la main de la demoiselle, mangea la dot, s'evada de Paris et courut se refugier a Lyon. Un gros financier venait d'y mourir, et son fils se trou- vait possesseur d'une fortune opulenle. Le Rra- bangon va le irouver, lie connaissance avec lui, et le mene dans un lieu couvert et silencieux; la, il fait entendre la voix plaintive du pere , qui se reproche les malversations qu'il a commises dans ce monde , et conjure son fils de les expier par des prieres et des aumones; il I'exhorte d'un tonpressant etpathetique a donner six mille francs au Rrabangon pour raclieter des captifs. Le fils hesile et I'emet I'affaire au lendemain. Mais le lendemain la meme voix se fait entendre , et le pere declare nettement a son fils qu'il sera damne lui-meme s'il tarde da vantage a donner les six * Des erreurs et des prejuges, t. I, p. SIS. 35 PIE - 5/ mille francs a ce brave homnie que le ciel lui a cnvoye. Le jeune traitant ne se le lit pas dire irois fois; il compta les six mille francs an ven- Iriloqiie, qui alia boire eL rire a ses depens. Pierre le Venerably, savant abbe de Cluny, niort en 1156. 11 a laisse un livre de miracles qui contient plusieurs legendes oii les demons ne jouent pas le beau role. Pierres d'anatheme. « Non loin de Patras, je vis des tas de pierres au milieu d'un cbamp ; j'appris que c'etait ce que les Grecs appellenL pierres d'anaLbeme, espece de trophees qu'ils eleven t a la barbarie de leurs oppresseurs. En devouanL leurs lyrans aux genies infernaux, ils les maudissent dans leurs ancetres , dans leur ame et dans leurs enfants ; car tel est le formulaire de leurs imprecations. lis se rendent dans le cbamp qu'ils veulent vouer a I'anatbeme, et cbacun jette sur le meme coin de terre la pierre de re- probation. Les passants ne manquant pas dans la suite d'y joindre leur suffrage , il s'eleve bientot dans le lieu voue a la malediction un tas de pierres assez semblable aux monceaux de cail- loux qu'on rencontre sur le bord de nosgrandes I'outes, ce qui du reste nettoie les cbamps'. » Pigeons. G'est une opinion accreditee dans le peuple que le pigeon n'a point de fiel. Cependanl Aristote et de nos jours I'anatbmie ont prouve qu'il en avait un, sans compter que la fiente de cet oiseau contient un sel intlammable qui ne peut exister sans le fiel. On conte que le crane d'un bom me cacbe dans un colombier y attire tons les pigeons des environs. Le marechal de Mouchy pretendait que la cbair du pigeon a une vertu consolante. Lorsque ce sei- gneur avait perdu un ami, un parent, il disait a son cuisinier : « Vous me servirez a diner des pi- geons rolis. J'ai remarque, ajoutail-il, qu'apres avoir mange deux pigeons, je me leve de table beaucoup moins chagrin. » Pij, nom que les Siamois donnenl aux lieux ou les ames des coupables sont punies ; elles^y doivent renaiire avant de revenir en ce monde. Pilal-Karras, exorcistes ou devins du Mala- bar, aux conjurations desquels les pecheurs de pedes ont recours pour se mettre a I'abri des attaques du requin, lorsqu'ils plongent dans la mer. Ces conjuraleurs se tiennent sur la cole, marmottent continuellement des prieres et font mille contorsions bizarres. Pilapiens, peuples qui habitent une prcs- qu'ile sur les bords de la mer Glaciale, et qui boivent, mangent et conversent familierement avec les ombres. On allait autrefois les consulter. Leloyer rapporte que, quand unetranger voulait savoir des nouvelles de son pays, il s'adressait a un Pilapien, qui tombait aussitot en extase et in- voquait le diable , lequel lui revelait les choses cach^es. 1 M. Mangeart, Souvenirs de la Moree, iSSO. /t6 — PIQ Pilate (Mont), monlagne de Suisse, au som- met de laquelle est un lac ou un etang celebre dans les legendes. On disait que Pilate s'y etail jete, que les diables y paraissaient souvent, que Pilate, en robe de juge, s'y faisait voir tous les ans une fois, et que celui qui avait le malheur d'avoir cette vision mourait dans I'annee. De plus, il passait pour certain que, quand on lan- cait quelque cbose dans ce lac , cette imprudence excitait des tempetes terribles qui causaient de grands ravages dans le pays ; en sorte que , meme au seizieme siecle, on ne pouvait monter sur cette montagne, ni aller voir ce lac, sans une permission expresse du magistral de Lucerne, et il etait defendu, sous de fortes peines, d'y rien jeler. La meme tradition se rattache au lac de Pilate, voisin de Vienne en Dauphine^ Piletski , puissante famille polonaise , dont les lilies, apres leur mort, se cbangeaient en co- lombes si elles n'etaient pas mariees; et, si elles etaient mariees, en papillons de nuit. Elles al- laient, sous ce.s formes, anooncor leur mort a tous leurs parents. G'est une de ces traditions qu'il suflit de mentionner et qui est probable- ment I'oeuvre de quelque poete legendaire. Pinet. Pic de la Mirandole parle d'un sorcier nomme Pinet, lequel eut commerce trente ans avec le demon Fiorina ^ Pipi (Marie) , sorciere qui sert d'ecbanson au sabbat ; elle verse a boire dans le repas non- seulement au roi de I'enfer, mais encore a ses officiers et a ses disciples, qui sont les sorciers et magicieus'. Piqueur. A Marsanne, village du Dauphine, pres de iMontelimart, on entend loutes les nuits, vers les onze heures, un bruit singulier que les gens du pays appellent le piqueii7- : il semble, en effet, que Ton donne plusieurs coups sous terre''. M. Berbiguier, dans son tome III des Farfadets, nous apprend qu'en 1821 les piqueurs qui pi- quaient les femmes dans les rues de Paris n'etaient * Voyez, dans \es LegeilHes da Nouveau Ti-fifainent, les legendes de Pilate. - Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits, liv. Ill , p. 215. 3 Deiancre, Tableau de I'inconst. des demons, etc., liv. II , p. U3. * Bibliutheque de societe , t. III. PIR — 567 — PLA ni des filoiis, ni des mediants, niais des farfadets OLi demons. « J'etais plus savant, dit-il, que le viilgaire , qui ignore que les farfadets ne font le iiial que par plaisir. » Piripiris, talismans en usage chez certains Indiens du Perou. lis sont composes de diverses plantes ; ils doivent faire reussir la chasse, assu- rer les moissons, amener de la pluie, provoquer des inondations et defaire les armees ennemies. Pison. Apres la mort de Germanicus, le bruit courut qu'il avait ete empoisonne par les male- lices de Pison. On fondait les soupQons sur les indices suivants : on trouva dans la demeure de Germanicus des ossements de mort, des charmes et des imprecations contre les parois des murs, le nom de Germanicus grave sur des lames de plomb, des cendres souillees de sang, et plu- sieurs autres malelices par lesquels on croyait les hommes devoues aux dieux infernaux*. Pistole volante. Quoique les sorciers de pro- fession aient toujours vecu dans la misere, on pretendait qu'ils avaient cent moyens d'eviter I'indigence et le besoin. On cite entre autres la pistole volante, qui, lorsqu'elle etait enchantee par certains charmes et paroles magiques , reve- nait toujours dans la poche de celui qui I'em- ployait, au grand profit des magiciens qui ache- taient, et au grand detriment des bonnes qui vendaient ainsi en' pure perle. Voij. Agrippa, Faust , Pasetk s , etc. Pithon, demon qui etait familier avec Made- leine de la Croix. Pivert. Nos anciens, dit le Petit Albert, as- surent que le pivert est un souverain remede contre le sortilege de I'aiguillette nouee , si on le mange roti a jeun avec du sel benit ; c'etait un oiseau d'augure. Elius, preteur remain, rendait la justice sur son tribunal, lorsqu'un pivert vint se reposer sur sa tete. Les augures, consultes sur ce fait, repondirent que tant qu'Elius prendrait soin de I'oiseau, sa famille prospererait, mais que la republique serait malheureuse; qu'au con- traire, lorsque le pivert perirait, la republique prospererait et la famille d'Klius serait aplaindre. Ce dernier, preferant I'inleret public au sien, tua sur-le-champ I'oiseaa en presence du senat ; et quelque temps apres, dix-sept jeunes guerriers de sa maison furent tues a la bataille de Cannes. Mais cette bataille n'accomplit que la moitie de la prediction et dementit I'autre, puisqu'elle fut la plus desastreuse de toutes celles que perdit la republique. Planetes. II y a maintenant plus de soixanle planetes. Les anciens n'en connaissaient que sept , cn comptant la lune, qui n'est qu'un satellite de la terre ; ainsi les nouvelles decouvertes de- Iruisent tout le systeme de I'astrologie judiciaire. Les vieilles planetes sont : le soleil, la lune, 1 Tacite. Mercure , Venus , Mars , Jupiter et Saturne. Chaque planete gouverne un certain nombre d'annees'. Les annees ou Mercure preside sont bonnes au commerce, etc. ; la connaissance de cette parlie de I'astrologie judiciaire s'appelle Alfridarie. Plante-bornes. Le plante-homes est une des plus poetiques et des plus morales traditions. Les Auvergnats ont la passion de la propriete : con- server et surtout agrandir Fherilage, c'est le but principal de leur vie, I'lionneur d'un nom; et Ton dit : « Ce champ est dans ma famille de- puis un siecle, » avec I'orgueil que Ton peut avoir ailleurs en montrant un parchemin etablis- sant que son ancetre etait cousin de saint Louis ou frere d'armes de Frangois I". A cet amour de la propriete, il fallait un frein ; car la tentation etait dangereuse dans un pays ou Ton ne connais- sait pas de clotures. La religion fut ce frein salu- taire ; et longtemps encore apres la revolution , ce n'etaient ni les juges, ni les experts qui re- glaient les differends entre proprie:taires, mais bien le cure. Le pretre avait done du placer le respect des limites des champs au rang des choses les plus sacrees, et menacer souvent des ven- geances eternelles ceux qui failliraient a ce res- pect. II n'est done pas etonnant que des ima- ginations frappees si vivement aient congu la pensee div plante-bornes, c'est-a-dire de I'esprit, ou plutot de I'arae de I'homme injuste revenant apres sa mort expier son crime, en reparant ou faisant reparer le dommage cause a ses voisins. Le plante-bornes est d'un effet autrement puissant que la loi ; elle est terrible , mais aveugle ; sou- vent, avec de certaines precautions, on peut lui echapper; tandis qu'avec le monde des esprits, il n'est ni ruses, ni chicanes, ni secret possible. L'amour de la famille meme, le desir si naturel, a tous les coeurs d'enrichir ses enfants, de les rendre heureux, conduisent le proprietaire a se surveiller scrupuleusement, a ne commettre ja- mais la plus legere infraction aux regies de la probite. Quel pere voudrait leguer a ses fils des tourments perpetuels, la honte publique, avec le soin de reparer ses fautes, sous peine de la mort la plus affreuse? Car le plante-bornes ne s'en tient pas a une course vague, desordonnee, a travers les vil- lages , melee de douloureux gemissements ; il finit par arriver a sa destination, frappe trois grands coups a I'etroite fenetre de sa chaumiere, en repetant par trois fois : « Plante-bornes!!! » Si les habitants, sous I'empire de la terreur, res- tent muets, on entend autour de la maison des 1 Les sept vieilles planetes president aussi aux sept jours de la semaine. Jarchas, brachmane, avec le- quel Apollonius de Tyane philosopha secretement, regut de lui en present sept anneaux portant les noms des sept planetes ; il les mettait a ses doigts les jours ou eiles regnaient , et chacun avait une vertu parti- cuiiere. 35. PLA — 548 PLU pas lourds et des battements d'ailes ; et le plante- bornes revient gemir tous les soirs, sans se lasser jamais, jusqu'a ce qu'enfin Ton se decide a liii repondre. 11 se tronipe quelquefois, s'adresse a iine fa- mille pure de toiites fraudes, et qui peuL hardi- inent repondre pour ses aieux ; mais c'est pour lui menager un triomphe ; car, sur de sa con- science et de celles de ses peres , le chef de fa- niilie ouvre la fenetre, crie trois fois : (( Plante-les loi-meme! » Mors tout est fini ; la paroisse est en admiration devant ceux qui ont pu chasser les plante-bornes. C'est comme une consecration de I'antique probite de la famille; chasser un plante- bornes, c'est plus honorable que faire ses preuves de cent ans de noblesse devant Cherin. Mais si, se mentant a luj-meine, le fils d'un coupable osait prononcer la formule sacramen- telle, malheur a lui! Un homme injuste mourut subitement; il avait bien souvent dit a son fds, en se raillant des croyances superstitieuses : « Si » jamais je reviens vous tourmenter pour le bor- )) nage, n'ayez pas peur; chassez-nioi. » Cependant une vieille femme I'avait ajourne devant ce meme his : « Vous avez plante des » arbres sur le champ qui m'appartenait ; vous » ne voulez pas vous arranger avec moi pendant )) que vous etes vivant : prenez garde , il en coute n aux morts de se lever de leurs tombes ! » Des semaines, des mois s'ecoulerent, le fils commengait a rire des plante-bornes; mais un soir, tout le monde Taffirme, la paroisse etait en emoi ; on frappa a la porte de sa chaumiere. Rien ne bougea a I'interieur; alors, ce qui n'etait plus jamais arrive arriva : le plante-bornes appela son his par son nom. Furieux , celui-ci s'elancja vers la fenetre, I'ouvril, etauxcrisde/?/an donnant au diable quatre epinglcs : convention qu'elle avait signee de son sang, tire de sa veine avec une petite lancette que le diable lui avait fournie. Elle se confessa encore de plusieurs abominations, et dit qu'elle avait entendu parler au sabbat d'un certain grand miracle par lequel Dieu exlerminera la synagogue ; et alors ce sera fait de Belzebuth, qui sera plus puni que les autres. Elle parla de grands combats que lui livraient le diable et la princesse des enfers pour empecber sa confession. Puis elle desavoua tout ce qu'elle avait confesse, s'ecriant que le diable la perdait. Etait-ce folie ? dans tous les cas cette folie etait affreuse. Marie de Sains disait de son cote qu'elle s'etait aussi donnee au diable, qu'elle avait assiste au sabbat , qu'elle y avait adore le diable , une chandelle noire a la main. Elle pre- tendit que I'Antechrist etait venu, et elle expli- quait I'Apocalypse. Simone Dourlet avait aussi frequente le sabbat. Mais comme elle temoignait du repentir, on la mit en liberie, car elle etait arretee comme sorciere. Un jeune homme de Va- lenciennes, de ces jeunes gens donl la race n'esl pas perdue, pour qui le scandale est un attrait, s'eprit alors de .Simone Dourlet et voulut I'epou- ser. L'ex- sorciere y consenlit. Mais le comle d'Estaires la lit remettre en prison, ou elle fut retenue longtemps avec Marie de Sains. Didyme fut brulee. Voy. Sabbat. Postel (Guillaume) , visionnaire du seizieme siecle , ne au diocese d'Avranches. 11 fut si pre- coce , qu'a I'age de quatorze ans on le fit maitre d'ecole. 11 ne devint absurde que dans I'age mur. On dit qu'une lecture trop approfondie des ou- vrages des rabbins et la vivacite de son imagina- tion le precipilerent dans des ecarts qui semerent sa vie de troubles, el lui causerent de cuisants chagrins. 11 crut qu'il etait appele de Dieu a reunir tous les hommes sous une meme loi , par la parole ou par le glaive , voulant toutefois les soumettre a I'autorite du Pape et du roi de France , a qui la monarchie universelle apparte- nait de droit, comme descendant en ligne directe du Ills aine de Moe. S'etant done fail nommer aumonier de I'bopilal de Venise, il se lia avec une femme limbree , connue sous le nom de mire Jeanne, dont les visions acheverent de lui POT — 555 — POU LOLirner la t6te. Postel se pretendit capable d'in- struire et de convertir le monde entier. A la nouvelle des reveries qii'il debitait, il fut denonce comme heretique ; mais on le mit hors de cause en considdrant qu'il etait fou. Apres avoir par- couru rOrient et fait paraitre plusieurs ouvrages dans lesqnels il parle des visions de la mere Jeanne, il rentra dans de meilleurs sentiments, se retira au prieure de Saint-Martin des Champs, a Paris, et y mourut en Chretien a quatre-vingt- seize ans, le 6 septembre 1581. On lui attri- bue a tort le livre des Trois Imposleurs. Voy. Jr.ANNE. Pot ci beurre. Un certain exorciste avait en- ferme plusieurs demons dans un pot a beurre ; apres sa mort, comme les demons faisaient du bruit dans le pot, les heritiers le casserent, per- suades qu'ils allaient y surprendre quelque tre- sor; mais ils n'y trouverent que le diable assez mal loge. II s'envola avec ses compagnons ec laissa le pot vide Conte populaire. Pou d'argent. G'est la decoration que le diable donne aux sorciers. Poudot, savetier de Toulouse, dans la maison duquel le diable se cacha en 1557. Le malin je- tait des pierres qu'il tenait enfermees dans un coffre que Ton trouva ferme a clef, et que Ton enfonca ; mais , malgre qu'on le vidat , il se rem- plissait toujours. Cette circonstance fit beaucoup de bruit dans la ville , et le president de la cour de justice, M. Latomy, vint voir cette merveille. Le diable fit sauter son bonnet d'un coup de pierre, au moment ou il entrait dans la chambre au coffre; il s'enfuit effraye , et on ne delogea * Legenda aurea . Sac. de Voragine, leg. lxxxviii. qu'avec peine cet esprit malin , qui faisait des tours de physique amusante Poudres. Les sorciers composaient pour leurs malefices des poudres qui , comme leurs on- guents , etaient des poisons. Poule noire. C'est en'sacrifiant une poule noire a minuit, dans un carrefour isole , qu'on engage le diable a venir faire pacte. II faut pro- noncer une conjuration, ne se point retourner, faire un trou en terre, y repandre le sang de la poule et I'y enterrer. Le meme jour, et plus or- dinairement neuf jours apres, le diable vient et donne de I'argent; ou bien il fait present a cekii qui a sacrifie d'une autre poule noire qui est une poule aux oeufs d'or. Les doctes croient que ces sortes de poules , donnees par le diable , sont de vrais demons. Le juif Samuel Bernard, banquier de la cour de France , mort a quatre-vingt-dix ans en 1739, et dont on voyait la maison a la place des Yictoires, a Paris, avait, disait-on, une poule noire qu'il soignait extremement; il mou- rut peu de jours apres sa poule , laissant trente- trois millions. La superstition dejla poule noire est encore tres-repandue. On dit en Bretagne qu'on vend la poule noire au diable, qui I'achete a minuit, et paye le prix qu'on lui en demande ^ II y a un mauvais et sot petit livre dont voici le titre : « La Poule Noire, ou la poule aux oeufs d'or, avec la science des talismans et des anneaux magiques, I'art de la necromancie et de la cabale, pour conjurer les esprits infernaux , les sylphes, les ondins, les gnomes, acquerir la connaissance des sciences secretes, decouvrir les tresors et obtenir le pouvoir de commander a tous les etres et dejouer tous les malefices et sortileges, etc. » En Egypte, 7/i0, 1 vol. in-18. — Ce n'est qu'un fatras niais et incomprehensible. Poulets. Voy. Augures. Poulpiquets. Voy. Bolegueans. Poupart. Voy. Appahitions. Pourang, nom du premier homme, selon les Japonais , lequel sortit d'une citrouille echauffee par I'haleine d'un boeuf, apres qu'il eut casse I'oeuf d'ou le monde etait i^-su. Pou-Sha , dieu de la porcelaine chez les Chi- nois. Des ouvriers, dit-on, ne pouvant executor un dessin donne par un empereur, I'un d'eux, nomme Pou-Sha, dans un moment de desespoir, 1 M. Gariiiet, Histoire de la magie en France, p. -124. 2 Cambry, Voyage dvns le Finisterc, t. Ill, p. 16. POU — 556 — PRfi s'elanQa clans le fourneau tout ardent. II fiit a I'instant consume, et la porcelaine prit la forme que souhaitait le prince. Ce malheureux acquit a ce prix I'honneur de presider, en qualite de dieu, aux ouvrages de porcelaine. Poussiere. Un nuage de poussiere souleve par le vent est toujours suppose, par les basses classes du peuple irlandais, etre occasionne par la marche d'une troupe de fees changeant de domicile, el Ton observe scrupuleusement envers ces cava- lieres invisibles les memes politesses que si la poussiere etait causee par une societe de per- sonnes les plus considerables du pays. En ficosse, le bruit des brides retentissant dans les airs ac- compagne toujours le tourbillon qui marque la marche des fees. Powel, chief-justice anglais, en 1711. On lui amena un charlatan accuse de relations avec le diable. Le miserable avoua que I'accusation ^lait vraie, et il confessa que le diable s'etait montre a lui sous diverses formes. Powel ne vit la qu'un homme, ou imposteur par necessile, ou afflige d'hallucinations, ou fou; et comme les jures, qui voyaient partout des sorciers, voulaient le con- damner au feu , il leur demanda s'ils le decla- raient coupable sur le chef d'accusation portant qu'il etait entre en communication avec le diable, sous la forme d'un chat. Le chef du jury repon- dil : (( Oui, il est coupable sur ce chef, » Le ma- gistral s'appuya de cette stupidite pour obtenir la grace du malheureux. Pra-Ariaseria, personnage fameux qui vivait dans le royaume de Siam du temps de Som- mona-Godom. Les Siamois en font un colosse de quarante brasses et demie de circonference , et de trois brasses et demie de diametre, ce qui parait peu comprehensible. 11 est vrai que nous ne savons pas quelle etait sa forme. Preadamites. En 1655, Isaac de la Perreyre fit imprimer, en Hollande, un livre^dans lequel il voulait etablir qu'il y a eu des hommes avant Adam. Quoiqu'il n'eut pour appui que les fables des figyptiens et des Chaldeens, ce paradoxe eut un moment des sectateurs, comme en ont toutes les absurdites. Desmarais, qui professait a Gro- ningue, le combattit, et plus tard I'auteur meme se retracta. Precy. Voy. Rambouh.let. Predictions. D'habiles astrologues avaient as- sure a Pompee, a Gesar et a Crassus qu'ils mour- - raient chez eux combles de gloire , de biens et d'annees, et tons trois perirent miserablement. Gharles-Quint, Francois I" et Henri VIII, tons trois contemporains, furent menaces de mort violente, et leur mort ne fut que naturelle. Le Grand Sei- gneur Osman voulant declarer la guerre a la Po- logne en 1621 , malgre les remontrances de ses ministres, un santon aborda ce sultan et lui dit : « Dieu m'a revele la nuit derniere , dans une vi- sion, que si Ta Hautesse va plus loin, elle est en. danger de perdre son empire ; ton epee ne peut cette annee faire de mal a qui que ce soil. » « Voyons , dit Osman , si la prediction est cer- tainc. )) Et donnant son cimeterre a un janissaire, il lui commanda de couper la tele a ce pretendu prophete , ce qui fut execute sur-le-champ. Ge- pendant Osman reussit mal dans son entreprise contra la Pologne, et perdit, peu de temps apres, la vie avec I'empire. On cite encore le fait suivant, comme exemple de prediction accomplie : Un ancien coureur, nomme Languille , s'etait retire sur ses vieux jours a Aubagne, pres de Marseille. II se prit de querelle avec le bedeau de la paroisse, qui etait PRE — 557 — PRE en menie lemps fossoyeur ; cette dispute avail produit une haine si vive, que Languille avait signilie au bedeau qu'il ne mourrait jamais que par lui ; de sorte que le pauvre bedeau, effraye, i'evitail comma un ennemi formidable. Peu de temps apres , Languille mourut, age de soixante- quinze ans. II logeait dans une espece de chainbre haute, oil Ton montait par un escalier etroit et tres-roide. Quand il fut question de I'enterrer, le bedeau, bien joyeux, alia le chereher el chargea -sur ses epaules la biere dans laquelle etait le corps de Languille , qui etait devenu assez gros. Mais, en le descendant d'un air triomphal , il fit un faux pas, glissa en avant; la biere, tombant sur lui, I'ecrasa. Ainsi s'accomplit la menace de Languille, autrement sans doute qu'il ne I'avait entendu. On avait predit a un due de Choiseul qu'il perirait dans une sedition. On a pretendu que cette prediction s'etait accomplie , quoique le due soil mort de maladie , parce qu'il expira dans le moment oii douze medecins, rassembles pour une consultation a son sujet, se battaient a propos des moyens divers proposes-pour le guerir. Alvaro de Luna, favori de Jean II, roi de Cas- tille , fut mis a mort pour avoir gouverne I'Elat en despote. Apres avoir consulte un astrologue sur sa destinee , il lui avait ete repondu qu'il eut a se garder de Cadahalso. II crut que c'etait d'un village pres de Tolede, qui portait ce nom ; il s'abstint d'y aller. Mais ayant ete condamne a perdre la tete sur un echafaud, que les Espagnols appellent aussi cadahalso , on dit qu'il s'etait trompe sur le sens du mot. En 1382, uu astrologue anglais fit crier par la ville de Londres que la veille de I'Ascension personne ne sorlit de sa maison sans avoir dit cinq fois le Pater noster , et sans avoir dejeune , a cause du brouillard pestilentiel qui arriverait ce jour-la; parce que ceux qui ne le feraient pas raourraient infailliblement. Plusieurs, se fiant a cette prediction , firent ce que I'astrologue avait prescrit; mais, comme on reconnut apres qu'il avait trompe le peuple, on le mit sur un cheval a reculons , tenant la queue en place de bride , avec deux marmites au cou, et on le promena ainsi par toute la ville. Wecker, dans les Secrets mervcilleux , donne ce procede comme infaillible pourpredire I'avenir : Qu'on brule de la graine de lin, des racines de persil et de violette ; qu'on se mette dans cette fumee, on predira les choses futures. Voy. Astro- LOGIE, PrOPH^TIES , BOHEMIENS , etC. Prejuge. Maniere banale , absurde ou irretle- chie d'apprecier les choses. Les sujets du Grand Mogol sont dans I'usage de peser leur prince tous les ans, et c'est toujours en raison de ce qu'il pese qu'ils I'estiment valoir plus ou moins, Prelati , charlatan de magie. Voy. Raiz. Presages. Cette faiblesse , qui consiste a re- garder comme des indices de I'avenir les evene- ments les plus simples et les plus naturels, est I'une des branches les plus considerables de la superstition. 11 est a remarquer qu'on distinguait autrefois les presages des augures, en ce que ceux-ci s'entendaient des augures recherches ou inlerpretes selon les regies de I'art augural , et que les presagesqui s'offraient fortuitementetaient interpretes par chaque particulier d'une maniere plus vague et plus arbitraire. De nos jours on regarde comme d'un tres-mauvais augure de de- chirer trois fois se^ manchettes, de trouver sur une table des couteaux en croix , d'y voir des salieres renversees, etc. Quand nous rencontrons en chemin quelqu'un qui nous demande ou nous allons, il faut, selon les enseignements supersti- tieux, retourner sur nos pas, de peur que mal ne nous arrive. Si une personne a jeun raconte un mauvais songe a une personne qui ait dejeune , le songe sera funeste a la premiere. II sera fu- neste a la seconde , si elle est a jeun , et que la premiere ait dejeune. Il sera funeste a toutes les deux., si toutes les deux sont a jeun. II serait sans consequence si toutes les deux avait I'estomac garni.., Malheureux generalement qui rencontre le matin, ou un lievre, ou un serpent, ou un le- zard ou un cerf , ou un chevreuil , ou un sah- glier ! Heureux qui rencontre un loup, une cigale, une chevre, un crapaud ! Voy. AnAicNiiE, Chasse, Pie, Hibou, etc., etc., etc. CeciUa, femme de Metellus, consultait les dieux sur I'etablissement de sa niece, qui etait nubile. Cette jeune fiUe, lasse de se tenir deboul devant I'autel sans rece- voir de reponse , pria sa tante de lui preter la moitie de son siege. « De bon coeur, lui dit Ce- cilia, je vous cede ma place tout entiere. » Sa bonte lui inspira ces mots, qui furent pourtant, dit Valere-Maxime, un presage de ce qui devait arriver ; car Cecilia mourut quelque temps apres, et Metellus epousa sa niece. Lorsque Paul-fimile faisait la guere au roi Persee, il lui arriva quel- que chose de remarquable. Un jour , rentrant a sa maison, il embrassa, selon sa coutume, la plus jeune de ses filles , nommee Tertia , et la voyant plus triste qu'a I'ordinaire, il lui demanda le su- jet de son chagrin. Cette petite fille lui r^pondit que Tersee etait mort (un petit chien que I'enfant nommait ainsi venait de mourir ) . Paul saisit le presage ; et en effet, peu de temps apres, il vain- quit le roi Persee , et entra triomphant dans Rome Un peu avant I'invasion des Espagnols au Mexique , on prit au lac de Mexico un oiseau de la forme d'une griie, qu'on porta a I'empereur Montezuma , comme une chose prodigieuse. Get oiseau, dit le conte, avait au haut de la tete une espece de miroir ou Montezuma vit les cieux parsemes d'etoiles , de quoi il s'etonna grande- 1 Valere-Maxime. PRE — 558 — PRE meiit. Puis, levant les yeux an ciel, el n'y voyant plus d'eloiles , il regarda une seconde fois dans le miroir, et apercut un peuple qui venail de rOrienl, armd, combattant et tuant. Ses devins etant venus pour lui expliquer ce presage , I'oi- seau disparut , les laissant en grand trouble. « C'etail, a mon avis, dit Delancre, son mauvais demon qui venait lui annoncer sa fin, laquelle lui arriva bienlot. » Dans le royaume de Loango, en Afrique, on regarde comme le presage le phis funeste pour le roi que quelqu'un le voie boire et manger : ainsi il est alDsolument seul et sans domestiques quand il prend ses repas. Les voya- geurs, en parlant de cette superstition, rappor- tent un trait barbare d'un roi de Loango : Un de ses fils, age de huit on neuf ans, etant enLre im- prudemment dans la salle o\i il mangeait, el dans le moment qu'il buvait, il se leva de table, ap- pela le grand prelre , qui saisil eel enfant, le fit egorger , el frolta de son sang les bras du pere , pour detourner les malheurs dont ce pi'esage semblail le menacer. Un autre roi de Loango fit assommer un chien qu'il aimail beaucoup, el qui, I'ayant un jour suivi, avail assiste a son diner'. Les hurlemenls des betes sauvages, les oris des cerfs et des singes sont des presages sinistres pour les Siamois. S'ils rencontrent tin serpent qui leur barre le chemin, c'esl poureux une rai- son suflisanle de s'en relourner sur leurs pas , persuades que I'affaire pour laquelle ils sont sor- lis ne peul pas reussir. La chute de quelque meuble que le basard renverse est aussi d'un Ires-mauvais aug-ure. Que le tonnerre vienne a tomber, par un elTet naturel et commun , voila de quoi gater la meilleure affaire. Plusieurs pous- sent encore plus loin la superstition el I'extrava- gance : dans une circonslance critique et embar- r^ssante, ils prendront pour regie de leur con- duile les premieres paroles qui echapperont au basard a un passant, et qu'ils inlerpreteront a leur maniere. Dans le royaume de Benin , en Afrique, on regarde comme un augure Ires-favo- rable qu'une femme accouche de deux enfants jumeaux : le roi ne manque pas d'etre aussilol informe de celle importante nouvelle, el Ton ce- lebre par des concerts el des feslins un evene- ment si hcureux. Le meme presage est regarde comme Ires - sinislre dans le village d'Arebo, quoiqu'il soil silue dans le meme royaume de Benin. Un serpenl s'elait enlorlille aulour d'une clef a la porLe d'une maison, el les devins annongaienl que c'etail un presage. « Je ne le crois pas, dil un philosoplie, mais e'en pourrait bien etre un si la clef s'elait enlortillee aulour du serpent. » Prescience, connaissance certaine el infail- lible de I'avenir. EUe n'appartient qu'a Dieu. Rappelons-nous ici la maxime d'Hervey : « Mor- ' Saint-Foix, Essais historiques. tel , qui que tu sois, examine el pese tanl que lu voudras; nul sur la terre ne sail quelle fin Tallend. » Preservatifs. Voy. Amulettes, Cornes, Phy- LAcxi'RES, TnoupEAUx , etc. Pressentiment. Suetone assure que Calpur- nie fut lourmentee de noirs pressenlimenls peu d'heures avant la mort de Cesar. Mais que sont les pressenliments? Est-ce une voix secrete et inlerieure? Est-ce une inspiration celeste ? Est-ce la presence d'un genie invisible qui veille sur nos destinees ? Les anciens avaient fait du pressenti- ment une sorte de religion, et de nos jours on y ajoule foi. M. C. de R..., apres s'etre beaucoup amuse au bal de I'Opera , mourut d'un coup de sang en rentranl chez lui. Madame de V..., sa scEur, qui I'avait quitte assez lard, fut tourmenlee toule la nuit de songes affreux qui lui represen- laient son frere dans un grand danger, I'appelant a son secours. Souvent reveillee en sursaul, el dans des agitations continuelles , quoiqu'elle sut que son frere etail au bal de I'Opera , elle n'eut rien de plus presse, des que le jour parul, que de demander sa voiture et de courir chez lui. Elle arriva au moment oii le Suisse avail regu ordre de ne laisser enlrer personne el de dire que M. C. de R. .. avail besoin de repos. Elle s'en relourna consolee et riant de sa frayeur. Ce ne fut que dans I'apres-midi qu'elle appril que ses noirs pressenliments ne I'avaienl point Irom- pee. Voy. Songes. On lisait dans le journal la Patrie , en sep- lembre 1857 : « M. de S... , neveu de la comlesse K... , ha- bile I'Anglelerre. Un soir, il rentre chez lui, I'espril fort tranquille. A peine a-t-il allume sa bougie qu'il enlend un bruit etrange. II se delourne , et voil sur sa table une main qui trace rapidement quelques lellres sur le papier el disparait. 11 s'approche el lit : Godefroy. C'esl le nom d'un de ses amis qui voyageail alors dans I'Amerique du Nord. » M. de S... a pris note precise du jour et de I'heure de cette apparition ; quelque temps apres, il a su oniciellemenl que ce meme jour, a la meme heure, son ami etail mort au Canada. L'impression que eel evenemenl a produite sur lui a ele si vive, qu'il vienl de renoncer au monde et d'entrer aux oratoriens de Londres. » Pressine. Voy. Melusine. Prestantius. Voy. Extases. Prestiges. <( 11 y a eu de nos jours, dil Gas- pard Peucer, en ses commenlaires De divina- tione, une vierge bateleuse a Bologne, laquelle, pour I'excellence de son art, etail fort renommee par toule I'llalie; neanmoins elle ne sut, avec toule sa science, si bien prolonger sa vie, qu'en- fin, surprise de maladie, elle ne mourut. Quelque autre magicien, qui I'avait toujours accompagnee , sachanl le profit qu'elle retirail de son art pen- PRE — 559 PRO dant sa vie, lui mil, par le secoiirs des esprits, quelque charme ou poison sous les aisselles : de sorle qu'il semblait qu'elle eut vie ; et elle com- menca a se retrouver aux assemblees, jouant de la guilare, chantaiit, sautant et dansant, comnie elle avait accouLuuie : de sorLe qu'elle iie diffe- rait d'uiie personne vivante que par la couleur, qui elait excessivement pale. Peu de jours apres, il se trouva a Bologne un autre magicien , lequel , averti de rexcellence de I'art de cette fille, la voulut voir jouer comme les autres. Mais a peine I'eut-il vue, qu'il s'ecria : Que faites-vous ici, messieurs? celle que vous voyez devant vos yeux , qui fait de si jolis soubresauts, n'est autre qu'une charogne morte. Et a I'instant elle tomba morte a terre : au moyen de quoi le prestige et I'en- chanteur furent decouverts. » Une jeune femme de la ville de Laon vit le diable sous la forme de son grand-pere, puis sous celles d'une bete velue , d'un chat , d'un escarbot, d'une guepe et d'une jeune fille*. Ce sont plulot des hallucinations que des pres- tiges. Voy. Apparitions, Enchantements, Sici- DiTES, M^:tamorphoses, Charmes, etc. Pretres noirs. C'est le nom que donnent les sorciers aux pretres du sabbat. Prieres superstitieuses. Nous empruntons a Tabbe Thiers et a quelques autres ces petits chefs-d'oeuvre de niaiserie ou de naivete. Pour le mal de dents : Sainte Apolline, qui etes assise sur la pierre; sainte Apolline, que faites- vous la? — Je suis venue ici pour le mal de dents. Si c'est un ver, qa s'otera ; si c'est une goutte, Qa s'en ira. Centre le tonnerre : Sainte Barbe, sainte Fleur, la vraie croix de Notre-Seigneur. Partout oii celte oraison se dira, jamais le tonnerre ne tombera. Pour toutes les blessures : Dieu me benisse et me guerisse, moi pauvre creature, de toute es- pece deblessure, quelle qu'elle soit, en I'honneur de Dieu et de la Vierge Marie, et de MM. saint Cosme et saint Damien. Amen. Pour les maladies des yeux : M. saint Jean , pas- sant par ici, trouva trois vierges en son chemin. 11 leur dit : Vierges, que faites-vous ici? Nous guerissons de la maille. — Oh ! guerissez, vierges, guerissez cet ceil. Pour arreter le sang du nez : Jesus-Christ est ne en Bethleem et a souffert en Jerusalem. Son sang s'est trouble ; je le dis et te commande , sang, que tu t'arretes par la puissance de Dieu, par I'aide de saint Fiacre et de tons les saints, tout ainsi que le Jourdain , dans lequel saint Jean- Bapliste baptisa Notre-Seigneur, s'est arrele. Au nom du Pere et du Fils et du Saint-Esprit. Centre la hrulure : Feu de Dieu, perds ta cha- leur, comme Judas perdit sa couleur, quand il vendit Notre-Seigneur au jardin des Olives. Voyez Point de cote, Oraison du loup, Gardes, Barbe- A-DiEU, etc, Prierio (Sylvestre Mozzolino de) , savant do- minicain , a publie un livre curieux sur les faits etranges des sorcieres et des demons : De strigi- magaruin demonumque prestigiis. Rome, 1521; in-i". Prisier, demon invoque dans les litanies du sabbat. Prodiges, eveneinents surprenants dont on ignore la cause , et que Ton est tente de regarder comme surnaturels. C'est la definition de Bergier. Sous le consulat de Volumnius, on entendit par- ler un boeuf. II tomba du ciel, en forme de pluie, des morceaux de chair, que les oiseaux devo- rerent en grande partie ; le reste fut quelques jours sur la terre sans rendfe de mauvaise odeur. Dans d'autres temps, on rapporta des evene- inents aussi extraordinaires, qui ont neanmoins trouve creance parmi les hommes. Un enfant de six mois cria victoire dans un marche de bneufs. 11 plut des pierres a Picenna. Dans les Gaules, un luup s'approcha d'une sentinelle, lui tira I'epee du fourreau et I'emporta. 11 parut en Sicile une sueur de sang sur deux boucliers, et, pendant la seconde guerre punique, un taureau dit, en pre- sence de Cneus Domitius : Ro?ne, prends garde a lei ' Dans la ville de (Jalena, sous le consulat de ^ Cornelii gemmce cosmocriticm, lib. II, cap. ii. ' Yalere-Mcixime. Pm Lepide, on enleiidit parler un coq d'Inde, qui ne s'appelait pas alors un coq d'Inde; car c'elait line pin Lade. Voila des prodiges. Delancre parle d'une sorciere qui, de son temps, sauta du haul d'une inontagne sur un ro- clier eloigne de deux lieues. Quel saut!.... Un liotnme ayant bu du lait, Schenck dit qu'il vomit deux petits chiens blancs aveugles. Vers la fin du mois d'aout 1682, on montrait a Charenton une fille qui vomissait des chenilles, des limacons, des araignees et beaucoup d'autres insectes. Les docteurs de Paris etaient emerveilles. Le fait sem- blait constant. Ce n'etait pas en secret : c'etait devant des assemblees nombreuses que ces sin- guliers vomissements avaient lieu. Deja on pre- parait de toutes parts des dissertations pour expliquer ce phenomene, lorsque le lieutenant criminel entreprit de s'immiscer dans ral'faire. 11 interrogea la maleficiee, lui fit peur du fouet et du carcan, et elle avoua que depiiis sept ou huit mois elle s'etait accoutuinee a avaler des che- nilles, des araignees et des insectes; qu'elle desi- rait depuis longtemps avaler des crapauds , mais qu'elle n'avait pu s'en procurer d'assez petits*. On a pu lire, i! y a vingt ans, un fait pared rap- porte dans les journaux : une femme vomissait des grenouilles et des crapauds ; un medecin peu credule, appele pour verifier le fait, pressa de questions la malade et parviut a lui faire avouer qu'elle avait eu recours a cette jonglerie pour gagner un peu d'argent^. « 11 y a, dit Chevreau, des choses historiques et qui ne sont presque pas vraisemblables. 11 plut du sang sous I'empereur Louis II ; de la laine sous I'enipereur Jovinien; des poissons, dont on ne put approcher pour leur puanleur, sous Olhon III ; et Yalere-Maxime , dans le chapitre des Prodiges, de son premier livre, a parle d'une piuie de pierres et d'une autre de pieces sanglantes de chair, qui furent mangees par les oiseaux. Louis, ills de Ladislas, roi de Hongrie et de Boheine, pour etre venu avant terrae, naquit sans peau, et les medecins trouverent moyen de lui en faire une. Une femme , dans le Peloponnese , comme le dit Pline, eut en quatre couches vingt enfanls, cinq a la fois, dont la plupart vecurent; et selon Trogus, une autre, en Egypte, eut sept enfants d'une ineme couche. Saint Augustin , dans le cha- pitre xxiii du livre XIV de la Cite de Dieu, dit qu'il a vu un homme qui suait quand il voulait, sans faire aucun exercice violent, et qu'il y pre- nait un fort grand plaisir. Le bras d'un des capi- taines de Brutus sua de I'huile rosat en telle abondance, que toute la peine qu'on se donna pour I'essuyer et pour le secher fut inutile. De- mophon, maitre d'hotel d'Alexandre, s'echauffait 1 Dictionnaire des mervcilles de la nalurc, article Estomac. 2 M. Salgues, Des erreurs et des prejuges, t. 11 ^ p. 94. . PRO a I'ombre et se rafraichissait au soleil. II s'est trouve une Athenienne qui a vecu de cigue jus- qu'a la vieillesse ; et un certain Mahomet, roi de Cambaye , s'accoutuma si bien aux viandes em- poisonnees, dans la peur qu'il eut de perir par le poison, qu'il n'en eut plus d'autres dansses repas. II devint si venimeux qu'une mouche qui le tou- chait tombait morte dans le meme instant; il tuait de son haleine ceux qui passaient une heure avec lui. Pyrrhus, roi d'Epire, comme le disent Pline et Plutarque, guerissait avec le pouce de son pied droit tous les maux de rate, et, selon d'autres, tous les ulceres qui s'etaient formes dans la bouche ; mais ce qui n'est pas moins etonnant, c'est que, le corps de Pyrrhus etant brule et reduit en cendre , on trouva tout entier le meme pouce , qui fut porte en cereraonie dans un temple, et la enchasse comme une relique. C'en est assez pour justifier qu'il y a des choses historiques qui ne sont presque jamais vraisem- blables*. Promethee. Atlas et Promethee, tous deux grands astrologues , vivaient du temps de Joseph. Quand Jupiter delivra Promethee de I'aigle ou du vautour qui devait lui devorer les entrailles pen- dant trente mille ans, le dieu, qui avait jure de ne le point detacher du Caucase, ne voulut pas fausser son serment, et lui ordonna de porter a son doigt un anneau ou. serait enchasse un frag- ment de ce rocher. C'est la, selon Pline, I'origine des bagues enchantees. Pronostics populaires. Quand les chenes portent beaucoup de glands, ils pronostiquent un hiver long et rigoureux. Tel vendredi, tel di- manche. Le peuple croit qu'un vendredi pluvieux ne peut etre suivi d'un dimanche serein. Racine a dit au contraire : Ma foi, sur I'avenir bien fou qui se fiera : Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. Si la huppe chante avant que les vignes ger- ment, c'est un signe d'abondance de vin : De saint Paul la claire journee Nous denote une bonne annee. Si Ton voit epais les brouillards, Mortalite de toutes parts. S'il fait vent, nous aurons la guerre; S'il neige ou pleut, cherte sur terre; Si beaucoup d'eau tombe en ce mois , Lors peu de vin croilre tu vois. Des etoiles en plein jour pronostiquent des in- cendies et des guerres. Sous le regne de Con- stance, il y eut un jour de tenebres pendant lequel on vit les etoiles; le soleil a son lever etait aussi pale que la lune : ce qui presageait la famine et la pestc. Du jour de saint Medard, en juin, Le laboureur se donne soin ; • Chevraeanay t. I , p. 257. — 560 — PRO — 561 — PRO Car les anciens disent : S'il pleut, Quarante jours pleuvoir il peut. Et s'il fait beau, sois tout certain D'avoir abondamment de grain. On lit dans les 'Melanges lives d'une grande \uhliotheque que, les habitants de Salency ayant, I dans un temps de secheresse , invoque particu- I liereinent saint Medard , eveqae de Noyon , pour i obtenir de la pluie, il arriva qu'en effet cette secheresse fut suivie d'une pluie de quarante jours. C'est la, dit-on, I'origine du pronostic at- tribue a saint Medard. On dit encore que : S'il pleut le jour de saint Gervais, II pleuvra quinze jours apres. ■ Les tonnerres du soir amenent un orage ; les tonnerres du matin promettent des vents ; ceux qu'on entend vers midi annonceot la pluie. Les pluies de pierres pronostiquent des charges et des surcroits d'impots. Quiconque en aout dormira Sur midi s'en repentira. Bref, en tout temps je te predi Qu'il ne faut dormir a midi. Trois soleils pronostiquent un triumvirat. On vit trois soleils , dit Cardan , apres la mort de Jules Cesar; la meme chose eut lieu un pen avant le regne de Frangois I", Charles-Quint et Henri VIII. Si le soleil luit avant la messe le jour de la Chandeleur, c'est un signe que I'hiver sera en- core bien long. — Qui se couche avec les chiens se leve avec les puces, Les paysans ont mille signes que nous n'avons pas pour prevoir le beau ou le mauvais temps ; leurs barometres naturels sont souvent plus in- faillibles que les notres ; leurs signes, en effet, sont fondes sur une constante observation. New- ton,' se promenant a la campagne avec un livre a la main , passa devant un patre , a qui il enten- dit marmotter : — Ce gentleman ne lira pas tout le long de sa promenade , ou bien son livre sera mouille ; et le philosophe ne tarda pas a voir lom- ber la pluie. II repasse et demande au patre : — A quoi, mon ami , avez-vous done juge qu'il allait pleuvoir? C'est, repondit-il , que mes vaches fourraient leurs museaux dans les haies*. Prophetes. Les Turcs reconnaissent plus de cent quarante mille prophetes ; les seuls que nous Un groupe des cent quarante mille prophetes turcs. devions reverer comme vrais prophetes sont ceux des saintes Ecritures. Toutes les fausses religions en ont eu de faux comme elles. Voici quelques mots sur un prophete moderne, comme il s'en voit encore. Le lord juge Holt avait envoye en prison un soi-disant prophete qui se donnait a Londres les airs de passer pour un en- voye du ciel. Un particulier, partisan de cet in- spire, se rendit chez milord et demanda a lui parler. On lui dit qu'il ne pouvait pas entrer. parce que milord etait malade. — Dites a milord que je viens de la part de Dieu , repliqua le vi- siteur. Le domestique se rendit aupres de son maitre, qui lui donna ordre de faire entrei\ — Qu'y a-t-il pour votre service? lui demanda le juge. — Je viens, lui dit I'aventurier, de la part du Seigneur, qui m'a envoye vers toi pour t'or- 1 Voyez les pronostics populaires plus etendus dans les Legendes du Calendrier. 36 PRO — 562 — PSE donner de meltre en liberie John Atkins, son fidele serviteur, que tu as fait meltre en prison. — Vous etes un faux prophete el un insigne men- teur, lui repondit le juge, car si le Seigneur vous avail charge do cette mission, il vous aurait adresse au procureur general. II sail qu'il n'est pas en mon pouvoir d'ordonner I'elargissement d'un prisonnier; mais je puis lancer un decret de prise de corps contre vous, pour que vous lui teniez compagnie, el c'esl ce que je vais faire. La rebellion centre I'Eglise connue sous le nom de la reforme a eu ses prophetes , donl les plus celebres sonl Astier, Isabeau et Jurieu , qui a prophetise si bien a rebours. Voyez Ics Pro- phetes du Dauphine, dans les Ldgendes infernales. Comme le diable cherche loujours a singer Dieu, il a done aussi ses prophetes. Mais ils sonl menleurs. Tous les oracles des faux dieux pas- saienl pour propheties. Mais sur cent de ces oracles, quatre-vingt-dix-neuf n'etaienl que des enigmes qu'il fallait deviner. Voy. Psellus. Proprete. Saint Bernard met la proprete au nombre des vertus; car Dieu aime ce qui est pur. Les demons, naturellement opposes, font de la proprete un vice dans leurs adeptes, qui sonl obliges de I'eviter. Proserpine, epouse de Plulon selon les paiens, el reine de I'empire infernal. Selon les demono- manes, Proserpine est archiduchesse et souve- raine princesse des esprils malins. Son nom vient de proserpere , ramper, serpenter; les interpretes voient en elle le serpent funeste. Prostrophies, esprils malfaisants qu'il fallait supplier avec ferveur, chez les anciens, pour evi- ter leur colere. Pruflas. Proudhon, ecrivain contemporain qui a eu la stupide grossierete d'ecrire que Dieu est le diable, el de s'offrir pour gouverner mieux que lui les choses de ce monde. C'esl cet ennemi de Dieu qui a elabli que la propriete est le vol. Le diable a du bien rire. Pruflas ou Busas , grand prince et grand-due de I'empire infernal. 11 regna dans Babylone; et la il avail la tete d'un hibou. 11 excite les dis- cordes, allume les guerres, les querelles et reduit les gens a la mendicite ; il repond avec profusion a tout ce qu'on lui demande; il a vingt-six legions sous ses ordres*. Psellus (Michel), auteur du livre De opera- done dicmomim. Paris, 1623; in-8°. II a ele Ira- duit en francais par Gaulmin. II est fort curieux. On y voit que les demons promeltaient a ceux qu'ils pouvaient enroler sous leurs bannieres des honneurs, de I'or et des richesses; mais qu'ils n'accomplissaient pas leurs promesses; qu'ils trompaient habiluellement leurs inities par une certaine fantasmagorie el par des apparitions lu- mineuses qu'ils appelaient theopsies ou visions divines ; mais que les amateurs ne pouvaient y arriver qu'apres avoir commis des actions abo- minables. Psellus parle aussi d'excrements hu- mains , solides et fluides , que les sorciers devaient gouter pour se rendre les demons favorables. II raconte une aventure qui lui fut personnelle et que nous empruntons a la traduction de Gorres par M. de Sainte-Foi, - Psellus, qui etail puissant a la cour de Constan- tinople, fit meltre en prison un sorcier mani- cheen qui prophetisait. « Comme je lui deman- dais, dit-il, d'oii il tenait le don de prophetie, il refusa d'abord de repondre. Mais, force de parler, il me dit qu'il avail appris son art d'un vagabond de Libye. — Celui-ci, me poursuivit-il, m'ayant mene la null sur une montagne, me fit gouter ' Wierus, in Pseudom. dosmonum. PSE — 563 — PUC d'une certaine herbe , me cracha dans la bouche , in'oignit les yeux d'un certain onguent et me fit 'voir une multitude de demons, parmi lesquels j'en aperqus un qui volait vers moi sous la forme d'un corbeau ; et, entrant par ma bouche, il pe- netra jusqu'au fond de mes enlrailles. A partir de ce moment jusqu'aujourd'hui , j'ai pu lire dans I'avenir toutes les fois que mdn demon I'a bien i voulu. II n'y a que quelques jours dans I'annee ou je ne puis obtenir de lui qu'il me revele quoi que ce soit : c'est aux fetes de la Croix, aux jours de la Passion et de la Resurrection. — II me dit ensuite : Vous aurez beaucoup a souffrir dans votre corps ; les demons vous en veulent, parce que vous abolissez leur culte ; et ils vous ont prepare des dangers auxquels vous n'echapperez pas , si une puissance superieure a la leur ne vous arrache de leurs mains. — Tout arriva comme il I'-avait predit, ajonte Psellus, et je serais mort au milieu des dangers de toutes sortes dont j'ai ete environne, si Dieu ne m'en avait inopine- ment delivre * . TJn ppylle pliarmeur. Psephos, sorte de divination oil Ton faisait usage depetitscaillouxqu'on cachait dans du sable. Psychomancie , divination par les esprits, 1 Mystique de Gorres, liv VIII, ch. iii. ou art d'evoquer les morts. Voy. N^cromancie. Psylles, peuples de Libye, dont la presence seule charmait le poison le plus subtil des ser- pents les plus redoutables. lis pretendaient aussi guerir la morsure des serpents avec leur salive ou par leur simple attouchement. Herodote pre- tend que les anciens Psylles perirent dans la guerre insensee qu'ils entreprirent centre le vent du midi, indignes qu'ils etaient de voir leurs sources dessechees. Psylotoxotes, peuples imaginaires de Lucien. lis etaient monies sur des puces grosses comme des elephants. Publius, Voy. TkTE. Pucel, grand et puissant due de I'enfer. II parait sous la forme d'un ange obscur ; il repond sur les sciences occultes; il apprend la geome- trie et les arts liberaux ; il cause de grands bruits et fait entendre le mugisseraent des eaux dans les lieux od il n'y en a pas. II commande qua- rante-huit legions. II pourrait bien etre le meme que Pocel. Pucelle d'Orleans. Voy. Jeanne d'Arc. Puces. L'abbe Thiers , parmi les super- stitions qu'il a recueillies , rapporte celle- ci : qu'on pent se premunir centre la mor- sure des puces en disant : Och , och. Puck. C'etait un demon familier que ce Puck , qui eut longtemps son domicile chez les dominicains de Schwerin dans le Mec- klembourg. Malgre les tours qu'il jouait aux etrangers qui venaient visiter le monaslere, ™ Puck , soumis aux moines , avait I'air d'etre pour eux un bon serviteur. Sous la forme d'un singe, il tournait la broche, tirait le vin , balayait la cuisine. Cependant , malgre tous ces services, le religieux a qui nous devons la Veridica relatio de dcemonio Puck ne reconnait en lui qu'un esprit malin. Le Puck de Schwerin recevait pour ses gages deux pots d'etain et une veste bariolee de grelots en guise de boutons. Le moine Rusch , de la legende suedoise , et Bronzet, de I'abbaye de Monlmajor, pres d' Ar- ies , sont encore Puck sous d'autres noms. On le retrouve en Angleterre sous la forme de Robin Goodfellow ou de Robin Hood (Robin des bois) , 36. PUN — 5(jk — PYG le fameux bandit de la foret de Sherwood ayant reQu ce surnom a cause de sa ressemblance avec ce diable populaire. Enfin Robin Hood est aussi le Red Cap d'Ecosse et le diable saxon Hodeken , ainsi appele de I'hoodiwen, ou petit chaperon rouge qu'il porte en Suede lorsqu'il y apparait sous la forme du Nisse on Nissegodreng. Puck, en Suede, se nomme Nissegodreng (ou Nisse le bon enfant), et vit en bonne intelligence avec Tomtegobhe , ou le Vieux du Grenier, qui est un diable de la meme classe. On trouve Nissego- dreng et Tomtegobbe dans presque toutes les fermes, complaisants et dociles si on les traite avec douceur, mais irascibles et capricieux si on les offense. Dans le royaume voisin , en Danemark , les Pucks ont un rare talent comme musiciens. II existe une certaine danse appelee la gigue du roi des Elfes , bien connue des mene triers de campagne et qu'aucun d'eux n'oserait executer. L'air seul produit le meme effet quo le cor d'O- beron : a peine la premiere note se fait-elle en- tendre, vieux et jeunes sont forces de sauter en mesure; les tables, les chaises et les tabourets de la maison commencent a se briser, et le mu- sicien imprudent ne peut rompre le charme qu'en jouant la meme danse a rebours sans de- placer une seule note, ou bien en laissant appro- cher un des danseurs involontaires assez adroit pour passer derriere lui et couper toutes les cordes du violon par-dessus son epaule *. Punaises. Si on les boit avec de bon vinai- gre , eiles font sortir du corps les sangsues que Ton a avalees , sans y prendre garde , en buvant de I'eau de marais ^ Purgatoire. Les juifs reconnaissent une sorle de purgatoire ; il dure pendant toute la premiere annee qui suit la mort de la personne decedee. L'ame, durant ces douze mois, a la liberte de venir visiter son corps et revoir les lieux et les personnes pour lesquels elle a eu quelque affec- tion particuliere. Le jour du sabbat est pour elle un jour de relache. Les Kalmouks croient que les Berrids, qui sont les habitants de leur purga- toire, ressemblent a des lisons ardents et souf- frent surtout de la faim et de la soif. Veulent-ils boire, a I'instant ils se voient environnes de sabres, de lances, de couteaux; a I'aspectdes aliments, leur bouche se retrecit comme un trou d'aiguille, leur gosier ne conserve que le dia- metre d'un fil, et leur ventre s'elargit et se de- ploie sur leurs cuisses comme un paquet d'allu- mettes. Leur nourriture ordinaire se compose d'etincelles. Ceux qui ont dit que le purgatoire n'est separe de I'enfer que par une grande toile d'araignee ou par des murs de papier qui en ferment I'enceinte et la voute , ont dit des choses que les vivants ne savent pas. Le purgatoire est 1 Quarterly Revieiv. 2 Albert le Grand, p. 187. indiquedans saint Matthieu, chap, xn, ou Nolre- Seigneur parle de peches qui ne sont remis ni dans le siecle present, ni dans le siecle futur. Or, les peches qui peuvent etre remis dans le siecle futur ne le seront ni dans le ciel, ou rien de souille ne peut entrer, ni dans I'enfer, ou il n'y a plus de remission. Done ils seront expies dans un lieu intermediaire; et ce lieu est le pur- gatoire. Purrikeh, epreuve par le moyen de I'eau et du feu , en usage chez les Indiens pour decou- vrir les choses cachees. Pursan ou Curson , grand roi de I'enfer. 11 apparait sous la forme humaine, en costume du temps, avec une tete qui rappelle le lion; il porte une couleuvre; il est quelquefois monte sur un ours et precede continuellement du son de la trompette. II connait a fond le present , le passe, I'avenir, decouvre les choses enfouies, comme les tresors. En prenant la forme d'un homme, il est aerien; il est le pere des bons esprits familiers. Vingt-deux legions regoivent ses ordres *. Puteorites, secte juive donl la superstition consistait a rendre des honneurs particuliers aux puils el aux fontaines. Pygmees , peuple fabuleux qu'on disait avoir exisle en Thrace. C'etaient des hommes qui n'a- vaient qu'une coudee de haut ; leurs femmes accouchaient a trois ans et etaient vieilles a huit. Leurs villes et leurs maisons n'etaient baties que de coquilles d'oeufs; a la campagne, ils se reti- raient dans des trous qu'ils faisaienl sous terre. lis coupaient leurs bles avec des cognees, comme s'il eut ele question d'abattre une foret. Une armee de ces petits hommes attaqua Hercule, qui s'etait endormi apres la defaite du geant Antee, et prit pour le vaincre les memos precau- tions qu'on prendrait pour former un siege. Les deux ailes de celte petite armee fondent sur la main droite dn heros , et, pendant que le corps de bataille s'attache a la gauche et que les ar- * Wicriis , Fseudom. dcemon. PYR — 565 — PYT chers tiennent ses pieds assieges, la reine, avec I ses plus braves sujets , livre un assaut a la tete. Herciile se reveille, et, riant du projet de ces i fourmilieres , les enveloppe toutes dans sa peau de lion et les porte a Euryslhee. Les Pygmees avaient guerre permanente contre lies grues, qui venaient de la Scythie les alta- quer. Montes sur des perdrix ou , selon d'autres, I sur des chevres d'une taille proportionnee a } la leur, ils s'armaient de toutes pieces pour aller ' combattre leurs ennemis. Pres de Morlaix, il existe, dit-on, de petits ; hommes d'un pied de haut , vivant sous terre , I marchant et frappant sur des bassins. Ils etalent . leur or et le font secher au soleil. L'homme qui tend la main modestement regoit deux poignees de ce metal ; celui qui vient avec un sac dans I'intention de le remplir est econduit et mal- traite, legon de moderation qui tient a des temps recules *. Foy. Nains, Gnomes, etc. Pyramides. Les Arabes pretendent que les pyramides ont ete baties longtemps avant le de- luge par une nation de geants. Chacun d'eux apportait sous son bras une pierre de vingt-cinq aunes. Pyromancie , divination par le feu. On jetait i dans le feu quelques poignees de poix broyee, et, ! si elle s'allumait promptement, on en tirait un bon augure; ou bien on briUait une victime, et on predisait I'avenir sur la couleur et la figure de la flamme. Les demonomanes regardent le devin Amphiaraus comme I'inventeur de cette divina- tion. 11 y avait a Athenes un temple .de Minerve Poliade ou se trouvaient des vierges occupees a examiner les mouvements de la tlamme d'une lampe continuellement allumee. Delrio rapporte que, de son temps, les Lithuaniens pratiquaient une espece de pyromancie qui consistait a mettre un malade devant un grand feu ; et si I'ombre formee par le corps etait droite et directement opposee au feu , c'etait signe de guerison ; si I'ombre etait de cote , c'etait signe de mort. Pyrrhus, roi d'Epire , avait force les Locriens a remettre entre ses mains les tresors de Proser- pine. II cbargea ses vaisseaux de ce butin sacri- lege et mit a la voile ; mais il fut surpris par une tempele si furieuse qu'il echoua sur la cote voi- sine du temple. On retrouva sur le rivage tout I'argent qui avait ete enleve, et on le remit dans le depot sacre ^. Pythagore , fils d'un sculpteur de Samos. II voyagea pour s'instruire : les pretres d'Egypte I'i- nitierent a leurs mysteres , les mages de Chaldee lui communiquerent leurs sciences : les sages de Crete leurs lumieres. II rapporta dans Samos tout ce que les peuples les plus instruits possedaient de sagesse et de connaissances utiles; mais trou- vant sa patrie sous le joug du tyran Polycrate , 1 Cambry, Voyage dans le Finislere, en 1794. 2 Valere-Maxime. il passa a Crotone , oii il eleva une ecole de phi- losophie dans la maison du fameux athlete Milon. C'etait vers le regne de Tarquin le Superbe. II enseignait la morale , I'arithmetique , la geome- trie et la musique. On le fait inventeur de la metempsycose. II parait que , pour etendre I'em- pire qu'il exergait sur les esprits, il ne dedaigna pas d'ajouter le secours des prestiges aux avan- tages que lui donnaient ses connaissances et ses lumieres. Porphyre et Jamblique lui attribuent des prodiges; il se faisaiL entendre et obeir des betes memes. Une ourse faisait de grands ravages dans le pays des Dauniens ; il lui ordonna de se retirer : elle disparut. 11 se montra avec une cuisse d'or aux jeux olympiques ; il se fit saluer par le fleuve Nessus ; il arreta le vol d'un aigle ; il fit mourir un serpent ; il se fit voir, le meme jour et a la meme heure, a Crotone et a Meta- ponte. II vit un jour, a Tarente, un boeuf qui broutait un champ de feves ; il lui dit a I'oreille quelques paroles mysterieuses qui le firent cesser pour toujours de manger des feves On n'ap- pelait plus ce boeuf que le boeuf sacre , et, dans sa vieillesse , il ne se nourrissait que de ce que les passants lui donnaient. Enfin, Pythagore pre- disait I'avenir et les tremblements de terre avec une adresse merveilleuse ; il apaisait les tem- petes, dissipait la peste, guerissait les maladies d'un seul mot ou par I'attouchement. II fit un voyage aux enfers, oii il vit I'ame d'Hesiode atta- chee avec des chaines a une colonne d'airain , et celle d'Homere pendue a un arbre au milieu d'une legion de serpents , pour toutes les fictions injurieuses ^ la Divinite dont leurs poeraes sont remplis. Pythagore interessa les femmes au suc- ces de ses visions, en assurant qu'il avait vu dans les enfers beaucoup de maris tres-rigou- reusement punis pour avoir maltraite leurs fem- mes , et que c'etait le genre de coupables le moins menage dans I'autre vie. Les femmes furent con- tentes, les maris eurent peur, et tout fut regu. II y eut encore une circonstance qui reussit mer- veilleusement : c'est que Pythagore , au moment de son retour des enfers , et portant encore sur le visage la paleur et I'effroi qu'avait du lui cau- ser la vue de tant de supplices , savait parfaite- 1 Les pythagoriciens respectaient tellement les feves , que non-seulement ils n'en mangeaient point , mais meme il ne leur elait pas permis de passer dans un champ de f6ves , de peur d'ecraser quelque parent dont eiles pouvaient loger fame. PYT — 566 — PYT ment tout ce qui etait arrivd sur la terre pendant son absence. Pythonisse d'Endor. L'histoire de la pytho- nisse dont 11 est parle dans le vingt-huitieme cha- pitre da premier livre des Rois a exerce beau- coup de savants, et leurs opinions sont partagees. Les uns croient que cette femme evoqua verita- blement I'ame de Samuel, et les aut'^es n'en sont nullement persuades. Le cardinal Bellarmin, qui est de la premiere opinion , appuie fort sur les paroles de la pythonisse, qui dit « qu'elle a vu un homme haut avec sa robe, et que par la Saul connut que ce devait etre Samuel. » II y a dans I'hebreu Elohini, qui, par quelques-uns a ete traduit des dicux , un dieu , un homme divin , un grand homme; par Jonathan , Yange du Seigneur; el ceux qui sont faits au style de I'Ecriture se souviendront du vingt-deuxieme chapitre de I'Exode : Tu ne mddiras point d'Elohim ou de I'ange du Seigneur, c'est-a-dire des magis- trals , des juges du peuple et des propheles. Dans le versel douzieme , elle dil qu'elle a vu Samuel, et c'esl une maniere de parler dans toutes les langues , ou Ton appelle du nom des choses la plupart de celles qui les representent. Nicolas de Lyre dit a ce propos : Rerum simili- tudines in sacra Scriptura frequenter nominantur nominihus ipsarum. Quand Pharaon vit sept va- ches grasses et sept vaches maigres , sept epis de ble qui etaint sorlis d'un tuyau et sept aulres qui elaient flelris , il ne vit ni ces epis ni ces va- ches, puisqu'il songea seulement qu'il les voyait. Ou il esl dit que Saiil connut que ce devait etre Samuel , le mot hebreu a ele rendu par crut^ s'i- magina, se mitdans I' esprit; et I'opinion de saint Auguslin est que Satan, qui se transforme quel- quefois en ange de lumiere, apparulsous la forme de Samuel a la pythonisse. Rabby Menasse Ben Israel, qui, dans le deuxieme livre de la Resurrection des morts, chap, vi , ne trouve point de fondement dans I'opinion de saint Auguslin , elablit pour une maxirae indubi- table qu'il y a certains esprils qui peuvent se meltre dans le corps les ames de ceux qui n'onl plus de vie, parce que I'ame n'est pas tout a fait absenle du corps la premiere annee qui suit la mort ' ; que dans ce temps-la elle y peut rentrer et en sortir, et qu'apres ce temps elle ne depend plus de ces esprils. Mais il raisonne sur une faussele, qu'il suppose comme une verile indu- bitable avec la plupart des talmudistes. Quoique Saiil soil mort sept mois apres Samuel , comme le croient quelques-uns , cela ne fait rien pour Menasse, qui ne s'en rapporte qu'a ses rabbins, fort persuades, avec I'auleur du Juchasin , qu'il y a eu deux annees entieres enlre la mort de I'un et de I'autre. Si ces esprils dont il parle sont des demons, les ames des bienheureux ne peuvent etre de leur dependance; et si ces esprils sont * VoyezPuRGATOiRE. eux-memes bienheureux , ils n'envient point la fe- licite de leurs semblables, et ne pourront pas les rendre sujels au pouvoir pretendu d'une pytho- nisse. Quidam dicunt Samuelem vere rcvocatum esse , dit Procope de Gaza sur le versel : J'ai vu un grand homme qui montait : Quid magis impium est, quam si dicamus dwmones incantamenlis curio- sorum, in animus potestatem habere, in quas, quo- ad homines vixerunt , potestatem nullum habue- runt? On peut cependantremarquer ici que Saiil, qui auparavanl avail tache d'exlerminer tous les devins, etait persuade du contraire, puisqu'il de- mande a cette femme qu'elle lui fasse voir Sa- muel ; et c'est de la qu'elle eut une occasion de le tromper, comme I'a remarque Van Dale dans son livre des Oracles, qu'il a donne au public. En elTet, quoiqu'elle feignil de ne point con- naitre ce premier roi des Israelites qui s'etait deguise et avail change d'habit, il ne pouvailpas lui etre inconnu; son palais ne devait pas elre fort eloigne de la maison de la pylhonisse ; et il etait assez remarquable par sa beaute, puisqu'il etait le plus beau des Israelites, el par sa laille, puisqu'il surpassait les aulres hommes de toute la tele. Ajoutez que toute cetle piece fut jouee par la pylhonisse que Saiil inlerrogea sans avoir rien vu; il y avail peut-elre quelque muraille ou quelque autre separation enlre lui el elle. Comme elle connaissait le trouble d'esprit oil etait le roi pour ce que Samuel lui avail predit, et que les annees des Israelites el des Phiiislins elaient en presence, elle put lui dire fort sure- ment : « Toi et ton fils serez domain avec moi, ou vous ne serez plus au monde. » Pour ne pas porter son coup a faux, elle se servit du mot muchar, demain, qui signifie un temps a venir indefini, bientot, comme on le peut voir dans le Deuteronome, chap, vi, vers. 20, et dans Josue, chap. IV, vers, 6. Objicere aliquis posset, ajoule Procope de Gaza , ignorantiam mortis Saulis; non enim poster a die, sed diebus aliquot interjeclis, videtur obiisse. Nisi dicamus, etc. Ainsi la scene a pu se passer nalurellement , sans le secours de la magie, par la seule adresse d'une femme qui devait etre assez bien instruite dans son metier'. Pythons. Les Grecs noramaient ainsi, du nom d'Apollon Pylhien, les esprils qui aidaienl a pr^- dire les choses futures, el les personnes qui en elaient possedees. La Vulgate se sert souvent de ce terme pour exprimer les devins, les magiciens, les necromanciens. La sorciere qui fit apparaitre devanl Saiil I'ombre de Samuel est appelee la Pylhonisse d'Endor. Voij. I'article precedent. On dil aussi esprit de python pour esprit de devin. Les pretresses de Delphes s'appelaient pylho- nisses ou pylhees. Python, dans la mythologie grecque , est un serpent qui naquil du limon de la terre apres le deluge. 11 fut tue par Apollon, pour cela surnomme Pylhien. * ChevrcEuna, t. I, p. 284. QUA — 567 — QUE Quakerisms, seete fondee chez les Anglais en 1647, par un cordonnier nomme Fox. II exposa I sa doctrine , qui consists , en raison de ce que i tous les hommes sent egaux, a tutoyer tout le monde, a ne saluer personne, a ne porter ni boutons, ni dentelles, ni aucune autre superfliiite, a precher, qu'on soit homme ou femme, enfant ou vieillard, dfes qu'on se sent inspire par I'es- jprit, a n'avoir ni culte, ni pretres, etc. Cette , doctrine grossiere fut fardee par deux savants, Guiilaume Penn et Robert Barklay, a qui cette I intervention ne fait pas tres-grand honneur. La ! secte s'^tendit en Angleterre et en Ameriqiie. ! Son culte consiste a se reiinir pour danser grave- Q ; raent, mais jusqu'a ce que I'esprit vienne in- L spirer quelqu'un de la corapagnie. Cette inspira^ ! tion s'annonce par des convulsions et par un ! certain tremblement; ce qui n'est pas trop la i maniere du Saint-Esprit. Ce tremblement a con- stitue le nom des quakers, qui veut dire trem- , bleurs. Aussitot que I'un ou Tune des danseurs sent I'Esprit, il ou elle se met a precher. Queiran (Isaac) , sorcier de Nerac , arrets a Bordeaux, oii il etait domestique depuis vingt- cinq ans, Interroge comment ii avait appris le metier de sorcier , il avoua qu'a un age encore jeune, etant au service d'un habitant de la Bas- tide d'Armagnac, un jour qu'il allait chercher du feu chez une vieille voisine , elle lui dit de se bien garder de renverser des pots qui etaient devant la cheminee : ils etaient pleins de poison que Satan lui avait ordonne de faire. Cette cir- constance ayant pique sa curiosite, apres plu- sieurs questions, la vieille lui demanda s'ilvoulait voir le grand maitre des sabbats et son assemblee. Elle le suborna de telle sorte qu' apres I'avoir oint d'une graisse dont il n'a pas vu la couleur ni senti I'odeur , il fut enleve et porte dans les airs jusqu'au lieu oii se tenait le sabbat, Des hommes et des femmes y criaient et y dansaient; ce qui I'ayant epouvante, il s'en retourna. Le lendemain, comme il passait par la metairie de son maitre, un grand homme maigre se presenta a lui et lui demanda pourquoi il avait quitte I'as- semblee ou il avait promis a la vieille de rester. II s'excusa sur ce qu'il n'y avait la rien a faire QUE — 568 — QUI pour lui; et il voulut continiier son chemin. Mais l'homme maigre lui dechargea un coup de gaule sur I'epaule, en lui disant : « Demeure, je te baillerai bien chose qui t'y fera venir. » Ce coup lui fit mal pendant deux jours, et il s'apergut que ce grand homme noir I'avait marque sur le bras aupres de la main ; la peau en cet endroit paraissait noire et tannee. Un autre jour, comme il traversait le pont de la riviere qui est pres de la Bastide, le meme homme maigre lui apparut de nouveau, lui demanda s'il se ressouvenait des coups qu'il lui avait don- nes, et s'il voulait le suivre. II refusa. Le diable aussitot, I'ayant charge sur son cou, voulut le noyer; mais le pauvre gargon cria si fort, que les gens d'un moulin voisin de la etant accourus, le vilain noir fut oblige de fuir. Enfm le diable I'enleva un soir dans une vigne qui appartenait a son maitre, et le conduisit, quoi qu'il en eut, au sabbat; il y dansa et mangea comme les autres. Un petit demon frappait sur un tambour pendant les danses, jusqu'a ce que le diable, ayant en- tendu les coqs chanter, renvoya tout son monde. L'homme maigre. Interroge s'il n'avait pas fait quelques male- fices, Queiran repondit qu'il avait maleficie un enfant dans la maison ou il avait servi ; qu'il lui avait mis dans la bouche une boulette que le diable lui avait donnee , laquelle avait rendu cet enfant muet pendant trois mois. Apres avoir ete entendu en la chambre de la Tournelle, ou il fut reconnu pour un bandit qui faisait I'ingenu, Quei- ran fut condamne au supplice le 8 mai 1609 Question. Foy. Insensibilitii. Quays, mauvais genies chez les Chinois. Quintillianites. Une femme de la secte des cainites, nommee Quintille, vint en Afrique du temps de Tertullien et y pervertit plusieurs per- 1 Delancre, Incredulite et mecreance, etc., p. 278. sonnes. On appela quintillianites les abomina- bles sectateurs qu'elle forma. II parait qu'elle ajoutait encore d'horribles pratiques aux infamies des cainites. Voy. Cain. Quirim , pierre raerveilleuse qui , suivant les demonographes, placee sur la tete d'un homme da- rant son sommeil, lui fait dire toutce qu'il a dans I'esprit. — On I'appelle aussi pierre des traitres. Quivogne (femrae) , sorciere contemporaine. Les pretendus sorciers et sorcieres, ou devine- resses, trouvent encore tons les jours, dans notre siecle si eclaire , le moyen de faire des dupes, quelle que soit la grossierete des pieges qu'ils tendent a la credulite et a I'ignorance. Tout re- cemment une fille Rupt, de Vesoul, s'etait laisse persuader par la femme Quivogne qu'a I'aide d'un char aerien sonfutur, qui etait au service, allait lui etre ramene pour 1 epouser. Elle avait exige pour cela douze francs , qu'elle devait em- ployer, assurait-elle, a faire dire des messes, puis .elle avait recu du linge et d'autres objets. Tout cela etait passe dans les mains de la femme Qui- vogne ; mais il fallait encore, pour faire le corps de la machine, quinze aunes de toile; et c'est lorsque la pauvre jeune fille delaissee cherchait a se les procurer qu'elle avoua a la marchande a qui elle s'adressait I'emploi qui devait en etre fail. — Tout etant decouvert ainsi, la sorciere fut arretee, jugee et convaincue de bien d'autres es- croqueries encore. Enfin elle a ete condamnee a un an de prison, d'oii probablement son art ne I'a tiree qu'a I'expiration de sa peine. — Autrefois on eut ete plus serieux; on eut sequestre cette voleuse infame de la societe. Aurait-on eu tort? RAB — 569 — RAL R Rabbats, lutins qui font dii vacarme dans les maisons et empechent les gens de dormir. On les nomme rabbats parce qu'ils portent une bavette a leiir cravate, comme les gens qu'on appe|le en Hollande consolateurs des malades, et qui ne con- solent personne. Rabbins, docteurs juifs qui, rebelles a la ve- rite , furent longtemps soupgonnes d'etre magi- ciens et d'avoir commerce avec les demons ^ Rabdomancie, divination par les batons. C'est une des plus aiiciennes superstitions. Ezechiel et O.see reprochent aux Juifs de s'y laisser tromper. On depouillait, d'un cote et dans toute sa lon- gueur, une baguette choisie; on la jetait en I'air ; si , en retombant , elle presentait la- partie de- pouillee, et qu'en la jetant une seconde fois elle presentat le cote revelu de I'ecorce , on en tirait un heureux presage. Si, au contraire, elle torn- bait une seconde fois du cote pele, c'etait un au- gure facheux. Cette divination etait connue chez les Perses, chez les Tartares et chez les Romains. La baguette divinatoire, qui a fait grand bruit sur la fin du dix-septieme siecle, tient a la rab- domancie. Voy. Baguette. Bodin dit qu'une sorte de rabdomancie etait de son temps en vigueur a Toulouse; qu'on marmottait quelques paroles; qu'on faisait baiser les deux parties d'un certain baton fendu , et qu'on en prenait deux parcelles qu'on pendait au cou pour guerir la fievre quarte. Rachaders, genies malfaisants des Indiens. Radcliffe (Anne) , Anglaise qui publia, il y a cinquante ans, des romans pleins de visions, de spectres et de terreurs, comme les Mysleres d'Udolphe, etc. Ragalomancie , divination qui se faisait avec des bassinets, des osselets, de petites balles, des tablettes peintes, et que nul auteur n'a pu bien expliquer ^. Rage. Pour etre gueri de la rage, des ecrivains superstitieux donnent ce conseil : On mangera une pomrae ou un morceau de pain dans lequel onenfermera ces mots : Zioni, Kirioni, Ezzeza; ou bien on briilera les poils d'un chien enrage, on en boira la cendre dans du vin , et on guerira Le seul moyen sur de guerir la rage et qui n'a jamais manque, c'est d'aller a Saint- Hubert, comme I'attestent les noms de plus de trois cent mille pelerins qui y sont enregistres. Raginis , espece de fees chez les Kalmouks. Elles habitent le sejour de la joie, d'ou elles s'echap- ' Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits , p. 291. ■^^.Delancre , Incredulite et mecreance du sortilege pleinement convaincues, p. 278. 3 Lemnius, pent quelquefois pour venir au secours des mal- heureux. Mais elles ne sont pas toutes bonnes; c'est comme chez nous. Raguse (George de), theologien, medecin et professeur a I'universite de Padoue , a publie un livre rare sur les divinations, ou il traite specia- lement de I'astrologie , de la chiromancie , de la physiognomonie , de la geomancie , de la no- mancie, de la cabale, de la magie, etc. Paris, 1623, in-8°. Rahouart, demon que nous ne connaissons pas. Dans la Moralite du mauvais riche et du ladre, iraprimee a Rouen, sans date, chez Durzel, et jouee a la fin du quinzieme siecle, Satan a pour compagnon le demon Rahouart. C'est dans sa hotte que Rahouart emporte I'ame du mauvais riche quand il est mort. Raiz. Voy. Retz. Ralde (Marie de la) , sorciere qu'on arreta a I'age de dix-huit ans, au commencement du dix- septieme siecle. Elle avail debute dans le metier a dix ans, conduite au sabbat pour la premiere fois par la sorciere Marissane. Apres la mort de cette femme , le diable , selon la procedure , la mena lui-meme a son assemblee , ou elle avoua qii'il se tenait en forme de tronc d'arbre. II sem- blait etre dans une chaire , et avait quelque ombre humaine fort tendhreuse. Cependant elle I'a vu sous la figure d'un homme ordinaire, tantot rouge, tantot noir. II s'approchait souvent des enfants, tenant un fer chaud a la main ; mais elle ignore s'il les marquait. Elle n'avait jamais baise le diable; mais elle avait vu comment on s'y pre- nait : le diable presentait sa figure ou son der- riere, le tout d sa discretion et comme il lui plaisait. Elle ajouta qu'elle aimait tellement le sabbat RAL — 570 — RAN qu'il lui semblait aller a la noce , « non pas tant par la liberie et licence qn'on y a, mais parce que le diable tenait tellement lies leiir coeur et leurs volontes qii'a peine y laissait-il entrer nul autre desir ». En outre les sorcieres y entendaient une musique harmonieuse, et le diable leur per- suadait que I'enfer n'est qu'une niaiserie, que le feu qui brule conlinuellement n'est qu'artiliciel. Elle dit encore qu'elle ne croyait pas faire mal d'aller an sabbat, etque meme elle avail bien du plaisir a la celebration de la messe qui s'y disait, oi!i le diable se faisait passer pour le vrai Dieu. Cependant elle voyait a Televation I'hostie noire \ II ne parait pas que Marie de la Ralde ait ele brulee ; mais on ignore ce que les Iribunaux en firent. Raleigh (Walter), courlisan celebi-e de la reine filisabeth. II se vante d'avoir vu, dans I'Aineri- que du Sud, des sauvages trois fois aussi grands que des hommes ordinaires, des Cyclopes qui avaient les yeux aux epaules, la bouche sur la poitrine et la chevelure au milieu du dos. Rambouillet. Le marquis de Rambouillet, partanl avec Louis XIV pour la guerre de Flandre, et le marquis de Precy retenu au lit par la fievre, s'elaienl promis que celui des deux qui monrrail le premier viendrait donner a I'autre des nou- velles de I'autre monde. Six semaines apres, a six heures du matin, Rambouillet vint eveiiler son ami, lui annoncer qu'il avail ele tue la veilie, lui montrer sa blessure, lui declarer que lui- meme Precy serail tue a la premiere balaille a laquelle il prendrait part, et disparut. Precy aus- sitot reveilla sa maison, raconta ce qui venail d'arriver et fut pris pour un visionnaire donl la fievre avail trouble les sens. Huit jours apres la poste de Flandre apporta la nouvelle de la mort de Rambouillet, avec les details donnespar Precy, Cependant on est si difficile a croire I'extraordi- naire qu'on persuada a Precy que son avenlure n'elait qu'un pressentiment produit par la sym- pathie. Sans doute qu'il en vint a le croire lui- meme, puisqu'il alia peu apres au combat du faubourg Saint-Anloine, et il y fut tue : ce qui dut le faire reflechir. Ranfaing (Marie de). M. le cbevalierGougenot des Mousseaux raconle I'liisloire de cette dame : « Une veuve illustre a refuse la main d'un me- decin, dont I'amour n'excila en elle qu'un insur- monlable degout; et ce miserable, qui croyait a la magie, parvient a lui faire boire un philtre pre- pare par son art. Cette femme ,tombe aussitot dans un lamentable elat. Les medicaments que lui administrent les plus habilesmedecins, reunis en consultation, ont perdu toute efficacite. La science est a bout de voies et declare enfin que les accidents eprouves par la patienle nepeuvent avoir d'autre cause qu'une possession diabolique. » 1 M. J. Garinet, Hisioire de la magic en France. Cette dame etait une femme de grande vertu; elle avail fonde un refuge pour les malheureux que le monde abandonne a cause de leurs fautes. Les demons, a qui elle ravissait leur proie, du- rent se rejouir de la posseder. On I'amena a Nancy , ou les eveques de Nancy el de Toul la firent exerciser par les plus saints prelres et les plus habiles theologiens. On la queslionnait, ou plulot le demon qui etait en elle, en latin, en grec et en hebreu ; et quoiqu'elle sut a peine lire le lalin et qu'elle ne comprit d'autre idiome que sa langue, elle repondait avec une exactitude extreme. Le demon, qui parlait par sa bouche, relevait meme les solecismes et les autres fautes qui echappaient a ses inlerrogateurs. L'histoire de ces exorcismes est assez longue. lis se faisaient devant le due de Lorraine Henri II et devant une assemblee immense, que les grandes douleurs de cette pauvre dame interessaient vivement. Elle fut delivree enfin, en meme temps que le cou- pable qui avail cause ces horreurs avoua son crime el ful condamne a mort par la cour de jus- lice de Nancy. {La Magic au dix-neuviemc siecle.) Rani-Razal , femme de Bava-Coumba , chez les Indiens dd Satpoura. Les jeunes maries lui rendent un culle et font des ofirandes a son idole sous un arbre qui lui est consacre. Rannou. C'est une legende bretonne qui a ele publiee, il y a vingt ans, dans une feuille calho- lique et signee : Un Glaneur. « La mere de Rannou etait une pauvre femme qui , en se promenant un jour au bord de la mer pour chercher des coquillages , apercut une si- rene que les eaux, en se retiranl, avaient laissee a sec. La pauvre femme, tout effrayee, allait fuir lorsque le monstre la rappela de sa voix la plus douce. c( Venez done a mon aide , disait la sirene; ne laissez pas une pauvre mere mourir ici sans secours. Je suis une creature inoffensive, qui ne fais jamais de mal a personne; bien plus, sou- vent par mes chants j'averlis les matelots de la presence des ecueils. » La mere de Rannou avail I'ame bonne ; elle fut tellement touchee par les prieres de la sirene qu'elle I'aida a regagner la mer. Alors celle-ci lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour loi? de- mande et tu es sure d'obtenir. — Je ne suis qu'une pauvre femme; Dieu m'a fail la grace d'etre contente de mon sort. Je ne veux rien pour moi. Mais j'ai un fils encore tout enfant; je voudrais bien qu'il eCit de Tesprit et de la vail- lance. » La sirene plongea dans la mer et revint un instant apres avec une coquille pleine d'un breu- vage semblable a du lait. « Voici , dit-elle , un phillre que tu feras prendre a ton enfant. Mais fais attention a ce qu'il le boive tout enlier et sans qu'une seule goulte soil perdue. Adieu, et fais poncluellement ce que je le recommande. » La pauvre femme s'en revint avec le present RAO — 571 - REI de la sirene; mais, craignant les tromperies de quelque fee malicieuse, elle n'osa pas donner le philtre a son enfant avant d'en avoir fait I'expe- rience. Elle commenga done par en faire boire line partie a son chat. Quelques jours apres, comme elle se promenait encore au bord de la mer, elle revit la sirene, qui lui dit : « Vous avez manque de for, malheur a vous , car vous serez la cause de grandes infortunes. » Puis elle dis- parut sous les flots. La prediction ne tarda pas a s'accomplir. Le chat et I'enfant de la pauvre femme ressentirent bientot, mais d'une fagon differente, les effets du mysterieux breuvage. Rannou devint si fort et si robuste qu'a I'age de huit ans il jouait au palet avec des meules de moulin. Le chat, de son cote acquit une intelligence surhumaine; mais comme ces animaux , qui hantent les sabbals , sont d'une nature mechante et infernale, il ne se servit de son esprit que pour faire du mal. La chose en vint au point que la population du can- ton se souleva en masse pour le tuer. Quant a Rannou, il resta tellement depourvu de toule intelligence, qu'il ne savait pas faire usage de sa force prodigieuse. Par desoeuvrement il arrachait les vergers et abattait les maisons sans penser a mal. II tua meme. sa mere, avec laquelle il voulait plaisanter, et qu'il s'amusait a lancer en I'air comme un jouet. On forma aussi une ligue contre lui , et une mort malheureuse mit fin a cette existence funeste. Que d'existences manquees ainsi parce que Ton a neglige quelques gouttes du breuvage de la sirene, c'est-a-dire de la religion! Raollet (Jacques), loup-garou de la paroisse de Maumusson , pres de Nanles, qui fut arrete et condamne a mort par le parlement d' Angers. Durant son interrogatoire , il demanda a un gen- tilhomme qui etait present s'il ne se souvenait pas d'avoir tire deson arquebuse sur trois blips ; celui-ci ayant repondu affirmativement , il avoua qu'il etait I'un des trois loups, et que, sans I'ob- stacle qu'il avait eu en cette occasion , il aurait devore une femme qui etait pres du lieu. Rickius dit que, lorsque Raollet fut pris, il avait les che- veux flottants sur les epaules , les yeux enfonces dans la tete, les sourcils refrognes, les ongles exlremement longs; qu'il puait tellement qu'on ne pouvait I'approcher. Quand il se vit con- damner par la cour d' Angers, il ajouta a ses aveux qu'il avait mange des charrettes ferrees , des moulins a vent, des avocats, procureurs et sergents, disant que cette derniere viande etait tellement dure et assaisonnee qu'il n'avait pu la digerer ' Rat. Pline dit que , de son temps , la rencontre d'un rat blanc etait de bon augure. Les boucliers de Lavinium ronges par les rats presagerent * Rickius, Discours de la lycanthropie , p. 18. un evenement funeste, et la guerre des Marses, qui survint bientot apres, donna un nouveau credit a cette superstition. Le voile de Proser- pine etait parseme de rats brodes. Les peuples de Bassora et de Cambaie se fe- raient un cas de conscience de nuire a ces ani- maux, qu'ils reverent. Les matelots donnent aux rats une prescience remarquable. « Nous sommes condamnes, disent- ils, a un calme plat ou a quelque autre accident ; il n'y a pas un seul rat a bord... » lis croient que les rats abandonnent un batiment qui est destine a perir. Voij. Hatton, Poppiel, Sifflet MAGIQUE. « Les Indiens jadis menaient un grand deuil lorsqu'ils avaient immole par megarde quelques rats musques, la femelle du rat musque etant, comme chacun sait, la mere du genre humain. Les Chinois , meilleurs observateurs , tiennent pour certain que le rat se change en caille et la taupe en loriot » Raum , grand comte du sombre empire ; il se presente sous la forme d'un corbeau lorsqu'il est conjurd. II detruit des villes, donne des di- gnites. II est de I'ordre des Trones et commande trente legions ^ Realisms , la plus aplatie de toutes les philo- sophies exposees par les songe-creux. Selon cette doctrine, tout s'est cree soi-meme, comme I'e- tablil M. Michelet dans son livre de La Mer, et tout est une portion de Dieu, un chou, un navet, un cloporte , aussi bien que M. Comte, M. Michelet lui-meme el M. Sue. Red-cap , lutin ecossais, Voy. Puck. Regard. Voy. Yeux. Regensberg. Voy. D^imons familiers. Regiomontanus. Voy. Muller. Reid (Thomas), Ecossais qui eut commerce assez long avec les fees Reine Guetet, dite la Possedee de Riel-les- Eaux. M. Roze des Ordons a public dans les jour- naux, en 1853, de curieux details sur cette femme, connue dans la Cote-d'Or sous le nom de la Possedee de Riel-les-Eaux (dans I'arrondis- sement de Chatillon-sur-Seine). Se trouvant a ce village, le 8 mai 1853, qui etait un dimanche, comme on lui disait que le demon ne tourmen- tait la pauvre Reine que le dimanche ou les jours de fete, il eut le desir de la voir, quoiqu'on lui attestat que, sous la possession de son demon, 1 Chateaubriand, Memoires, t. IT. 2 Wierus , in Pseudom. dcBm. 3 Voyez les Legendes des esprits et demons. REI 572 REI cette sage et pieuse fille n'etait plus « une crea- ture humaine, mais un monstre hideux , qui hur- lait, qui beuglait, qui jappait, qui grinqait des dents, qui rugissait; que son oeil fauve alors ne pouvait plus voir le ciel , ni supporter la douce lumiere du jour; qu'elle se tenait enfermee dans I'ombre et se cachait a tous les regards ; enfin que le malheur de cette infortunee etail impene- trable. » M. Roze des Ordons obtint assez difficileinent la permission de voir cette calami te affreuse ; mais enfin il I'obtint : il fut bientot accompagne d'un notaire du voisinage et du cure de Riel. Les habitants, qui le savaient dispose a voir la pos- sedee dans sa crise , le suivaienl de I'oeil , comme on suit un insense qui parle de se jeter a la ri- viere. Quand la parente de Reine prit sa grosse clef pour ouvrir la porte dulieu oii se renfermaitla possedee, les curieux s'arrelerent pour entrevoir de loin ce qui allait se passer. — Mais laissons le narrateur raconter lui-meme. « Tout cela n'etait pas rassurant, dit-il. Je recommandai a notre in- troductrice de ne pas fermer la porte sur nous ; je lui dis que la porte, restee ouverle, nous per- mettrait raieux de voir au fond du sombre appar- tement; mais c'etait, en realite, pour me me- nager une retraite en cas d'accident. D'un tour de clef la porte nous est ouverte; j'entre hardi- ment, je vais droit au lit et je souleve le rideau. Un cri afTreux s'est fait entendre; j'avance en m'ecriant : Reine, ma bonne Reine, ecoutez- moi. ))Des hurlements de bete feroce, d'horribles imprecations, des vociferations assourdissanles couvrent ma voix. Je vois tourbillonner devant moi quelque chose qui rugit, qui souffle, qui rale Une tete qui bat sur ses ^paules avec une telle violence que je ne puis en distinguer les traits... Un corps qui roule comme un ser- pent et bondit par soubresauts terribles a se bri- ser centre les murailles. Plus j'insiste pour elre entendu, plus la rage redouble, plus la tempete devient furieuse. On criait au dehors : Retirez- vous, monsieur, retirez-vous ; elle va se tuer. Le notaire etait deja bien loin. M. le cure , que des personnes charitables avaient fait prevenir, accourait avec une jeune femme tenant un enfant dans ses bras. Cette femme, pale et emue, etait arretee devant la porte; elle semblait vouloir me parler et me roontrait son enfant. On me criait : ((Prenez I'enfant, ne craignez rien; prenez done vite et le portez sur Reine. » Je regardais, j'e- coutais et je ne comprenais point. » Enfin, la jeune femme, surmontant sa frayeur, entre precipitamment, va droit au lit et pose son enfant sur le corps enrage. 0 prodige inoui et incomprehensible , marque eclatante de la puis- sance du ciel sur celle de I'enfer! 0 spectacle admirable et que je n'oublierai de ma vie! 6 science attendrissante et digne des anges, qui fait encore couler mes larmes ! A peine I'inno- cente creature a-t-elle touche la possedee que le corps de Reine, comme frappe de la foudre, s'affaisse sur lui-meme sans mouvement, sans voix. Le calme succedea la tempete, le tumulte a fait place a un silence profond! » Alors je vois une tete humaine , une figure angelique, un doux regard fixe sur moi... Je vois la pauvre Reine! Tout le monde , rassure, en- vahit la demeure; on approche du lit, dont on repare le desordre. On tend la main a Reine. Ma bonne Reine, lui dit-on, c'est M. Roze qui vient vous voir et qui ne voulait pas s'en aller sans vous faire ses adieux et vous dire un mot d'a- mitie. » — Ah ! monsieur, que je suis reconnaissante, dit alors la pauvre affiigee ; je savais bien que c'etait vous, vous vous etes nomme en entrant; vous m'avez dit de me calmer, de me contenir un peu pour vous entendre ; je vous entendais parfaitement, mais je ne poavais pas vous re- pondre : je n'avais plus I'usage de ma parole, car ce n'est pas moi qui blaspheme le saint nom de Dieu , croyez-Ie bien , mon cher monsieur ; j'aimerais mieux mourir ! Mon corps seul est cou- pable, puisqu'il sert au demon ; mais mon ame n'est pas en son pouvoir ; il ne I'aura jamais , elle n'appartient qu'a Dieu. » — Et c'est done ce petit enfant, ma bonne Reine, qui calme vos tourments et chasse le demon? » — Oh! oui, monsieur; tant que cette inno- cente creature est dans mes bras, je suis comme inviolable, et le demon n'oserait pas profaner ce qu'il touche; mais je retomberai sous sa puis- sance des que mon ange m'abandonnera. » Et la pauvre fille nous regardait avec un doux sourire; elle semblait toute heureuse de I'interet que nous lui temoignions et du bien-etre, helas! de si courte duree qu'elle goutait avec nous. Elle comblait de caresses son petit ange gardien. L'enfant tendait toujours ses bras a sa mere, qui amusait son impatience pour prolonger le plus longtemps possible cette touchante en- trevue. Mais enfin il fallut bien ceder a ses in- stances reiterees. La pauvre Reine s'en apergut, et je la vis palir. Le charme allait cesser, et nous louchions acet instant terrible dont I'attente ser- rait tous les coeurs. "» A peine la jeune femme eut-elle enleve son enfant des bras de I'infortunee, que Ton vit ses bras se tordre et s'agiter de desespoir, comme s'ils eussent ressenti les llammes de I'enfer. Bientot la rage du demon, si merveilleusement enchainee, si longtemps comprimee, eclalait en affreux rugissements. Un spectre echevele se dressait devant nos yeux. II fallut fuir. En un instant la chambre fut deserte. Je sortis le der- nier; mais je restai clone derriere cette porte, ecoutant, dans une muette terreur, ces cris REI — 573 — REI sinistres, ces plaintes lamentables , ces voix ago- nisantes inelees a des accents de rage, a de sourds gemissements, tels qu'on en peut entendre dans une lulte acharnee entre un bourreau et sa victime. J'attendais avec anxiet6 la fin de ce penible drame, qui ne devait se denouer que dansles ombres de la nuit et quand la vie serait eteinte ou les forces de la martyre epuisees. Je ne pouvais m'arracher de ces lieux etranges , oii m'enchainait le charme du prodige dont je venais d'etre temoin. Cen'etait point unreve, une vaine illusion. Ce fait, je n'en pouvais douter ; je I'avais vu de ines yeux et touche de mes mains. Je ren- dais graces a Dieu. » Oui , m'ecriais-je dans le transport de mon admiration , la religion a ses lois ^ternelles qu'il n'est pas permis de mettre en doute ! Oui , il y a des jours saints, consacres pour elle, que le genie du mal s'efforce de profaner ! Oui , le de- mon existe, I'enfer existe! Mais au-dessus de I'enfer est le ciel ! Au-dessus de I'ange des tene- bres, range de lumiere et de I'innocence dont j'ai vu le triomphe! Dieu tout-puissant! donnez- moi, comme a vos apotres, I'esprit divin de la parole, et je publierai vos merveilles, vos mise- ricordes infuiies. Labia mea aperies et os meum annunliabit laudeni luam ! n Et impii ad te convertentur, ajoule M. le cure en me frappant doucementsur I'epaule, car il elait la depuis une heure , ce digne et bon pasteur. « Eh bien , mon cher monsieur, me dit-il en me serrant la main , vous voila done converli aux contes de bonne femme. Ces bons habitants de Riel-les-Eaux, les trouvez-vous toujours bien simples de croire a la possedee? — Monsieur le cure, je suis aneanti. Mais il y a done encore despossedes? — Eh ! qu'y voyez-vous d'impos- sible? qu'y a-t-il d'impossible a Dieu ? S'il permet au demon d'eprouver les ames, ne peut-il lui perraettre d'eprouver nos corps? Ce qu'il a voulu jadis, ne peut-il le vouloir aujourd'hui? Nelisez- vous pas dans I'Evangile que Notre-Seigneur a chasse les demons qui tourmentaient les posse- des? Dieu voulut qu'au temps de Jesus-Christ il y en eut un plus grand nombre, sans doute pour lui fournir plus d'occasions de signaler sa puis- sance et nous donner plus de preuves de sa mis- sion et de sa divinite. Qui me dira que Dieu n'a pas eu ses desseins en permettant, dans noire humble village, le phenomene etrange que nous avons en ce moment devant les yeux? Saint Je- rome et saint Hilaire assurent que Ton voyait de leur temps des personnes extraordinairement tourmentees par les demons sur les tombeaux des saints martyrs. De nos jours, Reine Guetet ne peut entrer dans une eglise ni passer un seul jour de dimanche ou de fete sans etre elle-meme extraordinairement tourmentee. INous croyons ce que nous voyons; comment faire autrement? Peut-on fermer ses yeux a la lumiere et resister a I'evidence? Pouvons-nous mettre en doute un fait public qui se renouvelle depuis trente ans et sans interruption a la face de tout un pays? Ce fait resulte-t-il d'un prejuge de notre part, d'une erreur populaire ou du charlatanisme d'une co- medienne? Unefemme peut jouer la comedie et faire des dupes; elle peut en imposer quelques jours et meme quelques annees ; mais elle ne saurait continuer toute sa vie ce jeu terrible dont la consequence est la mort. Voyez I'etat de la pauvre Reine; elle ne marche plus, elle se tralne , son corps est disloque ; c'est un spectre ambulant qui n'a que le souffle de la vie, et, en effet, apres les crises affreuses dont vous avez ete temoin et qui se renouvellent si sou- vent, son existence tient du prodige. Mais ce qui fait I'objet de notre admiration , c'est le moyen si extraordinaire et si simple que le Ciel, dans sa misericorde , vient de nous reveler pour calmer les tourments de la pauvre Reine; c'est celui que vous avez vu et dont nous nous ser- vons maintenant pour lui administrer la com- munion. Des qu'elle est preparee a cette action, elle se couche; on lui apporte un jeune enfant, on le pose sur son coeur, et elle regoit avec bon- heur le pain des forts. Reine , avec I'enfant , est invincible. Assis sur sa poitrine comme sur iin trone inebranlable , le petit ange defie I'enfer. En vain Satan releve la tete, il terrasse le monstre, il le tient ecras6 sous ses pieds. Super aspidem et basiliscum ambulabis et conculcabis leoneni et draconem! Vous voyez done que le :bon Dieu fait encore, quand il lui plait, des choses exlra- ordinaires , el vous pouvez en rendre lemoi- gnage. — Si je le puis, monsieur le cure! mais c'est un devoir sacre pour moi. Je monlerai sur les toils pour publier ce que j'ai vu et pour ren- dre hommage a la verite. — Ne montez pas si haul ; contenlez-vous de gloriiier Dieu en racon- tant tout simplement et sans emphase le fait dont vous avez ele temoin. La verite parle d'elie- meme et n'a pas besoin de recommandation. Failes mieux , adressez-moi vos incredules; qu'ils viennent comme vous s'assurer du fait par eux- memes. Je sers un Dieu de charite; envoyez-moi lous vos amis : ils sont deja les miens; mes bras leur sont ouverts, je les accueillerai avec joie. Mon presbylere ne sera jamais trop elroit pour les recevoir, ni mon coeur pour les benir! » » Lecleurs, entendez cette voix, si vous dou- tez encore. Hatez-vousd'aller voir cette terre ou vous attendent, non les jouissances d'une frivole curiosite, mais un grand enseignement, de vivos et salutaires emotions, I'occasion si heureuse d'affermir voire foi et de glorifier Dieu. " ROZE DES OrDONS. )) Riel-les-Eaux, le 11 juin1853. Le journal Chretien qui contenait ce recit ajoutait : « Conformement aux desirs et aux re- REI — — REM cominandations de M. Roze des Ordons, nous avons pris des renseignements. Nous rapportons, pour degager notre responsabilite, la lettre sui- vante : » J'apprends que M, Roze des Ordons vous a transniisla relation d'unfait extraordinaire, dont lui, un notaire et moi avons ete temoins, lequel fait se repete depuis environ trente-cinq ans dans la personne de Reine Guetet, ma paroissienne. Tons les faits donnes par M. Roze sont exacts. M. Roze est fabricien de la cathedrale de Sens, honnete pere d'une nombreuse famille, et sur- tout homme de foi, catholique pratiquant. Ce temoignage d'un pretre qui le connait depuis dix ans me semble suffisant pour mettre voire res- ponsabilite a couvert, » Agreez , etc. Bergerot, cure de Kiel- les -Eaux. « Reines du sabbat. On voit dans la plupart des relations qui nous reniettent sous les yeux ces monstrueuses assemblees que la plus jeune et la plus belle des sorcieres presentes etait invi- tee par le demon president a s'asseoir aupres de lui comme reine du sabbat. Religion. Toules les erreurs sont lilies de la verite , mais des filles perdues , qui ne savent plus reconnaitre leur mere. Toutes les fausses religions ainsi n'ont d'autre source que la vraie religion. Brahma est Abraham prodigieusement travesti. Bacchus , Janus , Saturne , sont des charges grotesques dont le type est Noe; ses trois fils sont les trois grands dieux Jupiter, Nep- tune et Pluton. Ce n'est pas ici le lieu de le de- montrer; la these a ete savamment etablie. Le diable s'est un peu mele de la chose; et comme des lunes, des semaines et des jours on a fait des annees et des siecles, pour donner a ces mythologies quelque antiquite granitique, on les a fortifiees dans leur essence , qui est I'erreur. La religion de Bouddha, par exemple, est une singerie tres-singuliere du christianisme. Seule- ment nee au deuxieme ou au troisieme siecle, les savants doublent son age et la font remonler au voisinage du deluge ; assertion aussi fondee que les genealogies merveilleuses de nos vieux chro- niqueurs, qui posent a la tete des Francs qualre- vingts rois successifs avant Pharamond. Remi (Nicolas) , magistral qui s'occupa beau- coup des sorciers de la Lorraine au commencement du seizieme siecle. Son livre De la demonoldtrie contient un grand nombre de faits et de details singuliers. Remmon. Voy. Rimmon. Remords. Voici sur ce sujet, qui a produit bien des spectres, une ballade populaire alle- mande , dont nous regrettons de ne pouvoir nom- mer le traducteur : « La duchesse d'Orlamunde a deux enfants de son premier mari , qui I'a laissee veuve. Elle s'eprend du comte de Nuremberg; ce dernier lui (lit qu'il ne peut I'epouser : il y a dans sa maison qualre yeux qui Ten empechenl; ces yeux fu- nestes sont ceux des enfants de la veuve. Poussee au crime par sa passion, elle charge un de ses gens, nomme dans le conte le chasseur farouche , de tucr les pauvres petits. La mauvaise mere delaclie de son voile de veuve les epingles que I'assassiii doit enfoncer dans la cervelle des en- fants, lorsqu'ils seront a jouer. Ainsi arme, il s'avance vers eux ; il les trouve jouant dans la grande salle du chateau. Aujourd'hui meme on a conserve le souvenir des rimes pueriles qqe pro' RfiM noncent les enfants de la duchesse au milieu de leiirs jeux; elles sont encore repetees par les pe- tits garcons dans la haute Lusace. La scene de I'assassinat des enfants est aussi touchante que celle oil Shakspeare montre le jeune Arthur priant Hubert de ne pas crever ses petits yeux. » Le garcon proraet au meurtrier son duche s'il veut lui laisser la vie. La petite fille lui offre toutes ses poupees, et enfin son oiseau favori. II refuse. L'oiseau, devenu le persecuteur du meur- trier, le suit partout , en lui repetant le noni de I'enfant qu'il a egorgee. « Mon Dieu ! mon Dieu ! s'ecrie-t-il , ou fuirai-je cet oiseau qui me pour- suit de tous cotes? II ne cesse de me redire le nom de cette enfant! 0 mon Dieu! oii aller mourir? » » Dans son desespoir, il se brise le crane, et les deux enfants tues, ditla ballade, restent dans leurs cercueils de marbre, sans que la corrup- tion defigure leurs petits corps innocents, dont la purete defle la mort. » L'auteur de la ballade allemande n'a pas acheve le recit. Le due egoiste et la duchesse denaturee voyaient partout devant eux leurs deux petites vic- times. lis se noyerenl tous deux dans I'Orla, apres quelques annees d'une vie miserable, croyant evi- ter les deux spectres.... RemOre, poisson sur lequel on a fait bien des contes. « Les remores, dit Cyrano de Bergerac, qui etait un plaisant, habitent vers I'extremite du pole , au plus profond de la mer Glaciale ; et c'est la froideur evaporee de ces poissons , a tra- vers leurs ecailles, qui fait geler en ces quar- tiers-la I'eau de la mer, quoique salee. La remore contient si eminemment tous les principes de la froidure , que , passant par-dessous un vaisseau , le vaisseau se trouve saisi de froid, en sorte qu'il en demeure tout engourdi jusqu'a ne pouvoir de- marrer de sa place. La remore repand autour d'elle tous les frissons de I'hiver. Sa sueur forme un verglas glissant. C'est un preservatif contre la brulure.... » Rien n'est plus singulier, dit le P. Lebrun , que ce qu'on raconte de la remore. Aristote, jElien, Pline, assurent qu'elle arrete tout court un vaisseau voguant a pleines voiles. Mais ce fait est absurde et n'a jamais eu lieu ; cependant plusieurs auteurs I'ont soutenu , et ont donne pour cause de cette merveille une qua- lite occuke. Ce poisson , qu'on nomme a present succet, est grand de deux ou trois pieds. Sa peau est gluante et visqueuse. II s'attache et se colle aux requins , aux chiens de mer ; il s'attache aussi aux corps inanimes; de sorte que, s'il s'en trouve un grand nombre colles a un navire, ils peuvent bien I'empecher de couler legerement sur les eaux, mais non I'arreter. Remures. Voy. Li^mures et Manes. Renards. Les sintoistes, secte du Japon, ne reconnaissent d'autres diables que les auies des mechants qu'ils logent dans le corps des renards. RfiS animaux qui font beaucoup de ravages en ce pays. Voy. Lune et Ma. Repare, homme qui, avec un soldat nomme Etienne, eut une vision du purgatoire, de I'enfer et du paradis , vers le douzieme siecle. Repas du mort, ceremonie funeraire en usage chez les anciens Hebreux et chez d'autres peu- ples. Dans I'origine, c'etait simplement la cou- tume de faire un repas sur le tombeau de celui qu'on venait d'inhumer. Plus tard on y laissa des vivres, dans I'opinion que les morts venaient les manger. Repas du sabbat. D'apres les relations des doctes , les festins du sabbat s'ouvrent par cette formule : « Au nom de Belzebuth , notre grand maitre, souverain commandeur et seigneur, nos viandes , boire et manger, soient garnis et munis pour nos refections, plaisirs et voluptes. » Sur quoi tous orient en choeur : Ainsi soit-il. Apres le repas, on dit : « De notre refection salutaire, prise et rendue, notre commandeur, seigneur et maitre Belzebuth soit loue, gracie et remercie, a son exaltation et commun bien. Ainsi soit-il*. » Voy. PSELLUS. Resurrection. Les Parsis ou Guebres pensent que les gens de bien , apres avoir joui des delices do I'aulre monde pendant un certain nombre de siecles, rentreroht dans leurs corps et revien- dront habiter la meme terre oii ils avaient fait leur sejour pendant leur premiere vie ; mais cette terre, purifiee et embeliie, sera pour eux un nou- veau paradis. Les habitants du royaume d'Ardra , sur la cote occidentale d'Afrique, s'imaginent que ceux qui sont tues a la guerre sortent de leurs tombeaux au bout de quelques jours et repren- nent une vie nouvelle. Cette opinion est une in- vention de la politique pour animer le courage des soldats. Les amantas, docteurs et philosophes du pays, croyaient la resurrection universelle, sans pourtant que leur esprit s'elevat plus haul que cette vie animale pour laquelle ils disaient 1 Gorres, Mystique, liv. VIII, ch. xxi. • — 575 — RET — 576 — RET que nous devious ressusciter, et sans attendre ni gloire ni supplice. lis avaient un soin extraordi- naire de mettre en lieu de surete les rognures de leurs ongles et de leurs cheveux , et de les cacher dans les fentes ou dans les trous de muraiile. Si , par liasard, ces cheveux et ces ongles venaient a toinber a terre avec le temps, et qu'un Indien s'en apergut, il ne manquait pas de les relever de suite et de les serrer de nouveau. — Savez- vous bien, disaient-ils a ceux qui les question- naient sur cette singularite, que nous devons re- vivre dans ce monde, et que les ames sortiront des tombeaux avec tout ce qu'elles auront de leurs corps? Pour empecher done que les notres ne soient en peine de chercher leurs ongles el leurs cheveux (car il y aura ce jour-la bien de la presse et du tuinulte), nous les meltons ici en- semble, afin qu'on les trouve plus facilement. Gaguin, dans sa description de la Moscovie, dit que, dans le nord de la Russie, les peuples meurent le 27 novembre , a cause du grand froid, el ressuscilent le 2k avril : ce qui est, a I'instar des marmoltes, une maniere commode de passer I'hiver. Voy. Gabinius, Pamilius de Pheres, Thes- PESius, Vampires, etc. Retz ou Raiz (Gilles de Laval de) , marechal de France qui fut convaincu de forfaits mons- Irueux au quinzieme siecle. Pour d'affreux de- bordements il s'elait vendu au diable, qu'il vou- lait servir en egorgeant des enfants et se souillant des plus odieuses infamies. II elait dirige par un escroc italien nomme Prelali, qui se disait magi- cien et qui disparul apres I'avoir vole. Le diable ne repondit pas aux esperances du marechal de Retz; et il fut condamne a mort. Comme le president Pierre de I'Hopital le pres- sait de dire par quel motif il avail fait perir lant d'innocenls, et brule ensuile leurs corps; le ma- rechal impatienle lui dit: — Helas! monseigneur, vous vous lourmenlez , el moi avec ; je vous en ai dit assez pour faire mourir dix mille hommes. Le lendemain , le marechal en audience publique reilera ses aveux. II fut condamne a elre brule vif , le 25 octobre Ikkd- L'arret fut execute dans le pre de la Madeleine, pres de Nantes'. Retz. Le cardinal de Retz, n'etant encore qu'abbe , avail fait la parlie de passer une soiree a Saint-Cloud, dans la maison de I'archeveque de Paris, son oncle, avec madame et mademoiselle de Vendome, madame de Choisy, le vicomle de Turenne, I'eveque de Lisieux, el MM. Brion et Voiture. On s'amusa tant, que la corapagnie ne put s'en relourner que tres-tard a Paris. La petite poinle du jour commenqait a paraitre (on elait alors dans les plus grands jours d'ele) quand on fut au bas de la descente des Bons-Hommes. Jus- tement au pied, le carrosse s'arreta tout court. * M. Garinet, Histoire de la magie en France. Voyez I'hisLoire du marechal de Retz dans les Le- gendes in females. « Comme j'elais a I'une des portieres avec made- moiselle de Vendome, dit le cardinal dans ses Memoires, je demandai au cocher pourquoi il s'arrelait? II me repondit, avec une voix trem- blante : — Voulez-vous que je passe par-dessus tons les diables qui sont la devant moi? Je mis la tele hors de la portiere, et, comme j'ai toujours eu la vue fort basse, je ne vis rien. Madame de Choisy, qui elait a I'aulre portiere avec M. de Turenne, fut la premiere qui apergut du carrosse ia cause de la frayeur du cocher ; je dis du car- rosse, car cinq ou six laquais, qui elaient der- riere, criaienl : Jesus, Maria! el Iremblaient deja de peur. M. de Turenne se jeta en bas aux cris de madame de Choisy. Je crus que c'elaient des voleurs : je sautai aussitot hors du carrosse ; je pris I'epee d'un laquais et j'allai joindre M. de Turenne, que je trouvai regardant lixemenl quel- que chose que je ne voyais point. Je lui demandai ce qu'il regardait, el il me repondit, en me pous- sant du bras et assez bas : Je vous le dirai ; mais il ne faut pas epouvanter ces dames, qui, a la vcrite, hurlaient plutot qu'elles ne criaienl. Voilure commenga un oremus; madame de Choisy poussait des cris aigus ; mademoiselle de Ven- dome disait son chapelet; madame de Vendome voulait se confesser a M. de Lisieux , qui lui di- sait : — Ma fille , n'ayez point de peur, vous etes en la main de Dieu. Le comte de Brion avail en- tonue bien tristement les litanies de la sainte Vicrge. Tout cela se passa, comme on peut se I'imaginer, en memo temps et en moins de rien. M. de Turenne, qui avail une petite epee a son cote, I'avait aussi tiree, et, apres avoir un peu regarde, comme je I'ai deja dit, il se tourna vers moi de I'air dont il eut donne une bataille , et me dit ces paroles : — Allans voir ces (jens-ld! — Quelles gens? lui repartis-je; — et dans la ve- rite, je croyais que tout le monde avail perdu le sens. 11 me repondit : — Effeclivement je crois que ce pourraient bien elre des diables. Comme nous avions deja fait cinq ou six pas du cote de la Savonnerie , el que nous etions par consequent plus proches du speclacle, je commengai a entre- voir quelque chose, et ce qui m'en parut fut une longue procession de fantomes noirs, qui me donna d'abord plus d'eraotion qu'elle n'en avail donne a M. de Turenne. mais qui, par la reflexion que je fis que j'avais longtemps cherche des es- prits, et qu'apparemmenl j'en trouverais en ce lieu , me fit faire deux ou Irois sauts vers la pro- cession. Les pauvres augustins dechausses, que Ton appelle capucins noirs et qui elaient nos pre- tehdus diables, voyant venir a eux deux hommes qui avaient I'epee a la main , eurent encore plus peur. L'un d'eux, se delachantde la troupe, nous cria : — Messieurs, nous sommes de pauvres re- ligieux, qui ne faisons de mal a personne, el qui venous nous rafraichir un peu dans la riviere pour noire sante. Nous relournames au carrosse, REV — 577 — REV • M. de Turenne et moi, avec des eclats de rire que Ton peut s'imaginer. » Reve. Au bon temps de la loterie royale, les bonnes femmes croyaient que, quand on dor- mait le petit doigt de la main gauche dans la main droite , on etait assure de voir en reve une multitude d'ambes, de ternes et de quaternes. Unhommerevaitqii'ilmangeaitlalune. Ce reve le frappe ; il se leve encore a raoitie endormi, il Gourt a sa fenetre ; regardant au ciel, il ne voit plus que la moi tie de cet astre.... ; il s'ecrie : — Mon Dieu ! vous avez bien fait de me reveiller ; car, avec I'appetit que j 'avals, la pauvre lune, je I'aurais mangee tout entiere. Voy. Songes. Reveille-matin. Les Flamands appellent cette plante le lait du diahle (Duivelsmelk). Revelations. Un citoyen d'Alexandrie vit , sur le minuit, des statues d'airain se remuer et crier a haute voix que Ton massacrait a Constantinople I'empereur Maurice et ses enfants ; ce qui se trouva vrai. Mais la revelation ne fut publiee qu'apres que I'evenement fut connu. L'arche- veque Angelo-Calto (Philippe de Comines I'at- teste) connut la mort de Charles le Teaieraire, qu'il annonga au roi Louis XI a la meme heure qu'elle etait arrivee. — Les prodiges faux sont toujours des singeries de vrais miracles, Pareille- ment une foule de revelations supposees ont trouve le moyen de se faire admettre, parce qu'il y a eu des revelations vraies. Nous ne parlons pas ici de la Revelation qui est un des fondements de notre foi, et sarts la- quelle rien ne peut s'expliquer dans I'homme. Revenants. On debite, comme une chose as- suree, qu'un revenant se trouve toujours froid quand on le touche. Cardan et Alessandro-Ales- sandri sont des temoins qui I'affirment. Cajetan en donne la raison , qu'il a apprise de la bouche d'un esprit, lequel, interroge a ce sujet par une sorciere, lui repondit qu'i/ fallait que la chose fiit ainsi. La reponse est satisfaisante. Elle nous apprend au moins que le diable se sauve quel- quefois par le pont aux anes. Dom Calmet a rapporte I'histoire d'un revenant du Perou qui se manifestait en esprit frappeur. Plusieurs autres en ont fait autant; et de nos jours on en a de frequents exemples. Walter-Scott, dans Peveril du Pic, raconte qu'un brasseur de Chesterfield, mort du spleen, dans un domaine voisin qui lui avait appartenu , revenait a la connaissance de tons et se pro- raenait dans une allee solitaire , accompagne du gros dogue qui, lorsqu'il etait vivant , etait son favori. I! y a des revenants, quoi qu'en disent ceux qui doutent de tout, des revenants reels. Mais les revenants supposes, ou par la supercherie, ou par un raal entendu, ou par le hasard, ou par la peur, sont mille fois plus nombreux que les reve- nants veri tables. Un Italien , retournant a Rome apres avoir fait enterrer son ami de voyage , s'arreta le soir dans une hotellerie ou il coucha. Etant seul et bien eveille, il lui sembla que son ami mort, tout pale et decharne, lui apparaissait et s'approchait de lui. II leva la tete pour le regarder et lui de- manda en tremblant qui il etait. Le mort ne re- pond rien, se depouille, se met au lit et se serre contre le vivant, comme pour se rechauffer. L'autre, ne sachant de quel cote se tourner, s'agite et repousse le defunt. Celui-ci, se voyant ainsi rebute, regarde de travers son ancien com- pagnon, se leve du lit, se rhabille, chausse ses souliers et sort de la chambre, sans plus appa- raitre. Le vivant a rapporte qu'ayant touche dans le lit un des pieds du mort, il I'avait trouve plus froid que la glace. — Cette anecdocte peut n'etre qu'un conte. En voici une autre qui est plus claire :' Un aubergiste d'ltalie qui venait de perdre sa mere, etant monte le soir dans la chambre de la defunte, en sortit hors d'haleine, en criant a tous ceux qui logeaient chez lui que sa mere etait re- venue et couchee dans son lit; qu'il I'avait vue, mais qu'il n'avait pas eu le courage de lui parler. Un ecclesiastique qui se trouvait la voulut y mon- ter ; toule la maison se mit de la parlie. On entra dans la chambre; on tira les rideaux du lit, et on apercut la figure d'une vieille femme, noire et ridee, coiffee d'un bonnet de nuit et qui faisait des grimaces ridicules. On demanda au maitre de la maison si c'etait bien la sa mere? — Oui, s'ecria-t-il , oui , c'est elle ; ah ! ma pauvre mere ! Les valets la reconnurent de meme. Alors le pretre lui jeta de I'eau benite sur le visage, L'es- prit, se sentant mouille, sauta a la figure de I'abbe. Tout le monde prit la fuite en poussant des cris. Mais la coiffure tomba et on reconnut que la vieille femme n'etait qu'un singe. Cet animal avait vu sa maitresse se coiffer, il I'avait imitee, L'auteur de Paris, Versailles et les provinces au dix-huitieme siecle raconte une histoire de reve- nant assez originale, M. Rodry, fils d'un riche negociant de Lyon , fut envoye , a I'age de vingt- deux ans , a Paris , avec des lettres de recomman- dation de ses parents pour leur correspondant, dont il n'etait pas personnellement connu. Muni d'une somme assez forte pourpouvoirvivre agrea- blement quelque temps dans la capitale, il s'as- socia pour ce voyage un de ses amis, extreme- ment gai. Mais, en arrivant, M. Rodry fut attaqud d'une fievre violente; son ami, qui resta pres de lui la premiere journee, ne voulait pas le quitter, et se refusait d'autant plus aux instances qu'il lui faisait pour I'engager a se dissiper, que , n'ayant fait ce voyage que par complaisance pour lui, il n'avait aucune connaissance a Paris. M. Rodry I'engagea a se presenter sous son nom chez le correspondant de sa famille, et a lui remettre ses lettres de recommandation, sauf aeclaircircomme 37 REV — 578 REV il le poLirraiL I'imbroglio qui resiilterait de celLe siipposilion , lorsqu'il se porterait mieiix. Une proposilioii aiissi singuliere ne pouvaiL que plaire au jeune homme ; elle fut acceptee : sous le noin de M. Bodry , il se rend chez ie corres- pondant, lui presente les lettres apporlees de Lyon , joue tres-bien son role et se voit parfai- lement accueilli. Cependant, de retour au logis, il trouve son ami dans I'elat le plusalarmant ; et, nonobstanl lous les secours qu'il lui prodigue, il a le malheur de le perdre dans la nuil. Malgre le trouble que lui occasionnait ce cruel evenement, il sentit qu'il n'etait pas possible de le laire au correspondant de la maison Bodry ; mais com- ment avouer une mauvaise plaisanlerie dans une si Iriste circonslance ? IS'ayanlrplus aucun moyen de la juslilier, ne serait-ce pas s'exposer volon- tairement aux soupcons les plus injurieux , sans avoir, pour les ecarler, que sa bjnnc foi , a la- quelle on ne voudrait pas croire?... Cependanl il ne pouvail se dispenser de rosier pour rendre les derniers devoirs a son ami ; cL il elail impos- sible de ne pas inviler le correspondant a cette lugubre cereiiionie. Ces differenles reflexions, se melant avec le sentiment de la doiileur, le tinrent dans la plus grande perplexite ; mais une idee originale vint lout a coup fixer son incertitude. Pale, defail paries fatigues, accable de tris- tesse, il se presente a dix heures du soirchez le correspondant , qu'il trouve au niilieu de sa fa- mille , et qui, frappe de cette visile a une heure indue, ainsi que du changemenl de sa figure, lui demande ce qu'il a, s'ii lui est arrive quelque malheur... « Helas! monsieur, le plus grand de lous, repond le jeune homme d'un ton solennel; je suis mort ce malin, et je viens vous prior d'assisler a mon enlerrement qui se fera demain. d Profitant de la slupeur de la societe, il s'echappe sans que personne fasse un mouvement pour I'arreter; on veut lui repondre; il a disparu. On decide que le jeune homme est devenu fou, el le correspondant se charged'aller le lendemain, avec son fils, lui porter les secours qu'exige sa situa- tion. Arrives en effet a son logement, ils sent troubles d'abord par les preparalifs funeraires; ils demandent M. Bodry ; on leur repond qu'il est mort la veille el qu'il va etre enterre ce malin... A ces mots, frappes de la plus grande terreur, ils ne douterent plus que ce ne fut I'ame du defunt qui leur avail apparu et revinrent communiquer leur effroi a toule la famille , qui n'a jamais voulu revenir de celle idee. On a pu lire ce qui suit dans plusieurs jour- naux : « Une superstition incroyable a cause re- cemment un double suicide dans la commune de Bussy-en-Oth , departement de I'Aube. Voici les circonstances de ce singulier et deplorable' eve- nement (1841) : un jeune homme des environs elait alle a la peche aux grenouilles et en avail mis plusieurs toutes vi van les dans un sac. En s'en revenant, il apercoit un paysan qui chemi- nait a petils pas. Ce bonhomme portait une veste donl la poche etait entrebaillee. Le pecheur trouva plaisanl de prendre une de ses grenouilles et de la glisser dans la poche de la vesle du paysan. Ce dernier, nomme Joachim Jacquemin, rentre chez lui et se couche, apres avoir mis sa vesle sur son lit. Au milieu de la nuit, il est reveille par un corps etranger qu'il sent sur sa figure, et qui s'agitailen poussant de petits cris inarticules. C'ctait la grenouille qui avail quitte sa retraite, et qui, cherchant sans doule une issue pour se sauver, etait arrivee jusque sur le visage du dor- meur et s'etait mise a coasser. Le paysan n'ose remuer, et bientot sa visiteuse nocturne dispa- rail. Mais le pauvre homme, donl I'esprit etait d'une grande faiblesse , ne doute pas qu'il n'ait eu affaire a un revenanL Sur ces enlrefailes, un de ses amis, voulant lui jouer un tour, vient le prevenir qu'un de ses oncles, qui habile Sens, est mort il y a peu de jours, et il I'engage a se rendre sur les lieux pour recueillir I'herilage. » Jacquemin fait faire des vetements de deuil pour lui et pour sa femme, et se met en route pour le chef-lieu du departement de I'Yonne, distant de son domicile de huit lieues. II se pre- sente a la maison du defunt; la premiere per- sonne qu'il apergoit en entrant, c'est son oncle, Iranquillement assis dans un fauteuil, et qui te- moigne a sen neveu la surprise qu'il eprouve de le voir. Jacquemin saisit le bras de sa femme el se sauve , en proie a une terreur qu'il ne peut dissimuler , et sans donner a son oncle etonne aucune explication. Cependanl lagrenouillen'avait pas abandonne la demeure du paysan : elle avail trouve une retraile dans une fenle de plancher, et la elle poussait frequemment des coassements qui jelaient Jacquemin dans des angoisses epou- vanlables, surloutdepuis qu'il avail vu son oncle. II etait convaincu que c'elait I'ombre de ce pa- rent qu'il avait apergue, et que les cris qu'il en- lendait etaient pousses par lui, qui revenait chaque nuit pour I'effrayer. Pour conjurer le ma- lefice, Jacquemin fit faire des conjurations, qui restaient inefTicaces ; car les coassements n'en continuaient pas moins. Chaque nuit le malheu- reux se relevait, prenaitsa couverlure, qu'il met- tait sur sa tele en guise de capuce, el chanlait REV — 579 — REV 1 devant un balml qii'il avail transforme en aiitel. ! Les coassemenls continuaient toujours !... Enfm, n'y pouvant plus tenir, le pauvre Jacquemin fit i part a quelques personnes de I'intention ou il etait de se donner la mort, et les pria naivement de I'y aider; il acheta un collier en fer, se le mit au cou , et un de ses amis voulut bien serrer la I vis pour I'etrangler; niais il s'arreta quand il crut que la douleur aurait fait renoncer Jacque- min a son projet. Le paysan clioisit un autre I inoyen et pria une autre personne de I'etouffer I entre deux matelas ; cette personne feignit d'y consenlir , et s'arreta quand elle pensa que Jac- quemin avail assez souffert et que ce serait pour lui une legon. Mais Tesprit de Jacquemin elait trop vivement impressionne , et un mallieur etait imminent. En effet, un jour, on fut elonne de ne I pas I'apercevoir; on fit des reclierches dans la ' maison, el on le trouva pendu dans son grenier. Le lendemain, sa femme, au desespoir de la perte de son mari, se jela dans une mare ou elle trouva aussi la mort. » Et voila les suites d'une de ces stupides plai- santeries comrae les jeunes etourdis en font tant ! On conle qu'il y avail dans un village du Poi- tou un fermier nomme Hervias. Le valet de eel liomme pensa qu'il lui serait avantageux d'epou- ser la fille de la maison, qui s'appelait Catherine et qui etait riche. Comme il ne possedait rien, et que pour surcroit la main de la jeune fille etait promise a un cousin qu'elle aimait, le valet ima- gina un stratageme. Un mois avant la noce, comme le fermier se irouvait une certaine nuit plonge dans son meilleur sommeil, il en fut tire en sursaut par un bruit etrange qui se fit aupres de lui. Une main agita les rideaux de son lit; et il vit au fond de sa chambre un fanlome couvert d'un drap noir sur une longue robe blanche. Le fanlome tenail une torche a demi eteinte a la main droite et une fourche a la gauche. II trai- nait des chaines; il avail une tele de cheval lu- mineuse. Hervias poussa un gemissement, son sang se glaga ; et il eut a peine la force de deman- der au fantome ce qu'il voulait. « Tu mourras dans Irois jours, repondil bru- lalement I'esprit, si tu songes encore au mariage projele entre la fille et son jeune cousin ; tu dois la raarier, dans la maison, avec le premier homme que tu verras demain a ton lever. Garde le si- lence ; je viendrai la nuit prochaine savoir la reponse. » En achevanl ces mots, le fantome disparul, Hervias passa la nuit sans dormir. Au point du jour , quelqu'un entra pour lui demander des ordres; c'etait le valet. Le fermier fut conslerne de la pensee qu'il fallait lui donner sa fille ; mais il ne lemoigna rien , se leva , alia trouver Cathe- rine et finit par lui raconter le tout. Catherine, desolee, ne sut que repondre. Son jeune cousin vint ce jour-la; elle lui appril la chose, mais il ne se troubla point. II proposa a son futur beau- pere de passer la nuit dans sa chambre, Hervias y consentil. Le jeune cousin feignit done de par- tir le soir pour la ville , et renlra dans la ferme apres la chute du jour. 11 resta sur une chaise aupres du lit d'Hervias, et tous deux attendirent patierament le spectre. La fenetre s'ouvrit vers minuit; comme la veille, on vit paraitre le fan- tome dans le meme accoutrement, il repeta le raeme ordre. Hervias tremblail, le jeune cousin, qui ne craignail pas les apparitions, se leva et dit : (( Voyons qui nous fait des menaces si pre- cises. » En meme temps il sauta sur le spectre qui voulait fuir ; il le saisit, et, senlanl entre ses bras un corps solide, il s'ecria : « Ce n'esl pas un esprit. » II jela le fantome par la fenetre, qui elait elevee de douze pieds. On enlendit un cri plainlif. « Le revenanl n'osant plus revenir, dit le jeune cousin , allons voir s'il se porte bien. » Le fermier ranima son courage autant qu'il put, el descendit avec son gendre futur. On trouva que le pretendu demon etait le valet de la mai- son,.. On n'eut pas besoin de lui donner des soins; sa chute I'avait assomme, et il mourut au bout de quelques heures : sort facheux dans tous les cas. Dans le chateau d' Ardivilliers , pres de Rre- leuil, en Picardie, au temps de la jeunesse de Louis XV, un esprit faisait un bruit effroyable. C'etaient toute la nuit des flammes qui faisaient paraitre le chateau en feu, c'etaient des hurle- ments epouvanlables. Mais cela n'arrivail qu'en certain temps de I'annee, vers la Toussainl. Per- sonne n'osail y demeurer que le fermier, avec qui I'esprit etait apprivoise. Si quelque malheu- reux passant y couchait une nuit, il elait si bien etrille qu'il en portail longtemps les marques. Les paysans d'alentour voyaient mille fanlomes qui ajoutaient a I'effroi. Tanlot quelqu'un avail apergu en I'air une douzaine d'esprits au-dessus du chateau ; ils etaienl tous de feu el dansaient un branle a la paysanne ; un autre avail irouve dans une prairie je ne sais combien de presi- dents et de conseillers en robe rouge, assis el ju- geanl a mort un gentilhomme du pays, qui avail eu la tete tranchee il y avail bien cent ans. Plu- sieurs autres avaient vu , ou lout au moins oui dire, des merveilles du chateau d'Ardivilliers. Cette farce dura quatre ou cinq ans, et fit grand tort au maitre du chateau, qui 6tait oblige d'af- fermer sa terre a Ires-vil prix. II resolut enfin de faire cesser la lulinerie, persuade par beaucoup de circonslances qu'il y avail de rartifice en lout cela. II se rend a sa terre vers la Toussaint, cou- che dans son chateau el fait demeurer dans sa chambre deux genlilshommes de ses amis, bien resolus, au premier bruit ou a la premiere appa- rition, de tirer sur les esprils avec de bons pis- lolets. Les esprits, qui savent tout, surent appa- remment ces preparatifs ; pas un ne parut. Ils se 37. REV — 580 — RHA contenterent de trainer des chaines dans une chambre du haut, an bruit desquelles la femme et les enfants da fermier vinrent an secours de leur seigneur, en se jetant a ses genoiix pour I'empe- cher de monter dans cette chambre. « Ah ! monseigneur, lui criaient-ils, qu'esl-ce que la force humaine centre des gens de I'aulre monde ? Tons ceux qui ont tente avant vous la meme entreprise en sont revenus disloques. » lis (irent lant d'histoires au maitre du chateau , que ses amis ne voulurent pas qu'il s'exposat; mais lis monterent tous deux a cette grandc et vaste chambre ou se faisait le bruit, le pistolet dans une main, la chandelle dans I'autre. lis ne virent d'abord qu'une epaisse fumee , que quclqucs llammes redoublaicnt par intervalles. Un instant apres, elle s'eclaircit et i'esprit parut confuse- ment au milieu. C'etait un grand diable tout noir qui faisait des gambades, et qu'un autre melange de flammes et de fumee deroba une scconde fois a la vue. 11 avait des curnes, une longue queue. Son aspect epouvautable diminua un peu I'audace de I'un des deux champions. « II y a la quelque chose de surnalurel, dit-il a son conipagiion; retirons-nous. — Non, non, repondit I'aulre; ce n'est que de la fumee de poudre a canon... ct I'esprit ne salt son metier qu'a demi de n'avoir pas encore souffle nos chandelles. » II avance a ces mots, poursuit le spectre, lui lache un coup de pistolet, ne le manque pas ; mais au lieu de tom- ber, le spectre se retourne et le fixe. 11 com- mence alors a s'effrayer a son tour. U se rassure toutefois, persuade que ce ne peut etre un es- prit; et, voyant que le spectre evite de I'appro- cher, il se resout a le saisir, pour voir s'il sera palpable ou s'il fondra entre ses mains. L'esprit, trop presse, sort de la chambre et s'enfuit par un petit escalier. Le gentilhomme descend apres lui , ne le perd point de vue , traverse cours ct jardins, et fait autant de tours qu'en fait le spectre, tant qu'enfin le fantome, etant parvenu a une grange qu'il trouve ouverte , se jette dedans et fond centre un mur au moment ou le gentilhomme pensait I'arreter. Celui-ci appelle du monde; et dans I'endroit ou le spectre s'etait evanoui, il decouvre une trappe qui se fermait d'un verrou apres qu'on y etait passe. II descend, trouve le fantome sur de bons matelas, qui I'empechaient de se blesser quand il s'y jetait la tete la pre- miere. 11 Ten fait sortir, et Ton reconnait sous le masque du diable le malin fermier, qui avoua toutes ses souplesses et en fut quitte pour payer a son maitre les redevances de cinq annees sur le pied de ce que la terre etait affermee avant les apparitions. Le caractere qui le rendait a I'epreuve du pistolet etait une peau de buffle ajustee a tout son corps... Mais retournons aux revenants serieux. Les peuples du Nord reconnaissaient une espece de revenants qui, lorsqu'ils s'emparaient d'un edifice ou du droit de le frequenter , ne se defendaient pas centre les hommes, mais devenaienl fort traitables a la menace d'une procedure legale. L'Eyrbiggia-Saga nous apprend que la maison : d'un respectable proprietaire en Islande se trouva, peu apres que I'ile fut habitee , exposee a une infestation de cette nature. Vers le commence- ment de I'hiver, il se manifesta , au sein d'une famille nombreuse, une nialadie contagieuse qui, emportant quelques individus de tout age, sem- bla menacer tous les autres d'une mort precoce. Le trepas de ces malades eut le singulier resultat de faire roder leurs ombres autour de la maison, en terriliant les vivants qui en sortaient. Comme le nombre des morts dans cette famille surpassa bienlot celui des vivants, les esprits resolurent d'cntrcr dans la maison et de monlrer leurs for- mes vaporeuses et leur affi'euse physionomie jusque dans la chambre ou se faisait le feu pour I'usage general des habitants, chambre qui pen- dant I'hiver, en Islande, est la seule ou puisse se reuiiir une famille. Les survivants elTrayes se re- tirercnt a I'autre exlremile de la maison et aban- donnerent la place aux fan tomes. Des plaintes furcnt portees au pontife du dieu Thor, qui jouissait d'une induence considerable dans I'ile. Par son conseil, le proprietaire de la maison hanlee assembla un jury compose de ses voisins,, constitue en forme, comuie pour juger en ma- tiere civile , et cita individuellement les divers fantomes et ressemblances des membres morts de la famille, pour qu'ils eussent a prouver en vertu de quel droit iis disputaient a lui et a ses serviteurs la paisible possession de sa propriete, et quelle raison ils pouvaient avoir de venirainsi troubler et deranger les vivants. Les manes pa- rurent dans I'ordre oi^i ils etaient appeles; apres avoir murmure quelques regrets d'abandonner leur toit, ils s'evanouirent aux yeux des jures e tonnes. Un jugement fut done rendu alors par defaut centre les esprits; et I'epreuve par jury, dont nous trouvons ici I'origine, obtint un triomphe inconnu a quelques-uns de ces grands ecrivains, qui en ont fait le siijet d'une eulogie. Le singulier fait que nous vsnons d'exposcr est emprunte a la Demonologie de Walter Scolt. Dans la Guinee, on croit que les ames des trepasses reviennent sur la terre , et qu'elles prennent dans les maisons les choses dont elles ont besoin; de sorte que, quand on a fait quel- que perte, on en accuse les revenants; opinion tres-favorable aux voleurs. Voy. Apparitions, Fantomes, Spectres, Athi^nagore, etc. Rhapsodomancie , divination qui se faisait en ouvrant au hasard les ouvrages d'un poctCt et preuant I'endroit sur lequel on tombait pour une prediction de ce qu'on voulait savoir. C'etait ordinairement Homere et Virgile que Ton choi- sissait. D'autres fois on ecrivait des sentences ou RHO — 5 81 — RIB des vers detaches dii poete ; on les remuait dans line urne ; la sentence on le vers qu'on en tirait declarait le sort. On jetait encore des des sur line planche ou des vers etaient ecrits. et ceux sur lesqiielles s'arretaient les des passaient pour contenir la prediction. Chez les modernes, on ouvrait le livre avec une epingle, et on interpre- lait le vers que Tephigle marquait. Rhombus , instrument magique des Grecs , espece de toupie dont on se servait dans les sor- tileges. On I'enlourait de laniferes tressees, a I'aide desquelles on la faisait pirouetter. Les magiciens pretendaient que le mouvement de cette toupie avait la vertu de donner aux hommes les pas- sions et les mouvements qu'ils voulaient leur iuspirer; quand on I'avait fait tourner dans un sens, si Ton voiilait corriger I'effet qu'elle avait produit et lui en donner un contraire , le magi- cien la reprenait et lui faisait decrire un cercle oppose a celui qu'elle avait deja parcouru. Les amants malheureux la faisait tourner en adres- sanl a Nemesis des imprecations contre I'objet de leur amour, s'ils en etaient dedaignes. Rhone. Ce fleuve est honore de quelques petits contes. De temps immemorial , quand les glaciers se fondent, on voit le diable descendre le Rhone a la nage , une epee nue d'une main , un globe d'or de I'autre. Mors il est en homme. D'autres fois il le descend travesti en femme sur un ra- deau grossier. II s'arreta un jour devant la ville de Martigny, et cria en patois : Aigou, haoussou! (Fleuve, souleve-toi!) Aussitot le Rhone obeit en franchissant ses rives, et detruisit une partie de la ville qui est encore en ruines. On croit, dans I'Oberland (Suisse) , que le fra- cas qu'on entend dans le glacier de la Fourche qui produit le Rhin est I'effet des cris et des gemissements des ames qui ont mal vecu sur la terre et qui sont condamnees la a travailler dans les glaces souterraines, pour alimenter sans relache le cours violent du fleuve. Rhotomago, magicien fameux au theatre des ombres chinoises. M. Berbiguier en fait serieuse- mcnt une espece de demon, qui serait le grand maitre des sorciers ' . Rhune, montagne du pays basque, appelee le bosquet du Bouc , parce que les sorciers se sont longtemps reunis la pour faire leur sabbat. Ribadin (Jeannette), jeune personne de dix- huit ans, dont I'histoire a fait du bruit au sei- zieme siecle. Elle etait de la paroisse de Jouin de Cernes , aux environs de Bordeaux. Cueillant un dimanche des herbes dans la campagne , elle fut saisie de convulsions et reprimandee par un de ses parents , qui voulut qu'elle publiat sa faute en pleine assemblee ; il la conduisit a la paroisse apres lui avoir donne ses instructions. Un grand concours arriva; la jeune fille annon^a au peuple assemble qu'elle avait eu grand mal pour avoir travaille le dimanche; ce qu'il fallait eviter pour 1 Les Farfadets, I. I, p. 275. RIB — 582 — RIM ne pas s'attirer les inemes maux; ensuite elle feignit des extases , se roula par terre , et pro- nonga d'un ton prophetique que Dieii ne voiilaiL pas que les femmes portassent des manches froncees, ni les homines des bonnets rouges. L'aflaire parvint aux oreilles de rarcheveque de Bordeaux, qui la fit arreter avec son com- plice, reconnut la fraude et fit avouer a la nile que I'argent que les fideles lui donnaient pour ses pretendues revelations etait partage entre trois suburneurs qui Tavaieat engagee a contrefaire la sainte. Le juge ecclesiastique la condamna a faire amende honorable en I'eglise nietropolitaine de Saint - Andre , la torche au poing , ct Id demander pardon a Dieu. Cette sentence fut executee; mais elle fut encore ren- voyee en la cour, ou, par arret donne a la Tour- nelle , elle fut condamnee , comme criminelle d'imposture, de seduction, d'impiete, d'abus et de scandale public (1587 ). Ses complices furent condamnes avec elle a la reclusion , comme convaincus de seductions en vers cette malheu- reuse fille. Ce qui fait voir que.' les fraudes pieuses n'etaient pas encouragees autrefois , comme le disent les menteurs qui attaquent la religion. Ribesal, spectre dont le peuple en Silesie place la demeure au sommeL du Risemberg. C'est lui, dans leur idee, qui couvre subitement cette montagne de nuages et qui excite les tempetes. C'est le meme que Rubezal. Voij. ce mot. Richard CcEur de lion. On a accuse ce prince orgueilleux de certain commerce avec le diable. Les protestants Font maltraite, comme ils font en general de tons les heros du catholicisme ; et Walter Scott I'a sacrifie dans uu de ses romans'. Richard Sans peur, fils selon les uns, frere selon les autres de Robert le Diable. Quelques 1 Voyez cependaiit sur lui un conte singulier, dans \esLege7idL'S des croisades .Yoyezausi^i i'articleSa/af/ui. romans de chevalerie le presentent comme ayant epouse un demon succube. Voy. aussi Hkla. Ricliard Cceur de lion. Richelieu. Le marechal de Richelieu, etant ambassadeur a Vienne, se fit initier dans la so- ciete de quelques necromanciens, qui lui promi- rent de lui montrer Belzebuth, le prince des de- mons. II donna dans cette chimere. 11 y eut une assembloe nocturne, des evocations : en sorte que I'affaire eclata. Un jour que le marechal disait a Louis XV que les Bourbons avaient peur du diable, le roi lui rdpondit : « C'est qu'ils ne I'ont pas vu comme vous. » Rickius (Jacques) , auteur d'une defense des eprcuves par I'eau froide ; publiee en latin ' , a Cologne, 1597. Rigoux (maitre) , nom donne quelquefois au demon qui preside le sabbat. Rimmon, demon d'un ordre inferieur, pea considere la-bas, quoique premier medecin de I'empereur infernal. II etait adore a Damas sous le nom de Remmon ou Remnon, qui, selon les uns, est Saturne, et, selon les autres, le soleil. On lui attribuait le pouvoir de guerir la lepre. ' Defensio compendiosa certisque modis aslricta probe ut loquuntur aquce frigidce qua m examina- tione maleficorum judices hodie ulmitur, omnibus scitu perquam necessaria, quatuor distincia capi- tibus; auctore Jacobo Rickio, in-12. Coloiiiae Agrip- pinae, RIV — 583 — ROD Riviere (Roch le Baillif, sieurde la) , medecin empirique et aslrologiie, ne a Falaise, dans le seizieme siecle. U devint premier medecin de Henri IV, fiit comble des faveurs de la cour, et mouriit le 5 novembrel605. On dit que Henri euL la faiblesse de liii faire tirer I'horoscope de son fils, depuis LonisXIlI. II s'en defendit longtemps; mais enfin , force par le roi , dent sa resistance avait excite la curiosite, il lui preditquece jeune prince s'attacherait a ses opinions, et que cepen- dant il s'abandonnerait a celles des autres ; qu'il aurail beaucoup a souffrir des huguenots; qu'il ferait de grandes choses et vivrait age d'homme. Henri IV fut afflige de celte prediction, dont il aurait pu deviner aussi une partie. La Riviere a passe, de son temps, pour un grand amateur de philosophie naturelle , et curieux des secrets de celte science. On a de lui : Discours sur la signi- ficaiion de la comete apparue en Occident au signe du Sagiltaire , le 10 noveinhre. Rennes, 1577, in- 4°, rare. Robert. C'est le nom que la petite demoniaque Marie Clauzelte donnait au maitre des sabbats. C'est aussi le nom du demon evoque par Flaque. Robert le Diable, frere aiue selon les uns, .pere selon d'aulres, de Richard Sans peur. On dil qu'il elait fils d'un demon. Ce fut un effroyable bandit. Apres les exces les plus horribles, il se convertit, fit une longue penitence et mourut ermite. On croit en Normandie que son spectre errant doit expier jusqu'au jugement dernier. Voy., dans les Legendes mfernales et dans les Legendes de I' autre monde , la chronique de Ro- bert le Diable, avant et apres sa mort. Robert, sorcier de I'Artois, qui fut condamne, en 1331, au bannissement et a la confiscation de ses biens. II avait forme le dessein d'envouter le roi, la reine et le due de Kormandie. Il avait montre a un pretre une petite figure de cire mysterieusement enveloppee dans un 6crin. Celte figure representait Jean, due de Normandie, fits du roi Robert, roi de France. Ce monarque avait epouse Berlhe, sa cousine issue de germain. Le pape Gregoire V examina Taffaire dans un con- cile. Suivant la discipline du temps, le manage fut declare incestueux , et le concile decreta que les ^poux seraient tonus de se separer et de faire penitence. Le roi Robert, hesitant a se sou- mettre , fut excommunie et son royaume mis en interdit. Un jour qu'il etait alle faire sa priere a la pnrte d'une eglise, on lui presenta un petit monstre qui avait le cou et la tete d'un canard. Mais c'est un conte des historiens. La reine etait aeeouchee d'un enfant mort. Le roi, frappe, se separa de Berthe, et I'excommunication fut levee. C'est a cause de cette fable que la reine Berthe, femme de Robert, fut represented dans quelques- unes de ses statues avec un pied d'oie. Robin Hood ou Robin des bois. Voy. Puck. Robinet de Vaulx, faux ermite, affilie a la vauderie et condamne a Anas, avec Labitle, dit I'abbe de peu de sens : quinzieme siecle. Rocaya (Marie de) , sorciere fameuse par ses crimes, qui fut condamnee au feu dans le pays basque, a la fin du seizieme siecle. Rodenstein. Voy. Hakelberg. Roderik ou Rodrigue. Roderik , dernier roi des Goths en Espagne, se rendit fameux par ses crimes et ses debauches , au commencement du huitieme siecle ;imais il y eut une fin. II etait de- venu epris de la fille du comte Julien, I'un des grands seigneurs de I'Espagne; il la deshonora et la renvoya ensuite de sa cour. Le eomte Julien se vengea en ouvrant aux Maures les portes do I'Espagne. Dans une grande bataille qui dura sept jours, Roderik fut lue, et comme on ne put re- trouver son corps, on publia qu'il avait et6 enleve ' M. Garinet, Hist, dela magie en France, p. 87. ROD — 5Hk — RUB par le demon, que ses mefaits avaient rendu son maitre \ Rodriguez (Ignazio). Voij. Inquisition. Rois de I'enfer. Les rois de I'enfer sont an nombre de sept. On peat les Her depuis trois heures jusqu'a midi, et depuis neuf heures jus- qu'au soir. Voy. Monarchib infernale. Rois de France. II est rapporle dansquelques chroniques que les premiers rois de France por- taient une queue comme les singes; qu'ils avaient du poil de sanglier tout le long de I'epine du dos, etc. Roitelet. Une plume de cet oiseau portee en secret fait gagner a tons les jeux. On le croit au moins dans les villages. Rolande du Vernois. Boguet citecette femme comme sorciere. Elle fut convaincue, au seizieme siecle, tout a la fois d'etre possedee, voleuse et ventriloque, et fut pendue et brulee. Rome, siege et domains de I'Egiise, a qui Notre-Seigneur a dit que « les puissances de I'en- fer ne prevaudront jamais contre elle » . Satan et ceux qu'il entraine savent bien que Rome et tous ses monuments appartiennent au Pape; que Constantin , se sentant amoindri en face du seul pouvoir incontestablement divin, ceda Rome et ses Ktats au Saint-Siege et se fit une autre capi- tale; que Charlemagne conlirma et agrandit cetle donation ; que tous ceux qui ont honore ou de- fendu I'Egiise Romaine ont ele benis et ontpro- spere ; que, depuis saint Pierre jusqu'a nos jours, par la violence ou par les sophismes, tous ceux qui ont attaque le Pape, ou dans sa personne, ou dans son pouvoir, ou dans son domaine, ont subiles coups de la justice divine. Mais Satan, le pere des heresies , des schismes et des deser- tions, ne desarme pas. Romulus, celui qui eleva la ville de Rome. Romulus etait enfant du diable selon quelques- uns, et grand magicien selon tous les demono- manes. Mars, au fait, qui fuL son pere n'elait qu'un demon. Apres qu'il eut bien elabli son em- pire, un jour qu'il faisait la revue de son armee, il fut enleve par im tourbillon, devant la mul- titude, et Bodia observe que le diable, a qui il devait le jour, I'emporta dans un autre royaume. Ronwe, marquis et comte de I'enfer, qui ap- parait sous la forme d'un monstre ; il donne a ses adeptes la connaissance des langues et la bien- veillance de tout le monde. Dix-neuf cohortes infernales sont sous ses ordres ^. Rose-croix. Les rose-croix sont maintenant de hauts officiers dans les grades ridicules de la maqonnerie. Autrefois c'etaient les conservateurs des secrets de la cabale. Naude a ecrit sur les rose-croix un petit livre curieux. Voy. Naud^; , Andre^e, etc. Rose de Jericho. Voy. Brown. 1 Voyez son histoire dans les Legendes infernales. ^ Wierus, in Pseudomon. deem. Rosemberg. Voy. Femmes blanches. Rosendal. Les Suedois de nos jours donnent ce noin (vallee des roses) au lieu ou se fait le sabbat. Rosier, demon invoque comme prince des Dominations dans les litanies du sabbat. Roskolnicks, sectaires russes qui proscrivent le tabac, qu'ils appellent I'arbre du diable. Rounfl. C'est le nom que les Bretons donnent aux ogres. Roussalkis, ondines des Russes, chez qui elles peuplent les etangs et les rivieres. Roustem ou Rustam, heros si fameux dans la Perse qu'il y est devenu presque fabuleux. II vivait au sixieme siecle. On lui prete des actions surnaturelles, comme d'avoir tue mille Tartares d'un seul coup, d'avoir vaincu des dragons et des diables blancs, d'avoir pris des villes a lui seul. C'est I'Hercule des Persans Ronwe. Roux. II y a chez les modernes une antipathic assez generale contre les roux. On expliquait au- trefois ainsi I'origine des barbes rousses. Lorsque Moise surprit les Israelites adorant le veau d'or, il le fit mettre en poudre, mela cette poudre dans de I'eau et la fit boire au peuple. L'or s'ar- reta sur les barbes de ceux qui avaient adore I'idole et les fit reconnaitre; car toujours depuis ils eurent la barbe doree ^ Rubezal, prince des gnomes, fameux chez les habitants des monts Sudetes. II est extreme- ment malin, comme tous les etres de son espece, et joue mille tours aux montagnards. On a ecrit des volumes sur son compte; il est meme le heros de quelques romans ; Musoeus a conte lon- guement ses prouesses. Et toutefois on n'a pas encore suffisamment eclairci ce qui concerne ce lutin, qui probablement est un personnage de 1 M. Eugene Fiandin, Voyage en Perse. 2 Jeremie de Pours, la Divine melodie du saint Psalmiste, p. 829. RUB — 585 — RUN I'ancfenne mylhologie slave, II parait encore, dit-on , dans quelque coin eloigne ; mais chaque annee il perd de sa renommee et de sa conside- ration. — C'est le meme que Ribenzal. Rubis. Les anciens attribuaient a ceLte pierre precieuse la propriete de resister au venin, de preserver de la peste, de bannir la tristesse et de delourner les mauvaises pensees. S'il venait a changer de couleur, il annoncait des malheurs qui devaient arriver; il reprenait sa teinte aus- sitot qa'ils elaient subis. Rue d'Enfer. Voij. Vauvert. Ruffais, magiciens musulmans qui font leurs prestiges "publiquement dans I'lnde, ou toule magie parait avoir les coudees franches. Voici ce qu'on lit a ce sujet, et c'est tres-remarquable, dans le Macjasin naval et militaire, public par des Anglais serieux, 1838, n° 116 : « Depuis que nous sommes dansl'Inde, j'avais entendu parler tres-souvent d'une secte de mu- sulmans qu'on appelle les ruffais. lis prechent I'islamisme et croient le prouver en s'enfongant des epees dans les chairs, en se coupant la langue qu'ils font rotir et qu'ils replacent ensuite , et ils offrent de donner le pouvoir d'operer ces pro- diges a leurs disciples , en ajoutant qu'avec leur foi on pent faire de son corps tout ce que Ton veut, jusqu'a s'arracher les yeux et se couper la tele. » Le colonel G. avait ete temoin de ces expe- riences, en compagnie d'un grave ecclesiastique, qui, s'en trouvantmai, s'etait enfui en disantque c'etait la I'oeuvre de Satan. Le colonel s'ecriait qu'il n'y voyait que magie; ce qui se ressemble assez. J'eus grand'peine a croire que ces recits fussent autre chose qu'une mystification ; et quand plu- sieurs temoignages m'eurent ebranle, j'exprimai le desir de voir de mes propres yeux ce que j'ap- pelais des jongleries. Le jour fixe pour I'epreuve, on dressa une large tente; on y apporta cin- quante lampes , des plats pleins d'arsenic et des plants d'une sorte de cactus qui fournit un sue laiteux , dont une seule goutte produit des am- poules sur la peau. On se procura aussi de vieux pendants d'oreilles, de vieux bracelets, despoi- gnards, des epees, des broches de fer, el quand tout fut pret, nous entrames, cinq officiers et moi , avec une centaine de curieux. Vingt ruffais se trouvaient la, battant du tambour. Aussitot que nous fumes assis, les ruffais chanterent des paroles lirees de leurs livres saints, accompa- gnees des tambours qui alors battaient en me- sure. Ce vacarme alia crescendo jusqu'a ce que tous se sentissent en une sorte d'extase : leurs corps etaient secoues par des tressaillements con- tinuels. lis saisirent les instruments qu'on avait apportes ; les uns se percerent les joues , la lan- gue, la gorge avec des broches et des poignards ; les autres se traverserent le corps avec des epees ; quelques-uns se couperent la langue , la rotirent et la remirent a sa place ou elle se rejoignit com- pletement; un d'entre eux avala, sans en rien souffrir, de grandes quantites d'arsenic, pen- dant qu'un autre devorait les bracelets et les pendants d'oreilles , comme les enfants devorent les friandises. » Tout cela s'operait a un pied de moi, au mi- lieu des lampes , de maniere que je ne pouvais supposer aucune supercherie. Mais ce spectacle me faisait mal, et je ne savais qu'en penser. Le colonel m'assurait que tout ce que je voyais etait reel, et que si quelque imposture s'y melait, il I'aurait decouverte depuis longtemps. Cependant j'hesitais, et comme je disais que j'aurais plus de confiance si ces fails extraordinaires se passaient au grand jour, sans tambours et sans bruit, le lendemain, un peu apres midi, jelisais un jour- nal, etendu sur mon lit, lorsque le chef des ruf- fais vim a moi, portdnt sous son bras toutes sortes d'instruments qu'il jeta a terre. II prit une lame de poignard, se I'enfonga dans la joue gauche, en planta une autre dans la joue droite, se perga la langue d'une troisieme el d'une quatrieme la gorge ; puis il plongea dans son corps trois pouces d'une lame de couleau tres-affilee; tout cela sans qu'une goutte de sang sortit. II allait se couper la langue, je Ten empeclmi avec horreur, car il se tailladait le visage, et ses regards, egares par une sorte de fureur, me faisaient fremir. II avala trois onces d'arsenic; puis il relira toutes les lames qui le lardaient, et il ne sortit de son corps aucune goutte de sang... » L'officier qui a ecrit ce compte rendu declare en finissant qu'il ne sail que croire de tout cela, mais qu'il alteste avoir vu positivement tout ce qu'il expose. Ruggieri (Cosme) , sorcier florentin et cour- tisan de Catherine de Medicis ; il fut appliqu6 a la question en 1574, comme prevenu d'avoir at- tente par ses charmes aux jours de Charles IX, qu'il voulait envoiiter *. Rugner, geant scandinave, dont la lance enorme etait faite de pierre a aiguiser. Dans un duel, Thor la lui brisa d'un coup de sa massue, grosse comme un dome, et en fit sauter les eclats si loin , que c'est de la que viennent toutes les pierres a aiguiser que Ton trouve dans le monde, et qui paraissent evidemment rompues par quel- que effort. Rule (Elspet) , Ecossais convaincu de sorcel- lerie en 1708. Les cours de justice devenant alors moins rigoureuses contre ces crimes, 11 ne futcon- damne qu'au bannissement avec une joue brulee. Runes, lettres ou caracteres magiques que les peuples du Nord croyaient d'une grande vertu dans les enchanlemenls. II y en avait de nuisi- bles, que Ton nommait runes ameres; on les employait lorsqu'on voulait faire du mal, Les 1 M. Garinet, Hist, de la magie en France, p.iSI. RUS — 586 — SAB runes secourables detournaient les accidents ; les rimes victorienscs procuraient la vicLoire a ceux qui on faisaient usage; les runes medicinales gue- rissaient des maladies; on les gravait sur des feuilles d'arbre. Enfin, il y avail des runes pour eviter les naufrages , pour soulager les femines en travail , pour preserver desempoisonnemenls. Ces runes differaient par les ceremonies qu'on ob- servait en les ecrivant, par la matiere sur laquelle on les tragait, par I'endroit oia on les exposait, par la facon dont on arrangeait les lignes, soit en cercle , soit en ligne serpenlanle , soil en triangle, etc. On trouve encore plusieurs de ces caracleres traces sur les rochersdesmersdu Nord. Rush, lulin suedois. Voy. Puck. Ryence, roi fabuleux de la partie seplenlrio- nale du pays de Galles; il etail magicien el por- tait un manteau borde de vingl-qualre barbes de rois. 11 ful tue par le roi Arlhus. Rymer, geanl, ennemi des dieux chez les Scandinaves; il doit a la fin du monde etre le pilole du vaisseau Naglefare. Voy. ce mot. Sabaoth. Les archonliques, secte du deuxieme siecle, faisaient de Sabaoth un ange douteux qui etait pour quelque chose dans les alTaires de ce monde. Les inemes disaient que la femme etait I'ouvrage de Satan, galanLerie digne des here- liques. Sabasius, chef du sabbat, selon certains de- monographes. C'elait autrefois I'lm des surnoms de Bacchus, grand mailre des sorciers dans I'an- tiquile paienne. C'est un gnome chez les caba- listes. Sabathan, demon invoque dans les litanies du sabbat. Sabba, devineresse mise au nombre des si- bylles. On croit que c'etait celle de Cunies. Sabbat. C'est I'assemblee des demons, des sorciers et des sorcieres dans leurs orgies noc- turnes. Nous devons donner ici les relations des demonomanes sur ce sujet. On s'occupe au sab- bat, disent-ils, a faire ou a mediter le mal, u donner des craintes et des frayeurs , a preparer les malefices, a accomplir des mysteres abomi- nables. Le sabbat se fait dans un carrefour ou dans quelque lieu desert et sauvage, aupres d'un lac, d'un elang, d'un marais, parce qu'on y pro- duit la grele et qu'on y fabrique des orages. Le lieu qui sert a ce rassemblement regoil une telle malediction qu'il n'y peut croitre ni herbe nl autre chose. Slrozzi dit avoir vu autour d'un chfitaignier, dans un champ du terriloire de Vi- cence, un cercle dont la terre etait aussi aride que les sables de la Libye, parce que les sorciers y dansaient et y faisaient le sabbat. Les nulls ordinaires de la convocation du sabbat sont celles du mercredi au jeudi et du vendredi au samedi. Qiielquefois le sabbat se fail en plein midi, mais c'est fort rare, Les sorciers et les sorcieres por- tent une marque qui leur est imprimee par le diable; celle marque, par un certain mouvement inlerieur qu'elle leur cause, les averlit de I'heure du ralliemenl. En cas d'urgence, le diable fait paraitre un mouton dans une nuee (lequel mou- lon n'esl-vii que des sorciers), pour rassembler son monde en un instant Dans les circonstances ordinaires , lorsque I'heure du depart est arrivee , apres que les sor- ciers onl dormi , ou du moins ferme un ceil , ce qui est d'obligation , ils se rendent au sabbat monies sur des batons ou sur des manches a balai oints de graisse d'enfant; ou bien des dia- bles suballernes les transporlenl sous des formes de boucs, de chevaux, d'imes ou d'autres ani- maux. Ce voyage se fait toujours en Fair. 0»and les sorcieres s'oignenl pour monter sur le manche a balai qui doit les porter au sabbat, elles repe- tent plusieurs fois ces mols : Emen-hdlan! emen- hetan! qui signifienl, dil Delancre : Icietld! ici SAB — 587 — SAB et Id! II y avait cependant en France des sor- cieres qui allaient au sabbat sans baton, ni graisse , ni monture , seulement en prononcant qiielques paroles. Mais celles d'ltalie ont toujours un bouc qui les attend pour les emporter. Elles ont coutume , comme les notres, de sortir gene- ralement par la cheminee. Ceux ou celles qui manquent au rendez-vous payent une amende ; le diable aime la discipline. Les sorcieres raenent souvent au sabbat, pour differents usages, des enfants qu'elles derobent. Si une sorciere promet de presenter au diable, dans le sabbat prochain , le fils ou la fille de quelque gueux du voisinage et qu'elle ne puisse venir a bout de I'attraper, elle est obligee de presenter son propre fils ou quelque autre en- fant d'aussi haut prix. Les enfants qui plaisent au diable sont admis parmi ses sujets de cette maniere : Maitre Leonard , le grand negre , pre- sident des sabbats, et le petit diable, maitre Jean Mullin, son lieutenant, donnent d'abord un par- rain et une marraine a I'enfant ( Voy. Bapteme DU diable); puis on le fait renoncer Dieu, la Vierge et les saints, et, apres qu'ii a renie sur le grand livre, Leonard le marque d'une de ses cornes dans I'oeil gauche. IL porte cette marque pendant tout son temps d'epreuves, a la suite duquel, s'il s'en est bien tire, le diable lui admi- nistre un autre signe qui a la figure d'un petit lievre, ou d'une patte de crapaud, ou d'un chat noir. Durant leur noviciat, on charge les enfants admis de garder les crapauds, avec une gaule blanche, sur le bord du lac, tous les jours de sabbat; quand ils ont recu la seconde marque , qui est pour eux un brevet de sorciers, ils sont admis a la danse et au festin. Les sorciers, inities aux mysteres du sabbat, ont coutume de dire : J'ai bu du tahourin , j'ai mange du cymbale , et je suis fait profes. Ce que Leloyer explique de la sorte : « Par le tabourin, on entend la peau de bouc enflee de laquelle ils tirent le jus et con- somme pour boire, et par le cymbale le chau- dron ou bassin dont ils usent pour cuire leurs ragouts. » Les petits qui ne promettent rien de convenable sont condamnes a etre fricasses. II y a la des sorcieres qui les depecent et les font cuire pour le banquet. Lorsqu'on est arrive au sabbat, le premier de- voir est d'aller rendre hommage au maitre. II est assis sur un trone ; ordinairement il affecle la figure d'un grand bouc ayant trois cornes, dont celle du milieu jette une lumiere qui eclaire I'as- semblee; quelquefois il prend la forme d'un oi- seau, ou d'un boeuf, ou d'un tronc d'arbre sans pied, avec une face humaine fort lenebreuse; ou bien il parait en oiseau noir ou en homme lantot noir, tantot rouge. Mais sa figure favorite est celle d'un bouc. 11 porte une couronne noire , les cheveux herisses , le visage pale et trouble , les yeux ronds, grands, fort ouverts, enflammes et hideux; une barbe de chevre, les mains comme celles d'un homme , excepte que les doigts sont tous egaux, courbes comme les griffes d'un oi- seau de proie, et termines en pointe ; Jes pieds en pattes d'oie , la queue longue comme celle d'un &ne ; il a la voix effroyable et monotone , tient une gravite superbe, et porte toujours sous la queue un visage d'homme noir, visage que tous les sorciers baisenl en arrivant au sabbat : c'est la ce qu'on appelle I'hommage. II donne ensuite un pou d'argent a tous ses adeptes; puis il se leve pour le festin , ou le maitre des cere- monies place tout le monde, chacun selon son rang, mais toujours un diable a cote d'un sorcier. Quelques sorciferes ont dit que la nappe du sabbat est doree, et qu'on y sert toutes sorles de bons mets, avec du pain et du vin delicieux. Mais le plus grand nombre do ces femmes ont declare, au contraire, qu'on n'y sert que des cra- pauds, de la chair de pendus, de pelits enfants non baptises et mille autres horreurs, et que le pain du diable est fait de millet noir. On chante pendant le repas des choses abominables ; et apres qu'on a mange, on se leve de table, on adore le maitre, puis chacun se divertit. Les uns dansent en rond, ayant chacun un chat pendu auderriere; d'autres rendent compte des maux qu'ils ont faits, et ceux qui n'en ont pas fait assez sont punis. Des sorcieres repondent aux accusa- tions des crapauds qui les servent; quand' ils se plaignent de n'etre pas bien nourris par leurs maitresses , les maitresses subissent un chali- ment. Les correcteurs du sabbat sont de petits de- mons sans bras, qui allument un grand feu, y jettent les coupables, et les en retirent quand il le faut. Ici, on fait honneur a des crapauds, habilles de velours rouge ou noir, portant une sonnetle au cou et une autre au pied droit. On les donne comme d'uLiles serviteurs aux sorcieres qui ont bien merite des legions infernales. La, une ma- gicienne dit la messe du diable pour ceux qui veulent I'entendre. Ailleurs se commettent les plus revoltantes et les plus honteuses horreurs. SAB — 588 — SAB Ceux et celles qui voiit baiser le visage inferieiir du niaitre tiennent une chandelle sombre a la main. II en est qui forment des quadrilles avec des crapauds vetus de velours et charges de sonnettes. Ges divertissements durent jusqu'au chant du coq. Aussitot qu'il se fait entendre, tout est force de disparaitre. Alors le grand negre leur donne conge, et chacun s'en retourne chez soi On conte qu'un charbonnier, ayant ete averti que sa femme allait au sabbat, resolut de I'epier. Une nuit qu'il faisait semblant de dormir, elle se leva, se frolta d'une drogue et disparut. Le charbonnier, qui I'avait bien examinee, prit le pot a la graisse, s'en frotta comme elle, etful aussitot transporte, par la cheminee, dans la cave d'un comte, homme considere au pays; il trouva la sa femme et tout le sabbat rassemble pour une seance secrete. Le souper descendait la par cine poulie. La femme du charbonnier, I'ayant apergu, fit un signe : au meme instant lout s'envola , et il ne resta dans la cave que le pauvre charbonnier, qui, se voyaut pris pourun voleur, avoua ce qui s'etait passe a son egard et ce qu'il avait vu dans cette cave Un paysan se rencontrant de nuit dans un lieu ou Ton faisait le sabbat, on lui offrit a boire, 11 jeta la liqueur a terre et s'enfuit, emportant le vase, qui etait d'une matiere et d'une couleur inconnues. II fut donne a Henri le Vieux, roi d'Angleterre, si Ton en croit le conte Mais , • M. Jules Garinet, apres Delancre, Bodin, Delrio, Maiol, Leloyer, Danaeus, Boguet, Monstrelet, Tor- quemada, etc. 2 Delrio, Disquisitions magiques, et Bodin, p. 30. 3 Trinum magicum. malgrd son prix et sa rarete, le vase est sans doute retourne a son premier maitre. Pareillement, un boucher allemand entendit, en passant de nuit par une foret, le bruit des danses du sabbat; il eut la hardiesse de s'en approcher, et tout s'eva- nouit. II prit des coupes d'argent qu'il porta au magistrat, lequel fit arreter et pendre toutes les personnes dont les coupes portaient le nom Un sorcier mena son voisin au sabbat en lui pro- mettant qu'il serait I'homme le plus heureux du monde. II le transporta fort loin, dans un lieu ou se trouvait rassemblee une nombreuse compa- gnie, au milieu de laquelle etait un grand bouc. Le nouvel opprenti sorcier appela Dieu a son se- cours. Alors vint un tourbillon impctueux : tout disparut; il demeura seul et fut trois ans a re- tourner dans son pays ^ « Le sabbat se fait, disent les cabalistes, quand les sages rassemblent les gnomes pour les enga- ger a epouser les fiUes des hommes. Le grand Orphee fut le premier qui convoqua ces peuples souterrains. A sa premi&i^e semonce, Sabasius, le plus ancien des gnomes, contracta alliance avec une femme. C'est de ce Sabasius qu'a pris son nom cette assemblee, sur laquelle on a fait mille contes impertinents. Les demonomanes preten- dent aussi qu'Orphee fut le fondateur du sabbat, et que les premiers sorciers qui se rassemblerent de la sorte se nommaient orphdolelcstes. La veri- table source de ces orgies sinistres a pu prendre naissance dans les bacchanales , ou Ton invo- quait Bacchus en criant : Sabod ! » Dans I'affaire de la possession de Louviers, Madeleine Bavent, touriere du couvent de cette ville , confessa des choses singulieres sur le sab- bat. Elle avoua qu'elant a Rouen, chez une cou- turiere, un magicien I'avait engagee et conduite au sabbat ; qu'elle fut mariee la a Dagon , diable d,'enfer; que Mathurin Picard I'eleva a la dignite de princesse du sabbat, quand elle eut promis d'ensorceler toute sa communaute; qu'elle com- posa des malefices en se servant d'hosties consa- crees ; que , dans une maladie qu'elle eprouva , Picard lui fit signer un pacte de grimoire ; qu'elle vit accoucher quatre magiciennes au sabbat; qu'elle aida a egorger et a manger leurs enfants; que le jeudi saint on y fit la cene en y mangeant un petit enfant; que, dans la nuit du vendredi, Picard et Boule avaient perce une hostie par le milieu, etque I'hostie avait jete du sang. De plus, elle confessa avoir assiste a revocation de I'ame de Picard , faite par Thomas Boule dans une grange , pour confirmer les malefices du diocese d'Evreux. Elle ajouta a ces depositions, devant le parlement de Rouen , que David , premier di- recteur du monastere , etait magicien ; qu'il avait donne a Picard une cassette pleine de sorcelle- ries , et qu'il lui avait delegue tous ses pouvoirs 1 Joachim de Cambrai. • Torquemada, dans VHexameron. SAB — 589 — SAB diaboliqaes ; qu'un jour, dans le jardin , s'etant assise sous un murier, un horrible chat noir el puant kii avail mis ses pattes sur ses epaules et avait approche sa gueule de sa bouche ; c'etait un demon. Elle dit en outre qu'on faisail au sab- bat la procession ; que le diable , moitie homme et moitie bouc , assistait a ces ceremonies execra- bles, et que sur I'autel il y avait des chandelles allumees qui etaient toutes noires. On trouve ge- neralement le secret de ces horreurs dans les moeurs abominables de la fin du seizierae siecle. Dans le Limbourg, il n'y a pas cent ans, on i comptait encore beaucoup de bohemiens et de ! bandits qui faisaient le sabbat. Leurs initiations avaient lieu dans un carrefour solitaire, oii vege- . tait une masure qu'on appelait la Chapelle des j boucs. Celui qu'on recevait sorcier etait enivre, puis mis a califourchon sur un bouc de bois qu'on agitait au moyen d'un pivot; on lui disait qu'il voyageait par les airs. II le croyait d'aulant plus qu'on le descendait de sa monture pour le jeter dans une orgie qui etait pour lui le sabbat On sail, dit Malebranche , que cette erreur du sabbat n'a quelquefois aucun fondement; que le pretendu sabbat des sorciers est quelquefois I'ef- fet d'un delire et d'un dereglement de I'imagina- tion, cause par certaines drogues desquelles se servent les malheureux qui veulent se procurer ce delire. Ce qui entretient la credulite populaire, ajoute Bergier, ce sont les recits de quelques I peureux qui, se trouvant egares la nuit dans les forets, ont pris pour le sabbat des feux allumes par les bucherons et les charbonniers , ou qui, s'etant endormis dans la peur, ont cm entendre et voir le sabbat , dont ils avaient I'imagination frappee. II n'y a aucune notion du sabbat chez les anciens Peres de I'Eglise. II est probable que c'est une imagination qui a pris naissance chez les barbares du Nord ; que ce sont eux qui I'ont apportee dans nos climats, et qu'elle s'y est accre- ditee par des faits , comrae celui de la Chapelle des boucs , au milieu de I'ignorance dont leur irruption fut suivie. Charles II , due de Lorraine, voyageant inco- gnito dans ses Etats, arriva un soir dans une ferme, oii il se decida a passer la nuit. 11 fut sur- pris de voir qu'apres son souper on preparait un second repas plus delicat que le sien, et servi avec un soin et une proprete admirables. II de- manda au fermier s'il attendait de la compagnie. « Non , monsieur, repondit le paysan ; mais c'est aujourd'hui jeudi , et toutes les semaines, a pa- reille heure, les demons se rassemblent dans la foret voisine avec les sorciers des environs pour y faire leur sabbat. Apres qu'on a danse le branle du diable , ils se divisent en quatre bandes. La premiere vient souper ici ; les autres se rendent 1 Voyez, aux Legendes infernales, I'histoire de la Chapelle des boucSj ins^ree dahs le chapitre des sor- ciers i dans des fermes peu eloignees. — Et payent-ils cequ'ils prennent? demanda Charles. — Loin de payer, repondit le fermier, ils emportent encore ce qui leur convient , et s'ils ne se trouvent pas bien regus, nous en passons de dures; mais que voulez-vous qu'on fasse contre des sorciers et des demons? » Le prince, etonne, voulut appro- fondir ce mystere; il dit quelques mots a I'oreille d'un de ses ecuyers , et celui-ci partit au grand galop pour la ville de Toul, qui n'etait qu'a trois lieues. Vers deux heures du matin, une trentaine de sorciers, de sorcieres et de demons entrerent; les uns ressemblaient a des ours , les autres avaient des cornes et des griffes. A peine etaient- ils a table que I'ecuyer de Charles II reparut, suivi d'une troupe de gens d'annes. Le prince, escorte , entra dans la salle du souper : — Des dia'oles ne mangent pas, dit-il; ainsi vous vou- drez bien permettre que mes gens d'armes se meltent a table a votre place... Les sorciers vou- lurent repliquer, et les demons profererent des menaces. Vous n'etes point des demons, leur cria Charles : les habitants de I'enfer agissent plus qu'ilsne parlent, et si vous en sortiez, nous serious deja tous fascines par vos prestiges. Voyant ensuite que la bande infernale ne s'eva- nouissait pas, il ordonna a ses gens de faire main basse sur les sorciers et leurs patrons. On arreta pareillement les autres membres du sab- bat, et le matin Charles II se vit maitre de plus decent vingt personnes. On les depouilla, et on trouva des paysans, qui, sous ces accoutrements, se rassemblaient de nuit dans la foret pour y faire des orgies abominables, et piller ensuite les riches fermiers. Le due de Lorraine (qui avait genereusement paye son souper avant de quitter la ferme) fit punir ces pretendus sorciers et de- mons comme des coquins et des miserables. Le voisinage fut delivre pour le moment de ces craintes; mais la peur du sabbat ne s'affaiblit pas pour cela dans la Lorraine. Duluc, dans ses Lettres sur I'histoire dc la terre et de I' homme, tome IV, lettre 91 , rapporte en- core ce qui suit : « II y a environ dix ans , vers 1769 , qu'il s'etait forme dans la Lorraine alle- mande et dans I'electorat de Treves une associa- tion de gens de la cainpagne qui avaient secoue tout principe de religion et de morale. Ils s'e- taient persuade qu'en se mettant a I'abri des lois ils pouvaient satisfaire sans scrupule toutes leurs passions. Pour se soustraire aux poursuites de la justice, ils se comportaient dans leurs vil- lages avec la plus grande circonspection : Ton n'y voyait aucun desordre ; mais ils s'assem- blaient la nuit en grandes bandes, allaient a force ouverle depouiller les habitations ecartees, com- mettaient d'abominables exces, et employaient les menaces les plus terribles pour forcer au si- lence les victimes de leur brutalite. Un de leurs complices ayant ete saisi par hasard pour quel- SAB — 590 — SAD aie delit isole, on decouvrit la trame de cette confederation detestable, et Ton comple par cen- taines les scelerals qu'il a falhi faire perir sur I'echafaiid. » Voy. Blokula, Litanies du sab- bat, etc. Sabbathai Zevi , faux messie des juifs au dix- septieme siecle Sabeisme , culte que Ton rend aux elements et aux astres, el qui, selon quelques-uns, est To- rigine de I'astrologie judiciaire. Sabellicus (Georges), farceur allemand qui parcourait TAlIemagne au commencement du dix-septieme siecle, en se disant chef des necro- inanciens , astrolo^ues , magiciens , chiroman- ciens , pyromanciens , etc. II gagna ainsi beau- coup d'argent, et fut tres-revere des vieilles feninies et des petits enfants Sabienus. Dans la guerre de Sicile entre Cesar et Pompee, Sabienus, commandant la flotte de Cesar, ayant ete pris, fut decapite par ordre de Pompee. 11 demeura tout le jour sur le bord de la mer, sa tete ne tenant plus au corps que par un filet. Sur le soir, il pria qu'on fit venir Pompee ou quelqu'un des siens, parce qu'il arri- vait des enfers, et qu'il avait des choses impor- tantes a communiquer. Pompee envoya plusieurs de ses amis, auxquels Sabienus declara que la cause et le parti qu'ils servaient alors etaient agreables aux dieux des enfers , et que leur chef reussirait ; qu'il avait ordre de le lui annoncer, et que, pour preuve de ce qu'il disait, il allait mourir aussitot : ce qui eut lieu. Mais on ne voit pas que le parli ait reussi, dans le sens natui'el du mot. Sabim , nom des astrologues turcs. Sable. Les Madecasses n'entreprennent jamais la guerre sans consul ter leurs augures : ceux-ci ont une petite calebasse remplie d'un sable qui ne se trouve qu'en certains lieux ; ils le re- pandent sur une planche et y marquent plusieurs ligures. lis pretendent connaitre par la s'ils vain- cront leurs enneniis Sabnac ou Salmac , grand marquis infernal , demon des fortifications. II a la forme d'un sol- dat arme, avec une tele de lion. II est monle sur un cheval hideux. II metamorphose les hommes en pierres, et batil des tours avec une adresse surprenante. II a sous ses ordres cinquante le- gions Sacaras , anges du sixierae ordre chez les Madecasses. Ils sont tous malfaisants, Saccilaires , anciens charlatans qui se ser- vaient de la magie pour s'approprier I'argent d'aulrui. Sacrifices. L'homme, partout ou il a perdu ' Voyez son liistoire a la fin des Legendes de I'An- cien Testament. 2 Salgues , Des erreurs et des prejuges. 3 Voyage de Madagascar, de 1722. * Wierus, in Pseudom. deem. les lumieres de la revelation, s'est fait des dieux cruels, alleres de sang, avides de carnage. He- rodote dil que les Scythes immolaient la cin- quieme parlie de leurs prisonniers a Mars Exler- minateur. Autrefois les Siberiens se dispulaienl I'honneur de perir sous le couteau de leurs pre- Ires. — Tout cela est un myslere, sur lequel on doit lire ce qu'en a ecrit Joseph de Maistre. II y avait un temple chez les Thraces ou Ton n'immolait que des viclimes humaines; les pretres de ce temple porlaient un poignard pendii au cou, pour marquer qu'ils etaient toujours prets a tuer. Dans le temple de Bacchus, en Arcadie, et dans celui de Minerve, a Lacedemone, on croyait honorer ces divinites en dechirant im- pitoyablement , a coups de verges , de jeunes lilies sur leurs autels. Les Germains et les Cim- bres ne sacrifiaient les hommes qu'apres leur avoir fait endurer les plus cruels supplices. II y avait dans le Pegu un temple ou Ton renfermait les filles les plus belles et de la plus haute nais- sance ; elles etaient servies avec respect; elles jouissaient des honneurs les plus distingues; mais tous les ans une d'elles etait solenneilement sa- crifiee a I'idole de la nation. C'etait ordinairement la plus eclalante qui avait I'honneur d'etre choi- sie ; et le jour de ce sacrifice etait un jour de fete pour tout le peuple. Le pretre depouillait la vic- time, I'etranglait, fouillait dans son sein, en ar- rachait le coeur, et le jetait au nez de I'idole. Les Mexicains immolaient des milliers de victimes humaines au dieu du mal, Presque tous les peu- ples, hors le peuple de Dieu dans I'ere ancienne et les Chretiens dans la noiivelle, ont exerce sans scrupule de pareilles barbaries. C'est un usage etabli a Benin de sacrifier aux idoles les criminels ; on les reserve dans cette vue. Ils doivent toujours etre au nombre de vingt-cinq. Lorsque ce nombre n'est pas coui- plet, les ofliciers du roi serepandent dans I'obs- curite de la nuit et saisissent indistinclement tous ceux qu'ils rencontrent ; mais il ne faut pas qu'ils soient eclaires par le moindre rayon de lumiere. Les victimes saisies sont remises entrc les mains des pretres, qui sont maltres de leur sort. Les riches ont la liberie de se racheter, ainsi que leurs esclaves ; les pauvres sont sacrifies. Ce qu'on appelait I'hecatombe etait le sacri- fice de cent victimes, proprementde cent bneufs, mais qui s'appliqua dans la suite aux sacrifices de cent animaux de meme espece, meme de cent lions ou de cent aigles; c'etait le sacrifice impe- rial. Ce sacrifice se faisait en meme temps sur cent autels de gazon par cent sacrificateurs. On accusait les sorciers de sacrifier au diable, dans leurs orgies, des crapauds, des poules noires et de petits enfants non baptises : belle assimila- tion ! Sadey, compere de Flaque. foy. ce mot. Sadial ou Sadiel , ange qui, selon les musul- SAI — 591 — SAI mans, gouverne le troisieme ciel et qui est charge d'affermir la terre , laqiielle serait dans un moii- vement perpetuel, s'il n'avait le pied dessus. Saignement de nez. Qiiand on perd par le ; nez trois gouttes de sang seiilement, c'est un pre- i sage de mort pour qiielqu'un de la famille. Si on j en perd quatre, le presage est nul. I Sainokavara , endroit du lac Fakone cii les I Japonais croient que les ames des enfants sont retenues comme dans une espece de limbes. Sains ( Marie de ) , sorciere et possedee. Vol/. Posse DiJES de Flandre. Saint-Andre. Ce docteur , qui a ecrit contre les superstitions , fut appele, en 1726, par une ;femine qui lui fit confidence qu'elle etait accou- : chee d'un lapereau. Le docteur temoigna d'abord sa surprise; mais, quelques jours apres, cette femme pretendit ressentir des tranchees; elle ne doiita pas qu'elle n'eut encore quelque lapin a meltre au monde. Saint-Andre arrive, et, pour ne rien negliger, il delivfe lui-meme la malade, Elle accouche en effet d'un petit lapin encore vivant. Les voisines et le docteur de crier mi- racle. On donne de I'argent a la mere des la- pins; elle prend gout au metier, et se met indis- cretement a accoucher lous les huit jours. La police, etonnee d'une si f^conde maternite, croit devoir se meler de cette affaire. On enferme la dame aux lapins, on la surveille exactement, et Ton s'assure bientot qu'elle s'est moquee du pu- blic , et qu'elle a cru trouver une dupe dans le docteur Saint-Andre *. II a laisse des lettres sur la magie, un vol. in-1 2. Son jugement n'est pas exact. Saint-Aubin , auteur calviniste de VHistoire des diables de Loudun, dans I'affaire d'Urbain Grandier. Un vol. in-12. Amsterdam, 1716. Ce livre, ecrit avec une mauvaise foi insigne, n'est plein que de faussetes. _ M. I'abbe Leriche, a la suite de ses belles Etudes sur les possessions en general et sur celle de Loudun en particulier , a redresse comple- tement les mille et un mensonges de ce calvi- niste , « qui n'a donne son livre au public , que soixante ans apres I'evenement, lorsque lesjuges et les temoins etaient morts, qui a supprime tout ce qui le genait dans son roman , qui presente comme un innocent opprime ce Grandier, homme orgueilleux, violent, vindicatif, debauche. Inde- pendamraent du crime de magie bien prouve, cet homme meritait le feu , « sur la deposition de soixante temoins » . Saint-Aubin a ete copi^ par Gayot de Pitaval, dans sa lourde collection des Causes celebres. Les coeurs droits qui recherchent la verite feront bien de lire le savant ouvrage que nous citons; et nos biographes , s'ils sont seulement honnetes, ne poseront plus Grandier en victime. * Salgues, Des erreurs et des prejuges, etc., t. Ill, p. 111. Saint-Germain (le comte de) , charlatan ce- lebre du dernier siecle, qui se vantait de faire de I'or, de gonfler les diamants et d'operer beaucoup de choses merveilleuses. Comme on ignorait son origine, il se disait immortel par la vertu de la pierre philosophale ; et le bruit courait qu'il etait age de deux mille ans. II avait I'art d'envelopper ses dupes dans le tissu de ses etranges confi- dences. Contant un jour qu'il avait beaucoup connu Ponce -Pilate a Jerusalem, il dtoivait mi- nutieusement la maison de ce gouverneur remain et disait les plats qu'on avait servis sur sa table, un soir qu'il avait soupe chez lui. Le cardinal de Rohan, croyant n'entendre la que des reveries, s'adressa au valet de chambre du comte de Saint- Germain , vieillard aux cheveux blancs , a la figure honnete : « Mon ami , lui dit-il , j'ai de la peine a croire ce que dit votre maitre. Qu'il soil ventriloque, passe; qu'il fasse de I'or, j'y con- sens; mais qu'il ait deux mille ans et qu'il ait vu Ponce-Pilate , c'est trop fort. Etiez-vous la ? — Oh 1 non, monseigneur, repondit ingenument le valet de chambre, c'est plus ancien que moi. II n'y a guere que quatre cents ans que je suis au service de M. le comte... » Saint-Gille, marchand epicier a Saint-Ger- main en Laye, qui fut presente comme ventri- loque a I'Academie des sciences, le 22 decembre 1770. II avait le talent d'articuler des paroles tres-distinctes , la bouche bien fermee et les levres bien closes , ou la bouche granderaent ou- verle , en sorte que les spectateurs et auditeurs pouvaient y plonger. 11 variait admirablement le timbre, la direction et le ton de sa voix, qui semblait venir tantot du milieu des airs, tantot du toit d'une maison opposee, de la voute d'un temple, du haut d'un arbre , tantot du sein de la terre, etc. Saints. D'impudents charlatans ont imagine Le sorcier.. — Page 592. une abominable superstition dont les saints memes sont I'objet. Le tribunal de Saint-Quentin a juge, en mars 1828, une cause ou cette imposture s'est ' Le ventriloque de I'abbe de la Chapelle, cite parM. Garinel, Hist, de la magie en France, p. 278. SAK — 592 — SAL raise a jour. Des paysannes, dont les enfants de- perissaient, s'adresserent a uii sorcier, nomme Pierre -Louis D , batteur en grange a Pithon (diocese de Cambrai). II leur dit que le mal dont elles gemissaient venait de quelques sainLs me- conlents , que la famille avail irrites , et qui fai- saient senlir leur colere sur les enfants; mais qu'il y avail moyen de les apaiser. Ce moyen, il Temploya en se faisanl donner des pieces de six liards (monnaie qui n'esl plus qu'un souvenir) el les faisanl sauter dans de I'eau, qu'il disail benite pour son operation. Eclaire par cetle ce- remonie, le sorcier, car on lui donnait ce nom, revela les noms des sainls dont les bonnes fem- mes devaienldesarmer la vengeance. iNous citons ses expressions. Apres quoi , il se fit payer sa consultation. Mais comme les enfanls n'eprouve- verent aucun soulagemenl, sur la rumeur pu- blique, D fut appele en justice el condarane a un an de prison. Sakhar , genie infernal qui, suivanl le Talmud, s'empara du trone de Salomon. Apres avoir pris Sidon et tue le roi de cetle ville , Salomon em- mena sa fille Tereda ; comme elle ne cessail de deplorer la mort de son pere , il ordonna au diable de lui en faire I'image pour la consoler. Mais cetle statue, placee dans la chambre de la princesse , devint I'objet de son culle el de celui de ses femmes. Salomon , informe de cetle idola- trie par son vizir Asaf, brisa la statue, chatia sa femme el se retira dans le desert , ou il s'humilia devanl Dieu. Ses larmes et son repenlir ne le sauverenl pas de la peine que merilail sa faute. Ce prince etait dans I'usage de remellre , avant d'enlrer dans le bain , son anneau , dont dcpen- dail sa couronne , a une de ses femmes noinmee Amina. Un jour, Sakhar vinl a elle sous les trails du roi , et, recevanl I'anneau de ses mains, pril, en vertu de ce talisman, possession du trone, el fit dans les lois tous les changemenls dont sa mechancete s'avisa. En raeme temps Salomon, dont la figure n'elait plus la meme, meconnais- sable aux yeux de ses sujets , fut oblige d'errer et de demander I'aumone. Enfin, au bout de quaranle jours, espace de temps durant lequel I'idole avail ete honoree dans son palais, le diable pril la fuite et jeta I'anneau dans la mer. Un poisson qui venail de Uavaler fut pris el servi devanl Salomon , qui relrouva la bague dans ses enlrailles. Rentre en possession de son royaume, ce prince saisit Sakhar, lui chargea le cou d'uue pierre , et le precipita dans le lac de Tiberiade. Sakhrat. II y a une montagne que les maho- melans croient entourer tout le globe. C'est la montagne de Kaf. Elle a pour fondementla pierre Sakhrat , dont Lokman disail que quiconque en aurait seulement le poids d'un grain ferail des miracles. Cetle pierre est faite d'une seule cme- raude , el c'est de sa reflexion que le ciel nous parait azure. Lorsque Dieu veul exciter un tiem- blement de terre , il commande a cetle pierre de donner le mouvement a quelqu'une de ses ra- cines. La terre se trouve au milieu de cetle mon- tagne , comme le doigl au" milieu de I'anneau ; sans eel appui , elle serait dans une perpeluelle agitation. Pour y arriver, il faut traverser un tres-grand pays lenebreux; nul homrae n'y peut penetrer s'il n'esl conduit par quelque intelli- gence. C'est la que les dives ou mauvais genies onl ele confines, apres avoir ete subjugues par les premiers heros de la race des hommes ; c'est la aussi que les peris ou fees font leur demeure ordinaire. Sakimouni, genie ou dieu, dont les legende des Kalmouks racontenl qu'il habitail le corps d'un lievre; il rencoutra un homme qui mourait de faim , il se laissa prendre pour satisfaire I'ap- pelil de ce malheureux. L'espril de la terre, sa- tisfail de cetle belle action , plaga aussitol I'ame de ce lievre dans la lune , ou les Kalmouks pre- tendent la decouvrir encore * . Saladin. Au moyen age , on croyait tres-ge- neralement que les Sarasins , dans leurs guerres, etaient, comme insignes sorciers, assisles par le diable. Waller Scott, dans sa Dimonologie , rap- porte un exemple que voici ; il est lire du vieux roman de Richard Cceiir de lion. Le fameux Saladin, y esl-il dit, avail envoye une ambassade au roi Pilchard, avec un jeune cheval qu'il lui offrait comme un vaillant destrier. 11 defiait en meme temps Coeur de lion a un combat singulier, en presence des deux armees, dans le but de decider tout d'un coup leurs pre- tentions a la Palestine et la question theologique de savoir quel etait le vrai Dieu, ou le Dieu des Chretiens, ou celui qu'adoraient les Sarasins. Mais ce semblanl de defi chevaleresque cachait une perfidie, dans laquelle l'espril malin jouait un ' Voijarjcs de Pallas. SAL — 593 — SAL role. Un channeur sarasin avail enferme deux de- mons dans les corps d'une jumentetde son pou- lain , leur donnant pour instruction que chaque fois que la jument hennirait, le poulain, qui etait d'une taille peu commune , devrait s'agenouiller pour teter sa mere. Le poulain maleficie fut en- voye au roi Richard, dans I'espoir qu'il obeirait au signal accouLume, et que le soudan, monte sur la mere , aurait ainsi I'avantage. Mais le mo- narque anglais fut aver(i par un songe du piege qu'on lui tendait , et avant le combat le poulain fut exorcise, avec ordre de rester docile a la voix de son cavalier durant le choc. L'animal endiable promit soumission en baissant la tete; et cette promesse n'inspirant pas assez deconfiance, on lui boucha encore les oreilles avec de la cire. Ces precautions prises , Richard , arine de loules pieces, courut a la rencontre de Saladin , qui, se confiant dans son stratageme, I'attendit de pied ferme. La cavale hennit de maniere a faire trenibler la terre a plusieurs milles a la ronde; mais le poulain ou demon , que la cire empe- chait d'entendre le signal , n'y put obeir. Sala- din , desargonne , n'echappa que dilTicilement a la mort, et son arraee fut taillee en pieces par les Chretiens. Salamandres. Selon les'cabalistes, ce sont des esprits elementaires , composes des plus sub- tiles parties du feu, qu'ils habitent. a Les sa- lamandres, habitants enflammes de la region du feu, servent les sages , dit I'abbe de Villars; mais ils ne cherchenl pas leur compagnie : leurs filles et leurs femmes se font voir rarement. De tous les etres elementaires , les salamandres sont ceux qui vivent le plus longtemps. » Les histo- riens disent que Romulus etait fils de Mars. Les esprits forts ajoutent : c'est une fable; les demo- nomanes disent : il etait fils d'un incube. Nous qui connaissons la nature , poursuit le meme au- teur, nous savons que ce Mars pretendu etait un salamandre. Voy. Cabale. II y a un animal amphibie, du genre des lezards, qu'on nomme la salamandre. Sa peau est noire, parsemee de taches jaunes, sans ecailles et presque toujours enduite d'une matiere vis- queuse qui en suinte continuellement. La sala- mandre ressemble, pour la forme, a un lezard. Les anciens croyaient que cet animal vivait dans le feu. « La salamandre loge dans la terre, dit Bergerac, qui est toujours farceur, sous des mon- tagnes de bitume allume, comme I'Etna, le Ve- suve et le cap Rouge. Elle sue de I'huile bouil- lante etcrachede I'eau-forte, quand elle s'echauffe ou qu'elle se bal. Avec le corps de cet animal , on n'a que faire de feu dans une cuisine. Pendu a la cremaillere , il fait bouillir et rotir tout ce que Ton met devant la cheminee. Ses yeux eclai- rent la nuit comme de petits soleils ; et , places dans une chambre obscure , ils y font I'effet d"une lampe perpetuelle.. » Salgues (Jean-Bap tiste) , auteur d'un livre in- titule Des erretirs et des prejucjes rcpandiis dans les diverses classes de la sociHd , 3 vol. in-8°, 3"^ edit., Paris, 1818. Une quatneme Mition a paru depuis; mais ce livre a maintenant peu de lecteurs. Saliere. Le sel , chez les anciens , ^tait consa- cre a la sagesse; aussi n'oubliait-on jamais la sa- liere dans les repas. Si Ton ne songeait pas a la servir, cet oubli elait regarde comme un mauvais presage. II etait aussi regarde comme le symbole de I'amitie; les amis avaient coutume de s'en servir au commencement des repas, et .si quelqu'un on repandait, c'etait le signe de quelque brouillerie future. Aujourd'hui c'est encore un mauvais au- gure pour les personnes superstitieuses , lorsque les salieres se renversent sur la table. Le marechal de Montrevel , etant a table chez le pere du marechal de Biron , vit renverser une saliere sur son habit. 11 en fut si effraye, qu'il s'ecria a I'instant : (( Je suis un homme mort ! » En effet, il lomba en faiblesse ; on I'emporta chez lui; la fievre le prit, et il mourut au bout de quatre jours (1718). Cet evenement fortiha la superstition des gens qui sont aussi sots. Voy. Sel. Salisateurs, devins du moyen age qui for- maient leurs predictions sur le mouvement du premier membre de leur corps qui venait a se remuer, et en tiraient de bons ou mauvais pre- sages. Salive. Pline le naturaliste rapporte , comme ,un ancien usage , celui de porter avec le doigt un peu de salive derriere I'oreille, pour bannir les soucis et les inquietudes. Mais ce n'est pas la toute la vertu de la salive ; elle tue les aspics et les serpents, les viperes et les autres reptiles venimeux. Albert le Grand dit qu'il faut qu'elle soit d'un homme a jeun et qui ait demeure long- temps sans boire. Figuier assure qu'il a tue plu- sieurs serpents d'un petit coup de baton mouille de sa salive. M. Salgues ajoute qu'il est possible de tuer les viperes avec un peu de salive, mais qu'il est a propos que le coup de baton qui I'ac- compagne soit suffisant. Ce qui est certain, c'est que Redi a voulu verifier les femoignages d'Aris- tote, de Galien , de Lucrece, etc. 11 s'est amuse a cracher, a jeun , sur une multitude de viperes que le grand-due de Toscane avait fait rassem- bier; mais, a la grande confusion de I'anliquite, les viperes ne sont pas mortes. Voy. Crachat. Salomon. Les philosophes , les botanistes, les devins et les astrologues orientaux regardent Salomon ou Soliman comme leur patron. Selon eux, Dieu, lui ayant donne sa sagesse, lui avaiL communique en meme temps toutes les connais- sances naturelles et surnaturelles ; et enlre ces dernieres, la science la plus sublime et la plus utile, cells d'evoquer les esprits et les genies, et 38 SAL — 50/( SAN de leur commander. Salomon avail, disent-ils, un anneau charge d'un talisman qui liii donnail pouvoir absolu sur tons les etres intermediaires entre Dieu et I'homme. Get anneau existe encore ; 11 est renferme dans le tombeau de Salomon , et quiconque le possederait deviendrait le maitre du monde ; mais on ne salt ou trouver le tom- beau. 11 ne reste que desformules, des pratiques et des figures, par lesquelles on pent acquerir, quoique imparfaitement , une petite partie du pouvoir que Salomon avail sur les esprits, Ces beaux secrets sont conserves dans les livres niais qu'on attribue a ce prince, et surtout dans ses Clavicules, intitulees les VMtables Clavicules de Salomon, in-18, a Memphis, chez Alibeck I'Egyp- tien. On y trouve des conjurations et des for- mules magiques. Agrippa, dit-on faussement, faisait grand cas de cet ouvrage. On attribue en- core a Salomon un Traite de la pierre philoso- phale, les Ombres des idces , le Livre des ncvf anneaux , le Livre des netif chandeliers , le Livre des trois ficjures des esprits , des Sceaux qui clias- sent les devions , et un Traite de necromancie , adresse a son fils Roboam. Voy. Conjurations, Sakhar, Belial, Asrael, Asmod^e, Art notoire, Saludadores, gens qui se melent en Espagne de guerir certaines maladies , et qui tous ont , dit-on, de naissance, certaine marque sur le corps, en forme de demi-roue. lis se disent des- cendants de sainte Catherine , qui n'eut pas de descendants. Voy, Hommes incombustibles. Salvation de Rome. Voy. Virgile. Salverte (Eusebe), auteur d'un Essai sur la magie, lesprodiges, etc., un vol. in-12, Bruxelles, 1821; reimprime a Paris. C'est un traite philo- sophique, dans le mauvais sens de ce mot. Samael, prince des demons, selon les rab- bins. Ce fut lui qui, monte sur le serpent, se- duisit feve. C'est encore, chez pUisieurs docteurs juifs, I'ange de la mort, qu'ils representent tantot avec une epee, tantot avec un arc et des Heches. C'est enfin pour quelques-uns le meme qu'As- modee. Samaritaine (la). C'etait une fontaine elevee sur le ponl Neuf et chere aux Parisiens. Suivant une opinion repandue parmi eux, le jour ou Ton detruirait cette fontaine, les peuplades du Mord entreraient en France pour envahir Paris. On la detruisil en 1813. Sambethe. Voy. Sibylles. Sampson (Agnes). Voy. Jacques l"'. Samuel. Une necromancienne , la pythonisse d'Endor, fit voir au roi Saiil I'ombre du prophete Samuel , qui lui predit ses desastres. Menasse- ben-Israel , dans son second livre de la Resurrec- tion des marts , dit que la pythonisse ne pouvait pas forcer I'ame de Samuel a rentrer dans son corps, et que le fantome qu'elle evoqua etait un demon revetu de la forme du prophete. Cepen- dant Samuel dit au roi : Pounjuoi Iroublcz-vous mon repos , en me forgant a remonter sur la terre / Les uns pensent que I'ame du prophete pouvait seule prononcer ces paroles; d'autres soutien- nent que ces mots remonter sur la terre s'appli- quent au corps seulement, que le diable avail pu emprunter. Le rabbin Meyer-Gabai , qui est du sentiment des premiers, ajoute que Samuel seul pouvait dire a Sai'il , devant la sorciere qui le fai- sait venir : Demain, toi el les fils, vous viendrez me rejoiiidre. Cras tu et filii tui mecum erunt. C'est aussi I'avis de la plupart des theologiens*. Sanaves. Amulettes que les femmes made- casses portent au cou et aux poignets; ce sont des morceaux d'un bois odoranl, enveloppes dans une toile; ils preservent de I'atteinle des sorciers. Sanche, serviteur de Pierre d'Engelberl, qui ■I'avail envoye a ses frais au secours d'Alphonse, roi d'Aragon , alors en guerre avec la Castillo. Le serviteur revint sain et sauf , quand la guerre fut finie; mais bientot il tomba malade et mou- rut. Quatre mois apres sa mort, Pierre, son maitre , couche dans sa chambre , vit entrer au clair de la lune un spectre a demi nu, qui s'ap- procha de la cheminee, decouvrit le feu et se chauffa. Pierre lui demanda qui il etait. « Je suis, repondit le fantome d'une voix cassee, Sanche, voire serviteur. — He! que viens-tu faire ici? — Je vais en Castillo , avec quelques autres , expier le mal que nous y avons fait. Moi en par- ticulier, j'ai pille les ornements d'une eglise ; je suis condamne pour cela a faire ce voyage. Vous pouvez me soulager par vos bonnes oeuvres ; et voire femme, qui me doit huit sous, m'obligera de les donner aux pauvres en mon nom. » Pierre lui demanda alors des nouvelles de quelques-uns de ses amis morts depuis pen ; Sanche le satisfit la-dessus. « Et , oii est maintenant le roi Al- phonse? » demanda Pierre. Alors un autre spectre, qu'il n'avait pas vu d'abord , et qu'il apergut dans I'embrasure de la fenetre, lui dit : « Sanche ne pent rien vous apprendre touchant le roi d'Ara- gon ; il n'y a pas assez longtemps qu'il est dan§ noire bande, pour en savoirdes nouvelles ; moi, qui suis mort il y a cinq ans, je puis vous en dire quelque chose. Alphonse , apres son trepas, a ete quelque temps avec nous ; mais les prieres , des benedictins de Cluny Ten ont tire , et je ne sais ou il est a present. » Alors les deux reve- nants sortirenl. Pierre eveilla sa femme el lui demanda si elle ne devait rien a Sanche. « Je lui dois encore huit sous , » repondit-elle. Pierre ne douta plus , fit des prieres et distribua des au- mones pour I'ame du defunt ^. Sandalphon, I'une des trois intelligences su- perieures de la cabale juive. Sang. Les anciens regardaient le sang de lau- ' Voycz Bergieri Dictionnaire de theologies au mot Puthoiiisse. - Dom Calniet, Dissertations sur les apparitions% SAN — 595 — SAH reau comme un poison ; Plutarque rapporte que Themistocle s'einpoisonna avec ce sang; Fline conte que les pretres d'Egine ne manquaient ja- mais d'en avaler avant de descendre dans la grotte ou I'esprit prophetique les al-tendait. Quoi qu'il en soit, le sang de taureaii n'empoisonne pas , a moins qu'il ne soit vicie ; tous les jours on en fait du boudin. Pline assure que le sang de cheval tue aussi rhomme ; raais il se contredit dans un autre passage , lorsqu'il dit que les Sar- mates melaient de la farine et du sang de cheval pour en faire des gateaux fort delicats. Enfin les anciens, qui regardaient le sang de taureau comme un poison pour le corps, I'estimaient comme un remede pour Fame ; on expiait les crimes en se faisant asperger de sang de taureau. On immolait un taureau , on en recueillait le sang dans un vase dont le fond etait perce de petits trous , le criminel se tenait dessous ; apres quoi il se retirait puritie. Parmi les classes populaires en Suede, et sur- tout parmi les paysans, regne une croyance ab- surde, a savoir, que le sang d'une personne de- capitee, lorsqu'on en boit et surtout lorsqu'on I'avale tout chaud au moment ou il jaillit du corps, immediatement apres la decollation , fait vivre tres-longtemps , rend robustes les faibles, bien portants les malades, et guerit toutes les maladies, particulierement I'epilepsie. Sanger (Renee), jeune fille nee a Munich vers 1680, a cette epoque sauvage oii la guerre de trente ans avait ramene toutes les perversites des plus mauvais jours. Une vieille femme I'initia aux mysteres diaboliques des I'age de sept ans; a onze ans, elle regut d'autres legons d'une ser- vante, d'une grande dame et de deux ofTiciers. Elle alia aux reunions du sabbat; la, pour prix de sa formelle aposlasie, on lui promit soixante- dix ans de vie et de sante. Mais a I'age de dix- neuf ans, ses parents, qui ne soupgonnaient rien de son etat , la mirent dans un couvent ou. elle se trouva en cloture; il lui fallut done vivre d'hy- pocrisie et de dissimulation. Elle joua si bien son personnage que, dans son monastere d'Unterzell, elle devint sous-prieure ; mais la contrainte ou elle vivait lui pesait trop, quoique en secret elle cultivat la magie. Des contrarietes qui lui vinrent la poiTSserenL a ensorceler les religieuses ses cora- pagnes. Aussitot elles furent troublees de mala- dies, de visions, de tumultes nocturnes, d'op- pressions , de mauvais traitements et de singuliers vertiges. On decouvrit enfin, par des exorcis- mes, que ce desordre etait I'ojuvre de la sous- prieure. On trouva dans sa chambre des boites d'onguent, des herbes magiques, un vetement jaune et d'autres objets singuliers. Reconnue cou- pable, elle fut remise aux juges seculiers, qui la condamnerent a la peine de mort. On voit qu'elle se repentit; mais les maux qu'elle avait causes etaient si grands qu'elle fut executee le 21 Jan- vier 1749. Oswald Loschert, abbe d'Oberzell, et temoin de tous les faits, a ecrit I'histoire de cette possession et I'a envoyee a Marie-Therese. Santabarenus. Basile, empereur de Constan- tinople, ayant perdu son fils Constantin, qu'il aimait uniquement, voulut le voir a quelque prix que ce fut. II s'adressa a un )noine heretique, nomme Santabarenus, qui, apres quelques con- jurations, lui montra un spectre semblable a son fils \ Pareillement, un pretendu sorcier a fait voir a un fanatique admirateur de Frederic II le spectre de ce roi de Prusse, et cela de notre temps , par la fantasmagorie , qui a ete cerLaine- ment connue des anciens. Saphis, morceaux de papier sur lesquels sont ecrits des passages du Koran , et que les Maures vendent aux negres, comme ayant la propriete de rendre invulnerable celui qui les porte. Sapondomad, genie sous la protection duquel * est la terre , et qui , selon les Guebres , fait des souhaits pour celui qui la cultive , et des impre- cations contre celui qui la neglige. Sarcueil, demon que nous ne connaissons pas, invoque dans les litanies du sabbat. 1 Michel Glvcas. 38. SAR — 596 — SAT Sare (Marguerite de). Prevenue de sorcellerie a seize ans, elle mouriit en prison a Bordeaux, oil elle avait ele renfermee pour avoir fait un pacte avec le diable* vers I'an 1600. Sarmenius-Lapis, pierre a laquelle on attri- buait la vertu de prevenir les avortements. Sas, divination par le sas ou tamis. Voij. Cos- QUINOMANCIE. Satan, demon du premier ordre, du troisieme selon Reginald Scolt, chef des demons et del'en- fer, selon I'opinion generale; demon de la dis- corde, selon les demonomanes, prince revolu- tionnaire dans I'empire de Belzebuth. Qi^iand les anges se revolterent conlre Dieu, Satan, alors gouverneur d'une partie du nord dans le ciel , se mit a la tele des rebelles ; il fut vaincu et preci- pite dans I'abime. Le nom de Satan en hebreu veut dire ennenii, adversaire. Milton dit que Satan est semblable a une tour par sa taille, et, un peu plus loin, il fixe sa hauteur a quarante mille pieds. 11 n'est pas invoque dans les litanies du sabbat. On a publie, il y a vingt ans, une Lcllre dc Satan aux francs-macons ; c\\e eut pu etre plus piquante. On a vu de nos jours, a Paris, un jour- nal intitule d'abord Satan, et ensuite le Corsaire- Salan, comme il yen avait un aBruxelles intitule Mep/iislop/iclcs, Ce ne sont pas des esprits bien spirituels qui se mettent ainsi sous le convert des esprits malins. Satan, un jour, s'est montre a Faust, sous la forme d'un ane , avec des cornes longues d'une aune et la queue d'un chat Satanaki. On voit dans Psellus que les mani- cheens, ou du moins quelques-unes de leurs sectes, rendaient un culte a Satanaki, createur des ani- maux et des plantes. Satamins, demons contradicteurs de la suite de Satan , dans la cabale juive. Satanalogie. Dans un tableau remarquable des ecarts de I'ecole philosophique allemande, publie a Louvain il y a quelques annees, le savant professeur Moeller aconsacre uncurieuxchapilre a la satanalogie. Nous ne pouvons faire mieux que de le reproduire ici : « La theorie du Christianisme de Schelling se- rait incomplete s'il avait passe sous silence I'es- prit puissant qui, depuis le commencement des choses, a joue un si grand role dans le monde. La satanalogie, ou la theorie du demon, ne pou- vait manquer de trouver place dans son systeme. Ce chapitre de sa philosophie actuelle est si re- marquable , il renferme des idees sur la nature du demon tellement neuves (mais erronees) , il presenle sur cette puissance meconnue jusqu'ici des vues et des eclaircissements si extraordi- naires, qu'il merite de fixer toute I'attention des ^ Delancre, Tabl. de 1' inconstance des demons, etc., p. 95. 2 M. Frangois Hugo , le Faust anglais. savants. Nous I'exposerons done a nos lecteurs, esperant qu'ils parviendront a comprendre le vrai sens des idees du philosophe de Berlin. » Satan, selon lui, etait d'abord une puissance, un principe universel : tout le systeme repose, comme on sait, sur des puissances qui precedent des realites. Dieu lui-meme debute ' comme puis- sance, et il en est de meme du demon. Schelling avoue cependant que le mot hebreu /i?«a<«n , avec I'article defini , signifie un adversaire determine, qu'on peut concevoir comme personne indivi- duelle ou comme esprit general. » Dans le Nouveau Testament, Satan est repre- sents comme I'adversaire du Christ, qui est venu pour detruire ses oeuvres. Cette position du prince des tenebres prouve sa dignite. S'il n'eut ete qu'une simple creature , la lutte, qui ne peut avoir lieu qu'entre des puissances egales, n'aurait pas ete possible entre le Christ et Satan. Le Christ n'aurait pas eu un adversaire digne de lui, s'il n'avait eu affaire qu'a une pauvre creature. Les grands preparatifs, les travaux et les souffrances du Sauveur ne pourraient alors se comprendre, dit-il. On a jusqu'ici regarde le diable comme une creature qui, bonne d'abord, devint me- chante; mais, selon Schelling, c'est une erreur. Les bogomiles, secte herelique du onzieme siecle, avaient mieux compris la nature du demon , dont, ils faisaient le frere aine du Christ... Dans le Nouveau Testament, Satan est nomme le prince de ce monde : I'apotre saint Paul I'appelle meme le dieu de ce monde. II a ses anges, ses ministres a lui; voila des dignites auxquelles une simple creature ne peut aspirer. II est done evident, pour Schelling, que Satan est un principe ou une puissance ; qu'il est regu dans I'economie de Dieu, dans I'ensemble des puissances, et que nous lai devons du respect comme a une puissance legi- time » II n'est pas permis, dit Schelling, de le me- connaitre, de le mepriser, de s'en moquer. Te- nioin I'apotre saint Jude, qui, parlant de lui, dit que I'archaiige Michel, dans la contestation qu'il eut avec le demon touchant le corps de Moise, n'osa Ic condamner avec execration et se contenta de lui dire : « Que le Seigneur le rdprinie! » (Epist. , vers. 9.) Le meme apotre, continue Schelling, blame ceux qiii meconnaissent la di- gnite des demons, et dit d'eux : « Ces personncs mepriscnt la domination et blasphement la md- jeste. » (Vers. 8.) L'apotre nomme ici le demon la domination , s'il faut suivre I'interpretation tie Schelling, comme on dit sa seigneurie en parlant d'un seigneur; car c'est de la majesty du ddmon qu'il est question, dit-il. Saint Pierre, dans sa se- conde epitre, se trouve d'accord avec saint Jude; il parle egalement, en les blamant, de ces per- sonncs qui meprisent les puissances. (Vers. 10.) Dans ces puissances, le philosophe allemand voit * Pour nous. SAT — 597 -- SAT encore les demons, Sclielling iions explique aussi la cause de la lulte de saint Michel centre le de- mon : « Le corps de Moise etait le principe cos- mique et paien, qui existait encore dans le ju- daisme : voila pourquoi le demon pretendit avoir un droit sur ce corps. » Si Satan n'avait ete qu'une creature , comment , demande Schelling, aurait-il pu montrer au Christ tous les royaumes du monde, avec leur gloire et lui dire : Je vous donne tout cela , si vous voulez ni adorer? ... Satan est done un principe cosmique... » Sachant maintenant la haute dignite de Satan, il nous reste a comprendre quelle est son origins. Nous avons assigne, dit Schelling, au Christ une position intermediaire entre Dieu et la creature. Son antagoniste, le demon, ne pouvait lui elre inferieur, puisque le combat devait avoir lieu entre des personnes d'un rang egal. Par conse- quent, Satan n'est ni createur ni creature, mais une puissance intermediaire, fonctionnant dans I'economie de Dieu. Quelle est cette fonction? L'Ecriture sainte lui donne plusieurs epiLhetes; elle le nomme accusateur, calomniateur , celui qui excite des soupQons et des doutes. Le vrai sens de ces denominations se trouve dans le livre de Job. Dans I'introduction de ce livre, il est dit qu'un jour Satan se presenta hardiment parmi les enfants de Dieu, pour rendre suspectes les intentions de I'ancien emir. Dieu lui permit alors de depouiller Job de sa fortune. Satan, incapable d'ebranler la fidelite du serviteur de Dieu, ap- parut une seconde fois devant le Seigneur pour I'accuser. Voila, dit Schelling, la fonction du dt§- mon : d'accuser les hommes devant Dieu, de pre- venir Dieu conlre eux, d'eveiller des doutes et des soupcons sur leur conduite. II est, par conse- quent, le principe actif qui travaille a la manifes- tation de ce qui est cache. Sous son influence, Uncertain devient certain , et ce qui est encore indecis parvient a etre decide. » En vertu de ce principe, le mal qui est cache au fond du coeur de I'homme se manifeste, et Satan contribue ainsi a la gloire de Dieu ; car le mal, pour pouvoir elre vaincu et repousse, doit etre mis a nu. C'est a cause de cela qu'il remplit de si importantes fonctions lors de la chute de I'homme. Si I'homme eut soutenu I'epreuve a laquelle il fut soumis, la fonction de Satan aurait ele terminee; mais I'homme succomba, et ce fut au Christ de vaincrele demon. D'apres Schelling, Satan etait done d'abord une puissance ay ant pour fonction de reveler ce qui etait cache au fond des cceurs; et ce ne fut pas Satan qui cor- rompit I'homme, mais bien I'homme qui cor- rorapit le demon. — -L'homme, dans son etat pri- mitif d'innocence, fut, dit-il, un etre indecis; il ne prit une decision que par sa chute. L'etre aveugle, le principe de toute existence, meme celie de Dieu, etait cache et latent au fond de I'homme et devait rester dans cet etat pour tou- jours. (On nous excusera de citer ces erreurs.) Le principe aveugle etait renferme dans des li- mites qu'il n'aurait jamais du franchir ; mais Satan, le principe incitatif, vint alors et remua I'homme. Celui-ci eveilla le principe aveugle qui s'empara de lui et I'assujettit. Des lors Satan devint me- chant; il devint une personne reelleet cosmique qui tend partout des pieges a I'homme. » Aucune notion, dit encore Schelling, n'est aussi dialectique que celle de Satan , qui varie a chaque epoque de son existence. D'abord il n'est pas mechant du tout; il revele seulement le mal cache dans I'homme ; mais insensiblement il s'en- venime , il s'empire et devient mechant a la fin de la lutte, lorsque sa puissance lui a ete enlevee par le Christ. Cependant il continue a exister ; et Ton doit toujours etre sur ses gardes pour ne pas retomber sous sa puissance. Mais a la fin, lorsque le Fils aura assujetti toutes choses au Pere, lorsque Dieu sera devenu tout en tous, Satan aura termine sa carriere. » Schelling explique, dans sa Satanalogie, plu- sieurs autres passages du Nouveau Testament. — Satan, comme creature, n'aurait jamais eu, dit-il, de puissance sur I'homme; mais comme principe universel et cosmique , il est le dieu du monde. Tous les hommes sont soumis a son pou- voir ; car chacun de nous sait que toute sa vie, quoi qu'il fasse, est mauvaise devant Dieu. C'est dans ce sens que I'Apotre dit : — Nous avons a combattre, non centre la chair et le sang, mais centre les principautes et les puissances de I'air. » Dans la Genese, continue-t-il, Satan est re- presente comme un serpent. Le symbole est vrai et profond, car le demon s'insinue d'une maniere imperceptible et empoisonne notre interieur. II est la Proserpine de la mythologie ancienne : ce nom en effet vientde proserpere, ramper. Ce qui se passa interieurement dans I'homme est raconte dans la Genese comme un fait exterieur. — C'est un my the, si Ton veut, mais c'est un mythe ne- cessaire, puisque le principe latent sollicite con- tinuellement I'homme pour arriver a une exis- tence reelle. II rode aulour de I'homme comme un lion affame, cherchant son repes dans I'homme, la ou il trouve I'entree ouverte; et chasse d'un lieu, il se rend a un autre. 11 est le principe mo- bile de I'histoire, qui sans lui arriverait bientot a un etat de stagnation et de sommeil. II dresse tou- jours des embuches a la conscience de I'homme, car la vie consists dans la conscience du moi. » Comparons encore, continue Schelling, notre maniere de voir avec d'autres passages des saintes Ecritures. Nous lisons dans 1' Apocalypse que Sa- tan tomba du ciel sur la terre. II ne s'agit pas ici d'un bon ange devenu mechant, mais d'un changement des relations du demon avec Dieu. Il perdit par le Christ sa fonction religieuse, et acquit en meme temps une existence politique; son action se rev^la sur les champs de bataille SAT — 598 — SAT arroses de sang. C'est done, selon Schelling, dans la politique , que , de nos jours , le demon exerce son empire. Lorsque saint Jean dit : Celui qui commet le peche est du diable, parce que le diablepeche des le commencement, » on ne doit pas entendre par ces paroles le commencement de son existence, mais de son activite; car aussi longtemps qu'il resta dans un etat latent, comme puissance inactive , il n'etait pas encore question de lui. En dehors de cette fonction historique et politique , Satan est encore en rapport avec cha- que homme. — Chacun de nous, dit Schelling, nait sous I'influence du principe satanique ; et c'est la le vrai sens du peche originel , qui n'est nie que par une philosophie superiicielle... L'avene- ment du Christ fut le moment de la crise pour Sa- tan. — C est maintenant J dil saint Jean, qnelcprince du monde va clrc chasse dehors. » C'est-a-dire, selon Schelling , il perd son domaine dans la re- ligion pour le regagner dans la politique. » Schelling ajoute quelques observations sur les anges tant bons que mauvais. Que les anges soient pour lui des puissances, cela va sans dire. « Les mauvais anges, dit-il, sont des puissances negatives; a chaque royaume et a chaque pro- vince de Satan, preside une de ces puissances, dont il est le chef qui les gouverne toules. Quant a leur naissance, elle est la meme que celle de leur chef. Ce ne sont pas des etres crees; ils doivent, comme lui, leur existence a la volontedel'homme. La raison de leur existence est cependant posee par la creation : ce sont des possibilites opposees a la creation reelle. Aussitot] que la creation fut terminee , les possibilites negatives devaient ap- paraitre. Si un etat , par exemple , se forme , tous les crimes deviennent possibles. Les bons anges, comme les mauvais, sont des puissances, mais opposees a ceux-ci. » lei se manifestent, selon Schelling, des relations tres-interessantes et tres- remarquables : lorsque les mauvais anges de- viennent des realites, les bons anges deviennent des possibilites ; et la realite des bons anges re- duit les mauvais a de pures possibilites. Les mau- vais anges sortirent, par le peche de I'homme, de leur etat purement potentiel et devinrent des realites ; par consequent les bons anges, les anges positifs, furent renfermes dans la simple poten- tialite. C'est la le sens de cette expression ; ils restaient dans le ciel, c'est-a-dire dans I'etal po- tentiel. L'homme se separa, par sa chute, de son bon ange, qui fut mis en dehors de lui et prive de son existence reelle. Les bons anges sont les idees positives , ce qui doit etre. L'homme done, ayant accueilli par sa volonte ce qui ne doit pas etre , a chasse le contraire. Toutefois ces idees positives suivirent, comme des envoyes divins, l'homme meme dans son plus grand eloi- gnemenc de Dieu. C'est ainsi qu'on pent dire avec raison que chaque homme se trouve place entre son bon et son mauvais ange... )) Tout homme et tout peuple a son ange. Aussi longtemps que l'homme ne s'etait pas se- pare de Dieu, les bons anges n'avaient pas be- soin de le suivre. Voila pourquoi le Christ dit des enfants que leurs anges voient toujours le visage du Pere dans le ciel : ce qui veut dire que les enfants sont aupres de Dieu. A I'epoque de la crise, vers la fin de la lutle decidee par le Christ, les anges reviennent plus souvent. lis apparaissent alors plusieurs fois, ear les bons anges sont les niinistres du Christ. lis eehangent alors la possibilite avec la realite, tandis que les mauvais anges rentrent de nouveau dans I'etat de simple possibilite, Les mauvais anges sont, d'apres I'EpiLre de saint Jude , retenus par des chaines eternelles dans les profondes tenebres, jusqu'au grand jour du jugement. » C'est la de la philosophie allemande (et eon- damnee) que nous ne donnons qu'a titre de curiosite. On y voit qu'en se perdant parmi les nuages germaniques, Schelling pent alterer les grandes verites, mais non les nier. Satyres. Les salyres etaient chez les pai'ens des diviniles ehampetres qu'on representait comme de petils hommes velus, avec des ■ cornes et des oreilles de chevre , V'l^^ la queue , les cuisses et les jambes ^w^-^^ du meme animal. v \ J^y\ Piine le naturaliste croit que les K^^iy\ satyres etaient une espece de sin- / ) ges, eL il assure que dans une W^IaL^ montagne des Indes il se trouve ^^^^ des singes qu'on prendrait de loin 1) pour des hommes : ces sortes de singes ont souvent epouvante les bergers. Les demonomanes disent que les satyres n'ont ja- mais ete autre chose que des demons qui ont paru sous cette figure sauvage; les eabalistes n'y voient que des gnomes. Saint Jerome rapporte que saint Antoine ren- contra dans son desert un satyre qui lui presenta des dattes, et I'assura qu'il etait un de ces habi- tants des bois que les paiens avaient honores sous les noms de satyres et de faunes ; il ajouta qu'il etait venu vers lui comme depute de toute sa nation, pour le conjurer de prier pour eux le Sauveur, qu'ils savaient bien etre venu en ce monde. Les satyres ne seraient ainsi que des sau- vages. Le marechal de Beaumanoir chassant dans une foret du Maine, en 1599, ses gens lui ame- nerent un homme qu'ils avaient trouve endormi dans un buisson , et dont la figure etait tres-sin- guliere : il avait au haut du front deux cornes, faites et placees comme celle d'un belier; il etait chauve, et avait au bas du men ton une barbe rousse par flocons , telle qu'on peint celle des sa- tyres. II congut tant de chagrin de se voir prome- ner de foire en foire , qu'il eo mourut a Paris , au bout de trois niois. On I'enterra dans le cimetiere SAU — 5 99 — SCH de Saint-Come. « Sous le roi fitienne, dit Leloyer, en temps de moissons, sortirent en Angleterre deux jeunes enfants de couleur verte, ou plutot deux satyres, male et femelle, qui, apres avoir appris le langage du pays, se dirent etre d'une terre d'antipodes, ou le soleil ne luisait, et ne voyaient que par une lumiere sombre qui pre- cedait le soleil d'orient, ou suivait celui d'occi- dent. Au surplus , etaient Chretiens et avaient des eglises. » Enfin , un rabbin s'est imagine que les satyres et les faunes des anciens etaient en effet des hommes, mais dont la structure etait restee imparfaite, parce que Dieu, lorsqu'il les faisait, surpris par le soir du sabbat, avait interrompu son ouvrage. Saubadine de Subiette, mere de Marie de Naguille, sorciere, que sa fdle accusa de I'avoir menee au sabbat plusieurs fois^ Sausine, sorciere et pretresse du sabbat. Elle etait tres-consideree des chefs de I'empire infer- nal. C'est la premiere des femmes de Satan. On I'a vue souvent, avec ses yeux troubles, dans les assemblees qui se tenaient au pays de Labour ^ Saute-Buisson. Voy. Vekdelet. Sauterelles. Pendant que Charles le Chauve assiegeait Angers , des sauterelles grosses comme le pouce , ayant six ailes , vinrent assaillir les Fran- gais. Ces ennemis d'un nouveau genre volaient 1 Delancre, Tableau de I'inconstance des demons, sorciers et magiciens , liv. II, p. HQ. 2 Delancre , Tabl. de I'inconstance des demons, etc., p. \U. en ordre , ranges en bataille , et se faisaient eclai- rer par des piqueurs d'une forme elancee. On les exorcisa, suivant I'usage du temps, et, chose qui surprend les niais, le tourbillon, mis en deroute, s'alla precipiter dans la mer*. Sauveurs d'ltalie, charlatans qui se disent parents de saint Paul et portent imprimee sur leur chair une figure de serpent qu'ils donnent pour naturelle. lis se vantent de ne pouvoir etre blesses par les serpents, ni par les scorpions, et de ies manier sans danger. Savon. Dans I'ile de Candie et dans la plupart des lies de Turquie et de la Grece , on evite d'of- frir du savon a quelqu'un. On craindrait par la d'effacer I'amitie. Savonarole (Jerome) , celebre dominicain fer- rarais du quinzieme siecle. Machiavel dit qu'il avait persuade au peuple de Florence qu'il par- lait avec Dieu. Nardin , dans son Histoire de Flo- rence, livre 11 , dit que les partisans de Savonarole etaient appeles Piagnoni, les pleureurs, et ses ennemis Arrabiati (les enrages) ou les indiscipli- nables^. Nous ne jugerons pas ici cat homme, qui put bien avoir des torts graves. Sayrims, ministres de Satan dans la cabale. Scaf ou Schaf , magicien du canton de Berne , au quinzieme siecle. II pouvait , disait-il , se chan- ger en souris pour echapper a ses ennemis, qui ie prirent et le tuerent. Scandinaves. Alfader est le plus ancien des dieux dans la Theogonie des Scandinaves. L'Edda lui donna douze noms: premierement , Alfader (pere de tout) ; deuxiemement , Hereon (seigneur ou plutot guerrier) ; troisiemement, Nikar (le sour- cilleux), lorsqu'il est mecontent; quatriemement, Nikuder (dieu de la mer) ; cinquiemement, Fiol- ner (savant universel) ; sixiemement , Ome (le bruyant); septiemement, Bifid (I'agile); huitieme- ment, Vidrer (le magnifique); neuviemement, Svi- drer (I'exterminateur); dixiemement, Svider (I'in- cendiaire) ; onziemement, Oske (celui qui choisit les morts) ; douziemement, Falker (I'heureux). Alfader est le nom que I'Edda emploie le plus souvent. Voy. Odin. Schada-Schivaoun, genies indiens qui re- gissent le monde. lis ont des femmes; mais ce ne sont que des attributs personnifies. La prin- cipale se nomme Houmani : c'est elle qui gou- verne le ciel et la region des astres. Schadukian , province du Ginnistan , que les romans orientaux disent peuplee de dives et de peris. Schamanes, sorciers de la Siberie, qui font des conjurations pour retrouver une vache per- due , pour guerir une maladie , et qui invoquent les esprits en faveur d'une entreprise ou d'un voyage. lis sont tres-redoutes. 1 M. Garinet, Hist, de la magie en France, p. 48. 2 Saint-Foix, t. Ill, p. 368. SCH — 600 — SCH Scheda, le Faust jiiif aux premiers lemps de notre ere. II se vanlait d'avoir appris beaucoup avec le diable. Schedims, ministres de Samael dans la cabale. Scheithan, Satan chez les musulmans, qui ne prononcent jamais son nom sans ajoiiter : Dieu nous en preserve ! Schenck (Jean-Georges) , medecin de Hague- nau qui publia , en 1609 , une curieuse histoire des monstres : Monstrorum hisloria mirahilis. Franc- fort; \n-k°. Scheol. Nom de I'enfer chez les Hebreux, Schertz (Ferdinand), auteur de la Magia pos- tliuma. Olmulz, 1706. Voy. Vampires. Schmidt (Hans) , jeune forgeron d'Heydings- feld, envoye a Ingolstadt pour aclieler du fer avec un compagnon nomme Wolf, ful enrole par lui dans les bandes du diable. Wolf lui preta un petit livre de magie et ne le lui expliqua que quand ce jeune liomme lui eut jure de le suivre dans sa voie. Mors il lui dit qu'il devait tous les matins se lever en sortant du lit le pied gauche et invoquant le nom du diable, puis lire un passage du livre magique. Mais Hans s'effraya bientot, jeta son livre et voulut se degager, Des lors Wolf, devenu son ennemi , le persecuta , cher- chant a le luer. II s'enfuit de chez son maitre, renconlra le demon qu'il avait invoque, s'egara, fut accable de peines diverses et ne put etre de- livre que par les exorcismes. Schoumnus, fees malfaisantes tres-redoutees des Kalmouks ; elles se nourrissent du sang et de la chair des humains, prennent souvent la forme de femmes charmantes ; niais un air sinistre , un regard perfide , devoilent leur ame infernale. Quatre dents de sanglier sortent ordinairement de leur bouche , qui se prolonge quelquefois en trompe d'elephant. Schramm (Michel), jeune Allemand qui faisait ses etudes a Wurzbuurg, et qui, selon I'usage malheureusement trop frequent, y lit de mau- vaises connaissances. II avait dix-sept ans, lors- qu'un de ses amis qui, comme lui, etudiait le droit le presenta chez un homme qui s'occupait de magie. Tout en buvant, on parla d'une cer- taine racine qui, introduite dans un doigt, ou- vrait les portes et les caisses et attirait I'or. Le magicien ajouta qu'il etait facile de se la procu- rer; qu'il fallait seulement avoir le courage de supporter la vue du demon, qui du reste n'etait pas trop desagreable, et lui signer un petit ecrit. Cetle merveille les tente; le magicien redige deux pactes, pique a chacun des deux etudiants un doigt ; il en sort une goutte de sang avec laquelle ils signent leur engagement. Le magicien leur donne a chacun un baton, les conduit a un car- refour hors de la ville, trace autour d'eux un cercle et appelle le diable, qui parait sous les traits d'un jeune homme. L'epouvante les saisit, et ils veulent fuir ; mais le magicien les avait lies, lis presentent en tremblant leurs pactes , au bout de leurs batons; le diable fixe alors la racine magique dans leurs doigts, k I'endroit qui avait SCH — 601 — SCO ete pique et sans qu'ils en ressentent aiicune dou- leiir. Des le lendemain leurs doigts ouvraient les serrures et attiraient les pieces d'or ; ils deve- naient done riclies. Mais Michel Schramm , en songeant qu'il avait vendu son ame, perdittoutrepos. II euLl'heureux courage ou plutot la grace de retourner a Dieu. II se rendit chez les jesuites de Molsheim , abjura sa lacheLe et fut delivre au bout de trois semaines , le demon, contraint par les exorcismes, ayant rendu son pacte. Ce qui eat lieu le 13 janvier 1613 Schroettelis , les esprits monlagnards ou gnomes en Suisse. Schroter (Ulrich). En 1552 , a Willissaw, dans le canton de Lucerne, un joueur de profession, nomme Ulrich Schroter, se voyant malheureux au jeu, proferait des blasphemes qui ne rendaient pas ses parties meilleures. II jura que, s'il ne ga- gnait pas, dans la chance qui allait tourner, il jetterait sa dague conlre un crucifix qui etait sur la cheminee. Les menaces d'Ulrich n'epouvan- lerent point celui dont il outrageait I'image; Ul- rich perdit encore. Furieux, il se leve, lance sa dague, qui n'atteignit pas son but sacrilege, et aussitot, disent les chroniques du temps, une troupe de demons tombe sur lui et I'etouffe, avec un bruit si epouvanlable , qiie touLe la ville en fut ebranlee Sciamancie, divination qui consiste a evo- quer les ombres des morts, pour apprendre les choses futures. Eile differait de la necromancie el de la psychomancie en ce que c'etait, non Tame ni le corps du defunt qui paraissait, mais seulement un simulacre. Sciences. Les musulmans attribuent la diffu- sion des sciences dans le monde a Edris, qui n'est autre qu'Enoch. Ce nom Edris vient d'un mot arabe qui signifie meditation, etude. Edris, disent-ils, fut I'un des plus anciens pro- phetes. Dieu lui envoya trente volumes qui ren- fermaient les principes de toules les sciences et de toutes les connaissances humaines. II fit la guerre aux infideles descendus de Cain, et re- duisit le premier en esclavage ses prisonniers de guerre; il inventa la plume et I'aiguille, I'arith- metique et I'astronomie. fidris vecut 375 ans et fut enleve au ciel. Sciences occultes ou Sciences secretes. On donne ce nom a la magie, a la theurgie, au plus grand nombre des divinations, a la jurisprudence des pactes , a I'art notoire , a I'art des talismans , aux pratiques des grimoires , aux secrets et aux combinaisons des sorciers , aux procedes qui evo- quent, dirigent ou renvoient les demons et les esprits, etc., etc., etc. 1 Gloria posihuma S. Ignatii, cite par Gorres, Mystique, liv. YI, ch. xvi. 2 Bodin, Demonomanie , liv. Ill, ch. i, apres Job- Fincel et Andr^-Muscul. Voyez les preuves de ce fait dans les Legendes des saintes images. Scimasar, une des douze especes d'augures que Michel Scot distingue dans son TraiU de la ■physionomic. 11 I'appelle Scimasar nova. Lorsque vous voyez , dit-il , un homme ou un oiseau der- riere vous, qui vous joint ou vous passe, s'il passe a votre droite, c'est bon augure, et mau- vais s'il passe a votre gauche. Sciopodes, peuples fabuleux de I'Ethiopie, dont parle Pline, lesquels, n'ayant qu'tm pied, s'en servaient pour se mettre a I'ombre du soleil, en se couchant par terre et levant leur pied en I'air. Scopelisme, sorte de malefice qu'on donnait par le moyen de quelques pierres charmees. On jetait une ou plusieurs pierres ensorcelees dans un jardin ou dans un champ : la personne qui les decouvrait ou y trebuchait en recevait le male- fice , qui faisait parfois mourir. Scorpion. Les Persans croient que, par le moyen de certaines pierres merveilleuses , on peut oter le venin aux scorpions, qui se trouvent chez eux en grand nombre. Frey assure qu'il n'y a jamais eu ni de ser- pents ni de scorpions dans la ville de Hamps, a cause de la figure d'un scorpion gravee sur un talisman dans les murailles de cette ville. Scot, magicien. Voy. Sibylles, a la fin. Scotopetes. Voy. Chiconcellions. Scott (Michel), magicien ecossais, que Dante a mis dans son enfer. II vivait au treizieme siecle. Scott (Reginald) a publie en Angleterre une description et statistique du gouvernement des demons. 11 n'est pas d'accord avec Wierus. Scott (Waller). Voy. Walter Scott. Scouminkes, esprits familiers allemands, qui s'attachent surtout aux maisons nobles. Scox ou Chax, due et grand marquis des en- 1 fers. II a la voix rauque, I'esprit porte amiien- songe ; il se presente sous la forme d'une cigogne. II vole I'argent dans les maisons qui en possedent et ne restitue qu'au bout de douze cents ans, si SCY — 602 — SEC toutefois il en regoit I'ordre. 11 enleve les che- vaux. 11 execute tous les commandements qui lui sont donnes, lorsqu'on I'oblige d'agir de suite; et quoiqu'il promette d'obeir aux exorcistes, il ne le fait pas toujours. 11 ment, s'il n'est pas dans un triangle ; si au contraire il y est ren- ferme, il dit la verite en parlant des choses sur- naturelles. 11 indique les tresors caches qui ne sont pas gardes par les malins esprits. 11 com- mande trenle legions ^ Scylla, nymphedontGlaucus futepris. N'ayant pu la rendre sensible, il eut recours a Circe, qui mit un charme dans la fonlaine ou Scylla avait coulume de se baigner. A peine y fut-elle entree, qu'elle se vit changee en un monslre qui avait douze grilTes, six gueules et six teles; une meute de chiens lui sorlait de la ceinture. Effrayee d'elle-meme, Scylla se jeta dans la mer a I'en- droit ou est le detroit qui porte son noin. Sehhil ou Sebhael, genie qui, selon les mu- sulmans , tient les livres ofi sont ecrites les bonnes et les mauvaises actions des hommes. Secretain (Francoise), sorciere qui fut brulee a Saint-Claude, en Franche-Conite , sous Boguet. Ella avoua qu'elle avait vu le diable, tantot en forme de chien, tantot en forme de chat, lantot en forme de poule ^. Elle le vit aussi sous les trails peu agreables d'un grand cadavre.... Secrets merveilleux. Faites iremper une graine quelconque dans la lie de vin , puis jetez-la aux oiseaux; ceux qui en tateront s'enivreront el se laisseronl prendre a la main. Mangez a jeun quatre branches de rue , neuf grains de genievre , une noix, une ligue seche et un peu de sel, piles ensemble, vous vous maintiendrez en parfaile sante, dit le Petit Albert. Qu'on pile et qu'on prenne dans du vin une pierre qui se trouve dans la tele de quelques poissons , Avicenne dit qu'on guerira de la pierre. Mizaldus prelend que les grains d'aubepine, pris avec du vin blanc, guerissent de la gravelle. La grenouille des buis- sons, coupee et mise sur les reins, fait tellemenl uriner, si Ton en croit Cardan, que les hydro- piques en sont souvenl gueris. Qu'on plume, qu'on brule et qu'on reduise en poudre la tele d'un milan , qu'on en avale dans de I'eau autant qu'on peut en prendre avec trois doigts, Mizaldus promet qu'on guerira de la goutte. Cardan assure encore qu'une decoction de I'ecorce du peuplier blanc, appliquee sur les membres souffrants, guerit la goutle scialique. Wecker declare qu'une tasse de the guerit les morsures des viperes. On voit dans Thiers qu'on fait sortir les or- dures des yeux en crachant trois fois. Ce ne sont la que des secrets de sante. Leloyer dit que, pour se garanlir des enchantements, il 1 Wierus, in Pseudomon. deem. 2 Boguet, Discours des execrables sorciers. faut cracher sur le Soulier du pied droit, el qu'on se preserve des malefices en crachant trois fois sur les cheveux qu'on s'arrache en se peignant, avant de les jeter a terre. Un ancien assure qu'une vierge arrete la grele en en mellant trois grains dans son sein. Nous entrons la dans les secrets plus mysterieux. On empeche un mari de dormir en mellant dans son lit un (Euf d'hirondelle. Meltez un oeuf dans le vin : s'il descend de suite au fond, le vin est trempe ; s'il surnage, le vin est pur. Qu'on mele I'herbe centauree avec le sang d'une huppe femelle, et qu'on en metle dans une lampe avec de I'hnile, tous ceux qui se Irouveronl presents se verronl les pieds en I'air et la lete en has. Si on en met au nez de quel- qu'un, il s'enfuira et courra de toules ses forces. Celui-ci est d'Albert le Grand , ou du moins du livre de secrets merveilleux qu'on lui atlribue. Qu'on melle pourrir la saucje dans une fiole, sous du fumier, il s'en formera un ver qu'on brulera. En jelanl sa cendre au feu, elle produira un coup de tonnerre. Le meme livre ajoule que, si on en mele a I'huile de la lampe , toule la chambre sem- blera pleine de serpents La poudre admirable que les charlatans ap- pcllenl poudre de perlimpinpin , et qui opere lant de prodiges, se fait avec un chat ecorche, un crapaud , un lezard et un aspic , qu'on met sous de bonne braise jusqu'a ce que le tout soil pul- verise*. On pourrait ciler une foule de secrets pareils , car nous en avons de toutes les couleurs; mais ceux qu'on vient de lire donnent une idee de la totalile. Voy. Charmes, Enchantements, Malefices, PRIi^RES, Superstitions, etc, Pline assure qu'un certain Babilius fit en six jours la Iraversee de la Sicile a Alexandrie, par la verlu d'une herbe dont il ne dit pas le nom. On cite d'aulres voyageurs qui ontfaiten unjour cent lieues a pied au moyen de la jarretifere du bon voyageur. Voy. Jarretiere. II y a des livres tres-gros, uniquement consa- cres aux formules des secrets dils naturels et des secrets dils magiques. Nous devons donner une idee lextuelle de cette parlie de I'encyclopedie infernale. SECRETS DE L'ART MAGIQUE DU GRAND CRIMOIRE. u Composition de mort, ou la pierre philoso- phale. — Prenez un pot de terre neuf, mettez-y une livre de cuivre rouge avec une demi-chopine d'eau-forte que vous ferez bouillir pendant une demi-heure : apres quoi vous y mettrez trois onces de vert-de-gris que vous ferez bouillir une heure ; puis vous mettrez deux onces et demie d'arsenic que vous ferez bouillir une heure; vous y mettrez trois onces d'ecorce de chene, bien pulverisee, que vous laisserez bouillir une demi- ' Kivasseau. SEG — 603 — SEG heure, une potee d'eau rose bouillie douze mi- nutes, trois onces de noir de fumee que vous laisserez bouillir jusqu'a ce que la composition soit bonne. Pour voir si elle est assez cuite, il faut y tremper un clou : si elle y prend, 6tez-la; elle vous procurera une livre et demie de bon or; et si elle ne prend point, c'est une preuve qu'elle n'est pas assez cuite ; la liqueur peut ser- vir qiiatre fois. .» Pour fair e la baguette divinatoire et la /aire tourner. — Des le moment que le soleil parait sur rhorizon, vous prenez de la main gauche une baguette vierge de noisetier sauvage et la coupez de la droite en trois coups, en disant : Je te ramasse au nom d'Elo'iin, Matrathon , Adonai et Semiphoras , alin que tu aies la vertu de la verge de Moise et de Jacob , pour decouvrir tout ce que je voudrai savoir. Et pour la faire tour- ner, il faut dire, la tenant serree dans ses mains par les deux bouts qui font la fourche : Je le re- commande au nom d'Eloim, Matrathon, Adonai et Semiphoras , de me relever » Pour gagner toutes les fois qu'on met aux loteries. — II faut, avant de se coucher, reciter trois fois cette oraison , apres quoi vous la met- trez sous I'oreiller, ecrite sur du parchemin vierge , sur lequel vous aurez fait dire une masse du Saint-Esprit..., et pendant le sommeil le genie de votre planete vient vous dire I'heure ou vous devez prendre votre billet : Domine Jesu Christe, qui dixisti ego sum via, Veritas et vita, ecce enim veritatem dilexisti, incerta et occulta sapienticB tuw manifestasti mihi, adhuc quae reveles in hac nocte sicut ita revelatum fuit parvulis solis , inco- gnita et Ventura unaque alia me doceas, ut passim omnia cognoscere, si et si sit j ita monstra mihi montem ornatum omni vino bono, pulchrum et gratum pomarium, aut quamdam rem gratam, sin autem ministra mihi ignem ardentem, vel aquarum currentem, vel aliam quamcxinque rem qua: Domino placeat , et vel Angeli Ariel, liubiel et Barachiel sitis mihi multum amatores et facto- res ad opus istud obtinendum quod cupio scire, videre, cognoscere et prmvidere per ilium Deum qui venturus est judicare vivos et mortuos, et scecu- lum per ignem. Amen. Vous direz trois Pater et trois Ave Maria pour les ames du purgatoire,... » Pour charmer les amies a feu. — II faut dire : — Dieu y ait part et le diable la sortie, — et lors- qu'on met en joue, il faut dire en croisant la jambe gauche sur la droite : — iVon tradas Domi- num nostrum Jesum Christum. Mathon. Amen.... » Pour parler aux esprits la veille de la Saint- Jean-Baptiste. — II faut se transporter, de onze heures a minuit, pres d'un pied de fougere, et dire : — Je prie Dieu que les esprits a qui je souhaite parler apparaissent a minuit precis. — Et aux trois quarts vous direz neuf fois ces cinq paroles : Bar, Kirabar, Alii, Alla-Tetragamaton. » Pour se rendre invisible. — Vous volerez un chat noir, et vous acheterez un pot neuf, un mi- roir, un briquet , un pierre d'agate , du charbon et de I'amadou, observant d'aller prendre de I'eau au coup de minuit a une fontaine ; apres quoi , allumez votre feu, mettez le chat dans le pot, et tenez le couvert de la main gauche sans bouger ni regarder d'erriere vous, quelque bruit que vous entendiez; et, apres I'avoir fait bouillir vingt-quatre heures, vous le mettez dans un plat neuf; prenez la viande et la jetez par-dessus I'e- paule gauche , en disant ces paroles : Accipe quod tibi do, et nihil amplius * ; puis vous mettrez les OS un a un sous les dents du cote gauche , en vous regardant dans le miroir ; et si ce n'est pas le bon OS, vous le jetterez de meme, en disant les memes paroles jusqu'a ce que vous I'ayez trouve, et sitot que vans ne vous verrez plus dans le miroir, retirez-vous a reculons en disant : Pater, in manus tuas commendo spiritum meum... » Pour faire la jarretiere de sept lieues par heure. — Vous acheterez un jeune loup au-des- sous d'un an, que vous egorgerez avec un cou- teau neuf a I'heure de Mars , en prononqant ces paroles : Adhumalis cados ambulavitin fortitudine cibi illius; puis vous couperez sa peau en jarre- tieres larges d'un pouce , et y ecrirez dessus les memes paroles que vous avez dites en I'egor- geant, savoir, la premiere lettre de votre sang, la seconde de celui du loup', et immediatement de meme jusqu'a la fm de la phrase. Apres qu'elle est ecrite et seche, il faut la doubler avec un pa- doue de fil blanc , et altacher deux rubans violets aux deux bouts pour la nouer du dessus au-des- sous du genou ; il faut prendre garde qu'aucune femme ou fille ne la voie ; comme aussi la quitter avant de passer une riviere , sans quoi elle ne serait plus assez forte. » Composition de I'emplutre pour faire dix lieues par heure. — Prenez deux onces de graisse humaine, une once d'huile de cerf, une once ' On disait a Belph(^gor : Accipe quod tibi do , stercus in ore tuo. SEC — GOi — SEP d'luiile (le laurier, line once de graisse de cerf , line once de raomie naturelle, luie demi-chopine d'esprit-de-vin et sept feiiilles de verveine. Voiis ferez bouillir le tout dans un pot neuf jtisqn'a demi-rediiction ; puis vous en forinez les empla- tres sur de la peau nenve, et, lorsque vous les appiiquez sur la rate, vous allez comme le vent. Pour n'etre point nialade quand vous le quittez, il faut prendre trois goultes de sang dans un verre de vin blanc. » Composition de I'cncre pour ccrbx lespacles. — Les pactes ne doivent point etre ecrits avec I'encre ordinaire. Chaque fois qu'on fait une appellation a I'esprit, on doit en changer. Mettez dans un pot de terre vernisse neuf de I'eau de riviere et la poudre decrile ci-apres. Mors pre- nez des branches de fougere cueillie la veille de la Saint-Jean, du sarment coupe en pleine lune de mars; allumez ce bois avec du papier vierge, ot des que votre eau bouillira, votre encre sera faite. Observez bien d'en changer a chaque nou- velle ecriture que vous aurez a faire. Prenez dix onces de noix de galls et trois onces de vitriol romain, on couperose verte; d'aUm de roche ou de gomme arabique, deux onces de chacun; mettez le tout en poudre impalpable, dont, lors- que vous voudrez faire de I'encre, vous prepa- rcrez comme il est dit ci-dessus. )) Encre pour noter les somines qu'on prendra duns les tresors caches et pour en dcmander de plus fortes a Lucifuge ' dam les nouveaux besoins. — Prenez des noyaux de peche sans en oter les amandes, meltez-les dans le feu pour les reduire en charbons bien brules; alors relirez-les, et, lorsqu'ils sont bien noirs, prenez-en une partie, que vous melerez avec autant de noir de fumee ; ajoutez-y deux parties de noix de galle concas- sees; faites dans I'huile dessechee de gomme arabique quatre parties ; que ie tout soit mis en poudre tres-fine et passee par le tamis. Mettez cette poudre dans de I'eau de riviere. II est inu- tile de faire remarquer que tons les objets de- crils ci-dessus doivent etre absolument neufs. » Lecteur benevolo, dit pour sa conclusion I'auteur de ces recetles, dont nous ne donnons que le bouquet, penetre-toi bien de tout ce que le grand Salomon vient de t'enseigner par mon organe. Sois sage comme lui , si tu veux que toutes les richesses que je viens de mettre en ton pouvoir puissent faire ta felicite. Sois humain envers tes semblables, soulage les malheureux; vis content. Adieu. » 11 est triste de savoir que de tels livres se ven- dent en grand nombre dans nos campagnes. Les vollairiens se plaignent de I'innocente diffusion de quelques pelites brochures pieuses qui pre- chent la paix; ils ne disent riendes Grimoires el des Clavicules. ' Pour Lucifuge 'qui fait la lumiere), voyez Pacto. Segjin, septieme partie de I'enfer chez les [ mahometans. On y jette les ames des impies , [ sous un arbre noir et tenebreux, ou Ton ne voit j jamais aucune lumiere ; ce qui n'estpas gai. Seidur , magie noire chez les Islandais. V. Nid. Seings. Divination d I'aide des seings, adressie ■ par Melampus au roi Ptolemee. — Un seing ou grain de beaute, au front de I'homme ou de la femme , promet des richesses. Un seing aupres dessourcils d'une femme la rend a la fois bonne et belle; aupres des sourcils d'un homme , un seing le rend riche et beau. Un seing dans les sourcils promet a I'homme cinq femmes et a la femme cinq maris. Celui qui porte un seing a la' joue deviendra opulent. Un seing a la langue promet le bonheur en menage. Un seing aux le- vres indique la gourmandise. Un seing au men- ton annonce des tresors. Un seing aux oreilles doane une bonne reputation. Un seing au cou promet une grande fortune; mais pourtant celui qui porte un seing derriere le cou pourrait bien etre decapite. Un seing aux reins caracterise un pauvre gueux. Un seing aux epaules annonce une captivite. Un seing a la poitrine ne donne pas de grandes richesses. Celui qui porte un seing sur lecoeur est quelquefois mechanl; celui qui porte un seing au ventre aime la bonne chere. Ceux qui ont un seing aux mains auront beaucoup d'enfants. Voij. Chiromancip:. Sel. Le sel, dit Boguet, est un antidote souve- rain contre la puissance de I'enfer. Le diable a tenement le sel en haine qu'on ne mange rien de sale au sabbat. Un Italien, se trouvant par hasard a cette assemblee pendable , demanda du sel avec tant d'importunite , que le diable fut con- traint d'en faire servir. Sur quoi I'ltalien s'ecria : — Dieu soit beni , puisqu'il m'envoie ce sel ! et tout delogea a I'instant. Quand du sel se repand sur la table, mauvais presage, que Ton conjure en prenant une pincee du sel repandu et le jetant derriere soi avec la main droite par-dessus I'e- paule gauche. Les Ecossais attribuent une vertu extraordinaire a I'eau saturee de sel ; les habi- tants des Hebrides et des Orcades n'oublient ja- mais de placer un vase rempli d'eau et de sel sur la poitrine des morts, afin, disent-ils de chas- ser les esprits infernaux. Le sel est le symbole de I'eternite et de la sagesse , parce qu'il ne se corrompt point. Voy. SALiiiUt:, Separ. Voy. Vepar. Sephirioths (les) sont dans la cabale des etres superieurs mal definis. Sepulture. Quelques philosophes qui voya- geaient en Perse, ayant trouve un cadavre aban- donne sur le sable , I'ensevelirent et le mirent en terre. La nuit suivante, un spectre apparut a I'un de ces philosophes et lui dit que ce mort etail le corps d'un infame qui avait commis un incesle, et que la terre lui refusait son sein. Les philoso- phes se rendirent le lendemain au meme lieu SER — 605 — SER pour deterrer le cadavre ; raais ils troiiverent la besogne faite, et continuerent la route sans plus s'en occuper. Foy. Mort et Funerailles. Nous pouvons ajouter un trait de plus aux bi- zarreries des usages funebres. Jonas, I'un des rois comans, mourut subite- ment avant d'etre baptise ; pour cette raison, on I'enterra comme paien hors des murs de Constan- tinople, On permit a ses ofliciers de faire ses fu- nerailles selon leurs pratiques barbares. Son mo- nument fut dresse sur une eminence, et dans la fosse , autour de son cadavre , on pendit a sa droite et a sa gauche plusieurs de ses ecuyers qui s'offrirent volontairement a aller servir leur maitre dans I'autre monde; on y pendit aussi, pour le meme usage , vingt-six chevaux vivants. Sermons. Le diable, qui affecle de singer tous les usages de I'Eglise, fait faire au sabbat des sermons auxquels doivent assister tous les sor- ciers. Asmodee est son predicateur ordinaire , et plusieurs sorcieres ont rapporte lui avoir enlendu precher des abominations. Serosch, genie de la terre chez les Parsis. II preserve I'homme des embuches du diable. Serpent. C'est sous cette figure redoutee que Satan fit sa premiere tentation. Le serpent noir de Pensylvanie a le pouvoir de charmer ou de fasciner les oiseaux el les ecureuils : s'il est cou- che sous un arbre et qu'il fixe ses regards sur I'oiseau ou I'ecureuil qui se trouve au-dessus de lui, il le force a descendre et a se jeter directe- mentdans sa gueule. Cette opinion est justement tres-accreditee, et ceux qui la nient parce qu'elle tientdu merveilleux ne connaissent pas leseffets de la fascination naturelle. II y a dans les royau- mes de Juida et d'Ardra, en Afrique, des serpents tres-doux, tres-familiers, et qui n'ont aucun ve- nin ; ils font une guerre continuelle aux serpents venimeux : voila sans doute I'origine du cuite qu'on commenga et qu'on a continue de leur rendre dans ces contrees. Un marchand anglais , ayant trouve un de ces serpents dans son maga- sin, le tua, et, n'imaginant pas avoir commis une action abominable, le jeta devant sa porte. Quel- ques femmes passerent , pousserent des cris af- freux, et coururent repandre dans le canton la nouvelle de ce sacrilege. Une grande fureur s'em- para des esprits : on massacra les Anglais; on mit le feu a leurs comptoirs , et leurs marchan- dises furent consumees par les fiammes. Des chimistes ont soutenu que le serpent, en muant et en se depouillant de sa peau, ra- jeunit, croit, acquiert de nouvelles forces, et qu'il ne meurt que par des accidents et jamais de mort naturelle. On ne peut pas prouver par des experiences la faussete de cette opinion ; car si Ton nourrissait un serpent et qu'il vint a mou- rir, les partisans de son espece d'immortalite diraient qu'il est mort de chagrin de n'avoir pas sa liberte, ou parce que la nourriture qu'on lui donnait ne convenait point a son temperament. On dit qu'Ajax, roi des Locriens, avait appri- voise un serpent de quinze pieds de long, qui le suivait comme un chien etvenait manger a table. Voy. Alexandre de Paphlagonie, Ane, Harold, Haridi, etc. Serpent de mer (Le grand). On se rappelle le bruit que fit en 1837 la decouverte du grand serpent de mer vu par le navire le Havre a la hauteur des Agores. Tous les journaux s'en sont occupes; et, apres s'en etre montree stupefaile, la presse, faisant volte-face,, a presente ensuite le grand serpent marin comme un etre imagi- naire. M. B. de Xivrey a publie a ce propos, dans le Journal des Dehats , des recherches curieuses que nous reproduisons en partie : « Les mers du Nord, dit-il, paraissent etre au- jourd'hui la demeure habituelle du grand serpent de mer, et son existence est en Norvege un fait de notoriete vulgaire. Ce pays a vu souvent echouer sur ses cotes des cadavres de ces ani- maux, sans que I'idee lui soit venue de mettre de I'importance a constater ces faits. Les souve- nirs s'en sont mieux conserves lorsqu'il s'y joi- — 606 — SER gnait quelque autre incident plus grave , comme la corruption de I'air causee quelquefois par la pu- trefaction de ces corps. Pontoppidan en a cite des exemples, mais jamais on n'avait pense a rediger , a I'occasion de pareils fails, un proces-verbal. Celui qui fut redige a Stronza offre les notions les plus precises que Ton possede sur la figure du ser- pent de mer. Nous y voyons notamment ce signe remarquable de la criniere, dont les observateurs plus anciens et les recits des Norvegiens s'accor- dent a faire mention. Nous le trouvons'dans une lettre datee de Bergen, 21 fevrier 1751, ou le capitaine Laurent Ferry termine ainsi sa descrip- tion du serpent de mer qu'il rencontra : <( Sa tete , qui s'elevait au-dessus des vagues les plus hautes, ressemblait a celle d'lin cbeval; il etait de couleur grise, avec la bouche tres-brune, les yeux noirs et une longue criniere qui flottait sur son cou. Outre la tete de ce reptile, nous piimes distinguer sept ou huit de ses replis, qui etaient Ires-gros el renaissaienl aune loise I'un de I'autre. Ayant raconte cetle aventure devant une per- sonne qui desira une relation authenlique, je la redigeai et la lui remis avec la signature des deux matelots, temoins oculaires, Nicolas Peterson Kopper et Nicolas Nicolson Angleweven, qui sont prets a attester sous serment la description que j'en ai faite. » » G'est probablement celte criniere que Paul Egede compare a des oreilles ou a des ailes dans sa description du serpent marin qu'il vit a son second voyage au Greenland : « Le 6 juillel, nous apergumes un monstre qui se dressa si haut sur les vagues, que sa tele alteignail la voile du grand mat Au lieu de nageoires , il avail do grandes oreilles pendantes comme des ailes ; des ecailles lui couvraient tout le corps, qui se ter- minait comme celui d'un serpent. Lorsqu'il se reployait dans I'eau, il s'y jelait en arriere et, dans celle sorle de culbule , il relevait sa queue de toute la longueur du navire. » » Olai'is Magnus, archeveque d'Upsal au milieu du seizieme siecle, fait une mention formelle de cetle criniere , dans le portrait du serpent de deux cents pieds de long et de vingl de circonfe- rence, donl il parle comme temoin oculaire : « Ce serpent a une criniere de deux pieds de long ; il est couverl d'ecailles et ses yeux brillenl comme deux flammes ; il altaque quelquefois un navire, dressant sa tele comme un mat et saisissant les matelots sur le tillac. » Les memos caracteres, qui se reproduisent dans d'autres recits dont la reunion serait trop longue, se relrouvent dans les descriptions des poetes scandinaves. Avec une tele de cheval , avec une criniere blanche et des joues noires, ils attribuent au serpent marin six cents pieds de long. lis ajoutent qu'il se dresse lout a coup comme un mat de vaisseau de ligne, et pousse des sifflements qui effrayent comme le cri d'une tempele. Ici nous apercevons bien les effets de I'exageralion poetique, mais nous n'a- vons pas les donnees sufflsantes pour marquer le point precis ou elle abandonne la realite. )) En comparant ces notions ^ avec ce que peu- vent nous olfrir d'analogue les traditions du moyen age et de I'antiquite , je trouve des similitudes frappantes dans la description qu'Albert le Grand nous a laissee du grand serpent de I'lnde : u Avi- cenne en vit un, dit-il, dont le cou etait garni dans toute sa longueur de polls longs et gros comme la criniere d'un cheval. » Alberlajoute que ces serpents out a chaque machoire trois dents longues et proeminenles. Cetle derniere circon- stance parait une vague reminiscence de ce que Ctesias, dans ses Indiques , et.d'apres lui Elien, dans ses PropHetcs des animaux, ont rapporte du ver du Gauge. Pour la dimension, ce ver est sans doule inferieur a la grandeur que pent at- leindre le serpent marin, puisque ces auteurs grecs lui donnent sept coudees de long et une circonference telle qu'un enfant de dix ans aurait de la peine a I'embrasser. Les deux dents dont ils le disenl pourvu, une a chaque machoire, lui servent a saisir les boeufs, les chevaux ou les chameaux qu'il trouve sur la rive du fleuve , oi!i il les entraine et les ddvore. II est a propos de remarquer ici qu'un grand nombre de traits d'He- rodote et memo de Ctesias, rejetes d'abord comme des contes ridicules, ont ele plus lard repris pour ainsi dire en sous-oeuvre par la science, qui sou- vent y a decouvert des fails vrais et memo peu alleres. Malte-Brun a plusieurs fois envisage Cte- sias sous ce point de vue. » Nous arrivons naturellement a I'epouvantable animal appele odonlottjrannus , dans les recits romonesques des merveilles qu'Alexandre ren- contra dans I'hide. Tous les romans du moyeu age surce conquerant, provenantdes textes grecs designes sous le nom du Pseudo-Callisthene, sont unanimes sur Vodonlotyvannus , dontparlent aussi plusieurs auteurs byzantins. Tous en font un ani- mal amphibie, vivant dans le Gauge el sur ses bords, d'une laille dont la grandeur depasse toute vraisemblance, « telle, dit Palladius, qu'il peut avaler un elephant tout enlier ». Quelque ridicule queparaisse celle derniere circonstaoce, on pour- rail y voir une allusion hyperbolique a la ma- niere dont les plus gros serpents lerreslres devo- rent les grands quadrupedes, comme les chevaux et les boeufs; ils les avalenl en effet sans les di- visor, mais apres les avoir broyes, allonges en une sorle de rouleau informe, par les puissantes elreintes el les secousses terribles de leurs replis. 11 est vrai que M. Groefe, par une docte disserta- tion ins^ree dans les Memoires de I'Academie imperiale des sciences de Saint-Petersbourg, a pretendu que Vodontotyrannus des traditions du ' Fournies par I'auteur anglais d'un article de la Retrospective Revieiv, traduit en 1835 dans la Revue hritannique. SER — 607 — moyen age devait etre un souvenir du mammouth, Le savant russe ne pent guere fonder cette sin- guliere interpretation que sur les versions latines Ida roman d' Alexandre, dont monsignor Mai a Ipublie un texte en 1S18, sous le nom de Julius j Valerius. II est dit que V odontotyrannus foula aux j pieds {conculcavit) un certain nombre de soldats I macedoniens. Le merne recit se trouve dans una jpretendue lettre d' Alexandre a Aristote, et dans I un petit Traite des monslres et des betes extraor- { dinaires, recemment publie. Mais dans les au- teurs grecs que je viens d'indiquer, c'est-a-dire les divers textes grecs inedits du Pseudo-Gallis- thene et Palladius, Cedrenus, Glycas, Hamarto- lus, on n'ajoute aucun detail figuratif a I'expres- ; sion d'une grandeur enorme et d'une nature amphibie. » Pour la qualite d'amphibie , qui n'appartient certainement pas au mammouth , peut-elle s'ap- pliquer au grand serpent de mer? Sir Everard , Home, en proposant de placer parmi les squales j celui qui avait echoue sur la place de Stronza, a prouve par la qu'il le regardait comme un ve- ritable poisson. Mais si Ton en fait un reptile, on lui supposera par cela meme une nature amphibie, avec lafaculte de rester indefmiment dans I'eau, et I'on pourra en meme temps rapporter au meme animal les exemplesde serpents enormes vus sur terre et consignes de loin en loin dans la me- moire des hommes. Le serpent de mer dont Olaiis Magnus a conserve une description etait, au rapport du meme prelat, un serpent amphibie qui vivait de son temps dans les rochers aux en- virons de Bergen, devorait les bestiaux du voisi- nage et se nourrissait aussi de crabes. Un siecle plus tard, Nicolas Grammius, ministrede I'Evan- gile a Londen en Norvege, citait un gros serpent d'eau qui des rivieres Mios et Banz, s'etait rendu a la mer le 6 Janvier 1656. « On le vit s'avancer tel qu'un long mat de navire, renversant tout sur son passage , meme les arbres et les cabanes. Ses sifflements, ou plutot ses hurlements, fai- saient frissonner tous ceux qui les entendaient. Sa tete elait aussi grosse qu'un tonneau , et son corps, taille en proportion, s'elevait au-dessus des ondes a une hauteur considerable. » » En des temps plus anciens , nous citerons le serpent de I'ile de Rhodes, dont triompha au quatorzieme siecle le chevalier Gozon, qui, par suite de cet exploit, trop legerement traite de fable , devint grand maitre de I'ordre de Saint- Jean de Jerusalem; au seizieme siecle, celui que Gregoire de Tours rapporte avoir ete vu a Rome dans une inondation du Tibre, et qu'il represente grand comme une forte poulre : in modum trahis mlidcB. Le mot draco, dont se sert la notre vieil historien, est le terme de la bonne latinite, oi!i il signifie seulement un grand serpent. Dans I'an- tiquite proprement dite, Suetone nous apprend qu'Auguste publia aux comices, c'est-a-dire an- SER nonga offlciellement, la decouverte faile en Etriirie d'un serpent long de soixante-qiiinze pieds. Dion Cassius dit que, sous le meine prince, on vit dans la meme contree un serpent de quatre-vingt- cinq pieds de long, qui causa de grands ravages et fut frappe de la foudre. Le plus celebre de tons ceux dont ont parle les auteurs anciens est celuiqu'eut a combatlre I'armee romaine presde Carthage, sur les bords du lac Bagrada, pendant le second consulatde Regulus, Fan de Rome /|98, qui repoud a I'annee 256 avant Jesus-Christ. Ce serpent avail cent vingt pieds de long et causait de grands ravages dans I'armee romaine. Regulus fut oblige de diriger centre lui les balistes et les catapultes, jusqu'a ce qu'une pierre enorme lan- ceepar une de ces machines I'ecrasa, Le consul, pour prouver au peuple remain la necessite ou il se trouvaii d'employer son armee a cette expe- dition extraordinaire, envoya a Rome la peau du monstre, et on la suspendit dans un temple oii elle resta jusqu'a la guerre de Numance. Mais la dissolution du corps causa une telle infection, qu'elle forca I'armee a deloger. II n'y a peut-etre pas dans I'histoire de fait mieux attesle , phis circonstancie et raconte par un plus grand nombre d'auleurs. » Philostorge parle de peaux de serpents de soixante-huit pieds de long, qu'il avail vues a Rome. Diodore rapporte qu'un serpent de qua- rante-cinq pieds de long fut pris dans le Nil et envoye vivant a Ptolemee-Philadelphe a Alexan- drie. Strabon, qui , d'apres Agatharchides, parle d'autres serpents de la meme grandeur, cite ail- leurs Posidonius, qui vit dans la Coelesyrie un SER serpent mort de cent vingt pieds de long et d'une circonference telle que deux cavaliers separes par son corps ne se voyaient pas. ■>■> Alleguerons-nous que le meme Strabon rap- porte, d'apres Onesicrite, que, dans une contree de rinde appelee Aposisares, on avail nourri deux | serpents, I'un de cent vingt pieds, I'autre de deux 1 cent dix, et qu'on desirait beaucoup les faire voir a Alexandre? Si nous ajoutions le serpent que Maxime de Tyr pretend avoir ele montre par Taxile au meme conquerant, et qui avail cinq cents pieds de long, nous arriverions dans les traditions de I'Orient, presque au meme degr^ d'exlension ou nous avonsvu les traditions scan- dinaves, qui donnent six cents pieds a leur ser- pent de mer. Mais on peut juger par ces rappro- chements que I'existence de cet animal, bien qu'entouree souvent de traits suspects , est loin d'etre nouvelle ; qu'elle a ele observee de bien des manieres et depuis bien longtemps. Ce n'est pas, comme on le disail, un danger de plus pour les navigateurs ; car ce terrible monslre est deja ~i indique dans la Bible sous le nom de Leviathan, que I'Ecrilure applique a diverses betes enormes, ainsi que le remarque Bochart. Le prophete Isaie i I'applique ainsi : Ldvialhan, ce serpent immense ; Leviathan, serpent d divers plis et replis*. » Dans ce siecle, la presence du serpent de i mer a ete signalee en 1808 , en 1815 , en 1817 el en 1837. II n'est pas presumable qu'on le ren- ' contre plus frequemment a I'avenir que par le i passe ; du moins raltention publique, appelee sur ce phenomene par les organes de la presse, por- tera a la publicite des fails du meme genre qui pourraienl survenir encore, et qui sans cela au- raient passe inapergus. L'auteur anglais qui le premier a publie ceux qu'il avail recueillis, el a qui nous devons toutes nos citations des temoi- gnages modernes , fait aussi connaitre le moyen que les pecheurs norvegiens emploienl pour se garantir du serpent de mer. Lorsqu'ils I'apergoi- vent lout pres d'eux, ils evitent surtout les vides que laisse sur I'eau rallernative de ses plis et replis. Si le soleil brille, ils rament dans la direc- tion de eel aslre qui eblouit le serpent. Mais lors- qu'ils raper(^oivent a distance, ils font loujours force de rames pour I'eviter. S'ils ne peuvenl es- perer d'y parvenir, ils se dirigent droit sur sa tele, apres avoir arrose le pontd' essence de muse. On a observe I'anlipalhie de cet animal pour ce par- fum violent; aussi les pecheurs norvegiens en sont loujours pourvus quand ils se mellent en mer pendant les mois calmes et chauds de I'ele. Dans la rencontre faile en 1837 , les personnes qui elaienl abord du Havre ont apergu seulement les ondulations du corps de I'immense reptile, et ont evalue approximalivement sa longueur a plu- sieurs fois celle du navire. » ' Isaie, ch. xxvi, verset 1, traduct. de Sacy. — 608 — SER — 609 — SIB Serug , esprit inalin. Voy. Chassen. Servants, lutins familiers dans les Alpes. lis bechent et entretiennent le jardin si on a pour eux des egards, ils le bouleversent si on les irrile. On les apaise en leur jetant de la main gauche une cuilleree de lait sous la table. Servius-Tullius. Leloyer et d'aulres preten- dent que le roi de Rome Servius etait fils d'un demon. Les cabalistes soutiennent de leur cote qu'il fut fils d'un salamandre. Sethiens ou Sethites,heretiquesdu deuxieme siecle qui honoraient particulierement le patriar- clie SeLh, fils d'Adam. Ils disaient que deux anges avaient cree Gain et Abel et debitaient beaucoup d'autres reveries. Selon ces hereLiques, Jesus- Christ n'etait autre que Seth, venu au monde une seconde fois. lis forgerent des livres sous le nom de Seth et des autres patriarches. Sethus. II y avait a la suite de I'empereur ]\Ianuel un magicien , nomme Sethus, qui rendit une fille eprise de lui par le moyen d'une peche qu'il lui donna, a ce que conte Nicetas. Severe (Septime). Des historiens rapportenl qu'a la sortie d'Antioche I'ombre de I'empereur Severe apparut a Caracalla, et lui dit pendant son sommeil : « Je te tuerai comme tu as tue ton frere. n Sexe. On pretend aussi reconnaitre d'avance, a certains symptomes, le sexe d'un enfant qui n'est pas ne. Si la mere est gaie dans sa gros- sesse, elle aura un garcon ; si elle est pesante du cote droit, elle aura un gargon. Si elle se sent lourde du cote gauche, elle aura une fille. Si elle est pale et pensive, elle aura une fille. Albert le Grand dbnne a entendre qu'il nait des gargons dans un menage oil Ton mange du lievre, et des filles dans une maison oii Ton fait cas de la fres- sure de pore. Voici autre chose : Ems possede deux sources, la Bubenquelle et la Maegdenquelle, qui , selon les gens du pays , ont une vertu mer- veilleuse : en buvant de la premiere, on est sur d'avoir des garcons, et en buvant de I'autre, d'avoir des filles. Croyez cela et buvez du johannisberg ou du champagne *. Shamavedam, I'un des quatre livres sacres des Indiens. C'est celui qui contient la science des augures et des divinations. ShelO. Voy. SOUTHCOTE. Shoupeltins. Les habitants des lies Schetland appelaient ainsi des tritons ou hommes marins, dont les anciennes traditions et la superstition populaire ont peuple les mers du Nord. Sibyllas. Les sibylles etaient chez les anciens des femmes enlhousiastes qui ont laisse une Caricature allemandc de la sibyllc qui donue a En^e le rameau d'or. grande renommee, et les paroles de plusieurs ont eu un cachet respectable. Ou il faut admettre que quelques-unes ont ete inspir^es, ou il faut refuser a plusieurs des saints Peres un credit qu'ils meritent assurement. Leurs propheties etaient en langage poetique. Malheureusement 1 Jacquemin, Fragments d'un voyage en Allemagne. 39 SIB — 610 — SIB les originaiix sont presque tons perdiis, et les raorceaiix qui nous en restent passent pour sup- poses en grande partie. Enee, dans Virgile, s'adresse a une sibylle pour obtenir le rameau d'or qui doit le proleger aux enfers. Les sibylles sont au nonibre de dix selon Varron ; d'autres en comptent jusqu'a douze : l" La sil)ylle de Perse. Elle se nommait Sam- bethe; on la dit bru de Noe dans des vers sibyl- lins apocryphes. 2° La sibylle libyenne. Elle voyagea a Samos, a Delphes, a Ciaros et dans plusieurs aulres pays. On lui attribue des vers contre I'idolatrie : elle reproche aux bommes la sottise qu'ils font de placer leur espoir de salut dans un dieu de pierre ou d'airain , et d'adorer les ouvrages de leurs mains. 3° La sibylle de Delpbes, Elle etait fiUe du devin Tiresias. Apres la seconde prise de Thebes, elle fut consacree au temple de Delphes par les Epigones, descendants des guerriers qui avaieut pris Thebes la premiere fois, Ce fut elle, selon Diodore, qui porta la premiere le nom de sibylle. Elle a celebre dans ses vers la grandeur divine ; et des savants pretendent qu'Homere a tire parti de quelques-unes de ses pensees. k" La sibylle d'Erythree. Elle a predit la guerre de Troie , dans le lemps oii les Grecs s'embar- quaient pour cette expedition. Elle a prevu aussi qu'Homere chanterait cette guerre longue et cruelle. Si Ton en croit Eusebe et saint Augustin, elle connaissait les livres de Mo'ise ; elle a parle en effet de I'altente de Jesus-Christ. On lui at- tribue nieme des vers dout les premieres lettres expriment, par acrosliche, Jlsus-Christ, Jils de Dieu. On I'a quelquefois representee avec un petit Jesus et deux anges a ses pieds. 5° La sibylle cimmerienne a parle de la sainte Vierge plus clairement encore que celle d'Ery- three, puisque, selon Suidas, elle la nomme par son propre nom. 6° La sibylle de Samos a predit que les Juifs crucifieraient uu juste qui serait le vrai Dieu. 7" La sibylle de Cumes, la plus celebre de toutes, faisait sa resideace ordinaire a Cumes, en Italie. On I'appelait Deiphobe; elle etait fille de Glaucus et pretresse d'Apollon. Elle rendait ses oracles au fond d'un autre qui avait cent portes, d'oLi sortaient autant de voix qui faisnient en- tendre ses reponses, Ce fut elle qui offrit a Tar- quin le Superbe un recueil de vers sibyllins, dont on salt qu'il ne regut que la quatrieme partie : ces vers furent soigneusement conserves dans les archives de I'empire, au Capitole. Get edifice ayant ete brule du temps de Sylla , Auguste fit raniasser tout ce qu'il put de fragments detaches des vers sibyllins et les fit mettre dans des cof- fres d'or au pied de la statue d'Apollon PalaLin *, ' On appelait quindecemvirs les quiiize magistrals ou Ton allait les consulter. Petit , dans son traite De Sibylla, pretend qu'il n'y a jamais eu qu'une sibylle, celle de Cumes, dont on a partage les actions et les voyages. Ce qui a donne lieu, selon Uii, a cette multiplicite, c'est que cette fille mys- terieuse a prophelise en divers pays , mais c'est la une idee de savant a systeme. 8° La sibylle hellespontine. Elle naquit a Mar- pese, dans la Troade; elle prophetisa du temps de Solon et de Cresus. On lui attribue aussi des propheties sur la naissance de Notre-Seigneur. 9" La sibylle phrygienne. Elle rendait ses ora- cles a Ancyre , en Galatie. Elle a predit I'annon- ciation et la naissance du Sauveur. 10° La sibylle tiburtine ou Albunee, qui fut honoree a Tibur comme une femme divine. Elle predit que Je.sus-Christ naitrait d'unc vierge a Bethleem et regnerait sur le monde. 11" La sibylle d'Epire. Elle a aussi predit la naissance du Sauveur. 12° La sibylle egyptienne a chants egalement les rnysteres de la Passion et la trahison de Judas. Saint Jerome pense que les sibylles avaient requ du ciel le don de lire dans I'avenir en recompense de leur chastete. Mais il parait que les huit livres sibyllins que nousavons aujourd'hui sont eueffel douteux. Bergier, dans son savant Dictionnaire de t/icologie, les croit supposes et les attribue dans ce cas aux gnostiques du deuxieme siecle. Sibylles modernes. II y a eu succession, peu connue a la verite , dans les sibylles. Pierre Crespet, dans ses deux livres De la /mine des de- mons pour les hommes, en cite quelques faits. La grotte de Nursie, au pays de Naples, s'appelle encore la grotte de la Sibylle , et une sibylle y llorissait dans le moyen age et dans les premiers, temps de la reforme. Dominique Mirabelli , dont nous ignorons I'origine , arrete pour magie , car il portait avec lui des livres de magie, con- fessa, dans son interrogatoire , qu'il avait visite la sibylle de Nursie, avec quelques compagnons; que Scot, Tun d'eux, avait regu d'elle un livre mysterieux, avec un demon renferme dans un anneau; qu'il avait fait alors des choses prodi- gieuses devant plusieurs princes ; qu'a I'aide du livre et de I'anneau il pouvait se transporter ou il voulait, toutes les fois qu'il n'avait pas les vents contraires. 11 ajoutaque I'autorite religieuse avait clabli des surveillants a la porte de la grotte; preposds pour consulter les livres des sibylles. Mais ces livres, oil Ton croyait contenues les destinees du peuple roniain, ayant dtd briiles, I'an de Rome 670, avec le Capitole ou ils etaient gardes, on envoya de tous cotes des anibassadeurs faire la recherche des oracles des sibylles, et les quindecemvirs en composerent d'autres livres qu'Auguste fitcacher sous le piedestal de la statue d'Apollon Palatin. lis avaient ete d'abord etabiis par Tarquin au nombre de deux, puis furent portes a dix, et enfin jusqu'a quinze par Sylla. On les creait de la m^me maniere que les pontifes. (Le Livre unique, n" 15.) SIB — 611 — SIC i mais que ceux qui etaient inities a la magie y entraient en se rendant invisibles. II depeignait la sibylle : c Sa taille eLait petite ; elle etait assise sur un siege pen eleve, et ses cheveux flottaient jusqu'a terre. » Pendant que le visiteur s'entrete- nait avecelle, les eclairs et le tonnerre desolaient les environs de la grotte. Mirabelii , son ami Scot et sesautres compagnons furenl emmenes a Paris. Nous ne savons pas ce qu'il advint d'eux, Mais ces faits ont du avoir lieu aux temps ou les Fran- gais avaient le pouvoir a Naples. Enfm nous avons eu dans mademoiselle Le- normand, dans mademoiselle Ledoux et dans d'autres femmes, des sibylles contemporaines. II y en a une que nous ne nommons pas, car elle vit peut-etre encore , en retraite sans doule; elle faisait des horoscopes longuement ecrits, et les debitait a bon marche en 1829. La sibylle Sicidites. Leloyer conte que ce magicien , appuye sur les fenetres de I'erapereur Manuel Comnene, avec les courtisans, regardait le port de Constantinople. II arriva une petite chaloupe chargee de pots de terre. Sicidites offrit a ceux qui I'entouraient de leur faire voir le potior cas- sant ses pots; ce qu'il effectua a I'instant au grand divertissement des courtisans qui se pamaient de fire; mais ce rire se changea en compassion quand ils apergurent ce pauvre homme qui se lamentait, en s'arrachant la barbe, a la vue de PS- Gew/ui^' de 1829. tons ses pots casses. Et comme on kii demandait petirquoi il les avait brises de la sorte, il re- pondit qu'il avait vu un serpent a crete rouge et etincelante, entorlille autour de ses pots, qui le regardait la gueule ouverte et la tete levee comme s'il eut voulu les devorer, et qu'il n'avait disparu qu'apres tous les pots casses. Un autre jour, pour se venger de quelques gens qui I'insultaient dans un bain, Sicidites se retira dans une chambre prochaine pour reprendre ses habits. Des qu'il fut sorti, tous ceux qui etaient dans le bain deta- 39. SID — 61 2 SIM lerent avec precipilalion , parce que dii fond de la ciive da bain il sortit des hommes noirs qui les chassaient a coups de pied. Sideromancie , divination qui se praliquait avec un fer rouge, sur lequel on plagait avec art un certain nombre de petites paillettes qu'on bru- lait et qui jetaient des reflets corarae les etoiles. Sidragasum , demon qui a le pouvoir de faire danser les fenimes mondaines. Siffler le vent. « Cette coutume de sillier pour appeler le vent est une de nos superstitions nau- tiques, qui, malgre son absurdite, s'empare in- sensiblement, aux heures de calnie, des esprits les plus forts et les plus incredules ; autant vau- draitraisonneravec la brise capricieuseelle-mcme que d'essayer de convaincre le matelot anglais que, le vent soufflant ou il lui plait et quand il lui plait, il ne sert a rien de I'invoquer. En de- pit de la marche des intelligences, lorsque I'air manque a la voile, toujours le matelot siillera'. » Sifflet magique. Laville d'Hameln, en I2%k, fut delivree des rats qui I'infestaient en nombre immense par un magicien , lequel les atlirait au son de sa flute et les entraina dans le Weser, ou lis se noyerent. Mais les magistrals de la cite, ayant refuse de payer le prix convenu pour ce service, le meme magicien, sifflant un autre air, entraina tons les enfants d'Hameln, que leur pa- rents ne revirent plus. Get evenement est constate par plusieurs monuments Ires-gravest Sigeani, esprit qui, dans le royaume d'Ava, preside a I'ordre des elements et lance la foudre et les eclairs. Signe de croix.Un Juif qui se rendaita Fondi, dans le royaume de Naples, fut surpris par la nuit et ne trouva pas d'autre gite qu'un temple d'idoles, ou il se decida, faute de mieux, a at- tendre le matin. 11 s'accommoda comme il put dans un coin, s'enveloppa dans son manteau et se disposa a dormir. Au moment oil il allait fer- mer I'oeil , il vit plusieurs demons tomber de la voiate dans le temple et se disposer en cercle au- tour d'un autel. Le roi de Tenfer descendit aussi , se plaga sur un trone el ordonna a tous les diables subalternes de lui rendre compte de leur con- duite. Chacun fit valoir les services qu'il avait rendus a la chose publique ; chacun fit I'expose de ses bonnes actions, Le Juif, qui ne jugeait pas comme le prince des demons et qui trouvait leurs bonnes actions un peu mauvaises, fut si effraye de la mine des demons et de leurs discours qu'il se hata de dire les prieres et de faire les ceremo- nies que la synagogue met en usage pour chasser les esprits malins. Mais inutilement : les demons 1 Le capitaine Bazil Hall. 3 Voyez cette histoire dans les Legendes des com' mandemenls de Dieu. Gustave de Nieritz a fait de ce sujet un pur roman que M. J.-B. de Champagnac a traduit en francais et qui est intitule le Sifflet ma- gique ou les Enfants d'Hameln. ne s'apergurent pas qu'ils elaient vus par un homme. Ne sachanl plus a quoi recourir, le juif s'avisa d'employer le signe de la croix. On lui avait dit que ce signe etait formidable aux de- mons; il en eut la preuve, dit le legendaire, car les demons cesserent de parler, aussilot qu'il commenca de se signer. Apres avoir regarde autour de lui, le roi de I'enfer apercut I'enfant d'lsrael. — Allez voir qui est la , dit-il a un de ses gens. Le demon obeit; lorsqu'ii eut^examine le voya- geur, il retourna vers son maitre. — G'est ui> vase de reprobation , dit-il ; mais il vient de s'ap- puyer du signe de la croix. Sortons, reprit le diable. Nous ne pourrons bientot plus etre tranquilles dans nos temples. — En disant ces paroles, le prince des demons s'envola ; tous ses gens disparurent et le Juif se (it Chretien. Silenes. On donnait ce nom aux satyres lors- qu'ils elaient vieux. On entendait aussi qiielque- fois par sylenes des genies fainiliers tels que celui dont Socrate se vantail d'etre accompagne. Simagorad. Grimoire. Voy. Gharles vi. Simle, partie du paradis scandinave, d'un agrement assez mediocre. Simon le magicien. Ce Simon, connu pour avoir voulu acheter aux apotres le don de faire des miracles et pour avoir donne son nom mau- dit a la simonie , n'ayant pu trailer avec les saints, traila avec les demons. 11 en avait un a sa porte sous la forme d'un gros dogue, et des lors il tit des miracles ou plutot des prestiges. II disait que si on lui coupait la tete, il ressuscite- rait trois jours apres. L'empereur le fit decapi- terj par ses artifices, il supposa la tele d'un mouton a la place de la sienne et se r^montra le troisieme jour. II commandail a une faux de fau- cher d'elle-meme, et elle faisail autant d'ouvrage que le plus habile faucheur. Sous le regne de l'empereur Neron , il parul un jour en I'air comme un oiseau. Mais saint Pierre, plus puissant que lui, le fit tomber, et il se cassa les jambes. Get imposteur eut des disciples; et on le croit le pre- mier chef des gnostiques. Il attribuait la creation aux Eons ou esprits; il adirmail que les plus par- fails des divins Eons residaient dans sa personne; qu'un autre Eon, tres-distingue , quoique du sexe feminin, habitait dans sa maitresse Selene, dont il contait des choses prodigieuses ; que lui, Si- mon , etait envoye de Dieu sur la terre pour de- truire I'empire des esprits qui ont cree le monde materiel, et surtout pour delivrer Selene de leur puissance. II est certain que Simon, apres sa mort, fut honore comme un dieu par les Ro- mains, et qu'il eut une statue'. Simon de Phares, auteur d'un recueil d'his- toires de quelques celebres astrologues et hommes ^ Voyez sa vie dans les Legc7ules infernaleSi SIM — 61 3 — SOM j doctes, qu'il dedia an roi Charles VIII. II ne pa- ' rait pas que ce livre ait ete imprime^ Simonide. Un jour qu'il soupait chez un de 1 ses amis, on vint I'avertir que deux jeunes gens ! etaient a la porte, qui voulaienL lui parler d'une iraportante affaire. II sort aussitot , ne trouve per- sonne; et, dans I'instant qu'il veut rentrer a la maison , elle s'ecroule et ecrase les convives sous ses ruines. 11 dut son salut a un hasard si singu- lier, qii'on le regarda, parmi le peuple, comme un trait de bienveillance de Castor et Pollux, qu'il avait chantes dans un de ses poemes. Simorgue, oiseau fabuleux que les Arabes I nomment Anka, les rabbins Jukhneh, et que les I Perses disent habiter dans les montagnes de Kaf, 1 11 est si grand qu'il consomme pour sa subsistance tout ce qui croit sur plusieurs montagnes. II parle ; 11 a de la raison ; en un mot, c'esl une fee qui a j la figure d'un oiseau immense. Etant un jour in- I terrogee sur son age, la Simorgue repondit : — Ce monde s'est trouve sept fois rempli de creatures, et sept fois entierement vide d'ani- niaux. Le cycle d'Adam, dans lequel nous sommes, I doit durer sept mille ans , qui font un grand cycle I d'annees : j'ai deja vu douze de ces cycles, sans I que je sache combien il m'en reste a voir. — La ! Simorgue joue un grand role dans les legendes de Salomon. j Singes. Ces animaux etaient veneres en Egypte. Chez les Romains, au conlraire, c'etait un mau- vais presage de rencontrer un singe en sortant de la maison. — Tous les faits du demon I'ont fait surnommer h singe de Dieu. Sirath. C'est le nom que donhent les musul- mans au pont que les ames passent apres leur mort, et au-dessous duquel est un feu eternel. II est aussi mince que le tranchant d'un sabre ; les justes doivent le franchir avec la rapidite de I'eclair, pour entrer dans le paradis. Sirchade, demon qui a tout pouvoir sur les animaux. Sistre , plante qui , selon Aristote , se trouvait dans le Scamandre, ressemblait au pois chiche et avait la vertu de mettre a I'abri de la crainte des spectres et des fantomes ceux qui la tenaient a la main. Sittim ,'demon indien , qui habite les bois sous la forme humaine, Skalda. Voy. Nornus. Skinkraftigans , conjurateurs qui, chez les 1 Singularites historiques et UUeraires de D. Liron, t. I, p. 313. Anglo-Saxons, opposaient aux Chretiens de faux miracles par des moyens magiques. Smael , le meme que Samael. Smyrne. On dit qu'anterieurement aux temps historiques, une amazone fonda la ville de Smyrne et lui donna son nom , qu'elle n'a jamais perdu. Socrate. Les anciens, qui trouvaient les grandes qualites surhumaines, ne les croyaient pas elran- geres a I'essence des demons. II est vrai que les demons chez eux n'etaient pas pris tous en mau- vaise part. Aussi disaient-ils que Socrate avait un demon familier ; et Proclus soutient qu'il lui dut toute sa sagesse *. Peut-etre les hommes trou- vaient-ils leur compte a cet arrangement. lis se consolaient d'etre moins vertueux que Socrate en songeant qu'ils n'avaient pas un appui comme le sien. Soleil. Voy. Danse du soleil. Soleves , esprits de la montagne, legers comme des sylphes, dans les Alpes. Soliman. C'est le nom de Salomon chez les musulmans. lis entendent par ce nom quelque chose de tres-grand ; et ils assurent qu'il y a eu quarante solimans ou monarques universels de la terre, qui ont regne successivement pendant le cours d'un tres-grand nombre de siecles avant la creation d'Adam. Tous ces monarques pretendus commandaient chacun a des creatures de leur espece , differentes de I'espece humaine actuelle , quoique raisonnables comme les hommes ; ce sont les genies. Sommeil. Van der Viel rapporte qu'en 1684 un potier de terre de Londres dormit quinze jours de suite sans avoir ete affaibli par le defaut de nourriture ; il lui semblait n'avoir dormi qu'un jour. Epimenide, philosophe de Crete, etant en- tre dans une caverne, y dormit, selon Diogene Laerce, cinquante-sept ans; selon Plutarque cin- quante, selon d'autres viugt-sept. On pretend qu'au sortir de la il ne reconnaissaii plus per- sonne. Voy. Doiimants. Somnambules. Des gens d'une imagination vive, d'un sang trop bouillant, font souvent en dormant ce que les plus hardis n'osent entre- prendre eveilles. Barclai parle d'un professeur qui repetait la nuit les legons qu'il avait donndes le jour, et qui grondait si haut qu'il reveillait tous ses voisins. Johnston rapporte , dans sa Thauwatocjraphia naturalis, qu'un jeune homme sortait toutes les nuits de son lit, vetu seulement de sa chemise ; puis montant sur la fenetre de sa chambre , il sautait a cheval sur le mur et le talonnait pour accelerer la course qu'il croyait faire. Un autre descendit dans un puits et s'eveilla aussitot que son pied eut louche I'eau, qui etait tres-froide. Un autre monta sur une tour, enleva un nid d'oiseaux et se glissa a terre par une corde , sans s'eveiller. Un Parisien , de meme en- ' Proclus , De anima et dmmone. Naud^ , Apologie. SOM — 614 — SOM dormi, se leva, prit son epee, tra versa la Seine a la nage, tiia un homme que, la veille, il s'elait propose d'assassiner ; el , apres qu'il eut con- somme son crime, il repassa la riviere, retourna a sa maison et se mit an lit sans s'eveiller. Le Courrier de la Gironde rapportait, il y a quelques annees, le petit fait suivant : 11 existe dans une commune pres de Bordeaux une famille citee de pere en fils comme som- nambule. Le chef actuel de la famille vient de donner la preuve qu'il n'avait pas degenere. Apres la veillee, 11 etait alle se reposer des fa- tigues de la journee ; sa femme et ses enfants I'avaient bientot imite. A minuit, le laboureur cuvre I'oeil , bailie, etend les bras comme un homme qui secoue le sommeil et descend de sa couche. II passe son pantalon et sa veste de tra- vail, noue sa cravate de coton autour de son con, chausse ses sabots, tire la chevillette de sa porte, et sort. Notre laboureur va droit a son etable, saisit I'aiguillon, et, un juron aidant, il reveille ses boeufs pour le travail. Ces bons ani- maux, tout animaux qu'ils sont, comprennent que I'heure d'aller aux champs n'est pas encore venue, font la sourde oreille, se roulent un in- stant encore sur la litiere,puis enfm se decident k se lever. Les voila partis pour la vigne , trai- nant le soc au clair de la lune. Le laboureur suit par derriere, la gourde a la main et I'aiguillon sur I'epaule. On arrive aux champs, les instru- ments de travail sont dispos(5s; la charrue est emmanchee , et voila la glebe qui se retourne et le sillon qui se creuse droit et profond. II etait six heures environ , et le jour commengait a poindre quand la besogne fut achevde. Le la- boureur tourna la rege, atlacha le cordon de sa gourde vide au bouton de son gilet, remit I'aiguillon sur I'epaule et ramena ses boeufs a I'ecurie. II etait temps qu'il arrivat, car la maison etait dans un desordre indescriptible. La femme se lamentait et les enfants couraient le village , cher- chant les boeufs et la charrue qui avaient disparu pendant la nuit. Tout le quartier etait souleve. Cette scene de desolation se changea soudain en un immense eclat de rire, quand on vit entrer dans la cour les grands boeufs roux, suant et fu- mant comme s'ils sortaient d'un bain a la vnpeur, et precedes du laboureur nocturne, lequel, se- couant enfm le sommeil magnetique, s'apercut a sa grande surprise qu'il avait gagn^ sa journee quand les autres I'avaient a peine commencee. On pent expliquer le somnambulisme comme une activite partielle de la vie animale, disent les philosophes. L'organe actif transmet ainsi I'incitation sur les organes voisins, et ceux-ci commencent egalement , par I'effet de leurs rela- lations avec la representation qui a ete excitee , a devenir actifs et a cooperer. Par la I'idee de Taction representee devient si animee que, meme les instruments corporels necessaires pour son operation, sont mis en activite par les nerfs qui t agissent sur eux, Le somnambule commence meme a agir corporellement, et remplit I'objet i qu'il s'est propose avec la meme exactitude que s'il etait eveille, avec cette difference neanmoins ' qu'il n'en a pas le sentiment general , parce que i les autres organes de la vie animale qui n'ont ' pas participe a I'activile reposent, et que, par consequent, le sentiment n'y a pas ete reveille. Gall a connu un predicateur somnambule qui, tres-souvent, ayant un sermon a faire, se levait la nuit en dormant, ecrivait son texte ou en fai- sait la division, en travaillait des morceaux en- tiers, rayait ou corrigeait quelques passages, en un mot, qui se conduisait comme s'il eut et^ eveille, et qui cependant en s'eveillant n'avait aucun sentiment de ce qu'il venait de faire. La Fontaine a compose, dit-on, sa fable des deux > Pigeons en dormant; anecdote contestee. Suivant le rapport de Fritsh, qui le tenait du pere Delrio, un maitre d'ecole, nomme Gondi- salve, allait enseigner pendant la journee le ca- techisme a des enfants et venait coucher le soir dans un monastere, ou la nuit, en dormant, il recommeuQait ses legons, reprenait les enfants et entonnait le chant de son ecole. Un moine, dans la chambre duquel il couchait, le menaca de I'etriller s'il ne restait pas tranquille. Le maitre d'ecole se coucha sur cette menace et s'endormit. Dans la nuit, il se leve, prend de grands ciseaux et va au lit du moine, qui par bonheur, etant ' eveille, le vit venir a la favour du clair de lune; sur quoi il prit le parti de se glisser hors du lit '. et de se cacher dans la ruelle. Le maitre d'ecole, arrive au lit, hache le traversin de coups de ci- soaiix et va se recoucher. Le lendemain, quand on lui presenta le traversin en lambeaux, il dit que tout ce qu'il se rappelait c'etait que, le moine I'ayant voulu rosser, il s'etait defendu avec des ciseaux. II y a un grand nombre d'histoires de soni- ' nambules. Le remords a souvent produit cette i crise , et , depuis la femme de Macbeth , la serie des coupables qui se sont trahis dans leur som- j meil serait longiie. Somnambulisme magnetique. Nous devons parler aussi de celui-la. Une personne magnetisee s'endort profondement et parle aussitot pour re- veler les choses secretes et lire dans les coeurs, par un prodige jusqu'ici inexplicable. Le fait dans tousles cas est constant. Nous ne I'apprecierons ni ne le jugerons, nous contentant de citer des pas- sages curieux de divers observateurs sur un sujet si mysterieux. Voici d'abord un article digne d'at- tention, publie, il y a une trentaine d'annees, ! par la lievue hritannique et repete dans plusieurs journaux ; il contredit les denegations systema- tiques de certaines academies. Nous mentionne- - rons apres cela le jugement de la cour de Rome SOM — 61 5 — SOM siir cerlains usages dii soinnambulisme, que dans sa profonde sagesse elle ne condamne pas en fait, mais dont elle reprouve les abus et les pro- cedes au moins dangereux. ((-A differentes epoques, dit I'auteur anglais, !e magnetisme a donne lieu a des discussions si vives et si animees, que des deux cotes on arriva promptement aux extremes; c'est presque dire a iFerreur. Les partisans du magnetisme preten- jdirentque I'homme possede, dans cet etat, des Ifacultds jusqu'alors inconnues. Pour quelques-uns i d'entre eux , I'espace disparaissait devant les pro- jdiges de leurs sujets magnetises; 11 n'en coutait I que le simple effort de la volonte pour la nature ;des choses les plus differentes, pour metamor- phoser une tonne d'eau de la Tamise en vin de Champagne, ou pour repandre sur une popula- tion affamee les bienfaits d'une nourriture agrea- ble et abondante. Pour eux , les sciences les plus ' problematiques , celles qui exigent les etudes les plus profondes et les plus severes, s'apprennent en quelques instants. La femme nerveuse, qu'une pensee serieuse de- quelques minutes fatigue, de- vient, ehtre les mains des babiles du parti, plus savante et plus heureuse dans ses prescriptions ' qu'aucun de nos praticiens les plus experiment's. » De leur c6t' , les antagonistes du magnetisme ne veulent admettre aucnn phenomene insolite , I aucune exception aux regies ordinaires de la na- ' ture : pour eux , tout I'echafaudage du magne- tisme ne repose que sur I'erreur des sens de quelques personnes et sur la fourberie de quel- ques autres. Le fait suivant, exemple remar- , quable de somnambulisme naturel, ne permet ' pas de douter que, dans cet etat, I'homme ne possede quelquefois des facultes qui sont a peine appr'ciables dans I'etat de veille. Au reste , ces phenomfenes, quoique tres-curieux , n'ont rien de surnaturel ; et il est facile d'expliquer ce qu'ils ont de surprenant par la concentration de toutes les forces de I'intelligence sur un seul objet et par I'exercice de quelques sens dans des circon- stances particulieres. Les faits rapportes dans la brochure americaine dont nous allons donner I'analyse, et sur la veracite desquels aucun pra- ticien des Etats-Unis n'a eleve de doute, pre- sentent un haul degre d'interet, surtout si on les rapproche de ceux du memo genre qui ont ete offerts par I'infortune Gaspard Hauser, quoique dans des circonstances differentes. » Jeanne Rider, agee de dix-sept ans, est fille de Vermont, artisan. Son education a et' supe- rieure a cells que regoivent ordinairement les personnes des classes moyennes de la societe. Elle aime beaucoup la lecture et fait surtout ses delices de celle des poetes. Bienque son exterieur annonce une bonne sante, cependant elle a tou- jours ete sujette a de frequents maux de tete; il lui est arrive plusieurs fois de se lever du lit au milieu de son sommeil; mais il n'y avait rien I la qui ressemblat aux phenomenes reraarquables que depuis elle a eprouves. » Cette singuliere affection a debute chez elle subitement. D'abord ses parents firent tons leurs efforts pour I'empecher de se lever; les secours de I'art furent meme invoques sans un grand succes, car au bout d'un mois elle fut prise d'un nouveau paroxysme, pendant lequel on resolut de ne la soumettre a aucune contrainte et de se contenter d'observer ses mouvements. Aussitot qu'elle se sentit libre , elle s'habilla , descendit et fit tons les preparatifs du dejeuner. Elle mit la table, disposa avec la plus grande exactitude les divers objets dont elle devait elre couverte , entra dans une chambre obsciu-e, et de la dans un petit cabinet encore plus recule , ou elle prit les tasses a cafe , les plaga sur un plateau qu'elle deposa sui- la table , apres beaucoup de precautions pour ne pas le heurfer en I'apportanL Elle alia ensuite dans la laiterie, dont les contrevents etaient fer- mes, etpoussa la porte derriere elle ; aprfes avoir ecreme le lait, elle versa la creme dans une coupe et le lait dans une autre sans en epancher une seule goutte. Elle coupa ensuite le pain , qu'elle plaga sur la table; enfin, quoique les yeux for- mes, elle fit tous les preparatifs du dejeuner avec la meme precision qu'elle eut pu y mettre en plein jour. Pendant tout ce temps, elle sembla ne faire aucune attention a ceux qui I'entouraient, a moins qu'ils ne se missent sur sa route ou qu'ils ne placassent des chaises ou d'autres obstacles devant elle ; alors elle les evitait , mais en temoi- gnant un leger sentiment d'impatience. » Enfin, elle retourna d'elle-meme au lit; et lorsque le lendemain, en se levant, elle trouva la table toute preparee pour le dejeuner, elle de- manda pourquoi onl'avait laissee dormir pendant qu'une autre avait fait son travail. Aucune des actions de la nuit precedente n'avait laisse la plus legere impression dans son esprit. Un sentiment de fatigue fut le seul indice qu'elle reconnut a I'appui de ce qu'on lui rapportait. » Les paroxysmes devinrent de plus en plus frequents; la malade ne passait pas de semaine sans en eprouver deux ou trois , mais avec des circonstances tres-variees. Quelquefois elle ne sortait pas de sa chambre , et s'amusait a exami- ner ses robes et les autres effets d'habillement renfermes dans sa malle. II lui arrivait aussi de placer divers objets dans des endroits oia elle n'allait plus les chercher eveillee, mais dont le souvenir lui revenait pendant le paroxysme. Ainsi, elle avait tellement cache son etui qu'elle ne put le trouver pendant le jour, et Ton fut etonne de la voir la nuit suivante occupee avec une aiguille qu'elle avait du certainement y prendre. Non-seulement elle cousait dans I'obs- curite, mais encore elle enfilait son aiguille les yeux fermes. Les idees de Jeanne Rider relatives au temps etaient ordinairement inexactes; con- SOM — 616 — SOM stamment elle supposait qu'il etait jour. Aussi, quand on lui repetait qu'il etait temps d'aller se coucher : — Quoi! disait-elle, aller au lit en plein jour! Voyant une fois une lampe bruler dans I'appartement oii elle etait occupee a pre- parer le diner, elle I'eteignit en disant qu'elle ne concevait pas pourquoi on voulait avoir une lampe pendant la journee. Elle avait le plus sou- vent les yeux fermes; quelquefois cependant elle les tenait grands ouverls, et alors la pupille of- frait une dilatation considerable. Au reste , que I'oeil fut ouvertou ferme, il.n'en resultaitaucune difference dans la force de la vue. On lui pre- sentait des ecritures tres-fines, des monnaies presque effacees; elle les lisait tres-facilement dans I'obscurite et les yeux fermes. » Si les idees de la somnambule , par rapport au temps, etaient ordinairement erronees, il n'en etait pas de meme de celles qui etaient re- latives aux lieux; tons ses mouvements etaient toujours regies par ses sens, dont les rapports etaient le plus souvent exacts, et non par des notions precongues. Sa chambre etait conligue a une allee a I'extremile de laquelle se trouvait I'escalier. Au haut de ce dernier etait une porte qu'on laissait ordinairement ouverte, mais que Ton ferma un jour avec intention apres qu'elle fut couchee, et que Ton assura en plagant la lame d'un couteau au-dessus du loquet. A peine levee, dans son acces de somnambulisme, elle sort avec rapidite de sa chambre, et, sans s'arreter, elle tend la main d'avance pour enlever le couLeau , qu'elle jette avec indignation en demandant pour- quoi on veut I'enfermer. » On fit diverses tentatives pour I'eveiller, mais elles furent toutes egalement infructueuses; elle entendait, sentait et voyait tout ce qui se passait autour d'elle ; mais les impressions qu'elle recevait par les sens etaient insuffisantes pour la tirer de cet etat. Un jour qu'on jeta sur elle un sceau d'eau froide , elle s'ecria : — Pourquoi voulez-vous me noyer? Elle alia aussitot dans sa chambre changer de vetement et redescendit de nouveau. On lui donnait quelquefois de fortes doses de laudanum pour diminuer la douleur de tete dont elle se plaignait habituellement, et alors elle ne tardait pas a s'eveiller. Les excitations de toute espece, et surtout les experiences que Ton faisait pour constater les phenomenes du somnambulisme, prolongeaient invariablement les acces, et aggravaient habituellement sa dou- leur de tete. » Les paroxysmes du somnambulisme etaient precedes tan tot d'un sentiment desagreable de pesanteur a la tete, tantot d'une veritable dou- leur, d'un tintement dans les oreilles, d'un senti- ment de froid aux extremiles et d'une propension irresistible a I'assoupissement. Ces paroxysmes , au commencement, ne venaient que la nuit et quelques instants seulement apres qu'elle s'etait mise au lit ; mais a mesure que la maladie fit des progres, ils commencerent plus tot. A une epo- que plus avancee, lesattaques la prirent a toute heure de la journee, el quelquefois elle en eut jusqu'a deux dans le meme jour. Lorsqu'elle en pressentait I'approche, elle pouvait les retarder de quelques heures en prenant un exercice vio- lent. Le grand air surtout etait le meilleur moyen qu'elle put employer pour obtenir ce repit ; mais aussitot qu'elle se relachait de cette precaution, ou meme quelquefois au milieu de Toccupation la plus active , elle eprouvait une sensation qu'elle comparait a quelque chose qui lui aurait monle vers la tete, et perdait aussitot le moii- vement et la parole. Si alors on la transportait immediatement en plein air, I'attaque etait sou- vent arretee; mais si Ton attendait trop long- temps, on ne pouvait plus se metlre en rapport avec elle, et il etait tout a fait impossible de la tirer de cet etat. On aurait cru qu'elle venaitde s'endormir tranquillement; ses yeux etaient fer- mes, la respiration elait longue et bruyante, et son altitude , ainsi que les mouvements de sa tete, ressemblaient a ceux d'une personne plon- gee dans un profond sommeil. » Pendant les acces qui avaient lieu durant le jour, elle prit toujours le soin de se couvrir les yeux avec un mouchoir, et ne permellait jamais qu'on I'enlevat, a moins que la piece ou elle se trouvait ne fut tres-obscure, et cependant elle lisait a travers ce bandeau des pages enlieres, distinguait I'heure de la monlre; elle jouissait enfin d'une vision aussi parfaite que si elle eut eu les yeux libres et ouverts. Dans quelques expe- riences qui furent faites par le docteur Belden, on appliqua sur ses yeux un double mouchoir, ' etl'on garnit le vide qu'il laissait de chaque cole du nez avec de la ouale. Toutes ces precautions ne diminuerent en rien la force de sa vue; mais un fail important, bien qu'il n'explique pas ce phenomene curieux, c'esl que, de lout temps, elle a eu les yeux si sensibles a la lumiere qu'elle n'a pu jamais s'exposer au grand jour sans son voile. Cette sensibilite etait encore bien plus vive pendant le somnambulisme, comme le docteur Belden le constata. ■)> Cependant toutes ces experiences faliguaient considerablement la pauvre fille, dont I'elat, au lieu de s'ameliorer, allait au contraire en empi- rant. Cetle circonstance el I'insucces de tous les moyens employes jusqu'alors firent prendre la resolution de I'envoyer a I'hopital de Worcester, oil elle entra le 5 decembre 1833. Les acces s'y repeterent avec la meme frequence et la meme intensite ; mais on remarqua bientot des change- ments importants dans les paroxysmes. D'abord la malade commenga a rester les yeux ouverts, disant qu'elle n'y voyait pas clair lorsqu'ils etaient fermes; ensuite les acces se de.ssinerent moins bien. Elle conservait dans le somnambulisme SOM — 617 — SOM quelque souvenir de ce qui Uii etait arrive dans i'etat de veille , et on avail de la peine a distin- guer le moment exact oii fiuissait I'acces de celui ou elle etait eveillee. Peu a peu,-ces acces eux- memes se sont eloignes, et, d'apres le dernier rapport du docteur Woodward , medecin de I'ho- pital de Worcester, on avait tout lieu d'esperer une guerison complete. » On rapporte un fait de magnetisme tout recent et qui semblera extraordinaire. « M. Ferrand, marchand quincaillier a Antibes, ayant trouve dernierement, dans sa propriete, une piece de monnaie en argent frappee du temps des Ho- mains , I'envoya a ses correspondants de Paris , MM. Deneux et Gronnet aine, 18, rue du Grand- Chantier, en les priant d'aller avec cette piece chez le magnetiseur Marcillet , pour consulter Alexis a ce sujet. Ce dernier, dans I'etat de som- nambulisme, leur dit qu'il voyait chez M. Fer- rand, a Antibes, une petite urne enfouie a quel- ques pieds en terre renfermant une assez grande quantite de ces memes pieces. . . mais qu'il lui faudrait le plan de la propriete , afln de mieux designer le lieu ou ce petit tresor avait ete enterre. Le plan ayant ete envoye par M. Fer- rand a ses correspondants, puis communique ensuite par eux a Alexis , il -leur indiqua , en fai- sant une marque au crayon, I'endroit ou Ton de- vait creiiser. Les instructions du soranambule ayant ele suivies, I'urne indiquee par lui futtrou- vee,. . Elle contenait trois kilogrammes cinq cents grammes de pieces de monnaie en argent, sem- blables a celle qui lui avait ete remise precedem- ment. » Magnetisme dans ses rapports avec la religion, — La sacree penitencerie a Rome a ete saisie, en 1841, de la question de savoir si le somnam- bulisme obtenu par les pratiques magnetiques, daais les maladies, etait chose convenable et per- mise. A I'expose rapide des precedes employes pour obtenir I'etat du somnambulisme , ainsi que des reultats extraordinaires produits par les som- nambules, la sacree penitencerie a repondu ex- pressement que I'application du magnetisme animal, dans les termes de I'expose en question, n'etait pas cliose licite. Voici la traduction de la consultation envoyee a Rome et du jugement laconique du saint-siege : « Eminentissime Seigneur, vu Tinsufiisance des reponses donnees jusqu'a ce jour sur le magne- tisme animal, et comme il est grandement a de- sirer que Ton puisse decider plus surement et plus uniformement les cas qui se presentent assez souvent , le soussigne expose ce qui suit a Votre Eminence. Une personne magnetisee (on la choisit d'ordinaire dans le sexe feminin) entre dans un tel etat de sommeil ou d'assoupissement, appele somnamiulisme magnitique , que ni le plus grand bruit fait a ses oreilles, ni la violence du fer ou du feu ne sauraient Ten tirer. Le magnetiseur seul, qui a obtenu son consentement (car le con- sentement est necessaire) , la fait tomber dans cette espece d'extase, soit par des attouchements et des gesticulations en divers sens, s'il est au- pres d'elle, soit par un simple commandement interieur, s'il en est eloigne , meme de plusieurs lieues. ))Alors, interrogee de vive voix ou mentale- ment sur sa maladie et sur celles de personnes absentes, qui lui sont absolument inconnues, cette magnetisee, notoirement ignorante, se trouve a I'instant douee d'une science bien supe- rieure a celle des medecins : elle donne des des- criptions anatomiques d'une parfaite exactitude ; elle indique le siege, la cause, la nature des maladies internes du corps humain, les plus dif- ficiles a connaltre et a caracteriser ; elle en de- taille les progres , les variations et les complica- tions , le tout dans les termes propres ; souvent elle en predit la duree precise et en present les remedes les plus simples et les plus efficaces. » Si la personne pour laquelle on consulte la magnetisee est presente, le magnetiseur la met en rapport avec celle-ci par le contact. Est-elle absente? une boucle de ses cheveux la remplace et suffit. Aussitot que cette boucle de cheveux est seulement approchee centre la main de la magnetisee, celle-ci dit ce que c'est, sans y re- garder, de qui sont ces cheveux, ou est acluel- lement la personne de qui ils viennent, ce qu'elle fait. Sur sa maladie , elle donne tons les rensei- gnements enonces ci-dessus, et cela avec autant d'exactitude que si elle faisait I'autopsie du corps. » Enfin la magnetisee ne voit pas par les yeux. On peut les lui bander, elle lira quoi que ce soit, meme sans savoir lire , un livre ou un manus- crit qu'on aura place ouvert ou ferme , soit sur sa tete, soit sur son ventre. C'est aussi de cette region que semblenl sortir ses paroles. Tiree de cet etat, soit par un commandement meme inte- rieur du magnetiseur, soit comme sponlanement a I'instant annonce par elle, elle parait complete- ment ignorer tout ce qui lui est arrive pendant I'acces , quelque long qu'il ait ete : ce qu'on lui a demande, ce qu'elle a repondu , ce qu'elle a souffert, rien de tout cela n'a laisse aucune idee dans son intelligence , ni dans sa memoire la moindre trace. » C'est pourquoi I'exposant, voyant de si fortes raisons de douter que de tels effets, produits par une cause occasionnelle manifestement si peu proportionnee , soient purement naturels , sup- plie tres-instamment Votre Eminence de vouloir laien, dans sa sagesse, decider, pour la plus grande gloire de Dieu et pour le plus grand avantage des ames si cherement rachetees par Notre-Seigneur Jesus-Christ, si, suppose la ve- rite des faits enonces , un confesseur ou un cure peut sans danger permettre a ses penitents ou a ses paroissiens : 1° d'exercerle magnetisme ani- SOM — 618 — SON nial ainsi caracterise, cominc s'il eLait un art aiixiliaire et suppleaientaire de la medecine; 2" de consentir a elre plonges dans cet etat de somnambulisme magnelique; 3° de consulter, soit pour eux-memes, soit pour d'autres, les per- sonnes ainsi magnetisees; k° de faire I'une de ces Irois choses, avec la precaution prealable do renoncer formellement dans leur coeur a tout pacte diabolique, explicite ou implicite, etineme a toute intervention satanique, vu que nonobstant cela quelques personnes ont oblenu du magne- tisme ou les inemes effets ou du moins quel- ques-uns. » Eminentissime Seic;neiir, de Votre Excellence, par ordre dii reverendissime eveque de Lausanne et Geneve, le tris-hunible et Ires-obeissant ser- vileur, » Jac.-Xavier Fontana, » chaMci'lier de la cliancellerie Episcopate. » Fribourg en Suisse, palais episcopal, le 19 mai 1 84i , » RliPONSE. » La sacr^e penitencerie, apres unc mure deli- beration , ?e croit en droit de rcpondre que I'u- sage du magni'lisme, dans les cas mentionncis par la prerenle consultation, n'est pas chose licite. » A Rome, dans !a sacree penitencerie, le 1''' iuii- let1841. •* » C. Castracaxe, M. p. —Ph. Pomklla, I' secretaire de la sacree p^niiencerie. » "Pour les caiholiques dcvoues, ajoutc I'ecri- vain distingue a qui nous empruntons ces re- flexions, I'arret de la sacree penitencerie est un jugement sans appel, (]ui n'a nul besoin d'expli- cations ni de commenlaires. » » Mesmer ne connaissait pas ou n'a pas men- tionne le somnambulisme magn(^tique. Ses pra- tiques ordinaires se reduisaient a traiter les maladies an moyen de crises accompagn^es fre- quemment de convulsions. Rien de plus presti- gieux que les operations de Mesmer. C'etaitautour d'un baquet, dans un appartement ^claird d'un denii-jour, que les malades allaient se soumettre aiix influences magnetiqu.es. Le baquet consistait dans une petite cuve de diverses figures, fermde par im couvercle a deux pieces ; au fond se pla- gaient des bouteilles en rayons convergents, le goulot dirige vers le centre de la cuve; d'autres bouteilles, disposees sur celles-ci, mais en rayons divergents, etaient remplies d'eau comma les premieres, bouchees et magnetisees egalement. La cuve recevait de I'eau de maniere a recouvrir les lits de bouteilles; on y melait quelquefois diverses substances , telles que du verre pile, de la limaille de fer, etc.; d'autres fois, Mesmer ne se servait que de baquets a sec. Le couvercle du baquet livrait passage a des baguettes de fer mobiles et d'une longueur sudlsante pour etre dirigees vers diverses regions du corps des ma- lades. De I'une de ces tiges, ou d'un anneau scelle au couvercle du baquet, partait en outre une corde tres-longue, destinee a toucher les parties souffrantes ou a enlourer le corps des malades sans la nouer. Les malades se formaient en cei'cle , en tenant chacun celte corde , et en appuyant le pouce droit sur le pouce gauche de son voisin. 11 fallait de plus que tous les individus composant la chaine se rapprochassent les uns des autres , au point de se toucher avec les pieds et les genoux. Au milieu de cet appareil appa- raissait Mesmer, vetu d'un habit de sole d'une couleur agreable , tenant en main une baguette qu'il promenait d'un air d'autorite au-dessus de la tete des magnetises. Nous tenions a repro- duire, au moins en abrege, les ti\aits principaux du spectacle magnetique dont le premier magne- tiseur avoue avait soin de s'environner, afin de mettre le lecteur en mesure de juger qui avait plus de part aux effets tant vantes du magne- tisme animal de la fin du dix-huitieme siecle , ou des jongleries de Mesmer, ou de imagination des malades irritables , ou de la sotte credulitd des meFineristes bien intentionnes. Les jongleries de Mesmer couvraient pourtant une puissance rdelle ; car il est certain , — et on I'a explique ailleurs, — que son regard, ses gestes, ses pa- roles, ses attouchements obtenaienl maintes fois des ro^sultats surprenants et des cures vraiment prodigieuses. " Le somnambulisme magnetique ne fut de- couvert que par le marquis de Puysegur. Lui seul commenca a se servir de cet etat pour traiter les maladies, soit chez les somnambules memes, soit chez les autres personnes. Alors s'ouvrit une nou- velle source de fraudes que la foi des magnetiseurs etait incapable de d^voiler, et qui en imposait , h plus forle raison, a la masse du public. Beaucdup de magnetises feignaient de succomber au som- meil magnetique , tout en restant tr^s-eveilles , voyaient a leur aise, en apparence les yeux fer- mes, rdpondaient aux questions qui leur etaient adressees , obdissaient, en un mot , au moindi^e mouvement du magnetiseur abusd. C'etait bien autre chose , ce qui ne manquail pas d'ari'iver, quand le magnetiseur et le somnambule , aides de quelques comperes avises, se concertaient derriere les coulisses et s'appliqiiaient de leur mieux , par cupidile ou par une vanite puerile, h mystifier les spectateurs. » Soneillon , demon qui se trouve cite dans les phases de la possession de Louviers. Songes. Le cerveau est le siege de la pensee, du mouvement et du sentiment. Si le cerveau n'est pas trouble par une trop grande abondance de vapeurs crues, si le travail ne lui a pas ote toutes ses forces , il engendre dans le sommeil des songes , excites ou par les images dont il s'est vivement frappe durant la veille, ou par des im- SON — 619 — SON pressions toiites nouvelles, que produisent les affections naUirelles ou accidentelles des nerfs on la nature du temperament. C'est aussi limpide que ce qu'on a lu sur le somnambulisme. Les songes nalurels viennent des emotions de la jour- nee et du temperament. Les personnes d'lm tem- perament sanguin songent les festins , les danses, les divertissements, les piaisirs, les jardins et les fleurs. Les temperaments bilieux songent les disputes , les quereiles , les combats , les incen- dies, les couleurs jaunes , etc. Les melancoliques songent I'obscurite, les tenebres, la fumee, le? promenades nocturnes, les spectres et leschoses tristes. Les temperaments pituiteux ou flegmati- ques songent la mer, les rivieres , les bains, les navigations , les naufrages , les fardeaux pe- sants, etc. Les temperaments meles, comm.e les sanguins- melancoliques, les sanguins-flegmati- ques, les bilieux-mdlancoliques, etc., ont des songes qui tiennent des deux temperaments : ainsi le dit Peucer. Les anciens attachaient beaucoup d'importance aux reves ; et I'antre de Trophonius etait celebre pour cetle sorte de divination. Pausanias nous a laisse, d'apres sa propre experience, la descrip- tion des ceremonies qui s'y observaient. « Le chercheur passait d'abord plusieurs jours dans le temple de la bonne Fortune. La il faisait ses expiations, observant d'aller deux fois par jour se laver. Quand les pretres le declaraient purifie, il immolait au dieu des victimes; cette ceremonie fmissait ordinairement par le sacrifice d'un belier noir. Alorsle curieux etait frotte d'huile par d^ix enfants et conduit a la source du' fleuve; on lui presentait la une coupe d'eau du Lethe , qui ban- nissait de son esprit toute idee profane, et une coupe d'eau de Mnemosyne, qui disposait sa me- moire a conserver le souvenir de ce qui allait se passer. Les pretres decouvraient ensuite la sta- tue de Trophonius, devant laquelle il fallait s'in- cliner et prier ; enfin, couvert d'une tunique de lin et le front ceint de bcindelettes , on allait a I'oracle. II etait place sur une monlagne, au mi- lieu d'une enceinte de pierres qui cachait une profonde caverne, oia Ton ne pouvait descendre que par une etroite ouverture. Quand , apres beaucoup d'efforts et a I'aide de quelques echelles, on avait eu le bonlieur de descendre par la sans se rompre le cou , il fallait passer encore de la meme maniere dans une seconde caverne , tres- petite et tres-obscure. La on se couchait a terre, et on n'oubliait pas de prendre dans ses mains une espece de pate faite avec de la farlne , du lait et du miel. On presentait les pieds a un trou qui etait au milieu de la caverne : au meme in- stant , on se sentait rapidement emporte dans I'antre; on s'y trouvait couche sur despeaux de victimes recemment sacrifiees , enduites de cer- taines drogues dont les agents du dieu connais- saient seuls la vertu ; on ne tardait pas a s'en- dormir profondement ; et c'etait alors qu'on avait d'admirables visions et que les temps a venir decouvraient tous leurs secrets. » Hippocrate dit que, pour se soustraire a la ma- lignite des songes, quand on voit en revant palir les etoiles , on doit courir en rond ; quand on voit p&lir la lune , on doit courir en long • quand on voit palir le soleil , on doit courir tant en long qu'en rond... On reve feu et flammes quand on a une bile jaune ; on reve fumee et tenebres quand on a une bile noire ; on reve eau et humidite quand on a des glaires et des pituites , a ce que dit Galien. C'est le sentiment de Peucer. Songer a la mort, annonce mariage, selon Artemidore; songer des fleurs , prosperite ; songer des tre- sors , peines et soucis ; songer qu'on devient aveugle, perte d'enfants... Ces secrets peuvent donner une idee de V Oneirocritique d' Artemidore, ou explication des reves. Songer des bonbons et des cremes, dit un autre savant, annonce des chagrins et des amertumes ; songer des pleurs , annonce de la joie ; songer des laitues , annonce une maladie ; songer or et richesses , annonce la misfere... II y a eu des hommes assez supersti- tieux pour faire leur testament parce qu'ils avaient vu un medecin en songe. lis croyaient que c'etait un presage de mort. Songes (explication des), suivant les livres les plus consultes : Aigle. Si on voit en songe voler un aigle, bon presage; sigue de mort s'il tombe sur la tete du songeur. Ane. Si on voit courir un ane, pre- sage de malheur; si on le voit en repos, caquets et mechancetes ; si on I'entend braire , inquie- tudes et fatigues. Arc-en-cid. Vu du cote de I'orient, signe de bonheur pour les pauvres; du cote de I'occident, le presage est pour les riches. Argent trom6 , chagrin et pertes; argent perdu, bonnes affaires. Bain dans I'eau claire , bonne sante ; bain dans I'eau trouble, mort de parents et d'amis. Belette. Si on voit une belette en songe, signe SON — 620 — SON qn'on aura on qu'on a une mechante femine. Boire de I'eau fraiche , grandes richesses ; l)oire de I'eau chaude, maladie; boire de I'eau trouble, chagrins. Bois. fitre peint sur bois denote longue vie. Boudin. Faire du boudin , presage de peines ; manger du boudin , visite inattendue. Bi kjands. On est sur de perdre quelques parents ou une partie de sa fortune si on songe qu'on est altaque par des brigands. Cervelas. Manger des cervelas, bonne sante. Champignons , signe d'une vie longue , par con- traste, sans doute. Chanter. Un homme qui chante, esperance ; une femine qui chante, pleurs et gemissements. Charhons eteints, mort; char- bons allumes, embuches; manger des charbons, pertes et revers. Chal-huant, funerailles. Cheveux arraches , pertes d'amis. Corbeau qui vole , peril de mort. Couronne. Une couronne d'or sur la tete, presage des honneurs; une couronne d'argent, bonne sante; une couronne'de verdure, dignites; une couronne d'os de morts annonce la mort. Cygnes noirs, tracas de menage. D^menagements. Annonce d'un mariage ou d'une succession. Dents. Chute de dents, presage de mort. Din- don. Voir ou posseder des dindons, folie de. pa- rents ou d'amis. Enterrement. Si quelqu'un reve qu'on I'enterre vivant, il peut s'attendre a une longue misere. Aller a I'enterrement de quelqu'un, heureux ma- nage. Etoiles. Voir des etoiles tomber du ciel , chutes, deplaisirs et revers. Fantdme blanc , joie et honneurs ; fantome noir, peines et chagrins. Femine. Voir une femme, in- hrmite ; une femme blanche, heureux evenement; une femme noire , maladie ; plusieurs femmes, caquets. Feves. Manger des feves , querelles et proces. Filets. Voir des filets , presage de pluie. Flambeau allume , recompense ; flambeau eteint , emprisonuement. Fricassies, caquets de voisins. Gibet. Songer qu'on est condamne a etre pendu, heureux succes. Grenouilles, iiidiscretionsetbabils. SON — 621 — SON Hannetons, importunites. /fomme vetudeblanc, bonheur; veta de noir, malheur ; homme assas- I sine, surete. j Insense. Si quelqu'un songe qu'il est devenu I insense , 11 recevra des bienfaits de son prince, Jeu. Gain au jeu , perte d'arais. Lait. Boire du lait, amitie. Lapins blancs, succes; lapins noirs, revers; manger dii lapin, bonne sante ; tuer un lapin , tromperie et perte. Lard. Manger du lard, victoire. Limacon, charges honorables. Linge blanc , manage; linge sale, mort. Lune. Voir la lime , retard dans les affaires; la lune pale , peines ; la lune obscure, tourments. Manger a terre, emportements. Medecine. Prendre medecine , misere ; donner medecine a quelqu'un , profit. Meurtre. Voir un meurtre, su- rete. MiVotr, trahison. Moustaches. Songerqu'on a de grandes moustaches, augmentation de ri- chesses. Navets , vaines esperances. Nuees, discorde. Qfi'tt/s blancs, bonheur; oeufscasses, malheur. Oies. Qui voit des oies en songe peut s'attendre a etre honore des princes. Ossements, traverses et peines inevitables. Palmiers, palmes, succes et honneurs. Paon. L'homme qui voit un paon aura de beaux enfants. Perroquet, indiscretion , secret revele. Quenouille, pauvrete. Rats, ennemis caches. Roses, bonheuretplaisirs. Sauter dans I'eau , persecutions. Scorpions , lezards, chenilles, scolopendres , etc., malheurs et trahisons. Soujjlet donne , paix et union entre le marl et la-femme. Sou/re, presage d'empoi- sonnement. Spectre. Signe d'une surprise. Tcinpelc, outrage et grand peril. Tele blanclie, joie ; tete tondue, tromperie; tete chevelue, dignite ; tete coupee, infirmite; tete coiffee d'un agneau, heureux presage. Tourlerelles , accord des gens maries, mariage pour les celibataires. V endanger , sante et richesses. Violette , suc- ces. Violon. Entendre jouer du violon et des aulres instruments de musique, concorde et bonne intelligence entre le mari et la femme, etc., etc. Telles sont les extravagances que debilent, avec etendue et complaisance , les interpretes des songes ; et Ton salt combien ils trouvent de gens qui les croient! Le monde fourmille de petits esprits qui, pour avoir entendu dire que les grands hommes etaient au-dessus de la super- stition , croient se mettre a leur niveau en refu- sant a Fame son immortalite et a Dieu son pou- voir , et qui n'en sont pas moins les "serviles esclaves des plus absurdes prejuges. On voit tous les jours d'ignorants esprits forts, de petits so- phistes populaires, qui ne parlent que d'un ton railleur des saintes Ecritures , et qui passent les premieres heures du jour a chercher I'explication d'un songe insigniflant , comme ils passent les moments du soir a interroger les cartes sur leurs plus minces projets II y a des songes qui ont embarrasse ceux qui veulent expliquer tout. Nous ne pouvons passer sous silence le fameux songe des deux Arcadiens. 11 est rapporte parValere-Maxime et par Ciceron. Deux Arcadiens, voyageant ensemble , arriverent a Megare. L'un se rendit chez un ami qu'il avait en cette ville , I'autre alia loger a I'auberge. Apres que le premier fut couche , il vit en songe son compagnon , qui le suppliait de venir le tirer des mains de I'aubergiste , par qui ses jours etaient menaces. Cette vision I'eveille en sur- saut; il s'habille a la hate, sort et se dirige vers i'auberge oii etait son ami. Chemin faisanl, il reflechit sur sa demarche, la trouve ridicule, condamne sa legerete a agir ainsi sur la foi d'un songe; et apres un moment d'incertitude, il re- tourne sur ses pas et se remet au lit. Mais a peine a-t-il de nouveau ferme I'oeil , que son ami se presente de nouveau a son imagination , non tel qu'il I'avait vu d'abord , mais mourant , mais souille de sang, convert de blessures, et lui adressant ce discours : « Ami ingrat, puisque tu as neglige de me secourir vivant, ne refuse pas au moins de venger ma mort. J'ai succombe sous les coups du perfide aubergiste ; et pour cacher les traces de son crime , il a enseveli mon corps, coupe en morceaux , dans un tombereau plein de fumier, qu'il conduit a la porte de la ville. » Le songeur, trouble de cette nouvelle vision , plus effrayanle que la premiere , epouvante par le discours de son ami, se leve derechef , vole a la porte de la ville et y trouve le tombereau desi- gne , dans lequel il reconnait les tristes restes de son compagnon de voyage. II arrete aussitot I'as- sassin et le livre a la justice. Cette aventure , on I'explique. Les deux amis etaient fort lies et naturellement inquiets l'un pour I'autre ; I'auberge pouvait avoir un mauvais renom : des lors , le premier songe n'a rien d'ex- 1 II y a des gens qui ne croient a rien et qui met- tent a la loterie sur la signification des songes. Mais qui peut leur envoyer des songes, s'il n'y a pas de Dieu?... Comment songent-ils quand leur corps est assoupi, s'ils n'ont point d'ame? Deux savetiers s'en- trelenaient, sous I'Empire, de matieres de religion. L'un pretendait qu'on avait eu raison de retablir le culte; I'autre, au contraire, qu'on avait eu tort. — Mais, dit le premier, je vois bien que tu n'es pas fonc^ dans la politique; ce n'est pas pour moi qu'on a remis Dieu dans ses fonctions, ce n'est pas pour toi non plus ; ccst pour le peuple. — Ces deux savetiers, avec tout leur esprit, se faisaient tirer les cartes et se ra- contaient leurs songes. SON — 622 — SON traordinaire. Le second en est la consequence dans rimagination agilee du premier des deux voyageurs. Les details du tomljereau sont plus forts; il pent se faire qu'ils soient un effet des pressentiments on d'une anecdote du temps , ou une rencontre du hasard. Mais il y a des choses qui sont plus inexplicables et qu'on ne pent pour- tan t contester. Un celebre medecin irlandais , le docleur Aber- conibie, raconte, dans ses Etudes de psijcholocjic , deux songes de deux de ses malades qui peuvent appuyer le recit qu'on vient de lire. « Un mi- nistre, venu d'un village voisin a Edimbourg, y passait la nuit dans une auberge ; la, pendant son sommeil , il songea que le feu prenait a sa maison et que ses enfanls y couraient danger de niort. Aussitot il se leve et se hate dc quiller la ville; a peine hors des murs, il apercoit sa mai- son en feu; il y court et arrive assez a temps pour sauver un de ses fils en bas age que , dans le desordre cause par I'incendie, on avail laisse au milieu des flammes. » — Voici le second fail : « Un bourgeois d'Edimbourg etait affecte d'un anevrysnie de I'artere crurale. Deux chirurgiens distingues qui le soignaient devaient faire I'ope- ralioa dans quelques jours. La femme du patient songea que le mal avail disparu et que roperalion projelee devenait inutile. En effet, le malade, en cxaminant le matin le siege de son affection , fut surpris de voir qu'elle n'avaitpas laisse la moindre trace. » II est important d'ajouler, dit le compte rendu , que ces sortes de guerisons sont extre- mement rares et qu'il est presque inconnu que cetle maladie se soit resolue ainsi sans le secours de I'art. Alexander ab Alexaiidro raconte, chap, xi du premier livre de ses Jours Gcniaux , qu'un sicn iidele serviteur, homme sincere et vertueux , couche dans son lit, dormant profondenient, commenga a se plaindre, soupirer et se lamenler si fort, qu'il eveilla tons ceux de la maison. Son niaitre, apres I'avoir eveille , lui demanda la cause de son cri. Le serviteur repondit : « Ces plaintes que vous avez entenduSs ne sont point vaines; car lorsque je m'agitais ainsi, il me sem- blait que je voyais le corps mort de ma mere passer devant mes yeux , par des gens qui la portaient en lerre. )> On fit attention a I'heure, au jour, a la saison ou cette vision eiait advenue, pour savoir si elle annoncerait quelque dcsastre au garcon : et Ton fut tout etonne d'apprendre la mort de cette femme quelques jours apres. S'etant informe des jour et heure , on irouva Ci/i'elle etait morte le meme jour et a la mcme iieure qu'elle s'elail presentee morte a son lils. Voij. Rambouillet. Saint Auguslin , sur la Genese , raconte I'his- toire d'un frenetique qui revient un peu a ce songe. Quelques gens etant dans la maison de ce frenetique entrerent en propos d'une femme qu'ils connaissaient, laquelle etait vivante etfai- sait bonne chere , sans aucune apprehension de mal. Le frenetique leur dit : « Comment parlez- vous de celte femme ? Elle est morte ; je I'ai vue passer comme on la porlait en terre. » Et un ou deux jours apres, la prediction fut confirmee'. Voij. Cassius, Hymeua, Amilcar , Di':cius, etc. Un cerlain Egyptien , joueur de luih , songea une nuit qu'il jouait de son luth aux oreilles d'un iine. II ne fit pas d'abord grandes reflexions sur un lei songe; mais quelque temps apres, Antio- chus, roi de Syrie , etant venu a Memphis pour voir son neveu Plolomee , ce prince (it venir le joueur de luth pour amuser Antiochus. Le roi de Syrie n'aimait pas la musique ; 11 ecouta d'un air distrait et ordonna au musicien de se retirer. L'artisle alors se rappela le songe qu'il avail fait, et ne put s'empecher de dire en sorlant : <( J'avais bien reve que je jouerais devant un ane. » An- tiochus I'entendit par malheur, commanda qu'on le Hat, et lui fit donner les elrivieres. Depuis ce moment, le musicien perdit Fhabitutle de rever, ou du moins de se vanler de ses reves. On raconte sur la mort de Tacteur Champ- inesle une anecdote plus extraordinaire. II avail perdu sa femme et sa mere. Frappe d'un songe ou il avail vu sa mere et sa femme lui faire signe du doigt de venir les trouver, il etait alle chez les cordeliers demander deux messes des morts, I'une pour sa mere , I'aulre pour sa femme. L'ho- noraire de ces messes etait alors de dix sous. Champmesle ayant donne au sacrislain une piece de trente sous , le religieux etait embarrasse pour lui rcndre les dix sous restants. « Gardez tout, dit I'acteur el failes dire sur-le-champ une troi- sieme messe des morts; elle sera pour moi. » En effet, il mourut subilenient le meme jour, au moment ou le cordelier venait le voir. Terminons par un peLit fail recent, consignc dans VIndicateur de Champagne : Un jeune homme de vingt-cinq ans, M. Bap- lisle Renard , cullivateur demeurant chez ses parents, au hameau dit les Tourneurs, commune de Fontenelle, reve, la nuit en dormant, qu'il ' Boistuau , Visions prodigieuses. SON — 623 — SOR etait nionte sur un arbre , que la branche sur la- quelle il etait se rompait sous lui et qu'il se bri- sait les membres en tombant. Ce jeune homtne, le lendemain, eul la falale pensee d'aller grimper sur I'arbre qu'il avail vu en songe, comme pour prouver qu'il n'ajoutail aucune foi aux reves. II etait sur I'arbre , el ra- conlail en riant a I'un de ses camarades son reve de la null precedente , lorsque tout a coup la branche qui le porlait rompl sous le poids de son corps; M. Renard lombe, et dans sa chute il se casse un bras el une jambe ; il est releve dans un etal tel , que Irois jours apres il expira au milieu des plus cruelles souffrances. Sonhardibel , prelre apostal des Basses-Py- renees, qui disail au sabbal la messe du diable avec une hoslie noire en triangle. II etail quel- quefois assez longtemps enleve en Fair, la tele en bas. Fin du seizieme siecle. Nous n'en savons pas plus. Sorciers, gens qui, avec le secours des puis- sances infernales, peuvenl operer des choses surnalurelles , en consequence d'un pacle fait avec le diable. Ce n'etaienl en general que des imposleurs , des charlatans , des fourbes , des maniaques, des fous, des hypocondres ou des vauriens qui, desesperant de-se donner quelque importance par leur propre merite, se rendaienl remarquables par les lerreurs qu'ils inspiraient. Chez lous les peuples , on irouve des sorciers : on les appelle magiciens lorsqu'ils operent des prodiges, el devins lorsqu'ils devinent les choses cachees. II y avail a Paris, du temps de Charles IX, trenle mille sorciers qu'on chassa de la ville. On en comptail plus de cent mille en France sous le roi Henri III. Chaque ville, chaque bourg, chaque village , chaque hameau , avail les siens ; et de nos jours en France, oh la parlie la plus malsaine el la plus repandue de la presse com- bat les choses religieuses au lieu d'eclairer les esprils grossiers, il y a encore les deux tiers des villages oii Ton croil aux sorciers. On lespoursui- vil sous Henri IV el sous Louis XIII; le nombre de ces miserables ne commengaa diminuer que sous Louis XIV. L'Anglelerre n'en etait pas moins in- fesiee. Le roi Jacques I", qui leur faisail la chasse Ires-duremenl, ecrivit centre eux un gros livre, sans eclairer la question. Un fail constant, c'est que la pluparl des sor- ciers el de ceux qui se disenl lels sont des ban- dits qui prennent un masque diabolique pour faire le mal; c'est que la pluparl de leurs sorti- leges sonl des empoisonnements, et leurs sab- bats d'affreuses orgies. Ces sorciers etaient encore des resles de bandes hereliques , conduits d'aber- ralions en aberrations au culte tout cru du demon. Les sorciers sont -coupables de quinze crimes, dit Bodin : 1° ils renienl Dieu ; 2" ils le blasphe- menl; 3° ils adorenl le diable; k" ils lui vouenl leurs enfants; 5° ils les lui sacrifient souvent, I avant qu'ils soieut baptises * ; 6" ils les consacrenl a Satan , des le venire de leur mere ; V-" ils lui Bandits, graiiie dc sorciers. promettent d'attirer lous ceux qu'ils pourront a son service; 8" ils jurent par le nom du demon, et s'en font honneur; 9" ils ne respectenl plus aucune loi, el commettenl jusqu'a des incestes ; 10" ils tuent les personnes, les font bouillir et les mangent ; 11° ils se nourrissent de chair humaine meme de pendus; 12° ils font mourir les gens Enfanls sacrifies. par le poison et les sortileges; 13° ils font cre- ver le belail ; 14" ils font perir les fruits , el cau- 1 Spranger fit condamiier a mort une sorciere qui avail fait mourir quarante el un pctits enfants. • SOR — 62k — SOR sent la sterilite ; 15" ils se font en tout les esclaves du diable. On s'est moque de ce passage de Rodin ; il est pourtant vrai presque en tout. Sandoval , dans son Histoire de Charles-Quint , raconte que deux jeunes fdles, I'une de onze ans et I'autre de neuf, s'accuserent elles-memes comrae sorcieres de- vant les membres du conseil royal de Navarre ; elles avouerent qu'elles s'etaient fait recevoir dans la secte des sorciers, et s'engagerent a de- couvrir toules les femmes qui en etaicnt , si on consentait a leur faire grace. Les juges I'ayant promis , ces deux enfants declarerent qu'en voyant I'cril gauche d'une personne elles pour- raient dire si elle etait sorciere ou non ; elles in- diquerent I'endroit ou Ton devait trouver un grand nombre de ces femmes , et ou elles tenaient ieurs assemblees. Le conseil chargea an commis- saire de se transporter sur les lieiix avec les deux enfants, escortes de cinquante cavaliers. En arrivanl dans chaque bourg ou village, il devait enfermer les deux jeunes lilies dans deux niaisons separees, et faire cunduire devant elles Ics femmes suspectes de magie , afin d'eprouver le moyen qu'elles avaient indique. 11 resulta de I'experience que celles de ces femmes qui a\aient ele signalees par les deux filles comme sorcieres I'elaient reellement. Lorsqu'elles se virent en prison, elles declarerent qu'elles etaient plus de cent cinquante; que, quand une femme se pre- senlait pour etre regue dans leursociete, on lui faisait renier Jesus-Christ et sa religion. Le jour ou celte ceremonie avait lieu, on voyait paraitre au milieu d'un cercle un bouc noir qui en faisait plusieurs fois le tour. A peine avait-il fait enten- dre sa voix rauque , que toutes les sorcieres ac- couraient et se mettaient a danser; apres cela, elles venaient toutes baiser le bouc au derriere , et faisaient ensuite un repas avec du pain, du vin et du fromage. Aussilotque le festin etait fini, chaque sorciere s'envolait dans les airs , pour se rendre aux lieux oil elle voulait faire du mal. D'apres leur propre confession, elles avaient empoisonne trois ou quatre personnes , pour obeir aux ordres de Sa- tan , qui les introduisait dans les maisons , en leur en ouvrant les portes et les fenelres. II avait soin de les refermer quand le malefice avait eu son effet. Toules les nuits qui preccdaienl les grandes fetes de I'annee, elles avaient des as- semblees generales, oi^i elles faisaient des abo- minations et des impietes. Lorsqu'elles assistaient a la raesse , elles voyaient I'hostie noire ; mais si elles avaient deja forme le propos de renoncer a leurs pratiques diaboliques , elles la voyaient blanche. Sandoval ajoule que le commissaire , voulant s'assurer de la verite des fails par sa propre experience, fit prendre une vieille sor- ciere, et lui promit sa grace, a condition qu'elle ferait devant lui toules ses operations de sorcel- lerie. La vieille, ayant accepte la proposition, demanda la boite d'onguent qu'on avait trouvee sur elle, et monta dans une tour avec le com- missaire el un grand nombre de personnes. Elle se placa devant une fenetre, et se frotla d'on- guent la paume de la main gauche, le poignet, le noeud du coude , le dessous du bra's , I'aine et le cole gauche; ensuite elle cria d'une voix forte : Es-tu Id? Tons les speclaleurs entendirent dans les airs une voix qui repondit : Oui, me void. La sorciere se mil alors a descendre le long de la lour, la tele en bas, se servant de ses pieds et de ses mains a la maniere des lezards. Arrivee au milieu de la hauteur, elle prit son vol dans les airs devant les assistants , qui ne cesserenl de la voir que lorsqu'elle eut depasse I'horizon. Dans I'elonnemenl ou ce prodige avait plonge tout le monde, le commissaire fit publier qa'il donnerail une somme d'argent considerable a quiconque lui ramenerait la sorciere. On la lui presenta au bout de deux jours , qu'elle fut arre- tee par des bergers. Le commissaire lui demanda pourquoi elle n'avait pas vole assez loin pour echapper a ceux qui la cherchaient. A quoi elle repondit que son inailre n'avait voulu la trans- porter qu'a la distance de trois lieues, et qu'il I'avait laissee dans le champ ou les bergers I'avaienl rencontree. Ce recit singulier, du pourtant a un ecrivain grave, n'est pas facile a expliquer. Le juge or- dinaire ayant prononce sur I'affaire des cent cin- quante sorcieres, ni I'onguent ni le diable ne purent leur donner des ailes pour eviter le cha- timent de deux cents coups de fouet et de plu- sieurs annees de prison qu'on leur (it subir. Notre siecle, comme nous I'avons remarque, n'esl pas encore exempt de sorciers. II y en a dans tons les villages. On en trouve a Paris meme , ou le magicien Moreau faisait merveilles il y a quarante ans. Mais souvenl on a pris pour sor- ciers des gens qui ne Felaient pas. Mademoiselle Lorimier, a qui les arts doivent quelques tableaux remarquables, se trouvant a Saint-Flour en 1811 avec une autre dame artiste, prenait, de la plaine, I'aspect de la ville, siluee sur un rocher. Elle des- sinait et faisait des gesles d'aplomb avec son crayon. Les paysans, qui voient encore partout la sorcellerie, jelerent des pierres aux deux dames, les arrelerent et les conduisirent chez le maire, les prenant pour des sorcieres qui faisaient des sorts et des charmes. Vers 1778, les Auvergnats prirent pour des sorciers les ingenieurs qui le- vaient le plan de la province, et les accablerent de pierres. Le tribunal correctionnel de Marseille eut a prononcer, en 1820, sur une cause de sor- cellerie. Une demoiselle , abandonnee par un homme qui devait I'epouser,' recourul a un doc- teur qui passait pour sorcier, lui demandant s'il aurail un secret pour ramener un inlidele el nuire a une rivale. Le necromancien commenga par se SOR 625 SOR faire donner de I'argent, puis une poule noire, puis un cmir de boeuf, puis des clous. II fallait que la poule, le coeur et les clous fussent voles; pour I'argent, il pouvait etre legitimement acquis , le sorcier se chargeait du reste. Mais il arriva que, n'ayant pu rendre a la plaignante le coeur de son amant, celle-ci voulut au moins que son argent lui fut resLitue; de la le proces, dont le denoiiment a ete ce qu'il devait etre : le sorcier a ete condamne a Tamende et a deux mois de prison comme cscroc. Voici encore ce qu'on ecrivait de Valognes en 18/tl. On jugera des sorciers passes par les sor- ciers presents, sous le rapport de I'interet qu'ils sont dignes d'inspirer : u Notre tribunal correc- tionnel vient d'avoir a juger des sorciers de Brix. Les prevenus, au nombre de sept, se trouvent ranges dans I'ordre suivant : Anne-Marie, feinme de Leblond, dit le Marquis, agee de soixante- quinze ans (figure d'Atropos ou d'une sorciere de Macbeth); Leblond, son mari, age de soixanle- onze ans; Charles Lemonnier, magon, age de vingt-six ans; Drouet, maqon, age de quarante- qualre ans; Therese Leblond, dite la Marquise, agee de quarante-huit ans (teint fievreux ou anime par la colere) ; Jeanne Leblond, sa soeur, egale- ment surnomme la Marquise, agee de trente- quatre ans, feinme de Lemonnier, et Lemon- nier, mari de la precedente, equarrisseur, age de trente-trois ans, ne a Amfreville, tous de- meurant a Brix. Divers delits d'escroquerie a I'aide de manoeuvres frauduleuses leur sont im- putes; les temoins, dont bon nombre figurent parmi les dupes qu'ils ont faites, comparaissent successivement et regoivent une ovation particu- liere a chaque aveu de leur credulite. Les epoux Halley, dit Morbois, et leur frere et beau-frere Jacques Legouche, des Moitiers-en-Bauptois, se croyaient ensorceles. Or il n'etait bruit a dix lieues a la ronde que des Marquis de Brix. On alia done les supplier d'user de leur pouvoir en faveur de braves gens dont la maison, remplie de myriades de sorciers, n'etait plus habitable. Le vieux Mar- quis se met aussitot en route avec sa fille The- rese et commande des tisanes. Mais il en faut bientot de plus actives, et la societe, composee de ses deux filles et des freres Lemonnier, qui se sont entremis dans la guerison , apporle des bouteilles tellement puissantes que toute la faraille les a vues danser dans le panier qui les conte- nait. II faut en effet de bien grands remedes pour lever le sort que le cure, le vicaire et le bedeau de la paroisse ont jete sur eux, au dire des Mar- quises. II faut en outre du temps et de I'argent. Deux ans se passent en operations, et avec le temps s'ecoule I'argent, Mais enfin une si longue attente, de si nombreux sacrifices auront un terme, et ce terme, c'est la nuit de Paques fleu- ries, dans laquelle le grand maitre sorcier vien- dra debarrasser les epoux Halley des malefices qu'ils endurent. Ce qui avail ete promis a lieu ; non pas precisement la guerison, mais I'arrivee de plusieurs membres de la compagnie de Brix. Que s'est-il passe dans la maison? c'est ce que des voisins assignes ne peuvent nous dire, parce qu'ils n'ont ose ni regarder ni entendre. Un seul rapporte avoir oui, lorsque les sorciers sont re- parlis, une voix s'ecrier : — II faut qu'ils soient plus betes que le cheval qui nous traine ! D'au- tres racontent laruine de cetle maison, qui date des frequents voyages de la compagnie. Les Halley et les Legouche etaient dans une parfaite aisance avant qu'il fiit question de les desensorceler. Leurs meubles , leurs bestiaux , leur jardin , leur peu de terre, ils ont tout vendu; leurs hardes, parce qu'elles etaient ensorcelees comme leurs personnes, ils les ont donnees ; ils ont arrache jus- qu'a leur plant de pommiers pour en faire un peu d'argent et rassasier I'hydre insatiable qui les de- vorait; 2,000 fr., tel est peut-etre le chiffre des sommes que I'accusation reproche aux prevenus d'avoir escroquees a ces pauvres gens. Cepen- dant ceux-ci avouent a peine 250 fr. qu'ils auraient pu remettre pour prix de medicaments qui les ont, disent-ils, radicalement gueris. lis ne con- fessent aucuns details, n'accusent personne. lis rendent graces au contraire du bien qu'on leur a fait. Les malheureux tremblent encore en pre- sence de ceux qu'ils ont appeles aupres d'eux, et dont le regard semble toujours les fasciner ! Un nomme Henri Lejuez, de FIottemanville-Hague (arrondissement de Cherbourg), vient ensuite ra- conter avec la meme bonne foi et le meme air de simplicite les tours subtils de magie dont il a ete victime. Chevaux et pores, chez lui tout mourait ; ce n'etait point naturel ; mais aux grands maux les grands remedes. II se mit done en quete pour les trouver. Un jour, dit-il, que j'etais a I'assemblee de Vasteville, je trouvai un homme qui me dit que je ferais bien d'aller a Brix, chez un nomme le Marquis. J'y allai ; or, quand je lui eus dit mon affaire, et qu'il eut lu deux pages dans un livre que sa femme alia lui chercher dans I'ar- moire , il me repondit : — Ce sont des jaloux ; mais je vais vous butter ga ; baillez-moi 5 fr. 50 c. pour deux bouteilles de drogues , et je ferai mou- rir le raalfaiteur. — Nenni, que je lui dis, je n'en demande pas tant ; domptez-le seulement de facon qu'il ne me fasse plus de mal , e'en est assez. Quinze jours apres, j'y retournai, et j'apportai vingt-cinq kilogrammes de farine, deux pieces de 5 fr., et environ deux kilogrammes de filasse que sa bonne femme m'avait demandes. II n'y avait point d'amendement chez mes avers, et je lui dis en le priant de travailler comme il faut I'homme qui m'en voulait. Enfin, apres un autre voyage que je fis encore , il fut convenu que sa fille Therese viendrait a la maison. Elle y vint done et fit sa magie avec une poule qu'on happa sans lui oter une plume du corps. Sur le coup 40 SOR — 626 — SOR elle la saignit, et quand elle eut ramasse son sang dans un petit pot avec le coeur, elle le fit porter a la porte de I'homme que nous soupgonnions. Pendant que le sang s'egoutterait, noire homine devait dessecher, a ce qu'elle di&ait. Apres cela elle nous demanda vingt-cinq aiguilles neuves qu'elle mit dans une assiette et sur laquelle elle versa de I'eau. Aulant il y en aurait qui s'alTour- cheraient les unes sur les autres , autant il y aurait d'ennemis qui nous en voudraient. 11 s'en trouva trois. Tout cela fait, elle emporta la poule et re- vint quelques jours apres avec Jeanne sa soeur. Mais il se trouva qu'il leur manqua quelque chose pour arriver a leur definition : c'etaienl des drogues qu'avec 25 fr. que je leur donnai, et que j'eni- pruntai en partie, elles allerent querir a Cher- bourg, et qu'elles devaient rapporter le soir, avec deux mouchoirs que ma femme leur preta ; mais elles ne revinrent plus. Pour lors j'eus I'idee qu'elles n'etaient pas aussi savanles qu'on le di- sait. Pour m'en assurer, j allai consulter une bat- teuse de cartes du Limousin , et je I'amenai chez Therese. La-dessus les deux femelles se prirent de langue : la Limousine traita la Marquise d'agrip- peuse etle Uavqmsd'agrippenr. Ca iitunebrouille, et les affaires en resterent la. A quelque temps de la cependant, ma femme la revit dans une boutique a la Pierre-Butee , avec Charles Lenion- nier, qu'elle appelait son homme. Elle kii parla de ce qu'elle lui avail donne , de trois chemises que j'oubliais, de deux draps de lils, d'un ca- nard et d'une poule que je lui avals portes moi- meme ; elle lui demanda aussi ce qu'elait devenue la poule qu'elle avail saignee pour sa magie. Sur- lo-champ, Therese repondit qu'apres I'avoir fail rotir elle s'etait dressee sur table et avait chante trois fois comme un coq. — C'est vrai, reprit Charles Lemonnier, car quand je I'ai vue, qa m'a fait un effet que je n'ai pas ose en manger. » Les Marquis et compagnie n'appliquaient pas seulemenl leurs talents a la levee des sorts; mais tels sont les principaux fails qui amenent les dif- ferents prevenus dcvant le tribunal, et auxquels on pourrail ajouler le vol de deux pieces de fil et de deux livres de piele, impute a la meme The- rese, lors de sa visite, au prejudice de la femme Helland , et le fait d'escroquerie reproche au vieux sorcier Marquis, a raison de ses sortileges sur la fille d'un nomme Yves Adam, de Brix. M. le sub- stitut Desmortiers rappelle les facheux antece- dents, d'abord de Therese, condamnee par un premier jugement, pour vol, a un an et un jour d'emprisonneraent ; par un second jugement de la cour d'assises de la Manche, en sept annees de travaux forces; de sa soeur ensuite, condam- nee pareillement en six annees de la meme peine ; de Leblond pere, dit le Marquis, qui a subi deux condamnations correctionnelles dont la duree de I'une a eie de neuf ans ; de Drouet enfin , con- darane a un an et un jour de prison. » Le tribunal , apres avoir renvoye de raction la vieille femme Leblond, prononce son juge- ment, qui condamne aux peines qui suivent les coprevenus : Therese Leblond , dix annees d'em- prisonnement ; Jeanne Leblond, femme Lemon- nier, six ans; Jacques Leblond, dit le Marquis, cinq ans ; Charles Lemonnier, un an et un jour ; Pierre-Amable Drouet , six mois ; Piei're Lemon- nier, un mois; les condamne chacun, en outre, en 50 fr. d'amende , et solidairement aux de- pens, et dit qu'a I'expiration de leur peine ils resteront pendant dix ans sous la surveillance de la haute police. » I'oy. Sicidites, Agiuppa, Faust et une foule de petits articles sur divers sorciers. On trouve des sorciers dans les plus vieux re- cits. Les annales mythologiques vous diront qu'a Jalysie, villa siluee dans I'ile de Rhodes, il y avait six hommes qui etaient si malfaisants que leurs seuls regards ensorcelaient les objels de leur haine. lis faisaient pleuvoir, neiger et greler sur les heritages de ceux auxquels ils en voulaient. On dit que, pour cet effet, ils arrosaient la terre avec de I'eau du Styx , d'ou provenaient les pestes, les famines et les autres calamiles. Jupi- ler les changea en ecueils. Le voyageur Beaulieu conte c|u'il rencontra un de ces soi'ciers ou escrocs, qu'on a aussi appeles grecs, a la courdu roi d'Achem. C'elail un jeuue Porlugais nomme Dom Francisco Carnero ; il pas- sait pour un joueur habile et si heureux qu'il semblait avoir enchaind la fortune. On decouvrit neanmoins que la mauvaise foi n'avait pas moins de part que le bonheur et I'habilete aux avan- tages qu'il remporlait continuellement. Apres avoir gagne de grosses sommes a un ministre de cette cour, qui se dedommageait de ses pertes par les vexations qu'il exercait sur les mar- chands, il jouait un jour centre une dame in- dienne, a laquelle il avait gagne une somme con- siderable, lorsqu'en frappant du poing sur la table, pour marquer son etonnement d'un coup extraordinaire, il rencontra un de ses des qu'il brisa, et dont il sortit quelques goultes de vif argent. Elles disparurenl aussilot, parce que la table avait quelque pente. Les Indiens, d'autaut plus etonnes de cette avenlure, que le Porlugais se saisil promptement des pieces du de, el qu'il refusa de les montrer, jugerent qu'il y avait de I'enchantement. On publia qu'il en etait sorli un esprit, que tout le monde avait vu sous une forme sensible, et qui s'etait evanoui sans nuire a personne. Beaulieu penetra facilement la verite. Mais il laissa les Indiens dans leur erreur; et, loin de rendre aucun mauvais office a Carnero, il I'exhorta fortement a renoncer au jeu dont il ne pouvait plus esperer les menies avantages a la cour d'Achem Sous le regne de Jacques I", roi d'Angleterre, ' Histoire generale des voyages. SOR — 627 — SOR le nomme Lily fat accuse d'user de sortilege de- vant un juge peu eclaire, qui le condamna au feu. Lily n'etait rien inoins que sorcier ; son crime consistait a abuser de I'ignorance superstitieuse de ses conciloyens. 11 osa s'adresser au souve- rain et lui presenter un placet ecrit en grec. L'etude des langues etait alors fort negligee en Angleterre. Un semblable placet parut un pheno- mene au monarque. — Non, dit-il, cet homme ne sera pas execute, je le jure, fiit-il encore plus sorcier qu'on ne I'accuse de I'etre. Ce que je vols, c'est qu'il est plus sorcier dans la langue grecque que tons mes prelats anglicans. Un officier, d'un genie tres-mediocre, envieux de la gloire d'un capitaine qui avait fait une belle action, ecrivit a M. de Louvois que ce capitaine etait sorcier. Le ministre lui repondit : « Mon- sieur, j'ai fait part au roi de I'avis que vous m'a- vez donne dela sorcellerie du capitaine en ques- tion. Sa Majeste m'a repondu qu'elle ignorait s'il etait sorcier, mais qu'elle savait parfaitement que vous ne I'etiez pas. » 11 y eut a Salem, dans I'Ameriqae du Nord, en 1692, de singuliers symptomes qui tiennent a I'histoire de la sorcellerie. Beaucoup d'hypocon- driaques voyaient des spectres, d'autres subis- saient des convulsions rebelles aux medecins ; on attribua tout a la necromancie, et Godwin, dans son Histoire des necromanciens , donne sur ces faits etranges des details etendus. Plusieurs fem- mes furent pendues comme accusees et convain- cues d'avoir donne des convulsions ou fait appa- railre des fanlomes. « On voit constamment, dit Godwin , les accusations de ce genre suivre la marche d'une epidemie. Les vertiges et les con- vulsions se communiquent d'un sujet a un autre. Une apparition surnaturelle est un theme a I'u- sage de I'ignorance et de la vanite. L'amour de la renommee est une passion universelle. Quoi- que ordinairement placee hors de I'atteinte des hommes ordinaires , elle se Irouve , dans cer- taines occasions, mise d'une maniere inattendue a la portee des esprits les plus communs, et alors ils savent s'en servir avec une avidite pro- portionnee au peu de chances qu'ils avaient d'y parvenir. Quand les diables et les esprits de I'en- fer sont devenus les sujets ordinaires de la con- versation ; quand les recits d'apparition sont aux nouvelles dujour, et que telle ou telle personne, entierement ignoree jusqu'alors, devient tout a coup I'objet de la surprise generate, les imagina- tions sont vivement frappees, on en reve, et tout le monde, jeunes et vieux, devient sujet a des visions. » Dans une ville comme Salem , la seconde en importance de la colonie, de semblables accusa- tions se repandirent avec une merveilleuse rapi- dite. Beaucoup d'individus furent frappes de vertiges ; leurs visages et leurs membres furent contractes par d'effroyables contorsions , et ils devinrent un spectacle d'horreur pour ceux qui les approchaient. On leur demandait d'indiquer la cause de leurs souffrances; et leurs soupqons ou leurs pretendus soupgons se portaient sur quelque voisin, deja malheureux et abandonne , et pour cette cause en butte aux mauvais traite- ments des habitants de la ville. Bienlot les per- sonnes favorisees de I'apparition surnaturelle formerent une classe a part, et furent envoyees, aux depens du public, a la recherche des coupa- bles, qu'eux seuls pouvaient decouvrir. Les pri- sons se remplirent des individus accuses. On s'entretint avec horreur d'une catamite qui n'a- vait jamais regne avec un tel degre d'intensite dans celte partie du monde, et, par une coinci- dence malheureuse, il arriva qu'u cclle epoque beaucoup d'exemplaires de I'ouvrage de Baxter intitule Certitude du monde des esprits parvin- rent dans la Nouvelle -Angleterre. Des hommes honorables donnerent credit a cette ridicule su- perstition et entretinrent meme la violence popu- laire par la solennite et I'importance qu'ils don- nerent aux accusations, et par le zele et I'ardeur qu'ils deployerentdans les poursuites. On observa dans cette occasion toutes les formes de la jus- tice; on ne manqua ni de juges, ni de jures, grands ou petits, ni d'executeurs, encore raoins de persecuteurs et de temoins. Du 10 juin au 22 septembre 1692, dix-neuf accuses furent pen- dus; bien des gens avouerent qu'ils pratiquaient la sorcellerie, car cet aveu paraissait la seule voie ouverte de salut. On vit des )naris et des enfants supplier a genoux leur femme et leur mere de confesser qu'elles etaient coupables. On mit a la torture plusieurs de ces malheureuses en leur attachant les pieds au cou jusqu'a ce qu'elles eussent avoue tout ce qu'on leur sug- gerait. » Dans cette douloureuse histoire, I'affaire la plus interessante fut celle de Gilles Gory et de sa femme. Gelle-ci fut jugee le 9 septembre et pendue le 22 ; dans cet intervalle on mit aussi le mari en jugement. 11 affirma qu'il n'etait point coupable. Quand on lui demanda comment il voulait etre juge, il refusa de repondre, selon la formule ordinaire, par Dieu et mon pays. 11 ob- serva qu'aucun de ceux qui avaient ete prece-' demment juges n'ayant ete proclame innocent, le meme mode de procedure rendrait sa con- damnation egalement certaine; il refusa done obstinement de s'y conformer. Le juge ordonna que, selon I'usage barbare present en Angleterre, il fut couche sur le dos et mis a mort au moyen de poids graduellement accumules sur toute la surface de son corps, moyen qu'on n'avait point encore mis en pratique dans 1' Amerique du Nord. Gilles Gory persista dans sa resolution et de= meura muet pendant toute la duree de son sup- plice. Tout s'enchaina par un lien etroit dans cette horrible tragedie. Pendant fort longtemps 40. SOR - 628 — SOU les visionnaires n'elendirent leurs accusations que sur les gens mal fames ou qui ne tenaienl qu'aux rangs inferieurs de la communaute. Bien- tot cependant, perdant toute retenue, ils ne crai- gnirent pas de porter leurs accusations de sor- cellerie sur quelques personnes appartenant aux premieres families et du caractere le moins sus- pect. Des lors tout changea de face. Les princi- paux habitants reconnurent combien il serait imprudent de mettre leur honneur et leur vie a la merci de si miserables accusateurs. De cin- quante-six actes d'accusatiou qui furent soumis au grand jury le 3 Janvier 1693, on n'en trouva que vingt-six qui eussent quelque fondement, et on en ecarta trente. Sur les vingt-six accusations auxquelles on donna suite, on ne trouva que trois coupables, etle gouvernement leur fit grace. On ouvrit les prisons : deux cent cinquante per- sonnes, tant de celles qui avaient fait des aveux que de celles qui etaient simplement accusees, furent mises en liberte, et on n'enlendit plus parler d'accusations de ce genre. Les afjligds, c'est ainsiqu'on nommait les visionnaires, furent rendus a la sante. Les apparitions de spectres disparurent completement, et Ton ne s'^tonna plus que d'une chose, ce fut d'avoir ete victime d'une si horrible illusion. — Ces phenomenes de demence infernale en pays hostile a I'Eglise de- manderaient une etude. Sort. On appelle sort ou sortilege certaines paroles, caracteres, drogues, etc., par lesquels les esprits credules s'imaginent qu'on peut pro- duire des effots extraordinaires , en vertu d'un pacte suppose fait avec le diable: ce qu'iis appel- lent jie Depuis plus de quatre siecles done, ces peu- plades n'ont jamais pu s'accoutumer a la vie se- dentaire; I'hiver, neanmoins, les bohemiens se Lalissent des cabanes ou ils gitent tant que dure la saison rigoureuse ; mais des que les grenouilles commencent a coasser, ils se mettent a jeter has ces huttes et reprennent gaiement leur volee. Les zigheuners exercent tons le metier de for- gerons et de retameurs ambulants, « Cinquante bohemiens, cinquante forgerons, » dit un pro- verbe hongrois. Leurs femmes disent la bonne avenlure et leurs enfants vont mendier. Mais le vol est aussi une de leurs ressources, et il leur arrive meme quelquefois de commettre ce crime a main armee; toutefois il faut que I'aubaine soit bonne et I'occasion facile, car la bravoure n'est pas leur fait, comme on pent en juger par ce diclon transylvain : ((On pent chosser devant soi cinquante bohemiens sans avoir d'autre arme qu'un torchon mouille. » Les Hongrois el les Allemands leur attribuent le pouvoir de jeter des sorts , I'art de guerir les animaux malades, et surtout la science divina- toire : aussi n'esl-il merveille que Ton ne raconte la-dessus; mais la naivete de ceux qui les con- sultent nous semble bien plus merveilleuse en- core que la science prophetique de ces etcrnels voyageurs. Une femme veuve, qui faisait valoir avec son fils une petite ferme aux environs de Troppau , dans la Silesie autrichienne, etant allee un matin pour traire sa vache, fut grandement surprise de ne plus la trouver a I'etable. Aussitot la paysanne et son fils de chercher partout, mais nulle part la moindre trace de la bete fugi- tive. Enfin , apr(js avoir inulilement battu les en- virons, la fermiere se decide a aller consuller des bohemiens qui avaient pris leurs quartiers d'hiver a quelques kilometres de la , et la bonne femme fut vraiment au comble de la joie lorsque, ayant demande le signalement de sa bete, celui a qui elle s'l^tait adressee lui promit que, moyen- nant dix florins payables apres reussite, elle trouverait le lendemain matin sa vache allachee au loquet de sa pcrle. ZIN — 71 3 — ZIN Le lendemain, en effet, des le petit jour, I'a- nimal etait a I'endroit design^, et quelques heures plus tard, le devin s'etant presente pour toucher la somme convenue , la veuve allait s'em- presser de la lui remettre/quand son fils Ten empeche et dit d'un air goguenard : « Puisque vous etes sorcier, men clier, vous devez aussi connaitre le larron : allez done le trouver de ma part et dites-lui de vous remettre les dix florins. — Oh ! Hanz , reprend la paysanne mecontenle , cela n'est pas juste : toute peine merite salaire, et qui sail si cet homme pourra rattraper le vo- leur? — Sois done tranquille, replique le fils, le voleur n'est pas si loin que tu penses, n'est-ce pas mon bonhomme? » Et le bohemien de s'en aller sans demander son reste, bien que le payement n'eut pas Fair d'etre tout a fait de son gout. Zincalis. C'est le nom qu'on donne anx bo- hemiens en Orient. Les auteurs de la Revue Britannique , qui nous ont enrichis de tant de renseignements precieux, ont traduit dans leur recueil, en juin I8/1I, des fragments elendus d'unlivre spdcial, compose par Georges Barrov^', sur les zincalis. Georges Barrow a passe cinq an- nees en Espagne, distribuant des Bibles. II de- clare que les gitanos' I'onl toujour? seconde dans cette distribution; raaii? il ne se dissimule pas qu'il a eu peu de succes, lorsqu'il a tente de les convertir. On le prenait pour un enfant de la grande famille nomade; ce litre seul rappro- chaitjes gitanos de lui. lis lui supposaient quelque dessein dans I'interet de leur race : ils le servaient en croyant servir I'interet commun, et se li- vraient a lui comme a un frere. Ayant pu voir de si pres ce peuple mysterieux, il a du sur- prendre quelques-uns de ses secrets; il avoue qu'il a toujours eu du penchant pour les zincalis, * C'est le nom qu'on donne en Espagne aux bohe- miens. gypsys , gitanos , bohemiens , comme il vous plaira de les appeler. (iLes gypsys, auxquels j'ai communique cette sensation, dit-il, n'ont pu I'expliquer qu'en supposant que I'ame , qui anime aujonrd'hui mon corps, aurait jadis, dans le laps des siecles, anime un corps de gypsy. Ilscroient a la metempsycose , et , comme les sectateurs de Bouddha, ils pretendent que leurs ames, a force de passer d'un corps dans un autre, acquierent a la longue une purete assez grande pour jouir de cet etat de parfaitrepos ou de quietude, seule idee qu'ils se soient formee du paradis. y> J'ai vecu dans I'intimite avec les gypsys , je les ai vus en divers pays, et je suis arrive a cette conclusion que partout ou ils se trouvent, ce sont toujours les memes moeurs et les memes coutumes, quoique modifiees par les circon- stances; partout c'est le meme langage qu'ils parlent entre eux, avec certaines variantes plus ou moins nombreuses, et enfm partout encore leur physionomie a le meme caractere, le meme air de famille, et leur teint,plus ou moins brun, suivant la temperature du climat, est invariable- ment plus fence, en Europe du moins, que celui des indigenes des contrees qu'ils habitent, par exemple, en Angleterre et en Russie, en Alle- magne et en Espagne. . » Les noms sous lesquels on les designe dif- ferent dans les divers pays. Ainsi on les appelle ziganis en Russie , zingarri en Turquie et en Perse, Zigheuners en Allemagne ; denominations qui semblent decouler de la meme elymologie, et qu'on peut, selon toute vraisemblance, sup- poser etre une prononciation locale d« zincali, terme par lequel, en beaucoup de lieux, ils se designent eux-memes quelquefois, et qu'on croit signifier les hommes noirs de Zind ou de VInde. En Angleterre et en Espagne on les connait ge- neralement sous le nom de gijpsys et de gitanos, d'apres la supposition generale qu'ils sont venus d'Egypte; en France, sous lenom de bohemiens, parce que la Boheme fut le premier pays de I'Eu- rope civilisee oii ils parurent, quoiqu'ils eussent anterieurement erre assez longtemps parmi les regions loin taines de la Slavonie, comme le prouve le nombre de mots d'origine slave dont abonde leur langage. )) Mais plus generalement ils se nomment rom- many : ce mot est d'origine sanscrite et signifie les maris, ou tout ce qui apparlient a I'homme marie, expression peut-etre plus applicable que toute autre a une secle ou caste qui n'a d'autre affection que celle de sa race, qui est capable de faire de grands sacrifices pour les siens, mais qui, detestee et meprisee par toutes les autres races, leur rend avec usure haine pour haine, mepris pour mepris, et fait volon tiers sa proie du reste de I'espece humaine. » On Irouve les ziganis dans toutes les parties de la Russie, a I'exception du gouvernement de ZIN — 71/i — ZIN Saint-Petersbourg, d'ou ils onl ete bannis. Dans la pi apart des villes provinciales, ils vivent en un etat de demi-civilisation ; ils ne sont pas tout a fait sans argent, sachant en soutirer de la cre- dulile des moujiks ou paysans, et ne faisant au- cun scrupiile de s'en approprier par le vol et le brigandage , a defaut de betes a guerir et de gens ciirieux de se faire dire la bonne aventare. » La race des rommanys est nalurellement belle; inais autant ils sont beaux dans I'enfance, autant leur laideur est horrible dans un age avance. S'il faut un angc pour faire un demon, ils verifient parfaitement cet adage. Je vivrais cent ans que je n'oublierais jamais I'aspect d'un vieil attaman ziganskie ou capilaine de ziganis, et de son pelit-lils, qui m'aborderent sur la prai- rie de Novogorod , ou etait le campenient d'une horde nombreuse. L'enfant eiit ete en tout un ra- vissant niodele pour representer Astyanax ; mais le vieillard in'apparut comnie I'affreuse image que Milton n'a ose peindre qu'a moitie ; il ne Uii manquait que le javelot et la couronne pour etre one personnification du monstre qui arreta la raarche de Lucifer aux limites de son infernal domaine. » Les chinxjanys sont les Egyptiens hongrois. » II n'est que deux classes en Hongrie qui soient libres de faire tout ce qu'elles veulent, les nobles et les Egyptiens; ceux-la sont au-dessus de la loi ; ceux-ci en dessous. Par exemple, un peage est exige au pont de Pesth de lout ouvrier ou paysan qui veut traverser la riviere ; mais le seigneur aux beaux habits passe sans qu'on lui demande r^en ; le chingany de nieme , qui sc pre- sente a moitie nu avec une heureuse insouciance et riant de la soumission Iremblante de I'homme du peuple. Partout I'Egyptien est un etre incom- prehensible , mais nulle part plus incomprehen- sible qu'en Hongrie, ou il est libre au milieu des esclaves et quoique moins bien parlage en appa- rence que le pauvre serf. La vie habituelle des Egyptiens de Hongrie est d'une abjection abomi- nable ; ils demeurent dans des taudis ou Ton res- pire I'air infect de la misere ; ils sont velus de haillons; ils se nourrissent frequemment des plus viles charognes, et de pire encore quel- quefois, si Ton en croit la rumeur populaire. Eh bien, ceshommes a demi nus, miserables, sales et disputant aux oiseaux de proie leur nourri- ture, sont toujours gais, chantants et dansants. Les chinganys sont fous de la musique, il en est qui jouent du violon avec un vrai talent d'artiste. » Comme tons les enfants de la race egyp- tienne, les chinganys s'occupent des maladies des chevaux; ils sont chaudronniers et mare- chaux par occasion ; les femmes disent aussi la bonne aventure ; hommes et femmes sont tres- pillards. Dans une contree ou la surveillance de la police parquo les nutres habitants, les chin- ganys vont et viennent comme il leur plait. Leur vie vagabonde leur fait souvent franchir les fron- tieres, et ils reviennent de leurs excursions riches de leurs rapines; riches, mais pour dissiper bien- tot cette richesse en fetes, en danses et en repas. lis se partagent volontiers en bandes de dix a douze, et se rendent ainsi jusqu'en France et jusqu'a Rome. S'ils out eu jamais une religion a eux, ils I'ont certainement oubliee ; ils se con- ferment generalement aux ceremonies religieuses du pays, de la ville ou du village ou ils s'etablis- sent, sans trop s'occuper de la jdoclrine.... » L'imperatrice Marie -Therese et Joseph II firent quelques efforts inutiles pour civiliser les chinganys. On en comptait en Hongrie cinquante niille, d'apres le recensement qui eut lieu en 1782. On dit que ce nombre a diminue depuis. » II y a trois siecles environ que les gypsys arriverent en Angleterre, et ils furent accueillis par une persecution qui ne tendait a rien moins qu'a les exterminer completement. Etre un gypsy etait un crime digne de mort; les gibets anglais gemirent et craquerent maintes fois sous le poids des cadavres de ces presents, et les survivants furent a la lettre obliges de se glisser sous la terre pour sauver leur vie. Ce lemps-la passa. Leurs persecuteurs se lasserent er\iin ; les gypsys mon- irerent de nouveau la tete , et , sortant des Irons et des cavernes ou ils s'etaient caches, ils repa- rurent phis nombreux ; chaque tribu ou famille choisit un canton, et ils se partagerent brave- ment le sol pour I'exploiter selon leur Industrie. Dans la Grande -Bretagne aussi les gypsys du sexe male sont tout d'abord des maquignons, des veterinaires, etc. Quelquefois aussi ils emploient leurs loisirs a raccommoder les ustensiles de cuivre et d'etain des paysans, Les femmes disent la bonne aventure. Generalement ils dressent leurs tentes a I'ombre des arbres ou des haies, dans les environs dim village ou d'une petite ville sur la route. La persecution qui fit autre- fois une si rude guerre aux gypsys se fondait sur diverses accusations : on leur reprochait enlre autres crimes le vol, la sorcellerie et I'empoison- nement des bestiaux. Etaient-ils innocents de ces crimes? II serait diOicile de les justifier d'une ma- niere absolue. Quant a la sorcellerie, il suflisait de croire aux sorciers pour condamner les gyp- sys ; car ils se donnaient eux-memes pour tels. Ce ne sont pas seulement les gypsys anglais, mais tons les Egyptiens, qui ont toujours pre- tendu a cette science ; ils n'avaient done qu'a s'en prendre a eux-memes s'ils etaient puursuivis pour ce crime. » C'est la femme gypsy qui exploite generale- ment cette partie des arts traditionnelsde la race. Encore aujourd'hui elle predit I'avenir, elle pre- pare les philtres, elle a le secret d'inspirer I'amour ou I'aversion. Telle est la credulite de toute la race Inimaine, que, dans les pays les plus eclai- ZIN — 715 - ZIN res des lumieres de la civilisation , iine devine- resse fait encore de grands benefices. » On accusait autrefois les gypsys de causer la maladie et la mort des bestiaux. Celte accusation etait certes fondee, lorsque nous voyons encore dans le dix-neuvieme siecle les rommanys, en Angleterre et ailleurs, empoisonner reelleinent des animaux , dans le double but de se fairs payer pour les gtierir on de profiter de leurs caclavres. On en a surpris jetant des poudres pendant la nuit dans les inangeoires des etables. lis ont aussi des drogues a I'usage des pores et les leur font ava- ler , tantot pour les faire mourir subitement , tantot pour les endormir : ils arrivent ensuite a la ferine et achetent les restes de I'animal, dont ils se nourrissent sans scrupule, sachant bien que leur poison n'a affecte que la tete et ne s'est nul- lement infiltre dans le sang et les chairs. » Les zincjarris ou Egt/ptiens d'Orient gagnent leur vie comme les autres, a soigner les chevaux, a faire les sorciers , a chanter et danser, C'est en Turqnie qu'on les trouve en plus grand nombre , surtout a Constantinople, ou les femmes pene- trent souvent dans les harems, pretendant giierir les enfants du mauvais ceil et interpreter les reves des odalisques. Parnii les zingarris, il en est qui font a la fois le commerce des pierres precieuses et des poisons : j'en ai connu un qui exergait ce double trafic, et qui etait I'individu le plus re- marquable que j'aie rencontre parmi les zincalis d'Europe ou d'Orient. II etait ne a Constanti- nople et avait visite presque toutes les conlrees du monde, entre autres presque toule I'lnde; il parlait les dialectes malais; il comprenait celui de Java, cette ile plus fertile en substances ve- neneuses que I'lolkos et I'Espagne. 11 m'apprit qu'on lui achetait bien plus volontiers ses drogues que ses pierreries, quoiqu'il m'assurat qu'il n'etait peut-etre pas un bey ou un pacha de la Perse et de la Turquie auquel il n'eut vendu des deux. J'ai rencontre cet illustre nomade en bien des pays, car il traverse le monde comme I'ombre d'un nuage. La derniere fois, ce fut a Grenade, ou il etait venu apres avoir rendu visite a ses freres egyptiens des presides (galeres) de Ceuta. » II est peu d^auteurs orientaux qui aient paiie des zingarris, quoiqu'ils soient connus en Orient depuis des siecles. Aucun n'en a rien dit de plus curieux que Arabschah, dans un chapitre de sa Vic de Timour ou Tamerlan, un des trois ou- vrages classiques de la litterature arabe. Je vais traduire ce passage : « 11 existe a Samarcande de nombreuses families de zingarris, les uns lut- teurs, les autres gladiateurs, d'autres redoulables au pugilat. Ces homines avaient de frequentes discussions, et il en resultait de frequentes ba- tailles. Chaque bande avait son chef et ses offi- ciers subalternes. La puissance de Timour les remplit de terreur, car ils savaient qu'il etait instruil de leurs crimes et do leurs desordres. Or, c'etait la coulume de Timour, avant de partir pour ses expeditions, de laisser un vice-roi a Sa- marcande ; mais a peine avait-il quitte la ville , que les bandes de zingarris marchaient en armes, livraient bataille au vice-roi, le deposaient et prenaient possession du gouvernement; de sorte' qu'a.son retour, Timour trouvait I'ordre trouble, la confusion partout et son trone renverse, II n'avait done pas peu a faire pour retablir les choses et punir ou pardonner les coupables. Mais des qu'il partait de nouveau pour ses guerres ou pour ses autres affaires, les zingarris se livraient aux memes exces. Voila ce qu'ils firent et recom- mencerent trois fois, jusqu'a ce qu'enfin Timour arreta un plan pour les exterminer. II batit des remparts et appela dans leur enceinte tous les habitants grands et petits , distribua a chacun sa place, a chaque ouvrier son devoir, et il reunit les zingarris dans un quartier isole ; puis il con- voqua les chefs du peuple, et remplissant une coupe, il les fit boire et leur donna un riche vete- ment. Quand vint le tour des zingarris , il leur versa aussi a boire et leur fit le meme present ; mais a mesure que chacun d'eux avait bu , il I'en- voyait porter un message dans un lieu ou il avait fait camper une troupe de soldats. Ceux-ci, qui avaient leurs ordres, entouraient le zingarri, le depouillaient de son habit et le poignardaient, jusqu'a ce que le dernier de tous eiit ainsi re- pandu I'or liquide de son ceeur dans le vase de la destruction. Ce fut par cette ruse que Timour frappa un grand coup contre cette race, et de- puis ce temps-la il n'y eut plus de rebellions a Samarcande. » )) Que faut-il croire de cette histoire ou de ce conte d' Arabschah? Gonnnent le mettre d'accord avec ceux qui veulent que les Egyptiens actuels soient les descendants des families hindoues qui s'exilerent de I'lnde pour fuir les cruautes de Timour? Si c'est un conte, toutes les autres tra- ditions peuvent lui survivre; mais si ce recit est fonde lui-meme sur une tradition historique plus ou moins vraie , nous y voyons les zingarris a I'etat de peuple , etablis dans Samarcande a une epoque de la vie de Timour ou il n'avait pas encore en- vahi rinde. D'un autre cote, si les zingarris reunis en Occident etaient.les debris fugitifs du peuple egorge a Samarcande, comment ont-ils eux-memes laisseignorer ce malheur de leur race, au lieu de s'en servir pour exciter la sympathie? En derniere analyse , il est plus facile de prouver qu'ils viennent de I'lnde que de Samarcande. » Les zincalis ne sont pas seulement appeles, en Espagne , gitanos ou Egyptiens , on les appelle encore Nouveaux Castillans , AUemands , Fla- mands, termes a peu pres synonymes dans la langue populaire, quant aux derniers du moins, et devenus egalement meprisants, quoiqu'ils aient pu servir primitivement a designer leur origine , sans aucune intention outrageanlo. ZIN — 716 — ZIN » Entre eux, les gitanos se nommont zincalis, et abreviativeirient cales et chai. » Ce ne fut guere que dans le quinzieme siecle que les zincalis se montrerent en France. On lit dans iin auteiir francais, cite par Pasquier : « Le 17 avril 1/|27, on vit a Paris douze penitents d'Egypte, chasses par les Sarasins. lis amenaient avec eux cent vingt personnes, et se logerent dans le village de la Chapelle, ou Ton allait en foule les visiter. lis avaient les oreilles percees et portaient des anneaux d'argent. Leurs cheveux etaient noirs et crepus. Leurs femines etaient hor- riblement sales et disaient la bonne aventure en vraies sorcieres. » Ces hommes, apres avoir tra- verse la France et franchi les Pyrenees, se repan- dirent par bandes dans les plaines de I'Espagne. Partout ou ils avaient passe, leur presence avait ele regardee comme un fleau , et non sans motif. Ne voulant ou ne pouvant s'imposer aucune oc- cupation, encore nioins aucun metier lixe, ils venaient comme des essaims de frelons s'abattre sur les fruits du travail d'autrui, et bienlot une ligue generate so forma contre eux. Armes de lois terriblcs, les agents de la justice se niirenl a leur poursuite ; le peuple irrite , secondant de lui-meme la severile de la legislation, ou la de- vancant, leur courait sus et les pendait an pre- mier arbre, sans autre forme de proces. 1) Parfois done, quand ces sauterelles humaines avaient devast^ un canton, la vengeance des ha- bitants suppleait a la connivence des agents de la justice; maissouvent les gitanos n'allcndaient pas que cctte vengeance vint les surprendre, et ils levaient leur camp sans tambour ni Irompetle. Leurs anes, charges des femmes et des enfants, marchaient les premiers, et a I'avant-garde les plus hardis de la troupe, armes d'cscopettes, tenaient en respect la police rurale qui osait les poursuivre. Malheur alors au voyageur qui lom- bait au milieu de cetle bande en retraite ! Les gitanos ne se contenlaient pas toujours de sa bourse, ils laissaient maintes fois un cadavre san- glant sur les limiles du canton qu'on les forQait de quitter en ennemis declares. » Chaqiie bande ou famille de gitanos avait son capitaine, ou, comme on le designait gene- ralement, son comte. Don Juan de Oninones, qui, dans son volume publie en 1632, a donne quelques details sur leur genre de vie , dit : u Pour remplir les fonctions de leur chef ou comte, les gitanos choisissent celui d'entre eux qui est a la fois le plus fort et le plus brave. II doit joindre a ces qualites la ruse et I'intelligence, pour etre propre a les gouverner. C'est lui qui regie leurs dilTerends, meme la ou exisle une justice rt'gu- liere; c'est lui qui les guide la nuit, lorsqu'ils vont voler les troupeaux ou detrousser les voya- geurs sur la grande route : le bulin se partage entre eux, apres avoir preleve pour le comte un tiers du tout. » » Ces comtes, etant elus pour faire le bien de la troupe ou de la famille, etaient exposes a etre degrades s'ils ne contentaient pas leurs sujets. L'emploi n'etait pas hereditaire, et, quels que fussent ses avantages et ses privileges, il avait ses inconvenients et ses perils. Au comte le soin de preparer une expedition et de la faire reussir. Si elle echouait, s'il ne parvenait pas a rendre la liberte a ceux des siens qui restaient prisonniers, si surtout il les laissait perir, sur lui retombait tout le blame, et il se voyait nommer un nou- veau chef qui succedait a tous ses droits. Le sei- gneur comte des gitanos avait une sorte de pri- vilege feodal : c'etait celui de la chasse au chien et au faucon. Naturellement il en jouissait a ses risques; car on pense bien qu'il ne chassait que sur la terre d'autrui : or le seigneur gitano pou- vait fort bien rencontrer le vrai seigneur du do- maino. Une ballade traditionnelle nous apprend riiistoire d'un comte Pepe qui, ayant voulu s'op- poser cu droit de chasse d"un chef gitano, n'y parvint qu'en le tuant. La veuve du mort, en franche Egyptienne, derobe alors le fils du vain- queur et relevc parmi les gitanos. Avec le temps, le fils du comte Pepe, nomme comte, veut, comme son pere putatif, chasser sur les terres de son veritable pore, et tue celui-ci sur la place memo qui avait vu tomber le chef, venge ainsi par un parricide. » Voici ce qu'on lit dans les Disquisitions ma- (jiques de Martin del Hio : « Lorsqu'en I'annee 1581 je Iravcrsais I'Espagne avec mon regiment, une multitude do gitanos infestait les cam- pagnes. II arriva que la veille de la Fete-Dieu, ils demanderent a etre admis dans la ville pour y danser en I'honneur de la fete , selon un an- tique usage. lis I'obtinrent; mais la moitie du jour ne s'etait pas ^coulee, qu'un grand tumulte eclata a cause du grand noinbre de vols commis par les femmos de ces miserables; la-dessus, ils sortirent par les faubourgs et se rassemblerent pros de Saint-Marc, magnifique hopital des che- valiers de Saint-Jacques, ou les agents de la justice, ayant voulu les arreter, se virent re- pousser par la force des armes. Cependant , je ne sais comment cela se fit, mais tout a coup tout s'apaisa. lis avaient, a cette epoque,pour comte un gitano qui parlait I'espagnol aussi pu- rement qu'un natif de Toledo; ce comte connais- sait tous les ports de I'Espagne, tous les che- mins et passages des provinces, la force des villes, Ic nombre des habitants, leurs proprietes a chacun; bref, il n'ignorait rien de ce qui con- cernait le secret de I'Etat, et il s'en vanlait pu- bliquement. » Evidemment, aux yeux de del Rio, ce gitano etait une espece de sorcier; car, a cette epoque , tous les gitanos etaient consi- deres comme des eirangers, et il ne lui parais- sait pas naturel qu'ils fussent capables de parler purement I'idiome castillan. ZIN — 717 — ZIN » Je trouve encore, dans les Didascalia de Francesco de Cordova , une anecdote qui prouve que les gitanos ne craignirent pas d'einpoison- ner, pendant la nuit, toules les fonlaines de Logrono. Celte horrible machination fut decou- verle par un libraire qui avail autrefois vecu avec eux, et qui ladenonga au cure de la ville. Deja une epidemie pestilentielle regnait parmi les habitants; mais il leur resta assez deforce pour massacrer les gitanos , lorsqu'ils venaient piller leurs maisons sans attendre qu'ils fussent tous morts. (( II semblerait, dit un auteur espagnol , que les gitanos et les gitanas n'ont ete envoyes dans ce monde que pour y etre voleurs; ils naissent voleurs; ils sont eleves parmi les voleurs; ils apprennent a etre voleurs, et ils finissent par etre voleurs, allant et venant pour faire des dupes. L'amour du vol et la pratique de la vole- rie sont en eux des maladies conslitutionnelles qui ne les quittent plus jusqu'au jour de leur mort. » Tel est I'exorde de la Gilanilla ou la Jille e(jijpUenne, nouvclle de Cervantes, qui in- troduit ensuite son heroine en ces termes : (( Une vieille sorciere de cette nation, qui avait certai- nement pris ses grades dans la science de Cacus, elevait une jeune fille dont elle se disait la grand'mere et qu'elle appelait Preciosa, etc. » » Parmi les nombreuses anecdotes qui se rat- tachent a la vie et aux ouvrages de Cervantes , on raconte que, sous le regne de Philippe III , il parut dans la rue de Madrid une fille egyptienne qui y brilla comme un meteore : elle dansait et chantait en compagnie d'autres gitanas, mais si superieure a toutes par sa beaute, sa grace et sa voix , que la foule se pressait partout autour d'elle. Une pluie d'or et d'argent exprimait I'en- thousiasme des speclateurs. Le roi lui-meme fut curieux de la voir; les meilleurs poetesdu temps lui adressaient des vers, trop heureux si elle daignait les chanter; plusieurs seigneurs devin- rent epris d'elle, et enfin un jeune homme de la cour, abandonnant sa famille, se fit gitano pour lui plaire. On decouvrit plus tard que cet astre de beaute etait la fille d'un noble corregi- dor, volee a son pere, dans son enfance, par la vieille sorciere qui se disait sa grand'mere. Elle dpousa son fidele adorateur. Telle est I'anecdote, et c'est aussi le sujet de la nouvelle de Cer- vantes , qui n'est pas la meilleure de ses oeuvres , malgre sa popularite. II n'y a pas que son heros et son heroine qui ne sont pas de la vraie race egyptienne : tous ses autres gitanos sont des husnis (chretiens) degnises, parlant comme ja- mais gilano veritable n'aurait parle, alors meme qu'ils decrivent assez exactement la vie nomade de leur race. Cervantes connaissait mieux les posadas et les ventas de I'Espagne que les camps des gitanos. n Mais il existe dans la langue espagnole un roman intitule Alonso, le valet de plusieurs mailres^ compose pac le docteur Geronimo de Alcala, natif de Segovie, qui ecrivait au com- mencement du dix-septieme siecle. Cet Alonso sert toutes sorles de maitres, depuis le sacris- tain d'un obscur village de la vieille Castille jus- qu'au fier hidalgo de Lisbonne, et tous ces maitres le congedient a cause de son caractere bavard et de son incorrigible manie de critiquer leurs faiblesses. Enfin , il tombe entre les mains des gitanos. Je suis tente de croire que I'auteur lui-meme avait vecu parmi cette race, tant la description qu'il en donne est vivante et coloree. En voici quelques extraits : « Je cheminais depuis plus d'une heure a tra- vers ces hois, lorsque, a peu de distance de I'endroit ou j'etais, je vis s'elever une grosse fumee : concluant, en vrai philosophe, qu'il n'y a pas de fumee cans feu, et que s'il y avait du feu il devait y avoir des gens pour I'allumer, je me mis a diriger mes pas de ce cote , car il com- mengait a faire nuit et il regnait un air assez froid. Je n'avais pas marche beaucoup , lorsque je me sentis saisir par les epaules, et tournant la tete, je me vis accoste de deux hommes, pas tout a fait aussi beaux que des Flamands ou des Anglais , vrai teint de mulatre , mal vetus et de mauvaise mine. Je leur dis qu'ils etaient les bienvenus (Dieu salt avec quelle anxiete de coeur), en leur demandant ce que je pouvais faire pour leur service. Mais eux , avec le bre- douillement des gitanos, me dirent de les suivre a leur campement {aduar) , ou etait le seiior comle. Me voici en bonnes mains, me dis-je en moi-meme; cela ne peut que bien aller; je dois m'altendre a une bonne nuit. Mais enfin, faisant de necessite vertu, je leur repondis : Vamos, senores : allons, messieurs, oil vous voudrez. Ils me conduisirent a travers le plus epais du bois, me tenant entre deux pour ne pas me perdre de vue , non sans m'avoir demande ou etait ma mon- ture et oh je I'avais laissee. Elle vient toujours a moi , repondis-je ; tres-devoi a saint Frangois , je suis tres-mauvais cavalier, et par economie je voyage a pied. En devisant ainsi , nous arrivames au campement de la confrerie, ou Ton nous attendait , grace au coup de sifflet de mes deux guides , qui avaient ainsi averti les leurs de notre ZIN — 718 — ZIN approche. A iine portee de pierre , deux filles el deux gargons vinrent a notre rencontre avec grande joie , en s'informanl si nous n'avions pas d'autres voyageurs apres nous. « II est seul, dirent mes guides, et s'il eut tarde un peu plus longtemps, nous quiltions ie poste et revenions les mains vides. » » Curieux de savoir quel sort m'etait reserve, je me trouvai bientot entoure d'une bande de quarante hommes et fenmies, sans parler d'en- fants de tout age qui couraient au milieu d'eux, nus comme dans I'etat de nature. lis me me- nerent devant le sefiorcomte , personnage qu'iis respectent tous et qui etait ie juge et le gouver- neur de celte republique desordonnee. Le seiior comLe m'accueillit avec complaisance el me fit depouiller jusqu'a ma chemise, me laissant comme lorsque j'etais sorti du sein de ma mere. Mes habits furent parlages entre les gargons nus et mon petit pecule entre eux tous... .I'au- rais voulu gardor au moins un peu du manlcau use dont je me garnissais I'estomac quand je me sentais malade; mais unc vieille me 1 arracha en me disant : « Voyons, voyons, ce sera pour abriter le ventre du petit Antonio qui se meurt de froid. ... » Maudile gitana, qui avait In pout- etre cet apoplUhogme d'Avicennc : Eliam in vi- libus summa virtus inesl, et qui voulait soigner i'estomac de son marmot aux depens du mien... A la voix du chef parut Isabel , avec une moilid de chevre (I'aulre moitie, comme je I'appris plustard, ayant ete mangec le matin), voice, selon I'habitude, a des bergers du voisinage. Sans que personne s'avisat de demander de (luelle mort elle elait morle, ou si elle elail lendre, les gitanos la Iraverserent d'un baton en guise de broche, et tous, aidant a apporter du buis, dont il y avait abondance, ils lirent un grand feu. La chevre fut bientoL rotie; on ne s'inquieta pas d'y ajouter des sauces savoureuses, uiais ceux qui decoupaient servirent a chacun sa portion dans des plats de bois; alors la troupe s'assit autour d'un drap de lit etale par terre et servant de nappe. Quoique la nuit fut noire, point n'etait besoin de lumiere, la flamme du feu suflisant bien pour eclairer trois fois plus de monde. Voyant qu'on suupail, j'allai me monlrer a un coin pour ne pas forcer les convives a m'inviter, et la-dessus une gitana, prenant une ou deux coles, m'appela en disant : « Prends ce morceau de viande el ce morceau de pain, afin que tu ne nous dises pas : Grand mal vous fasse! » Je fus reconnaissant de ce regal, car, a vrai dire, a mesure que je me rechauffais au voisinage du feu , I'appeLil commencait a m'agacer el la faim a m'incommoder. Je m'escrimai done sur mes coles; mais, quoique j'eusse de bonnes dents, je ne pus y mordre, et le meilleur levrier d'lr- lande n'aurail pu les enlamer, tanl elles elaient dures. Quant a mes compagnons, sans faire plus de facon , ils mangeaient leur part de chevre ou de bouc comme si c'eut ele le plus gras et Te plus lendre chapon, avalant de temps en temps quelques gorgees d'eau, car le vin n'elail pas en usage dans celle troupe , qui le trouvait trop cher. Je levai les yeux au ciel et remerciai le Sei- gneur , en voyant que ce que je ne pouvais man- ger etait si savoureux pour ces miserables : qu'importail que leur viande fut charogne, que le repas arrival lard, qu'au lieu de vin ils n'eus- senl qu'une eau dure et saumatre, capable de faire crever le plus robuste animal ! Tous ces gens-la, jeunes et vieux, femmes et enfants, elaient vigoureux et d'un excellent teinl, comme si leur sante avail loujours ete soignee avec une sollicitude parliculiere... 11 elail deja plus de minuit lorsque les gitanos penserent a dormir, les uns s'adossanl aux pins du bois, les autres s'elendant sur le peu de velemenls qu'iis pou- vaient avoir. Pour moi , assiege de mainles et diverses imaginations, je scrvis de sentinelle, entretenant le feu de peur qu'il ne vInt a s'elein- dre, car, sans sa bienfaisanlc chaleur, je me serais bientot scnli moiirir. Jo m'occupai ainsi pendant plus de cinq heures, jusqu'a ce que le jour parut, el sa lumiere sembla bien paresseuse a mon alien le. Je me rejouis de voir s'en aller la nuit, et leciel se colorerdes leinlesde I'aube : cherchanl alors quelque chose pour couvrir ma pcLUvre chair, je trouvai, grace a Dieu, quelques peaux de moulon, donl je m'enlourai le corps, la laine en dedans, do nianiere a elre pris pour un anachorelc, » Deja le soleil rayonnail sur les plus basses monlagnes lorsque ces barbares se roveillerenl. Providence divine! il avail plu pendant pres de onze heures, ils n'avaienl ricn pour se proleger centre I'incldmence de Fair, et cependant ils avaient dormi comme sur de bons malelas; tant il est vrai que I'habilude devienl une seconde nature. Les enlever a celte vie cut ete leur don- ner la mort. Voyant que je m'ulais accoutre comme un autre saint Jean-Baptisle, n'ayant plus que les bras et les jambes a decouverl, ils rirent de bon coeur et louerenl mon induslrie; mais tous ces compliments sur mon talent a m'ac- commoder aux circonstances me servirent de peu, car une des gilanas poussant des cris et m'accablanl d'injures me commanda de quitter mon nouveau costume, qui elail le lit sur lequel elle.donnait. Je vis que je m'elais empare du bien d'aulrui, el me depouillanl pour I'acquil de ma conscience, je me relrouvai nu comme tout a riieure. Ainsi reslai-je deux jours pleins, el je serais resle bien davanlage encore sans la mort d'un gilano, infirme et vieux , qui ne put se dis- penser de payer sa delle a la nature, le premier peul-elre de sa race qui mourul ainsi nalurelle- ment, lant il est d'usage que ces gens-la meu- rent a la poLence. Deux gitanos creuserent une ZIN — 719 — ZIT fosse ou ils deposerent le defunt, le corps de- coiivert, ensevelissant avec lui deux pains et quelques pieces de monnaie , comme s'il en avait eu besoin pour le voyage de I'autre monde. Mors s'approcherent les gitanas, toutes echevelees et s'egratignant le visage a qui mieux mieux ; ve- naient ensuite les hommes invoquant les saints et surtout le grand saint Jean-Baptisle, pour le- quel ils ont une devotion particuliere , lui criant comme a un sourd de les ecouter et d'obtenir pour le mort le pardon de ses peches. Quand ils se furent enroues a crier, ils allaient rejeter la terre dans la fosse , mais je les priai d'attendre que j'eusse dit deux mots; on m'accorda ma requete, et moi , du ton le plus humble, je dis a peu pres : « Votre compagnon est deja alle jouir de la vue de Dieu , car il faut bien I'esperer de sa bonne vie et de sa bonne mort. Vous avez rempli vos obligations en le recommandant au Seigneur et en lui donnant la sepulture; mais qu'il soit enterre vetu on nu , peu lui importe a lui, tandis qu'il peut m'etre a moi d'un grand secours de profiler de ses habits. Si vous voulez done bien permettre que je m'en empare et m'en vetisse, je me souviendrai toujours, dans mes oraisons , de ce bienfait accorde a ma misere et a ma nudiLe. » Ce discours parut fort raison- nable, et j'eus le bonheur de ne pas etre contre- dit. lis me dirent de faire ce que je desirais. J'obeis, et me voila cette fois vetu en vraigitano, sans en avoir encore I'esprit et les mceurs. Je rendis le corps du mort a sa sepulture , et I'ayant recouvert de terre, je le laissai la jusqu'au jour du jugement, ou il reparailra, comme nous tous, pour rendre ses compLes. » Voici d'autres anecdotes : (( Charles-Quint, en venant prendre posses- sion du trone d'Espagne, amena a sa suite une cour d'etrangers, Flamands la plupart, qui re- volterent bientot I'orgueil castillan. Charles lui- meme, jeune, mais tourmente d'une vaste am- bition et revant deja I'empire d'Allemagne, semblait trouver ses sujels de la Peninsule trop heureux de lui payer les fra'is de son election. II s'etonna beaucoup de I'opposition des cortes quand il fut question de voter les impots; mais presse de se rendre aupres des electeurs germa- niques, il partit pour Worms, laissant a ses mi^ nistres le soin de resister aux comuneros. Cette ligue comprenail I'alliance de tous les interets castillans : elle voulait une souveraineLe natio- nale et imposait a Charles de choisir entre la couronne d'Espagne et celle d'Allemagne. » On voit dans I'histoire les luttes de Juan de Padilla et de sa vaillante epouse , dona Maria de Pacheco; mais le mystere de cette ligue ne s'ex- plique que par les traditions des gitanos. On avait predit a dona Maria qu'elle serait reine. Dans ses epitres familieres, Guevarra lui ecri- vait : « On salt, madame, que vous avez aupres de vous une sorciere qui vous a promis qu'en peu de jours vous seriez appelee haute et puis- sante dame et votre mari altesse. » Cette sor- ciere etait une gitana. Dans une des ballades tra- ditionnelles des gitanos, on trouve ces mots : « Je donnerai un de ses fromages magiques a Maria Padilla et aux siens. » Disons d'abord qu'il ne peut etre ici question de la premiere Maria Padilla, femme du roi don Pedro, puisque les gitanos n'etaient pas encore en Espagne sous le regne de ce prince. II parait que dona Maria Pa- checo ou Padilla, car elle est designee tantot par un de ces noms, tantot par I'autre, s'echappa de Tolede avec sa sorciere, deguisee elle-meme en gitana. Cette sorciere etait attachee a sa per- • Sonne depuis longtemps et I'abusait par les ap- parences, sans doute aussi par les flatteries de son affection perfide; elle lui persuada que les gitanos de sa tribu la transporteraient en Portu- gal avec son plus jeune fils, son or et ses bijoux. Les gitanos I'attendaient en effet dans la mon- tagne; mais, pour s'emparer de cet or et de ces bijoux, ces miserables assassinerent la mere et I'ertfant. » Si cette tradition espagnole est vraie, ja- mais action plus odieuse n'a ete commise par les gitanos. Los gitanos son muy malos : Les gitanos sont de bien mechantes gens. Cette phrase pro- verbiale est de bien vieille date en Espagne. Se- lon les Espagnols, les gitanos ont toujours ete des escrocs, des voleurs, des sorciers; et ils ajoutent, chose plus difficile a prouver, heureuse- ment : Les gitanos mangent de la chair humaine, Mais il est un autre crime qu'il est impossible de nier : Los gitanos son muy malos ; llcvan niiios liurtados a Berber ia : Les gitanos sont tres-me- chants ; ils transportent les enfants voles en Bar- barie... afin de les vendre aux Maures. II parait evident que les gitanos ne cesserent jamais d'en- > tretenir des relations avec les Maures d'Afrique depuis leur expulsion d'Espagne. Les gitanos, n'ayant pas plus de sympathie pour un peuple que pour I'autre, devaient vendre des enfanls espagnols aux Barbaresques , comme ils auraient vendu des enfants barbaresques aux Espagnols, si ceux-ci en eussent voulu acheter. Bien mieux, par leurs rapports avec les pirates, ils leur de- vaient souvent servir d'espions lorsque ceux-ci meditaient quelque invasion sur les cotes d'Es- pagne. Voila comment ils ont pu paraitre plus Maures que Chretiens. Aussi ne dementirai-je pas I'anecdote de Quinones qui raconte que, lors du siege de Mamora , deux galeres espa- gnoles ayant echoue sur un recif de la cote d'Afrique, les Maures firent esclaves les Chre- tiens des equipages, delivrerent les Maures en- chaines a la rame et traiterent egalement comme une race amie tous les gitanos a bord des deux batiments. » Voy. Bohemiens. Ziton. Pendant les noces de Venceslas, fils de ZIW — 720 — ZOD I'empereur Charles IV, avec la princesse Sophie de Baviere, le beau-pere, qui savait que son gendre prenait plaisir a des spectacles ridicules et a des enchaiitements , fit amener de Prague une charretee de magiciens. Le magicien de Ven- ceslas, nomme Ziton, se presente pour faire as- saut avec eux, Ayant la bouche fendue de partet d'autre jusqu'aux oreilles, il I'ouvre et devore tout d'un coup le bouffon du due de Baviere, avec tous ses habits, excepte ses souliers, qui etaienl sales et qu'il cracha loin de lui. Ensuite, nepou- vant digerer un telle viande , il va se decharger dans une grande cuve pleine d'eau, rend son homme par lebas et defie ses rivaux de I'imiter. Nos vieilles chroniques et nos conies de fees offrent encore des traits semblables. Ce meme Ziton changeait quelquefois, dans des festins, Sijjiics du Les influences du firmament se trouvaient tres-favorables , disent les astrologues , a la nais- sance de Louis XIV; nous en avons le systeme genethliaquedans I'une des medaillesqui appuient I'histoire de son faslueux regne; I'Academie royale des inscriptions y a marque (sans rien donner aux incertitudes de I'astrologie) la posi- tion precise des planetes au moment ou Dieu accorda a la France ce monarque que ses grandes actions ont rendu si celebre. On voit autour de cette curieuse medaille les douze signesdu zodiaque formant les douze niai- sons de ce systeme; les sept planetes y parais- senl dans les positions qu'elles occupaient alors; le soleil occupe le milieu du ciel ; Mars, seigneur de I'ascendant, se trouve en reception avec Ju- piter, le protecteur de la vie, et ce qu'on nomme la fortune majeure. Saturne, qui est hostile, se voit la place dans les dignites (en argot d'astro- logue), ce qui le rend moins malefique; la lune est en conjonction avec Venus, et Mercure, dans son domicile de predilection , a dix degres du soleil, horsde combustion, eclaire par ses rayons, ce qui donne une superiorite de genie dans les plus difficiles et les plus imporlantes enlreprises; les mains des con vies en pieds de boeuf, afin qu'ils ne pussent rien toucher des mets qu'on leur servait, de sorte qu'il avail loisir de prendre pour lui la meilleure part. Voyant un jour des gens a des fenetres, attentifs a regarder un spec- tacle qui excitait leur curiosile, il leur fit venir au front de larges cornes de cerf , pour les em- pecher de se relirer de ces fenelres quand ils le voudraient. Ziwick, dieu des Polonais avant leur conver- sion. II presidait a la vie et a la mort. Zizis. C'est ie nom que donnent les juifs mo- dernes a leurs phylacteres. Zoaphite. Voy. Monstres , a la fin. Zodiaque. Les douze signes du zodiaque ont une influence diverse sur les horoscopes. Voy. Horoscopes et AsTROLOcnc. zodiaque. son carre avec Mars n'est pas capable de I'a- baisser. La naissance du roi etait figuree dans le mi- lieu de la medaille par un soleil levant, et le roi est place dans le char de I'astre, avec cette le- gende : Orlus soils (jallici; le lever du soleil de la France. L'exergue contient cesautres paroles : Septembris quinto, minulis 38, ante meridiem, 1638. Ajoutons ici une remarque curieuse, c'est que les objels sur lesquels les augures exergaient leur science se reduisaienl a douze chefs, en I'honneur des douze signesdu zodiaque : l" I'en- tree dans une maison des animaux domestiques ou sauvages; 2" la rencontre subile de quelque animal sur le chemin; 3° la foudre, I'incendie d'une maison ou de quelque autre objet ; k° un rat qui rongeait des meubles , un loup qui em- portait une brebis , un renard qui mangeait une poule, et tout evenement de celle espece; 5° un bruit qu'on entendait dans la maison et que Ton croyail produit par quelque esprit follet; 6" un oiseau qui tombait sur le chemin et se laissait prendre, un hibou qui chantait, une corneille qui criail, toutes circonstances qui etaient du 20D - 721 — ZOD ressort de raugure; 1° un chat qui, contre la coutume , entrait dans la chambre par un trou ; dans ce cas, il etait pris pour un mauvais genie, ainsi que tout autre animal qui se presentait de la meme maniere ; 8° une chandelle ou un flam- beau qui s'eteignait de lui-meme, ce que Ton croyait un fait de quelque demon ; 9° le feu qui petiliait; les anciens croyaient la entendre parier Vulcain; 10' le feu qui etincelait extraordinaire- ment; 11° le feu qui bondissait d'une maniere singuliere ; les anciens s'imaginaient que les lares I'agitaient; 12° enfin , une tristesse subile et tout evenement facheux que Ton appranait contre toute attente. Et maintenant dans ce livre, on nous demas- quons toutes les erreurs, autant que le permet- tentnos humbles lumieres, ne dirons-nous rien des querelles singulieres qui se sont elevees a propos du zodiaque de Denderah et de quelques autres zodiaques egyptiens? Les philosophes, qui ont enfante tons les egarements de I'esprit humain , comme il ne serait pas difficile de le demontrer, ont regu de nos jours bien des echecs; ils en recevront encore jiisqu'a ce qu'ils reconnaissent, si c'est possible, dans les condi- tions de leur pauvre orgueil, qu'on ne trouve guere la verile hors des enseignements de I'Eglise. Les luttes contre le Pentateuque n'ont laisse dans ses adversaires que des vaincus. Les plus fiers combattants etaient deux astronomes, gens dont la science est moins fixee peut-etre que le magnetisme , aux bases si incertaines. Ces astronomes, Bailly et Dupuis, comme les Titans qui s'etaient promis d'escalader le ciel , ont en- tasse paradoxes sur systemes, conjectures sur presomplions, suppositions sur bevues, induc- tions sur fantomes, aberrations sur iMciuvais vou- loirs pour asseoir un piedestal a une antiquite du monde qui put contredire les livres divins. Bailly crut demontrer que le zodiaque de Den- derah etait anterieur au deluge; Dupuis, plus acharne, car ce n'elait la ni la hardiesse ni I'in- t^ret de la science, Dupuis s'epuisa en longues veilles , en Iravaux ardus , qui lui ont coute assu- rement bien des sueurs , pour etablir que le zo- diaque egyptien etait anterieur de treize mille ans a Jesus-Christ. Pauvre homme qui se frottait les mains d'un tel triomphe ! Mais les savants serieux sont venus bientot, les savants sans passion , les savants qui recher- chent la verite. Les Visconti, les Testa, les Champollion , les Letronne ont ramene la ques- tion aux faits reels; ils ont prouve de la maniere la plus incontestable que les Egyptiens ni les Indiens n'avaient invente le zodiaque, qu'ils I'avaient regu des Grecs, lesquels le tenaient des Hebreux ; que le zodiaque e Denderah etait lui ouvrage du regne de Neron, et que les inter- pretations astronomiques au moyen desquelles Dupuis, dans le fatras indigesle et infJime qu'il a intitule Origine de tons les cultes, a voulu di- molir nos dogmes, n'ont pas le moins du monde I'antiquite qu'il leur prete, n'ayant ete imaginees que par Macrobe et ses contemporains, lorsque le paganisme, honteux, devant les premiers Chre- tiens, de sagrossiere theogonie, chercha a la co- lorer de ce vernis pour en rougir un peu moins *. Zodiaque de Jacob. Un jeune savant anglais, Arthur Lumley Davids, trop tot enleve aux sciences et aux lettres , nous a legue une obser- vation ingenieuse sur les connaissances astrono- miques des anciens Hebreux. Le songe de Joseph et la benediction de Jacob, dit-il, ne laissent aucun doute de la connaissance du zodiaque parmi les anciens Hebreux. Le songe de Joseph est exprime par les images du soleil , de la lune et des onze constellations qui s'inclinent devant lui, la douzieme. Ces constellations ainsi reunie§ ne peuvent signifier que les signes du zodiaque dans les limites desquelles se retrouvent toujours le soleil et la lune. L'historien sacre nous dit qu'apres le recit de son fils, Jacob en garda le souvenir, et rien ne le prouve mieux que les der- nieres paroles du saint patriarche a ses fils. Les images dont Jacob s'est servi pour expri- mer les destinees diverses de sa posterite ^ont prises de ces memes signes du zodiaque aux- quels Joseph avait fait allusion , avec cette seule difference qu'ici les signes eux-memes sont nom- mes et decrits. Ruben compare a I'eau incon- stante est le Verseau; Simion et LM sont reu- nis ensemble avec I'observation qu'ils sonl freres, et flgurent les Gimeaux; Judas est le Lion;Z&- bulon, qui habite les ports de mer, en repre- sente la production : le Cancer; Issachar est probablement le Taureau, les Septante Font meme traduit par Aner Georgos, le cuUivateur du sol. Les signes appliques a Dan montrent evidemment I'identite de nos signes du zodiaque avec ceux des anciens Hebreux ; les trois signes dans lesquels Dan est represente se suivent dans la meme position que dans nos zodiaques. La Balance est I'attribut de Dan, en sa qualite de juge, puis comme Scorpion : « II mord le ta- lon du cheval et le cavalier est renverse. » C'est exactement la position de notre Scorpion a re- gard du Centaure, qui represente le Sagittaire. Gad I'archer est le Sagittaire. Asker, aux mets succulents, represente les Poissons; Nephthali est le Belier; Joseph, la vigne feconde, est la Vierge; Benjamin enfin est compare au loup qui dans I'antiquite occupait la place du Capricorne; meme dans des temps plus recents on voit a ce signe un Pan avec une tete de loup. Les Hebreux auraient ainsi connu la sphere plus de deux mille ans avant I'ere chretienne. II y a peu de doute 1 Voyez Mi Letronne, Sur I' origine grecque des prelendus zodiaques egyptiens. Voyez aussi la bro- chure de M. Testa sur les zodiaques. 40 ZOR — 72 que le zodiaqiie hebreii ne soil le Massanoh dont pnrle Job dans son allusion astronomique aux constellations celestes. {Archives israelites.) Zoroastre, le premier et le plus ancien des magiciens. Sextus Sinensis reconnait deux en- chanteurs de ce nom: I'un roi de PerSe et auteur de la magie naturelle; I'autre roi des Bactriens et inventeur de la magie noire ou diabolique. Justin dit que Zoroastre regnait dans la Bac- triane longtemps avant la guerre de Troie ; qu'il fut le premier magicien et qu'il infecta le genre humain des erreurs de la magie. Voici, dit Voltaire, ce que I'Anglais Hyde rap- porte sur Zoroastre, d'apres un historien arabe : « Le prophete Zoroastre ^tant venu du para- dis precher sa religion chez le roi de Perse Gus- taph, le roi dit au prophete : « Donnez-moi un signe. » Aussitot le prophete fit croitre devant la porte du palais un cedre si gros et si haut, que nulie corde ne pouvait I'entourer ni altein- dre sa cime. 11 mit au haut du cedre un beau cabinet ou nul homme ne pouvait monter. Frappede ce miracle, Guslaph crut a Zoroastre. Quatre mages ou quatre sages (c'est la meme chose), gens jaloux et mechants, emprunterent du portier royal la clef de la chambre du pro- phete pendant son absence et jelerent parmi ses livrcs des os de chiens et de chats, des ongles et des cheveux de mort, toutes drogues a vec les- quelles les magiciens ont opere de lout temps. Puis ils allerent accuser le prophete d'etre un sorcier et un empoisonneur. Le roi se fit ouvrir la chambre par son portier. On y trouva les ina- l(^fices, et voila Zoroastre condamn6 a Otre pendu. » Comme on allait pendre Zoroastre, le plus beau cheval du roi lombc malade; ses quatre jambes rentrent dans son corps, tcllemenl qu'on ne les voit plus. Zoroastre I'apprend; il promct qu'il guerira le cheval , pourvu qu'un ne le pende pas. L'accord elant fait, il fait sortir unejambe du venire et dit au roi : « Sire, je ne vous ren- drai pas la seconde jambe que vous n'ayez em- brasse ma religion. » — Soil, dil le monarque. » Le prophete, apres avoir fait paraitre la seconde jambe, vou- lut que les fils du roi se fissent zoroastriens; et les autres jambes firent des proselytes de loule la cour. On pendit les quatre malins sages au lieu du prophete, et loule la Perse regul sa foi. » Bundari, historien arabe, conte que Zo- roastre elait Juif , et qu'il avail 6l6 valet de Je- remie; qu'il menlit a son mailre; que Jeremie, pour le punir, lui donna la lepre; que le valet, pour se decrasser , alia precher une nouvelle re- ligion en Perse et fit adorer le soleil. » Le voyageur frangais qui a ecrit la vie de Zoroastre, apres avoir observe que son enfance ne pouvait manquer d'etre miraculeu.se, d't qu'il se mit a rire des qu'il fut ne, du moins a ce I — ZWI que disei)t Phne et Solin. 11 y avail alors un grand nombre de magiciens Ires-puissants; ils savaient qu'un jour Zoroastre en saurail plus qu'eux et qu'il Iriompherait de leur magie. Le prince des magiciens fit amener I'enfant et vou- lut le couper en deux; mais sa main se secha sur-le-champ. On le jeta dans le feu, qui se con- verlil pour lui en bain d'eau rose. On voulut le faire briser sous les pieds des laureaux sauvages, mais un taureau plus puissant prit sa defense. On le jeta parmi les loups; ces loups allerent incon- tinent chercher deux brebis qui lui donnerenl a leler loule la nuil. Enfin, il fut rendu a sa mere, Dogdo , ou Dodo , ou Dodu. » Berose pretend que Zoroastre n'est aulre que Cham, fils de Noe. Les cabalisles ont de Zoroastre une opinion toute differcnle; mais, si les dcnionomanes le confon- denl avcc Cham, les cabalisles le confondent avec Japhet. Ainsi, les uns et les autres s'accor- dent a le faire fils de Noe. « Zoroastre , aulrement nomme Japhet, dit le comte de Gabalis, etail fils dc \'esla, femuic de Noe. 11 vecul douze cents ans, le plus sage monarque du monde; apres quoi il ful enleve. Cette Vesta, elant morle, fut le genie lutelaire de Rome; et Ic feu sacre, que des vicrges conservaient avec taut de soin sur un autel , brCilait en son honneur. Outre Zoroastre, il naquit d'clle une fille d'une rare beautc et d'une grande sagesse, la divine Egerie, de qui Numa Pompilius refill toutes ses lois. Ce ful elle qui engagea Numa a batir un temple en I'honneur de Vesta, sa mere. Les livres secrets de I'an- cienne cabale nous apprennent qu'elle fut congue en I'cspace de temps que Noe passa sur les Hots, refugie dans I'arche cabaiistique. » Zoubdadeyer. En fan ZiOS, le roi de Perse Cabades appril, dit Theophanes, qu'il y avait aux fronlieres de ses Etats un vieux chateau ap- pele Zoubdadeyer, picin de richesses gardees par des demons. 11 resolut de s'en emparer, mais les magiciens juifs qu'il employa pour meltre en fuile les bandes infernales n'y reussi- rent pas. Un eveque chrelien put seul dissiper les prestiges du chateau ensorcele. Zoureg, serpent myslerieux, long d'un pied, que les Arabes disent habiler le desert, ou il est doue d'une puissance qui lui permet, dans ses courses , de traverser sans se detourner les plus rudes obstacles, un rocher, un mur, un arbre, un homme. L'homme que le zoureg traverse en passant meurt aussitot. On ne peut luer ce petit serpent qu'en lui coupant la tele pendant qu'il dort. Zozo , demon qui , accompagne de Mimi et de Crapoulet, posseda en 1816 une jeune fille du bourg de Teilly en Picardie. Voy. Possedi-s. Zundel, capilaine des bohemiens. Voy. Bohe- JHKNS. Zwingle, elait cure de Nolre-Dame des Er- mites a Einsiedein, lorsque Luther donna le si- ZWI — 723 — ZWI gnal de celte revolle effroyable qu'on a appelee la Refonne. 11 voulutcomme lui se rendre independant. Mais comme il n'avait pas entierement perdu lafoi, ces mots si precis de la consecration : Ccci est mon corps! I'embarrassaient. Un demon, peut-etre celui qui avait enseigne Luther, vinL a lui et lui dit : « Lache, que ne reponds-tu a ce propos ce qui est ecrit dans I'Exode : — L'acjneau est la Pdque, pour dire qu'il en est le signe ? » Ce trait de lumiere venu d'en bas suffit a Zwin- gle, qui apostasia, et qui, quelque temps apres, le 11 octobre 1531, a I'une des batailles qui out ete les fruits amers de la Reforme, y fut tue mi- serablement en combattant contre I'Eglise. Dans ce dedale immense d'erreurs, d'iliusions et d'egarements , dont nous venons de rassembler les croquis monslrueux ou grotevsques, on ne perdra pas de vue ce grand fait, — que tout ce qui est faux et coupable est dans lous les temps le fruit des insurrections de I'esprit humain, et que ces ecarts et ces rebellions n'ont pu etre produits que par les hardiesses d'unefausse phi- losophic qui a conslamment repandu ses reves sous des masques divers ; mais il est une lumiere, la seule vraie , qui brille au milieu de ces tene- bres, quoique le grand nombre ferme les yeux pour ne la point voir : — Lux in tencbris lucet, et tenehrw earn non comprehenderunt, — Cette vraie lumiere n'est nulle part entiere que dans I'Egiise romaine, centre unique de la liberie et de la verite , — ou Dieu nous maintienne !