mÊ^lWÊ^^^KÊ O HISTOIRE AmCDQTIQJÜE ET RAISONNÉS » ü / A THEATRE ITALIEN; ,TOME TROISIEME. HISTOIRE ANECDOTIQUE ET RAISONNÉE s c .THEATRE ITALIEN; .TOME TROISIEME, ' iil ii i A J a: ■ ■\ ^ " - .'V^I*-,.' ■ / ;‘- r ' J' :: .-x-i î- '^3-z-r. ^^0VL>v.>^^.^ ' Sv: X^anrj r.eb 2^i(i:^nA 2sl T < à /j ^ ^ O • Xj;93 ■e«3Lm db ûû-^xX^jfa- nu i£ « ?,ijjq; __ ,_ . . . h)hi^£i:Uigi O Îl 5 v■^\^^'' \ HISTOIRE ANECDOTIQUE E T RAISONNÉE D U THÉÂTRE ITALIEN, Depuis son rétablissement en Francej jusqu'à l’année 1769. Contenant les Analyfes des principales Pièces , & un Catalogue de toutes celles tant Italiennes que Françaifes , données fur ce théâtre, avec les Anecdotes les plus curieufes & les Notices les plus iutéref- fantes de la vie & des talens des Auteurs êc Aéteurs» Cafligat ridendo mores, ^îbME TROISIEME. A PARI S, CRez LACOMBE, Libraire, rue Chriftine. M. DCC. LXIX. Ayec Approbation^ & Privilège du Roi. V ;■ fj 'f — ' ■■ fï- 0 1 ti U 4 ^ 1V (jc. V. y a '‘Ml'^ . **.. li-.' ■'■ /■• ' '.- ■ lUV. .■?.■' 4 ' ■M--. .v.--Ma. /ri ; '.Viv.'i "w ■ -, ''.'-S ^ ■■ ivliâi -sil., ^ : k,ît '"'■ ' > .H . : :.i ZTU:h i M , i ,fi ; iîîr^-' - , ■■ .. : r. -T . ‘\r;' .- -■^ -Vi-t ^ - ■ 5_-V • C* ' • ’ ^■ =*,-^ ^ . ' ' r , fi HISTOIRE B V THÉÂTRE ITALIEN, Depuis fon origine jufqu’à ce jour. LE PHILOSOPHE DUPE DE l’Amour. Comédie en un acte en profe 2P Oclobre ipzô. (<) V N Phîlofophe appelle Pantalogue , a été chargé de l’éducation d’une jeune fille nommée Lucinde. Il n a pas pr». tendu en faire une Agnès; mais au contraire une favanté , & s’il lui a laiflç fi; La fcène eft à Padouc, Tome JII, A 4- Hijiolre profiter. Elle lui dit quelle n'eft pas fi¬ chée que Celio n’ait pu la fouftir fous la laide figure qu elle a d’abord expo- fée à fes' yeux ; mais qu elle lui tiendra compte des tendres fentimens qu el e pourVa lui infpirer fous fa nouvelle forme. Arlequin ne voit pas plutôt Ion Maître. qu’il le félicite fur l’amour que ^ Lucinde a pour lui; il lui apprend que cette perfonne qui lui a d’abprd paru fi laide, efi belle à charmer. Celio croit d’abord que fon Vaiet a perdu I efpnt, mais il fe doute enfin du tour que Pan- talogue lui a joué; il confirme dans fon opwo" ^ l’approche dUrgamia ; U pour pénétrer tout ce miftere il charge Arlequin de l’afTurer qu il 1 a- dore, & de lui dire de fa part^ qu il va l’attendre au Jardin des • fait connaître par un à parte , qu il ui donne le change pour pouvoir entre¬ tenir la yétitable Lucinde ^ns ctre im¬ portuné. Urgantia ou la fauffe Lucinde, Sonne daqs le piege ; elle va fe r^dre au Jardin des Fleurs, tandis que Celip adreffe fes pas vers l’appartement ou fa chere Lucinde eft renfermee. Com¬ me ils fe cherchent l’un l’autre avec ardeur, ils fe trouvent faas peine. Leui converfationeft des plus tendres, ellç.a du Théâtre îtaluri. y teiAt de charmes pour''eux,' (Ju’îis ne s’apperçoivent pas que le jour a difpar ru. Un bruit que Lucinde entend, la tire dé cette efpece d’enchantementf c’eft Pantalogue qui h cherche d'un côté, tandis qu’Urgantia vient de l’au¬ tre chercher auflî Celio , quelle n’a eu garde de trouver dans le Jardin des Fleurs. Ils s’égarent tous quatre daûs l’obfcurité. CELïO, cherchant Lucindc, Vous fuyez, vous vous cachez en vain, fi mes yeux ne peuvent plus dîftinguer où vous êtes, mon coeur me le dira. LUCINDE, belle Lucinde». de tout ce qui n’eft pas vous : je luis alTez puni d’avoir pu me tromper au point de prendre tantôt pour vous » cette folle d’Aftrologue qui vous rel- femblefipeu. . n . Mirto vient enfin avec des flambeaux éclairer la fcène & éclaircir le quiproquo. Le Philofophè reconnaît qu’il eft la dupe de l’Amour. Celio époufe Lucinde au grand contentement de Mirto & au grand regret d’Urgantia, qui prédit a. Lucinde cés événemens linifties». du Théâtre Italien', ’J Je vois Tur votre Hymen les planettes , les fignes, Ycrfer tout ce qu’ils ont. d’inâuences mali¬ gnes ; Lucinde, le- Verféau, Miniftrc du deftin. Mettra pour Celio de la glace en ton fein ÿ Et fera rencontrer fur fon front trifte & morne ^ Le Taureau/, le Belier avec le Capricorne. ARLEQUIN. C’eft rhorofeope de tous les maris, & Cl tous ceux qui le regardent, bat¬ taient des mains, nous aurions un ap- plaudiflenient général» Cette Piece fût jouée pour Fouver- ture du théâtre après le retour de Fon¬ tainebleau. Elle efl: de M. de Saint-Foix, & n’eut que fix repréfentations; mais fî la. Ville la jugea trop féverement, la Cour lui rendit plus de juftice» elle y fut très-bien reçue.. 5ÎK 8 Hifloire PYRAME ET THISBÊ. Parodie en. un aBe en profe ^ mêlée de Vaudevilles de l’Opéra j du même titre^ P Novembre ijzô. (i) Flibuffiers, de¬ vient amoureux de Thisbé , malgré fon premier engagement avec Zoraïde, fille du Sorcier Zoroaftre. Il déclare ainfî fon amour à fa nouvelle MaîtrelTe. A IR : Dqs TrembUurf* Elevé dans les allarmes, ’ Bans le tumulte des. armes y Je ne goûtais point les charmes Qu un tendre amour nous produit>, Mais en mettant pied à terre, J’ai vu la fille du frere De la femme de mon perc. Ma confine autrement dit. (i) Le Recueil du nouveau Théâtre Italien , marque le 13 Novembre 5 le Diétionnaire des Théâtres, le , & tous deux fe trompent. Le Mercure Lannonce le 9 du même mois, fe trouve d'accord avec les Regiftrois de la Co-, médie. du ThJâtfe Italien. p- Comme Pyrame ne répond que par monoflyllabes, Ninus lui reproche fa taciturnité. Pyrame s’excufe uir le con- feil que (es amis lui ont donné de ne guères parler, ce qui eft une excellente, critique de l’Opéra. Ninus donne une fête à Thisbé, elle eft compofée d’Efclaves, dont le Chef chante les couplets fuivans fur le fa¬ meux air du fécond ade de l’Opéra, qui a depuis été parodié de tant de mat nieres. Que de nos tranfports NaifTent des accords, Qui furpaflent Lulli En vif, en joli.- Si par fois nos vers Vont un peu de travers 5 Un bon air à danfer Les fait pafler. La mu(îque ,. Quoiqu’antique, Par nos^ foins fe rccrépit;, Et la mufe, La plus bufc , Peut plaire en dépit/. Meme de lefprit. Que de nos tranfports, XO lîljloift Un Speâacle parfait Ne va point fans ballet, Qrc f.i'-tout ici l’entrechat brillca. Que la fille Y fautille. Et nous fafle voir . . Tout fon favüir, &c. * Zoraïde vient troubler la fête, de¬ mande pour qui elle eft, & prend au collet Ninus qui ne répond rien, & à qui elle ordonne de s’expliquer. PYR AM E. Comment voulez-vous qu’il s’ex¬ plique , fi vous l’étranglez ? Zoraïde après avoir menacé Ninus de la fureur de fon pere, revient inu¬ tilement à des fentimens plus doux». NINUS, a Zoraïde. Tout ce que je puis faire, c’eft de vous plaindre ,. de me plaindre , & de nous plaindre tous deux. Zoraïde voyant qu’elle ne peut rien: obtenir, déclare à Ninus [que Pyrame eft fon Rival, & Ninus le fait mettre en prifon;. mais Zbroaftre vient le dé¬ livrer. On lit fur le, char dans leqnel i£ âii Théâtre ïtülieni 'rr ifèfcend, la Lanterne magique. Pyrame paraît au travers d’une grille, & grie Zoroaftre de prendre garde en détrui- fant la Tour, de l’écrafer fous les ruines» Il le fupplie aufïi de ne point faire daa- fer les Sorciers & les Sorcières de fa fblte , qui ne* finiront point. Zoroaftre" après avoir délivré Pyrame, lui con- feille de fuir avec Thisbé. Ils ne man¬ quent pas de fuivre cet avis, & Thisbé arrive la première au rendez - vous avec une lanterne qui s’eH éteinte, Ofl entend crier derrière le théâtre, §£ au lieu d’un Lion qui eft dans l’Opéra ^ c’eft un Cerf qui paraît. Thisbé fe: fauve, & Pyrame arrive après. P Y R AME. »■ Quel monftre vient ici me couper îè cbc«r min » » C’eft un Gerf échappé du Fauxbourg Saint»- , » Germain r Cette plaifanterie porte fur là cfiaflei du Cerf, que Legrand venait de dow»- ner fans fuccès à la Comédie Françailci- Pyrame combat le Cerf & le tue; Après avoir long-tems cherché Thisbé- & l’avoir demandée félon l’ufage „, aras éçhos d’alentour, U apperçoit 12 'Hifioire nette^ & concîud ■ pirituellement qu’eU^ eft morte. Il chuiite: A I R : Margot fur la brunci Thisbc fur U bi'u,ie . Pour arrendre fortune Thisbé fur la bmne Jamais ne reviendra j Mais fon P y rame Par cette lame ^ Toute fa fiâme Lui prouvera. En mourant comme à l’Opéra. Thisbé revient, & demande à rame ce qui l’a mis dans cet état.. P VRAM E. Je fiïis veau, trop tard. tantôt,, Et je me fuis tué trop tôt,. S II s’agit de favoir que trompé par votre bagnolette J j’ai cru que ce mau¬ dit Cerf v-ous avait tuée, je me fuis auflî tué de défefpoir ;-mais je n’ài pas voulu mourir fur lè champ , parce que je me doutais bien qu’il fallait aupara¬ vant raconter mon hiftoire ; à préfent que voilà toutes mes affaires faites, je meurs». Théâtre Italien^ Thisbé fe tue aulîi comme de raifon», après avoir accablé Ninus de repro- fihesi. . ZQROASTRE, arrive. Eh bien, mes chers enfans, n’ai-ja pas fait merveilles? THISBÉ. Oui alTùrément, votre monftre a fort bien opéré, au lieu de punir un Tyran, il caafe la mort de deux Amans que VOUS vouliez défendre. ZOROASTRE. Ce n’eft pas ma faute s’il s’eft trom-r pé , mon intention était, bonne ; mais il y a du remede à tout ceci, & je veux que vous époufiezPyrame tout à l’heure. P YR AM E., Vous n’ÿ penfez pas, nous fommes morts. ZOROASTRE. Bon, vous avez cru cela. Vous vous ■ porterez auffi bien que, moi dans un s moment. PYRAME. Vous m’allez* pçut-çtre noyer danac 14 - Hîjîolre Ta Fbntaîoe de Diane, pour me faîré^ revivre ? Zoroaftre les touche feuléoient de" fa baguette, les refflifcite, les marie, & la Piece finit par un chœur de Pbëtes- & de Muficiens mourans de faim, qui invoquent Cérès fous le nom de Déefle de GonelTe. Cette Parodie très-gaie réuffit beau¬ coup , elle eft de Romagnefi & de Ric- coboni le fils ; elle eut vingt-trois repré- ffentations , & fut jugée une très-bonne- Critique de la Tragédie Lyrique de Pyrame & Thisbé, dont les paroles font deLaferre , non pas de celui fi conna par Renard, mais de celui tant vanté par Boileau, & la mufique qui fut très- applaudie , deMM. Rebel & Francœur, q^ui travaillaient en fociété, que l’onî appellâit alors les petits Violons, depuis Direéleurs de l’Opéra ,& maintenant Chevaliers de l’Ordre de Saint-Mi¬ chel , &c. &c. Ce fut alors que Made- moifelle Lemaure, après une longue abfence, reparut fur le théâtre, dans le rôle de Thisbé; ce qui ne nuifit point au.fuccès de cette Tragédie,, dit Théâtre TiaVierii. LA FEMME JALOUSE. Comédie en trois actes en vers Il Décembre ijz6, (l) Fl AM INI A en entrant, le mêt dans un fauteuil comme une femme agitée d’une violente palîîon. Lelio fon mari, eft en robe de chambre , 8c fe promene fans rien dire. Flaminia rompt enfin le filence, & l’âccable de reproches fur une infidélité dont elle le foupçonne* Elle veut qu’il lùi ouvre une chambre , qui depuis quelques jours eft fermée à tout le monde. Lelio luL dit en vain, qu’il a des raifons indifi- penfables pour n’y laiflèr entrer per- fonne ; elle s'obftine dans fa demandev & accable fon mari de nouveaux re¬ proches. Lelio n’y pouvant plus tenir, ordonne àArlèquin de Fhabiller promp¬ tement. Flaminia fous prétexte de vou¬ loir rajüfter fa perruque , là chifonïie ,, & fe retire en le menaçant de lè plai¬ der en féparation. Lelio ne veut plus; fortir, il congédie Arlequin, & lorf- qu’il eft feul, il ouvre la porte de la. (i)Lafcène eftàMiks/ 4ans h Mailcaî' de Lelio. Mifioire chambre où Mario eft enfermé. Mà-i- rio en fort aVec un livre de l’Ariofte,. qu’il met fur une table. 11 déplore le trille deftin de fon ami, par rapport à la jaloufie de fa femme. Lelio lui ré> pond que tous les maris ont leurs cha¬ grins : voici comment il s’explique. te Ciel en nous formant , nous deftine un fuppüce Par un crifte afcendant dont on fubit l’effet ;; On ne goûte ici bas aucun bonheur parfait. En voulant me traiter avec qiiclqu’avantage , = D’une femme jaloufe il a fait mon partage,, A le bien prendre au fond, je fuis des mieux traités , &c.- Lelio apprend à fon ami, que fes enhemis confpirent contre fa vie , & qu’on ne parle f>as moins que de l’allaf- liner pour venger fon Rival Pamphile, à qui il a enlevé Silvia par un hymen fecret. 11 lui donne une lettre qu’il vient de recevoir de Genes, & qui s’adrelïè à lui. Mario lit tout haut la lettre , dont voici le contenu.- 33 Songez à vous, mon cher Marion 33 Pamphile défefpéré de voir que le 33_ pere de Silvia lui a manqué ae pa- 3» rôle, eft parti pour Milan , où il fait >3 que vous vous êtes rendu. Son def- du Théâtre Italien. 'sy Ss fein eft de vous appeller en duel j » mais comme fes parens ont juré de » vous faire aflafliner, gardez-vous de ïï paraître en Public. Votre femme Sil- « via eft auffi partie, accompagnée du . feul Scapin, dans l’efpérance de voua îï trouver. Elle doit aller chez le Sei- 33 gneur Lelio , apprendre où vous 33 pouvez être. Elle fait qu’il eft de vos 33 amis, ô£ qu’il ne vous abandonnera 33 pas 33 , 33 Depuis ma lettre écrite, j’ap- a* prends que votre pere fe difpofe a 33 partir, & que le pere de Pamphile » forme le même deflein. Je fouhaite 33 que leur arrivée à Milan, puiflè ter- 33 miner Tos différends Cette lettre qui fert d’expofîtion, eft, très-ingénieufe. La converfation de. Lelio & de Mario, eft interrompue par les cris redoublés de Flaminia, quf frappe à la porte. Lelio fait rentrer fon. ami dans la chambre qui lui fert d’a- zlle , & dont il referme la porte. Fla- minia foutient à fon mari, qu’il parlait avec quelqu’un. Lelio répond à fa fem¬ me , qu’il lifait tout haut ; & pour le; lui prouver, il lui montre le livre do. l’Açlofte que Mario a laille ftu la table,. îSf Hïjloîre Flamînîa le prend, &le hafardluipré^ fente ces vers: En m'éloignam de vos beaux yeux. Un iajuftc pouvoir, funefte à ma tcndrefTc-J Retranche de mes jours > dont vous êtes maW tre/Te , Les morne ns les plus précieux ; le ne puis fupporter les momens de fatK fencc, Le jour me devient odieux. Ô fort î viens m’en priver, ou me rends la^ préfence Du plus parfait objet qui foit défTous les deux. Flaminia croit que Ton mari ne s’at-^ tache à lire des v? s (î tendres,, que pour faire dîverfîon à I-ennui qail a. d’être éloigné de quelque Maîtreflëj & dans cette idée, elle Taccable de nour veaux reproches qui Tobligent enfin à forrir. Elle appellexColombine, & lui fait confidence des fujets de plainte qu’elle croit avoir contre Lelio. Notre fexe eft fujet dans le cours de fes ans^'. A deux fortes d’états entr’eux très-difFérens. îilks, nous, exerçons un fouvexaimempirc^i du Théâtre Italien. tp Far les plus tendres foins on cherche à nous fé- duire 5 Nos Amans attentifs préviennent nos defîrs ; Sans cefîè nous pafTons de plaifirs en piaf- firs; Nos moindres, adions infpirent des allarmcs> Nos défauts tels qu'ils font, ont des grâces;^ des charmes; Nous avons de Vénus, la voix, les traitsi le port ; Enfin aucun bonheur n^égale notre (brt. Dès que nous prononçons* un oui qu*on die*- mande^, tes amours, les plaifirs , leur joyculc bande , Prennent foudain rdlbr, ne laiiTant après eux, Qu’un joug^ dont pour jamais' on fe repent tous deux. Flaminia perfide dans fes premieriS foupçons , au fujet de la chambre dont la porte eft toujours fermée. Colom- bineTy confirme, en lui apprenant que Lelio prend foin d’y entrer feul, fur- tout aux heures du: repas. Elle ajoute qu il y a une double ferrure, Tune eu. dehors > & Tautre eu dedans. Eiaminia ^ Stfloire veut qu’on faflè venir fur le champ urt Serrurier pour l’ouvrir. Colombine l’en détpurne , & lui promet de veiller fi bien fur tout ce qui le paflera, qu’elle fera inftruite fans en 'l^enir à aucun éclat. Elles entendent venir quelqu’un, ce qui les oblige à fe retirer ; c’eft Sil- via, femme de Mario, fuivie de Scapîrt fon Valet, qui la conduit, parcequ’il connaît déjà la maifon de Lelio. Fia- ininia & Colombine reviennent, & Sil- yia remercie la première des fervices importans que lui rend fon mari. F L A M I N I A. Je’ le crois, & je fais le fait dont il s.’agic» SI L V1 A. |?^0us le favez F L A M I N I A. Comment Ce mot vous interdit S I L VI A. Te crois qu’il a très - bien placé fa confir- dence ; Et bien loin de vouloir l’accufer d’impru¬ dence, Te l’en eftime plus. Maître de tant d’attraits.-; Madame, il doit pour vous avoir peu de fe-; crets.. âu Théâtre Itatieni 2ii F L A M I N I A. îQuand il voudrait fe taire , en vous voyant paraître, Je puis, fans me tromper, facHemeiit con¬ naître <^uel deflein vous conduit 5 mais fans vous prévaloir, Vous pouviez ni épargner le chagrin de vous voir. SILVIA. (Moi, Madame ! j’ignore en quoi ceci voi^ i>lefle. F L A M I N I A. Ah ! c eft un peu trop loin poulfer la har» dielTe. Silvîa fe retire , le cœur gonflé de ^louleur, après avoir reproché à Fla- 4Tiinia J incivilité que fajaloufie vient de lui faire commetre. Après une fçènc entre Flaminia & Colombine fur ce qui vient d'arriver» & que Colombine croit très-innocent» Lelio rentre & demande ingénument à Flamina , fi la Dame qu’il vient de rencontrer à la porte eft de fes amies* Flamina prend cette demande pour un ^2 tJifioire Tiouvél outrage , ou du moins pour ua artifice. Sa colere monte à un tel point, ^qu’elle tombe évanouie. Dom Pedre qui furvient, eft fort .allarmé de l’état où il trouve fa fille ; il la croit morte, Lelio lui répond iro¬ niquement qu’elle ne mourra pas , & lui apprend que ce qu’il voit, n’eft que l’effet d’une jaloulîe la plus folle & la plus injufte qui fut jamais. Dom Pedre prie fon gendre de le laiffer avec fa fille. Flaminia reprend fes efprits, elle fe plaint à fon pere de l’infidélité de foa mari, & voyant que fon pere refufe de la croire, elle fe jette fur ion épée pour ■s'en percer le fein.ToujourspIus obftinée à foupçonner Lelio, elle veut mettre Ar¬ lequin dans fes intérêts ; elle s’y prend d’abord par les dons ; mais cela ne pou- ■vant rien fur lui, elle en vient aux plus cruelles menaces ; & lui préfentant un flacon, elle lui dit qu’il contient un poifon qui lui fera perdre la vie fur le champ , s’il ne l’informe de toutes les aéiions de fon maître. Arlequin épou- ■vanté lui promet tout. Elle le quitte en lui réitérant fes ordres &: fes menaces ; •«lie revient quelque tems après, dégui- 'du» Théâtre ItaûetU fêe, Contrefaifant fa voix pour réprou¬ ver. £lle lui donne un portrait pour le remettre entre les mains dé Lelio, comme de la part d’une maîtreflè ; elle fort & revient une fécondé fois fens dé- guifement ; elle demande à Arlequin quelle eft cette femme qui vient de lui parler; Arlequin tremblant,dit quec efl: une blanchilTèule, enfuite que c’eft une fille qu’il aime & qu’il doit époufer au premier jour, Flaminia confond ce menfonge en lui faifant montrer le portrait qui eft le fîen. Elle fait en meme temps avancer Colombine qui apporte un verre d’eau, comme pour 1"empoilonner» Arlequin demande gr⬠ce, & jure de Iüî être fideîe. Flaminia fait lemblant de le lailïèr attendrir ; & lui pardonne à condition qu’il veillera for Lelio, & qu’il obfervera tous lès pas. Flaminia le retire , Lelio arrive & Arlequin lui demande d’où il vient, où il doit aller, ce qu’il penfe aduelle- ment & ce qu’il doit penfer dans la fuite. Il compte aulîî tous les pas que fon maître fait for le théâtre, afin d en rendre un compte exad à fa maîtreflè. On frappe à la porte , Lelio ordonne ^ Arlequin d aller ouvrir ; mais celui- ci m obéit gu a regret y parce gu’U ne Hifloîre M ^ voudrait pas perdre fon maître dé vue. Pamphile , rival de Mario, entre & donne une lettre à Lelio de la part d’un de fes amis. Lelio l’ayant lue, dit à Pamphile qu’il n’oubliera rien pour fatisfaire aux devoirs que l’amitié lui prefcrit. Il s’agit dans cette lettre de faire connaitre à Pamphile en quel lieu peut être Mario > avec qui il prétend fe battre en homme d’honneur. A peine Pamphile eft-il forti, que Lelio ordonne à Arlequin de fe retirer , 6c comme il réfifte, il eft obligé de le jetter à la porte. Auffi-tôt que Lelio fe trouve en liberté, il apprend le del- fein de Pamphile à Mario j celui-ci le prie de le laiffer fortir puifqu’il .ne s’a¬ git que d’une affaire d’honneur ; mais Lelio n’y confent pas, dans la crainte que tous les ennemis de Mario ne foient pas aulîî généreux que Pamphile ; _ il lui propofe de faire venir fa chere Sil- via déguifée en Cavalier. Mario lui re¬ préfente , que ce ferait s’expofer à une nouvelle avanture auffi défagréable^que la première ; il penfe qu il vaut mieux qu ils fe déguifent tous deux pour l’al- kr trouver chez-elle. Lelio approuve ce projet, fait rentrer Mario, & écrit * ^ une. du Thdâtre Italkn^ iane lettre demat Arlequin, qui fait tout ee qu’il peut pour la Ere. Lorfqu’elle’ cft cachetée ,lIelio la lui donne pour la porter à la maîtrefiè de Scapin foa ca- anarade. Flaminia furprend cette lettre entre fes mains;, elle en tire une copie ■qu’elle ordonne à Arlequin de por¬ ter , & a laqueEe elle ajoute une apol— tÜle, par laquelle Lelio s’excufe de eetre fervi d’une main étrangère; elle garde l’original afin de convaincre Le¬ lio d’infidélité aux yeux de fon pere. Xia lettre eft fans adrelle Sc conçue en ces termes : « Madame, je ne puis vous expri- >> mer la grandeur du péril que vous courez ; ne fortez point de chez-vous, » je vous en conjure, & je ferai mon » poflible pour vous tirer de l’état oà » vous êtes , vous verrez bien-tôt î» celui que vous aimez, je ne puis « vous en dire davantage, n’ofant pas » trop m’expliquer dans ce billet, qui j> peut être intercepté j’irai dans un mo- î> ment chez-vous », Flamiraa ne manque pas de mon¬ trer ce billet à fon pere, qui après l’a-* voirlû, ne doute plus quelle n’ait rai- fon de fe plaindre de fon mari. Lelio & Mario qui fe font mafqués. Tome III, B jjt'5 Hiftoîre ainfi qu’lis en font convenus poiif alle^ chez Silvia paraiflent j Lelio enveloppé dans un grand manteau & un mafque, & Mario déguifé en femme. Flaminia les furprend dans le moment qu’ils vont fortir ; elle appelle fon pere pour le rendre témoin de cette derniere infi¬ délité de fon mari, mais elle en efl: la dupe ; Lelio pouffé à bout, démafque Mario, & fait connaître que cette maî- treflè prétendue n eft autre chofe qu un Cavalier. Flaminia fe retire toute con¬ fiai , & Dom Pedre fe range du parti de fon gendre. Lelio ayant vu échouer fon-premier projet de déguifement, prend le parti de faire entrer Silvia chez lui fous fon propre habit. Silvia impatiente de voir ton cher époux, fe traveftit comrne on fouhaite , & fous l’habit de Lelio elle vient dans ce même appartement, où Flaminia l’a déjà fi m.rl reçue. Fla- minia la prend pour Lelio, mais Ar¬ lequin à demi inftruit par quelques cir- conftances qu’il a remarquées dans fa nouvelle charge d efpion, ne prend pas le change, il foutient que ce pré¬ tendu Lelio eft une femme ; Flaminia lui arrache le mafque & reconnaît cette prétendue rivale qu elle a déjà diargee du Théâtre Italien. 3‘Injures. Elle appelle fon pere pour lui faire parc de fa nouvelle découverte. Tout femble parler contre Lelio , qui arrive un moment après ; il n’ofe mê¬ me k juftifier de peur de commettre fon ami Mario , en révélant fon fecret, mais Scapin vient le tirer d’alFaires ; en lui apprenant que le pere de Ma¬ rio & celui de Pamphile font enfin d’ac¬ cord , & que ces deux heureux epoux peuvent fe montrer fans rien craindre. Flaminia conait par - là que fa jaloufie contre fon mari était injufte, quoique fondée fur des apparences capables de l’induire en erreur. Elle finit la piece par ces quatre vers. Sur ce qui s eft pafTé , réglant mes fentimens, Je dételle à jamais ces jaloux mouveraens ; Et je ne vois que trop qu’une vaine appa¬ rence , Des époux bien fouvent trouble l’intelligence. Cette Comédie n’eft proprement qu’une imitation libre de la Moglle- Geloja J Canevas italien de Piccoboni pere, dont nous avons donné l’extiait. M. Joly qui en eft l’auteur, en convient dans fa préface ; mais fi fon original lui fournît le fond des feenes, & des ca- raâeres, il ne dut qu’à fon talent la ;28 Kijloirt maniéré facile & agréable avec laquelle il l’a écrite. Elle n'eut d’abord que huit repréfentatlons , mais elle ne lui en fit pas moins d’honneur parmi les gens de lettres, & meme de la part du public qui l’a revue depuis avec plaifir. LE PORTRAIT. Comédie en unacle en profe ^ p Janvier 1727, ( i ) SjILvia paraît incertaine fur ce quelle doit faire pour palTer le jour le moins défagréabiement qu’elle pourra. Son agitation continuelle fait prévoir à Colombine qu’il va arriver quelque chofe d’extraordinaire dans le cœur de- fa maîtrelTe, & que ce cœur irréfolu eft prêt à fe fixer à quelqu’objet. Elle en dit fon fentiment à Silvia , & lui fait enteridre que tous ces troubles naiflans font des avant-coureurs de l’amour. Çilvia fe met en colere au feul nom 4’amour , & jure qu’elle ne fentira ja¬ mais les traits d’un Dieu qui ne fait que (des malheureux. Je ne veux, dit-elle. La fcène eft à Paris, du ThéâtfC Italien, sP êtté *nî fourbe, ni dupe , ni crédule > ni défiante, ni coquette, ni précieufe » ni trifte ^ ni évaporée , ni jaloüfe , ni commode ; en un mot rien de ce qu’on eft quand on aime. Ën garde contre les folies de mon fexe , je le fuis encore plus fur l’article des hom¬ mes , tous pe valent rien, rien. céLOMBINE. Belle conclüfion ! Allez, Mademoi- felle, il n’y en a point de fi diable dont on ne vienne à bout. L’imbé- cille , on le mene par le nez ; le mer¬ veilleux , on lui en fait accroire ; le taciturne, on n’a pas la peine de lui répondre ; le grondeur , on le fait taire en criant plus haut que lui ; le dé¬ bauché, on ne le voit jamais j l’àvare, on le vole ; le jaloux, on le trompe j le diffipateur, on le ... on le .. , ma foi je ne fçai ce qu’on en fait de celui-là, c’eft la pire efpece de tous. A peine Silvia a t-elle afluré bien af¬ firmativement à Colombihè qu’elle veüt garder fa liberté, qu’Oronte fon pere lui vient préfenter des chaînes , en lui difant qu’il l’a mariée en Flandres, d’où il vient, & que l’époux qu’il lui a deftiné, s’appelle Yalere. Silvia ne 50 Hïfloire répond pas un feul motàfon pere ; au grand étonnement de Colombine , qui s’attendait à la voir éclater au feul mm de l’Hymen . comme elle a fait à celui d'amour. Oronte dit à fa fille que fon fu'ur époux doit être arrivé auflîtôt que lui & qu’il y a apparence qu’il efl: allé chez le baigneur, pour paraître à Tes yeux dans un état plus avantageux ; il' ajoute que Valere n’a. pas befoin d’agrémens empruntés pour la convaincre de ce qu’il dit ; il lui montre fon portrait, & le lailTe entre fes mains. Oronte fort pour aller cher¬ cher Valere , dont Silvia regarde le portrait avec une indifférence affeétée. Lorfque fon pere eft parti, elle a ra- cour.s à cette rufe déjà employée & quia étéurée depuis, de faire paffer fa femme de chambre pour elle, afin'de dégoûter Valere ; mais celui-ci qui a reçu le portrait de Suvia de la main de fon pere , la reconnair malgré fon, traveC- tiffemenc, & prend fur le champ la réfolation de lai rendre rufe poiut rufe. SILVIA, fous V'hahit dt Colombine. C’efl; donc vous, Monfieur , qui v^r- nez de but. en. blanc de Flandres, ex.- du Thêâtré Italien. 51 près pour époufer une fîlfe que vous ne connoïflèz pas, fans favoir fi elle vous plaira, & fi vous lui plairez vous- même ; vous pouviez vous épargner les frais du voyage. V A L E R E. Je fuis venu lui rendre des foins,; & tâcher par mes fervices de m’attirer l’honneur de fes bonnes grâces. SILVIA. Vous n’y réuflîrez pas, c’eft peine perdue. ( à part ) Quel homme ! VAL ERE. Je comptais beaucoup plus fur lés bontés que fur mon mérite. SILVIA. Vous comptiez fur fes bontés? & de quel droit, je vous prie y quoi ! par¬ ce que fon pere vous a donné fa pa¬ role fans la confulter , il faudra qu’elle l’exécute, quelle vous écoute , qu’elle vous aime , qu’elle vous époufe ? Elle n’en fera rien, Moixfieur, fiez-vous en à moi, je fais fes intentions, elk n’en fera rien. VALERE. Je ferais au défefpoir de la con- ' traindte. B iv SI L VIA, 3 jaru Je (èrais au défefpoir de la con¬ traindre Ce flegme me fait bouillir le fang. V A L E R E. Dites à votre màîtreflè que j’ap¬ prouve l'éloignement quelle a pour moi, je me rends juftice. je ne méri-- tais point autre chofe de fa part, SILVI A,a/3rr. Qu’il y a d’indifférence dans certes faulTe modeftie ! V A L E R E. Dites - lui encore que je ne veux point avoir à me reprocher de trou¬ bler par ma préfénce les féntimens qu’elle peut avoir dans le cceur pour un homme plus aimable. S I L V I A, Que voulez - vous dire , Monfîeur, les fentimens qu’elle peut avoir dans le cœur Pour qui, donc , s’il vous plaît, prenez-vous Silvia? La croyez- vous capable de s’engager fans l’aveu de fon pere ? En vérité vous êtes biea du Théâtre Italien, ^5 confidérant, & bien infultant dans vos confidérations. Plus Valere montre de foumiffion à Silvia, & plus elle s’en irrite , parce qu’elle ne l’attribue qu’à fon indiffé¬ rence , & pour achever de le dégoû¬ ter, elle lui fait elle-même fon por¬ trait de la maniera fuivante. D’abord elle n’eft ni grande ni petite, ni bien; ni mal faite, plutôt grafle que maigre & malgré tout cela, choie rare aujour¬ d’hui , elle a de la taille , elle a un petit air d’étourderie & de jeunefle qui frap¬ pe. Ce n’eft fi vousvoulez, ni efprit, ni éclat ; cela tient pourtant un peu db tous les deux : elle a de la blancheur & du teint, des yeux & des dents : elle chante & danfe palTablement : en un mot elle eft comme mille autres. A l’égard de fa conduite , il n’y a rien à vous en dire „ elle vit comme vivent à préfent toutes les filles. Pour fon. humeur, U n’eft , ma foi , pas aiféde la définir : elle eft douce par réflexion ï aigre par tempérament, timide dans les chofes qu’elle fçait, décifive dans celles qu’elle ignore , impérieufe avec ceux qui ne lui doivent rien , exigeahtè; fans amitié , jaloufe fans paffion , vive jufqu’à l’emportement, diftraite jufqu’à ^4 lî.îfto'n'e l’oubli, inégale jVifqu’à la brufquerie ; enfin fi difficile à vivre, que la plur- part du tems nous ne pouvons durer enfemble. Le maître , le guide , le mo¬ bile de tous Tes difcours , de toutes fes aâionsfavcz-vous ce que c’efc? Le caprice. Valere lui répond froidement qu’il va lui épargner la vue d’un objet qui lui eft odieux ; & qu’il va remercier Lelio de l’honneur qu’il a prétendu lui faire en l’acceptant pour gendre ; il la quitte auffi froidement qu’il lula parlé.. Silvia eft piquée au. vif d’une indiffé¬ rence à laquelle elle ne s’était nuller ment attendue ce dépit eft un fyrap^ tôme d’amour naiffant : cet amour prend de nouvelles forces par la jaloufie qui vient bientôt lê mettre de la partie. 'Arlequin à qui elle demande des nou:- velles de fon maître, croyant ne par¬ ler qu’à une fuivante de Silvia , lui dit que Valete a toujours été l’homme de France le plus, galant & le plus aimé j que. dans tous fes voyages il a laiflé des monumens de fa gloire ; Silvia avale lepoifon à longs traits j elle croit que Valere. ne lui a parlé, avec tan,t de froideur que parce qu'il méprife nne conquête comme la fienne, ou qu’il eft engagé ailleurs.. du Théâtre Italien. Lelio à qui cet amant piqué a fait dire qu’il eft prêt à s’en retourner en Flandres, vient demander à fa fille qui a déjà repris les habits , ce qui a pu fe paflèr entr’^elle & Valere. Silvia ne fait que répondre, Colombine plus hardie que fa maî- trelîè, dit franchement à Lelio , que (a fille ne veut point fe marier ; Silvia voudrait bien lui fermer la bouche ; mais elle ne peut s’y réfoudre & fait con¬ naître par fon maintien que fon cœur défavoue ce que dit fa fuivante. Lelio* dit à fa fille qu’il n’a pas prétendu for¬ cer fon inclination, & que puifqu’elle ne veut point de Valere, il va le con¬ gédier; ü fort dans ce deflein. Silviai en eft au défefpoir ; elle avoue à Co¬ lombine qu’elle fent pour Valere , ce qu’elle n’à jamais fenti ; mais que cer ingrat n’en faura jamais rien. Enfin* Valere revient, Silvia eft redevenue; Colombine; elle reproche à Valere ^ comme de la part fie fa Maîtreflè ,. les fiiverfes conquêtes qu’il a faites dans tous fes voyages. Valere n’y comprend; rien; on lui dit que c’eft d’Arlequin, qu’on a appris fes exploits amoureux il veut punir Arlequin.de ce menfonge^. Arlequin lui dit qu’il ne croit pas avoir 3 ^ Hifloire fait un grand crime . d’avoir fait de fom Maître la peinture la plus avantageufe qu’il a pu imaginer. Valere comipre- nant par la jaloufie de Silvia , qu’il em eft plus aimé qu’il n’aurait ofé l’efpé- rer, invente une derniere rufe pour finir un déguifement trop long-tems fbutenu de part & d’autre. Il avoue à: la faullè Colomb,ne, qu’il a un engage¬ ment que rien ne faurait furmonter, &: qu’elle n’a pour l’excufer auprès de la Maîtrefle, qu’à jetter un moment les yeux fur un portrait qu’il lui préfente. Silvia en détourne d’abord la vue avec dépit ; mais elle ne peut enfin réfifter à la curiofité de voir fi fa Rivale eft plus aimable qu’elle. Quelle agréable furprife pour elle, de voir que c’eft fon propre portrait que Valere lui préfente; elle ne croit pas l’en pouvoir mieux ré- compenfer , qu’en lui rendant artifice pour artifice, & en lui montrant le portrait de fon Vainqueur. Valere ne le regarde à fon tour qu’en tremblant mais il a bientôt le plaifir de s’y re¬ connaître lui-même. Cette Comédie eut le plus grand fuccès & le mieux mérité ; elle eut dix^ huit reprcfenrations également fuivies. du Théâtre Ttalïen> JT" Sc ia réputation ne fe démentit poinr à la ledure. Elle eft de Beauchamp, déjà connu favorablement au Théâtre Italien, par plufieurs Pièces bien ac- Gueillies. LE CONTRASTE DE L’AMOÜK E T D E L’ H Y M E N.. Comédie en trois aSles , en pro/e j fud^ vie d’un Divertijfement , 7 Murs" 1727. ( i > JP AMPHrLE a compofé les paroles- que doivent chanter MademoifelleAmi¬ la & Mademoifelle Bécare, toutes de’ux Cantatrices invitées à um Bal qui doit fe donner dans la maifon d’Horace. Elles ignorent l’une & l’autre que leurs maris qu’elles ont abandonnés, foient au fervice , l’un de Pamphile & l’autre d’Alcefte. Le premier eft déjà marié avec Julie, & le fécond doit bien-tôt époufer Hortenfe. Arlequin devient amoureux de Mademoifelle Amila qui eft femme de Trivelin , qui à fon tour fe prend de belle paflion pour (1) La fccne. eft dans la Maifon d’Horace. ^8 Hiftoire Mademoifélle Bécare, dont Arlequin* «ft le mari. Horace, oncle de Pamphile, arrive dan's le montent où celui-ci donne une lettre à fon Valet Arlequin, Horace s’en faifit, & demande à fon neveu à qui s’adrefle cette ambafiade amoa- ïeufe. Pamphile lui répond tranquille¬ ment qu’il n’a pour en être éclairci', qu’à lire le deffùs. Horace eft fort éton¬ né de voir que c’eft à fa femme que Pamphile écrit, & qu’il veut favoir d’elle à quelle heure il pourra avoir le plaifir de l’entretenir. Il demande à fon neveu quelle eft cette nouvelle ma¬ niéré d’agir entre deux perfonnes que l’Hymen a unies; Pamphile lui.en ex¬ plique le rafinement avec des termes qui irritent Horace le portent à le menacer de le deshériter s’il ne devient plus fage. Alcefte vient témoigner à Pamphile, qu’il croit fon ami, le plair lïr qu’il relient par avance de fon pror chain hymen avec Hortenfe ; Pamphile plaifante fur tout ce qu’il lui dit. Al¬ cefte parle de pierreries dont il veut faire emplette pour fa future époufe ; Pamphile lui offre celles de fa femme , & lui confeille de les revendre cinq ou £x mois après, à fon exemple. AlcefteL- du Théâtre Italien, trouve la propofition tropindigne d’un honnête-nomme, pour l’accepter. Hor- tenfe arrive & témoigne par un à parte y qu’elle hait autant Pamphile, qu’elle aime Alcefte. Pamphile pour donner de la jalouHe à Alcefte, parleà Hor- tenfe avec une confiance d’Amant ai¬ mé. Alcefte ne fait qu’en penfer, Hor- tenfe a beau fe récrier contre l’impu¬ dence de Pamphile ; ce dernier Tourne à fon avantage tout ce qu’elle lui dit de plus défobligeant. Elle le quitte en» fin, & donne la main à fon cher AI:- cefte. A la fin de l’aéèe ..Arlequin recon¬ naît en. MademoifelIeBécare, fa femme qu’il croyait morte. Ils fe chargent d’injures, & fe congédient en fe don» nant au Diable, à peu près comme Cléanthis & Strabon dans, la Comédie de Démocrite. Dans l’entr’aéie , Pamphile eft fup- pofé avoir, écrit à Hortenfe une lettre, par laquelle il l’avertit qu’il a fait ac¬ croire à Julie fa femme, qu’une de fes parentes eft extrêmement malade à Ver- failles , ce qui j’obligera fans-doute a partir fur le champ pour fe rendre au¬ près d’elle. J1 a ajouté dans cette lettre, q_u’à la faveur de ce ftratagême ,, il pour::i- Hifîoïn îa rentretenir dans le Bal, f®us le ffofii & fous les habits de Julie. ïîortenfe indignée d’une rufe, à laquelle non- feulement elle ne veut avoir aucune part, mais qu’elle trouve tout-à-fair extravagante & de la derniere effronte¬ rie, envoyé cette lettre à Julie. Cette- derniere l’ayant perdue , elle eft tom¬ bée entre les mains d’Alcefte, qui a commencé à foupçonner Hortenfe de n’être pas aulîî infenfible à l’amour de Pamphile , qu’elle l’a paru dans le pre¬ mier aéle» Il le témoigne au commen¬ cement du fécond à Horace, à qui il montre la fatale lettre qu’il a trouvée. Horace n’oublie rien pour le raffurer contre fon neveu , qu’il dit être d’un ca- radere à prendre des chofes imaginai¬ res pour des chofes réelles. Alcefte paraît guéri de fes foupçons jaloux, & Pamphile a, quelques fcènes après, une converfation avec Julie fon époufe, qui a connu fa rufe par la lecture de la lettre qu’Hortenfe lui a envoyée ; elle oppofe l’artifice à l’artifice , en affurant fon mari qu’elle n’ira point au Bal, puifque fon devoir l’appelle à Verfail- les auprès de fa parente. Pamphile la raille fur ce devoir qui l’arrache au plaifir,& Arlequin qu’ila mftruit,gauflè du Théâtre ItaUen, ÎScIuî dit, Julie que la trop longue habi¬ tude de fe voir rend les plaifirs moins piquans, & qu ils devraient fe féparer pour quelque tems. Pamphile ne man¬ que pas d’applaudir à cette nouvelle idée d Arlequin J & Julie eft indignée contre un i^oux qui paraît defirer une fèparation h honteufe. Mais Pamphile Jàlîîire que ce n’eft qu*un nouveau moyen de fe mieux réunir. De fon côté Hortenfe ne paraît pas moins affligée du chagrin ou elle voit Alcefte plongé depuis quelques inl^ tans J mais ayant appris de Julie, qu’elle a perdu la lettre de Pamphile qu'elle lui avait fait remettre entre les mains, elle ne doute point non plus que fon amie, que cette lettre n’ait été trouvée par Alcefte, qui n’aura pas manqué d’en prendre de l’ombrage. Les projets qui ont été formés dans les aéèes précédens, s’exécutent dans celui-ci» La fcene eft dans la lalle du Bal. Pamphile s’y rend fous les habits de la femme Julie, comme il l’a pro¬ jette dans la lettre qu’il a écrite à Hor¬ tenfe, Julie qu’il croit partie pour Ver- failles ,& avoir donné dans le piège qui! lui a tendu, s’y trouve aulu tra- .veûie en Cavalier, & feint d’en con;- 'iça JlijloiTt ter auflî à la prétendue Julie ; Paraphiî^ a beau lui protefter qu il n’eft pas Ju¬ lie , le faux Cavalier eft toujours plus prelTant. Pamphile pour s’en débarraf- fer, convient qu’il eft Julie, & lui de¬ mande en grâce de lui faire quartier pour un moment ; leur converfation eft interrompue par l’arrivée des Chan ■ teufes Amila & Bécare. Pamphile s’é¬ chappe , Julie voyant venir l’oncle de Pamphile, dit aux Chanteufes ^que c eft Pamphile même , ne doutant point quelles n’achevent d’irriter l’oncle contre le neveu, parce qu’elles lui di¬ ront, en croyant parler à Pamphile même. Ce que Julie a prévu, arrive; les deux Chanteufes apprennent à Horace que le Divertiflement dont elles font les principales Aârices, eft de la fa¬ çon de fon neveu, qui prétend par là brouiller Alcefte avec Hortenie. Le fécond traveftilTement de Julie eft fous les habits d’Hortenfe, à qui Pamphile a promis de fè montrer fous les habits de fa femme. La fauffe Hortenfe joue à merveilles fon nouveau perfonnage dont elle tire deux avantages; c’eft d’obliger fon mari qui la prend pour Hortenlè, d’a quitter la fomme de trente piftoles quelle doit à un Gaft du Théâtre- Italien, con, qui vient les lui demander dansîe Bal avec une opiniâtreté qui le force à les lui payer, pour n’être plus troublé dans fon rendez-vous avec la faufle Hortenfe. Le fécond avantage que Julie tire de fon traveflifîèment, cVft de le faire rendre fes pierreries qu’il avait voulu vendre à Alcefte. Après ces deux expéditions, Alcefte arrive avec Horace ; il prend le change com¬ me Pamphile , & croit Hortenfe en rendez-vous avec lui. La véritable Hor¬ tenfe arrive en même-tems, & lui re¬ proche rinjuftice qu’il fait à fon amour, Julie achevé de déconcerter Pamphile en fe démafquant. Ce tour que fa fem¬ me vient de lui jouer, achevé de le déterminer à la féparation qu’il a déjà témoigné fouhaker. Julie y confent ; Horace trouve qu’elle a raifon , & dit à fon Indigne neveu, qu’il ne doit plus prétendre à fa fucceffion. La Piece finit d’un côté par une féparation, & de l’autre par un mariage arrêté entre Aî- cefte & Hortenfe. La fête qui termine ce Spedacle, roule fur le contrafte de l’Amour & de l’Hymen, fur lefquels on chante plufieurs couplets fuivis d’un lYaude ville,. Uîjldîre VAUDEFILLE, Vive un Amant Pour être prévenant. Au moindre mot il eft en mouvement, Zifte, zefte, Qu^il eft prefte, Mal-peftc Comme il y va , C’eft un charme que celar Dans un époux Ton voit tout le contraire Qu’il eft fourdl Qu^il eft lourd î Qu’il eft gourd! Hélas i qu’en peut on faire î X Lefte & fringant, Le Confeiller pimpant. Dès qu’il apprend que fa Nymphe l’attend >. Zifte, zefte, &c. Mais quand il faut aller à l’audience. Qu’il eft fourd, &c. Plaideurs, prends patience. Cette Piece eft de M. Saint-Foix ; elle eft fort bien écrite, il y a des fcènes vraiment comiques. Les Journaliftes d’alors > aflurent quelle fut très - bien du Théâtre ItaTiettl Vr i^^ue du Public; cependant les regîftres de^ la Comédie Italienne , marquent qu elle n eut que cinq repréfentations > ce qui ne prouverait rien contre elle. Les Comédiens firent la clôture de leur théâtre le 2 ^ Mars, par le Portrait & les Comédiens Efclaves, & le rou¬ vrirent le 21 Avril, car l’Amour Pré¬ cepteur, fuivi des Effets du Dépit, Co¬ médie nouvelle, qui n’eut pas un grand luccès. Ce fut cette annee que Catherine— AntoinetteVicentini, connue alors fous le nom de Catine, & aujourd’hui Ma¬ dame delîeffe, fut reçue dans la Troupe. On ne^ peut marquer l’inftant fixe de Ion début, parce que née pour ainfi dire fur le théâtre, le Public s’était accoutumé à l’y voir dès fon enfance. LES EFFETS DU DÉPIT* Comédie Françaife en un aclc j enprofej *21 Avril 172j.il) U N jeune Cavalier qui à peine entre dans le monde , rend de fréquentes vj- lites à une jeune Demoifelle > plutôt pour apprendre à fon école les maniérés du monde, que pour s’initier dans les myfteres de Tamour \ elle en fait un très-joli homme : foit par reconnaif- fance, foit par Tympathie s fon Ecolier devient fon Amant. Cependant aimable qu’il eft devenu par les foins de fa belle Maîtrelfe, il ne peut par¬ venir à lui plaire ; le dépit 1 oblige a la quitter ; elle eft fi piquée d’une re¬ traite à laquelle elle ne s attendait pas, qu’elle fait courir le bruit quelle va fe marier, pour rappeller ce Captif échapé de fa chaîne^ 11 ne revient P) Le Diélionnaire^cles Théâtres fetrornpc encore, en plaçant la première représentation de cette Piece au 19 Avril , ceft faiis-doutc la derniere qu’il a v«ivlu dire (i) Lafcènc eft dans la Maifon de la Corn- teffe. 'du Théâtre îtaüeni point, cela irrite ion dépit; elle le porte jufqu’à fe marier. En efifet elle devient veuve dans quelques mois. La voila riche Douairière & Comtelïè. Son Amant revient à Paris, on lui fait en- Wndre qu il vient le marier, nouveau dépit: on dit a fort Amant qu’elle va en faire autant. Dépit de part & d’autre, qui apres quelques éclats, parvient à les unir pour jamais. Scapin, Valet de Dorante, & Co-i lombine , Suivante de la Comteflè, commencent la Pièce. Après bien des menteries de part & d’autre, ils con¬ viennent de ne rien oublier , pour réu¬ nir deux Amans que le dépit a féparés; Scapin répond de Dorante, & Colom- bine fe promet de réuffir auprès de la Comtelïè. Cette derniere étant veuve, lès biens & la beauté la font recher¬ cher par un Marquis & par un Préfî- dent. Scapin fe retire à l’approche de la CoratelTe. Celle-ci rend compte à Colombine , ^ tout ce qu’elle vient de voir chez Dorimene. Elle fait divers portraits de plulieurs originaux quelle y a trouvés. Elle finit par Dorante; mais Colom- bine s apperçoit quelle devient un peu plus lérieufe en parlant de lui; elle lui mfloire demande la raifon, ce qui don^ lieu d’expofer tout ce qui s’eft paüe entre ces deux Amans, que le dépit a féparés. La Comtefle laiffe entrevoir le regret de l’avoir perdu dans tout ce quelle dit, pour marquer fon indiffé¬ rence. Eliante, amie de la Comtelfè, vient lui faire confidence du deffèin que le Marquis a formé de 1 époufer, & com¬ me ce Marquis eft un des Amans de la Comtefle, Eliante lui demande Ion aveu par politefîe. La Comtefle-répond à fon honnêteté, & lui dit qu’elle aura l’honneur de l’aller remercier che 2 elle, d’une démarche dont bien d autres Ri¬ vales fe pafieraient j elle confentàl Hy¬ men que le Marquis lui propofe. A peine Eliante eft fortie, que la Comtefle change de réfolution par dé¬ pit. Elle fe figure que cette prétendue politeflè eft une infulte de Rivale j- elle veut s’cn vcBger ; Dorante entre pour beaucoup dans ce nouveau dépit. La Comtefle s’en doute elle-inême. Elle appelle Colombine, & lui ordonne d’envoyer dire au Marquis de la venir voir, toute affaire ceffante. Le Mar¬ quis arrive à point nommé. La Com- teffe montre aux yeux du Marquis un du Théâtre Italien, 4^ ïî grand regret de le perdre, (Ju'elle l’engage à aller retirer la parole, qu’il n’avait donnée à Ëliante que par dépit. La Comteflè fe repent bien-tôt de ce qu’elle vient d'exiger du Marquis , elle ne fait pas bien elle-même ce qui le pafle dans fon cœur ; Le Préfide at qui a le malheur d’être un de (es Amans, arrive, & fe relient bien-tôt tle fa mau- vaife humeur. Elle le traite avec une indifférence qui tient du mépris ; il le retire dans le delTein de ne plus revenir, LaComteflè le regrette beaucoup moins que le Marquis. Colombine vient dire à fa Maîtrelïè, que Dorante envoyé demander lî elle eft vilible. La Comtefle troublée au nom de Dorante, rre fait que répondre ; elle dit enfin à Colombine, qu’il peut venir ; mais elle ajoute que s’il ne vient pas , elle en fera toute confolée. Elle fe retire. Scapin & Colombine fe trouvant feuls, fe rendent compte de ce qu’ils ont fait; mais avec plus de fincérité qu’ils n’en ont eus l’un pour l’autre dans leur premier entretien. Scapin avoue à Colombine, que fon Maître n’a jamais rien aimé que fa Maîtrefle ; Colombine lui déclare à fon tour, qu’au mariage Tome III, C yo Hyiolre près, la Comtefle a été très-fidele à Ibiï Maître î elle ajoute qu’il eft vrai qu’elle vient de promettre encore fa main au Marquis, mais que ce n’eft que par un effet ordinaire du dépit qui réglé tous les mouvemens de fon cœur. Dorante arrive fans attendre la ré- ponfe de Scapin; il eft outré de co¬ lère contre la Comtefle ; le Marquis vient de lui dire qu’elle confent à le rendre heureux ; il veut fortir fans voir fon infidelle & s’aller battre avec fon Rival. La Comtefle entre : Dorante par le confeil de Scapin, affèéle beaucoup de froideur à la vue de la Comtefle ; U l’aflure bien que ce n’eft qu’une vifîte & voyant cet Amant aimé tra- velli en Jardinier chez fa future époufe, renonce à un Hymen fi dangereux pour lui, & Dorimene après un tel éclat, prend fagement le parti de confentir au mariage de fa fille avec Erafle , à qui elle promet fgn amitié. Arlequin fe trouve feul malheureux; mais il n^ea peut accufer que lui-même. Cette Piece ne manque pas de co¬ mique ni de fituations plaifantes. Les caraéteres en font même allez bien fou- tenus; cependant fon fuccès ne répondit point à la réputation de fon Auteur, qui garda pendant quelque tems l’ano- »yme ; mais que l’on a connu depuis. du Théâtre îtaTiert, '6t Cc’eft Delifle.) Elle n’eut que fepc repréfentations, & n’a point été im¬ primée. MÈDÉE ET JASON. Parodie en un acte en profe j mêlée de V audevilles ^ 28 Mai ij2j.{i) .À R C AS, confident de Jafon, re¬ proche à ce Prince ia triftefle , loiTque la gloire, l’amour & l’hymen M font favorables ; Jafon lui répond que c’eft ce meme hymen qui le tourmente, qu’il vient d’époufer Créufe, tandis que Medee a fa foi & qu il a des enfans d'elle. Créufe parait, & n’eft pas plus gaie que lui ; elle lui avoue qu’elle craint la foreur de Médée, & elle en revient tou- iours prudemment au moyen de s’ai¬ mer en attendant, fans s’époufer. J A S O R Que Diable voulez-vous que j’aft-; ( » ) Le théâtre rcpréfentc une Place, plu. Hijtoîre tende que ma femme foit morte pou^ me marier avec vousf Elle a l’ame* cramponnée dans le corps ; & quand ce ne ferait que pour me faire enrager elle vivra cent ans & plus, elle a des fecrets pour cela. Jafon fort, & Cleone, Confidente ide Créufe, arrive ; celle-ci lui apprend; qu’elle eft toute épouvantée d’un rêvft; qu’elle a fait. A I R : Ma mere y inarU^^moil J’ai rêvé toute la nuit Qu’on faifait trembler mon lit $ J"ai vu luire des flambeaux, Médée en fureur tirait mes rideaux.^,, Tenant en main un poignard, CLEONE.. Bon, c’était le coche-mar. Vous êtes bien bonne de vous ef- frayer pour fi peu de chofe. Vous ave2' rêvé de feu? C’eft joye; C R É U S E. Oui , mais j’ai rêvé de femme; c’eft tsahifon. On entend une fymphonie effrayante pendant laquelle le tonnerre gronde j-. & les éclairs brillent,. âu Théâtre Italïm, C R É ü S E. (Quelle tempête! C L É O N E. Ce ne fera rien , ce ne font que des; giboulées de Mars. Médée defcend fur un manche à ba- !ày, entourée de Sorciers & de Dé¬ mons; elle touche Créufe de fa ba-- guette, & forme plufieurs cerclesr Le théâtre change, & repréfente un; Eeu efFroyable.Les Sorciers conduifenr un bouc avec cérémonie, &. chantent: tout au tour de Créufe. Que le mal de dent, L’afthme, la migraine, La fievre quartaine,. Le redoublement. La ferre , l’entraîne, L*étrangle à l’inftant \-, La fievre quartaine La ferre , rentraînc. Dans le monument.. Médée eft étonnée que Créufe nair point peur; mais celle-ci lui répond; Truelle ne fait que l’ennuyer, &Médéei la congédie après l’avoir menacée d’efî- forceler Jafon, qui paraît après que le théâtre a changé. Il fe lamente, & dit qu’un mari eft bien à plaindre, quand il a une femme qui commande à la ba¬ guette. Créufe revient & l’engage à la fuivre, il j confent ; mais il eft arrêté par Médée, qui l’accable de reproches inutiles & le laide aller comme une imbécille. Elle fait encore une conju¬ ration ; des Démons transformés en Monftres , paraifiènt fur le théâtre qui change & repréfente la mer. Créufe revient fe plaindre que Jafon la quitte pour retourner avec fa femme; il re¬ paraît audî, & fe juftifie adèz mal, Créufe s’en va, & Créon fon pere ar¬ rive fuivi de fes Gardes. Il fe plaint de la mortalité qui lai enleve tous fes fujets ; Jafon avoue qu’il eft la caufe de ce malheur , & le prie de le difpen- fer d’époufer fa fille. Un exempt vient les avertir qu’il vient d’arrêter Médée. Jafon qui'eft bon Prince, fe jette aux genoux du Eoi, & lui demande grâce pour elle; ce n’eft pas, dit-il, que je n’aye grande envie d’être veuf ; mais je voudrais que ce fût par les bonnes voyes . Créon qui n’eft pas moins bom âu Théâtre Italiens îiotttme, commue la peine & condamn© Médée au banniflement. Elle arrive, & lui dit : Vous me choifilTez pour viftîme , Et vous couronnez mon époux j Pourquoi protégez vous le crime ? Ou pourquoi le punifTez-vous ? C R É O N. Il s'agit bien de me parler raifon ai-je quelque compte à te rendre ? Médée confent à partir , pourvu qu’elle emmene Jafon ; mais Créon s’y oppofe, & fait un ferment ridicule qu’elle ne fera pas le lendemain dans fes Etats. Les Matelots qui doivent l’emmener, lui donnent auparavant une fête qui ennuie Médée, & elle la trouble en excitant une affreufe tempête. Le théâtre change encore & re^’ préfente le Palais de Créon , & Médée qui y paraît, fait encore une petite conjuration. Jafon arrive, elle lui de-« mande une grâce. J A S O N. Un mari peut-il rien refuferà fa femme, quand elle s’en va? Médée lui demande la permifllon nîjloïri d’emmenèf avec elle fes ênfans. Il refufe. Elle fe borne à les embrafler i & il y confent. Créufe qui n’attendait que le départ de Médée, arrive à l’inC' tant. Elle fe livre avec Jafon , à l’ef- pérance des plaiErs qu’ils vont goûter mais Créon arrive pofledé & furieux , il prend fa fille pour Médée, il lui chante pouille & veut la tuer. J A S O N. Gardes, conduifez lie Roi aux Pe-* titesMaifons. Les Gardes emmenent Créon. Créufe fort avec lui, Jafon veut les fuivre mais on lui ferme la porte au nés, & le Palais à l’infiant devient tout en feu. Médée paraît dans les airs fur un petir Pliaëton tiré par deux chiens, un petit Diable lui lert de Cocher. Jafon lui demande des nouvelles de fa cher^ .Créufe. MÉDÉE. Elle brûle en ce moment De la flame la plus pure. Vas lui porter, mon enfant,, De l’onguent pour la brûlure „ Robin,; turc lure luic. !iu Thèatfè JtaTun’* %’f J A S O N. Et iMês enfans, qu’en as-tu fait ? M É D É E. Va, va, ne t’en embarrafle pas, ils; n'étaient point à toi. J A S O N. Ah ventrebleu ! ma carabine , que’ |e la tire au vol. Le Char de Médée difparaît & fe‘ perd dans les nues î ainfî finit cette Parodie qui eft de Dominique, Ricco- boni le fils, & Romagnefi. Elle^ fut jouée douze fois, fit aflez de plaifir, & parut une bonne Critique de la Tra¬ gédie-Opéra, dont la mufique eft de Salomon/& les paroles de l’Abbé- Pellegrin , fous le nom du Chevalier de la Roque , Auteur du Mercure. Ce fut à la troifieme reprife de cet Opéra, que; les Auteurs que nous venons de nom¬ mer, en firent la Parodie que nous ve¬ nons d’extraire. Le tp Août, les Comédiens Italiens ^ donnèrent gratis , Pafquin & Marforio», Piece Françaife de l’ancien Théâtre; Italien, pour l’heureux accouchement d£ U Reine^. L’HOI\OSCOPE AGCOMPLL Comédie en un acte en profe yfuivie d'uH Divenijfemency d Juillet 172j. (i) JP A NT A L O N eft amoureux d’une Jeune fille appellée Silvia, qu’il a fait élever depuis l’âge de deux ans dans un appartemenr fecret de fa maifon. If eft fort inquiet de favoir s’il en eft ai¬ mé , & pour s’en éclaircir, il a envoyé prier le Dodleur Lanternon, de tirer ion horofcope. PANTALON. M’apporfes-tu de bonnes nouvelles 1 ARLEQUIN. Ma foi, Monfiéur, je n’en fais rieiV PANTALON. N’as-tu pas trouvé le Doéfeur t ARLEQUIN. Pardonnez-moi, Monfieur , nous (i) La icènc eft à Livourne, & le théâtre rcpréfente un Salon de la Maifon de Pantalon. du Théâtre ItaRen» iRèus femmes entretenus pendant pîus de deux heüres enfemble fur l’aftrolo- gie .. Ah l’habile homme ! PANTALON. Je le fais, allons au fait. I [ARLEQUIN. II était dans fon cabinet, la tête ap* |>uyée fur fa main , & lifait tout haut dans un grand livre : Mercure eft en conjonélion avec Vénus, (difait-il ïàns me voir. ) Bonne année pour les maris jaloux, lui ai-je répondu. PANTALON. L’impertinent ! & qu’a dit le Doç-r teur à cette fottife ? ARLEQUIN. Il n'a pu s’empêcher de rire. II a pris le papier que je lui ai donné, §c il a dit que Jupiter eft rétrogradant, que Je Capricorne domine : enfin il m’a barbouillé cette lettre. Pantalon la prend & lit : 5» Que tu es heureux ! tu plais par- ï!» tout où tu te trouves, ta feule pré-^ » fence infpire la joie, & tu feras ma-» f rié dans le jour à l’objet que tu aimes. 9» fans craindre les fuites prefqu’oï^-; 99 naires de l’hymenée ». Je ne me fenspas de plaifîr ! ARLEQUIN. Doucement, Monfîeur, ceci n’a rierf •qui vous regarde, & c’eft mon horof- cope que le Dodeur a tiré par defliis, le marché. PANTALON. Comment Maraut, ton horofcopei: ARLEQUIN. Oui, Monlîeur , voilà le vôtre. PANTALON^if. » Qui que tu fois , fi tu penle* au « mariage, ton front eft deftiné à d’é- }> tranges aventures; lailTeà ton neveu 99 le foin & la gloire de défricher lé 99 cœur d’une jeune innocente que tu 9» aimes ; fon premier abord fera plus 99 d’impreflion fur elle, que toutes tes 9» froides carefles ». Il femocquede la prédidion, atten¬ du qu’il n’a point de neveu. Il eft bien vrai, dit-il, que j’ai eu autrefois une fœur i mais elle périt fort jeune > il y « Théatrt Italien, *fij environ vingt-cinq ans, fur les côtes de Livourne, dans un petit Bâtiment fur lequel elle allait fe promener. Il fait enfuite confidence à Arlequin, de fa pafîîon pour Silvia, & Arlequin lui ap¬ prend auflî qu’il eft devenu amoureux de fa Suivante, en la voyant par la ferrure de rappartement où elle eft en¬ fermée avec fa Maîtrefle. Pantalon lui promet de lui faire époufer cette jeune Payfanne, & de la lui faire voir de plus près. Il paflè dans Ibn cabinet pour prendre des melures pour fbn mariage wtur. Le theatre change, & repré/ente l’appartement de Silvia ; die fe plaine amerement à Lilêtte là Suivante, de la dure captivité où elle eft retenue, SC lui apprend en méme-tems qu’elle eft moins ignorante que Pantalon ne le croit, quoiqu elle n’ait jamais vu d’autre homme que lui, elle dit aulîî à Lifette qu elle a trouvé des livres dans une pe¬ tite armoire derrière la tapiflèrie de là chambre, dont elle fait toute fon oc¬ cupation. Ces livres font les Romans <1 Àftrée & de Céladon , d’Amadis 8c d'Griane, de Daphnis & de Chloé, &c. Elle fait entendre à Lifette, que toutes ces Hiftoires fe terminent tou¬ jours par s époufer ; qu’elle ignore cq s>T 2 ' îlijloire que cela (igtiîfîe ; mais qu*ll ïaut que cé ftit quelque chofe de bien charmant > puifque ceft-là le but & le dénoue-, ment de tous les perfonnages de ces Romans. Pantalon & Arlequin qui fur- viennent, interrompent cette conver- fation; Silvia en témoigne autant de chagrin que Lifette fait paraître de îoie de voir Arlequin, quelle trouve à fon gré, & qui lui fait toutes fortes de carefles. Pantalon reproche a biivia fa mauvaile humeur, elle lui répond quelle n’eft caufée que par 1’efclavage où il la retient, & qu’il n’y a nea quelle ne tente pour en fortir. Panta¬ lon lui dit quelle fera libre quand elle voudra, pourvu quelle veuille 1 épou- fer. Arlequin fait entendre à fa ma¬ niéré aux deux femmes, ce que c elt que le mariage . ce qui n’empêche pas Silvia, de laifîervoir à Pantalon toute la haine quelle a pour lui. Cependant elle prend le parti de diflimuler, & lui fait efpérer qu’elle pourra fe lailTer tou¬ cher par fes bonnes façons. Le Vieil¬ lard efl: tranfporté de joie, & fort pour aller acheter des bijoux à S'1 via , 5c des Efclaves pour la divertir. I-a fcène qui change ici. repréfente le Salon de la maifon de Pantalon. Leandre y arrive du Théâtre Italien: jy avec Trivelin , à qui il apprend com¬ ment il eft devenu amoureux d’une ai¬ mable fille enfermée dans un apparte¬ ment de cette maifon II lui ordonne de favoir qui elle eft, & de faire en- lorre de lui procurer un entretien avec Cile. Il le retire de peur d’être rencon¬ tré par Pantalon, à qui il doit rendre uiie lettre de crédit de la parc de loa Correlpondant de Venife. Trivelin leul, après quelques ré¬ flexions ^iir l’amour de fon Maître , ap- perçoit Arlequin qui apporte des bi¬ joux a Silvia, & qui a la clef de fon appartement. Trivelin s’éloigne pour ecouter Arlequin; il apprend par fes ddcours balourds tout ce qu’il veut fa- voir, & fur-tout l’amour que Pantalon ^ <îu il tient enfermée, &c. Trivelin aborde Arlequin , feignant de le connaître & d’être de fon pays. Ils s embraflènt & deviennent les meil¬ leurs amis du monde. Trivelin profi¬ tant de la balourdife d’Arlequin , lui fmt accroire que Léandre fon Maître, elt Irere de Silvia, qu’il arrive à Li¬ vourne, exprès pour la déterminer au mariage, & que comme elle n’a jamais vu d autres hommes que Pantalon & Tome ni, J) 74 ^ ^ lui , U faudrait-par plaifantene, intro¬ duire Léandre dans l’appartement de Silvia, & que qette entrevue ne man¬ querait pas d’étre fort comique. ^ Léandre fui-vient. Trivelin lui tait aifément entendre fon projet, & Arle¬ quin l’introduit dans l’appartement de Silvia, où il fe cache, tandis quelle s’entretient enjcore avec Lifette, de tous les Héros des Romans qu’elle a lus, & lui dit qu’il y en a entr^autres d’une efpece quelle fouhaiterait fort de: voir. Pour s’en confoler , elle de¬ mande à Lifette un livre de mufique , dans lequel elle chante plufieurs airs par lefquels elle invite l’Amour à lui en procurer quelqu’un. On entend un pré¬ lude de flûtes douces, (i) fuivi d’une voix qui chante ces paroles. : L’Amour eft touché de vos larmes, Jeune Beauté comptez fur fon fecours, Ce Dieu qui veille fur vos jours. Par le , plus tendre Amant va finir vos allar- mes, (i) Il y a apparence que Léandre favait jouer de la flûte', & qu’il s’était muni de cet inftrument pour venir au rendez-vous. 7 ^’ du Théâtre Italien, MIritez fes faveurs par un jufte retour, iJe cœur feul peut payer lés bienfaits. que Léandre eft ion neveu ; que fa fœur qu’il croyait morte, ne l’était pas, qu’elle avait époufe depuis, le Signor Stephano, & que Léandre était -le fruit de leurs amours. En6n Panta¬ lon convaincu de la prédiâion du Doc¬ teur, qui portait que fon neveu epou- ferait fa MaîtrelTe, donne fon conlen- tement pour le mariage de Léandre avec Silvia, & leur abandonna tout fon bien. Arlequin époufe auffi fa chere Li- fette. LesEfclaves dont Pantalon a ftit préfent à Silvia, forment le Divertiuer- ment qui termine la Piece. Silvia leur donne la liberté en faveur de fon ma¬ riage. du Théâtre Italien^ VAUDEVILLE. D'un jeune Plumet vif & tendre, Philis voulant combler les vceux. Fut à rOracle pour apprendra S’il aurait toujours même feux 5 On lui dit que fuivant Tufage , Son bonheur le rendrait volage, Beautés fenfibles , fongez-y , Get horofcope eft accompli, X Un mari languiflant, débile , D’heritiers étant dépourvu , Pour en avoir, vit la Sybille 5 Voici ce qif il fut répondu : Le grand àit te ferait utile, ' Pour quelques mois quitte la Ville* Il eft fîx jours hors de chez lui, Et l’horofcope eft accompli, X L’Epoux d’une femme jolie , Dans l’embarras d*un gros Procès, Eut recours à l’aftrologie Pour en apprendre le fuccès ; On lui prédit viftoire entière , Si Madame fuivait l’affaire. D üj 7 * Hifioire Il le permit en bon mari, L’horofcope fut accompli. X On prédit à ccrtaine.Prude, Que.r Amour vaiDcraic ùi rigueur Elle redouble fon étude, Pour que l-Oracle foit menteur > Gens d’élite viennent chez elle Aucun ne fléchit dâ ^cruelle.. Il fe préfentc un .étourdi . Voilà rhorofeopè accompli.. ", ■ L’Epoux d’une belle Joueufc:,. Chez le Devin ^ppiâitun jour^ ^ ^ Que d’une e^rte.malheureiife. Il craindre luvmauvais toun Quel^qüeis; je^rs après Une perce ; _ Un Sous-îEermier fringant, alerte ,. Vint du matin.avant midi, L’horofeope était accompli. X Un vieux & grave perfonnage , Dans l’Hymen voulant s’engager L’Oracle lui dit qu’à fon âge, On doit craindre certain danger ^ du Théâtre Italien. 7^^ Toujours rempli de fa folie , ' Un beau matin il fe marie. Hélas ! avant le jour fini, L’horofcope était accompli. X Sur le point de faire un voyage, Damon voulut être éclairci, Si l’objet de fon tendre hommage , Ne le mettrait point en oubli 5 On lui prédit que fa Climene , L’oublirait avant la quinzaine. Il part Dimanche, & le Lundi L’horofcopc était accompli, Gettè petite Piece fut bien accueil¬ lie. Les Êegiilres de la Comédie ne lui donnent cependant que fix repréfenta- tions confécutives ; mais elle a été jouée plufieurs fois depuis. Elle eft de M, Gueulette, ancien Subftitut du Procu¬ reur du Roi au Châtelet, déjà connu par plufieurs PieceS, dont la plûpart ont été jouées avec fuccès, & parcott- féquent rappellé dans cette Hiftoire avec éloge; il nous en relierait beau¬ coup plus à lui donner, fi nousn*étions obligés par la forme de cet ouvrage, D iv §0 Hïfioïre de ne parler feulernent que du mérite littéraire & des talens dont les Auteurs ont fait preuve fur le Théâtre Italien. M. Gueulette y a donné les Pièces fui- vantes: Les Comédiens par hafard , Comé¬ die Italienne, mélée de fcènes Fran- çaifes, ert ^rois ades , en profe , non imprimée. Arlequin Pluton , Comédie Italien¬ ne, également mêlée de fcènes Fran- çaifes, & ornée de DivertilTemens, non imprimée. Le Tréfor fuppofé. Comédie en trois ades, en proie, auffi niêiée de Diver- t flemens, & imprimée dans le fécond Volume du nouveau Théâtre Italien. L’Amour Précepteur, Comédie en trois ades, en proie, fuivie d’un Di- vertiiremenr, imprimée dans le cin¬ quième Volume du nouveau Théâtre Italien. Et l’Horofcope accompli, dont nous venons de donner l’extrait, auflî im¬ primée au fixieme Volume du nouveau Théâtre Italien. Quand nous avons dit que M. Gueu¬ lette a donné toutes les Pièces précé¬ dentes au Théâtre, c’eft dans toute l’é¬ tendue de ce terme, puifqu’il a fait du Théâtre Italien. 8ri préfent des quatre premières aux Co¬ médiens , & de la derniere à Mademoi- felle Silvia. Il eft encore Auteur des Mille & un Quarts - d’Heure , Contes Tartares; des Avantures du Mandrig Fum-Hoam, Contes Chinois ; des Contes Mogols & de plufieurs autres Ouvrages -eftimés. Il eft mort le 22 Décembre dernier, âgé d’environ qua- trevingt-trois ans, regretté univerfelle- ment de fes amis, & de tous ceux qui le connailTaient. ZÉPHIR ET FLORE. Pajlorale héroïque^ en trois actes y eit Vers libres y mêlée de DiverùJJemensy 23 Août I~I2J. (i) ÎZjÉphir le plaint de Tinfenfibilité de Chloris, il va chercher cette Nym¬ phe qu’il aime, & qui arrive un mo¬ ment après qu’il eft forti ; fatiguée de la chaflè , elle veut goûter les douceurs du fommeil fur un lit de gazon, elle invite le Zéphir à rafraîchir l’air ; Zé- (i) La fttne eft dans une Forêt. D V Sa Hifioîre phir s’entendant nommer, vient à éHe-; il lui parle de fon amour ; elle hri jure une éternelle indiiFérence & fe retirei Zephir fe plaint de fon malheur; Vé¬ nus arrive dans un Char avec l’Amour ; elle invite fon fils à rendre Zéphir heureux; l’Amour lui répond que ce Dieu a toujours été rebelle-à fes loix, & que poiu: l’en punir, il veut qu’il lente tout le poids de fes chaînes. Vé¬ nus voyant qu*elle ne peut rien obte¬ nir de Ion fils par la douceur , lui parle d’un ton de mere qui veut être obéie l’Amour n’eft pas moins rebelle au commandement, qu’il a été infenfible à la priere. Vénus irritée, lui offre l’al¬ ternative d’obéir ou d’être banni pour jamais de Cythere. L’Amour toujours plus fier, choifit l’exil,. & fe retire en proteftant qu’il n’accordera pas le moin¬ dre foulagement à Zéphir. Celui - ci eft au défefpoir de ce qui vient de fe pafièr entre la mere & le fils, prévoyant qu’il fera la première viéfime de leur céfunion ; Vénus lui promet de mettre tous les Dieux dans fes intérêts. Zéphir fe retire ; Mercure vient annoncer à. Vénus , que Jupiter l’envoye pour ter¬ miner le fcandaleux Procès qui eft entre k mere & le fila; il lui dit qu’il vatra.- àu Théâtfe Italien, 8j valller férieufèment à mettre l’Amour à la raifon ; Vénus lui fait bon gré de fon zele & fe retire. L’Amour vient un moment après ; Mercure feint de pren¬ dre fon parti contre fa mere ; il a déjà difpofé les Dieux des Bois à le fécon¬ der dans fon projet ; il dit à l’Amour qu’il régnera bien plus agréablement dans ces Forêts que dans Cythere , on fa fuperbe mere prétend qu’il lui obéille» On entend une douce fymphonie ; Mer¬ cure fait croire à l’Amour, que les Di¬ vinités des Forêts viennent lui rendre hommage; il l’invite à s’aflèoir pour écouter leurs danfes & leurs chanfons,. & à la faveur du fommeil qui vient le furprendre , il lui dérobe fon carquois & fon flambeau & s’enfuit. A peine l’Amour eft-il défarmé, que les Sylvains; l’infultent; il s’éveille au bruit des bro¬ cards qu’ils lâchent contre lui dans leurs: nouveaux chants. Il eft outré du tour que Mercure lui a joué, & dit aux Syl- vains, que tout défarmé qu’il eft, il a encore aflèz de puiflànce pour leur faire fentir fa colere. Vénus s’eftfervie des traits que Mer¬ cure a volés à l’Amour; le cœur de Chloris a été blelfé , elle en fait l’aveui eharniant à Zéphir, qui en redoubfc D v- | î?4 Hijlûlre fa tendreflè pour elle ; fa joye éclate aux yeux de l’Amour, qui eft furpris de les voir fi tendrement unis fans qu’il s’en fi>it mélé & malgré lui-même ; il ne comprend pas comment une autre main que la fienne, a pu lancer fes traits; peut-être en foupçonnerait-il Mercure; mais Vénus ne le lailTe pas long-tems dans cette incertitude , elle vient armée de fon carquois, de fon flambeauinflilte à la difgrace de fon fils , & charge Mercure , qui la fuit , de porter les traits qui infpirent l’a¬ mour , au Souverain des Dieux , afin qu’il en difpofe en faveur de quelqu’au- tre que ce fils rebelle aux ordres de fa mere. Pour les traits de plomb qui font naître 1 averfion , elle fouhaite qu’ils foient jettes dans quelque gouffre pro¬ fond d’où on ne les tire jamais. Elle garde pour elle le flambeau deftiné à l’union des coeurs, & Mercure remonte aux Cieux pour exécuter les ordres de Vénus, qui fe retire après avoir acca¬ blé Cupidon de mépris. L’Amour ir¬ rité contre les Cieux, a recours aux Enfers. Il invoque Pluton , & le con¬ jure au nom de Proferpine , qu’il a autrefois attendrie , de lui prêter quelques Monftres qui puiflènt le fer- du Théâtre Italien, vlr dans fa vengeance. Plutan évoque la Jaloufie , qui inftruite par l’Amour de ce qu’elle doit faire, fort pour aller prendre la forme de Philis, Nymphe chérie de Chloris, qui paraît après que l’Amour s’eft retiré : elle fe plaint de ne point voir Zéphir. La Jaloufie fous la forme de Philis, lui fait entendre que Zéphir la trompe , & qu’il elV en ce moment à foupirer aux pieds de la Nymphe Aréthuie. Elle touche en mê¬ me tems Chloris d’un Caducée, autour duquel on voit des ferpens , & le char¬ me opéré. Chloris fort au défelpoir ; Zéphir vient , 8 c la faufle Philis le rend jaloux à fon tour, en l’all'urant que Chloris aime le Dieu d’un Fleuve & qu’elle en eft tendrement aimée. Le Caducée fait le même effet fur Zéphir qui témoigne fa douleur, & ne veut plus régner fur des lieux qui lui font devenus fi funeftes. Il invite les Aqui¬ lons à venir occuper fa place, ils y font des ravages affreux, Ûc le fécond aéle finit par cette Fête. Mercure defcend des Cieux pour la fécondé fois, & fait entendre que tous les Dieux veulent que Vénus fe récon¬ cilié avec fon fils, pour le bonheur de l’Univers, Sifloltc Le raccommodement fe fait aux cott- ditions que Vénus prefcrit à l’Amour. La première eft que Zéphir & Chloris foient parfaitement heureux. Cupidon eonfent à tout, pourvu qu’on lui rende- fes armes. Mercure les lui remet, ils fe retirent tous trois pour faire place à Zéphir & à Chloris. Ces deux Amans jaloux après quelques plaintes de part & d’autre , en viennent enfin à un éclaircifiement qui fuffit pour les défa- bufer & les réunir. Vénus, Mercure & l’Amour viennent fe réjouir de ce raccommodement, au grand regret de la jaloufie, qui par-là voit tous fes projets avortés. Mercure lui confeille d’aller fe confoler dans les Enfers, du mauvais fuccès de fon entreprife. La Jaloufie lui dit que Pluton l’en a ban¬ nie pour toujours J mais qu’elle s’en dé¬ dommagera bien par les ravages qu’elle prétend exercer fur toute la terre. L’A¬ mour lui défend de troubler jamais ces deux Amans, dont il prétend faire le bonheur ; la Jaloufie fe retiré. Zéphir change Chloris en Divinité des Bois, & lui donne le nom de Flore. Les Fleurs viennent rendre hommage à leur Sou¬ veraine. La Piece finit par une Fête de chant & de danfes dont Mouret a du Théâtre Ttalïerï^ fait la noufique. On y chantait auflî des a lets allégoriques fur la naiflance de ime Louife Êlifabeth, depuis Du- chefie de Parme^ Cette Piece qui eft de Riccoboni le fils, ne pouvait manquer d’être bien reçue d’un Peuple qui s’efl: toujours diftingué par fon amour pour fes Maî¬ tres. Elle eut dix repréfentations, avec tous les applaudiflemens que méritait le fujet Sc la maniéré dont il était: traité.. L’ISLE DE LA FOLIE. Comédie en un aüe en profe ^ futvie d’un Divenijfement j Z4 Septembre 1727. Cj U l l IV e R arrive dans l’Ifle de la Folie, où il était expofé à mourir de faim, fans le fecours d’un des habitans qui l’a trouvé fur un rocher. Cet habi¬ tant lui dit que les beaux efprits de l’Ifle l’ont apperçu à la faveur d’un telefcope. La folie de ce premier Infulaire, eft de vouloir réformer les mœurs ; il n’y a rien de fi aifé, dit-il; il ne faut pour y parvenir, qu’éteindre dans le cœur des hommes la foif des richefles, en déra¬ ciner l’orgueil, en bannir les faux pré¬ jugés , la médifance, la trahifon , & y fubftituer la candeur, la docilité, la fagelTe & la raifon , ce qui fait juger à Gulliver, de la folie des autres habitans, d’autant plus que ce réformateur fe croit raifonnable. Il fe vante de maintenir l’ordre dans l’Ifle, par la fagelTe avec laquelle il exerce l’emploi qui lui a été confié, & finit par lui apprendre qu’il s’appelle l’Équilibre, du Théâtre IcaHen, GULLIVER. Daignez m’expliquer de quelle ma¬ niéré vous l’exercez? L’ É Q U I L I B R E. Je vais vous en inftruire. Qu’une femme, par exemple, femble pancher vers un Amant qui la follicite vivement, je la retiens auffi-tôt par la bride de la pudeur. GULLIVER. Et cette bride-là eft elle allez forte pour la retenir long-tems en équilibre ? L’ÉQUILIBRE. Qu’un Courtifan envieux veuille dé¬ truire ouvertement la fortune d’un de fes Rivaux, je lui oppofe d’abord les intérêts de la fieane, qui le tiennent fi bien en équilibre, que ce n’eft qae par des voyes fouterraines qu’il agit contre lui. GULLIVER. Voilà un tour d’équilibre des plus fubtils celui-là. L’ÉQUILIBRE. Qu’une Coquette foit obfédée par Jpo Hijîoire un Vieillard opulent, & par un Ado- îefcent qui n’ait que fes appas pour tout revenu, je vous la tiens dans une £ï jufte balance, qu’elle met également à profit l’argeïit de l’un & les careffes de l’autre. GULLIVER. Admirez la fouplelïè, L’ÉQUILIBRE. Que vous dirai-je enfin ? C’eft par mes heureux talens que l’Ordonnance de toutes chofes eft fi bien diftribuée. Par moi les Speâacles fleuriflent éga¬ lement , & font dans une noble émula¬ tion. Au Philofophe marié, j’oppole le Berger d’Amphrife, & les Amours des Dieux aux petits hommes. GULLIVER. Ma foi, l’équilibre n’eft pas jufte, & (î vous en faites fouvent de pareils, vous courez rifque de vous caflTer le cou. L’ É Q U I L I B R E. C’eft moi qui oppofe aux grâces na- tu relies d’une illultre Danfeufe, une nouvelle Emule, qui partage le Public du Théâtre Italien, S)t încértaîn par des entrechats, des fauts & des cabrioles. G Ü L L i V E R. Oh;! je connais te goût du fiecle.} vous verrez que la Sàuteufe fera trébu¬ cher la balance. Une Habitante dans une autre fcène, aborde Gulliver en danfant & en chan»- G U L L I V E R. En vcrité, Mademoi (elle , vous me charmez ; vous êtes d’une humeur bleu «agréable. OC’H A B 1 T A K T E. Audi en ai-je fujet; & lorfque l’on va fe marier, c’ell un crime dans ce 'pays que de fe livrer à la mélancolie. G U L LIV E R part. Elle va fe marier ! que j’envie le bonheür de celui qui pofîédera tant de charmes !&.quel eft, adorable perfon- ne , le fortuné mortel qui?.. L’HABITANTE. Ma foi, je n’en làis encore rien, tout ce que je puis vous dire,, c’ell que c’eft ’ 5)2 mjlôire aujourd’hui mon jour de noces. Appre¬ nez que dsns ce Pays-ci, auffi tôt qu’une fille e(l parvenue à un certain âge, elle eft oKlige'e de fe marier. Grâce au Ciel, il y aune demie-heure que je fuis nubile, & je ne veux point laifler perdre mes droits. GULLIVER. Malpefte, vous auriez grand tort & vous faites fort bien de profiter du privilège. . . Si vous vouliez. . . L’H AB I TAN TE. Je vous vois venir ; vous allez fans doute vous propofer : allons, toppe, GULLIVER. Mais en vérité, cela efl charmant. On n a pas le tems de fouhaiter avec vous. Aurais - je le bonheur de vous plaire ? L’HABITANTE. Non , mais n’importe, cela n’eft point néceflaire. GULLIVER. Vous avez raifon ; c’eft à peu près comme chez nous. âu Théâtre îtaVun] ^ 5 ! L’HABITANTE. Bon, voici déjà un mari pour ma journée ; je fuis maintenant curieufe de favoir avec qui je me fiancerai ce foir. GULLIVER. Qu’eft-ce que cela fignifie ? L’Habitante apprend à Gulliver ; que l’on fe marie tous les jours , & les raifons quelle en donne, c’efl: pour n’avoir pas le défagrément du lende¬ main ; pour n’étre pas long - tems la dupe d’un mauvais choix , &ç. Cette Piece confîfte en différentes fcènes critiques fur les Ouvrages de ce tems, & fur-tout fur l’Ifle de la Raifon, Comédie en trois aéies de M. de Ma¬ rivaux, tirée des Voyages de Gulliver, chez les Lilliputiens ; elle eut moins de fuccès au Théâtre Français, que rifle de la Folie n’en eut au Théâtre Italien. Celle-ci qui eft de Dominique & Romagnefi, fut très-applaudie , & eut dix-fept repréfentations très - fui- ÿies. LES AMANS RÉUNIS. Comédie en trois actes en profe ^ z 6 Novembre (i) A I, E R E , amant de Léonor, at¬ tend avec impatience le retour- de Sca- pin, fon valet, qu’il a envoyé vers elle. Scapin revient ,& après avoir fait ^ fdn maître un détail très-crrconftancié de. fon voyage, ce qui contrafte comi*.' quement avec rimpatience.de. fon maî¬ tre , il lui rend la lettre dont il Và~ vait chargé pour elle , Si lui: apprend quelle n’eft plus chez fes parens, qui l’ont remife'entre les mains d un hom¬ me entre deux âges, qui 1 a emmenée dans un carofle à fix chevaux. Cette nouvelle accable Valere. : il ne doute point que-ce ne foit a un rival, qui doit époufer fa chere Léonor, que fes paricns l’ont livrée. Scapin a b.;au lui reprér fenter qu’il doit éteindre un amour qui ne fert qu’à le tourmenter; & qu.’il vau¬ drait bien mieux qu’il s’attachât à quel- (l) La fcènc eft à Paris dans la Maifon de Lclio. du. Théâtre Italien» rnais- fa bétife ne lui fait dire que des difc.ours à bâtons-roropus. L’arrivée de Coloin- bine le tire d’embarras & 1 oblige à le retirer. . Colombine qui ignore que Leonor Im a enlevé le cœur d’Arlequin, a pris auffi. de l’amitié pour elle. Colombine lui de¬ mande le fujet de fa profonde mélanco¬ lie, & lui promet une fidélité a toute épreuve. Léonor lui fait gré de ces aflu- ramees d’attachement & lui ditqu’elle en profitera déformais en ne fe contrai¬ gnant plus avec elle, devant qui elle pleu¬ rera déformais en liberté. Colombine lui demande fi c’eft là la feule marque de confiance quelle veut lui donner, lorfque du Théâtre Italien. lorfque Lelio paraît, & demande auffi à Le'onor quel eft le fujet de fa triftelTe. Gette fcene eft pleine de tendrefle de « part de Lelio, & de reconnaiflànce de celle de Léonor, qui lorfqu elle eft feule, fe livre a fes triftes réflexions. Léonor. Quelles font ces idées flatteufe s ou veut m infpirer ? Où tendent ces coti- feils intérefles ? Je ne l’entends que trop. Suis-je encore moi-méme ? Qui peut m’avoir changée de la forte > Je voulais -me plaindre , je n’ai fait que des remercimens. Je voulais me livrer aux murmures , je n’ai trouvé que des expreflions de reconnaiflànce. Que j’ai honte de ma faibleflè ! Quelle chaîne invifible m’attachait auprès de lui ! J’ai P l’écouter & garder le filence ! mal- heureufe Léonor es-tu de concert avec lui pour te perdre ? Valere. fufpendez vos reproches. Je fens que je ne, les mérité pas. Mon cœur eft toujours le meme ; il eft le même ! Pourquoi donc ne seft-il point révolté contre Lelio? Je ne me connais plus , tout me trou- ble ; tout me confond. Des la première fcene du fécond acte, Scapin apprend à Valere qu’il Tome III. £ ^ Bifloire vient de voir fa cherc Léonor, & qu elle eft chez Lelio ; Valere ne doute point qu’il ne foit fon rival, & jure^ qu’ij fe portera aux dernieres extrémités lî l’ob¬ jet de fon amour ne lui eft rendu. Scapin tâche de calmer cette impé- tuofité, lui confeille d’avoir recours à l’artifice & d’employer des moyens plus modérés. Il ajoute que Lelio cher¬ che un valet pour Léonor; Valere ne balance pas à fe propofer pour jouer tjn fi heureux perlonnage, il veut aller fe traveftir fans perdre de tems, mais Il en eft empêché par l’arrivée de ftm pere, qui vient lui propofer un ma¬ riage J dans les difpoCtions où nous venons de peindre Valere, on conçoit aifément la réponfe qu’il fait à cette propofifion. Oronte eft d abord affli¬ gé de la réfiftance de fon fils, quil foupçonne prévenu de quelque amou¬ rette , mais il fe flatte qu’il n’aura pas plutôt vu Léonor, à qui il le deftine, qu’il oubliera toute autre maîtrefle. Lelio & Oronte entament quelqu’ou- verture fur 1 établiflement de leurs en- fims, & tous deux conduits par le dé¬ fie de les unir enfemble, fe propofent une promenade , pour fe communiquer leurs projets. du Théâtre Italien. Léonor magnifiquement habillée, fui- yie de Colombine , fe reproche les égards qu’elle a confervés avec Lelio , il ne fe déguife plus. dit-elle , fa pro- fufion le trahit ; la vertu toute feule n’efl: pas fi généreufe. COLOMBINE. Quoi ! Mademoifelle, vous ne vou¬ iez point faire trêve à ces trilles ré¬ flexions f L É O N O R. Croit-il parer fon idole ? Veut-il me donner en Ipeélacle ? Si j’avais éclaté, je ne ferais pas réduite à cette extrémité. Voilà le ‘fruit de ma dou¬ ceur, elle 1 a flatté ;il l’a prife pour une fecretecomplaifance.il a cru que mon cœur ne tiendrait point contre ma va- nitd Vous vous trompez , Lelio, ce n eft que par l’eftime que l’on arrive à ce cœur, il fallait entretenir ce ref- peél involontaire qui m’attachait à vous; 11 m en a délivrée, je lui en rends gr⬠ce, c eft un danger de moins pour ma vertu. Léonor prie Colombine de lui faire rendre fes premiers habits , ôc de lui fournir les moyens de retourner chez Eij 'ïOO Jiifioire fes parens. Colombine la foupçonné d’avoir le cœur prévenu d’une forte paflîon ; elle la pfefle de lui en faire confidence , .& Léonor dont le cœur gonflé a befoin de s’épancher , lui avoue fon penchant pour un jeune .Officier. Colombine l’engage à oublier une paffion qui eft peut-êtroi. chimérique , jnais fans l’écouter, Léonor continue: 33 Accablé de la perte du feul homme 33 que j’aime , je n’ofe me plaindre : ce 33 n’efl: point aflèz , livrée au pouvoir 33 d’un autre que je crains, ma frayeur ■33 s’évanouit à fa vue : dès qu’il me 33 parle , mon cœur fe tourne vers lui, 93 & par une fatalité que je ne puis 33 comprendre, ilm’efl: aufli cher quand 33 je le vois , que redoutable quand je 33 ne le vois pas ». Colombine curieufe, comme de rai- fon, demande le nom de l’amant ai¬ mé à Léonor qui lui nomme Valere. Colombine qui le connaît pour être le maître de Scapin , lui offre fes fervi- ees lorfque Valere paraît lui-même tra- vefti en valet, ce qui n’empêche pas Léonor de le reconnaître , elle eft mor¬ tifiée de le voir dans une condition fi baffe. Valere ne l’eft pas moins de la du "théâtré Italien* ïot teVoir dans un état fi magnifique, il lui offre Ton fervice. Léonor toute inter¬ dite , lui répond que c’efi à Lelio qu’il doit s adrelTet, & elle fe retire pour lui dérober fon trouble. Valere frappé de la brufque retraite de Léonor , & de la froideur avec la¬ quelle elle lui a parlé, ne balance point a la croire infidèle y & raconte à Sca- pin , qui arrive, de quelle maniéré il en a été reçu ; Scapin lui confeille de Reprendre fes habits ; mais avant que de s en aller, Valere le charge d’une lettre pour Léonor, & le conjure de la lui faire rendre. Scapin s’adrefle pour cela a Arlequin, qui confent à remettre la lettre, pourvu que Scapin lui prête un des habits de fon maître, avec lequel il lui dit qu il veut aller au bal ; mais qu’il n emprunte, en effet, que pour mieux plaire a Léonor. Dans ces difpofitions, il fe garde bien de lui donner la lettre qu’il foupçonne être d’un rival. Il la jette, a terre , la foule aux pieds, lui dit des fottifes, & lui donne des coups de batte. Lelio vient fans être apperçu, la lui arrache , & la leéèure qu’il en fait lui apprend que Léonor a un amant fe- eret, qui ne fe nomme pas dans cette E iij 102 fl^oire lettre ; ce qui lui fait prendre la relb- lution d’ufer d’artifice pour le recon¬ naître. II ordonne à Arlequin de l’at¬ tendre ; il revient & lui donne deux lettres, dont l’une eft pour Léonor » Sc l’autre pour cet amant inconnu. Au troifieme afte , Scapin fait la guerre à fon maître fur la fidélité ridi¬ cule qu’il conferve à Léonor après la lettre qu’il vient d’en recevoir ; Valere lui répond que malgré les apparences » il ne peut la croire infidelle. Scapin fe charge d’éclaircir ce fait ; fon maître le quitte. Arlequin arrive pavé de l’habit qu’il lui a prêté, il le prie de lui prêter aufli un compliment pour fa maî- trefle. Il fe moque de lui, & le laiflej mais Lelio le furprend , & lui demande la raifon de cette extravagante maf- carade, & Arlequin lui avoue naïve¬ ment fon amour pcrur Léonor. Lelio après l’avoir tranquillemont écouté, le menace de lui faire donner cent coups de bâton, & de le faire jeûner pen¬ dant trois mois au pain & à l’eau,, cè qui amortit fur le champ fes feux, il court promptement fe déshabiller; & lorfque Lelio eft refté feul, il s’accufe d’avoir donné lieu à cette imprudence qu’il projette de réparer fur le champ. du Théâtre îtaüen, ,103 en inftmifant Léonor de fa naiflànce ; mais il en eft empêché par Oronce qui vient lui apprendre l’obftination de fon fils &les regrets qu’il a de le voir s’op- pofer à leur commun bonheur ; Lelio lui apprend qu’il eft plus malheureux que lui, & il lui confie la découverte qu’il vient de faire de la paflîon fe- crette de Léonor, Oronte l’engage à ne fe pas allarmer fur des conjeâures qui peuvent être vaines \ mais Lelio lui montre la lettre fur laquelle elles ne font c|ue trop fondées. Oronte recon¬ naît récriture de fon fils ; & n’ofe hafarder de faire part de l’efpérance qa’il conçoit, fans auparavant en être alTuré par Valere même. Il quitte Le¬ lio , qu’il prie d’aller foUiciter fon Rap¬ porteur pour un procès qui doit fe ju¬ ger le lendemain & d’où dépend la plus grande partie de fa fortune. Léonor veut abfolument découvrir à Lelio ce qui fe palïê dans fon cceur. LÉONOR. Il celTera d’aimer une fille prévenue pour un autre. Il me renverra à mes parens, & j’irai dans l’obfcurité de leur maifon cacher ma honte & mon défef- poir. 104 Hifloire COLOMBINE. Vous mç faites trembler! L É O N O R. Ingrate envers Lelio, trahie par Va-^ lere, inquiète, agitée , viélime éter¬ nelle de fentimens oppofés, qui me déchirent tous enfemble, qu’ai-je en-: eore à ménager ? COLOMBINE. Voulez-vous m’en croire l comment cez par oublier Valere. L É O N O R. T; L’oublier ! ce ne ferait pas le pu- .nir , ce ferait me punir moi-même : j’agirais contre mon cœur. COLOMBINE. Quoi ! lorfqu’on vous abandonne, vous ne ferez pas le moindre effort pour vous venger. L É O N O R. Non .Colombine, je n’imiterai point Valere, l’amour intérefle s’offenfe de tout, l’amour généreux ne s’olFenlê de lien ; indépendant des évenemens, il du Théâtre Italien. lOy, fubfifte par lui-même dans un cœur dont il s’eft rendu maître ; l’inconf- tance, les ijijures, rien ne l’alFaiblit. Il ne s eteint pas même , lorfque l’ef- pérance ne le foutient plus ; mais que dis-je , je n ai jamais efpéré : fi je vous parle d un air moins timide, c’eft qu’on ne peut plus me foupçonner d’ambi¬ tion. COLO AlBINE. C eft marquer trop de délicatelTe pour un ingrat, pour un perfide. L É O N O R.. Colombine, refpeaez Valere, il peut cefler de m’aimer fans mériter ces noms. C O L O M B IN E. C’eft peu de ne vous plus aimer, il vous accufe d’être infidelle vous- même. LÉO N O R. Voulez vous que je juftifie Tes foup-^ çons? C O L O M B I N E. Je veux que vous ceflîez de vous rea- dire malheureufe. E V 10^ Hijtoire L É O N O R. Je n’en ai pas le choix: fon infidélité me déferp re. elle m’accable; mais elle ne peut 1 effacer de mon cœur. Ah 1 Valere ! que ce cœur était digne de vous ! il n’en a pas connu le prix : le plaifir d’être aimé, ne pouvait feul le rendre heureux ; il fallait quelque chofe de plus à fon ambition ; qu il y coure > j’y confens , je contribuerai à fon bon¬ heur : qu’importe ce qu’il m’en coûte , loin de me plaindre , je me félicite, & j’imagine avec tranfport que la fortune» de concert avec l’amour , lui prépare un fort digne de lui. COLOMBINE. C’eft dommage que votre rivale ne vous entende , elle vous remercierait» L É O N O R. Quelle que foit cette rivale ,■ eWe a fans doute de la naiffance, du bien » de la beauté : qu’ai-je à oppofer à tout cela ? L’inconftance de Valere m’ouvre les yeux fur mon peu de mérite : ai¬ mer , pleurer, me taire, voilà mon partage» du Théâtre Italien, *07] COLOMBINE. MademoifeKe , je cro-is que c'eft: Valere qui s’avance, vous pouve* tout à loifir lui étaler ces nobles fenti- mens. L é O N O R. Nous n’avons plus rien de coin-' mun , je ne veux point le voir ; j’ai¬ me mieux qu’il me croie coupable, que de le convaincre qu’il a tort. VALERE. La voilà l’ingrate 1 Scapin , quellé eft belle ! L É O N O R. Colombine, c’eft Valere. Vous eoi ai-je trop dit ? C O L O M fl f N E. Non, mais îe cœur ne répond pas à la mine. VALERE. Vous êtes furprife , Mademoifelle , de me voir encore ici ? je le fuis moir «nême ... votre procédé... I08 ' Hijlolre L É O N O R. Je croyais, Monfieur, que c^’était à moi à me plaindre. V A L E R E. Quoi ! loiTque défefpéré de votre perte , je vous cherche par-tout, lorf- que charmé du plaifir de favoir où vou; êtes, je rifque tout pourvous mar- 3 uer ce plaifir , vous me fuyez fans me ire une parole, fans daigner me re¬ garder. L É O N O R. Pouvais-je faire autrement f Songez- vous à quoi vous m'expofiez ? V A L E R E. Vous aviez peur de ne pouvoir fbu- tenir mes reproches. L É O N O R. Je ne méritais pas ceux que vous m’avez écrit. V A L E R E. Ma lettre était tendre, palîîonnée*- iu Théâtre Italien. i L É a N O K. Si je vous la montrais cette lettre. V A L E R E. Si je vous montrais votre réponfe. L É O N O R. Ma réponlè ? moi je vous ai écrit ? VOUS in^en foupçonnez? Ils fe donnent réciproquement les lettres qu’ils, ont reçues, ils les défa- vouent, & concluent facilement qu’ils •font trahis. Valere propofe un enlè¬ vement a Léonor; mais elle ell trop vertueufe pour y confentir. V A L E R E. Craignez - vous de déplaire à Le-' lio ? LÉONOR. Non , je ne crains que vous. VALERE. Ne dilîîmulez plus, vous l’aimer. Léonor. J Pouvez-vous le croire ? J’avoue que des liens fecrets m’attachent à Leuo ; ï lO Hijfoïre Biais je fens que ce qui fe paffe en tnm pour luine nuit pas à ce qui s y pane pour vous. Vos droits s’y réunifient fans fe combattre. Si votre amour s en ot- fenfe, c’eft que vous ne lifez point d^s mon cœur. Mais enfin, quel que ioit ce fentiment inconnu y il faut m tenir de Lelio. ou ne me plus voir. V A L E R E. Vous obtenir de mon rival ! On entend du bruit. Lécmor force Valere de fe retirer, Lelio parait. Sc propofe à Léonor d’époufer un de fes amis. Après s’être long - tems dé¬ fendue , elle lui avoue avec franchile que fon cœur ne peut réfifter àValere. Lelio aufli furpris que tranfporte de cet aveu , fort précipitamment pour aller lui-même apprendre cette nou¬ velle à fon ami Oronte : pendant ce tems-là, Valere. qui a vu fortir Lelio, revient faire des reproches a Leonor î- mais ils font plus tendres qu’emportes, & les raifons que Léonor lui donne de fon obfiflance rattendrifTent & l’ami- een' plus qu’elles ne l’irritent. Cette Scène intcreflante ne dure pas long- tems. Lelio & Oronte reparaiflent bien- du Théâtre Itaiiert, ut L E L I O , Oronte. Valere nous a devancés > j'en fuis bien-aife. V A L E R E, à part. Mon perê avec Lelio ! Serait-il moA rival ? I É O N O R. Eft-ce la celui qu'on me deftineî LELIO. Non , Léonor, vous n’épouferee point un homme que vous haïfïèz; C’eft la moindre chofe que puifïe faire un pcre pour une fille fourni fe & aufE vertueufe. LÉONOR. Moi, votre fille ! VALERE. Qu’entends-je ? LÉONOR. Vous mon pere ! mon sœur me Ta- vak dit. LE.LIO. C’eft peu, que 'de ne vous point rendre malheuareufe, je veux travaUler TÎ2 Bifioife à mon bonheur en faifant le votrei- .Valere y voudra bien contribuer» O R O N T E. Je ne me fens point de joie ! VALERE. Belle Léonor, vous êtes donc a moî?l L É O N O R. Cher Valere ! Lelio me rend donc digne de vous 1- A R LE QU IN. Golombine j’ai fait une fottile.- COLOMBINE. Je le fais bien. S CA P I N. Je vas t’empêcher d’en faire une fé¬ conde. Il époufe Colombine.. Cette Piece eft une de celles dont le fucoès fut le plus complet & le rmeux mérité. L’intrigue en eft fimple , les caraderes naturels , le ftyle aifé & les fttuations intéreflàntes ; elle eft de Beauchamp, & eut quinze repréfènta- tioos très-fuivies & très applaudies* du Théâtre'Italien, 115- ARLEQUIN ROLAND. Parodie J 31 Décembre 172j. (i) A N GE Li QUE ouvre la Scène, & s’avance triftement fur le théâtre , né faehant, dit- elle, comment faire poia: accorder fon amour avec fa fierté. Thémire lui apprend que Roland doit fui envoyer inceffamment un préfeiït magnifique, 8d lui vante la libéralité de cet amant qui lui donne chaque jour dis nouvelles marques de fon amour. Angé¬ lique convient qu’il a beaucoup fait pour elle, mais qu’elle ne peut réfifter au penchant qui l’entraîne ; & que Mô- dor a touché fon coeur. THEMIRE, Air; ô réguingué, Médor I Madame y penfez^vous ? Pourriez-vous en faire un époux ? ANGÉLIQUE. Je veux fuivre un penchant fi doux. (t; La fcène eft à Paris, dans PApparte^ «içat d'Angélique, 114 îîijîoirc T H E M I R E. ! fi donc : qu’allez-vous faire t Medor n’eft que Clerc dfe Notaire. Angélique apperçoit Medor, & fe retire avec fa fuivante au fond du thé⬠tre , pour lui entendre chanter un grand air d’Opéra. Il l’apperçoit & l’aborde en lui demandant u Rcland lui a en¬ voyé ce beau préfent. Angélique pa- iraît interdite en regardant Médor, & lui ordonne de s’éloigner d’elle, 8c de partir inceflamment. Médor furpris de cet ordre cruel, la quitte en l’aflurant •qu’elle fera obéie ; mais que dans peu ■elle apprendra la nouvelle de fa mort. Angélique refte avec fa fuivante, & ne pouvant phjs fe contraindre, elle envoyé dire à Médor de différer fon départ. Thémire pour calmer l’inquié¬ tude de la maîtrefïè, lui annonce les magnifiques préfens que Roland lui en¬ voyé. Des Danfeurs danfent aulfi-tôt, & lui ofii ent uneDormeufe, une Bagno- lette, un tablier, un grand panier & une corbeille remplie de rubans. Après Î |ue les Danfeurs ont offert leurs pré- êns, ils fe retirent, & Roland arrive fort eropreffé pour trouver Angélique* du Théâtfe îtalien, 115 * Celle-ci très-embarraffee, l’évite, s’en¬ fuit dans la coulifïè, & le prie de ne pas la fuivre , feignant d’avoir la co¬ lique. Roland refte comme un benêt avec Thémire , à qui il fe plaint des mépris d’Angélique, qui ne veut pas feulement l’écouter, après toutes les dépenfes qu’il a faites pour s’en faire aimer, il fort au défefpoir en paro¬ diant ces vers de l’Opéra. Angélique, barbare, inhumaine. Quel barbare plaifîr trouvez-vous à ma peine? Angélique revient & avoue à fa con- fidente , quelle n'a feint d’avoir la co¬ lique , que pour fe dâïarrafler des im- porcunités de Roland ; & voyant pa¬ raître Médor, elle fe retice. Médor eii- ere, & dit qu’Angélique la fait prier par là femme de chambre de ne pas par¬ tir ; mais que malgi^ cet ordre , il n’écoute que fon défefpoir, ne doutant prefque pas qu’elle ne veuille le trom¬ per. Il fort de fa poche une grande écritoire , en tire un can-if & va pour fe percer en difant ; Mourons en Clerc de Notaire, Mais Angélique qui l’obfervait ; court à lui & l’empêche de fe tuer* i t6 ' Èifloire elle lui fait l’aveu de fon amour ; & ifs fe jurent une tendreflè éternelle. An¬ gélique voyant revenir Roland , dit à Médor de fortir par un efcalier déro¬ bé ; mais celui - ci qui craint encore qu’Angélique ne le trompe , fe cache derriefe un paravent pour entendre leur entretien^ Roland revient plus amoureux que jamais, & fait de tendres reproches à fa maîtrelTe , qui laide échapper u» foupir , & feint d’etre fenfible à l’a¬ mour de Roland. Après cette déclara¬ tion , Angélique lui donne rendez-vous à minuit dans la falle du bal de l’O¬ péra, Boland l’aflure qu’il n’y man¬ quera pas& il fort très-làtisfait de là ehere Angélique. ' • ■ Médor qui était caché derrière un paravent, & qui a écouté attentive¬ ment la converfation de Roland de d’Angélique , s’emporte avec fureur contr’elle. Celle-ci l’appaife en l’aflli- rant qu’elle n’a feint d’être touchée de l’amour de fon rival, que pour l’éloi-, gner. Elle lui ditd’aller l’attendre à Poidy, où ils prendront les batelets pour al¬ ler s’établir à Rouen. Médor ne fau- rait fe réfoudre à la quitter, & lui dit J . Théâtre Italienl nj il aimerait autant mourir que d’être privé de fa vue. angélique. Etes-vous f®u, Médor ? vous êtes le plus heureux de tous les amans & vous Voulez toujours mourir. MEDOR. Excufez,je fuis un peu benêt & j’ai toujours peur. ... Angélique le rafllire en lui difant qu elle a pris fes mefures d’avance , & flue Roland qui croit la rejoindre au bal, ne trouvera a fa place que des roafques qui fe moqueront de lui. An¬ gélique & Médor fortent enfemble. r 11 ^^ change & repréfente la lalle du bal de l’Opéra, meublée dégla¬ cés , de vafes & d’autres ornemens ; il examine la nouvelle décoration , fie chante ce couplet, fur Pair ne nfen^ tendc’i-vous pas. Ces tapis font brillans, Ces glaces rnagnifiques. Ah i qu*il faut de rubriques Dans ces endroits galans, Pour attraper fîx francs f i) ! ne prenait avant cette nouvelle décoration, livrçs par place au Bal de BOpéta, & cefuç fj îS Hiftoifâ Roland entre dans cette falle eft chantant : Ah! j’attendrai long-tcms, minuit eft loin -encore. Il regarde fa montre, & voyant qui! n eû qu onze heures, il chante fur Ta^r y avance y avance* ^uc ma montre va lentement 1 Elle retarde aflurément, Jaloufc de ma bonne chance , Avance, avance, avance, Car je me meurs d’iir p idence. Il lit enfulte deux écriteaux attaches aux coulifles comme à TOpéra, Angélique engagé fon cœur , Médor en eft vainqueur. Quel eft donc ce Médor ? c eft un nom inconnu , je n en ai jamais enten¬ du parler. A I K- On TÎaime plus dans nos Forêts. Ceft moi feul Il ôte aux Gafcons lappetit ; ifour obtenir les faveurs ii>uh2itéc5 >. du Théâtre Italien. Tous les Amans font des prothées. Ah ! que l’amour, &c. La Muiîque des trois Divertiflèmens eft de Mouret. Elle ne fut point enfe- velie dans la chute de la Piece qui fut mal reçue du Public, non qu’elle n’eue des fcènes aflèz plaifantes, mais la fai- WelFe du fujet, l’abfurdité de l’intrigue qui convenait plutôt à un Canevas Ita-r lien, qu’à une Comédie Françaife, lui procurèrent ce mauvais fort. Elle eft de M. Lacroix, & c’eft la feule Pièce que cet Auteur ait donnée. Il était fils d un Armurier du Roi; il pafla par plu- lîeurs emplois dans la Finance, &,de- vint premier Secrétaire de M. le Ma¬ réchal Duc de Biron, Infpeéèeur Gé¬ néral de l’Infanterie. Après un feryice de douze ans, M. Lacroix fe retira avec une penfion de 4000 livres, qu’il obtint de la Cour, & mourut en âgé de 70 ans.^ T i^s, Hijloire LA SUITE DES COMÉDIENS Esclaves. Prologue J IJ 28. Ij e s Comédiens donnèrent à la fois trois Pièces, l’AmantàlaMode, qui ne fut jouée qu’une feule fois, Arlequin Huila, & la Revue des Théâtres qui eurent plus de fuccès. lïs remplacèrent à la cinquième repréfentation, la pre¬ mière de ces trois Pièces, par un Pro¬ logue intitulé : la Suite des Comédiens Ejfclaves. Les Comédiens font de même fup- pofés avoir été jettés par un orage fur les côtes de Maroc, dont le Roi les a retenus dans fa Cour, pour leur faire jouer la Comédie. Aly vient de fa part ordonner aux Comédiens, de jouer fur le champ une Piece nouvelle, parce que le Dofteur a promis au Sultan, qu’ils ne l’en laifferaient pas manquer, ARLEQUIN. C’eft vous, maudit Doéleur, qui êtes caufe de cela. du Théâtre Itariefi. "^3fi Le DOCTEUR. J’ai cru qu’il voulait des Pièces Ita¬ liennes , & je comptais fur la facilité que nous avons de parler à l’impromptu. PANTALON. Cela eft vrai, & fi M. Aly en veut faire l’épreuve, nous allons, le Doc¬ teur & moi, lui faire une léène Ita¬ lienne qui durera jufqu’à demain. ALY. Je vous rends grâce, ... il faut diï Français. ARLEQUIN. Il ne nous en refte plus, & les bons Auteurs font auflî rares dans ce pays-ci» que dans celui d’où nous venons* ALY. Compofez-en vous-mêmes. À R L E QU I N. Qu’eft-ce à dire, M. Muftapha, eft^ ce que vous nous prenez pour des Poètes? Point d’injures s’il vous plait»^ ALY. La favorite eft Françaife, II faut Hifloirt Français qui n’ait point encore paru j; fi vous ne vous dépêchez,, il pourrait bien couper la tête à toute laTroupe^ Le S ü L T A N, arrive, Que l’on commence. ARLEQUIN. Qu’allons nous faire ! Pantalon > dc- clame-lui les fureurs d’Orefte.- Le DOCTEUR. Difons tout ce qui nous viendra dans la penfée. PANTALON. Gela fera pitoyable. ARLEQUIN. Tant mieux, il le prendra pour une Piece nouvelle, Le SULTAN. Comédiens, à quoi vous amufez^ ^ous donc ? ARLEQUIN. Tout à l’heure, Monfeigneur; mes amis, fuivez-njoi, je vais vous tirer d’embarras » en mettant le feu aitferiaiL du Théâtre IfaVien. 'ï5jfc' Le SULTAN. Comment votre Pîeceeft- elle intita^ lee? ARLEQUIN.. LTncendîe de Troye. Le Sultan s’apperçoit de l’embarras; des Comédiens, & le redouble par fes menaces î dans le moment on vient" avertir le Sultan, que fes Pirates ont pris un Vaiffeau fur lequel fe trouve un homme qui ne veut point abandon¬ ner une callètte qui renferme un tréfor. On fait paraître cet homme qui fe dé- fefpere de la prife de fa caflette.. Elle eft ouverte , & elle renferme des papiers ^ui appartiennent au Poëte^ On lit 1^ titres : l’Amant à la Mode, Comédie Françaife: Arlequin Huila»,Pièce Tur¬ que. ARLEQUIN. Arlequin Huila 1 cette Pîece eft dans le Théâtre de la Foire. Le POE T E. La mienne ne lui rellemble nullëi^ ment. On peut travailler fur des fu|ets. Hljiolre connus. Voyez les Marîaaifïes & ΀^ (Edipes. ARLEQUIN. Parbleu, voyez-les vous-même. Le SULTAN, Continuez. Le BACH A. La revue des Théâtres. Le Sultan demandeauPoëte,fî c'efi le tréfor qu’il craint tant de perdre. H en convient. A R L E QU I N Avec de pareils tréfors , les Comé-i qui mourut de chagrin peu de tems après. Elle était alors fi jeune , que la feule chofe qu’elle peut fe rappeller , c’eft qu’elle lui atta¬ cha au bras un bracelet qu’elle a toujours porté ; & lui apprend enfuite qu’elle Fut conduite à Maroc & defttnée à être la Sultane favorite du Pacha» qui la reçut dans fon ferre il avec tout l’éclat q[u’exige cette dignité ; qu’on la fît pallèr enfuite dans l’appartement ma¬ gnifique qu’on lui avait préparé , & qu’un jour en attendant l’arrivée du Pacha, elle fe mit à une des fenêtres de fon appartement» d’où elle apper- çut un jeune homme qui l’examinait avec une atténtion qui lui devint fuf- peéie j qu’elle lui fit fîgne de fe reti- (i) La fcenc eft dans une Ule dépendante dit Royaume de Maroc. àu Théâtre îtaîlen'. i’cr par la crainte du péril où il s’ex- -pofait ; mais cer homme n’entendit ou feignit de ne pas entendre ce figne, îl s’approcha encore davantage de J’endroit où était Zaïde, malgré les inftances qu’celle fit pour l’en empê¬ cher , il trouva le moyen d’entrer dans fon appartement par cette fenêtre ; auflîtôt il fe Jetta à fes genoux , en l’aiTurant que depuis plus d’un an il avait cherché l’oecafîon de lui donner des preuves de fa tendrefle. Ils fe ju¬ rèrent dès-tors une fidélité éternelle. Ils projettaient enfin de s’évader enfem- ble, quand le Pacha arriva. Il fit jetter l’étranger par une fenêtre qui donnait fur la mer, & Zaïde fut renvoyée fur te champ, avec ordre de la vendre au. premier Marchand qu’on trouverait. Enfin étant arrivée dans l’Ifle, dont lAchmet eft Pacha, elle lui fut ven¬ due ; mais comme elle ne l’aimait point & qu’elle ne fongeait qu’à fon cher Etranger de Maroc, Achmet la répu»* dia fans l’avoir même époufée. Il ne fut pas long-tems à s’en repentir, & de¬ vint dans la fuite fi amoureux d’elle . ^u’il lui propofa un Huila (i). Zaïde ( i ) Lorlqu’un Mahométaa a répudié ik. ï 4® Jlijloît'e y confent, pourvu qu’il la quiete , d’a¬ bord., après la cérémonie. Achmet croit que 1 amour que Zaïde a pour lui, lui dide cette condition ; mais il fe trompe fort, car un inftant après , elle ap¬ prend a Fatime, qu’elle fonge à le fau- ver pour retrouver, lî elle le peut, fon premier amant. Achmet chargé l’Iman de lui trou¬ ver un Huila qui époufe & répudie Zaïde : celui-ci lui répond qu’il a dans la Mofquée un Etranger qui fera fbn affaire. Cet Etranger eft Arlequin, qui accourt apprendre à l’Iman , que tous les Derviches font en combuftion. L’ I M A N. Quel eft le fujet de leur querelle ? arlequin. Il eft très “important, le Gouver-^ neur leur a envoyé un bœuf, ih font en difpute pour la fauce qu’ils y fe¬ ront. L’Iman lui propofe d’être le Huila femme, il ne peut la reprendre qu*an autre homme ne lait époufée , & répudiée aupara¬ vant. Ceft ce fécond mari, qu’on appelle im Huila. ^ a «T-"J 14 ce Zaide; mais Arlequin le i-efufe parcequ’jl a fait déjà une maîtrefle Maroc, L' I M A N. Ce que je vous propofe ne vous empêchera pas de remplir vos def- leins. Ceci n'eft qu’une efpece de ma- riage dont le pouvoir ne fubfifte que julqu a la pointe du jour. arlequin. Avez-vous vu beaucoup de maria- gps qui ayent fubfifté plus long-tems ? J ap^pelle cela un mariage dans toutes les formes, moi. L’ I M A N. Et le mari delà Dame, après que vous 1 aurez répudiée , vous comptera deux cens fequins. arlequin. Les bons maris dans ce Pays-ci ' dans le mien c’eft tout le contraire* II confent volontiers au marché & U J® ^ Achmet, qui ên- çhante de la figure extraordinaire d’Ar- lequin. convient que l’Iman ne pou¬ vait trouver un homme plus propre a remplir fes delTeiqs. ^ ^ fjfÆi Hijlolre Plufîeurs Sultanes arrivent au fon des înftrumens cjui conduifent en ceremo¬ nie Zaïde , qui eft voilée. Plufieurs* Turcs conduiient de meme Arlequin, à qui Ton chante. Huila, que vous êtes heureux ! Aujourd’hui l’Hymen vous Et dès demain un doux veuvage, Vous délivrera de fes nœuds 5 Huila, que vous êtes heureux ! Après la cérémonie l’Iman rappelle à Arlequin les fcrupules que celui-ci lui avait montrés à caufe des prome^ fes qu’il a faites à fa première maî- treffe ; mais Arlequin répond qu’il les lui a levés. L’ I M A N. Depuis i’y ai fait réflexion, & je les al trouvés mieux fondés que je ne croyais d'abord. ARLEQUIN. Ma foi tant pis pour eux, je m’eri lave les mains , je me fuis fié à vous , je croyais que les gens de votre ca: jaâere étaient infaillibles. du Théâtre Italien. L’ I M A N. Il faut agir avec votre femme com¬ me fi vous n étiez pas fon mari. arlequin Ah ! je ne la gronde ni ne la rolîê; L* I M A N. Ne lui pas parler, ne la pas regar¬ der. arlequin. Ne la pas regarder f ce ferait faire comme fi j étais Ibn mari depuis dix ans. Mais fi elle me parle , il faudra bien que je lui réponde. ' L' I M A N. Elle ne vous parlera pas. arlequin. Ce font fes affaires au moins, car je ne vous réponds de rien, fi elle entame Ja converfation. Arlequin s’allèoit dans un fauteuil dans un coindu théâtre, Fatime amene Zaïde , qu’elle place dans un autre fau¬ teuil , & lui dit de ne rien craindre, parce qu elle va refter da.ns une chaïq- bre voiCne. Hyiolre Zaïde croyant que le Huila s’ap¬ proche d’elle, s’en éloigne encore da¬ vantage , & Arlequin en fait de même de fon côté. Après plufieurs jeux de Théâtre, Zaïde voyant que le Huila n’eft pas fort à craindre , entre en converfation , & lui demande s il n a rien à lui dire. ARLEQUIN. Non, ce n’eft pas d’aujourd’hui que je paflè par des avantures amou- reufes. La fin'm’en eft toujours fu- nefte. Vous avez donc été amoureux, lui demande Zaïde. Arlequin lui dit qu’il a perdu une maîtrefle qu il aimait ten¬ drement. Zaïde lui répond qu’elle eft dans le même cas, & qu’elle n a ja¬ mais refté plus d’un quart d’heure avec fon amant. Cette circonftance oblige 'Arlequin de s'approcher de Zaïde, à laquelle il raconte fon avanture de Ma¬ roc , & le faut qu’ii a fait par la fenê¬ tre ; Zaïde qui lui parle aulfi de cette avanture, ne doute plus qu elle ne foit avec fon cher Arlequin. La lu¬ mière qu’on apporte, achevé de l’en convaincre. Achmet arrive , ôc veut donner une bourfe de deux cens fe- du Théâtre Italien^ quins qu’il a promis à Arlequin. Il lui j'efule J dilant qu il ne les a pas gagnés, puifqu il veut garder fa chere Zaïde! Le Cady furvient pour être témoin de la répudiation, & menace Arlequin de la baftonnade, s’il ne veut pas la faire. Zaïde veut faire préfent de fon brace¬ let au Cady, pour obtenir la grâce d’Arlequin ; mais à peine le Cady a- t-il jetté les yeux fur ce bijou, qu’il lui demande de qui elle le tient. Il était a ma mere, répond Zaïde , elle me 1 attacha au bras quelques jours avant fa mort. Le Cady l’embralfe & la re¬ connaît pour cette chere fille qui lui fut enlevée fi jeune avec fa mere, par des Corfaires, & confent enfin qu’elle garde fon cher Arlequin pour époux. Ce mariage eft célébré par des dan- les & un Vaudeville qui termine la Piece. VA UDEVILLE. Si vous voulez voir des époux Pâcheux, jaloux , Venez chez nous, Vous en venez en abondance ; Mais fi vous cherchez des maris. Tome ///; Q : mjloirc Qui foient commodes & polis I Allez en France. % Ici Ton termine lin Procès, Avec fuccès » A peu de frais , Et dès la première audience ; Mais fi vous voulez chicanner, Bien attendre & vous ruiner. Plaidez en France. X Lorfque l’on nous grille chez nous j C*eft aux verroux, Que nos époux Doivent toute notre conftànce \ Mais lorfcjue par un heureux fort. Nous prenons une fois l’efibr , C’eft comme en France. X Quand des Huilas dans ce pays Sont établis , C’eft aux maris Qu’ils doivent cette préférence; Ailleurs , on ne fuit point ces loix , C eft par les femmes, que le choix S’en fait en France, du Théâtre Italien,. ï 47 ; LA REVUE DES THÉÂTRES. Comédie en un acte en profe ^ fuivle d’un DivertiJJement J lyzS, (i) M O M U s ne paraît pas trop con¬ tent de l’emploi qu Apollon lui a don¬ né, de faire un examen général des Pièces qui ont été repréfentées pendant le cours de l’année. Il dit que pour épargner aux auteurs les frais du voyage il a convoqué cette aflèmblée à Mont¬ martre plutôt qu’au Parnaflè. , Deux femmes fe préfentent à Mo- mus pour avoir audience. La première eft la Surprife de l’amour des Italiens, & l’autre la Surprife de ^l’amour des François. Elles fe querellent devant lyiomus : l’aînée foutient qu’elle vaut mieux que la cadette, qui lè croit plus aîmable, parce que fon pere le lui a dit. L’ A I N Ê E. Ne vous y trompez pas ; fouvent les peres donnent à leurs enfans, ce G ij (i) La fcène cft à Montmartre. [ 14 ? H’ijlolre que le Public leur refufe. lien eft d’un pere comme d’un Poëte (^ui lit fon ou— Yrâge J il Tourit noncliHlâmment uux endroits qu’on applaudit, tandis qu il fe tourmente pour faire valoir ceux que l’on blâme. M O M U S. Elle a raifon. Je f us perfuadé que votre pere a dû fe donner bien du mouvement pour défendre Meilleurs vos petits freres. La CADETTE. Nos freres ! qui ? les petits hommes f oh doucement je vous prie, ils ne font pas du même lit. M O M U S. Pardonnez - moi, vraiment ; vous nvez été lemes fur la meme couche, mais brifons-là. Momusfait le portrait des deux fœurs, & conclut qu’il y a entr’elles un grand air de famille. Il eft cependant prêt à décider en faveur de la cadette , lorf- que Hortenfius parait, il s étonné que ^tte cadette veuille entrer dans une concurrence onéreufe à fon individu, Mo- mus furpris de ce langage, demande du Théâtre Italien, à la cadette quel eft cet homme. La C A D E T T E. C’eft le Seigneur Hortenfîus , mon Bibliothéquaire , un fameux Philofo-, phe ; il eu un peu pédant. M O M U S. Lui pédant ! à fon langage je l’au¬ rais pris pour un Huiflier, La CADETTE. Souvenez-vous que vous m'avez pro»^ mis de décider en ma faveur. M O M U S. Ma foi, Madanae, votre pédant eft venu bien mal à propos, il a tout gâté. L’ A I N É E. Je fuis au comble de la joie 1 La CADETTE. Jugez, L’ A I N è E. Prononcez. HORTENSIÜS* Optez. G iij ijo lîijloire M O M U S, chante. Jean, danfe mieux que Pierre, Pierre, danfe mieux que Jean. On annonce l’Amant Prothée & les Amans déguifés. L'Amant Prothée veut avoir le pas fur l’autre , parce qu’on lui a fait les mêmes honneurs qu’à Dom Ramire. M O M U S. Quel eft ce Dom Ramire, je n’en «i point entendu parler ? L’AMANT PROTHÉE. Je le crois bien, il a pafle comme un éclair ( i). Après quelques traits contre la Tragédie d’Alcefte, viennent TOpé- ra d’Orion & le pas de trois danle à l’embouchure du Nil ; Momus con¬ damne l’Amant Prothée & l’Amant dé- guifé, à fe faire imprimer à leurs dé¬ pens. On annonce les Amans réunis. MOMUS. N’eft-ce pas cette Piece qui a réulE fur le Théâtre Italien, & qui eft im¬ primée l Eh bien , je la lirai au premier (i) Si'le Critique eut été plus méchant, il aurait pu ajouter j mais fans briller. du Théâtre Italien, ïj*! jour. J’ordonne en attendant, un plus ample informé. L’Opéra perfonnifîé fe préfente. Comme il eft entré fans fe faire an¬ noncer , Momus lui demande fon nom, Sc l’Opéra chante ; Pat mes accords doux 8c touchans, J’infpire la tendrefle, Tous mes pas font des fentïmens. «. a» • • • • « a Tantôt je vole jufqu aux Cieux, Et tantôt je defcends dans la nuit éternelle." • • • • . • • « Enfin je fus jadis Roland , Ëellerophon, Tancrede , Théfée, Grion, Et le Proteéleur de la Foire. MOMUS. Vous êtes l’Opéra; mais que venez- vous faire ici.? Je ne vous ai point mandé ; l’Opéra n’eft pas de mon dil- trid, & Apollon ne m’a commis que pour juger des ouvrages d’efprit. L’ O P É R A. Audi n’eft-ce pas ce qui m’amene ; c’eft une certaine reftitution.. . . La Foire paraît, & demande jullice contre l’Opéra, qui ne veut pas la faire G iv lya Uifiolre jouir du privilège qu’il lui a vendu. La FOIRE. J’ai payé d’avance Monfieur l’Opéra , Il a ma finance ; L’OPÉRA. Et la gardera. Notre bail eftyen bonne former ^ • Pardevant Notaire palTé. La FOIRE. Il fera cafle. L’O P È R A. La Belle , attendez-moi fous rorme^ De l’argent touché , Eait toujours tenir le marché. La Foire propofe à l’Opéra de lui céder fon théâtre, puifqu’elle n’en a pu avoir à la derniere Foire. M O MUS. Air : J» ne fuis né ni Roi, ni Prince, Sut fon théâtre, quel fcandale ! La F OI R E. Je prétends être fon égale, N’y déroger non plus que lui i du Théâtre Italien^ Xj'3 Tout eft commun dans nos couIliTes , Et fon privilège aujourd’hui, S’étend jufques fur mes Aârrices* L’Opéra ne veut rien rendre, & la Foire fort en l’accablant d’impréca¬ tions. A I R : Non je ne ferai point. Que tout à r©péra penchant vers fa ruine y Eprouve les fureurs d’une guerre inteftine , Et pour te fouhaiter des maux pareils aur miens. Qu’un jour tous mes Auteurs puifTent être les tiens I M O M U s. Quelles imprécations ! cela ne vous fait-il pas trembler? U O P É R A. Bon, je m’embarraflè bien des Poètes & de leurs paroles. Il fe retire, & on annonce l’Ifle de la Folie. L’Habitante qui jouait le prin¬ cipal rôle dans cette Pîece , eft dit-elle envoyée de la part de fes Auteurs. ?4o- mus ilui répond qu’ils n’étaient pas trop bons pour venir eux - mêmes à Montmartre, L’Habitante les exeufe fur leur timidité ; c’eft , répond Mo- mus, ce que j’ai remarqué dans vatre! If 4 Tîîjloîre fcène. N’efl-ce pas vous qui vous ma- nez tous les jours ? L’HABIT ANTE^ Ouij Seigneur. M O M U S. Cela efl fort timide. L’HABITANTE. Pouvaient - ils mieux caraflériïëit rifle de la Folie , qu’en faifant marier tous les jours fes Habitans ! M O M U S. Ils font bienheureux que le Parterre ait pris les chofès du bon côté. L’ H A B I T A N T E. De grâce, foyez-leur favorable. M O M U S. Ont-ils fait imprimer leur Piece ^ L’HABITANT E.. Sans doute. M O M U S. Tout ce que je puis faire pour leur fervice, c’eft d’empcçher qu’on nel’a- chete. du Théâtre ItaVien, L’HABITANTE, Il faut que vous y ayez déjà pourvu, car le pauvre Libraire s’en plaint. Arlequin Roland arrive, monté fur un âne. Il a d’abord quelque difpute avec l’Habitante, qui foutient qu^’elle vaut mieux que lui, & qu’il n’y a eu que le tapage qu’il a fait, qui a caufé le wccès de fa Piece» L’HABITANTE. AI R : Y avance , y avance^ Moiifîeur Roland, en bonne foi ^ Peut-il fe comparer a moi ? ARLEQUIN. Mais voyez quelle fuffifante! L’ H A B I T A N T E. Avance, avance, avance, Avec tes cruches de fayance Roland prefiè enfin Momus, de dé¬ cider fur le fort de ces deux Pièces. MOMUS. Eh bien, par refpeâ; pour le Public qui s’y'eR' diverti, je vous appointe; c’efl: la plus grande grâce qu’on puiffe faire aux mauvaifes caufes. * Qu’il cafTait à la fin de la Ptece, coram en a pu To^ir dans Textrak. G Y) ï^£ Hijloîre L’HABITANTE. Non pas s’il vous plaît. Je prétends foutenir jufqu’à la fin mon caradere de folle, & je veux donner le Bal à Montmartre. Des Danfeurs entrent au fon de la fymphonie, & forment le Divertiflè- ment qui finit par un Vaudeville. D’ane différente manie. Chacun fait fon bien fouverain ^ L un jouit d*un heureux deftim Au fein de la philofophie , L’autre fe plonge dans le vin y Celui-ci n’aime que Silvie, Chacun a fa folie. X Dorimond fans ceffe manie L'or dont il n’ofe fe fervir. Ce ladre qui croit en jouir N’en rachèterait pas fa vie 5 Le fot Damis croit mieux agir^ En le prodiguant pour Juli^, Chacun a fa folie. D’une foule d’Amans faivie ,, Iris les trompe tour-à-tour du Théâtre Italien^ ^ f T, En public le feul mot d’amouc , OfFenfe la prude Uranie, Qu’on lui fafle en fecrec la cour , La bonne Dame en eft ravie , Chacun a la folie. X Ces deux Fieces, ainfi que le Pro^ logue , font de Dominique & de Ro*- magnefi, elles furent comme nous l’a^ vons déjà dit, données enfemble, réuf- firent très-bien & eurent douze repré- fentations jufqu’à la clôture du Théâtre, qui fut le i 3 du même mois, ce qui prouve qu elles furent jouées tous les jours. Le 6 Avril, Tes Comédiens rouvri¬ rent leur Speélacle par le Dédain aP- fedé, ITfle de Ceylan, & le com¬ pliment qui fut fait par Riccoboni le fils, & fort applaudi par le Public. Son pere avait été à Londres, pen¬ dant les vacances, avec un congé qu’if avait obtenu de la Couiv LE TRIOMPHE DE PLITTUS. Comédie en un acte en profe ^ fulvie dé un DiverdJjementj 22 Avril 1728 » ( i ) “P lut U s apprend qu Apollon s e- tant vanté de l’emporter fur lui > tend fbutenir la gageure, & qu’il elt defeendu de l’Olympe, pour prouver ce qu’il ofe avancer. Plutus fe difpofe à rabatre fon orgueil par des conquêtes qui ne laifi'ent plus douter de 1 avan¬ tage que le Dieu des richefles doit avoir fur le Dieu des vers. Aminte , nièce d’Ofmidas , eft l’objet de leur amour j mais quoiqu’Apollon foit le premier en date, & qu’il ait déjà fait quelques pro- orès fur le cœur de leur maitrefle, Plu* ?us ne défefpere pas de lui enlever la viéloire. Apollon le plaifante > & 1 ® traite même avec mépris ; ce qui en¬ gage Plutus à ne rien négliger pour triompher d’un rival fi infolent. Spinette furvient. Apollon lui de- mande des nouvelles de fa maitreflè. (ü) La fçènc cft i*ns h Maifon d’Oûuidas. du Théâtre Italien^ Spi,pette a beau lui faire valoir les foins ou e|le lui rend auprès d’elle, Apolloiî je cntente de lui marquer de la re- eonrioiflance, mais il ne lui en donne sucüne marque lenlible. Il le retire pour aller donner ordre à l’exécution d une fete qu’il a eompofée pour Aminte.. Plutus qui s’eft apperçu du mécon^ rentement de Spinette, fur la recon- nailîànce ftérile de fon rival» la met bien-tôt dans fes intérêts par un beaa diamant qu il lui donne. Spinette Tavait d’abord trouvé groffier ; mais fa li¬ béralité le lui fait paraître préférable aux amans les plus polis. Arlequin le plaintqu Ergafte ( c’elllenom qu’Apol- lon a pris) ne lui a pas. encore donné la première obole de fes gages ; il en eft a 1 inflant confolé par une poignée de louis d’or que lui donne M. Richard C c’eft le nom qu’à choilî Plutus ). Of- midas éprouve à fon tour les elfets de fa prodigalité. Il eft occupé de la vente d une terre dont le prix eft deftiné à marier fa niece Aminte avec Ergafte. Il le plaint qu’on refufe de lui en don- qu’elle vaut, parce qu’il; elt prefle de la vendre , mais M. Richard le tire d’embarras ..açhettela. terre fans 'ïdo mjlotre l’avoir vue & lui en donne tout ce qu lî veut en bons billets , qu il lui remet entre les mains. Il lui demande fa niece en mariage , après s’étre fait connaître à lui pour un riche Négociant, dont le commerce & la fortune font im- menfes. Ofmidas ne peut refifter a des paroles infiniment plus énergiques pour lui,- que toute Téloquence dErgafte: Aminte même ne peut refufer de ren¬ dre les armes à un amant fi magnifi¬ que. Elle accepte fans répugnance un riche bracelet qui! attache à fon bras y & un écrain rempli de pierreries qu il remet entre les mains de fa fuivante. Apollon vient faire exécuter le di- vertilïement qu’il a compofé pour fa maîtrefle > & il a fi bonne opinion de lui, qu il ne s’apperçoit pas du réfroi- diflement d’Aminte. La fete eft trou¬ vée fort enruyeufe par Plutus. Apol¬ lon n^en eft pas furpris, mais il tombe dans un grand étonnement , quand il voit Teffet que produit fur Tonde &: fur fa niece une galanterie de la façon de fon Rival. Ce font des Crocheteurs chargés d’étoffes très-riches & de facs d’or, qui compofent ce Ballet..Chacun, jufquà fon Valet Arlequin, fe déclaré en faveur des richelTes. Apollon piqué. du Théâtre Italien. i 6 î remonte à TOlympe après s^être fait re¬ connaître pour le Dieu du mérite , & il eft fuivi de Plutus, qui fe déclare à fon tour le Dieu des richefles. Il fait préfent à Aminte, de toutes celles qu*il vient d’étaler à fes yeux, & les Adeurs qu’il a payés d’avance , exécutent le Divertiflement qui eft mêlé de chants & de danfes* FAUDEFI LIE. N*atten<îez-pas qu*ici Ton vous révcrc» Si Plutus n*eft votre Dieu tutélaire 5 Sans fon pouvoir, Tout le favoir Qu on peut avoir. Ne peut valoir. Rien ne répond à notre efpoîr, Le tems ny peut rien faire ; Mais quand on tient ce métal falutaire,; Tout ce qu^on dit. Charme & ravit, Tout réuffir , Chacun nous rit, Veut-on charge , honneur ou crédit, LTn jour en fait l’affaire. X Dans ce féjour on mec tout à l’enchcre , 162 Hijloire Rien ne s y fait fans Tappas du falairc, Valet, Portier, Clerc & Greffier, Commis, Fermier, Sont fans quartier. On a beau gémir & crier. Le tems n y peut rien faire 5 Mais fi l’on joint l’argent à la prière, Le plus rétif. Le plus tardif. Devient aftif. Expéditif, Tout marche, tout eft attentif. Un jour finit l’affaire. X Loin de ces lieux une riche héritière , N’eft point l’objet qu’un Amant confidere, SagefTe, honneur. Vertu, douceur. Sont de fon cœur. L’attrait vainqueur. Ses feux ont toujours même ardeur, Le tems n’y peut rien faire 5 De nos Amans la maxime eft contraire. Bons revenus. Contrats, écus. Sur les vertus du Théâtre Italien. Ont le deflus 5 De tels nœuds font bien-tôt rompus , Un jour en fait Taffaire. X Sans dépenfer, c’eft en vain qu'on clpcrc De s'avancer au pays de Cytherc, Maris jaloux, Femme en courroux , Ferment fur nous, Grille & verroux. Le chien nous pourfuit comme loups, Le tems n’y peur rien faire 5 Mais û Plutus entre dans le myftere , Grille & relTort, S’ouvre d’abord. Le chien s’endort, Le mari fort, Femme & Soubrette font d’accord,' Un jour finit l’affaire* Tant que Philis eut un deftin profpere , Plus d’un Amant lui dit d’un air fîneere , Que vos beaux yeux Sont gracieux 1 L’Amour pour eux. Fixe mes vœux* Chaque ioftant redouble mes feux. 1^4 Hijîoîre le te ms n*y peut rien faire j Mais que Plutus cefTc de lui complaire, Plus de tréfory Plus de Médor, flamme & tranfport. Prennent PelTor, L^Amour s'enfuit & court encor ; Un jour finit l’aifaire. X torfqu'un Auteur inftruit dans Tart de plaire^ Trouve des traits ignorés du vulgaire;^ On Papplaudit, 0n le chérir. Grand & petit En font récit. Jamais l’ouvrage ne pérît J Le tems n’y peut rien faire 5 Si Ton ne fuit qu’une route ordinaire-^^ Le Speélateur, fin connaifleur. Contre l’Auteur, Eft en rumeur , La Piece meurt malgré l’Aéieur , Un jour finit l’affaire. X M. de Marivaux crut cette Piece au-deflbus de fa réputation, & garda du Théâtre Italien. quelque tems l’anonyme. Elle eut ce¬ pendant douze repréfentations; mais elle dut une bonne partie de fon fuc- ces, aux excelJens couplets du Vaude¬ ville, qui ell de Pannard. ARLEQUIN BELLEROPHON. Parodie en un acte en profe j mclée de VmievilLes^ 7 Mai 1728. (i) P . HiLONOÉ confie à deux Ama¬ zones (2J , la tendreflè que Bellerophon lui a infpirée ; elle vante fort fa valeur, & les Invite même à chanter la gloire de fon Amant. Une des Amazones ré¬ pond qu’il ne convient point à, des Captifs, de chanter la gloire de leur vainqueur ; elles ne laiflènt pas que de chanter les exploits de Bellerophon, pour contenter la Princeflè. PREMIERE AMAZONE. A T R : RéveïlU^yous. Sa brûlante ardeur pour la gloire , En lui ne peut fe modérer,’ (i)Lc théâtre repréfeiite un Jardin déli¬ cieux. Pantalgn & Scaramouche, 1 ?^ Hiflolre SECONDE AMAZONE. Avec ce gaillard, la vidoire N’a pas le tems de refpircr. Les Amazones fe retirent voyant ap¬ procher Bellerophoii, qui aborde la Princefle ,& lui témoigne la joie que lui caufe fa préfence i elle lui répond par ce couplet. A I R : De la Baronne* Comme vos peines Cauiaient autrefois mes foupirs I Liés tous deux des mêmes chaînes > Je dois partager vos plaifirs , Comme vos peines. Ils chantent eofuite ce duo, à l’jmi- tatlon des paroles de TOpéra, fur 1 air : il faut que je file* Qu’ici notre amour extrême , Chante comme à l’Opéra ; Détonnons tous deux de même Qu’on détonne en ce lieu-là , Et difoip^-nous fans emblème , Je vous aime en a-mi-la , Je vous aime , je vous aime : Le beau duo que voilà ! La Princefle fe retire, voyant par du Théâtre Italien^ t 6'y raîtfe la Reine. Bellerophon veut l’é¬ viter auflî ; mais il refte pour lui repro¬ cher quelle l’a fait bannir d’Argos. La Reine lui répond fur l’air : de la cein¬ ture. Je fais les maux que je t’ai faits, Mais malgré ma rigueur extrême, Ne me dis plus que je te hais j Ou reproche-moi que |e t’aime. Bellerophon la quitte brufquemene. Sténo bée chante fur l’air: Je ne fuis né ni Roi ni Prince. Tu me quittes, barbare , arrête. .. * Mais par ma foi, je fuis bien bête , D’aimer un traitre qui me fuit 5 Telle eft notre ardeur imprudente , L amour trop heureux s’affaiblit. Et l’amour malheureux s’augmente. Stenobée prie Amifodar de fervir fon courroux , & celui-ci lui promet de mettre tout en ufage pour la fatis- faire. Il chante : A IR : Des Tfemhlcurs. ’ Mon pouvoir que rien n’égale. Peut de la nuit infernale , Evçquer la mort fatale, 1^8 Hijiüîre Et la répandre en ces lieux ; * Je puis , armé du tonnere , Aux mortels livrer la guerre , Et défoler cette terre , Par un Monftre furieux. STENOBÉE. Non, non, point de tonnerre ; le Monftre me divertira davantage. Elle fort, & Amifodar chante, à l’imitation de rOpéra, Que ce Jardin fe change en un défert affreux. Le théâtre change & repréfente une caverne effroyable. AMISODAR. A I R ; De nicejjîté , nécejjltantc. Accourez Sorciers & Sorcières, Joignez à mon art vos noirs myftercs » Et fur-tout mettez de la partie, Les Diables de Baffe-Normandir. Une troupe de Sorciers s avance. ^Amifbdar leur propofe de faire fortir des Enfers un Monftre furieux. Ils fe profternent en ligne d obéiflance, &c chantent en chœur avec un bruit ef- Eoyable. Amifodar eft content de leur ^ zele, du Théâtre Italien^ \ 2èle » 11 continue révocation, & chante fur Tair: pdjfant fur le F ont-neuf Noitcs filks du StixHécate^ Erebe, Averne; Nuit, Mort, Chien des Enfers que la fureur gouverne. Que Ton travaille A défoler cette canaille, Entendez nos clameurs, c*eft pour vous que Ton braille. Trois Monftres fortent des Enfers. Un Procureur, un Médecin, & un Maltotien AMISODAR. Voilà trois Monftres bien completSt t^uels ravages ils vont faire l AI R : Du Confiteor. Allons , ne perdons point de tems. Aux Enfers defeendons enfemblc’. Il faut des charmes plus puiilans , Pour faire qu’un corps les raffemble^ Un SORCIER, à Mifodar^ Pour affouvir votre fureur. C’était affez du Procureur. La Parodie n’étant qu’en un aâe; on doit fuppofer que le Monftre qu'A^ Tome IIL H {i*}0 ^ Hifiûîfe mifodaf a fait fortir des Enfers i a déjà îavagé le pays. Ce qui demande en effet peu de tems, s’il raflèmble en un féal, le pouvoir des trois, dont nous jirenons de parler. Le Roi qui furvient, craint lui-mê- me d’être l’objet de fa fureur, & Ste- nobée qui paraît, l’afiTure en fe moc- ■quant de lui, que Bellerophon vain¬ cra le monftre fans beaucoup de peine. Ce dernier arrive après que la Reine s’eft retirée; il demande auRoi, s’il va confülter l’Oracle d’Apollon. Le Roi lui répond que c’eft le Protedeur de fes Etats mais Bellerophon cjui n’a pas grande confiance en ce Dieu, af¬ fûte le Roi qu’il ne doit pas compter fur le Dieu des Poètes. La Princefle arrive toute confternée, en déplorant les malheurs des Sujets du Roi fon pere, qui veut la confoler, en l’aflurant que Bellerophon va combattre le monftre; mais la Princeffe s’allarme davantage, par la crainte qu’elle a que fon Amant ne perde la vie. Le Temple d’Apollon s'ouvre. La Statue de ce Dieu paraît dans le fond avec le Sacrificateur. Les Miniftres & îes Rrêtreflès chantent en chœur ; du Théâtre Italien, Ah 1 grand Apollon , Délivre-uous donc D’une alFreulè bête Par ton divin nom. De plus par la tête Du ferpent Pithpu. On allume le feu facré fur fautel. Le Sacrificateur verfe du vin dans le feu, tandis que Bellerophon le prie de ne pas tout répandre, & d*en ’ garder un peu pour lui. Les Miniftres immolent la Viélime, qui eft un bœüf, & pré- fentent le.cceur au Sacrificateur , qui après l’avoir examiné, rafllire le Peu¬ ple , & lui ordonne pour marquer (à joie, de danfer autour du feu. Belle¬ rophon mène le branle & chante : La Servante de chez nous, A fait faire une jaquette. Et Ion, lati , lia, ma tbudbucii:ettè 4 Trop courte par les genpnxv ■ ' Et Ion, lan, la ; ma toiirlonrirou. La IVthie fort de fort antre , Sc •«hante uir l’air : Pierre Bagmlet. Je nétais pas fort nêcèlTaire, Pour vous annoncer Apollon j Mais dans une importante affaire, H ij lîïfiàirè Il faut toujours du carillon ^ * Eh bien, l’on va vous fatisfairc I Et tonner fur un joli ton. Le tonnerre fe fait entendre, & la Pythie continue/ Le Soleil va parler , que lé théâtre e'obfcurciflè H repréfente la nuit. BEL t E ROPHON. Quoi! nous faire voir dans un four, Ee Dieu du jour J Ah le beau tour! • Nous - ne foùffrirons point cela , Gette fottife N’était permifç Qu’à ropéra, Apollon prononce l’Oracle, fur l’air ics fions ^ fions. JJa-des. fils de Neptux%e i;;' ■ ’ AppaiCera , dit-on, La célefte lancunc j Mais il lui faut JFanchon. Le Roi fort tout confterné, & Bel- lerophon refte avec la Princeffe ,,à qui U demande quelle eft cette Fançhon. Philonoé lui répond Y doit être bien mal nourrie. Le Poëte lui dît de monter hardi¬ ment fur Pé^afe, 8c lui répond de la YÎétoire. Bellerophon y confent, ib forte nt. La Chimere paraît au fond du théâtre» Bellerophon monté fur un âne aîlé, combat comi^iuement ce Monftre; il paraît d’abord avec une fcie, enfeite avec une broche » enfin il le tue avec un fufil. Après le combat, le Roi vient avec la PrincelTè , à qui il apprend que Bel- lefôphon a tué le Monftre , 8i qu’il eft fils de Neptune. A 1R : De ''ocûnie. X>’une Nymphe ce Dieu craignit La jaloufe colere , Et quand Bellerophon naquit» Il cacha ce myftere} La belle n’eut aucun foupçon De cette manigance, Et Glaucus lui prêta Ton nom Comme on le fait en Erance. àu Théâtre Italien, La Reine arrive. Le Roi penfe qu’elle Tient prendre part à la joie publique ; mais elle lui apprend tout le contraire, en lui avouant que c'eft elle qui a en¬ gagé Amifodar, d’évoquer des Enfers ce Monftre horrible qui a fait tant de ravage dans fes Etats. Le Roi ordonne qu’on cherche Amifodar ; mais la Reine l’alTure qu’il eft déjà bien loin. Le ROI. Eh bien, Scélérate, tu vas payer pour lui. La REINE. AI R ; Charmante Gairielle. Je ne crains point ta kaînc, J’ai par précaution , Pour foulagcr ma peine , Sû prendre du peifon. En ce moment je cede A fes effets. Ail I l’excellent remedc Pour les forfaits. Les Gardes emportent Stenobée p qui vient de mourir. L’on entend un bruit de timbales & de trompettes, qui annoncent l’arrivée de Bellerophon, qui revient tout triomphant du com-^ Hiv 17^ Nîjloîrt bat. Le Roi lui préfente la Prmceflèr pour récompenfe, & chante fur l’air t manc\ j marie:^ moi. Le RO L Allons, donnez-vous la main. Je couronne votre flâme. B E L L E R O P H O N,. Non, remettons à demain. Car j’ai mes raifons. Madame. La P R I N G E SSE. Expliquez, expliquez-vous fans détour.. BELLEROPHON. Vaincre un Monftre & prendre femme, Parfembleu mon petit cœur, mon amour. Ce ferait trop pour un jour. Cette Parodie fût trouvée très-gaie: & très-critique, elle réuffit très-bien, eut dix repiéfentations, & fut depuis fouvent remife. Elle eft de Dominique & Romagnefi, qui. la firent pour la: cinquième reprife de l’Opéra de Belle- rophon, dont la Mufique eft dè Lulli,, & dont les paroles ont été long-temy attribuées à Thomas Corneille, ce »’eft qu’en lyqti > que M. Fontenellfr 'du Théâtre Italien, rédama: les droits qu’il y avait , par une lettre inférée dans le Journal des Savans de la même année.- LE RETOUR DE TENDRESSE .ou LA FEINTE viRITABLE. Comédie en un acte en profe ^ Mal D O R A N T E s’étant brouillé avecXu-* einde, & croyant ne l’aimer plus i pour mieux fe venger d’elle, recherche en mariage Julie , fille d’Oronte & coufi- de la, première maîtrelïè. Il fait eonÿ naître a Arlequin que tout efl: prêt pour lôn Hymen avec Julie. Arlequin--veut le détourner de ce mariage pour deux raifons ÿ la première, c’eft qu’il eft amoureux de Spinette, fuivame de Lm* cindej la fécondé , c’eft qu’il ne croit: pas que fon maître foît guéri de fa pre¬ mière paffion, & qu’il craint pour luü un retour de tendrefïè qui le condamv lierait à un long repentir. Dorante ne; tient aucun compte, des confeiîs dgj (i);La Icène eft dans Ik.Màifon d’Otonte;, Hw i«78 'Hifloirt fon valet ; & pour lui perfuader rinfidé"* lité dont il fait fon bonheur,il Im dit qu’il aime Julie jufqu’à être jaloux des vifites trop fréquentes que lui rend Lifi- mon. Lucinde vient avec fa fuivante, Spinette ; elle aflfedeune grande liberté d’efprit & de cœur aux yeux de Do¬ rante ; elle porte la feinte jufqu’à la plaifanterie ; & lui demande des nou¬ velles de fon mariage ; Dorante lui ré¬ pond qu’il doit être célébré ce jour même ; Lucinde le prie de vouloir bien le différer. Dorante qui l’aime en¬ core plus qu’il ne le croit, fe flatte que c’eft un retour de tendrefle qui oblige fâ première amante a lui faire cette priere. H lui en demande la raifon ; elle reprend le ton plaifant, & lui dit quelle a fait quelques apprêts demaf- carade , dont elle le veut régaler à là- noce, & quelle voudrait bien qu’ils ne fuflent pas perdus. Ces dernieres pa¬ roles paraiflent fi piquantes à Dorante, qu’il la quitte brufquem&nt pour aller prefler fa noce. Spinette joue à peu- près le même perfonnage auprès de Lucinde , qu’Arlequin a fait auprès de Dorante. Lucinde cft beaucoup plus émue, que Dorante ne l’a paru 5 mais du Théâtre Italien. elle croit que cette émotion vient plu- defir de vengeance , que d’ua reite d’amour. ^ ^ulie vient achever de la déterminer a fe venger d’un infidèle. Lifîmon , dont Dorante a paru jaloux , eft véri¬ tablement aimé de Julie. Cette jeune coufine de Lucinde lui fait connaître la répugnance qu’elle a pour ce maria- ‘ ^vec vivacité qu’eUe n epoufera pas Dorante» lucinde. Il me lèmble que pour une jeune perfonne, qui a fi peu d’expérience,, vos réfolutions font vives» JULIE» ^ C eft qu elles ne font point difiîmii« lées» Si j’avais cette expérience dont vous me parlez, j’épouferais peut-être Dorant© , pour avoir tout 1© t©fîïs & tout le plaifir de le punir de ne m’a¬ voir pas obtenue de moi-même. Il me trait© comm© un enfant \ il conclut avec mon pere. Oli c'efl: avec moi ^u il faut conclure, ou le marché ne tiendra pas fur ma parole.. EU© conjure Lucinde de la (ecourir dans une C trifl© lîtuation ^ & la prie II VJ iSo Hjjiûire dè rônouer avec Dorante, ou du moins de le feindre pour détourner un. Hymen qui ferait le malheur de fa vie. Lucinde, occupéè dëfa vengeance , . lui promet de la fervir de tout fon pou¬ voir, dût - elle faire des avances que fai fierté ne lui permettait pas dans toute- autre occafion. Elles fe retirent toutes d'eux, à l’approche de Dorante & de Li- fimon. Ce dernier plaifante Dorante fuc le projet d’époufer Julie , pourfë ven.- ger de Lucinde qu’il aime plus que ja¬ mais. Il s’offre à les réunir, & de leur épargner a tous lés deux la petite honte; des premiers pas.. D O R A N T E. C’en eft trop , Lifimon. Vous favez' que je ne prends pas beaucoup de, goût à la raillerie, & je vous déclare une fois: pour toutes que la vifite que vous., venez de rendre à Julie , eft la derniere; qu’elle recevra de vous., L I S I M O N.. Je te craindrai encore moins mari" que rival, mon cher Dorante ; & je: t'avertis que je ferai ton ombre, je ne. du Théâtre ïialieni îâ quitterai, pas d’une minute ,, d’une; fécondé. Dorante s’impatiente, & met l’épée; à la main.. L I s: I M O N". Allons du refpeéè pour la maifon duî beau-pere, je vois que vous en vou¬ lez tout de bon à la petite fille j moi* je l’aime auffi, & fi dans un quart- d’heure elle ne m’efl cédée dans toutes; les formes , nous prendrons lieu pouc parler d’affaires à pied ou à cheval, ôc je vous donnerai le choix des armes.; depuis l’épée jufqu’au canon; ARLEQUIN. Gare la bombe.- Lifimon fort après cette rodomon-- tade , & Dorante eft fi piqué de ce qu’il; lui a dit qu’il aime encore Lucinde, qu’ill pjrie Oronte d’a.vancer, la fignacure du. contrat. Lebon homme en eft ravi, Sc. après avoir long temps vanté lès ex¬ ploits pafies, il quitte fon gendre fu¬ tur pour aller mander le Notaire. Lucinde vient feindre d’être fort af¬ fligée du mariage de Dorante. LU CI ND E. Quoi ! vous ne daignez pas merega»* Il §2 Hifiolre der ? Le nœud que vous allez'fbrmôt vous rend-il mon ennemi ? DORANTE, Moi, Madame! j’aurai toujours pouï vous la plus tendre eftime, . . . L U C I N D E. Ah! vous feignez de ne pas m’err- tendrelVous favez que ce &tal ma^ xiage. . . » DORANTE, Et bien ! L ü C r N D E. Me défefpere, m’aflaffine » & vous allez l’achever Ü D O R A N T E, Comment croirai-je ce que vous me dites, Madame ? Il n’y a qu’un moment que vous étiez d’une gaîté..,- LÜCINDE, Fort bien, Monfîeur , fort bien f Si vous n’aviez pas oublié le langage de mes yeux, vous auriez lu la con¬ trainte où me jetait cette malhea- leufe gaîté que vous me reprochez,. du Théâtre Itatiertr Dorante , à paru Où cela nous va-t il mener? L U CI N D E. Je vois enfin qu’il faut que ce (bit moi qui parle , & que fimmole à morif amour ces prccieufes bienféances, où notre lèxe rrous oblige; Ah ! puifque nous naifibns plus tendres , pourquoi nous impofe-t-on la cruelle néceflité d’attendre que ces ingrats reviennent; à nous les premiers. DORANTE , à part. J ufte ciel ! elle m’aimerait encore fi LUC IN DE. Bon cela prend (elle s’attendrit ju^ qu’aux larmes ). Vous ne pouvez donc plus vous dédire ! Ah ! infenfée , pour¬ quoi comptais-tu fi fort fur le retour d’un volage? étais-tu afliz vaine pour te flatter que cette démarche l’atten¬ drirait ? que ne t’épargnais-tu du moins^ la honte de pleurer à les yeux ? ( à part > je crois que je pleure tout de bom DORANTE. Quelle fituation l il ne fallait plus Wijleire que fes larmes pour m’achever;. LUC IN DE. Voyez les, voyez les couler, Moti^ fieur , elles^ doivent flatter votre or¬ gueil ;,le triomphe n’eft pas commun ; & ce font les premières que l’amout m’ait fait répandre. Dorante attendri avoue à Lucinde qu’il eft au défefpoir d’avoir prefle un mariage que le feul dépit lui à fait rechercher. Il promet de rompre, quoi qu’il en puiffe arriver ; elle redou¬ ble fes témoignages de tendrefle ; il fe jette à fes pieds pour l'en remercier,. Gronte arrive pendant qu’il lui baife la main avec toutes lesdémonftrations. de l’amant le plus tendre qui fut? jar mais. Le colere vieillard ne pouvant plus fe contenir , dit à Dorante qu’il voudrait n’avoir que trente ans , pour tiier raifon de l’injure qu’il lui fait auffi bien qu’à "fa fille. Julie lui répond , qu’il ne peut mieux venger fa gloire oflènfée, qu’en la mariant avec Lifi- rnon , qui eft préfent. Qronte y con- fent; mais il ne trouve pas Dorante aflez puni, puifqu’il fera heureux avec Lucinde J Julie lui dit qu’il ne fera pas fi. heureux qu’il le penfe, puifque la du Théâtre Italien, riH cendreiFe de Lucinde n’eft qu’une feinte qu’elles ont concerté enfemble. A ce mot de feinte, Dorante ne peut rete¬ nir fon courroux. DORANTE» à Ltfimon. Nous avons des démêlés à vuidet avant votre mariage. LISIMON» d’^un air goguenard. Je ne me bats plus, je dois ren^ (dre compte de ma race à la pofté-, rite. Ils fortent tous, & Dorante reftefeul avec Lucinde à qui il fait de fanglans reproches de fa fupercherie. Elle com¬ mence à fentir que la feinte eft de¬ venue une réalité. Vous verrez , lui dit-elle, en fôuriant, que pour réparer ma faute , il faudra que je vous époule: ce dernier mot ralTure Dorante, & Lur, cinde lui avoue que l’amour a eu plus de part à fa feinte, qu’elle rie le croyait. Le Notaire, dit-elle, eft là dedans pour faire le contrat de Lifimon & de Ju¬ lie , fuivez moi, je vais prendre aéie de mon innocence. Cette Piece eft très-bien écrite. Elle fut très-applaudie , & eut quatorze re- préfentations. Elle eJft de Romagnefi » Htfloîfc ïjui la donna fous le nom de M. Fü- zelier fon ami ; mais non pas celui qui s’eft rendu célébré par un grand nom¬ bre de pièces de théâtre; celui-ci ne s’èft fait connaître que par quelques ouvrages de fociété , imprimés dans différens Mer cures. LA BONNE FEMME. Varodie en un aBe j de f Opéra ctHy-i permnejlre ^ 28 Juin ip28,(i') .A. K c A s félicite Danaüs fur le choîjif qu’il a fait des fils d’Egyptus» pour Tes cinquantes filles. DANAÜS. Ce jour n'eft pas fi heureux que tu te l’imagines. A RC A S. Mais, Seigneur, fi cette alliance vous faifait tant de peine, que ne refufîez- .vous la paix f C’eft, répond Danaüs » (r) Le théâtre répréfente plufieurs Tonv- beaux, & au milieu un Maufolé de Gelanor , Koi d'Argos. On voit dans la perfpcétive, k folcil qui s’élève peu-à-peu* du Théâtre Italien^ 187 ^arcequil a plus de Soldats que je n’ai ûe Sujets, & quels Sujets ? Ils fc reflbuvienncnt encor De Gelanor. A R C A S, Ils ont grand tort. Ne favenr-ils pas qu’il eft mort. \ D AN AU S. Qvâ, mais c'eft moi qui Tai tué. ARCAS. Qu’importe, ne fallait-il pas toujours qu’il mourût? lîypermneftre étonnée de voir (on |)ere dans un fejour fî lugubre, l’invit©, à fe réjouir, AIR : Allom gau Par un deftin profpere. Avant qu’il foit deux ans , Vous vous verrez grand-pcrc D’un Régiment d’enfans. Danaüs apprend à fa fille, que l’om-' bre de Gelanor qu’il a vu la nuit der¬ nière , caufe fes allarmes. Il veut, dit-il, l’appaifer. A I R. ; ReveiUe^i-voui, Je vais lui donner une fête , XB 8 ffijioire Le Spc£tack fera nouveau, Allons enfans, que Ton s’apprête A l’amufer dans fon tombeau. On entend une marclie de Guerriers» ils arrivent en crêpes & en longs man¬ teaux, ils fe rangent tout autour du maufolé de Gelanor* DANAUS* Ombre d*^un Prince infortuné ^ Que j’ai moi-même aflafïiné. Soyons amis, plus de querelle , Pardonne cette bagatelle. Le foleil s^éclipfe, le tonnerre gronde; ^ on entend des Cfflets derrière le thé⬠tre. ARCAS. Al K : Je ne fuis né ni Roi ni Vrïncél Le jour pâlit, la terre tremble , Quel pouvoir contre nous raflemble Et confond tous les élémens ? Quels fixlcinens.... l’ombre cruelle Reçoit nos divertilfemens, Tout comme une Piece nouvelle. Tout le Peuple fuit. L'ombre de Gé-J tüRox qui eft d’une grandeur démefurée^ 2a Théâtre Italteni fort de fon tombeau, & chante les pa^ rôles fuivantesi AIR : Ues Pendus, Tous tes regrets font fuperflus, Bkn-tôt un des fils d’Egyptus, Pour me venger de ton audace, Tiran, va régner en ta place^ Mon fang fut répandu par toi, Il verfera le tien pour moi. Danaüs efl fort inquiet de lavoir le¬ squel, afin de le prévenir; mais après un peu de réflexion, il chante : A IR : Héveillei^vQusi Voyez la plaifante vétille, Je n’ai pour fortir d’embarras, ^u’à tuer toute la famille, , Et je ne] m’y tromperai pas. ' Le théâtre change, & repréfente une jtter agitée, Hypermneftre marque fon Inquiétude , & l’impatience qu’elle a de voir Lyncée. La tempête ceflè, & une Troupe de Matelots s’avance fur le ri¬ vage , & appellent Lyncée qui traverlq las flots à la nage. LYN CÉE, que Lyncée ne pourra fe fouffraire a fa vengeance Le thé⬠tre change & repreTente la fjçade du' Palais de Danaüs. Une nuit oblcure ré¬ gné fur la fcène. Hypermneftre paraît feule, un poignard à la main. Lyncée arrive d’un aune côté en pet-en-l’air, en bonnet de huit & en pantoufles , il cherche fa femme une lanterne à la main. En voyant le poignard qu’elle tient, il lui demande ce qu’elle en veut faire. Hypermneftre ne fait que lui répondre , & dans l’excès de fon dé- fefpoir, elle veut s’en frapper. Lyncée l’arrête, auffi-tôtje tonnerre gronde , les éclairs brillent , & l’on en-end le chœur des fils d’Egyptus. qui chantent: Quelle fatale trahifon , La fandondaine, la farldondon , •Dieux! ô Dieux, on nous traite ici,' Biribi, A la façon de Bartari, mon ami. Lyncée reconnaît les voix de fès fteres, & lorfqu'il veut aller les fecou- Tome ///, I 'Hljlolre rir, il entend un chœur d’Egyptîens qui chantent : Aux armes Camarades. Un autre chœur. d'Argiens fe fait c;icore entendre derrière le théâtre. Sur lair : Je fuis un bon Soldat, Portons dans le combat, Tita, ta, ta. L'horreur & le carnage , Que Lynche abbatu. Tu, ta, tu , Cede à notre courage. Hypermneftre rentre-, les Egyptiens combattent contre les Argiens, & Lyn- cée va chercher un grand bâton , avec lequel il met fes ennemis en fuite. Hypermneftre revient, & chante fur Tair ; vous rï^avc"^ pas befoin qu'on vous confole. Je vois mes foeurs fur rinfernale rive. Quel eft le fruit de leurs foins empreffés ? Elles youdraient d’une onde fugitive , fixer le cours dans des tonneaux percés. A I R : Je ne fuis né ni Roi ni Prince. Non, vos mains font trop criminelles, du Théâtre TtaVicn. ipj Des Dieux* n’efpétez pas , cruelles > Appaifer le jufte courroux; Vous puifcz vainement, perfides^ Vous avez tue vos époux . Vos tonneaux feront toujours vuides. Lyncée vient apprendre à Hyperm- îieftre, lefaccès du combat, & voyant Danaiis foutenu par deux Gardes, il dit: Vous verrez que j’aurai tué le beau- pere fans y peu fer. HYPERMN ESTR E. Ôh Ciel ! quel horrible fj-eiflaclc ! Ta main vient d’accomplir l’OracIc, DA.N AU S. Non , fille perfide , c efl: toi, Qui trahis ton pere & ton Roi, Pour l’amour de ce miférable , Je voudrais pouvoir avec moi. Tous deux vous entraîner au Diable. LYN e É E. Allez-y toujours devant, mon cher papa. Cette Parodie fut très - bien reçue. Elle eut quinze repréfentation:. Elle, eft de Dominique & Romagnefi, & fut lij jg6 Hifoire _ . , , faite poor la troifieme reprife de la Traïédie-Ope'ra d’Hypermneftre, dont la Mufiqüeeft de Servais, & les pa¬ roles de Lafont; mais l’Abbe Pelle- grin avait retouché le cinquième acte lorfqu’elle fut jouée en 17I7* la Méchante femme. Parodie de la Tragédie de Médée ^ en un acte en vers ^ précédée de la Comé¬ die de Village y 23 Oüohre i 72 S,{i) La Comédie de Village n’eft qu’une efpece de Prologue , dont la fcene fe pafle dans une Maifon de Campagne, entre des perfonnes qui s ainufent a louer la Comédie. Lelio , Silvia & Ar lequln, Adeurs de la Comédie Italienne, arrivent à cette maifon ; ils offrent de fe joindre à la fociété, on accepte avec joie leur propofition, & on leur dil- tribue les rôles d’une Piece hc^velle . intitulée : la Méchante Fem/we j Parodie de la Médée . de Longe-Pierre. _ Lépine. Valet de Zonïon, lui re¬ proche l’infidélité q u’il eft prêt de fair e (i) Le théâtre repréfente vm Château. ’'du Théâtre Italien. ip7 à fa femme Afmodée, en la répudiant pour époufer Cérufe, fille de Qéon. Zonzon s’excufe fur la force de fon amour, qu’il juftifie en faifant le por¬ trait de Cérufe. Lépine lui demande s’il ne craint point la colere d’Afmo¬ dée. Rien ne peut modérer fa fureur implacable. Et vous favez qu’elle a commerce avec le Diable ; Elle fait compofer Anneaux 8c Talifmans, Et prend quand elle veut, la lune avec Tes. dents. A lôn ordre un torrent remonte vers fa fource. Elle arrête ailement un^carrolTe en fa courfej Enfin cette Sorcière, habile dans fon art, Sait bien tourner le fas, donner le cochemart Zonzon répond qu’il fait tout cela, mais que la beauté de Cérufe l’emporte. Elle paraît, & reçoit de bonne grâce les careflès de Zonzon, à qui elle de¬ mande cependant quel fera le fort de fa première femme; & Zonzon lui ré¬ pond qu'il en fera quitte pour lui payée une penfîon de 4 ou yeo. liv. Ciéon , pere de Cérufe, arrive, 8c veut abfolumentqu’Afmodée foit con¬ gédiée J Zonzon y confent volontiers. liij. ipS TJifîoire Cléon dit qu’ils n’ont plus qu’à le dî- verrir, & l’on entend des violons dans le Chà'ea'j. Ils fortent tous » Almodée arrive & adr.fle Tes plaintes au Dieu de riîymen qai l’abandonne. Après un înft înt de rcnexion , elle s’emporte, &C dit que c j n’eft pas de la part des Dieux» qu’elle attend du ('«cours. Non, non, puifque je fais magic & noire & blanche , Que je tiens à mon gré les Diables dans ma n anche, Eux feuls doivent (èrvir ma jaloufe fureur j Déployons de notre art la terrible noirceur. "Rie.) ne peut appaifer le courroux qui m'en- liâme , Pour favoir fe venger, il fuffit d’être femme. Marotte, Suivante d’Afmodée, vient lui dire que les violons fe font en¬ tendre de tous les côtés, & que tout s’apprête pour la noce de Cérufe & de Zonzon. Elle lui confeille de fe ven¬ ger de lui de la même maniéré. Afmo- dée lui répo’d quelle ne peut s’y ré- foudre. Cependant Marotte continue à lui apprendre que l’infidele Zonzon eft aux pieds de fa nouvelle Maîtreflê, qu’il lui baife les mains & lui fait mille du Théâtre Italien, careflès, ce qui rend à Afmodée fa pre¬ mière fureur. ^ A S M O D è E. C’en eft fait, tu mourras.Quelle crainte m’arrête ? Aux crimes les plus noirs, moi qui fuis tou¬ jours prête. Je crains de prononcer Tarrêt de fon trépas j Qu il meure , je le veux. MAROTT£, (tun ton railleur^ Non, il ne mourra pat. S ' • • . . : A s M O D É E. Oui, je Tai réfolu. Qu’il meure, •. non .,, ; qu’il vive. MAROTTE. Bame, accordez-vous donc. A s M O D É E. Mais qu’il vive pour moi; M A R O T T E. Il ne peut vous foufFrir, Madame. A S M O D É E. Je le oroi. liy 3.00 mjloire Elle s’emporte en'uite contre Cîêon; & le menace de le faire mouiir lui Ôc tou'e fa race. Il paraît & lui fignifîe qu’elle n’a qu’à déguerpir fur le champ. Elle de¬ vient douce comme un mouton, lui demande quels font fes crimes& lui fait un long récit de tout ce qu’elle a fait pour l’ingrat Zonzon. C L É O N. Ne finiras-tu point, babilkrde éternelle ’ Morbleu, tu m’étourdis, tu n*as que du ca¬ quet 5 Dès ce même montent, va faire ton paquet. Si ce füir tu n’es pas loin de cette frontière, Je te fais dès demain , brûler comme Sorcier^ Adieu , prends ton parti. A s M O D É E. Va Tyran, je l’ai pris. Elle jure, avant de partir, de mettre le feu à fon Château, & de les réduire tous en cendre. Le volage Zonzon paraît, & c’eft envain qu elle tâche de l’attendrir. ZONZON. Ma foi vos pleurs n’ont rien qui puilTent me furprendre, iu Théâtre Italien. 2iOïi les femmes à leur gré favent l’art d’en ré¬ pandre, Afmodée lui demande d’emmener fes enfans, mais Zonzon le refufe ; voyant qu’elle ne peut les obtenir, elle les lui recommande. De l’amour paternel relTentez les effets, Songez en les voyant, que vous les avez faitsv ZONZON. S’ils ne font pas à moi, tout du moins je m’ca flatte , Pour l’affurer, la chofe eft un peu délicate j, Mais enfin je le crois. Suffit j n’en parlons; plus. Il lui promet de faire là paix avec Cléop, qui elt bien, dit-il, le meilleur homme ! le plus bénin qui foit de Paris jufqu’à Rome^ Ma foi, l’on n’en fait plus de cette pâte-là, A S M O D É E. Tdut de bon, croyez - vous qu’il me pardon¬ nera î Zonzon l’en afTure & l’embrafle pour la derniere fois. Lorfqu’il eft parti..^ Afmodée dit à Marotte, qu’elle a cruel- " i y *>02 Hifioîre lement fouffert pour ne pas laifier écla¬ ter fa fureur ; mais en récompenfe , elle fe déchaîne de la bonne maniéré , fait une conjuration. Le théâtre s'obfcur- cit, & elle évoque à l’ordinaire Cer¬ bère, Tylîphone, les Furies, les Pro¬ cureurs & les Maltotiers. Elle rappelle Marotte, à qui la conjuration à fait peur, & lui dit d’aller chercher : Ce beau manteau-dc-lit ^ Ce pompeux pet-en-lair 5 oii l’or par-tout re¬ luit. Afin de l’empoifonner & de l’en¬ voyer à fa Rivale. Audi tôt dit, auflî- tôt fait ; on apporte le pet en-l’air, & Afmodée fait venir fes'enfans, que fon mari lui a permis d’embrafler avant fon départ. Une PETITE FILLE. Ma Bonne , vous pleurez, quelle en eft donc la caufe ? Eft-ce que mon Papa vous a fait quelque choTe ? AS M O D É E. 11 faut que je vous quitte, il vient de donner. du Théâtre Italien. 20 Üa ENFANT. Non, je veux avec vous aller me promener. A S M O D É E. Ah! ne refpércz pas, une loi trop barbare , Malgré moi ^ malgré vous, pour jamais no fépare. Je ne jouirai plus dans mon exil • affreux, Du doux amufemenr de frifer vos cheveux 3 Je n aurai plus , hélas ! le foin de vos pa¬ rures , yous n’aurez plus de moi, bonbons ni con¬ fitures. Les quatre enfans pleurent tous en- femble. Elle les charge de porter à Ce- rufe le fatale pec-en-lair, & s’applaudit de fa vengeance par ces vers. Tu n étendras jamais tes droits fur ma fa¬ mille J Et j’aurai le plaifir de te voir mourir fille. Marotte ramene les enfans, Afmo- dée s’attendrit, & Pour prévenir les maux où le ùeftia les livre, 11 vaut mieux les tuer (jue de les lailTer vivre, ïrappons, frappons. Ivj 2*04 JHlJloire Un ENFANT. Avant de nous donner le fouetV Apprenez-nous du moins ce que nous avons fait. Les quatre eafans fe mettant à ge^; noux „ Pardon, Maman, pardon. A s M O D É E. Leurs regards & leurs larmes». Me troublent, & des mains me font tomber les armes. Je ne les tuerai point, le deifein en eft prisj, à Marotte. Nous fommes, tu le fais, aiTez près de Pa¬ ris , Dans quelque penfîon va les mettre, ma. Bonne, Choifis pour les placer , Piquepuce ou Chaj* ronne 5 Sur toi je me repofe. M A R O T T E. Allez, np craignez rien. Afniodée fort, Zonzon arrive en difant qu il la cherche par tour ; mais Cérufe le fuit de près, elle eft couverte du manteau-de lit, & l«ui apprend quer àu Théâtre Italien. 2iO;f fon pere vient de rendre le dernier foupir entre fès bras, & qu'elle va bien¬ tôt mourir, Z O N Z O N, Ce ferait bien le Diable ! • ♦ • • • ^ Eh ! que ne rôtez-vouf. II va pour lui oter le manteau-de-lit» Laiflez faire ... la pefte, il eft chaud corn-- me braife, Et véritablement ^ c’eft pis qu’une fburnaif^, Cérufe lui défend bien de mourir, il lui promet de vivre, & la congédie afin, dit-il, qu’elle aille mourir en paix de r autre côté. Afmodée paraît dans une cbaife de porte, dont le Poftilloh. eft un Diable, Zonzon tire fon épée pour la punir î mais Afmodée le touche de fa baguet¬ te, & il ne faurait plus bouger de la place ; il lui demande ce qu’elle a fait au moins de fes enfans, A S M O D Ê E. J’ai plus de droit fur eux q^uc tu n’en croiif avoir j20?) tiijloîre Je pars puifque ma fuite a pour toi tant de charmes J Leve encor jufqu a moi tes yeux baignés de larmes j Mais ne crois pas qu un jour je vienne te chercher, Pour toujours je te laifle, allons, fouette, Co¬ cher. La Chaife de pofte s’en va. Z O N Z O N. Que je fuis malheureux ! ah quelle perfidie î 3e voudrais me tuer , j’en aurais prcfqu’envie j Mais je n’en ferai rien, je l’ai bien réfolu, Ma Maîtrefle en mourant me l’a trop défendu. Cette Parodie de Ta Médée de Longe-Pierre, eft de Dominique feul, elle eft médiocre, aulïi n’eut-elle que huit repréfentations. Les Comédiens Italiens dôranerent le ly Novembre une repréfentation J enréjouiflànce du tétabliflTemertt de la fanté du Roi, pour lequel les Peuples avaient été plus allarmés par leur attacbgmeat que par la gravité de la maladie. du Théâtre Italien. aof ALCESTE. Parodie en un acte en profe j mêlée de Vaudevilles J 2i Décembre ijzS. (l) A.c. E témoigne remprefTement qu'il a de hâter fon départ pour n’étre pas témoin du bonheur d'Admete , qui va époufer Alcefte qu'il adore. Li- cas lui confeille de düFérer fon départ> tu as raifon, lui répond Alcide. A I R : Gardons nos moutons^ Je partirais mal-à-propos , Je fuis trop nécctTaire , Il leur faut du moins un Héros > Pour fê tirer d’affaire 5 Admete eft peureux, Pherés eft goûteux , Sans moi, que peut-on faire ? Licas veut fuivre Alcide, Stratan l’arrête. STR ATON. Air: Mon mari ejî à la taverne, Licas , j’ai deux mots à te dire. (i) Le tlréâtre repréfeiite un Port de McrSS un grand YaifTeau prêt à partir» àoS' Hïfiolre L I C A S. Ces deux mots n’ennuyeront-ils pa« ST R A TON. De Cephife je fuis l’empire. Pourquoi fu.is-tu par-tout fes pas Que prétends-tu ? L I C A S. Je prétends rireo^ S T R A T O N. L’agréable Cephife M’aflure d’un amour confiant. L I C A S. Mon enfant. Si l’on te favorife, Quoique l’on m’en fait autant. Tel fe croit d’une Belle , L’Amant préféré, favewri. Seul chéri, Qui de fon infidclle, N'eft pas mieux traité qu’un mari; Licomede ordonne à Straton,, fon confident, de préparer la fête qu’il veut donner aux nouveaux Mariés fur fon vaiffeau* du Théâtre Italien* Ses Matelots danfent. Alcefte arrive conduite par Alcide & par Admete. Licomede la conduit à fon bord , & Admete chante r A IR : La faridondaïne^ Il a rai£bn , Alcide , allons Conduire notre femme. LICOMEDE. Quoi, vous marchez fur nos talonsI ADMETE. Nous efcortons Madame. LICOMEDE. Quand je donne collation, La faridondaine , la faridondon ^ Je ne régale les maris , Qu à. la fa^on de Barbari, Mon ami. Licomede fait tomber Admete dans Teau, le. Vaifïèau part, Alcefte &: fes fils crient au fecours, Admete fe débat en criant au Guet, & Thétis paraît dans une conque marine. T H È T I S. A I R : Contre un engagement.. Thétis profcrit tes jours, r î O' Ilijlolfe Redoute fa colere, J’approuve en fes amours, Licomede mon frere. Sois époux débonnaire, Souffre tout fans crier ADMETE. Vous faites-là , ma cherc. Un fort joli métier. Admete & Alcide s’embarquent. Le théâtre change & reptéfente la ville de Scyros. Licomede amène Alcefte, qui dé¬ plore fa trifte fîtuation ; elle ne peut l’attendrir par fes larmes, elle lui chante: Les Beautés les plus cruelles. Se gagnent parla douceur. Vous parlez d’un ton grondeur, Eft-ce ainfi qu’on prend les Belles J Straton vient avec empreflèment avertir Licomede, que l’ennemi s’a¬ vance. Licomede contraint Alcefte d'entrer dans la ville ; Cephife les fuit, & les Soldats de Licomede ferment la porte de la ville dès qu’ils font entrés. Alcide & Admete font approcher leurs Troupes, qu’ils rangent en ba¬ taille. Licomede fur les remparts de la du Thdàtrc Italien. 211 ville, adreflent ces paroles aux Affié- geans, fur l’air : tu nas pas le pouvoir, Meflîeurs, fuïTiez-vous encore plus, Soyez les bien venus. Nous ferons tous notre devoir. Pour vous bien recevoir. Admete croit que Licomede veut leur donner à dîner j il loue fa politede, & dit qu’on ne peut rien de plus hon¬ nête; mais Alcide le défabufe & l’o¬ blige d’aller demander Alccfte, d’un ton ferme. Admete lui témoigne fa peur, cependant il va demander Alcefte a Licomede, qui la lui refufe. ADMETE. Tu ne veux point la rendre? Une fois, deux fois, trois fois. LICOMEDE. Non, non, non. ADMETE. Non. Eh bien , tu n’as qu’à la gar¬ der. Alcide indigné, ordonne à fes Sol¬ dats, de monter à l’afiaut. 2l2 JJiJloîre PADMETE. A I R : Des Feuillantines^^ A moi, Compagnons, à moi > Votre Roi Eft faifi d’un grand effroi. ALCIDE. C’eft Alcide Qui vous guide. ADMETE. Je n’en fuis pas moins timide. On monte à l’aflàut. Les Afiîégés font une fortie ; mais ils font vigoureit- fement repoufles. Alcide enfonce, avec fa mallue, les portes de la Ville. Les Alîiégeans y entrent triomphans. Ad- mete fuit les Vainqueurs, & l’inftaiît d’après il fort de la Ville , en portant un cochon de lait, qu’il appelle un Pri- fonnier de guerre.. Pherès arrive armé, & fe traînant avec peine, Courage, Enfans, courage; je viens me joindre à vous. Mais hélas l c’eil: de la moutarde après du Théâtre Italien. le dîner, la ville eft déjà prife. Faifons une réflexion là-deffus. Alcide fort de la Ville , avec Alcefte qu’il remet entre fes mains. Elle le prie de ne pas la quit¬ ter. Ce n’cft qu^à votre courage. Qu’on doit un repos fi doux. Que l’amitié vous engage A refter auprès de nous , Un mari difcret & fage. Un bon ami dans fa maifon I Et non , non , non , le n’en veux pas davantage. Alcide prend congé d'Alcefte, & Admete paraît foutenu par deux Sol¬ dats. ALCESTE. AIR : Flou fion» Quel fpeétacle funeftc ! Mon cher^ qu’avez-vous donc’ ADMETE. Je meurs, charmante Alceftc, D’une indigcftion. Alcefte témoigne fa douleur, en lui difant : A I R : Contre un engagment^ Quel funefte fecours i 214 Hîjtolrâ La fortune ennemie , Aux dépens de vos jours , M aurait-elle fervie ? ADMETE. Mon fore doit faire envie . Et je fuis bien vengé , Puifque je perds la vie Pour avoir trop mangé. Un Médecin apporte un médicament à Admete, & lui dit que c’eft pour le guérir de (bn indigeft'.on. An ! donne- le moi promptement, répond Adi^te ; non pas, ajoute le Médecin ; c eft un remede qui fait mourir, & je '^sns vous expliquer l’énigme. Il faut ^fo- lument qu’un autre 1 avale, il n eft que ce moyen pour vous rendre la vie. Chacun trouve des raifons pour refu- fer le remede;mais Alcefte s en faiiit, en difant qu’elle lait bien qui le pren- dra. Pherès refte fur le theatre, inquiet de la fanté d’Admete. Il craint que fon fils ne foit mort ; mais il parait & il court l’embralfèr. Admete apprend à fon pere, que quelquun eft'mort pour lui, & qu’il eft jufte de le bien récompenfer ; aulfi-tôt Cephife vient àu Théâtre Italien*. air* leur apprendre qu’Alcefte a pris la mé¬ decine , & qu elle eft morte pour fau- ver la vie a (on époux. Alcide attiré par les cris du Peuple ’ demande quel eft le fujet de cette trif^ tefle, & Admete Im répond, qu’Alcefte vient de mourir pour lui. Alcide en parait confterné, & dit à Admete. que sil veut lui céder Alcefte, il en¬ treprendra le voyage des Enfers, & armchera au pouvoir de Pluton, cette viftime de l^our conjugal. Admete yconfent . Mercure paraît & s’olFre de fervir de guide à Alcide. Le.théâtre change, & repréfentele Fleuve Ache- ron Caron dans là barque, chante î A 1 R : Je vis le Pays More. Sans ccffê je travaille A palTer chez les mort*. Les Grands & la Canaille, Dont fourmillent ces bords ; C’eft l’Arrêt de la Parque, Pour entrer dans ma barque, Ombres, il faut payer, Et jufqu’ au noir cocithe , Il faut que Ton acquite Les droits du Maltoticr, flulîeurs Ombres parpdiçqt les pa-; Tîijloire ^ rôles de rOpéra. Paffe-moî j Caron ^ pctjfe-moi : fur Tair, il faut que je filCm Trois OMBRES# A I R : Les Feuillantines^ Kousfommes trois fcélérats. Fils ingrats. CARON. oh ! vous ne paflerez pas. r Les OMBRES. Sommes-nous donc fi coupables, Qu’il nous foit défendu d’aller aux Diables? TAR S I S. AI R : Ah Robin \ tais toi. Je fuis Tarfis. Z E L I E. Moi, Zelie. CARON. Quels piw)yables accens ? Vous avez, mes pauvres enfant, Eté peu de jems en vie. T A R S I S. Ahl ce font les airs. Et les vers Pc du Théâtre Itatien, De travers , Qui nous ont, ma Mie , Conduit aux Enfers. CARON. Dans majeune/Te, 'Muficiens brillaient, Poëtes travaillaient, Danfeufes enlevaient, Et Chanteurs excellaient 5 Tout Tentait le PermelTe. Aujôurd hui ce n’eft plus cela , Chanteur s’égofille, Danfeufe fautille, Pôëte roupille, Muficien pille , Et le tout va, Cahin, caha. Une OMBRE. Caron, me connaiflez-vous bien ? Je fuis ce pauvre Italien , Lon, lan, la, derirettc. Qui s’efl: marié dans Paris , Lon, lan, la, deriri. Devais-tu, fortune ennemie, Me traiter fi cruellement ? Tome ///, K 2îS Hljlotrâ CARON. Êtes-vous mort de maladie ? U O M B R E. Non , je fuis mort fubitement. Alcide paraît, chaffe les Ombres, SC oblige Caron de le pafler. Le théâtre change , & reptéfente l’Enfer. Pluton voyant TOmbre d’Al^ cefte ^ lui chante : AIR : La beauté , la rareté. Commence de goûter d’une paix éternelle, La beauté, Tu meurs pour ton époux j ah ! quel excès de zele ! La rareté. Pans le féjour des morts , tu viens montrer la belle , La curiofité. Cela mérite, dit Pluton, un Diver- tiflement qui fera même bien placé. Un LUTIN. Quelle fête voulez-vous lui donner? Nous n’avons ici que des Mufîciens très-mélancoliques. du Théâtre îtalîen. aip P L tr T O N. « N importe, quils chantent toujourSi ^ nieme je veux qu*ils danfent. Le LUTIN. Mais , Seigneur . longez qu’ils n’ont pas envie de rire. PL U TON. Je veux qu’ils chantent. Le lutin. Ce font des gens au défefpoit. P L Ü T O N. Je veux qulls danfont. Les Qmbres danfent & chantent pour obéir a Pluton & pour, amufer Alcefte. Aleâon'toute alJarmce, an- nonce a Plutçp^ que le fils de Ju- Piter vient ^arriver dans'fofi Empire. Alcide parait, demande Alcefte , l’ob¬ tient & la ramène dans le Ohâr de PJn- ton, qui leur fait ainfi fes adieux. A I R : ReputJfeT^ûus, bon Français. Je confens, à remplir yds vceux. Montez danlmon Char tous ks deux Profitez de l’efcorte, Et que le Diable vous eniport'* lij sg20 Hifîoln Le théâtre change, & reprérente ürt arc de triomphe. Alcide revient des Enfers en conduifant Alcefte, qui re¬ garde tendrement fon epoux. Alcide s’en apperçoit , & lui en fait des re¬ proches auflî bien qu’Admete ^ qui lui dit que cela n’efl: pas bien, puifquil l’a cédée à Alcide. Ce Héros veut bien renoncer à fes'droits, & il les réunit en chantant : qu'il eft beau de triompher de foi-même; mais Admete lui répond que ce n’eft pas l’effet de la vertu, mais celui du voyage. Alcide fe retire, Ad- mete & Alcefte, s’embrafTent, & la Piece finit par le Vaudeville fuivant. FA U D E fil le. Pour fou époux femmc jblie, Immole fcs attraits , Hélas i quelle folie ! C’eft porter l’amour à l’excès 5 C’eft ce qu’on n’a point vu de la vi^, Bt ce qu’on ne verra jamais. ' 'X Coquettes fans fupcrcherie, Petits-Maitres diferets, Auteurs fans jaloulic. Normands dégoûtés de Procès s Ceft, &c. du Théâtre Italien. 24 ï Qu’un vieux prétende, chez Silvie, Sans or , trouver accès, Hélas ! quelle folie ! Qu un Gafcon régale à fes frais 5 Ceft, &c. A fon Amant, fille jolie, Difait, je te promets . D'aimer fans tricherie. Hélas, lui dit-il, chere Agnès, C’eft, &c.. X Cette Parodie eff celle de la Tru’^ gédie-Opéra d’AIcefte dont les paro¬ les font de^ Quinault &- la mufîque de LuHi, & c eft a fa fîxiéme- reprife, que Donrinique & Romagnefî en donnè¬ rent la parodie au Public, dont elle fut très-bien reçue. Elle mentait fon füc- ees ; elle eut yingt-une repréfentations. Elle a été remife en 1755) avec de nou¬ veaux couplets fur les Pièces qui avoienf paru depuis peu. Voyez le quatrième volume de cette Hiftoire. 222 Hijîoire DEBUT DE CONSTANTINL Angélo Conftafitini , conrtu dans l’ancienne Troupe fous le nom & par l’emploi de Mezetin, débuta le <) Février fur le nouveau Théâtre, par le rôle d’Intriguant, dans la Comédie intitulée la Foire Saint-Germain, qu il avoir joué autrefois, elle fut précédée d’un Prologue que Ricccboni fils avait fait à fon occafion, & dont nous al¬ lons donner l’extrait. Momus & Arlequin paraiflent d’a¬ bord. Momus fe plaint de voir fi long- tems fes jeux déferrés. Tl en demande la caufe.à Arletjuin, qui l’impute à l’amour extrême que les Fra;nçâis ont pour la nouveauté. Momus lui promet; de remédier âr cet Mkconvénient par* une nouveauté qui doit l’emporter fur toutes les autres; A fon ordre, un vieil¬ lard vénérable s’avance > il fait enten¬ dre que c’eft le Mezeti» de l’ancien Théâtre Italien. A un nouvel ordre du: Dieu qui Tintroduit, & qui le prend fous fa protection, il dépouille fa robe de Vieillard & paraît fous l’habit de Mezettin. Momus récite une fable au fujet de fa vieillelTe. Il le compare à un arbre, qui dans fon printems , at¬ tirait les Bergers & les Bergeres fous du Théâtre Italien. 225 fon verdoyant feuillage, qui défendait les paffans contre les ardeurs du foleil dans l’été , & qui dans fon automne ccmfer* vait encore des agrémens qui le fei- faient aimer ; mais agrémens qu i! pef- dait ablolument dans fon hyver , ca qui obligeait tous ceux qui l’avaient autrefois chéri à l’abandonner. Cette fable ne paraît pas d’abord favorable à un Aéleur âgé de foixante-quinze ans ; mais Momus le confoîè par un coup de marote, qui répand fur fon cher éieve une agréable folie, qui doit tenir lieu de jeunefle j après cet'e opération Mo¬ mus fe retire ; Arlequin badine agréa¬ blement avec Mezetin & va préparer la Piece à laquelle il invite Mezetin. Ce dernier raconte un fonge qu’il a fait, dans lequel il s’eft cru tranfporté d Italie en France , & même au thé⬠tre de riîôtel de Bourgogne y dont le fouvenir lui a toujours été précieux. Il ajoute qu’il a vu fortir une guitarre d un trou, qu’il l’a prife & en a joué pour capter la bienveillance d’un Par¬ terre qu il a toujours regardé comme fon pere nourricier ; que pour com¬ ble de bonheur, ce Parterre, loin d’a¬ voir oublié le plailîr qu’il lui a fait au¬ trefois , l’a excité par fes applaudiflèt •224 Hijîolre mens à mériter de lui plaire encore. Tout ce qu’il a vu dans fon fonge s’exécute réellement ; on lui préfente une guitarre fur laquelle il chante ; le Public applaudit ; Mezetin lui fait une profonde révérence & fe retire pour aller commencer la Pièce, après avoir chanté le couplet fuivant. ^ A I R : Vous qui-vous moequc^ far vos ris^ Mezetin par d’heureux talens». Voudrait vous fatisfaire, Quoiqu’il foit depuis très-long-temsy Plus que fexagénaire. Il rajeunira de trente ans S’il pent ençor vous plaire. Il fut reçu afièz favorablement da Public, & continua fes débuts le 7 , par la même Piece & le même Prolo^ gue. Le 8 par VAmant étourdi ; le iZ par Af^^^uin dévalifeup de maifons, & 1© 13 par Arlequin Empereur dans la lune,^ 11 joua dans toutes le rôle de Zanni » ©U Intriguant ; mais n’ayant pas été reçu avec les applandillèmens que fa réputation femblait devoir lui promet¬ tre ; il quitta tout à-fait le Théâtre, Angelo Conftantini était né à Vé¬ rone en Italie , il prit fort jeune le parti de la Comédie , & joua avec pucçès le rôle d’Arlequin fur différeus. du Théâtre Italien J âïéâtres d’Italie. Il pafla en France en i 58 r , & débuta dans l’ancienne Troupe Italienne, où il fut reçu , pour douWèr le. fameux Dominique ; mais eelui-ci quittant peu fon emploi, & Conflantini craignant d’étre à charge a^lès camarades , il le chargea de dif¬ fèrent rôles d’intriguant, fous le nom de Mezetin., Dominique étant mort, Mezerin te remplaça apres avoir reçue des mains de Colombine le mafque & l’habit d’Ar- lequin , dans une fcène qui avait été' compofée à cette occafion. Le' Public- habitué à te voir jouer à vifage- dé¬ couvert, l’engagea à quitter le maf- que , ce qu i! fit ‘lorfque Glierardi fuc- eéda à Dominique dans l’emploi d'Ar¬ lequin. Conftantini reprit alors fon pre¬ mier caraéèere , qu’il' continua à vifage découvert ufqu’à la. fiippreflion- du Théâtre Italien, arrivée en ’ ô^Oi Get événement obligea- Angelo' Gonftantini à. palier à Brunfwick , pour fe joindre à une Troupe Ita- iienne*, dans laquelle il joua le rôle de Mezetin. Il pallà enfuite à la Gour d Augufte I , Éleéleur de Saxe , Roi de Pologne -, pour laquelle il iêv^" une. Troupe, de. Comédiens Italiens^ R-. V. 2.2 6 Mifioire En reconnaiflance de fes fervices, c& Monarque lai donna des lettres de Nobleffe & y joignit le brevet de la char?e de Camerler Intime, Tréforier de fes menus plaifrs , & Garde des bijoux de fa chambre. Tant de bon¬ tés femblaient promettre un fort heu¬ reux à Mezetin ; naais fon caradèré hardi & fon penchant pour le fexe, le portèrent à offrir fes vœux à une Maîtrefle de fon Maître; & il ofa join¬ dre à fa déclaration des difcours peu refpeétueux fur le compte du Koi, Cette Dame fut fi outrée de l’info- lence de Mezetin, quelle en avertit le Monarque , qui le fit enfermer pendant vingt ans dans une tour du château, de Konifgtein, d’où il ne fortit qu’avec ordre de ne point refter en Saxe, &; de n’y jamais rentrer. Il revint à Verone ‘ la patrie ; mais le defir de- revoir Paris , & plus encore celui de ipparaître fur un théâtre où il avait été long-tems applaudi, le ramena en France en 1728, & ce fut alors que pour la fomme de mille écus que lui donnèrent les Comédiens Italiens , il joua dans les Pièces dont nous avons, parlé , & retourna enfuite dans. la patrie où il mourut à la fin de la même année.. du Théâtre ItaUtn, ARLEQUIN TANCREDE. Parodie j en un acte en profe j mêlée de: V audevilles j iç Mars 172 p, (1) D A N s la première (cène, Argant » habillé en Hnlîàrd, donne ordre à fes Gens, de rappeller & de raflèrabler fes Dragons, qui ont pris honteufement la fuite. Il ajoute que quoique Tan- crede les ait bien roffes, il n’en veuf pas demeurer-là. C’en eft fait, conti¬ nue-t-il , je vais arracher Clorinde à Tancrede. ARGANT. A I R : U efl pourtant tems , ma mer^ Je cede à ma jufte fiireur. HERMINIE. Que vous me eau fez de frayeur Ü Vous allez périr. ARGANT. C’eft trop difîiourir. ) Le Théâtre repréfentc les TonAeauxfe^ B.ois Sanafins. 228 Hifiolre H ER MI NIE. 1 OÙ va-t-il courir ? Voulez-vous mourir? ARGANT. Il eft pourtant tqms, PrinccfTe, Il efl; pourtant tems De la fecourir. AI R : Colin , va-t- en dire à Nanon, Aux pieds de ce vieux monument, Nous allons jurer grayemenr ,. D’exterminer ce.téméraire, r H ER M I NIE. De quoi férvira le ferment, 5 ’il ne veu^pa? fe laiffer faire.? Elle ne peut s’empêcher de foupiren, lArgant qui s’en apperçoir, lui de¬ mande fi elle s’intérefle à ce Chevalier errant ; elle convient de bonne foi qu’elle l’aime., Argant'lui reproche fa faiblefle pour un horpme qui a tué tous fès parens , ôc Herminie lui répond que c’éfi |uftement cela qui la rend fenfible.,, EUe voit arriver Ifmenor & fe retire.. ï£ra.enor dit à Arganç, qi/il vient fe- ç.Qnde,r fa valeur, parce qu’il aime Herr du Théâtre: Italien, minie. Ils jurent tous deux la mort de. Tancrede, & chantent : Si les Dieux font pour lui, les- Diables font pour noos. . L’orcheftre joue là marche des Dra¬ gons qui parailîènt. Ifmenor fait en¬ trer les Magiciens, qui forment une danfe myftérieufe,, pendant laquelle- il fait fon évocation. Les Diables fortent, de dellbus le théâtre, battent les Ma-:- gkiens ôc les chaflent. A R G A N T. A' I R : Quand le péril.'. Vous avez eu la bailonnade Comme les chercheurs dè trélbr, Vous avez fait, pauvre Ifmenor, Une belle ambaflade. Ifmenor fort, en.difant qu’il va re-^ feuilleter fon grimoire, & Argant s’en va avec les Dragons. Le théâtre change, &. repréfente le camp de Tancrede. Clorinde, feule. appelle îa raifon à fon fécours. Air: Pfends-moi pour Jardinier^:. Raifoa, viens à mon . fecours .3., A toi feule j’ai recoa2;Ss4 SL^a Hijîoirc Ah ! je le fens bien , Par un doux lien L*amour retient mon ame; Faible raifon, tu ne peux rie»' Sur refprit d’une femme y. Lons la Sur l’efprit d’une femme^ Tancrede dit à Clorinde, qu’il vienr lui rendre la liberté,, ainfi qu’à tous £ès Soldats. CLORINDE. C’eft une gafeonnade. C’eft pour augmenter votre gloire. TANqR ED E. Ma gloire! bon, bon, c’eft bien h quoi je penfe. Il lui déclare fon amour, qu’elle re-- çoit avec fierté. Les Captifs paraiflent.. CLORINDE. Voici vos Captifs, foyez fage , .au- moins ; cachez bien votre amour. T A N C R E D E. Au contraire, vous verrez le joE effet que cela produira. du- Theâtfe Italien', ^ Il ordonne à tous ces Captifs, de- témoigner leur reconnaiflànce à CIo- rinde. Ils forment des danfes, après^ lefquelles on chante fur un air p-arodié de l’Opérav Si le danger vous étonne:, Fu/ez, faibles cœurs , L’Amour ainfî que Bellone, Vend cher fes faveurs.. Il eft des détours à prendre, Des Mamans qu’il faut tromper/,^ Des Agnès qu’il faut furprendre.,. Et des Macis à duper.. X Mars veut un cœur intrépide Et l’Amour veut de Targent, On méprile un Guerrier timide j».. On rit d’un Amant indigent. TANCREDE. Il me femble, Madame, que vous ne prenez pas beaucoup de pîaifîr à ces fêtes; fi cela vous ennuyée, vous n’a¬ vez qu’à vous en aller. A propos, m’aimez-vous r Clorinde Taflure du contraire, & IuL dit qu’Argant faufa l arracBer de fes^ mains. Tancrede r’efte feul, & ne don- 3^2 Tîïjtoïre tant plus qu’Argant ne foit fôn Rival,, il jure de s’en venger ; mais un Soldât vient lui apprendre qu’un- Sorcier faif périr tous fes Soldats dans la forêt pro¬ chaine. T A N CR ED E. Gourons à leur fecours.^ Le SOLDAT. Ah! Seigneur, ne vous y rifquezt pas, l’Enfer fécondé fa rage. T A N G R E b E. Bon, lêurs' encHantemens ne. font peur qu’aux petits enfans; Le théâtre repréfente la Forêt en¬ chantée. Argant apprend à Hermiuie , que Tancrede aime Clorinde. Herini- nie fe lamente ; mais Argant lui dit : Sufpendez ces vaines douleurs,, Il faut du fang & non des pleurs. Herminie apprend à Argant, qu’If- menor a enchanté la forêt, & qu’il' prendra foin de fa vengeance. Il fe re* tire, Tancrede paraîtl’orcheftre joue, l’air des Pendus, TANCREDE. Ah ! que cela eft touchant ! je ma: lèns. attendri. du Théâtre Italien. A I R : Zampon, En vrai Héros de Roman , Surmontons renchantement ^ Une fimpie ritournelle. Pour marrêter, fuffit-elle, Non, non, Non, non, L’air n’en eft pas a/Tez bon. ^ Les Danfeurs & les Danfeufes ar¬ rivent déguiies en Garçons & en Ser¬ vantes de Cabaret, au fon de la lym- phonie ; ils dreflent une table où ils font aCeoir Tancrede , qui convient ^ue l’Enchanteur l’a pris par fon faible^ il s’enivre. » s’endort, & les Danfeurs l’emportent dans la cave. H E R M I N I E. A IR ; Quand on prononcé. Tancrede eft par mes foins tranfporté dans lâ: cave, Au d'éfâut de i*Amour, Bachus m’ofTrè un Efclave 5: Ma Rivale paraît, cprouvons-Ià , je croi Qu’elle aime, à babiller autant & plus que moi. Elle annonce à Clorindela mort. 5 34 Uijîoïre deXancrede, qui vient, dit-elle, de périr dans la cave. C L O R I N D E. Etait-cc en le faifant trop boire ,, Qu’il fallait le faire mourir ? Clorinde ne fe contraint plus, elle laifle éclater fes regrets. Que dans le monument, Notre ardeur nous affemble , DilFères d’un moment, Attends-moi, cher Amant, Attends-moi donc. Bis* H E R M I N I E. Eft“ ce pour aller chez Pluton , Qu’il faut partir en. n bk? Comment, vous foupîrez? Vom Taimez-donc, ma mie. CLORINDE. Air: Crcyei’^vous qu Amour m*attrape* Par ce foupir qui m’échappe, Connai/Tez mon tendre amour. HERMÎNIE, à part. Comme elle mort à la grappe,, Quoupe ce foit un vieux tour ! du Théâtre Italien, 25 : 5 * Allez, ce n'cft qu’une attrappe, Car il voit encore le jour. Et qui plus efl, tu vois ta Rivale.^ CLORINDE. Quoi ? Vous l’aimez donc aufll f HERMINIE. Vraiment ma Comerc oui, CLORINDE. Cet amour eft-il dans l’hiftoire. HERMINIE. Vraiment ma Comere voire , Vraiment ma Comere oui. Elles fe retirent toutes deux. On entend derrière le théâtre, un grand bruit de pots & de cruches cal^ fées. La fcène change, & repréfente un fombre Caveau. Tancrede y dé¬ plore fon fort, Herminie paraît, l’ac¬ cable de reproches, & charge Ifme* nor de fa vengeance. Ifmenor fuivî de plulîeurs Démons leur recommande de bien tourmenter Tancrede , avant de le faire mourir. Les Diables le lutinent.Ils lui appointent un çanon, dont l’amorce prend, &.lui. Hijtoire tirent enfuife un coup de fufîl qui eft« plein de farine , dont il refte tout blancé Ifmenor leve enfin le bras pour le frap¬ per ; mais Herminie l’arrête. HERMINIE. Arrêtez. TANCREDE. Ciel! m’a-t-il frappé ? ISMENOR, à Herminie, Qu’entends-je ? Mauriez-vous trompé ? H E R M I N I E. Je l’aimei,. Je l'aime., TANCREDE. H eft toujours dupé», Le Nicodème. Ifmenor voyant arriver Clorinde ; dit: il me vient une plaifante idée, & chante fur l’air., je juis Moufquetairè moi.. Pour me venger d’une ingrate Maîtrefle, Et d’un heureux Rival, le le remets entre vos mains', PrincdTc. Théâtre Italiem CL OR INDE. ■Quel trait original ! 3)es vrais Jaloux , Ifmenor ,eft la perle. ISM-ENOR , en s'en allant* Je fuis un fin merle, ipoi , Je fuis un fin merle. . Clorinde refte avec Tancrede, lui Tend fon épée, & lui avoue fon amour; mais elle lui apprend qu’il a la gloire ;à craindre. TANCREDE. Encore la gloire ? CLORINDE. Tancrede aurait-il befoin de fembla- tles remontrances? Faut-il qu’une femme les lui falTe,? T A N C R E D E. Je comptais faire l’amour en quar¬ tier d’hiver. CLORINDE. Ma réfolution eft prife, pour me punir de mon amour, je vais combat-, ae mon Amant. ( fort .} Tlïfloire Letkéâtre change, èc reprélênteles remparts d’une vi’le. Tancrede arrive au fon des timbales & des trompetes, & apprend à Her- minie, qu’il vient de tuer Argant, dont on lui apporte les armes; mais Clorinde arrive bien-tôt bleflee & por¬ tée par des Soldats. Elle lui apprend ique c’eft lui - même qui a fait le coup, TANCREDE. A.Ï R: Quf jt chéris mon cher Vpifin. Morbleu, xjuel trak extravagant. Jugez de ma furprîfe ,, Ma foi j’ai cru tuer Argant, £xcuféz la méprife, ^ * ■ Air; Quand le péril cfl agréable. Qu’en ce jour mon courage brille I Et que j’en retire un grand fruits Toute ma valeur fekéduit, A tuer une vfille. CLORINDE. AlleZy j-e vous pardonne : comment aurie2-vous".pu me reconnaître fous les armes d'Xrgant? TANCREDE. Quoi? Vous portiez les armes de T'héàtre Italien! 2x9 Q^i Diable s’en ferait doa- ^. Il faut avouer que tout va bien aux 43a mes. CLORINDE. Air: Les ceux qui Vont tué^ Mes yeux à la Jumiere, V ont bien-tôt fe fermer, Je finis ma carrière , Sans cefier de t’aimer 3 ferends bien foin de tes jours dans ta douleur, Et ne va pas mourir. TANCREDE N’ayez pas peur. On emporte Clorinde, ;& ‘la Pleçe Cette Parodie réuffit aflez bien, & fut jouée jÿqu’à la clôture du théâtre, tlle eft de Dominique & Romagnefi. quatrième reprife de la Tragédie Lyrique de Tançrede . dont le Poëme eft de Dapchet, niuliqiie (Je Campra. 240 Hifloift RETRAITE DE RICCOBONL Le 26 Avril, Louis Riccoboni gnifia à l’affemblée des Comédiens, la peimiffion qu’il avait obtenue de le retirer, lui, fa femme Flaminia, & fon fils François Riccoboni j les deux pre¬ miers avec une penfion de mille livres chacun. Leurs camarades ne furent pas moins fenfibles que le Public à cette perte ; mais Flaminia & Riccoboni le fils, rentrèrent au Théâtre quelques tems après , comme nous le dirons alors. On fit fur cette retraite à l’Opéra- Comique, les couplets fuivans dans une petite Piece intitulée les Spedacles Malades. , Air : Quand le péril ejl agréable. On vient de me tirer, ma mie , Trois bonnes palettes de fang j Mais cherchant du foulagcmcnt. Je me fuis affaiblie. _ Le Perfonnage qui repréfentait ■Comédie Italienne ajoutait. AIR ’• Mathurin mon Compere, Je vivrai donc ma chere, Au défaut de cela , De viande fort légère , D’abatis d’Opéra. Un Aâeur continue l’air : Vous iu Théâtre Italien, 2^1 Vous en pouvez être foulagée j Mais pour guérir à fond votre mal, Jc crois que vous ferez obligée Daller prendre a la fin, l*air natal. Louis Riccoboni était né à Modène; & fils d’un Comédien célébré ; ii fui- vit la profeffion de fon pere, & rem¬ plit toujours avec fuccès l’emploi de,: premier amoureux, fous le nom de Frédéric. Il entra dans la Troupe de la Signora Diana . femme de Jean Bap- tifte Conftantini, connue dans l’an¬ cienne Troupe Italienne fous le nom d’O.étave Diana, qui l’engagea à quitter le nom de Frederico, pour prendre ce-; luideLelio, quil a toujours porté de*- puis en Italie & en France. Riccoboni avait époufé en premières noces la fieur maternelle de Francefco Materazzi, doéèeur de la nouvelle Trou¬ pe. Cette première femme fe no-mmaic:- Gabriella Gardélini ; elle jpuait alors les foubrettes , mais elle quitta dçpuiç- cet emploi pour prendre celui de fé¬ condé Amoureufe ; elle mourut jeune & fans lailTer d’enfaas à Riccoboni qui le remaria & epoula en fécondes no¬ ces Helene Ralleti , aéluellement vi¬ vante , & dont nous parlei'ons d’une Tome 111, 244'' y La Défoiàtion des déüxr'Coriiidîés, Piece Françaife , en |)t 5 'fe '& en i|h aâre fuwie^’ufi'^iVéïnflèrnèftii en fÔ-r ciétéiavec Doniïniqiie, 1718'.' •' Le Joueur, Canevas'en troi^âéèe?, Ü718.. . - _ Le Soupçonneux ,-CâHêvas' en ^rdis' aftes^ îr7àiv - - ^ Endirtiion , ou l’Amour vêiigd, .Ca¬ nevas en trois aéiés, Ï721. Le Négligent, Canevas en un iade avec des Scènes Françaifes de Domi¬ nique, 1721, ' Arlequin Cartouche , CaneVas' eh cinq aétes ,1721. Poliphéme, Gônïédîe-Ft'ançaïfe en profe, en cinq aéies, en'Tociété ^vec Legrand , 1722. Arcagambis , Tragédie - Burlefque , en vers & en un aâc, en fociété avec Dominique , Romagriefî & Riccoboni le fils, 1725. ’ . ^ , - Et l’Italien marié a rs‘,^Comé-' die-Françaife en cinq adtes,' «Hprofe, mêlée de divertiiïemens qui n’eft que traduftion du Canevas, connu fous le même titre, & que M. Delagrange a depuis mis en vert. Indépendamment de tou^ ces du-' Vjrages Dramatiquès, Loufe'ïlicCoDofel du Théâtre Jtaüent , 2^-^ a encore écrit une îîiftoire raifonnée du Théâtre Italien , depuis la déca¬ dence dé la' Comédie Tatine , jufqu k fon fîéciè ; un Poërné Itaiiert fur la déclamation ; des ,Phf^*''^ations fur la Comédie & fur le Qénie de Moliere, & Réflexioiïs îliftoriques & Critiques fur' lés différéns Théâtres de l’Euro- avec des Penfées ;fur la Déclama¬ tion J un onyrage intitulé la Refor- màtitîn du Théâtre^ans lequel il re- le Ve plulréurs'fautes, qui Te trouvent 'dans nos râeîlleurs Pièces, mais fur lefquelles il a fouvent des vues qui fe¬ raient peu conformes au goût de no¬ tre Nation. Lelio après'fa rçtfaite, fe rendit à Ta Coür du Duc de Parme, qui lui donna l’Intendance de fo.n Speélacle & celle de là maifon ; mais la mort de ce Prince produifit foh retour en Fran¬ ce , où il mourût le 6 Décembre Le 2 hlâi , le Théâtre Italien le rouvrit par Tirnon le Mifantrope, & par le Rétour de TendrelTe. Made- moifelle Silvîa y récita pour la première fois avecteutes les grâces qui lui étaient famiUeres, ÏQ Compliment qu’on a ■ 244 ' ^ ^ La Défoiation des déüxl'Coiiiidîés, Piece Françaife , en pîS'fe ‘dc -en/^n û(^e V fuwie -d’uff'^ivèïtiflcimeïiï 'en fô- ciété iavec Doïflinîqiie, 171 SV •' Le Joueur, Caneyas'en troi^ââe?, ■ • •- ' . . Le Soupçonneux ,-CâHêyas' èn ^rois " aftes^ trystiv ■ •■ * *' - ' ' Endimion , ou l’Amour vé^gd, Ca¬ nevas en trois a<âès, 1721. ’ Le Négligent, Canevas en un aéjte avec des Scènes Françaîfés de Dotni- nique, 1721, ' Arlequin Cartouche , Canevas en cinq aéles ,1721. Poliphême, Gônïédie'Ft'ançaife en profe, en cinq aâes, én'Tociété avec Legrand , 1722. Arcagambis , Tragédie - Burlefque , en vers & en un aélc, en fociété avec Dominique, Romagriefî'& Riccoboni le fils, 1J26. ^ . ' Et l’Italien marié à P^ïs vTCotné- ' (die-Françaife en cinq adtes rerHprôfe, mêlée de divertilTemens qui n’en: que traduftion du Canevas, connu fous le même titre, & que W[. Delagrange a depuis mis en vers. Indépendamment 'de tbU'S ces du-' vyages Pramatiquès, Loufe'ïlictobofei- du Théâtre Italien, a encore écrit une Hiftoire ralfonnée du Théâtre italien , depuis la. déca¬ dence dé la' ComédieTatine, jufquà fon fiéclê ; un Poëirie ïtâliert fur la déclamation ; dea P^f^rvations fur la Comédie & fur le Qénie de Moliere, & Réflexions ÎTiftoriques & Critiques fur lés différéns Théâtres de l’Euro¬ pe, avec des Penfées ;fur la iXéclama- tiéri ; un qnyrâge ihtitùfé la.Refor- màti'on du Théâtre,; ^shs lequel il re- leVe plulrsurs fautes qui^fè trouvent 'dan^ nos rneilleufs Pièces, mais fur lesquelles il a fouvent des vues qui fe¬ raient peu conformes' au goût de no¬ tre Nation. Lelio après'fa retraite , fe rendit à la Coür du Duc de Parme, qui lui donna 1 Intendance de foii Speéèacîe & celle de fa maifon ; maïs la mort de ce Prince produifit foh retour en Fran¬ ce , ou il mourut le 6 Décembre T7i-3- . Le 2 hdât , le Théâtre Italien ie rouvrît par Tinmn le Mifantrope, & par le Retour de TendrefTe. Made- moifêlle Silyia y récita pour la première fois avec toutes les grâces qui lui étaient famifleres, ie Compliment qu’on a L iij 2^6 . . Hifl'oife . , coutume de faire au Pui^liç , & qui m'^a' ^jjaru mériter être trânfa^it, ,, ; ' C O M P îc,I> M E N : Mess x e u r s , ■ ’ C’eft une femme qui s’efi: chargée de l’honneur §£ du rifque de vous adrefler la parole. L’üfage jüfqu’à pré- fent n'a ,CQnfie ce fôin qu’aux hom¬ mes.; màftaalîî oferal-je dire que çe n’elfc pas !à première injufl:ice| qu il ait faite •à notre fexe. Cet enfà^ du ca.price Sc de fa force, nous tyrannife impuné¬ ment, & le tems bien loin de détruire fon pouvoir ne fert qu’à l’appuyer da¬ vantage ; mais, Mefïieurs^ comme je fuis dans une. république où 1^ fem* • mes ont lèur vôix délibérative^,, j’âi çru ne pOiivoir mieux fignalpr ,.i’QU- verturé de rioère Thatre ,, qu’en-répri¬ mant les abus. En effet,.pourquoi vou¬ drait-on nôus exclure d’un honneur dont nous connaiffons fi bien le prix^ ^ft-c.e Iç zèle.quf nous manque.? Eft- ce la langue ? 'Ni l’un , mi l’autre. E“ Mérité, on ne nous a jamais;vù,‘réftèr court, '&.les plus grands Orateurs fe¬ raient charmés de fournir leur car¬ rière avec' autant de rapidité,mue nous courons la nôtre, * , - du Théâtre Italien. 247 On nous accufera peut-être dé ne pouvoir pas donner à un difcours ces grâces fcholaftiques & cet aflèmblage des parties qui doivent le compofer; & qu importe ? Il eft de certains dé¬ sordres préférables à l’arrangement ; notre lexe ne connaît d’autre réglé' que celle .de plaire ; & puifqu’il réulfit fi bien, Ton heureux naturel l’emporte fur l'étude fur laraifon mêftie : mais , Meilleurs, je m’appérçois qu’au lieu d un compürnent que je dois vous faire, je m engage infenfiblement dafts notre panégyrique , & que je juftifie en quelque façon ceux qui li’oleraiènî nous' confier des négociations 'importantes. Pardonnez cette digrelîîbn à mon zèle, pour vous , Melîîeurs ; le feul defir de paraître digne de l’emploi que j’ai bri- gue J m a entramee malgré moi à dite tant de bien des femmes ; d’ailleurs, il m’eft permis de jouir du privilège du Harangueur ; il en a de grands ,’il peut fortir de Son fujet, fe mêler quél- quefois de ce dont il n’a que faire, & malgré cela il n’en eft pas moint^ ap¬ plaudi. Oui, le Public, qui ne con¬ naît que trop mon embarras, lui ’ f^it toujours bon gré de tout ce qu^I-peht 2^8 Hijîoife dire pour fe tirer d’affaire. Que ce même Public n’a-t-il cette indulgence pour nos Pièces nouvelles! Qu’il nous épargnerait de triftes mo- mens ' Mais que dis je , il eft obligé de prouver le bon goût de fon lîecle, & de ne fouffrir fur nos Théâtres que des ouvrages qui falïènt honneur à la Nation. Oui, Meflîeurs , continuez , faites tapage aux mauvaifes Pièces , afin qu’on travaille avec plus d’attention à vous en donner de bonnes, 'ou du moins de paflables. Réprimez les Ac¬ teurs qui repréfentent mal. Que les Auteurs vous doivent une réputation éclatante ; que les Afteurs acquièrent des talens en profitant de vos juftes décifions. Voilà peut- être le premier Compliment ou l’on vous ait donné de femblables confeils ; mais, Melîîeurs , outre que vous les prendriez - bien Arous meme , votre fatisfaéiion nous eft ttpp précieufe, pour que nous vous prfons de vous laiffer ennuyer fans . riéq dire. Ce Compliment ne fut pas moins applaudi que celui que Mademoifelle flaminia avait fait en 172^^ iu Theâtfe Italimi ^ 4 ^, Début de lAademoifcllt Belmont. Ânne-Elifabeth Gooftantiçi, fille de Jean-Baptifte Conftantini, Comédien de l’ancienne Troupe , & femme de Charles-Virgile Romagnefi-Belmont, aufli Comédien de l’ancienne Troupe débuta avec fuccès dans le rôle de la Femme Jaloufe, & dans celui de la Veuve Coquette , qui furent les pre¬ miers qu’elle joua au ^Théâtre le ^ Mai, & fut reçue à part entière', le 17 Avril 1730 , . ainfr^ que Catine pour leiquelles on créa deux parts noa- vellçs; ' ■ , Début dt Stîcbtt, ^ ' ■ ■ : cOj" ''t -c ’rç : , . Antoniô Sticori, fils ^ (tUrfuIe Af- tori Cantatrice, & de Fabio Sticotiy. qui joua depuis le Pantalon,. débuta à l’âge de 18 ans, le 11 Mai pour les rôles d’amoureux^, & “joua celui dela- 5 uFprifede l’amotir, avec beaucoup de fiiccès,. & &it' reçu à'demie part ',-ûai® la même année. S.-T sSpD .r-"- tfes PAY^Âm bÉ QüAtitÉ. Comédie en un acie en profe ^ précédée d’un Prologue <5” fuivie d’un Diver- ■ tijjement I3\ Juillet, lyzg, - ■ . ;PzR G t. Q‘G.U:Ë. : -Un Marquis & un Ghevalier'^e ren¬ contrent dans les. foyers de la Comé¬ die Italienne, le Marquis ne voyant encore perfonne, juge que la nouvelle Pièce que l’on va repréfenter ne vau¬ dra rien ; à quoi le Çhevalier répond que c’ell juger avec trop de précipi- itation, 6r qiié l’on ne doit rdécider d’un ouvrage, qu’après avoir réfléchi mûrement fur toutes les parties qui le ■ compofént. Après quelques traits de.cri- Itique contre ceux qui précipitent trop leungugeïiïent fur les nouveautés , ie Cbevalieredemandeau Marquis Je nom. de l’Auteur. .t Le.MARQUIS.- Je ne le connais point, mais voici' un bel efprit., qui pourra nous en inf- truire. du Théâtre Italien, Le Poëte Platinet qui furvient, efl: flueftionné par le Marquis & le Cheva¬ lier, P L A T I N E T. L’Auteur eft anonyme. Le MARQUIS. Anonyme ! Oh parbleu quelqu’anc^ nyme qa’il foit, je le traiterai de ma¬ niéré qu’on le connoîtra à fa phyfio- Bomie. Platinet prend le parti de l’Aureur en difant qu’il fe nommera lî fa Piec© réuffit, , Le MARQUIS. Fort bien , il n’avouera fa progenw ture , qu’en cas qu’elle lui fafle hon¬ neur. Quel eft le fujet de cette; Piece ? PLATINET. J’ai entendu dire que la première; avait une intrigue , & l’autre n’etaif eompoî'ée que de fçènes épifodiques. Le Marquis fur cette lîmple expo» fîtioiT, condamne l’ouvrage, & fou-- tient que le tour doit être déteftable ce qui échauffe ttllement Platinet a, au en voulant défendre l’Auteur,, U, fe L ^ Hijlolre décele lui-meme , en difànt qu’il aura bien du maiheur s’il tombe. Le MARQUIS. Ah ! la Pièce efl: donc de vous ? P L A T I N E T. Qu’ai je dit ? Le CH E VAL I E R. Le fang a parle', M. Platinet. P L A T I N E T. ' Ah ! Meflîeurs, je me fuis trahi. De grâces, applaudiflez; le moment fatal approche, les Comédiens vont entrer fur la fcene ; je vais me cacher dans le fond d’une loge. Le M A R Q U I S. Je fouhaite que vous n’y falïïez pas, le plongeon. du Theatre Italien» Les Paysans ete Qualité, (i) Collette dit à Mathurin qu^eüe eft auflî impatiente, que lui ; mais qu’il faut aller tout doucement, que quand fa mere ne fera plus malade, ou quand elle fera tout à fait morte , ils s’épou- lèront. Elle témoigne le chagrin que lui caufe ce contre-tems ; eHe ajoute que Mademoifelle Lucinde était venue ex¬ près dans le village, pour honorer fa noce de la fîenne ^ qu’elles devaient toutes deux fe marier de compagnie*. Erafle & Lucinde apprennent de Colette & de Mathurin la maladie de la Jardinière, qui retarde leur union, Lucinde paraît fenfîble au chagrin de Colette , en lui difant cepen¬ dant qu elle devrait moins le faire éclater, & que les bienféances Tenga-^ gent du moihs à cacher fon empreflè^- ment, C O L E T T Ev Bon, bon, efl-ce que j’avons étudié comme à la ville , à cacher les mou- vemens de notr^e cœur ; quand il nous parle , je récoutons, & je fommes bienTheureufès , nous autres Villageoi- fcène eft à la Campagne, 1 ^. Maiién d’Oronte.. •2 5*4 Hijloire fes, de ce qu’il ne nous donne jamais que de bons confeils. Erafte & Lucinde fe retirent. Co» fette va voir fa mere avec Mathurin, Le Tabellion vient avec Oronte > !jSc il lui- découvre que fa Jardinier© vient de déclarer par un aâe authenti* que , que pour alTurer une fortune brillante à fa fille, elle l’a fubftituée a la place de Colette, & que cette mal- Ëeureufe n’a pas voulu enfevelir dans le tombeau un fecret de cette impor- .fônce. O R O N T E. Quoi ! Colette eft ma fille ! mais pourquoi la nature n’a-t-el!e pas été ia première à m’en inftruire ? Le T A B E L L I O N. Cela n’eft pas furprenant, la nature dins les peres n’ofe s’expliquer avec certitude. Oronte prie le Tabellion de lui en¬ voyer Colette, & de lui défendre de fa part de parler davantage à Mathu¬ rin , ce qui oblige le Tabellion de dire que Mathurin eft un très bon garçon, 8c que s’il était riche, il pourrait bien fLomienk à Colette» Le Tabellion fort du Théâtre Itqlkn, 2^'^ & un iriftànt après, Gofette vient & abprdè Oronte avec jdîe i crdyatit veut lui pâfler de fon mariage avec Mathurin ; mais Oronte qui vetsc ‘abfôlüment rén détacher , lui fait con¬ naître qu’une pareille alliance eft indi¬ gne d’elle, puifqu’il vient d’être ins¬ truit par le Tabellion de Ta naidànce, & qu’elle eft fa véritable fille.' Colette^ paraît extrê'mérnènt furprife de cette; nouvelle. Oronte ,aprè§ Kàvoir embraC- fée, lui ordonne de renoncer à Ma- rhurin, & tâche de lui infpirer deî fentimens dignes du fang qui l’a fait naître. Il eft, dit-il, perfuadé que dès qu’elle connaîtra fes devoirs, il lui eiii coûtera peu pour oublier Mathurin, C O L E T T E. 1= Mon pere, il faut que je ne lois; pas votre fille ; car je l’aime tou?- jours. O R Ô N T E. ! Quoi l ia nature ne te fait pas len^' tir que tu dois .me facfîfier un anaour' qui me déshonore? et''t,e.. . - : Qui vous déshonore, !'Que dites- Yous îà , MonCeur, ou mon pere, puî6- ^ue vous croyez l’être , eft-ce que l’a^ mour a jamais déshoiroré la nature?, P eft fi naturel de lui même. Oronte lui défend abfolumeüt de voir Mathurin. COLETTE. Que je fuis malheureufe ! ORONTE. Que dites-vous, Colette ? Je croyars que ce jour devait être pour vous le plus heureux de votre vie ; vous re¬ trouvez un pere.... COLETTE. Oui ; mais je perds un amant; O R O N T E. Peut'on faire quelque eomparaifoR* entre un pere & un amant ? COLETTE. Vraiment, je favons qu’il y a bien de la différence ; un pere veut qu’on le refpeéle ; un amant veut quonJ’aime; le pere gronde , l’amant flatte ; l’un ordonne, l’autre obéit ; à la fin pour¬ tant le pere marie, mats fcêft faraant; ^ui; époufe*. du Théâtre Italien. Oronte fort, & Mathurin vient tout joyeux » annoncer à Colette que fa jïiere en reviendra » parce que fes Mé¬ decins l’ont abandonnée. Voyant Co¬ lette trifte, il lui en demande la caufe i elle lui apprend quelle ne s’appelle plus Colette, & qu’elle eft la fille de M. Oronte , que lui - même vient de l’en inftruire. Mathurin dit que mal¬ gré ce changement, il veut bien en¬ core l’époufer ; mais Colette lui dé¬ clare que M. Oronte ne veut plus qu’ils fe voient. Cette nouvelle attrille fort Mathurin, qui lui demande dans quels fentimens elle eft ; Colette pour éprouver fon amant, feint d’être fen- lîble aux avantages que lui promet la fortune. Mathurin fe défefpere ; mais Colette le ralTure en lui difant que rien ne pourra la détacher de l’amoux qu elle a pour lui. JLucinde, informée du changement de fa fortune , témoigne à Colette Id chagrin quelle reflent d’avoir fi mal occupé fa place ; que fon amitié pour elle n’a pas été afièz tendre , ni lès déférences aflez marquées^ COLETTE. Je ne jme plains nullement de vous,’ ûfS Kiflotre Vous m’avez aimée fans (avoir qtitf vous y étiez obligé , & moi je doiis maintenant vous aimer par obliga¬ tion. Erafle furvient ; Lucinde lui de¬ mande s’il eft inftruit du revers dont elle efl accablée. E R A S T E. Gui J je viens de l’apprendre ; mais que peut fur moi le changement de votre fortune ? Je ne pourrais être fen- (îble qu’à celui de votre cœur. Colette dit à Erafle , que quoi que •fon pere fafle, elle ne l’aimera jamais, ■qu’elle efl trop attachée à Mathurin , pour lui être infidel . Après cette Cène elle fe retire pour aller (é jetter aux genoux d’Oronte & faire tous fes efforts pour le toucher. Erafle refie & regrette fort fon valet Arlequin , qu’il a lailTé à Paris , e» difant que fon fecours lui ferait à pré- fent d’une grande utâlité ; il l’apper- çoi en bottes .arrivant de Paris. Erafle efl furpris de le voir ; Arlequin prie fon Maître de le débotter. Erafte lui fait tirer fes bottes par un Payfan ; après quelques lazis de la part d’Ar- du Théâtre Italien, 2.^^ lequin , il remet à fon Maître une lettre de fon pere. Cette lettre inftruit Erafle de rarri- vée de fon pere, comblé des préfens de la fortune ; il lui mande quil eft charmé de l’alliance qu’il va former avec la fille d’Oronte , fon ancien ami, & le charge de s’informer d’un enfant qu’il a laiffé au Tabellion , le¬ quel eft le fruit d’uii mariage qu’il avait contradé avant que d’époufer fa mere ; cette nouvelle jette Erafte dans un grand embarras. E RAS TE. Plus Oronte me faura de bien, .plus il me prelïèra d’époufer fa fille. AREEQUIN. Vous ne voulez-donc plus l’époufer» laiflèz-ffloi faire, je romprai ce ma¬ riage. Erafte recommande à Arlequin de ne point parler à Oronte de cette lettre. Arlequin lui promet j mais com¬ me il comprend que la nouvelle de la fortune de fon Maître , eft ce qui l’en¬ gage à renoncer à la fille d’Oronte,, il ne manque pas, dès-qu’il l’apperçoit, de lui dire que lê pere d’Erâfts a fait Jiïjtoirc fortune aux Indes ; & quil ne doit pas s attendre à voir accomplir ce ma¬ riage. Mathurin, Colette ^Lucinde ^Erafte^^ Arlequin & le Tabellion prient encore Oronre > qui eft toujours inflexible. Erafle remet au Tabellion la lettre qu il a reçue de fon pere. Oronte veut forcer Colette à ligner le contrat. Le Tabellion préfentc Mathurin à Erafle» en lui difant qu’il efl Tenfant que fon pere lui a confié ^ Mathurin efb fort furpris de cette aventure. Erafle em- brafle fon frere. Enfin Oronte fe rend aux prières d’Erafle, & accorde Colette a Mathurin. Lucinde témoi ;.ne, fon in¬ quiétude j Erafle la raljhre en lui di¬ fant que fon bonh.ur dépend de fa pofleflîon. Il répocife, & la Pièce finit par un divertiflement. Vaudeville. Veut on dans l’art de duper ^ DeveniT habile? Veut-on apprendre à tromper ? Qu’on aille à la ville. Cherche-t-on la fincérité Dont on doit faire ufagc ^ La naïve ïîmplicité ? Qu on aille au village. Âu Théâtre Italien, 2^1 ï. ü C I N D É. Veut-on trouver des Irk D’un accès facile , Xt de volages maris \ Qu'On aille à la ville. «Çh^tctcrc iôn dans une beauté; UnaîjeriiGdeftc&rage, ' • : Darîs ^ lalîdéilté ? on aille 3u yittagev c O L JE T T E. . .:^ur(^uici, cher Matliurin, ‘ Notre amé u-anquiHe, • ^ofitait un heureux deftîn j Mais gare la viile, làle fexe eu trop dégourdi, Tu deviendrais volage, ' J’y trouverais quelqu’écourdi, f au village. Oette Pieçe, qui eft de Dpipinique & «e Komagnefi , eut vingt-quatre repré- lentations avec tout le fuceès qu’elle nierrte & qu elle obtient encore loriC- qu on la joue; ce qui arrive très-fou- vent. Eijlûirt ±61 LES D É B U T S. Viecc en un acte en Profe j mêlée de Vers, 13 Juillet I72ff, (i_) TT RIV E LIN dit à fês'camaràdes que c’eft en ce jour qu’ils doivent'faire l’eflài de leurs Auteurs & dq leurs Ac¬ trices nouvelle^ ; que plufieurs perfon- nes de bon goût qui ont été invitées & cette éprèuve, en diront leurs fen- timens ; que fi cette-, méthode!.était en ufage , tant pour les Pièces nou¬ velles , que pour les Débuts ,;Orï;épar- gnerait fouvent au Public des, ipqmens bien fâcheux. Après cette expqfition , on vient annoncer un jeune homme qui fe préfente pour débuter. Ce nouvel Aéieur falue la .Compa¬ gnie, en difant que puiTqüë lè'cbamp eft ouvert pour les Débutans, il e{~ pere qu’il lui fera perrnis. d’entréf en- lice; on lui demande s’ilfait bien des > rôles dans les pièces du Théâtre Ita¬ lien , à quoi il répond qu’il n’a ja- ' (i) La fcène eft fur le théâtre dcrHôtcIdc Joargognc. ^ ^ du Théâtre Italien. ^ f îïiaîs étudie que des rôles tragiques, que 4 es Comédies de leur théâtre ne va¬ lent pas la peine qu*un Adeur sV attache; on le prie de réciter quelques , vers, afin qu*oa puifle juger-de fes ta- lens. II récite le pot-pourri fuivant^ La Grece en nia faveur cft trop inquiétée , De foins plus importans je J’ai crue agitée .. ^ Seigneurj ' montez au Trône, & commandez ici. Connaiflez-vous Céfar, pour lui parler ainfî ? Le deflTein en efl: pris , je pars cher Theramene, Et quitte le féjour de l’aimable Trézene. . . Je le veux , je 1 ordonne, Sc que la fin du jour Ne le retrouve pas dans Rome 8c dans ma Cour. . . . ObéifTez, c’eft trop vous le faire redire 5 Je voudrais, difiez-vous, ne favoir pas écrire. ... Mais malgré tout l’amour dont mon cœur eft épris. Je fens trop qu’il n^eft point. . , allons , faute Marquis. Arlequin qui ne comprend rien à cette déclamation, prie le jeune hom-r- aie de lui expliquer ce que tout cela ■2>^4 Jiljloire lignifie. Je viens , répond TAaeur; de vous développer en vingt vers tous les lalens d’un grand Aéteur Français. Enfuite il demande confeil fur la Pièce qu’il doit choifir pour fon début; on lui dit d’étudier le rôle de l’Amoureux dans la Surprile de 1 Amour. Un SuilTe arrive, & dit qu il débu¬ tera par cette Piece -, tous les Comé¬ diens font furpris qu’un Suiflè veuille jouer la Comédie ; il s adrelle a Arl^e— quin & le traite d’infolent, de ® ^ tre pas trouvé chez lui lorsqu’il s y eft rendu pour lui faire une vifite , & n lui donne une lettre pour l’avertir de s’y trouver quand il reviendra le voir , on lui demande s’il veut une répétition , à quoi il répond qu’il n’en a pas bè- foin, & après beaucoup de menaces » il fe retire. Un Mezetin le préfente pour dé¬ buter. On lui dit que le goût eft en¬ tièrement changé , &c que l’on- ne joue plus préfentement la Comédie comme on faifait de fon tems ; tant pis , répond Mezetin , je vous fouriens que le goût ancien était excellent , puifqu’on me trouvait bon : que ne faites vous, âjou- tc-t-il comme nous faifions autrefois; ^ du Théâtre Itnlten, zgf louez des Pièces fans fuite, afin que le Public n ait pas la peine de fuivre l’in¬ trigue ; donnez des Scènes ilauèttes, on ne vous reprochera point de platitu- tenant d une main un brandon, & de l’autre un médail¬ lon. L’obélifque était enveloppe dans une nue qui femblait defcendre de fon Commet en forme de tourbillon julqu au A* la face du côté de la rue Com- telTe d’Artois, était le fymbole de la France, offrant fes voeux à Junon - Lu- eine i cette déefle qui préfide aux ac- couchemens , propice aux vceux de la France, lui montre Mercure qui del- cend du Ciel, & montre le Dauphin a l’Aurore j qui eft placée au haut de la nue , tenant d’une main fon flambe^, Ôc de l’autre répandant des fleurs. Un lit pour devife au deflbus de la repre- fentation du Dauphin, $pes unicaplebts. Pans le médaillon du Génie de la du Théâtre' Italien, 26^ cïroite on lit : Sol nafdtur j & dans celui de la gauche , Lilia crefcunt. Dans le cartouche du milieu , au- delïbus de la France, T)eus nobis h^c ùûa fecit. A la face du côté de la rue Fran- çailé, on voyait la figure de la féli¬ cité publique au bas de la nue, tenant de la main droite un caducée, & de l’autre une corne d’abondance. Elle ordonnait aux Génies d’exciter lesplal- firs & les jeux. Dans le haut (fe la nue paraifiaienc TAmour & l’Hymen avec le nouveau Dauphin, & au-defibs était la Renom¬ mée, tenant d’une main une couronne au-deffus de la tête du Prince , & de l’autre une trompette, publiant 1© bonheur de la Francer Ces paroles étaient au-deOus , Spes unïca plebïs. Dans le médaillon à droite , vota dédit.. Dans celui de la gauche ; ad Nejioris annos , & dans le cartouche du milieu, fœlicïtati publicce. Le lo & le II il y eut une pa¬ reille illumination & un concert d’inl^r trumens exécuté par environ quarant© Symphoniftes. 270 üifioire mi£^jÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊmÊÊÊÊÊÊÊmÊÊmmmmmimÊÊÊÊaÊÊÊÊÊÊÊÊ$ÊÊaÊÊÊÊftÊMÊ^ LE FEU D’ARTIFICE, ou LA PlECE SANS DÉNOUEMENT, Comédie en un aSle en profe j fuivie et un Divertijfement ^ 2j Septembre 172p. (I) N E Baillive & une Elue , témoi¬ gnent la joie qu’elles ont d’avoir quit¬ té Falaife pour venir à Paris paflèr le tems des réjouiflances publiques, ce qu’elles n’ont obtenu qu’gavée peine de leurs époux. La BAILLIVE. Ma chere amie nous verrons l’O¬ péra ; & ce qu’il y a de plus char¬ mant , on y voit des Déefles, des Dieux, des Diables, des Héros, des Danfeufes, des Décorations, des So¬ leils , des Machines , des Inftrumens. Nous verrons aulîi la Comédie Fran- çaife ; on dit que cette Troupe-ci eft meilleure que celle que nous avions cet É é à Falaife ; il y avait pourtant de bons Aâreurs. (i) La fcèae eft à Paris dansiui Hôtel garni. du Théâtre Italien, 27 II L’ E L U E. Et là Comédie ïtaliôn’Aè , votts l’ou-- bliez? La BAILLI VE. Ah fi ! ne me parlez point de la Comédie Italienne, cela ne peut être que très-mauvais, vive la tragédie : des éclats dè» voix qui vous frappent j des gefies furnatu’rels qui vous ’étoiinent, des vers que vous êtes forcé d’ap¬ plaudir avant que d’en comprendre la beauté : quand on a pris plaifîr à pleu¬ rer , je ne fais comment on peut s’amü- fer à rîfè ? Elles attendent ün Portier afin d’être tout- à fait du bon air. Arlequin à moitié yVfe , fe pféfente à elles, elles lé troui/èiit d’abord trop petit ; mais il leur prdnlet dè granidir a leur fervice : Elles lui ordonnent dé fe tenir à fon pofle, d’introduire po-» liment tous ceux dre d’une tante qui m’interdit tous lesJ plaifirs dont elle jouit elle-même.- Dandinet entre fur- la fcène,, totir dérangé , & fait un récit en normantE des avantures qui lui font arrivées de¬ puis qu’il eft à Paris. Il dit qu’en paf— fentfur le Pont-Neuf j ila fait rencontrée M iî74 Hifioire «i’une figure originale, qui lui a arra¬ ché deux dents nïalgré lui, fous pré¬ texte qu’il les arrachait gratis î & qu’en- fin une bande d’enfans lui a brûlé les ©rçilles & la perruque à coups de pé¬ tards & de fufées. L’Elu & le Bailli qui arrivent, voyant leurs époufes en bonne compagnie, les en félicitent d’un ton railleur ; le Bailli eft furpris de voir fon neveu & fa niece qu’il avait laiflee à Falaife y. les maris annoncent brufquement à leurs femmes que les places font retenues au coche pour partir le lendemain. Arlequin vient dire aux Dames qu’il y a plus de dix mille âmes dans la place , & leur demande fi elles fou- naitent qu’il les faflè monter ; un La¬ quais avertit qu’on va tirer le feu d’ar¬ tifice ; le Marquis & le Chevalier pren¬ nent la niece par la main , & lailTent la Baillive & l’Elue qui font outrées de la préférence qu’on donne à Clarke. Les maris en fe moquant d’elles, les prennent pardeflous le bras pour les con¬ duire au fond du théâtre, qui s’ouvre en même tems. On y découvre une illumination qui éclaire un édifice drefl 4 pour un feu d’artifice qu’on tire à la fin, du divertiâénaeiio, au- fon des timbales' Théâtre Italien, «27^ & des trompettes ; &Ia Pièce finît par des danfes d’artifiders & de Batelierà, apres telquellès on chante levaudevilte ^AUDE FÎLLÈ, l’Aaïoür éft im Artificier, Qui ftiiéûx que moi fait fon mëtièr j Qu’ilfaflè des yeux d’une belle. Partir une feule étincelle j Pan, pan, pan, La poudre prend, Tout eft en feu dâns un in'ftant. A ma nicre en vain je proh^ts De fuir l’amour & fes attraits, Tous nos férmfcns n’dnt plus de force; Lorfqu’ùn jeûné Atnsiatr nous am6rce‘i Pan, pan, &c. Cette Piece eft de Dominique 8e ïmaenefi. pm un r,, _iv- ^ M vj , 'Hifipirt H E S I O N E, Parodie en un aBe. en profe y mêlée ic- Vaudevilles 21 Octobre.lyzp, (i) *r É L A M O N fuivi de Cléon , fon confident, lui ordonne de fe difpofec à partir avec lui pour n’être pas le té¬ moin de rhymen de la Princefle avec. Anchifefon Rival. Cléon s’étonne fort; qu’après les fervices que Télamon a rendus au Roi de Troyes, iî-enagifle iî mal avec lui, il lui confeille de re-, prendre le chemin de la gloire. La lymphonie joue l’air de.Magde- îon Friquet, & Télamon chante : Air-; Nout^ firvons pour vous fasisfaire, ' A quoi bon cette Ritournelle _? * C L É O N, Il ne faut pas^ la méprifcr . Elle annonce quelque irnmortçlléri , vient ici ^’humanifcr^ Vénus vient en effet,offrir fon-le-, cours à Télamon, pour vaincre l’inhu-- maine qui le méprile y &. elle lui pro^ met de l’en faire aimer. ftf) ic Théâtre repréfèntc un Temple» àii Théâtre- haîien,. 2 TTi VÉNUS. Air; Quand le periL tes Dieux me feront néceflaireS',, Zéphire allez les appellcr. T É L A M O N. Les Dieux voudraient-ils fc mêler De fémblables afiàires ? Vénus fortv & Télamon refte avec: Gléon, qui foupçonne que Vénus pour¬ rait bien êtreamôureufe d’Anchife, & que lô fervice qu elle rend à Télamoji n’ell pas fi défin rételle.' Anchife arrive avec Héfione, & Télamon fort avec fon confident, qui. lui dit: AIR : Tu croyais en aimant CoUtte,^ Quoi, dé peur de' troubler la fête-^,. Vous cédez la place au favori ? On ne peut.rien dé plus Jhonnête^ç Vous faites déjà le .mari;. Anchife témoigne à là Princeflè joie fur l’Hymen qui va lés unir,, HÈSÏ.ONE. ic peuple s^avaacc en ces-liçux_ àfS Hîjîolre A N C H I S E. C’eft répondre on ne peut pas naieur. Le Peuple & les Sacrificateurs entrent au fon de la fymphoDiè, le théâtre s’obfcurcit, le tonnerre gronde, & Laomedon dit qu'apparemment les Dieux n’aiment pas la mufique. L’Oracle parle Sc dit, qu’Anchile doit aller au Mont-Ida, pout appren¬ dre l’arrêt du Giel. AN C HISË. A quoi bon feire ce voyage ? l’Or racle n’a qu’à s’expliquer ki. Le R O 1. Pour agir de la forte, V L’Oracle a fa raifon. ... , K ’• ANGHISE. Quelle cilf dont lôn ihterition î Le ROI. i De changer en cette occalI«n , ’ De décoratibn. Ils fe retirent tous. Le théâtre chan¬ ge & repréfente un défert affreux; Anchife reparaît & dit qu’un feul coup du Théâtre itaüen. 27^ de fifflet, Ta fait arriver dans ce dé- ^èrt. On n'y voit que des torrents & des. précipices, ce qui ne le prévient pas favorablement; mais le théâtre change tout-à-coup, & repréfente un féjour délicieux où Véftus paraît avec fa fuite» VÉNUS. A I R : Je fuis h fimple Violette^ D’une paffacaille ennuyante, Je veux bien t’épargner les fons^ Car je fuis trop impatiente Pour m’amufer à des chanfbny, Vénus n’afpire dans ce jour. Qu’au bonbeux de te plaire,, Je fuis la merc de l’amoux,. Je dois lavoir le faire- Anchife fe retranche fur fon relpeéî; ce qui ennuye fon la Déefle qui le con¬ gédie, & qui enVoye l’Amour deman¬ der au Deftin, quel elpoir luit eft per¬ mis. V É N ü S. A I R : On n entend plus te bruit des armes^ J’ai fu foumettre à ma.puiifance. Le ciel, la terre, & cætera. Les; Dieux ont été fa eœur Jaloux, & faifons-lui croire qu’An- ehife eft amoureux de moi. Héfione qui a déjà reflenti îepoifoR de la jaloufîe, témoigne le défefpois que lui caufe. l’infidélité d’Anchife.Té- lamon furvient, & lui fait quelques re-> proches. T É L A M O N. At R : Lt joli jeu d’amour»- Malgré tous vos mépris,, Venez dans mon pays , Daignez y recevoir un arylcs Je connais vos feus-'. Pour un Rival trop heureux j Mais je ne fuis pas difficile. Héfione n’écoute feulement pas ce’ que lui dit Télamon, elle le quitte brufquement ^ &• Télamon relié feul, dit que malgré le fecours des Zéphirs & des Dieux, il n’en ell pas plùs avan¬ cé; mais Vénus qui furvient, l’afliire qu’elle le rendre aimable par le • fe^? du Théâtre Italien, SiSt tours de Ptoferprne. Elle fait une con¬ juration. Des Ombres heureufes pa- raifTent, forment une Dame, & une. toilette fort de deflbusle théâtre; Vé¬ nus & fa fuite au fbn de la fymphonie». mettent de la poudre, du rouge & des¬ mouches à Télamon pour l’embellir ^ & après l’avoir ridiculement ajufté, Vénus lui dit qu’il peut paraître devant fa Maîtrefle ; mais qu’il doit éviter la préfence de fon Rival. Le théâtre change & repréfente u» Port de mer, Anchife arrive, & dit qu’il vient de voir Télamon aux ge¬ noux d’Héfio-ne. Elle paraît, ils fe font tous deux des reproches; mais ils fe juftifient & fe raccommodent facile» ment. Vénus les furprend, fait éclater- fbn refïèntiment, & les deux Amanà j^ennent la fuite. V É N U s; Allons, allons, appelions vite Nèp» tune, c’eft moi qui fuis la caufe qu'il s’’eft appaifé en faveur des Tioyens j. qu’il reprenne fa fureur, il n’aUra pas- de peine,, car il eft toujours prêt à mat faire. On entend un bruit de tempêtes», Neptune paraît & fait danfer une en? Hifîoîrc trée de Vents. Il fait auflî fortir uil Monftre de la mer» & dit à Vénus que Télamon en fera le vainqueur, & que pour fruit de fa viéfoire, il époufera Héfiône. Neptune rentre dans la mer, iVénus fe retire, & Anchife arrive quel-, que tems après avec un tronçon d’é¬ pée dans la main. Il dit que le Monftre a la peau diablement coriace, qu’il lui a caâe la meilleure lame du monde fur le corps , & qu’il n’a pas feulement dai¬ gné lui donner un coup de griffe. Vé¬ nus revient, & lui dit que c’eft elle qui l’a préfervé. Laomedon arrive aum, & apprend à Anchife , que Télamon vient enfin d’époufer Héfione. Anchife entre en fureur, & prédit d’une maniéré comique , tous les malheurs qui doi¬ vent arriver à la ville de Troyes. Il fe jette f ur un lit de gafon, Laomedon effrayé fe retire, & Mercure vient an¬ noncer à Vénus, que l’amour a fléchi le defîin, & qu’Anchife va l’aimer. Vé-. nus réveille Anchife, & lui chanté ce couplet : A I R : Margot fur la hrunç^ Enfin bel Anchife, Votre foi m*eû promife. Le fort antorife du Thedtre Italien, Ce beau commerce -là. A N C H I S E. Le fort, Madame , Veut que mon ame Pour vous s enfîâme , D ou vient cela ? VÉNUS. C’eft un dénouement d’Opéra. Cette Parodie eut le fort commun à prefque toutes celles qui font forties de la plume de Dominique & de Ro- magnefi, c’eft4-dire, qu elle fut très- bien reçue du Public. Elle eut quatorze repréfentations, & fut faite pour la troifîeme reprile de la Tragédie Lyri¬ que d’Héfione, dont Danchet a fait les paroles, & Campra la mufique. T LES JEUX DE L’AMOUR ET DU HAZARD. Comédie en trois acles en profe y 2J Janvier (i) Si L VT A reproche à Lifetre d’avoir dit à Orgon, fon pere, qu’elle ferait bien aife d’être mariée ; ce qu? eft d’autant moins vrai,, qu-elle craint que Je mari qu’il lui a deftiné ne foit aa- delTous du portrait avantageux qu’on lui en a fait. Orgon vient annoncer à fa fille que ce prétendu doit arriver le jour même. Silvia ne reçoit pas cette nouvelle fans marquer quelqu’inquié- tude dont fon pere lui demande la rai- fon ; elle lui avoue fes craintes & lui Fait entendre qu’elle voudrait bien, avant que de s’engager, connaître fi le earaélere de cet époux lui convient;, elle prie Orgon de confentir qu’elle l’éprouve fous le nom & les habits de Lifette, tandis que Lifette pafièra pour' Silvia. Cette idée fait rire Orgon pour des raifons q fon apprend dans la fcène; foivante. Il confent au double travef- U )I l’accufe de lui montrer peu de zèle 6c la congédie avec humeur. Dorante arrive & n’eft pas plus tran¬ quille ; ils entament une converfation dans laquelle ils font tous deux fore contraints. DORANTE. Je crois que j’ai à me plaindre da toi, Lifette. SILVIA. Bourguigr^on , ne nous tutoyons plus, je t’en prie. DORANTE. Comme tu voudras. SILVIA. Tu n’en fais pourtant rien, DORANTE. Ni toi non plus. Tu me dis, je t’en prie. SILVIA. C’eft que cela m’eft échappé. Ve¬ nons à ce que tu voulais me dire, tu te du Théâtre Italien, plaignais de moi. De quoi était-il quef^ tion ? DORANTE. De rien , d’une bagatellé. J’avais envie de te voir, & je crois que je n’ai pris qu’un prétexte. S I L V I A , à fart. ' , i Quand je m’en fâcherais, il n’en ferait ni plus ni moins. Si tu n’as que cela a me dire , nous n’avons plus que faire enfemble. DOR AN TE. Je ne fais ce que je dis, ni ce que je te demande ; adieu. SILVIA. Tu prends le bon parti ; mais à pro¬ pos de tes adieux, il me relie encore une chofe à favoir. Vous partez, m’as- tu dit, cela ell-il lerieux ? dora N T E. Pour^moi, il faut que je parte, ou que la tête me tourne. SILVIA. Je ne t’arrêtais pas pour cette ré- ' ponfe là, par exemple. N ij îî_p2 Hifioire DORANTE. Si tu fa vais, Lifette, l’état où je me trouve..,. S IL VI A. Il n’eft pas fi curieux à fayoir que le mien, je ton afliirè. ' T ! DORANTE. ' Que peux-tu me reprocher f Je ne me propofe pas de te rendre fenfible. SILVIA.à/>am S’B me-faudrait pas s’y fier. Dorante fe jette à fes genoux, 3c. M. Orgon & Mario arrivent ; ils font la guerre à Lifette, de la fituation où ils là trouvent, ce qui fait éclater fon dépit. Son pere l’engage cependant à continuer la feinte encore quelques inf-, tans, & il lui promet qu’elle le remer¬ ciera bientôt du délai qu’il lui de,, mande. i MARIO. Et tu épouferas Dorante, même avec inclination^ je te le prédis; . , . mais, mon pere., je vous demande grâce pour le Valet, 'âu Théâtre Italien, S I L VI A. Et moi je. veux.qu’il forte. O ü G O N., Son Maître en décidera. ' Dorante qui était forti’ à l'arrivéè dOrgon & de Mario, revient après leur départ. T dorante. Ah ! je te cherchais, Lilèttc. - ’ SILVIA. Ce n était pas la peine de me trou¬ ver, car je te fuis, moi. . ' D O R A N TE. Arrête donc, Lifette. p’ai à te-par- 1er pour la dermere fois; il s’agit d^é Maître^ «ï"» regarde tes SILVIA. Va le dire à ëux-mêmes, je ne te vols Jamais que tu ne me chagrines; laiire- dorante. tnrJV*!r autant; mais écoute- moi te dis-je ; tu vas voir les chofes N iij Hijiolre bien changer de face, par ce que je t« vais dire. SILVIA. Eh bien, parle donc ; je t’écoute > puifqu’il eft arrêté que ma coraplai- fance pour toi fera éternelle. DORANTE. Me promets-tu le fecret ? S.I L VI A. Je n’ai jamais trahi perfonne. DORANTE. Tu ne dois la confidence que je vais te faire, qu’à l’eftime que j’ai pour toi. SILVIA. Je le crois ; mais tâche de m’eftimer fans me le dire, car cela fent le pré¬ texte. ^ dorante. Tu te trompes Lifette > tu m’as pro¬ mis le fecret. Achevons ; tu m’as vu dans de grands mouyemens, je n’ai pu rhe défendre de t’aimer. SILVIA. Nous y voilà ; je me défendrai bien :|de t’entendremoi. î-a-dieu. du théâtre Xtalîen, 2^^ DORANTE. ^Refte ) ce n eft plus Bourguignon gui te parle. S I L V I A. Eh ! qui es-tu donc ? DORANTE. Ah Lifette ! c’eft ici où tu vas juger des peines qu’a dû reflèntir mon cœur. S I L V I A. Ce n eft pas a ton cœur à qui i« parle, c’eft à toi. DORANTE. ^ L état où font les chofes , me force a te le dire ; je fuis trop honnête-hom- me pour n en pas arrêter le cours. Sache que celui qui eft avec ta MaîtrelTe, eftj)as ce qu’on penfe. SILVIA J vivement. Qui eft-il donc ? DORANTE. Un Valet. C’eft moi qui fuis Do* rante. Niv 2^(5 lîijloire S IL V I A , à part. Ah ! je vois clair dans mon cceut. DORANTE. Je voulais fous cet habit, péne'trer un peu ce que c’était que ta Maîtrefle > avant que de l’épouler. Mon pere: en partant, me permit ce que j ai fait, & l’événement m’en paraît un fonge. Je hais la Maîtrefle dont je devais être l’é¬ poux , & j’aime la Suivante qui ne de- vait trouver en moi cju un nouveau Maître. Que faut-il que je fafle à pré- fent? Je rougis pour elle de le dire j mais ta Maîtrefle a fi peu de goût, quelle eft éprife de mon Valet, an point qu’elle l’époulera fi on la laifle faire. Quel parti prendre ? S I L V I A. CachonS'lui qui je fuis..... votre fituation eft neuve alTurément ! mais,,, Monfieur, je vous fais d’abord mes ex- cufes de tout ce que mes difcours ont pu avoir d’irrégulier dans nos entre¬ tiens. DORANTE , vivement. Tais toi, Lifette, tes exeufes me chagrinent ; elles me rappellent U dit-. ^iu Théâtre ItaHen. canée quî nous fépare, & ne me la rendent que plus douloureufe, silvia. Votre penchant pour moi eft-i£ fe'rieux? M’aimez-vous jufques-là ? DORANTE. Au point de renoncer à tout enga¬ gement, puifqu^il né m’eft pas permis d’unir mon fort au tien ; & dans cet état, la feule douceur que je pouvais goûter, G était de croire que tu ne me haïllàis pas.. S I L VIA. _ Un cceur qui m’a ehoifi dans la con^ dition ou je fuis, eft allùrément biea digne qu’on l’accepte ; & je le paye¬ rais volontiers du mien, fi je ne crai¬ gnais pas de le jetter dans un engage¬ ment qui lui ferait tort. dorante. N as-tu pas alîèz de charmes, Li- fette ? Y ajoutes-tu encore la nobleSe avec laquelle tu me parles ? SILVIA. J entens quelqu’un. Patientez encor® ■N V Hiftoin fur l’artîcle de votre Valet; les chofes n’iront pas fi vite : nous nous rever¬ rons & nous chercherons les moyens de nous tirer d’affaire. DORANTE. Je fuivrai tes confeils. (Il fort.) , : ■ / :S I.LV1^A. ' ' ■ Allons, j’avais grand befoin que ce fut - là Dorante. Le même fentiment de probité qui a engagé Dorante à fe découvrir à Silvia, ne lui permet pas que fon A alet abufe de l’apparence pour tromper Lifette r & il le force à fe découvrir, ce qui produit une fcène auflî comique que la précédente eft touchante. ^ ^ Arlequin a beaucoup de peine à en venir à l’explication. Enfin il prend la main de Lifette & l’apoftrophe aitrfi cheres petites menottes, je vous prends fans marchander, je ne fuis pas en peine de l’honneur que vous me ferez. 11 n’y a que celui que je vous rendrai qui m’inquiété. LISETTE. Vous m’en rendrez plus qu’il ne m’en du Théâtre ïtaliertl ^99 Faut. Vous ne fauriez croire combien votre modeftie m’embarraflè. ARLEQUIN. Ne faites point de dépenfe, d’embar¬ ras , je ferais bien effronté fi je n’étais pas modefte. LISETTE. Encore une fois, Monfieur, je me connais. ARLEQUIN. Eh! je me connais bien aufîî , & je n’ai pas-là une fameufe connaiffance, ni vous non plas quand vous l’aurez faite; mais c’eft là le Diable que de me connaître. LISETTE. Ah! tirez-moi d’inquiétude ; en un mot, qui êtes-vous? ARLEQUIN. Je fuis... . N’avez-vous jamais vu de la faufle monnoye ? Eh bien ! je refi- femble affez à cela. Enfin après avoir bien marchandé, il apprend à Lifette qu’il eft un Soldat d’antichambre, & qu’il s’appelle Arle¬ quin. 500 Hijloîte LISETTE, en colere. Faquin ! ARLEQ UIN, Je n’ai pu éviter la rime. LISETTE. Mais voyez ce magot, il y a une heure que je lui demande grâce, & que je m’épuife en humilité pour cet animal-Ià. ARLEQUIN. Hélas, Madame, fi vous préfériez î’amour à la gloire, je vous ferais bien autant de profit qu’un Monfîeur. L I S E T T E, riant. Va , va , ma gloire te pardonne „ elle eft de bonne compofition. ARLEQUIN. Tout de bon, charitable Dame. Ahî- que mon amour vous promet de re- connailTance ! LISETTE. Touche-là, Arlequin, le Soldat d’antichambre de Monfieur, vaut bien k CoëfFeufe de Madame., du Théâtre Itaîkn, ^ot arlequin. La Coëffèufe de Madame ? LIS E T T E. C eft mon Capitaine . ou l'equiva'* I«nt, ^ arlequin. Mais voyez cette Magote , avec quî depuis une heure j entre en confufîon de ma milëre. Ils fe pardonnent réciproquement,, & le promettent de s’aimer avec au¬ tant de réalité, que fi l’illufion durait encore. Nous termmerons â cette fcène,l’éx.s trait de cette Piece qui aurait dû fans doute y finir, & peut-être même à la precedente; puifqee la petite raifon de vanité qui^ empêche Silvia de fe faire connaître a Dorante ^ qui a là bonne toi de fe découvrir à elle , ne produit aucune fîtuatîon intéreflante, & que ces deux Amans étant les perfonnages principaux de la Piece , elle doit finir a leur reconnaifTance puifqu’elîe ne roule que fur leur déguifement; malpré ce défaut & ceux de vraifembîance qu on a julîement reprochés à M. de* Marivaux, on ne peut difconvenir que «02 mjloire là Comédie ne mérite le fucces qu elle a eu. Elle fut d’abord jouée quatorze fois de fuite, & elle eft une de celles que l’on reprend le plus fouyent & que l’on revoit toujours avec plailir. S A M S O N. Tragi-Comédie en cinq actes y en vers , 28 Février 1730- (i) Da l I l a ouvre la fcène avec^ fa Suivante Armilla; elle fait connaître ou’elle s’eft dérobée de la Cour de Ga- 23 , pour venir implorer le fecours de î5agon. Idole des Pbiliflins. Elle ap¬ prend à Armilla, quelle brûle d un coupable amour pour un Hébreu qu elle ne trouva que trop aimable la première fois qu’il parut à fes yeux parmi les Captifs qu’Achab avait faits dans la derniere viéloire. Samfon eft cet Hé¬ breu dont elle parle J elle ne lailTe pas de fe promettre de triompher d’un amour condamné par une loi exprefle du Roi des Philiftins. (i) Le théâtre repréfcnte un bois dans renfoncement duquel on découvre le Tcii>ple de Dagou. Théâtre Italien. 50 » Azael reproche à Sarafon l’indigne repos dans lequel il languit, au lieu de tourner contre les ennemis de Dieu, ces traits qu’il n’emploie que contre des animaux dans les vains plaifirs de la cnalle. Samfon lui répond qu’il foufcrit aux decrets éternels qui ont condam¬ ne es Héoieux a un pénible efclavage, en punition de leurs crimes. Voici comment il s’exprime : Du Dieu qui nous punit, refpedons la puif- fance 5 J éprouvé en ladorant, les traies de fa ven¬ geance Et je ne porterais que des coups crrminels , Si je les oppofais aux décrets éternels. II S endort fous un olivier. Pendant on fommeil il entend une voix qui chante les vers fui vans r La gloire en d’autres lieux rappelle > Samfon , brife ton arc , abandonne ces bois, Que fans tarder, le PhiMin rebelle. De ton bras triomphant éprouve tout le poids. Que ton cœur à ce bruit de guerre A ces éclairs , à ce tonnerre . Du Ciel reconnaifle la voix , Et que cet olivier paif hk » DirparaiiTe à l’afpeâ terrible’ De ce laurier garant de tes exploits. Tout ce qui eft exprimé dans ces vers , arrive à mefure qu’on les chante î les éclairs brillent, le tonnerre gronde, & l’olivier elî changé en laurier. Sam- fon rempli de l’erprit de Dieu, jette fon carquois comme un indigne orne¬ ment, il fs prépare à venger les Hé¬ breux & à les tirer d’efclavage. Il com¬ bat & étouffe un Lion prêt à dévorer Dalila ; mais auflî modefte après fa viâoire que vaillant dans le combat » il en rapporte humblement la- gloire au Ciel.. S AMS ON. Da/i/a. le Ciel dont la- faveur fécondait mon cou^ rage, A voulu conferver fon plus parfait ouvrage. DALILA. Ceux que le Ciel choifit: pour de pareils ej> ploits, Doivent s*énorgueilIir de Thonneur de foa choix 5 Et j'avouerai, Seigneur, que ma recoinaifc fan ce , Se partage entre vous & la Toute-Pui/Tance.. du Théâtre Italien. 5®'5’ Qaand on a vu combattre avec tant de va¬ leur , Pourrait-on refufer fon hommage au Vain-- queut ? ^ue ne puis-je égaler en un jour fi pro* pice , La louange au Héros, Sc le prix au fer- vice î Elle a reconnu l’objet de fon amour dans celui qui vient de lui fauver la vie. Samfon ne peut à fon tour être infenfible à fa beauté; mais Dalila lui bppofe fon devoir St fa religion, elle lui apprend qu’elle doit époufer Achab, Général des Philiftins ; Samfon n’ell pas effrayé de ces obftacles, qu’il ef- pere^de furmonter, & Dalila le quite après lui avoir fait connaître quelle n’efl: que trop fenfîble à fon amour, (i) Au fécond aéte le théâtre repréfente le Palais du Roi des Philiftins. Dalila avoue ingénuement à Achab, qu’elle aime Samfon ; elle s’en exeufe ainfi ; (i) Nous fupprimerons toutes les fcènes comiques qui font dtverfion à l’intérêt, parce que ’a Piece n’a pas befoin_ d’une épifode fi. monltrucufe. ^o6 lîijtoîre Achab, Je notre cceur les mouvement ra-* pides, Naiflent des paflîons qui leur fervent dt guides. Sur nos faibles efprits leur empire abfolu , Malgré tous nos efforts a toujours prévalu 5 Pour Tun, indifférens 5 pour l’autre, pleins de fiâmes 5 Nous ne difpofons point du penchant de nos âmes, Sous les traits de l’amour, lorfque nous flé¬ chi ffons , Ce Dieu nomme l’objet & nous obéifTons. A rapproche de Samfon, Achab re^ double fa colere contre un Rival aimé; mais Dalila Tengage à fe retirer en lui difant : Suis mes pas, viens favoir ce que le fort t’apprete. Emmanuel, pere de Samfon, lui re¬ proche fon amour pour unePhiliftine ; mais Samfon le rarfure par ce ferment: Oui, je jure. Seigneur, par vos jours pré¬ cieux , De venger, de brifer nos fers injurieux, £t fi je ne remplis toute votre efpérance. du Théâtre Italien. ^Of Puifle pouf tti’en punir la célefte vengeance. Me livrer en opprobre aux Philiftins cruels, Que traîne par leurs mains au pied de leurs Autels , Je Tervc de jouet à tout ce Peuple impie, Et que j’y meure enfin couvert d’ignomi¬ nie. (i) Achab fe plaint à Phanor, Roi des Philiftins, qu’un Hébreu ofe lui difpu- ter le cœur de Dalila, & il l’avertit que les Ifraëlites efpérant tout de la valeur de Samfon, font prêts à fe ré¬ volter. PHANOR. D un Rival généreux refpeétez le courage, JLa vertu doit toujours s’attirer notre hom¬ mage. Ma gloire ni l’Etat nont rien à redouter. Quel que foit cet Hébreu, je faurai l’arrêter. Et toute fa valeur ne pourra me contraindre Qu a l’admirer, Achab, & non pas à le craindre, Achab reproche encore à Dalila là faiblaiflè pour Samfon , dont il parle (t) Ce ferment n’eft pas roiit à-fait vérifié à la fin de la Pièce. Samfon meurt comblé de gloire, & non pas couvert d’ignominie. ^o8 lîijloite àvec beaucoup de mépris, mais Sanv fon qui était au fond du théâtre, indi¬ gné des menaces d’Achab , fe préfente à lui & le défie au combat. Phanoraf- feélant une juftice qu’il dément dans la fuite, prefle Dalila de fe déclarer pour l’un des deux ; mais celle-ci n’é¬ coutant que le zèle de fa religion , ôte toute elpérance à Samfon. DALILA. Je n’épouferai point Samfon,... cruel de"» voir ! Sur un cœur vertueux connais tout ton potu* voir. Samfon croyant que Dalila n’a fait jufqu’ici que le jouer, s’abandonne à toute fa fureur , & court fe venger fur les Philiftins. Le théâtre repréfente au troifieme aûe le camp des Phillftins, Achab pour confoler le Roi du carnage q-ue Sam¬ fon feul vient de faire de fes meil¬ leures troupes , lui apprend que le Grand-Prê re des Hébreux intimidé par fes menaces, lui a promis de le livrer. On amene Emanuel, pere de Samfon, prifonnier.Ce généreux vieillard brave le Roi, & lui dit que fi l’amour de fou .. du Théâtre Italien. ^qo fils pour Dalila a trop long-tems M- pendu fa vengeance , la prifon de fon pere va le de'terminer à la faire e'cla- ter. l^hanor ordonne qu’on l’enferme dans une tour qui paraît au fond du tneatre. On amene, peu de tems après, oamion chargé de chaînes , & Phanor rjemet fon fort entre les mains d’Achab ton rival, SAMSON, à part. Pour punir mes Tyrans, ma haine a pro- £té D’un ftratagémc heureux, qu’eux-méme ont inventé. Traîtres, qm n avez pu me vaincre à force ouverte, Votre propre artifice avance votre perte, Puifqu’il m’approche enfin de ces lâches Sol- dats ^ Que la peur de mourir dérobait à mon bras. • Achab commande à fes foldats de lui donner la mort; mais Samfon leur dit que ceft a eux-mêmes à trembler. Achab le menace d’époufer Dalila en fa prelence même. Ce dernier outra-j-e poufle à bout 4 patience de Samfon , ï bnfe fes chaînes, & trouvant par hafard une mâchoire à fes pieds ^ ü s 16 met en fuite les Philiftins avec ce vu inftrument. , Les efforts que Samfon vient de faire lui caufent une foif lî ardente > qu elle lui annonce une mort prochaine* II reconnaît alors que le bras du SeigneuÉ s'appéfantit fur lui, &c punit fon amour pour Dalila, il exprime ainfi fes re-, mords. Mais quel aveuglement fuk la préfomption ! Tu n’as pu Üirmonter ta folle palTion, Et tu yeux ignorer, lâche, quels font leç crimes Qui rendent aujourd’hui tes tourmens légi¬ times ! Souviens-toi que tu viens de combattre en cc lieu, Pour venger ton amour, & non pas pour ton Dieu. ^ Malheureux l tu croyais ne devoir qu’a toi- même Le fuccès que tu tiens de fa bonté füprême ; appuyé de fon bras tu faifais tout trembler y Mais fans lui, le plus faible aurait pu t’ac¬ cabler. La foif le prefle de plus en plus. Mon mal redouble, hélas l mes fens s eva- nouiffent, du Théâtre Italien» Mes yeux font obfcurcis, & mes genoux flé- cliiflent y Je vois rhon-ible mort errer autour de moi: Ceueftfait. . . Dieu puilTant, jerpere en- cor en toi. Sur les maux de Samfon, jette un regard pro-; piee, Ta clemence toujours balança ta juftice. j Indigne des honneurs que tu m’as préfente's. Que je partage ici tes immenfes bontés j Ah ! fl le repentir fait defeendre ta grâce Je ne faurais périr, & mon crime s’effacej Ce foudre deftruaeur de tant de Philillins Produira, fi tu veux, une foutee en m’eg mains 5 C’eft toi qui me l’offris contre ce Peuple im¬ pie. Il lui donna la mortj qu’il me rende la vie ; Semblable à ce rocher dont MoiTe autrefois , Vit jailhr un torrent fur ton Peuple aux abois. Il fort une fource d’eau de la mâ- choire, & Samfon après avoir étanché Charge d un fardeau fi cher^. il em¬ porte encore fur fes épaules les portes de la prifon qui font énormes. Le Roi inftruit de la défaite de fes troupes, na dans ce njoment d’autre tnfident que la fuivante f ‘ ‘ Gui lui confeille d’employer lartiface, Suifque la force ne fert de rien contre lamlbn ; elle lui dit qu’il faut que (a niaitrelTe flatte l’efpoir fléau de fes fujets, pour 1 engager a lui déclarer d’où naît fa valeur; Samfon, continue-t-elle. a au¬ trefois brûlé pour Tamnatee. ü taut Sre croire àDalila qu’il l’aime enco^^^^^ afin que fan amant ne puifle calmer la féfialce q.-en lui revêlan, ce toi fecret. Le Roi dont le caradere eft moitié vicieux, nioitié vertueux, ne le détermine qu’avec peine a cette trom perie qu’il ainii . Quelle perde Samfon i mais dans cette en- treprife , Que l’amour du devoir, s’il fe peut, la cou- duife. Dalila vient ; le Roi la preflTe d em¬ ployer pour le falutde fa P^^^e ’^ces mêLs charmes qui ont triomphe de Samfon. La force dont Samfon nous accable aujour¬ d’hui , Confifte en un fecret qui n’eft fu que e ui. ïlattez-le d’un Hymen , pour percer ce my - tere. Dalila iu TAeâtre ItaVien, jîj ! 3>allla fe réfufe à la perfidie que le Roi exige d’elle. Achab effrayé vient lui annoncer que tout eft perdu , & l engage à fuir s’il veut conferver là tete. Phanor ordonne à Dalila d’exécu¬ ter ce qu il vient de lui propoler pour le bien de fes fujets. Armilla l’y dit- pôle adroitement, en jettant dans fou cœur des foupçons au fujet de Tara- natée, & lui perfiiade qu’elle ne peut s’affui-er de la fidélité de Samfon, que par cette marque de confiance. Il ar¬ rive fans appercevoir Dalila dont il fe croit trahi en faveur d’ Achab ; il jure de perdre ce rival, & le Roi me¬ me. Delila paraît tout à-coup devant lui & lui offre fon cœur à percer. Elle fe juftifie facilement de l’infidélité dont il 1 aceufe, & l’ayant amenée au point quelle s eft propolee; elle le preflede lui déclarer le fecret fatal. S A M S O N. Princeire, épatgnez-vous un inutile effort, Si ce fatal fecret n entraînait que ma mort ... Mais, Madame, à lui feul ma gloire eft at¬ tachée. Il la refufe , Dalila fe retire indi¬ gnée , & Samfon la fuit lans favoir ce qu’il doit faire. Tome JIU O 514 Eijloire Armilla apprend au Roi tôUt ce qui s’eft pafle dans l’appartement de Da- lila, & lui dit que s’étant cachée de maniéré à pouvoir tout voir & tout entendre ; elle a vu Sam Ton fe jetter aux pieds de Dalila, qu’il a long-tems trompée par de faufles confidences ; qu’enfin il lui a confié que fa force eonfifte dans fes cheveux ; qu’après avoir fait cet aveu il s’endormi , & qu’elle a confeillé à Dalila de pro¬ fiter de cet inftant , pour faire l’é¬ preuve de fa fincérité. Le Roi pro¬ met à cette perfide les récompenfes dignes du fervice qu’ellç vient de ren¬ dre à fa patrie. Le théâtre change & repréfente l’ap¬ partement de Dalila. Elle eft allarmée du long fommeil de Samfon, & com¬ mence à craindre qu’il n’ait été que trop fincere.Ses allarmes redoublent voyant arriver le Roi, fuivi d’une troupe de foidats qui viennent faifir fon A mant ; elle l’éveille , Samfon veut fe défendre, mais il tombe de faibleflè en repro¬ chant à Dalila fa perfidie qu’il avoue n’avoir que trop méritée. Phanor ordonne qu’on lui crève les yeux fur le champ, & Dalila défef- pérée, fe plonge un poignard dans le fein. « Théâtre Itanen. 'sfr Le theatre change encore & repré¬ lente le temple de Dagon. Le roi & fa cour y font aflèmblés. lorfqu’on y aniene Samfon , privé de la lumière. II reconnaît fon crime : il fent un re¬ pentir fincere, & prie le Seigneur de lui rendre fa première force , afin qu’il puifle employer fes derniers momens a e ivrer les Hebreux de l’elclavage» S A M S O N. Rends leur première force à mes bras défar- mes 5 Que ma mort foit utile aux Hébreux oppri- mes : Anime de mes mains les fecoulTes rapides. Que je puiffe ébranler ces colonnes folides , Rt que tes ennemis trouvent leurs monu- mens ^ Sous ces murs écroulésjufques aux fondemens; Samfon eft exauce j il fècoue les colonnes : le temple s’écroule , il eft lui-même écrafé fous les ruines avec tous les Philiftins , & la Tragédie finit par ce fpedacle aufli terrible qu’admi¬ rable. \ Cette Tragédie eut le fort de toutes les bonnes Pièces, elle fut autant critiquée Oij IIllîoir£ lu'applaudle ; on Ht à Roma|ttefi ; qui en eft l’auteur . beaucoup de re¬ proches , les uns bien fondes , les au¬ tres ridicules. Ceux de la première claire, font le? négligences de ftyle en quelques endroits ; le caraâeie de Pha Hor qui fe pare d’un extérieur de ge- nérofité . & finit par une adion atroce; ma’» ce qui a généralement révolté les " rCneîrenfe ceft laliage du bas Lmique avec le beau tragique qui fe trouve dans la plupart des fcenes, le plus fpécieux parmi ceux de h jeconde îlalTe^. eft la féduaion de Dalila, qui toute vertueufe & toute fidelle qu elle eft . exige un fecret qui coûte 1 hon¬ neur & la vie à fon amant ; mais il ne faqt pour la juftifier que faire obferver que fon cœur allarmé n’envifage point en ce moment les conféquences fatales de ce fecret, dont les fuites f^^fftes n’arrivent que par }a trahifon d railla. Ses craintes font natuielles, & ceux qui les condamnent n ont jamais éprouvé les perfécuticns d une fernnap jaloufe , ni même les inquiétudes d une amante délicate. _ j On ne peut fans injuftice difcon- venir que ce drame n’ait mente fon fuecès?foit quille doive a 1 original du Tkéâtré ïtaVien* ^it Italien, ou qu’il ne le tienne que des talens de l’Auteur qui a fçu fe l’apprcÿ- prier par une nouvelle forme , & dans 'line autre langue. Elle eut douze re- préfentations avant Pâques , fut jouée très-fouvent dans le cours de la meme année , & a toujours attiré un grand nombre de Spedateurs chaque fols qu’elle â été reprife. Les Comédiens Italiens firent la clo¬ tûre de leur théâtre le 26 Mars , & l’ouverture le 17 Avril, par la Piece dont nous venons de donner l’extrait. Elle fut précédée du compliment qui fut prononcé par la Demoifelle Catine ThomalÏÏn , nouvellement reçue, & dont voici l’endroit le plus piquant. Le Public applaudit une Piece nouvelle, Quoiqu’il air reconnu de grands défauts eJl elle i Mais il voit fes beautés, fait les apprécier , £t quand il rit chez nous aux traits de la tyre, C’eft qu’il a fenti le premier . Tout ce que là-deflus les Cenfeurs pouvaient dire. Cet ufagc d’ailleurs de tout tenis établi, P iij 518 Hijtoîfc Devrait-il ofFenfer perfonnc ? De ces combats d’efprit que le bon goût or« donne, ’On a vu tous les ans le Parnafle rempli, * Et TAuteur critiqué n en eft point avili. • • • • » . » Les grands fuccès enflent de trop de gloire Il faut les mitiger par la reftriétion, Car un Auteur n*a pas de peine à croire , Qu*il a faifi le point de la perfedion , Et la critique eft nccefTaire , Pour qu’il fafle au Public la reftitution Des complimens outrés qu'on aurait pu lui. faire, Jufqu’au tems oii rimpreffion, lait voir combien l’ouvrage a mérité der: pkire. L’Auteur de ce compliment eft M, Riccoboni fils : puifqu’il fe montre lî favorable à la critique, il ne doit pas trouver mauvais qu’en approuvant ce qu’il dit à ce fujet, on critique un peu fa verfification, & qu’on lui re¬ proche, le Parnaflè rempli de combats- (Tefprit j des fuaès mitigés par la rejlric- tion J une reftitution de complimens outrés, faite au Public par un Auteur i, ces expreflions & quelques autres joia- du Thédtft Italien', j tes au tour un peu profaïque de tout I ouvrage, pour fe fervir de fes ter¬ mes, permettent cTen mitiger le faccèt jtne rejlnction équitable j dont nous eipérons qu’il ne s’offencera point. On créa pendant cette quinzaine deux parts , l’une pour Madame Bel- J®ont, & 1 autre pour Madame Des- hayes, fille de Thomaffin, & connue alors fous le nom de Catine. DÉMOCRITE PRÉTENDU FOU. Cormdie en trois aBeren vers libres 2 ^ Avril IJ 30 , ( 1 ); ' P A M A S IP P E & Criton , deux Payfans du village, s entretiennent des prétendues folies de Déraocrite, & le premier ^prend a l’autre que Damaftus, trere du Philofophe, travaille au fénat pour le faire exiler, & qu’ü Pa mis auprès de lui pour épier les aétions. (i ) La /cène eft dans un village proche d’Ah- dere, & elle fe palTe dans un Periftille qui donne irDcWhr Campagne O iv 5 Hifloîre D AMAS I PPE. C*eft la leune, dit-on, gui le rend leunatî^ que; Car à lenvifagcr trop, fouvent, il s’applt-f que : ït puis il rit toujours, fe^gaulTe d*un cha**; cun. Et lâche à tout moment queuque trait faty* tique, Meme contre les gens ks plus hors du com.-» mun. C R I T O N. Encor ça vaut-il mieux qu*un fou mdranco* iique. DAMASIPPE. Il rit meme étant feul, marque de" fa fo¬ lie » Ou bian fe promenant au milieu des tom^ beaux, II va fe goberger des morts mal à propos , Comme s’ils avient tort de n être plus en vie. C R I T O N. oh! pour le coup, c’en li-mêmc qu’a tort^ C*eft malgré foi qu’on déviant mort, Aucun d’eux n’en avait envie. Théâtre Italien. Les figures géométriques qu’ils lui voyent tracer, leur font aulîi croire qu’il eft un peu forcier ; mais ce qui confirme le plus la folie de Démocxitç,, c eft le mépris des richeflès. Mifîs, la plus jeune des deux afiran^ chies de Démocrite, foutient à Philo- laiis, fon amant, que le Philofbphe- amoureux de Sophie , fa lôeuc aînée.- M Y S I S. Dès quitte l’étude ^ ÏI demande Sophie, & ne peut s’èn pa/Terj^ De fbn ftont elle feule a le droit de chafler Ce qu’un trop long' travail y peut lai/Ter de-’ rude; Vient-elle à paraître ? Soudain’’ De fon air enjoué, le retour eft certain ^ Plus de marque de lalTitude . . . r • è ^ Un des goûts de ma fœur eft de parler mcÿ^ raie, Et volontiers il l’en régale v Mais d’un ton doux, d’un air humainv» Point de grimace magiftrale. Tout au contraire, il aime à lui prendre lai main 5 Le moindre petit foin près d’elle l’intéreJfTe.^ O V 5^2 Hljloiré Il rajuftc un frifon, il détourne une trefle Qui lui couvre un peu trop le fein , Sur lequel fein] quand elle fe redrelTc, ( Ce que fouvent elle fait à deflein ) Vous voyez de mon Sage une œillade trai- treffe, Se rabattre & tomber foudain ^ • Tout en lui prêchant la fagefle, Et la leçon marche toujours fon train , Et puis fous le menton doucement la carelïc>. Quand elle a bien compris (quelque trait ua peu fin- Myfîs ordonne à Pîiilolaüs d’aller voir Démocrite , & de ne rien oublier pour pénétrer fon amour, par l’intérêt qu’ils y ont tous deux, la cadette ne pouvant raifonnablemenr être mariée qu’après l’aînée. Damaftus parlant à Philolaüs, par¬ court la vie de fon frere. Il expofe que Démocrite acheta à fon retour d’Egypte trois Efclaves ; fa voir Egincy qui eft la mere de Sophie & Mijis fes deux filles. Dans un entretien que les deux fie,- ?es ont enfemble > Damaftus a du del— fous ; Démocrite exerce à fes dépens foa talent de riie 5 le raille vivement du Théâtf € ItaVienl 3^^ & compare leur maniéré de vivre d’une façon qui n’eft pas avantageufe. à Damalius. D É M O C R I T E, Vous vous levez avant l’aurore , Pour compter, fupputer avec un Intendant j Votre femme cft au bal encore. Et vous l’attendez en grondant : Vous fremilTez en lifant fa dépcnfe. Car c’eft un article abondant. D A M A S T U S. Elle doit foutenir fon rang & la naiiTance;. D É M O C R I T Eo Cer article fini, nouveau chagrin commence^ On compte la recette, on s*y trouve en dé^ faut f La dépenfe a monté plus haut. Vos biens ont efTiiyé mille accidens étranges „ On ne reçoit rien des. Fermiers , Le blé moifit dans leurs- greniers , Ou le feu s cil mis dans leurs granges, &cr.- ^ais venons a préfent au bonheur de. mai vie. Dabord pour Intendant, j’ai FaimaBIe So^ Ehie,. 5^4 Hifioire Qui paraifTant le mémoire à la main Me trouve tous les jours l^feil gai, le front ferein ; Comme en elle je me confie , Nos comptes font aifés, d’autant plus^ qu*ik: font courts.. Après , félon mon habitude , Le refte du matin je le donne à l’étude ; Délice de l’efprit , oii. pendant les beaux: jours, Dans mes Jardins, je fais deux ou trois toursj. J’y vois ma richefle renaître, Tout Y croit, y Y Maître.. Et lorfque le foleil eft au haut de fan cours Un repas de mets domeftiques. Apprêté par de belles mains. Vins de moa cru, fruits, nés- dans mes Jar¬ dins ,, Y flattent mieux mon goût , que les plus ma¬ gnifiques. D A M A S T U S. Je maigris au récit de vos repas ruftiques.' (Démocritc rit'). N*efl:-il point* de remede à ce rire indo¬ cile? iu Théâtre' ItaVien, 3^^ D Ê M O C R I T E. Que voulezrvous l Cefl: mon tempérament# D^A M A S T U S. Ah î c’efl: folie aflurément, Et de ce pas je retourne à la viUc> Chercher un Médecin habile. Qui vous compoft un fort médicament; DÉMOCRITE ^ rla/it. Songez à purger feulement . Et votre orgueil & votre bile* Damafïus fe retire, Sophie parait & Démocrite pour réprouver lui pro- pofe un époux jeune & aimable, So^ phie répond qu*elleaimerait mieux qu'il fût plus âgé, & voici la raifon qu'elle en donne* C’eft que je veux qu’il m’aime;. Or afin qu’il m’aimât long-tems , Je le voudrais au moins de quarante ans# •» • . * a Ü* J’ai remarqué que la jeünefle PafTe chez une femme avec pliis de vîtclTe,. Qu’elle ne fait chez un mari*; Que dans le cours des ans, un époux à quaf rantc;^ Paraît encor jeune & fleuri, Et que notre éclat pafle à trente. Quand un trop jeune époux en paraît goûtée ^ Je lui pardonne ce me fèmblc j Pour conferver l’amour, il faut que la bcautd Marche d’un pas égal d'on & d’autre côté, i Et qu’on ne les perde qu’enfemble. Démocrîte prie Sophie de lui pré¬ parer un repas pour des amis qu’it attend» Philolaiïs vient , l’inftruit de ee qui fe trame contre lui .dans Ab- dere, & lui annonce un eflain de Sa- vans qui doivent venir exprès pour l’examiner. Démocrite fait connaître au com¬ mencement du fécond ade qu’il effi itiftruit du fort de lès alfranchies, & que c’ell: là ce qui l’empêche de s’op- pofer à l’hymen que Philolaüs foahaite de contrader avec Mylîs Criton vient lui rendre une lettre qu’il a oublié de lui remettre, & qui apprend à Démo- erite tout ce qui fe trame contre lui dans le fénat d’Abdere ; mais il n’en eft pas plus inquiet. Dans la fcène fuivante Philolaüs ap¬ prend à Myfis que Démocrite eft ims- 'ctü Théâtre ftallen,. 5 ^"7 pehétrable fur Tamour qu’elle lui lup- pofe pour Sophie , ce qui engage My^ fis à queftionner fa fceur qui lui avoue; ingénuement le chagrin qu’elle a lorf- qu’elle eft éloignée de Démocrite, & tout le plaifir qu’elle reflènt à fon re¬ tour. Démocrite veut à fon tour éprouver’ Sophie , & favoir fi elle ne lui eft atta-? chée que par de Amples fentimens de; reconnailïànce , il a lieu d’être latisfait de fes réponfes ; il lui promet un fort heureux & lui recommande le fecret fur la converfation qu’ils viennent d’a¬ voir. Sophie commente agréablement ce que Démocrite ne lui a dit que d’une maniéré obfcure ; mais Myfis vient troubler fa joie, en lui apprenant que- le Sénat va bannir Démocrite pour le punir de l’amour qu’il a pris pour elle.. Sophie accablée de cette affligeante nouvelle, ne peut plus garder fon fe- eret. Les Philefophes qui ont été annon¬ cés dès le premier aâe arrivent. Démocrite après leur avoir prouve qu’il eft plus fage qu’eux, les prie de réfoudre une queftion fur laquelle une- Bachelette, de quinze ans eft plus infr flifioîre truite qu’ceux. Si l’on doit aîmef^ ôÿ n’aimer point.- d ; iogene . La chofe à décider me paraît difficile. (Quand Laïs avec moi lé prend du mauvai^^ ton > L'amour m'cchauflFe trop la bile 5 Mais quand elle change de ftyle Et prend l’àir un peu plus mouton , L'amour eft bon, mais je vous dis fort bon;;' B É MO G RITE. Et qu'en dit le grave Straton i: STRATON^ En aimant la raifon s'oublie 3 Sans la raifon l’homme eft un Cot , . L'amour eft donc une folie. Par force il faut lâcher le mot 3 Mais du moins c’eft la plus jolie. D É M O C R i T E Vous Ariftipe, à votjpc tour , Pcnfez-vous fi mal de l'amour ? A RI S T I P E. Moi? J'accorde fort bien l’amour & la fi- du Théâtre Italien. J’en prends un peu félon loccafion. Et ma raifon n y voit rien qui la blelTc/ Il eft chez moi plaifir 8 c jamais paiîion » La paflion feule eft faibleflc, ' Et voilà maconclufion» DÉMOCRITE. II eft peine & plaifir au fens de Diogène j Il eft folie à celui de Straton 5 Chez Ariftippe il eft plailîr fans peine , Lequel des trois en croira-t-on ? Ou foyez fur l’amour d’accord tous trois cn- femble , Ou lai/Tez-moi, Meilleurs, aimer fi bon me fembleé. Après cette thèlè galante, la con^ ^erfation roule fur les fciences , & Démocrite ne manque pes d’exercer avec fiiccès fon talent de rire. On annonce Hypocrate , qui ne paraît qu’au troifienie aélej alors il repro^ che à Défnocrite fon amour pour une Efclave ; mais le Philofophe pourjuf- tifier les fentimens de fon cœur , or¬ donne qu’on falTe venir Sophie ; à pei¬ ne Hypocrate 1 apperçoit, qu’il en de¬ vient amoureux ; Sophie fe retire. Dé- mocrite demande à Hypocrate ce qu’ü 550 Hifloire penfe de Ton amour depuis qu’il en 9 vu l’objet. Hypocrate convient qu® Sophie eft adorable , mais il lui dit comme rival, qu’elle ne convient pas àfon âge.Démocrite lui répond quelle conviendrait encore moins au lien » attendu qu’il eft beaucoup plus avancé dans la carrière ; Hypocrate fe retran¬ che fur l’excellence de fon art, ce qui oblige Démocrite à lui lâcher ce trait. Votre art fouvent par trop de foin , De la fanté hâte bien la ruines Et quand 1 amour prend Médecine «C’eft ligne qu’il n’ira pas loin. Démocrite demande à ■ Hypocrate ce qu’il a fait d’Egine, fa première femme. Hypocrate lui répond que fon pere ayant appris fon hymen clandef- tin, le força de quitter fa trifte famille, qui confiftait en la mere & deux fil¬ les ; il ajoute qu’il apprit au retour de fes longs voyages que tout était mort, il conclud de-là que fon veuvage le met en liberté d’époufer Sophie ; Dé- moçrite feint d’y confentir, Myfis , qui du fond du théâtre a écouté leur converfation , ne manque pas d’apprendre à Sophie quelle va être Madame Hypocrate , & lorfque du Théâtre Italien. Démocrite arrive, iï la trouve toute en pleurs. Le Philofophe eft touché de fès larmes, & la prelfe de lui expliques le fujet de fon chagrin. SOPHIE. Une éternelle honte, un mortel repentir Suivraient Taveu de ma faiblefTe , Je connais trop, Seigneur, votre auftere fa- geile ^ Pour pardonner Tamour, il faut le reffentir, Démocrite rencourage * elle conti¬ nue. On ne pardonne point un amour téméraire^ Mais, hélas l eft-il volontaire » Lorfque-d*un mérite parfait. Il eft un effet néceflaire i DÉMOCRITE. Si là-dcfTus votre aveu ne m’éclaire Je ne puis décider de fa témérité v Mais je ne prétends point pénétrer im my& tere, Que vous voulez couvrir de tant d’obfcuritéi. S O P H I E. Vous (jui lifez fi bien dans le fond de mom ame, Ignorez vous l’objet d’une fljufte flâmei: ^ 52 ^ Hijloîré DÉMOCRITE. Quand je pourrais ne le pàs ignorer , Oferais-je le déclarer ? Non y je crains, trop de m’y méprendre 5 Soyez libre dans votre choix : Non, fi jamais je veux rapprendre , Ce doit être par votre voix. Sophie voyant que Démocrite lui reproche fon fîlence , lui répond ainÆ; Je reçois rexempfc de vous, Qui du Sénat me cachez la colere , Quand je fuis le fujet de ce jufte courroux» DÉMOCRITE. Devais-je'vous parler dune vainc chimere? SOPHIE. Vos fecrets font connus. Seigneur, je les feiî tous j: Je n*ai cjue trop appirs votre péril extrême 5 Mais je puis , grâce au Ciel, vous en tirex moi-même, C’eft pour me confoler un plaifir afiez doux» Par vos leçons mon cœur efl: devenu capable De faire un généreux effort. J’appris à refpeder les volontés du fort ^ du Théâtre ItaüetU 33ti Pour vous le rendre favorable, Daignez dans ce delTein me prêter du fecours ; Chaque inftant près de vous me rendrait plus coupable , II faut. Seigneur, il faut vous quitter pout toujours. Démocrlte au comble de la joîe,’ fè jette aux genoux de Sophie, & il y «fl: furpris par Hypocrate qui lui re¬ proche fa trahifon. Philoxene, Sénateur & ami de Démocrite vient lui appren¬ dre que le Sénat, loin de le bannir, lui envoyé cinq cens.talens pour prix d’un excellent livre forti de fa plume. Ce même Sénateur annonce à Hypocrate que fon époufe, Egine , vient de lui déclarer fon fort. Hypocrate par cette nouvelle apprend que fon époufe efl: vivante & que Sophie & Myfis font fes filles. Il confent au mariage de Démo¬ crite & de Philolaüs, & la Piece finit par un diveitiflement exécuté par les Habitans d’Abdere. rJ V D E FIL L E, Dans Abdere, pn voie régner Sotife & maliee,, . Pourrions-nous les épargner àatis quelqa’injuftice ^ Hîjloîtc Faifons pleuvoir les bons mots La plaifanteric , La médecine des fots, C’eft la raillerie. Il a , cc brillant Commis j La Fortune amie, Aux emplois il cft admis, Sa femme eft jolie 5 Tombons-lui fouvent a dos, A la Comédie, La Médecine, &c. X En Créfus tout frais éclos. Notre ville abonde y Les grands airs de ces Lourdauw, Bleffent le beau monde j Attachons tous nos grelots Sur leur broderie, La Médecine, &:c. Cette Comédie eft une des meilleu¬ res qui foient forties de la plume d’Au- treau & une de celles qui ait eu le plus de fuccès au théâtre. On trouva le caraâere de Démocrite bien mieux foutenu que celui de Regnard. Elle eut ^ du Théâtre Italien, -Tinçt-quatre repréferitations. Elle avait cependant été' refufée par les Comé^ diens Français ; c eft la derniere que l Auteur ait donnée auThâtre Italien, ^en avait compofé deux autres depuis ; Panurge a marier, & Panurge marié, qui n ont point été reprélèntées. 1 r foixante any lorsqu il commença i travailler pour le theatre. ^Ses efliis annoncèrent un ta¬ lent décidé pour la Comédie , & fes lucces ne furent point leffet de la bri¬ gue ; ^né Philolbphe ou Milantrope , ce qui revient au même à préfent, il uyait la fociétépar goût, & vivait dans la retraite par raifon. S’il faifait peu de cas de ce que l’on eftime dans le mon- de , il n en faifait pas beaucoup plus de fa perfonne, & moins encore de les ouvrages, ce qui eft rare parmi les gens de lettres. Les intrigues de fes Pièces étabnt fimples . & fes dénoue- mens caufaient plus de fatisfaâion que detonnement; mais fon dialogue était naturel & rapide: il avait delà lufteftè lans affeéfation & de la facilité fans négligence ; il était capable de la meil¬ leure plaifanterie, & pour s’en con¬ vaincre , on n’a befoin .que de lire la pfece^dont nous'^venons de doniief y extrait. „ , Le premier de fes ouvrages elt le Port- à-r Anglais .donné au Théâtre Ita¬ lien le 2 y Avril 1718, Le fucces de cette Comédie eut la gloire de hxer a Paris ces Comédiens , qui méditaient alors leur retour en Italie ; il leur don¬ na depuis r Amante-Roraanelque , ou la Capricieufe > Comédie en trois ac¬ tes en profe. repréfentée pour la pré- xniQîe fois le 27 Décembre 17 l o. Les Amans Ignorans , Comedie en trois ades en profe., le 14 Avril *^La fille inquiété, ouïe Befoln d’ai¬ mer, Comédie en trois ades en pro¬ fe, le 2 Décembre 1723. Démocrite prétendu fou, Comedie en trois ades en vers le 24 Avril ^"^aÎT héâtre Français,le Chevalier Bavard , Comédie héroïque en cinq ades envers, le 2.3 Novembre * 7^3 F* La Magie de l’Amour , Comedie Paftorale en un ade en vers; & les 1 * aux Amis Comédie en cinq ades en vers non repréfentée ; mais deftmee au Théâtre Français. du Théâtre lialien, Au Théâtre de l'Opéra, Rhodope ou rOpéra .perdu, Poëme lirique en trois aâes , non mis en mufique. ^ Platée ou la Naiflànce de la Comé¬ die , Opéra bouffon mis en mufique par Rameau, repréfenté à Verfailles le 31 Mars 1745'., &: à Paris Je 4 Fé¬ vrier 174p. Apr^s la mort de f Auteur cet Opéra fut retouché par M. Baloc de Sauvot. & il a -été repris Je j Fé¬ vrier i75'o. Les Fêtes de Corinthe , Comédie- Ballet en trois aftes à mettre en mu¬ fique. Le Galant-Corlaire , Ballet ,à met¬ tre en mufique. Mercure & Dryope, Paftorale en ua aéèe, a mettre en mufique. On trouve encore dans le quatriè¬ me volume de fes (Euvres quelques chanfons & pièces fugitives dans lef- quelles il y a beaucoup de facilité. Autreau joignait au talent de la Poë- fie celui de la Peinture. Parmi plu- fieurs^tableaux, il en refte deux allez eftimés, le premier repréfente dans une laie, Melîîeurs de Fonrenelle, Lamo¬ the & Danchet, fe difputant fur un ouvrage dont on a fait la ledure ; le Jecond elt Diogene cherchant un hom- Tome III. P 53? Hijloîre me la lanterne à la main , & l’ayant trouvé dans la perfonne du Cardinal de Fleury, dont il montre le portrait dans un médaillon , au bas duquel eft cette infcription ; Quem frujlrà qmjtvit Cynicus ohm ecce inventas adejl. L’el^ tampô de ce tableau que l’on trouve chez Odieuvre , annonce que la figure â été peinte par Rigaud ; & l’on recon¬ naît facilement la maniéré de ce Peintre dans l’hermine dont il eft drapé. Quoi qu’il en foit, il ne manquait pour faire beaucoup d’honneur à l’invention de celui qui Ta compofée, que de mettre ie Prince à la place du Miniftre. Autreau eft mort ^ 1745” , âgé d’environ 85 ans, moins connu par lui- même que par fes ouvrages, qui ont été recueillis en 4 volumes par feu M. Peflèlier, & qui fe vendent chez Briaf- fon. _ DEBUT DE M}^‘. DU PE RI ER. Le 2$ Avril, la Demoifelle Nardi Duperier, dite Gaetana, débuta par le ïôle de Colombine, dans la Comédie des Deux Arlequins , Piece de l’ancien théâtre, & dans la Comédie du Fleuve d’Oubli; mais fans fuccès & ne fut point reçue. du Théâtre Italien. 55 ^ LA FOIRE DES POETES. ftece en un aBe ^ précédée d’un Pro- ^ fuivie de deux autres peti- !£■! Comédies ^ intitulées : ITflp du Divorce, & la Sylphide, toutes en un acte en profe ^ ri Septembre ipj o. Prologue, _ Riy ELI N rencontre un Adeuf Français, & lui dit qu’il vient tâcher de raccomoder fes Camarades avec les Auteurs qui les ont abandonnés, & avec lelquels il avoue qu’ils en ont t:è-- mal a?i. L’Adeur Français répond \ vient aulîî chercher une Tragédie, parce que leur théârre languit depuis la retraite de leurs A uteurs qu ils n ont pas mieux traités que les Comédiens Italiens. Il prie Trivelin de lui prêter de 1 argent pour faire fon em- plete; mais celui-ci s’en exeufe fur ce qu 1 a befoin de deux Comédies & dun Prologue. II ajoute qu’il fera bien heu. payer une bonne cene, n ayant lurlui que quinze francs, il engage cependant l’Aéèeur Français 540 Hifloire â le fuivre, & il lui promet de le con¬ duire à l’Hôtel des Poëtes, où Ils tien¬ nent une efpece de Foire. Le théâtre change & repréfente un CafFé rempli de Poëtes. Un d’eux chante l’éloge du cafFé, & auflî- tôt il s’élève une dilpute ; les uns foutiennent que le cafFé caufe des infomnies, les autres qu’il fait dormir. Trivelin & l’AéFeur Français s’avancent Les Poëtes cefTent leur difl'ertation •& leur préfentent leurs Marchandifes ; ils fe retirent pour Faire la leâure des Pièces qu’on leur offre , & une jeune fille vient demander à un Poëte, une chanfon pour fe mocquer de foB Amant qui eft trop timide ; le Poëte lui donne les couplets fuivans, quelle chante fur l’air ; Daphnis m’ain- piait fi tendrement. Quand mon Amant me fait la cour , Il languit, il pleure, il (oupire , Et pafle avec moi tout le jour A me raconter fon marcire. Ah! S’il le paifait autrement. Il me plairait infiniment. X E’autre jour dans un bois ciiarmant. Ecoutant chanter la fauvçtte, du Théâtre Italien. 11 me demanda tendrement, M*aimes-tUj ma chere Lifette ? Je lui dis oui, je t’aime bien : Il ne me demanda plus rien. ^ X Puifque j*ai fait naître tes feux ^ Rien ne flatte plus mon envie Je fuis, reprit-il, trop heureux 5 O jour le plus beau de ma vie ! Il répétait à chaque inftant, , C’en eft affez, je fuis content.- X De cet Amant plein de froideur , Il faut que je me dédommage , J’en veux un qui de mon ardeur , Sache faire un meilleur ufage , Qnll foit heureux à chaque inftant ^ Et qu’il ne foit jamais content. X La jeune fille fatisfaite des eouplets après les avoir payés au Poëte, s’en retourne en les chantant. Trivelin re¬ vient avec l’Auteur qui lui a propofe les deux Comédies, il lui dit qu’il les trouve aflez jolies ; mais qu’il a befoin d’un Prologue, fur quoi l’Auteur lui répond : comme- vous faites ufage de 34^ Jlifioîre tour, voyez prendre leçon a nos Ap- prentifs Poctes, peut-être vous lervirez- vous de cette ide'e pour un Prologue., Trivelin y confent; auflî-tôt le Pro- felTeur dePoé/îe s’avance, & chante cea paroles : Son Profeïlbr di Poëïîa, DePa divina freneiîa. Mon art infpire les tranfporis, I mici canti, Sono incanti ^ I dotti glignorantû Tout cft charmé de mes accord^,, Venite miei cari. Scolari y A prender leztone, Dal dortor lantcrnone. Les Apprentifs Poëtes forment une danle ; le Profefleur interroge un de les Ecoliers ; ils dialoguent en chantante Le PROFESSEUR. Pour être Poëte à préfent, Quel eft le talent néceffaire ? U É G O L I E R. Il faut être plaifant, Quelquefois médifant, Et toujours plagiaire, du Théâtre Italien. Le PROFESSEUR^ Non c quefto . Dite prefto, Cio che bifogna far , Per ben veriîficar. L E c O L I E R. Rimar, rimar, rimaf. Le P R O F E S S E ü R Bravos bene , benc, bene. De qui faites-vous plus d eftime ^ De la laifon ou de la rime ? L’ É c O L I E R. La rime fans cojmparaifon, Doit Remporter fur la raifou^' Le P R O F E S S E U R^ Pourquoi cette diftinAion ? L' E c O L I E R. C eft qu on entend toujours la timcl Et quon n entend point la rai fon. Le PROFESSEUR. Bravo ; bene, bene , bene. Pour faire une Piece lyrique ^ Autrement dit un Opéra nouveau ^ P ir '344 Rïjîoïrt Que faut-îl pour le rendre Beau V U É C O L I E R. De mauvais Vers & de bonne Mufiquc. Le PROFESSEUR. Dans une Tragédie , ouvrage d^mportancc ,. Que faut-il pour toucher les cœurs L’ É C O L I E R. Un fonge , une reconnaiflancc Un récit 6c de. bons adleurs. Aulfi-tôt on entend une fympKonîe* brillante. Le Profefleur dit que c’eft Minerve qui defcend ; la Folie paraît Mémoire & Placets,, Sitôt qu’un époux l’incommode ,, Sait s’en défaire à peu de frais . Et ce n’eft point ici la mode. De lui faire un mauvais Procédé X En eft-il'qui ne s’accomode .Des Loix de notre bon pays î IL n’eft. rien de fi commode.^. du Théâtre Italien^ Les femmes changent de maris ; Ah ! quel plaifir fi cette mode Pouvait s’établir dans Paris ! X Une naturelle inconftance M’avait fait brifer mon lien ^ Mais on trahit mon efpérance Hélas! je le mérite bien : Reprenons notre époux de France ^ Car il vaut encor mieux que rien.. X HiJFoire LA SYLPHIDE. 1730, ( i ) N E Sylphide & une Gnomide y entrent dans le même moment. La première pofe fur une table une cor¬ beille de fleurs, & l’autre un panier de truffes. Elles fe demandent l’une à l’au¬ tre ce quelles viennent faire en ce lieu.. Elles fe croyent d’abord rivales; mais la Sylphide découvre fes tendres fen- timens pour Erafle , & la Gnomide avoue fa palîîon pour Arlequin. La. Sylphide racorrte qu’elle fut aux Tuil- leries, où elle fe promenait avec deux, autres de fes amies, lorfqu’elle fut char¬ mée de la bonne grâce d’Erafle. Mais elle craint que l’une de fes compagnes n’ait fixé fôn cœur. La G N O M I D E. Vous faites injure à vos attraits, pour moi je ne me fuis point encore ©fferte aux regards de mon Amant, (i) L« Théâtre xegréfente l’Appartenieat «L’Erafle. du Theâtfe Italien. 5T? réclat de mes appas ne l’a point ébloui ; c’eft dans une cave profonde où je le vis pour la première fois , & où il s’enivrait avec tarît de grâce , qu’il aurait charmé la plus infenlîble ; mais Erafte vient ici avec fon Valet . écar¬ tons-nous pour les entendre. Erafte en entrant apperçoit la cor¬ beille ; il demande à Arlequin, qui la lui a envoyée. Arlequin répond qu’il n’en fait rien ; Erafte la découvre & voit qu’elle eft remplie de fleurs» ARLEQUIN». Tl vaudrait mieux qu’elle fût pleine d’argent, cela fervirait à merveille à raccommoder vos affaires, qui font fu- rîeulêment dérangées. Arlequin apperçoit auffi l’autre cor¬ beille qui eft remplie de truffes,avec le nom d’Arlequin au - deffus ; il eft fort en peine de favoir d’où vient ce préfent ; & apres avoir rêvé un inf. tant : ces fleurs, ajoute-t-il, ont été fans doute envoyées par Clarice, votre époufe future. E R A S T E. Ne me parie point de Clarice.- Jiijtoire ARLEQUIN. Comment avez-vous oublié que vo* tre fortune dépend de ce mariage ; qu’iî peut feul nous mettre à couvert des pourfuites de vos créanciers & des miens ; car vous n’étes riche qu’en ef- pérance. Votre oncle eft à la vérité entre les mains d’une demi dou-aine de Médecins j mais comme ces Mef- fieurs ne font jamais de la même opi¬ nion , ils «e font point d’accord fur les remedes, le malade n’en prend point,. & par conféquent il peut encore aller loin. Erafle lui dit qu’une palïion violente s’eft emparée de fon ame, & que rien ne peut l’en arrac .vt , qu'il a vu aux Tuilleries la plus adorable perfonne du monde j Arlequin combat toutes fes raifons , la Sylphide qui eft pré¬ fente & invilîble, le menace de coups de bâtons ; Arlequin croit que c’eft fon Maître qui lui parle, ce qui fait un jeu de théâtre des plus comiques, La Gnomide aulli invifible, donne des petits foulfiets à Arlequin , qu’il croit recevoir de fon Maître. Deux créan¬ ciers arrivent, Erafte les reçoit avec humeur,, ils le menacent de le pour- ia Théâtre Italien, Aiivre en juffice , & lorfqu ils fe reti¬ rent , la Sylphide & la Gnomide, tou¬ jours invifibles, leur donnent à chacun une bourfe qui contient leur payement. Cependant l’un des deux après avoir compté fon argent trouve quatre louis de plus qu’il rend à Erafte, en le priant d’excufer fa vivacité. Erafle efl for' étonné, & tandis qu’il demande à Arlequin ce que cela fîgnifie, un Sergent & un Procureur arrivent. Le Procureur vient de la part d’Oronre fommer Erafle de la promefTe qu’il lui a faite d’époufer Clarice fa fille , & le Sergent porte une alïlgnarion à Arle¬ quin de la part d’un Cabarener des Porcherons. Erafle & Arlequin ne leur donnent que de mauvaifes raifons, Sc les Suppôts de la Juflice les menacent de les pour fuivre. La Gnomide donne- un foüfiîet au Sergent qui s’abyme fous le théâtre, & la Sylphide fait voler le Procureur dans les airs. Ce Speélacle étonne Erafte;mais Arlequin efl moins furpris , & dit qu’il ne voit rien là que de très-naturel, un Procureur qui vole, & un Sergent qui va au diable. La Gnomide fait encore quelques ni¬ ches à Arlequin, qui fort tout épouvan¬ té j, Erafle refte -très-étonné de tout ce qu’il vient de voir ; la Sylphide învî- fible foupire, & a une converfation avec Erafte , qui la prend pour un ef- prit, la Sylphide Taflure qu’elle l’ai-, me. E R A S T E. Vous m’aimez. Eft-ce que les ef- prits peuvent aimer i Us n’ont point de corps. La SYLPHIDE. Cette queftion me fait bien voir que vous en avez un. Qui, Monfieur, ils aiment, & avec d’autant plus de dé- licatefle, que leur amour eft détaché des fens ; que leur flamme eft pure & fubfifte d’elle même, fans que les de- firs ou les dégoûts l’augmentent ou la diminuent. E R A S T E. Mais je m’étonne que fachant ce qui fe pafle dans mon cœur , vous me faf- fiez l’aVeu de votre tendreflè ; car en¬ fin vous n’ignoreZ pas qu’il eft rempli de la plus violente paflion qu’un amant ait jamais pu reffentir. La SYLPHIDE. Je fuis une de ces trais Dames que du Théâtre Italien. 5 TOUS avez vu.es aux Tuillerîes j vous en aimez une. E R A S T E, Quoi ! ces Dames fi charmantes font des Sylphides ! eh peut-il y en avoir ! La Sylphide le prie de ne point faire comme le commun des hommes, qui doutent des chofes, parce qu’ils ne les comprennent pas. Erafte la conjure .de fe montrer. La SYLPHIDE. Je me rends & vais m'expofer à être k vidime de votre obftination , allez aux Tuilleries, vous m’y verrez avec une des mes compagnes, ne m’y par¬ lez peint, & venez m’inftruire ici de votre fort & du mien. Erafte obéit & part. La Sylphide refte , & dit qu’Erafte ne trouvera aux (Tuilleries que les deux Sylphides, fes amie.s , & que fans fe commettre elle fora inftruite de fos fontimens. Arlequin revient dans l’appartement de fon Maî¬ tre ; ne l’y trouvant point, il dit qu’il fora allé tenir compagnie au Sergent. La Gnomide furvient & appelle Arle¬ quin qui tremble de peur, ne voyant pgrfonne avec lui^ la Gnomide le rallure Hiflo’ire & lui fait l’aveu de fa tendreflè, en luî difant qu’elle eft une habitante de la terre, une Gnomide , qui éprife de fes charmes, a quitté fa patrie pour le rendre le plus heureux de tous les mortels ; elle lui dit qu’elle a de grands tréfors à fa difpofîtion , & qu’elle veut lut en faire part ; après quoi la Gno¬ mide le quitte & l’alTure quelle ya prendre un corps & qu’elle s’offrira bientôt à fes yeux. ARLEQUIN. Prenez-le bien joli, & fur-tout n’ou¬ bliez pas les tréfors ; car fans cela je n’ai que faire de vous. Erafte revient des Tuilleries, il eft au défefpoir de ce qu’il n’y a point vu l’objet qu’il adore. La Sylphide con¬ vaincue de l’amour d’Erafte, fe rend vifible, & paraît à fes yeux. Erafte tranfporté de joie, la reconnaît & l’af- fure de toute fa tendreffe. Arlequin trouve les Sylphides fort jolies , mais il croit fa Gnomide bien plus belle, & la prie de paraître avec fon teint de lys & de rofes : la Gnomide le rend vifible. ARLEQUIN. Que vois-je ? C’eft une taupe. Air da The&ttè ItaVittii 5T-9 lez ma mie, ce n’eft point avec une pareille fiçrure que l’on doit afpirer à raa polTeffion. ... ^ La G NOM ID E. Que je fuis malheureufe d^étre oblî- ge'e^étrangler un fi joli petit homme. C’eft notre coutume quand nous ai¬ mons un ingrat, nous l’étranglons d’a¬ bord. Cette menace oblige Arlequin de fè rendre^ il lui demande les tréfors qu’elle lui a promis. Dans le moment on voit fortir de la terre un vale rempli de ri- chefles immenfès. Arlequin ne réfifte plus, & dit qu il ne fera pas la première beauté que les richefles auront féduite. La SYLPHIDE, à Krajfe, Je ne vous promets point de tréfors, mais les douceurs que je vous promets vaudront bien les préfens de la Gnomi- de: venez Erafte, je vais dansl’inftant vous tranfporcer dans le palais dont vous devez être le maître. T ® abîme avec Arlequin, Le theatre change & reprélente le pa¬ lais de la Sylphide , il paraît placé dans ks airs. Ce palais eô rempli de Syl- deville. Les trois Pièces, dont nous venons de donner l’extrait, compofaient un Speftacle complet, dont Dominique & Romagnefi font les Auteurs, & que le Public vit long temps avec plaifir. Elles eurent trente - quatre repréfentations. La fylphide fur-tout fut aufli applaudie à la derniere qu’à la première fois ; c’eft une des Pièces qui ont fait pen¬ dant long-temps les délices & le fond du répertoire du Theatre Italien. LE du Théâtre Italien. ^6l LE TRIOMPHE DE LTNTÉRÈT. Comédie en un acte ^ en vers libres ^ mê¬ lée de Vaudevilles & fuivie dé un Di- vertijffementJ 8 Novembre 1730. {i) M E‘ R G U R E. c ^■e s T ICI le Palais que l’Intérêt habite, Cctic Idole du liecle a qui tout Te Ibumet, Qui fonde fon pouvoir fur lequitéproferite, De tant de partions le mobile fecret, L’ame du monde enfin , & la fource maudite De tout le mal qui s’y commet. L’Intérêt arrive vêtu en riche Fi¬ nancier, il prie Mercure de le louer; jVIercure prend le ton ironique , que l’Intérêt reçoit comme de véritables louanges. L’ I N T É R É T. On ne peut mieux louer. mercure. N’en foyez pas plus vain, Car mon encens critique, (i) Le théâtre repréfente le Palais de l’Ia- teret. Tome ///, O ^62. Uifloire Fait moins votre panégyrique , Que le Procès du genre humain. - L’Intérêt porte fon audace iufqu’à choifir Mercure pour fon Subftitut. Toi cependant ici tu n’as qu’à recevoir Les mortels qui viendront révérer mon pou¬ voir , Et me demander quelque grâce j Sers moi de Subftitut, & remplis bien ma place. Une jeune perfonne vient confulter l’Intérêt fur dès vues de fortune, dont elle s’eft fait un plan ; Mercure lui fait connaître fon nouvel emploi de pre¬ mier Commis. Je le double, & dans cette affaire , Mercure feul vous conduira, Comme Introduéleur ordinaire Des Princefles de l’Opéra. La jeune perfonne qui veut faire fortune au théâtre en tout bien & tout honneur ,-^fe regarde déjà comme une Aélrice du premier ordre. Au théâtre quelles délices ! Sans celTe je reçois des applaudifleniens, du Théâtre Italien. Dans les foyers des complimens ^ Et fans oublier les coulifles Où Ton me conte cent douceurs. Vous êtes, me dit I un, la Reine des Adiriccs, Et vous enlevez tous les cœurs. Ah ! vous m’avez percé jufques au fond de l’ame, Ajoute un autre tout en pleurs. Fanchoîi, unique objet de mes vives ardeurs. Vous m’attendrilfez trop , finiffez , je me pâme , S’écne un Petit-Maître en ces inftans da¬ teurs j Grands Dieux ! quand elle fonge à ce bon¬ heur extrênie. Peu s’en faut que Fanchon ne fe pâme elle- même. Dans une autre fcène Arlequin fe préfente à Mercure. ARLEQirtN. Je fuis un homme comme un autre. Je bois , je mange , je dors bien, Je vis de peu de chofe, & n’ai fouci de rien. Mercure lui deiflande s'il a beaucoup de joie. ^ sH Hljîoire ARLEQUIN. J’en ai ma fourniture . Et de la bonne, & de la pure, Car je la tiens de la première main. , . MERCURE. Au fein de l’indigence, eh ! qui vous la pro¬ cure J • 1-3 ARLEQUIN. Belle demande ? La nature. Elle m'a bâti de façon Que tout me fait plaifir, & rien ne m’in- quiere. Je me paffe Savante Faculté, qu’il m’eft doux d’ètre admis Dans ce cercle fameux de fages ennemis. L ordre du grand Turquin ^ qui près de vous m’envoye, N a rien que d agréable & fait toute ma joie 5 Je viens offrir la paix à ces grands Médecins, Du falut des mortels, arbitres Touverains, Et dans ces lieux fumans de fréquentes fai- gnées. Qu’ils ont pendant-l’hiver pour le rhume or- données. T® • ' ‘ ^ " ■ * • . Mais pour en revenir à mon Maître Tur- quin. Par ou mérite-t-il cette fureur extrême i Et qui peut de.fes droits le dépouiller? B O LU S. Eui-meme. .Qv 57 ^ . Jl^fioirè S’il ne s*en fut; tenu qu’à l’opération^^ Il n’aurait pas perdu notre piQtedion. AS O N D E. Pourquoi le Ghieanner,, Je pourfuivre aujour- V , d’hui^, V: Quand ceux qu’il a tués a put rien dit contre lui l Orgueilleux Médecins, quelle eft votre ma¬ nie ? N’ofe-t-on s’aiFraiichir de votre tyrannie ? Un malade à nos foins nofe-t-il recourir? N’eft-il permis qu’à vous de le faire mou¬ rir ? Bolus 5^pon; qu!au lieu d’émé- :i\ tique , du Théâtre Itafiert. 571 De la pierre infernale on lui falTe tm topi¬ que. Tous les Médecins fe lèvent, jurent fur un grand livre, & Lafonde de fon côté fait cet autre ferment. L A S O N D E. Et moi fur ces lancettes, Inftrument bien plus fur, fandis, que vos re-^ cettes, Je vous jure la guerre au nom du grand Tur* quîn, Gomme vous la jurez à tout le genfe hu¬ main, La fcène délibérative finit, les Doc¬ teurs forren^ & laiflent Lafonde avec Sirop, auquel il demande le caraélere de Maflacra* SIROP. Incrédule a la fois, & fur la Pharmacie, Et fur la Médecine, & fur la Chirurgie , Il les décruic, les (èrt fans aucun fondement, C*eft un Pyirhonien anté fur un Normand.. Maflacra arrive, Lafonde lui apprend qu’il n’a pu rien gagner fur l’efprit des M,édecins ; il lui demande de quel œil Têtu voit rinjuftice que les Médecias Q. vj •572 Hifloire lui font, en lui refufant le bonnet de Dofteur. Maflacra lui répond qu’il eft tout plein de cette injure, & qu’il adore Tutie , la fille de Turquin. L A S O N D E. Eh que ne parliez-vous ? Nous n’avions pas befoin de ce vain éta¬ lage , &c. Il envoyé Sirop chez Turquin ; & ils entrent tous deux chez Tutie pour pénétrer les fecrets de fon cœur. Tutie apprend à Claudine fa Sui¬ vante qu’elle va bientôt partir, & que fon pere l’a fait revenir pour lui don¬ ner un époux. Têtu rentre , Tutie veut le fuir, mais elle ne peut s’y réfoudre. TETU. Madame , pouvez-vous voir ici fans colere , L’ennemi déclaré de Monfieur votre pere. Un grand Opérateur deviendra votre époux , C’eft le feul Charlatan dont mon cœur foit jaloux. Il fe reproche de n’avoir pas plutôt déclaré fa palîion à Tutie , qui lui ré- du Théâtre Italien, 373 Vous attendiez, Monfieur, pour me parler d’amour, Que de mon Hymenée on eut marqué le jour* Elle fort. Maflacra arrive & veut en¬ gager Têtu à entrer dans le parti de Turquin. T E T U. Que dis- tu \ Ce confeil eft d’un fieffé maraur. MASSACRA. Vous ignorez fans doute Que déjà votre frere eft de notre parti > TETU. A cette perfidie il aurait confenti ! Mais Lafonde paraît, adieu je me retire; Autre Maraut qui vient encor pour me fé- duire j Evitons les difcours d’un fourbe mal-à-droit, -Paffons à Tintérêt, fi tant eft qu’il en foit. Lafonde préfente une lettre à Tutie de la part de Turquin. TUTIE. N’eft-ce point une attrape ?.. (^//e Ut.) Je ne veux point troubler les jours de votre ViC , 574 Mijloïré Si vous aimez Tém, ;en ferai votre éponr } Mais a condition que de la Chirurgie, U foutienne les droits & s’unifTe avec nous. ^ Tutie refte avec Claudine & lui dit daller chercher promptement Têtu* Claudine fort pour exécuter fes ordresf Tutie fe livre à la joie , & Têtu arrive en lui adrellànt ces vers d’Orefte à Hermione, ^i font à-peu-près les mê¬ mes dans la Tragédie de Brutus. Ah ! Madame eft-il vrai qu’une fois Je puiiTe en vous cherchant , obéir a vos: loix ? Avez-vous, en effet, Ibuhaité ma perfbnne? tutie. Vous me prenez fans doute ici pour Her- niione , Et pour parler ainfi que vous vous expâ- mez. TETU, Hé bien ? TUTIE* Je veux favoir. Seigneur, fi vous m’aimez. Tout vous en alTure, lui répond ten¬ drement Têtu, mon fort eft en vos du Théâtre Italien, mzins. Le mien dépend de vous, re¬ prend Tutie. jPar cet heureux billet nos maux font a^aiii fés, Seigneur , favez-vous lire î TETU. Oui, Madame, TUTIE. Lifér» Têtu prend la lettre & en la lifant change de vilage: vous trouvez vous mal, s’écrie Tutié ? T E T U. Non , je me porte bien j Et puis vous époulér, mais je n’en ferai rien, TUTIE, Que prétendez-vous donc , Monfieur , faire de moi ? Je veux, répond Têtu., que vous de-' veniez la fille de Bolus. Tutie dit qu’elle fe percera plutôt le cœur. Têtu ne pouvant réfifter à cette menace, confent dé trahir Bolus & la Faculté. Je ne le cache point, ce noir projet me cha¬ que, , 57 ^ Hifloîfe La vertu le défend 5 mais mon amour s'cit mocque. Tutie fort, Têtu refte & ordonne qu’on falTe venir Maflàcra , qui arrive bientôt, & lui apprend qu’il a fait une cabale dans un cabaret qu’on nonrnne la Porte-Royale & où Turquin les at¬ tend. Bolus arrive & dit à fon fils d’al¬ ler guérir un malade , qui loge à la Porte-Royale , & de prévenir un Chi¬ rurgien qui doit l’aller traiter, Têtu ne peut cacher fon trouble ; Coclicola arr rive & prie Bolus de faire retirer fon fils & Mafiacra ; ils fortent ; Coclicola apprend à Bolus que les rebelles en- fans de la Faculté confpirent, & Fleu¬ rant, Apothicaire attaché à Bolus , vient lui apprendre qu’il a découvert la confpiration. Enfin j’ai découvert cette ligue fatale , Ils étaient ralTemblés à la Porte Royale. J’ai conduit avec moi vos fideks Bedeaux, Qui portaient des bâtons en guife de faif- ceaux. « J’apperçois MafTacra, mon zele me tranC- porte, '' Je le fais entourer foudain par. mon efeorte j Ne pouvant plus cacher fa noire trahifon, du Théâtre îtalicn. 377 Il fouille dans fa poche , il en tire un poifoit, î?oifon, qu’à vous Dodeurs , il dcftinait peut- être j • Et meurt en Médecin, quoiqu’indigne idc l’être. Bolus promet de punir les féditieux félon le ferment qu'il en a fait, puis s'adreflant à Fleurant, O toi dont l’ignorance & l’aveugle deflin. Au lieu d’un Cliftorel dût faire un Médecin, Soisde, prcns ce bonnet, que ta tête le porte. F L EU RAN T. Je ne fais pas un mot de latin. B O L U S. Et qu’importe ? Coclicola vient avec empreflement préfenter des tablettes à Bolus \ où les noms des conjurés font écrits. Il lit le nom de Viperinus fon fils, enfuite ce¬ lui de Têtu ; cependant il ne peut croire qu’ils foient coupables. Pour me convaincre , il faut quelque chofe de plus 5 57^ Hiftolre Cela ne prouve rien, & l’on peut par ma¬ lice , Avoir écrit fbn nom. COCLICOLA. Ecoutez l’autre indice. Sans armes on l’a vu feul qui fe promenait It qui ne parlait point, le fait eft clair te. net. B O L U S. Vous vous mocquez de moi, quelîe plaifantc preuve ! Cette conviélion eft , ma foi, toute neuve, COCLICOLA. Déplus Tutie. B O LUS. Eh bien , vous aura-t-elle dit î COCLICOLA. Rien. Eaut-il de fa mort vous faire le ré¬ cit î Viendra-t-elle ici fe tuer elle-même ? Eolus l’en difpenle & congédie les Médecins , qui lui envoyent bientôt dire par Coclicola, que c’eft à lui à pro¬ noncer le jugement de fon fils, Il pa¬ rait & veut fe jetter aux pieds de fon pere. iu Thiâtrt Italien. 57 ^ TETU. ; . , . Permettez qu un fils . ... B O L U S. Altelà, traître^ De deux fils que j’aimais\ j’étais père peut- être , Vun ne l’eft plus après Ta noire trahifon, M’en tefte-t-il encor, dis, Tetu> TETU. Ma foi non. BOLUS. Réponds donc à ton Juge, & non pas à ton pere. J% . • • . • ♦ • >• Qu*avais-tu réfolu ? TETU. Je n’ai réfolu rien. BOLUS. Un tel difeours renfernac un fens impénétra¬ ble, N’ayant réfolu rien , tu n’es donc pas coupa¬ ble. Si je n’ai plus de fils, tu n’es pas inno¬ cent I Hifloirc Ergo. • . . ceci pour moi devient embarraf- fant. Eh bien voici le fait, répond Têtu: Maflacra & Lafonde par leurs mauvais difeours , fécondant les tranfports de Tutie , m’ont débauché pour un feul moment. Honorez-moi, continue-t-il, de vos embrafTemens. B O L U S. Pour te les refufer ^ ferais-je aflez barbare ?... Qu on mene de ce pas mon fils à Saint La-» zare. {feul.) Ahl puifqu’on me diâait un Arrêt fî cruel. On devait rendre au moins mon fils plus cri^ minel. Coclicola s'avance, Bolus lui dit qu'on ne voit que lui, & lui demande s’il vient de la part des Médecins pour le complimenter ? Non, reprend-il, c’eft pour vous garotter. La fage Faculté, pour de bonnes raifons. Vous envoyé à Tinftant aux Petites-Maifons. BOLUS. Aux Petites-Maifons î du Théâtre Italien, 3 8 II COCLICOLA. Oui, vous dis-je, & pour caufc* B O L U S. Rendons grâces aux Dieux ! COCLICOLA. C’eft bien prendre la chofe.’ Cette Parodie de Brutus eft de Do¬ minique & de Romagnefî. Elle fut très- bien reçue du Public , & eut quinze repréfentations, même nombre que la Tragédie ; ce qui ne prouve cependant pas que Tune & l’autre foient d’un mé¬ rite égal ; mais ce qui montre au moins que l’on aime bien autant rire que pleurer. mjlolre ARLEQUIN PHAETON. Parodie en un aBe en profe j mêlée de Vaudevilles 3 23 Février ip 3 i,{i) T1 Y B I E , fille de Merops, roi d’E¬ gypte , ouvre la fcène en regrettant fon cœur qu’elle a perdu. Théone, fille de Protée, vient au même lieu, conduite par le même defièin ; elle ne cache point à Lybie qu’elle aime. THÉONE. Il faut aimer pour éprouver Le plaifir de rêver. Avouez que vous en tenez auflî- bien que moi. Le fils de Jupiter vous aime. LYBIE. Je ne ferais qu’à lui fi fêtais à moi-même. Mais vous êtes plus heureufe que moi, le fils du Soleil vous plaît, vous jouiflèz d’un plein repos. (i) Le Théâtre répréfente là Mer dans le fond. du Théâtre îtalien. 5 STÿ Enfemblc. Ah ! Madame Anroux , Que l’Amour eft fou. Et qu’il fait de folles 1 Ah! Madame Anroux, Combien de paroles Ici perdons-nous î Phaëton arrive tout rêveur, Théone lui fait des reproches, il lui répond : La Reine tourne ici fes pas. T H É O N E. C’eft fort bien répondre. Climène demande à Phaëton, fon fils, quel eft le fujet de fon chagrin, & il lui apprend que c eft le choix que le Boi va faire d’Epaphus pour fon Gen¬ dre & fon Succeflèur. II lui demande s’il n’eft pas vrai qu’il foit le fils du So-, 4eil ; Climène l’en aflure. PHAËTON. A I R : Vdus ave[ beau faire la fiere* Comment avez-vous pu faire Pour engager votre foi , Et de vous , ma cherç merc. Que penfe notre bon Roi > 584 Hijlolre Avez-vous pafTé pour neuve Dans l’efprit de ce butor ? CLIMENE. Il m’a prife comme veuve. PHAETON. Mais le Soleil n’eft pas mort. Climène lui dit de fe taire, & qu’il ne faut pas être ainfi un épilogueur. Prothée paraît avec fes moutons, 8c Triton, frere de Climène, l’endort par une longue chanfon. Lorfqu’il eft ré¬ veillé , Triton veut fe faifir de lui, mais il fe change en âne, enfuite en cochon, puis en vendeur de ptifanne, Il les arrofe tous, & enfin en pluie de feu, afin , dit-il, de les fécher ; lorf¬ qu’il eft à bout de tous fes déguifemens, il reprend fa première forme, 8c pré¬ dit que le règne de Phaëton ne fera pas de longue durée. Merops, fuivi des Rois tributaires, déclare qu’il a fait choix de Phaëton pour lui fuccéder, 8c qu’il lui accorde fa fille. Théone arrive 8c reproche à ce der¬ nier fon infidélité ; mais Phaëton tâche de la raflurer en lui jurant qu’il n’eft point du Théâtre Italien. 5 8 c* point amoureux de Lybie r& qu’il n’é- poufe que tes âucats. Xhéone fe retire en pleurant. Phkëwn i Va rendre hom¬ mage à la De'eflrelfis. & fe pérfuade qu elle le recevrk à merveille, püifqu’elle eft la mere de fon Rival ; mais lorfou’il veut entrer, une Furie fort du Temple pour I épouvanter. Epaphus en fort, & lur dèmknde ce qu il prétend. Phaëton lui répond qu’il veut y entrer pour fon argent. E P AP H U S, A I R ; , ne parlons, plus de guerre. :: Vo;re attente fera trompée. PHAFTON. • Ça, commençons Par ôter chacun notrç épée En bons poltrons. ; Ils ôtent leurs épées. Phaëton Con¬ tinue; -U ci' ;H’ <^^Ves>bien. priées» Et nous pouvonS) ' ' ■ j Nous dire toutes les fottifçs Que nous voudrons. EPAP^HüS,, Sortez ^uq,,Jupif^r eft mon oerei Tetris ///, F. ^85 Hijloirt PHAETON. ^ Et qü’eft'Ce'que Cela me fait ? le So- .Jeil le mien. Epaphus paraît en douter, & le plai- fante, fa naiflStoce. PHAETON. , , OffÆ-Voœ attaquer ma gloire.» ' r EPAPHUS. Défendez-là, fi vous pouvez. Aulieu de fe battre, ils fe quittent en fe faifatlt de grandes révérences. Celimene arrive, & Phaëton fe plaint à elle , en pleurant, de l’infulte qu’Epa- phus vient de lui faire ; elle le confole & l’aflure toujours que Phébus eft fon pere.En effet, des vents defcendent & enlevent Phaëton. Ue, théâtre change & repréfente le 'Palais du Soleil. Il paraît aflis fur un trône éclatant & environné des heu¬ res du jour, qui darifent & qui chan¬ tent les couplets fuivans t Je fuis l’heure des rendez-vous j Aux doux inftans je m’abandonne, J’aime 'à tromper les jaloux, . pour les Amans que je fonne, iti Théâtre Italien» Et jamais pour les époux. HEURE. Je fuis l’heure des bons repas. Toujours la foule m’environne ; Que pour les Gafcons j’ai d’appas. Quand par hafard pour eux je Tonne t HEURE. Je fuis l’heure des emplettes. Que l’on entend toujours carillonner, HEURE. Moi, celle de payer les dettes, On ne m’entend jamais Tonner. Le Soleil après avoir reconnu Pha^ ton pour fon fils , lui dit que pour preuve de fon alfedion paternelle, il n'a qu’à lui demander tout ce qu’il voudra, & que tout lui fera accordé. Il en jure par le Styx. Effroyable ferment, Que ne pourrait pas même enfreindre un Bas- Normand. Phaëton demande à conduire le char de fon pere, qui lui fait des obferva- tions prudentes ; mais Phaiëtbn lui ré¬ pond que ce n’eft feulement que pour ^88 ^ Hifioire aller de Paris à Chaillot. Le Soleil voyant qu’il ne peut faire abandonner à fon fils fon projet, il lui accorde fa demande. Le SOLEIL. A la fanté de la folie. Allez répandre la lumière , PuilTiez-vous dans votre carrière Ne trouver aucune ornière Qui vous fade un mauvais tour. Allez répandre la lumière : Nous vous donnons le bon jour, , Le théâtre repréfente une campagne un foleil levant. C 1J[ MENE. A î R : O réguingué. Mou fils, éclaire fes jaloux, C’eft lui qui brille aux yeux de tous. M E R O P S. Par quel courrier le favez-vous ? Pour moi je ne faurais le croire. C L I M E N E. " -On Ta vu de TObfervatoire. • ■ ' ; "î â ' Phaëton paraît dans le char de fon du Théâtre Italien. 58 ^ pere > & va haut & bas fans pouvoir conduire fes chevaux. CLIMENE. A1 K : Je ne fuis pas fi Diable. Quelle effroyable flâme Se répand dans les airs l THÉ O N E. La peur faifit mon ame, Phaëton, tu te perds. Devais-tu, miférable, Jouer un fi gros jeu ? M E R O P S. Quelle chaleur de Diable ! Au feu, au feu. Le CHŒUR. Quelle chaleur de Diable ! Au feu, au feu. CLIMENE. AIR : Réjouiffei-vot», bon Français. Peuples qui chantiez à l’inftant, Sa gloire & fon fort éclatant, Songez qu’il eft très-ridicule De «rier, parce qu’il vous brûle. R iij ' PHAETON, dans fon char. Arrêtez , Meffieurs les Chevaux , Ces Animaux N*ont point de bouche , Vous vous preflez trop , Hola, ho, dia, huriau. JUPITER. A IR : Laijfei-moi m*enivrer en paix. Malheureux , quel dégât tu fais! On ne pourra plus boire au frais. Culbute, culbute, culbute à jamais. Il le foudroyé , & tous crient: ah! que c’eft bien fait. Cette Parodie qui eft de Dominique & Romagnefi, eut le même fort que l’Opéra , c’eft-à-dire, quelle eut plus de fuccès qu’elle n’en méritait. Elle eut dix repréfentations avant Pâques, & fut encore reprife dans le cou¬ rant de l’année ; elle fut faite a la fixie- me reprife de Phaëton, dont les paro¬ les font de Quinault , & la mufique d» Ciulli. du Théâtre Italien. 39t Mort de Rujca. Les Comédiens fermèrent leur théâ- Mars, à caufe de la mort de la âgnora Rufca, femme de Thomaf- fin , connue au théâtre (bus le nom de Violette. Elle était née à Boulogne en I dpi , & mourut à Paris le 28 Fé¬ vrier ijji : elle avait toujours joué les Soubrettes dans la Comédie Ita¬ lienne avec plus de vivacité que de talent. Les Comédiens fermèrent en¬ core leur théâtre le 5» du même mois pour la clôture de Pâques , & le rou¬ vrirent le 3 Avril par Timon le Mk lantrope, & l’Ifle des Efclaves. Le 12 Mai fuivant un ordre delà. Police empêcha la première repréfen- tation du Dilîîpateur, & l’on ne joua point pendant trois jours. Cet événe¬ ment imprévu empêcha les Comédiens' de donner aucune nouveauté avant leur départ pour Fontainebleau, qui fut le 18 Juin , & leur retour le Août. Hijloîre LE JE NE SAI QUOI. Comédie en un acte en vers, fuîvié dtun Diverdjfement J lo Septembre I73i> (i) "V ENUs , Apollon & Momus cher- client par-tout le Je ne fai quoi, qui eft difparu ; ils regrettent fa perte , & fe promettent de mettre tout en ufage pour le retrouver. MOMUS. Ce que f y vois pour vous de plus trifte aujour¬ d’hui, C’eft que depuis le jour que ce Dieu s’eft en¬ fui , L’ennui mortel a pris fa place, ït l’on bâille à Cythere aufli fort qu’au Par- nafle 5 L’Amour ne fait plus que languir, ibe vains amufemens on a b^u le remplir, Le cœur demeure toujours vuide , Et l’ennui d’un vol rapide, Vient s’y nicher au milieu du plaifir. (i) La fcène eft dans un defert. du Théâtre Italien» 355 Apollon & Vénus fe flattent chacun 3 e leur côté, de ramener le Je ne fai quoi, & de le fixer auprès d’eux. M O M U S. Ces coquettes elle eft la Reine. Il l’eft des beaux-elprits, Je ne fuis nullement furpris Si l’amour propre les entraîne. Arlequin qui’ eft le Je ne fai quoi, arrive, & trouve Apollon & Vénus bien changés depuis qu’il ne les a vus ; il reçoit fort mal leurs éloges & leurs careffes affeéèées , il les congédie bruf- quement ; mais comme il ne peut s’en défaire , il prend le parti de s’en aller» APOLLON, l’arrêtant. Arrêtez, charmant Je ne fai quoi, Nous avons traverfe les airs, Vénus & moi. Pour venir vous rendre vifite. ARLEQUIN. Adieu, je prends la fuite Dès qu’on court après moi. Un Géomètre qui ne peut com¬ prendre le Je ne fai quoi, prie Arle¬ quin , lor.'qu’il lait que c’eft lui, de lui permettre de l’analyfer, ou du moins R V 5 P4 Jiijfoire o’en prendre la profondeur & la fur- ARLEQUIN. Je fuis on don de la nature > Qu’on ne peut concevoir par l’art ni par le rems, Et qu’on ne vit jamais briller dans la figure Ni dans le cabinet de Meifieurs les Savans. Un Petit-Maître fuccéde au Géo¬ mètre , & vient remercier Arlequin des préfens dont il prétend qu’il l’a com¬ blé. Arlequin l’aflure qu’il ne lui doit pas la moindre reconnoiflance. ARLEQUIN. Apprenez mieux à vous connaître, La nature jamais ne fit un Petit-Maître ; Le plus aimable eft toujours apprêté , Et c’eft en le louant autant qq^il puilTe l’être, Le chef-d’œuvre de l’art & de la vanité. Un Officier Suiflè eft envoyé par Bacchus , ainfî que le Petit-Maître l’eft par l’Amour , pour engager le Je ne fai quoi à revenir à leur fuite. Le S U I S S E. U manque à mon niouftachç encor un acré- jnent. du Théâtre Italien^ j Qui de Mbnfir dépend , C*eft que fon petit main rempli de chentil- lefle, Li tonne un tour patin, & fti chenc fai qu’cft* ce Qui me rente charmant Aux yeux de mon Maîtrejflfc* Il a une difpute plailânfe avec le Petit Maître > fur lequel 11 prétend Tem-^ porter ; mais Arlequin les met tous deux d’accord > en difant à Tun qu’il fait trop l’aimable, & à l’autre qu’il ne Teft pas aflez. Le Public féminin leur fuccede 3 Arlequin le méconnak d’abord. ARLEQUIN. Vous êtes le Public, vous ? Le PUBLIC féminin^ Oui. ARLEQUIN. Le véritable? Le PUBLIC jéminïn^ Oui, je fuis le Public délicat & choifi , R VJ Hijtoirâ Qui détermine l’autre, & qui s’en voit fuivi. ARLEQUIN Le Public en cornette ! il eft mcconnaiffable. Le Public féminin fe plaint au Je ne fai quoi qu’il ne goûte plus le plai- fîr depuis qu’il eft difparu. ARLEQUIN. Le plaifîr me reflemble, il eft un peu malin , Quand on croit le tenir, il échappe foudain. Le PUBLIC Ce qui me défefpere , Comme lui l’agrément affede de me fuir , J’ai de la peine à croire Que je ne puis me divertir. P • • • • • • • A mon fecours j’appelle l’art flatteur, Pour ramener cet éclat fédudeur , Plus d’une, habile main s’applique & s;*.étudic. De m’avoir rendu ma beauté , On s’applaudit déjà , mon cœur en eft flatté, Quand par une boucle indocile , ^ Tout l’ouvrage eft gâté 5 On fait pour la réduire un effort inutile. J’y mets la main moi-même & n’y puis réuf- £15 du Théâtre Italien^ 5^^ L’art me rend ridicule au lieu de m’embellir , Et par malheur, la chofe eft fans remede. Le chagrin que j en ai, me rend encor plus laide. ARLEQUIN. Vous méritez votre laideur, Et c eft pour vous apprendre A Youloir employer Tartifice trompeur. Le PUBLIC Pour mettre enfin le comble à ma mauvaife humeur. Un Abbé doucereux à force d’être tendre, Précédé dun Robin, & fuivi d’un Auteur^ A ma toilette vient fe rendre. ARLEQUIN. Quel amufant trio de toutes les façons î Le PUBLIC. L!Abbé m’endort en me prêchant fleurette, Et l’ Avocat m’aflbmme en plaidant fes rai- fons y L’Auteur un peu moins fat, fans en être plus fage, ' ' Se tait en m’offrant un ouvrage Qu’il s’emprefle de publier. Je le lis 5 mais je feas dès la première page. 5^8 Rijloîre Quoiqu’on m’ait fait l’honneur de me le dd- dier , Et que de mon mérite il fafle l’étalage , Je fens qu’il n’a pas moins le don de m’en¬ nuyer* Le Public féminin prétend qu'il n'é¬ prouve pas moins d'ennui au Spec¬ tacle. Le PUBLIC. Je ne puis m^empêcher d^envier l’heureufe liberté dont jouit le Parterre, Et l’avantage qu’a mon frere, De fiffler quand il veut pour fe défennuyer» ARLEQUIN. Si les Dames fifRaient en pleine Comédie > J’irais exprès pour voir cela. Elles feraient, je crois, une mine jolie. Le Public féminin pàfle enfuite en revue les promenades , les fêtes , & les foupers fur lefquels il ne manque pas d'exercer fon humeur. Arlequin tâche de l'adoucir , & lui promet de revenir bien-tôt > à condition que l'art aura difparu. Le PUBLIC féminin^ A votre afpeél l’eunui va difparaîtrc. du Théâtre Italien. 3^9 Les grâces vont s’y rétablir. Et tous les plaifirs vont renaître > Quel favorable changement î L’Abbé va devenir piquant. Le Financier, léger, aimable y Le Robin, amufant & railleur agréable , L’Auteur, plein d’agrément, ïc jufqua mon mari, tout va m’étre char-* mant» Un Adeur Français vient à fon tour prier le Je ne fai quoi de lui être fa¬ vorable* U A GTE U R. Une jufte fureur de mon ame s^emparc , Je jette mon chapeau & defeends au tartare Je marche à la lueur du flambeau d’Aledon , J’embrafle Proferpirve ea dépit de Pluton* ARLEQUIN* Bites-moî, Roi des foux, pourquoi tout ce tapage ? Pourquoi vous tourmenter avec tant de fïi-i reur > U ACTEUR. Pour exciter ca vous «nt noble terreur^ Hiftoîre ARLEQUIN. Que la pefte t’étoufFe avec ce bruit terrible ! Tu n excites en moi qu un mal de tête bor-^ rible. U A C T E U R. ApplaudifTez du moins à mes geftes choifis , £c de mon jeu muet, Tentez, bien tout le prix 5 Vous vous armez envain d^un frônt faiivage & rude, Vous ne fauriez tenir contre cette attitude* ARLEQUIN. Campé de la maniéré, ô Prince fans égal. Il ne vous manque plus vraiment qu’un piédef- tal. L Adeur voyant qu’il n’a pas pu fé- duire le Je ne fai quoi, ni par fes gef¬ tes , ni par fa fureur , eflaye de l’at¬ tendrir par une Scène touchante, à la fin de laquelle le Je ne fai quoi lui ré¬ pond : Prince, n^avez-vous rien à me dire de plus ? L’ A C Jr E U R. Non • d’en avoir tant dit, je fuis même confus. du Théâtre Italien, 4®I Il Ce retire en prononçant cette im¬ précation ; ' Je vais, dit-il, Hemplit tous nos Etats, des horreurs que je Tens, Pour première viétime, immoler le bon fens , Et hgnalant mes coups par des débris illuf> très, Poignarder le Souffleur & brirer tous les ladres^ Une Danfeufe & un Mufîcien ne font pas mieux reçus que l’Adeur î mais Silvia paraît & plaît d’abord à Arlequin à qui elle apporte un brevet de la Calotte de la part de Momus. Son air naïf & enjoué le détermine en fa faveur, & fa viélôire eft complette. ARLEQUIN. J’irai partout en votre compagnie , Et l’on nous verra, vous ôc moi, Ce foir même à la Comédie ; A tous les cœurs je donnerai la loi, On vous applaudira fans ceffe , Moi je ferai Je ne fai quoi. Et vous ferez je ne fai qu’eft-ce. Momus, qui a eu recours à Silvia pour ramener le Je ne fai quoi dans 402 Hijloîre Paris, s'applaudit de fa rufe, & or¬ donne qu’on célébré fon retour. Le théâtre change & repréfente une fale ornée de tout ce qui peur caradé- tifer l’agrément & la folie réunis en- femble. On mene en triomphe Arlequin avec Silvia. Tous les Officiers de la Calotte vont leur rendre hommage, & prélèntent la Marotte à Arlequin qui la reçoit comiquement. On forme des Danfes agréables, & la Pièce finit pai le Vaudeville fuivant. FJ V D E FILLE, A l'Univers rendons jufticc , En dépit meme <] ■. en ait. De <]ueli]ue façon qu’on agifle, ®n eft digne du brevet. Que la marotte Parte foudaim De main en main j Que la calotte Couvre la tête falotce Du genre humain. X Un Noble mange , pour paraître, Principal & levcnus. du Théâtre Italien, 40^ Un riche heureux, s’il voulait l’être. Meurt de faim fur Tes écus. Que la marotte, &c. X Un Pédant né défagréabic , Prétend faire le galant : Un Marquis ignorant, aimable , Veut fe donner pour Savant. Que la marotte, &c. X Cette ingénieufe Comédie , qui eft de Boifli, eut quatorze repréfentations; elle méritoit ce fuccès indépendam¬ ment de la circonftance qui y donna’ lieu. Je ne crois pas avoir befoin de rappeller l’hiftoire de la Calotte qui a fait l’amufement de la France , com¬ me les Pantins l’ont fait depuis , & comme le font aujourd’hui les que-: Telles des Phiîofophes. Hifloîrâ Mort de KauzÀnu Jacques Rauzini, originaire de Na- p’es , était un Intrus dans la troupe des Comédiens Italiens. Cent piftolles qu’il donna à celui qui avait été char¬ gé de la part de Lelio d’envoyer un bon Scaramouche , firent obtenir la préférence à Rauzini , qui n’était qu’un très-médiocre Comédien , & qui avait été Huiffierde la Vicairerie de Naples, Il aimait le jeu, le fafte & la dépenfe : il avait pris un carroflè , tenu table ouverte, par conféquent fait beaucoup de dettes. Riccoboni le pere fut obligé de folliciter un ordre delà Cour , qu’il obtint pour arrêter les pourfuites des Créanciers de fon Camarade ; mais comme il était plein de probité , il obligea Rauzini de leur céder les trois quarts de fa part j ce qui fut exécuté jufqu’à la mort de ce Comédien, qu’une attaque d’apoplexie furprit dans l’E- glife de Saint-Euftache , où il mourut le 24 Odobre, & fut enterré le len¬ demain aux frais delà Troupe ,qui le chargea de fes funérailles. iu Théatrt Italien, 4®jr LE PHENIX. Comédie en un aBe en vers libres ^ fuivie d’un Divertissement ^ / No¬ vembre 1731. (î) Isabelle ayant appris que Cinthi® fon mari a fait naufrage, le croit mort, & fe retire dans un Château pour y pafTer le refte de fes jours; mais après une longue' ablènce , il revient fuivi d’Arlequin fon valet. Blaife fon Jar¬ dinier le prend pour un revenant;mais enfin rafluré & convaincu que c’eft: fon Maître , il lui apprend que fa fem¬ me a fait divorce avec le monde, pour fe livrer toute entière à la douleur que fa mort prétendue lui caufe. Cinthio n’eft pas tout-à-fait content de cette marque d’amour & de fidelité, il veut mettre^ le cœur d’îfabelle à de nou¬ velles épreuves : U ordonne au Jardi¬ nier de tenir fon retour fecret , & prie Mario , Ibn ami & fon compa¬ gnon de voyage de fe «avertir enPrince, ^ de mettre tout en ufage pour tenter (l)Lafccne cft dans le Château d’Ifabelle, '^405 ïa fidélité de fon époufe. Mario blâme fa défiance, & ne confent qu'à regret à jouer le perfonnage qu’il lui propofe ; il s’y réfout enfin , il fe préfente a Ifa- belle avec toute la magnificence qui doit accompagner le rang qu’il fe don¬ ne. Il fait étaler à fes yeux tout ce que la fortune peut avoir de plus féduifant ; tous les gens du village viennent voir les tréfors du Prince Mario , parmi lefquels voici ce qu’il y a de plus re¬ marquable. ROSETTE, tenant une pomme cTor enrichie de pierreries. Rien n’eft fi beau que cette pomme d’or. T R IV Ë L I N. Je le crois bien, elle eft Touvrage D’un Enchanteur habile & fage , Il l’a faite pour les époux Qui vivront fans querelles ; il l’a faite aullî pour les belles Qui verront fans dépit jaloux • Des objets plus aimables quelles. ARLEQUIN. Cet article eft un tour de Cointrebandier fin, Qui veut frauder les droitsdu Bureau fémi¬ nin. 4 ' du Théâtre Italien. trivelin. Item, pour les amis dans le malheur fîdeles , Item, pour les Savans exempts de vanité, Pour les Robins tjuc la finance N’engage pas à véxer l’innocence , Plus, pour les Médecins qui rendent la fanté^ Plus, pour l’Amant dont la félicité Ne fatigue pas la confiance. arlequin. Pour finir, ajoutons , un compte parfait, Un item pour le Petit- Maître, Qui ne fe vante pas de ce quil n'a point fait. ' • • • • . ; ROSETTE, tenant une Médaille. A quoi, parmi ces bijoux rares, Sert cette Médaille , où je voi Tant de caraéleres bizarres ? TRIVELIN. C’efi un beau talifman, ma foi ! Sa propriété fouveraine Recrépit l’aufiere pudeur, Et fur 1 affront qui luit une tendre fredaine. Répand une couche d’honneur. Mario preflè Ifabelle d’une maniéré ^o8 Hiflo'ifi d’autant plus perfuafive que la feinte ; chez lui eft devenue une vérité. Rien n’ébranle la fidélité de cette époufe ; il en rend un bon compte à fon ami, & après lui avoir avoué qu’il eft vérita¬ blement devenu amoureux de fa fem¬ me , il lui confeille de s’en tenir à une épreuve fi forte , & le prie de trouver bon qu’il le quitte pour tou¬ jours , pour fe guérir par l’abfence des impreffions que les charmes d’Ifabelle ont fait fur fon cœur ; Cinthio n’eft pas encore fatisfait ; il veut faire une derniere tentative , il fe traveftit en Corfaire , & prétend obtenir par la force ce qu’on a refufé à l’amour & au rang prétendu de Mario, Enfin cette derniere a le fort de la précédente i & Cinthio (àtisfait, fe découvre à fa fem¬ me ; la Piece finit par un divertifle- ment de Matelots . , & par les Couplets fuivans. Femme, dont la perfévérancc Brave les caprices du fort, 'Et qui pour un époux que lui ravit la mort, Brûle toujours ^vec conftance , Ceft un phénix , c eft un oifeau charmant \ Mais on le trouve rarement. Mari du Théâtre Italien, Mari qui pour fa tourterelle, Montre un attachement parfait, Et qui fafle éclater dans l’époux fatisfait. Les tranfports de l’Amant fidele. C’eft un phénix , &c. X Fillette, tendre fans faiblelTc, Vertueufe fans dureté, Et qui joigne à l’éclat d une extrême beauté } Un cœur plein de délicatelTe. C’eft un phénix, &c* X Ami, dont la main fecourablc Nous foutienne dans nos malheurs , Et qui mette fa gloire à calmer les douleurs Dont la fortune nous accable. C’eft un phénix > &c. Courtifan , dont le cœilr finccrc S’explique avec naïveté. Et qui n’ofe jamais couvrir la vérité D’un fard honteux & mercenaire, C’eft un phénix , &c. X Le fujet de cette Piece eft roma- îiefque. L’intrigue commune , & le Tome ///. S ^10 Hifloire ityle très-négligé ; d’ailleurs la fécondé épreuve que Cinthio fait fubir à Ifa- belle , eft bien plus faible & moins intèrelTante que la première, l’Auteur lui-même n’a pu fe le diflîmuler : mais il en avait befoin pour fon dénoue- àîient. Cette Comédie eft de Duperon de Caftera , ce fut fa première, & le Public voulut l’encourager fans doute en y venant pendant dix repréfenta^ tions. iu Théâtre Italien^ 411 LA VÉRITÉ FABULISTE. Comedte en un acie en profe ^ mêlée de fables en vers j avec cette épi¬ graphe. ^ Sk umpcrat ignés Uandâ luce mïcans. 2J Décembre 1731. {T) La Vérité dit à Mercure qu’eJIe ne veut plus refter dans cette folitude de¬ puis quelle a appris les défordres où les hommes font livrés , elle veut en- core fe prefenter a leurs yeux pour t⬠cher de les ramener. Mercure lui ob- ferve la difficulté , & peut-être l’inu- tilite de cette démarche. La vérité lui repon^d qu elle ne fe préfentera pas nue comme autrefois , quelle faura s’en¬ velopper d un voile à travers lequel elle pourra leur faire voir leurs ^er¬ reurs, Elle.prétend que de cette ma- Yériti. confacré à la S ij !^I2 Hi^olre niere on peut offrir la vérité aux Mo¬ narques > même les plus abfolus. Ce qu’elle prouve par la Fable fuivante. Le SULTAN & le VISIR,/^zWtf. Vn Sultan furieux portait partout la guerre , Et n’était pas content fi les lointains climats Ne Tentaient l’effort de fon bras j Il ravageait fa propre terre, Ruinait fes propres Etats, Son "Vifir déplorait ce funefte ravage , Sans ofer lui rien témoigner ; Et quand il l’aurait fait,. qu’aurait-il pu ga* gncr? Il ne l’eût qu’aigri davantage. Il arriva pourtant un jour Que tous deux étant à la chalTe, Et loin du rcfte de la Cour, Le Vifir s’avifa d’un tour, Qui fçut colorer fon audace. Sire , je fais, dit-il, la langue des oifeaux, •Roflignols, fauvettes, moineaux, J’entends clairement leur langage j Un habile Dervis, Cabalifte & demi, Honnête-homme & fort mon’ ami, M’a procuré cet avantage. Si votre Maje.fté veut en voir des effets. Ses VŒUX vont être fatisfaits. du Théâtre Italien^ ^13 Le Sultan à cette merveille. Prêtait une attentive oreille. Le foir en s en allant ^ ils virent deux.feiboux ^ Perchés fur un arbre en pféfenccj Hé bien, Viiîr, nous direz-vous , De ces deux animaux quelle eft la confé^ rence ? Le Vifir s’approcha de Tarbre, & quelque tems Fit femblant d!écouter ce qu’ils paraiffaient dire, Puis rejoignant fon Maître , ah! Sire , Je ne redirai point ce que ces infolens , Sur Votre Majefté viennent de faire cntcn-> , dre. Parle, dit le Sultan , & ne me cache rien , Mot pour mot je veux tout apprendre , Hé bien, dit le Vifir , voici leur entretieno Ils parlent d’unir leur famille, L*un eft pere d’un fils, & l’autre d’une fille. Qu’ils veulent enfemble établir 5 Et voici ce que l’un difait à Pautre pere; Ecoutez, je prétends mon frere, Que nos enfans foient bien , qu’ils ne puiflent faillir, Et pour que leur état foit durable & tranquilfe, Te n’accorderai rien fi vous ne leur donnez^ S iij 414 Jlifiolre Trente villages ruinés, Item , quelque petite ville. Oh 1 frere , a répondu l’autre hibou, d'ac¬ cord } Cinq cent fi vous voulez, je vous pro- tefte, Que fi le Sultan vit, nous en aurons de relie, Il eftpour les hiboux, d’un merveilleux rap¬ port, Que fon régné foit long, nous aurons poux aziles, Tous les Villages & les Villes. Le Sultan avait de l’efprit, Il fentit bien le trait, & le mit à profit. Mercure fe rend aux raifons de ta vérité , & lui promet d’aller appren¬ dre aux Mortels qu elle a banni fa ri¬ gueur , & qu’ils trouveront dans la douceur de fes confeils , des moyens infaillibles pour devenir heureux. Cette nouvelle favorable ne tarde pas à être annoncée par Mercure. Ua inftant après fon départ on voit arri¬ ver un de fes Gentilshommes de Pro¬ vince qui pafleot leur vie à tourmen¬ ter leurs Vaflàux. Il eft conduit par un ami qui prie la Vérité de lui faire iu Théâtre IMlen. 415^ connaître fes torts ; ce qu’elle fait par la fable fuivante , dans laquelle elle lui offre rhiftoire d’un Lion furieux qui annonce fes ordres par fes rugiffemens, & qui dévorait fes Sujets au Ueu de les gouverner. Un Renard trouva le moyen de le punir de fa cruauté, il s’y prit de la maniéré fuivante 2 Sire, dit-il, votre pouvoir fuprcmc Doit par tout Tunivers^ vous faire refpeftcr A régal de Jupiter même ; Je fai pourtant quon y veut attenter. Et je ne puis plus vous le taire > Certain animal téméraire Vient roder autour de ces bois, Et voulant s’ériger en Maître de la terre. Il doit vous déclarer la guerre, Et vous faire fubir fes loix. Je ne fais pas trop bien encor comme on le nomme , Je crois pourtant qu’on l’appelle homme ; Mais je l’ai vu tout comme je vous vois, Il s’eft même deux fois approché de l’enceinte^ Oii Votre Majefté repofe quelquefois, Et même Votre garde a marqué de la crainte^ Miférables Sujets, dit le Lyon en feu , Je dois feul, il eft vrai, fuffirc à ma défenfe* Mais e’eft alTez, viens me montrer le lieu 3 S iv Ou de mon ennemi je puis tirer vengeance. • • • • i» • • Mais je vois l’homme enfin 5 feiviteur, j^c vous laifle. C’était un ChaiTeuf trés-adroit, Bien monté, bien armé, plein de force ôC d’audace, Qui d’un dard lancé ferme & droit > Etend le Lyon fur la place. Quelle atteinte, dit le Lyon I Ma puiflance eft évanouie, L’homme eft k maître de ma vie ^ Je le confefle à ma confufion. Méchans, fâchez donc vous connaître, Il n’en eft point qui dans l’occafion y Ne puifle rencontrer fon maître. Le GENTIL-HOMME. Ah! Déelïè,>de quels traits de lu¬ mière mon efpritfe fent frappé! quelles grâces j’ai à vous rendre ! L’ A M L Quel triomphe pour Famitié ! La VÉRITÉ, à rami. Le piege où vous avez conduit le Lion ne lui fera que falutaire... Allez, Monfîeur , retournez dans vos terres, du Théâtre Italien. & faîtes y votre bonheur de celui que vous procurerez aux autres. Un Ambitieux fuccéde au Gentil- homme brutal, & la vérité lui raconte inutilement la fable d un Oifeau , qui apres avoir palTé des jours heureux & tranquilles dans une retraite écartée ^ voulut aller ala Cour, D’abord iltroU'* va une grande abondance. Le millet, le bifcuit, rien ne fut épargné 5 Mais pour quelqu’un né libre , & qui même ^ régné, Qu eft-ce qu’une cage dorée > Chaque efclave de la maifon, Maint perroquet, mainte perruche. Lui cherche querelle & l’épluche , Tous jaloux du nouveau mignon. Il eut même plus d’un lardon De la Pie & de la Guenuche, Eft-ce tout ? Un chat du complot Un beau matin en fit pâture : k quoi le ificux matois donna telle tournure. Que le Maître n’en foima mot ( à tambitieux.^ Etes-vous’ curieux dé pareille avanturc? L’Apologue ne perfuade point F Am¬ bitieux qui va tenter fortune , & I qui S V '418 Wijtolre fuccéde une femme capricieufô , eîîê montre un de ces caraâeres qu’un rien aigrit, & qu’un rien calme; & elle eft aimée d’un Amant qu’elle carefle & qu’elle défefpére tour-à-tour. Comme fon humeur n’eft que momentanée , elle craint dans fes accès de raifon que fon Amant ne fe lallè à la fin des tour- mens qu’elle lui fait éprouver , &c’eft pour le conferver qu’elle vient deman¬ der un confeil à la Vérité qui le lui donne de cette maniéré. Une corme brillante & fraîche , D’une jeune fillette avait charmé les yeux 3 Mais ce fruit qui fcmblait un fruit délicieux^ Au goût parut dur & revêche. Quoi ! lui dit la fillette , un fi beau coloris Cache une amertume effroyable ? Et pour te trouver agréable, Il faut que par le tems tes appas foicnt fié^ trisî Que ton injuftice eft extrême !' Lui répondit la Corme,, ek! n.'es-tu pas de même Par Teifet feul de ton humeur ? Te voila jeune , fraîche, belle. Ton Amant eft tendre & fidele,.. Et loin d’avoir ceite douceujc du Théâtre ItaKenetf Qa'annonce de tes traits la grâce natarellc, Tu n’as qu’amertume & qu'aigreur : Crois-moi, n’attends pas que les rides Amorti irent ton âpreté, Les injures du tems ne font que trop rapides, C’cft un cruel moyen de perdre fa fierté. La Capricieufe promet de fe bien fouvenir de cette Fable à la Décile, qui lui répond que ce n’eft pas allez » qu’il faut encore en profiter. La Vérité eft encore vifitée par un Chevalier de la Garonne qui la prie de lui apprendre à donner un air de vérité à fes gafconnades. On ne trouve dans cette fcène que des chofes déjà trop répétées, & la Fable qui la termine» ne mérite pas plus d’être rapportée. Nous pafierons à celle d’un Poëte préfenté à la Déefle par un Proteâreur qui avoue que fon crédit n a pas tou» jours fauvé du naufrage les chef-d’ceu* vjes de fon Protégé. Si la Vérité a eu raifon de fe fervir de l’Allégorie pour ne pas révolter la vanité humaine, c’eft en cette occafion qu’elle doit en faire ufage. Auffi l’employé-t-elle très-adroi¬ tement en parlant au Poëte & au PrQ- teëteur. Voici comme elle s’adrelTe au premier. UnOifelier avait pris un rof- S vj 420 -Il Jlljtoîre fignol , & l’avait mis parmi d’autres oifeaux dont il avait déjà gâté le ra¬ mage naturel, en apprenant à l’un à lîfler, à l’autre à parier. Le lendemain dès le matin ^ Sa troupe ailée avec emphafe. Fit bruire l’un foa refrain , Et l’autre fa méchante phrafe y Ce bruit du Roflfignol redoubla le chagrin ^ 11 en fit à l’Aurore une plainte fi tendre, Que rOifelier dans le moment, yit les autres gofiers fe taire pour l’entendre ^ Lui-même fat fai fi d'un doux raviflement. L’Oifeau flatté de ce filence , Fait encor de nouveaux efforts, Et foutient fes divins accords. D’une plus brillante cadence. Le Public vint en foule à ces concerts nou:- veaux ,. Et le Marchand convint qu’avec fa tablature, Il eut gâté des chants fi beaux. Les plus parfaits accens font ceux de la nan ture. Le PROTECTÈUR. Je vous garantis que Monfieur lèra dans peu le P.oûîgnol de votre Fable je vais d’avance lannoncer poux tel , du Théâtre Italien. Se en même-temps dire merveille de vous. La VÉRITÉ. Croyez-moi , Monfieur , attendez fur cela Taveu du Public. LailTez-lüi la liberté d'en juger, & retenez bien la Fable que je vais vous dire. L’AURORE & le COQ. Un Coq au lever de l’Aurore, Se fignalait par fes clameurs , La Déefle qui vient arrofer dé fes pleurs Les aimables préfens de Flore, Dit au Chantre importun,, à quoi bon tous ces cris? * Pourquoi troubles-tu mes myfteres ? J’annonce , dit le Coq, aux mortels endor.- misv Votre lever & leurs affaires, Et d’ailleurs, en Sujets fournis , Je vous rends par mes chants des hommages lînceres y LaiïTe, lui dît 1*Aurore , & riia gloire & tes foins, Les mortels favent leurs belbins. Leurs avides défirs les éveillent de refte, Gelai qui vit heureux , par toi le devient moins> Et le malheureux te dételle j Quant à ma gloire je protelle Que j’y renonce pour jamais , S’il faut la tenir de tes faits. J’en dis autant que la IJéelfe, Vos clameurs me font trelTaillir, Je defire un laurier d’une plus noble efpecc > Le Public ale feul que je cherche à cueillir. Le PROTECTEUR. Vous pouvez m’épargner cette com- paraifon j mais je m’en vengerai , 8c Monfieur & moi nous allons faire^ une bonne brochure contre la Vérité fa- bulifte. Ils quittent la Vérité qui remarque qu’il eft plus facile de détruire les vices, que de corriger les ridicules ; elle ne refte pas long-temps feule , elle eft bientôt abordée par un Faftueux qui arrive avec toute fa fuite , & qui vient demander une paix dont il ne fauroit jouir. La Vérité lui répond dans Ion langage ordinaire. Le CHATEAU & la FERME. Sur la cime d’une montagne , Qui commandait au loin une vafte campa¬ gne» du Théâtre Italïtn. ^2 ^ î;ii orgueilleux Çhâteaa s’élevait dans les Cieux, Les dehors préfentaient aux yeux Cette admirable archiceélure, Dont la Grèce autrefois nous traça la Itruc-i ture ; Les dedans étaient pleins d’ornemens ^ra*» cieux, Tableaux clioifîs, belle fculpture , Meubles galans & précieux, Jardins deuris & (pacieux . Ou 1 art faifàit en Maître obéir la nature^ Art qui fouvent la défigure, Car le fimple eil toujours le mieux^ La , dans le fein de la molefie , Des habitans de toute efpecc, Se renouvcllaient nuit & jour,. Et venaient varier ryvrefle , Ou de Bachus ou de l’Amour. Un Peuple de Valets, grand bruit & longue: chere, Faifaient qu’on n’y repofâit guere. Une Ferme au contraire , au bas de ce Vallon;: Se tenait humblement , & bordait la Praine Il contemple la îerme, & d^un ton ironiquc>. Tu vas, dit - ilcacher aux yeux du Speéla- teur^ L’éclat de mon ordre ionique. Tu m’offufques par ta hauteur ; ferme, ma douce amie, es-tu fi tyrannique. Que tu veuilles toujours briller à mes dépens? Superbe, lui répond la Ferme, jë t’entends^ plus que moi tu te crois illuftre , du Théâtre Italien^ Mais un faux orgueil te féduit 5 Apprend que c cft à mon produit Que tu dois l’éclat de ton luftre. Ces fertiles Guerets, qui les a cultivés ? Qui moiffonne ces grains dont mes Granges font pleines ? Ton Maître & fes Valets labourent - ils mes plaines? Font-ils venir le vin dont ils font abreuvés ? Ceft mon éternelle abondance Qui fit jufqu’ici ton foutien 5 Mais ton faftueux entretien , De ton Maître & de toi fera la décadence. Cette menace, hélas, eut bien-tôt fou effet, Le Château fut mis en décret » Je crois qu’aifément on devine Que cela veut dire en ruine 5 Tandis qu’en fa fimplicité y Par un travail toujours utile, hz Ferme acquit encor plus de folidité y Et voulut bien donner azile Au Maître du Château, dans fon adverfité» Le FASTUEUX. Oh Ciel ! quelle image efirayante pour moi ! La V É R I T É, Dites, confolante. ^21^ Hlfloift MERCURE. Eh bien Déefle, je viens favoir ou vous en êtes ? La V É R I T É. Vous le voyez , ce Mortel était li¬ vré aux plus grandes erreurs, & il s’eft rendu à la Vérité. MERCURE. Je vous amene aulïî les Sujets du Gentilhomme (pie votis avez corrigé ; ils viennent en foule vous rendre grac© du changement de leur Seigneur. La V É R I T É. Qu’ils entrent » je les verrai avec plaiîir. Le FASTUEUX. Je veux me joindre à eux avec ma fuite. La VÉRITÉ, au Vubliu C’eft à VOUS maintenant , MefCeurs , à pro¬ noncer Sur la V érité Fabulifte : Approuvez-vous qu'elle perfiftc Bans le genre nouveau qu elle vient d’embraf^ fer è du Théâtre Itdien. 4 ^^ Elle aurait bien encor d’autres Fables à faire, C’eft à voas à l'encoaragcr , Et nous avons dans cette affaire ; Moi, le fêuî défît de vous plaire, Vous ,1e droit de me corriger. On ajouta à la (îxieme repréfenta» tion de cette Piece, la Scène de TAm- bitieux dont nous avons parlé, & celle d’un Faux-Politique, qui ne mérite pas qu’on en parle. Cet ouvrage dont de Launay eft l’Auteur y ne peut pas être regardé comme une Comédie ; mais l’idée en eft ingénieufe , le ftyle en eft naturel ; &Ies Fables que la Vérité y débite, méritent de fortir de fa bouche. Il eft étonnant que TAureur n’y ait pas ajouté un vaudeville il n’y a point de fujet plus capable de fournir des couplets remplis de finefle & de morale. Cette Piece fur jouée en même-temps que la Parodie d’Amadis , & eut ainlî quelle treize reptéfentations. Mljloîfe ARLEQUIN AMADIS. Parodie en un aBe en profe ^ mêlée de Vaudevilles j J/ Novembre ////. (i) jAlmadis arrive avec Floreftan fon frere. Celui-9 lui demande la caufe de fa triftelTe. AMADIS. A I B. : De VOpira. J’aime hélas! c’eft alTcz pour être malheur reux. Il ajoute qu’il aime Oriane, & qu’elle l’a condamné à ne le jamais revoir. Floreftan lui repréfente qu’il doit fe confoler avec la gloire. AMADIS. A I R : De tous les Capucinsi J’ai choifi la gloire pour guide, En marchant fur les pas d’Alcide , Je cours imiter fa valeur, Je n’imite que la folie, (1) Le théâtre repréfente un Palais. ^ du Théâtre ItaVietil !^2p En cela foui j’ai le bonheur^ D’être fa fidelle copie, j 'Amadls fe retire , Floreftàn refte, & Corifande parait. Ils témoignent tous deux le plaifir qu’ils ont de fe revoir. Oriane fijrvient qui loue la fi¬ délité de Floreftan , Ôc fe plaint de l’inconftance d’Amadis qui airne Brio- lanie. Floreftan veut la défabufer en lui difant le couplet fuivant. Air: Tu nas pas le pouvoir^ Il eft rennemi redouté De l’infidélité. Et puifqu’il punit les ingrats , Sans doute il ne l’eft pas. ORIANE. Vous contez une belle hiftoire , Ce Héros fuivant fon defir. Punit les ingrats pour fa gloire , Et les imite pour fon plaifir. Corifande annonce des Guerriers viennent fe battre pour divertir Oriane. Cette Princefle demande qui les envoie ? A quoi on répond qu on ne le fait pas. Hijloîre O R I A N E. Eh bien on n'a qu'à les renvoyer, je ne veux point d'un divertiflement anonyme. Suivez-moi. Le théâtre change & repréfente une forêt dont les arbres font chargés des dépouilles de ceux qu'Arcalaüs a vain- . eus. On y voit au milieu un grand pont, Arcaboane foeur d'Arcalaüs chante, fur l’air: f ai rêvé toute la miu Amour que veux-tu de moi, Mon cœur n*efl: pas fait pour toi, Je veux infpirer l’effroi, C’eft-là mon emploi. Amour que veux-tu de moi, Mon cœur n’eft pas fait pour toL Arcalaüs arrive & demande à fa feue quel eft le fujet de fa mélancolie ? AR GARONNE. Air: Ahl T terre y ahl Pierre. Par fa vertu guerrière, Un Héros très-poli. Contre un monftre en colcrc, , Un jour prit mon parti 5 Mon frere, mon frerè, J étais morte fans lui. du Théâtre Italien, jj AR CAL AUS. Bon, les Enchanteurs craignent-ils les monftres ? AR C ABONN E. Air : Le mafque tombe & Von voit la Coquette, En rendant grâce au vaillant perfonnage. Je m informai de fon nom vainement j Mais remarquez le bel événement, Son calque tombe, & je vois fon vilage, Arcalaüs l’invite à montrer plus do fermeté. ARCABONNE. Ah que le nom d’Amadis m’infpirc ■de rage i Tous deux. Aik: Lucas pour fe gaupr de nous. Un jour pour fe mocquer de nous. Le perfide aflbmma notre malheureux frere j Mais à fon tour il doit fentir nos coups ; Nos coups, Livrons-nous à notre colcrc, Ma cherc, Mon frère , Oui, qu'il périfle le pendard, Ah qu’il cft doux d exercer la vengeance î Hijloîre PuniiTons plutôt que plus tard. Four nous mocquer de lui, frappons ^ frappons fa pancc, Frappons, morbleu, perçons à grands coups de poignard. ARC AL AU S. Laiffez-moi l’engager dans mes en- chantemens. Arcabonne fe retire , Arcalaüs au fon de la fymphonie , forme avec la baguette plufieurs cercles magiques, & dit voyant venir Amadis : il faut qu’il foit bien malheureux pour tom¬ ber ainfi dans les pièges que je lui dreffe. , Amadis & Corifande fe cherchent dans le bois : ils s’appellent & fe re- connailTent. ARCALAÜS, j’op/’oTâ/îî au paf- fage d’Amadis. A I R ; Du ChaJUeur. Ce paffage eft en ma puiflance ; Vois ce magnifique aîtelier, Il eft le prix de ma vaillance, Je dépouille ici tout Guerrier. AMADIS. du Théâtre Italien* 433 A M A D I S. Voyez quelle infolence ! J’ai toujours pafTé fans payer. Sur tous les Ponts de France. ARCALAÜS. Tune paflèras pas fur celui-ci. A M A D I S. Nous allons voir, Arcalaüs repouflè Amadis ; Corî- fande demande du fecours à celui-ci. Arcalaüs le fait faifir par des diables qui l’enlevent. Amadis outré de colere rofïê Arcalaüs. Une troupe de Nimphes & de Ber¬ gers viennent former une danfe pour enchanter Amadis , qui prend une Danfeufe pour Oriane. AhiADIS. Tenez, miinonne, vous avez G bien danfé, que je vous fais préfent de mon épée. Bon, je fuis bien bête ! Et Ion, Jan , îa , Que fais-je là, Eft -ce avec cela Qu’on régale les Danfeufes ? Tome III. X Tîyioîfe La Nimplie emmene Amadis avec elle. Le théâtre change & repréfente un Palais ruiné & des cachots. Floreftan, Corifande & les Captifs qui fortent de leurs cachots, fe plaignent des maux qu’ils fouffrent. CORISANDE. Air: Tarare pompon. Sont'Ce là les liens que l’Hymen nous pré¬ pare ? Encoï fl l’on était dans la même prifon. On pourrait ( fort barbare i ) ' Se faire une raifon. Mettez-nous y. Le G É O LIE R. Tarare Pompon. Arcabonne fous la figure d'un chat snonftrueux, fe rend dans la prifon, Sc chante: Air: On naïme plus dans nos Forets* Sortez, traînez ici vos fers, Ceifez vos plaintes ennuyeufes. Les CAPTIFS. Des maux que nous avons foufferts. du Théâtre Italien. Terminez les rigueurs alTreules. 45/ ARCABONNE. iun air daux. Vous allez cefler de foufFrir, Mes enfans, vous allez mourir. CORISANDE. iFlorefian. Avec vous la mort même A pour moi des appas. florestan. C eft aufîî mon fyftêmc. ARCABONNE. Ne vous Je dis-je pas. Floreftan & Corifande chantent en¬ core un duo très-langoureux, ARCABONNE. C eft trop entendre Ce maudit refrain, J ai le cœur tendre. Il me met en train ; C eft trop entendre Ce maudit refrain. Arcabonne évoque l’ombre de foo ^35 Hîjloirc Air: Ohl ohl tourlounho. Toi qui n*es plus qu*un rcftc de cendix » Oh! oh! Dans ce noir tombeau. Reçois , & fans plus attendre, Oh ! oh ! Le joli cadeau ^ Du fang que je vais répandre. L'OMBRE, très-fort. Ohl oh! oh! Tourlouribo. arcabonne. Quel hurlement ! Je jure, mon frété ; que dans un inftant vous ferez fatif- L’ O M B R E. Tu vas trahir ton ferment, Menteufe, mentfeufe. Tu vas trahir ton ferment, Menteufe, en ce moment. ARCABO NNE. Ne vous fâchez pas mon frere, j’ai juré, cela doit vous fuffire. "du Théâtre Italien, 4571 L’ O M B R E. A1R ; Je fuis toujours prêt à danfer. Ah ! m vas trahir tes fermens, Le jour me blefle, je retombe , Le grand air me fait mal aux dents. Je me trouve mieux dans ma tombe. Tu me luivras dans peu de tems, C’eft aux Enfers que je t’attends, Que je t’attends, C’eft aux Enfers que je t’attends. ARC ABONNE. Allez - y toujours devant. On lui amené Amadis qu’elle veut immoler à fa vengeance ; mais elle le reconnaît auffitôt pour le Héros qui lui a fauve la vie^ les armes lui tombent des mains. II n’eft pas jufte , dit-elle, que je tue un homme à qui j’ai tant d’obli¬ gation. Exigez la récompenfe de vos fervices , & j’y fouferis. Amadis demande qu’on donne la clef des champs à tous ces malheureux î il eft dans l’inftant obéi. Floreftan , Corifande & tous les Captifs font mis: en liberté. Arcabonne dit à Amadis de la fuivre. 43^ Hifloire AM ADI S. Que j’aille feul avec vous ! je arcabonne/ Allons,marchez petit garçon^ A M A D I S. AI R : Tandis que je drejfcj^ Elle veut me faire La bonne Sorcière Elle veut me faire Payer leur rançon* ARCABONNE. Le joli garçon, Il eft formé pour plaire !. A M A D I S. Elle veut me faire Payer leur rançon^ Les Captifs fe réjouiflènt de fbrtîr d’efclavage. Le théâtre change & re¬ préfente la mer. ArcalaUs dit qu’il vient encore de faire ua enchantement qui leur livre Oriane, & demande à fa fœur fi elle a eu bien du plaifir à tuer Amadis. Arcabonne foupire, & lui dit in- du Théâtre Italien, génuement qu'elle a trouvé dans fon ennemi même l’objet de fon amour, & qu’à fa confidératiori elle a donné la liberté à tous les Captifs. Mais elle • change bien-tôt de penfée & ajoute : Je fens que la fureur l’emporte fur l’amour ; voici rna Rivale , vous allez voir tous les tours que je vais lui jouer. Oriane paraît, Arcalaüs lui vient dire qu’il a vaincu ce vainqueur invinci¬ ble , & que puifqu’elle le hait, elle doit être bien contente. Il fait venir Amadis qui paraît mort. Oriane fe défefpére, ORIANE. A I k : T entends déjà le bruit des arities^ J’entends Amadis qui m’appelle. Pour gage certain de ma foi, Mon cher , dans la nuit éternelle , Je me précipite avec toi. ( ElU tombe évanouie. ) A M A D I S, fur un ga-^on., Ah! ventrebleu, que ne vient-elle S’évanouir auprès de moi ! Arcalaüs & Arcabonne fe réjouif- fent du défefpoir de ces deux Amans, ^ rT*v • i ly 440 Kifioire Audi rôt on voit fur la mer un rocBet enflammé, & enfuite la grande ferpente d’où fort Urgande . avec plufieurs fem- mes qui font avec elle. A R C A L A U S. A1R : Je ne fuis flutuur ni menteur.. D’où part ce fpedacle nouveau ? ARCABONNE. D’un pouvoir plus grand que le nôtre., ARCALAUS. Eft-ce un Serpent ? Eft-ce un Vaifleau ARC AB ON N E. Non., non, ce n’eft ni l’un ni l’autre». ARCALAUS. Ma fœur, qu’eft-ce donc que celaî. ARCABONNE. Le magafîn de l’Opéra. Urgande enchante Arcabonne & Ar- calaüs, & défenchante Oriane & Ama- dis, qu’elle emmene avec elle; après avoir rendu à Arcabonne & à Arcalaüs l’ufage de leurs lens. Ces derniers ap¬ pellent les Démons de la terre à leur feçours , qui combattent contre les du Théâtre Italien. 44 ^ Démons de l’air, qui obligent ceux de la terre à leur céder la vicloire. Ar- calaüs & Arcabonne fe retirent. Le théâtre change & repréfente l’arc des loyaux Amans. Urgande conduit a /ec elle Oriane & Amadis qu’elle a raccommodés enfemble. AMADIS, à Oriane. Si vous voulez je paflerai.fous Tare des loyaux Amans , pour vous prou.* ver ma fidélité. URGANDE. Non, non, cela ferait trop ennuyeux, piflbns vite à la Chaconne. Les loyaux Amans forment avec leurs Amantes une danfe qui finit la Piece. Cette parodie qui eft dé Dominique & Romagnefi , eut douze repréfenta- tions, & quoiqu’elle eût pu faire autant de plaifiràla leéture, les Auteurs n’ont pas jugé à propos de la faire impri¬ mer ; elle fut faite à la fixieme reprife d’Amadis de Gaule , Tragédie lyri¬ que , dont Quinault a fait les paroles & Lulli la mufique^ liijioire 442 D A N A U S. Tragi-Comédie en trois aSles ^ en vers ^ mêlée d!intermèdes comiques ^ & fui- vie d'un Divertijffêment ^ avec cette: épigraphe. Quïdquid délirant Reges pleEluntur achivi.. Les paillons des Rois font les malheurs des Peuples. 22 Janvier IJS2. (l) C^REON ancien Capitaine du Roi Gelanor, & cru pere d’Argée, ouvre ]a Scène avec lias ancien Officier ,, auffi attaché au même Roi : ce dernier revient de Texil que fa fidélité pour fon Prince lui avait attiré. Ces deux amis fe retrouvent dans Argos après une longe abfence , & dans le détail de leurs avantures , ils expofent le fujet de Thiftoire de Ge¬ lanor & de Danaüs , celle d’Argée , fon amour pour îlypermneftre , & le (i) La feene e(l dans le Palais de Daaaiis,, & le paife pendant U nuit,. du Théâtre Italien. 445 mariage de cette Princefle avec Lin- cée qui détruit toutes les efpérances d’Argée. Danaüs accompagné d’Antenor fon confident-& facrificateur, apprend que- fes Neveux viennent d’étre égorgés il (e livre à tous les remords dont i efl: agité, rappelle à Antenor que ce font fes confeils qui l’ont déterminé à ces forfaits , il appréhende que le Soleil ne découvre bientôt à fes Peu¬ ples les horreurs que les ténèbres de la nuit cachent encore ; il prévoit que fon frere va bientôt arriver avec tou¬ tes les forces de l’Egypte pour venger la mort de fes fils , & il ajoute qu’il veut, eu couronnant la tendrelTe d’Ar¬ gée qu’il a fait venir , oppofer fa va¬ leur aux efforts d’Egiptus. Argée arrive en effet , Danaiis lui apprend qu’il eft prêt à le rendre heu¬ reux ; ce jeune Prince en eft fort fur- pris , parce qu’il fait qu’Hypermneftre; eft en ce moment dans les bras de font époux. Danaüs lui rappelle l’hiftoire de fk vie & celle d’Egyptus , les raifôns qui le firent fortir d’Egypte, celles de lat haine qui était entre fon. frere & lai „ & enfin comme il eft parvenu au royau.- 444 Mlllolre me d'Argos où 11 fe voit encore me¬ nacé par* de nouveaux périls. Argée étonné de ce qu il vient d'en¬ tendre.^ répond à Danaüs que ralliance qu il vient de contraéler avec Egyp- tus le met au-deffus de tous les efforts que fes ennemis pourroient tenter. Da- naüs lui apprend enfin que, TOracIe Ta ^ menacé de périr par la main d'un de: fes Neveux. Que c'eft pour prévenir; ce malheur que fous les noms de paix: & d’Hymenée , il les a attirés danS' Argos , & que fes filles, viennent de les égorger tous. Avrgée épouvanté, demande a Da- naüs fi Hypermneftre a été. coupable: d'un fi noir attentat ; Danaüs lui répond' qu'il doit s’en.féliciter , puifque c'eft^ par ce moyen qu'elle lui rend fon cœur.. Argée dctefte encore dans un Mo¬ nologue le crime de Danaus ; il frémir, de ce qu'il veutdiii rendre une Amante: teinte dii fang de fon époux. Il préfére.- la mort à un tel Hymen ^ & fait con¬ naître toute l’horreur qu'il reflent pour, Hyperimieftre ; elle arrive , & lui ap¬ prend qu’elle a fauvé fon époux con¬ tre les ordres du Foi, elle dit à Argée. qu elle compte affez fur fa générofité pour le prier de fauver fon rivaL. du Théâtre Itditni Argêe content de favoir que fon; Amante n’eft point criminelle, le livre au. plaifîr de penler qu’elle elï toujours digne de lui ; il lui promet de fécon¬ der la vertu aux dépens de fon amour & de fa vie , & part pour exécuter ce généreux deflein. Le premier intermede eft: épifodi- que, & abfolument détaché du fujet de la Pièce : Arlequin & Euphrofine- fa future époufe , viennent au lever de 1 aurore , dans un bois confacré à’ I Hymen. Le pere d’Euphrofine choi- lît ce jour favorable déjà conlàcré par 1 Hymen des Princes d’Egypte avec les filles de Danaiis. On fe livre aux plai—• firs , on chante , on danfe j mais dans le plus fort de la joie, la mere d’Eu- phrofine vient apprendre que les fils; d’Egyptus ont été tués par leurs épou- fes. Arlequin fait divers lazzis de frayeur. & prend la fuite.. Argée arrive au fécond ade, accom¬ pagné de Créon : ce Prince lit l’ade public, par lequel Gelanor le reconnaît' pour fon fils , Créon lui apprend les raifons qu il a eu. de lui cacher (a naif-- fance , & l’exhorte à profiter du crime- de Danaiis pour remonter fur le Trône;: U l avertit que tous lès amis alîîégent : mjloire les portes du Palais , & qu’lis n’atten¬ dent que lui pour punir le tyran, Argée furmontant l’ambition , com¬ me il a dompté fon amour , répond à Créon que Danaiis n’a point eu de part à l’exil de fonpere, qu’il doit toujours reconnaître en lui le pere d’Hypermnef- tre, & qu’il fe déshonorerait en lui ra- vifTant avec la vie .les biens que ce Prince veut lui rendre avec fon Amante^ Créon admire la grandeur d’ame d’Argée , & voulant le conferver pour le bien de fa patrie , il fort pour don¬ ner le lignai de l’atcaque. Danaiis eiître avec un Officier qui lui apprend" que Lincéeeft échappé; qu’on l’a vu efcorté du feul Argée , & que le bruit fe répand que ce dernier eft le fils de Gelanor. Danaiis ordonne qu’on les arrête tous deux , qu’on cherche Hyperraneftre , & frappé de ces cir- eonftances, dès qu’il eft feul il fe livre à fes craintes & à fes remords. Uypermneftre paraît. Son pere lui demande fi fon époux eft mort , & cette PrincelTe lui répond fièrement qu’elle l’afauvé,Danaivs furieux, lui de¬ mande quel prix elle attend de fa défo- béifiance, la mort, lui dit-elle. Danaiis la lui pronuet d’abord j. mais arrêté par du Théâtre Ttarun, 44T k crainte , il tâche adroitement de la féduire en lui faifant envifager que l’ac¬ tion généreufe dont elle s’applaudit , entraîne néceflàirement la mort de fon: pere & les malheurs de fa Patrie , par les efforts qu’Egiptus ne manquera pas de tenter pour venger la mort de Tes fils. Antenor veut apprendre à Danaüs que fon Palais eft attaqué, fa Garde forcée, & que Lyncée eft à la tête des Conju¬ rés alîèmblés par les foins de Créon. Hypermneftre allarmée du péril qui menace fon pere, le conjure d’avoir re¬ cours à la valeur d’Argée ; Danaüs fu¬ rieux, lui dit que pour épouvanter les rebelles , il va le faire immoler à leurs yeux , & qu’elle même va être facri- Ëée fur l’autel des Eumenides. Il com¬ mande à fes Gardes de l’y traîner , & fort pour aller s’oppofer aux rebelles.. Dans l’intermède du fécond ade Arlequin tremblant de peur, paraît ar¬ mé de toutes Pièces , & muni d’une bouteille de vin pour fe raffurer. Il fait des réflexions poltrones, comiques & fatyriques fur ce qui fe pafle en ce moment dans Argos ; mais tandis qu’il boit pour prendre courage,, un, bruit Hifloïre de guerre &c les clameurs des Soldats; fe font entendre , il veut prendre la; fuite ; mais il en eft empêché par l’en¬ trée des Combattans qui arrivent de- chaque côté du théâtre , & qui font un combat dans lequel le parti de Danaiis eft vaincu , & celui d’Argée célébré fa viéèoire par de nouvelles danfes. Un Soldat apperçoit Arlequin caché- dans un coin du théâtre où il contre¬ fait le mort. Il lui enlève fa bouteille ^ & l’oblige à le fuivre au combat. Il té¬ moigne fa peur d’une maniéré comi¬ que , & dit que s’il rencontre la viéloire en chemin, qu’il ne manquera pas de la fuivre. Hypermneftre ouvre la première Scè¬ ne du troifieme ade. Elle s’abandonne à fa douleur en fongeant qu’Argée va être immolé pour elle, que fon époux eft armé & que fon pere va périr ; elle ne fait pour qui faire des vœux lorf- qu’Idas arrive, il lui apprend qu’Ar¬ gée eft fauvé, & que tout a changé de- face. La Princelfe demande d’abord ce que fon pere & fon époux font deve¬ nus ; Idas qui les a laifle engagés dans le combat ,ne peut lui apprendre rien de- certain. , linon qu’Argée s’eft avancé du Théâtre Italien, "44P' avec précipitation & fuivi d’un grand nombre de fes amis , il s’eft mêlé par¬ mi les combattans. Hypermneftre craint d’abord que ce ne foit dans le deflein de fe venger de fon pere ; mais fa générofité la raffure. Elle ordonne à Idas d’aller rejoindre Danaiis dans un fi grand péril. Antenor arrive fuivi d’une troupe fupérieure qui fe rend maître du Tem¬ ple , & dit à la Princeflè qu’elle doit expier par fon fang l’infidélité qui Caufe fon malheur. La PrincefTe fe dé¬ termine généreufement à la mort. Elle fe jette aux pieds de l’Autel pour être immolée. Antenor fait une invocation, & au moment qu’il leve le bras pour la frapper, Danaiis arrive bleîle à mort, foutenu par Argée & par Créon , il dîit qu’un fang plus criminel doit aopai- fer les Dieux, & ordonne aux Prêtres de facrtfier Antenor ; afin, dit il , de finir fa vie par un trait de juflice. Il apprend àfîype' nnneftre que fonépoux^ qui l’a bielle , eft mort de fa main , & qu’Argée l’a retiré de celles qui alloienc lui arracher ce. refte de vie.. Il dit en¬ fin à fa fille qu’elle eft libre par la mort deLyncée. lU’exhorte àépoufec Argée,, & il expire avec tous les rer 4T® Hijlolre mords que fes crimes doivent lui caif- fer. Arlequin revient du combat & ra¬ conte fes exploits avec fierté j Euphrô- fine fa Maîtreflè le vient rejoindre » leur mariage sacheve & termine la Piece par des danfes & par un vau¬ deville. Le PERE D’EUPHROSINE» Ecoutez ce confeil , mon gendre , L Hymen eft un joug bien peianr , Pour l’adoucir, mon cher enfant, Soyez toujours fidel & rendre , Pour vous faire un heureux deftin , De peur que l’amour ne s’envole. Tenez-vous tous les deux parole , Et lîgnez-la foir & matin. Ce Poëme eft de Delifle ; quoiqu’il /bit conduit avec art , & écrit avec feu , il n’eut qu un très-médiocre fuc- cès , & feulement trois repréfentations. Il eft étonnant qu’avec de légers chan- gemens , les Comédiens n’aient jamais efl[ayé^ de remettre cette Piece qui eft eftimée des connaifleurs. du Théâtre Italien, 41^ Retour de Riccoboni. Eiccoboni , fa femme & fon fils re¬ vinrent d'Italie au mois de Novem¬ bre ^ fa femme rentra au théâtre & y fut accueillie avec beaucoup d’applau- diflèmens , ainfi que fon fils qui y fut reçu d’abord à quart de part , & à part entière à la rentrée fuivante î mais Riccoboni pere ne voulut point abfolument remonter fur lé théâtre, & fe refufa aux emprefïèmens du Public , & aux follicitations de fes Camarades. L’AUTEUR SUPERSTITIEUX. Prologue en vers ^ de la Comédie intltu-^ lee: la Critique, S Février 1732 , (i^ O^LiTANDRE , Auteur d’une Piece nouvelle, communique ainlî lès crain¬ tes à Damon fon ami, qui tâche de combattre fa faiblefle fuperftitieufe, CLITANDRE. L’intérêt, la gloire avec l’amour ! Ils m’occupent tous trois, & dans ce même jour Cn juge mon affaire, ©n doit jouer ma Pièce , Et je fuis fur le point d epoufer ma Mai- trefle. , . ^ Tous mes iens font émus d’une façon ter- rible Pour l interer, ami, j’y fuis très-peu fenffbic,. Si je perds mon Procès comme je le crois fort^ Je m en confolerai fans faire un grand effort- (i) La fcène fe pafle dans la Chambre de fAuteur- \ du Théâtre Italien. 45*^, Pour l’amour & la gloire il n’en cft pas de même, Tous deux me font feutir leur afeendant fur prême, Tous deux d'un feu pareil ciiflâment mon dc- fir. Et font en même tems ma peine & mon plai- fir. Plaire à l’objet que j’aime & me voir foa époux. Offre à mon cœur fenfible un triomphe bie* doux i .^ais la crainte de perdre un bien iî plein de charmes, Y porte au même inllant les plus vives allar- mes. Par un brillant ouvrage affemblcr tout Paris , Réunir tous les goûts, charmer tous les ef- prits , Malgré tous les efforts que tente la critique Captiver par fon art l’attention publique , Eorcer deux mille mains d’applaudir à la fois. Et s entendre louer d’une commune voix. Prelente a mon elprit la plus haute viéloire, O un Guerrier qui triomphe on égale la gloire} '^5*4 ïîijlolre Mais fi l’honneur cft grand, le revens éft af¬ freux , Du Parterre indigné , les cris tumultueux, La fureur qui maudit & l’Auteur l’Ouvrage; La triftefle & l’ennui peints fur chaque vi- fage. Tous les brocards malins qu’on vous donne en ferrant, Et votre nom en butte aux mépris éclatans, Le défert qui fuccede à la foule écartée Accablent a leur tour mon ame épouvantée* , Je crains de deux côtés d’avoir un fort f⬠cheux , D’être Amant traverfé comme Auteur malheu¬ reux. Damon le ralïure , l’encourage, & Clitandre continue ainfi ; Tout c« que vous direz ne fervira de rien. Et pour finir le cours d’un pareil entretien, Né fuperftitieux je ne fuis pas mon Maître, Je penfe comme vous qu’il eft honteux de Tétre. Ma raifon me le dit, mais elle perd fes foins; , J’en fens le ridicule & ne le fuis pas moins. (Contre les préjugés envain onfe rébelle, La fupcrftition à l’homme eft naturelle, du Théâtre Itaüetti Et le hafard malin pour la fortifier. Se plaît incelTamment à la juftifier. Clitandre paraît éprouver toutes les tranfes qui s emparent d’un Poëte aux approches de la première repréfenta- tion de fon ouvrage, & toutes lesallar- mes d un elprit livre a la lliperftition. Il donne un foufflat à fon valet Ar¬ lequin qui l’aborde en fifflant, non pour le punir de fon manque de refpe(5è, mais parce qu’il craint que ce coup de fifflet ne porte malheur à fa Piece. Il a aullî fait un fonge qui l’inquiéte beaucoup , & dont il fait un récit tragique, qu’il termine par ce vers pa¬ rodié du fonge de Thiefte. Et mon fonge finit par trois coups de fifHets. LA CRITIQUE. Comédie en un acte en vers libres j/uivie d'un Dlvertijfement^ () Février 1732, A P O L L O N & Thalie ouvrent I 4 fcène; la Mufe commence ainfi. Seigneur, malgré la brigue & la clameur pu¬ blique , Parmi les dodes fœurs, vous venez de pla¬ cer La jufte & la laine Critique. Elle vient s’établir dans l’état poétique , Pour y maintenir l’ordre & pour le policer , Je ne faurais pouJt^ moi qui préfide au comi¬ que. Et qui tiens de fes traits mon plus grand agrément. Donner à votre choix trop d’applaudilTement ; Quel bonheur de la voir gouverner le Par- iiafTe ^ Elle qui par le vrai fc réglé uniquement , Et ne fait à perfonne injuftice ni grâce I ^APOLLON. Dans le inonde on a d’elle une autre opinion; Par du Théâtre italien. 45*7 Par un injufte cfïct de-la prévention. De tout le genre humain on la croit l’Ênne- mie J On croit que fans égard & fans diftindion. Elle condamne tout par une ba^e envie j Pour détruire les faux portraits, Qu a fait d’elle en tous lieux la noire caloi|i< nie, Il faue aux yeux de tous qu’elle fe juftilîe. Et dévoile au grand jour fes véritables traits^ Chacun viendra Ijii rendre hommage , Et la féliciter fur les honneurs nouveaux , Elle doit faire voir que fon goût toujours fage, . Sait approuver le vrai comme blâmer le faux, Qu’elle reprend fans fiel, & que fon badi¬ nage. Sans bleflcr laperfonne, attaque les défauts.' Elle ne prétend plus fur-tout qu’on la coa- fonde Avec la Satire fa fœur, Qui fous fon nom s’affichant dans le monde,' Lui fait partager fa noirceur. Elle fent trop qu’il cft de fon honneur. De démafquer cette même Satire, Qui, daas fa maligne fureur. Tome III, "Sfj Hijtoîre reprend point par le defir d’inftmîre ; Mais par le noir plaifir qu elle prend à mér, dire. Et de dcfavoucr tous ces Auteurs obfcurs Dont la plume anonyme, yufques fur la vertu répand les traits impursî Et quinfpirc en. fecrpt fa foeur illégitime J Je dois moi-même les punir,. Et pour jamais bannir Cette engeance coupable i Four la gloire de Tare qu’elle rend méprît fable. Un certain Crifante, homme fingu- Uer » a entrepris un ouvrage dont il s^àpplaudit, & dont il fait part à Apol*; Ion, C’eft la critique du Public. APOLLON, te frojet ett nouveau, rtais vdudriex^vout bien Et me détailler & m’apprendre Ce que dans le Public vous crouvci à repren» dre. Soit dans fes aélions, foit dans Ibn entretien, GRISANTE. L ÎÆillç travers, mille bévues, du Théâtre lialien. . Son goût pour le clinquant doht ilèft le fou- tien. Et pour la nouyeaute qu’il porte jufqu'aux hue» Ou qu il met au-defTous de rien, €ar jamais il ne garde^ un milieu raifonnar ble^ Chez Jui tôUt eft divin ou tout eft miféràble. Sa fureur pour la mode $c pour toUt Charla¬ tan, Tous les ufages foüx dont il eft partifan ^ Toutes fes politèfles fades . Ses vififês, fes emhralTades , Et fes faluts du premier jour de TaiiV Du CalrjQiâval fes Mafcaràdcs Du Mardi gras fon tranlport calotia Et fon air fot le lendemain, Son exercice aux Tuileries r. Ses caracols, fes lorgneries Aux Spedaclcs, fes floti, vertiges fre- quens , ^ ' Scs bâttemehs de inàthV dohriés à contre- tems. Toutes fes mbucheries, Ses bâillemehs, fes crachemens Aux endroits les plus beaux, les plus interef- fans, Vij ' ^ Et c’eft envain qffon le propofe D^adoucir un Public que PouVrage indifpofey J1 ne le fiffle point, mais il n’y revient plusjlr C’eft à peu près la même chofe»- II faut pourtant vous demander , Car vous £avez que c eft Pufage Et fi vous daignez m’accorder te bien dont je me fais la plus flatteufe imagff:^ Tout autre fort au nôtre doit céder , €’eft d^être convaincus de notre ardent homf mage y croire que le foin qui peut fcul^ nous^ 2^** der y N’a pour but que votre fuffrage y Que dis-je , il eft notre unique partage. En douter un moment, c’eft nous dépoffé^fcs JDes droits d’un fi jufte héritage.- du Théâtre Italien^ 47 ® LES AMUSEMENS A LA MODE. Comédie en trois aedesy en vers libres-^ ZI Avril (i). M O N S I E U II & Ma4anie Oronte ouvrent la fcène. Oronte veut marier fa fille à M. Rigoler, parce qu’il décla^ me bien. Madame Oronte qui a autant d’averfîon pour le talent de déclamer,, que fon mari y a de penchant, s’oppofe à fon choix ; M. Oronte lui dit qu’elle; ferait d’accord avec luis’il pencjtait; du côté d’Erafte, par la feule raifom qu’il chante bien & qu'elle aime fo chant.. Oronte fe plaint.de rind.Qçillté de 1^ femme , Lucile vient fuivie de Spi^ nette ; elle demande à fon pere d’oA peut venir fa colere. Celui-ci lui rét' pond que ce n’eft rien, qu’il vient de quereller avec fa femme, qui félon fa eoutume n’eft pas de foar; fentiment ^ qu’il s’agit d’un mariage .qu’il vient dat lui propofer. Lucile lui- demande quel (i) La fcène eft dans la Maifon de^Monûeiit^ Oxome.. '47 2- Jiïjtoire choix il a propofé à fa mere ; l’élogtf qu'Oronte fait de Tépoux qui! veut lui donner perfuadant à Lucile que ce ne peut-être qu Erafle, elle y donne un plein confentement; mais dès qu elle efl; mieux éclaircie, elle lui dit qu’elle ne faurait aimer Rigolet. Oronte fait va¬ loir l’autorité de pere , & prétend ab- folument qu’elle épbufe celui qu’il lui deûine. Lucile témoigne fa. douleur à Spi- nette, qui lui confeille de ne point obéir à fon pere. Erafle furvient r Lu¬ cile lui apprend fon malheur : Valen¬ tin , Valet d’Erafte, leur promet de parer ce coup fatal, par un flratagême qu’il vient d’imaginerr Erafle pour remercier Lucile des bontés qu’elle a pour lui, fe jette à fes pieds, Valentin fe jette à fon tour aux pieds de Spinette. Oronte rentre & fur- prend le Maître & le Valet dans cette poflure tbndret & fuppliante. Valeruiri lui vdut perfuader que c’eft une fcène de Tragédie que Lucile & Erafle ré¬ pètent & qu’il vient lui-même d’y ajou¬ ter un croîheme perfonnage , c’eft-à- dire , -celui de Céfan-lurpr-enant An- toijie aux .pieds de Cléopâtre. Ce faux- fuyant plaît d’abord à PA. Oronte’, pa« du Théâtre Itaîiefl, 47 î rappôrt an penchant qu’il a pour le thé⬠tre , mais il ne change pas de réfolu- tion ; il dit à Madame, Oronte , qui furvient, la fîtuation où il a trouvé Erafte. Madame Oronte trouve très-mau¬ vais qu’Erafte foit entré fans fe faire annoncer. Valentin lui répond que M. Oronte vient de faire de même. Mada¬ me Oronte les congédie tous. Valentin refte & lui fait entendre que la vidoire qu’elle prétend rem¬ porter fur fon mari n’eft pas alTez comr plette , lî elle ne fait voir qu’elle eft la Maîtreflè abfolue, en mariant fa fiUe à Erafte, dont il rejette le choix. Ma¬ dame Oronte lui dit quelle n’acceptera jamais pour gendre un homme qui fcachant qu’elle aime le chant, va chan¬ ter autre part que chez elle. Valentin jugeant par-là que Madame Oronte eft piquée de la préférence qu’Erafte dont ne à une autre, lui dit que fi fon Maî^ tre chante chez la tante , plutôt q^e chez elle ; c’eft parce qu’elle l’a mer nacé de le déshériter, s’il ne lui con- facre tous fes concerts ; il ajoute que le péril de l’exhérédation ne l’a pas empêché de fe livrer enfin à fon in¬ clination , & qu’il était venu chez elle 474 . Hijloire pour la prier d’entendre un Opéra qu^I voulait faire repréfenter chez elle. Au nom d’Opéra, Madame Qronte eft tranl^ portée, &dit à Valentin d’aller faire re¬ venir fon Maître ; Valentin qui ne croyait pas être pris au mot, paraît très - embarrallee , il dit à Madame Oronte qu’il craint qu’Erafte au défef- poir, n’ait déjà contremandé tous les Aéteurs. Madame Oronte le prefiè de les aller rafïèmbler ; Valentin enrage de s’être embarqué fî avant ; mais il fe détermine enfin à s’en tirer comme il pourra. Erafle efl fort irrité contre Valen¬ tin , de ce qu’il a promis un Opéra à Madame Oronte , & lui dit que puis¬ que c’eft lui qui l’a mis dans cet embarras , ce fera lui-même qui l’en tirera ; Valentin convient de tout & fort avec fon Maître pôur aller cher¬ cher des Muficiens, qu’il compte de trouver tous afïèmblés chez Dupuy. M. Oronte vient fuivi de fon gen¬ dre futur prétendu, de Lîfidor & de Coqueluche , l’un Comédien & l’autre Auteur. Il fe promet beaucoup de plai- fir à entendre déclamer par Rigolet des fiances de Coqueluche, Madame Oronte furvient avec Lur iu Théâtre Italien'. 475^ eïle & Spinette, elles fe préparent bien toutes trois à rire de ces originaux qu'elles trouvent avéc Oronte. Rigolet fait fon compliment à Lucl- ie, qui loin d’y prêter attention, écoute l’éJoge que Coqueluche fait de fon fa? voir. Rigolet déclame les fiances de Coqueluche , dont le fujet eft Marius fe plaignant du fort qui l’a abandonné pour fe ranger du parti de Sylla j mais il gefticule fi mal, que Coqueluche ne pouvant fouffrir qu’on gâte fon ouvra¬ ge , fe met en état de faire les geftes à mefure que Rigolet prononcera. Valentin déguifé en Çomédien, vient donner un plat de fon metier ; il em- braffe Rigolet comme un de fes plus chers camarades, & quelque cbofê que celui-ci puifle dire, il le fait paffer pour un Comédien de Campagne, & con¬ gédier par M. Oronte, qui eft fi fâché de s’être laifTé tromper, qu’il ne veut plus déformais fe mêler de marier fa fille. Madame Oronte fe charge de ce foin , & fe déclare pour Erafte : cet in¬ cident pourrait faire finir la Piece avec le fécond aâe y mais Madame Oronte ne veut pas tenir quitte Valentin de l’Opéra qu’il lui a promis, & qu’il lut donne dans le troifieme aéle qu’on s’eft '47 ^ Hijlolre avifé d’intituler: Les Catajlrophes lyf}^ tragi-comiques. Bucnieque & Amphigourie fe fooc une confidence réciproque de leurs fen- timens ; la première deftinée à époufet le Roi, craint qu’il ne devienne voi¬ lage après l’Hymen, & s’exprime ainfi. Le plus fidele Amant, Du noeud te plus charmant, Quelquefois fe dégage} Et le plus tendre époux, * Dans un lieu moins doux , Peut devenir volage. La fécondé dit qu’elle craint d’avoir fait une folie en donnant fon cœur a^ fils de cette même Bucmeque à qui elle parle , elle aflaifonne ce petit aveu de cette maxime. Quand l’Amour de fes traits nous blellc, Nous ne Tentons que fon poiion , S’il pouvait fiiivrç la raifon, Aurait-il le nom de faiblelfe î Un bruit de rronipettes annonce le retour & la viéloire du Roi & d’AIbu» mazar ; ce font les deux Héros pour lefquels ces deux Amantes s’intérefîent; après la fête le Roi ordonne à tout le du Théâtre Italien'. inonde de fe retirer, comme au com¬ mencement dutroifîeme ade de Jephté, le feul Albumazar refte ; autre confi¬ dence réciproque de fentimens. Ils font toi s deux confternés, l’un, par un fer¬ ment indifcre't a promis aux Dieux de leur immoler fa fille Bucmeque, ce qui traveftit la fcène de Jephté & d’Iphife; l’autre par l’ordre de l’ombre de fon pere doit donner la mort à fa mere, ce qui parodie la Ctuation d’Alcméon avec ïriphile. Apres qu ils le font réciproquement- accules de barbarie, on entend un bruit affreqx, - albumazar. Ces murs retenti/rent. ] U R O X. 4, Ces voûtes frémiflent. albumazar. Ces marbres gémiflent Enfemble. C’eft l’enfer qui vient en ces lieux Nous preiFer d’obéir aux Dieux- Des furies paraiflent, forment une danfe, chantent enfuite en chœur. '^S Hljtotfc Nous TOUS demandons ndtre prôyc. Vos douleurs nous comblent de joie. CROX & ALBUMAZAR. Hâtons-hous, hâtons nous Bë porter de funéftes coups. Le CHŒUR dt Furies. Nous vous demandons, 6cc. C R O X. Ce facrifice afFreuT pourrait nous étonner, Banfcz.Monftrcs , ianfez j pouf noué déteir miner. • Les Monftres danfent, & deict Dia¬ bles donnent la main aux deux Prin- ceflès. Les deux Princes veulent ac¬ complir leur ferment, & chacun d’eux empêche l’autre de facrifiêr celle pour laquelle il s’intérefle.LesPrincelTes veu¬ lent bien mourir , mais les Princes ne le veulent pas, & là fcènë ne finirait jamais, fi Vénus n’arrivait accompa¬ gnée de fa fuite. VÉNUS Banniffei de vos cœurs une fureur cruelle , Tendres Amans unilTez-vous, Ceffez de redouter le célefte courroux i Yénus prend tour fur elle. du. Théâtre Italien^ C R O X. Quel charme ! BUCME'qüE, 47JIS Quel plaifîrl ALBüMAZAR. Quel fccours! AMPHIGOÜRIE. Quel bonheur f 0 R O X. Que ne devons-nous point, ô DéelTe char^ mante, A vos heureux fecours! Par vous tout brille, tout enchante; Et nous palTons 4u fein de l’épouvante ; Dans Içs bras de TAmour. Vous allez déformais partager ma puilTance Tout fera fournis à nos loix } Voyez combien ce Peuple eft docile à ma voix,' Admirez fon obéiflance. Cherchons de glorieux travaux. Peuple, courez aux armes. Le PEUPLE.* Aux armes, aux armes. Hljfo're C R O X. Cependant la paix a des charmeSif Goûtons un tranquille repos. CHŒUR. Goûtons un tranquille repos. - : C R O X. Mais doit on oublier une juftc vengeance} Vengeance , vengeance. C H Œ U R. Vengeance; C R O X. Tlon, épargnons des malheureux. Rien n’eft fi beau que la clémencç» CHŒUR. Rien n’eft fi beau que la clémence. C R O X. Quoique l’amour foit dangereux, Livrons nos cœurs à fa puiflance. CHŒUR. Livrons nos coeurs à fa puiflance.' C R OX. Que chacun chante. CHŒUR du Théâtre Italien» '481 CHŒUR; ^ue chacun chante. ‘ C R ox. ■ 'Que chacun danfe. ^ CHŒUR. Que chacun danfe. En effet, chacun chante & danfe; ainfi finit cette Piece, qui eft de Ro* niagnefi & Riccoboni le fils. Le Prolo¬ gue qui amene le Compliment fut trouvé ingénieux. Le premier aéèe parut froid; m^is le fécond fit lout le plaifir imn- ginableji le-trqifieme qui. n’eft qu’une critique médiocre des Tragédies de Jephté & d Eciphile, futcependant aÛ&e Rien reçu ; 8c le tout eut dix huit re- préfentations. T Tome III X • Miftoire DEBUT DE ROLAND. La Demoifelle Roland, née à Ve- nife, & fille de Roland , fameux Dan- feur, débuta le j'é l‘«nm psi le rôle ColombineTdans ^ Comédie qui a pour titre , Colombine Avocat pour & contre ; elle joQà 'avec ititellîgence » complaifant > atten¬ tif, aimable. LISETTE. Aimable ! prenez donc garde , Ma¬ dame , il a foixante ans. AR GANTE. Il eft bien queftion de l’âge d’un mari avec une fille élevée comme la mienne. LISETTE, Oh ! S’il n’en eft pas queftion avec Mademoifelle votre fille , il n’y aura guère eu de prodige de cette force là. ARGANTE. : Qu’entendez-vous avec votre pro¬ dige ? ® LISETTE. J’entends quil faut le plus qu’on peut mettre la vertu des gens à fon aife, & que celle d’Angélique ne le fera pas fans fatigue. du Théâtre Itaüeni Md^ A R GANTE. Vous avez de fortes idées, Lisette ; les infpirez-vous à ma fille ? LISETTE. Oh que non, Madame ; elles les trouvera bien fans que je m'en mêle. M•^^ ARGANTE. Eh ! pourquoi , de l’humeur dont elle eft , ne ferait-elle pas heureufe ? LISETTE. C’eft qu’elle ne fera point de l’hu¬ meur dont vous dites j cette humeur là n’eft nulle part. ARGANTE. Il faudrait qu elle l’eût bien difficile » fi elle ne s’accommodait pas d’un hom¬ me qui l’adorera. L I S E T T E. On adore mal à fon âge. ARGANTE. Qui ira au-devant de tous fes de- firs. IFijloîrt L r S E T T E. Ils feront donc bien modefles? L’arrivée d’Angélique interrompt lài fuite de cette converfation. M'. ARGANTE. Vous voyez,ma fille, ce que je faîr aujourd’hui pour vous 5 ne teoez-vous pas coHipte a ma tendrefîè du mariage que je vous procure? ANGÉLIQUE, la névérenct. j Je ferai tout ce qu’il vous plaira, ma, mere. M'-. ARGANTE. Je vous demande fi. vous me fa» vez gré du parti que je vous donne h ANGÉLIQUE. Mais.. .. MK ARGANTE. Quoi ! mais, je veux qu’on me ré¬ ponde raifonnablement ; je m’attendais à votre reconnailïànce & non pas a des mais. ANGÉLIQUE, faluant. Je n’en dirai plus, ma mere. du Théâtrth'^dkktien. M'a A*RGAI^TE» • Je vous lUfpenfè des.révéïîejficet,, 4î* tes moi ce que vous penfez, A N‘G É L f qui cepéndant n’éft pas moins n,aïve. EI$ETTE, " ^ Eh bien , Mademoifelle , à quoi en «tes-vous ?q ■: X iv Hljîoîn ANGÉLIQUE.' J’ert fuis à iii'ifillgeri.: comme m vois. ' ' ■’ L I S E T T E. Qu’avez vous dit à votre mere> ANGÉLIQUE,. - Ué! tqut ce: qu’elle a voulu,. LISETTE. Vous épouferez donc M. Damis?: ai^gélique. Moi, l’époufer ! Je t’alTure que non,, c’eft bien aflez qu’il m’époufe. LIS ï: T T E '. Oui, 'mais vous n’eh feïez pas moins, fa femme. , angélique. Eh bien, ma mçre n’a qu’à l’aimec; pour nous deux ; car pour moi je n’ài- meraî jamais qu’Éfafte- î c eft lui qui eft aimable, qui eft complaifant, & uon pas ce M. Damis, que ma mere a été- prendre je ne lais ou, qui ferait bien mieux d’être mon grand-pere , que- du Théâtre Italien. mon mari, qui me glace quand il me- parle, & qui m’appelle toujours ma belle perfonoe, comme fi on s’embarralTait beaucoup d’être belle ou laide avec lui;, aulieu que tout ce <^ueme dit Erafte eft fi touchant ; on voit que c’eft du fond du cœur qu il parle ; & j’aimerais m ieux être fa femme huit jours, que de l’être toute ma vie de l’autre. On vient annoncer à Angélique qu’un Laquais d Erafte a une lettre à lui ren¬ dre de la part de cet Amant fi ten¬ drement aimé ; elle marque un vif em- preflèment ; mais fon aftivité éclate bien plus quand elle voit Erafte même a fes pieds. La fcène qui fe paflè entr’eux eft: très-naïve St très-intéreflante. Le faux Damis, pere d’Erafte, vient pour époufer Angélique ; il prie Ma¬ dame Àrgante de lui permettre un mo-^ ment d’entretien avec là future épou- fe. C’eft dans cet entretien qu’Aa ceux que Mademoiselle Silvia jQ,üiait' avec cette naïveté qui faifait le pri^ de fes talens. Mon de Thevenau.. Thevenau qui avait été reçu à pen- fîonen 1717, comme Chanteur, 8 c comme Aéleur en 17 jo, mourut à. Fontainebleau le 10 Novembre 173 â. Il était né à Paris en iÔ

ülriclui préfente une épée. It dtfî mande quel eftxet ornement ? U L R I C. Prince illuftre, c'eft votre épee 5 C’eft le foutien de votre Etat, Et le foudre vengenr qu’en votre main ter-^ rible, Les immortels ont mis'. Pour vous rendre un Prince invincible Et pour punir vos ennemis. S I G I S M O N D. Puifque ce fer brillant rend un Roi formi¬ dable', Puifque par lui je dois vaincre & punir. De vos préfens, grands Dieux ! c^eft le plus agréable, Mon bras déjà brûle de s’en feryir.. Clotalde vient lui rendre fon Hom¬ mage , & lui repréfente fes devoirs j mais fon afpeâ rappelle à Sigifmond tous les maux qu’il lui a fait foufirir, & indigné qu’il ofe fe préfenter à fes yeux , il en fait la première viâime de fon pouvoir. Il veut le percer de fa propre main. ; Ulric l’arrête, & Si- £ifmoDd » pour prix de cette téms- du Théâtre haVien, rîté, ordonne à Arlequin de le pré¬ cipiter du haut en bas de la fenêtre. Celui-ci fe met en devoir d’exécuter les ordres du Prince j mais le Roi ar¬ rive . & l’arrête. La nature parle au cœur farouche de Sigifmond , il fe fent faifi de refpeét & même de tendrefle a l’afpeft de ce Viellard vénérable. Le Roi de fon côté éprouve délicieufe^ ment cette lîtuation touchante ; & ne { pouvant contenir les m'ouvemens de a nature , & les tranfports de fa joie, il fe nomme, & court embrafler fon fils ; mais au nom de Bazile, Sigifmond révolté ne voit dans fon pere que fon ■ tiran , il lui jure une haine éternelle,, La plus accablante triftefle fuccéde aux plus doux (entimens , & le Roi ne voit que trop dans la férocité de fon fils , raccompliflement des malheurs dont les deftins l’ont menacé ; pour les pré¬ venir il le réfout à le faire renfermer pour jamais dans la Tour. Sigifmond refte feul avec Arlequin , à qui il, demande qui il efi: ? Celui-ci lui.répond qu’il eft Arlequin , un Gen¬ tilhomme bouffon, ou Gentilhomme qui fait rire. ÿpS lïïjloire SIGISMOND y.d'un air farouche. Jais-moi rire. arlequin; Ah ! voilà pour in’iflwrdiret: S I G I S M O N D. Vcux-tu me faire rire. ARLEQUIN»^;..îr«. ^ II me le dit U’uij A me faire trembler. ÎS I G I S M O N D. Tais-moi rire au plus vite, ou je* te fais Cdxitei. Du haut de ce balcon. ARLEQUIN. li eft homme à le faire,. Ceft ainfi qu a la Gour on fe voit baloté, J étais tantôt jetteur ^ |e vais être jetté. (haut.) Riez-vous aifement,, dites-moi je vous prie? SIGISMOND. Kon , je n’ai jamais ri depuis que je fuis né. Arlequin effrayé fait pluCeurs lazz!^. qui ne font point rire le Prince ; ne lâchant plus comment s’y prendre > il du Théâtre Tialien. ' 499 le chatouille. Le Prince irrité de cette înfolence , le menace de lui faire per¬ dre la vie Arlequin fe jette à fes pieds ^ & il obtient fa ;rrace , à condition qu’il nommera à Si i^ifraond tous les Grands de l’Empire. Arlequin tire un Alma¬ nach de fa poche , & ap ès avoir nom¬ mé Frédéric » Grand Duc de Mofco- yie, il vient à Sophronie, nièce du Kioi, & en fait un patrraic avanta geux que- cette PrincefFe vient confirmer par fa préfence. Si.rifmond eft frappé de fa beauté, il en deviens fubitement amou¬ reux , lui offre de parta -er avec elle le Tr6ne qu’elle mérite par fa naiflan- ee & par fa beauté, Sophronie lui- répond que le don de fa main dépend de fon pere , & le quitte après lui avoir fait entendre qu’elle n’eft infenfiblq ». ni à fes offres, ni à fon amour. S I G I S M O N D. Elle a dans un inftant changé mon caraétercj^ le feul fon de fa voix a dompté ma fureur,. La douceur de fes yeux a pafle dans mon cœur. Elle vient de verfer dans mon ame charmée ,, Le defir de la gloire & l'oubli de mes maux, Pour la feule vertu je la fens enflâmée, Et d’un Tyran en moi, l’AroDut fait unTIéros.. yoo Hijîotre Mais la fureur reprend bientôt la place de ces fentimens fi doux , loff 3 u’Arlequin lui apprend que Frédéric oit époufer Sophronie. Ce Prince pa¬ raît & vient offrir fon hommage à Sî- gifmond , qui le traite avec le dernier mépris , & lui apprend qu’il eft fou rival. Il eft prêt à fe porter aux der¬ niers excès lorfque le Roi paraît j c’eft en vain , que ce Prince veut ra¬ mener fon fils à la douceur. Ce der¬ nier lui jure une haine éternelle , & lui déclare une guerre qiû ne finira qu’avec fa vie. Le théâtre repréfente la Tour , &le Prince Sigifmond , chargé de fa pre¬ mière chaîne , paraît endormi devant la porte. Sa fureur le tourmente jufques dans fon fomineil. il s’écrie en rêvant» Meure, meure Clotalde, & tous nies ennemis» Tombe le Roi Bazile au pouvoir de fon fils. Il fe réveille cependant, & Clotalde veut lui perfuader que tout ce qui a frappé fes fens, n’eu que l’effet d’un fonge. SIGISMOND. Un feu nouveau qui circule en mes veines, Qui charme en même-tems 6c redouble mes peines, du Théâtre Italien* yoï De mon ^nheur détruit, prouve la vérité. Je le fens cet amour dont je brûle pour elle , Et pour la démentir , ma flâme eft trop réelle# Il raconte à Clotalde tout ce qui a frappé fes yeux, & ce fidèle fujet fai- fit cette occafîon pour lui reprocher Tabus odieux qu il a voulu faire de fa puiflance ; il lui dit qu’un Roi ne doit jamais avoir de penfées, même en fon- ges , qui puiflent faire rougir fa vertu. SIGISMOND , accablé de douleur* Il faut donc vaincre ma fierté. Par ta voix comme un trait de fiâme , La vérité, Clotalde, a pénétré mon ame y Je ne ferai plus rien, meme dans le fom«- meil* Dont je puiffe jamais rougir à mon réveil j Mais tout Péclat de ces richefles, Dont j*ai cru jouir cette nuit ? CLOTALDE. Eft un ardent qui trompe & qui s’évanouit. SIGISMOND. Et ces grandeurs enchantçreflcs Dont les attraits m’avaient féduit \ CLOTALDE. Leur jouiflancc çft un éclair qui fuie. $02 HifloiTi SIGISMOND. Et la faveur avec la renommée î CLOTALDE. Vn vent qui change, une vaine fumée. SIGISMOND. ït refpérance ? \CL0TALDE. Un appas féduéleur. SIGISMOND. El la vie ? CLOTALDE. ►' Et la vie eft un fonge trompeur. . La vertu feule eft conftante & réelle, Le vrai bonheur eft dans le bien, Tout le refte eft compté pour rien. Sigifmond reconnaît la vanité des Grandeurs huinaines, il y renonce ai- féroent ; mais il ne peut étouffer de même l’amour qui s’eft emparé de fon cœur. 11 rentre dans la Tour, décidé à perdre plutôt la vie qu’une fi douce erreur. Ulric vient apprendre à Clotalde ^uetout l’Etat eft en combuftion, que du Théâtre Italien, les Polonais fe font révoltés , que Fré¬ déric leur eft en horreur , & qu’ils fe ; font -tous rangés du parti de Sophro- lîie qui refufe d’époufer le Grand Duc de Mofçovie. Cette courageufe Prin- ■ cefle s’eft mife à la-tête des rebelles qui font allés attaquer le Palais du Roi, Clotalde effrayé du péril qui.menace ifbn Maître, court fe ranger auprès de lui. Arlequin que l’on a mis darrs la mê¬ me tour ,que Sugifmond , paffe la tête â-travers une lucarne, afin,dit41, de prendre l’air. Roderic à la tête d'un parti dé fe-r ditieüx , arrive en criant, vive lèPrin- .çe Sigifmônd. II demande à Arlequin s’il eft le Prince. Arlequin lui r-épond que c’eft félon ce qu’il a à lui dire. . Roderic lui apprend que l’iiluftre So- phronie, armée en fa faveur, vient de le, proclamer Souverain' de l’Empire , & qu’elle l’a chargé de brifer les fers. ARLEQUIN, En ce cas-là, je fuis le Prince Sigifmohd. Les portes de la.prifon font enfon¬ cées; les chaînes d’Arlequin font rom¬ pues, & tous les Soldats feprofternaot à fes pieds* RODERIC. *Seigtieur, k tems eft cher, & la gloire roi* prcflc De joindre au plutôt la PrincelTc , Elle conduit le Peuple qui doit vaincre pour VOUS , 'Nous albns fur vos pas nous difpofer^x coups. ARLEQUIN. ,U. 3 c fuis trop prudent pour vous croire Allez, quand vous aurez remporté là viétôirc ; Vous viendrez me le faire favoîf. Sophronie arrive à la têre d’un au¬ tre parti de Soldats , & éclaircit la •-méprife à laquelle Arlequin a donné - lieu. Le véritable Sigifmond paraît, & il fe pafle entre lui & la Princeflè « une Scène où l’amour , la valeur , & la générofité brillent également dans les confeik que Sophronie donne à foa Amant, & dans la foumiflion que ce¬ lui-ci montre pour fes volontés. Il en fait bientôt voir le fruit. Le Roi pa-, ainlî: • 'h i:.. ' ‘y?s' ïils coupable, aflbuvis toute ta cruauté ; Le fort te livre ta vidin^e : Achève ' raît & lui parle du Théâtre Italien, SO^ Achevé d’accomplir fur ton perc & ton Roi, Çe que les Cieux trop vrais lui prédirent de toi. SIGISMOND, Je vais, en dépit d’eux, me montrer magna-* nime. Et convaincre mon pere en un jour lî fa¬ meux , Que Jes aftres malins n’ont fur nous de puift fance, Qu’autant que notre cœur eft d’accord avec eux. Que notre volonté réglé leur influence, Et qu’on eft à fon gré, cruel ou généreux. Il fe jette aux pieds du Roi , & le preffe d’ordonner le châtiment que (à révolte mérite ; mais ce Prince au con¬ traire , vivement touché du repentir de fon fils, & des fentimens magna¬ nimes qu’il fait paraître , s’accufe d’a¬ voir trop légèrement ajouté foi aux prédidions des aftres que la vertu fait toujours démentir. Il cède le Trône à Sigifmond , Et ne veut fe livrer dans fa douce vieilleflè. Qu’au bonheur d’être pere & d’avoir un vâ fils. Tome III, % Hijloïre GIS M O N D. 'Seigneur, à vos bontés votre fils trop fenff-» ble, Ke prend en main les rennes de TEtat , Que pour en foutenir tout le fardeau pénible , -Et pour vous en laifler & la gloire & réclat. ^ Et vous , illuftre Sopbronie, 'Vous qui m’avez appris à triompher de moi, C’eft .pour vous couronner que je veux être Roi. Il s^adrefle auflî à Clotalde , & Taf- Cure de toute fa faveur* Le R O L Mon fils, cette conduite aufil iage qii’au- gufte , Annoncer vos Sujets le régné d’un Roi jufte, S I G I S M O N D. C’eft rheureux fruit de vos rigueurs, îlles m’ont convaincu que toutes les gran¬ deurs Ne font qu’une chimere où le fommcil nous plonge. Excepté la vertu, tout n’eft rien que men- ionge.. du Théâtre Italien. yoy ■Et notre prévoyance eft un tifTu d'erreurs , Notre efprit un phantome, & notre vie un fonge. Cette Comédie héroïque & morale efl tirée de TEipagnol de Calderon; les Comédiens Italiens la donnèrent en cinq aétes en profe en 1717 . Elle fut alors traduite en Français par AL Gueulette; mais Boiflî qui Ta mife en vers, a fu l’embellir encore , & la rap¬ procher des réglés de notre théâtre ; cependant le Public accoutumé à des Parodies , ne lui fit d’abord qu’un ac¬ cueil médiocre , elle n’eut que fix re- préfentations ; mais il lui rendit plus dejuftice, & depuis elle en a eu plus de cinquante. DEBUT DE H A MOCHE. Hamoche qui avoit joué avec quel¬ que fuccès fur le théâtre de l’Opéra- Comique ; débuta fur celui du Théâtre Italien le ap Novembre , dans les Paï- fans de qualité , le Tour de carnaval, & le Triomphe de l’intérêt ; mais il éprouva moins d’indulgence de la part du Public, & fut refufé. Yij ARLEQUIN AU PARNASSE, ou LA FOLIE DE MeLPOMENE. Parodie de Za'ire j en vers & en profe ^ 2 Décembre ijj2. Hj e Théâtre repréfente le Mont-Par- Rafle. Arlequin & un de fes Camara¬ des forment le noble deflein d’y mon¬ ter , pour obtenir de Thalie quel- qu’heureufe nouveauté , qui attire des Spedateurs à leur théâtre. La difficulté rebute Arlequin j il ne veut pas fe don¬ ner la peine de grimper fi haut , & prétend en être fuffifamment difpenfé par l’exemple de bien des Auteurs , qui du pied du Parnafle , prétendent égaler ceux qui s’élèvent jufqu’à la double cime. 11 fe croit infpiré , il tient déjà le titre d’une Piece nouvelle : voilà le Parnafle , dit-il, & me voici ; je n’ai donc qu’à intituler ma Piece Arlequin au Parnafle : fon Camarade a beau lui dire qu’un titre ne fuffit pas, & qu’il faut inventer de quoi le rem¬ plir , il lui répond que cela pourra ve¬ nir chemin faifant. Thalie vient finir la conteftation, du Théâtre Italien. ét leùr dit qu’elle leur apporte le fujet, attendu que fa fœur Melpomene vient de devenir folle tout fubitement ; cet heureux événement donne lieu à la fé¬ condé Partie du titre de la Piece, & les extravagances de Melpomene en fourniflènt le fujet. Thalie cède la place à Melpomene qui s’avance ; elle fait entendre qu’elle va rejoindre Apollon qui doit délibé¬ rer en plein confeil fur les moyens les plus propres à remédier aux folles fail¬ lies de la Mufe tragique, Melpomene arrive j l’enthoufiafine dont elle eft tranfportée , lui fait tenir des difcours injurieux au Sophocle & à l’Euripide de la France ; l’idée dont elle eft remplie lui promet des fuccès infiniment plus éclatans que tous ceux des Corneilles & des Racines ; des rou¬ tes nouvelles s’ouvrent devant fes pas , elle y va entrer pour la première fois, & tout lui répond de remplir dignement la brillante carrière qu’elle fe propofe de commencer. Le Camarade d’Arîe- quin ne lui fait humblement la révé¬ rence que fous le nom de Comédien François. Pour Arlequin , ne pouvant l’aborder à la faveur de la même im- pofture J attendu que fon habit fie fon yio Wijloire marque le décéléraient aux yeux de lài fupcrbe Mufe , il prend le parti de fui- vre Thalie comme Mufe de fa con- naiflance. N elpomene trompée par le- nom de Comédien François , que le Camarade d'Arlequin fe donne , lui dit qu’ils n’ont , fes heureux Camara¬ des & lui , qu’à préparer leurs coffres- forts , & que la riche idée qu’elle roule’ dans fa tête, fera un Pérou pour leur troupe. Comme cette idée n’eft pas en¬ core alTez débrouillée, la Mufe fe jette - fur un lit de gazon pour y rêver. M E L P O M E N E. Je fens que le fommeil ■vient aflbupir mcs^ fens, Que je vais en dormant former d’heureux ac-- cens ! Jamais je ne fuis mieux par Phébus infpi-- rée, Que lorfqu’au doux fommeil je fuis ainfi livrée.'. Les rêves à l’envi bâtilf; at rnon fujct. Je m’éveille , je diète, & le chef-d’œuvre eft: fait. On entend une fîmphonie bizarre fur laquelle les fonges forment des pas ■finguliers & des attitudes tragiques. Ils prononcent quelques exclamations êu théâtre Italien». y T t d^üoe maniéré comique. Ah ! Dieux !' Ciel ! Seigneur ! mon pere ! foutiens- moi ! Ils lortent enfuite en battant des mains , & en s’applaudiflànt. Melpomene fe réveille , & le Co¬ médien Italien, foit-difant Français, la prie de lui donner fa Tragédie. Ellct lui fait de magnifiques promeffès, ce quiréjouitle Comédien qui lui deman¬ de le titre du Chef-d’œuvre, MELPOMENE. Le titre ? Eft-ce donc-là ce dont on s’embar- ralTe j C’eft quand l’ouvrage cft _fait, que le titre; prend place.. Le COMÉDIEN. Vous avez raifon , c’eft un plan qu’rf faut s’attacher. MELPOMENE. Autre fottife encor, c’eft bien à Melpomene ■ * A s’impofer d’un plan là néceflité vaine. Ou je le prends tout fait, ou bien s’il ne l’eft: pas> fi fe forme tout feul, ce n’eft point l’embar-" ras. Pour prouver ce qu’elle avance, elle Y iv ^ I i Hïjloire feit paraître les cinq a<âes , qui font cinq des fonges qu’on a déjà vus, & qui viennent habillés en tragique ; deux entrent par la droite , deux par la gauche, & un par le milieu , ilsfe pla¬ cent fuivant l’ordre des chiffres qu’ils portent chacun fur le devant de ia têtCt. M ELFOM ENE. Ouvrez, heau premier ade. Le x^^ A C T E , tendrement* Ah ! d’une part j*expofc tJn Soudan doucereux, un Tartare à Teait: rofe, Et qui plus Céladon qu’un Héros de Ro¬ man Habille à là Françaife un Amour Mufulman y. De l’autre, je fais voir une jeune PrincelTo, Qui ne connaît de foi, de loi, que la ten-; drefTe, Et qui ne fuit enfin d’autre Religion Que celle qu’on reçoit de l’éducation; Le A C T E, Alors, moi qui du naud dois raflembler la trame, Je viens jctter le trouble & l’effroi dans fon ame. du Théâtre Italien. fij Et lui repréfenunt fes devoirs oublies, J € lui reproche en vain <]u elle les foule aux. pieds. Le 4 ®. ACTE accoure^ Auffi-tôt je parais. Le 2 ^ ACTE. Et pourquoi donc paraîtrez? Le 4 ®. A C T E. Vous ne voyez donc pas que c^eft un coup cïe Maître, Je parais & j amene un débile Vieillard', Qui courbé fous les ans , ne fe foutient qu% peine, Pe la reconnailfance alors je fais la fcéne , Le Bonhomme attendri de voir fous d autres noms, Et fa fille & fon fils.... leur fait de beaux: fermons, Mais on a beau prêcher qui a a cure d’entear- dre, Sa fille malgré lui veut lui donner un gendtev Eh l quel gendre grands Dieux l Auffi notre Barbon Jleurt, crève de douleur autant que du fir- mon,. Y y 14 Tïijîoire *'■“ Le 2". ACTE. £h bien, vous voyez donc que la Piece finie. Le 3^ ACTE, d'un ton doucereux^. Attendez, doucement , j’ai la péripétie. Notre fage Princeffe oublie en un moment Quelle a perdu fon perc, & court à fonî Amant, Mais quel fera le fruit de cette frénéfie ? le voici. Get Amant prend une jaloufie,. Qui jufqu’au dernier ade allongeant raélion,. Forte la Tragédie à fa perfeélion. Le COMÉDIEN. Fort bien, en forte que le deuxieme» & le quatrième afte ne font qu’ùn, que le troifieme fait^ auffi pour deux.. Le 5 ACTE, (ïun ton furieux.. Alors venant crier mainte & mainte apoftro^ phe , Sans rien examiner je faiç la cataftrophe ; X’amene mon Héros, mais entre chien & loup, Et. comme un fcélérat pour faire, un mauvais coup.. du Théâtre ïtallen,. ta, le poignard en main, il perce ce qu’il, aime, Puis dans fon repentir il fe perce lai-mêjfie., Melpomene pleure de joie ; mais elle eft troublée par l’arrivée de Thalie qui lui apporte , dit-elle, un fixiem©' aéte , & lui apprend que les cinq ades; font condamnés à l’oubli , & Melpor- mene aux Petites-Maifons. Le 3®. A C T E. C’eft Yous , A(fte fécond. Le 2^ ACTE. C’cft plutôt vous , troilieme*^, Qui vous faites couvrir de cette honte ex-- trême. L’ACTE 5^ Qui moiT Qui par mon art 6c mes fufpea^ fions , Mes exclamations fur exclamations, Mes dits, mes contredits, mes départs, mua. rentrées, Ai va de mes tranfports ks âmes pénétrées,. Le quatrième & le cinquième aâ:e^ interviennent aullî. dans la difpute chacun d'eux rejette la faute fur ceiuii Y vjj 5' I ^ Tîifioife qui le précédé ou qui le fuit, & Meî- poniene au défefpoir les emaiene , & fort eir prononçant ces vers interrom-r pus par fes fanglots. Pleurez} pleurez mes yeux, fondez en cata-^ rades, Et noyez dans vos pleurs mes malheureux- cinq ades. Arlequin amene la fuite de Thalie* qui forme des danfes , & qui fe flat¬ te par fes geftes de confoler le Pu-^ blic de la perte de Melpomene. On ne fauroit difeonvenir que l’i¬ dée de cette Parodie ne foitingénieufe ; mais l’abbé Nadal qui en eûl’auteur,, n’èn a tiré qu’un parti médiocre. D’ail¬ leurs fa critique efl: trop amere , & n’efl: pas toujour-s jufte. Les ennemis de l’Au¬ teur de Zaïre, car les talensen ont tou¬ jours eus ,1a vantèrent d’àbord comme un chef- d’œuvre. ; mais le Public lui a rendu juffice.elle eft abfolument ou¬ bliée , & l'a Tragédie intéreflànte qu’ellé- infultait, palTera à la poftérité.. du Théâtre Icalïen.- DEBUT DE VICENTINI. Jean Vincent Vicentini , fils de Thomaffin , débuta le ip Novembre par le rôle de Baioco , dans l'a Parodie du Joueur ; & dans le rôle du Muficien du Je ne fai quoi; il fut allez accueilli'du Public, & reçu le 4 Décembre fuivant à quart de part , tant pour jouer des rôles rompus , que pour danfer des rôles de caraâere. dont il. s’aequittaift très-bien.. mjîoire LES ENFANS TROUVÉS, ou LE SULTAK POLI PAR l’AmOUR., Parodie en un acle en vers ^ de la Tragédie de Zaïre j p Décembre 1732. ( i ). F A TIM E paraît fuprife de voir The- mlre plus gaie & plus contente qu’à: l’ordinaire , elle lui en demande la raifon , & dit : Quoi \ vous ne tournez plus les yeux vers les climats, Où ce vaillant Français devait guider nos pas ? Vous ne me parlez plus des plaifirs que France Promet k notre fexc avec tant de licence. Vous ne Tignôrez pas 5 c'eft-là que les ma* ris Viveri d’intelligence avec les favoris 5 Que la femme y bravant la. contrainte fa?- tale > (i) La feene eft à Tripoli, dans le fi- raiU du Théâtre Ttatieni Ift prude avec renom, coquette fans fean— dale, Themife lüi répond que le Sérailï fait tout fon bonheur. Chez les Mahomérans dès l’enfance enfermée,’, A leur façon d’agir ils m’ont accoutumée , Tout le monde en convient, le Roi de Tri¬ poli Eft malgré fa mouftache, un Seigneur très*- poli., Fatlme repréfente à Thémire que ce jeune Officier qui eft parti , & qui va: revenir pour brifer leurs fers, fe don¬ nera de la peine en vain. Thémire ré¬ pond que cet Officier eft Gafeon. Elle' découvre en même-temps à fa con^ fidente Tamour qu’elle a pour le Sultan,. & lui apprend quelle doit l’épouferr dans la journée. F AT IME. Mais ce cœur qui fe livre à de ft doux tranf-' ports, En époufant un Turc n’a-t-il point de re¬ mords ? Carabin vous a dit cenr fois par la fenêtre,. ^j2o^ Hyioîfc Que le fang d'uii français vous avait donné rêtrc, Que vous & vos pareil s dans un combat fa^ tal 5 Aviez fubi le joug d’un Corfaire brutaL Ne vous fouvient-il plus que dans une Gav lere. .... T H E M I R E. Ma foi s’il m’en fouvient, il ne m’en fou^- vient guère. Thémire continue, & fait le por¬ trait du Sultan.. Oui y £ le Ciel aux. fers eut condamné fa vie Si l’Afrique à mes loix fe voyait afTervie, Ou mon amour me trompe, ou Thémire au-» jourd’hui ” Pour rélcver à foi „ defeendrait jufqu’à lui» F A T I M E. îl le faut avouer , cette penfée eft belle y Mais convenez auffi qu’elle n’eft pas nou¬ velle; Diaphane arrive, & dit à Thémire qu'il pourrait lui faire un long difeours îiii parler de fes Aïeux , & des mal¬ heurs des Sultans fes confrerej^ du Théâtre Italien^ y2fTr "Att fein des voluptés, bien loin que je'm’en¬ dorme Si je tiens un férail, ce n’eft que pour la forme 5 Les loix que dès long-tems fuivent les Ma- homets, Nous défendent le vin , moi je me le per« mets 5 Tout ufage ancien cede à ma politique , Et je fuis un Sultan de nouvelle fabrique. Parlons feulement de Tamour que fai pour vous , pourfiiit-il, je jure de vous prendre pour maîtrefle , & pour fem¬ me y eft ce aflèz ? Ouï, répond Thé- mire , je ne veux rien de plus. Jafmin vient aanoncer au Sultan le-^ retour de Carabin. Le SULTAN. s ^ • Pourquoi n’entre-t-il pas? JASMIN. yous fâvez que toujours votre porte eft fer¬ mée. Le S U L T AN. Oui, c’était autrefois la réglé accoutumée 5 Mais il faut que d’entrer on ait permiflion 3, Si tu veux qu’au férail fe paflTe l’aélion.- y22 ^ ^ mjloîre^ Carabin dit au Sultan qu’il apporte' de France de l’argent: comptant , & continue ainfi ; Êrace au Ciel c’en eft fait, & la fomœc câ completre , Commence par lâcher la fille & la Soubrette, Nous choifirons après dix autres prifoa- niers. Quant à moi, je demeure: étant court de de¬ niers 5 Qu ils partent fur le champ, je relierai pour- gage. Le S ü L T A N. N en racheté que neufj & mets-toi du voyage^ *• * ... . ; Embarque , lui dit-il, cent Captifs fî tu veux , mais pour Thcmire ne crois pas que tout l’or du monde puilTe m’en¬ gager à te la rendre.,Carabin eft fort fur- pris que le Sultan manque à la parole,. Le SULTAN., torfque je te promis- d’accorder ta demande, €e n’était qu’un enfant, à préfent elle eit grandes Du moins, dit le Gafcon, ne me re-- fùfe pas ce malheureux Vieillard , puif- 'du Théâtre Itanen. 5*25 qu’il n’a peut-être pas une heure à vi¬ vre. Le Sultan confent de le rendre , pourvu qu’il meure. Thémire refte avec Carabin, & lui dit qu’elle eft fâchée de ne pouvoir par¬ tir avec lui ; mais qu’il peut compter qu’elle aura toujours beaucoup de dé¬ férence pour tous les Français. Alcidor, ce vénérable Vieillard, ar¬ rive > il eft foutenu par deux Français », fa vue eft fi troublée > & fon corps eft fi faible, qu’à peine il peut fe foute- ïiir ; il demande où il eft , & a qui il doit le bonheur de revoir la lumière.. Thémire lui répond que c’eft à Ca¬ rabin. AL C I D O B, Des chevaliers Gafcons je reconnais l’ardeur, S’ils n’ont pas de grands biens ils ont tous de l’honneur. Thémire demande à Carabin com¬ ment il a pu faire pour trouver un® fomme fi confidérable. CARABIN. Echappé de mes fers , chofe impoflîblè. b. croire, Arrivant au pays je me fis Grenadier, On ne s’enrichit point à ce noble métier mjioîfe Je me remis Air mer, & l’ingrate forturte Ne me traita pas mieux dans le fcin de Ncp^ tune. Je fus repris. Madame, & par un grani ' bonheur t Je vous vis au lcrail, malgré le grand Sei-» gneur. Eunuques blancs & noirs, Boftaiigis, Jannif- faires, Ne m empccherent point dç vous parler d’af¬ faires, Le trait eft furprenant, mais paiTons là-dc£- fus ; Or comme en mon pays on craint peu les refus. J’allai voir le Sultan, lequel fur ma parole Me laifla repartir pour un projet frivole. Avec lui cependant je m’étais engagé IDe revenir bicn-tôt payer votre congé. De retour dans-la France, une veuve frin- gante Me prit en mariage aux bords de la Charente; Elle mourut bientôt , une autre fuccéda, Et cette autre en trois mois à fon tour décéda. Je convolai bien-tôt avec une troifîeme, Qui mourut en Avril , je ne fai le quan^ ticme. du Théâtre Italien. îlcricicr de leurs biens Se plus content cju^uii Roi J’ai vendu trois Châteaux qui n étaient pas à moi. Alcidor leur demande s^il ne pour¬ rait pas lui donner des nouvelles de