PC 2115 .F8 Copy 1 «^ FRANQOIS AND GIROUD SIMPLE FRENCH WITH VOCABULARY HENRY HOLT II etait environ deux heures du matin. «ficoute, dit Georges soudainement en me saisissant le bras. 25 — Qu'y a-t-il? — N'entends-tu pas ce bruit ?» J'ecoutai haletant. II me sembla qu'un animal s'agi- tait dans la foret a deux ou trois cents pas et se diri- geait vers nous. 30 «C'est peut-etre un loup,» dis-je. UNE ESCAPADE 5 Le bruit se rapprochait rapidement. Nous quittames le pied du gros arbre oil nous etions assis et nous grim- pames avec une extreme agilitd chacun sur un arbre plus petit. IV 5 Nous etions a peine perches sur la premiere branche qu'un petit etre noir, haut d' environ deux pieds et demi, passa rapidement au-dessous de nous. II nous fut impossible de distinguer a quelle espece il apparte- nait. Quand il eut disparu, nous descendimes de notre lo observatoire. «Quel animal est-ce ? demandai-je. Les loups sont plus longs et moins hauts. — II marchait comme un kangourou. — II n'y a pas de kangourou en France ...» 15 Notre conversation fut interrompue par quatre ou cinq cris pergants qui retentirent dans la foret. Je sentis mes cheveux se dresser. Je tremblais de tous mes membres. Mes dents claquaient de terreur. «C'est le kangourou, murmura Georges. 20 — Fuyons, suggerai-je. Sortons le plus rapidement possible de cette affreuse foret. — Fuyons, » repondit-il machinalement. Nous nous precipitames dans la direction opposee k celle ou les cris avaient retenti. 25 Bientot nous quittames le sentier et arrivames a un chemin. Les premieres lueurs du matin contribuerent beau- coup a ranimer notre courage. Comme je n'avais pas mange la veille au soir, je 30 sentais vivement la faim. 6 UNE ESCAPADE «0u sommes-nous ? demandai-je a mon cousin. — Je I'ignore ; mais nous arriverons certainement bientot a une ville ou a un village. Tiens, voici quel- qu'un qui nous indiquera la route. » En effet, a quelques pas de nous, au bord du chemin, 5 une femme etait assise. Au bruit de nos pas, elle leva la tete: nous remarquames qu'elle pleurait. C'etait une pauvre vieille ramasseuse de bois mort. «Mes jeunes messieurs, nous dit-elle, n'avez-vous pas rencontre dans la foret une petite iille de sept ans avec 10 de beaux cheveux noirs frises qui lui tombent sur les epaules ? Je suis sa grand'mere. Depuis hier soir, elle est perdue. Je I'ai cherchee toute la nuit dans cette foret. J'ai soixante-seize ans et je ne suis plus vigoureuse. Ne I'avez-vous pas rencontree? Elle est 15 jolie comme les anges des eglises.» Georges et moi, nous eumes la meme pensee. «Ces cris que nous avons entendus . . . , lui dis-je. — Oui, le kangourou! Je suis un imbecile. » Et, s'adressant a la pauvre femme, il continua : 20 «Oui, madame. Elle a passe devant nous et nous I'avons entendue crier . . . — Dieu soit loue ! Elle n'est done pas morte. Ou I'avez-vous vue ? Ou I'avez-vous entendue? Est-ce tres loin d'ici? 25 — Ne pleurez pas, madame, lui dis-je a mon tour. Nous allons explorer toute la foret. Nous la retrouve- rons et nous vous la ramenerons.» Nos projets, nos terreurs de la nuit, la fatigue et la faim, tout fut oublie. Nous partimes en courant et 30 nous retrouvames facilement le sentier que nous avions UNE ESCAPADE 7 suivi pendant la nuit. De temps en temps, nous nous arretions et nous criions de toutes nos forces. Mais pas un cri ne repondait aux notres. V Nous courions, nous courions toujours. Nous cri- 5 ames de nouveau. Cette fois, on nous repondit. «C'est le kangourou,» dis-je a Georges. II eclata de rire. Quelques minutes apres, nous etions face a face avec une petite fille qui nous regardait avec de grands yeux 10 etonnes et rougis par les larmes. Malgre sa pauvre petite robe, elle etait charmante, un veritable ange, comme avait dit sa grand' mere. «C'est grand'maman qui vous envoie?» nous de- manda-t-elle. 15 Nous repondimes affirmativement. «Elle va certainement me gronder, continua-t-elle, mais je Tembrasserai et elle me pardonnera.» Georges la prit par la main droite ; je la pris par la main gauche. Et nous courlimes dans la direction ou 20 sa grand'mere nous attendait. Soudain un bruit se produisit dans la foret et un animal bondit devant nous au milieu du sentier. «Tiens, dit la petite fille sans emotion, c'est Fox, le gros chien du college. » 25 En effet c'etait Fox qui bondissait joyeusement au- tour de nous. Nous etions tout pres de Saint-Eustache. La chose est facile a comprendre : nous avions suivi pendant la nuit la direction du nord ; puis, sans le re- 8 UNE ESCAPADE marquer, nous etions revenus vers la petite ville par un autre chemin. «Malheureux enfants!» s'ecria une voix que nous reconnumes immediatement. Et le bon abbe Fortin parut devant nous. 5 «Dieu soit loue ! continua-t-il. Grace a Fox, je vous ai retrouves.» Et il nous gronda avec tant d'eloquence que Georges et moi, nous commengames a pleurer. L'abbe fut interrompu par la vieille femme qui venait 10 nous remercier du service que nous lui avions rendu en retrouvant sa petite-fille. Le pauvre directeur, tres touche, nous dit : «Apres tout, vous n'etes pas de mediants enfants. Vous ne serez pas pun is. Je vous le promets.» 15 J'eus alors un mouvement de generosite. «Cet argent que nous voulions consacrer a une folic, dis-je a I'abbe, permettez-nous de le consacrer a une bonne action. — Avec plaisir, mes enfants. » 20 Nous reunimes nos huit francs que Georges donna a la vieille femme en lui disant : «Achetez une poupee a la petite lille.» Et, joyeux, nous rentrames au college. CRIQUETTE I Dans les premiers jours d'avril 1859, sur la place de la mairie de Belleville, les petites filles sortaient de I'ecole, en desordre, avec des cris aigus. Une dispute eclata tout d'un coup, suivie d'un combat. Une grande 5 avait renverse une pauvre petite qui pleurait et se de- battait. Toutes les autres faisaient cercle et s'amu- saient du spectacle. Un patronnet passait par la, un grand panier vide sur la tete. II s'approche, brise le cercle, pose son 10 panier par terre, arrache la petite des mains de la grande et dit : «La premiere qui la touche, aura affaire a moi.» Le patronnet avait Pair resolu ; personne ne bougea. «Viens,» dit-il a la petite. 15 Mais elle etait en colere et elle fit un mouvement pour se precipiter sur la grande. «Non, non, dit le patronnet. Viens.» II I'emmena et, en descendant la rue de Paris, ils parlerent. 20 «0u demeures-tu ? — Pas tres loin; rue de Tourtille au numero 7. — Je vais t'accompagner. La grande est derriere nous. Elle t'attaquerait de nouveau. Tu demeures chez ta maman ? 9 10 CRIQUETTE — Oui. — Qu'est-ce qu'elle fait? — Depuis la mort de papa, elle vend des pommes sous ime porte cochere, des pommes en hiver et des fleiirs en ete'. Et toi, ou demeures-tu? Chez ta maman aussi? 5 — Je n'ai pas de maman. — Chez ton papa, alors? — Je n'ai pas de papa non plus. — lis sont morts ? — Probablement. Je n'en ai jamais cu. 10 — Quel age as-tu ? — Douze ans. Et toi ? — Moi, dix. Tu es patissier? — Je suis patronnet, chez le patissier, rue de Paris, pres du bureau des omnibus. 15 — Et combien gagnes-tu ? ' — Oh ! pas beaucoup ; dix francs par mois. Mais je suis loge, nourri et habille. Alors, avec mes dix francs, je peux acheter des pieces de theatre, a quatre sous. Plus tard, quand je serai grand, je serai acteur. 20 — Les acteurs . . . ce sont les personnes qui jouent dans les theatres ? — Oui. Es-tu deja allce au theatre? — Jamais. — Moi, sept fois a ]>clleville a\cc des caniarades et 25 une fois a I'Ambigu. J'ai vu des mclodraines. C'est ^\a qui est beau ! . . . Tiens, te voila chez Un. Au revoir. — Conunent t'appclles-tu? — Pascal. Et toi ? — Moi, Celine Princjuart. Mais maraan r.i'appelle 30 Criquette. CRIQUETTE ii — Criquette, c'est plus drole. Je le prefere a Celine. Au revoir, Criquette. — Au revoir, Pascal. . . Dis, veux-tu etre amis en- semble ? Le dimanche, je ne vais pas a I'ecole. Viens 5 me voir. Nous jouerons. — Oh! je ne peux pas. Le dimanche, je vais vendre des gateaux pour le patron sur les boulevards, dans les promenades. Mais, dans la semaine, quand je pas- serai, apres I'ecole, sur la place de la mairie, je regar- 10 derai si tu es la. Au revoir, Criquette. — Au revoir, Pascal. » II Voila quelle fut la premiere rencontre de Criquette et de Pascal ; et, le lendemain, a la sortie de I'ecole, le patronnct se trouvait la, sur la place de la mairie, 15 attendant la petite. Elle arriva, portant son panier, ses livres de classe. «Je t'attendais, lui dit Pascal. Je voulais savoir si la grande ne t'attaquerait pas de nouveau. Veux-tu te promener un peu? J'ai le temps. Et puis, je t'ai ap- 20 porte un gateau. Le patron m'en donne quelquefois. Tiens . . . prends. — Si tu n'en as qu'un, partageons. — Non, c'est pour toi. J'en ai mange un ce matin. II est bon, n'est-ce pas ? 25 — Oh ! oui, repondit la petite qui devorait le gateau. — Mon patron est un brave homme. Je suis bien nourri. Et toi ? pas trop bien ? Elle est pauvre, ta mam an? 12 CRIQUETTE — Oh! oui. — ^a ne doit pas etre un tres bon metier de vendre sous une porte cochere ? — Oh! non. — Je t'apporterai quelquefois des gateaux si tu les 5 aimes. — Oh! oui. — Puis j'ai pense a autre chose. II n'y a pas d'ecole, le dimanche. Tu pourrais venir avec moi. Je vendrais mes gateaux ; toi, des fleurs. Ta maman t'en mettrait 10 dans un petit panier. Tu es gentille, tu es drole, tu plairais aux gens, j'en suis sur. C'est important dans le commerce. Nous reussirions. — Oh ! maman ne voudra pas me laisser aller toute seule. 15 — Pas toute seule ; avec moi. ficoute . . . Je vais le demander a ta maman. C'est apres-demain dimanche. Nous commencerions tout de suite. » La mere fit d'abord quelque resistance, mais Pascal fut eloquent et reussit a la convaincre. 20 «Allez chez mon patron, dit-il, informez-vous dans Belleville. Tout le monde me connait. Et n'ayez pas peur. Nous n'irons pas dans Paris, c'est defendu . . . mais dans les environs, au lac Saint-Fargeau. Vous verrez que la petite vous rapportera, tons les dimanches, 25 une piece de quarante sous, et en vendant . . . pas en mendiant. ^a Tamusera, ^a lui fera du bien. C'est mauvais pour elle de rester, le dimanche, dans cette vilaine rue. Et puis, ajouta-t-il avec un air de confiance et d'autorite, nous reussirons, madame Brinquart, nous 30 reussirons.» CRIQUETTE III lis reussirent, en effet. Criquette, le premier di- manche, vendit toutes ses fleurs et les vendit tres cher. Elle attirait la clientele par sa petite mine amusante. Ses bouquets de violettes d'un sou disparaissaient 5 comme par enchantement ; deux ou trois furent meme payes dix sous. Criquette revint avec une somme enorme : trois francs. Pascal et Criquette furent tres vite populaires dans Belleville, a tel point que, au bout de deux mois, apres lo neuf dimanches, tous fructueux, la recette, un jour, de- passa cinq francs, Pascal alia serieusement parler affaires a madame Brinquart. II lui demanda de lui confier Criquette non seulement le dimanche, mais tous les jours de la semaine. 15 «Elle n'a plus besoin d'aller a I'ecole, dit-il. Elle salt lire, ecrire et compter. Un jour que nous etions un pen embrouilles dans nos comptes, Criquette a fait deux longues additions, sans se tromper d'un sou. Nous reussissons si bien ensemble. Elle me fait vendre mes 20 gateaux ; je lui fais vendre ses fleurs. Et puis, elle a des idees. Ainsi, dimanche dernier, a cinq heures, nous n'avions deja plus de marchandises. Eh bien, c'est elle, c'est Criquette qui a pense a acheter, chez un epicier, des sucres d'orge et des gateaux d'un sou 25 que nous avons revendus deux sous. Et c'est ainsi que la petite a pu vous rapporter plus de cinq francs. Si vous saviez comme elle est intelligente ! Elle ne perd pas son temps. Elle voit tout de suite ceux qiii ache- teront, ceux qui n'acheteront pas. N'ayez pas peur, 14 CRIQUETTE madame Brinquart ; donnez-moi Criqiiette et, vous verrez, nous ferons fortune. » Criquette pria, supplia, promit d'etre bien sage, de ne jamais quitter Pascal, de rentrer toujours avant la nuit. La mere se laissa persuader. Une existence 5 nouvelle commenga pour les deux enfants, joyeuse et libre. lis etaient leurs maitres, ils travaillaient, ga- gnaient leur vie, voyaient s'etendre leur clientele. Tout le monde, a Belleville et dans les environs, les connaissait. Pascal etait le chef de la communaute. 10 II etait fier de proteger Criquette et Criquette etait heureuse d'etre protegee. Mais, en somme, Pascal fai- sait docilement toutes les volontes de Criquette. Quand Pascal disait: «Allons a gauche, » si Criquette disait : «Allons a droite,» une querelle s'elevait. Mais la fin 15 de la querelle etait toujours la meme : c'etait toujours la volonte de Criquette qui prevalait. Pendant trois mois, cette vie en plein air leur parut delicieuse. lis partaient des le matin, parcouraient les rues de Belleville, puis se dirigeaient vers les pres Saint- 20 Gervais et Romainville. C'est 1^ que, dans la chaleur de midi, ils trouvaient un peu d'ombre et de fraicheur ; c'est \k qu'ils dejeunaient. Un gros morceau de pain, quatre sous de cerises ou de f raises, et, dans le creux de la main, I'eau claire d'une fontaine. 25 Malgre ce maigre regime, le grand air faisait beau- coup de bien a Criquette. Elle etait moins pale, moins blanche. Pleins de malice et de gaiete', ses grands yeux noirs eclairaient joyeusement son visage bronze par le soleil. Elle marchait intrepidement du matin au soir 30 sans jamais se fatigue r. CRIQUETTE 15 Apres le dejeuner, ils prenaient une heure de repos. Pascal avait promis a madame Brin quart de completer rinstruction de Criquette. II tenait parole. Pascal avait ete Tun des plus brillants eleves de I'ecole pri- 5 maire de Belleville. L'annee precedente, a onze ans. il avait eu tous les prix : prix de lecture, prix d'ortho- graphe, prix de geographic, prix de calcul. Done Criquette s'asseyait au pied d'un arbre, un petit cahier sur les genoux, un crayon a la main, et 10 Pascal, egalement assis par terre devant Criquette, lui dictait des passages choisis invariablement dans une de ces fameuses pieces de theatre qui composaient la bibliotheque du jeune professeur. Puis il corrigeait consciencieusement le devoir de 15 Criquette, qui etait generalement plein de fautes d'or- thographe. Quand la dictee n'etait pas trop mauvaise, le professeur donnait un gateau a I'eleve ; et I'eleve, pour remercier le professeur, lui off rait un sucre d'orge, car elle avait joint la vente des sucres d'orge h son 20 petit commerce de fleurs. IV Mais le mois d'octobre arriva, amenant les journees courtes, froides et pluvieuses. Moins de mouvement dans les rues, moins de promeneurs aux pres Saint- Gervais et a Romainville. Les recettes diminuaient. 25 Pascal rapportait, le soir, les trois quarts de ses gateaux; Criquette, la moitie de ses sucres d'orge. Pour comble de malheur, vers la fin d'octobre, maman Brinquart tomba malade. La fievre la saisit, elle fut forcee d'interrompre ses courses quotidiennes a la l6 CRIQUETTE Halle oil elle achetait ses fleurs et ses fruits, de garder le lit. Elle restait a la charge de Criquette et les affaires de la pauvre enfant allaient tres mal. Elle n'avait plus de fleurs a vendre, plus rien que ses sucres d'orge. Ses recettes diminuaient rapidement : douze 5 sous, quinze sous, vingt sous par jour quelquefois, jamais davantage. Un samedi, vers cinq heures du soir, les deux enfants descendaient la rue de Paris apres une journee qui avait ete plus miserable encore que les journees prece- 10 dentes. Pascal demanda a Criquette : «Combien as-tu gagne aujourd'hui? — Neuf sous. — Seulement neuf sous ? — Oui; j 'avals dix-huit sucres d'orge ce matin; j'en 15 ai encore neuf. Un sou de benefice par sucre d'orge . . . — Oui, 9a ne fait que neuf sous.» lis continuerent de marcher en silence ; puis Pascal, apres un instant de reflexion : «Dis done, Criquette, c'est samedi, aujourd'hui, le 20 jour de la paie. Le patron a augmente mon salaire. II me donne maintenant cent sous par semaine. Tu vas venir avec moi a la maison. Tu attendras et je te donnerai mes cent sous. — Oh! non, je ne veux pas. C'est ton argent, 25 Pascal. — Voyons, Criquette, ecoute. Si j'avais une maman, et si elle etait pauvre et malade, et si je n'avais pas d'argent, et si tu avals cent sous, est-ce que tu ne me les donnerais pas ? 30 — Oh! oui, je te les donnerais. CRIQUETTE 17 — Eh bien, alors, tu dois consentir. Nous voila arrives. Attends. Je vais te chercher les cent sous et je te les donnerai, chaque samedi, tout le temps que ta maman sera dans son lit. Tu les prendras ; tu pro- 5 mets ? — Oui, je promets. — Merci, Criquette.» Elle prit les cent sous. Maman Brinquart fut touch ee jusqu'aux larmes quand Criquette lui apporta la piece 10 de cent sous de Pascal. Le soir meme, elle racontait a la charbonniere cet acte de generosite'. Le lende- main matin, la charbonniere le racontait a la bouchere qui le racontait a la bonne du numero 22 de la rue de Paris, qui le racontait a son maitre. Ce maitre etait le 15 directeur du theatre de Belleville. C 'etait un tres brave homme. II connaissait les deux enfants qui venaient tres souvent se poster sur le trottoir, devant la sortie des artistes, /^//r voir passer des adeurs et des acfrices. Pascal avait toujours son idee fixe : le theatre. Chaque 20 jour, il repetait a Criquette : «Quand nous serons grands, je serai acteur et toi, act r ice. » Le directeur du theatre de Belleville resolut d'aider Criquette immediatement. V 25 Le lendemain soir, entre le premier et le second acte de la Grace de Dieu, Criquette paraissait a Tune des entrees de la premiere galerie et jetait dans la salle le cri suivant: i8 CRIQUETTE « Brioches toutes chaudes ! Qui veut des brioches toutes chaudes ? Deux sous les brioches toutes chau- des !» Cela fut lance d'une voix si pergante et si drole qu'un immense eclat de rire s'eleva du parterre au poulailler. 5 On regarda ; des gamins reconnurent Criquette. «Criquette ! c'est Criquette I» Au meme moment, Pascal, qui avait egalement pre- pare son cri, fit son apparition a Tautre entree de la galerie et repeta la phrase de Criquette : 10 «Brioches toutes chaudes ! Qui veut des brioches toutes chaudes ? Deux sous les brioches toutes chau- des !» Ce fut un succes d'enthousiasme : tout le monde voulut manger des brioches de Criquette. Cela devint 15 une mode, une rage. Par I'intermediaire du directeur, un petit traite en bonne forme fut signe entre les deux enfants et le patron de Pascal : ils devaient recevoir un benefice de deux centimes par brioche. Ils arriverent tout de suite h, une vente reguliere de 20 cent cinquante h deux cents brioches dans la semaine, de trois a quatre cents le dimanche. Unis par la plus etroite et la plus innocente affection, les enfants firent bourse commune, c'est-a-dire que tout le gain des brioches fut depense en medicaments et en 25 bouillons pour maman Brinquart. Elle etait retablie le mois suivant et reprenait son commerce sous la porte cochere. Criquette profita, pour la vente de ses fleurs et de ses sucres d'orge, de la popularite que ses brioches lui donnaient. Les deux 30 enfants gagnaient en moyenne de six h sept francs par CRIQUETTE 19 jour. lis roulaient litteralement sur I'or. Pascal acheta, ' chez son libraire, de nombreuses pieces de theatre k quatre sous. VI Mais ce n'etait pas tout. Criquette et Pascal allaient 5 tous les soirs au theatre, gratis. Des que I'entr'acte etait termine, ils grimpaient k la troisieme galerie et la, eblouis, anxieux, de tous leurs yeux et de toutes leurs oreilles, ils devoraient avidement le spectacle. Et quelle variete dans le repertoire 1 Toujours des 10 drames et une piece nouvelle tous les samedis. C'est ainsi que, pendant Thiver, Pascal et Criquette enten- dirent sept fois, sans en perdre une syllabe, la Grace de Dieic^ le Vieiix Caporal^ les Pirates de la Savane, Don Cesar de Bazan, Richard d^ArH?igton\ etc., etc., et 15 quatorze fois la Tour de Nesle^ qui eut un immense suc- ces et qui obtint I'honneur d'une seconde serie de re- presentations. La Tour de Nesle . . . 1 le drame prefere de Criquette et de Pascal, leur lecture favorite, un de leurs ouvrages 20 classiques et qui avait servi pour tant de dictees ... 1 \ tel point que, apres avoir entendu treize fois la Tour de Nesle ^ les deux enfants s'apergurent, le soir de la quatorzieme representation, qu'ils savaient la piece absolument par coeur. Et, tout d'un coup, la fantaisie 25 leur vint d'aller, pendant le troisieme acte, jouer, dans le foyer de la salle, la fameuse scene de Buridan et de Marguerite de Bourgogne. La, devant trois ou quatre ouvreuses, ils attaquerent resolument la celebre expli- cation dans la taverne d'Orsini : 20 CRIQUETTE «CV n^ est pas le Bohemien, — JVo7i, c^est le capitaiiie^ mats si le capitaine est le Bohemie7i^ cela reviendra an meme, . . » Et caetera, et caetera, et caetera. Ce n'etait pas mal. Les ouvreuses emerveillees ap- 5 plaudissaient, riaient aux larmes. Criquette et Pascal passaient ou changeaient des phrases, mais ils avaient du mouvement, de la verve, de I'elan enfin. Rien ne les arretait et leurs audacieuses variantes ajoutaient ^ la fantaisie de I'interpretation. 10 Au moment ou Criquette commengait la replique : «Que voulez-voiis de moi alors ? Voulez-vous de ForH le hasard amena pres du foyer de la salle le directeur du theatre en compagnie de Bidache, un acteur de la Porte-Saint-Martin. 15 Bidache et le directeur s'arreterent, ecouterent et, entrant brusquement, interrompirent la tirade de Mar- guerite de Bourgogne, qui, rouge comme un coquelicot, perdit aussitot la parole. «Ce n'etait pas mal, dit le directeur ; continue, Cri- 20 quette,. continue. » Continuer ! Jouer devant un directeur 1 Jouer devant M. Bidache ! Criquette se defendit, mais faiblement, et retrouva bientot toute son assurance. La scene reprit son elan et fut jouee jusqu'au bout par les deux 25 enfants avec beaucoup de verve et de drolerie. «Ils sont tres amusants, dit I'acteur de la Porte-Saint- Martin, et ils ont tous les deux beaucoup, beaucoup de dispositions, la petite surtout. Je les recommanderai a mon directeur qui cherche deux enfants pour jouer 30 des roles importants dans notre nouvelle f eerie. » CRIQUETTE 21 Quinze jours apres, le jeudi 15 mars i860, on lisait I'annonce suivante sur Taffiche du theatre de la Porte- Saint-Martin : «Premiere Representation. 5 Apres-demain samedi irrevocablement Premiere Representation de la Grande Feerie en quatre actes et vingt tableaux : 10 LA PRINCESSE COLIBRI. Debuts de la petite Criquette et 15 du jeune Pascal. Irrevocablement apres-demain samedi. » Criquette et Pascal debuterent avec un succes prodi- gieux. La presse entiere celebra leur triomphe et un journal illustre publia leurs portraits. 20 Madame Brinquart etait venue au theatre. Elle avait assiste, dans la salle, au brillant debut des deux en- fants. Le soir, pour retourner a Belleville, ils furent obliges de prendre une voiture, car ils n'auraient jamais pu emporter, a pied, I'enorme quantite de fleurs, de 25 bonbons, d'oranges et de gateaux qui s'etaient amonce- les dans la loge de Criquette. 22 CRIQUETTE Le lundi suivant, le directeur du theatre de la Porte- Saint-Martin engagea Criquette et Pascal par un traite en bonne forme pour le reste de la saison k des condi- tions avantageuses. Leur carriere theatrale etait as- suree. LA PIECE DE CINQ FRANCS I Un jour d'automne de I'annee i8 . ., vers sept heures du matin, un petit gargon marchait sur la grande route d'Orleans k Paris et s'approchait de la capitale. II portait sur Tepaule un petit paquet suspendu a 5 un baton. Son costume se composait d'un pantalon et d'un paletot bruns. La joie brillait sur son visage. C'etait un de ces nombreux petits Auvergnats qui, chaque annee, se dirigent vers Paris. lis comptent sur la suie de la capitale pour gagner leur vie et, si la suie 10 manque, ils comptent sur la boue, car ils sont aussi de- crotteurs. Notre voyageur avait environ treize ans. II etait petit pour son age. Orphelin de bonne heure, il avait ete eleve par son oncle. Celui-ci lui avait appris a 15 ramoner les cheminees et, avant son depart, lui avait donne sa benediction, un beau costume, vingt francs et une lettre pour un maitre ramoneur de ses amis, qui devait procurer du travail h, Tenfant. Jacques Morlot — c'etait le nom du petit ramoneur — 20 avait fait a pied le long voyage de Clermont-Ferrand k Paris, marchant sept a huit heures par jour. II bondit de joie quand il decouvrit dans le lointain les tours et les clochers de Paris et il doubla le pas. Le spectacle des rues de la grande ville I'enthousiasma. 23 24 LA Pl£CE DE CINQ FRANCS Les jardins publics avec leurs fontaines et leurs statues, les eglises, les theatres, les monuments, tout excita son admiration au plus haut degre. II passa toute la jour- nee a visiter Paris et oublia de chercher le maitre ramoneur pour qui il avait une lettre. 5 La nuit approchait quand il commenga a avoir faim. II entra chez un boulanger, acheta une livre de pain et alia s'asseoir sur un banc pres d'une porte cochere. Sa faim apaisee, il ne put resister au sommeil et il decida de dormir quelques instants avant d'aller porter sa lettre lo k son adresse. II plaga son paquet sous sa tete, tomba dans un profond sommeil et ne se reveilla que le lende- main a sept heures du matin. II se leva immediatement et commenga a chercher la rue ou I'ami de son oncle residait, certain d'avance du 15 bon accueil qui I'attendait. II trouva facilement la rue et arriva a la porte du brave homme qui devait lui procurer du travail. II s'adressa au concierge . . . Helas ! Le maitre ra- moneur etait mort depuis trois semaines et un chapelier 20 occupait maintenant sa boutique. II En apprenant cette nouvelle, Jacques resta quelques instants comme petrifie. Puis, comprenant toute son infortune, il s'eloigna tristement. 25 Qu'allait-il faire dans I'immense capitale, sans ami, sans protection, sans abri et presque sans ressources ? II ne pouvait penser a retourner chez son oncle. Celui- ci lui avait clairement indique avant son depart qu'il ne devait plus compter sur lui. 30 LA PIECE DE CINQ FRANCS 25 Decourage, il marcha longtemps au hasard dans les rues, mais insensiblement il reprit courage. II avait encore plus de quinze francs dans sa poclie. II chassa les idees noires qui I'assaillaient et decida de gagner 5 sa vie tout seul, sans aide ni protection. La plus grande difficulte etait de se procurer un logement. Toutes les maisons qu'il voyait etaient trop belles pour le recevoir. II s'engagea dans une petite rue du quartier Saint- Antoine, fit cinquante ou soixante 10 pas et s'arreta a I'entree d'une impasse, en face d'une petite maison de pauvre apparence. Sur la porte il apergut un ecriteau avec cette inscription : « Cabinet meuble a louer au fond de la cour.» II entra dans I'impasse et arriva a une petite cour 15 oil une vieille femme etendait du linge sur des cordes. II Ota poliment sa casquette et dit a la blanchisseuse : « Madame, je suis un petit ramoneur et je cherche un logement. Combien desirez-vous louer votre cabi- net ? 20 — Dix francs par trimestre et le terme payed 'avance,» repondit la vieille femme. Jacques reflechit un moment. Dix francs, c'etait les deux tiers de toute sa fortune ! Mais c'etait aussi trois mois de tranquillite pendant lesquels il pourrait 25 trouver de I'occupation sans s'exposer a etre arrete comme vagabond. II aurait encore cinq francs, assez pour acheter du pain pendant deux ou trois semaines. II resolut de risquer presque toute sa fortune plutot que de coucher dans la rue et demanda a voir la 30 chambre. Madame Gervais — c'etait le nom de la blanchisseuse — I'invita a I'accompagner dans la mai- 26 LA PIECE DE CINQ FRANCS son. lis monterent un petit escalier et arriverent au cabinet a louer. Les quatre murs etaient proprement blanchis. Le lit se composait d'un matelas, d'un mauvais traversin et d'une couverture de laine. Une commode, une table, 5 deux chaises, un vieux balai et un petit miroir, accroche a la fenetre, completaient le modeste mobilier de la chambre. Jacques en fut satisfait et se hata de conclure le marche en donnant a M"^^ Gervais les dix francs con- 10 venus. Quand il fut seul dans sa chambre, il ota son beau costume, ouvrit son petit paquet et s'habilla en ramoneur. Ensuite il descendit et jusqu'au soir il parcourut le quartier, repetant de toutes ses forces le petit cri des 15 ramoneurs, mais aucune voix n'y repondit. «Demain, se dit-il, je commencerai ma tournee plus tot et j'aurai plus de chance. » Console par cette pensee, il remonta dans sa chambre, mangea un gros morceau de pain et tomba a genoux 20 pour faire sa priere. Pauvre enfant ! II demandait a Dieu une seule faveur : trouver du travail le lende- main. Ensuite il se coucha et tomba immediatement dans un profond sommeil. 25 III Le lendemain, au point du jour, Jacques etait deja dans la rue Saint-Antoine et repetait son petit cri de ramoneur, mais il n'avait pas plus de chance que la veille. LA PIECE DE CINQ FRANCS 27 Enfin la fenetre d'une maison s'ouvrit et il entendit une servante I'appeler. Plein de joie, il monta Tescalier, nettoya la cheminee avec la plus grande activite et le plus grand soin. Son 5 travail fini, la servante lui donna huit sous qu'il regut avec une sincere gratitude. Quand il sortit de la maison, son bonheur etait si grand qu'il oublia pendant quelque temps de lancer son petit cri. 10 II essaya enfin d'attirer de nouveau I'attention sur lui en repetant de toutes ses forces : «ramoneur de cheminee. » Ses efforts furent couronnes d'un tel suc- ces que cette premiere journee lui rapporta trente-deux sous. 15 Les jours suivants furent moins favorables, mais Jacques n'avait pas d'inquietude. II vivait d'esperance, fermement persuade que Dieu ne I'abandonnerait pas. Isole au milieu de I'immense population de Paris, il savait bien qu'il ne pouvait compter sur personne. II 20 etait done libre comme I'oiseau dans Pair, mais sa con- duite fut tou jours exemplaire. II etait tres econome et malgre cela il avait grand' peine h, epargner quelques sous. Le loyer de sa cham- bre et le prix de sa nourriture absorbaient la plus grande 25 partie de son gain. L'hiver se passa ainsi et Jacques vit enfin arriver le mois de mars, epoque a laquelle on cesse de ramoner les cheminees. II tomba en proie a une profonde anxiete en pensant que dans six semaines il aurait a 30 payer son loyer a M"^^ Gervais ou a quitter sa chambre, Cependant il ne perdit pas courage. 28 LA PIECE DE CINQ FRANCS Un jour, il se reposait sur un banc quand un petit gargon de son age, portant une boite de rubans, de fil et de dentelles, vint s'y asseoir aussi. Jacques Tinterrogea sur son commerce et sur ses pro- fits. II repondit qu'il se procurait ses marchandises a 5 la manufacture a un prix modere et qu'il avait de nom- breuses clientes dans tous les quartiers de Paris. II ajouta que son ambition etait d'economiser la somme necessaire pour payer le droit de s'etablir sous une porte cochere avec une chaise et une table sur laquelle 10 il arrangerait ses marchandises. «Mais tu avais une certaine somme d'argent a ta disposition quand tu as commence ? lui demanda Jacques. — J'ai commence avec six francs, present de ma' marraine.» 15 «Moi, helas ! je n'ai pas de marraine,» se dit Jacques, et, souhaitant bonne chance au petit marchand, il le quitta, le coeur plein de tristesse. Des ce moment, Jacques fut domine par une idee fixe. Quand il rencontrait un de ces petits marchands 20 des rues, il pensait : «I1 a de la chance ; sa vie est as- suree dans toutes les saisons et par toutes les tempera- tures. » IV Cependant Jacques continuait a faire tous ses efforts pour echapper a la misere. II ne manquait jamais, dhs 25 le point du jour, de parcourir la ville dans I'espoir de trouver quelque cheminee a ramoner. Dans I'apres-midi, il retournait a sa chambre, faisait sa toilette, mettait son beau costume et allait se placer LA PlECE DE CINQ FRANCS 29 au coin d'une rue frequentee pour y attendre I'occasion de quelque commission a faire. Le soir arrive, il allait se poster devant quelque theatre pour ouvrir ou fermer les portieres des voitures 5 qui arrivaient ou partaient. Avant de se coucher, il comptait les sept ou huit sous qu'il avait gagnes si difficilement, les mettait dans sa bourse et pensait avec terreur aux dix francs qu'il devait bientot donner k M^^ Gervais. Le gain de ses 10 meilleures journees etait si minime qu'il suffisait a peine a la depense de sa nourriture. Toutefois il ne s'abandonnait pas longtemps au de- couragement. II faisait avec devotion sa priere du soir et demandait k Dieu d'avoir pitie de lui. 15 Le ciel I'ecouta. Un matin, il faisait sa tournee habituelle quand il remarqua quelque chose de brillant dans les balayures en face d'une belle maison. II se baissa pour le ramas- ser. Sa joie fut grande quand il reconnut dans I'objet 20 brillant une piece de cent sous. II tourne et retourne la piece. Mais, soudain, une pensee s'offre a lui. «Cette piece n'est pas a moi. Quelqu'un I'a jetee dans les balayures par megarde. Je ne puis pas la garder : ce serait un vol.» Et, sans hesiter un seul ins- 25 tant, il mit la piece d'argent dans sa poche et frappa a la porte de la belle maison. II entra dans la loge de la concierge et lui demanda si elle avait jete des balay- ures dans la rue la veille au soir. La concierge lui repondit «non» d'assez mauvaise humeur. 30 « Mademoiselle Therese, la cuisiniere du premier etage, en a jete hier au soir,» dit une petite fille qui jouait dans un coin de la loge. 30 LA PifeCE DE CINQ FRANCS Jacques, fermement decide a rendre la piece d'argent h son legitime proprietaire, monta I'escalier. II frappa et, quand la porte s'ouvrit, il demanda k parler a M^^^ Therese. C'etait elle-meme qui avait ouvert la porte et elle fut bien surprise quand le petit ramoneur la pria 5 de compter son argent pour voir si elle n'avait pas jete dans les balayures la piece de cinq francs qu^il venait de trouver, «Non, mon enfant, lui repondit-elle en souriant; je n'ai pas assez de pieces de cinq francs pour les jeter 10 dans la rue. Je pense que tu peux la garder, car il serait impossible d'en trouver le proprietaire. Je sou- haite qu'elle te porte bonheur.» Jacques quitta la maison, les yeux brillants de joie. II n'hesita pas un seul instant sur la maniere dont il 15 allait employer sa petite fortune. II voulait augmenter ses ressources le plus rapidement possible, car il n'avait encore qu'une partie de la somme qu'il devait bientot payer a M"^^ Gervais. II n'y avait pas de temps h perdre. II resolut de retourner chez lui pour changer 20 de costume et de chercher une manufacture tout de suite. Jacques marcha longtemps sans trouver ce qu'il cher- chait. Enfin, dans le faubourg Saint-Germain, il apergut une enseigne oii il kit: «Dep6t de la Fabrique de 25 papier de Grandin et C^^.» «Voilk une fabrique, se dit-il, mais c'est une fabrique de papier. Eh bien, peu importe. On gagne probable- ment autant avec du papier qu'avec du ruban.» LA PifeCE DE CINQ FRANCS 31 II entra done dans le magasin, ota sa casquette et salua profondement un gros monsieur qui ecrivait au comptoir. Puis il s'approcha d'un jeune homme qui etait occupe a arranger sur une table une grande quan- 5 tite de papier et lui demanda de lui vendre du papier a lettre pour vingt ou trente sous. «Nous ne vendons pas en detail, lui repondit le com- mis, nous ne vendons le papier qu'a la rame. — Et combien coute une rame, s'il vous plait ? 10 — Trois, quatre francs et plus encore, » repondit le jeune homme en continuant son travail. «Quatre francs ! pensait Jacques. Faut-il tout ris- quer? Quatre francs! Et si je n'ai pas de succes ? II est preferable de chercher une manufacture de rubans.» 15 II restait immobile devant le comptoir et son visage exprimait un grand desappointement. Enfin il se dirigea lentement vers la porte ; mais le gros monsieur qui I'avait regarde attentivement, I'arreta en lui demandant pourquoi il desirait acheter du papier pour trente sous. 20 « Monsieur, repondit Jacques d'une voix tremblante, je voulais le vendre et gagner quelque chose. — Je comprends, repliqua le marchand avec severite ; c'est une excuse pour demander la charite. — Demander la charite ! s'ecria le petit gargon ; 25 monsieur, je m'appelle Jacques Morlot et, dans ma famille, personne n'a jamais demande la charite. Si Dieu permettait qu'il fit froid pendant toute Tannee, je ne chercherais pas d^autre profession que celle de ra- moneur.» 30 L'accent sincere, Tassurance de sa parole, la rongeur qui couvrait son visage, le justifierent si bien aux yeux ^2 LA PiteCE DE CINQ FRANCS du marchand que celui-ci se tourna vers son commis et lui dit : «Donnez k cet enfant, pour trente sous, une demi- rame de papier a lettre.» «Tu peux, continua-t-il en s'adressant a Jacques, 5 vendre le cahier un sou et tu ne tromperas personne. Reviens, un de ces jours, me dire le succes de ta nou- velle entreprise.» Jacques remercia le gros monsieur de tout son coeur et, apres avoir regu le papier et la monnaie de sa piece, 10 il quitta le magasin, plein de joie et d'esperance. II alia s'asseoir sur le banc de la maison voisine et commenga a compter ses cahiers. II en avait regu quarante qui, vendus un sou chacun, lui rapporteraient un benefice net de dix sous. Ce n'etait pas beaucoup, 15 mais, en parcourant Paris dans tons les sens, il comptait se faire deux ou trois clients dans chaque quartier. Ne voulant pas perdre un seul instant, il se leva, prit un cahier de papier, I'offrit a une dame qui passait et annonga ainsi sa marchandise : «Voilk pour un sou un 20 cahier de papier de la fabrique Grandin.» Mais la dame et apres elle huit a dix personnes passerent sans lui re- pondre ni meme le regarder. II ne se laissa pas cependant decourager par ce pre- mier insucces. II continua sa route sans cesser d'offrir 25 sa marchandise. Enfin il arriva pres d'une belle maison et presenta poliment un de ses cahiers a une femme de chambre qui parlait k un laquais devant la porte. «Je suis, helas ! une mauvaise cliente, mon enfant, 30 lui dit-elle ; mais, comme je dois ecrire a ma famillC; je LA Pl£CE DE CINQ FRANCS S;^ vais risquer un sou. Tiens, et je souhaite que tu vendes promptement tout ton paquet.» Jacques lui donna un cahier, mit gaiement le sou dans sa poche et remercia la jeune fille avec autant de 5 politesse que si elie avait achete toute sa demi-rame. «En avant! En avant ! se dit-il ; le premier pas est fait. Un et un font deux, deux et deux font quatre et ainsi j'arriverai a quarante. Je suis certain que le sou- hait de cette jeune fille me portera bonheur.» 10 En effet, en une demi-heure, il vendit trois autres cahiers. Mais le reste de la journee fut moins heureux. Quand la nuit arriva, le pauvre enfant n 'avait pas vendu la moitie de son papier et son profit etait bien minime ; mais il etait content parce qu'il voyait la possibilite de 15 continuer son petit commerce. VI Nous n'accompagnerons pas Jacques dans ses courses de petit marchand ambulant. II nous suffira de dire que la chance le favorisa. Aussi actif qu'intelligent, il ne negligeait aucune occasion de faire plaisir a ses 20 clients. Bientot il ajouta au papier des enveloppes et des crayons qu'il portait dans une jolie boite en bois, present de M^^^ Gervais. Trois mois ont passe depuis que Jacques a trouve la piece de cent sous et non seulement il a paye son loyer, 25 mais en outre il possede vingt francs. II faut dire qu'il n'a jamais fait une depense inutile. Un peu plus tard, il y eut un changement considerable dans son existence. M"^^ Gervais s'etait graduellement 34 LA PIECE DE CINQ FRANCS attachee a Jacques et elle ne pouvait voir sans pitie son extreme fatigue quand il rentrait de ses longues courses. Un soir, elle lui offrit de le nourrir pour trois francs par semaine. L'offre etait si seduisante que Jacques, apres un instant de reflexion, Taccepta avec gratitude. 5 Ce fut une agreable sensation pour lui quand, pour la premiere fois depuis son arrivee a Paris, il s'assit a une table sur laquelle fumaient une bonne soupe et un appetissant morceau de boeuf. Son ambition etait maintenant d'economiser la somme 10 necessaire pour payer le droit de s'etablir sous une porte cochere. II savait que cela representait de nombreux mois de travail assidu, mais il ne s'en tourmentait point. En attendant, il etait heureux de se chauffer chaque jour a I'heure du diner et encore plus heureux de passer 15 les longues soirees d'hiver dans la chambre de M"^^ Gervais. II profitait de I'occasion pour repasser les diiferentes regies de I'arithmetique, car il comprenait I'importance du calcul pour son petit commerce. Un soir qu'il allait faire une nouvelle provision de 20 papier au depot de la fabrique Grandin, il fut tres sur- pris de ne pas voir le digne marchand. On lui dit qu'il etait gravement malade. Cette triste nouvelle fit une si profonde impression sur I'esprit de Jacques qu'il ne laissa pas passer un seul jour sans aller s'informer 25 de sa sante. Enfin, apres trois semaines de danger, les medecins declarerent le 'malade en convalescence et, un mois plus tard, il reparut dans son magasin. Jacques lui montra avec effusion toute sa joie de le revoir. 30 Quatre jours apres, il se presenta de nouveau au LA PiteCE DE CINQ FRANCS 35 magasin. A son entree, monsieur Duflot — c'etait le nom du marchand — regarda les v^ements de Jacques et lui dit en souriant : «Sais-tu bien, Jacques, que ton paletot est troue a 5 plusieurs endroits ? Puisque tes benefices augmen- tent, il me semble que tu peux acheter un costume neuf. — En effet, repondit le jeune marchand, j'ai econo- mise une petite somme, mais je la reserve pour m'etablir lo sous une porte cochere, dans un quartier tres frequente. J'espere reunir I'argent necessaire avant le printemps prochain. — Ecoute-moi, Jacques, dit alors M. Duflot ; je te connais maintenant ; j'ai confiance en toi et je veux 15 t^aider a t'etablir immediatement. Je vais te preter cent francs. Tu me les rendras peu a peu, selon tes moyens. Quant aux marchandises, tu pourras en pren- dre au depot autant que tu voudras et tu paieras seule- ment a la fin de chaque mois. 20 — Est-il possible ! Est-il possible que vous vouliez faire tout cela pour moi ? s'ecria Jacques, transporte d'allegresse. Vous etes vraiment un ange que le ciel m'envoie. — Non, mon enfant, je ne suis pas un ange, mais 25 j'aime a aider ceux qui, comme toi, ont du courage et de la probite.» Et M. Duflot, prenant cinq pieces d'or dans son comptoir, les mit dans la main de Jacques et lui con- seilla de se mettre immediatement a la recherche d'un 30 en droit avantageux. 36 LA PifeCE DE CINQ FRANCS VII Incapable d'exprimer sa joie et sa gratitiide autre- ment que par des larmes et des paroles incoherentes, Jacques quitta le magasin et ne perdit pas un seul ins- tant. Cependant ses efforts resterent quelques jours sans resultat. Son desir de s'etablir dans le voisinage 5 de M"^^ Gervais rendait les recherches plus difficiles. Or, il avait parmi ses clientes la concierge d'une tres belle maison de la rue Saint-Antoine. La porte cochere de cette maison etait occupee par une vieille femme qui vendait de petits articles de toilette. Un jour, Jacques 10 eut la pensee d'aller voir sa cliente pour iui demander si elle ne connaissait pas une porte cochere h louer dans le voisinage. En arrivant, il remarqua, h sa grande surprise, que la petite boutique avait disparu. 15 «0u est la vieille marchande ? dit-il a la concierge. — Elle est morte depuis trois jours, repondit-elle. — Et qui la remplacera sous la porte cochere? de- manda Jacques vivement. — Je ne sais pas encore ; la premiere personne qui 20 se presentera, a condition qu'elle soit sure et qu'elle paie bien. — Combien la vieille marchande payait-elle 1 — Quatre-vingt-dix francs. — Oh ! madame, vous pouvez me rendre un grand 25 service. Si vous me procurez la place sous la porte cochere, ma fortune est faite. Vous me connaissez, n'est-ce pas ? — Eh bien, repondit la concierge, la place est k LA Pl£CE DE CINQ FRANCS 37 toi a condition de payer d'avance vingt-deux francs, cinquante centimes tous les trois mois.» On comprend facilement le bonheur de Jacques. Le moment arriva done ou Jacques, habille de neuf 5 des pieds a la tete, se trouva assis pres d'une table sur laquelle il avait etale du papier et des enveloppes de diff erentes grandeurs, et tout un assortiment de plumes et de crayons. Au bout de quelques semaines, la reputation de pro- 10 bite du jeune homme et la qualite superieure de ses marchandises etaient connues de presque tous les habi- tants du quartier. Deux fois par semaine, il allait renouveler sa pro- vision de papier chez M. Duflot. La ponctualite de 15 ses paiements a la fin de chaque mois et le prompt remboursement des cent francs qu'il lui avait pretes, prouverent de plus en plus au riche marchand I'hon- netete de son jeune protege. Chaque jour, il s'attachait a lui davantage^ et lui parlait comme un pere k son fils. 20 Le succes de ses affaires rendait Jacques si heureux qu'il n'aurait jamais ambitionne un meilleur sort. II n'avait apporte aucune modification dans son existence. Mais, apres cinq ans passes sous la porte cochere de la maison de la rue Saint- An toine, il se trouva en pos- 25 session de quelques milliers de francs. Sur le conseil de M. Duflot, il loua sur le boulevard un joli magasin qu'il arrangea avec beaucoup de gout. En peu de temps, il devint le marchand le plus populaire du voi- sinage. 30 A cette epoque, cependant, I'obligation du service militaire causa quelques embarras dans ses affaires. 3^ LA Pl£CE DE CINQ FRANCS II la subit en bon patriote, sans murmurer. II confia la direction de son magasin a un employe intelligent et fidele et s'en alia rejoindre son regiment qui, fort heu- reusement, etait caserne a Fontainebleau, a quelques lieues de Paris. 5 Sa bonne conduite lui obtint de nombreux conges qui lui permirent de revenir souvent surveiller ses affaires, de sorte qu'il put servir a la fois son pays et ses interets personnels. Enfin, libere du service militaire, il put consacrer au lo commerce toute son energie et tout son temps. Dans I'intervalle, la vieille blanchisseuse etait morte et Jac- ques, sans passer pour un ingrat, put chercher un loge- ment dans une maison de meilleure apparence. Maintenant que sa fortune paraissait assuree, il ecri- 15 vit a son oncle pour lui offrir ses services et I'inviter k venir le voir, mais il eut la tristesse d'apprendre qu'il etait mort. Un jour, M. Duflot, chez qui Jacques dinait main- tenant tons les dimanches, lui declara qu'il avait pris 20 la resolution de se retirer des affaires et de passer dans le repos le reste de sa vie. II proposa a Jacques de prendre, pour un prix mod^re, sa part dans la fabrique Grandin et C^^. L'affaire fut promptement conclue. 25 Bientot apres, Jacques, qui pouvait desormais en- tretenir une famille dans I'aisance, epousa une jeune fille pauvre mais honnete. Et Dieu benit si bien ses nouvelles entreprises que I'ancien ramoneur de chemi- nee est aujourd'hui I'un des plus riches negociants de 30 la capitale. LA PIECE DE CINQ FRANCS 39 II pense souvent a son enfance laborieuse, au rude chemin qu'il a ete oblige de suivre pour arriver k la fortune. II se rappelle surtout avec plaisir le jour ou il trouva la piece d'argent. Quand I'anniversaire de ce 5 jour arrive, il ne manque jamais de porter vingt pieces de cent sous au cure de sa paroisse : «Distribuez-les, lui dit-il, aux enfants les plus hon- netes et les plus pauvres du quartier ; vous saurez mieux que moi les exhorter au travail, k I'economie et a 10 la confiance en Dieu.» CINQ SEMAINES EN BALLON I II y avail une grande affluence d'auditeurs, le 14 Janvier 1862, a la seance de la Societe Royale Geo- graphique de Londres, Waterloo Place, 3. Le president faisait a ses honorables collegues une importante communication dans un discours frequem- 5 ment interrompu par des applaudissements : le docteur Samuel Fergusson se proposait de traverser I'Afrique en ballon. L'un des membres de la Societe demanda au presi- dent si le docteur Fergusson ne serait pas officiellement 10 presente. «Faites entrer le docteur Fergusson, » dit simplement le president. Et le docteur entra au milieu d'un tonnerre d'applau- dissements. 15 C'etait un homme d'une quarantaine d'annees, de taille et de constitution ordinaires. II avait un visage froid, aux traits reguliers. Ses yeux, fort doux, plus intelligents que hardis, donnaient un grand charme a sa physionomie. Toute sa personne respirait une calme 20 gravite. II se dirigea vers le fauteuil prepare pour lui et re- clama le silence d'un geste aimable. Puis, debout, I'oeil fixe, Pair energique, il leva vers le ciel Tindex de 40 CINQ SEMAINES EN BALLON 4I la main droite, ouvrit la bouche et prononga ce seul mot ; « Excelsior !» II avait depasse I'eloquence du president. II se mon- 5 trait a la fois sobre, mesure, grand, sublime ; il avait dit le mot de la situation : « Excelsior !» Le lendemain, dans son numero du 15 Janvier, le Daily Telegraph publiait un article ainsi congu : 10 «L'Afrique va livrer enfin le secret de ses vastes soli- tudes. Le docteur Samuel Fergusson, I'intrepide ex- plorateur bien connu, se propose de traverser en bal- lon toute I'Afrique, de Test a I'ouest. Si nous sommes bien informes, le point de depart de ce surprenant 15 voyage serait I'ile de Zanzibar, sur la cote orientale. La Providence seule connait le point d'arrivee. Le projet de cette exploration scientifique a ete sou- mis hier, officiellement, k la Societe Royale Geogra- phique, qui a vote une somme de deux mille cinq cents 20 livres pour subvenir aux frais de rentreprise.» Comme on le pense, cet article eut un immense re- tentissement et souleva des tempetes d'incredulite. Bientot, cependant, le doute ne fut plus possible. Les preparatifs de voyage se faisaient a Londres ; les 25 fabriques de Lyon avaient regu une commande impor- tante de taffetas pour la construction du ballon ; enfin le gouvernement britannique mettait a la disposition du docteur le transport le Resolute^ capitaine Pennet. Plus d'un hardi aventurier se presenta, qui voulait 30 partager la gloire et les dangers du docteur, mais celui- ci refvisa sans dire pourquoi. 42 CINQ SEMAINES EN BALLON II avait un ami : Dick Kennedy. Ce Dick Kennedy etait un ficossais dans toute I'acception du mot, ouvert, resolu, obstine. II habitait la petite ville de Leith, pres d'fidimbourg. Sa taille depassait six pieds an- glais ; plein de grace et d'aisance, il paraissait doue 5 d'une force herculeenne. On le citait comme un mer- veilleux tireur k la carabine. Samuel Fergusson et Dick Kennedy avaient fait con- naissance dans I'Inde h Tepoque oil tous deux servaient dans le meme regiment. 10 Un matin, Dick Kennedy apprit les projets de son ami par T article du Daily Teleg7'aph. «Misericordel s'ecria-t-il. Le foul I'insense! Tra- verser I'Afrique en ballon 1 Voyager a travers les airs 1 Non, certes, cela ne sera pas. Je saurai bien Pen 15 empecher. Eh I si on le laissait faire, il partirait un jour pour la lune.» • Le lendemain matin, il descendait de voiture devant la petite maison du docteur, Soho Square, Greek Street. Fergusson lui ouvrit la porte. 20 «Dick ! dit-il sans trop de surprise, — Dick lui-meme, riposta Kennedy. Est-ce vrai ce que raconte ce journal? continua-t-il en lui tend ant le numero du Daily Telegraph. — Parfaitement. Et j'ai Tintention de t'emmener 25 avec moi. Je compte sur toi et je t'ai choisi k Pex- clusion de bien d'autres.» Kennedy etait stupefait. «Tu paries serieusement ? — Tres serieusement. 30 — Et si je refuse de t'accompagner ? CINQ SEMAINES EN BALLON 43 — Je partirai seul. — Voyons, voyons un peu, mon cher Samuel ; ton projet est insense ; il est impossible. As-tu trouve le moyen de diriger les ballons ? 5 — Non, c'est une utopie. — Mais alors tu iras . . . — Ou la Providence voudra ; mais cependant de Test h I'ouest. — Pourquoi cela ? lo — Parce que je compte me servir des vents alizes dont la direction est constante. — Mais si tu comptes voir du pays, si tu comptes monter et descendre h volonte, tu ne pourras pas le faire sans perdre beaucoup de gaz. 15 — Mon cher Dick, je ne perdrai pas un atome de gaz, pas une molecule. — Et tu descendras a volonte ? — Je descendrai h, volonte. — Et comment fer as-tu ? 20 — Ceci est mon secret, ami Dick.» Kennedy, bien decide k s'opposer par tons les moyens possibles au depart de son ami, feignit de partager son opinion. II L'intention du docteur Fergusson etait de completer 25 les explorations du docteur Barth et celles des capitai- nes Burton et Speke et de decouvrir les sources du Nil: c'etait s'engager h traverser une etendue de pays de plus de douze degres. Le docteur pressait activement les preparatifs de son 44 CINQ SEMAINES EN BALLON depart ; il dirigeait lui-meme la construction de son aerostat suivant certains plans sur lesquels il gardait un silence absolu. Depuis longtemps deja, il s'etait applique a I'etude de la langue arabe ; ne polyglotte, il fit de rapides pro- 5 gres. II occupait ses rares loisirs a refuter les objections de son ami Dick qui ne desesperait pas de le con- vaincre de Tinanite de son projet. Le docteur avait un domestique appele Joe. Ce lo gargon, d'une eternelle bonne humeur, avait voue a son maitre une confiance absolue et un devouement sans bornes. II avait deja accompagne le docteur dans plusieurs voyages et celui-ci s'en rapportait entierement k lui pour les soins materiels de son existence et il avait i5 raison. C'est pourquoi, quand son maitre congut le projet de traverser TAfrique par les airs, le brave Joe fut certain d'etre du voyage. II devait d'ailleurs rendre les plus grands services par son intelligence et sa merveilleuse 20 agilite. Samuel Fergusson s'etait pr^occupe longtemps d'a- vance des details de son expedition. Tout d'abord, il resolut de gonfler son ballon avec du gaz hydrogene qui est quatorze fois et demie plus leger que Pair. 25 Suivant des calculs tres exacts, il trouva qu'il devait donner a son aerostat une capacite de 44847 pieds cubes, mais, par suite d'un certain projet connu de lui seul, il decida de lui donner une capacite k peu pres double. 30 En outre, apres avoir longuement reflechi, il cons- CINQ SEMAINES EN BALLON 45 truisit deux ballons dinegale grandeur et les renferma I'un dans I'autre. Une soupape s'ouvrait d'un ballon k I'autre et permettait de les faire communiquer. L'enveloppe, en taffetas de Lyon enduit de gutta- 5 percha, pouvait retenir le fluide pendant un temps illimite. Le filet, destine k supporter la nacelle, etait en corde de chanvre d'une tres grande solidite. Les soupapes des deux ballons furent aussi I'objet de soins minutieux. 10 La nacelle, de forme circulaire et d'un diametre de quinze pieds, etait en osier. Pour amortir les chocs, on la pourvut, a la partie inferieure, de ressorts elas- tiques. Le docteur fit aussi construire cinq caisses de tole : 15 elles etaient reunies par des tuyaux pourvus de robi- nets. II y joignit un serpentin qui se terminait par deux branches droites d'inegale longueur. Outre les barometres, les thermometres, les boussoles et les autres instruments scientifiques destines au voy- 20 age, il se procura aussi trois ancres de fer et une echelle de sole legere et resistante, longue d'une cinquantaine de pieds. Les provisions consistaient en the, cafe, biscuits, viande salee et pemmican. Le docteur prepara aussi 25 deux caisses a eau, contenant chacune vingt-deux gal- lons. II n'oublia ni une tente qui devait recouvrir une partie de la nacelle, ni les couvertures qui composaient toute la literie de voyage, ni les fusils des chasseurs, 30 ni les provisions de poudre et de balles. Voici le resume des differents calculs du docteur; 46 CINQ SEMAINES EN BALLON livres livres Fergusson ..... 135 Viande, pemmican, bis- ] Kennedy 153 cuits, the, cafe, eau-de- J- 386 ]■ Joe 120 vie Poids du premier ballon . 650 Eau . . . . . . . 400 Poids du second ballon . 510 Appareil 700 5 Nacelle et filet .... 280 Poids de I'hydrogene . . 276 Ancres, instruments, fu-^ Lest 200 sils, couvertures, tente, MQO n^~i~\ ' . . ' I lotal .... 4000 ustensiles divers . . J II n'emportait que deux cents livres de lest «pour les cas imprevus seulement», disait-il, car il comptait bien 10 ne pas s'en servir, grace a son appareil. Ill Le I o f evrier, les prepa ratif s touchaient h leur fin ; les aerostats, renfermes Tun dans Tautre, etaient entiere- ment termines. Le 16 f evrier, le Resolute vint jeter I'ancre devant 15 Greenwich. C'etait un vaisseau a helice, de 800 ton- neaux. Les aerostats furent transporters avec les plus grandes precautions dans la cale du Resolute. La nacelle et ses accessoires, les ancres, les cordes, les pro- visions, les caisses a eau, tout fut arrange sous les j^eux 20 du docteur. On embarqua aussi dix tonneaux d'acide sulfurique et dix tonneaux de vieille ferraille pour la production du gaz hydrogene. Le 20 f evrier, un grand diner d'adieu fut donne au 25 docteur Fergusson et a Kennedy par la Societe Royale G^ographique. CINQ SEMAINES EN BALLON 47 Le lendemain, a cinq houres du matin, le Resohcte leva Tancre et, sous I'impulsion de son helice, fila vers la mer. Pendant les longues heures inoccupees du voyage, 5 Fergusson discuta avec Kennedy et les officiers du Re- solute les chances de succes de son expedition aerienne. Un jour, comme on parlait de la direction des aeros- tats, le docteur exprima ainsi son opinion : «Je ne crois pas qu*on puisse jamais diriger les bal- 10 Ions. Tous les systemes essayes ou proposes sont impra- ticables. Si Ton ne pent diriger un ballon, on peut du moins le maintenir dans les courants atmospheriques favorables. — Mais alors, dit le commandant Pennet, il faudra 15 constamment monter ou descendre. \A est la vraie difficulte, mon cher docteur. — En effet il n'est pas question de diriger les ballons, mais de les mouvoir de haut en bas sans perdre ce gaz qui est leur force, leur sang, leur ame, si je puis m'ex- 20 primer ainsi. — Vous avez raison, mon cher docteur, mais cette difficulte n'est pas encore resolue ; ce moyen n'est pas encore trouve. — Je vous demande pardon, il est trouve. 25 — Par qui ? — Par moi. — Par vous ? — Vous comprenez bien que, sans cela, je ne risque- rais pas cette traversee de TAfrique en ballon. 30 — Vous n'avez pas parle de cela en Angleterre. Peut-on vous demander votre secret ? 48 CINQ SEMAINES EN BALLON — Maintenant je puis le dire. Le voici, messieurs, et mon moyen est bien simple. La premiere partie de mon appareil, composee d'une forte pile de Bunsen et des caisses que vous avez vu embarquer, est tout simplement un chalumeau h gaz 5 oxygene et hydrogene dont la chaleur depasse celle des feux de forge. La seconde partie, composee d'un serpentin enferme dans une caisse de forme cylindrique et se terminant par deux tuyaux droits d'inegale longueur, constitue un 10 veritable calorifere. Les deux tuyaux sont pourvus de fortes articulations de caoutchouc qui leur permettent de se preter aux oscillations de I'aerostat. Le plus long descend des couches superieures du gaz hydrogene du ballon et I'autre, des couches inferieures. 15 Une fois le chalumeau allume, I'hydrogene du serpen- tin s'echauffe et monte rapidement par le long tuyau aux regions superieures de Taerostat. Le vide se fait en dessous et attire le gaz des regions inferieures qui s'echauffe a son tour et est continuellement remplace. 20 Un courant de gaz s'etablit ainsi dans les tuyaux du serpentin, un courant extremement rapide, sortant du ballon, y retournant et se surchauffant sans cesse. Or, les gaz augmentent de ^ J^ de leur volume par degre de chaleur; si je force la temperature de 180 25 degres, le gaz se dilatera de ^|§ ; il deplacera 16,740 pieds cubes de plus et sa force ascensionnelle s'aug- mentera de 1600 livres. Cela equivaut done a jeter ce meme poids de lest. C'est pourquoi j'ai donne a mon ballon une capacite 30 double et les 200 livres de lest que j'emporte ne sont que pour les cas imprevus. CIXQ SEMAIXES EX BALLOX 49 Vous le comprenez, messieurs ; je puis done facile- ment obtenir des ruptures d'equilibre considerables. Pour operer I'ascension, je porte le gaz a une tempe- rature superieure a la temperature ambiante au moyen 5 de mon chalumeau. Pour descendre, je modere la chaleur du chalumeau. Ainsi le ballon garde toujours sa meme charge d'hydrogene. Comme je puis descen- dre a volonte', je puis renouveler ma provision d'eau en route et mon voyage pent avoir une duree indefinie. 10 Voila mon secret; il est simple. Mon moyen est la dilatation et la contraction du gaz de I'aerostat : un calorifere pour produire les changements de tempera- ture necessaires, un chalumeau pour le chauffer. — Cependant, objecta le commandant Pennet, cela 15 pent etre dangereux. — Qu'importe, repondit simplement le docteur, si cela est praticable.» Un vent constamment favorable avait hate la marche du Resolute vers le lieu de sa destination. Le navire 20 arriva le 15 avril a onze heures du matin en vue de la ville de Zanzibar, situee sur Tile du meme nom et jeta I'ancre dans le port. Ayant appris par le consul anglais Phostilite des negres qui avaient decide de s'opposer par la force a 25 cette expedition qu'ils consideraient comme sacrilege, le commandant ht debarquer le ballon dans une des petites iles du port. Le gonfiement de Taerostat s'accomplit sans incident : I'appareil de dilatation fut monte avec un grand soin ; 30 les ancres, les cordes, les instruments, les couvertures de voyage, la tente, les provisions, les amies prirent So CINQ SEMAINES EN BALLON dans la nacelle la place qui leur etait assignee. Les provisions d'eau furent faites a Zanzibar. Les deux cents livres de lest furent reparties dans cinquante sacs places au fond de la nacelle. Le i8 avril, tout etait pret. 5 Au moment du depart, Kennedy prit la main de Fergusson et dit : «I1 est bien decide, Samuel, que tu pars? — Cela est decide, mon cher Dick. — J'ai bien fait tout ce qui dependait de moi pour lo empecher ce voyage. — Tout. — Alors j'ai la conscience tranquille et je t'accom- pagne. — J 'en etais sur,» repondit le docteur. 15 Le moment des adieux etait arrive': a neuf heures, les trois compagnons de route prirent place dans la nacelle. Le docteur alluma le chalumeau et le ballon commenga bientot k se soulever. «Mes amis, s'ecria le docteur en otant son chapeau, 20 donnons a notre navire aerien un nom qui lui porte bonheur. Qu'il soit baptise le Victoria /» Un hourra formidable lui repondit. Alors Fergusson cria : «Lachez tout,» et le Victoria s'eleva rapidement dans les airs. 25 IV Le ciel etait pur, le vent mod ere ; le Victoria monta presque perpendiculairement k une hauteur de 1500 pieds. Quel magnifique spectacle se deroula alors aux yeux des voyageurs ! L'ile de Zanzibar s'oifrait tout CINQ SEMAINES EN BALLON 51 entiere a la vue. Les habitants apparaissaient comme des insectes et le Resolute ressemblait k une simple barque. «Que tout cela est beaul» s'ecria Joe, rompant le 5 silence le premier. Au bout de deux heures, le Victoria etait pr^s de la cote du continent africain. Le docteur resolut de se rapprocher de la terre. II modera la flamme du chalu- meau et bientot le ballon descendit ^ trois cents pieds 10 du sol. En passant au-dessus d'un village, ils apergurent toute la population rassemblee, poussant des cris de colere et langant des fieches contre ce monstre des airs. Kennedy et Joe devinrent loquaces. 15 «Fi des diligences ! disait I'un. — Fi des steamers ! disait I'autre. — Fi des chemins de fer avec lesquels on traverse les pays sans les voir ! ripostait Kennedy. — Vivent les voyages en ballon !» reprenait Joe. 20 Quel spectacle ! quelle admiration ! quelle extase 1 Un reve dans un hamac ! Le pays se distinguait par son extreme fertilite. Des sentiers sinueux disparaissaient sous des voutes de ver- dure. Puis c'etaient des champs cultives de tabac, de 25 mais, de riz, d'orge en pleine maturite. Une vegeta- tion luxuriante couvrait ce sol prodigue, parseme de nombreux villages. A la vue du ballon, c'etaient partout les memes scenes de stupefaction, les memes cris de terreur ou 30 de colere. Le docteur se tenait prudemment hors de la portee des fieches. 52 CINQ SEMAINES EN BALLON Les aeronautes avangaient avec une rapidite de douze milles k I'heure. Vers six heures du soir, le Victoria se trouva en face du mont Duthumi ; pour le franchir, il s'eleva k plus de 3000 pieds. On pent dire que le docteur manoeuvrait veritablement son ballon a la main. 5 A huit heures, ils arriverent sur le versant oppose. Les ancres furent lancees au dehors de la nacelle et I'une d'elles, rencontrant les branches d'un arbre enorme, s'y accrocha fortement. Aussitot Joe se laissa glisser par la corde et Tassujettit avec la plus grande solidite. 10 L'echelle de soie lui fut lancee et il remonta rapide- ment. Apres le repas du soir, on decida de diviser la nuit en trois quarts, afin que chacun put veiller a son tour k la surete des deux autres. Fergusson prit le quart 15 de neuf heures, Kennedy celui de minuit, et Joe celui de trois heures du matin. Done Kennedy et Joe, enveloppes de leurs couver- tures, s'etendirent sous la tente et dormirent paisible- ment tandis que le docteur veillait. 20 La nuit fut calme, mais, le matin, le temps changea: le del se couvrit de nuages epais et une pluie violente assaillit bientot nos voyageurs. Grace a une manoeuvre adroite de Joe, I'ancre fut decrochee, et, au moyen de l'echelle, Joe regagna la 25 nacelle. Fergusson dilata vivement le gaz et le Victoria reprit son vol, pousse par un vent tres fort. Dix minutes apres, les voyageurs avaient depasse la zone humide. Vers dix heures du matin, I'atmosphere s'eclaircit, la 30 terre reparutet le Victoria s'en rapprocha insensiblement. CINQ SEMAINES EN BALLON S3 Le docteiir cherchait un courant qui le portat plus a I'ouest et il le rencontra a six cents pieds du sol. II manoeuvrait son ballon avec une merveilleuse dexterite. A onze heures, le Victoria s'eleva a six mille pieds 5 pour franchir le mont Rubeho et cependant le vaste aerostat n'etait rempli qu'aux trois quarts. Le docteur et ses compagnons se sentaient dans un etat anormal ; Pair respirable commengait a manquer. Mais le ballon descendit bientot le versant oppose du Rubeho et s'ap- 10 procha du sol. On langa les ancres et Tune d'elles s'accrocha dans les branches d'un vaste sycomore. «Maintenant, dit Fergusson, pendant que je vais mettre mes notes en ordre, prenez vos fusils et tachez de nous rapporter quelques belles tranches d'antilope. 15 Ce sera pour notre diner. — En chasse ! s'ecria Kennedy. — Bonne chance, continua le docteur, et soyez pru- dents. D'ailleurs, de mon poste, j'observerai le pays et, a la moindre chose suspecte, je tire un coup de carabine. 20 Ce sera le signal du ralliement.» Dick et Joe descendirent. Apres une demi-heure de marche, ils virent dans le lit d'un torrent desseche une troupe d'une dizaine d'antilopes. Kennedy contourna quelques massifs tandis que Joe demeurait immobile. 25 Kennedy, parvenu \ portee de fusil, fit feu. La troupe disparut a I'instant. Seule une antilope male tomba foudroyee. C'etait un magnifique animal. Au moment ou Joe retirait du corps de Tantilope une douzaine de cotelettes et les morceaux les plus tendres 30 du filet, un coup de fusil retentit dans Pair. «Un signal 1 54 CINQ SEMAINES EN BALLON — Un danger pour nous. — Pour lui, peut-etre, repliqua Joe. — En route. » lis ramasserent rapidement le produit de leur chasse et se dirigerent vers le ballon en courant. Un second 5 coup de feu retentit. «Cela presse, dit Joe. — Hatons-nous.» Et ils coururent a toutes jambes. Bientot ils aper- gurent le ballon et Joe, dont la vue etait extraordinaire, 10 s'ecria : «C'est une troupe de negres qui assifegent le Victoria.^ En effet une trentaine d'individus se pressaient, criant et gesticulant au pied du sycomore. Quelques-uns grimpaient dejk dans Tarbre. Le danger etait im- 15 minent. «Mon maitre est perdu,» s'ecria Joe. En ce moment, un nouveau coup de fusil partit de la nacelle. Un corps sans vie tomba de branche en branche et resta suspendu a une vingtaine de pieds du 20 sol, les bras et les jambes se balangant dans Fair. « Eh bien 1 dit Joe ; comment se tient-il suspendu, cet animal-Ik ? Ah ! monsieur Kennedy, continua-t-il en eclatant de rire : un singe! ce ne sont que des singes. » C 'etait une troupe de cynocephales assez redoutables, 25 feroces et brutaux, mais quelques coups de fusil la disperserent. Bientot apres, le Victoria s'elevait dans les airs et se dirigeait vers Fouest sous 1' impulsion d'un vent modere. «Nous t'avons cru assiege par des indigenes, dit 30 Kennedy. CINQ SEMAINES EN BALLON 55 — Ce n'etaient que des singes heureusement,» re- pondit le docteur. On se mit a table et les beefsteaks d'antilope, pre- pares par Joe, furent declares excellents. 5 Vers sept heures, I'aerostat planait sur le bassin du Kanyeme. Le vent tomba avec le jour. Le docteur, voyant le calme de la nature, resolut de passer la nuit dans les airs. Le ballon demeurait immobile. La nuit fut froide et troublee par le concert nocturne 10 des animaux sauvages. En reprenant son poste le matin, Fergusson consulta sa boussole et s'apergut que la di- rection du vent avait change pendant la nuit, Le Vic- toria derivait vers le nord-est. Vers sept heures, une roche ronde, d'environ deux milles d'etendue, apparut 15 comme une immense carapace. «Nous sommes sur le bon chemin, dit le docteur. Voilk Jihoue-la-Mkoa.» Vers deux heures, par un temps magnifique, sous un soleil de feu, le Victoria planait au-dessus de la ville de 20 Kazeh, situee a trois cent cinquante milles de la cote. «Nous sommes partis de Zanzibar a neuf heures du matin, dit Fergusson a ses compagnons, et, apres deux jours de voyage, nous avons parcouru par nos deviations prfes de cinq cents milles geographiques. Les capitaines 25 Burton et Speke mirent quatre mois et demi a faire le meme chemin. V Kazeh est le rendez-vous general des caravanes. 30 C'est pourquoi sur le marche il regne une agitation per- pdtuelle, un brouhaha sans nom. La s'etalent en de- S^ CINQ SEMAINES EN BALLON sordre les etoffes voyantes, les ivoires, le miel, le tabac, le coton. Tout d'un coup, cette agitation, ce mouvement, ce bruit cessa. Le ballon venait d'apparaitre dans les airs : il planait majestueusement et descendait peu a 5 peu. Hommes, femmes, enfants, esclaves, Arabes et negres, tout disparut dans les huttes. Pourtant, poussee par la superstition ou la curiosite, toute la population reparut bientot et, comme elle sem- blait bien disposee, le Victoria qui s'etait insensiblement 10 rapproche de la terre, accrocha Tune de ses ancres au sommet d'un arbre pres de la place du marche. Un des sorciers adressa quelques paroles aux voya- geurs dans une langue inconnue. Le docteur I'interpella en arabe et I'orateur, lui repondant dans cet idiome, 15 prononga un long discours. Fergusson comprit que Paerostat etait tout simplement pris pour la Lune et lui-meme et ses deux compagnons pour les trois fils de cette aimable deesse. Le sorcier implorait Tintervention celeste pour la guerison du sul- 20 tan, malade depuis de longues annees et invitait les fils de la Lune a le visiter. Le docteur annonga a ses compagnons son intention d'accepter cette etrange invitation. «Mes amis, leur dit-il, il faut tout prevoir ; Dick, 25 reste dans la nacelle et, au moyen du chalumeau, main- tiens une force ascensionnelle suffisante. Joe descendra avec moi et restera au pied de I'echelle. II n'y a rien k craindre. Je suis protege par la superstition. » Sans ecouter les protestations de ses compagnons, 30 il se munit de sa pharmacie de voyage et, conduit au - CINQ SEMAINES EN BALLON 57 son des instruments, il se dirigea vers la hutte royale, situee assez loin de la ville. II y fut regu avec de grands honneurs par le fils, les favoris et les gardes du sultan. II penetra dans la 5 case et s'avanga jusqu'au lit du souverain. II vit \h un homme d'une quarantaine d'annees, abruti par une ivresse perpetuelle. II n'y avait rien a faire. Le doc- teur donna au royal ivrogne un violent cordial qui le ranima un instant. 10 Vers six heures, Joe et Dick virent le docteur revenir en toute hate au milieu d'une multitude bruyante et surexcitee. On entourait Fergusson, on le poussait, on le bousculait. Qu'etait-il arrive ? Une crainte supers- titieuse retenait encore la foule. Enfin, le docteur 15 arriva au pied de Techelle et monta rapidement les echelons en disant k Joe : «Pas un instant k perdre. Monte avec moi; nous couperons la corde. — Qu'est-il done arrive ? dit Kennedy quand le doc- 20 teur entra dans la nacelle. — Regardez, repondit son ami en montrant I'hori- zon. — Eh bien ? demanda le chasseur. — Eh bien ! la lune !» 25 La lune, en effet, se levait rouge et splendide, un globe de feu sur un fond d'azur. C'etait bien elle I Elle et le Victoria I Ou il y avait deux lunes ou les etrangers etaient des imposteurs, des intrigants, des faux dieux. 30 De la, fureur de la foule. Joe ne put retenir un immense eclat de rire. S8 CINQ SEMAINES EN BALLON «Faut-il couper la corde ? demanda-t-il en s'elangant une hachette a la main. — Attends, » repondit le docteur, Un sorcier grimpait dans I'arbre avec Pintention de saisir la corde de I'ancre et d'amener la machine a 5 terre. II reussit a decrocher I'ancre, mais celle-ci, vio- lemment attiree par I'aerostat, attrapa entre les jambes le sorcier, qui partit pour les regions de Pair, a cheval sur cet hippogriffe inattendu. La stupefaction de la foule fut immense. 10 «Hourra !» cria Joe pendant que le Victoria montait avec une grande rapidite. «Nous replacerons ce negre tranquillement a terre un peu plus loin, dit le docteur ; un petit voyage dans les airs ne lui fera pas de mal. Apres une telle aven- 15 ture, ses contemporains sont capables d'en faire un dieu.» Le sorcier se cramponnait a la corde avec une ener- gie terrible. II etait silencieux, ses yeux demeuraient fixes. Sa terreur etait melee d'etonnement. 20 Une demi-heure plus tard, le docteur modera la flamme du chalumeau et se rapprocha de la terre. A six ou sept metres du sol, le negre s'elanga, tomba sur les pieds et se mit a courir vers Kazeh tandis que le Victoria remontait dans les airs. 25 Les voyageurs se trouverent vers huit heures du soir au-dessus des plaines ondulees et fertiles du pays de la Lune. Les courants atmospheriques, sous I'influence d'un orage prochain, les poussaient vers le nord-nord- est avec une vitesse de trente milles a I'heure. 30 «Voici la nuit, dit le docteur, une nuit menagante. CINQ SEMAINES EN BALLON 59 escortee d'un orage. Or, les orages sont terribles dans cette contree ou le sol est dispose comme une immense batterie electrique. — Eh bien, demanda Kennedy, ne serait-ce pas le 5 cas de descendre ? — Au contraire, Dick, j'aimerais mieux monter.» La nature entiere offrait les symptomes d'un cata- clysme prochain. L'obscurite devenait profonde. Tout d'un coup, un eclair violent, rapide, incisif, zigzagua 10 dans la nuit et fut immediatement suivi d'un effrayant eclat de tonnerre. «Alerte !» s'ecria Fergusson, Et il poussa activement la flamme du chalumeau dans les spirales du serpentin. 15 Les orages des tropiques se developpent avec une rapidite comparable a leur violence. Un second eclair dechira la nue et fut aussitot suivi de vingt autres. Le ciel etait z^bre d'etincelles electriques. Dans cette partie de I'Afrique, pendant les orages 20 equatoriaux, il n'est pas rare de compter de trente a trente-cinq eclairs a la minute. Le ciel est litterale- ment en feu et les eclats de tonnerre ne discontinuent pas. Le vent soufflait avec une violence effrayante dans •25 une atmosphere embrasee. Le ballon se dilatait et montait, mais les voyageurs subissaient d'inquietantes oscillations. L'aerostat tournoyait, tourbillonnait et continuait sa marche ascensionnelle au milieu d'une sorte de grele. Au bout d'un quart d'heure, il avait 30 depasse la zone orageuse. «Quel joli spectacle !» s'ecria Joe. 6o CINQ SEMAINES EN BALLON C^est en effet I'un des plus beaux spectacles que la nature puisse donner a Thomme. En bas, I'orage. En haut, le ciel etoile, tranquille, muet, impassiblei «Grace a Dieu, tout danger est passe, dit le docteur. — C'etait effrayant,» ajouta Kennedy. - . 5 Vers six heures du matin, le lundi, les nuages se dis- siperent. La terre, toute parfumee, reparut aux yeux des voyageurs. Le Victoria se dirigeait vers le nord- ouest avec une vitesse moderee. «Nous sommes dans la bonne direction, » dit le doc- 10 teur en consultant sa boussole. A midi, il fut decide qu'on descendrait au premier endroit favorable. On devait faire une halte prolongee. Les ancres, lancees au dehors de la nacelle, trainerent bientot sur les hautes herbes d'une immense prairie ; 15 le gazon avait de sept a huit pieds d'epaisseur. Pas un obstacle en vue, pas meme un arbre. C'etait comme un ocean de verdure. Tout a coup, le ballon subit une forte commotion ; I'ancre s'etait accrochee. Joe s'appretait a jeter I'echelle 20 quand un cri aigu retentit dans Pair. «Qu'est cela ? — Un cri singulier ! — Tiens ! nous marchons.» Quelque animal s'agitait dans les herbes et bientot 25 une forme allongee et sinueuse s'eleva au-dessus d'elles, «Un serpent ! s'ecria Joe. — Eh non ! repondit Fergusson, c'est une trompe d'elephant. — Un elephant !» 30 Et Kennedy, armant sa carabine, I'^paula- CINQ SEMAINES EN BALLON 6l «Attends, Dick, attends ; ranimal nous remorque dans la bonne direction. » L'elephant s'avangait avec une certaine rapidite. II etait de taille gigantesque et portait deux defenses 5 blanchatres d'environ huit pieds de long ; les pattes de Tancre etaient fortement prises entre elles. «Voila une nouvelle maniere de voyager, dit Joe. En avant I En avant I L'animal prit un galop fort rapide et cette course dura 10 pres d'une heure et demie. Le pachyderme ne semblait aucunement fatigue. Mais une foret apparaissait au nord de la prairie. II devenait des lors urgent de se- parer le ballon de son conducteur improvise. Kennedy fut charge d'arreter l'elephant dans sa course ; il epaula 15 sa carabine, mais il etait mal place pour tirer surement. La premiere balle s'aplatit sur le crane de l'animal. « Quelle tete dure !» dit Joe. Le chasseur continua a tirer sans autre resultat que d'accelerer la course de l'elephant qui s'approchait ra- 20 pidement de la foret. Le docteur, la hache a la main, etait pret h couper la corde en cas de necessite. Dix coups de feu retentirent encore. Tout k coup, l'elephant fit un bond effrayant et donna a la nacelle une telle secousse que la hache tomba des mains du 25 docteur sur le sol. La situation devint terrible alors ; on n'etait plus qu'k quelques pas du bois. Enfin l'animal re9ut une balle dans I'oeil. II s'arreta, hesita et presenta le fianc au chasseur. 30 «Une balle au coeur,» cria celui-ci en dechargeant sa carabine une dernifere fois. 62 CINQ SEMAINES EN BALLON L'elephant poussa un rugissement de detresse et d'agonie, fit tournoyer sa trompe un instant, puis tomba. II etait mort. Aprfes que les voyageurs furent descendus, Joe dit : «Je m'engage h vous preparer un repas succulent aux 5 depens de cet animal. M. Kennedy va chasser une heure ou deux; M. Samuel s'occupera de ses notes et de ses dessins, et pendant ce temps-la je vais faire la cuisine. » Deux heures apres, Joe cria de sa plus belle voix : 10 «Le diner est servi.» Les convives declarerent exquis les pieds et la trom- pe de l'elephant. La campagne semblait si tranquille, si deserte que le docteur r^solut de passer la nuit h terre. Joe dressa 15 un cercle de feux, barriere indispensable contre les betes feroces. VI Le lendemain matin, le Victoria^ rendu k la iiberte, entraina les voyageurs vers Touest avec une vitesse de dix-huit milles. II traversa de nombreux villages, 20 franchit le sommet du Rubemhe et arriva bientot en vue du lac Ukereoue, berceau presume du Nil. Ce lac a ete nomme Nyanza Victoria par le capitaine Speke. C'est une veritable mer interieure. Fergusson se sentait emu ; il touchait a I'un des 25 points principaux de son exploration : la decouverte des sources du Nil. Vers six heures du soir, le Victoria s'etablit dans une des petites iles dont le lac est parseme. CINQ SEMAINES EN BALLON (^i Le mercredi, 23 avril, le ballon continua a se dinger vers le nord, franchit I'equateur et, vers neuf heures, se rapprocha de la cote occidentale du Nyanza Vic- toria. Une gorge profonde et sinueuse entre de 5 hautes montagnes livrait passage a une riviere bouil- lonnante. «Voyez, s'ecria le docteur, voyez, mes amis. Les recits des Arabes etaient exacts. lis parlaient d'un fleuve par lequei le lac se dechargeait vers le nord, et 10 le fleuve existe, et nous le descendons, et il coule avec une rapidite comparable a notre propre vitesse. C'est le Nil. — C'est le Nil, repeta Kennedy. — Vive le Nil ! s'ecria Joe. 15 — Nous en aurons des preuves certaines, irrecusables, si le vent nous favorise quelque temps encore. » Le Victoria suivait le lit du fleuve. Bientot les voyageurs apergurent une cascade, presque perpendi- culaire, de vingt pieds de hauteur environ et par conse- 20 quent infranchissable. «Voila bien la cascade indiquee par M. Debono,» s'ecria le docteur. Soudain il saisit sa lunette d'approche et la braqua sur une ile au milieu du fleuve. 25 «Quatre arbres 1 s'ecria-t-il ; voyez, la-bas. C^est Pile de Benga ; c'est bien elle.» Le Victoria s'en rapprocha et bientot I'une de ses ancres s'accrocha a une branche d'arbre. «Descendons, dit le docteur. Suis-moi, Kennedy ; 30 je dois avoir un temoin.» Et il emmena son compagnon vers un groupe de 64 CINQ SEMAINES EN BALLON rochers a la pointe de Tile ; la, il chercha quelque temps. Tout a coup, il saisit le bras du chasseur. «Regarde, dit-il. — Des lettres !» s'ecria Kennedy. En effet, deux lettres gravees sur le roc apparaissaient 5 dans toute leur nettete. On lisait distinctement : A.D. «A. D., reprit le docteur, les initiales d'Andrea De- bono, la signature meme du voyageur qui a remonte le - plus avant le cours du Nil. 10 — C'est irrecusable, ami Samuel, dit Kennedy. C'est le Nil.» Dix minutes apres, le Victoria s'elevait majestueuse- ment et s'eloignait peu a peu du fleuve. Les jours suivants, les voyageurs traverserent une 15 contree immense, quelque chose de grand comme TEurope. Le 25 avril, ils virent un combat entre deux peuplades. Les combattants etaient au nombre de trois cents environ. Des qu'un ennemi tombait, son adver- saire se hatait de lui couper la tete. 20 Le 27 avril, le Victoria se trouvait en pleines mon- tagnes ; le soir, les explorateurs jouirent d'un spectacle grandiose : le cratere d'un volcan deversait des torrents de lave en fusion et projetait des quartiers de roche a une grande hauteur. 25 Le 29, au soir, le ballon se trouvait en droite ligne a quatorze cents milles de Zanzibar. L'aspect de cette partie de I'Afrique etait inquietant. La vegetation dis- paraissait. Les aeronautes etaient menaces de man- quer d'eau. Devant eux s'etendait toute I'immensite 30 du desert. Et pas un nuage au ciel. Un courant tres CINQ SEMAINES EN BALLON 65 faible poussait I'aerostat vers Thorizon occidental. A la fin de la journee du 30, le Victoria n'avait pas fran- chi trente milles. Le lendemain etait le premier mai, un jeudi. Le 5 ballon demeurait sans mouvement et pas un changement ne se faisait dans le ciel immobile. 11 fallait trouver de Teau a tout prix. II n'en restait que quelques gallons pour alimenter le chalumeau. On ne pouvait plus marcher que cinquante-quatre heures. 10 Les trois voyageurs esperaient rencontrer quelque oasis, quelque puits ou ils pourraient renouveler leurs provisions d'eau. Mais ce qui leur manquait, c'etait le vent. La route, parcourue par le Victoria pendant la journee du vendredi, n'exceda pas dix milles. Le 15 samedi matin, le docteur dit, en donnant le signal du depart : «Nous ne pouvons plus marcher que six heures. Si dans six heures nous n'avons decouvert ni puits, ni source, Dieu sait ce que nous deviendrons.» 20 La chaleur devint intolerable et le thermometre, a I'ombre, sous la tente, marqua 113 degres Fahrenheit. II restait a peine deux pintes d'un liquide echauffe. Deux pintes au milieu d'un desert ! Les souffrances de la soif commencerent a se faire 25 sentir cruellement. Enfin I'eau d'alimentation s'epuisa; le chalumeau s'eteignit faute de gaz ; la pile de Bunsen cessa de fonctionner. Comme le niveau du sol se trouvait alors au niveau de la mer par suite de sa constante depression, le bal- 30 Ion, se contractant, descendit doucement sur le sable et se maintint dans un equilibre parfait et une immobilite 66 CINQ SEMAINES EN BALLON absolue. Le poids des voyageurs fut remplace par une charge equivalente de sable et ils mirent pied a terre. Le docteur calcula qu'ils etaient k environ cinq cents milles du lac Tchad et h plus de quatre cents milles du golfe de Guinee. 5 Pendant la nuit, personne ne veilla, mais personne ne dormit. La chaleur etait etouffante. Le premier soin du docteur fut, le lendemain, de consulter son barometre. La colonne de mercure ne montrait pas de depression appreciable. II examina le ciel : meme lo chaleur, meme purete, meme implacabilite. Toute la journee, Kennedy fut en proie au delire. Vers le soir, Joe fut pris h, son tour d'un commence- ment de folic. On ignore ce qui se passa pendant cette nuit affreuse. Le mardi matin, il leur fut impossible 15 de se lever. Kennedy etait effrayant : il balan9ait la tete de droite et de gauche comme une bete feroce en cage. Tout d'un coup, le docteur qui regardait dans I'es- pace un point imaginaire avec une fixite idiote, s'ecria : 20 «Le simoun ! le simoun !» La plaine s'agitait comme une mer en fureur par un jour de tempete : une immense colonne venait du sud- est en tournoyant avec une extreme rapidite. Les trois voyageurs, subitement rendus h la raison, 25 se haterent de rejeter rapidement le sable qui lestait la nacelle. Le ballon s'eleva. II etait temps. Enveloppe dans I'immense deplacement d'air, il fut entraine avec une vitesse incalculable au-dessus de cette mer de sable. 30 A trois heures, la tourmente cessait ; le Victoria^ re- CIXQ SEMAINES EN BALLON 67 devenu immobile, planait en vue d'une oasis. Aussitot, ouvrant la soupape superieure, le docteur donna pas- sage a Thydrogene et descendit a deux cents pas du bouquet de verdure. En quatre heures, les voyageurs 5 avaient franchi un espace de deux cent quarante milles. La nacelle fut aussitot equilibree. Dick se precipita sur sa carabine et Joe prit un des fusils. lis s'avan- cerent rapidement jusqu'aux arbres et penetrerent sous cette fraiche verdure qui leur annongait des sources 10 abondantes. Soudain un rugissement retentit a vingt pas d'eux. «Le rugissement dun lion, dit Joe. — Tant mieux ! repliqua le chasseur. — Soyez prudent, monsieur Dick, soyez prudent. » 15 Mais Kennedy ne I'ecoutait pas ; il s'avangait, I'oeil ardent, la carabine armee, terrible dans son audace. Sous un palmier, un enorme lion se tenait en posture d'attaque, Des qu'il apergut le chasseur, il bondit, mais une balle le frappa au coeur au moment ou il 20 touchait terre : il tomb a mort. «Hourra ! hourra !» s'ecria Joe. Kennedy se precipita vers le puits de Toasis et se trouva devant une source fraiche dans laquelle il trempa ses levres. Joe I'imita; puis il remplit une bouteille et 25 la porta k son maitre. VII Aprfes les horribles souffrances de la veille, les trois a^ronautes trouverent delicieuse cette soiree passee sous le frais ombrage de Toasis. Le docteur resolut d'attendre en cet endroit un vent favorable. Pendant 6S CINQ SEMAINES EN BALLON la nuit du 9 mai, la temperature s'abaissa subitement et Joe qui veillait, cria : « Alerte 1 voici le vent ; c'est une tempete.» lis coururent au Victoria. Le docteur prit sa place habituelle, alluma son chalumeau et jeta I'exces de 5 poids. II dtait temps. Les voyageurs s'avancerent avec une grande rapidite et aper9urent bientot quelques symptomes de vegeta- tion. Apres douze heures de voyage k travers un pays d'une dtonnante fertilite, le ballon se trouva sur les 10 confins de la Nigritie. Un fleuve apparut aux yeux des adronautes. Le docteur reconnut le Benoue, Tun des plus grands affluents du Niger. Le lendemain, I'aerostat franchit les hauts sommets des montagnes qui separent le bassin du Niger du 15 bassin du lac Tchad. Le 1 1 mai, il continua sa course aventureuse ; vers neuf heures, il planait au-dessus de la grande ville de Mosfeia et, un peu plus tard, au- dessus de celle de Kernah. A la vue du Victoria^ I'effet, si souvent produit, se 20 renouvela : d'abord des cris, puis une stupefaction pro- fonde ; les affaires furent abandonnees, les travaux sus- pendus. La nuit vint. Le vent ne soufflait plus. II fallut se r^signer a rester immobile a trois cents pieds du sol. 25 II regnait un silence de mort. Vers minuit, la ville parut comme embrasee. « C'est singulier, dit Kennedy; on dirait que I'in- cendie monte et s'approche de nous.» En effet, une masse de feu s'elevait vers le Victoria, 30 Joe se prepara a jeter du lest. Fergusson eut bientot CINQ SEMAINES EN BALLON 69 I'explication de ce phenomene. Des milliers de pigeons, la queue garnie de matieres combustibles, avaient ete lances contre le ballon. Effrayes, ils montaient en tragant dans 1' atmosphere leurs zigzags de feu. 5 Deja les pigeons environnaient la nacelle. Le doc- teur n'hesita pas : il fit jeter du lest et se tint hors des atteintes de ces oiseaux dangereux. Pendant deux heures, on les aper9ut ga et Ik dans la nuit ; puis peu a peu leur nombre diminua et enfin ils disparurent com- 10 pletement. Vers trois heures du matin, le Victoria reprit sa marche : le vent le portait vers le nord-nord-est. Le docteur s'ecria : «Si ce vent continue, nous decouvrirons le lac Tchad 15 aujourd'hui meme. C'est aujourd'hui le 12 mai ; nous sommes partis le 18 avril ; c'est done vingt-cinq jours de marche. Encore une dizaine de jours et nous arri- verons a la c6te.» Le Victoria suivait alors directement le cours du 20 Shari au milieu d'une nature riche et verdoyante. Vers neuf heures, il atteignit enfin la rive meridionale du lac Tchad qui, dans sa plus grande longueur et sa plus grande largeur, mesure environ cent vingt milles. Le ballon rencontra un courant qui le porta un peu vers 25 I'ouest et les voyageurs virent dans le lointain la ville de Kouka, la celebre capitale du Bornou. Joe regardait I'horizon et admirait le panorama ; tout a coup, il appela I'attention du docteur sur une troupe de gros oiseaux qui se dirigeaient vers le ballon. 30 C'etaient des vautours de la plus grande taille. lis s'avangaient vers le Victoria^ plus irrites qu'effrayes de sa presence. 76 CINQ SEMAINES EN BALLON Fergusson, inquiet, resolut de s'elever dans Patmos- phere pour echapper a ce dangereux voisinage. Les vautours monterent avec lui. Kennedy avait une furieuse envie de tirer sur eux. Mais le docteur lui dit: ^ 5 «Dick, la situation est tres dangereuse. N'excite pas ces oiseaux a nous attaquer. D'un coup de bee ou de serre, ils peuvent facilement dechirer I'enveloppe qui nous soutient et nous sommes a trois mille pieds de hauteur. Attends ; tiens-toi pret en cas d'attaque, mais lo ne fais pas feu sans mon ordre.» En cet instant, Tun des plus farouches oiseaux piqua droit sur le Victoria^ le bee et les serres ouvertes. «Feu 1 feu 1» cria Fergusson. Et Poiseau, frappe a mort, tomba en tournoyant dans 15 I'espace. Effrayes par la detonation, les vautours s'eloignerent un instant, mais ils revinrent presque aussitot a la charge avec une rage extreme. Changeant de tactique et d'un commun accord, ils s'eleverent au-dessus du 20 Victoria, Malgre son Anergic et son impassibilite, le docteur devint tres pale. II y eut un moment de silence ef- frayant. Puis un bruit strident se fit entendre comme celui de la sole qu'on dechire. 25 «Nous sommes perdus'!» s'ecria Fergusson. Jetez le lest, jetez.» Dick et Joe obeirent. «Videz les caisses a eau. Nous sommes precipites dans le lac. Jetez les provisions, les provisions !» 30 Les malheureux tombaient tou jours. CINQ SEMAINES EN BALLON 71 «Jetez, jetez encore ! s'ecria une derniere fois le doc- teur. — II n'y a plus rien k jeter, dit Kennedy. — Si !» repondit laconiquement Joe. 5 Et il disparut par-dessus le bord de la nacelle. Le ballon deleste reprit sa marche ascensionnelle, remonta h mille pieds dans les airs et le vent, s'engouf- frant dans I'enveloppe exterieure degonflee, le poussa vers les cotes septentrionales du lac. 10 «Perdu I dit le chasseur avec un geste de d^sespoir. — Perdu pour nous sauver I repondit Fergusson. — Quel parti prendre ? demanda Kennedy. — Descendre a terre, des que ce sera possible, puis attendre.» 15 Apres une marche de soixante milles, le Victoria descendit sur une cote deserte au nord du lac. La nuit vint, mais ni Fergusson, ni Kennedy ne purent trouver un instant de sommeil. Le lendemain, 13 mai, le docteur et Dick debarras- 20 serent I'aerostat de son enveloppe exterieure. Le ballon etait alors diminue d'un cinquieme et sa force ascension- nelle dtait reduite a trois mille livres environ. Kennedy alia k la chasse pour remplacer les provisions qu'on avait jetees par-dessus bord. 25 Le 14, les deux voyageurs deciderent d'aller k la recherche de Joe. Le vent etait propice. A sept heures du matin, I'ancre fut detachee, le gaz se dilata, I'aerostat monta a deux cents pieds dans I'air, et, pousse par un courant assez fort, il s'avanca au-dessus du lac. 30 A onze heures, il avait franchi une distance de quatre-vingt-dix milles ; les voyageurs etaient desesperes ; 72 CINQ SEMAINES EN BALLON ils n'avaient pas vu la moindre trace de Joe. Le soir, un vent tres violent s'eleva et ramena I'aerostat vers le nord-ouest. La nuit, il souffla avec une telle violence que le docteur fut oblige de donner le signal du depart et d'abandonner Joe momentanement. VIII Qu'etait devenu Joe pendant les vaines recherches de son maitre ? Lorsqu'il fut precipite dans le lac, son premier mouvement a la surface fut de lever les yeux : il vit le lo Victoria remonter avec rapidite. Ses amis etaient sauves. Avant I'attaque des oiseaux de proie, Joe avait re- marque une lie a Phorizon. II resolut de se diriger vers elle et commenga a nager vigoureusement. Comme il 15 en approchait, il se crut poursuivi par un crocodile et plongea rapidement. Quand il revint a la surface, il se sentit saisir par un bras. Pauvre Joe ! il eut une der- niere pensee pour son maitre. Mais, en ouvrant les yeux, il se vit, a sa grande surprise, entre deux negres 20 d'un noir d'ebene. Et il se laissa conduire jusqu'au rivage sans manifester la moindre crainte. II prit terre au milieu d'une foule de tout sexe et de tout age, qui commen^a a I'adorer. Les habitants de Pile avaient ete temoins de la chute 25 de Joe et le prenaient pour un dieu. Apres qu'il eut fait un bon repas, on le conduisit a une case entouree de talismans. Apres quelques heures de reflexion, Joe tomba dans un sommeil assez profond. CINQ SEMAINES EN BALLON 73 Le lendemain matin, de tres bonne heure, il s'eveilla, sortit sans bruit de sa case, courut au rivage, et, s'empa- rant d'une barque et d'une paire de pagaies, il se laissa deriver. II reconnut avec satisfaction que le 5 courant le portait vers la cote septentrionale du lac. Arrive a un promontoire, il y debarqua et se mit en marche dans la direction de I'ouest. Que de fois il regarda en Pair ! II esperait apercevoir le Victoria, II le chercha en vain pendant toute cette journee. 10 Le lendemain, il se determina a continuer sa route et k gagner une des grandes villes du lac dont son maitre avait parle. Tout k coup, il apergut dans le lointain le Victoria emporte par un vent violent. II courut, gesticula, cria; ce fut en vain. Le ballon disparut dans le ciel. 15 Joe se vit perdu. II crut son maitre parti sans retour, et, comme un fou, les pieds en sang, le corps meurtri, il marcha toute la journee et une partie de la nuit. En- fin il tomba et crut que le moment de mourir etait venu. II comprit que e'en etait fait de lui . . . ; ses yeux se 20 fermerent. «Mon maitre 1 mon maitre I \ moi I» s^ecria-t-il. Et cette voix desesperee, isolee, se perdit dans la nuit. Cependant, le Victoria continuait sa route et Kennedy et le docteur ne cessaient d'observer I'horizon avec une 25 grande attention. Le 15, au matin, Kennedy se tourna vers Fergusson et lui dit : «Regarde la-bas ! une troupe en mouvement ! Ce sont des Arabes, lances a toute vitesse dans la meme di- 3orection que nous. lis sont une cinquantaine. lis ont Pair de poursuivre un fugitif, C'est une chasse k rhomme, 74 CINQ SEMAINES EN BALLON — Un fugitif I dit Samuel avec emotion. Ne le per- dons pas de vue.» Tout k coup, le chasseur s'ecria d'une voix tremblante: «C'est /ui/ c'est /ui h cheval, h cent pas a peine de ses ennemis. II fuit.» 5 L'un des Arabes se rapprochait de Joe et allait le percer de sa lance quand Kennedy, I'oeil fixe, la main ferme, Tarreta d'une balle et le precipita a terre. Joe ne se retourna pas meme au bruit et continua sa course dans la direction que I'aerostat suivait. lo «Dick, sois pret k jeter cent cinquante livres de lest, dit le docteur. Nous ne sommes qu'a deux cents pas de Joe. Nous I'enleverons a la barbe de ces Arabes. » Le Victoria depassa les cavaliers. « Attention !» dit Samuel a Kennedy. 15 Et le docteur jeta I'echelle en criant : «Joe, garde a toil» . . . Joe, sans arreter son cheval, s'etait retourne ; au moment ou il saisit I'echelle, le docteur cria a Kennedy: « Jette. 20 — C'est fait.» Et le Victoria^ deleste d'un poids superieur \ celui de Joe, s'eleva k cent cinquante pieds dans les airs. Les Arabes pousserent un cri de surprise et de rage. Joe, grimpant avec I'agilite d'un clown, arriva jusqu'k 25 ses compagnons qui le regurent dans leurs bras. Apres s'etre bien repose, il se declara pret a raconter son histoire. II parla de sa chute, de son sauvetage par les deux negres, de sa fuite en barque, de son desespoir en voyant le Victoria s 'eloigner, enfin de sa 30 nuit d'agonie. CINQ SEMAINES EN BALLON 75 II dit aussi comment, le matin, il avait repris courage, avait continue sa route et etait arrive a la lisiere d'une immense foret ou des chevaux paissaient. II avait saute sur le dos d'un de ces quadrupedes et s'etait 5 dirige vers le nord, evitant les lieux habites. Enfin il avait gagne le desert oii, apres quelques heures, il etait tombe dans un campement d'Arabes. Le Victoria s'etait presente a point pour I'enlever au moment ou son cheval tombait de fatigue. 10 Et Joe finit son histoire en declarant : «Vous voyez combien tout cela est simple. Rien de plus naturel au monde. Je suis pret a recommencer si cela peut vous rendre service encore. » Pendant que Joe racontait son histoire, le ballon 15 avait franchi une longue etendue de pays et remontait directement vers le nord dans la direction de Tem- bouctou. La journee du 17 mai fut tranquille et exempte de tout incident. Le docteur espdrait arriver a Tembouc- 20 tou le 20, vers le soir. En traversant un desert dans le pays des farouches Arabes Touaregs, on apergut une caravane composee de plus de cent cinquante chameaux et d'une multitude d'hommes, de femmes et d'enfants. Le lundi, 19 mai, le Victoria passa au-dessus du Niger 25 dont les eaux roulaient vers le sud avec une certaine violence. Le 20, on apergut un amphitheatre de mai- sons basses a un detour du fleuve. «C'est Kabra, dit le docteur; c'est le port de Tem- bouctou; la ville est k moins de cinq milles d'ici.» 30 En effet, a deux heures de I'apres-midi, la reine du desert, la mysterieuse Tembouctou, qui eut, comma 76 CINQ SEMAINES EN BALLON Athenes et Rome, ses ecoles de savants et ses chaires de philosophie, apparut aux yeux des voyageurs. Elle forme un vaste triangle dans une immense plaine de sable blanc. Les voyageurs eurent a peine le temps de I'observer ; 5 repousses par le vent du desert, ils reprirent le cours sinueux du fieuve. Depuis quelques jours, le docteur avait remarque que la force ascensionnelle du ballon diminuait sen- siblement par suite d'une certaine deperdition de gaz. 10 L'enveloppe du nouveau Victoria n'etait pas si resis- tante que celle de I'ancien et I'hydrogene fuyait k travers le taffetas. Fergusson desirait arriver le plus tot possible au fleuve du Senegal ou se trouvaient des etablissements 15 frangais. II jeta les derniers sacs de lest et le ballon se releva. Le 23 mai, le pays se presenta sous un nouvel aspect. Les collines faisaient presager de prochaines monta- gnes : il fallait franchir la chaine qui separe le bassin 20 du Niger de celui du Senegal. Le Victoria se fatiguait visiblement. On jeta une foule d'objets plus ou moins inutiles. On se debarrassa meme de la tente et des provisions d'eau, mais ce fut insuffisant. Un vent tres fort poussait le ballon vers les pics 25 aigus de la montagne. Alors la provision d'eau du chalumeau fut abandonnee, mais ce fut encore insuf- fisant. Comme le danger pressait, Dick et Joe precipiterent au dehors les caisses a eau et toutes les provisions, ex- 30 cepte le pemmican. Le ballon s'eleva tres sensiblement. CINQ SEMAINES EN BALLON 77 «Nous passons ; nous sommes passes, » s'ecria Joe. Le Victoria n'avait plus qu'a descendre : cela lui etait facile. Mais, comme le soir arrivait rapidement, le docteur decida de s'arreter. L'aerostat planait au- 5 dessus d'immenses forets; I'ancre s'accrocha a un arbre, et, comme le vent etait tombe avec le soir, le ballon demeura presque immobile. Fergusson calcula qu'il se trouvait k cinquante-cinq milles a peine du fleuve du Senegal, lo «Tout ce que nous pouvons faire, mes amis, dit-il k ses compagnons, c'est de passer le fleuve, mais, comme il n'y a ni pont ni barque, il faut le passer en ballon. II faut pour cela encore alleger le Victoria, II faut nous debarrasser des caisses du chalumeau, de la pile de 15 Bunsen et du serpentin. La force ascensionnelle du ballon sera suffisante pour nous transporter jusqu'au dela du fleuve. » Ce ne fut pas un petit travail : ils durent demonter I'appareil piece par piece et la force reunie des trois 20 voyageurs suffit a peine a arracher les caisses du fond de la nacelle. Le lendemain, k cinq heures du matin, le ballon venait de depasser la lisiere de la foret quand les aeronautes apergurent une trentaine de cavaliers, armes 25 les uns de lances, les autres de longs mousquets. A la vue du Victoria^ ils pousserent des cris sauvages et se mirent a sa poursuite. «Ce sont les cruels Talibas, les farouches partisans d'Al-Hadji, dit le docteur; j'aimerais mieux me trouver 30 en pleine foret, au milieu d'un cercle de betes feroces, que de tomber entre les mains de ces bandits. » 73 CINQ SEMAINES EN BALLON La poursuite des Talibas dura toute la matinee. Vers onze heures du matin, Fergusson remarqua que le ballon descendait, et le Senegal etait encore eloigne d'une vingtaine de milles au moins. A la vitesse actuelle, il leur fallait compter encore trois heures de voyage. 5 La nacelle ne fut bientot plus qu'a cent cinquante pieds du sol. Les Talibas pressaient leurs chevaux en poussant des cris. On jeta tout ce qui restait de pem- mican et le ballon se releva. Mais peu k peu il re- descendit et le docteur ordonna a Joe de jeter tous les 10 instruments. Le Victoria remonta un instant, puis re- tomba bientot vers la terre. Les Talibas volaient sur ses traces et n'etaient plus qu'a deux cents pas de lui. «Accrochons-nous au filet, dit le docteur, et deb arras- sons-nous de la nacelle. Vite ! vite !» 15 lis se suspendirent aux mailles du filet et Joe coupa les cordes de la nacelle au moment ou I'aerostat allait definitivement tomber. Le ballon, deleste de plus de deux cents livres, re- monta a trois cents pieds dans Pair et, rencontrant un 20 vent plus actif, devanga les Talibas qui couraient lances k toute vitesse. Soudain, apres avoir franchi une col- line qui barrait I'horizon de I'ouest, le docteur s'ecria : «Le fleuve ! le fleuve ! le Senegal ! Encore un quart d'heure et nous sommes sauves.» 25 Mais le ballon tombait lentement. A cent pas du fleuve, il s'accrocha par la partie superieure aux branches elevees d'un baobab et y resta suspendu. Pas une bar- que sur la rive, pas un etre anime. Sur une largeur de deux mille pieds, le Senegal se precipitait d'une 30 hauteur de cent cinquante avec un bruit retentissant CINQ SEMAINES EN BALLON 79 «Tout n'est pas fini, s'ecria le docteur d'un ton resolu; je n'ai plus de gaz, je traverserai le fleuve avec de Pair chaud. Nous avons au moins une heure d'avance sur ces bandits ; ne perdons pas de temps ; ramassons une 5 grande quantite de cette herbe seche ; il en faut cent livres au moins. » Le docteur agrandit I'orifice inferieur de I'aerostat, chassa par la soupape ce qui restait d'hydrogene et mit le feu k riierbe seche ramassee par Dick et Joe. Aus- 10 sitot le Victoria commenga k reprendre sa forme ar- rondie. En ce moment, a deux milles au.nord, apparut la bande des Talibas. On entendait leurs cris et le galop de leurs chevaux. Comme ils s'approchaient, le ballon, 15 entierement dilate, s'envola, emportant les voyageurs accroches au filet, et monta k huit cents piedso Des cris de rage saluerent son ascension. Dix minutes apres, les intrepides aeronautes des- cendaient peu k peu vers I'autre rive du fleuve. Lk, 20 surpris, emerveille, eifraye, se tenait un groupe d'une dizaine d'hommes qui portaient I'uniforme fran- gais. En voyant que le ballon allait tomber a quelque dis- tance de la rive, les Frangais se precipiterent dans le 25 fleuve et regurent les trois Anglais dans leurs bras. On se figure aisement les felicitations et les soins qui furent prodigues aux voyageurs. Arrives le samedi, 24 mai, au Senegal, ils atteignirent le poste de Medine le 27. Quatorze jours apres, le 10 30 juin, ils arriverent a Saint-Louis par un petit bateau k vapeur. Une fregate anglaise etait en partance ; les 8o CINQ SEMAINES EN BALLON trois amis prirent passage a bord. Le 25 juin, ils etaient a Portsmouth et le lendemain k Londres. Le docteur Fergusson fit, en seance publique, a la Societe Royale de Geographie le recit de son expedition aeronautique et obtint pour lui et ses deux compagnons la medaille d'or destinee a recompenser la plus remar- quable expedition de I'annee 1862, LA CROISADE DES ENFANTS (1213) . I II etait dix heures du matin : la messe venait d'etre celebree avec pompe dans la chapelle du castel de Kerougal, car ce jour-la, c'etait la Toussaint, fete solen- nelle. 5 Le manoir de Kerougal, situe sur un roc de granit, dominait la mer du pays de Bretagne. II avait pour botes la noble dame Hermingilde, ses trois fils Enguer- rand, Isolin, Jehan, sa fiUe Berangere, ses damoiselles, ses pages et quelques vieux serviteurs. 10 Messire Angilbert de Kerougal combattait h cette heure en Orient, sous la conduite de Baudouin, le vail- lant comte de Flandre. II etait parti, la croix rouge sur I'epaule, avec la plupart de ses vassaux et, depuis ce jour-la, personne n' avait entendu parler de messire 15 Angilbert de Kerougal. La digne chatelaine avait reporte sur ses enfants toutes les tendresses de son coeur. Elle montrait une grande force d'ame et une incomparable bonte. Elle repandait autour d'elle le bonheur qu'elle ne goutait 20 plus elle-meme depuis six longues annees, depuis le depart de son noble epoux. Les habitants du castel conversaient dans la grande 82 LA CROISADE DES ENFANTS salle quand, tout k coup, Enguerrand, adolescent d'en- viron seize ans, y entra, suivi d'un pelerin dont le visage fatigue et le costume etrange revelaient un debris vivant des Croisades. Celui-ci pria la noble dame de lui accorder un 5 moment d'audience. EUe le fit entrer dans son oratoire. En penetrant dans cette retraite, le pelerin adressa au del une priere pour les habitants du chateau. «Je vous remercie, lui dit Hermingilde ; mais c'est la destinee de mon mari qui me preoccupe. Arrivez- 10 vous de Terre-Sainte ? M'apportez-vous de ses nou- velles ? — Madame, ma mission est penible . . . Soyez cou- rageuse. . . — Ciel ! mon epoux n'est plus I 15 — C'est pour la foi qu'il a peri, madame ; c'est une fin glorieuse. — Mon pauvre Angilbert 1 mes pauvres enfants ! . . .» La force manqua k la pauvre femme : elle tomba h genoux sur son prie-Dieu en se cachant le visage dans 20 les mains. Soudain elle releva la tete : un eclair d'esperance brillait dans ses yeux baignes de larmes. «Messire, s'ecria-t-elle, il me faut une preuve. Vous n'etiez pas au service de mon epoux. Vous ne le con- 25 naissiez peut-etre pas tres bien; vous avez pris pour lui quelque autre chevalier. — Aussi vrai que je m'appelle Pierre Archibald, de Poitiers, j'ai connu le comte de Kerougal. — Avant son depart, il regut de moi une bague de 30 fer et promit de me la renvoyer par un de ses soldats LA CROISADE DES ENFANTS S^ s'il etait serieusement blesse et s'il se croyait jamais en danger de mort. — Madame, la voici.> Et Archibald lui presenta un petit paquet qui ren- 5 fermait une bague, une bague de fer . . . Hermingilde jeta un cri : toute esperance etait anean- tie. Enguerrand parut ; il etait pale et agite. Le cri, jete par sa mere, lui avait tout revele. II embrassa celle-ci avec une respectueuse tendresse. Puis, se lo tournant vers le pelerin : «Ami, dit-il, raconte-nous ce que tu sais de mon pere. Le fils d'un chevalier doit avoir la force de tout entendre. — Je ne vous decrirai pas les evenements qui ont precede le jour oli le sire de Kerougal est tombe, mais 15 voici toutes les circonstances de sa fin. Apres que les croises eurent pris Byzance et place sur le trone le vaillant Baudouin, comte de Flandre, quelques-uns de nous passerent en Asie pour delivrer enfin la Terre- Sainte. J'etais dans les rangs des hommes d'armes 20 que votre noble pere commandait. Pendant deux ans, nous combattimes avec succes. Mais, dans un en- gagement sous les murs de Damas, nous fumes entoures par plus de dix mille Sarrasins. Aussitot nous nous precipitames centre les infideles. J'etais tout pres de 25 mon chef. Son exemple encourageait nos soldats. Nous allions rompre le cercle de fer qui nous emprison- nait quand un scheik attaqua le sire de Kerougal. Le fils du scheik, voyant son pere sur le point d'etre vaincu, langa une fleche a son adversaire . . . Votre epoux 30 tomba, madame. Nous I'emportames expirant et c'est moi qu'il chargea de vous faire ses derniers adieux.» 84 LA CROISADE DES ENFANTS Un long silence succeda a ce triste recit. Enguer- rand semblait mediter quelque sombre projet. Enfin le pelerin se leva et dit : «J'ai rempli ma mission et je dois me retirer.» II refusa les offres de service et de recompense que 5 la chatelaine lui fit et sortit. Hermingilde prit son fils par la main et rentra dans la grande salle ou sa presence etait attendue avec anxiete. En voyant T alteration de son visage, personne n'osa I'interroger. 10 «Messire, dit-elle k son chapelain, veuillez faire sonner a la chapelle le glas des trepasses. — Pour qui, maman ? s'ecrierent a la fois Berangere, Isolin et Jehan. — Helas I mes enfants . . . pour votre pere.» 15 II Quelques jours plus tard, comme Enguerrand se promenait seul sur le rivage, il fut tres surpris d'y ren- contrer Pierre Archibald qui s'approcha et le salua avec un profond respect. «Monseigneur, dit le vieux croise, ce que j'ai a vous 20 confier est un secret bien grave. Par Tame de votre pere et par le ciel qui nous voit, ecoutez-moi. J'atteste qu'il n'y a point de fourberie dans mon ame. Vous avez souvent entendu raconter les grands exploits des croisades, n'est-ce pas ? 25 — Oh ! oui, ce sont \k de grands souvenirs, repondit Enguerrand. — Bien plus, c'est I'histoire d'hier, ce sera celle de LA CROISADE DES ENFANTS 85 demain. Vous savez que Godefroy de Bouillon, Bohe- mond, Tancrede ont conquis en Syrie une gloire im- perissable. Toutes les families princieres, tous les manoirs de France, d'Allemagne et d'Angleterre ont 5 voulu etre representes dans ce camp des nations d' Eu- rope. Nos rois eux-memes, Louis VII et Philippe- Auguste, se sont croises. Richard Coeur-de-Lion a pris d'assaut Ptolemais et enfin, dans la derniere ex- pedition, un simple comte est devenu empereur d'Orient. 10 . . . Ce sont \h des faits glorieux. Cependant Dieu, pour punir les chretiens de leurs divisions, a permis que Jerusalem retombat aux mains des infideles. Fatigues de leurs nombreux sacrifices, les rois n'osent plus s'aventurer sur les traces glorieuses de leurs predeces- 15 seurs. Moi, j'ai congu le projet d'une nouvelle croisade et j'ai pense que les fils du sire de Kerougal y pren- draient part et vengeraient sa mort. — Quoi ! a notre age ? — Tous vos compagnons seront aussi jeunes que vous. 20 — Des enf ants ! — Les enfants sont des hommes quand il est ques- tion de combattre pour la cause de Dieu. David etait a peine un adolescent quand il vainquit le geant philis- tin Goliath. Oui, si Jerusalem n'a pas pu etre sauvee 25 par des chevaliers, elle sera reconquise par de simples enfants. C'est une grande et sublime entreprise. J'ai voulu vous y associer, messire Enguerrand, parce que vous avez le coeur intrepide et qu'ainsi vous pourrez venger une mort illustre. Maintenant, dites-moi toute 30 votre pensee. Vous ai-je bien juge en comptant d'a- vance sur votre ardeur de chretien et de bon fils ? 86 LA CROISADE DES ENFANTS — Vous m'avez bien juge, s'ecria le jouvenceau. C'est Dieu qui vous a envoye dans notre pays de Bretagne et m'a parle par votre bouche. Non seule- ment je me croiserai, mais mon frere Isolin m'accom- pagnera.» 5 En parlant ainsi, le jeune homme avait pris un air determine. Toute sa personne respirait une energie nouvelle. La joie brilla sur le visage du pelerin qui pressa les mains d'Enguerrand et s'inclina. Puis il ajouta : lo « Personne, excepte votre frere, ne doit etre instruit de ce projet. Vous comprenez que madame votre mere s'y opposerait. Nous partirons demain pendant la nuit. — Demain ? 15 — II le f aut. Plus de trois cents enfants ont promis de me rejoindre au centre de la foret de Menes-Com, entre Brest et Quimper. Vous serez leur chef. Puis-je compter sur vous ? — Oui, maitre Archibald. Au revoir ; il est temps 20 de nous separer.» Et Enguerrand reprit la direction du manoir de Kerougal. Ill Le lendemain, vers midi, Enguerrand pensa que le moment etait arrive de commencer ses preparatifs de 25 depart et d'informer son frere de sa decision. II Tin- vita a Paccompagner dans la salle des armures et le conduisit devant une place vide, celle 011 manquaient les armes de I'infortund comte Angilbert. LA CROISADE DES ENFANTS 87 Puis, d'une voix emue, il evoqua le souvenir de leur pere, annonga a Isolin sa resolution de partir pour la croisade, sa promesse a Archibald et finit en lui deman- dant s'il avait assez de courage et de piete filiale pour 5 s'associer a cette sainte entreprise. Isolin, de caractere faible, mais d'esprit aventureux, accepta, sans la discuter, la proposition d'Enguerrand a qui il avait d'ailleurs obei toute sa vie aveuglement. Le soir etait venu. Les serviteurs s'etaient retires. 10 La dame de Kerougal, assise sous le manteau d'une vaste cheminee, s'abandonnait a ses tristes reflexions. Bientot elle inclina latete et s'endormit. Alors la portifere de laine se souleva lentement. Enguerrand et Isolin entrerent avec precaution et s'avancerent sur la pointe 15 des pieds. Le premier, malgre sa fermete d'ame ordi- naire, etait emu et il y avait des larmes dans les yeux du second. lis contemplerent dans un respectueux si- lence les traits de cette mere cherie qu'ils ne devaient peut-etre plus revoir. Enguerrand, apercevant sur un 20 siege une echarpe que sa mere et sa jeune soeur avaient commence a broder, la saisit vivement et la passa a son cou, comme un talisman. Puis il fit signe a son frere de le suivre. Quand ils furent dans la cour, Enguerrand dit a Tun des ecuyers : 25 «L'heure du couvre-feu est encore eloignee. Sellez nos chevaux et, apres notre depart, portez a notre mere ce message qui lui expliquera notre sortie. — Vous serez obei, monseigneur.» Les deux damoiseaux monterent a cheval et partirent 30 au galop. Apres une longue course, ils arriverent k la lisiere de la foret. Des feux les guiderent vers une espece d'etoile. SS LA CROISADE DES ENFANTS Au detour d'une allee, ils virent une vingtaine de jeunes paysans, portant les uns des epieux, les autres des arcs, celui-ci une fronde, celui-la une massue. Leur marche etait rapide, leur contenance fiere et ils chantaient avec enthousiasme: 5 ((Ne pleurons plus. Un jour, touche de nos voeux, Monseigneur Dieu Nous rendra notre Jesus.)) Les deux freres passerent au galop devant les en- ic fants etonnes et arriverent bientot au point central de la foret. Un spectacle imposant s'offrit h leurs yeux. Debout sur une eminence se dressait la haute si- lhouette d'un moine venerable h la tete chauve, h la robe d'un brun fonce ; d'une main il tenait un long chapelet, 15 de I'autre un grand crucifix qu'il presentait tour k tour aux levres d'une foule d'enfants. Plus loin, maitre Archibald distribuait a chacun de petites croix de drap rouge que les jeunes croises attachaient avec orgueil sur leur poitrine. C 'etait un mouvement, un bruit, un en- 20 thousiasme indescriptibles. L'arrivee des fils du sire de Kerougal produisit une profonde sensation. Archibald courut vers eux au moment oli ils descendaient de cheval et il les serra sur sa poitrine en leur disant : 25 «Soyez les bienvenus ! Vos compagnons d'armes vous attendent. Voici le signe du croise, I'image de I'instru- ment du salut des hommes. Honneur a votre courage 1 Jerusalem sera delivree par vos mains. » Ces paroles, prononcees a haute voix, furent accueil- 30 lies par de nombreux hourras. LA CROISADE DES ENFANTS 89 Cependant d'autres troupes de jeunes croises arri- vaient au rendez-vous commun et s'y rangeaient par ordre de famille et de village. Bientot Archibald en- tonna I'liymne de la nouvelle croisade. Apres ce chant, 5 tous les enfants agiterent leurs torches et leurs armes en criant : «Mort aux infideles I» Profitant de cet enthousiasme, Archibald tira son epee, saisit une torche et donna le signal du depart. Enguerrand et Isolin, remontes sur leurs destriers, se 10 placerent en tete de la petite armee aupres d' Archibald et du moine dom Wilfrid ; longtemps la foret retentit de rhymne de la croisade : aNe pleurons plus. Un jour, touche de nos voeux, 15 Monseigneur Dieu Nous rendra notre Jesus.© IV L'entreprise de ces enfants etait sainte, sublime, mais les moyens d'execution ne correspondaient pas k la grandeur du projet. lis I'ignoraient et couraient tete 20 baissee au-devant de la plus glorieuse des morts. On pent s'imaginer la terreur dont les meres de cette epoque furent saisies. L'armee des jeunes croises avait deja traverse plusieurs provinces du beau pays de France et ses rangs s'augmentaient rapidement. 25 L'Anjou, le Poitou, le Maine, la Touraine, le Berry fournirent tour a tour leur contingent. Les provinces de I'Est envoyerent une grande partie de leur jeunesse prendre part a I'expedition. C'est pourquoi on enten- dait dans les rangs les dialectes les plus divers ; la 90 LA CROISADE DES ENFAXTS langue celtique, la langue d'oil, la langue d'oc, ridiome germanique se melaient et formaient une foule de sons discordants. Plus varies encore etaient ies costumes et Ies armes. Pierre Archibald et dom Wilfrid avaient toutes Ies 5 peines du monde a maintenir Tordre dans I'expedition. Souvent des querelles s'elevaient non seulement entre enfants de differentes provinces, mais meme entre enfants du meme village, entre freres. Une grande hostilite regnait surtout entre Ies nobles et Ies vilains. 10 On pent facilement imaginer Ies souffrances qui at- tendaient I'expedition des jeunes croises. II n'y avait pas, a cette ^poque-lk, de routes ouvertes dans Ies cam- pagnes. Quelques ponts de bois, jetes au-dessus des torrents, des sentiers frayes a coups de hache a travers 15 Ies forets, tels etaient en grande partie Ies moyens de communication. Et pourtant, malgre la rigueur de Thiver, malgre I'aspect delabre des troupes d'x-\rcliibald, d'autres en- fants venaient chaque jour en augmenter Ies rangs. 20 Plus de huit mille combattants s'avancaient sous Ies ordres du pelerin et, selon toutes probabilites, ce nombre devait etre quadruple k I'arrivee a Marseille oil Ton comptait s'embarquer pour la Syrie. Le froid, Ies maladies, Ies privations frapperent un 25 grand nombre d'enfants qu'il fallut abandonner dans Ies -monasteres. Beaucoup succomberent sur la route, faute de secours, et furent ensevelis dans la neige. Seul rinfatigable de'vouement de dom Wilfrid preser- vait I'expedition d'une ruine que la rigueur toujours 30 croissante de Thiver semblait rendre imminente. LA CROISADE DES ENFAXTS 91 On arriva a Lyon. Pierre Archibald n y put faire un long sejour, car les habitants des grandes villes etaient generalement peu favorables a son entreprise. L'ex- pedition continua a s'avancer vers le sud. 5 Quand on arriva a Marseille, Pierre Archibald avait plus de trente mille enfants sous ses ordres. Les habitants de I'antique cite des Phoceens furent emer- veilles de ce spectacle et les troubadours de la Provence celebrerent dans leurs vers la glorieuse expedition qui 10 devait delivrer Jerusalem par les mains des jouven- ceaux de France. V II fallait passer la mer et c'etait la plus grande diffi- culte de I'expedition. Certes, les vaisseaux ne man- quaient pas dans le port de Marseille, alors comme 15 aujourd'hui, I'un des centres les plus animes du com- merce europeen. iMais les patrons refusaient d'exposer leurs navires au danger de tomber aux mains des Sar- rasins. Un jour, enfin, Archibald dit au venerable moine : 20 «Deux patrons de navire, bien connus de moi, sont arrives dans cette ville. Au moment ou j'allais in- voquer leur assistance, ils sont venus me I'oifrir. Au- jourd'hui meme, nous les entendrons et, si leurs offres vous conviennent, nous partirons bient6t.» 25 Vers le soir, Archibald et dom Wilfrid, accompagnes d'une vingtaine de jeunes nobles, se dirigerent vers le rivage. Deux hommes vinrent a eux et plierent le genou devant le moine qui leur donna sa benediction et leur demanda s'ils pouvaient mcttre a la disposition 92 LA CROISADE DES ENFANTS des croises un nombre de navires suffisant pour leur faire passer la mer. L'un des patrons repondit : «Les moyens de transport que nous possedons pour- ront suffire. 5 — Mais qu'exigez-vous, messires, pour le prix du passage ? — Rien au depart. Au retour la moitie du butin en cas de succes.» Archibald protesta : lo «La moitie du butin ! mais, k mes yeux, notre ex- pedition ne doit pas avoir pour but de nous enrichir des depouilles des infideles. Pourtant, puisque vous Texigez, tel sera le prix de vos services. » Le marchand le regarda fixement et reprit : 15 «C'est convenu et pour vous prouver que nous pou- vons tenir notre promesse, nous allons vous montrer les navires dont nous disposons. Nos rameurs ont regu Tordre de diriger notre flotte dans cette direction-ci. Bientot, en effet, une ligne noire parut a I'horizon, 20 prenant, a mesure qu'elle approchait, des proportions majestueuses. C'etaient des vaisseaux a grandes voiles carrees et a longues rames. lis s'avangaient en file et, suivis de nombreuses embarcations plus petites, sem- blaient peu a peu remplir toute I'etendue du port. En- 25 guerrand, avec la brusquerie habituelle de sa franchise, leur dit : «Vous etes de bons chretiens, puisque vous pretez ainsi assistance a notre sainte entreprise. Vos noms, je vous prie ? 30 — Philippe Aubriot, repondit Tun des patrons avec une sorte d'hesitation. LA CROISADE DES ENFANTS 93 — Meredic Aubriot, repliqua I'autre. — Eh bien, messires, continua le jeune comte, vous pouvez compter a jamais sur notre amitie. Les riches- ses de nos maisons paieront largement vos bons ser- vices. — Oh ! dit PhiUppe Aubriot, nous n'aurons pas be- soin des largesses de vos nobles parents. Delivrez Jerusalem du joug des infideles et nous serons con- tents. » Apres cet entretien, les jeunes nobles retournerent au camp ou ils porterent I'heureuse nouvelle du pro- chain depart de I'armee. VI Quelques jours plus tard, les Aubriot se disposerent 15 a partir. Le clerge de la cathedrale se rendit proces- sionnellement au rivage. Une immense foule se pres- sait dans les rues du port. Les femmes se jetaient a genoux sur le passage de ces heroiques enfants qui, la tete haute, marchaient en bon ordre en chantant Thymne 20 de la croisade. La flotte prit la direction de la Syrie. Abondam- ment pourvue de provisions, elle ne devait pas s'arreter durant la traversee. Un matin, une violente tempete eclata. Ce fut un 25 affreux spectacle. Les enfants, a genoux sur le. pont, levant les bras au ciel, poussaient des cris lamentables. Et ensuite, quel terrible silence quand la mer engloutit plusieurs vaisseaux avec leur cargaison humaine ! Un jour, une voix cria du haut d'un mat : 94 LA CROISADE DES ENFANTS «Voici la terre d'figypte.» II se produisit aussitot un tumulte indescriptible ; le mot ^gypte fut repete sur tons les tens de la surprise, de Teffroi, de I'mdignation. Enguerrand qui etait sur le meme vaisseau que Meredic Aubriot, courut a lui et lui dit avec vehemence : «Nous 5 avez-vous trompes ? Est-ce la le rivage ou vous avez promis de nous debarquer ?» Une lutte allait s'engager entre les jeunes nobles et les matelots quand le navire qui portait Archibald se rapprocha et le pelerin, elevant la voix, dit : 10 «Mes amis, si la flotte a ete poussee vers les cotes d'figypte, n'en accusez que le vent. Loin de diminuer votre ardeur, cette circonstance devrait I'augmenter. Vous savez qu'il faut toujours frapper son ennemi au coeur. Eh bien, le coeur de I'islamisme, c'est I'figypte. 15 C'est de I'figypte que sont parties successivement toutes les armees qui ont attaque et detruit la puissance europeenne en Syrie. Quand nous aurons complete- ment vaincu les fig}^ptiens, il ne nous restera plus d'ennemis k craindre et Jerusalem, la ville du Seigneur, 20 retombera entre nos mains. » Ces paroles arreterent une lutte imminente. Ce- pendant la flotte avangait toujours, poussee par un vent du nord vers le rivage eg}'ptien. Archibald, malgre son impassibilite ordinaire, ne pouvait reprimer quel- 25 ques signes d' in quietude. Ses yeux pergants exploraient rimmense etendue des cotes. Un profond silence, le silence precurseur des grands eVenements, regnait sur tons les vaisseaux. Soudain une immense clameur retentit. On apergoit 30 au loin une armee qui s'avance vers le rivage. D'abord LA CROISADE DES ENFANTS 95 ce sont des Sarrasins aiix costumes eclatants, aux armes resplendissantes ; plus loin, des Nubiens, des fithio- piens, protegeant leur corps noir derriere un bouclier haut de cinq pieds et brandissant de longues lances ; 5 des Asiatiques, au teint cuivre, completent ce corps de troupes imposant. Tandis que les jeunes croises contemplent avec une secrete terreur leurs nombreux ennemis, un autre spec- tacle, non moins etrange, attire leur attention. 10 D'une des portes d'Alexandrie, situee non loin de 1^, sort un cortege qui s'avance avec une incroyable rapi- dite. Portes par des chevaux arabes ou des chameaux, des habitants de la ville, revetus de riches costumes et suivis de nombreux esclaves, se dirigent vers le rivage 15 et se rangent derriere les troupes. En un instant, des tentes sont dressees, des tapis etendus et les principaux Sarrasins s'y placent avec gravite. Encore quelques instants, et les vaisseaux qui portent les croises s'engageront dans les courants et seront en- 20 traines vers le rivage. Les enfants crient aux matelots de virer de bord ; ceux-ci, emus de pitie, hesitent. Les deux freres Aubriot, dont le visage semble exprimer une cruelle ironie, repetent sans cesse : «Eh bien, voici I'heure de la bataille.» 25 Mille cris s'elevent centre eux, centre Archibald, centre dom Wilfrid. «A mort ! h mort! les felons ! ils nous ont vendus.» VII Tout k coup, une flotte musulmane apparait, fermant toute retraite aux croises. La confusion qui regne sur 96 LA CROISADE DES ENFANTS les vaisseaux europeens se transforme en un veritable chaos. On se presse, on s'ecrase ; les uns se cachent sous des voiles roulees, sous des cordages ; d'autres se precipitent a fond de cale ; d'autres, enfin, egares par la frayeur, se jettent par-dessus bord et disparaissent 5 sous les flots. Deja les navires de I'ennemi sont a portee de la voix. Un homme crie en arabe : «Rendez-vous, chiens d'in- fideles.» Archibald repond en cette langue ; puis, apres avoir echange quelques paroles avec un des capitaines 10 egyptiens, il dit aux enfants : «Mes braves jouvenceaux, ayez confiance en moi. Les Sarrasins sont tellement nombreux qu'ils nous mas- sacreraient facilement. Mais, admirant votre vaillance et la hardiesse de votre entreprise, ils consentent a 15 traiter avec vous. La seule condition qu'ils mettent k leur generosite, c'est qu'avant de debarquer, vous de- posiez vos armes sur les ponts des vaisseaux. Dieu veille sur vous et il vous sauvera.» Les fils des vilains accueillirent cette promesse avec 20 un cri de joie. Mais des cris de colere et de menace s'eleverent du vaisseau sur lequel Enguerrand et ses amis se trouvaient. Le capitaine Meredic Aubriot chercha en vain h les calmer. «Traitre Archibald ! s'ecriaient-ils ; traitre Aubriot I 25 traitre Wilfrid ! soyez maudits.» Archibald, se tournant vers les vilains, leur cria : «Ne faites pas attention aux vaines menaces de ces orgueilleux nobles et suivez-moi. — Malheur h toi, Pierre Archibald !» riposta En- 30 guerrand. LA CROISADE DES ENFANTS 97 Mais le pelerin leva les epaules et ordonna a ses ra- meurs de redoubler d'ardeur pour arriver promptement au rivage. En un moment, le navire, monte par les jeunes nobles, se trouva isole et entoure d'embarcations 5 ennemies. Ce fut de son bord que partit la premiere decharge de Heches et de pierres. Plusreurs Sarrasins tomberent. Les maledictions des infideles repondirent au cri guerrier des Chretiens et leurs fleches ne tarde- rent pas a repandre la mort dans les rangs des braves 10 damoiseaux. Le combat ne pouvait durer longtemps. Cependant les enfants ne se decourageaient point; leurs voix, accoutumees k faire retentir I'hymne de la croisade, en repetaient avec ardeur les saintes paroles. A chaque 15 martyr qui tombait, ils serraient les rangs et conti- nuaient a combattre. Meredic Aubriot les conjurait vainement de cesser une lutte inutile. On ne lui repon- dait que par ces mots : «Arriere, vil felon ! arriere !» Le nombre des combattants diminuait visiblement et 20 presque tous ceux qui survivaient avaient regu des blessures. Soudain une flamme brilla au bas du navire. Aubriot jeta ce cri lamentable : «Ciel ! le feu gregeois ! nous sommes tous perdus.» Le feu gregeois ! c'etait une affreuse invention, une 25 arme terrible aux mains des infideles I En peu de mi- nutes, I'incendie envahit tout le navire. Les matelots avaient, des le premier moment, mis une chaloupe a la mer. Ceux des jeunes nobles qui n'etaient point grave- ment blesses, s'y precipiterent. Enguerrand voulait 30 mourir ; on I'emporta. Cependant le lache Aubriot, partage entre la terreur gS LA CROISADE DES ENFANTS et le regret de voir son vaisseau perdu, se dirigeait en hesitant vers la chaloupe lorsque la flamme atteignit ses vetements. II se roula vainement sur le pont du navire en jetant des cris dechirants. A ce moment, le vais- seau embrase s'entr'ouvrit et disparut dans les flots. 5 VIII A mesure que les adolescents debarquaient, ils etaient entoures d'esclaves noirs qui leur liaient les mains der- riere le dos. Toute resistance etait inutile, car les galeres des Sarrasins cernaient les vaisseaux chretiens. Et sur le rivage, aucune chance d'evasion. Les vilains, 10 debarques les premiers, n'avaient rencontre aucune pitie. C'etait un douloureux concert de cris et de sanglots. Freres, amis, enfants du meme village se voyaient impitoyablement separes par leurs bourreaux. Pendant cette scene de desespoir qui dura plusieurs 15 heures, Pierre Archibald demeura sur une petite emi- nence au milieu d'un groupe de scheiks et de riches marchands d'esclaves. Les enfants defilaient devant lui et, calme, impassible, sourd aux reproches, aux gemissements des pauvres 20 creatures, il les adjugeait a vil prix. Des caisses ou- vertes etaient placees a terre sur des tapis, les unes pour Archibald, les autres pour Philippe Aubriot. Ce- lui-ci, avec une vingtaine de ses matelots, assistait h la vente sans y participer directement, se contentant de 25 recevoir dans ses caisses la moitie de la recette. Toutefois, lorsque Enguerrand et ses braves cama- rades furent a leur tour presentes aux acheteurs, Au- briot s'ecria avec une fureur concentree : LA CROISADE DES ENFAXTS 99 «Ceiix-ci. je ne les vends point ; je les garde pour moi. — Mais, dit un £g}-ptien, il n'y a point d'esclaves dans ton pays. Ceux-ci ont ete courageux et meritent 5 I'estime. Je les prends. — Xon, je veux les garder. — Chien d'infidele ! Est-ce pour nous dieter des lois que tu es venu ici ?» Archibald dit rapidement h Aubriot quelques paroles 10 en langue provengale. Le marin cessa d'insister. On allait emmener le groupe des genereux damoiseaux quand Enguerrand se dirigea vers Archibald et laissa tomber une a ime ces paroles : «Judas ! Judas ! Judas ! que ton nom soit maudit parmi les hommes, maudit 15 dans les siecles a venir ! Tu nous as vendus comme un vil troupeau. Sois maudit. » Alors il se tourna vers dom Wilfrid : «Moine, lui dit-il, tu nous as perdus. Tu prechais le ser\'ice de Dieu et tu nous as conduits a un marche. 20 Partis soldats, nous devenons esclaves. Tu disais que nous etions ton troupeau ; oui, un troupeau de moutons que Ton vend pour les mettre a mort. — L'avenir te detrompera, mon iils, repondit le re- ligieux. Je ne vous ai pas vendus, car je suis vendu 25 moi-meme par ce traitre.» Et il designa Archibald. Cependant la vente etait finie. Aubriot avait fait em- porter ses caisses remplies de bourses dor, de gomme, d'ivoire et de tissus precieux. Archibald etait reste 30 aupres de celles qui contenaient sa part. Tandis qu'il contemplait son tresor avec une muette loo LA CROISADE DES ENFANTS satisfaction, un scheik, au visage severe, s'approcha du felon et, lui frappant sur I'epaule, dit a haute voix : «Et combien vaut le chef ?» Archibald fit un bond en arriere et parut agite d'un tremblement convulsif. Mille acclamations partirent 5 de la foule qui, menagante, se rapprocha du traitre. fiperdu, Archibald n'eut d'autre pensee que de fuir. II pouvait encore le faire : les barques d'Aubriot quit- taient le rivage. Mais, ne voulant pas abandonner son riche butin, il tira precipitamment d'une des caisses 10 quelques gros sacs remplis d'or et s'eianga vers la mer en renversant ceux qui voulurent s'opposer a son pas- sage. II se precipita dans les flots au moment ou on allait I'atteindre. fitonnes de cette audace, les Sarrasins ne pensaient 15 meme pas h lui lancer des fleches. II reparut bientot a la surface, mais, embarrasse par le poids de cet or dont le danger ne pouvait le separer, il sentit ses forces diminuer. A mesure qu'il s'affaiblissait, il multipliait ses efforts. L'eau salee lui penetrait a la fois dans la 20 bouche et dans les oreilles. Deux fois, il essaya de crier : «A moi !» II aurait echappe a la mort s'il avait voulu se separer de ses richesses, mais la cupidite pre- valut meme sur Tinstinct si naturel de la conservation. Enfin, epuise, il poussa un gemissement et disparut 25 dans les profondeurs de la mer. IX • Une heure plus tard, le rivage etait entierement de- sert. Tons les enfants d' Europe, la corde au cou et LA CROISADE DES ENFANTS loi les mains liees, avaient suivi leurs maitres. Pauvres enfants ! et aussi pauvres meres qui ne devaient plus revoir en ce monde leurs fils bien-aimes 1 Les jeunes prisonniers furent conduits les uns isole- 5 ment, les autres en troupes, dans les differentes villes d'figypte. Un grand nombre d'entre eux succomberent avant d'arriver au terme du voyage. Plus heureux cependant que leurs compagnons, En- guerrand et Isolin avaient ete vendus au meme maitre. 10 Cet homme, nomme Ben Sangiar, habitait Damiette oii il retourna apres la scene terrible qui s'etait passee au bord de la mer. Des son retour a Damiette, il abandonna les deux freres a Tautorite d'un Nubien, son favori, le farouche 15 Massoud, dont la haine centre les Chretiens etait sans bornes. II se hata de soumettre les captifs a de rudes travaux ; malgre leur patience, malgre leur resignation, il affectait un continuel mecontentement. Enguerrand avait conserve, sur la terre d'exil, toute 20 sa force d'ame. Quand Massoud levait son fouet sur lui, il se croisait les bras et attendait en silence que la colere de cette bete feroce fut assouvie. Mais s'il de- daignait et semblait meme ne pas sentir les mauvais traitements qui lui etaient infliges, en revanche les 25 souffrances d'Isolin eVeillaient en lui toute la tendre sollicitude d'un pere. Quand il voyait son frere menace par le Nubien, il se plagait devant lui pour lui faire un rempart de son corps. Plusieurs fois, le maitre s'etait informe de la conduite 30 de ses esclaves d'Europe. II aimait leur service. Le soir, lorsque le riche fig}'ptien montait dans sa barque I02 LA CROISADE DES ENFANTS doree, les rames etaient souvent confiees par son ordre a Enguerrand et a Isolin. Les deux freres, habitues a lutter contre les flots de I'ocean, faisaient voler la bar- que sur les eaux du Nil. Leur captivite avait dure une annee quand Ben 5 Sangiar congut le projet de se les attacher davantage, de leur donner une nouvelle patrie. Un jour, il les fit appeler. «Voulez-vous, leur dit-il, voir tomber vos fers ? Voulez-vous etre libres ? Je ne vous offre pas de vous 10 renvoyer dans votre pays, terre des infideles ; mais mon dessein est de vous attacher a I'figypte par mes faveurs, par la gratitude, ficoutez done. II faut renon- cer a votre religion et accepter celle du prophete. — Nous, fils d'un croise, repondit Enguerrand, nous 15 qui sommes partis sous la banniere du Christ, aposta- sier comme des felons, jamais I — Si vous persistez dans votre resolution, je serai aussi implacable que j'ai ete bon pour vous. Reflechissez h ma proposition et choisissez de devenir un jour riches 20 et puissants en ce pays ou d'y trainer une existence miserable que mille tortures rendront plus aifreuse en- core. — Mon choix est fait, dit Enguerrand avec calme. — Et le tien ? reprit Ben Sangiar en s'adressant h 25 Isolin. Reponds,» Isolin hesita un instant : timide et doux, il craignait, en refusant les off res de leur maitre, d'aggraver son sort et celui de son frere. Celui-ci, indigne, se tourna vers lui en s'ecriant : 30 «As-tu le dessein de renier la foi de tes peres ? LA CROISADE DES ENFANTS 103 — Moi? — J'aimerais mieux te voir mort que renegat. — O mon frere, ne doute pas d'Isolin. Le fils du comte de Kerougal ne peut faillir h I'honneur. 5 — Vous entendez, reprit Enguerrand. Maintenant, il est inutile d'insister davantage. Notre resolution est immuable et notre coeur restera aussi inebranlable que le rocher de granit sur lequel se dresse le manoir de nos ancetres. 10 — C'est ce que nous verrons,» dit I'figyptien furieux. Et il ordonna aux esclaves d'emmener les deux freres et de les mettre aux fers. Dechire de coups de fouet, reduit a la plus grossiere nourriture, couche sur la terre nue, Isolin fut bientot en proie a une fievre violente. 15 Ce fut le moment que Massoud choisit pour decider son maitre h separer les deux freres. II entra alors brusquement dans la salle ou Isolin etait couche et dit a Enguerrand : «Le maitre a parle. II m'a commande de t'emmener 20 hors de cette ville, a I'habitation de Schirzad, un de ses amis, a qui tu appartiendras desormais. — II veut me separer de mon frere ? — Le maitre ordonne, il faut obeir. — Obeir a cet homme sans pitie . . . jamais! La 25 force seule pourra m'arracher d'ici. — Eh bien, on emploiera la force. » Isolin se souleva avec peine et dit a son frere en lui tendant la main : «N'oppose pas une resistance inutile. Nous sommes 30 esclaves, nous devons obeir. Pars, puisqu'on t'ordonne de partir. I04 LA CROISADE DES ENFANTS — Pauvre Isolin ! tu vas done rester seul. Pro- mets-moi que ni les menaees ni les tortures ne pourront te faire renoncer a la foi de nos ancetres. Mieux vaut perir miserable, mais chretien, que de vivre riche, mais mahometan. Rappelle-toi nos aieux si fideles k I'hon- neur, notre noble pere qui a succombe pour sa foi ...» II ne put en dire davantage ; Massoud fit signe aux esclaves de Temmener. Sa resistance fut inutile ; les figyptiens etaient vingt contre lui. IX Des son arrivee chez son nouveau maitre, Enguerrand lo fut conduit a une salle basse et noire ou on I'enferma en lui commandant d'aider un vieil esclave qui tour- nait une meule a ecraser le grain de mais. S'etant accoutume peu apeu a I'obscurite, Enguerrand distingua bientot sur le visage pale et fletri du vieillard 15 deux profondes cavites : on avait creve les yeux au pauvre esclave. Le coeur de I'adolescent tressaillit de pitie. Son emotion redoubla quand il crut reconnaitre dans ses traits quelque chose de familier. Oil done, quand done 20 avait-il rencontre cet homme ? Tout lui disait aussi que c'etait un Europeen, un captif, un chretien. II n'osait parler le premier. Ce fut le vieillard qui rompit le si- lence : , « Pauvre esclave ! comme moi, on vous a condamne 25 a un bien rude travail. — Vous 6tes Breton 1 s'ecria Enguerrand. — Oui, je suis ne en Bretagne. Mais quel concours LA CROISADE DES ENFANTS 105 de circonstances a pu vous conduire dans cet odieux pays? — J'y venais venger mon pere qui a peri dans la derniere croisade. 5 — Votre pere ? — Oui, le plus brave guerrier de la Bretagne. — Et quel est votre nom ? — Enguerrand de Kerougal. — Toi, mon fils ? . . . 10 — Mon pere I — Ciel ! dans mes bras, dans mes bras I . . . Laisse- moi te presser sur mon coeur. C'est toi, mon aine, toi, I'espoir de ma race . . . Tu es la et je ne reve pas ! Et Isolin ? 15 — Prisonnier aussi. — Pauvre petit . . . lui qui etait si doux . . . Et Je- han? — II est reste au manoir. — Merci, 6 mon Dieu, tu en as sauve un. Et Be- 20 rangere ? — Elle est aupres de ma noble mere qui a du bien pleurer en apprenant notre depart pour la croisade des enfants. — Insenses I pouviez-vous esperer le succes la oil 25 des hommes avaient echoue ? — Je n'ai demande conseil a personne. On m'avait annonce votre mort ; je suis parti pour la venger. — Qui vous a porte cette nouvelle ? — Un croise nomme Pierre Archibald . . . 30 — Quoi ! ce traitre ! . . . C'est lui qui a vendu a I'en- nemi le secret d^ notre marche. io6 LA CROISADE DES ENFANTS — Eh bien, mon pere, c'est lui qui, de retour en Europe, a preche la croisade des enfants et nous a con- duits sur la cote d'figypte ou il nous a livres tous aux infideles. — L'inf ame 1 deux fois Judas ! 5 — Mais il a peri miserablement, poursuivi par les figyptiens eux-memes. — Dieu est grand. Quel memorable exemple de la justice celeste ! Mais on vient ; gardons le silence. L'intendant est si feroce qu'il prendrait plaisir a nous lo separer si, par la, il croyait pouvoir nousbriser le coeur.» A partir de ce jour, Enguerrand aida son pere a tourner la meule. lis parlaient sans cesse d'Isolin dont le sort les preoccupait bien plus que le leur. Souvent aussi, les deux captifs reportaient leurs pensees vers la 15 Bretagne, vers le manoir de Kerougal. «HelasI disait I'adolescent, nous ne reverrons plus le castel de nos ancetres. — Mon fils, repondait sire Angilbert, il n'est pas permis a I'homme de soulever les voiles de i'avenir. 20 Crois en ma parole. Nous serons rendus a notre pa- trie. — Jamais, mon pere, jamais. — Tais-toi, Enguerrand ; ton doute offense le ciel. Moi que les Sarrasins ont lachement prive de la vue, 25 moi qui languis ici depuis de longues annees, j'ai con- serve tout mon espoir et j 'attends patiemment le jour de la delivrance. Imite-moi ; prie Dieu qui ne cesse de veiller sur ses meilleurs serviteurs et ta voix sera entendue. 30 — O mon pere, repondait Enguerrand, vous etes la LA CROISADE DES ENFANTS 107 sagesse sous les traits d'un homme. Pardonnez-moi. Je n'ai pas encore votre force d'ame, mais je tacherai de me montrer digne de vous.» Et ils continuaient a tourner la meule. X 5 Deux ans s'etaient dcoules depuis que les malheureux enfants avaient ete livres a Tennemi par le traitre Archi- bald. Combien d'entre eux avaient dejk succombe I Les privations se joignaient aux mauvais traitements pour 10 decimer ces victimes d'un courage irrefiechi. Sur les marches de pierre du principal bazar de Damiette etait assis un homme qu'on pouvait facilement reconnaitre pour un chretien. Tandis que son regard suivait machinalement la foule qui passait devant lui, 15 sa bouche murmurait des prieres. Deux Europeens s'arreterent pres de lui en le consi- derant attentivement. L'un etait age d'environ soixante ans, I'autre pouvait en avoir quatorze. Trois serviteurs bien armes les accompagnaient. Enfin un ecuyer con- 20 duisait par la bride un mulct lourdement charge. Le vieux mendiant se leva et leur dit : «Selon toute apparence, vous arrivez dans cette ville. Je serais heureux de pouvoir vous servir de guide. Parlez, commandez k votre serviteur. 25 — Vous vivez peut-etre depuis longtemps dans ce pays ? demanda le plus age des etrangers. — Depuis deux ans. — Alors, s'ecria le plus jeune voyageur, vous savez io8 LA CROISADE DES ENFANTS comment s'est terminee la croisade des enfants ? Je me nomme Jehan de Kerougal. Nous avons appris que mes freres sont en fig}^pte et I'aumonier de ma noble mere et moi, nous sommes venus pour les delivrer. — Rassurez-vous sur le sort de vos freres. Tous 5 deux sont ici. Isolin appartient a I'figyptien Ben San- giar et Enguerrand a I'Arabe ^Schirzad. lis ne sont separes que depuis quelques mois. lis ont supporte d'affreuses persecutions plutot que de renoncer a la re- ligion de leurs ancetres. Esperons que leurs maitres, 10 fatigues par tant de Constance, consentiront a recevoir la rangon que vous allez leur offrir. — Mais, demanda le chapelain, d'oii vient que vous jouissez de votre liberte ? — Je suis dom Wilfrid, religieux de I'ordre de Citeaux. 15 J'appartenais a un riche marchand de cette ville. Get homme dont le coeur etait plein de vertus, est mort au commencement de cette annee et par son testament m'a affranchi. Alors je suis venu m'etablir sur cette place et je tache de me rend re utile aux mallieureux 20 captifs qui passent charges de fardeaux. Mais ne per- dons pas un temps precieux.» Jehan et son compagnon, guides par le venerable moine, traverserent la ville et arriverent chez le maitre d'Enguerrand. Schirzad les regut avec amabilite et les 25 ecouta assez favorablement quand il fut question de la rangon du captif. II ordonna a son intendant d'aller le chercher, mais celui-ci revint bientot annoncer que le jeune Europeen ne voulait pas accepter la liberte si le vieil esclave avec qui il tournait la meule, n' etait aussi 30 rachete. LA CROISADE DES ENFANTS 109 « Quelle singuliere fantaisie ! dit Schirzad. Enfin, si vous consentez a payer la rangon de ce vieillard, je suis pret a satisfaire le desir de votre frere.» Le chapelain et Jehan se consulterent un moment et 5 deciderent de racheter le vieil esclave. Schirzad, ayant regu les deux rancons, prit conge des Europeens et leur annonga qu'ils trouveraient les deux captifs dans la premiere cour. En effet Jehan les y apergut, tons deux en haillons. Aussitot il s 'elan 5a vers eux en criant: 10 «Me voici, Enguerrand 1 — Jehan !» Deux voix lui avaient repondu, celle d'Enguerrand et celle du vieillard qui re'petait : «Jehan, mon his 1» Comment decrire cette scene ? Le bonheur de se 15 retrouver semblait accabler ces trois etres si longtemps separes. lis se pressaient les mains comme pour s'as- surer qu'ils ne faisaient pas un reve. lis riaient h travers leurs larmes. On n'entendait que ces exclama- tions : «Mon fils ! Jehan! Enguerrand I mon pere ! mon 20 f r ere ! » Le chapelain et le religieux ne pouvaient maitriser leur emotion et sanglotaient tandis que les Arabes eux- memes semblaient touches de tant d'amour fraternel et de tendresse filiale. 25 Ce fut Enguerrand qui le premier retrouva quelque energie. «Amis. dit-il, notre bonheur n'est pas encore com- plet. II faut essayer d'affranchir Isolin qui languit au pouvoir du feroce Ben Sangiar. Retournons a Da- 30 miette.» Quand la petite troupe se presenta chez le riche no LA CROISADE DES ENFANTS figyptien, on lui annonga que celui-ci etait en voyage. Enguerrand demanda si Massoud avait accompagne son maitre. Le favori etait reste k la maison. II parut et dit a Enguerrand : «Tu viens sans doute racheter ton frere. Son sort 5 depend de moi. Avant de partir, le maitre m'a donne tout pouvoir sur cet infidele. S'il existe encore, il doit la vie a ma clemence.» Le Nubien etait plus cupide encore que feroce. II demanda une forte somme. 10 «Payez la rangon, dit-il, et on vous conduira aupres de cet esclave. — Ne peut-il venir ? demanda sire Angilbert d'une voix emue. — Non, il est un peu malade.» 15 Jehan s'empressa de payer la rangon demandee et un figyptien conduisit les voyageurs a la salle ou ils de- vaient trouver Isolin. XI En route, ils delibererent sur les precautions a pren- dre pour menager la sensibilite du malade. II fut de- 20 cide qu'Enguerrand entrerait seul d'abord. Au moment ou il s'approcha de I'endroit oii I'infor- tune Isolin etait etendu, celui-ci entr'ouvrit les yeux. La presence de son frere ne parut pas I'etonner. II avait tant souffert que sa memoire s'etait alteree. 25 «C'est toi ? murmura-t-il. Pourquoi ne venais-tu done plus ? . . . Tu ne sais pas : on me disait que tu etais mort. Ils m'ont battu bien cruellement. Mais te voilk ; tu me defendras. LA CROISADE DES ENFANTS m — Isolin, ranime-toi. J'ai une bonne nouvelle h t'annoncer. Je suis libre et tu vas etre libre aussi. — A quoi bon ? — Nous retournerons en Europe, aupres de notre 5 bonne mere. — Regarde-moi. Crois-tu que Je puisse partir avec toi, mon frere ? — Tu es jeune. Le bonheur retablira tes forces. — Je me rappelle que tu m'avais recommande d'etre 10 fidele h, la foi de nos aieux. C'est parce que je t'ai obei que j'ai tant souffert et c'est parce que j'ai tant souffert que je vais mourir. — Non, tu ne mourras pas, mon fils bien-aime, s'ecria sire Angilbert en entrant precipitamment, suivi 15 de la petite troupe qui avait vainement essaye de le retenir plus longtemps. Tu seras conserve a notre tendresse. . . Ou es-tu ? Je suis aveugle, moi. — Mon pere, me voici,» repondit le malade. Sire Angilbert se pencha et couvrit Isolin de baisers. 20 L'adolescent avait passe ses bras amaigris autour du cou de son p^re et disait : «Est-ce bien vous ? Ne venez-vous pas me chercher de la part de Dieu pour m'emmener dans un monde meilleur ? Oh ! parlez. Repetez-moi que vous etes mon 25 noble pere et que je ne suis pas entoure de visions de- cevantes. — Oui, mon Isolin. Tu vois ton pere qui a echappe par miracle h mille dangers. Tes freres sont aupres de toi ; ta noble mere attend ses fils et le ciel lui rend 30 un epoux dont elle se croyait separee k jamais. Cou- rage done et ranime-toi. Nous allons prier pour obtenir ta guerison. 112 LA CROISADE DES ENFANTS Donnant un exemple que tous les assistants imiterent, sire Angilbert se mit a genoux, joignit les mains et cette fervente priere s'exhala de son coeur : «Mon Dieu ! si votre vieux serviteur a dignement defendu votre cause ; si vous daignez vous rappeler ses 5 fatigues et ses blessures ; si le sang qu'il a perdu, si les tortures que les infideles lui ont infligees, peuvent avoir quelque merite a vos yeux, 6 Seigneur tout-puissant, accordez-moi enfin une recompense qui comblera mes vceux. Sauvez mon enfant. II est la qui souffre et 10 lutte centre la mort. Conservez-le, ou, s'il faut qu'un Kerougal succombe, prenez-moi, retranchez de mon existence le pen de jours qui me restent.» Dieu eut pitie du vieillard et de Tadolescent. Quel- ques jours apres, Isolin etait en etat de suivre son pere 15 et ses freres. Au moment ou ils s'embarquaient au port d'Alexan- drie, dom Wilfrid qui les avait accompagnes, leur dit soudain adieu. «Quoi ! ne venez-vous pas avec nous? demanda En- 20 guerrand. — Non, mon enfant, repondit le moine. C'est ici qu'il me faut attendre le terme de ma vie. Je dois mes soins, mes exhortations aux pauvres captifs. Ce sont mes fils, sire Angilbert. Je reste avec ma famille d'in- 25 fortunes. Partez, le vent est favorable. Partez. De loin je prierai pour vous.» Apres une heureuse traversee, sire Angilbert et ses fils debarquerent dans un port de la Bretagne et se dirigerent immediatement vers le manoir de Kerougal. 30 fichappes k tant d'epreuves, de fatigues et de dangers, LA CROISADE DES EXFANTS 113 ils avaient hate de se retrouver au milieu de leur fa- mille. Ils eprouvaient un immense desir de respirer Pair pur du pays natal, de revoir les tours du chateau de leurs ancetres et d'embrasser la noble Hermingilde et 5 la jeune Berengere. A mesure qu'ils approchaient de ce but tant desire, ils ressentaient une impatience de- vorante. Le jour de la reunion arriva enfin. Hermingilde avait ete informee par un message, car un bonheur si 10 grand aurait pu Taccabler. Cette premiere entrevue fut pleine d'emotion et de larmes. La noble chatelaine pouvait a peine en croire ses yeux. Apres avoir tant pleure son epoux et ses fils, elle les retrouvait. Tous etaient Ik devant elle. La mort n'en avait pas atteint 15 un seul. Quand cette heureuse famille eut donne un libre cours h sa joie, la cloche du manoir lui rappela qu'elle avait a remercier le Maitre tout-puissant qui protege ses fiddles serviteurs. Tous se rendirent a la chapelle 20 ou I'aumonier celebra le service divin et offrit k Dieu, au nom des Kerougal, Thommage de leur ineffable gratitude. UN SALTIMBANQUE I MoN saltimbanque etait un homme de quarante ans environ. II etait grand, maigre, de figure ordinaire. Je ne I'aurais pas remarque sans I'expression etrange de son regard et le son particulier de sa voix. II parlait avec volubilite comme les meridionaux et semblait 5 s'adresser k moi comme pour defier ma perspicacite. Monte sur une colonne de chaises elevees les unes sur les autres, il faisait les tours les plus difficiles sur ce perilleux piedestal. II s'y tenait dans toutes les posi- tions, tantot se suspendant par les pieds aux barreaux 10 de la derniere chaise et riant a la foule placee au-dessous de lui, tantot paradant tout au sommet en vrai bateleur de Paris et langant des plaisanteries h ses auditeurs. Tout h coup, il s'assit gravement et, avec une expres- sion singuliere : 15 «Savez-vous, dit-il, que je suis h la hauteur d'un second etage ? Oh I ni plus, ni moins. Au reste, peu m'importe. Et, pourtant, si je tombais I Je parie que vous ne pensez pas que je puisse tomber ? Vous avez raison, apres tout. Vous voulez rire, n'est-ce pas? Riez. 20 Je gambade. Riez. Je danse. Riez. Je chante. Riez. Et si je tombe 1 Riez encore. Riez bien fort. Vous avez paye d'avance.» Et la foule eclata en effet d'un rire bete. 114 UN SALTIMBANQUE 115 Je me sentis instinctivement froid au coeur. Je tremblais ; j 'avals peur de voir tout k coup tomber le pauvre saltimbanque. «Maintenant, continua-t-il, nous allons finir la repr^- 5 sentation, messieurs, mesdames 1 Encore quelques sous, et vous allez me voir sauter de ma colonne fafitastiqiie. Messieurs, mesdames, la main a la poche !» II etait six heures du soir a peu pres. La nuit com- mengait \ venir. 10 «Vous allez voir le grand tour. II me manque dix sous, messieurs, mesdames. Cinquante centimes. Ce n'est pas trop. Allons, il faut que je dine comme les autres. Dix sous, messieurs, mesdames, dix sous seule- ment.» 15 La foule demeurait muette. « Allons I allons I Est-ce que vous voulez que je ne mange pas aujourd'hui ? II me manque dix sous. Faut- il marchander?» Je jetai une piece d'argent au pauvre acrobate. 20 «A la bonne heure 1» s'^cria-t-il. Puis il ajouta : «Une, deux, trois I» Et, repoussant du pied la chaise sur laquelle il repo- sait, il s'dlan^a, les bras croises, dans I'espace. 25 La foule poussa un cri. II tomba, raide sur ses pieds et comme fixe en terre, le sourire aux levres, devant la foule ebahie. «Maintenant, dit-il, allons diner I» ii6 UN SALTIMBANQUE II La foule s'ecoula peu a peu. II ne resta bientot plus aupres du saltimbanque que quelques gamins con- templant rhomme prodigieux qu'ils admiraient avec toute la force de leur naif enthousiasme. Je m'approchai de lui, pendant qu'il passait sur son 5 maillot une blouse bleue et un pantalon de coutil. Je le saluai, et il me rendit mon salut. Je me mis a causer avec lui. II aimait a parler, parce qu'il souffrait et vivait habituellement dans la solitude. 10 Nous nous mimes en marche et, des Champs-lSlysees a la Roquette, dans le voisinage de laquelle il demeu- rait, le saltimbanque me conta son histoire : «Je m'appelle, me dit-il, Hector Guerin. Mon nom de guerre est Lagamache. Je suis ne a Paris : je ne 15 suis presque jamais sorti de Paris. Mon pere etait serrurier. Je n'ai jamais connu ma mere. J'ai ete eleve pour etre mecanicien : c'etait le reve de mon pere de me voir un jour contre-maitre dans quelque grande usine et gagnant bravement ma journee, comme il la 20 gagnait lui-meme dans son atelier de serrurerie. ' Petit, me disait-il souvent, il faut travailler en ce monde et travailler dur si Ton veut reussir. N'ecoute jamais les faineants et marche droit ton chemin. Tu arriveras.' 25 J'etais a peine age de douze ans. Jusqu'alors, j'etais alle a I'ecole. mon pere voulant faire de moi un gargon instruit. Mais, a douze ans, j'entrai en apprentissage et il me fallut penser a devenir un bon ouvrier. UN SALTIMBANQUE ii? Je travaillals fort, je vous le jure, et, si la mauvaise chance n'etait pas venue m^accabler, je serais aujour- d'hui un honnete ouvrier dans I'aisance. Mon pere mourut. Je me trouvai, enfant encore, 5 abandonne sur terre, car il etait le seul parent qui me restat. Je devins triste, sombre et de mechante hu- meur. Mes compagnons d'apprentissage me battaient. Le patron les approuvait et je pleurals. Je resolus de mettre fin a ce genre de vie. 10 J 'avals quinze ans. Je sentais germer dans ma tete ces idees de rebellion que toute injustice inspire. Une nuit, je m'enfuis et j'allai me cacher, jusqu'au lende- main, dans une maison en demolition. Quand le jour vint, je sortis de mon gite et j'allai dans la campagne, au 15 hasard. Je demeurai toute la journee dans les champs. Le soir, je mourais de faim. J'etais faible. Je n'avais pas d'argent. J'avais envie de mendier pour acheter du pain. Mais, orgueil ou timidite, je ne le fis pas. Je me cachai, cette nuit-la, dans un fosse et je dermis, 20 sans souper, k la belle etoile. Le lendemain decida de toute ma vie. II y a des jours comme cela. Tous les autres dependent d'eux. C 'etait une belle journee. Je m'en souviens comme d'hier, mieux que d'hier. II faisait un soleil magnifi- 25 que. Ce fut le soleil qui me reveilla. D'abord je me dis que j'etais libre et je me felicitai d'avoir eu le courage de fuir. Puis, sentant la faim, je me mis a reflechir que parfois le patron avait une bien bonne soupe, tres appetissante, et je me demandai si je 30 ne devais pas reprendre le chemin de la fabrique, au risque d'etre battu d'importance au retour. Ii8 UN SALTIMBANQUE Et peut-etre me serais-je decide a rentrer si . . . Voyez comme le hasard est une belle chose ! Je marchais doucement, bien doucement, du cote de la fabrique, Pair attriste, quand, tout k coup, je me trouvai en face d'une espece de geant, k la figure rouge, ornee de deux 5 immenses favoris noirs. Cet homme portait un ample manteau de cocher et un chapeau garni de rubans. «Qu'est-ce que tu fais la ? me dit-il d'une voix rau- que. — Rien, repondis-je. 10 — D'oii viens-tu ? — De Paris. — Oil vas-tu ? - — Je n'en sais rien. — Ou demeurent tes parents ? 15 — Mes parents sont morts. — Tu es seul, petit ? — J'etais chez mon patron. — Et tu t'es sauve, galopin ? — Oui. 20 — Tu n'as pas peur ? — Peur de qui ? — Du patron? — Non. J'ai peur de la faim, voilk tout. — Petit ? 25 — Quoi ? — Veux-tu manger ? — Oui. — En ce cas, viens avec moi. — Je veux bien, dis-je. Mais qui etes-vous ?» 30 Le gros homme ^clata de rire. UN SALTIMBANQUE 1 19 «Tu le sauras plus tard.» II me conduisit k Pantin, dans un petit cabaret. Lk, il me fit abondamment manger et apres le repas il m'emmena au milieu d'une troupe de gens de son 5 espece, qui m'accueillirent avec une grande exclama- tion de joie. II y avait Ik des jeunes gens et des vieux, vetus d'oripeaux, de sole dechiree, de velours use, qui s'extasierent devant moi. ' Oh I disait Tun, il est fort. 10 — II est gentil, disait I'autre. — Nous le dresserons, ajoutait un troisieme. — II semble etre leste. — Bien choisi, Galochard ! ' C'etait le nom du geant qui m'avait rencontre. 15 II parut satisfait des compliments de ses confreres, et venant k moi : ' Tu entends, petit, me dit-il, les propos flatteurs de I'honorable compagnie. Eiforce-toi desormais de t'en rendre digne. Des aujourd'hui, tu es notre frere. Tu 20 partageras nos plaisirs, nos travaux, notre vie aventu- reuse et pleine de charmes. Es-tu content ? — Oui, repondis-je. — Tres bien ! Alors, petit, va. Je te baptise sal- timbanque.' 25 Le gros Galochard me donna deux taloches et m'envoya rouler k quelques pas de lui au rire de toute I'assemblee. Toute ma vie etait decidee. Je fus, des ce moment, ce que j'ai tou jours ete depuis, — ce que je serai de- 30 main, — un saltimbanque.» I20 UN SALTIMBANQUE III Lagamache me regarda. II souriait avec amertume. «Je ne vous raconterai pas, dit-il, mes aventures de bateleur. Ce que je veux vous dire est plus intime et plus triste. iScoutez-moi. II y a maintenant quinze ans k peu pres, un soir, je 5 revenais comme aujourd'hui des Champs-filysees. C'e- tait en hiver. II faisait dejk nuit et les quais etaient deserts. J'etais content de ma journee. La foule avait bien ri et bien paye. Depuis longtemps, je dois vous le dire, 10 j 'avals quitte Galochard et sa troupe et je travaillais seul sur les places de Paris. Comme je passais devant le pont des Arts, j'enten- dis une voix d'enfant qui pleurait. Je m'approchai et je vis une jolie petite fille de trois ans a peine, assise 15 par terre et sanglotant dans ses mains. Je la pris dans mes bras et la portai sous un reverbere. Elle etait elegamment vetue d'une robe de sole. Ses cheveux frises lui tombaient sur les epaules. Elle etait fraiche, blan- che et rose, avec de grands yeux bleus et de longues 20 boucles blondes. * Pourquoi pleures-tu ? ' lui dis-je. Elle me regarda fixement et, tout a coup, cessant ses plaintes, elle se mit a me sourire et jeta ses jolis petits bras blancs et doux comme du satin autour de mon 25 cou. Je me sentis tout emu, monsieur. Je n'aime pas beau- coup les petits enfants. Mais cette petite etait un joli cherubin, un ange. UN SiVLTIMBANQUE 12 1 Je I'embrassai, je la caressai, je la dorlotai. *Tu es mon papa,' balbutia-t-elle . . . Papa ! Comprenez-vous tout ce qu'il y a de bon dans ce mot-la ? Je la couvris de baisers. Papa I Et sa petite 5 bouche me souriait, me souriait . . . ' Qui t'a abandonnee la ? lui demandai-je . . . — Je ne sais pas 1 . . . ' Sa voix etait douce comme une petite flute. ^ Est-ce ton papa ? 10 — Papa, c'est toi 1 — Je ne suis pas ton papa, dis-je . . . Regarde-moi bien. Ton papa n'est pas habille comme moi ! — Papa I papa ! ' repetait I'enf ant en m'embrassant avec ses levres roses. 15 Je ressemblais sans doute beaucoup a son p^re et la pauvre petite me prenait pour lui. Je I'interrogeai vainement. EUe ne put m'apprendre comment elle avait ete perdue, ni qui etaient ses parents. Rien ! Elle com- prenait a peine et ne parlait presque pas. 20 Cependant, que f allait-il f aire ? — La porter tout de suite au commissaire et I'abandonner au hasard, ou la garder avec moi dans mon pauvre logis? Je resolus de la garder. En route, elle se mit h jouer avec mes cheveux et ma 25 barbe, et a rire aux eclats. Elle partagea mon repas, c'est-a-dire mon pain sec et mon eau pure, et mangea de bon appetit. II faut croire que je lui plaisais, puisqu'elle riait de tout son coeur. Ah ! si vous saviez comme elle etait gentille ! 30 Le lendemain matin, j'allai faire ma declaration au commissaire et il chercha sur la petite fille tous les in- 122 UN SALTIMBANQUE dices qui pouvaient la faire reconnaitre. Puis il me dit : * Vous pouvez vous retirer maintenant. Nous vous ferons savoir si I'enfant est reclamee. Laissez-la ici. — Moi ! moi I m'ecriai-je, monsieur, la laisser ! Oh non ! Je la garde. Je I'aime trop pour I'abandonner. 5 Jusqu'k ce qu'elle soit reconnue, 011 la mettrez-vous ? dans un asile d'enf ants trouves, avec des petits mendiants et des vagabonds. Elle souffrirait trop. Elle est habi- tuee k vivre libre et a etre soignee. Oh ! laissez-la-moi, monsieur ; je la dorloterai comme si elle etait a moi ... 10 Du reste, je suis tout pret k vous la rendre, a la rendre k sa mere ... si nous avons le bonheur ... de . . . la retrouver. — Vous etes un brave homme, Lagamache, me dit le commissaire, et je puis vous confier cette enfant. 15 Gardez-la et prenez-en soin. Les parents vous en seront peut-etre reconnaissants un jour. — Ah I merci, monsieur. Qa me fait un grand plai- sir de conserver ce tresor aupres de moi.' Et j'emportai I'enfant dans mes bras comme un avare 20 emporte son or. Ce jour-lk, je ne travaillai point. Je passai mon temps avec ma petite Marie ; (c'est ainsi qu'on la nom- mait, m'avait-elle dit). Elle ne s^ennuya pas, je vous assure. J'etais redevenu enfant pour elle et je gamba- 25 dais par la chambre comme un cabri, aux grands eclats de rire de la petite. Les joyeux souvenirs ! Qa vous rajeunit et 9a vous fait revivre. II me semble, en me rappelant cette belle journee, que je n'ai pas vieilli, que je n'ai pas souffert. 30 UN SALTIMBANQUE 123 IV J*omets toutes sortes de details qui ne vous interesse- raient pas. Les jours, les mois, les annees se passerent. Personne ne me reclama Marie. Peut-etre ses parents I'avaient-ils abandonnee h dessein. Toujours est-il que 5 la pauvre petite demeura orpheline et n'eut plus, malgre toutes les recherches, d'autre parent sur terre que moi. Elle grandit. J'etais fier de la voir devenir belle avec Page. Quand je la menais promener, le dimanche, on la regardait 10 beaucoup : elle etait si jolie, et moi si content, et j'avais envie de dire a tout le monde : ' Elle est h. moi ! C'est mon bien, ma vie, et si elle est belle comme vous la voyez, c'est que je I'ai elevee et soignee ; c'est moi qui I'ai sauvee ; c'est moi qui suis son pere ! ' 15 Je ne depensais rien de ce que je gagnais. Tout mon argent ^tait pour elle ; je savais qu'elle etait nee riche et je voulais qu'elle le fut toujours. Je travaillais sans cesse et j'inventais, pour gagner davantage, des tours de force surprenants. Dix fois par jour, je risquais 20 de me rompre le cou dans mes exercices, mais, dans les moments de danger, je pensais h mon enfant et mon pied redevenait solide. Un enfant grandit vite. Marie eut dix ans bientot, puis onze, puis douze. Je I'avais mise dans un pension- 25 nat, k Montreuil, et je I'y allais voir deux fois par semaine. Elle sortait tous les dimanches ; alors elle me parlait de ses progres, de son travail, de sa science. Si je suis moins ignorant qu'auparavant, c'est a elle que je le dois. Cette enfant-la m'a instruit. Elle me recitait ses legons, 124 UN SALTIMBANQUE j'ecoutais et je retenais. Quand elle me lisait quelque chose, j'etais attentif comme un bon eleve et tout se gravait dans mon esprit pour longtemps. Plus elle grandissait, plus elle devenait charmante. Elle fit sa premiere communion. Je voulus qu'elle fut 5 aussi bien vetue que ses camarades, et, certainement, sous sa robe blanche et son voile de gaze, elle etait bien la plus jolie de toutes. Marie grandit encore. Elle ignorait ma profession et me croy ait rentier. J 'avais change de logement; on 10 ne me connaissait pas dans le quartier. On me nom- mait Hector Guerin, mais non pas Lagamache-le-Bate- leur, comme on m'appelle encore au faubourg. Je voulais qu'elle n'eut pas le moindre soupgon de mon miserable metier. 15 Je sentais qu'elle aurait honte de moi si elle apprenait jamais qui j'etais et je me cachais. Tant qu'elle etait petite, je n'avais point pense a cela. Mais, a mesure qu'elle devenait une belle et fiere jeune fille, imposante et noble, j 'avais honte, monsieur, j' avais 20 honte de n'etre qu'un saltimbanque. Je craignais aussi qu'elle retrouvat ses parents, * qu'elle me laissat seul. J'avais peur de cette solitude. Je ne voyais pas souvent Marie, mais je savais qu'elle etait a moi, qu'elle m'aimait, qu'elle pensait a moi et j'etais 25 heureux. Elle atteignit sa dix-huitieme annee. Elle etait grande, elancee, gracieuse. Je n'ai jamais vu de femme aussi belle, je vous le jure. Quand je la regardais et qu'elle me souriait, j'aurais voulu rester tou jours comme j'etais, 30 et dans ces moments-la je ne pensais qu'a elle, a cette UN SALTIMBANQUE 125 belle jeune fille qui m'aimait tant. Je vous jure que je serais mort heureux, si j'etais mort, ma main dans sa main et mes yeux dans ses yeux. Ah ! ce n'est pas ainsi que ma vie doit finir I 5 Je vais abreger. V Un dimanche matin, Marie me demanda si je ne pensais pas a la retirer bientot de son pensionnat. ' Pere, dit-elle, toutes mes camarades sont libres maintenant et plusieurs sont mariees. Je ne suis plus 10 une enfant et je commence a m'ennuyer dans ce pen- sionnat oil j'ai deja passe tant d'annees. — C'est vrai, repondis-je tout absorbe. Tu es gra?ide maintenant, ma petite Marie. — Pere, dit-elle en souriant, j'ai dix-huit ans. 15 — C'est vrai, repetai-je, et tu penses peut-etre a te marier ? — Peut-etre,' fit-elle. Je reculai, comme si un coup inattendu m'eut frappe. ' Te marier ? . . . Te marier ? . . . Aimes-tu done 20 quelqu'un, Marie ? — Faut-il tout vous dire, mon pere ? — Tout, mon enfant, dis-je, en m'efforcant de contenir mon emotion. Parle, je t'ecoute.' Et je sentais comme une main de fer qui me serrait 25 le coeur. Ah ! comme je souffrais ! Marie reflechit un instant, me fit asseoir, s'assit elle- meme et me dit : ' Mon pere, vous connaissez bien Emma Villevieux, dont je vous ai parle tant de fois, et que je regarde 30 comme ma plus intime amie ? 126 UN SALTIMBANQUE — Oui, je I'ai vue une fois a Montreuil. Continue. — - Vous vous souvenez que j'ai ete invitee a sa noce, il y a trois ou quatre mois, et que je lui ai servi de de- moiselle d'honneur? — Oui. 5 — Eh bien I Emma a un frere. C'est un jeune homme charmant, tres bien eleve, digne en tous points. . . — C'est lui ? . . . demandai-je. — C'est lui. — Et tu I'aimes ? lo — Un peu. — Et il t'aime ? — Beaucoup. — Tu veux I'epouser ? — Mon pere. . . 15 — Reponds . . . Voyons, insistai-je, reponds. — Oui, mon pere.' II me passa comme un nuage devant les yeux. Je m'ecriai : 'Dis-lui qu'il vienne me parler.' 20 Puis j'allai me jeter sur mon lit dans la chambre voisine. J'etais abattu. Au bout d'un temps probablement long, je me sentis cependant assez remis pour reflechir posement k ce 25 qui arrivait. Ainsi ii fallait me separer de Marie ; c'etait elle-meme qui le desirait. figoiste que j'etais ! Je ne pensais qu'a moi, j'etais heureux de sa presence, de sa vue, de son sourire, et j'aurais voulu garder tous ces tresors pour 30 moi seul. UN SALTIMBANQUE 127 Je I'avais toujours appelee ma fille, elle me nommait son pere, la pauvre enfant, mais cela ne pouvait durer. II fallait a present tout lui dire, lui apprendre la verite moi-meme. 5 Je n'hesitai pas. Je me dirigeai vers sa chambre. La porte en etait ouverte. Marie, assise sur une chaise, paraissait absorbee dans ses pensees. 10 Elle m'entendit, tourna vers moi ses beaux yeux bleus, oil je vis des larmes, se leva et accourut. Mais mon visage etait grave et triste. Je la regardai fixement. Elle recula. * Qu'avez-vous ? ' me dit-elle. 15 Je lui fis signe de se rasseoir. Elle obeit et je restai debout. Alors, rassemblant tout mon courage : ^ Marie, lui dis-je gravement, maintenant que vous allez me quitter pour un autre qui, plus que moi, a des 20 droits sur vous, puisque vous Taimez, je dois vous dire la verite sur notre position respective et sur le rang que je puis occuper dans votre coeur. Marie, mon enfant, vous n'etes point ma fille.* Elle se leva brusquement, elle poussa un cri, devint 25 pale et recula, en me regardant avec des yeux hagards. * Que dites-vous ? murmura-t-elle ; que dites-vous ? — La verite, Marie. Je vous ai elevee, mais je ne suis pas votre pere.' Elle se jeta dans mes bras en pleurant. J'essayai de 30 I'apaiser. * Oui, Marie, continuai-je, oui, mon enfant. . . Tu vas 128 UN SALTIMBANQUE me quitter, mais ne pleure pas. Ne me regrette pas. Je ne suis rien, moi ! II t'aimera bien, sois-en sure. Tu seras heureuse. . . Plus heureuse qu'avec moi, Marie. II est jeune, riche, et tu I'aimes. Oh ! quelle douce vie ! Tu me laisseras aller chez toi quelquefois, n'est-ce 5 pas?' Elle se calmait peii a peu. Elle me sourit. * Oh ! me dit-elle, je vous aimerai toujours.' M'aimer toujours ! Ce mot-la entra dans mon coeur comme un rayon de soleil au milieu d'un orage. II me 10 fit du bien. ^ Mais, qui sont done mes parents ? Vous les connais- sez ? dit-elle. — Je ne les connais pas. — Sont-ils morts ? 15 — Je I'ignore. — Mais qui m'a done confiee h vous ? — Personne, Marie. Le hasard. Je vous ai ren- contree sur mon chemin, un soir ; je vous ai embrassee, vous m'avez souri, et je vous ai adoptee. 20 — Vous etes bon ! — Vos parents etaient riches sans doute, car vous etiez richement vetue. lis ont du pleurer de vous avoir perdue, mais on n'a point su leur nom, et je vous ai gardee. Vous n'aviez rien sur vous qui put vous faire 25 reconnaitre. J'ai conserve votre petite robe, Marie ; elle est Ik, dans cette armoire. Tiens ! (et je courus prendre la petite robe et la lui apportai) regarde. . . Oh 1 je crois te revoir encore, toute petite, avec ta figure d'ange, moins belle cependant que ton visage de jeune 30 fille. Si tu savais comme tu etais jolie, mon enfant I ' UN SALTIMBANQUE 129 Elle me regarda d'un air triste, jeta sur la petite robe un coup d'oeii indifferent et me dit : * Je n'ai done pas de nom a moi, et je ne puis apporter h Georges que le nom d'une enfant abandonnee. 5 — Que dis-tu la, Marie ! m'ecriai-je. . . Et le mien 1 — Le votre ! ' fit-elle avec un eclair de joie. Elle s'elanga vers moi, mais je la repoussai, et avec un grand eclat de rire, un rire de fou : ' Ah I ah ! ah ! ah ! m'ecriai-je . . . mon nom 1 Le 10 beau nom 1 Mon nom ! Pauvre enfant ! puis-je done te Poffrir ? . . . Mon nom 1 celui d'un saltimbanque, celui de Lagamache ! . . . Mon nom ! ' Et je tombai sur une chaise, en proie a une agitation terrible, riant, riant, riant de mon rire de maudit. VI 15 Marie etait pale, atterree ; elle me regardait avec frayeur. Elle fit un mouvement pour s'enfuir, mais je la retins. ' Reste ! II faut que tu saches qui je suis ! Tu ne peux pas porter mon nom. Je ne suis rien qu'un sal- 20 timbanque. Je vis au hasard. Je marche sur la tete et sur les mains pour gagner le pain de ma journee. Tu me croyais rentier. Je ne t'avais jamais dit quelle etait ma profession. Eh bien ! je suis un acrobate, un paillasse, un baladin, un sauteur de cordes, un de ces 25 hommes qui font des tours de force et risquent leur vie pour un morceau de pain, un vagabond, un rien qui vaille. Je suis tout cela, mademoiselle. II faut que vous sa- chiez quel est I'homme que vous avez appele votre 130 UN SALTIMBANQUE pere pendant quinze ans. Je suis saltimbanque. Hec- tor Lagamache. Tout le monde me connait. Cepen- dant, si vous devez rougir de moi, ne rougissez pas. Si votre fiance vous dit : ' Mais votre pere est un bateleur/ repondez hardiment : ' Ce n'est pas mon pere.' Vous 5 en avez le droit. Voyez-vous, Marie, je deviens fou. Tout ce que je dis la est absurde. Mais pardonnez- moi, car je souffre. Ne me meprisez pas trop, je vous en supplie. Je vous ai soignee, je vous ai elevee. Vous avez ete souvent malade. Les medecins ont desespere 10 de vous. Moi, j'ai toujours espere et je vous ai sauvee. Pensez que si vous etes belle, c'est a moi que vous le devez, que vous me devez cette instruction dont vous etes fiere, que c'est moi . . . Oh ! non, vous ne me devez rien, Marie. C'est moi qui vous dois tout. Qu'est-ce 15 que je serais sans vous ? Un faineant, un ivrogne, et pis peut-etre. Je te dois tout, mon enfant, tout, tout. Tu es ma famille, mon bonheur, ma vie.' J'etais a genoux. Je tenais ses mains dans les mien- nes ; je les couvrais de larmes. Elle se pencha vers 20 moi, me releva, et me dit de sa voix douce : * C'est moi qui dois m'agenouiller.' Elle se courba devant moi. ^ Merci a jamais pour vos bienfaits, dit-elle, merci pour vos soins, et croyez que je vous aimerai toute ma 25 vie.' A mon tour, je la relevai. * Georges doit tout savoir, dit Marie. Je vais tout lui dire.' Elle sortit. 30 Quelque temps apres, elle revint vers moi et me ten- dit une lettre ainsi congue : UN SALTIMBANQUE 131 ' Monsieur, * Tous nos pauvres projets sont aneantis, car je ne suis pas digne de vous. Je ne suis qu'une enfant trou- vee, elevee par charite et je ne puis pas meme porter le 5 nom de mon bienfaiteur. Oubliez-moi, Georges. ' Toute alliance entre nous devient impossible. Una autre jeune fille, riche comme vous, vous fera oublier celle qui vous aimait tant et qui signe du seul nom qui lui appartienne. JO Marie.' Quand j'eus acheve de lire cette lettre, je la lui rendis sans rien dire. Elle la plia, y mit I'adresse et sortit en me disant : * C'est mon coeur que je brise Ik.' 15 Je I'entendis toute la nuit pleurer douloureusement dans sa chambre. Je vis le lendemain qu'elle ne s'etait pas couchee. Cette nuit I'avait bien changee. Elle etait pale, de- faillante et on voyait encore sur ses joues la trace des 20 larmes qu'elle avait versees. La journee se passa triste et silencieuse. Ce jour-lS, on ne me vit point sur les places. Vers le soir, on frappa k la porte. Marie alia ouvrir. Un laquais parut. 11 portait une lettre. 25 ^ Mademoiselle Marie Guerin ? demanda-t-il. — C'est moi . . . c'est moi,' fit-elle. Le laquais lui tendit la lettre. Elle la prit. Elle etait toute pale. Sa main tremblait. Elle ouvrit la lettre, la lut, la relut et devint encore plus pale. 30 Je la regardais. Son visage se decomposait. Ses levres devenaient 132 UN SALTIMBANQUE violettes. Elle s'affaissait, allait tomber: je m'elangai a temps pour prevenir sa chute. Aussitot elle se redressa comme si on I'avait elec- trisee, se degagea de mes bras, et, dechirant la lettre, elle la jeta brusquement a terre. Puis elle sortit ou plutot courut dans sa chambre. VII Des le premier moment, j 'avals devine que cette lettre etait de Georges Villevieux. Je ramassai avec soin les debris du billet, et, en les rassemblant, je pus en de- chiffrer a peu pres le sens. 10 En quelques phrases ban ales, il lui exprimait froide- ment ses regrets, alleguant I'hostilite de sa famille h une telle union. Des semaines se passerent, longues pour moi comme des annees. Chaque jour, Marie devenait plus pale, 15 plus triste ; la pauvre enfant maigrissait a vue d'ceil. Cela me brisait le coeur. Je I'aimais plus que ma vie. J'aurais voulu mourir pour lui voir sur les joues ses fraiches couleurs d'autrefois. J 'avals peur qu'elle devint laide. J'aimais sa beaute. J'etais habitue a son 20 visage, a sa grace, a son sourire. J'aurais voulu les voir toujours. Cependant elle deperissait. C'etait comme une de ces fleurs qui se fanent quand la rosee leur manque. Je lui demandais souvent si elle etait malade. Alors 25 elle me regardait et me repondait d'une voix alter ee : ' Non.' Je savais bien ce qui la minait ainsi. C'etait son UN SALTIMBANQUE I33 amour, car elle aimait Georges de toute la force de son ame. Elle le voyait^ elle lui parlait dans ses reves. Elle ne pouvait pas Poublier. Cela dura six mois. Les docteurs parlerent d'anemie, 5 de maladie de langueur. Bref, la pauvre enfant, malgre mes soins les plus devoues, expira dans mes bras en prononcant le nom du miserable dont I'abandon la tuait. Que vous dirai-je de plus ? Je perdis connaissance aussitot, comme si I'on m'avait donne un coup violent 10 sur la tete. Quand je revins a moi, je pleural longtemps. La douleur n'avait pas ete la plus forte. Je devais vivre. J'etais sauve puisque mes larmes coulaient. Mainte- nant, tout est fini. Vous savez quelle a ete ma vie. 15 Dans un moment, nous aliens nous quitter. Croyez que je me souviendrai toujour3 de vous, car les gens qui ecoutent les plaintes des malheureux, sont rares. Je vous remercie. — Quoi ! lui dis-je. Ne nous reverrons-nous plus ? 20 — A quoi bon ? Cependant, n'oubliez pas le pauvre saltimbanque que vous avez rencontre par hasard et qui a eu assez de confiance en vous pour vous dire ses peines.» Nous entrions dans la rue de la Roquette. 25 «0u logez-vous ? lui demandai-je ? — Ici, tout pres. Allons, il faut nous quitter. Adieu. — Au revoir, repondis-je, et bon courage. Le temps guerit les douleurs les plus profondes. — Merci,» dit le saltimbanque et il disparut dans 30 I'obscurite qui envahissait la rue etroite ou il vivait ou plutot ou il mourait chaque jour. COMPOSITION EXERCISES COMPOSITION EXERCISES Based on page i, from line i to line 5. Questions 1. Quel age le petit gargon avait-il? 2. A quel college etait-il? 3. Ou est la viile de Saint-Eustache ? 4. Est-elle pittoresque ? 5. Est-elle charmante ? 6. Qu'a-t-elle? 7. La riviere est-elle jolie ? 8. La foret est-elle immense ? Translation Review. — Definite article. Indefinite article. Translation of it when subject. Agreement of adjectives. Plural of nouns. Present indicative of etre (to be) and avoir (to have.) I. I am a little boy. 2. I am twelve years old. 3. I am a pupil in the academy. 4. The academy is in the city of Saint-Eustache. 5. The city is in Franche-Comte. 6. It is pretty. 7. It is small. 8; It has a river and a forest. 9. The forest and the river are picturesque, 10. The cities of (the ^) Franche-Comte are delightfuK * Translat§ the words placed between parentheses. 137 13^ COMPOSITION EXERCISES II Based on page i, from line 6 to line 14. Questions 1 . Qui etait I'abbe Fortin ? 2. Le directeuf etait-il aussi professeur d'instruction religieuse ? 3. fitait-il aussi professeur de physique? 4. Qui etait aussi professeur de chimie ? 5. fitait-il aussi professeur d'histoire naturelle? 6. Qui etait Georges ? 7. A qui les deux cousins avaient-ils ete recommand^s ? 8. Qu'est-ce que I'abbe leur donnait chaque jour? 9. A quelle heure arrivaient-ils dans sa chambre? 10. Que leur expliquait-il durant une heure? Translation Review. — Use of du, de la, de /', des ; an, h la, d, l\ aux. Pre- sent indicative of the first conjugation. I. The boys have a teacher of religious instruction. 2. The teacher of the boys is Father Fortin. 3. The head-master of the academy is also professor of natural history. 4. He gives also (to) the pupils a lesson in chemistry every day. 5. The head-master recommends the two cousins to the teacher of physics. 6. George has a private lesson in Latin every day. 7. He arrives in the room of the teacher at four o'clock. 8. (The) Latin is the tongue of Cicero. 9. The priest explains to the boy the difficulties of (the) Latin. COMPOSITION EXERCISES 139 III Based on page 4. from line 10 to line 16. Questions 1. Qu'est-ce que le petit garcon osait a peine f aire ? 2. Comment avancait-il ? 3. Que lui semblait-il ? 4. A quoi pensait-il en suite ? 5. De qui se rapprochait-il ? 6. L'obscurite etait-elle profonde? 7. Qui marchait le premier ? 8. Hesitait-il frequemment ? Translation Review. Possessive adjectives. Place of adverbs. Present in- dicative of the ist conjugation; of verbs ending in -cer; of verbs having an e before the last syllable of the inhnitives in -er. I. It is ver}' dark' in the forest. 2. The forest seems immense. 3. The boys often hesitate. 4. George pre- cedes his cousin in the darkness. 5. They hardly dare to breathe. 6. We think of the dangers of the forests. 7. I\Iy cousin is thinking of the bandits. 8. I am think- ing of the Avolves. 9. We often hesitate. 10. We hardly dare to walk. 11. We walk on tip-toe. ^ Say : The darkness is z'ery deep, IV Based on page 6, from line 5 to line 16. Questions 1. Qui etait assis au bord du chemin ? 2. Qui leva la tete au bruit des pas des petits gardens t I40 COMPOSITION EXERCISES 3. Que remarquerent les deux cousins? 4. Qui etait cette femme ? 5. Que leur demanda-t-elle ? 6. Faites la description de cette petite fille ? 7. Depuis quand est-elle perdue ? 8. Qui I'a cherchee toute la nuit ? 9. Quel age la vieille femme a-t-elle ? ID. Est-elle encore vigoureuse ? II. Comme qui la petite fille est-elle jolie? Translation Review. Demonstrative adjectives. Imperfect tense and prete- rit or past definite of etre, avoir, and of verbs of the first conjugation. I. These boys met ^ a little girl and an old woman in the forest. 2. They were^ seated on the border of the road. 3. This little girl was^ seven years old. 4. Her hair was^ black and curly. 5. It fell ^ on her shoulders. 6. Was^ she pretty? 7. She was^ as beautiful as an angel. 8. We noticed^ that the woman was^ very old. 9. She was^ seventy-six years of age. 10. That woman was^ the grandmother of the little girl. 11. I noticed^ that she was^ no longer very strong. 12.. On hearing our steps, they looked up^ 13. They were weeping 2. 14. They were^ lost in this immense forest. 15. They had^ looked for their way the whole night. * Use the preterit or past definite. ^ Use the imperfect. V Based on page 11, from line 13 to line 23. Questions 1. Le lendemain, qui Pascal attendait-il? 2. Quand elle arriva, que portait-elle ? COMPOSITION EXERCISES 141 3. Pourquoi Pascal attendait-il Criquette? 4. Pascal a-t-il le temps ? 5. Qu'est-ce qu'il a apporte a la petite ? 6. Qui donne quelquefois des gateaux a Pascal? 7. Que propose Criquette? 8. Pourquoi Pascal refuse-t-il de partager le gateau? Translation Review. — Translation of his^ her^ its ; of so7^ie or any. Plural of nouns ending in -au. Relative pronouns. Present indicative and imperative of verbs ending in -ger and of the third conjugation. I. The pastry cook's apprentice carries some cakes in his basket. 2. At dismissal, he waits for Criquette. 3. She arrives on the square of the city hall. 4. She has some school-books in her basket. 5. The tall [girls] ^ do not wait for the little [ones], 6. They do not attack Criquette. 7. Pascal is there. 8. He has time. 9. He brings cakes to the little [girl]. 10. Let us wait for the pastry-cook. 11. Let us attack the boy. 12. Let us divide the cakes that are in his basket. 13. Let us eat. 14. We have time. ' Omit the words placed between brackets. VI Based on page 13, from line 15 to line 25. Questions 1. Criquette a-t-elle encore besoin d'aller a Tecole ? 2. Que sait-elle faire ? 3. Dans quoi Pascal et Criquette etaient-ils embrouilles, un jour ? 142 COMPOSITION EXERCISES 4. Qu'a fait Criquette ? 5. A-t-elle fait les deux additions correctement? 6. Reussissent-ils ensemble ? 7. Qu'est-ce que Criquette fait pour Pascal? 8. Qu'est-ce que Pascal fait pour Criquette ? 9. La petite a-t-elle des idees? ID. Dimanche dernier, a cinq heures, les deux enfants avaient-ils encore des marchandises ? 1 1 . A quoi Criquette a-t-elle pense ? 12. Combien ont-ils revendu les gateaux? Translation Review. — Negation. Translation of no, not any ; of my^ thy^ his, before a feminine noun beginning with a vowel. Present in- dicative of the second conjugation; of the passive voice; of verbs ending in -eter. Future of the first, second and third conjugations. I. Do you succeed? 2. I do not succeed. 3. I am counting my cents. 4. I am mixed up in my addition. 5. Criquette has some ideas. 6. They are not mxixed up. 7. She sells some flowers and some sticks of barley-sugar. 8. She does not think of her school. 9. One day, the apprentice pastry-cook has no more cakes. 10. The little [one] thinks of the grocer. 1 1 . They buy goods at the grocer's. 12. [On] Sunday, we shall sell cakes, sticks of barley-sugar and flowers. 13. We shall succeed. 14. We shall count our cents. 15. Our account will be mixed up. VII Based on page 15, from line 8 to line 20, Questions 1. Oil Criquette s'asseyait-elle ? 2. Qu'avait-elle sur les genoux? COMPOSITION EXERCISES 143 3. Qu'est-ce qu'elle avait a la main ? 4. Oil etait assis Pascal ? 5 . Que lui dictait-il ? 6. Dans quelles pieces de theatre choisissait-il des passages? 7. Que corrigeait-il consciencieusement ? 8. De quoi le devoir de Criquette etait-il plein? 9. Quand ladictee n'etait pas trop mauvaise, qu'est-ce que le professeur donnait k son eleve ? 10. Qu'est-ce que I'eleve offrait au professeur pour le remercier ? Translation Review. — Plural of nouns in -ou. Formation and place of ad- verbs. Future of etre and avoir ; imperative and future of verbs in -ger and of the second conjugation. I. Let US choose the teacher. 2. You will be the pupils. 3. I shall be the master. 4. The pupils will be seated in my library. 5. They will have a note-book on their knees. 6. I shall give some pencils to the pupils. 7. The teacher will select a passage from a play. 9. His library is full of plays. ID. He will dictate the passage to his pupils. II. Let us correct the [written] exercises. 12. They are full of mistakes. 13. The teacher will conscientiously correct the mistakes. 14. He will give no cakes to the pupils who have a poor dictation. 15. Your [written] ex- ercises are not too poor. 16. Let us thank our teacher. VIII Based on page 18, from line 23 to line 3, page 19. Questions 1. Par quoi Pascal et Criquette etaient-ils unis? 2. Que firent-ils? 144 COMPOSITION EXERCISES 3. Comment fut depense le gain des brioches ? 4. Maman Brinquart etait-elle retablie, le mois suivant ? 5. Que reprenait-elle ? 6. De quoi Criquette profita-t-elle pour la vente de ses fleurs et de ses sucres d'orge ? 7. Combien les deux enfants gagnaient-ils en moyenne ? 8. Sur quoi roulaient-ils litteralement ? 9. Qu'est-ce que Pascal acheta chez son libraire ? Translation .Review. — Conditional of the first, second and third conjuga- tions; of etre and avoir ; of the passive voice; of verbs ending in -eter, I . We should have our little trade under the gateway of the bookseller. 2. We should earn seven francs a day. 3. You would roll on gold. 4. What would you buy ? 5. Our purse would be common. 6. We should be united. 7. We should spend our profits in medicines. 8. They would be for our mother. 9. She would be cured the fol- lowing month. 10. She would profit by our popularity. II. We should buy cakes. 12. The closest affection would unite the mother and the children. IX Based on page 21, from line 17 to line 6, page 22. Questions 1. Comment Criquette et Pascal debuterent-ils ? 2. Qui celebra leur triomphe ? 3. Qu'est-ce qui publia leurs portraits ? 4. Qui etait venu au theatre ? COMPOSITION EXERCISES 14S 5. A quoi avait-elle assiste ? 6. Que furent-ils obliges de faire, le soir ? 7. Pourquoi ? 8. Que fit le directeur du theatre, le lundi suivant ? 9. Pour combien de temps les engagea-t-il ? 10. A quelles conditions les engagea-t-il? 11. Qu'est-ce qui etait assure ? Translation Review. — Plural of nouns ending in -al. Plural and feminine of adjectives ending in -eux. Past participles conjugated mth to have in English and with etre in French. Agreement of past parti- ciples conjugated with etre. Peculiarities of verbs of the first con- jugation; of those ending in -ger and those having an /before the last syllable of the infinitive. Past indefinite of etre and avoir and first conjugation. I. We are the managers of the theater. 2. We have en- gaged Criquette. 3. Her mother and Pascal have come to the theater. 4. They are in the auditorium. 5. Criquette has made her first appearance. 6. Her success has been tremendous. 7. The whole press has been present at her debut. 8. Criquette has returned to her dressing-room. 9. All the newspapers will sing her triumph. 10. They will publish her picture. 11. Criquette and her mother wdll not return to Belleville on foot. 12. Let us compel Pascal to take a carriage. 13. They will carry away in the carriage a quantity of candies, of cakes, of oranges and of flowers. 14. Let us engage Criquette for the season. 15. Her mother and Pascal celebrate her debut. 16. It will be advantageous for our theater. 17. Our triumph is assured. 146 COMPOSITION EXERCISES X Based on page 25, from line 1 1 to line 26. Questions 1 . Qu'est-ce que Jacques apergut sur la porta ? 2. Quelle etait I'mscription qui etait sur cet ecriteau ? 3. Oil Jacques entra-t-il ? 4. Ou arriva-t-il ? 5. Que faisait la vieille femme? 6. Qu'est-ce que Jacques ota poliment ? 7. Que dit-il a la blanchisseuse ? 8. Que lui repondit-elle ? 9. Pourquoi Jacques reflechit-il un moment ? 10. A quoi ne serait-il pas expose? Translation Review. — Demonstrative adjectives. TrsLnslaiion of som^, any, before a noun preceded by an adjective. Place of personal pronouns objects. How to form questions in French. Conjugation of verbs in -yer ; of apercevoir. Imperative and future of the second con- jugation. I I. Who are you? 2. Are you (some) vagrants ? 3. We are (some) small chimney-sweepers. 4. What are you looking for? 5. We are looking for a lodging. 6. Do you perceive that signboard? 7. Enter (into) that blind alley. 8. You will arrive at the further end. 9. You will be in a small courtyard. 10. You will notice (some) clothes on (some) lines and (some) inscriptions on (some) signboards. II I. Take off your cap. 2. Why? Answer. 3. An old woman is in the courtyard. 4. Do you see her? 5. I COMPOSITION EXERCISES 147 see her. 6. She is hanging up (some) clothes. 7. Has the old laundress a small room to let ? 8. How much does she want to rent it [for] ? 9. She will answer you. 10. Reflect. II. Will you pay your quarter's rent in ad- vance? 12. I shall reflect. XI Based on page 26, from line 26 to line 6, page 27. Questions 1. Oil etait Jacques le lendemain, au point du jour? 2 . Que repetait-il ? 3. Avait-il plus de chance que la veille ? 4. Qu'est-ce qui s'ouvrit enfin ? 5. Qu'entendit-il ? 6. Monta-t-il I'escalier ? 7. Que nettoya-t-il ? 8. Comment la nettoya-t-il ? 9. Son travail fini, qu'est-ce que la servante lui donna? 10. Comment les regut-il ? Translation Review. — Superlatives. Place of personal pronouns objects of verbs. Peculiarities of verbs of the first conjugation : those ending in -e/er ciud -yer; those having an /before the last syllable of the infinitive. Conjugation of 7'ecevoir. I. The chimney-sweepers are on the streets at day- break. 2. They repeat their little cry. 3. The maid- servants call them. 4. They clean the chimneys. 5. Their work over, they receive eight cents. 6. They are full of joy. 7. I have no luck. 8. The maidservants do 14^ COMPOSITION EXERCISES not call me. 9. Do you hear a cry? 10. A maidservant is calling you from that window. 1 1 . Does she call me ? II I. Repeat your little cry of chimney-sweeper. 2. Do you hear me? 3. I call you. 4. Climb the stairs. 5. Clean the chimney of our house. 6. Finish your work carefully. 7. I shall finish it with the greatest care. 8. How much will the servant give (to) James? 9. She will give (to) him eight cents. 10. How will he receive them ? II. He will receive them with gratitude. XII Based on page 29, line 24, to line 4, page 30. Questions 1. Jacques hesita-t-il ? 2. Oil mit-il la piece d'argent? 3. A quelle porte frappa-t-il? 4. Oil entra-t-il ? 5. Que lui demanda-t-il ? 6. Que lui repondit la concierge ? 7. Comment lui repondit-elle ? 8. Qui jouait dans un coin de la loge? 9. Que dit-elle a Jacques? ID. Que fit celui-ci ? 11. Qu'etait-il decide a rendre ? 12. Frappa-t-il a la porte ? 13. Que demanda-t-il quand la porte s'ouvrit? COMPOSITION EXERCISES 149 Translation Review. — Past participles conjugated with to have in English and with ^/r^ in French. Agreement of past participles conjugated with ^/r^. Present indicative of verbs ending in -eter. Past indefinite and plu- perfect of regular verbs. I. Have you returned the piece of silver to its owner? 2. Have you hesitated one instant ? 3. No, we have knocked at the door. 4. When we have entered (into) the lodge, a little girl was ^ in a corner. 5. She was ' not beautiful. 6. She was^ in bad humor. 7. She had not played the evening before. 8. James has spoken to her : 9. Does the janitress of this house throw any sweepings in the street? 10. The little girl has replied to him : 11. The cooks throw some sweepings in the street [in] the evening. 12. We were ^ decided. 13. We have climbed the stairs of the second story. 14. I have knocked at the door. 14. I have asked for the cook. 16. I have spoken to her. 17. James has returned the money to her. ' Use the imperfect. XIII Based on page 36, line i to line 13. Questions 1 . Comment Jacques exprima-t-il sa joie et sa gratitude ? 2. Que quitta-t-il? 3. Perdit-il un seul instant? 4. Combien de temps ses efforts resterent-ils sans re- sultat ? 5. Qu'est-ce qui rendait ses recherches plus difficiles ? 6. Qui etait une de ses clientes ? 150 COMPOSITION EXERCISES 7, Par qui la porte cochere de cette maison etait elle occupee 8. Que vendait cette vieille femme ? 9. Quelle pensee Jacques eut-il un jour? 10. Que desirait-il lui demander? Translation Review. — Past participles conjugated with to have in English and with etre in French. Agreement of past participles conjugated with etre. Imperfect, preterit and pluperfect of regular verbs. I. Who was occupying the gateway of that beautiful house? 2. Mrs. Gervais and James were occupying it. 3. They had had the idea of renting a gateway in the neigh- borhood of the store. 4. Their searches were difficult. 5. Their desire was to remain in Saint- Antoine street. 6. They did not lose one moment. 7. They rented this beau- tiful gateway. 8. However, Mrs. Gervais had asked James to^ remain in the store where he was occupied. 9, He had not left it. 10. They were selling toilet articles. 11. Had they many customers in the neighborhood ? 12. They had among their customers all the janitresses of the street. 13. The old woman and James were unable to express their gratitude by words. 14. They were expressing it by tears. 15. Their efforts had not remained without results. Me. XIV Based on page 38, line 28, to line 10, page 39. Questions 1. Qui benit les nouvelles entreprises de Jacques? 2. Qui est aujourd'hui I'un des plus riches negociants de la capitale ? COMPOSITION EXERCISES 151 3. A quoi pense-t-il souvent? 4. Qu'a-t-il ete oblige de suivre pour arriver a la for- tune ? 5. Que se rappelle-t-il surtout avec plaisir ? 6. Que ne manque-t-il pas de faire quand Tanniver- saire de ce jour arrive ? 7. Que lui dit-il? 8. A quoi le cure saura-t-il exhorter les enfants ? Translation Review. — Superlatives. Translation of iji after a superlative. Irregular feminines. Tenses and moods used in clauses beginning with the conjunctions si and quand. Present, imperfect, future and conditional of etre, avoir and of regular verbs. I. If I were rich, I should often distribute pieces of a hundred sous to the chimney-sweepers of my ward. 2. I should exhort them to (the) confidence in God. 3. Your way will be hard. 4. I exhort you to (the) work. 5. If you are not laborious, you will never make a fortune. 6. If you are honest, God will bless your undertakings. 7. When you are ' rich, you will often carry pieces of silver to the new priest of your parish. 8. He will distribute them to the poorest children in the capital. 9. If we should make^ a fortune, we should think often of our poor childhood. 10. When my anniversary arrives ^ I shall not fail to bless God. 11. If you were the richest man in the ward, you would be obliged to think often of the poor children. 12. If you distribute your money to them, your new under- takings will be blessed. ^ Use the future. ^ Use the imperfect. 152 COMPOSITION EXERCISES XV Based on page 42, line 18, to line 11, page 43. Questions 1. Qui descendit de voiture le lendemain matin devant la maison du docteur ? 2. Qui ouvrit la porte a Kennedy? 3. Qu'est-ce que celui-ci tendit a son ami? 4. Que lui demanda-t-il ? 5. Quelle est I'intention du docteur? 6. Sur qui compte-t-il ? 7. Fergusson parle-t-il serieusement ? 8. Si Kennedy refuse de I'accompagner, que fera-t-il ? 9. A-t-il trouve le moyen de diriger les ballons ? 10. Oil ira-t-il? 11. Pourquoi est-il certain d'aller de Test a Touest? Translation Review. — Demonstrative pronouns. Personal pronouns with meme. Translation of zvhat as a relative pronoun ; of the interroga- tive pronouns who ? whom ? Peculiarity of verbs of the first con- jugation having an e before the last syllable of the infinitive. Future of aller^ vouloir, onvrir^ partir and dire. I I. Will the doctor start alone? 2. Who will accom- pany him ? 3. Whom will he choose ? 4. He will take Kennedy along. 5. Will this one accompany him ? 6. Will he not refuse? 7. Fergusson will tell (to) him that he counts seriously upon him. 8. Will Dick go with Samuel ? 9. He will go wherever his friend will wish [him to go] ; from east to west or from west to east. 10. The doctor COMPOSITION EXERCISES 153 will say : Dick, I take you along. 1 1 . And Dick will ac- company him. II I. Who alights from a carriage in front of the house? 2. Who will open the door ? 3. Samuel himself. 4. Ken- nedy will hold out to him copies of newspapers. 5. Is what ^ these newspapers relate true ? 6. Those do not relate what^ is foolish. 7. Is the project to^ steer bal- loons impossible ? 8. Is the doctor's intention foolish ? 9. Is that a dream ? 10. The doctor and his friend count on (the) Providence. 1 1 . They will also count on the trade- winds. 12. Their direction is constant; from east to west. ^ Replace by that which. ^ de. XVI Based on page 58, line 4 to line 20. Questions I. Avec quelle intention le sorcier grimpait-il dans Tar- bre? 2 3 4 S 6 7 Que reussit-il a faire ? Qu'est-ce qui attira violemment I'ancre ? Qui I'ancre attrapa-t-elle entre les jambes ? Sur quel animal partit-il pour les regions de Pair ? Le Victoria montait-il lentement ? Que dit le docteur ? Ce petit voyage fera-t-il du mal au sorcier ? Qu'est-ce que ses contemporains sont capables de faire de lui ? 154 COMPOSITION EXERCISES 10. Comment le sorcier se cramponnait-il k la corde ? 11. De quoi sa terreur etait-elle melee? Translation Review. — Translation of the adjective what. Peculiarities of verbs of the first conjugation : those ending in -cer ; those having an e before the last syllable of the infinitive. Imperative (affirmative and negative). Place of personal pronouns w^hen objects of an im- perative. Present indicative and imperative oi par tir^f aire and dire. I I. The crowd is immense and silent. 2. Some sorcerers are climbing the tree. 3. Joe says to them : 4. What are your intentions ? 5. Do not seize the anchor. 6. Do not free it. 7. They catch it. 8. They succeed in freeing it. 9. Will they bring the machine down? 10. No, the bal- loon starts. II. One of the sorcerers is astride on the anchor. 12. The balloon pulls violently the anchor and the sorcerer up. 13. They go up with the greatest rapid- ity. II I. What [an] unexpected adventure ! 2. What [a] trip in the air! 3. What astonishment! what stupefaction! 4. What [a] horse ! what rapidity ! 5. What fright ! what eyes I 6. The negro yells to Joe: 7. Set me down. 8. Don't do me any harm. 9. Joe says to him : 10. You are caught. 11. Seize the rope. 12. Remain quietly astride. 13. Don't climb. 14. If you do (it), I shall free the anchor. 15. We are (some) gods. 16. We start with our hippogriff for the regions of the air. 17. We are going up. Hurrah I 18. A little farther, the doctor and Joe say: 19. Let us set him down. COMPOSITION EXERCISES 155 XVII Based on page 67, line 6 to line 25. Questions 1. Quand la nacelle fut equilibree, que firent Dick et Joe? 2. Ou penetrerent-ils ? 3. Qu'est-ce qui retentit soudain ? 4. Qu'estrce que Joe dit au chasseur ? 5. Que lui repliqua celui-ci ? 6. Comment s'avancait-il ? 7. Quel animal se tenait sous un palmier? 8. Que fit-il des qu'il apercut le chasseur ? 9. Qu'est-ce qui le frappa au coeur au moment ou il touchait terre ? 10. Vers quel endroit Dick et Joe se precipiterent-ils ? 11. Qu'est-ce que Joe remplit? 12. A qui la porta-t-il ? Translation Review. — Translation of the interrogative pronoun whom and of the relative pronoun which after a preposition. Possessive adjec- tives and pronouns. Use and place of y. Peculiarity of verbs of the first conjugation having an e before the last syllable of the infini- tive. Present indicative of reflexive verbs. Present indicative and imperative oi prendre and ienir, I I. Some roars resound under the palm-trees towards which we advance. 2. Will you penetrate into an oasis in which some lions are to be found ^ ? 3. So much the better ! exclaim the hunters. 4. Let us take our guns. 5. Dick cocks his rifle and I cock mine. 6, He pene- IS6 COMPOSITION EXERCISES trates under the fresh verdure and I imitate him. 7. We are prudent. 8. We do not proceed fast. 9. We Hsten. 10. We advance as far as the palm-trees under which we notice abundant springs. ' Replace by : find thcfnselves. II I. 'We rush towards the springs before which we find ourselves. 2. I dip my lips in them^ and Dick dips his (there). 3. We fill some bottles, 4. To whom do you carry yours? exclaims Dick. 5. I am carrying them to my master who is in the car. 6. Suddenly I find myself twenty steps away from two lions whose (the) eyes are fiery. 7. They are advancing with audacity, enormous, terrible. 8. As soon as they notice us, they stand in a position of attack. 9. Suddenly they bound towards the palm-tree under which we are. 10. But they do not touch [the] ground. 11. Our bullets strike them in the heart. 12. They fall. 13. They are dead. ^ Replace by there. XVIII Based on page 70, line 5, to line 21. Questions 1. Qu'est-ce que Dick ne doit pas faire ? , 2 . Comment ces oiseaux peuvent-ils f acilement dechirer I'enveloppe du ballon ? 3. A quelle hauteur sont les aeronautes ? 4. Qu'est-ce que Dick doit faire ? COMPOSITION EXERCISES 157 5. En cet. instant, que fit Tun des plus farouches oiseaux ? 6. Que cria Fergusson ? 7. Comment le vautour tomba-t-il ? 8. Les autres oiseaux s 'eloign erent-ils ? 9. Dans quelle disposition revinrent-ils k la charge ? 10. De quoi changerent-ils ? 11. Au-dessus de quoi s'eleverent-ils ? Translation Review. — Verbs ending in -yer. Imperfect and conditional of reflexive verbs and of /aire, revenir^ te?tir, soiitenir, ouvrir. I. Dick and Joe were standing ready. 2. They were waiting for the orders of the doctor. 3. In what situation they were ! 4. The balloon was at a height of three hun- dred feet. 5. Would these dangerous birds change their tactics ? 6. Would they rise above the balloon ? 7. Would they attack it? 8. If Dick and Joe fired, would these fierce vultures go away ? 9. The reports [of the guns] would not frighten them. 10. They would excite them. II. They would return to the charge. 12. They would shoot straight to the Victoria. 13. They would open their claws. 14. The bag which was supporting the doctor, Dick and Joe, would easily be ripped open. 15. They could, in one instant, fall into space. XIX Based on page 83, line 13 to line 29. Questions 1. Qu'est-ce que le pelerin decrira ? 2. Quelle ville les croises avaient-ils prise ? ISS COMPOSITION EXERCISES 3. Qui avaient-ils place sur le trone ? 4. Pourquoi quelques croises passerent-ils en Asie ? 5. Dans quels rangs le pelerin etait-il ? 6. De quelle maniere combattirent-ils pendant deux ans? 7. Par qui furent-ils entoures sous les murs de Damas ? 8. Contre qui se precipiterent-ils ? 9. Qu'est-ce qui encourageait les croises? ID. Qui attaqua le sire de Kerougal ? 1 1 . Que fit le fils du scheik et pourquoi ? Translation Review. — Tenses and moods after qiiand and si. Future of reflexive verbs. Present of aller. Past participle and future oifaire^ pre7idre and vaincre. I. When v^e have^ taken Byzantium, whom will the leaders place on the throne ? The valiant lord of Kerou- gal or 2 the count of Flanders? 2. Will the crusaders de- liver the Holy Land? 3. Will the commanders and their men at arms pass over to Asia ? 4. Will you fight with success? 5. We shall vanquish the Saracens. 6. Will the crusaders attack the walls of Damascus? 7. They will take Damascus. 8. If we surround the soldiers of the sheik, they will not break the circle of iron. 9. Are they going to be imprisoned ? 10. Here are the infidels. II. What will they do ? 12. They will hurl themselves against the ranks of the crusaders. 13. Will they shoot arrows at their adversaries? 14. Will the example of the noble leader encourage his sons and his soldiers ? 15. Will the infidels vanquish or^ (will they) be vain- quished ? 16. I am not going to describe to you the circumstances of this fight. ' Use the future. ^ ou. COMPOSITION EXERCISES 159 XX Based on page 95, from line cS to line 11, page 96. Questions 1. Qu'est-ce qui apparait tout a coup ? 2. Que ferme-t-elle aux croises ? 3. Qu'est-ce qui regne sur les vaisseaux europeens ? 4. En quoi se transforme-t-elle ? 5. Que fait-on ? 6. Ou se cachent les uns ? 7. Oil d'autres se precipitent-ils ? 8. Enfin, ou d'autres enfants se jettent-ils ? 9. Ou disparaissent-ils ? 10. Qu'est-ce qui est deja a la portee de la voix ? 11. Qu'est-ce qu'un homme crie en arabe ? 12. Avec qui Archibald echange-t-il quelques paroles ? Translation Review. — Present participle. Imperative of reflexive verbs. Past participle, present indicative, preterit and future of apparaitre, disparaitre^ dire. I. Some ships appeared. 2. They were' Egyptian. 3. When they were within reach of the voice, the Mo- hammedan captains exchanged a few words in Arabic with Archibald. 4. Enguerrand said to the children whom (the) fright was dementing : 5. This is an Egyptian fleet. 6. We are crusaders. 7. Let us not hide in the sails, under coils of rope or in the bottom of the hold. 8. Let us not surrender to the enemy. 9. Let us throw over- board that dog (of) Archibald. 10. When he has^ dis- appeared under the water, let us rush suddenly on the Mohammedan vessels. 11. (The) confusion will reign i6o COMPOSITION EXERCISES there. 12. We shall transform it into [a] real chaos by 3 yelling : '' Surrender, dogs of infidels, surrender ! " 12, Our ships will cut all retreat to theirs. 13. Finally we shall crush the enemy. ^ Use the imperfect. ^ Use the future. ^ en followed by the present participle. XXI Based on page iii, from line i to line 17. Questions 1 . Quelle bonne nouvelle Enguerrand a-t-il k annoncer a Isolin ? 2. Aupres de qui retourneront-ils ? 3. Qu'est-ce qui retablira les forces d'Isolin ? 4. Qu'est-ce qu' Enguerrand avait recommande k son f rere ? 5. A-t-il obei? 6. A-t-il beaucoup souffert ?* 7. Mourra-t-il? 8. Qui dit qu'Isolin ne mourra pas ? 9. Comment sire Angilbert etait-il entre ? 10. De qui etait-il suivi? Translation Review. — Present indicative of ^//r., to suit. convenu, -e, agreed upon. conversation, /, conversation, talk. converser, to talk, chat. conviennent ; see convenir. convive, m., guest. convulsi-f, -ve, convulsive. coquelicot, w., poppy. cordage, m., coil of rope. corde,/, cord, rope; clothes-line. cordial, m., cordial. corps, w., body. correctement, correctly. correspondre, to correspond. corriger, to correct. cortege, w., procession. VOCABULARY 179 costume, w., costume, suit of clothes. cote,/, coast, shore. c6t6, w., side, direction; de quel — ? in what direction ? du — de, towards. cotelette,/, chop, coton, VI., cotton. cou, w., neck, couche,/, mass, stratum. couch6, -e, lying down. coucher, to sleep ; se — , to go to bed, lie down. couler, to flow. COuleur,/., color; phir., color. coup, w., blow, stroke, lash, shot; — de feu, shot; — d^oeil, glance ; tout d^un — , all on a sudden ; tout a — , suddenly, at once. couper, to cut. COUr,/., court, courtyard. courage, w., courage. courageu-x, -se, courageous, gallant. couraient, courant ; see courir. COUrant, w., current, circulation. courber, to bend; se — , to stoop, kneel down. courir, irr., to run ; nous cou- rions toujours, we kept on running. couronner, to crown. courrai ; see courir. COurs, w., course, current, stream. course, /, course, errand, trip, ride, i*unning, pace. court, -e, short. courumes, coururent, courut ; see courir. cousin, w., cousin. couter, to cost. coutil, w., duck. coutume, /, custom ; comme de — , as usual. convert ; see couvrir. couverture,/, blanket. couvrait ; see couvrir. couvre-feu, w., curfew\ couvrir, irr., to cover ; se — , to be overcast. craignais, craignait; see crain- dre. craindre, irr., to fear. crainte,/, fear. cramponner ; se — , to cling, crane, w., cranium, skull. cratere, w., crater. crayon, m., pencil; an — , with a pencil. creature,/., creature, being. creux, 771., hollow. crever, to gouge out. cri, 771., cry. crier, to cry, cry out, shriek. Criquette, a nickname formed from criquet, w., cricket. crocodile, w., crocodile, croire, ?>;-., to believe ; en — , to trust ; se — , to think that one croisade,/, crusade. [is. crois6, 771,, crusader. croiser, to cross ; se — , to take the cross, become a crusader; i«o VOCABULARY se — les bras, to cross one's arms. croissant, -e, increasing, croix,/., cross. cru ; see croire. crucifix, m., cross. cruel, -le, cruel. cruellement, in a cruel way. Cruso6, the hero of De Foe's great novel. crut; see croire. cube, cubic. cuisine,/!, kitchen, cooking, cuisini^re, /, cook. cuivr6, -e, swarthy. cultiver, to cultivate. cupide, greedy. cupidity, /., greed, cur^, m., priest, curate, curiosity,/., curiosity. cylindrique, cylindrical. cynoc6phale, m,, baboon. d' = de. daigner, to deign. Damas, w., Damascus, the chief city of Syria. dame,/, lady. damoiseau, m. {obsolete)^ gentle youth. damoiselle, f. {obsolete)^ damsel. danger, w., danger. dangereu-x, -se, dangerous. dans, in, into, within, during, danser, to dance. davantage, more. David, King of Israel. de, of, from, out of, about, to, in ; some, any; ne . . . pas — , no; plus — (number), more than. d6barquer, to land. d^barrasser, to rid; se ~ , to get rid. d^battre, irr.; se — , to struggle. Debono (Andrea), a Maltese mer- chant and explorer. debout, standing, erect. d6bris, w., wreck ; scrap. d6but, m., debut. d^buter, to make one's first ap- pearance. d^cevant, -e, deceitful. ddcharge,/., volley. d6charger, to unload, fire ; se — , to empty itself. dechiffrer, to make out. d^chirant, -e, heartrending. d^chirer, to tear, tear into bits, rend, rip up. d^cid6, -e, decided, determined. decider, to decide, settle, induce ; — de, to decide; se — , to make up one's mind. d^cimer, to carry off. d6cisi-f , -ve, decisive. decision,/, decision. declaration, /, declaration. declarer, to declare, state, pro- nounce. decomposer; se — , to be dis- torted, [ment. d^couragement, m., discourage- VOCABULARY d^COUrager, to discourage, dis- hearten ; se — , to be disheart- ened. d^couvert ; see decouvrir. decouverte,/., discovery. d^couvrimes ; see decouvrir. decouvrir, /Vr., to discover, per- ceive. decrire, irr.^ to describe. decrocher, to free. d6crotteur, m.^ shoe-black. d^daigner, to scorn. d6esse,/., goddess. d6faillant, -e, ahuost fainting. d6fendre, to defend, forbid; se — , to defend one's self, resist. defense,/., tusk. d^fier, to challenge. d^filer, to defile. d^finitivement, for good. d^gager, to free; se — , to loose one's self. d^gonfler, to empty. degr^, 771., degree. dehors ; au — , out. d6j^, already. dejeuner, w., breakfast. dejeuner, to breakfast. dela ; au — de, beyond. d61abr6, -e, dilapidated. d^lester, to unballast. delib^rer, to deliberate. d61icieu-x, -se, delightful. d^lire, w., delirium. d^livrance,/, deliverance. d61ivrer, to deliver, free. demain, to-morrow. demander, to ask, ask for, beg ; S8 — , to wonder, demeurer, to Hve, remain. demi, -e, half. demi-heure, /., half an hour. demi-rame,/., half a ream. demoiselle, /, young lady; — d'honneur, bridesmaid. demolition,/.; en — , being torn down. d^monter, to take apart. dent,/, tooth. dentelle,/, lace. depart, TTi., departure. d^passer, to go beyond, pass, ex- ceed, gain on, leave behind. d^pendre, to depend. depens, m.phtr.j expense, d^pense,/, expense, d^penser, to spend. deperdition,/, gradual loss. d6p6rir, to pine away. d^placement, w., current. ddplacer, to displace. d6ployer; se — , to unfold, be displayed. d^poser, to lay down. d6p6t, 771., wholesale agency. d^pouille,/, spoil, depression,/, depression. depuis, p7'ep., since, for; — quand? how long? depuis que, co7tj., since. d6river, to drift. derni-er, -^re, last ; ce — , the latter. [itself. d^rouler ; se — , to unfold, unroll I«2 VOCABULARY derri^re, behind. des (de + les, art ), of the, from the. d^s, prep., from, since ; — le . . ., from the very . . . ; — lors, from that time on, thence. des que, conj., as soon as. ddsappointement,/?^., disappoint- ment. descendre, to descend, go down, alight ; — a terre, to land, alight. description,/., description. desert, -e, desert, deserted, unin- habited. d6sert, w., desert. d6sesp6r6, -e, despairing; voix — e, cry of despair. d6sesp6rer, to despair, give up all hope. d^sespoir, w., despair. designer, to point out. d^sir, ;;?., desire, wish. d^sirer, to desire, wish. d^sordre, m., disorder. d^sormais, hereafter. dess^cher, to dry. dessein, m., purpose, intention; a — , purposely. dessin, m., drawing, sketch. dessous, beneath, below; en — , below ; au , below, beneath. dessus, on it, upon it; au- — , over, above. destination,/, destination. destin^e,/, fate. destiner, to destine, intend. destrier, m., steed. detail, m., detail ; en — , at re- tail. d6termin6, -e, determined, reso- lute. determiner ; se — , to make up one's mind. detonation,/, report. detour, w., turn. detresse,/, distress. detromper, to undeceive. detruire, irr., to destroy, over- throw. detruit ; see detruire. deux, two ; tons —, tons les — , both. devaient, devais, devait ; see devoir. devancer, to gain on, leave be- hind. devant, before, in front of. developper ; se — , to develop. devenait ; see devenir. devenir, irr., to become, grow, turn ; qu^^tait devenu Joe ? what had become of Joe ? ce que nous deviendrons, what will become of us. devenons, devenu ; see devenir. d6verser, to pour out. devez ; see devoir. deviation,/, deviation. deviendrons ; see devenir. deviens, devient ; see devenir. deviez ; see devoir. deviner, to guess. devinrent ; see devenir. VOCABULARY 183 devint, devint ; see devenir. devoir, /m, must, ought, be to, have to, be obliged to, be destined to, owe, be indebted ; elle a du bien pleurer, she must have wept much. devoir, w., written exercise. d^vorant, -e, eager. d^vorer, to devour, eat up, take in. devotion,/, piety. d6vou6, -e, devoted. d^vouement, m., devotion. devrait ; see devoir. dext6rit6, /, skill. dialecte, m., dialect. diametre, m., diameter. dict^e,/., dictation. dieter, to dictate. Dieu, dieu, w., God, god. different, -e, various. difficile, difficult. difficilement, with difficulty. difficult^, /, difficulty, difficult problem. digne, w^orthy. dignement, in a worthy manner. dilatation,/., expansion. dilater, to cause to expand, in- flate ; se — , to expand. diligence,/., stage-coach. dimanche, w., Sunday. dimension, /, dimension. diminuer, to diminish, decrease, cool off ; etre diminu6 de, to be smaller by. diner, m.^ dinner. diner, to dine dire, irr.^ to say, tell, express, bid, disclose ; c^est-a , that is to say. directement, directly, directeur, w., headmaster, man- ager. direction, /, direction, manage- ment. diriger, to direct, steer, head ; se — , to direct one's steps, direct its course. disais, disait, disant ; see dire. discontinuer, to discontinue. discordant, -e, discordant. discours, in., speech. discuter, to discuss, argue. disparaissait, disparaissent ; see disparaitre. disparaitre, irr., to disappear, vanish. disparu, disparurent, disparut ; see disparaitre. disperser, to scatter. disposer, to dispose, arrange ; se — , to make ready. disposition, /, disposition, dis- posal ; plit-r., talent. dispute,/, quarrel. dissiper ; se — , to scatter. distance,/, distance. distinctement, distinctly. distinguer, to distinguish, dis- cern ; se — , to be noticeable. distribuer, to distribute. dit, dites ; see dire. divers, -e, various. i84 VOCABULARY divin, -e, divine. diviser, to divide. division,/., division. dix, ten ; huit, eighteen ; huitieme, eighteenth. dizaine,/, about ten. docilement, with docihty. docteur, w., doctor, physician. dois, doit ; see devoir, dom, w., dom (title anciently given to certain church digni- taries). domestique, m., servant. dominer, to dominate, tower above. done, then, therefore ; ^coutez; — , do listen. donner, to give. dont, whose, of whom, of (from, in, by, with) which. dor6, -e, gilt. dorloter, to fondle, coddle. dormir, irr., to sleep. dortoir, m., dormitory. dos, w., back. double, double, twofold. doubler, to double ; — le pas, to go faster. douce ; see doux. doucement, gently, noiselessly, slowly. dou4, -e, gifted. douleur,/., grief, sorrow. douloureusement, bitterly. douloureu-x, -se, heartrending. doute, w., doubt. [doubt. douter, to doubt; — de^ to dou-x, -ce, sweet, soft, gentle, mild, mellow, douzaine,/, dozen. douze, twelve. drame, m.^ melodrama. drap, m.^ cloth. dresser, to raise, build, pitch, train ; se — , to stand, rise. droit, -e, right, straight. droit, adv., straight. droit, /«., right, claim. droite, /, right; a ~, to the right. drole, droll, odd, funny, queer, drolerie,/, drollery. du (de + le, art), of the, from the. du ; see devoir, dur, -e, hard, tough. dur, adv., hard. durant, during, for. dur^e,/, duration. durent ; see devoir, durer, to last. Duthumi, name of a mountain. eau, /, water; de-vie, bran- dy. ^bahi, -e, amazed, ^bene,/, ebony. dblouir, to dazzle. ^changer, to exichange. ^chapper a, to escape. ^charpe,/, scarf. ^chauffer, to heat ; s^ — , to get hot. VOCABULARY 185 ^chelle,/, ladder. 6chelon, m., round, step. ^chouer, to fail. Eclair, m., flash; flash of light- ning. ^claircir ; s* — , to clear up. ^clairer, to light up, brighten. 6clat, m., burst, peal; rire aux — s, to burst out laughing. ^clatant, -e, brilliant. 6clater, to burst out, break out, arise. 6cole,/., school. ^conome, thrifty. Economic,/., economy. ^conomiser, to save. Ecossais, w., Scotchman. 6couler; s*— , to elapse; scatter. 6couter, to listen to, grant some- body's prayer. ^eraser, to crush. Verier ; s* — , to cry out, exclaim. dcrire, irr., to write. 6criteau, m., signboard. ^^crivit; see 6crire. 6cuyer, w., squire. Edimbourg, /., Edinburgh, the capital of Scotland. effet, m., effect ; en — , indeed. efforcer ; s' — , to endeavor. effort, m,, effort. effrayant, -e, frightful. affrayer, to frighten. effroi, w., fright. effusion,/, effusion. ^galement, likewise. 6gar6, -e, demented. 6garer, to lead astray. ^glise,/, church. 6goiste, selfish. Egypte,/, Egypt. ^gyptien, -ne, Egyptian. Egyptien, m., Egyptian. eh, well ; eh bien, well ; eh non ! well, no. 61an, w., spirit, dash, briskness. 61anc6, -e, slender. ^lancer ; s* — , to spring, rush, dash, jump. ^lastique, elastic. 61ectrique, electric. ^lectriser, to electrify. 616gamment, adv.^ elegantly. 61^gance,y., elegance. 616phant, m., elephant. 61eve, m.,/., pupil, scholar. 61ev6, -e, high; bien — , well brought up. Clever, to raise, set up, bring up, rear; s* — , to ascend, rise, arise, soar away ; break out. elle, she, her, it; meme, her- self ; itself ; d' meme, of it- elles, they, them. [self. 61oign^, -e, distant. Eloigner ; s' — , to go away. Eloquence,/., eloquence. Eloquent, -e, eloquent. embarcation,/, boat. embarquer, to embark ; s* — , to embark. embarras, m., trouble. embarrasser, to embarrass, en- cumber, i86 VOCABULARY embras^, -e, burning, on fire. embrasser, to embrace, kiss. embrouiller, to mix up. 6merveiller, to amaze. Eminence,/, knoll. emmener, to lead, lead away, take away. Amotion,/., emotion. 6mouvoir, irr.y to move. emparer; s' — , to take posses- sion. empecher, to prevent. empereur, m,, emperor. employ 6, w., clerk. employer, to employ, use. emporter, to carry away, take away, take along. empresser ; s^ — , to hasten. emprisonner, to enclose. 6mu, -e, moved, affected. QTlyprep., in, into, within, while, on, by ; like a, as a. en, pron., of it, of them, of him, of her, for it, about it, from it, from there, to do so; en . . . le (la, les) . . ., le (la, les) . . . en . . ., its, their. enchantement, w., enchantment. encore, still, yet, again, more, besides; encore un . . . , an- other. encourager, to encourage. encrier, w., inkstand. endormir, irr. ; s' — , to fall asleep. endroit, w., spot, place. enduire, irr., to coat. enduit; see enduire. ^nergie,/!, energy, strength. 6nergique, energetic. enfance,/., childhood. enfant, w.,/., small child, child, — trouv6, foundling. enfermer, to shut up, shut in, enclose. enfin, at last, finally, in short, after all. enfuir, irr, ; s^ — , to run away. engagement, m., fight. engager, to engage ; s* — , to pledge one's self, take upon one's self, enlist, enter, start. engloutir, to swallow up. engouffrer ; s' — , to rush into. enlever, to rescue, pick up. ennemi, -e, of the enemy. ennemi, w., enemy, foe, pursuer. ennuyer ; s' — , to feel lonely ^norme, enormous. [self. enrichir ; s'-— , to enrich one's enseigne,/, sign. ensemble, together. ensevelir, to bury. ensuite, afterwards, next. entendre, to hear ; — parler de, to hear of. enthousiasme, in., enthusiasm. enthousiasmer, to enrapture. enti-er, -ere, entire, w^hole. entierement, completely. entonner, to strike up. entourer, to surround. entr'acte, w., entr'acte, inter- mission. VOCABULARY 187 entrainer, to carry, carry along, carry away, drive. entre, between, among, in, into ; d'— , of. entree,/., entrance; coming in. entreprise, /, enterprise, under- taking. entrer, to enter, go in. entretenir, irr., to support. entretien, w., conversation. entrevue, /., meeting. entr^ouvrir, irr., to half-open; s' — , to open. envahir, to invade. enveloppe, /., envelope, cover- ing, bag. envelopper, to wrap up ; catch. envie, /, wish; avoir — de, to feel like ; avoir une furieuse — , to be madly anxious. environ, about. environner, to surround. environs, m. phi7\, vicinity. envoler ; s' — , to fly away, soar envoy er, irr., to send. [away. epais, -se, dense. 6paisseur,/, thickness. 6pargner, to save. 6paule, /., shoulder, ^pauler, to raise to one's shoulder. 6p§e,/, sword. eperdu, -e, bewildered. Spicier, m.^ grocer. ^pieu, m., hunting spear. ^poque,/., time. 6pouser, to marry. epoux, m., husband. ^preuve,/., trial. 6prouver, to experience, feel. ^puise, -e, exhausted. 6puiser, to exhaust ; s' — , to be exhausted. equateur, ;/?., equator. Equatorial, -e, equatorial. Equilibre, w., equihbrium, bal- ance. Equilibrer, to balance, ballast. Equivalent, -e, equivalent, equal. Equivaloir, irr., to be equivalent. Equivaut ; see equivaloir. es ; see etre. escalader, to scale, climb over. escalier, w., staircase, stairs. escapade,/, escapade, prank. esclave, m.^ slave. escorter, to escort, accompany. espace, w., space. espece,/., sort, kind. esperance, /., hope. esperer, to hope, hope for, ex- espoir, in., hope. [pect. esprit, m., spirit, mind. essayer, to try. est ; see etre. Est, est, m., east. estime,/, esteem. et, and. Etablir ; s' — , to be established, settle, set up in business. Etablissement, w., establish- ment, trading post. Etage, w., floor ; le premier — , the second floor (in France), VOCABULARY ^tais, 6tait ; see etre. staler, to display ; s' — , to be displayed. 6tat, ?«., state, condition ; en — de, able to. etc. ^= et caetera, and so forth. 6te, ;;/., summer. ^te ; see etre. ^teignit ; see 6teindre. 6teindre, /rr., to extinguish; s' — , to be extinguished, go out. ^tendre, to spread, hang up ; s* — , to extend, lie down, in- crease. 6tendu, -e, lying down. 6tendue,/., extent. ^ternel, -le, eternal. etes ; see etre. Ethiopien, w., Ethiopian. ^tincelle,/, spark. 6toffe,/., fabric. 6toile, /, star ; a la belle — , in the open air. ^toil6, -e, starry. 6tonnant, -e, wonderful. ' ^tonn^, -e, astonished. ^tonnement, m., astonishment. 6tonner, to astonish. ^touffant, -e, stifling. strange, strange, odd. dtranger, rn.^ stranger, foreigner. etre, irr., to be ; est-ce que je . . . ? do I . . . ? n'est-ce pas ? didn't you ? don't you ? will you ? 6tre, m., being. 6troit, ~e, narrow, close. 6tude,/, study. eu, eumes, eurent ; see avoir. Europe,/., Europe. europ6en, -ne, European. Europ^en, w., European. euS; eut, eut ; see avoir. eux, they, them; — -memes, themselves. Evasion,/., escape. ^veiller, to av/ake, rouse ; s' — , to awake, wake. 6v6nement, w., event. 6viter, to avoid. ^voquer, to conjure up. exact, -e, exact, correct, punc- tual, accurate. exactement, exactly. examiner, to examine, scan. exc6der, to exceed. excellent, -e, excellent. excelsior! higher! excepte, except. exces, m,y excess. exciter, to excite, rouse. exclamation,/, exclamation. exclusion,/.; a V — de, from. excuse,/, excuse. ex^cuter, to carry out. execution,/, execution. exemplaire, exemplary. exemple, w., example. exempt, -e, free. exercice, w., exercise. exhaler ; s' — , to come. exhortation,/, exhortation. exhorter, to exhort. exiger, to charge, require. VOCABULARY 189 exil, w., exile. existence, f.^ existence, mode of living. exister, to exist, be, live. expedition,/, expedition. expirer, to die. explication, /., explanation. expliquer, to explain. exploit, m.^ deed. explorateur, m.^ explorer. exploration, /, exploration. explorer, to explore, search into, scan. exposer, to expose ; s^ — , to ex- pose one's self. expressi-f, -ve, expressive. expression, /, expression. exprimer, to express; s^ — , to express one's self. exquis, -e, exquisite. extase,/., ecstasy, rapture. extasier ; s' — , to go into rapture. exterieur, -e, outside, outer. extraordinaire, extraordinary. extreme, extreme, utmost. extremement, extremely, very. fabrique,/., factory. face, /, face ; en — , opposite ; en — de, face to face with ; — a — , face to face. facile, easy. facilement, easily. Fahrenheit, a Prussian physicist (1686-1736). faible, feeble, weak, faint. faiblement, feebly. faillir, irr.^ to forfeit. faim,/, hunger ; avoir — , to be hungry ; sentir la — , to. feel hungry. faindant, ni., lazy fellow. faire, irr.^ to do, make, have, order, cause, take, give, bring, get, say, answer; — appeler, to send for; — attention, to pay attention ; — asseoir, to tell a person to sit down; — 50 pas, to walk 50 steps ; — ses derniers adieux, to bring (somebody's) last farewell ; — entrer, to show in ; — feu, to fire, shoot ; — froid, to be cold (weather); — du mal a, to hurt ; — nuit, to be night ; — plaisir a, to please ; — pr^sa- ger, to foretell ; — retentir, to sing ; — reconnaitre, to re- veal the identity of ; — savoir, to let know; — signe, to beckon ; — les volont^s, to do the bidding ; 11 faisait un so- leil magnifique, it was a bright suniiy day ; c*en ^tait fait de lui, it was all over with him ; se — , to be done, be made, take place; se — entendre, to be heard; se — sentir, to be felt. faisaient, faisait, fait ; see faire. fait, m.^ deed. faites ; see faire. 190 VOCABULARY falloir, irr.^ must, to be neces- sary ; il en faut 100 livres, 100 pounds are needed ; il me faut (iitfin.), I must . . . ; il me faut (iioun\ I must have . . . ; il le faut, we must. fameu-x, -se, famous. famili-er, -^re, familiar. famille,/!, family, house. faner ; se — , to fade away. f antaisie, yr, fancy, whim. fantastique, fantastic. fardeau, w., burden. farouche, fierce. fatigue, /., fatigue, hardship weariness. fatigu6, -e, tired. fatiguer, to tire, weary; se — , to show signs of weakness. faubourg, w., outskirt, suburb ; — Saint-Germain, formerly a suburb, now a part of Paris, on the left bank of the Seine. f audra ; see falloir. faut ; see falloir. faute, /., mistake; — de, for lack of. fauteuil, w., armchair. fau-x, -sse, false. faveur,/., favor. favorable, favorable. favorablement, favorably. favori, -te, favorite. favori, m.^ favorite; plur.^ side- w^hiskers. favoriser, to favor. f6erie,/., fairy spectacle. feignit ; see feindre» feindre, /Vr., to feign. felicitation, /"., congratulation. f^liciter; se — , to congratulate one's self. f^lon, w., felon, traitor. femme, /"., woman ; — de cham- bre, chambermaid. fenetre,/., window. fer, w., iron. fera, ferai, feras ; see faire. ferme, steady. fermement, firmly, fast. fermer, to shut, close ; se — , to shut, close. fermet6,/, strength. feroce, ferocious, fierce, wild, brutal. ferons ; see faire. ferraille, /., old iron. fertile, fertile, f ertilite, /., fertility. fervent, -e, ardent. fete,/., feast. feu, /«., fire; de — , ardent; en — , on fire; faire — , to fire, shoot. feuille,/., leaf, sheet. f^vrier, /«., February, fi! fie! fianc6, w., betrothed. fidMe, faithful, true. fi-er, -^re, proud, haughty. fievre,/, fever. figure, /, face, figurer ; se — , to imagine. fil, w., thread. VOCABULARY file,// en — , in a file. filer, to shoot straight out. filet, m., netting; filler. filial, -e, filial. fiUe,/, daughter, girl. fils, w., son. fin,/, end, death. fini, -e, over. finir, to end, finish, conclude. firent, fis, fit, fit ; see faire. fixe, fixed. fixement, fixedly. fixity, /, fixedness. flamme,/, flame. flanc, w., side. Flandre, /, Flanders, a former district of Europe, now in Netherlands, Belgium and France. flatteu-r, -se, comphmentary. fl^che,/, arrow. fl6tri, -e, withered. fleur,/, flower. fleuve, 771., large river. flot, 771., wave. flotte,/, fleet. fluide, 771., fluid. flute,/, flute. foi,/, faith. fois,/, time ; une — , once ; deux — , twice ; que de — ! how many times I a la — , at once. folie, /, folly, madness, fooHsh fonc^, -e, dark. [undertaking. fonctionner, to work. fond, 771., bottom, background, back, further end. font ; see faire. fontaine,/, fountain, spring. Fontainebleau, w., Fontaine- bleau, renowned for its beauti- ful castle and forest. force, /, strength, force, might, power; — d'ame, fortitude. forcer, to compel, raise. foret,/. forest. forge,/, forge. forme,/, form, shape. former, to form. formidable, terrific, loud. fort, -e, strong, violent, large. fort, adv., very; hard. fortement, firmly, fast. fortune,/, fortune. fosse, m., ditch. fou, foUe, mad. crazy, wild. fou, 771., crazy man, lunatic. foudroye, -e, stone dead, killed outright. fouet, 771.. whip. foule, /. crowd, mob; une — d'objets, many objects. fourberie,/, deceit. fournir, to contribute. foyer, w., lobby. fraiche ; see frais. fraicheur, /, coolness. frais, fraiche, cool, fresh. frais, 77i.plu7'.. expenses. fraise,/, strawberry. franc, ;;^, franc. francais, -e, French. Francais, w.. Frenchman. France, /, France. 192 VOCABULARY Franche-Comte, /, an old prov- ince of eastern France. franchir, to cross, cover, go over, clear. franchise, f.^ frankness, free speech. frapper, to strike, hit, beat, knock, rap, tap. fraternel, -le, brotherly. frayer, to open. frayeur,/, fright, terror. frigate,/, frigate. frequemment, often. fr6quent6, -e, frequented. frere, w., brother. fris6, -e, curled, curly. froid, -e, cold, chilly, emotion- less. froid, w., cold; cold weather; il fait — , it is cold. froidement, coldly. fronde,/, sling. fructueu-x, -se, profitable. fugitif, m., fugitive. fuir, irr.^ to flee, run away, leak. fuite,/, escape. fumer, to steam. fumes, furent : see etre. fureur,/., wrath; en — , angry. furieu-x, -se, furious, mad, an- gry ; see en vie. fus ; see etre. fusil, w., gun. fusion, /. ; en — , melted. fut, fut ; see etre. fuyait, fuyons ; see fuir. gagner, to gain, earn, make, reach. gaiement, cheerfully. gaiete,/, gaiety, mirth. gain, w., gain, profit, galere,/, galley. galerie,/, gallery. gallon, m., gallon. galop, m.^ gallop. galopin, m.^ little rascal. gambader, to gambol. gamin, m., boy, urchin. garpon, m., boy, youth. garde,/, guard; — a toi! look out! garde, m., guard. garder, to guard, keep. garnir, to cover, trim. gateau, m., cake. gauche, left. gauche,/., left ; a — , to the left. gaz, m.^ gas. gaze,/, gauze. gazon, w., grass. g^ant, m., giant. g^missement, w., groan, general, -e, general. gdneralement, generally. g^n^reu-x, -se, generous, noble. gen6rosit6,/., generosity. genou, m., knee. genre, m , kind. gens, m.f.phir., people, persons. gentil, -le, nice, pretty, graceful. g^ographie,/, geography. VOCABULARY 193 g^ographique, geographical. Georges, George. germanique, Germanic. germer, to germinate. geste, w., gesture. gesticuler, to gesticulate. gigantesque, huge. gite, m., lodging, shelter. glas, m., knell. glisser, to slip, slide. globe, m., globe. gloire,/, glory. glorieu-x, -se, glorious. Godefroy de Bouillon, Godfrey of Bouillon, duke of Lorraine, hero of the first crusade ( 1 058 ?- 1 100). golfe, m., gulf. Goliath, a Philistine giant, killed by David, gomme,/, gum. gonflement, ni., inflating. gonfler, to inflate, gorge,/., gorge. gout, w., taste. gouter, to enjoy. gouvernement, m., government. grace, f., grace, favor, mercy, gracefulness, loveliness ; — a, thanks to. gracieu-x, -se, graceful. graduellement, gradually. grain, w., grain. grand, -e, great, large, big, high, tall, loud, main ; — air, open air. grande,/., tall girl. grandeur,/., size, magnitude. grandiose, grand, imposing. grandir, to grow. grand' maman,/, grandmamma. grand'mere, /., grandmother. grand'peine, /, a great deal of trouble. granit, m., granite. gratis, free. gratitude,/, gratitude. grave, grave, serious, solemn, important. gravement, gravely, seriously. graver, to engrave; se — , to become engraved, gravity,/, gravity, dignity. Greenwich, a city near London, England. gr^geois ; feu — , Greek fire. grele,/, hail. grievement, badly. grimper, to climb. gronder, to scold. gros, -se, large, big. grossi-er, -ere, coarse. groupe, w., group. gu6rir, to cure. gu6rison,/, cure, recovery. guerre,/, war; nom de — , nick- name, [war-cry. guerri-er, -ere, warlike ; cri — , guide, m,, guide. guider, to guide. Guin^e, / / golfe de — , Gulf of Guinea, on the western coast of Africa. gutta percha,/, gutta-percha. 194 VOCABULARY H The initial h of the words marked with an asterisk was formerly aspirate ; therefore no elision takes place before them, nor can the preceding word be linked with them. habiller, to dress, clothe; s' — , to dress. habitant, w., inhabitant, resi- dent. habitation,/, home. habiter, to inhabit, live in. habituel, -le, usual. habituellement, usually. habituer, to accustom. *hache,/., axe. *hachette,/., hatchet. *hagard, -e, wild. ^haillons, m. plur.^ ragged clothes. *haine,/., hatred. *haletant, -e, panting. *Halle,/, Central Markets. *halte, halt. *hamac, m., hammock. *Hambourg, w., Hamburg, a large German city on the Elbe. *hardi, -e, daring, bold. *hardiment, boldly. *hardiesse,/, boldness. *hasard, w., hazard, chance ; au — , at random. *hate,/., haste ; avoir — de, to be anxious to ; en toute — , hastily. *hater, to hasten, quicken ; se — , to hasten. *haut, -e, high, tall, erect ; loud. *haut, w., top; en — , above; de — en bas, downward. ^hauteur, /, height, altitude ; a la — de, on a level with. h61as ! alas ! h61ice,y^, screw. herbe,/., grass. herculeen, -ne, Herculean. h^ro'ique, heroic. hesitation,/, hesitation. h^siter, to hesitate. heure, /., hour, o'clock, time ; de bonne — , early, at an early age; a la bonne — , that is right ; very well. heureusement, happily, luckily. heureu-x, -se, happy, lucky, fortunate, pleasant, good. hier, yesterday; — au soir, last night. hippogriffe, w., hippogriff. histoire,/., history, story. hiver, w., winter. hommage, m., homage. homme, w., man; — d^armes, man at arms. honnete, honest, good, virtuous. honnetete, /, honesty, integrity. honneur, m., honor. honorable, honorable. *honte, /, shame ; avoir — , to be ashamed. horizon, w., horizon. horrible, horrible, frightful. *hors de, out of. hostility, /, hostihty, opposition. VOCABULARY m hote, m.y host, guest, occupant. *hourra, w., hurrah, cheer. *huit, eight. humain, -e, human. humeur,/., humor. humide, humid, wet. *hutte,/, hut. hydrogene, hydrogen. hydrogene, w., hydrogen. hymne,/, hymn. I ici, here, hither. id^e,/, idea. idiome, ^n., language. idiot, -6, idiotic. ignorant, -e, ignorant. ignorer, to ignore, not to know. il, he, it, there ; — y a, there is, there are. ile,/, island. illimit6, -e, unlimited, indefinite. illustre, illustrious. illustr^, -e, illustrated. ils, they. image,/, image. imaginaire, imaginary, imagination,/, imagination. imaginer, to imagine; s' — , to imagine. imbecile, m., imbecile, fool. imiter, to imitate. imm^diatement, immediately. immense, immense, great. immensite, /, immensity. imminent, -e, imminent. immobile, motionless, immobility,/, immobility. immuable, unchangeable. impasse,/, blind alley. impassible, impassible, calm. impassibility,/, impassibility. impatiemment, impatiently. impatience,/, impatience. imp6rissable, undying. impitoyablement, unmercifully. implacability,/, relentlessness. implacable, relentless, pitiless. implorer, to implore, importance,/, importance ; etre battu d' — , to get a sound thrashing. important, -e, important. importer, to import ; qu'im- porte ? what does it matter ? pen importe, it matters little. imposant, -e, imposing. impossible, impossible. imposteur, m., impostor. impraticable, impracticable. impr^vu, -e, unforeseen ; cas — , emergency case. improvise, -e, improvised. impulsion,/, impulse. inanite,/, foolishness. inattendu, -e, unexpected. incalculable, incalculable, very great. incapable, unable. incendie, m.^ fire, conflagration, incident, pi., incident. incisi-f, -ve, sharp, vivid. incliner, to bow ; s* — , to bow. 196 VOCABULARY incoherent, ~e, incoherent. incomparable, incomparable. inconnu, -e, unknown. incredulity,/, incredulity. incroyable, incredible. Inde, /, India, a country in southern Asia. ind^fini, -e, indefinite. indescriptible, indescribable. index, ;;?., forefinger. indice, m., mark, sign. indifferent, -e, indifferent. indigene, m.^ native. indignation, /., indignation. indigne, -e, indignant. indiquer, to indicate, show, point out. indispensable, indispensable. individu, ;//., individual, fellow. indulgent, -e, indulgent. inebranlable, unshaken. ineffable, ineffable. in^gal, -e, unequal. infame, m.^ infamous person. infatigable, untiring. inferieur, -e, lower. infidele, w., infidel, unbeliever. infliger a, to inflict upon. influence,/, influence. influencer, to influence. informer, to inform ; s' — , to in- quire. infortune,/, misfortune. infortune, -e, unfortunate, ill- fated. infortune, w., unfortunate one. infranchissable^ impassable. ingrat, vi.^ ungrateful fellow. initiale,/, initial. injustice,/, injustice, wrong. innocent, -e, pure. inoccupe, -e, idle. inqui-et, -ete, uneasy. inquietant, -e, alarming. inquietude, /., anxiety, uneasi- ness. inscription,/, inscription. insecte, m.^ insect. insense, -e, insane, foolish, rash. insense, m.^ insane person, luna- tic, fool. [ly. insensiblement, gradually, slow- insister, to insist. inspirer, to inspire, prompt. instant, m., instant. instinct, m., instinct. instinctivement, instinctively. instruction, /, instruction, edu- cation. instruire, irr., to instruct, in- form, teach. instruit, -e, well-educated. instrument, m., instrument. insucces, m., failure. insuffisant, -e, insufficient. intelligence, /, intelligence. intelligent, -e, intelligent, bright. intendant, m.^ overseer. intention,/, intention. interesser, to interest. interet, w., interest. interieur, -e, inland. intermediaire, m., intervention. interpeller, to call to. VOCABULARY 197 interpretation, /, interpretation. interroger, to question. interrompre, to interrupt, stop. intervalle, w., interval. intervention,/., intervention. intime, intimate. intituler, to entitle. intolerable, intolerable. intr^pide, intrepid, fearless. intr6pidement, courageously. intrigant, w., intriguer. inutile, needless, unnecessary. invariablement, invariably. inventer, to invent. invention,/., invention. invitation,/, invitation. inviter, to invite. invoquer, to beg. iras ; see aller. ironie,/, irony, irons ; see aller. irrecusable, unimpeachable. irr6fl6chi, -e, inconsiderate. irr^vocablement, positively. irrite, -e, angry. islamisme, w., Islamism. isol6, -e, isolated, lonely. isoler, to isolate. isol6ment, separately. ivoire, w., ivory, ivresse,/, intoxication. ivrogne, m.^ drunkard. J'=je. Jacques, James. [ever. jamais, ever, never ; a — , for- jambe, /., leg ; courir a toutes — s, to run as hard as one can. Janvier, w., January. jardin, m., garden. je, I. Jerusalem, /, Jerusalem, a fa- mous city in Syria. J^sus, w., Jesus. Jeter, to throw, throw out, drop, cast, give, utter; se — , to throw one's self, fall. jeudi, w., Thursday. jeune, young. jeunesse,/, youth. joie,/, joy. joignaient, joignait, joignit : see joindre. joindre, irr.^ to join; se — , to be added. joint ; see joindre. joli, -e, pretty, nice. joue,/, cheek. jouer, to play. joug, m., yoke, sway. jouir de, to enjoy. [a day. jour, m., day, daylight; par — , journal, w., newspaper. journ^e,/, day, day's work, day's wages. jouvenceau, w., youth. joyeusement, joyfully, merrily. joyeu-x, -se, joyous, joyful. Judas, w., Judas, traitor. juger, to judge, think. juin, w., June. jurer, to swear. jusqu'a, prep,, as far as, until, C98 VOCABULARY till, to, up to, even ; — ce que, conj.^ till, justice,/, justice. justifier, to justify. K Kabra, a city near Timbuktu. kangourou, m., kangaroo. Kanyem^, a district in eastern Africa. Kazeh, an African city situated about 350 miles from the east- ern coast. Kernak, a city in central Africa. Kouka, the famous capital of Bornu. L P=le, la. la, art.y the. la, pron.y her, it. la, there, thither; de la, hence; 1^-bas, down there ; par 111, that way ; ce . . . -Ill : see ce. laborieu-x, -se, laborious. lac, m., lake. lache, cowardly. lachement, cowardly. lacher, to let loose ; lachez tout I let go ! laconiquement, laconically. laid, -e, ugly. laine,/., wool. laisser, to let, leave, allow. lamentable, doleful. lance,/, lance, spear. lancer, to throw, cast, shoot, give, utter, crack; etre lanc6(e) k toute Vitesse, to be going at full speed. langue,/., language; la — d'oc, the dialect, closely akin to French, formerly spoken in the south of France (in which the word for " yes " was oc) ; now the Proven9al. La — d^Oil, the dialect formerly spoken in the north of France (in which the word for " yes " was o'il) ; now the French language. langueur, /, debihty; de — , lingering. languir, to pine away. laquais, w., footman. laquelle ; see lequel. largement, amply. largesses, /.//«r., liberality. largeur,/., width. larme,/, tear. latin, m., Latin. lave,/, lava. le, art. J the. \Qypron.y him, it, so, lepon,/, lesson. lecture,/, reading. 16g~er, -ere, light. legitime, legitimate. lendemain, m., next day. lentement, slowly. lequel, laquelle, who, that, whom, which. les, «r/., the. les, pro7t.^ them. lesquels, lesquelles ; see lequel. VOCABULARY 199 lest, m., ballast. leste, nimble. lester, to ballast. lettre,/, letter. leur, poss. adj., their. leur, poss. p7'07t. ; le — , la — , les — s, theirs. leur, /^ri"./r^«., to them, them. lever, to raise, lift, shrug ; se — , to get Tip, rise, arise. levre,/, lip. lib^rer, to discharge honorably. liberty,/., liberty, freedom. libraire, w., bookseller. libre, free. lier, to tie, bind. lieu, m., place. lieue,/, league. ligne,/., line. linge, m., clothes. lion, in., lion. liquide, m., Hquid. lire, irr., read. lisait ; see lire, lisiere,/, skirt. lit, m., bed. literie,/, bedding. litteralement, hterally. livre, ;;/., book. livre,/., pound. livrer, to disclose, sell ; give. loge,/"., lodge ; dressing-room. logement, w., lodging. loger, to lodge, live. logis, m., lodging, room. loi, /, law. [tance. loin, far, afar; au — , in the dis- lointain, w., distance. loisir, w., leisure. Londres, ;//., London. long, -ue, long. long, w., length. longtemps, long, a long time, for a long time. longue ; see long. longuement, lengthily. longueur,/, length. loquace, talkative. lors, then ; des — , from that time on, thence. lorsque, when. louer, to rent ; praise. Louis VII, King of France, leader of the 2d crusade (1120-11S0). loup, w., wolf. lourdement, heavily. loyer, w., rent. lu ; see lire. lueur,/, dim light. lui, he, to him, to her, to it. of him, of her, for him, for her ; meme, himself. lundi, VI., Monday. lune,/, moon. Lune, f., Moon (goddess) ; also a chain of mountains in east- ern Africa. lunette (/.) d'approche, field- glass. lut ; see lire. lutte,/., struggle. lutter, to struggle. luxuriant, -e, luxuriant. Lyon,/, Lyons, 200 VOCABULARY M M. = Mr. m' = me. ma ; see mon. machinalement, mechanically, in a perfunctory sort of a way. machine,/, machine. madame, Madame, Mrs. mademoiselle, Miss. magasin, m., store. mahom^tan, -e, Mohammedan. magnifique, magnificent. mai, w., May. maigre, meagre, thin. maigrir, to get thinner. maille,/., mesh. maillot, m. (a full suit of) tights. main,/., hand ; a la — , by hand. Maine, w., ancient province of western France. maintenait ; see maintenir. maintenant, now. maintenir, irr., to maintain, keep, keep up ; se — , to re- main. maintiens, maintint ; see main- tenir. mairie,/, town-hall. mais, but. mais, w., corn. maison,/, house ; family. maitre, m., m.aster ; Mr. maitriser, to master. majestueusement, majestically. majestueu-x, -se, majestic. mal, w., evil ; faire du — a, to hurt. mal, adv., bad, badly. malade, adj., sick, ill. malade, m., patient. maladie,/, illness, disease. male, male. malediction,/, curse. malgr6, in spite of. malheur, m., misfortune, woe. malheureusement, unhappily. malheureu-x, -se, unhappy, un- fortunate. malheureux, m., unfortunate one. malice,/, mischief. maman,/, mamma. manger, to eat. maniere,/, manner, way. manifester, to show. manoeuvre,/, maneuver. manoeuvrer, to steer. manoir, m,, manor-house. manquer, to fail, lack, miss, give way, be wanting ; il me man- que dix sous, I want ten cents more. manteau, m., cloak; mantel. manufacture,/, factory. marchand, ;;/., merchant ; — des rues, peddler. marchande,/, merchant. marchander, to bargain, cut the price down. marchandise,/, goods. marche, /, march, walk, walking, gait, step, speed, travel, jour- ney, course, flight. march^, w., market, bargain. VOCABULARY 201 marcher, to march, walk, go on, advance. mardi, m., Tuesday. Marguerite de Bourgogne, the principal character in the melo- drama La Totir de Nesle, mari, w., husband. Marie, Mary. marier, to marry; se — , to get married. marin, m., seaman. marquer, to mark. marraine,/., god-mother. mars, w., March. Marseille,/, Marseilles, a French port on the Mediterranean sea. martyr, m., martyr. massacrer, to slaughter. masse,/., mass. massif, m., thicket. massue,/, club. mat, w., mast. matelas, m.^ mattress. matelot, m., sailor. materiel, -le, material. matiere,/, matter. matin, w., morning ; 2 heures du — , 2 o'clock A.M. matinee,/, forenoon. maturite,/, maturity. maudit, m.^ cursed person ; rire de — , demoniacal laughter, mauvais, -e, bad, ill, poor. me, me, to me, myself. mdcanicien, w., engineer, mech- anist. mdchant, -e, wicked, bad, ilL m^contentement, w., dissatisfac- mddaille,/, medal. [tion. m^decin, w., physician. medicament, w., medicine. Medine, /, Medina, a town of Senegambia, in western Africa. m^diter, to meditate. m^garde ; par — , unawares. meilleur, -e, better, best. meler, to mingle ; se — , to mingle. membre, w., member, limb. meme, adj., same, very, self; au- jOurd^hui — , this very day. meme, adv.^ even. m^moire,/, memory. memorable, memorable. menapant, -e, threatening. menace,/, menace, threat. menacer, to threaten. manager, to avoid exciting. mendiant, w., beggar. mendier, to beg. mener, to lead ; — promener, to take out for a walk. m^priser, to despise. mer,/, sea. merci, thanks. mercredi, w., Wednesday. mercure, w., mercury. mire,/, mother. meridional, -e, southern. meridional, /?/., Southerner. m^rite, m., worth. m^riter, to deserve. merveille,/, mar\^el, wonder. merveilleu-x, -se, wonderful. 202 VOCABULARY' mes ; see mon. message, /;/., message. messe,/, mass. messieurs; see monsieur. messire, m. {obsolete)^ sir, Mr. mesure, f.^ measure ; i — que, in proportion as. mesur^, -e, circumspect. mesurer, to measure. metier, w., trade, profession, business. mitre, w., metre, i yard 3 J inches. mettre, irr\^ to put, set, place, put on, take ; — le feu a, to set on fire ; — pied a terre, to alight ; — a mort, to slaugh- ter ; — a la mer, to lower ; se — a {infiftitive')^ to begin to; se — k genoux, to kneel down ; se — en marche, to set out ; se — a la poursuite de, to start to pursue ; se — a la recherche de, to begin to look for ; se — k table, to sit down at the table. meubl6, -e, furnished. meule,/!, grindstone. meurtrir, to bruise. midi, w., noon, noonday. miel, in., honey. mien; le — , la — ne, les — s, les — nes, mine. mieux, better; tant — , so much the better; mieux vaut, it is better. milieu, w., middle ; au — de, in the middle of, in the midst of, amidst. militaire, military. mille, adj,, one thousand. mille, ^2., mile. millier, ;/2., thousand. mimes; see mettre. mine,/, face, look. miner, to undermine. minime, very small. minuit, in., midnight. minute, /., minute ; a la — , a minute. minutieu-x, -se, special. miracle, ;;?., miracle. mirent, mis ; see mettre. miserable, miserable, wretched, miserable, m., wTetch. [bad. mis6rablement, miserably. misire,/., misery. mis6ricorde,/., mercy. mis, -e ; see mettre. mission,/., mission. mit; see mettre. M"e = mademoiselle. ]y[me ^ madame. mobilier, w., furniture. mode,/, fashion, fad. moderation,/, moderation. mod^r^, -e, moderate. mod6rer, to moderate. modeste, modest. modification,/, change. moi, I, myself, me, to me; meme, myself ; a — , mine, of my own ; k — ! help ! moindre, least, VOCABULARY 203 moine, m., monk. moins, less, le^Yer ; a — de {jtmn- bc7-), less than ; au — or du — , at least. mois, w., month. moiti^,/, half. molecule,/^, molecule. moment, vi.^ moment, time; un — d'audience, a short au- dience. momentan^ment, momentarily. mon, ma, mes, my. monastere, m., monaster}-. monde, m., world, people; tout le — , everybody ; du — 07' au — , in the "svorld. monnaie,/, change. monseigneur, vi., my lord. monsieur, ;;/., sir, gentleman, Mr. ; — Pabb6, Father. monstre, w., monster, mont, 771., mount, montagne,/, mountain. monter, to mount, ascend, climb, go up, step into; set up, occu- py- montrer, to show, point out, display ; se — , to show one's self. Montreuii, m., a town near Paris. monument, w-, monument. morceau, 771., bit, piece. mort,/, death; a — ! death. mort, -e, dead. mort ; see mourir. Mosfeia, a city in central Africa. mot, 771,^ word. mourir, i7-r., to die ; — de faim, to be starving. mourras ; see mourir. mourut ; see mourir. mousquet, 771., musket. mousse, w., cabin-boy. mouton, 771,, sheep. mouvement, w., movement, mo- tion, bustle, life, animation ; en — , moving. mouvoir, ?>r,, to move. moyen, w., means, way; au — de, by means of, through. moyenne,/, average; en — , on an average. muet, -te, mute, speechless, si- lent. mulet, 771., mule. multiplier, to multiply. multitude,/, multitude. munir ; se — , to provide one's self. mur, ;;/., wall. murmurer, to mutter, grumble. musulman, -e, Moslem, Moham- medan. mysterieu-x, -se, mysterious. N n' = ne. nacelle,/, car. nager, to swim. nai-f, -ve, candid. naitre, irr., to be born. natal, -e, native. nation,/, nation. natte,/, mat. 204 VOCABULARY naturel, -le, natural. naturellement, of course. naufrage, m.^ shipwreck. navire, 7n., ship. ne, not ; — ... pas, not ; — ... que, only ; — . . . plus, no longer, no more ; — ... ja- mais, never ; — , , . point, not at all. n6, -e ; see naitre. n^cessaire, necessary. n^cessit^, /!, necessity; need, n^gliger, to neglect. n^gociant, m.^ merchant. n^gre, m,, negro. neige,/, snow. net, -te, net, clear. nettet^,/., clearness ; dans toute leur — , plainly. nettoyer, to clean, sweep. neu-f, -ve, new; de neuf des pieds a la tete, in a new suit of clothes. neuf, nine. ni, neither, nor. Niger, w., Niger, a river in west- ern Africa. Nigritie,/., Sudan, a vast region of central Africa, south of Sa- hara and Libyan deserts. Nil, w., Nile. niveau, w., level. noble, noble, noble-looking. noce,/, wedding. nocturne, nocturnal. noir, -e, dark, black, gloomy. nom, m., name; — de guerre. nickname ; au — , in the name ; sans — , indescribable. nombre, m.^ number ; etre au — de, to number. nombreu-x, -se, numerous. nommer, to name, call ; se — , to be called. non, no ; — pas, not ; — plus, either, neither. nord, m.^ north ; est, north- east ; ouest, north-west. nos ; see notre. note,/, note. notre, nos, our. notre ; le -— , la — , les — ^s, ours. nourrir, to feed, board, nourriture,/., food. nous, we, us, to us, ourselves, to ourselves, each other, to each other. nouveau, nouvel, w., nouvelle, /, new, other ; de — , again. nouvel ; see nouveau. nouvelle, adj. ; see nouveau. nouvelle,/., news. nu, -e, bare. nuage, w., cloud. Nubien, w., Nubian. nue,/, cloud. nuit,/, night. num^ro, w., number. Nyanza Victoria, w., Victoria Nyanza (native word meaning lake\ a large lake in eastern Africa, a source of the White Nile. VOCABULARY 0, 6 ! o ! oh ! oasis,/!, oasis. obeir a, to obey. objecter, to object. objection,/, objection. objet, w., object. obligation,/., obligation. obliger, to oblige. obscur, -e, dark. obscurity,/, darkness. observatoire, w., observatory. observer, to observe, scan. obstacle, w., obstacle. obstin^, -e, obstinate. obtenir, irr.^ to obtain, get bring. obtenu ; see obtenir. obtint ; see obtenir. oc ; see langue. occasion,/, opportunity. occidental, -e, western. occupation,/, occupation. 0CCUp6, -e, occupied, busy. occuper, to occupy, devote ; s^ — , to busy one's self. ocean, w., ocean, octobre, m.^ October. odieu-x, -se, hateful. osil, ?/2., eye. ofienser, to offend. officiellement, officially. of&cier, m., officer. offre, /, offer, tender. offrir, irr.^ to offer, show; s' — , to offer one's self. oh ! oh ! — ! oui, yes indeed. oil ; see langue. oiseau, w., bird. ombrage, w., shade. ombre,/, shade. omettre, to omit. omnibus, w., omnibus. on, Pon, one, people, some one, they, we, you. oncle, w., uncle. ondule, -e, undulating. ont ; see avoir. onze, eleven. Op6rer, to make, effect. opinion,/, opinion. oppose, -e, opposite, other. opposer, fro oppose ; s' — , to op- pose, object. or, conj.^ now. or, m.^ gold. or age, ;«., electric storm. orageu-x, -se, stormy. orange,/, orange. orateur, w., speaker. oratoire, ?;?., oratory. ordinaire, ordinary, common, usual, plain. ordonner, to order. ordre, ;;/., order ; par — de, ac- cording to ; — de Citeaux, Cistercian Order. Oreille,/, ear. orge,/, barley. orgueil, m., pride. orgueilleu-x, -se, haughty. Orient, m., Orient. oriental, -e, eastern. 2o6 VOCABULARY orifice, m., opening. oripeau, m.^ tinsel; plur,^ rags. Orleans, /i, Orleans, a French city, about 70 miles south of Paris. orner, to adorn. orphelin, m.^ -e,/., orphan. Orsini, a character in the melo- drama La Tour de Nesle. orthographe,/, spelling. oscillation, /, oscillation. oser, to dare. osier, ;;/., osier, wicker. oter, to take off. OU, or. OU, where, wither, when, on which ; d' — , whence. oublier, to forget. ouest, w., w^est. oui, yes ; oh ! — , yes indeed. outre, beside ; en — , besides, moreover. ouvert, -e, open. ouvert, -e ; see ouvrir. ouvrage, w., work, piece. ouvreuse,/"., female usher. ouvrier, ;;?., workman. ouvrir, /'rr., to open, cut ; s* — , to be opened, open itself. oxygene, ;;?., oxygen. pachyderme, w., pachyderm. pagaie,/, paddle. page,/, page. page, m., page. paie,/, pay. paie ; see payer, paiement, w., payment. paieront ; see payer, paillasse, m., clown. pain, m., bread, paire,/, pair. paisiblement, peacefully. paissaient ; see paitre. paitre, irr,, to graze. pale, pale. paletot, w., coat, palmier, m., palm-tree. panetier, w., pastry cook's ap- prentice. panorama, m,^ panorama. pantalon, tn., trousers. Pantin, m.^ a town in the eastern outskirts of Paris. papa, ni,, papa. papier, w., paper; — ^ lettre, letter-paper. paquet, w., package, bundle. par, by, through, out of , a ; — la, that way; — terre, on the ground, on the floor. parader, to show off. paraissait ; see paraitre. paraitre, /rr., to appear, seem. parce que, because. parcourir, irr.^ to travel over, travel through, go over, tramp. par-dessus, over; bord, overboard. pardon, w., pardon. pardonner, to pardon, forgive. pareil, -le, such. VOCABULARY 207 parent, w., parent, relative. parfait, -e, perfect, complete. parfaitement, certainly ; it is. parfois, sometimes. parfum^, -e, perfumed. parier, to bet. [France. Paris, w., Paris, the capital of parier, to speak, talk ; entendre — de, to hear of. parmi, among. paroisse,/, parish. parole,/!, speech, word. pars ; see partir. parsem^, -e, strewn, covered. part, /, part, share, mterest ; de la — de, sent by. partager, to share, divide. partaient ; see partir. partance, /., departure; en — , ready to sail. parterre, w., parquet. partez ; see partir. parti, w., decision. participer a, to take a part in. particuli-er, -ere, particular, peculiar, private. partie, /, part ; en grande — , mainly. partir, irr., to depart, go away, leave, set out, start, come, come out, arise, go off, be fired ; a — de, from . . . on. partisan, w., follower. partout, everywhere. parut ; see paraitre. parvenir, irr.^ to arrive. pas, w., pace, step. pas, adv.^ not, no; ne — , not; non — , not ; — un, not a, not one. passage, w., passage, passing, way. passer, to pass, cross, spend, skip, put around, slip on ; — en, to cross over to ; se — , to pass, pass away, elapse, take place, happen. patiemment, patiently. patience,/, patience. patissier, w., pastry-cook. patrie,/, country, fatherland. patriote, w., patriot. patron, w., employer, master; — de navire, ship-owner. patronnet, m.^ pastrycook's ap- prentice. patte,/,paw; point, fluke. pauvre, poor. payer, to pay. pays, w., country. paysan, m., countr}'man. peignit ; see peindre. peindre, irr., to paint ; se — , to be reflected. peine, /., pain, trouble, effort; a — , hardly, scarcely, barely. pelerin, m., pilgrim. pemmican, m., pemmican. pencher, to lean ; se — , to stoop, bend. pendant, prep., during, for. pendant que, conj., while. p6n6trant, -e, penetrating. p^n^trer, to penetrate, enter. 2o8 VOCABULARY p6nible, painful. pensee,/, thought, idea. penser, to think ; — a, to think of ; comme on le pense, as you may think. pensionnat, m.^ boarding-school. pente,/, slope. perpant, -e, piercing, keen, shrill. percer, to pierce. percli6, -e, perched. perdre, to lose, waste; — de vue, to lose sight of ; se — , to be lost. pere, w., father; plur.^ fore- fathers. p6rilleu-x, -se, dangerous. p^rir, to perish, die. permettre, irr., to permit, allow. permirent, permis ; see per- mettre. permission,/, permission. perpendiculaire, perpendicular. perpendiculairement, perpen- dicularly. perpetual, -le, continuous, end- less. persecution,/, persecution. persister, to persist. personne,/, person. personne, pro7t.^ m., some one, any one. personnel, -le, personal, own. perspicacity,/, perspicacity. persuader, to persuade. petit, -e, small, little, short, nar- row, easy. petit, w., little one, little boy. petite,/, little girl. petite-fiUe,/, grand-daughter. ptoifi6, -e, petrified. peu, adv., little, but little, few; — a — , gradually, slowly ; en — de temps, in a short time. peu, ?n., little; le — de, the few. peuplade,/, tribe. peur, /, fear; avoir — , to be afraid. pent ; see pouvoir. peut-etre, perhaps. peuvent, peux ; see pouvoir. pharmacie (/.) de voyage, medi- cine-chest. ph^nomene, ?n., phenomenon. Philippe- Auguste, Phihp Augus- tus, King of France, one of the leaders of the 3d Crusade (1165-1223). philistin, -e, Philistine. philosophie,/, philosophy. Phoc^en, m., Phocaean. phrase,/, sentence. physionomie, /, face. physique,/, physics. pic, w., peak. piece, /, piece, play; — de theatre, play. pied, m., foot; a — , on foot. pi6destal, m., pedestal. pierre,/, stone. Pierre, Peter. , pi6te,/, piety, devotion. pigeon, m., pigeon. pile,/, battery. pinte,/, pint. VOCABULARY 209 piquer, to prick ; — droit sur, to shoot straight downward to. pirate, m., pirate. pis, w^orse. piti^,/, pity; sans — , pitiless. pittoresque, picturesque. place,/., place, square, spot. placer, to place, put, set ; se — , to place one's self. plaine,/, plain. plainte,/, complaint, moan. plaire a, irr,, to please; s^il vous plait, if you please. plaisait ; see plaire. plaisanterie,/., joke. plaisir, w., pleasure. plait ; see plaire. plan, ?«., plan. planer, to soar, hover. plein, -e, full, filled; — air, open air; en — foret, in the very heart of a forest. pleurer, to weep, weep for, cry. plier, to fold, bend. plonger, to dive. pluie,/, rain. plume,/, pen. plupart ; la — , the greater part. plus, more, most ; de — , more ; de — en — , more and more ; plus de (number), more than ; — . . . , — • . • , the more . . . , the more . . . ; bien — , more than that ; ne . . . — , no more, no longer ; ne . . . — que, no longer anything or anybody but ; ne . . . — qu^a, not farther than ; ne — rien que, nothing else but ; non — , either, neither; que . . . de — ? what else .^ plusieurs, several. plut ; see plaire. plutot, rather. pluvieu-x, -se, rainy. poche,/, pocket, poids, m.^ weight. point, w., point, extent, respect; — de depart, start ; au — du jour, at daybreak ; a — , in the nick of time ; a tel — que, so that ; sur le — de, about to. point, adv., at all ; ne . . . — , not at all. pointe,/, point, fluke ; sur la — des pieds, on tiptoe. Poitiers, w., Poictiers, a French city, about 207 miles S. W. of Paris. Poitou, m., Poitou, a former western province of France, poitrine,/, chest, breast, bosom. poliment, politely. politesse,/, politeness. polyglotte, w., polyglot. pomme,/, apple. pompe,/, pomp, ponctualite,/, punctuality. pont, w., bridge, deck; le — des Arts, one of the numerous bridges that span the Seine river. populaire, popular. popularity, /, popularity. 210 VOCABULARY population,/, population. port, 77t.^ port, harbor. porte,/., door, gate ; — cochere, gateway ; theatre de la Porte Saint-Martin, a very well known Parisian theater, situ- ated on the boulevards. port6e, /, reach, range; a — , w^ithin reach ; ^ — de fusil, within gunshot. po ter, to carry, bear, wear, have, raise. portiere, /, portiere; carriage- door. portrait, m,, picture. Portsmouth, an English town, 74 miles S. W. of London. pos^ment, deUberately. poser, to lay, set, put. position,/, position. possdder, to possess, have. possession,/, possession. possibility,/, possibility. possible, possible. poste, w., trading post, station. poster ; se — , to post one's self. posture,/, position. poudre,/, powder. poulailler, m., chicken-coop ; upper gallery. pouls, w., pulse. poupee,/, doll. pour, for, to, in order to. pourquoi, why, the reason why. pourra, pourraient, pourrais, pourrait, pourras ; see pouvoir. pourrez ; see pouvoir. pourrons, pourront ; see pouvoir. poursuite,/, pursuit. poursuivre, irr., to pursue. pourtant, however. pourvoir, /Vr., to provide, supply. pourvu, -e ; see pourvoir. pousser, to push, prompt, drive, raise, utter, give. pouvait, pouvez, pouviez; see pouvoir. pouvoir, irr,^ can, may, to be able; aurait pU {infinitive), might have {past participle). pouvoir, m., power. prairie,/, prairie. praticable, feasible. pr6, w., meadow. precaution,/, precaution; avec — , cautiously. precedent, -e, preceding. prdc^der, to precede. precher, to preach. prdcieu-x, -se, precious, costly, valuable. pr6cipitamment, hurriedly. pr6cipiter, to precipitate; hurl, throw; se — , to jump, jump down, rush down. pr^cis^ment, precisely. pr^curseur, forerunner. pr^d^cesseur, m., predecessor. prediction, /, prediction. preferable, preferable. preferer, to prefer. premi-er, -ere, first; — etage, second floor (in France). premierement, first. VOCABULARY 211 prenaient, prenait, prenant ; r^^ prendre. prendre, irr., to take, catch, hold; — un parti, to make a de- cision. prenez ; see prendre. pr^occuper, to preoccupy, worry; se — de, to attend to. pr^paratif, m., preparation. preparer, to prepare. pres, adv., about, nearly ; a peu — , nearly, almost; — de, near- ly- pres de, prep., near, close to. presager ; f aire — , to foretell. presence,/, presence, coming. present, w., present; a — , now. presenter, to present, offer, in- troduce; se — , to present one's self, call, come, occur. preserver, to save. president, w., president. presque, almost, nearly, scarcely. presse,/, press. presser, to press, shake, clasp, urge, be urgent; se — , to crowd, throng; se — les mains, to shake hands with one another. pr^sumer, to suppose. pret, -e, ready. preter, to lend ; se — , to yield. preuve,/, proof. pr6valoir, irr., to prevail. pr^valut ; see pr^valoir. pr^venir, irr., to prevent. pr^voir, irr.^ to foresee. prie-Dieu, w., prayer-stool. prier, to ask, pray, beg. priere,/, prayer, primaire, elementary, primary. princesse,/, princess. princi-er, -ere, princely. principal, -e, principal, main. printemps, m., spring. prirent; see prendre. pris, -e ; see prendre. prisonnier, w., prisoner. prit ; see prendre. privation,/, privation. priver, to deprive. prix, m,, price, cost ; prize. probability,/, probability. probable, probable. probablement, probably. probite,/, integrity. processionnellement, in proces- sion, [by. prochain, -e, next, coming, near procurer, to procure, get ; se — , to get for one's self. prodigieu-x, -se, prodigious, tremendous, wonderful. prodigue, lavish, very rich. prodiguer, to lavish. production,/, making. produire, />r., to produce, cause, create ; se — , to be heard ; take place. produisit ; see produire. produit, -e ; see produire. produit, w., proceeds, fruit. professeur, m., teacher, profes- sor. 2 12 VOCABULARY profession,/, profession. profit, m.^ profit, gain, profiler, to profit by. profond, -e, profound, deep, great. profond^ment, deeply, humbly. profondeur,/., depth. programme, m.^ programme, progres, m.^ progress. proie, /, prey ; en — ll, a prey to. pro jet, w., project. projeter, to throw out. prolong^, -e, lengthy. promenade, /, promenade. promener, to take out for a walk; se — , to walk, take a walk. promeneur, m,^ promenader. promesse,/, promise. promettre, irr.^ to promise. promis, promit ; see promettre. promontoire, m,, promontory. prompt, -e, prompt, quick. promptement, promptly, quick- prononcer, to pronounce. prophete, m., Prophet, i.e. Mo- hammed. propice, favorable. proportion,/, proportion. propos, m.^ remark. proposer, to propose, offer, sug- gest ; se — , to intend. proposition,/, proposition, pro- posal, offer. propre, own. proprement, cleanly. proprietaire, m., owner, propriety,/, property. protection,/, protection. prot6g6, w., protege. prot6ger, to protect. protestation,/, protestation. prouver, to prove. provenpal, -e, Proven9al. Provence,/, old province in S. E. of France. providence,/, Providence. province,/, province. provision, /, provision, supply, stock. prudemment, prudently. prudence,/, prudence. prudent, -e, prudent, cautious. Ptol^mais, former name of Saint- Jean d'Acre, a city of Syria. pu ; see pouvoir. publi-c, -que, public. publier, to publish. puis, adv.^ then, afterwards. puis ; see pouvoir. puisque, since, as. puissance,/, power, puissant, -e, powerful, puisse, puissions ; see pouvoir. puits, m., well. punir, to punish. pur, -e, pure, clear. purent ; see pouvoir. puret6,/, spotlessness. pus, put, put ; see pouvoir. VOCABULARY 213 Qu^=que. quadrupede, m., quadmped. quadrupler, to quadra pie. quai, in., quay. quality,/., quality. quand, when. quant a, as for, as to. quantity,/"., quantity, number. quarantaine,/, about forty. quarante, forty. quart, m., quarter, fourth ; watch. quartier, m., quarter, large piece ; ward. quatorze, fourteen. quatorzieme, fourteenth. quatre, four. quatre-vingt-dix, ninety. que, pron., whom, that, which, what ? qu'est-ce — ? what ? que, conj., that, than, as; when ; let. que, adv., how; — de fois ! how many times ! ne . . . que, only. quel, -le, what, what sort of a. quelque, some, a few ; — chose, m., something. quelquefois, sometimes. quelqu^un, some one, any one ; quelques-uns, some. querelle,/., quarrel. question,/., question. queue,/, tail. qui, who, whom, that, which. Quimper, a city of Brittany. quinzaine,/, about fifteen ; fort- night. quinze, fifteen. quitter, to leave, give up, part from ; se — , to part from each other. quoi, what ; what I how ! a — bon ? what is the use ? quotidien, -ne, daily. R race,/, race. racheter, to redeem. raconter, to relate, tell. rage,/, rage, fury, furore. raide, erect. raison, /, reason ; avoir — , to be right ; etre rendu a la — , to be brought back to one's senses. rajeunir, to make one feel younger. ralliement, m., rallying. ramasser, to gather up, pick up. ramasseuse,/, picker. rame,/, oar; ream. ramener, to bring back. rameur, m., rower. ramoner, to sweep (chimneys). ramoneur, m., chimney-sweeper. ranpon,/, ransom. rang, m., rank, place. ranger, to arrange; se — , to place one's self, take one's rank. ranimer, to reanimate, revive; se — , to cheer up ; revive. rapide, rapid, swift, fast, quick, rapidement, quickly. [ness. rapidity,/, rapidity, speed, swift- 214 VOCABULARY rappeler, to remind; se — , to remember. rapporter, to bring, bring back, bring home ; s*en — ky to trust to. rapprocher ; se — , to draw near again, draw nearer. rare, rare. rassembler, to gather, gather up, summon up. rasseoir, irr., to seat again ; se — , to sit down again. rassurer ; se — , to be reassured, rauque, hoarse. rayon, m., ray. rebellion,/, rebellion. rebord, m., ledge. recette,yi, receipts, sales. recevoir, zrr., to receive. recherche, /, search ; //«r., in- quiries. r6cit, m., relation, story, reciter, to recite. r6clamer, to claim, beg for. recommander, to recommend. recommencer, to begin again. recompense,/., reward. r^compenser, to reward. reconnaissant, -e, grateful. reconnaitre, irr., to recognize, discover, identify. reconnu, ~e ; see reconnaitre. reconnumes, reconnurent, recon- nut ; see reconnaitre. reconqu^rir, zrr., to reconquer. reconquis, -e ; see reconqu^rir. recouvrir, irr., to cover over. r^crier ; se — , to protest. repu, -e ; see recevoir. reculer, to start back. requrent, reput ; see recevoir. redescendre, to go down, come down. redevenir, irr., to become again. redevenu, -e ; see redevenir. redoubler, to redouble, increase. redoutable, formidable, dreadful. redresser ; se — , to straighten up again. r6duire, irr., to reduce ; compel (to eat). r^duit ; see r^duire. r^fldchir, to reflect, think. reflexion, /, reflection. refrain, m., refrain. refuser, to refuse, decline. r^futer, to refute. regagner, to get back to, go back to. regard, m., look ; eyes. regarder, to look, look at, con- sider. regime, m., diet, fare. regiment, m , regiment. region,/, region, part, portion. regie,/, rule. r^gner, to reign ; il r^gne, there reigns. regret, m., regret. regretter, to regret. r^guli-er, -^re, regular. reine,/, queen. rejeter, to throw out. rejoindre, irr., to join, meet. VOCABULARY 2 IS relation,/., relation. relever, to raise again, lift up ; se — , to rise again, go up again. religieu-x, -se, religious. religieux, m., monk, religion,/, religion. relire, irr., to read again. relut ; see relire. remarquable, remarkable. remarquer, to notice. [ment. remboursement, w., reimburse- remercier, to thank. remettre, irr., to put again ; etre remis, to have recovered. remis, -e ; see remettre. remonter, to remount, ascend, go up again, go back, head again. remords, w., remorse remorquer, to tow. rempart, m., rampart. remplacer, to replace. remplir, to fill, fill up, fulfill. rencontre,/, meeting. rencontrer, to meet, find. rendez-vous, w., meeting-place. rendre, to render, return, restore, bring back, make ; — a la liberty, to liberate ; se — , to surrender; go. ren^gat, m., renegade. renfermer, to enclose. renier, to renounce. renoncer a, to renounce. renouveler, to renew; se — , to be repeated. rentier, w., independent person, man living on his income. rentrer, to re-enter, return, go home, come home. renverser, to throw down, knock down. renvoyer, /rr., to send back. r^pandre, to spread. reparaitre, irr.^ to reappear. r^partir, to distribute. reparut ; see reparaitre. repas, w., meal. repasser, to review. repertoire, w., repertory, stock plays. r^p^ter, to repeat, say again, re- peat over and again. replacer, to set down. r^plique,/, reply. r6pliquer, to reply. r^pondre, to answer. reporter, to carry back, transfer. repos, w., repose, rest. reposer, to rest ; se — , to rest. repousser, to push back, drive back, decline. reprendre, irr.^ to take again, pluck up, resume, follow again, go on, reply ; — le chemin de, to retrace one's steps toward. reprenaient, reprenait, repre- nant ; see reprendre. representation, /, representa- tion, performance. representer, to represent. reprimer, to repress. repris, reprit ; see reprendre. 2l6 VOCABULARY reproche, w., reproach. reputation, /, reputation. r6server, to reserve. r^sider, to reside, live. resignation,/., resignation. r^signer; se — , to reluctantly decide, resistance,/, resistance. resistant, -e, strong, stout. resister a, to resist. resolu, -e, resolute, decided. resolu ; see resoudre. resolument, resolutely. resolution,/, resolution. resolut ; see resoudre. resoudre, irr.^ to resolve, solve ; se — , to resolve, make up one's mind. respect, w., respect. respecti-f, -ve, respective. respectueu-x, -se, respectful. respirable, respirable. respirer, to breathe, express, resplendissant, -e, resplendent. ressembler a, to resemble, look like. ressentir, irr.^ to feel, experience. ressort, w., spring, ressource,/, resource. reste, 7n.^ rest, remainder, bal- ance; au — , du — , besides; le — de sa vie, his remaining days. rester, to remain, be left, stay; il restait deux pintes, two pints were left. resultat, m., result. resume, m., summary. retablir, to repair, restore ; etre retabli, to be cured. retenir, irr., to keep back, hold back, keep in, restrain, repress ; remember. retentir, to resound, ring. retentissant, -e, loud. retentissement, m., sensation. retins ; see retenir. retirer, to take out, withdraw; se — , to retire, withdraw. retomber, to fall again. retour, m.^ return, getting back, coming home ; de — , on his return ; sans — , for ever. retourner, to turn again, return, go back ; se — , to turn, retraite,/, retreat, retrancher, to cut down, retrouver, to find again, recover; se — , to find one's self, be ; meet again, reunion,/, reunion. reunir, to reunite, unite, gather up. reussir, to succeed, prosper. revanche, / ; en — , in return. reve, m., dream. reveiller, to avrake ; se — , to wake up. reveler, to reveal, disclose. revenais ; see revenir. revendre, to sell, sell again, revenir, /Vr., to come back, re- turn; — a soi, to recover one's senses; cela reviendra VOCABULARY 217 au me me, that will amount to the same thing. revenu, -e ; see revenir. rever, to dream. r6verbere, w., street-lamp. reverrons ; see revoir. revetir, /Vr., to clothe. revetu, -e ; see revetir. reviendra, reviens ; see revenir. revinrent, revint ; see revenir. revivre, irr., to revive. revoir, irr.^ to see again ; se — , to meet again. revoir, m.; au — , good-bye. Richard CcEur de Lion, Richard I., King of England, one of the leaders of the third Cru- sade (i 157-1 199). riche, rich, wealthy, costly, large. richement, richly. richesse,/, riches, wealth. rideau, m., curtain. rien, ;;/., anything, nothing; ne ... — , nothing ; plus — que, nothing else but. rien qui vaille, m., good-for-noth- ing. rigueur,/., severity. riposter, to reply. rire, irr., to laugh ; — aux Eclats, to burst out laughing; elles riaient aux larmes, they laughed till they cried. rire, m.^ laughter. risque, w., risk. risquer, to risk, venture. rivage, w., shore, bank. rive,/, bank, shore. riviere,/., river. riz, m.^ rice. robe,/, dress, gown, frock. robinet, m.^ faucet. Robinson ; see Crusoe. roc, w., rock. roche,/, rock. rocher, m., rock. roi, w., king. role, m., part. Romainville, a town near Paris. Rome, /, Rome, the capital of Italy. rompre, to break. rond, -e, round. Roquette; la — , one of the prisons of Paris. rose, rosy, pink. ros^e,/, dew. rouge, red. rongeur,/, blush. rougir, to redden, blush. rouler, to roll, roll up ; flow ; se — , to roll, roll one's self. route, /, road, way, distance, journey; en — , during the trip ; on their way ; en — ! let us run; compagnon de — , travelling companion. royal, -e, royal. ruban, m.^ ribbon. Rubeho, a mountain in eastern Africa. Rubemh^, a mountain in eastern Africa. rude, rough, hard, difficult. 2l8 VOCABULARY rue,/, street. rugissement, m., roar, mine,/"., ruin, decay. rupture,/, difference, variation. s' = se; also si before 11, lis. sa ; see son. sable, m.^ sand. sac, w., sack, bag. sachant, saches, sachiez, sa- chions ; see savoir. sacrifice, w., sacrifice. sacrilege, sacrilegious. sage, good, sagesse,/., wisdom. saint, -e, saint, holy. Saint- Antoine, a popular quarter of Paris. Saint-Fargeau ; lac — , a small lake, east of Paris. Saint-Germain ; see faubourg. Saint-Louis, the capital of the French colony of Senegal. sais, salt ; see savoir. saisir, to seize, grasp. saison,/, season. salaire, m.^ wages. sal6, -e, salt. salle,/, room, hall, auditorium. saltimbanque, fn.^ mountebank, acrobat. saluer, to salute, greet, bow to. salut, m.. salute, bow, salutation. samedi, m., Saturday. sang, m., blood; en — , bleeding. sanglot, m., sob. sangloter, to sob. sans, without, but for. sant6,/, health. sarrasin, -e, Saracen. Sarrasin, w., Saracen. satin, w., satin. satisfaction,/, satisfaction. satisfaire, irr., to gratify. satisfait, -e, satisfied, pleased. saurai, sauras, saurez; see sa- voir. sauter, to jump, leap. sauteur {m) de corde, tight-rope walker. sauvage, wild. sauvage, m.^ savage. sauver, to save, rescue ; se — , to run away. sauvetage, ;;?., rescue. savane,/, savanna. savant, m., scholar. savez ; see savoir. savoir, irr.^ to know, be aware of. scene,/, scene. scheik, w,, sheik (head of an Arabian tribe). science,/, science. scientifique, scientific. scrupule, w., scruple. se, one's self, himself, herself, itself, themselves, one another, to one's self, to himself, to herself, to itself, to themselves, to one another. Stance, /, meeting. VOCABULARY 219 sec, seche, dry. second, -e, second ; — etage, third story (in France). secours, /;?., help. secousse,/, shake, jerk. secr-et, -ete, secret. secret, m.^ secret. seduisant, -e, seductive, alluring. seigneur, w., lord. seize, sixteen. s6jour, 711., sojourn. seller, to saddle. selon, according to. semaine, /., week; par — , a week. sembler, to seem. S^n^gal, tn., Senegal, a French colony in western Africa. Senegal, m.^ a river in western Africa. sens, w., meaning; direction, sensation,/!, sensation. sensibilite,/, sensitiveness. sensiblement, perceptibly. sentaient, sentait ; see sentir. sentier, m., path. sentir, irr,^ to feel; se — , to feel that one is ... ; se faire — , to be felt ; see coeur. s6parer, to separate ; se — , to part. sept, seven. septentrional, -e, northern. s6pulcre, m., sepulchre. sera, serai, serais, serait, seras ; see etre. serez ; see etre. s6rie,/, series. s^rieusement, seriously. serons, seront ; see etre. serpent, w., snake. serpentin, w., worm, serre,/., claw. serrer, to press, clasp, wring; close. serrurerie,/.; atelier de — , lock- smith's workshop. serrurier, w., locksmith. servante,/, maid-servant, service, w., service, servir, irr.^ to serve ; — de, to serve as ; se — , to make use, avail one's self. serviteur, m., servant. ses ; see son. seul, -e, sole, alone, single, only. seulement, only. severe, severe, stern. s6v^rite, /, severity; avec — , severely. sexe, w., sex. Shari, a river in central Africa. si, C071J , if, whether, suppose; — ... ne, unless. si, adv.^ so ; yes indeed. silcle, w., century. siege, w., seat. sien; le — , la — ne, les — s, les — nes, his, hers, its, one's. sienne ; see sien. signal, w., signal, signature,/, signature. signe, m., sign. signer, to sign. 22 O VOCABULARY silence, w., silence. silencieu-x, -se, silent. silhouette,/, silhouette. simoun, w., simoon. simple, simple, mere. simplement, simply, merely, with simplicity ; tOUt — , simply. sincere, sincere. singe, w., monkey. singuli-er, -ere, singular, pecu- liar, odd, strange. sinueu-x, -se, sinuous, winding, meandering. sire, m.^ (title formerly given to nobles, now only to emperors and kings) sire, lord. situation,/, situation. situ6, -e, situated. six, six. sobre, sober. soci6t6,/., society. soeur,/., sister. soie,/, silk. soif,/, thirst. soigner, to take care of. soin, w., care. soir, w., evening; 5 heures du — , 5 o'clock p.m. soiree,/, evening. sois, soit ; see etre. soixante, sixty ; seize, seven- ty-six. sol, w., soil, ground, land. soldat, w., soldier. soleil, m., sun. solennel, -le, solemn. solid e^ firm. solidity,/., solidity, strength. solitude,/., solitude. sollicitude,/, solicitude. solution,/, solution. sombre, gloomy, dark. somme, /, sum ; en — , after all. sommeil, m., sleep. sommes ; see etre. sommet, w., summit, top; tout au — , at the very top. son, sa, ses, his, her, its, one's. son, ;/?., sound. sonner, to ring, toll, strike. sont; seek\xQ. sorcier, w., sorcerer. sort, m.^ fate, condition, lot. sort, sortaient ; see sortir. sorte, /, sort, kind ; de — que, so that. sortie, /., exit, going out, de- parture ; — des artistes, stage door; a la -— de P^cole, at dismissal. sortions ; see sortir. sortir, irr.^ to go out, come out, leave. sou, 771.^ sou, cenV, a 4 sous, 4 cents a piece. soudain, -e, sudden. soudain, adv.^ suddenly. soudainement, adv., suddenly. souffert ; see souffrir. souffler, to blow. souifrance,/, suffering. souffre ; see souffrir. souffrir, irr., to suffer. souhait, w., wish^ VOCABULARY 221 souhaiter, to wish. soulever, to raise, lift up ; se — , to rise, sit up ; be lifted up. soumettre, /rr., to submit. soumis, -e ; see soumettre. soupape, /., safety-valve. souppon, 7n.^ suspicion. soupe,/, soup. souper, to eat supper. souper, m.y supper, supper-time. source,/., source, spring. sourd, -e, deaf. sourire, irr., to smile. sous, prep.^ under, beneath, be- low. sous, m.; see sou. soutenir, irr., to support. sonitient ; see soutenir. souvenir ; se — {irr) de, to re- member. souvenir, w., recollection; mem- ory. souvent, often. souverain, w., king. souviendrai, souviens ; see sou- venir. soyez ; see etre. sp^cialement, specially. spectacle, w., spectacle, sight, show, theater. Speke, English explorer of Africa, 1827-1864. spirale,/, spiral, coil. splendide, splendid, glorious. statue,/, statue. steamer, w., steamer. strident, -e, harsh. stupefaction,/., stupefaction. stup6fait, -e, dumbfounded. su ; see savoir. subir, to undergo, experience, bear, meet. subitement, suddenly. sublime, sublime. subvenir {irr) a, to help paying. succ6der a, to follow. succes, ;;2., success. successivement, successively. succomber, to die. succulent, -e, succulent, deli- cious. Sucre, w., sugar ; — d^orge, stick of barley-sugar. sud, m., south; est, south- east. suffire, irr., to suffice; be suffi- cient. suffisant, -e, sufficient. sugg^rer, to suggest. suie,/, soot. suis ; see etre or suivre, accord- ing to context. suite, / ; par — de, in conse- quence of ; tout de — , at once. suivant, -e, following, next. suivant, prep., according to. suivre, irr., to follow. sulfurique, sulphuric. sultan, m., sultan. sup^rieur, -e, superior, upper; — a, higher than, greater than. superstitieu-x, -se, supersti- tious. superstition,/, superstition. VOCABULARY supplier, to beseech. supporter, to support, endure. sur,-e, sure, certain, trustworthy, rehable. sur, on, upon, over, above. surchauffer; se — , to be over- heated. surement, accurately. surety,/., safety. surexcit^, -e, overexcited. surface,/, surface. surprenant, -e, amazing, wonder- ful. surprendre, />r., to surprise, take by surprise. surpris, -e ; see surprendre. surprise,/., surprise. surtout, above all, chiefly. surveiller, to watch over. survivre, irr.^ to survive. suspect, -e, suspicious. suspendre, to suspend, hang; se — , to hang. suspendu, -e, hanging. sycomore, ;/?., sycamore. syllabe,/, syllable. symptome^ ;//., sign. Syrie,/, Syria, division of Tur- key in Asia, east of the Medi- terranean sea. systeme, w., system. r=te. ta ; see ton. tabac, w., tobacco. table,/, table. tableau, w., tableau, picture, painting. tacher, to try. tactique,/, tactics. taffetas, w., taffeta, fine silk, taille,/, height, stature, size, taire, irr. ; se — , to keep silent. tais ; see taire. talent, m., talent. Talibas, an Arabian tribe. talisman, m., talisman. taloche, /, cuff (blow on the head). Tancrede, Tancred, Norman leader in the first crusade (io8o?-iii2). tandis que, while. tant, so much, so many, such ; — mieux, so much the better ; — que, as long as. tantot, just now; — • . • , — . . . , now . . . , now . . . tapis, w., carpet, rug. tard, late. tarder a, to be long in ; ne tar- derent pas a r^pandre . . ., soon spread . . . taverne,/, tavern. Tchad, Chad, a large lake in the Soudan, south of Sahara des- ert. te, thee, to thee. teint, w., complexion. tel, -le, such. tenement, so much. Temboctou, Timbuktu. VOCABULARY 223 t^moin, m., witness. temperature, /, temperature, kind of weather. tempete, /, tempest, storm ; de — , stormy. temps, w., time ; weather ; a — , in time; de — en — , from time to time ; avoir le — , to have time. tenais ; see tenir. tendre, adj.^ tender, fond. tendre, to hold out. tendresse, /, affection. tenir, irr., to hold, keep ; — parole, to keep one's promise ; se — , to stand, remain. tente,/., tent, awning. terme, w., end; quarter's rent. terminer, to end, complete; se — , to end. terre,/., earth, land, ground ; par — , on the ground; a — , on earth, on the floor, on the ground, down ; prendre — , to land. Terre-Sainte,/, Holy Land. terreur,/., terror, dismay, awe. terrible, terrible, dreadful. tes ; see ton. testament, m., last will. tete,/, head; — baiss^e, head- long ; en — de, at the head of. texte, m.^ text. th^, w., tea. th^atral, -e, theatrical. theatre, m.^ theater; see porte. thermom^tre, m,, thermometer. tien; le — , la — ne, les — s, les — nes, thine, yours. tiens ! hiterj., here, take, why ! tient, tint ; see tenir. tiers, m., third. timide, timid. timidity,/, shyness. tinrent ; see tenir. tirade,/, passage. tirer, to take out, draw, fire, shoot. tireur, w., marksman, tissu, ;;?., tissue. toi, thou, thee, you ; a — , thine, yours ; te voilk Chez — , there is your street. toilette,/., toilet. tole,/, sheet-iron. tomber, to fall, drop, land ; — de fatigue, to be tired to death ; lis tombaient toujours, they kept on falling. ton, ta, tes,. thy. ton, m,^ tone, accent. tonneau, w., barrel; ton. tonnerre, m., thunder. torche,/, torch. torrent, w., torrent. torture,/, torment. tot, soon. total, m., ^otal. Touareg, m., Tuareg. toucher, to touch, affect, move; — a sa fin, to come to an end. toujours, always ; — est-il que, the fact is ; nous courions — , we kept on running; ils torn- 224 VOCABULARY baient — , they kept on fall- ing. tour,/, tower. tour, m., turn, feat, ''stunt"; a mon — , in my turn ; — a — , in turn, by turns. Touraine, f., Touraine, an an- cient province in western France. tourbillonner, to whirl. tourmente, /, storm. tourmenter ; se — , to fret. tourn6e,/, trip, round. tourner, to turn; — et retour- ner, to turn over and over; se — , to turn around. tournoyer, to turn round and round, whirl. tOUS ; see tout. Toussaint ; la — , All-Saints' day,, celebrated on November first. tout,, -e ; plur. tous, toutes, all, whole, every, any; tous les jours, every day; tous deux, tous les deux, both ; a — e Vi- tesse, at full speed. tout, pron.^ all, everything. tout, adv.^ wholly, completely, quite, very ; — d'un COUp, all on a sudden ; — a coup, sud- denly ; — de suite, at once. tOUtefois, however. tout-puissant, -e, all powerful. trace, /, track, trace, footstep, wake. tracer, to trace. trainer, to drag, drag along. trait, w., feature. traite, m., agreement. traitement, m., treatment. traiter, to treat. traitre, m., traitor. tranche,/., slice. tranquille, quiet, still. tranquillement, quietly. tranquillite,/, tranquillity, calm- ness. transport, m.^ transport, trans- portation, transport ship. transporter, to transport, carry. travail, w., work, labor, job. travailler, to work. travers ; a — , through. travers6e, /, passage, voyage, crossing. traverser, to cross, pass above. traversin, m., bolster. treize, thirteen. tremblant, -e, trembling. tremblement, m,, tremor. trembler, to tremble. tremper, to dip. trentaine,/, about thirty. trente, thirty ; deux, thirty- two ; cinq, thirty-five. tr6pass6, fn., dead. tres, very, very much. tr^sor, m.^ treasure. tressaillir, irr.^ to start. triangle, m., triangle. trimestre, m., quarter (3 months). triomphe, ;;/., triumph. triste, sad, pitiful. VOCABULARY 22S tristement, sadly. tristesse,/i, sadness, sorrow. trois, three. troisieme, third. trompe,/, trunk. tromper, to deceive, cheat ; se — , to be mistaken, make a mistake. trone, w., throne. trop, too, too much, too many. tropique, tropical. trottoir, ?;/., sidewalk. troubadour, w., troubadour. troubler, to trouble, disturb. trouer, to make a hole in ; etre — a plusieurs endroits, to have several holes. troupe,/, troop, band, herd. troupeau, w., flock, herd. trouver, to find, find out ; se — , to find one's self, be found, be, happen to be. tu, thou, you. tuer, to kill. tumulte, w., tumult, uproar. tuyau, w., pipe. U Uk^r^OU^, native name of Lake Victoria Nyanza. un, -e, a, an, one. un ; I'un, one; une a une, oiire after the other; las — s . . ., les autres, some . . ., some. uniforme, m., uniform. union,/, union. unir, to unite. urgent, -e, urgent, us^, -e, threadbare. ustensile, m., utensil, tool. utile, useful. utopie,/., Utopia, dream. va ; see aller. vacances,///i!/r., hoHdays. vagabond, w., vagrant. vaillance,/, valor. vaillant, -e, brave. vaille ; see valoir. vain, -e, vain, fruitless ; en — , vainly. [come. vaincre, /rr., to vanquish, over- vaincu, -e ; see vaincre. vainement, vainly. vainquit ; see vaincre. vais ; see aller. vaisseau, m., vessel, ship. valoir, zrr., to be worth ; mieux vaut, it is better ; see rien. vapeur,/, steam; see bateau. variante,/, variation, change. varie, -e, varied, various. variety,/, variety. vas ; see aller. vassal, ;;/., vassal. vaste, vast, immense. vaut ; see valoir. vautour, w., vulture. vegetation,/, vegetation. vehemence, / ; avec — , vehe- mently. 226 VOCABULARY veille, /, day before ; la — au soir, the evening before. veiller, to sit up, watch. velours, m., velvet. venais, venait ; see venir. vendre, to sell, betray. vendredi, m., Friday. Vendredi, Friday, the name of Robinson Crusoe's man, a young savage whom he saved from death on a Friday. venerable, venerable. venger, to avenge. venir, irr.^ to come ; — cher- cher, to come for; — de (/;/- finitive)^ to have just i^past par- ticiple) ; d^ou vient ? how is it? venu, -e ; see venir. verdoyant, -e, verdant. verdure,/^, verdure, green. veritable, true, genuine, real. v^ritablement, truly, really. v^rit^,/, truth. vers,/?'-?/., towards, about ; over. vers, m.^ verse, Hne. versant, w., side, slope. verser, to shed. vertu,/, virtue. verve,/, spirit. vetements, m.^plur., clothes. vetir, /rr., to dress. vetu, -e ; see vetir. veuillez ; see vouloir. veut, veux ; see vouloir. viande,/, meat. vide, empty. vide, w., vacuum. vider, to empty. vie,/, life, hving; sans — , life- less. vieil ; see vieux. vieillard, vi., old man. vieille ; see vieux. vieillir, to grow^ old. vienne, viens, vient ; see venir. vieux, vieil, vi., vieille,/, old. vigoureusement, vigorously. vigoureu-x, -se, vigorous. vil, -e, vile, low; un vil trou- peau, a mere herd. vilain, -e, unsightly. vilain, m., villain, commoner. village, m., village. ville,/, city, town. vingt, twenty ; — -deux, twenty- two. vingtaine,/, about twenty. vinrent, vint ; see venir. violemment, violently. violence,/, violence, fury. violent, -e, violent, strong, pelt- ing. violet, -te, purple. violette,/, violet. virent ; see voir. virer ; — de bord, to tack about. vis ; see voir or vivre according to context. visage, 7/^, face. visible, visible. visiblement, perceptibly. vision,/, vision. visite,/, visit, inspection. VOCABULARY 227 visiter, to visit. vit ; see voir. vite, quick, quickly. Vitesse,/", speed, rate of speed; a toute — , at full speed. vivant, -e, living. vive ! vivent ! long live ! hurrah for ! three cheers for ! vivement, greatly, quickly, spir- itedly. vivre, irr., to live. voeu, m.^ vow, w^ish, prayer. void, behold ! here is, here are ; le — , here he is ; me — , here I am. VOila, behold ! there is, there are ; that is ; such is ; nous — arri- ves, there is the store ; te — chez toi, there is your street ; — quelle, such. voile, w., veil. voile,/., sail. voir, irr.^ to see. voisin, -e, next. voisinage, /;/., neighborhood. vols, voit ; see voir. VOiture,/., carriage. voix, /., voice, cry ; a haute — , loud, aloud. vol, w., flight; robbery. volcan, w., volcano. voler, to fly. volonte,/., will, wish. volubility,/, volubiHty. volume, w., volume, book. voter, to vote. votre ; le — , la — , yours. voudra, voudras ; see vouloir. vouer, to vow, devote. voulais, voulait ; see vouloir. voulions ; see vouloir. vouloir, /rr., to wish, will, try ; — bien, to be wiUing ; je veux bien, willingly. voulons ; see vouloir. voulu, voulurent, voulus, vou- lut ; see vouloir. VOUS, you, to you, yourself, your- selves, to yourselves, each other. voute,/, arch. voyage, w., voyage, trip, journey, travel, travelling ; de — , tra- velling ; en — , on a trip, tra- velling; etre du — , to be one of the party. voyager, to travel. voyageur, w., traveller, passen- ger. voyant, -e, loud, gaudy. voyaient, voyait, voyez, voy- ons ; see voir. voyons ! ijiterj.^ come, now. vrai, -e, true, real. vrai, adv., truly. vraiment, tmly. vu, -e ; see voir. vue, /, view, sight, eyesight, eyes ; a — d^oeil, perceptibly. y, there, thither, to it, to them, on it ; il y a, there is, there 228 VOCABULARY are ; il y a deux jours, two the sultanate of Zanzibar, sit- days ago ; qu'y a-t-il ? what's uated on the island of the same the matter? name. yeux, plur. of ceil. z6br6, -e, streaked. zigzag, m., zigzag. zigzaguer, to zigzag. Zanzibar, Zanzibar, the capital of zone, /, zone. EEFERENCE LIST OF IRREGULAR COMPOUND YERBS. The figure after any compound verb in the following list refers to the number under which the principal and derived parts of the simple or model verb are given. Accourir 15, for instance, means that the student must look for the simple or model verb in the following list under Xo. 15. So^ accourir is conjugated like courir. accourir 15 equivaloir 62 reduire 11 accueillir 20 eteindre 45 rejoindre 33 apercevoir 52 relire 34 apparaitre 43 feindre 45 remettre 36 appartenir 63 renvoyer 26 apprendre 50 instruire 11 reparaitre 43 atteindre 45 reprendre 50 maintenir 63 resssntir 44 comprendre 50 retenir 63 concevoir 52 obtenir 63 revenir 63 conquerir 2 oflErir 16 revetir 64 consentir 44 revivre 65 construire contenir 11 63 paitre (preterit and revoir 66 convaincre convenir 61 63 past participle lacking-) ^43 satisfaire sentir 28 44 parcourir 15 sortir 44 16 decouvrir 16 permettre 86 souffrir detruire devenir 11 63 poursuivre prevaloir 58 62 63 11 36 soumettre sourire 36 54 disparaitre emouvoir 43 39 prevenir produire promettre soutenir souvenir subvenir 63 63 63 endormir 24 surprendre 50 enduire 11 reconnaitre 13 survivre 65 enfuir 31 reconquerir 2 entretenir 63 recouvrir 16 tenir 63 entr ouvrir 42 redevenir 63 tressaillir 4 229 LIST OF IKEEGULAE VEEBS. Note.— All the forms of regular verbs, and most of those of irregular verbs, may be inferred from five leading forms: 1. the infinitive, from which maybe found the future and conditional; 2. the present participle, from which may be found the imperfect indicative and the present subjunctive (also in many verbs the plural persons of the pres. indie); 3. the past par- ticiple, from which are formed the compound tenses; 4. the present indica- tive, from which may be found the imperative; 5. the preterit indicative, from which may be found the imperfect subjunctive. The synopsis of principal and derived parts is given in the following table for every irregular verb or for one of every group of like verbs, as well as the inflection of the present tenses when irregular. Infinitive, ETC. ahsoudre Pres. Ppl., ETC. absolvant 1. absoudre. < Past Ppl., ETC. absous Pres. Indic, ETC. absous Prbt. Indic, ETC. ab solus 2. acquerir. acquerir acquerant acquis acquiers acquis acquerrai acquerais avoir acquis acquiers acquerrais acquiere etc. acquisse pres. ind. acquiers, -quiers, -quiert, -querons, -querez, -quierent pi^es. suhj, acquiere, -quieres, -quiere, -querions, -queriez, -quierent 3. aller. aller allant alle vais allai irai allais etre alle va allasse irais aille etc. pres. indic. vais, vas, va, aliens, allez, vont pres. suhj. aille, ailles, aille, alliens, alliez, aillent 230 LIST OF IKREGULAK VERBS, 231 4. assaillir. Infinitive, Pres. Ppl., Past Ppl., Pres. Indic, Pret. Indic, ETC. ETC. ETC. etc. etc. assaillir assaillant assailli aEsaille assaillis assaillirai assaillais avoir assailli assaille assaillisse assaillirais assaille etc. 'pres. indie. . assaille. -1 Bailies, -saille, -saillons, -saillez, -saillent 5, asseoir. asseoir asseyant assis assieds assis assier ai asseyais etre assis assieds assisse assierais asseye etc. 'pres. indic. assieds, assieds, assied, asseyons, asseyez, asseyent 6. boire, boire buvant bu bois bus boirai buvais avoir bu bois busse boirais b i v e etc. pres, indic. bois, bois, boit, buvons, buvez, boivent pres. subj. boive, boives, boive, buvions, buviez, boivent 7. bouillir. bouilli bous bouillis avoir bouilli bous bouillisse bouillir bouillant bouillirai bouillais bouillirais bouille etc. pres. indic. bous, bous, bout, bouillons, bouillez, bouillent bruire bruyant 8, Tbruire. il bruit 9. cloreo clcre [closant] clos clos clorai avoir clos clorais close etc, pres. indic. clos, clos, clot, , , closent 232 LIST OF IRREGULAR VERBS, Infinitive, ETC. Pres Ppl., ETC lO. conclure. Past Ppl., ETC. conciure concluant conclurai concluais conclurais c nclue 'pres. indie, conclus, Pres. Indic, Pret. Indic, ETC. ETC. conclu conclus conclus avoir conclu conclus conclusse etc. -clus, -clut, -cluons. -cluez, -cluent 11. conduire. conduire conduisant conduit conduis conduisis conduirai conduisais avoir conduit conduis conduisisse conduirais conduise etc. 'pres. indic. conduis, -duis, -duit, -duisons, -duisez, -duisent oonfire confisant 12. confire. confit confis confis 13. connaitre. connaitre connaissant connu connais connus connaitrai connaissais avoir connu connais connusse connaitrais connaisse etc. pres. indic. connais, -nais, -nait, -naissons, -naissez, -naissent eoudre coudrai coudrais cousant cousais couse 14. coudre. cousu avoir cousu etc. couds couds cousis cousisse pres. indic. couds, couds, coud, cousons, cousez, consent 15. courir. courir courant c u r r a i courais courrais coure pres. indic. cours, cours, court, courons, courez, courent couru cours courus avoir couru cours oourusse etc. LIST OF IRREGULAR VERBS. 233 16. couvrir. Infinitive, Pres. Ppl., Past Ppl., Pres. Indic , PRET. Indic, ETC. ETC. ETC. ETC. ETC. couvrir couvrant convert couvre couvris couvrirai couvrais avoir couvert couvre couvrisse couvrirais couvre etc. 'pres. indic, couvre, couvres, couvre, couvrons, couvrez, couvrent 17. craindre. cralndre craignant craint crains craignis craindrai craignais avoir craint crains craignisse craindrais craigne etc. 'pres indic, crains, crains, craint, craignons, craignez, craignent 18. croire. croire croyant cru crois cms croirai croyais avoir cru crois crusse croirais croie etc. 'pres, indic. crois, crois, croit, croyons, croyez, croyent 19, croitre. croitre croissant cru crois crus croitrai croissais avoir cru crois crusse croitrais croisse etc. pres. indic. crois, crois, croit, croissons, croissez, croissent 20. cuelllir. cueillir cueillant cueilli cueille cueillis cueillerai .cueillais avoir cueilli cueille cueillisse cueillerais cueille etc. pres. indic. cueille, cueilles, cueille cueillons, cueillez. cueillent 21. dechoir. dechoir [dechoyant] decliu dechois declius decherrai declioyais avoir dechu dechois dechusse decherrais dechoie etc. pres, indic. dechois^ -chois, -choit. choyons^ -choyez, -choient 234 LIST OF IRREGULAR VERBS. 22. devoir Infinitive, Pres Ppl,, Past Ppl., ETC. ETC. ' etc. devoir devant dii devrai devais avoir du devrais doive etc. Pres. Indic, Pret. Indic, etc. etc. dois dus dois dusse 'pres. indic dois dois, doit, devons, devez, doivent 'pres. subj. doive, doives, doive, devions, deviez, doivent 23. dire. dire disant dit dis dis dirai disais avoir dit dis disse dirais dise etc. pres. indic. dis, dis, dit, disons, 24. dormir. dites, dicent dormir dormant dormi dors dermis dormirai dormais avoir dormi dors dormisse dormirais dorme etc. pres indic, dors, dors, dort, dormons 25. ecrire. , dormez, dorment ecrire ecrivant ecrit ecris ecrivis ecrirai ecrivais avoir ecrit ecris ecrivisse ecrirais ecrive etc. pres. indic. ecris, ecris, ecrit, ecrivons, ecrivez, ecrivent 26, envoyer, envoyer envoyant envoye envoie envoyai enverrai envoyais avoir envoye envoie envoyasse enverrais envoie etc. pres. indic. envoie, envoies, envoie, envoyons, envoyez, envoient 27. faillir. faillir [faillant] failli [faux] [faillis] faillirai [faillais] avoir failli faillir ais [faille] etc. LIST OF IRREGULAR VERBS. 235 Infinitive, ETC, faire ferai ferais Pres. Ppl., ETC. faisant faisais fasse 28. faire. Past Ppl., ETC. fait avoir fait etc. Pres. Indic, Pret. Indic, ETC. ETC. fais fls fais fisse "pres, indic, fais, fais, fait, faisons, faites, font 29. falloir. falloir [fallant] fallu faudra fallait avoir fallu faudrait faille etc. Used only impersonally. frire frirai frirais faut fuir fuirai fuirais gesir 30. frire. frit fris avoir frit fris etc. fallut fallut fris frisse 'pres. indic. fris, fris, frit, frions, friez, frient 31. fuir. fuyant fui fuis fuis fuyais avoir fui fuis fuisse fuie etc. pres. indic. fuis, fuis, fuit, fuyons, fuyez, fuient 32. gesir. gisant gisais pres. indic. gis -J &it> gisons, gisez, gisent 33. joindre. joindre joignant joint joins joignis joindrai joignais avoir joint joins joignisse joindrais joigne etc. i>res. indic, joins, joins, joint, joignons, joignez, joignent 236 LIST OF IRREGULAR VERBS. 34. lire. Infinitive, Pres. Ppl., Past Ppl., Pres Indic, PrET. iNDIC.t ETC. ETC. ETC. ETC. ETC. lire lisant lu lis lus lirai lisais avoir lu lis lusse lirais Use etc. 'pres. indic. lis, lis, lit, lisons, lisez, lisent 35. maudire. maudire maudissant maudit maudis maudis maudirai maudissais avoir maudit maudis maudisse maudirais maudisse etc. pres, indic, maudis, -dis, -dit, -dissons, -dissez, -dissent 36. mettre. mettre mettant mis mets mis mettrai mettais avoir mis mets misse mettrais mette etc. jyrcs. indic. mets, mets, met, mettons, mettez, mettent 37. moudre, moudre moulant moulu mouds moulus moudrai moulais avoir moulu mouds moulusse moudrais moule etc. pres. indic. mouds, mouds, moud, moulons, moulez, moulent 38. mourir. mourir mourant mort meurs mouru? mourrai mourais etre mort meurs mourusse mourrais meuro etc. pres. indic. meurs, meurs, meurt, mourons, mourez, meurent 'pres. subj. meure, meures, meure, mourions, mouriez, meurent 39. mouvoir. mouvoir mouvant mu meus mus mouvrai mouvais avoir mu meus musse mouvrais meuve etc. pres. indic. meus, meus, meut, mouvons, mouvez, meuvent pres. subj, meuve, meuves, meuve, mouvions, mouviez, meuvent Infinitive, ETC. naitre naitrai naitrais LIST OF IRREGULAR VERBS, Pres. Ppl., ETC. naissant naissais naisse 40. naitre. Past Ppl., ETC. ne etre ne etc. Pres. Indic, Pret. Indic, ETC. ETC. nais nais naquis naquisse 'pres, indic, nais, nais, nait, naissons, naissez, naissent nuire nuirai nuirais nnisant nnisais nuise 41. nuire. nui avoir nui etc. nnis nais nuisis nuisisse 'pres. indic. nuis, nuis, nuit, nuisons, nnisez, nuisent onvrir ouvrant ouvrirai ouvrais ouvrirais ouvre 42. ouvrir. ouvert avoir ouvert etc. ouvre ouvre OUVTIS ouvrisse 43. paraitre. paraitre paraissant paru parais parus paraitrai paraissais avoir paru parais parusse paraitrais paraisse etc. pres. indic, parais, -rais, rait, -raissons, -raissez, -raissent 44. partir. partir partant parti pars partis partirai partais etre parti pars partisse partirais parte etc. 45. peindre. peindre peignant paint peins peignis peindrai peignais avoir peint peins peignisse peindrais peigne etc. pres. indic. peins, peins, peint, peignons, peignez, peignent 238 LIST OF IRREGULAR VERBS, Infinitive, ETC. plaire pREs. Ppl., ETC. 46. plaire. Past Ppl., ETC. plaisant plu pREs. Indic, Pret. Indic, ETC. ETC. plais plus pleuvoir pleuvant pleuvra pleuvait pleuvrait pleuve Impersonal only. 47. pleuvoir, plu pleut avoir plu — — etc. plut plut 48. pourvoir. pourvoir pourvoyant pourvu pourvois pourvoirai pourvoyais avoir pourvu pourvois pourvoirais pourvoie etc. 'pres, indic^ and suhj. like voir pourvuB pourvusso 49. pouvoir. pu avoir pu peux or puis pus pusso etc. pouvoir pouvant pourrai pcuvais pourrais puisse pres, iridic, peux or puis, peux, peut, pouvons, pouvez, peuvent 50. prendre. prendre prenant pris prends pris prendrai prenais avoir pris prends prisse prendrais prenne etc. pres, indic, prends, prends, prend, prenons, prenez, prennent pres. suhj, prenne, prennes, prenne, prenions, preniez, prennent prevoir 51. prevoir. prevoyant prevu prevois previs LIS 7^ OF IRREGULAR VERBS, 239 52. recevoir. Infinitive, pREs. Ppl., Fast Ppl., Pres. Indic, Pret. Indic ETC. ETC. ETC. ETC. ETC. recevoir recevant regu re9ois re9us recevrai recevais avoir reru regois re9usse recevrais receive etc. 'pres, indic. re^ois, recois, recoit, recevons, recevez, re^oivent 'pres, suhj. re9oive, re9oives, receive, recevions, receviez, re9oivent 53. resoudre. resoudre resolvant resoln resous resolns resoudrai resolvais avoir resolu resous resolusse resoudrais resolve etc. pres. indic. resous, - •sous, -sout, -solvons, -solvez, -solvent 54. rire. rire riant ri ris ris rirai riais avoir ri ris risse rirais rie etc. pres, indic. ris, ris, rit, rions, riez, rient 55. savoir. savoir sachant su sais BUS saurai savais avoir su sache susse saurais sache etc. pres. indic. sais, sais, sait, savons, savez, savent imperatioe sache, sachons, sachez 56. servir. servir servant servi sers servis servirai servais avoir servi sers servisse servirais serve etc. pres. indic, serSf sers, sert, servons pervez, servent 57, suffireo sufi&re suffisant suffi suffis suffis suffirai suffisais avoir suffi suffis suffisse Buffirais suffise etc. pres. indic. suffis, suffis, suffit, suffisons, suffisez, suffisent 240 LIS 7' OF IRREGULAR VERBS. 58. suivre. Infinitive, Pres. Ppl., Past Ppl., Pres. Indic, Pret. Indi ETC. ETC. ETC. ETC. ETC. Buivre suivant suivi suis suivis suivrai suivais avoir suivi suis suivisse suivrais suive etc. 'pres. indie, suis, suis, suit, suivons, 59. taire. suivez, suivent taire taisant tu tais tus tairai taisais avoir tu tais tusse tairais taise etc. 'pres indic. tais, tais, tait, taisons, 60. traire. taisez, taisent traire trayant trait traia trairai trayais avoir trait ■4-»n;« trairais traie etc. pres. indic. trais, trais, trait, trayons, trayez, traient 61. vaincre. vaincre vainquant vaincu vaincs vainquis vaincrai vainquais avoir vaincu vaincs vainquisse vaincrais vainque etc. pres. indic. vaincs, vaincs, vainc, vainquons, vainquez, vainquez 62. valoir. valoir valant valu vaux valus vaudrai valais avoir valu vaux valusse vaudrais vaille etc. 'pres. indic. vaux, vaux, vaut, valons, valez, valent pres. svbj. vaille, vailles, vaille, valions, valiez, vaiilent 63. venir. venir venant venu viens vins viendrai venais etre venu viens vinsse viendrais vienne etc. pres. indic. viens, viens, vient, venons, venez, viennent jpres. subj. vienne, viennes, vienne, venions, veniez, viennant LIST OF IRREGULAR VERBS. 241 64. vetir. Infinitive , PRES. PpL., Past Ppl., Pres. Indic, Pret. Indic. ETC. ETC. ETC. ETC. ETC. vetir vetant vetu vets vetis vetirai vetais avoir vetu vets vetisse vetirais vete etc. 'pres. indie. vets vets, vet, vetons 65. vivre. , vetez, vetent vivre vivant vecu vis vecufl vivrai vivais avoir vecu vis vecusse vivrais vivo etc. 'pres, indie vis, vis, vit, vivons, 66. voir. vivez, vivent voir voyant vu vois via" verrai voyais avoir vu vois visse verrais voie etc. pves. indic. vois, vois voit, voyons, voyez, voient pres, subj. voie, voies, voie, voyions, voyiez, voient vouloir voulant voudrai voulais voudrais veuille 67. vouloir,, vouiu avoir voulu etc. voulus voulusse pres. indic, veux, veux, veut, voulons, vouiez, veulent pres, subj. veuille, veuilles, veuille, voulions, vouliez, veuillont imperative veuille, veuillons, veuillez. Case's Student's French and English Dictionary 600 + 586 pp. l2mo, $1.50 Retail "PYOi. DeSurpAcrSLstytn I/arvardZecfur^s o/: Teaching i ^^Gasc is as good a school dictionary as one wants." Qrculats with sample pages free on application to HENRY HOLT & CO,, 29 W. 23a St,, New Ywk. French Literature and Language Recently Published PRICES NET Augier : Un Beau Mariage. Edited by Prof. W. S. Symington, of Amherst. 30c. A comedy by one of the authors of Le Gendre de M. Poirier. (Easy.) Cameron's Elements of French Prose Composition. By Dr. J. H. Cameron, of the University of Toronto. xii+ 196 pp. 75c. Carefully graded, and very easy at first. It concludes with descriptions of France, especially of Paris. Duval and Williams's Le i7e Siecle en France. Compiled and edited by Delphine Duval and H. Isabelle Williams of Smith College. 103 pp. i6mo. 35c. The selections include Louis AYF(St. Amand), La Cour de Louis XLV (Rambaud), Fetes sous Louis XLV (Voltaire), Lnstructions donnees a son petit fils Philippe V (Voltaire), La Revocation de /' Edit de Nantes (St. Simon), Henri LV\ Ecrivain (Ste. Beuve). Edgren and Burnet's French and English Dictionary . With pronunciation, etymologies, etc. 1252 pp. 8vo. Retail price, $2.50. "A thoroughly scholarly work. It is also practical in its arrangements and lucid in its apparatus of instruction. We have foimd it uncommonly convenient for reference. " — New York Tribune. Malot : Sans Famille. Abridged, and edited ])y Hugo P. Thieme, of the University of Michigan. WITH vocab. 219 pp. 40c. This famous and uplifting story is abbreviated chiefly by the omission of descriptions. (Easy.) Merimee: Quatre Contes de Merimee. Edited by Prof. F. C. L. van Steenderen, of the University of Iowa. WITH VOCAB. xiii -\- 122 pp. i6mo. 35c. Mateo Falcone. E Enlevement de la Redoute, Tamango^ and Le Coup de Pistolet. (Easy.) Topffer: Voyages en Zigzag. Edited by AscoTT R. PIope. with vocab. 171 pp. 40c. A description of several long holiday excursions. (Easy.) Verne : Une Ville Flottante. Edited by Camille Fontaine, of the New York City High School. 181 pp. 40C. About an imaginary voyage of the historic Great Eastern. HENRY HOLT & CO. S?iTcT5S SELECTED FRENCH BOOKS. Bound in Clotky unless otherwise stated. Prices net, ROSTAND : CYRANO DE BEUaERAC. Com^die heroiqae en 5 actes. Edited by Prof. Oscar Kuhns ol Wesleyan University, xiii4-202 pp. i2mo. 80c. A play, already considered a standard, notable for tenderness, humor, purity, and dramatic effectiveness. Prof. Hugo A. Re7inert of the University of Pennsylvania : " It is a very careful and scholarly piece of work, and we shall use it here." KASTNER AND ATKINS' SHORT HISTORY OF FRENCH LITERATURE By L. E. Kastner of Cambridge (England) and H. G. Atkins of the Royal Naval College. xvi + 3i2pp. i2mo. $1.25. KUHNS' FRENCH READINGS. For beginners. Edited by Prof. Oscar KuHNS of Wesleyan. Witii vocabulary. 310 pp. i2mo. 70c. Prof. Edward C. Armstrong of Johns Hopkins : " The texts are judiciously selected and graded, and are of a character to awaken and hold the interest of the pupils. I shall certainly give the Reader a trial at the earliest opportunity." SUPER'S HISTOIRE DE FRANCE. Adapted from Ducoudray. By Prof. O. B. Super of Dickinson College. 210 pp. i6mo. 80c. DUMAS'S LA TULIPE NOIRE. Edited by Prof. E. S. Lewis of Princeton. xxi -f- 402 pp. i6mo. 70c. DUMAS'S MONTE=CRISTO. Abridged and edited by Prof. E. E. Brandon of Miami University. With Maps. 281 pp. i6mo. 75c. LESAGE : GIL BLAS (Selections). Edited by Prof. W. A. Vreeland ol Princeton. xxvii + iSspp. i6mo. 60c. FRANCE'S LE CRIME DE SYLVESTRE BONNARD. MtMBRE de L In- STITUT. Edited by C. H C. Wright of Harvard, xviii + 279 pp. i6mo. 80c. SEQUR (LE COMTE DE): LA RETRAITE DE MOSCOU. Edited by Prof. O. ^. Super of Dickinson College. 135 pp. i6mo. Boards. 35c. A hxilliant account of one of the most picturesque and impressive events in all history, by one of Napoleon's generals w^ho took part in it. MERAS AND STERN'S CINQ HISTOIRES. With vocabulary. Edited by SiGMON M. Stekn and Baptiste M^KAS. xi-f-i52pp. i2mo. 80c. This little volume contains Boum-Boum, by Claretie ; Entree dans le 7nondey by Dumas; La Parure, by de Maupassant; La Chevre de M. Seguin^ by Daudet ; L^es Prisonniers du Caticase., by de Maistre. AUGIER ET SANDEAU: LE GENDRE DE M. POIRIER. Comddie en 4 actes. Edited by Prof. W. S. Symington of Amherst, xviii -{-95 pp, i2mo. Boards. 30c. Called by Prof. Brander Matthews a *' model modern comedy of manners. '*■ VOCABULARY EDITIONS. Erckmann-Chatrian, Z^r C^^^j-^r/V ^/^ 7 ?7j, and Mnie. Theresi (each 55c.), and Contes Fantastiques (roc.); FeuilJet's Le Roman d'^un Jeune Hofnme Pauvre (55c.); Merimee's Colomba (50c.); Sand"'s La Mare aux Diable (40c.); Labiche et De^acour's Poudre aux Yeux (Bds., 30c.). HENRY HOLT & CO. i?a^afaiifiVe'!f^Ii*4: I, *ox A Feiu Standard Worhs in MODERN FRENCH LITERATURE Prices net, posta-ge 8% additional. *^ •§ BALZAC'S EUGENIE GRANDET. Edited by Prof. E. Bergeron of a. College of City of New York. With portrait, xx-h 280 pp. 80c. I DAUDET'S LA BELLE NIVERNAISE, LA DERNIERE CLASSE, ^ LE SIEGE DE BERLIN and fifteen other tales, many of them hither- f-£ to unedited, are included in Contes de Daudet, very fully edited by Prof. '^ A. G. Cameron of Princeton. xxii + 299pp. 80c. I LA BELLE NIVERNAISE (with Prof. Cameron's Notes). 25c. ^ ERCKMANN-CHATRIAN: LE CONSCRIT DE 1813. With notes »o by Piof. F. Bocher of Harvard, and a vocabulary by Geo» A. D. Beck, >.^* hcenci6 es letti-es. 304 pp. 55c. ^ MME. THERESE. (Notes by Prof. Bocher, Vocab. by Mr. Beck-) 270 pp. 55c. K^ LE BLOCUS. (With Notes by Prof. Bocher.) 260»pp. Paper. 48c. CONTES FANTASTIQUES. Edited by Prof. E. S. Joynes. With CQ Vocab. 5 FEUILLET'S ROMAN DUN JEUNE HOMME PAUVRE. (The Novel.) .2 Edited by Professors Owen of the University of Wisconsin and Paget >J2 of the University of California, With Vocabulary. 260 pp. 55c. .^ HALEVY S ABBE CONSTANTIN. Edited by Prof. O. B. Super of Dick- ^ inson. With Vocabulary. With portrait. 208 pp. 40c. "^ A famous story, with interesting American characters. ^ HUGO : SELECTIONS : including Gringoire in the Court of Miracles, ^ A Man Lost Overboard, Waterloo, Pursuit of Cosette and Jean Valjean, ^ The Man and the Cannon, and fourteen poems. Edited by Prof. F. M. J^ Warren of Adelbert. With portrait. xxiv + 220pp. 70c. ^U, MERIMEE'S COLOMBA. Edited by Prof. A. G. Cameron of Princeton, H^ WITH A VOCABULARY by O. G. BUNNELL, lustructor at Yale. With por- trait. XV + 270 pp. 50c. "y. DE MAISTRE'S VOYAGE ATJTOUR DE MA CHAMBRE. 117 pp. >j Paper. 28c. Q SOUVESTRE'S UN PHILOSOPHE SOUS LES TOITS. With Notes. ^ 1-57 pp. Cloth, 60c.; paper, 2Hc. SAND'S LA MARE AU DIABLE. Edited by Prof. E. S. Joynes of Soul li Carolina College. With Vocabulary. xix + 122pp. 40c., ?ie^. If) — MARIANNE. Edited by Prof. F. Henckels of Middlebury College. 90 pp. Paper. 30c. y^ . LA PETITE FADETTE. With Notes by Prof. F. Bocher. 221 pp. O 65c. ^ TAINE : LES ORIGINES DE LA FRANCE COJTTEMPORAINE. Selections edited by Prof. A. H. Edgren of the University of Nebraska. x 4- 157 pp. Boards. 50c. THIERS : EXPEDITION DE BONAPARTE EN EGYPTE. Edited by Prof. A. H. Edgren. ix + 130 pp. Boards. 35c. UCKIDV UPil T Rt rC^ 29 'West 23d St., IsTew York. rlrJNrvl flL/Ll (X \^\J.y 378 W^abash Ave. , Chicago. Ill '99 . , 5« KASTNER AND ATKINS'S SHORT HISTORY OF FRENCH LITERATURE, xvi-f-3i2pp. i2ino. $1.25, net. A Narrative and Critical Sketch of French Literature down to Cyrano de Bergerac (1897). Brief synopses of a number of masterpieces are included. Nation: "It will be welcome to teachers and students alike, for the volume presents in some 300 pag-es a more than usuall}-^ accurate and com- plete survey of the subject from the earliest time to this present day." Dial : "A convenient manual for examination candidates, and at th£ Bame time a readable conspectus of the whole of French literature, down to the latest (or next to the latest) of the decade^it writers of to-day." W. O. Farnsworth, Yale University: '* It seems to me to present the subject in a very interesting manner, and at the same time to be clear and concise." H. Parker Williamson, Universilj of Chicago: '' I am really delight- ed with it. I have already placed it an^ong my ' useful ' books. It may be a little too brief in some instances, and yet the authors have not omitted salient points." Pfof. P. R. De Pont, University of Michigan: "A very useful book, concise and clear, and well adapted to beginners and even for ready ref- erence. I notice also that it covers the latest of the modern period, /.j., the nineteenth century complete." Prof. W. K. Giliett, New York University: " In my opinion the treatment of the subject is intelligent, and for my purposes the book is sure to be satisfactory in one of my courses. I have decided to use it next year." Prof. O. B. Super, of Dickinson College, Pa.: " '^Vhile it is brief, it is not 'scrappy.' The authors seem to have had a due sense of proportion and. although the book is 'short.' the student \\\\\ get from it a fair idea of what is important in French literature." Prof. Violette E. Scharff, of Adelphi College. Brooklyn, N V : "I: has been in such constant use since I received it, that 1 liave not yet had a chance to look it over myself, some student borrowing it as soon as another returns it." Prof. A. H. Edgren, University of Nebraska: '\ very timely and excellent addition 10 the text-books in French." upxipY \AC\\y Qj nr\ 29 W. 23d St., Hsw York nCiNai Hv^Li QL ^W., 378 Wabash Aye., CMca^- IV. '01 Nev;- and cheaper edition *' One of the most important books on Music that has ever been published.''— ^ . J. Henderson, Musical Critic of^, Yo Times. LAVIGNAC^S MUSIC AND MUSICIANS Translated by William Marchant. Edited by H. E. Krehbiel. With 94 illustrations and 510 examples in musical notation, -^d Im^ pression, 504 pp. i2mo. $1.75 nei, (Postage i8c./ Dial : " If one had to restrict his musical library to a single volume, we doubt whether he could do better than select the work called 'Music and Musicians ' , . . We find in this new volume the same lucidity of exposi- tion, the same economy of arrangement, and the same comprehensiveness : . . in fact, although not in form, a veritable encyclopaedia of music and will be found equally satisfactory as a work of reference and as a text-book for the actual study of counterpoint, the structure of instru- ments, the history of music, and the physical basis of musical production, A few supplementary pages, by Mr. H. E. Krehbiel, add American com- posers to M. Lavignac's li'>t, and put the finishing touch of usefulness upon a work which we cordially recommer i to both students and general readers.'* *' It is impossible to speak too highly of this volume *" {Literary Review, Boston). — "The most comprehensivs reference-work on music published in a single volume and accessible tc readers of English" {Revieiv of Reviews). — "An encyclopaedia from which all manner of curious facts may be drawn" {Lite-rary World). — "A musical library in '\\st\i'*'' {Chicago Tribuve).-^'' A cyclopaedia of knowledge concern- ing his art" {Christian Ref:ister). — "It add:? a great deal that the student of music is not likely to get elsewhere " {Springfield Re- publican). — "The most complete and perfect work of iis kind" {The Home Journal, New York). — " For the musical student and music teacher invaluable if not indispensable " {Buffalo Co7nmercial). — "He has ap- portioned his pages with rare good judgment " {Churchman) — " It is of all things thorough " {Brooklyn Eagle). — " There is nothing superfi- cial about it " {Hartford Courant)—'" it has a r^'liability and authority which give it the highest value " {Chicago Tribunt), — " Distinctly scien- tific " {Providence J otcrnal). — " It seems to have been his desire to let no interesting topic escape. . . . The wonder is that those parts of the book which ought to be dry are so readable. ... A style which can fairly be described as fascinating " {N. Y. Tiines^ — " Free from superfluous technicalities" {Providence Journal). — " He has covered the field with French clarity and German X\\oxo\xig\\v\e.^^'' {Springjjeld Republican). "-"Not too technical to be exceedingly useful and enjoyable to every intelligent reader " {Hartford Courant) — " Lightened with intcresiing anecdotes" {Brooklyn Eagle). — "He writes brilliantly : even the laziest or most indifferent will find that he chains the attention and makes a perusal of the history of music a delightful recreation " (A'. Y. Home fournal). ** Capitally indexed. . . . Mr. Marchant has done his hr 3 task of trans- lating exceedingly well" {Transcripf).—''. . . The pictures of the instru- ments are clear and helpful " (A^. Y. Times'). — "An unusually handsome book" {Musical Record). — "This superb volume" {'J^he Watchman). — "This handsome volume, . . . elegantly printed on the best of p^per, and the illustrations are numerous" {Christian Register). — "An excellent translator " {Providence Journal).— *^ Well translated " {School and Home Education).— ^^ 'l\it. translation is excellent; . . . handsomely bottnd *Iio***e Journal)* HENRY HOLT ix CO- !?8^^lVSJi*v.^T.ilr4 ROWAN & RAMSEY'S ISLAND OF CUBA A descriptive and historical account of the ^' Great Antilla.^ ■'JVittj bibhography, colored maps, points of international law bearing on the Cuban question, index, etc. 27Q pp. i6mo. $1.25. This authoritative book has passed through five impressions, <'It answers clearly and concisely just the questions which a thoughtful reader mentally asks. . . . The style is so graphic, at times picturesque, that reading for information is an intellectual delight." — Boston Advertiser, '< A clear and judicial account of Cuba and its history, evidently the result of careful and impartial investigation." — DiaL "The authors' opinions on the Cuban question are of interest and value." — Philadelphia Tif?ies, BAZIN'S ITALIANS OF TO-DAY Translated by William Marchant, 247 pp. i2mo. $1.25. Treats of Elections, Excessive Taxation, Building Speculations, the Unification of Italy^ Currency, Brigands, Universities, Liter- ature, Music, etc. "The translator has done the English-speaking world a valuable service. ... A most readable book, not only because of its first- hand information, . . . but also because of its fair, free, and lucid manner of relating what the author has seen. . . . He touches upon everything." — Boston Transcript. "It is quite an ideal book for cultivated readers whose tastes are not particularly specialized. . , . There is not a dull page in the whole book." — Nation. CHEVRILLON'S IN INDIA Translated by William Marchant. 265 pp. i2mo. $1.50. '• ' No other than a poet with sensibilities quickly responsive to every impression of nature, and the mystery of life dominated by the profoundly impressive religions of the Orient, could have written such a book." — Book Btcyer, "It is never dull." — Nation. " Few volumes of travel are so completely impregnated with the spirit of the country they describe."- — Atlantic, " Full of air and color, vivid, tense, and delicate in style.'*— Dial. "A masterpiece." — Critic, HENRY HOLT 5c CO. ^^ ^n^I^^^y^oI-I*'"^^'' Some Books written or edited by Oscar Kuhns Professor in Wesley an University Kuhns' German and Swiss Settlements of Colo- nial Pennsylvania A Study of the so-called Pennsylvania Dutch. 268 pp, i2mo. $1.50. Chicago Post : "This charming" piece of American history . . . transfused with the spirit of a fascinating romance.'' Baltimore News: "An admirable supplement to Fiske." Kuhns' French Reading for Beginners 310 pp. i6mo, 70 cents net> A carefully graduated, interesting, and unhackneyed col- lection of easy French reading, containing short stories by Porchat, Eugene Mueller, Louis Collas, Amicis, Merimee, Daudet, and others; also one longer story — forty-five pages — entitled Le Tresor du Vieux Seigneur^ by Erckmann- Chatrian. Edward C. Artnstrong^ Johns Hopkins University : "The texts are judiciously selected and graded, and are of a character to awaken and hold the interest of pupils. I shall certainly give the Reader a trial at the earliest opportunity." Rostand : Cyrano de Bergerac With introduction and notes by Prof. Oscar Kuhns. xii -|- 202 pp. i2mo. 80 cents net. Saint-Pierre : Paul et Virginie With introduction and notes by Prof. Oscar Kuhns. x-j- i^ PP« i6mo. 50 cents net. Amicis : Cuore Abridged, and edited Vv^ith notes, by Prof. Oscar Kuhns. vi -j- 217 pp. $1.00 net. Henry Holt & Co. 29 W. 23d St., NEW YORK 378 Wabash Ave., CHICAGO iViAY 10 1903 LIBRARY OF CONGRESS 003 110 041 • i'-