MACHABEE8 CANADIP]NS TJ- A! ©/a[i3QKi[Eir ©1 •Lg©Ty[g[ IDE 3>va:o3srTP{,EA.i:,, L.e 25 Janvier 1859, PARBIBAUD, JEUNE. \ LES MACHABEES CANADIENS LU AU ©^[gDROgT ©H [L[i©iniD[^[ UE 3sa:o3srTmjja.i., Le 25 Janvier 1859« FARBIBAUD, JEUNE MGNTkEAL : iMPRIMfe PAR CtRAT ET BOURGUIGNON, 22, RUK 8T. CABRIXL. 1859, •-0& /2_ i-v (f/f& ..• LES FRERES LE MOINE XDU LES MiiuMeOLJBJBfio uiiiviiJjifiiVi L^antiqiiite a dit que les grands hommes sont des bien- faits d-:s dieiix. Nous redisoiic la m^me chose dans le langage qui nous est propre, en proclamant que les grands hommes sont les ministres de la providence en tant qu'el- le regit ce monde, car Bossuet a dit : les hommes agitent i^t Dieu les mene. Qui sont ceux qui agitent de la sorte ? Ce n'est pas le commun des hommes ; ce ne sont pas ceux qui, contens de leur aisance, coulent leurs jours dans la tranquillite. Ce sont les illuslres, ce sont les grands hommes, ce sont les hommes celebres qui agitent, et que la providence mene ainsi bien plus a son but qu'au leur. Homme celebre, grand homme, expressions que I'on em- ploie tons les jours comme s'il y avait entre elles synoni- nie parfaite, out ou doivent av^oir des acceptions varices. L'homme celebre, c'est celui qui fait du bruit dans le inonde, que ses actes soient pour les humains des bien- faits ou des maux. Ainsi, a mon sens, Mahomet est un homme celebre, quoique non un grand homme, denomi- nation sous laquelle j'introduis tons ceux qui ont merits eminemmeut des humains en general, d'une nation. — iVime cite m6me, surtout s'il s'agit de la cite antique, chef lieu non-seulement, mais resumant I'etat en elle- meme ; tels sont Solon et Lycurgue. — Numa Pompilius. II n'etait pas rare que I'on consacr5.t H de tels hommes un socles ou 6tait grav6 leur apoth^ose. Que la mission d'un bienfaiteiir ou d'un h6ros soit nioina vaste que celle d'un autre heros ou d'un autre fondateurv , il n'est pas moins un grand homme de cela seul : il suffit que dans la sphere ou il lui a ete donne d'agir, il ait pos- s6de ^ un degre sublime ee qu'il lui fallait pour bien re- citer son r61e. Guillaume Tell, fondateur des libertes de sa patrie, Kosciusko qui s'exclame en succombant sur le champ du carnage, Finis FolanicBy AndrhRs Hofer, qui 6se genereusement braver Napoleon Bonaparte du haut des monts tyroliens desertes par I'Autriche, et qui les arrose de son sang ; Marco Botzaris mourant a Carpenitze pour la Grece moderne, Salaberry fesant plus que renouveller sur ja frontiere les merveilles des Thermopyles, — ce soeit ia de veritables grands hommes. Sans doute leur nom ne remplit pas le monde de son echo, tels que les noms d'An- nibal et de Cesar, de Charlemagne et de Napoleon, de Washington et de Bolivar. Mais si I'aureole de leur gloire est plus modeste, aussi est-elle souvent plus pure. Grand homme Ton pent done etre sans etre connu au deli^ des limites de son pays, sans etre par consequent un hom - me celebre. En Europe meme certains grands hommes de I'Angleterre n'ont ete que tard connus en FrancCo Shakespeare, le roi du theatre, y a passe durant des si^- clespour un bouiFon, et poartant, Shakespeare, il resumait en lui Thucydides et Apelles, le Dante et Hogarth. Ceux de la Germanic n'y out penetre que de fraiche date et, me semble-t-il, en represailles des anciennes conquete^ de Bonaparte au dela du Rhin, car ils ressem blent k une armee par leur nombre,et leur entree sur le sol gaulois of- fre tons les caracteres de I'invasion et de la conquete. Leg grandes figures historiques des vieilles colonies, elles sont encoie ignorees de la France, ou elles ne font qu'y poin- dre. Talon, Frontenac, n'eiaient-ils pas dignes de re- nom 1 Et Marguerite Bourgeois.... lisez son aimable biographe, et dites moi si les actions de cette femme forte ne font pas d'elle un grand caractere, selon Pexpression anglaise, que je suis oblige de plagier, puisque grande femme ne se dit point. Elle n'est pourtant pas une fem- me celebre, Marguerite Bourgeois, soyez en bien surs, car sou nom est encore inoui de quiconque,en Europe, a lu un dictionnaire historique. Mais elle est mieux que cela r die est grande, parce que riieroi'sme et les sublimes ver-- las sont grands en eux-m6mes independa>mment de cet echo qu'oii appdle renommee. Que les ^chos reportent aux echos tant que voudra le cygne de Mantone le nom d'Araaryllis, elle ne sera toiijours qu'une berg6re courti- see par des bergers. Oui! le Canada, a Gu aussi ses grands hommes, et en plus d un genre ; ^ moi de choisir, et mon choix tombera ce soir sur les heros de la famille, normande par son ori- gine, canadienne par sa naissance, des Le Moine. Je puis les appeler nos Heraclides.,~geans i!s etaient par leur courage ; je puis les appeler plus naturellement encore nos Machabees, car ils Etaient sept, et leurs vertus n'ont pas ete moins lUustres que leur courage 5 ou plutdt, chez eux, c'etait tout un, virtus ! Mais pourquoi vous parlerais-je d'un sujet guerrier vous surtout, mesdames, pas si belliqueuses -1 beaucoup pres qne ces Lazzeronieniies dont M. Napoleon Bourassa nous a trac6 la silhouette avec tant de malice ? II est SI aise de s'escrimer dans les sentiers deja battus ! Na- gudres, la gloire militaire et la gloire litteraire ont et6 dis- cutees sur ce theatre et soit que ce fiissent rdles convenus, comme lorsque le vainqueur de la Karabelnaia s'es amuse a prendre d'emblee Pile Ste. H^lene, couverte par des remparts et des places d'armes de neige,(*)— soit que aoin d etre adoptes -A contre-poil des predilections parli-' culieres, les r61es f ussent pris au grand serieux, les cham- pions de la gloire litteraire ont ete a plate couture battus, terrasses, Mais treve de precedens, s'il vous plait, car j'ai de qnoi etayer de raisons ma maniere de faire et ma mar- tia a ardeur ! Et d'abord j'invoque de nouveau Bossuet. Cet aigle— comme on I'a appele,— dont les idees ne sont pas moms neuves et iugenieuses que profondes, s'est eerie, apres avoir fait le recit des premieres querelles qui seleverent entre les humains : Et Part de s'entre detruire devint le plus beau de tous arts ! L'Ecriture elle-meme nest-elle pas remplie de peintures enthousiastes des • travaux guerriers, et Jehovah ne se dit-il par le dieu des armees ! Le prophete ne croit point s'abaisser, il s'^leve {•) Sir William Eyre. €11 effet dans les haiites regions pas le feu de sa descrip^ tion du noble coursier qui, sous son piaceau inspire, par- rait si bien ne pour la guerre. Les lettres sacrees nous decrivent encore ces ouragans de cavalerie, procella equestris qui, StU'tout en Asie, decid^nt du gain des ba- tallies, Bonaparte, jete par le sort en presence des pyra- mides d'Egypte, rencontra ies Maraeluks; — il les pro- ciame la premiere cavalerie du monde, et la cavalerie de France, inferieure d'abord a celle des etrangers, se forme ^ son ecole. Murat fut le premier homme de I'Europe dans Part de lancer et de regulariser les masses de cette arnie. Napleon appreuant a Ste, Helene que le colonel Macerone, aide-de-camp du roi de Naples, pubhait que Murat avail impute la perte de la bataille de Waterloo a ce que la cavalerie n'avait pas ete employee convenable- ment, et qii'il avait dit que s'il Peut commandee les Fran- ^ais auraient-^mporte la victoire ; c'est bien probable, r6- |ondit-il Murat ctait le premier offiiier de cavalerie du monde, il, aurait donne plus d'imp.etuosite ^ la chargCc li s'en est fallu de bien pen que je ite gagnasse la bataille ; rompre deux ou trois quarres anglais, et selon toutes les probabilites, Murat en serait venu a bout. — Nous ies uvons vus, au jour de noire desastre, ceseufans d'Albion, s*exclame le general Fuy, formes en bataillons carr6s dans la plaine entre le bois d'Hougoumont et le mont St. Jean. lis avaient pour arriver a cette formation com- pacte, double et redouble leur-s raugs ^ plusieurs reprises La cavalerie qui les appuyait fnt. tail lee en pieces, le feu de i'artillerie fut eteint. Les officiers generaux et d'etat major galoppaient d'un carre a I'autre, incertaing ou ils trouveraient un abri. Gharriots, blesses, pares de reserve, troupes auxilliaires fuyaient a la debandade vers Bruxelles. La mort etait devant eux et dans leurs rangs, la honte derri^re. En cette terrible occurence, les boulets de la garde imperiale lances a brule-])ourpoint et la cavalerie victorieuse de France ne purent entamer Pimmobile in- ianterie britanique. On eut ete tente de croire qu'elle avait pris racine dans la terre, si ses bataillons ne se fus>ent ebranles majestueusementquelques minutes apres le coucher du soleil, alors que Parrivee de Parmee prus- sjienne apprit k Wellington que, graces au nombre, graces % la force d'inertie, et pour prix d'avoir su rang.er de — 7 — brares gens en bataille, il venait de remporter la victoire la plus decisive de notre ^ge — II faudrait empriuiter les formes et les expressions les plus poetiques de T^popee, dit le general Jomiui, pour raconter avec qu3lque verit6 les glorieux efforts de cette cavalerie et I'impassible con- stance deses adversaires. — Une battaille ditenfin Napo- leon Bonaparte, est une action dramatique qui a son commencement, son milieu et sa fin. L'ordre de ba- taille que prennent les deux armees^ et les mouve- mens qu'elles font pour en venir anx mains sont I'ex- position. Les contre-mouvemens que fait I'armee attaquee ferment le ncEud, ce qui oblige a de nou- velles combinaitons et am^ne la crise, d'ou nait le denouement. Je ne sais pas si ces descriptions des vicissitudes et des per ipe ties de la guerre vous plaisent, mais de pareils traits d'eloqueuce militaire ont pour moi un charme inexprimable. Rn depit de M. Cobden, il y aura toajonrs dans le monde des querelles qu'on ne pourra vider qu'avec le canon, parce [ue riiomme individu etant doue du libre arbitre et choi- sissant par consequent entre le bien et le mal, pareille- raent Phomme collectif ou les societes humaines est li- bre d'etre infidele ou fidele a la foi des traites et des alliances, en sorte que toujours et des guerres defensives et des guerres offensives s'eleveront entre les peuples. Cest dire que la guerre est necessaire, qu'elle est dans la nature des choses. Pour que la paix regnat dansle mon- de, il faudrait que I'exces de ce qu'on est convenu d'ap- peler civilisation nous plongeat dans un etat de plethore et de mollesse plus qu'asiatique, car, pour etre moins re- doutables, les peuples de I'Asie font cependant de leur mieux et ne sont pas moins belliqueux que les autres. La guerre, dira-t-on alors, est tout au plus un mal dont on ne peut se passer, car elle n'a rien de bienfaisant. Au contraire, sans parler des grandes et salutaires le- mons que la providence y donne aux nations, au sein de la guerre eclatent souvent de tres grandes vertus. La premiere de ces vertus, comme la plus ignoree, est le de- vouement sublime du soldat, — d'autant plus sublime quel- quefois que la guerre est plus injuste. La principale cir- constance des succes de Napoleon, dit encore le g^n^ral Foy, c'est d'avoir toujours compromis la France et Tar- ~ 8 — mee en telle sorte que Phonneur national et la surety du territoire etaient en jeu, meme quand ils n'avaient et^ pour rien dans les motifs de la guerre. Et qu'on ne dise pas que le patriotisme du soldat fut mbins grand parce qu'il combattit loin de sa patrie pour la cause du conque- rant ! Plus loin etait le terrain, plus Paction 6tait forte et plus la reaction devait etre sanglante. Une vicloire a Moscou ou aux Arapiles etait mille fois plus importante. non pas que Jemmapes ou Valmy, mais que Fontenoy ou Rosbach. Et c'est Moscou qui a aniene le czar a Paris I Et I'Espagne, Wellington, le general odieux des etran- gers, dans les murs de notre ville sacree ! — Pour vous ap- prendre quelles poignantes douleurs le devouement sans bornes du soldat lui prepare souvent, et ce qu'ontpu souf- frir nos propres ancetres en consequence de leur amour pour la France,je continue encore a citer ce guerrier, dont I'eloquences'eleve vraiment au ton de Pimprecation. Dis- cutant sur la dotation de la Legion d'Honneur dans la tri- bune fran^aise, il s'ecrie : ^^ On vous a dit nos sacrifices^ on ne vous a pas dit nos longues douleurs. Qiioi de plus penible que Poccupation ennemie, que de voir Petranger 'k vos foyers s'asseoir entre votre fenime et votre filJe ! Ce ne sont pas 1^ de ces douleurs que pent compenser une indemnite pecuniaire. Quant a moi, le hasard m'a fait rencontrer quelques fois PAnglais Wellington dans les rues de Paris : s'il eut fallu me dedommager en argent de la douleur que cette rencontre me faisait eprouver, tons les fonds portes au budget de 1818 n'auraient pas SLifR pour cela. Nous avons couru k "Waterloo comme les Grecs aux Thermopyles, — tons sans crainte, presque tons sans espoir. Ce fut Paccomplissement d'un magni- fique sacrifice ; et voila pourquoi ce souvenir, tout dou- loureux qu'il puisse etre, nous est reste precieux a P^gal de nos plus glorieux souvenirs. De Petat de guerre resultent souvent de grands avan- tages moraux , et les passions humaines s'enoblissent souvent au milieu du cliquetis des amies. La premiere resistance que PAllemagne fit a Napoleon, fut la sourde opposition des societes secretes, mauvaises en elles-m^mes, bien que je n'aie garde de depriser le patriotisme, Paraour sacr6 de la patrie qui les animait : le poete Korner r6pond trds bien a Sir Walter Scott, que ces clubs alarmaient : — ^^9 — Soyez tranquille, mylord, ia trompette et le canon vont imprimer a tout cel^ une bonne direction : Die kanonen dit I'his- terien Bacqueville de La Fotherie, qu'ils n'etaient pas moins passionnes a soutenir Ies interets de Sa Majeste que vses autres sujets. Animes de cette noble ambition, ils out donne en plusieurs occasions des marques assurees de leur fidelite. Quoique l<^ur maniere de faire la guerre tienne un pen du caractere des Sauvages, ils ne laissent pas de venir glorieuseinent a bout de leurs entreprises." Je pense que c^est par oubli que le chroniqueur n'a pas ajoute que nous fesons festin et tabagie com'«.e de vrais ."iSagamos. Je crois qu'a ce snjet il nie revient deux vers de mon p^re, qui fesait son jiropre portrait, tout en tra-- ^ant celui de ses compatriotes : II fume le matin ; il fume quand il se couche ; En un mot, il a toujours une pipe a la bouche» il aurait bien du au moins ne pas employer ce mot si pen pindarique, pipe, qui est la, Mesdames, comme pour faire voir que vos epoux et vos pretendus, quelq'ue fameux qu'ils soient a Montreal, ne sont point compai^ables a ces Sagamos, qui petunaient a [)ropos et honorablement dans de beaux grands calumets de pierre rouge. Moins spirituel que le Francais, le Canadien etait deve- lui, en revanche, beaucoup plus robuste, et le comte de Frontenac ecrivait qu'il fallait Pavoir vu ti PoEiuvre, avoir (*) Que poiivnns-nou' espeier d"une lutte quand nous voyonff lix Minerve^ aMonUenl, le Canadien^ a Quebec, Irahir a^ I'env^ Ies interets de notie race ? — 11 — bonnil la trempe de son ccEur pour com prendre ce dottt il etait CLipable. A Texeniple des natiirels, il etail atissi plus irn])atient dii frein* que le Fran^ais, II faut qu'un. Canadien soit convaincu'de la valeur de son capitaine, pour qu'il Jui obeisse, dit encore I'auteur precile, qui nous connaissait intiniement. Qiiand on parle de nos guerriers d'aulretois, il faut done les rapprocher tant soit pen de i'enfant de la nature. C'est pent etre pour celaque Fr6- d6ric le Grand, dans les Memoires de son Temps, et Em- manuel Kant, dans I'Essai sur le Beau et le tSublime, nous out confoiKkis avec les Sauvages. ^* L'entre{)rise des Argonautes, dit ce dernier, differc pen des expeditions guerrieres des Cauadiens, et Jason n'a d'autre avantage sur Atla-Kuila-KulJa, que de porter un nem Grec." Cette comparaisou des Argonautes est venue egalement a Tes- prit d'un Pere Jesuite,dans la relation de J656. ** Deux jeunes Canadiens remplis de courage, dit-il, firent un voyage de plus de cinq cents lieues sous la conduite de ces Argonautes, portes, non dans de grands gailions on dans de grandes rambergues, mais dans de petites gon- doles d'ecorce." L'autre Allemand crcche^comme on appele ici cette nation, ajoute une grosse insulte a la confusion des races. II pretend que la Henriade de Voltaire est uu plus beau p erne que Tliiade d'Homere, parce que les moeurs dont I'lliade nous ofTre la peinture, ce sont pro- prement les moeurs canadien nes ! Je retrace done le ^^ortrait du Sauvage, mais non dii Sauvage d'aujourd'hui. " La civilisation, ecrit Chilteau- briand, en entrant par le commerce chez les tribus americaines, au lieu de developper leur intelligence, les a abruties. L'Indien est devenu perfide, interesse, men- teur, dissolu. Sa cabane est un receptacle d'immondices et d'ordures. Quand i\ 6tait nu on convert de peaux de bAteSjil avalt quel(|ue chose de fier et de grand ; au- jourd'hui des haillons europeens, sans couvrir sa nudite, attestent sa niisere ; c'est un mendiant a la porte d'un comptoir, ce n'c st plus un sauvage dans ses for^Js." II y a encore pourtant un detail charmant de vie do- mestique chez nos debris fameliqiies d'ancienncs tribus ; c'est le berceau suspendu dans lequel est enmaillotte un petit ou une petite, et auquel la maman sauvage donne, de temps en temps le branle,tout en poursuivant le travnii to „ dont elle est accablee. Ah ! elle me revienli la ni6moire la naive m^re indientie, actrice dani* Atala et Chactas ; elle se derobe a sa tribu pour venir humecterde son lait le tertre ou git le petit enfant qne le Grand Esprit lui a ote. II n'y pas la, Mesdames, qu'iui trait d'i magi nation poetique ; c'est la verite, elles sont comme cela ies mere sauvages. Je retrouve la meme circonstance aans Ies relations des jesuites. Comme plusieurs Peres de cette compagnie illustre s'evertuaient a inhnmer avec le plas de solenni- te possible un petit enfant qu'ils avaient baptise, et qui fut le premier ange sanvage pour leqiiel il y eut recep- tion dans le ciel, la mere apporta de son lait dans line petite ecnelle d'ecorce, qii'elle voulut faire placer dans ie cercneil, et Pun des bons Peres hii ayant demande ie motif de cette action,— c'est dit-elle, pour que mon fils n'ait pas soif en cheminant vers ton paredis. Je parle done du Sauvage primitif, tel que Fenimore Cooper nous Pa laisse en portrait dans ses homeriques peintures ; je parle du sauvage, guerrier des Page tendre ; du sauvage que, sans faire injure aux savans professeurs; Barbarin et Giband ou a tons lesrheteurs du monde, (*) la nature a done de faconde, bien different de nous autres qui, apres avoir langui deux annees snr Ies bancs des classes de belles-lettres etde rhetorique, ne sommes rien moins qu'enfiammes du feu sacre de Peloquence. Faut-il des exemples 1 Je Ies donne. Le Pere Lejeune, parlant du petit Tsiko fils du Chef Ouanda, nons dit : " Son fils etait pour le surpasser, car il avaitune tres rare eloquence na- tnrelle. Le soir, comme je le le faisait discourir, dit le P. Daniel, il colorait son discours de figures, de prosopo- . pees, sans avoir autre etude ni avantage qu'une belle naissanee ; ils formait des dialogues fort naturels : bref, il s'animait en discourant avec une telle grace et naivit6 en son langage, qu'il ravissait ses compagnons et moi avec eux. Voici le compliment d'adieu qu'un Chef adres- sait ail chevalier de Montmagny. " Nous autres sau- vdges, comme nous n'avons pasete eleves en votre pa^^s, < nous ne Savons pas lesj honneurs qu'on rend oe grands (*) Stf aura ent voiilu voir. II y avait uii petit r^re Cb'ut qui eiait oblige de saisir sur sa grandeur to it ravaiUage des degres du sanctuaire pour pou voir jx)>er la mitre sur son chef. Boileau s'est moque des Hurons, que les J^suites nous representeut comme une nation petillante d'esprit. Dans son epigram me contre les detracteurs d'Hom^re et de YJrgile, ii dit : Clio vint I'autre jour, se plaindre au dieu des vers Qii'en certain lieu de Punivers, On traitait d'auteiirs durs, de poetes steriles Les Ho meres e^ les Virgiles. Cela ne saurait, etre, on s'est nioque de vons, Reprit Apollon en courroux : Ou peut-on avoir dit une telle infamie ? Est-ce chez les Hurons, chez les Topinambous ? Boileau avait d'autant plus de tort de placer ici les Hu- rons, que les niOBurs homeriques de nos tribus ont frappe tons les grands ecrivains, et que ces peuples auraient vo- lontiers admire le chantre des Grecs, 3t pas du tout le co- piste d'Horace et de Juvenal. ll est vrai que le fameux Chef Huron Kondiaronk le lui a bien rendu sans le con- naitre. II avait ete surnomme le Rat , k cause de fia finesse , et Ton sait qu'en effet ils spnt tres spi- ritnels, les rats ! eh bien ! lui, il ne voulait reconnaitre que deux honimes d'esprit par mi tons les Frangais qui habitaient la Colonic, — le comte de Frontenac et le Je- suite De Carheil, son confesseur. Kondiaronk ne savait pas la dialectique. Si je voulais Pappliquer a son dis- cours, dans quel eoueil ne tomberais-je pas ? car il faut bien supposer que les autres n'etaient pas trop fins. Emet- tons en effet sa pensee breviter et in forma : II n'y avait en la Nouvelle-France que deux hommes d'esprit, Fron- tenac et De Carheil ; c'est I'antecedent de mon sauvage. Done tout le reste etait de la grosse pate : done en se- cond lieu, puisque specialia generalibus insunty (selon le ju- fisconsulte remain Gains qui.voyant qu'il ne pouvait inven- ler la poudre, se mit ^ imaginer, a ce qu'il crut, cette maxi: — 15 ^ me,) il n'y avail pas iin pr^tre des Missions Etrang^res, il n'y avail pis im Recollet, iln'yavait pas un Sulpicienqui ne fut comme Von dit sans ceremonie en Canada • — un saint epais ; tandis que chez les Jesuites , parmi la bande,il y en avail un qui etait fin lout proche comme une soie. Ce qui me contriste davantage el ce qui con- trislera de m6me ceux qui soiit d'aussi bonnes gens que moi, c'est que je ne vois pas d'issue,— -comnienl sortir de ce seabreux diiemme. Oii placer Monseigneur I'ev^que de Quebec t avions-nous a cette epoque \\\\ benin pon- tife 1 (*) Mais chacun de se recrier el de s'exclamer : Voire Huron etait fort difficile, ou les lems sonl bien changes ! el aussi, moi, de m'echapper an beau milieu de ces vociferations el criailleries. A present je suis marri d'avoir avoiie que Kondiaronk ne savail pas la dialectique, car ^a n'est pas vrai. Je ne eonnais pas la dialectique sauvage, mais elle exisle au complet puisqu^elle comprend le sorite, le plus plalonique et le moins maniable de nos argnmens. *' Nous vinmes cabaner, dit le Pere Lejeune sur un fort beau lac, en ayanl passe un autre plus petit en notre chemin. Men h6te me consolait ici, me voyant fort faible et fort abat- tu : Ne I'attriste point, me disait-il , si lu I'attristes, tu seras encore plus nialade ; si la maladie augmenle, tu mourras. Cousid^re que voici un beau pays, aime-le ; si tu I'aimes, tu t'y plairas 5 si tu I'y plais, lu le rejouiras ; si tu le rejouis, lu gueriras. Je prenais plaisir d'enlen- dre ce pauvre Sauvage." Vous avez vu de I'eloquence agreable ; voici mainte- nanl de Teloquence a grand effet. On portait un Chef ^ ^migrer avec sa tribu ; il s'ecrie : C'est ici que dorment nos peres 5 dirons nous a leurs ossemens, levez-vous et nous suivez sur une lerre etrangere ? Dans ui e conf(§- xence tenue a Montreal, et ou M. de Callieres voulait ti- rer raison d'hostilites comm.ises conlre les Illinois, I'am- bassadeur Iroquois dit fieremeut selon le Superieur Va- chon de Belmont. *^ Quant in I'lllinois, il merite la mort ; il m'a tue." On n'osa point repliquer, dit le mcme chro- (*) Cen'etaitpas moins que Francois de Laval Montmo- rency. — 16 — niqueur. Cent Iroquois tombent en 1640 dans un parti de 300 giKrriers hurons. lis ne songent qu'a fuir, quand, un brave, ^levant la voix, s'exclame : " Mes freres, si nous voulons commettre una telle lachete, attendons au moins que le soleil soit sous I'horizon, afin qu'il ne la voie pas." A ces mots, ils volerent au combat et suecom- berent en Spartiates. Si la Grece eut ^te le theatre d'une action semblable, observe Pauteur des Beautes de I'His- toire du Canada, Phomme eloquent qui arrete par quel- ques paroles ses compagnons prets k fuir ; les braves qui afFrontent une bande trois fois plus forte, eussent ete im- mortalises par tous les arts, et consacres comme des heros demi-dieux." L'an 1696, Frontenac porte ses armes jus- que au centre des Cantons Iroquois, et penetre dans ce- lui d'Onnontague. On n'y trouve qu'un vieillard qui pouvait etre k son centieme hiver. II parait, dit Char- levoix, qu'il attendait la mort comme ces anciens sena- teurs remains au sac de Rome par les Gaulois. On eut la cruaute de le livrer aux allies,- qui dechargerent sur lui le depit que leur avait cause la fuite de la nation. Ce fut un singulier spectacle que de voir quatre cents guer- riers acharnes autour d'un vieillard decrepit auquel, ^ force de tourmens, ils ne purent arracher un soupir,et qui apostropha ainsi celui qui lui donna le dernier coup :" Tu aurais bien du ne pas abreger mes jours, tu aurais eu plus de temps pour apprendre a mourir en homme." Sait-on ce qu'ils out fait les Iroquois 1 Ils ont reduit en captivite les inleressantes tribu de Stadacone et d'Hochelaga, de- vancieres de Quebec et de Montreal 5 ils ont repousse avec leurs fleches rapides Samuel de Champlain notre fondateur, muni d'armes ^ feu ; ils ont fait nager Ville- Marie naissante dans le sang de ses genereux fondateurs ; efFac6 de la terre, detruit jusque sous Pegide de la cita- delle de Quebec la grande nation huronne, cette race che- rie des enfans de Loyola, et 9a et la disperse les rive- rains de POttaAv^a et du Saint Maurice. Enfin ils ont fait mordre la puussiere h un Grand Senechal de la Nou- velle-France, a un Gouverneur des Trois-Rivieres, a MM. d^. Bienville, de Maricour, de St. Michel, de Montesson, De Hertel, de Vercheres, de Lusignan, de Lavaltrie* ^n — 17 — jour pourtant Plroquois farouche s'enfuit devant une jeu- ne fille canadienne de quatorze ans, la Demoiselle Mag- delon de Vercli^res : eomme Jeanne d'Arc,elle etait ter- rible comme une armee rangee en bataille ! Maintenant eniin un mot de mon sujet, et je termine ! ^' Du temps que Louis de Buade, comte de Frontenac gou- vernait glorieusement la Nouvelle Frauce, dit Leon Gue- rin, historien de la marine fran9aise, huii freres canadiens, originaires de Rouen en Normandie, s'illustraient k I'envi i'un de I'autre, tant6t sur terre,tant6t sur mer, 6galemeni propres a combattre et a vaincre sur ces deux elemens; ton jours dispos, toujours braves, tonjours actifs et entre- prenans, toujours enflammes par I'honneur national, ils rendaient au pays des services d'autant plus nobles, d'autant plus genereux que, se passant continuellement bien loin de Poeil de la cour, ils n'avaient aucune chance d'obtenir les grandes recompenses qu'ils meritaient? et ne les obtinrent pas a beaucoup pres eneffet. Ces huit freres, que Ton pent appeler huit heros, avaient nom Le Moine d'lberville, Le Moine de Longueuil, Le Moine de Ste. Helene, Le Moine de Serigny, Le Moine de Mari- cour, Le Moine de Chateauguay et les deux Le Moine de Bienville. Le premier fut Pun des plus grands marins -J la fois et Pun des plus habiles navigateurs que la France ait jamais eus." Voila mon texte. Si je me permets d'y faire une cor- rection qui n'est pas indifferente ^ cause du titre qui a ete donne a cette lecture, je dirai que I'anc^tre de la maison canadienne des Le Moine n'avaitpas deuxfils qui portassent le nom de Bienville, que le premier sieur de Bienville fut tue par les Iroquois Pan 1691, et que celui qui se signala si fort k la Louisianne etait le fils de ce dernier, petit fils parconsequent de Charles Le Moine, ce qui reduit les freres a sept, le nombre que nous voulons. Charles Le Moine, Ecuier, Sieur de Longueuil et de Chateauguay, vint de France en l64d. II fut interprete des langues k Ville-Marie. Francois de Lauzon, qui possedait feodalement tout le pays entre Montreal et Quebec, lui conceda cinquante arpens en rief avec haute justice, comme il tenait lui-m^me de la Compagnie des Cent Associ6s, quigouvernait le pays, lequel lui avait ete c6d6 par la Couronne de France. De Lauzon Charny, — 18 — autre grand de la lerre, qui finit par embrasser le saeer- doce,y ajouta I'ile Ste. Helene, Tile Ronde, et ces con- cessions furent encore etendnes par les Intendans Talon et Duchesneau. M. de La Barre, dans une depeche qui flit portee en France par le jeune d'Iberville, coiiseillait au ininistre de la marine de le faire nommer an gouver- nenient de Montreal comme etant Thomme da Canada qui avait le plus fail a la guerre centre les Iroquois, et contribue d'avantage ti la pacification qui avait ete con- clue avec eux. II avait une grande influence sur les na- tions, qui I'appeiaient Akouessan on la Perdrix, car les :^auvages n'avaient aucuns noms qui ne signifiassent quel- que chose. Le Marquis de Denonville loue Charles Le Moine, dans ses dep^ches. aussi bien que M. de La Barre. Et qnand memo ces temoignages nous manque - raient, on sait ce qu'etaient les premiers defenseurs de Ville-Marie. L'ancetre des Le Moine fut done un liomme considerable ; mais il fut encore plus illustre par sa nom- breuse et puissante posterite que par iui-meme ; il fut la tige d'un arbre prodigieux, dont les branches s'etendirent 9 toutes les colonies et m6me a I'ancien monde ; il crut peut-etre avec trop de rapidite pour durer longtems, mais beaucoup de grandeschoses en sont la. La branclie ainee de cette famiile herita du titre territorial de Longueuii. Le prem^ier de cette branche fut Charles Le Moine, Ecuier, Sieur de Longueuii, cree baron en 1700. On me permettra de reciter le titre glorieux de la favour royale. — Pour se conformer a nos desseins dans I'etabli sement du Canada, est-il dit, il a fait une depense considerable pour placer des habitans sur la terre et seigneurie de liOngueuil, qui contient deux lieues sur le fleuve St. Laurent, sur trois et demie de profondeur, qui releve de notre chateau Saint Louis de Quebec a haute, moyenne et basse justice, dans laquelle il travialle a etablir trois paroisses ; et pour la conservation des habitans pendant la guerre, il a fait batir a ses fiais un fort flanque de quatre bonnes tours, le tout en pierres et maconnerie, avec un corps de garde, plusieurs grands corps de logis et une tres- heile eglise, le tout decore de toutes les marques de nob- lesse, avec une belle basse -cour, dans laquelle il y a grange, etable, bergerie, colombier et autres batimens tctis de maconnerie enferm^s dans le dit fort, a cote da- — 19 — juel il y a un mouliu banal, et nne belle brasserie, aucsi de maccnnerie, Ires utile ^ la colonie, et le tout accom- pagne d'uii nombre considerable de domestiques, che- vanx et equipages, tons lesquels lui out cout6 plus de 60.000 Jivres, teilem.ent que la dite seigneurie est a pre- sent une des plus belles de tout le pays, et la seute torti- fiee et b'dtie de cette maniere, qui a considerablement contribue a la -conservation de tons les habit? ns des seig- nenries voisines, laquelle terre est d'un revenu conside- rable par les excessifs travaux qu'il y a faits en y entre- tenanl ordinairement trente ouvriers, ce qu'il est en etii^ de soiiteoir et de tenir un rang de distinction appuye sii^. le nierite et la vertu ; pour ces causes et autre a ce mou_ vant, avons cre^, erige, eleve et decore, creons, erigeons elevens et decorous la dite terre et seigneurie de Lou^' gueuil en titre, nom et dignite de Baronnie. Voulou^ qu'il se puisse dire, nomnier et qualifier Baron, qu'i". Jouisse des droits d'armes, blazons, honneurs, prerogatives rang et preeminence en fait de guerre et assemblees de' noblesse ainsi que les autres barons de notre i*oyaume. — 8'il y avoit dans ce titre des chose qui parussent triviales, qu'il mesuffise de dire que c'est Louis le Grand qui parle, et toutes les parties en parraitront aussi nobles les unes que les autres. Ce premier baron de Longueuil epousa. Dame Elyzabeth Souart dMdancour, so^ur du chevalier Dominique, Marechal de Camp des Armees du Roi et gouverneur de Bayonne. 11 fut Phomme qui eut le plus d'influence sur les Sauvages apres Sir William Johnson. Quand Quebec fut assiegee, en 1690, il alia avec euxre- connaitre les mouvemens de la flotte anglaise, entra en corr.munication avec d'Iberville, son frere^ revenant de la Baie d'Hudson, battit avec M. de Ste. Helene, son autre frere,les troupes de debarquement, auxquelles il enleva une partie de leur canon, ef re:9Ut une blessure grieve. 11 visita, pour se retablir, les eaux de Barege. Ce voyage lui fournit I'occasion de servir en Flandre en qualite d'aide de camp du Marechal d'Humieres, qui fesait la guerre avec Guillaumec/'Orange, usurpateur du tr6ne de Jacques II. On le retrouve gouverneur du Detroit en 1700. II le fut plus tard de Montreal, qu'il quitta en 1710, pour aller garder la t^te de la Colonie contxe le ^6n6ral Nicolson. ^^Le baron de Longueuil, surnomm^ — 20 — avec raison le Machab^e de Montreal, dit I'abbe Faillon jugeant qu'il ne fallait pas laisser arriver les Anglais jusqiie k Ville-Marie sans leur dresser quelqiie embus- cade, se resolut d'aller avec una poignee de monde les attaquer proche de Chambly, ou ils devaient passer. 11 lit porter devant lui iin etendard qui etait I'image de la Vierge avec line inscription composee par la soenr Le Ber, sa cousine germaine, famense recluse de la Congrega- tion, que M. de Belmont benit solennellement et remit lui-meme dans les mains du brave capitaiue en presence de tons le peuple." Nicolson fut oblige de retraiter en ^ partie a cause de I'audace de la poignee d'hommes dii baron de Longueuij, soutenu par 600 bommes du gouver- sement de Quebec, que lui amena M. de Ramezay, et principalemcnt a cause du naufrage desastreux de Parmee navale des Anglais dans le Golfe Saint Laurent. Mon- sieur de Longueuil fut fait Chevalier de St. Louis. En 1727, malgre tout ce que put faire Burnet, gouverneur de la Nouvelle-York, il persuada les Iroquois de souffrir qu'on bxtit dans leur pays IN iagara, dont il est ainsi le fondateur. On a sa correspondance k ce sujet avec ce gouverneur, et sou compte rendu an ministre de la marine dans les Documens de Paris. II etait a cette epoque Commandant General ou Administrateur de la Colonic depuis la mort du premier Marquis de Vaudreuil, et tint les renes du gouvernement jusque k I'arrivee du Mar- quis de Beauharnois, qui ecrivait a la Cour qu'il avait charge le baron de Longueuil de veiller aux interets de la Compagnie des Indes. Ainsi vous voyez parfaitement tout ce dont le premier baron de Longueuil etait capable. Ses deux successeurs furent, comme lui, k la tete de leur pays par leurs administrations interimaires. Le second baron, appele Charles comme son pere et son ayeul, com- manda depuis la mort du Marquis de La Jonquiere jusque a Parriv6e du Marquis Duquesne de Menneville, et Charles Jacques, troisieme baron, depuis la demission df* Duquesne jusque a I'arrivee du Marquis de Vaudreuil Cavagnal,son compatriote, qui passait du gouvernement de la Louisianne a celui de son pays natal. Tu6 dans la retraite du Lac George, ou le baron Dieskau fut defait par Sir William Johnson, ce baron laissa une fille rnineure, Marie Charles Joseph, qui succeda au titre, etquia v6cu — 21 — jnsqu'en 1841. La baronne etait a la t^te de toiit3s les r^'inions chavitables danslesquelles nos dames exer9aient la bienveillance natiirelle a leiir sexe envers I'humanite soufFrante. Le ch^lteau de Longueiiil fut occnp6 par les Americains en 1775. II fat deraoli en 1795, et les materiaux ont servi a la construction de I'eglise actuelle de Longueuil. Je passe ensuite au sieur de Ste. Hel^ne, que nous avon.s vu combattant k Quebec, Ce fut lui qui pointa tons les canons, mais il re^ut une blessure mortelle. Charlevoix nous apprend que c'etait un des plus braves et des plus riimables chevaliers qu'eut le Canada. Ce fut sous lui que d'Iberville fit ses premieres ai'mes a la prise de^ Schenectady. 11 prenait son titrede Pile Ste. Helene,quia fioi par 6tre cedee au gouvernement anglais en echange d'emplacemens ^ Montreal. Pierre Le Moine D'Iberville, seigneur haut-justicier, Chevalier de St. Louis et Chef d'escadre, fondateur et premier Gouverneur de la Louisianne, vit le jour'^ Mont- real le 20 juin 1661. Garde marine a 14 ans, il fut peu apres porteur des depeches du gouverneur k la Cour. Monsieur de La Barre le recommandait au ministre de la marine pour le grade d'enseigne de vaisseaux eomme- 6tant un excellent marin, qui avait deja fait plusieurs voyages de long cours. En 1689, il etait Commandant a la Baie du Nord ou d'Hudson, capitaine de fregate en 1692, Chevalier de St. Louis en 1699 et Capitaine des vaisseaux du Roi en 1702. La Nouvelle-Angleterre, i'Acadie, la Baie et Terre-Neuve furent tour-a-tour le theatre de ses actions et de ses exploits. D'abord volon- taire sous le chevalier de Troye, il se trouva a la prise des forts Monsoni et Rupert, prit avec neuf hommes un navire monte par quatorze Anglais et brula Charleston. Devenu commandant, il prit sans perdre un seul homme un vaisseau anglais de 24 canons et enleva le fortPema- quid, defendu par le Colonel Chubb. II fit deux expe- ditions glorieuses a la Baie d'Hudson avec une prompti- tude surprenante. A la suite de la premiere, il passa en France, non sans avoir rendu compte k Frontenac par I'envoi d'un canot d'ecorce qui arriva en vue de Quebec le lendemain de la retraite honteuse de Phipps. Ses ex- ploits nombreux dans I'ile de Terre-Neuve, d'oii avec une 3 — 22 — poignee d'hommes, il chassa presque entieremeiit les An- glais, etoiiiient a boa droit nos premiers liistoriens. " C'est line chose admirable, dit Bacqueville de La Potherie, que cent vingt Canadiens se soient rendus maitres d'une si grande etendiie de pays dans la saison la plus cruelleque I'on puisse imaginer. Le froid, la pluie, la neige,lafaim et la soif devaient etre autant d'obstacles. lis firent ce- pendant plus de 700 prisonniers et tuerent 200 hommes." Dans une de ses expeditions a la Baie, ou il enleva le fort Nelson garni de 50 canons, D'Iberville gagna avec son seul vaisseau sur trois vaisseaux anglais un combat qui n'a rien de plus glorieux dans la vie de Jean Barth liii-m6me. Dans ces vastes etendues de pays qu'il par- courut I'epee a la main, il enleva d'emblee un grand nombre de places fortes et St. Jean de Terre-Neuve elle- meme, ainsi que les trois forts qui couvraient cette capi- tale. cSi Ton considere les moyens avec lesquels il agis- sait, ses actions sont incroyables nonobstant que Charle- voix remarque que ses Canadiens etaient pour lui comme la dixieme legion etait a Cesar, et prets a le suivre au bout du monde. '' Lorsqu'un commandant possede le ooeur de ceux qui sont sous son obeissance, ajoute Bacque- ville de La Potherie, il lui est aise de les manier et de leur inspirer ses propres sentimeus. Tel fat Pempire de M. D'Iberville sur les esprits des Canadiens, qui ne sont pas si maniables !" Quelqu'un dira, les flibustiers en ont bien fait autant, mais les flibustiers n'etaient que des diables, tanti diavoh comme disait Bonaparte. Qu'on juge si le trait suivant est d'un flibustier. Vrai chevalier, et en cela superieur a Jean Barth, D'Iberville, en J692, depensa 554 livres tournois pour la ran9on, non d'hommes vigoureux pro- pres a le suivre dans ses courses, mais de femmes et d'en- fans. Continuous encore \\n peu a decrire les travaux guer- riers de nos Canadiens. lis marchaient, dit Leon Guerin par les terres, les lacs et les rivieres, trainant leurs canots avec leurs vivres, souvent k travers les bois,souvent dans les marais et toujours par (des chemins difficiles et non fray6s, supportant avec une force de cosur et de tempe- ramment dont etaient seuls capables des Canadiens d'in- croyables fatigues, des privations et des souflrances de _ 23 — toute sorte : on avait piques, pioches, pelles, gabions ct beliers ! C'etait la guerre antique, qne rappelaient encore les cuirasses de nos preux. M. de Bienville et le Che- valier de Lacorne, dont on conserve les portraits, sont tout bardes de fer. Les flibustiers ne communinient gueres avant d'exer- cer leurs fiireurs : depuis le Chevalier de Beaujeu, a la bataille de la Mononghahla,j usque a Salaberry, tons nos heros ont rempli leurs devoirs religieux ; a la prise de St. Jean I'abbe Baudouin exhorta en pen de paroles les Cana- diens,etleur donna I'absolution, dit un clironiqueur. Le retour de la paix fournit ^ D'Iberville de nouvelles occasions de servir son pays natal et la metropole. II restait a reconnaitre par mer le Micissipi, et a profiter des decouvertes qu'on avait deja faites. Etant passe en France, cet homme, capable de fonder coninie de detrni- re, proposa J 'expedition k M. de Pontchartrain. On lui associa le brave Chateau-Morand, neveu du grand Tour- ville. II reussit dans son projet et elablit la Louisianne, ou il fonda Mobile, qui fut quelque temps la capitale du pays, et qui en est encore une des villes principales. Une autre ville y a pris son nom. La guerre de succession d'Espagne s'etant allumee, il fut appele en Europe, et apres avoir ete quelque temps gouverneur de Rochefort, il partit avec 10 vaisseaux, 3 fre gates et 3 flutes pour attaquer la Jamaique ; mais il trouva les Anglais sur leurs gardes. Apres leur avoir enleve les iles de Nievres et de St. Christophe, defendues par le colonel Abbott, il prit mille soldats espagnols a la Ha vane, et 2000 flibustiers, et venait altaquer la Carolme, quand il mourut en mer en 1706. Si vous me demandez ou est la posterite de ce grand homme, il vous repondra lui-meme comme Epamino)idas. De son mariage avec dame Therese Pollet de Lacombe Pocatiere, qui epousa en secondes noces Sully, comte de Bethune, decede Ma- rechal de France, on ne connait d'issue qu'une fille qui porta dans le monde le nom de Grandive de Lavanaie. Combattre, decouvrir, fonder et ecrire etaient tout un pour D'Iberville, dont on a entre autres, le Memoire ci M. de Pontchartrain sur la situation de Boston, New- York et autres lieux, avec un projet d^taillant les moyens qu'il y aurait de les attaquer. — 54 — Je ne mentionne qiveii passant Le Moine de Maricour, colldgue dii P. Bruyas en diplomatie ; Le Moine de Cha- teaiigiiay, tiie a 18 ans en combattant comme nn jeune lion, sons D'lberviUe, et Le Moine de Serigny, decede gonverneur de Fvcchefon. La branche de Serigny snb- siste encore en France, ou elle s'est alliee anx inaisons de PEstrades et de Priin. Le second Sieur de Chateau- guay fnt gonverneur de la Gnyanne. En parlant de ses services an siege de Lonisbourg, Leon Giierin s'ecrie : '^ C'est ainsi qne dn Golfe St. Lanrent an Golfe dn Mexi- que, de la France eqninoxiale a la Nouvelle-France, con- tinua longtems encore a jeter son eclat la plus glorieuse famille pent etre qui ait jamais brille aux colonies fran- ^aises." Jean-Baptiste Le Moine de Bienville, neveu D'lber- ville, soul lequel il fit sept voyages de long cours, fonda la Nouvelle-Orieans, fut deux fois gonverneur delaLoui- sianne, ou il vainquit les Espagnols , et triompha aussi des Natchez, chantes par Chateaubriand, et des Aliba- mons. On sait que le chef supreme des premiers, se pr^- tendait, comme les Incas du Perou, et les empereurs chi- nois, issu du soleil. Bienville le forca de construire im fort pour les Fran^ais an cosur de son pays. II fut encore Directeur de la Compagnie d'Occident. Decede a Paris, en 1769, plein de jours, mais sans posterite, il laissa pour heritiers, entre autres, le dernier Sieur de Chateauguay et Phonorable Colonel Joseph Dominique Emmanuel de Longueuil, membre des Conseils Executif et Legislatif du Canada. Celui-ci etait fils de Joseph, Chevalier de Longueuil, ancien gonverneur des Trois-Rivieres, iriort a Port Louis en France, en 1778, chez la baronne Germain sa niece, nee Agnes de Longueuil. De toute cette race de nos sept heros canadiens, il ne reste que quelques re- jetons perdus dans les maisons de PEstrades, de Prim et de Germain, en France, et dans celle de Grant en Cana- da. Madame de Montenach est la fille de la baronne et du deuxieme anglais qui est entre dans la maison de Lon- gueuil. De huit fiefs de dignite erigcs en Canada par les monarques fran^ais, il ne reste plus qu'une couronne baroniale, et elle est portee par un Anglais. Mais I'ancetre des Le Moine, dont nous avons parl6 en premier lieu, n'etait pas venu seul de sa famille en Ca- — 25 -^ nada, II avait iiii frere dont descendait une venerable Superieure de la Congregation de cette ville, et c'est en- core ainsi que nous avons les Le Moine de Marti- ally- Le Canada a eu d'autres grands hommes que les D'J- berville et les Bienville. lis commencent a etre connus mdme en. France. Ainsi, dans la Biographie Classique de Barre, publiee vers ISW, des articles succincts sont consacres a I'amiral Martin, ^ D'Jber ville et a trois person- nages de la maison de Vaudreuil. Ce n'est pas beaucouy), et cependant,la reconnaissance que j'en ai ^ cet auteur est in- dicible. J'aime a voir la vieille France nousaccorder uii souvenir. Non, la France ne nous a point abandonnes, car les sentimens de Voltaire et de la Pompadour n'etaient point les sentimens des Fran^ais ti notre egard, et les 4000 hommes de troupes qu'elle avait ici nous defendirent a outrance. L'Europe, dit Raynal, avait cru que la chute de Quebec entrain erait celle du Canada entier, et cepen- dant I'annee suivante la honte d'Abraham, si honte il y eut, fut lavee dans les champs de Ste. Foy. Qu'est-ce done qui pouvait se faire et qui n'a pas ete fail ? Le Che- valier de Levis ne poussa-t-il point Pardeur martiale jus- que au delire en proposant de se renfermer dans Pile Ste. Hel^ne pour y tenir j usque aux extremites et faire de- pendre le sort de tout un peuple du sort facile a deviner de la poignee de braves qui s'ofFraient ainsi en holocauste ? C'est done avec joie que je crois entendre la France s'ex- clamant avec un estimable xenophane : ^' Ce qui ajoutait a mon illusion, c'etait le langage de ma patrie que j'en- tendais dans la bouche des habitans. Mon esprit se re- portant dans le passe, se plaisait a se rappeler les hauts faits et les travaux inouis des Canadiens qui, tandis que ce vaste continent etait encore presque entierement in- connu, le parcouraient cependant dans toutes les direc- tions, et, sur une etendue de plus de dix huit cents lieues, apprenaient k des milliers de peuplades sauvages ^ con- naitre et a respecter avant tous les autres le nom fran- gais." — 26 — II fait peine de se rappeler malgre soi un al)sent paimi tm si brillant auditoire. En effet, entre ceiix qui aimaient ■k enconrager par lenr presence les soirees de cette noble iuslitution, qid de nous n'a point souvent remarque au premier rang, an cote de notre bien aime Superienr de St. Sulpice, le regrette Commandenr Viger ] Avec une ^egale bienveillance se rendait-il a mon invitation, quand arrivait pour les miens i'epoque ou ils ont a snbir les exa- mens publics de jiirisprudenee que veulent lesstatuts aca- demiques. Monil. P.Martin et M. le Principal Verreau ont du rompre avec une amitie precieuse, et Jes deux hom- ■mes que le sort a places en succession k la t6te de Tins- Iruction publique etaient aussi ses amis. Ses amis qu'estce a dire '? L'illustre defunt avait-il des ennemis I Nous ne lui en connaissions point, Sa memoire sera done glorieuse, elle sera pure. Celui qui etait le conseil