Book iSi_ m*] FRENCH LYRICS -. FRENCH LYRICS SELECTED AND ANNOTATED GEORGE SAINTSBURY NEW YORK D. APPLETON AND COMPANY I, 3, AND 5 BOND STREET MDCCCLXXXVII \\ \P' ^ s» Et me le donnant prens ta darde, En la prenant navre son cueur ; CLEMENT MAROT 65 En le navrant me tiendras seur, En seurte suyvray l'accointance ; En l'accointant, ton serviteur En servant aura jouyssance. XIV Pierre de Ronsard, prince of poets, was the most famous French man of letters between Rabelais and Montaigne. He founded and headed the Pleiade, a group of seven poets, whose object was to graft upon French the excellences of Greek and Roman literature. Du Bellay, Belleau, and Baif, examples of whose work follow, were of the number, and all the following poets as far as Regnier were Ronsardists. CHANSON Quand ce beau printemps je voy, J'apper^oy Rajeunir la terre et Tonde, II me semble que le jour Et l'amour Comme enfans naissent au monde. Le jour qui plus beau se fait Nous refait PIERRE DE RONSARD 67 Plus belle et verde la terre ; Et amour, arme de traits Et d'attraits, En nos coeurs nous fait la guerre. II respand de toutes parts Feux et dards, Et dompte sous sa puissance Hommes, betes et oyseaux, Et les eaux Lui rendent obeissance. Venus avec son enfant Triomphant Au haut de son coche assise, Laisse ses cygnes voler Parmi Fair Pour aller voir son Anchise. Quelque part que ses beaux yeux Par les cieux Tournent leurs lumieres belles, L'air qui se montre serein, Est tout plein D'amoureuses estincelles. 63 FRENCH LYRICS Puis en descendant a bas Sous ses pas Naissent mille fleurs escloses : Les beaux lys et les ceillets Vermeillets Rougissent entre les roses. Je sens en ce mois si beau Le flambeau D'amour qui m'eschauffe l'ame, Y voyant de tous costez Les beautez Qu'il emprunte de ma dame. Quand je voy tant de couleurs Et de fleurs Qui esmaillent un rivage, Je pense voir le beau teint Qui est peint Si vermeil en son visage. Quand je voy les grands rameaux Des ormeaux Qui sont lacez de lierre, Je pense etre pris ez laz De ses bras, Et que mon col die serre. PIERRE DE ROXSARD 69 Quand j'enten la douce voix Par les bois Du gai rossignol qui chante, D'elle je pense jouyr, Et ouyr Sa douce voix qui m'enchante. Quand je voy en quelque endroit Un pin droit, Ou quelque arbre qui s'esleve, Je me laisse decevoir, Pensant voir Sa belle taille et sa greve. Quand je voy dans uh jardin Au matin S'esclorre une fleur nouvelle, J'accompare le bouton Au teton De son beau sein qui pommelle. Quand le soleil tout riant D'Orient Nous monstre sa blonde tresse, II me semble que je voy Devant moy Lever ma belle maitresse. yo FRENCH LYRICS Quand je sens parmi les prez Diaprez Les fleurs dont la terre est pleine, ' Lors je fais croire a mes sens Que je sens La douceur de son haleine. Bref, je fais comparaison, Par raison, Du printemps et de ma mie II donne aux fleurs la vigueur, Et mon cceur D'elle prend vigueur et vie. Je voudrois au bruit de 1'eau D'un ruisseau Deplier ses tresses blondes, Frisant en autant de noeuds Ses cheveux, Que je verrois friser d'ondes. Je voudrais pour la tenir, Devenir Dieu de ces forets desertes, La baisant autant de fois Quen un bois II y a de feuilles vertes. PIERRE DE RONSARD 7 i Ha ! maistresse mon souci Vien icy, Vien contempler la verdure ! Les fleurs de mon amitie Ont pitie, Et seule tu n'en as cure. Au moins, leve un peu tes yeux Gracieux, Et voy ces deux colombelles, Qui font naturellement Doucement L'amour du bee et des ailes. Et nous, sous ombre d'honneur, Le bonheur Trahissons par une crainte. Les oyseaux sont plus heureux, Amoureux, Qui font l'amour sans contrainte. Toutefois ne perdons pas Nos esbats Pour ces lois tant rigoureuses ; Mais, si tu m'en crois, vivons, Et suyvons Les colombes amoureuses. 72 FRENCH LYRICS Pour effacer mon esmoy Baise-moy, Rebaise-moy, ma deesse ; Ne laissons passer en vain Si soudain Les ans de nostre jeunesse. PIERRE DE RONSARD 73 ODE Ma petite colombelle, Ma mignonne toute belle, Mon petit ceil, baisez-moy : D'une bouche toute pleine De muse, chasse-moy la peine De mon amoureux esmoy. Quand je vous dirai : ■' Mignonne, Approchez-vous ; qu'on me donne Neuf baisers tout a la fois," Donnez-m'en seulement trois. Tels que Diane guerriere Les donne a Phoebus son frere, Et l'aurore a son vieillard ; . Puis reculez vostre bouche, Et bien loin toute farouche Fuyez d'un pied fretillard. Comme un taureau par la pree Court apres son amouree, Ainsi tout chaud de courroux Je courrai fol apres vous ; 74 FRENCH LYRICS Et, prise (Tune main forte, Vous tiendrai de telle sorte Qu'un aigle un cygne tremblant : Lors, faisant de la modeste, De me redonner le reste Des baisers ferez semblant. Mais en vain serez pendante Toute a mon col attendante — Tenante un peu l'oeil baisse — Pardon de m'avoir laisse. Car en lieu de six adonques J'en demanderai plus qu'onques Tout le ciel d'£toiles n'eut, Plus que d'arene poussee Aux bords, quand l'eau courroucee Contre les rives s'esmeut. PIERRE DE RONSARD 75 ODE Bel aubespin florissant, Verdissant, Le long de ce beau rivage, Tu es vestu jusqu'au bas Des longs bras D'une lambrunche sauvage. Deux camps de rouges fourmis Se sont mis En garnison sur ta souche : Dans les pertuis de ton tronc, Tout du long, Les avettes ont leur couche. Le chantre rossignolet Nouvelet, Courtisant sa bien-aimee, Pour ses amours alldger, Vient loger Tous les ans en ta ramee. Sur ta rime il fait son ny Tout uny 76 FRENCH LYRICS De mousse et de fine soye, Ou ses petits esclorront, Qui feront De mes mains la douce proye. Or, vy, gentil aubespin, Vy sans fin, Vy sans que jamais tonnerre, Ou la coignee, ou les vents, Ou les temps, Te puissent ruer par terre. PIERRE DE ROXSARD 77 ODE Quand je suis vingt ou trente mois Sans retourner en Vendosmois, Plein de pensees vagabondes, Plein d'un remords et d'un soulcy, Aux rochers je me plains ainsi, Aux bois, aux antres et aux ondes. Rochers, bien que soyez ages De trois mille ans, vous ne changez Jamais ni d'esclat ni de forme : Mais tou jours ma jeunesse fuit, Et la vieillesse qui me suit, De jeune en vieillard me transforme. Bois, bien que perdiez tous les ans, En l'hiver, vos cheveux mouvants, L'an d'apres qui se renouvelle, Renouvelle aussi votre chef : Mais le mien ne peut derechef Ravoir sa perruque nouvelle. Antres, je me suis vu chez vous Avoir jadis verts les genoulx, 78 FRENCH LYRICS Le corps habile et la main bonne : Mais ores j'ai le corps plus dur Et les genoulx que n'est le mur Qui froidment vous environne. Ondes, sans fin vous promenez Et vous menez et ramenez Vos flots d'un cours qui ne sejourne Et moi, sans faire long sejour, Je m'en vais de nuit et de jour Au lieu d'ou plus on ne retourne. PIERRE DE RONSARD 79 A MARGUERITE En mon cceur n'est point escrite La rose, ni autre fleur, C'est toi, belle Marguerite, Par qui j'ai cette couleur. N'es-tu celle dont les yeux Ont surpris, Par un regard gracieux Mes esprits ! Puisque ta sceur de haut prix, Ta sceur, pucelle d'eslite, N'est cause de ma douleur, C'est done pour toi, Marguerite, Que je pris cette couleur. Un soir ma fievre naquit, Quand mon cceur Pour maitresse te requit : Mais rigueur D'une amoureuse langueur Soudain paya mon merite, Me donnant cette paleur, 8o FRENCH LYRICS Pour Maimer trop, Marguerite, Et ta vermeille couleur. He ! quel charme pourrait bien Consumer Le soulcy qui s'est fait mien, Pour aimer ? De mon tourment si amer La jouissance subite Seule oterait le malheur Que me donna Marguerite, Par qui j'ai cette couleur. PIERRE DE RONSARD 81 ODE Mignonne, allons voir si la rose Qui, ce matin, avoit desclose Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu, cette vespree, Les plis de sa robe pourpree Et son teint au vostre pareil. Las 1 voyez comme, en peu d'espace, Mignonne, elle a dessus la place, Las, las, ses beautez laisse cheoir I O vrayment marastre nature, Puisqu'une telle fleur ne dure Que de matin jusques au soir I Done, si vous me croyez, mignonne, Tandis que vostre age fleuronne En sa plus verte nouveaute, Cueillez, cueillez vostre jeunesse : Comme a cette fleur, la vieillessc Fera ternir vostre beaute. XV Joachim du Bellay was the best prose writer of the Pleiade, and the best poet next to Ronsard. His treatise " De la DefTense et Illustration de la Langue Franchise " was the handbook of French literature for fifty years. D'UN VANNEUR DE BLED AUX VENTS A vous, trouppe legere, Qui d'aile passagere Par le monde volez, Et d'un siflant murmure L'ombrageuse verdure Doucement esbranlez, J'offre ces violettes, Ces lis et ces fleurettes, Et ces roses icy, Ces merveillettes roses, Tout freschement ecloses, Et ces ceillets aussi. _^ JO A CHIM D U BELLA Y 8 3 De vostre douce haleine Evantez ceste plaine, Evantez ce sejour : Ce pendant que j'ahanne A mon ble que je vanne A la chaleur du jour. 84 FRENCH LYRICS VILLANELLE A MARGUERITE En ce mois delicieux, Qu'amour toute chose incite, Un chacun, a qui mieux mieux, La douceur du temps imite ; Mais une rigueur despite Me fait pleurer mon malheur : Belle et tranche Marguerite, Pour vous j'ay ceste douleur. Dedans vostre ceil gracieux Toute douceur est escritte, Mais la douceur de vos yeux En amertume est confite ; Souvent la couleuvre habite Dessous une belle fleur : Belle et franche Marguerite, Pour vous j'ay ceste douleur. Or, puis que je deviens vieux Et que rien me profite, Desespere d'avoir mieux, Je m'en iray rendre hermite ; Je m'en iray rendre hermite, JO A CHIM D U BELLA Y 8 5 Pour mieux pleurer mon malheur ; Belle et franche Marguerite, Pour vous j'ay ceste douleur. Mais si la faveur des dieux Au bois vous avoit conduite, Ou, despere d'avoir mieux, Je m'en iray rendre hermite ; Peut estre que ma poursuite Vous feroit changer couleur : Belle et franche Marguerite, Pour vous j'ay ceste douleur. XVI Remy Belleau's especial merit was in the observation and representation of nature. AVRIL Avril, l'honneur et des bois Et des mois : Avril, la douce esperance Des fruicls qui, sous le coton Du bouton, Nourrissent leur jeune enfance ; Avril, l'honneur des prez verds, Jaunes, pers, Qui d'une humeur bigarree, Emaillent de mille fleurs De couleurs, Leur parure diapree ; REMY BELLE AU 87 Avril, l'honneur des soupirs Des zephyrs Qui, sous le vent de leur aele Dressent encor, es forests, Des doux rets, Pour ravir Flore la belle ; Avril, c'est ta douce main Qui, du sein De la nature, desserre Une moisson de senteurs Et de fleurs, Embasmant l'air et la terre ; Avril, l'honneur verdissant, Florissant Sur les tresses blondelettes De ma dame, et de son sein Tousjours plein De mille et mille fleurettes ; Avril, la grace, et le ris De Cypris, Le flair et la douce haleine ; Avril, le parfum des dieux, Qui, des cieux, Sentent l'odeur de la plaine ; 88 FRENCH LYRICS Cest toy, courtois et gentil, Qui d'exil Retires ces passageres, Ces arondelles qui vont, Et qui sont Du printemps les messageres. L'aubespine et l'aiglantin, Et le thym, Uceillet, le lis, et les roses, En ceste belle saison, A foison, Monstrent leurs robes ecloses. Le gentil rossignolet, Doucelet, Decoupe dessous l'ombrage Mille fredons babillars Fretillars, Au doux chant de son ramage. Cest a ton heureux retour Que l'amour Souffle, a doucettcs haleines Un feu croupi et couvert Que l'hyver Receloit dedans nos veines. R&MY BELLE AU 89 Tu vois, en ce temps nouveau, L'essaim beau De ces pillardes avettes Volleter de fleur en fleur, Pour Todeur Qu'ils mussent en leurs cuissettes. May vantera ses fraischeurs, Ses fruicls meurs, Et sa feconde rosee, La manne et le sucre doux, Le miel roux, Dont sa grace est arrosee. Mais moy, je donne ma voix A ce mois Qui prend le surnom de celle Qui, de l'escumeuse mer, Veit germer Sa naissance maternelle. XVII Antoine de Baif was distinguished among the Pleiade or his adoption of classical models. He tried to naturalise the actual metres of Horace, but wisely gave them up. DU PRINTEMPS La froidure paresseuse De 1'yver a fait son temps ; Voicy la saison joyeuse Du delicieux printems. La terre est d'herbes ornee, L'herbe de fleuretes Test ; La feuillure retournee Fait ombre dans la forest. De grand matin, la pucelle Va devancer la chaleur, Pour de la rose nouvelle Cueillir l'odorante fleur. ANTOJNE DE BAIF 91 Pour avoir meilleure grace, Soit qu'elle en pare son sein, Soit que present elle en fasse A son amy, de sa main ; Qui, de sa main l'ayant ue Pour souvenance d'amour, Ne la perdra point de vue, Le baisant cent fois le jour. Mais oyez dans le bocage Le flageolet du berger, Qui agace le ramage Du rossignol bocager. Voyez l'onde clere et pure Se cresper dans les ruisseaux ; Dedans, voyez la verdure De ces voisins arbrisseaux. La mer est calme et bonasse Le ciel est serein et cler, La nef jusqu'aux Indes passe ; Un bon vent la fait voler. Les menageres avetes Pont ga et la un doux fruit, Voletant par les fleuretes Pour cueillir ce qui leur duit. 92 FRENCH LYRICS En leur ruche elks amassent Des meilleures fleurs la fleur, Cest a fin qu'elles en fassent Du mlel la douce liqueur. Tout resonne des voix nettes De toutes races d'oyseaux, Par les chams, des alouetes, Des cygnes, dessus les eaux. Aux maisons, les arondelles, Les rossignols, dans les boys, En gayes chansons nouvelles Exercent leurs belles voix. Doncques, la douleur et l'aise De Tamour je chanteray, Comme sa flame ou mauvaise, Ou bonne, je sentiray. Et si le chanter m'agree, N'est-ce pas avec raison, Puis qu'ainsi tout se recree Avec la gaye saison ? XVIII Olivier de Magny, lover of the poetess Louise Labe, died young. His work in his short life v,-^ voluminous and sweet. A CASTIANIRE PALLE & TRISTE Quelz ennuys, Jours ou nui&z T'osent ma mignonne joindre, Pour ton miel, De leur fiel Ainsi felonnement oindre ? Ta couleur De valeur, N'est plus celle de l'Aurore, Et ton teint Chaste & saint, Blesmissant se descolore : 94 FRENCH LYRICS Tout pareil Au vermeil Que la pluye lave, & baigne, Et qui naist, Pur, & net, Dans le sein d'une campaigne. Et ces yeulx, Que les dieux Beans comme moy adorent, Et ce port, Tant accort, Que tous les hommes honorent : Ne vont tant Surmontant Les fiertez des plus rebelles, Que souloient, Quand vouloient, De leurs excellances belles. O malheur ! O douleur ! O trop dommageable perte ! O vous cieulx, Curieux De sa tristesse soufferte 1 OLIVER DE MAGNY Desormais, Je prometz De chanter en toute place, Et voz jeux Outrageux, Et l'aigreur de ma disgrace. Ce pendant, Atendant Que ta purite je vange, Par des vers Descouvers En l'ceuvre de ta louange : Chasse au loing Et le soing, Et la destresse murine, Qui te suyt, Et te nuyt, Et te pallit, & chagrine. Trop a temps Ton printemps, Tes doux ans, & ta jeunesse, Passeront, Et seront Talonnez de la vieillesse. 95 96 FRENCH LYRICS Et pour mieux L'envieux, Et ton angoisse destruyre, Et au pas Du trespas, Et Tun, & Tautre conduyre : Vien soudain, Comme un dain Apres sa craintive mere, Apaiser D'un baiser L'ire de ma peine amere. £a done' vien, Je suis tien, Rien ne veux qui ne te plaise, Cinq fois trois, Quinze fois, Doucement, douce me baise. Tout d'un fil Quinze mil D'autres baisers me delivre, C'est l'honneur Du bonheur Qui me fait mourir & vivre. OLIVIER DE MAGNY 97 Bref, autant Baisottant Me sois tu Nymphete douce, Que de flotz Sont descloz Lors que la mer se courrousse. Et encor' Autant qu'or' J'ay de pensers en mon ame, Et de ventz Se suyvans, Souflans, esventans ma flame : De sablons Roulans blondz Souz les ondes de Pactole, Et de faiftz Imparfaiclz Depuis Tun a l'autre pole : De flambeaux Clers, & beaux, Luysans la nuid plus sereine, Et d'apastz Delicatz, Aux douceurs de ton aleine. 98 FRENCH LYRICS A ton coul Blanc, & moul, Je me pandray, transy d'aise, Toy au mien Te soustien, R'alumant la morte braize. Enlassez, Embrassez, Nous domterons la mort noire, Et ce dueil ■ Au cercueil Envoyrons a nostre gloire. Folastrons, Et n'entrons Si pensifz en resverie, Noz esbatz Mettent bas L'orgueil de la facherie. Par ainsi Ton soucy, Nous rendrons deffait, & blesme, Et Tesmoy, Qui sur moy Darde sa rigueur extreme. OLIVIER DE MAGNY 99 Et ton teinft, Qui s'esteincl, Par l'ennuy qui te renglace, Sera veu D'un doux feu Renflamme dedans ta face. Et ces yeux Gracieux, Reprendront leur vertu sainte, Et ce port, Sur le fort Aura la vi&oire ateinte. Moy heureux, Amoureux, Te serviray toute heureuse, En espoir De te voir Egallement amoureuse. tore XIX Vauquelin de la Fresnaye was a poet and a lawyer, not a usual mixture. His pastorals are very pretty. ENTRE LES FLEURS Entre les fleurs, entre les lis, Doucement dormoit ma Philis, Et tout autour de son visage, Les petits Amours, comme enfans, Jouoient, folastroient, triomphans, Voyant des cieux la belle image. J'admirois toutes ces beautez Egalles a mes loyautez, Quand l'esprit me dist en l'oreille : Fol, que fais-tu ? le temps perdu Souvent est cherement vendu ; S'on le recouvre, c'est merveille. VAUQUELIN DE LA FRESXAYE Alors, je m'abbaissai tout bas, Sans bruit je marchai pas a pas, Et baisai ses levres pourprines : Savourant un tel bien, je dis Que tel est dans le paradis Le plaisir des ames divines. FRENCH LYRICS PASTEURS, VOICI Pasteurs, voici la fonteinette, Ou tousjours se venoit mirer, Et ses beautez, seule, admirer La pastourelle Philinette. Voici le mont ou de la bande Je la vis la danse mener, Et les nymphes l'environner Comme celle qui leur commande. Pasteurs, voici la verte pree Oii les fleurs elle ravissoit, Dont, apre's, elle embellissoit Sa perruque blonde et sacree. Ici, folastre et decrochee, Contre un chesne elle se cacha : Mais, par avant, elle tascha Que je la visse estre cachee. Dans cet antre secret encore, Mile fois elle me baisa : Mais, depuis, mon cceur n'apaisa De la flamme qui le devore. VAUQUELIN DE LA FRESXAYE 103 Done, a toutes ces belles places, A la fontaine, au mont, au pre, Au chesne, a l'antre tout sacre, Pour ces dons, je rends mile' graces. XX Philippe Desportes was one of the few persons who have made poetry pay. He was, however, as the following verses will show, by no means a bad poet. VILLANELLE A ROSETTE Rozette, pour un peu d'absence, Vostre coeur vous avez change, Et moy, sgachant cette inconstance, Le mien autre part j'ay range : Jamais plus, beaute si legere Sur moy tant de pouvoir n'aura : Nous verrons, volage bergere, Qui premier s'en repentira. Tandis qu'en pleurs je me consume, Maudissant cet esloignement, Vous qui n'aimez que par coustume, Caressiez un nouvel amant. PHILIPPE DESPORTES 105 Jamais legere girouette Au vent si tost ne se vira : Nous verrons, bergere Rozette, Qui premier s'en repentira. Ou sont tant de promesses saintes, Tant de pleurs versez en partant ? Est-il vray que ces tristes plaintes Sortissent d'un coeur inconstant ? Dieux 1 que vous estes mensongere Maudit soit qui plus vous croira ! Nous verrons, volage bergere, Qui premier s'en repentira. Celuy qui a gaigne ma place Ne vous peut aymer tant que moy, Et celle que j'aime vous passe De beaute, d'amour et de foy. Gardez bien vostre amitie neufve, La mienne plus ne varira, Et puis, nous verrons a l'espreuve Qui premier s'en repentira. XXI Jean de la Taille belongs to the remarkable group of writers who, under the inspiration of the Pleiade, and with one of its members, Jodelle, for their teacher, created the classical drama of France. His lyrics, however, exceed his dramas in positive value. C'EST TROP PLEURS C'est trop pleure, c'est trop suivy tristesse, Je veux en joye esbattre ma jeunesse Laquelle encor, comme un printemps, verdoye Faut-il tousjours qu'a Testude on me voye ? C'est trop pleure. Mais que me sert d'entendre par science Le cours des cieux, des astres l'influence, De mesurer le ciel, la terre, et l'onde, Et de voir mesme en un papier, le monde ? C'est trop pleure. JEAN DE LA TAILLE 107 Que sert, pour faire une ryme immortelle, De me ronger et l'ongle et la cervelle, Pousser soUvent une table innocente, Et de ternir ma face palissante ? C'est trop pleure. Mais que me sert d'ensuyvre, en vers, la gloire Du grand Ronsard, de s^avoir mainte histoire, Faire en un jour mille vers, mille et mille, Et cependant mon cerveau se distille ? C'est trop pleure. Cependant l'age, en beaute fkurissante, Chet comme un lys, en terre languissante. II faut parler de chasse, et non de larmes, Parler d'oyseaux, et de chevaux, et d'armes. C'est trop pleure. II faut parler d'amour, et de liesse, Ayant choisy une belle maitresse, J'ayme, et j'honore et sa race et sa grace ; C'est mon Phoebus, ma Muse, et mon Parnasse : C'est trop pleure. Digne qu'un seul l'ayme, et soit ayme d'elle, Luy soit espoux, amy, et serf fidelle, 108 FRENCH LYRICS Autant quelle est sage, belle et honneste, Qui daigne bien de mes vers faire feste : C'est trop pleure. Va-t'en, chanson, au sein d'elle te mettre, A qui Thonneur — qui ne me doit permettre Telle faveur — est plus cher que la vie. Ha, que ma main porte a ton heur d'envie ! C'est trop pleure. XXII The Pleiade drama just alluded to, contributed some re- markable lyrical work in the choruses, which for the last nlty years of the 1 6th century were usual. Robert Gamier and Antoine de Montchrestien were the greatest Pleiade dramatists. The following is a chorus from Montchrestien's La Cartaginoise. OYEZ NOS TRISTES VOIX Oyez nos tristes voix, Vous qui logez votre espe ranee au monde, Vous dont l'espoir sur ce roseau se fonde, Oyez-nous cette fois. O I que Ton voit souvent La gloire humaine imiter la fleurette, Au poind du jour joyeuse et vermeillette, Au soir cuite du vent. Qui sur tous s'elevoit Comme un sapin sur les basses bruyeres, . FRENCH LYRICS Dedans le trone ou tu le vis nagueres La plus il ne se voit. Ton regard est bien clair S'il peut de lui remarquer quelque trace, Le lustre humain comme un songe s'efface, Passe comme un eclair. Penses-tu rien trouver Que le destin n'altere d'heure en heure ? Bien que le ciel ferme en son cours demeure Sa fin doit arriver. Le sceptre des grands rois Est plus sujet aux coups de la fortune Qu'aux vents mutins les ondes de Neptune, Aux foudres les hauts bois. Cessons, pauvres humains, De concevoir tant d'espe'rances vaines, Puisque aussitot les grandeurs plus certaines Tombent hors de nos mains. XXIII The two following poems are among the most famous productions of the whole Ronsardist tradition. The author, Jean Passerat, was a contributor to the Satire Menippee, and a man of wide culture. ODE DU PREMIER JOUR DE MAI Laissons le lit et le sommeil, Ceste journee : Pour nous, TAurore au front vermeil Est desja nee. Or, que le ciel est le plus gay, En ce gracieus mois de May, Aimons, mignonne ; Contentons nostre ardent desk* : En ce monde n'a du plaisir Qui ne s'en donne. FRENCH LYRICS Viens, belle, viens te pourmener Dans ce bocage, Entens les oiseaus jargonner De leur ramage. Mais escoute comme sur tous, Le rossignol est le plus dous, Sans qu'il se lasse. Oublions tout deuil, tout ennuy, Pour nous resjouyr comme luy : Le temps se passe. Ce vieillard contraire aus amans, Des aisles porte, Et en fuyant nos meilleurs ans, Bien loing amporte. Quand ridee un jour tu seras, Melancholique, tu diras : J'estoy peu sage, Qui n'usoy point de la beaute Que si tost le temps a oste De mon visage. Laissons ce regret et ce pleur A la vieillesse ; Jeunes, il faut cueillir la fleur De la jeunesse. JEAN PASSE RAT 113 Or que le ciel est le plus gay £n ce gracieus mois de May, Aimons, mignonne ; Contentons nostre ardent desir ; En ce raonde n'a du plaisir Qui ne s'en donne. H4 FRENCH LYRICS VILLANELLE J'ai perdu ma tourterelle; Est-ce point celle que j'oy? Je veux aller apres elle. Tu regrettes ta femelle, Helas! aussi fais-je moi, J'ai perdu ma t©urterelle. Si ton amour est fidelle, Aussi est ferme ma foy; Je veux aller apres elle. Ta plainte se renouvelle, Toujours plaindre je me doy; J'ai perdu ma tourterelle. En ne voyant plus la belle, Plus rien de beau je ne voy; Je veux aller apres elle. Mort, que tant de fois j'appelle, Piends ce qui se donne a toy! J'ai perdu ma tourterelle ; Je veux aller apres elle. XXIV Gilles Duraxt was, like Passerat, one of the Menippee group, who played so important a part in political literature. These charming verses complete, in a manner not very- common, the presentment of his character obtainable from the satire of the Ane Ligueur. LE SOULCY J'aime la belle violette, L'ceillet et la pensee aussi, J'aime la rose vermeillette, Mais surtout j'aime le soulcy. Belle fleur, jadis amoureuse Du Dieu qui nous donne le jour, Te dois-je noramer malheureuse, Ou trop constante en ton amour? Ce Dieu qui en fleur t'a changee, N'a point change ta volonte: n6 FRENCH LYRICS Encor, belle fleur orangee, Sens-tu Teffed de sa beaute ? Toujours ta face languissante Aux rais de son ceil s'espanist, Et quand sa lumiere s'absente, Soudain la tienne se ternist. Je t'aime, soulcy miserable, Je t'aime, malheureuse fleur, D'autant plus que tu m'es semblable Et en Constance et en malheur. J'aime la belle violette, L'ceillet et la pensee aussi ; J'aime la rose vermeillette, « Mais surtout j'aime le soulcy. XXV Mathurin* Regnier was the last and, in some respe<5ts, the greatest of the followers of Ronsard. His chief work is satirical; but his lyrics have a strange note of truth and poetry. ODE Jamais ne pouray-je bannir Hors de moy Fingrat souvenir De ma gloire si-tost passee ? Toujours pour nourrir mon soucy, Amour, cet enfant sans mercy, L'offrira-t-il a ma pensee I Tyran implacable des coeurs, De combien d'ameres langueurs As-tu touche ma fantaisie ! De quels maux m'as-tu tourmente! Et dans mon esprit agite Que n'a point fait la jalousie I ii 3 FRENCH LYRICS Mes yeux, aux pleurs accoutumez, Du sommeil n'estoient plus fermez ; Mon coeur fremissoit souz la peine : A veu d'oeil mon tient jaunissoit ; Et ma bouche qui gemissoit, Des soupirs estoit tousjours pleine. Aux caprices abandonne, J'errois d'un esprit forcene, La raison cedant a la rage : Mes sens, des desirs emportez, Flottoient, confus, de tous costez, Comme un vaisseau parmy Forage. Blasphemant la terre et les cieux, Mesmes je m'estois odieux, Tant la fureur troubloit mon ame : Et bien que mon sang amasse Autour de mon coeur fust glace, Mes propos n'estoient que de flame. Pensif, frenetique et resvant, L'esprit trouble, la teste au vent, L*oeil hagard, le visage blesme, Tu me fis tous maux esprouver ; Et sans jamais me retrouver, Je m'allois cherchant en moy-mesme. MATHURIN REGXIER 119 Cependant lors que je voulois, Par raison enfraindre tes loix, Rendant ma flame refroidie, Pleurant, j'accusay ma raison Et trouvay que la guerison Est pi re que la maladie. Un regret pensif et confus D'avoir este, et n'estre plus, Rend mon ame aux douleurs ouverte; A mes despens, las ! je vois bien Qu'un bonheur comme estoit le mien Ne se cognoist que par la perte. II XXVI Francois de Malherbe set himself to destroy the tradi- tion of the Pleiade, and succeeded. His own work is correct, elegant, but for the most part cold. The piece here given is however, of its kind, one of the best in French. CONSOLATION A MONSIEUR DU PER1ER Ta douleur, Du Perier, sera done eternelle? Et les tristes discours Que te met en l'esprit Famine paternelle L'augmenteront toujours? Le malheur de ta fille, au tombeau descendue Par un commun trepas, Est-ce quelque dedale ou ta raison perdue Ne se retrouve pas? Je sais de quels appas son enfance etoit pleine, Et n'ai pas entrepris, Injurieux ami, de soulager ta peine Avecque son mepris. FRAXgOIS DE MALHERBE 121 Mais elle etoit du monde, ou les plus belles chose Ont le pire destin ; Et, rose, elle a vecu ce que vivent les roses, L'espace d'un matin. Puis quand seroit que, selon ta priere, Elle auroit obtenu D'avoir en cheveux blancs termine sa carriere, Qu'en fut-il advenu? Penses-tu que, plus vieille, en la maison celeste Elle eut eu plus d'accueil, Ou qu'elle eut moins senti la poussiere funeste Et les vers du cercueil? Non, non, mon Du Perier: aussitot que la Parque Ote l'ame du corps, L'age s'evanouit au deca de la barque, Et ne quit point les morts. Tithon n'a plus les ans qui le firent cicale, Et Pluton aujourd'hui, Sans egard du passe, les merites egale D'Archemore et de lui. Ne te lasse done plus d'inutiles complaintes ; Mais, sage a l'avenir, Aime une ombre comme ombre, et des cendres eteintes Eteins le souvenir. FRENCH LYRICS C'est bien, je le confesse, une juste coutume, Que le coeur afflige, Par le canal des yeux vidant son amertume, Cherche d'etre allege. Meme quand il advient que la tombe separe Ce que nature a joint, Celui qui ne s'emeut a 1'ame d'un barbare, Ou n'en a du tout point. Mais d'etre inconsolable, et dedans sa memoire Enfermer un ennui, N'est-ce pas se hair pour acquerir la gloire De bien aimer autrui? Priam, qui vit ses fils abattus par Achille, Denue de support Et hors de tout espoir du salut de sa ville, Recut du reconfort. Francois, quand la Castille, inegale a ses armes, Lui vola son Dauphin, Sembla d'un si grand coup devoir jeter des larmes Qui n'eussent point de fin. II les secha pourtant, et comme un autre Alcide Contre fortune instruit, Fit qu'a ses ennemis d'un acle si perfide La honte fut le fruit. FRAXgOIS DE MALHERBE 123 Leur camp, qui la Durance avoit presque tarie De bataillons epais, Entendant sa Constance eut peur de sa furie, Et demanda la paix. De moi, deja deux fois d'une pareille foudre Je me suis vu perclus, Et deux fois la raison m'a si bien fait resoudre Qu'il ne m'en souvient plus. Non qu'il ne me soit grief que la terre possede Ce qui me fut si cher ; Mais en un accident qui n'a point de remede, II n'en faut point chercher. La mort a des rigueurs a nulle autre pareilles ; On a beau la prier, La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles, Et nous laisse crier. Le pauvre en sa cabane, ou le chaume le couvre, Est sujet a ses lois ; Et la garde qui veille aux barrieres du Louvre N'en defend point nos rois. De murmurer contre elle et perdre patience II est mal a propos ; Vouloir ce que Dieu veut est la seule science Qui nous met en repos. XXVII Theophiee de Viaud, a man of irregular life and not favoured by fortune, preserved in the dawn of the Classical period much of the fire and rugged force of the sixteenth century. STANCES Quand tu me vois baiser tes bras, Que tu poses nuds sur tes draps, Bien plus blancs que le linge mesme ; Quand tu sens ma bruslante main Se pourmener dessus ton sein, Tu sens bien, Cloris, que je t'ayme. Comme un devot devers les cieux, Mes yeux tournez devers tes yeux, A genoux aupres de ta couche, Presse de mille ardens d£sirs, Je laisse sans ouvrir ma bouche Avec toy dormir mes plaisirs. THtOPHILE 125 Le sommeil, aise de t'avoir, Empesche tes yeux de me voir Et te retient dans son empire Avec si peu de liberte Que ton esprit tout arreste Ne murmure ny ne respire. La rose en rendant son odeur, Le soleil donnant son ardeur, Diane et le char qui la traine, Une Naiade dedans l'eau, Et les Graces dans un tableau, Font plus de bruicl; que ton haleine. La, je souspire aupres de toy, Et, considerant comme quoy Ton ceil si doucement repose, Je m'ecrie : O ciel ! peux-tu bien Tirer d'une si belle chose Un si cruel mal que le mien 1 XXVIII The reforms of Malherbe and others having greatly im- poverished and restri&ed French lyric of the higher class, bacchanalian poetry became a refuge of those who disliked the restrictions of mere taste. Of these St. Amand was the most remarkable. THE ORGIE Nous perdons le temps a rimer, Amis, il ne faut plus chommer; Voicy Bacchus qui nous convie A mener bien une autre vie; Nargue du Parnasse et des Muses, Elles sont vieilles et camuses; Nargue de leur sacre ruisseau, De leur archet, de leur pinceau, Et de leur verve poetique, Qui n'est qu'une ardeur frenetique. Pegase enfin n'est qu'un cheval, Et pour moy je croy, cher Laval, ST. AM AND 127 Que qui le suit et luy fait feste Ke suit et n'est rien qu'une beste. Morbleu I comme il pleut la dehors I Faisons pleuvoir dans nostre corps Du vin, tu l'entens sans le dire, Et c'est la le vray mot pour rire; Chantons, rions, menons du bruit, Beuvons icy toute la nuit, Taut que demain la belle Aurore Nous trouve tous a table encore. Loing de nous - sommeil et repos ; Boissat, lors que nos pauvres os Seront enfermez dans la tombe Par la mort, sous qui tout succombe, Et qui nous poursuit au galop, Las! nous ne dormirons que trop. Prenons de ce doux jus de vigne ; Je voy Faret qui se rend digne De porter ce dieu dans son sein, Et j'approuve fort son dessein. Bacchus! qui vois nostre desbauche, Par ton sainft portrait que j'esbauche En m'enluminant le museau De ce trait que je boy sans eau ; Par ta courronne de lierre, 128 FRENCH LYRICS Par la splendeur de ce grand verre, Par ton thirse tant redoute, Par ton eternelle sante, Par l'honneur de tes belles festes, Par tes innombrables conquestes, Par les coups non donnez, mais bus, Par tes glorieux attribus, Par les hurlemens des menades, Per le haut goust des carbonnades, Par tes couleurs blanc et clairet, Par le plus fameux cabaret, Par le doux chant de tes orgyes, Par l'esclat des trognes rougies, Par table ouverte a tout venant, Par le ban caresme prenant, Par les fins mots de ta cabale, Par le tambour et la cymbale, Par tes cloches qui sont des pots, Par tes soupirs qui sont des rots, Par tes hauts et sacres mysteres, Par tes furieuses pantheres, Par ce lieu si frais et si doux, Par ton boucq paillard comme nous, Par ta grosse garce Ariane, Par le vieillard monte sur l'asne, SAINT-AMJND Par les Satyres tes cousins, Par la fleur des plus beaux raisins, Par ces bisques si renommees, Par ces langues de bceuf fumees, Par ce tabac, ton seul encens, Par tous les plaisirs innocens, Par ce jambon couvert d'espice, Par ce long pendant de saucisse, Par la majeste de ce broc, Par masse, toppe, eric et croc, Par cette olive que je mange, Par ce gay passe-port d'orange, Par ce vieux fromage pourry, Bref, par Gillot, ton favory, Recoy-nous dans l'heureuse trouppe, Ces francs chevaliers de la couppe, Et, pour te montrer tout divin, Ne la laisse iamais sans vin. 129 XXIX J. B. Rousseau possessed a fine lyrical talent which the standards of his day hardly permitted him to exhibit. His epigrams were remarkable; the (chiefly religious) odes and cantiques which he wrote were, perhaps, more remarkable still. PARAPHRASE OF HEZEKIAH'S SONG OF THANKSGIVING J'ai vu mes tristes journees Decliner vers leur penchant ; Au midi de mes annees Je touchais a mon couchant. La mort, deployant ses ailes, Couvrait d'ombres eternelles La clarte dont je jouis ; Et dans cette nuit funeste Je cherchais, en vain, le reste De mes jours evanouis. /. B. ROUSSEAU 131 Grand Dieu, votre main reclame Les dons que j'en ai recus ; Elle vient couper la trame Des jours qu'elle m'a tissus. Mon dernier soleil se leve, Et votre souffle m'enleve De la terre des vivants, Comme la feuille sechee Qui, de sa tige arrachee, Devient le jouet des vents. Comme un tigre impitoyable, Le mal a brise mes os ; Et sa rage insatiable Ne me laisse aucun repos. Viclime faible et tremblante A cette image sanglante, Je soupire nuit et jour ; Et, dans ma crainte mortelle, Je suis comme l'hirondelle Sous les griffes du vautour. Ainsi de cris et d'alarmes Mon mal semblait se nourrir ; Et mes yeux, noyes de larmes, Etaient lasses de s'ouvrir. 132 FRENCH LYRICS Je disais a la nuit sombre : O nuit, tu vas dans ton ombre M'ensevelir pour toujours I Je redisais a l'aurore : Le jour que tu fais eclore Est le dernier de mes jours ! Mon ame est dans les tenebres, Mes sens sont glaces d'effroi : Ecoutez mes cris funebres, Dieu juste, repondez-moi. Mais enfin sa main propice A comble le precipice Qui s'entr'ouvrait sous mes pas : Son secours me fortifie, Et me fait trouver la vie Dans les horreurs du trepas. Seigneur, il faut que la terre Connaisse en moi vos bienfaits. Vous ne m'avez fait la guerre Que pour me donner la paix. Heureux rhomme a qui la grace Depart ce don efficace Puise dans ses saints tresors ; /. B. ROUSSEAU i?3 Et qui, rallumant sa flamme, Trouve la sante de Tame Dans les souffrances du corps I C'est pour sauver la memoire De vos immortels secours ; C'est pour vous, pour votre gloire, Que vous prolongez nos jours. Non, non, vos bontes sacrees Ne seront point celebrees Dans l'horreur des monuments ; La mort aveugle et muette Ne sera point l'interprete De vos saints commandements. Mais ceux qui de sa menace, Comme moi, sont rachetes, Annonceront a leur race Vos celestes verites. J'irai, Seigneur, dans vos temples Rechauffer par mes exemples Les mortels les plus glaces Et, vous offrant mon hommage, Leur montrer l'unique usage Des jours que vous leur laissez. XXX Panard was an eighteenth century St. Amand, and a man of the most amiable personal character. The variety and art of his rhythms light up a period in which true lyric accom- plishment was nearly impossible. CHAMPAGNE j'ai toujours, Bacchus, Celebre ton jus, N'en perdons pas la coutume ; Seconde moi, Que peut, sans toi, Ma plume ? Coule a longs traits Dans mon epais Volume. Viens, mon cher patron, Sois mon Apollon, Viens, mon cher ami ! Que j' t'hume 1 : PAXARD 135 Grace a la liqueur Qui lave mon cceur, Nul souci ne me consume. De ce vin gris Que je cheris L'ecume ! Lorsque j*en boi Quel feu chez moi S'allume ? Nectar enchanteur, Tu fais mon bonheur, Viens, mon cher ami ! Que j' t'hume I Champagne divin, Du plus noir chagrin Tu dissipes l'amertume. Tu sais murir, Tu sais guerir Le rhume. Quel gout flatteur Ta douce odeur Parfume ! Pour tant de bienfaits Et pour tant d'attraits Viens, mon cher ami ! Que j' t'hume ! 1 36. FRENCH LYRICS THE TWO LOVES Jaime Bacchus, j'aime Manon, Tous deux partagent ma tendresse ; Tous deux ont trouble ma raison Par une aimable et douce ivresse. Ah ! qu'elle est belle! Ah ! qu'il est bon I C'est le refrain de ma chanson. Quand le vin coule dans mon coeur Et que ma mignonne est presente, Je ressens une vive ardeur Et dans un doux transport je chante, Ah ! etc. Nanette, en me brulant d'amour, Me rend le vin plus agreable ; Le vin, par un juste retour, La rend a mes yeux plus aimable. Ah ! etc. En partageant ainsi mes voeux, Mon coeur en est plus a son aise ; Quand il me manque Tun des deux, L'autre me soulage et m'appaise. Ah 1 etc. PAXARD 137 De Manon si j'avais le cceur, Lui seul pourroit me satisfaire, Mais ses refus ou sa rigueur Me rendent le vin necessaire. Ah! etc. Des maux qu'elle me fait souffrir C'est ce neclar qui me delivre. Vingt fois elle m'a fait mourir, Vingt fois Bacchus m'a fait revivre I Ah ! etc. I XXXI Parny is the chief representative of the artificial poetry of the later eighteenth century. After producing much work, excellent in its way, in his youth, he descended to burlesque writing of a very unworthy kind during the Republic and the Empire. VERS SUR LA MORT D'UNE JEUNE FILLE Son age echappait a l'enfance ; Riante comme l'innocence, Elle avait les traits de l'amour. Quelques mois, quelques jours encore, Dans ce cceur pur et sans detour Le sentiment allait eclore. Mais le Ciel avait au trepas Condamne ses jeunes appas. Au Ciel elle a rendu sa vie, Et doucemcnt s'est endormie PARNY 139 Sans murmurer contre ses lois. Ainsi le sourire s'efTace ; Ainsi meurt, sans laisser de trace, Le chant d'un oiseau dans les bois. XXXII The following poem is hardly to be missed in any collec- tion of French verse. Gilbert has been called the French Chatterton, but .his distress has been doubted. He chiefly resembled his English counterpart in the indocility and arrogance of his temperament. This elegy, however (inspired probably by J. B. Rousseau) has sincerity and pathos. ODE AFTER SEVERAL PSALMS J'ai revele mon cceur au Dieu de Tinnocence ; II a vu mes pleurs penitents : II guerit mes remords, il m'arme de Constance ; Les malheureux sont ses enfants. Mes ennemis, riant, out dit dans leur colere : Qu'il meure et sa gloire avec lui ! Mais a mon cceur calme le Seigneur dit en pere : Leur haine sera ton appui. GILBERT 141 A tes plus chers amis ils ont prete leur rage : Tout trompe ta simplicity ; Celui que tu nourris court vendre ton image Noire de sa mechancete. Mais Dieu t'entend gemir ; Dieu, vers qui te ramene Un vrai remords ne des douleurs ; Dieu qui pardonne, enfin, a la nature humaine D'etre faible dans les malheurs. * J'eveillerai pour toi la pitie, la justice De l'incorruptible avenir. Eux-meme epureront, par un long artifice, Ton honneur qu'ils pensent ternir." Soyez beni, mon Dieu, vous qui daignez me rendre L'innocence et son noble orgueil ; Vous qui, pour proteger le repos de ma cendre, Veillerez pres de mon cercueil ! Au banquet de la vie, infortune convive, J'apparus un jour, et je meurs ! Je meurs, et sur ma tombe, ou lentement j'arrive, Nul ne viendra verser des pleurs. Salut, champs que j'aimais, et vous, douce verdure, Et vous, riant exil des bois ! i 4 2 FRENCH LYRICS Ciel, pavilion de l'homme, admirable nature, Salut pour la derniere fois ! All ! puissent voir longtemps votre beaute sacrce Tant d'amis sourds a mes adieux ! Qu'ils meurent pleins de jours, queleur mort soit pleuree, Qu'uii ami leur ferme les yeux! XXXIII Andre Chenier, had he been born forty years later, would probably have been one of the greatest poets of France. His work, as it is, has a stamp of its own. It is as Greek as anything in the eighteenth century could be. The greater part of it is in Alexandrines, but his lyric measures are excellent. LA JEUNE CAPTIVE " L'epi naissant murit de la faux respede ; Sans crainte du pressoir, le pampre tout l'ete Boit les doux presents de l'aurore ; Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui, Quoique l'heure presente ait de trouble et d'ennui Je ne veux point mourir encore. " Qu'un sto'fque aux yeux sees vole embrasser la mort, Moi je pleure et j'espere ; au noir souffle du nord Je plie et releve la tete. 144 FRENCH LYRICS S'il est des jours amers, il en est de si doux ! Helas ! Quel miel jamais n'a laisse de degouts ? Quelle mer n'a point de tempete ? " "L'illusion feconde habite dans mon sein. D'un prison sur moi les murs pesent en vain, J'ai les ailes de l'esperance : £chappee aux reseaux de l'oiseleur cruel, Plus vive, plus heureuse, aux campagnes du ciel Philomele chante et s'elance. " Est-ce a moi de mourir? Tranquille je m'endors, Et tranquille je veille, et ma veille aux remords Ni mon sommeil ne sont en proie. Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux ; Sur des fronts abattus, mon aspect dans ces lieux Ranime presque de la joie. " Mon beau voyage encore est si loin de sa fin ! Je pars, et des ormeaux qui bordent le chemin J'ai passe les premiers a peine* Au banquet dela vie a peine commence, Un instant seulement mes lcvres ont presse La coupe en mes mains encor pleine. AXDRE CHEXIER 145 " Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson ; Et comme le soleil, de saison en saison, Je veux achever mon annee. Brillante sur ma tige et l'honnfeur du jardin, Je n'ai vu luire encor que les feux du matin, Je veux achever ma journee. " O Mort ! tu peux attendre ; eloigne, eloigne-toi ; Va consoler les cceurs que la honte, TefFroi, Le pale desespoir devore. Pour moi Pales encore a des asiles verts, Les Amours des baisers, les Muses des concerts ; Je ne veux point mourir encore." Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois S'eveillait, ecoutant ces plaintes, cette voix, Ces vceux d'une jeune captive ; Et secouant le faix de mes jours languissants, Aux douces lois des vers je pliais les accents De sa bouche aimable et naivel Ces chants de ma prison, temoins harmonieux, Feront a quelque amant des loisirs studieux Chercher quelle fut cette belle : La grace decorait son front et ses discours, Et, comme elle, craindront de voir finir leurs jours Ceux qui les passeront pres d'elle. 146 FRENCH LYRICS FALSE FRIENDS Quand au mouton belant la sombre boucherie Ouvre ses cavernes de mort, Patres, chiens et mouton s, toute la bergerie Ne s'informe plus de son sort. Les enfants qui suivaient ses ebats dans la plaine, Les vierges aux belles couleurs Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine Entrelagaient rubans et fleurs, Sans plus penser a lui, le mangent s'il est tendre. Dans cet abime enseveli J'ai le raeme dcstin. Je m'y devais attendre. Accoutumons-nous a l'oubli. Oublies comme moi dans cet affreux repaire, Mille autres moutons, comme moi, Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire, Scront scrvis au pcuple-roi. Que pouvaient mcs amis ? Oui, de leur main cherie Un mot a travcrs ces barrcaux Eut verse quclque baume en mon ame flctrie ; De Tor peut-etre a mes bourrcaux... Mais tout est precipice, lis ont cu droit de vivre. Vivez, amis ; vivcz contents. AXDRE CHEXIER i A7 En depit de... soyez lents a me suivre. Peut-etre en de plus heureux temps J'ai moi-meme, a l'asped des pleurs de 1'infortune, Detourne mes regards distraits ; A mon tour aujourd'hui ; mon malheur importune : Vivez, amis ; vivez en paix. 148 FREXCH LYRICS NOVISSIMA VERBA Comme un dernier rayon, corame un dernier zephire Animent la fin d'un beau jour, Au pied de l'echafaud j'essaye encor ma lyre : Peut-etre est-ce bientot mon tour. Peut-etre avant que l'heure en cercle promcnee Ait pose sur Temail brillant, Dans les soixante pas oii sa route est bornee, Son pied sonore et vigilant, Le sommeil du tombeau pressera ma paupiere. Avant que de ses deux moities Ce vers que je commence ait atteint la derniere. Peut-etre en ces murs effrayes Le messager de mort, noir recruteur des ombres, Escorte d'infames soldats, Emplissant de mon nom ces longs corridors sombres, Ou seul, dans la foule a grands pas J'erre, aiguisant ces dards persecuteurs de crime, Du juste trop faibles soutiens, Sur mes levres soudain va suspendre la rime ; Et, chargeant mes bras de liens, Me trainer, amassant en foule a mon passage Mes tristes compagnons reclus AXDRE CHEXIER 149 Qui me connaissaient tous avant l'affreux message, Mais qui ne me connaissent plus. Eh bien ! J'ai trop vecu. Quelle franchise auguste, De male consfcince et d'honneur, Quels exemples sacres doux a l'ame du juste, Pour lui quelle ombre de bonheur, Quelle Themis terrible aux tetes criminelles, Quels pleurs d'une noble pitie, Des antiques bienfaits quels souvenirs fideles, Quels beaux echanges d'amitie, Font digne de regrets l'habitacle des hommes ? La peur bleme et louche est leur dieu, La bassesse, la feinte. Ah ! laches que nous sommes ! Tous, oui, tous. Adieu, terre, adieu. Vienne, vienne la mort ! Que la mort me delivre ! . . . Ainsi done, mon cceur abattu Cede au poids de ses maux ! — Non, non, puisse-je vivre ! Ma vie importe a la vertu. Car l'honnete homme enfin, victime de l'outrage, Dans les cachots, pres du cercueil, Releve plus altiers son front et son langage, Brillant d'un genereux orgueil. S'il est ecrit aux cieux que jamais une epee N'etinceliera dans mes mains : Dans Tencre et Tamertume une autre arme trempee Peut encor servir les humains. FRENCH LYRICS Justice, verite, si ma main, si ma bouche, Si mes pensers les plus secrets Ne froncerent jamais votre sourcil farouche, Et si les infames progres, Si la risee atroce, ou, plus atroce injure, L'encens de hideux scelerats, Ont penetre vos cceurs d'une longue blessure, Sauvez-moi. Conservez un bras Qui lance votre foudre, un amant qui vous venge. Mourir sans vider mon carquois ! Sans percer, sans fouler, sans petrir dans leur fange Ces bourreaux barbouilleurs de lois 1 Ces vers cadavereux de la France asservie, Egorgee 1 O mon cher tresor, O ma plume, fiel, bile, horreur, dieux de ma vie 1 Par vous seuls je respire encor : Comme la poix brulante agitee en ses veines RessusciLe en flambeau mourant. Je soufTre ; mais je vis. Par vous, loin de mes peines, D'esperance un vaste torrent Me transporte. Sans vous, comme un poison livide, L'invincible dent du chagrin, Mes amis opprimes, du menteur homicide Les succes, le sceptre d'airain, Dcs bons proscrits par lui, la mort ou la ruine, L'opprobre de subir sa loi, AXDRE CHEKIER 151 Tout eut tari ma vie, ou contre ma poitrine Dirige mon poignard. Mais quoi I Nul ne resterait done pour attendrir l'histoire Sur tant de justes massacres ! Pour consoler leurs fils, leurs veuves, leur memoire ! Pour que des brigands abhorres Fremissent aux portraits noirs de leur ressemblance, Pour descendre jusqu'aux enfers Nouer le triple fouet, le fouet de la vengeance Deja leve sur ces pervers ! Pour cracher sur leurs noms, pour chanter leur supplice ! . . . Allons, etouffe tes clameurs ; Souffre, O cceur gros de haine, affame de justice. Toi, vertu, pleure si je meurs. 13 XXXIV Desa.ugiers, the immediate predecessor of Beranger, set him the example of restraining the license of the usual French chansonnier in a very considerable degree. He has, however, himself still much of St..Amand and Panard. MORALITH Enfants de la folie, Chantons ; Sur les maux de la vie Glissons ; Plaisir jamais ne coute De pleurs ; 11 seme notre route De fleurs. Oui, portons son dclire Partout. Le bonheur est de rire De tout ; DESAUGIERS 153 Pour etre aime dcs belles, Aimons ; Un beau jour changent-elles, Changeons. Deja l'hiver de l'age Accourt j Profitons d'un passage Si court ; L'avenir peut-il etre Certain ? Nous finirons peut-etre Demain. XXXV Beranger's work was till recently the only French poetry much relished in England. Its rivals have not diminished its power of attracting. LE ROI D'YVETOT II etait un roi d'Yvetot Peu connu dans l'histoire, Se levant tard, se couchant tot, Dormant fort bien sans gloire, Et couronne par Jeanncton D'un simple bonnet de coton, Dit-on. Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah! Quel bon petit roi c'etait la ! La, la. II faisait ses quatre repas Dans son palais de chaume, BERANGER is 5 Et sur un ane, pas a pas, Parcourait son royaume. Joyeux, simple et croyant le bien, Pour toute garde il n'avait rien Qu'un ehien. Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah! Quel bon petit roi c'etait la 1 La, la. II n'avait de gout onereux Qu'une soif un peu vive ; Mais, en rendant son peuple heureux, II faut bien qu'un roi vive. Lui-meme, a table, et sans suppot, Sur chaque muid levait un pot D'impot. Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah! Quel bon petit roi c'etait la ! La, la. Aux filles de bonnes maisbns Comme il avait su plaire, Ses sujets avaient cent raisons De le nommer leur pere. D'ailleurs, il ne levait de ban Que pour tirer, quatre fois Tan, Au blanc. 156 FRENCH LYRICS Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah Quel bon petit roi c'etait la I La, la. II n'agrandit point ses Etats, Fut un voisin commode, Et, modele des potentats, Prit le plaisir pour code. Ce n'est que lorsqu'il expira Que le peuple, qui l'enterra, Pleura. Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah ! Quel bon petit roi c'etait la ! La, la. On conserve encor le portrait De ce digne et bon prince : C'est l'enseigne d'un cabaret Fameux dans la province. Les jours de fete, bien souvent, La foule s'ecrie en buvant Devant : Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah 1 ah ! Quel bon petit roi c'etait la ! La, la. BERAXGER 157 LE GRENIER Je viens revoir l'asile ou ma jeunesse De la misere a subi les lecons. J'avais vingt ans, une folle maitresse, De francs amis et l'amour des chansons. Bravant le monde et les sots et les sages, Sans avenir, riche de mon printemps, Leste et joyeux, je montais six etages. Dans un grenier qu'on est bien a vingt ans ! C'est un grenier, point ne veux qu'on l'ignore. La fut mon lit, bien chetif et bien dur ; La fut ma table ; et je retrouve encore Trois pieds d'un vers charbonnes sur le mur. Apparaissez, plaisirs de mon bel age, Que d'un coup d'aile a fustiges le temps ; Vingt fois pour vous j'ai mis ma montre en gage. Dans un grenier qu'on est bien a vingt ans ! Lisette ici doit surtout apparaitre, Vive, jolie, avec un frais chapeau, Deja sa main a l'etroite fenetre Suspend son chale en guise de rideau. FRENCH LYRICS Sa robe aussi va parer ma couchette ; Respecte, Amour, ses plis longs et flottants. J'ai su depuis qui payait sa toilette. Dans un grenier qu'on est bien a vingt ans ! A table un jour, jour de grande richesse, De mes amis les voix brillaient en chceur, Quand jusqu'ici monte un cri d'allegresse : A Marengo Bonaparte est vainqueur ! Le canon gronde, un autre chant commence Nous celebrons tant de faits tclatants. Les rois jamais n'envahiront la France. Dans un grenier qu'on est bien a vingt ans ! Quittons ce toit ou ma raison s'enivre. Oh ! qu'ils sont loin, ces jours si regrettes I J'echangerais ce qui me reste a vivre Contre un des mois qu'ici Dieu m'a comptes. Pour rever gloire, amour, plaisir, folie, Pour depenser sa vie en peu d'instants, D'un long espoir pour la voir embellie, Dans un grenier qu'on est bien a vingt ans ! BERAXGER 159 LES FOUS Vieux soldats de plomb que nous sommes, Au cordeau nous alignant tous, Si des rangs sortent quelques hommes, Tous nous crions : A bas les fous ! On les persecute, on les tue, Sauf, apres un lent examen, A leur dresser une statue Pour la gloire du genre humain. Combien de temps une pensee, Vierge obscure, attend son epoux I Les sots la traitent d'insensee ; Le sage lui dit : Cachez-vous. Mais, la rencontrant loin du monde, Un fou qui croit au lendemain L'epouse ; elle devient feconde Pour le bonheur du genre humain. J'ai vu Saint-Simon le prophete, Riche d'abord, puis endette, Qui des fondements jusqu'au faite Refaisait la societe. 160 FRENCH LYRICS Plein de son oeuvre commencee, Vieux, pour elle il tendait la main, Sur qu'il embrassait la pensee Qui doit sauver le genre humain. Fourier nous dit : Sors de la fange, Peuple en proie aux deceptions. Travaille, groupe par phalange, Dans un cercle d'attractions. La terre, apres tant de desastres, Forme avec le ciel un hymen, Ft la loi qui regit les astres Donne la paix au genre humain 1 Enfantin affranchit la femme, L'appelle a partager nos droits. Fi ! dites-vous ; sous Fepigramme Ces fous reveurs tombcnt tous trois. Messieurs, lorsqu'en vain notre sphere Du bonheur cherche le chemin, Honneur au fou qui ferait faire Un reve heureux au genre humain ! Qui decouvrit un nouveau monde ? Un fou qu'on raillait en tout lieu. BERANGER 161 Sur la croix que son sang inonde Un fou qui meurt nous legue un Dieu. Si demain, oubliant d'eclore, Le jour manquait, eh bien ! demain Quelque fou trouverait encore Un flambeau pour le genre humain. 162 FRENCH LYRICS LES ETOILES QJJI FILENT Berger, tu dis que notre etoile Regie nos jours et brille aux cieux. — Oui, mon enfant ; mais dans son voile La nuit la derobe a nos yeux, — Berger, sur cet azur tranquille De lire on te croit le secret : Quelle est cette etoile qui file, Qui file, file, et disparait ? — Mon enfant, un mortel expire ; Son etoile tombe a l'instant. Entre amis que la joie inspire, Celui-ci buvait en chantant. Heureux, il s'endort immobile Aupres du vin qu'il celebrait. — Encore uiie etoile qui file, Qui file, file, et disparait. — Mon enfant, qu'elle est pure et belle ! C'est celle d'un objet charmant : Fille heureuse, amante fidele, On l'accorde au plus tendre amant. BERAXGER 163 Des fleurs ceignent son front nubile, Et de Thymen l'autel est pret... — Encore une etoile qui file, Qui file, file, et disparait. — Mon fils, c'est l'etoile rapide D'un tres-grand seigneur nouveau-ne. Le berceau qu'il a laisse vide D'or et de pourpre etait orne. Des poisons qu'un flatteur distille C'etait a qui le nourrirait... — Encore une etoile qui file, Qui file, file, et disparait. — Mon enfant, quel eclair sinistrel 1 C'etait l'astre d'un favori, Qui se croyait un grand ministre Quand de nos maux il avait ri. Ceux qui servaient ce dieu fragile Ont deja cache son portrait... — Encore une etoile qui file, Qui file, file, et disparait. — Mon fils, quels pleurs seront les notres 1 D'un riche nous perdons l'appui 164 FRENCH LYRICS L'indigence glane chez d'autres, Mais die moissonnait chez lui. Ce soir meme, sur d'un asile, A son toit le pauvre accourait... — Encore une etoile qui file, Qui file, file, et disparait. — C'est celle d'un puissant monarquel. Va, mon fils, garde ta candeur, Et que ton etoile ne marque Par l'eclat ni par la grandeur. Si tu brillais sans etre utile, A ton dernier jour on dirait : Ce n'est qu'une etoile qui file, Qui file, file, et disparait. XXXVI Madame Desbordes Valmore is beyond doubt the best of French poetesses since Louise Labe. The following piece has a certain conventionality, but its truth and sweetness more than save it. STL L'AVAIT SU S'il avait su quelle ame il a blessee, Larmes du cceur, s'il avait pu vous voir, Ah ! -si ce cceur, trop plein de sa pensee, De l'exprimer eut garde le pouvoir, Changer ainsi n'eut pas ete possible ; Fier de nourrir l'espoir qu'il a decu, A tant d'amour il eut ete sensible, S'il l'avait su. S'il avait su tout ce qu'on peut attendre D'une ame simple, ardente et sans detour, II eut voulu la mienne pour l'entendre. Comme il l'inspire, il eut connu l'amour. 166 FRENCH LYRICS Mes yeux baisses recelaient cette flamme ; Dans leur pudeur n'a-t-il rien aper^u r Un tel secret valait toute son ame, S'il avait su. Si j'avais su, moi-meme, a quel empire On s'abandonne en regardant ses yeux, Sans le chercher comme Tair qu'on respire J'aurais porte mes jours sous d'autres cieux. II est trop tard pour renouer ma vie ; Ma vie etait un doux espoir de$u : Diras-tu pas, toi qui me Tas ravie, Si j'avais su r XXXVII Millevoye's " Chute des Feuilles," which follows, has been called not unhappily " La Marseillaise des Melanco- liques." His other poetical work is never likely to be gene- rally read. LA CHUTE DES FEUILLES De la depouille de nos bois L'automne avait jonche la terre ; Le bocage etait sans mystere, Le rossignol etait sans voix. Triste et mourant, a son aurore, Un jeune malade, a pas lents, Parcourait une fois encore Le bois cher a ses premiers ans. Bois que j'aime, adieu ! Je succombe. Votre deuil a predit mon sort, Et dans chaque feuille qui tombe Je lis un presage de mort. 14 168 FRENCH LYRICS Fatal oracle d'Epidaure, Tu m'as dit : Les feuilles des bois A tes yeux jauniront encore, Et c'est pour la derniere fois. La nuit du trepas t'environne ; Plus pale que la pale automne ; Tu t'inclines vers le tombeau. Ta jeunesse sera fletrie Avant l'herbe de la prairie, Avant le pampre du coteau. Et je meurs ! De sa froide haleine Un vent funeste m'a touche, Et mon hiver s'est approche Quand mon printemps s'ecoule a peine. Arbuste en un seul jour detruit, Quelques fleurs faisaient ma parure ; Mais ma languissante verdure Ne laisse apres elle aucun fruit. Tombe, tombe, feuille ephemere ! Voile aux yeux ce triste chemin, Cache au desespoir de ma mere La place oii je serai demain. Mais vers la solitaire allee Si mon amante desolee MILLEVOYE 169 Venait pleurer quand le jour fuit Eveille par un leger bruit Mon ombre un instant consolee. II dit, s'eloigne... et sans retour. La derniere feuille qui tombe A signale son dernier jour. Sous le chene on creusa sa tombe. Mais ce qu'il aimait ne vint pas Visiter la pierre isolee ; Et le patre de la vallee Troubla seul du bruit de ses pas Le silence du maugolee. XXXVIII Almost the whole poetical value of Lamartine is expressed in the following famous piece. He made indefinite variations on the note, but seldom changed it to advantage. LE LAC Ainsi, toujours pousses vers de nouveaux rivages, Dans la nuit eternelle emportes sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'ocean des ages Jeter l'ancre un seul jour ? O lac ! l'annee a peine a fini sa carriere, Et pres des flots cheris qu'elle devait revoir, Regarde! je viens seul m'asseoir sur cette pierre Ou tu la vis s'asseoir. Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ; Ainsi tu te brisais sur leurs flancs dechires ; Ainsi le vent jetait l'ecume de tes ondes Sur ses pieds adores. LAMARTINE 171 Un soir, t'en souvient-il ? Nous voguions en silence ; On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux, Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes riots harmonieux. Tout a coup des accents, inconrtus a la terre, Du rivage charme frapperent les echos : Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chere Laissa tomber ces mots : O temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices, Suspendez votre cours ! Laissez-nous savourer les rapides delices Des plus beaux de nos jours ! Assez de malheureux ici-bas vous implorent, Coulez, coulez pour eux ; Prenez avec lcurs jours les soins qui les devorent ; Oubliez les heureux. Mais je demande en vain quelques moments encore, Le temps m'echappe et fuit ; Je dis a cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore Va dissiper la nuit. Aimons done, aimons done ! De l'heure fugitive, Hatons-nous, jouissons ! 172 FRENCH LYRICS L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ; II coule, et nous passons 1 Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse, Ou l'amour a longs flots nous verse le bonheur, S'envolent loin de nous de la meme vitesse Que les jours de malheur ? He quoi ! N'en pourrons-nous fixer au moins la trace ? Quoi ! Passes pour jamais ? Quoi ! tous entiers perdus ? Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface, Ne nous les rendra plus ? £ternite, neant, passe, sombres abimes, Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? Parlez, nous rendrez-vous ces extases sublimes Que vous nous ravissez ? O lac 1 rochers muets ! grottes ! foret obscure ! Vous que le temps epargne ou qu'il peut rajeunir, Gardez de cette nuit, gardez, belle nature, Au moins le souvenir ! Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages, Beau lac, et dans l'aspecl: de tes riants coteaux, Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages Qui pendent sur tes eaux ! * LAMARTIXE 173 Qu'il soit dans le zephir qui fremit et qui passe, Dans les bruits de tes bords par les bords repetes, Dans Tastre au front d'argent qui blanchit ta surface De ses molles clartes 1 Que le vent qui gemit, le roseau qui soupire, Que les parfums legers de ton air embaume, Que tout ce qu'on entend, Ton voit ou Ton respire, Tout dise : Us ont aime ! PREFATORY NOTE TO XXXIX-XLVII Henceforward no separate note-headings will be given, such being for the most part impossible in moderate space and, it is hoped, unnecessary. Hugo, Musset, Gautier are known to all probable readers of this book. Hegesippe Moreau was an unequal and often unoriginal singer who once or twice, as in the specimen here given, struck a true, sweet, and firm note. The two great pieces of Pierre Dupont have been known by heart to every Frenchman of poetical tastes for a generation. M. Leconte de Lisle from the side of wide reading and culture, M. Theodore de Banville from that ot formal study of the poetic art, Charles Baudelaire from that of original thought and expression — " love of all things fair and knowledge of all things strange " — represent the inter- mediate state of the romantic movement. Albert Glatigny, one of the most gifted of Bohemians, died some years ago. XXXIX VICTOR HUGO. A MON AMI S. B. L'aigle, c'est Ie genie ! Oiseau de la tempete, Qui des monts les plus hauts cherche le plus haut faite ; Dont le cri fier du jour chante Tardent reveil ; Qui ne souille jamais sa serre dans la fange, Et dont Toeil flamboyant incessamment echange Des eclairs avec le soleil. Son nid n'est pas un nid de mousse ; c'est une aire, Quelque rocher creuse par un coup de tonnerre, Quelque broche d'un pic epouvantable aux yeux, Quelque croulant asile aux blancs des monts sublimes, Qu'on voit, battu des vents, pendre entre deux abimes, Le noir precipice et les cieux ! Ce n'est pas l'humble ver, les abeilles dorees, La verte demoiselle, aux ailes bigarrees, 176 FRENCH LYRICS Qu'attendent ses petits, beants, de faim presses ; Non, c'est l'oiseau douteux, qui dans la nuit vegete. C'est rimmonde lezard, c'est le serpent qu'il jette, Hideux, aux aiglons herisses. Nid royal ! palais sombre, et que d'un not de neige La roulante avalanche en bondissant assiege ! Le genie y nourrit ses fils avec amour, Et, tournant au soleil leurs yeux remplis de flammes, Sous son aile de feu couve de jeunes ames Qui prendront des ailes un jour ! Pourquoi done t'etonner, ami, si sur ta tete, Lourd de foudres, deja le nuage s'arrete ? Si quelque impur reptile en ton nid se debat ? Ce sont tes premiers jeux, c'est ta premiere fete : Pour vous autres aiglons, chaque heure a sa tempete, Chaque festin est un combat. Rayonne, il en est temps ! Et s'il vient un orage, En prisme eblouissant change le noir nuage. Que ta haute pensee accomplisse sa loi. Viens, joins ta main de frere a ma main fraternelle. Poete, prends ta lyre ; aigle, ouvre ta jeune aile ; Etoile, etoile, leve-toi 1 VICTOR HUGO 177 La brume de ton aube, ami, va se dissoudre ! Fais-toi connaitre, aiglon, du soleil, de la foudre. Viens arracher un nora par tes chants inspires ; Viens ; cette gloire, en butte a. tant de traits vulgaires, Ressemble aux fiers drapeaux qu'on rapporte des guerres, Plus beaux quand ils sont dechires ! Vois l'astre chevelu qui, ro}-al meteore, Roule, en se grossissant des mondes qu'il devore ; Tel, 6 jeune geant, qui t'accrois tous les jours, Tel ton genie ardent, loin des routes tracees, Entrainant dans son cours des mondes de pensees, Toujours marche et grandit toujours ! 178 FRENCH LYRICS CHANSON DE PIRATES Nous emmenions en esckvage Cent Chretiens, pecheurs de corail ; Nous recrutions pour le serail Dans tous les moutiers du rivage. En mer, les hardis ecumeurs ! Nous allions de Fez a Catane... Dans la galere Capitane Nous etions quatre-vingts rameurs. On signale un couvent a terre : Nous jetons Tancre pres du bord ; A nos yeux s'offre tout d'abord Une fille du monastere. Pres des flots, sourde a leurs rumeurs, Elle dormait sous un platane... Dans la galere Capitane Nous etions quatre-vingts rameurs. La belle fille, il faut vous taire. II faut nous suivre ! II fait bon vent. Ce n'est que changer de couvent : Le harem vaut le monastere. VICTOR HUGO 179 Sa Hautesse aime les primeurs, Nous vous ferons mahometane... Dans la galere Capitane Nous etions quatre-vingts rameurs. Elle veut fuir vers sa chapelle. Osez-vous bien, nls de Satan?... — Nous osons, dit le capitan. Elle pleure, supplie, appelle. Malgre sa plainte et ses clameurs, On l'emporta dans la tartane... Dans la galere Capitane Nous etions quatre-vingts rameurs. Plus belle encor dans sa tristesse, Ses yeux etaient deux talismans. Elle valait mille tomans ; On la vendit a Sa Hautesse, Elle eut beau dire : Je me meursl De nonne elle devint sultane... Dans la galere Capitane Nous etions quatre-vingts rameurs. 180 FRENCH LYRICS TO-MORROW Non, l'avenir n'est a personne ! Sire ! l'avenir est a Dieu ! A cbaque fois que l'heure sonne, Tout ici-bas nous dit adieu. L'avenir ! L'avenir ! Mystere Toutes les choses de la terre, Gloire, fortune militaire, Couronne eclatante des rois, Vi&oire aux ailes embrasees, Ambitions realisees, Ne sont jamais sur nous posees Que comme l'oiseau sur nos toits 1 Non, si puissant qu'on soit, non, qu'on rie ou qu'on pleure, Nul ne te fait parler, nul ne peut avant l'heure Ouvrir ta froide main, O fantome muet, 6 notre ombre, 6 notre bote, Spedre toujours masque, qui nous suit cote a cote, Et qu'on nomme Demain ! Ob 1 demain, c'est la grande cbose ! De quoi demain sera-t-il fait ? VICTOR HUGO 1S1 L'homme aujourd'hui seme la cause, Demain Dieu fait murir l'effet. Demain, c'est l'eclair dans la voile. C'est le image sur l'etoile, C'est un traitre qui se devoile, C'est le belier qui bat les tours, C'est l'astre qui change de zone, C'est Paris qui suit Babylone ; Demain, c'est le sapin du trone, Aujourd'hui, e'en est le velours ! Demain, c'est le cheval qui s'abat blanc d'ecume, Demain, 6 conquerant, c'est Moscou qui s'allume, La nuit, comme un flambeau. C'est votre vieille garde au loin jonchant la plaine, Demain, c'est Waterloo ! Demain, c'est Sainte-Helene 1 Demain, c'est le tombeau ! Vous pouvez entrer dans les villes Au galop de votre coursier, Denouer les guerres civiles Avec le tranchant de l'acier ; Vous pouvez, 6 mon capitaine, Barrer la Tamise hautaine, Rendre la victoire incertaine i8 2 FRENCH LYRICS Amoureuse de vos clairons, Briser toutes portes fermees, Depasser toutes renommees, Donner pour astre a des armees L'etoile de vos eperons ! Dieu garde la duree et vous laisse l'espace ; Vous pouvez sur la terre avoir toute la place, Etre aussi grand qu'un front peut l'etre sous le ciel ; Sire, vous pouvez prendre, a votre fantaisie, L'Europe a Charlemagne, a Mahomet TAsie ; Mais tu ne prendras pas demain a 1'Eternel I VICTOR HUGO 185 PUISQU'ICI-BAS Puisqu'ici-bas toute ame Donne a quelqu'un Sa musique, sa flamme, Ou son parfum ; Puisqu'ici toute chose Donne toujours Son epine ou sa rose A ses amours ; Puisqu'avril donne aux chenes Un bruit charmant ; Que la nuit donne aux peines L'oubli dormant , Puisque l'air a la branche Donne l'oiseau ; Que l'aube a la pervenche Donne un peu d'eau ; Puisque, lorsqu'elle arrive S'y reposer, L'onde amere a la rive Donne un baiser ; 15 184 FRENCH LYRICS Je te donne a cette heure, Penche sur toi, La chose la meilleure Que j'aie en moi 1 Recois done ma pensee, Triste d'ailleurs, Qui, comme une rosee, T'arrive en pleurs ! Recois mes vceux sans nombre, O mes amours ! Recois la flamme ou Fombre De tous mes jours ! Mes transports pleins d'ivresses, Purs de soupcons, Et toutes les caresses De mes chansons ! Mon esprit, qui sans voile Vogue au hasard, Et qui n'a pour etoile Que ton regard 1 Ma muse, que les heures Bercent revant, Qui, pleurant quand tu pleures, Pleure souvent ! VICTOR HUGO 18$ Recois, mon bien celeste, O ma beaute ! Mon coeur, dont rien ne reste, L'amour ote I 186 FRENCH LYRICS GASTIBELZA Gastibelza, l'homme a la carabine, Chantait ainsi Quelqu'un a-t-il connu Dona Sabine, Quelqu'un d'ici ? Dansez, chantez, villageois ! la nuit gagne Le mont Falu. Le vent qui vient a travers la montagne Me rendra fou 1 Quelqu'un de vous a-t-il connu Sabine, Ma senora ? Sa mere etait la vieille Maugrabine D'Antequera, Qui chaque nuit criait dans la Tour-Magne Comme un hibou... Le vent qui vient a travers la montagne Me rendra fou ! Dansez, chantez ! des biens que l'heure envoie II faut user. Elle etait jeune et son ceil plein de joie Faisait penser. — VICTOR HUGO 187 A ce vieillard qu'un enfant accompagne Jetez un sou ! Le vent qui vient a travers la montagne Me rendra fou ! Vraiment la reine eut pres d'elle ete laide Quand, vers le soir, Elle passait sur le pont de Tolede En corset noir. Un chapelet du temps de Charlemagne Ornait son cou... — Le vent qui vient a travers la montagne Me rendra fou ! Je ne sais pas si j'aimais cette dame, Mais je sais bien Que pour avoir un regard de son ame, Moi, pauvre chien, J'aurais gaiement passe dix ans au bagne Sous le verrou... — Le vent qui vient a travers la montagne Me rendra fou J Un jour d'ete que tout etait lumiere, Vie et douceur, Elle s'en vint jouer dans la riviere Avec sa sceur : 188 FRENCH LYRICS Je vis le pied de sa jeune compagne Et son genou... — Le vent qui vient a travers la montagne Me rendra fou ! Quand je voyais cette enfant, moi le patre De ce canton, Je croyais voir la belle Cleopatre, Qui, nous dit-on, Menait Cesar, empereur d'Allemagne, Par le licou... — Le vent qui vient a travers la montagne Me rendra fou ! Dansez, chantez, villageois, la nuit tombe. Sabine un jour A tout vendu, sa beaute de colombe Et son amour, Pour l'anneau d'or du comte de Saldagne, Pour un bijou... — Le vent qui vient a travers la montagne Me rendra fou ! Sur ce vieux banc soufTrez que je m'appuie Car je suis las. Avec ce comte elle s'est done enfuie ! Enfuie, helas I VICTOR HUGO 189 Par le chemin qui va vers la Cerdagne, Je ne sais ou... — Le vent qui vient a travers la montagne Me rendra fou ! Je la voyais passer de ma demeure, Et c'etait tout. Mais a present je m'ennuie a toute heure, Plein de degoiit. Reveur oisif, Tame dans la campagne, La dague au clou...— Le vent qui vient a travers la montagne M'a rendu fou ! i 9 o FREXCH LYRICS LE CHASSEUR NOIR Qu'es-tu, passant ? Le bois est sombre, Les corbeaux volent en grand nombre, II va pleuvoir. Je suis celui qui va dans l'ombre, Le Chasseur Noir ! Les feuilles des bois, du vent remuees, Sifflent... on dirait Qu'un sabbat nocturne emplit de huees Toute la foret ; Dans une clairiere, au sein des nuees, La lune apparait. Chasse le daim, chasse la biche, Cours dans les bois, cours dans la friche, Voici le soir. Chasse le Czar, chasse l'Autriche, O Chasseur Noir 1 Les feuilles des bois — Souffle en ton cor, boucle ta guetre, Chasse les cerfs qui viennent paitre Pres du manoir. VICTOR HUGO 191 Chasse le roi, chasse le pretre, O Chasseur Noir Les feuilles des bois — II tonne, il pleut, c'est le deluge. Le renard fuit, pas de refuge Et pas d'espoir I Chasse l'espion, chasse le juge, O Chasseur Noir 1 Les feuilles des bois — Tous les demons de saint Antoine Bondissent dans la folle-avoine Sans t'emouvoir ; Chasse l'abbe, chasse le moine, O Chasseur Noir ! Les feuilles des bois — Chasse les ours ! Ta meute jappe. Que pas un sanglier n'echappe 1 Fais ton devoir I Chasse Cesar, chasse le pape O Chasseur Noir I Les feuilles des bois — Le loup de ton sentier s'ecarte. Que ta meute a sa suite parte I Cours ! Fais-le choir I 192 FRENCH LYRICS Chasse le brigand Bonaparte, O Chasseur Noir ! Les feuilles des bois, du vent remuees, Tombent... on dirait Que le sabbat sombre aux rauques huees A fui la foret ; Le clair chant du coq perce les nuees ; Ciel ! L'aube apparait ! Tout reprend sa forme premiere, Tu redeviens la France altiere Si belle a voir, L'ange blanc vetu de lumiere, O Chasseur Noir ! Les feuilles des bois, du vent remuees, Tombent... on dirai Que le sabbat sombre aux rauques huees A fui la foret ; Le clair chant du coq perce les nuees, Ciel 1 L'aube apparait 1 VICTOR HUGO 193 HrZLAS, TOUT EST sfiPULCRE Helas ! tout est sepulcre. On en sort, on y tombe : La nuit est la muraille immense de la tombe. Les astres, dont luit la clarte, Orion, Sirius, Mars, Jupiter, Mercure, Sont les cailloux qu'on voit dans ta tranchee obscure O sombre fosse eternite ! Une nuit, un esprit me parla dans un reve, Et me dit : Je suis aigle en un del ouse leve Un soleil qui t'est inconnu. J'ai voulu soulever un coin du vaste voile ; J'ai voulu voir de pres ton ciel et ton etoile ; Et c'est pourquoi je suis venu ; Et, quand j'ai traverse les cieux grands et terribles, Quand j'ai vu le monceau des tenebres horribles Et l'abime enorme oii 1'ceil fuit, Je me suis demande si cette ombre ou Ton soufFre Pourrait jamais combler ce puits, et si ce gouffre Pourrait contenir cette nuit ! Et, moi, l'aigle lointain, epouvante, j 'arrive. Et je crie, et je viens m'abattre sur ta rive, 194 FRENCH LYRICS Pres de toi, songeur sans flambeau. Connais-tu ces frissons, cette horreur, ce vertige, Toi, l'autre aigle de l'autre azur ? — Je suis, lui dis-je, L'autre ver de l'autre tombeau. VICTOR HUGO 195 CHANSON DES AVENTURIERS DE LA MER En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. Tom Robin, matelot de Douvre, Au Phare nous abandonna Pour aller voir si Ton decouvre Satan, que Farchange enchaina, Quand un baillement noir entr'ouvre La gueule rouge de l'Etna. En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. En Calabre, une Tarentaise Rendit fou Spitafangama ; A Gaete, Ascagne fut aise De rencontrer Michellema ; L'amour ouvrit la parenthese, Le manage la ferma. 196 FRENCH LYRICS En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. A Naples, £bid, de Macedoine, Fut pendu ; c'etait un faquin, A Capri, Ton nous prit Antoine : Aux galeres pour un sequin 1 A Malte, Ofani se fit moine Et Gobbo se fit arlequin. En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. Autre perte : Andre, de Pavie, Pris par les Turcs a Lipari, Entra, sans en avoir envie, Au serail, et, sous cet abri, Devint vertueux pour la vie, Ayant ete fort amoindrn En partant du golfe d'Otrante Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. VICTOR HUGO 197 Puis, trois de nous, que rien ne gene, Ni loi, ni Dieu, ni souverain, Allerent, pour le prince Eugene Aussi bien que pour Mazarin, Aider Fuentes a prendre Gene Et d'Harcourt a prendre Turin. En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. Vers Livourne nous rencontrames Les vingt voiles de Spinola. Quel beau combat ! Quatorze prames Et six galeres etaient la ; Mais, bah I rien qu'au bruit de nos rames Toute la flotte s'envola. En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. A Notre-Dame de la Garde, Nous eumes un charmant tableau : 198 FRENCH LYRICS Lucca Diavolo par megarde Prit sa femme a Pier' Angelo ; Sur ce, Tange se mit en garde Et jeta le diable dans Teau. En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nou. etions dix. A Palma, pour suivre Pescaire, Huit nous quitterent tour a tour; Mais cela ne nous troubla guere ; On ne s'arreta pas un jour. Devant Alger on fit la guerre, A Gibraltar on fit 1'amour. En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. A nous dix, nous primes la ville ; Et le roi lui-meme ! — Apres quoi, Maitres du port, maitres de Tile, Ne sachant qu'en faire, ma foi, D'une maniere tres-civile, Nous rendimes la r^lle au roi. VICTOR HUGO 199 En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. On fit dues et grands de Castille Mes neuf compagnons de bonheur, Qui s'en allerent a Seville Epouser des dames d'honneur. Le roi me dit : Veux-tu ma fille ? Et je lui dis : Merci, seigneur ! En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. J'ai, la-bas, oii des flots sans nombre Mugissent dans les nuits d'hiver, Ma belle iarouche a l'oeil sombre, Au sourire charmant et fier, Qui, tous les* soirs,- chantant dans l'ombre, Vient m'attendre au bord de la mer. En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. 16 FRENCH LYRICS J'ai ma Faenzette a. Fiesone C'est la que mon cceur est reste. Le vent fraichit, la mer frissonne, Je m'en retourne, en verite ! O roi ! ta fille a la couronne, Mais Faenzette a la beaute ! En partant du golfe d'Otrante, Nous etions trente ; Mais, en arrivant a Cadiz, Nous etions dix. VICTOR HUGO 201 TO PEGASUS Si le passe se reconstruit Dans toute son horreur premiere, Si l'abime fait de la nuit, O cheval, fais de la lumiere. Tu n'as pas pour rien quatre fers. Galope sur l'onde insondable ; Qu'un rejaillissement d'eclairs Soit ton annonce formidable. Traverse tout, enfers, tombeaux, Precipices, neants, mensonges, Et qu'on entende tes sabots Sonner sur le plafond des songes. Comme sur l'enclume un forgeur, Sur les brumes universelles Abats-toi, fauve voyageur, O puissant faiseur d'etincelles! Sers les hommes en les fuyant. Au-dessus de leurs fronts funebres, Si le zenith reste effrayant, Si le ciel s'obstine aux tenebres, FRENCH LYRICS Si l'espace est une foret, S'il fait nuit comme dans les Bibles, Si pas un rayon ne parait, Toi, de tes quatre pieds terribles, Faisant subitement tout voir, Malgre l'ombre, malgre les voiles, Envoie a ce fatal ciel noir Une eclaboussure d'etoiles. XL ALFRED DE MUSSET VENISE Dans Venise la rouge, Pas un bateau qui bouge, Pas un pecheur dans l'eau, Pas un falot. Seul assis a la greve, Le grand lion souleve, Sur l'horizon serein, Son pied d'airain. Autour de lui, par groupes, Navires et chaloupes, Pareils a des herons Couches en ronds, Dorment sur l'eau qui fume, Et croisent dans la brume, En legers tourbillons, Leurs pavilions. 2o 4 FRENCH LYRICS La lune qui s'efface Couvre son front qui passe D'un nuage etoile Demi- voile. Ainsi, la dame abbesse De Sainte-Croix rabaisse Sa cape aux vastes plis Sur son surplis. Et les palais antiques, Et les graves portiques, Et les blancs escaliers Des chevaliers. Et les ponts, et les rues, Et les mornes statues, Et le golfe mouvant Qui tremble au vent, Tout se tait, fors les gardes Aux longues hallebardes Qui veillent aux creneaux Des arsenaux. — Ah I Maintenant plus d'une Attend, au clair de lune, Quelque jeune muguet, L'oreille au guet. ALFRED DE MUSSET 205 Pour le bal qu'on prepare, Plus d'une qui se pare, Met devant son miroir Le masque noir. Sur sa couche embaumee, La Vanina pamee Presse encor son amant, En s'endormant ; Et Narcisa, la folle, Au fond de sa gondole, S'oublie en un festin Jusqu'au matin. Et qui, dans l'ltalie, N'a son grain de folie? Qui ne garde aux amours Ses plus beaux jours ? Laissons la vieille horloge, Au palais du vieux doge, Lui compter de ses nuits Les longs ennuis. Comptons plutot, ma belle, Sur ta bouche rebelle Tant de baisers donnes... Ou pardonnes. 206 FRENCH LYRICS Comptons plutot tes charmes, Comptons les douces larmes, Qu'a nos yeux a coute La voluptel ALFRED DE MUSSET 207 L'ANDALOUSE Avez-vous vu, dans Barcelone, Une Andalouse au sein bruni ? Pale comme un beau soir d'automne ! C'est ma maitresse, ma lionne ! La marquesa d'Amaegui. J'ai fait bien des chansons pour elle ; Je me suis battu bien souvent. Bien souvent j'ai fait sentinelle, Pour voir le coin de sa prunelle, Quand son rideau tremblait au vent. Elle est a moi, moi seul au monde. Ses grands sourcils noirs sont a moi, Son corps souple et sa jambe ronde, Sa chevelure qui l'inonde, Plus longue qu'un manteau de roi ! C'est a moi, son beau col qui penche Quand elle dort dans son boudoir, Et sa basquina sur sa hanche, Son bras dans sa mitaine blanche, Son pied dans son brodequin noir ! 2o8 FRENCH LYRICS Vrai Dieu ! Lorsque son ceil petille Sous la frange de ses reseaux, Rien que pour toucher sa mantille, De par tous les saints de Castille, On se ferait rompre les os. Qu'elle est superbe en son desordre, Quand elle tombe, les seins nus, Qu'on la voit, beante, se tordre Dans un baiser de rage, et mordre En criant des mots inconnus ! Et qu'elle est folle dans sa joie, Lorsqu'elle chante.le matin, Lorsqu'en tirant son bas de soie, Elle fait, sur son flanc qui ploie, Craquer son corset de satin ! AHons, mon page, en embuscades ! Allons 1 la belle nuit d'ete I , Je veux ce soir des serenades, A faire damner les alcades De Toloso au Guadalete 1 ALFRED DE MUSSET STANCES Que j'aime a voir dans la vallee Desolee, Se lever comme un mausolee Les quatre ailes d'un noir moutier 1 Que j'aime a voir, pres de l'austere Monastere, Au seuil du baron feudataire, La croix blanche et le benitier I Vous, des antiques Pyrenees Les ainees, Vieilles eglises decharnees, Maigres et tristes monuments, Vous que le temps n'a pu dissoudre, Ni la foudre, De quelques grands monts mis en poudre N'etes-vous pas les ossements ? J'aime vos tours a tete grise, Oii se brise L'eclair qui passe avec la brise. J'aime vos profonds escaliers # 209 FRENCH LYRICS Qui, tournoyant dans les entrailles Des murailles, A rhymne eclatant des ouailles Font repondre tous les piliers ! Oh ! lorsque l'ouragan qui gagne La campagne Prend par les cheveux la montagne, Que le temps d'automne jaunit, Que j'aime, dans le bois qui crie Et se plie, Les vieux clochers de l'abbaye, Comme deux arbres de granit ! Que j'aime a voir, dans les vesprees Empourprees, Jaillir en veines diaprees Les rosaces d'or des couvents ! Oh 1 que j'aime, aux voutes gothiques Des portiques, Les vieux saints de pierre athletiques Priant tout bas pour les vivants ! ALFRED DE MUSSET CHANSON A Saint-Blaise, a la Zuecca, Vous etiez, vous etiez bien aise A Saint-Blaise. A Saint-Blaise, a la Zuecca, Nous etions bien la. Mais de vous en souvenir Prendrez-vous la peine ? Mais de vous en souvenir Et d'y revenir. A Saint-Blaise, a la Zuecca, Dans les pres fleuris cueillir la verveine, A Saint-Blaise, a la Zuecca, Vivre et mourir la I FRENCH LYRICS CHANSON DE BARBERINE Beau chevalier qui partez pour la guerre, Qu'allez-vous faire Si loin d'ici ? Voyez-vous pas que la nuit est profonde, Et que le monde N'est que souci ? Vous qui croyez qu'une amour delaissee De la pensee S'enfuit ainsi, Helas ! helas ! chercheurs de renommee, Votre fumee S'envole aussi. Beau chevalier qui partez pour la guerre, Qu'allez-vous faire Si loin de nous ? J'en vais pleurer, moi qui me laissais dire Que mon sourire Etait si doux. ALFRED DE MUSSET 213 CHANSON DE FORTUNIO Si vous croyez que je vais dire Qui j'ose aimer, Je ne saurais, pour un empire, Vous la nommer. Nous allons chanter a la ronde, Si vous voulez, Que je l'adore et qu'elle est blonde Comme les bles. Je fais ce que sa fantaisie Veut m'ordonner, Et je puis, s'il lui faut ma vie La lui donner. Du mal qu'une amour ignoree Nous fait souffrir, J'en porte Tame dechiree Jusqu'a mourir. Mais j'aime trop pour que je die Qui j'ose aimer, Et je veux mourir pour ma mie Sans la nommer. XLI THEOPHILE GAUTIER thtGlE A CLfiMENCE Un monument sur ta cendre cherie Ne pese pas, Pauvre Clemence, a ton matin fletrie Par le trepas. Tu dors sans faste, au pied de la collinc, Au dernier rang, Et sur ta fosse un saule pale incline Son front pleurant. Ton nom deji par la pluie et la neige Est efface, Sur le bois noir de la croix qui protege Ton lit glace. Mais Tamitie qui se souvient, fidele, Avec des fleurs, Vient, a l'endroit seulement connu d'elle, Verser des pleurs. THEOPHILE GAUTIER 215 LA CHIMERE Une jeune chimere, aux levres de ma coupe, Dans l'orgie, a donne le baiser le plus doux ; Elle avait les yeux verts, et j usque sur sa croupe Ondoyait en torrent Tor de ses cheveux roux. Des ailes d'epervier tremblaient a son epaule ; La voyant s'envoler, je sautai sur ses reins ; Et, faisant jusqu'a moi ployer son cou de saule, J'enfoncai comme un peigne une main dans ses crins. Elle se demenait, hurlante et furieuse, Mais en vain. Je broyais ses flancs dans mes genoux ; Alors elle me dit d'une voix gracieuse, Plus claire que l'argent : Maitre, ou done allons-nous ? Par dela le soleil et par dela l'espace, Oii Dieu n'arriverait qu'apres l'eternite ; Mais avant d'etre au but ton aile sera lasse : Car je veux voir mon reve en sa realite. 17 216 FRENCH LYRICS BARCAROLLE Dites, la jeune belle, Ou voulez-vous aller ? La voile ouvre son aile, La brise va souffler ! L'aviron est d'ivoire, Le pavilion de moire, Le gouvernail d'or fin ; J'ai pour lest une orange, Pour voile une aile d'ange, Pour mousse un seraphin. Dites, la jeune belle, Ou voulez-vous aller ? La voile ouvre son aile, La brise va souffler ! Est-ce dans la Baltique, Sur la mer Pacifique, Dans l'ile de Java ? Ou bien dans la Norvege, Cueillir la fleur de neige, Ou la fleur d'Angsoka? THEOPHILE GAUTIER 217 Dites, la jeune belle, Ou voulez-vous aller ? La voile ouvre son aile, La brise va souffler ! — Menez-moi, dit la belle, A la rive fidele Oii Ton aime tou jours. — Cette rive, ma chere, On ne la connait guere Au pays des amours. 2i 8 FRENCH LYRICS LA SOURCE Tout pres du lac filtre une source, Entre deux pierres, dans un coin ; Allegrement l'eau prend sa course Conime pour s'en aller bien loin. Elle murmure : Oh ! quelle joie ! Sous la terre il faisait si noir I Maintenant ma rive verdoie, Le ciel se mire a mon miroir. Les myosotis aux fleurs bleues Me disent : Ne m'oubliez pas ! Les libellules de leurs queues M'egratignent dans leurs ebats. A ma coupe l'oiseau s'abreuve ; Qui sait ? — Apres quelques detours Peut-etre deviendrai-je un fleuve Baignant vallons, rochers et tours. Je broderai de mon ecume Monts de pierre, quais de granit, Emportant le steamer qui fume A FOcean ou tout finit. — THEOBHILE GAUTIER 219 Ainsi la jeune source jase, Formant cent projets d'avenir ; Comme l'eau qui bout dans un vase, Son flot ne peut se contenir ; Mais le berceau touche a la tombe ; Le geant futur meurt petit ; Nee a peine, la source tombe Dans le grand lac qui l'engloutit J FRENCH LYRICS L'ART Oui, l'ceuvre sort plus belle D'une forme au travail Rebelle, Vers, marbre, onyx, email. Point de contraintes fausses 1 Mais que, pour marcher droit, Tu chausses, Muse, un cothurne etroit. Fi du rhythme commode, Comme un Soulier trop grand, Du mode Que tout pied quitte et prend ! Statuaire, repousse L'argile que petrit Le pouce Quand flotte ailleurs l'esprit. Lutte avec le Carrare, Avec le Paros dur Et rare, Gardiens du contour pur ; THEOPHILE GAUTIER Emprunte a Syracuse Son bronze ou fermement S'accuse Le trait fier et cbarmant ; D'une main delicate Poursuis dans un filon D'agate Le profil d'Apollon. Peintre, fuis Taquarelle, Et fixe la couleur Trop frele Au four de remailleur. Fais les sirenes bleues, Tordant de cent fa^ons Leurs queues, Les monstres des blasons ; Dans son nimbe trilobe La Vierge et son Jvsus, Le globe Avec la croix dessus. Tout passe. — L'art robuste Seul a l'eternite. Le buste Survit a la cite. FRENCH LYRICS Et la medaille austere Que trouve un laboureur Sous terre Revele un empereur. Les dieux eux-memes meurent. Mais les vers souverains Demeurent Plus forts que les airains. Sculpte, lime, cisele ; Que ton reve flottant Se scelle Dans le bloc resistant 1 XLII HEGjESIPPE moreau. LA FERMIERE Amour a la fermiere ! elle est Si gentille et si douce ! C'est l'oiseau des bois qui se plait Loin du bruit dans la mousse. Vieux vagabond qui tends la main, Enfant pauvre et sans mere, Puissiez-vous trouver en chemin La ferme et la fermiere ? De l'escabeau vide au foyer, La, le pauvre s'empare, Et le grand bahut de noyer Pour lui n'est point avare ; C'est la qu'un jour je vins m'asseoir, Les pieds blancs de poussiere ; Un jour... puis en marche ! et bonsoir La ferme et la fermiere I > 224 FRENCH LYRICS Mon seul beau jour a du finir, Finir des son aurore ; Mais pour moi ce doux souvenir Est du bonheur encore : En fermant les yeux, je revois L'enclos plein de lumiere, La haie en fleur, le petit bois, La ferme et la fermiere ! Si Dieu, comme notre cure Au prone le repete, Paye un bienfait — meme egare, — Ah ! qu'il songe a ma dette ! Qu'il prodigue au vallon les fleurs, La joie a la chaumiere, Et garde des vents et des pleurs La ferme et la fermiere ! Chaque hiver, qu'un groupe d'enfants A son fuseau sourie, Comme les anges aux fils blancs De la Vierge Marie ! Que tous, par la main, pas a pas, Guidant un petit frere, Rejouissent de leurs ebats La ferme et la fermiere ! hEgesippe MOREAU 22$ Envoi Ma chansonnette, prends ton vol I Tu n'es qu'un faible hommage ; Mais qu'en avril le rossignol Chante, et la dedommage ; Qu'effraye par ses chants d'amour, L'oiseau du cimetiere Longtemps, longtemps, se taise pour La ferme et la fermiere ! XLIII PIERRE DUPONT. LE CHANT DES OUVRIERS Nous, dont la lampe, le matin, Au clairon du coq se rallume ; Nous tous, qu'un salaire incertain Ramene avant l'aube a Tenclume ; Nous, qui des bras, des pieds, des mains, De tout le corps, luttons sans cesse, Sans abriter nos lendemains Contre le froid de la vieillesse, Aimons-nous, et quand nous pouvons Nous unir pour boire a la ronde, Que le canon se taise ou gronde, Buvons A l'independance du monde ! Nos bras, sans relache tendus, Aux flots jaloux, au sol avare, PIERRE DUPOXT 227 Ravissent leurs tresors perdus, Ce qui nourrit et ce qui pare : Perles, diamants et metaux, Fruit du coteau, grain de la plaine. Pauvres moiltons, quels bons manteaux II se tisse avec notre laine ! Aimons-nous, et quand nous pouvons, etc. Quel fruit tirons-nous des labeurs Qui courbent nos maigres eehines ? Oii vont les flots de nos sueurs ? Nous ne sommes que des machines. Nos Babels montent jusqu'au ciel, La terre nous doit ses merveilles ! Des qu'elles ont fini le miel Le maitre chasse les abeilles. Aimons-nous, et quand nous pouvons, etc. Au fils chetif d'un etranger Nos femmes tendent leurs mamelles ; Et lui, plus tard, croit deroger En daignant s'asseoir aupres d'elles ; De nos jours, le droit du seigneur Pese sur nous, plus despotique ; Nos filles vendent leur honneur Aux derniers courtauds de boutique. Aimons-nous, et quand nous pouvons, etc. ) 228 FRENCH LYRICS Mai vetus, loges dans des trous, Sous les combles, dans les decombres, Nous vivons avec les hiboux Et les larrons, amis des ombres : Cependant notre sang vermeil Coule impetueux dans nos veines ; Nous nous plairions au grand soleil, Et sous les rameaux verts des chenes ! Aimons-nous, et quand nous pouvons, etc. A chaque fois que, par torrents, Notre sang coule sur le monde, C'est toujours pour quelques tyrans Que cette rosee est feconde. Menageons-le dorenavant, L'amour est plus fort que la guerre 1 En attendant qu'un meilleur vent Souffle du ciel ou de la terre, Aimons-nous, et quand nous pouvons, etc. PIERRE DUPONT 229 LES BGEUFS J'ai deux grands boeufs dans mon etable, Deux grands boeufs blancs, marques de roux ; La charrue est en bois d'erable, L'aiguillon en branche de houx ; C'est par leurs soins qu'on voit la plaine Verte l'hiver, jaune l'ete ; lis gagnent dans une semaine Plus d'argent qu'ils n'en ont coiite. S'il me fallait les vendre, J'aimerais mieux me pendre ; J'aime Jeanne ma femme, eh bien ! j'aimerais mieux La voir mourir, que voir mourir mes boeufs. Les voyez-vous, les belles betes, Creuser profond et tracer droit, Bravant la pluie et les tempetes, Qu'il fasse chaud, qu'il fasse froid? Lorsque je fais halte pour boire, Un brouillard sort de leurs naseaux, Et je vois sur leur corne noire Se poser les petits oiseaux. S'il me fallait les vendre, etc. , 23° FRENCH LYRICS lis sont forts comme un pressoir d'huile, lis sont doux comme des moutons. Tous les ans on vient de la ville Les marchander dans nos cantons, Pour les mener aux Tuileries, Au mardi gras, devant le roi, Et puis les vendre aux boucheries. Je ne veux pas, ils sont a moi. S'il me fallait les vendre, etc. Quand notre nlle sera grande, Si le fils de notre regent En mariage la demande, Je lui promets tout mon argent ; Mais si pour dot il veut qu'on donne Les grands bceufs blancs marques de roux, Ma fille, laissons la couronne, Et ramenons les bceufs chez nous. S'il me fallait les vendre, etc. XLIV LECOXTE DE LISLE. TRE FILA D'ORO La-bas, sur la mer, comme l'hirondelle, Je voudrais m'enfuir, et plus loin encor ! Mais j'ai beau vouloir, puisque la cruelle A lie mon coeur avec trois ills d'or. L'un est son regard, 1'autre son sourire, Le troisieme, enfin, est sa levre en fleur; Mais je l'aime trop, c'est un vrai martyre : Avec trois fils d'or elle a pris mon coeur ! Oh ! si je pouvais denouer ma chaine I Adieu, pleurs, tourments ; je prendrais l'essor. Mais non, non ! mieux vaut mourir a la peine Que de vous briser, 6 mes trois fils d'or ! 18 232 FRENCH LYRICS REQ.UIES Comme un morne exile, loin de ceux que j'aimais, Je m'eloigne a pas lents des beaux jours de ma vie, Du pays enchante qu'on ne revoit jamais. Sur la haute colline oil la route devie Je m'arrete et vois fuir a Fhorizon dormant Ma derniere esperance, et pleure amerement. O malheureux ! crois en ta muette detresse ; Rien ne refleurira, ton coeur ni ta jeunesse, Au souvenir cruel de tes felicites. Tourne plutot les yeux vers l'angoisse nouvelle Et laisse retomber dans leur nuit eternelle L'amour et le bonheur que tu n'as point goutes. Le temps n'a pas tenu ses promesses divines. Tes yeux ne verront point reverdir tes ruines ; Livre leur cendre morte au souffle de Toubli. Endors-toi sans tarder en ton repos supreme ; Et souviens-toi, vivant dans Tombre enseveli, Qu'il n'est plus en ce monde un seul etre qui t*aime. LECONTE DE LISLE 253 La vie est ainsi faite, il nous la faut subir. Le faible souffre et pleure, et l'insense s'irrite ; Mais le plus sage en rit, sachant qu'il doit mourir. Rentre au tombeau muet ou rhomme enfin s'abrite, Et la, sans nul souci de la terre et du ciel, Repose, 6 malheureux, pour le temps eternel ! XLV th£odore de banville. ballade aux enfants perdus Je le sais bien que Cythere est en deuil ! Que son jardin, soufflete par l'orage, O mes amis, n'est plus qu'un sombre ecueil Agonisant sous le soleil sauvage. La solitude habite son rivage. Qu'importe ! allons vers les pays fictifs ! Cherchons la plage ou nos desirs oisifs S'abreuveront dans le sacre mystere Fait pour un choeur d'esprits contemplatifs : Embarquons-nous pour la belle Cythere. La grande mer sera notre cercueil ; Nous servirons de proie au noir naufrage, Le feu du ciel punira notre orgueil Et TAquilon nous garde son outrage. Qu'importe ! allons vers le clair paysage ! THEODORE DE BAXVILLE 235 Malgre la mer jalouse et les recifs, Venez, partons comme des fugitifs, Loin de ce monde au souffle deletere. Nous dont les coeurs sont des ramiers plaintifs, Embarquons-nous pour la belle Cythere. Des serpents gris se trainent sur le seuil Ou souriait Cypris, la chere image Aux tresses d'or, la vierge au doux accueil ! Mais les amours sur le plus haut cordage Nous chantent l'hymne adore du voyage. Heros caches dans ces corps maladifs, Fuyons, partons sur nos legers esquifs, Vers le divin bocage oii la panthere Pleure d'amour sous les rosiers lascifs : Embarquons-nous pour la belle Cythere. Envoi Rassasions d'azur nos yeux pensifs ! Oiseaux chanteurs, dans la brise expansifs, Ne souillons pas nos ailes sur la terre. Volons, charmes, vers les dieux primitifs, Embarquons-nous pour la belle Cythere. 236 FRENCH LYRICS LA CHANSON DE MA MIE L'eau dans les grands lacs bleus Endormie, Est le miroir des cieux : Mars j'aime mieux les yeux De ma mie. Pour que l'ombre parfois Nous sourie, Un oiseau chante au bois Mais j'aime mieux la voix De ma mie. La rosee, a la fleur Defleurie Rend sa vive couleur ; Mais j'aime mieux un pleur De ma mie. Le temps vient tout briser. On l'oublie : Moi, pour le mepriser, Je ne veux qu'un baiser De ma mie. THEODORE DE BAXVILLE 237 La rose sur le lin Meurt fletrie ; J'aime mieux pour coussin Les levres et le sein De ma mie. On change tour a tour De folie : Moij jusqu'au dernier jour, Je m'en tiens a l'amour De ma mie. 238 FRENCH LYRICS PRINTEMPS D'AVRIL Ma mie, a. son toit fidele, La fretillante hirondelle Revient du lointain exil. Deja le long des rivagt* S'egaie un sylphe subtil, Qui baise les fleurs sauvages : Voici le printemps d'avril ! C'est le moment ou les fees, De volubilis coiffees, Viennent, au matin changeant, Sur le bord. vert des fontaines, Ou court le flot diligent, Charmer les biches hautaines De leurs baguettes d'argent. Elles dansent a l'aurore Sur l'herbe, ou les suit encore Un troupeau de nains velus. Ne va pas, enfant sereine, Au fond des bois chevelus : Elles te prendraient pour reine, Et je ne te verrais plus ! THEODORE DE BAKVILLE 239 BALLADE DES PENDUS Sur ses larges bras etendus, La foret ou s'eveille Flore, A des chapelets de pendus Que le matin caresse et dore. Ce bois sombre, ou le chene arbore Des grappes de fruits inou'is Meme chez le Turc et le More, C'est le verger du roi Louis. Tous ces pauvres gens morfondus, Roulant des pensers qu'on ignore, Dans les tourbillons eperdus Voltigent, palpitants encore. Le soleil levant les devore. Regardez-les, cieux eblouis, Danser dans les feux de l'aurore. C'est le verger du roi Louis. Ces pendus, du diable entendus, Appellent des pendus encore. Tandis qu'aux cieux, d'azur tendus, Ou semble luire un meteore, 24o FRENCH LYRICS La rosee en Fair s'evapore, Un essaim d'oiseaux rejouis Par dessus leur tete picore. C'est le verger du roi Louis. Envoi " Prince, il est un bois que decore Un tas de pendus enfouis Dans le doux feuillage sonore. C'est le verier du roi Louis." XLVI CHARLES BAUDELAINE. HYMNE A la tres-chere, a la tres-belle Qui remplit mon coeur de clarte, A l'ange, a l'idole immortelle, Salut en immortalite ! Elle se repand dans ma vie Comme un air impregne de sel, Et dans mon ame inassouvie Verse le goiit de l'Eternel. Sachet tou jours frais qui parfume L'atmosphere d'un cher reduit, Encensoir oublie qui fume En secret a travers la nuit. 242 FRENCH LYRICS Comment, amour incorruptible, T'exprimer avec verite ? Grain de muse qui gis, invisible, Au fond de mon eternite ! A la tres-bonne, a la tres-belle Qui fait ma joie et ma sante, . A l'ange, a l'idole immortelle, Salut en immortalite 1 XLVII ALBERT GLATIGNY. BALLADE DES ENFANTS SANS SOUCI ils vont pieds nus le plus souvent. L'hiver Met a leurs doigts des mitaines d'onglee. Le soir, helas ! ils soupent du grand air, Et sur leur front la bise echevelee Gronde, pareille au bruit d'une melee, A peine un peu leur sort est adouci Quand avril fuit la terre consolee. Ayez pitie des Enfants sans souci. Ils n'ont sur eux que le manteau du ver, Quand les frissons de la voute etoilee Font tressaillir et briller leur oeil clair, Par la montagne abrupte et la vallee, Ils vont, ils vont ! A leur troupe affolee Chacun repond : " Vous n'etes pas d'ici 244 FRENCH LYRICS Prenez ailleurs, oiseaux, votre volee." Ayez pitie des Enfants sans souci. Un froid de mort fait dans leur pauvre chair Glacer le sang, et leur veine est gelee. Les cceurs pour eux se cuirassent de fer. Le trepas vient. lis vont sans mausolee Pourrir au coin d'un champ ou d'une allee, Et les corbeaux mangent leur corps transi Que lavera la froide giboulee. Ayez pitie des Enfants sans souci. Envoi Pour cette vie effroyable, filee De mal, de peine, ils te disent : Merci ! Muse, comme eux, avec eux, exilee. Ayez pitie des Enfants sans souci I V