VOYAGES ET DESCOVVERTVREs PAITES EN LA NO WELLE France, depnis l’annee 1615. iulques a la fin de l’annee x 6 1 S. Parle Sieur deChamplain , Cappitai * ne ordinaire pour le Roy in la M er du Ron ant. Oufont defcrits les rroeiirs,couftiimes,habits fa^ons de guerroyer , chafles , dances, feftins, & enterrements de diuers peuples Sauuages , & de plufieurs chofes remarqnsbles qui luyibntarri- uees audit pais, auec vnedefcriptiondelabcau- te, feitilite, & temperature d’iceluy. seconde edition. A PARIS, Chez Clavde Collet, au Palais, en la gallerie des Prifonniers. M. D. C. X X VII. AVEC TRI V I LEGE %OT. AVROY- I R E, Voicy vntroilL efme liure con- tenatle difcours de ce qui s’eft pafledeplus remarquableaux voyages par moy fairs en la nouuelle Frace,a lale&uredu- quel i eftime que V. M, predra vn plus grand plaidr quaux precedents, d’autant qu’iceux ne dcfignent rien que les ports A l ) J epistre havres,fcituarios, declinaifons, & autres matieres plus proprcs auxNautonniers, 6 c Marinicrs, que non pas aux autres. Ence- luy-cy vous y pourrez remar- quer plus particulierement les moeurs & fa$ons de viure dc cespeuples , tanten particuliet que general, leurs guerres, mu- nitions , famous d’aflaillir , & fe defFendre,leurs expeditions,^* tra‘6te en pluiieurspardculari- tez,feruant a contenter vn ef- pritcurieux? iTtcornmeilsne font point tant fauuages , qua* uec le temps, ik. la frequenta- tion d’vn peuple ciuilize,ils ne puilfent dire redus polis : V ous y verre'spareillement qu’elle& combien grande ell l’efperance A V ROY. que nous auos de cant de longs &; penibles trauaux que depuis quinze ans nous fouftenons, pour planter ence pais l’eften- darc de la Croix ,&C leurenfei- gner la cognoitfance de Dieu, S>C gloire de Ton Sain6t Nom, , eftant noftre defir d’augmen- ter la Charite enuers fes mi- ferables Creatures , qui nous conuient Cupporter patiem- ment plus quaucune autre chofe , Sc encore que plufieurs n’ayent pas pared defining , ains que Ton puifledire que le defir du gain eftce qui les y poufie: Neantmoins on peut probable- menc croire que ce font des mo- yens dont Dieu fe fert pour i plus faciliter le fain<5t defir des E P I S T £ E autres: Que ft les frui&s que les arbres portent font deDieu,a celuyqui eft Seigneur du So!, oil ils font plantez , qui lesa arroufes,& entretenus^auec vn foing particular. V. M.fepeut dire legitime Seigneur de nos trauaux,&du bien qui en reiif- fira,non feulementpourceque la terre vous en appartient,mais aufti pour nous auoir protege contre rant de fortes de perfon* nes qui n auoyet autre defteing quennous troublant empef- cher qu’vneli fainde delibera- tion jvc peuft reiiflir , &; nous oftant la permiftion de pouuoir libiemec negotier en partie de cs P ais > & mettre le tout en confufion 3 qui feroit en vn mot A V ROY. j Qc tracer le chemin pour tout per- dre,au prejudice devoftre eitat, ^ vos fubjets ayanc employe a cet 11 ® effc&tous les artifices dont ils lcc fe (one peu aduil'er,&tous les ^ moyens qq ilv one creunous y “ pouuoir mi ire, qui rous ont efte lKi leueee par V. M. atfideedefon c f prudent Confeil, nousauthori- fant de Ton nom, fouftenants Mi par fes arrefts qu’elle arendus a rfoi noftre faueur.Cdl vn occafion ft pour accroiftre en nous le defir ipt qu’auons des long-temps d’en- jei; uoyer des peuplades & colon- noi nies par dela, pour leur enfei- 100 gner auec la cognoiffance de en Dieujagloire & lestriomphes t£i de V. M. defaire en forte qu’a- n» uec!alangueFran$oifeiIs con- epistre foyuent aufli vn coear , & coui rage frangois, lequel ne refpire- ra rien tant apres la craiote de Dieu, que le defir qu’ils auront devous feruir : Qu; fi noftrc delTeing reiiOfic, la gloire en fera premierementa Dieu, puis a V. M.qui outre mille benedidtions quelle en regeura du Ciel , en recompenfe de tant d anies auf- quelles elle en donnera par ce moyenl’entree , fon nom en fe- ra immortalife pour auoir por- te la gloire , &C le fceptre des Francois, autant en Occident que vos deuanciers l’onteften- du en Orrient, &; par toute la terre habitablerce fera augmen- ter la qualite de T ref- Chreftien qui vous appartient par deifus A V ROY. tous kb R ois de la terre, & mo- trer qu’eiie vous eft autant deue par mcrite,comme ellevoas eft propre de droit, ayant efte tras- mile par vos predecefteurs de- puis qu’ils (e l’acquirec par leurs vert us, d’auoir voulu embraffer auec tant d'autres importans af- faires le foing de celle-cy gran- dement negligee par cy-deuat, eftac vnegrace fpecialle deDieu d’auoir voulu referuer fousvo- ftre regnel’ouuerturede la pre- dication de fon Euangille , &: la cognoifsace dc fon Sain6fcnom a tant de nations qui n’en a- uoientiamais oiiy parler , quVn lour Dieu leur fera la grace, comme nous, deleprierincef- fammec qu ll accroifte fon cm- EPIST. AV ROY. pire, & donne mille benedi- ctions a voftre Majefte. SIRE, Voftre tref-humble , tres- fideile 8c obei’ftant fer- uiteur&fubjed, CHAMPLAIN. P R E F A C EJ ,tit title 1 Out ainfiquen la dmerfite des af- faires du Monde chacune chofe tend a fa perfections / d la conferuation de fon eflre , aufii d'autre-part I’homefeplaifi aux chofe s differentes des autres pour queique fubieCt , ou pour le bien public, oupour acquerir ( en cet efongnement du commun ) vne louange & reputation auec quelque profit . C'eft pourquoy plufieurs ont fraye cefte c voye i mats quanta moy lay faiCtejle • PREFACE. tfion du plus fafcheux & penibk chemin, qui eft la perilleufe naui * gationde s Mers,ddejjein toutes • fois,no d’y acquer'tr tant de biens, que d'honneur,^ gloire de Dieu , pour le femicede mon Boy, pfide ma patrie , p$ apporter par mes labeurs quel que vtihteau public, proteftat deneftre tante d'aucu - ne autre ambition , comme il fe petit ajfezj recognotftre , tant par mes deportements du pa fie , que par le difiours de mes voyages, faits par le commandement de fa JMaiefte en lanouuelle France , contenus en mon premier py fe - cond lmre,ain/i quilfe verra par celuy-cy: Que ft Dieu bent ft no - ftre defteing, qui ne tend qua fa gloire,p£ de nos decouuertum pj I rfl preface: laborieux trauaux il me reufiit l l lu quelque fruitts ie luy en render ay nti I'attton de graces, tfdfit Maie- fl! fie', pour fa protection a fit flan- ™ ce ‘vne continuation de prieres 5 pour l' augmentation accroif pour i augmentation } m fiement de fin regne. fl -Extra'll du Triuilege du . Roy] P Ar grace & Pritiilegedu Roy ,il eft permis a C l a v d e Collet, Marchand Libraire en noftre Villede Paris, d’Impnmcr ou faire Imprinter par tel Imprimeur que bon luy lun- blera, vn liure intitule. La voyages tf cuf. couuer lures faites on la nouae'le Frace,drfuis l-anee iGi^.iulcjues a la fin ue l' an nee \6i%.par leSteuyde Champlain , Cappitaine ordtnavt pourle R-ay, enla Merdu Ponani.EtiontiiU tes deffences a tous Libraires & Inipri- meurs de noftre Roy aume,d’Imprimer n’y faire Imprimer, vendre n’y dcbiter !e- dit liure, fi ce n’eft du confentement du- dit Colle|, 6c ce pour le temps &terme de fix ans, a commencer du iour que ledit liure fera acheti e d’Imprimer,fur peine de confutation des excmplaires, & dequa- tre censliuresd’amendc.moytie a nous applicable, & i’autre audit expofant. Vou- Ians en outre quoy faifant, mettrc ledit Priuilegcau commencement cu a la fin dudit liure. Car tel eft noftre plaifir. Don- ne a Paris, le 18. iour de May , 1619. Et de noftre regne !e dixiefme. Par le Confeil. DE CESCAVD. | VOYAGE bV SIEVE m France yfaittcntannee, 1615. nuuuuie France , m*a rendu dc- bipg fireux de plus en plus a traucrfet M lcs terresjpour cn finauoirvne 11 parfai&e cognoiflance du pays, „ par le moyen des fleuues, lacs, oii- & riuieres, qui y font en grand nombre> & aufll recognoiftre les peuples qui y habicent,a def-* 1 fein de lesamcner a la cognoif- de Champlain y en la nouuellt Elk ’Extreme afle&ion que i’ay toufiours eue aux defcouuertures de la A i Voyage du Sieur fancede Dieu. Aquoyiaytra- uaille continuellement dcpuis quatorze a quinze ans fans pou- uoir auancer que forr peu de mcs dedans, pour nauoir efte ajflifte comme ii euft efte necef- faire a vne telle entreprife.Neat- moins ne perdant courage , ie nay laifle de pourfuiure , & fre- quenter plufieurs nations deces peoples fauuages , & familliari- lant auec eux , i’ay recogneu, & iuge,tant par leurs difcours,que par la cognoiflance def-ja ac- quire; qu’ii ny auoit autre ; ny « meilleurmoyen, que de patien- ^terdailfant pafter tous les orages & difficultez , qui fe prefente- roientiufques a ce quefaMaje- fte y apportaft l’ordre requife, 1 ^ , de Champlain', % ’? 8cen attendant continuer, tanc f les defcouuertures audit pays* ® qua apprendre leur langue, &; f' con tracer des habitudes, a - 7 miriez , auee lesiprincipaux des eL Villages, & des Nations, pour ‘ e " jetterles fondernents d’vn edi- n ! fice perpctuclytant pour la glbi- re de Dieu , qudpourlarenom- ^ mee des Francois. ; ^ Et depuis fa Majefte ayinti'e* f mis,&: difpofe la fur-intendance * de cede aiiaire. entre les mains •ji de Monfcigneur. le Prince de ltf£ Conde,pour y apporter i’ordrc, 1* & queiedit Sieur fouhs fauddo4 or< rite de fa Majelle, nous mainte-* d£ noit contre routes fortes dem. aMuies, be alterations, qui probed cf noient daueuns mal vueillanrs. Voyage da Stem Cela, dif-je , ma comme anim£ &: redouble le courage en laco* tinuation de mes labeurs aux defcouuertures de ladite nou- uelle France, & en augmentant icelles, ie pouflay ce detain tor- ques dans les terres fermes, & plus auant que ie n’auois point encores fait par le pata, comme il fera dit cy-apres, en l’ordrc & fuite de ce difcours. Mais auparauant il eft a pro* pos de dire , qu’ayant recogneu aux voyages precedents, qu’ily auoit en quelques endroi&sdes peuples arreftez,& amateurs du labourage de la terre, n’ayans ny foy ny loy ,viuans fansDieu, & fans religion, comme beftes brutes. Lors ie iugay a part moy in de Champlain. 3 que ec feroit faire vne grande faute Ci ie ne m’employois a leur preparer quelque moyen pour les faire venir a la cognoifTancc deDieu. Ecpouryparuenirie me fuis efforce de rechercher quelques bons Religieux, qui eulfent le zele, &: affection, a la gloire de Dieu: Pour les perfua* der d’enuoyer,ou fe tranfporter auec moy en ces pays,8c elfay cr d’y planter la foy , oil du moins y faire ce qui y feroit poflible fe- Ion leur vacation, & en ce fai- fant remarquer & cognoiftre s*il s’y pourroit faire quelque bon fruidfc, d’autant que pour y paruenir il faioit faire vne def* pence qui euft exede mon pou-« Uoir,& pour quelque raifoniag A % Voyage du Sieur neglige cefte affaire pour vn temps,me reprefentant les diffi- culcez qu’il y auroic au recou- urement des chofes neceflaires, 6crequifes en telle affaire, oom- me ii eft ordinaire en fembla- bles voyages. D’ailleurs qu’au- cunes perfonnes ne fe prefen- toient pour y contribuer. Neat- moins eftant fur cefte recher- che, 6c la communiquant a plu- ffeursftl fe l'eroit prdente vn ho- me d’honneur, duqueli’auoisk frequentation ordinaire , appel- le le Sieur Hoiiel, Secretaire du Roy, 6c Contrerolleur General des Sallines de Brouage, hom- me adonne a la piete, 6c doiie dvn grand zele, 6caffe£ffon,a Ihonneur de Dieu> 6c a l’aug* \ ,r de Champlain. 4 F mentation de fa Religion, le- tlei quel me donna vn aduis qui me UR fut fort agreabie. A f^auoir qu’il cel cognoiffoitdebons Peres Reli- ire,n gieux, de l’ordre des Recollez, ifa defquels il s’affeuroit, Sc auoit rs| tant de familiarite , Sc de crean- :prd ceenuers euXjqu’illesferoit co- ed defeendre facillement*&; entre- : ret prendre le voyage, &C que pour utli les comoditez neceffaires pour tei trois ou quatre Religieux quon ii y pourroit enuoyer,on ne man- ; )3 : queroit point de gens de bien ;t® quileurdonneroient ce quileur (j £I feroit de befoing, ofFrant de fa e i; part les alTifter de fon pouuoir, ^ Sc de faid il en referiuit au Pere fa du V erger, lequel goufta Sc prit ' j| fort bien cefte affaire , Sc fuiuant A mj Voyage da Sieur Faduis du Sieur Hoiiel , ilen communiqua&parla a aucuns de fesfreres , qui tous bruflants de charite, s offrirent librement a i entreprife de ce Sain< 5 t voya- ge- Or eftoic-il pour lors en Xain- tonge , duquel lieu il en enuoya deux a Paris, auec vne commif- fiojnon toutesfois auec vn pou- uoir abfolu,remettant Ie furplus aMonlieur le Nonce de noftre Sain6t Pere le Pape , qui pour lors eftoit en France , en l’annee 1614. eftans iceux Religieux enleurmaifona Paris, il les fuc vifiter* eftantfbrtaife &contec de ieur refutation, &c lors tous cnfemble fufmes trouuer ledi£t Sieur ^once, auec laditte canfl- de Champlain, j million pour la luy Communi- quer , 6c le fupplicr d’y interpo- ferfonau&orite. Maisaucon- traire il nous dift qu ll n auoic point de pouuoir pour relies af- faires, 6c que c eftoit a leur Ge- neral a qui ils fe deuoient adref- fer. Neantmoins laquelle ref- ponce lefdirs Religieux remar- quans la difliculte de cefte mif- fion,nc voulurent entreprendre le voyage, fur le pouuoir du Pe- re du Verger, craignant qu’il ne fuft affez autentique , 6c faditte commiffion valable, a caufe dc- quoy laffaire fut remife al’au- tre annee fuiuante. En atten- dant laquelle ils prirent aduis 6C refolution, fuiuant laquelle on dilpofa toutes chofes pour cefte Voyage du Sieur entreprife , qui fe deuoit cffe- &ucr au printemps lors pro- chain : en attendant lcquel, les deuxR eligieux feroient retour* nez en leur CoUuent en Broiia- g e * Et moy de mon cofte, ie ne laifTay de mettre ordre a mes af- faires , pour la preparation de ce voyage. Etquelquemois apresle def- partement des deux Religieux, queleReuered Pere Chapoiiin, Prouincial des Peres Recollez, (homme fort pieux) fut de re- tour a Paris. LeditSieurHoiiel le fut voir , Sc luy fit le difcours 4e ce qui s’eftoit pafi'e,touchanc le pouuoir du Pere duV erger,& la million qu’il auoit donnee de Champlain. 6 aux Peres Recollez. Surlequel difcours ledit Pere Prouincial comment a loiierce deftein,Sc lc prendre en affeC fupporter toutes les neceifites^peines trauaux qut s’offrirot pour la gioire deDieu. Et levoyant pouffe d’vn fi. faindt ?ele , &: ardantecharite , ie ne Ten voulus plus deftourner, &; partit auec cede deliberation dyannoncerle premier le nora de Dieu, moyennant fa faindte grace, ayant vn grand conten- tement que 1’occafion fe pre- fentaft pour fouffrir quelque chofe pour le.nom,& gioire, de noftre Sauueur lefus-Chrift. Or incontinent que ie fus ar- vArriuee au grand <3 fault. Iroquois. 'Voyage du S ieur riue au fault, ie vif taycespeu- ples qui eftoient fort defireux de nous voir , & ioyeux de no- ftre retour, fur fefperance qu’ils auoient que nous leur donnc- rions quelques vns dentre nous pour les aftifter en leurs guerres contre leurs ennemis , nous re- montrant que mal-aifementils pourroient veniranous fi nous ne les afliftions : parce que les Iroquois leurs anciens ennemis, eftoient touftours fur le chemin qui leur fermoient le paffage, outre que ie leur auois toufours promis de les aftifter en leurs guerres, com me ils nous fircnt entendre par leur truchement. Surquoy ledit iieur du Pont,& moy,aduifames qu’il eftoit tres* de Champlain. 14 necelfaire de les aflifter , tanc * pour les obliger d’auantage a nous aymer , que pour moyen- f ner la facilite de uses cntreprifes &C defcouuercures , qui ne fe * pouuoicnc faire en apparence it queparleur moyen,&auili que 1 cela leur feroic comme vn ache-, ti minement,& preparation.pour ,1 venir au Chriitianifm-e , cn fa- |i ueurdequoyicmerelolud’y al* ie ler recognoiftre leurs pais,& les 1 aiTifteren leur guerres,afinde les I obliger a me faire veoir ce qu’ils I m’auoicnc cant de fois promis. ] Nous les fifmcs done coos af- i sebler pour leur dire nos volon- u reZjlefquelles entedues,ils nous K promirenc de nous fournirdeux ii mil cinqccnts homes de guerre. Voyage du Sieur qui feroienc merueilles , Sc qua cede fin ie menafic de ma part le plusd’hommes quil me feroic pofiibie. Cequeieleurpromis faire, eftant fore aife de les voir fibiendeliberez. Lorsiecom- men^ay a leur defcouurir les ftioyens qu’il falloit tenir pour combattre, a quoy ils prenoient vn fingulier plaifir, auec demo- ftration d’vne bonne efperance de vidtoire. Et routes refolutios prifes nous nous feparafmes, auec intention de retourner pour 1’execution de noftre en- treprife. Mais auparauant que faire ce voyage , qui nepouuoit eftre moindre que de trois ou quatre moisj il eftoit a-propos que ie fifie vn voyage a nolire de Champlain . i j f habitation, pour donnerfordre f requife , pendant mon abfence, ft aux chofes necefiaires. * Etle iourde Les enfuiuant,ie party de la pour re- collet M- s tourner a la riuiere des Prairies, Mt/fc [ oil eftant auec deux canaux de^^ f Sauuages,ie fis rencontre duPe- dess** oi! relofeph, qui retournoit ano- mges. at ftre habitation, auec quelques ai ornements d’Eglife pour cele- b brer le fainft Sacrifice de la mef* fi fe,qui fut chantee fur le bord de ® ladite riuiere auec toute deuo- :ti tion, par leReuerendPere De- nt nis, & Pere Iofeph , deuant tous ii ces peuples qui eftoient en ad- os miration , de voir les ceremo- ,[i niesdonton vfoit, Scdesorne- g meats qui leur fembloient fi Uoyage du Sleur beaux,comme chole qirils n a J uoicnc iamais veuexar ceftoiec les premiers qui y out celcbr^ la Sain£fce Melfe. Pour retourner a k continua- tion de mon voyage, i’arriuay audit lieu de Quebec le i 6. ou ie trouuay le Pere lean , & le Pere Pacifique en bonne difpo- fition , qui de leur part firent leur dcbuoir audit lieu jd’appre* fter toutcs chofes. Ils y celebre- rent la fain&e Melfc, qui ne s*y eftoit encores ditte, aulfi ny auoit-il iamais efte de Prebftre en ce cofte-la. Ayant mis ordre a routes chofes, audit Quebec, ie pris deux hommes auec moy , &C men retournay a la riuiere des de Champlain. 16 i Prairies, pour men aller auec lcs Sauuages , 6c partis de Quebec t le quatriefme ionr de Iuiller, 6c le hui&iefme dudit mois eftant i Pur lc chemin , ie rencontray le i fieurdu Pont, 6c lePere Denis* , qui s’enreuenoient audit Que- bee, 6c me dirent que les Sau- | uages eftoient partis bien faf- jj chez , de ce que ie n’eftois al- le; auec eux , du nombre de£* If quels plufieurs nous faifoient j, morts , ou prins dcs Iro- j quois , d’autant que ie ne I deuois tarder que quatre , ou cinq iours , 6c neantmoins i’en retarday dix. Ce qui fai- . l °x delelperer ces peuples , 5 C^£ ttze . 1 mefmes nos Francois , tant ils e- fwfw iloient defireux de nous reuoin aU£Clss Ji Sanaa- Voyage du Sieur ilsmedirentqne le Perelofeph cftoic party auec douze Fran- cois qu’on auoit bailie aux Sau- uages pour les aflifter- Ces nou- uelles m affligerentvn peu,d’au- cant que fi i’y euffe efte,i’euffe mis ordre abeaucoupdecholes pour le voyage, ce que ie ne peu pas., tant pour le petit nombre d’hommes, comme aufli pour- ee qu’il ny en auoit pas plus dc quatre ou cinq feulement qui fceuffent le maniement des ar- mes, vcu quen telle entreprife les meilleurs ny font pas trop bons. Tout ccla ne me fill point pourtant perdrecourage a pour- fuiure l’entreprife, pour 1’afFe- dtion que i’auois de continuer mes defcouuertures* lemefe* paray de Champlain . \j paray done d’aucc lefdits fieurs : duPonc,&:Pere Denis,auecre- folution de m’en aller dans les ! deux canaux qui eftoient auec ' moy , Sc fuiure apres nos fauua- ! ges a ayans pris les chofes qui 1 ra’eftoient necedaires. Le ^.dudir mois,iem embar- 1 quay moy croifiefme * a fcauoir f I’vn de nos truchemens J> &; mon * homme, auec djx Sauuages, c: dans lefdits deux canaux P qui dt tout ee qu’ils pouuoient porter, [ ! dautant qn’ils. eftoie: fort char-. fi! gez Sc embaraifez de hardes , ce jf nfempdefooit de mener des t bo mines d auantag-e. iNous continualmes noftre 9 v °yage amont le fleuue S, Lau- ;i rens,.quelques lix lieues, &fu- [ Q / Sattlt S. Louis. "Voyage du S teur nies par la rimere des Prairies^ qui dcfcharge dans ledit fleuue, laiflant le fault Saind Loiiys cinq ou fix licues plus amont , a la main feneftre^ou nous paflaf- mes plufieurs petits fauts parce. fie riuiere, puis entrafmes dans vn lac , lequel pafle, rentrafmes dans la riuiere, ou i’auois efte au- parauant, laquelle va, &C con- duit aux Algommequins, di- ftante du fault Saind Loiiys dc quatrc-vingt neuf lieues * de la- quelle riuiere i’ay fait ample defcription en mon precedent liure, & traide de mes defcou- uertures , imprime en l’annee mil fix cents quatorze. Celt pourquoy ie n’en parieray point en ce traide, continueray de Champlain. hion voyage iufques aulacdes Lac &* : Algommequins.oueftant.ren- tralmes dedans vne riuiere qui defcend dedans ledic lac, Sc al- ia fmes amont icelle quelque Pais des 1 rrente-cinq lieues , Sc paffafmcs Al g orn ~ \ grande quantite de faults , tant 1 par terre, que par eau, Sc en vri I Fysmal aggrcable, remply de MrttS II lapins, boulleaux, Sc quelques pais. \ chefnes,forcerochers,&: en plu- f fieurs endroi&s vn peu monta- i gneux. Au furplus fort defert,&; ie fterille , Sc peu habite , fi ce ri’eft s de quelques Sauuages Algom- i mequins , appellez Otaguot- otaguof- i touemin 5 qui fe ticnnent tuutmin: i dans les terres, Sc viuent de If leurs chaffes,&: pefcheries qu ils Viure des I font aux riuicres , eftangs , Al S om ' . . o 3 mequins ; C l) Voyage du Sieur 5c Iacs,dont le pais eft aftez mu- ny. Ileftvrayqu’il femble que Dieu a voulu donner a ces ter- res affreofes SC defertes quelque chofes en fa faifon, pour feruir de rafraichiflement a l’homme, &: auxhabitans de ces lieux.Car ie vous afteure qu ii fe trouuclc long des riuieres ft grande quan' tire de blues , qui eft vn petit fruid fort bon a manger, 8cfor- Abodance ce framboifes, &C autres petits 4e jram- truids, £c en telle quantitc, que boifes. & ce fl. merue illcs: defquels fruifts jffi. ces peuplcs qui y habitent en .font feicher pour leur hyuer, comme nous faifons des pru- neaux en France 5 pour le Caref* me.Nous laiffames icelle riuiere qui vient du Nort, Sc eft celle de Champlain. 1 9 par laquelle les Sauuages vonc auSacquenay pour trailer des Pelletries,pour du Pecun- Ce lieu eft par les quarante & ftx degrez de latitude aftez aggrea- ble a la veue, encores que de peu de rapport. Continuant noftre chemin par terre, en laiflant ladite riuie- re des Algommequins , nous paftames par plulieurs lacs , oil les fauuages portent leurs ca- nauxiufques a ce que nous en- trafmes dans le lac des Nipifteri* Lac des nij,par la hauteur de quarante- Nipijk- li x: degrez, vn quart de latitu- de. Et le vingt-lixiefme iour dudit mois,apres auoir fait, rant parterre que pat les lacs vir.gt- cinq lieueSjOU enuiron. Ce Fa 16; C iij nnu. U oyage du Sieu r nous arriuafmes aux cabannes des Sauu ages , ou nous fejour- nafmes deux iours auec eux. Ils nous fire nc fort bonne recep- tion, &. eftoient en bon nom- bre:Se font gens qui ne cultiueE laterreque j^rcpeu. A. vous montre Thabit de ces peuples al» lant a la guerre. 2. celuy des femmes, qui ne difFaire en rien de celuy des montaignairs, & Algommequins grands peuples & qui seftendent fort dans les terres,voyezenla page 2,3. Du- ratle temps queief us auec eux, leChef de fes peuples , &C autres des plus anciens , nous feftoye- rent en plufieurs feftins, felon ieur couilume , &C m’eftoient peine d’alier pelcher &C chaffer, de Champlain. 10 pour nous trai&er le plus deli- catement quils pouuoient.Ces didts peuples eftoient bien en nombrede lepc a huidfc centa- mes,qui fetiennenc ordinaire- mentfurlelac, ou il y a grand nombred’ifles fort plaifantes^ cntr’autres vne qui a plus de fix lieuesde iong,ouily a 3. ou 4* beaux eftanSj&; nobre de belles s prairies ^auecdetrefbeauxbois qui lenuironentjou il y a aboda 1 cedegibier, qui feretirent dans cefdits petits eftangs,ou lesSau- uagesy prennent du poifton.Le , code du Septentrion dudidt laq | eft fort agreable , il y a de belles prairies pour la nourriture du )■ beftaifSc plufteurs petites riuie^ res qui fc defchargent dans ice n lu y lac. C iii,j Pefche desSatl- n^tges. Nip'/ie- rinii vi- ne nt de chajje,& depe/che. ‘Voyage du Sieur Us failoient lors pefcherie das vn iac fort abondant de plu- fieurs fortes de poiflon, entr’au- tres d’vn trelbon, qui cit de la grandeur d’vn pied de long, co- ine aufli d’autres efpeces, que les lauuages pefchent pour faire feicher,&; en font prouifion-Ce lac a en Ion eftendue quelque huid lieues de large, & vingt- cinq de long, dans lequel defeed vne riuiere qui vient du No- roiieft, par oil ils vont trailer les march.andifes que nous leur donnons en troque,& retour de leur Pelletries, & ce auec ceux qui y habitenr, lefquels viuent de chalfe, & de pefeheries, pays peuple de grande quantite, tant d’animauXjqu’oyleaux^ dc poif- de Champlain. ,11 Tons. Apres nous auoir repofe deux is iours auec le chefdefdits Nipi- £ fieri nij : nous nous rembarquaf- mes en nos canaux,& entrames dans vne riuiere, par ou ce lac fe i defcharge, 6 c fifmes par iceile i quelques trente-cinq lieues, 6c i: defcendifmes par plufieurs pe- t tits faults, tant par terre, que par li eau ^ iufques aulac Attigouau- ! tan. Tout ce pais eft encores i plus rnal-aggreable que le pre- Llic Attl ~ s' unHtan ‘ i longd’iceluy dixarpens de ter- t re labourable , finon rochers, 6c i pais aucunement montagneux. | 11 eft bien vray que proche du lac desAttigouautan nous trou- uafmes des bleds d’Inde, mais Samut ges nom inez, Us cheueux releue: z. Voyage du Sieur en petite quantite * oil nos Sau- uages furet prendre des fitroiiil- les quinous femblerent bonnes, carnosviures commencoienta nous faillir, par lemauuais mef- nage defdits Sauuages,qui man* gerent ft bien au commence- ment * que fur la fin il en reftoit fort peu,encores que nefillions qu’vn repas le iour. II eft vray, comme i’ay dit cy-defiiis, que les blues, &framboifesnenous manquerent en aucune facon, car autrement nous euflions efte en danger d’auoir de la ne* ceftire. Nous fifmes rencontre cle 300. horames d’vne nation que nous auons nommez les cheueux. releuez , pour les de Champlain. it ij auoir fore releuez, be agencez, I be mieux peignez que nos cour i t tifans, be ny a nulle comparai- i fon, quelque fers , be faco qu’ib y puillent apporcer. Ce qui fern* lr ble leur donnervne belle appa- lf rence. Its n’ont point de braver, ! be font fort decouppez par le | corps,en plufieurs fa$ons de c5- , partimec: 11s fe paindet le vifage s de diuerfes couleurs , ayants les r narines per^ees , be les oreilles t bordeesdepatinoftres. Quand ils fortent de leurs maifons ils portent la maflue , ie les vifitay be familiarifay quelque peu, be ns amide aueceux. Ie donnay vne hache a leur Chef, qui en £ut aulli content, be refjouy, que d ie luy eulfe fait quelque Voyage du Sieur riche prefentj & communiquat auec luy, ie l’entretins fur ce qui eftoit de Ton pais ,qu’il me figu- ra auec du charbon fur vne ef- corce d’arbre. II me fift enten- dre qu ils eftoient venus en ce lieu pour faire fecherie de cc fruift appelle blues , pour leur feruir de manne en hyuer , & lors quits ne trouuenc plus rien. qA. Q moncre de la fa^on qu’ ils s’arment allant a la guerre. Ils n’ont pour armes qoe Fare, & la flefche, mais elle eft faite en la fa^onque voyez depaintejqu’ils portent ordinairenrent , & vne rondache de cuir boullu>qui eft d’vn animal comme le bufle. '» %)oyage du Sieur Le lendemain nous nous feparafmes., &C continuaimes noftrechemin le long du liua- gedece lac des Attigouautan, oil il y a vn grand nombre d’i- fles^Sc fifmes enuiron 4 jdieuesi coftoyant toufiours cedit lac. At'tgouAu II eft fore grand , & a pres de unlacde q Uatre centlieues de longueur, TentUedis de rOrient a lOccident , & debug, de large cinquante lieues , &; pour la grande eftendue d’i- celuy , ie lay nomme la Mer douce. 11 eft fort abondanc en plufieurs efpeces de tras- bons poiftons , tant de ccux que nous auons , que de ceux que n’auons pas., &C prirr L danun cipalement des Truittes qui Truittes. font monftrueufement gran- de Champlain . ±4 des, en ayant veu qui auoient iufques a quaere pieds & de- my , & les moindres -qui fe voyent font de deux pieds & demy. Comme aufTi des Brochecs au femblable , &C. certaine maniere d’Efturge- on , poiflon fort grand * &: d’vne merueilieufe bonte. Le pays qui borne ce lac en par- tie eft afpre du cofle du Nort, & en partie plat , & inha- bite de Sauuages , quelquc peu couuert de bois , 6c de chefnes : Puis apres nous trauerfames vne baye qui fai£t vne des extremitez du lac, fifmes quelques fept lieues , iufques a ce que npus arriuafcnes en la contree des Voyage du Sieur village ■ Attigouautan, a vn village ap* ZZL pelleOtouacha , quifut le pre- rpier iour d Aoult, ou trouuaf- mes vn grand changement de pais, ceftuy-cy eftant fort beau, Pays & la plus grande partie deferte, define, accompagne de force collines, &C de plufieurs ruilfeaux , qui rendentceterroiraggreable. Ie fus viiiter leurs bleds d’Inde,qui eftoient pour lors fortauancez pourlafaifon. Ces lieux me femblerent tres» p!aifans,au regard d’vne (I mau* uaifecontree,d’ounous venios de fortir. Le lendemain ie feus a vn autre village appelle Carma* * lUa & e , ron,diftant d’iceluy d’vne lieue, camaro. ouil nous receurent fort amia- blement, nous faifant feftin de leur de Champlain] z] Scur pain, (itrouillcs, &: poiffom pour la viande, clle y eft fort ra- re. Le Chef dudit Village me priafort d’y fejourner, ce que ic ne peu luy accorder , ains m’en retournay a noftreVillage,ou la deuxiefme nuit comme feftois alle hors la cabanne pour fuir les puces qui y eftoient en gran- de quantite,& done nous eftios tourmentez': vnefillc peu lion- teufe , & eftrontement vint a moy, s^offrant a me fairc com- pagnie.dequoy ielaremerciay, la renuoyant auec douces re- hionftrances,&; paftay la nuiahiague j, ou debuoit eftre le village lendez-vous de toute I’armce, *ppdte diftancdeCarhagouha de qua- cM ^" 1 torze lienes , & parcifmes D ij VoyagcduSteur de ce Village le 14.^ Aouft 3 auec dix de mes compagnons. Ic vifitay cinq des principaux Villages , fermez de palliftadcs de bois, iufques a ce qua Cahia- gue,le principal Village du pais, ou il y a deux cents caban- nes afles grandes , ou tous les gens de guerre fe debuoient af- fembler. Or en tous ces Villa- ges iis nous reqeurent fort cour- toifement auec quelque hum- ble accueil. Tout ce pays ouie fus par terre contient quelque io.a$o*lieues,&; eft tres-beau, foubs la hauteur de quarante quatredegrez fiedemy de Iati- tude,pays fort deferte, ou ils fe- ment grande quantite debleds d’Inde , qui y vient tres-beau, de Champlain. 27 com me aufli dcs litrouillesyher- be au Soleil, done ils font de Thuille de la graine : de laquelle huille ils fe frottent la telle. Le pays ell fort trauerfede milfe* aux qui fe defehargent dedans lelac.il y a force vignes& pru- nes,quilbnt trelbonnes, fram- boifes, fraifes, petites pomraes fauuages, noix, &vne maniere de fruifr, qui ell de laforme, &C couleur de petits citrons, 5 C en ontaucunementlegoull > mais le dedans ell trefbon, ell preG que femblable a celuy des ft- gues. Cell vne plante qui les porte, laquelle a la hauteur de deux pieds demy, chacune plante n’a que trois a quatre feuilles pour le plus, &C de la Voyage du Sieur forlne de celie du figuier,& n V porte que deux pommes chacti. pied, 11 y en a quantite en piu- iieurs endroits,&: cn eft le frui& trefbo,& de bon gouftdes chef- nes, ormeaux, &c heftres, y font en quantise, y ayans dedans ce pays force fapinieres, quieftla recraidc ordinaire des perdrix, & lapins. II y a aufti quantite de cerifes petites & merifes , & les melmes efpeces de bois que nous auons en nos forefts de France 5 fonten ce pays- la. A la verite ceterroir me fernble vn peu fablonneux , maisil nelaif- fe pas d’eftre bon pour cet efpe- ce de froment. Et en cepeu de pays i’ay recogneu qu’il eft fort peuple d’vn nombre infiny de Champlain. zS d’ames , fans en ce compren- dre les autres contree.s * ou ic nay pas efte , qui font, au rapport commun , autant ou plus peupiees, que ceu K cy~ deflus t Me reprefentant que c’eft grand dommage que tant de pauures creatures viuent, &; meurent, fans auolr la co- gnoiffancfe de Dieu, 6 C mef- mes fans aucune Religion, ny Loy , foit diuine , Pq- litique * oil Ciuiile , e- ftablie parmy eux. Car Us nadorent, &. ne prient, au- c.une chofe * du moins en ce que ray peu recognoiftre cn leur conuerfation : Ils ont bien encore quel que ef- pece de ceremonie entr’eux » ^Voyage du $ uur que ie defcriray en Ton lieu* com me pour ce qui eft des mab lades , ou pour Icauoir ce qui leur doibt arriuet , mefme tou~ chant les mores: mais ce fontde certains pedonnages eftas par- myeuxqui sen veulent fairea croire , tout ainft que faifoient, ou fe faifoit du temps des an- ciens Payeiis qui f£ laiffoient emporter aux perfuafions des enchanteurs, & deuins, neant* moins la plufpart de ces peu- ples ne croyent rien de ce quils font,&: difent.Ils font affez cha* ritables entr’eux , pourcc qui eft des viures:mais au refte , fort a- uaricieux* Ils ne donnent rien pour rien. Us font couuerts de peaux de Cerfs,&; Caftor,qu’ils de Champlain . 2.9 trai&ent auec les Algomme- quins, 8C Nipiderinij, pour du bled d’lnde, 8c farines d’iceluy. Le dixfeptiefmeiour d’Aault Anime d i’arriuay a Cahiague, ou ie fus cahiaguL re^eu auec grande alegrefle, 8c recognoilfance de tous les Sau- uages du pays^qui auoient rom- pu leur deffeing, penfant ne me reuoir plus , 8c que les Iroquois m’auoient pris^comme i ay di£fc cy-deflus* quifutcaufe du grad retardemenc qui fe rrouua en cede expedition , iufques la mefmesqu’ils auoient remis la partie a lautre anneefuiuante: Sur lefquelles entrefai&es ils re* ceurent nouuelles comme cer- taine nation de leurs alliez 5 qui habitent a trois bonnes iour~ Iroquois ennemis. Voyage du Stem nces plus haut que les Entou- honorons, aufquels les Iro- quois fonc aufti la guerre , left quels aliez les vouloient afiifter en cefte expedition dc cinq cens bons hommes., & faire alliance , & iurer amitie auec nous , ayants grand defir de nous voir>&: que nous fiflions la guerre tous enfemble,&: dont ils tefmoignoientauoirducon- tentement de noftre cognoifsa- ce,&; moy d’auoir trouue cefte opportunity , pour le defir que i’auois de fqauoir des nou- uelles de ce pays-la : qui n’eft qua Cepe iourneeSjdoiilesFla* mens vont trailer fur le qua- rentiefme degre, lefquels Sau« de Champlain. 30 uages ., affiftez des Flamens * fl*™** leur font la gucrrcj&lespren-^^ nenc prifonnicrs , & les font mquois mourir cruellement * eom- f " leur mede ils nous dirent que^ cmv l’annec paffee faifant la guer- re, ils prirent trois defdits Fla- mens qui les alfiftoient , com- nie nous faifons les Attigo- uautan f &: qu’au combat , il en fut tue vn des leurs. Ne- 1 antmoins ils ne laifferent pas de renuoycr les trois Flamens prifonniers, fans leur faire au- cun mal , croyans que ce fuf- fent des noftres, encores quils n’euffent aucune cognoiflan- ce de nous , que par oiiy dire, i. n’ayasiamaisYeude Chreftien: Voyage du Sieur car autrement ces trois prifon- niers n’euftent pas pafte a fi bon marche,ny ne palfeont, s’ils cn peuuenc prendre, & atrapcr. Cefte nation eft fort belliqueu- fe, a ce que tiennent ceux de la nation des Attigouotans, ils ny a que trois Villages qui font au millieu de plus de io. autres, aufquels ils font la guerre , ne pouuant auoir de fecours de leurs amis , d’autant qu’il faut patter par le pays ces Chouon- touaroiion , qui eft fort peuple, oil bien faudroit prendre vn bien grand tour de chemin. Arriue que ie fus encc Village , ou il me conuint fe- journer,attendant que les hom- \ de Champlain. jj| mes de guerre vuifent des Villa- ges circonuoifins pour nous cn aller au pluftoft qu’il nous feroit \ poffible, pendant lequel terpps on eftoit touliours en feftins, 6c dances, pour la rcfioiiyfTance en laquelle ils eftoient de nousvoir 5 fi refolus de les aflifter en leur i 1 guerre , 6C com me s*afleurant ■ defiadeleur vidoire. [! La plus grande partie de nos 1: gens aflfemblez nous partifmes i du village lc premier iour de a Septembre, 6cpa{Tafmes fur le It bord d Vn petit lac, diftant du- i dit village detroislieues , ou il t fefaitde grandes pefeheries de il poiflon, qu’ils conferuent pour s| Thyuer. Il y a vn autre lac tout ioignant , quiavingt-lixlieues Voyage du Sieur de circuit, defcendant dans le petit par vn endroift, oil fe fai& la grande pefche dudit poiffon, par le moyen de quantite de palliffades, qui ferme pref- que le deftroit , y laiffant feulement de petites ouuertu- res, ou ils mettent leurs fillets, ou le poifTbn fe prend , & ces deux lacs fe defchargent dans la mer douce; Nous fejournafmes quelquepeu en ce lieu pour at- tendrele refte de nos Sauuages, ou eftans tous aflemblez auec leurs arrnes, farines, chofes neceffaires : on fe delibera de choifir des homines des plus refolus qui fe trouueroient en la trouppe , pour aller donner aduis de noftre partemenc a de Champlain . 32, ceux qui nous debuoient afli- fter des cinq cents hommes pour nous joindre a affin qu’en vn mefme temps nous nous trouuaflions deuant le fort des enuemis. Cede delibe- ration prinfe, ils defpefcherent deux canaux, auecdouzeSau- uages des plus robuftes , 6£ par mefme moyen l’vn de nos tru- chements qui me pria luy per- raettre faire le voyage : ce que facillcment ie luy accorday, puifque de fa volonte il y eftoit porte, & par ce moyen verroic leur pays,6c pourroit recognoi- ftre les peuples qui y habitent. Le dager n’eftoit pas petit, d’au- tant qu’il faloit pader par le mi- lieudes ennemis.Ils partiret le 8. Voyage du Sieur dudit mois , Sde dixiefme ei^ fuiuant il fit vne forte gelee blanche. Nous continuafmes noftre chemin vers les enne- mis , & fifmes quclque cinq a fix lieues dans ces lacs, Sc de la les fauuages porterent* leurs ca- naux enuiron dix lieues par ter- re, Sc rencontrafmes vn autre lac de l’eftendue de fix a fept lieues de long. Sc trois de large. C eft d’ou fort vne riuiere qui fe va decharger das le grad lac des Entouhonoj:6s,& ay as traucrfs celac, nous pafiafmes vn faut deau,continuantlecours de la- dite riuiere ,toufiours aualj en- uiron foixante quatre lieues,qui qjai eft Tentree dudit lac des En- touhonorons Sc allans , nous ' pafiafmes •de Champlain. ft pafTafmes cinq faults par terre. Les vns de quatie a cinq lieues de long, Sc paftafraes par plu- fteurs lacs,qui font d’affez belles eftendues , comrae aufti ladi&e riuiere qui paffe p array , eft fore abondante en bonspoiffons, e- ftant certain que tout ce pais eft * fort beau , Sc plaifant. Le lo*ng du riuage il femble que les at - Beaute, bres ayent efte plantez parpi^i- &ferti~ ftr , en la plufparc des endroidts: aufli quetous ces pays ont efte 1 habitez au temps paffe de Sau- uages, qui depuis ont efte coo- traindfs rabandonner pour la craintede leurs ennemis. Les vignes,&; noyets, y font en gra- *. de quantite, les raifins viennenc de maturite! mais il y reftetouf- E ’ ■ Voyage du Sieur jouts vnc aigreur forr acre , que Ion Cent a la gorge enle man- geanc en quantite. Ce qui pro- uient a faute d’eftre cultiuez : ce qui eft deferte en ces lieux eft aftez agreable. La chalfe des Cerfs, &: Ours, v eft frequente, i nuentio & p 0 ur l’experience nous y % Ch ridr e chaftaftnes, &: en prifmes vn af- /Jours, fezbonnombre endeflendans, c mis. Les Sauuages cacherent tous leurs canaux dans les bols * proches da riuage : nous fifmes par terre quelque quatre lieue's fur vne playe de fable, oliieremarquay vnpays fort agreable , beau , trauerfe de plufieurs petits ruifleaux , & deux pedres riuieres qui fe def- chargent au fufdit lac, & force eftangs & prairies , ou il y auoit Vn nombre infiny de gibier , St forc« vignes , &C beaux bois, Abondice grand nombre de Chaftai- 4 evigna, g nel - Sj dont le fruid eftoit cn- . n . coreenleurefcorce. Les Cha- C.hartdt - t ncs font petices , maisdvn gouft. Le pays eft rem-. de Champlain. 36 , ply dc forefts , fans eftre de- fertc , pour la plufpart de ce ter- roir. Tous les canaux eftans ainli cachez , nous laiftafmes le riuage du lac , qui a quel- que quatre-vingt lieues de long, 6 C vinge-cinq de lar- ge. La plus grande partie du- quel eft habite de Sauuages | fur les codes des riuagcs d’i- i celuy , & continuafmes no* ftre chemin par cerre , enui- ron vingt-cinqajo lieu.es:Du«. rant quatre iournees nous tra- uerfames quantite de ruiCr-. feaux , &: vne riuiere , pro- cedante d’vn lac qui fe def- charge dans celuy des Entou- honorons. Ce lac eft de l’e- fteodue dc zy. ou 30. lieues « m S auuages prennent des fern- mes pri - sonieres. Crua. tte coKtfe Us femmes pnfon- nieres. 'j - xJoyage du S tmr . , de circuit, ou ily a de belles i£les a Seville lieu ou les Iroquois en- neitiis font letrr pefche de poif- fon,qut eft en abondance. Lecj.du mois d’Odobrenos Sauuages allam pourdefcouurir rencantrerene n; Sauuages qui prifent priiohniers , a fcauoir 4. females, troifgarcons , vne fii- le^ Grois homniieSjqui alloient a ki^plfche ^e poilfon , eflon- gue£- du fort des ennemis de quel^fte^quatre'lieues. Or eft a aet^rque I’vn des chefs voyac ces prifoun iers couppade d oige a vue .de ces pauures femmes pourdommeiicer leur fupplice ordinaire aurquoy ie furuins fur fes eti&efaittes^Sfc blafmek Ca-* pkditte Yroquec, luy-repteien-? de Champ lain, 37 tant que ce n’eidoit l’a£te d’vn hommc de guenre , corame il fe difoiteftre,de fe porter cruel en* tiers les femmes, qui n’ont def- fenceaucuneque lespleurs,!e{ quelles a caufe de leur imbecili te,&; foiblefle, on doibt trailer hutnaineraent.Maisau contrai- I: re que cet a£te fera iuge proue- nir dvn courage vil & brutabSc que s’il faifoit plus de ces cruau- tcz , qu H ne me donneroit cou- rage-deles affifter, ny fauorifer, 1 en leur. guerre a A quoy il me re-? 1 pliqua pour route refponce,quc t leurs ennemisies trai&oient de i raefmc facom Mais puis que ce- il fte facon m’apportoit du deplai* t fir,il n e feroit plus rien aux fern* jj pies , mais bien aux hommeSj Guerre centre ies Iroquoit. Voyage du Sienr puis quecela nc nous efloit ag- greable. Le lendemain , fur les trois heures apres Midy , nous arri- uafmes deuant le fort de leurs ennemis, ou les Sauuages firent quelques efcarmouches les vns contre les autres : encore que noftre defleing ne full de nous defcouurir iufques au len** demain : mais l’impaticnce de nos Sauuages ne le peuft per* mettre , tant pour le defir qu’ils auoient de veoir tirer fur leurs ennemis , comme pour deli- urer quelques-vns des leurs qui s’eftoient par trop cngagez,& cjui eftoient pourfuiuis de fort pres. Lorsiem’approchay,^ yfus, maisauccfipeud’homes de Champlain. quc i’auois : neantmoins nous leur montrafmes cc qu’ils n'a- uoientiamais veu, nyoiiy. Car aufli-toft qu’ils nous veirent,& entendirent les coups d’harque- bufe, &c les balles iiffler a leurs oreilles , ils fe retirerentprom- Sauuages ptement en leur forr, empor- craignent i tant leurs mores , blelfez , en cede charge , & nous aulli fern- des. * blablemenc fifmes la rerraidte en noftre gros , auec cinq ou fix f des noftres bleflez, dontlVny t mouruc. s Cela eftant fai£t, nous nous s retirafmes a la porcee d’vn ca- ll non , hors de la veue des en- t: nemis^neantmoinscontremon * ii aduis , 6c ce qu’ils m’auoient pro mis* Ce qui m’efmeuc Machine de guerre. Fortifica- tions d$ Sauuages , Voyage du Sieur a leur dire &C vfer,de parolles af- fez rudes* & fafcheufes., affin de les inciter a fe mectre en leur de* uoir, preuoyant que fi toutcs. chofes alloienc a leur fantaifie, & felon la conduitte de leur co- feil , il n en pouuoit reuflir quc du mal a leur perte, &: ruyne, Neantmoins ie ne laiffay pas de leur enuoyer, &c propofer, des moyens dont il falloit vfer,pour auoir leur ennemis, qui fut de faire vn Cauallier auec de cer- tains bois, quileurcommande- roitpar deflus leurs pallilfades: furlequelon poferoitquatreoit cinq de nos harquebulkrs, qui tireroient force harquebufades par delfus leurs palliffades &ga- leries> qui eftoient bien munies de Champlain. it de picrrcs , & par ce moyen on si deflogeroit les ennemis qui ti nousoffencoientdedeflusleurs t galleries, &c cependant nous i donnerions ordre dauoir des Hi ais pour faire vne maniere de '! mantelets , pour couurir & gar- ijt der nos gens des coups de flef- i che,& de pierre,dont ils vfoient ;,{ ordinairement. Lefquelles cho- Jt fes,a fcauoir leditCaualier & les ii mantelets (e pourroient porter ci a la main , &c force d’hom- ai mes, & y en auoirvn fait en tel- ls le forte,que l’eau ne pouuoit pas i eftaindre le feu que Ion y appli- y queroit deuant le fort, 6c cepen- k dant ceux qui feroient fur leCa- | ualier feroient leur deuoirauec I quelques arquebufiers qui y fe- Voy age da Sieur roient loge$,& en ce faisat nous nous deffendrions en forte,qu^ ils nc pourroient aprochcr pour efteindre lc feu quenous yap- pliquerions a leurs cloftures. Ce qu’ilstrouuerentbon, & fort a propos , & y firent trauailler a hnftant fuiuans mon aduis. Et de faid a le lendemain ils fe mi- rcnt en befongne j lesvnsa coupper du bois, les autres a la- maffer, pour baftir* &; drelTerj lefdits Caualliers, & mantelets: ce qui fuc promptement exe- cute , &: en moins de quatre heures , horfmis du bois dont ils amalferent bien peu pour brufler contre leurs palliflTades, affind’y mettrelefeu. Ilsefpe- roient que ledic iour les cinq de Champlain. 40 *' cents hommes promis vien- i droientj defquels neantmoins t on fe doutoic,parce qu’ils ne s'e- 1; ftoient point trouuez au rendez >1 vous,commeonleurauoitdon- 1 ne charge , 8c qu’ils lauoient k promis. Ce qui afflieeoic fort r c * K g guerroycr nos Sauuages : Mais voyants UsSau. tt qu ils eftoient en affez bon no- uaget. ti bre pour prendre leur fort, fans I autre afTiftance , &iugeantdc if ma part que la longueur entou- i tes affaires eft toufiours prejudi- [C ciable, du moins a beaucoup dc f chofes. lelepreftay d’attaquer It ledit fort, leurremonftrant que [: lesennemisayatrecogneuleurs |i forces, 8c de nos armes, qui per- se $oient ce qui eftoit a lefpreuue st desfteches,ilsc6mencerentafe *Voyagedu Steur barricader, 8c a eux couurir dc bonnes pieces de bois,do.nt ils.e* ftoient bien munis*& leurV ilia- ge retnply,& que ie moins tem- porifer eftoit le meillcur , com- mede fait ils y remedierentfort bien : car leur Village eftoit en- clos de quatre bonnes palliffa- des degroffes pieces debois,en- trelaflfees les vnes parmy les au- tres , ouilnyauoitpas plus de demy pied d’ouuerture entre- deux* de la hauteur de trente pieds^Sdes gallerics^ommeen maniere de parapel qu ils auoiet garnisde doubles pieces de bois, a Tefpreuue de nos harquebufa- des,& proche dvn eftang qu ils eftoient, ou l’eau neleur man- quoit aucunement, auec quan- de Champlain, 41 tit£ de gouttieres qu’ils auoienc mifes entre-deux,lefquelles jet- toient feau au dehors,&: la met* 1 toient par dedans a couuerc pour eftaindreie feu. Vailaea ' effect la facon dont ils vfenc, * rant en leurs foruffications qu- ^ en leurs deffences, &c bien plus if forts que les villages des At- s* tigouautan, &: aucres. ii! Nous nous approchafmes r» pour attaquer ce village, faifant 10 porter noftreCauallier par 200. i hommes les plus forts , qui le 1 poferent deuant ce village , a b la longueur d’vne picque , 011 \i ie fis monter trois harquebu* c fiers,bien a couuert des fleich£s p &: pierres, qui leur pouuoient e- ftre tirees,^ jettees'.Cependanc ; F cek de de flef- ches, quine manquerent point) &quantitede pierres quilsjet- toient par deflus leurs pallifla- des. Neantmoins la multitude infinie des coups d’harquebufc les contraignirent de defloger, &C d’abandonner leurs galleries^ par le moyen, & faueur, d’vn Cauallier qui les defcauuroit, & ne sofoient defcouurir, ny montrer, combattans a cou- uert. Et comme on portoit le Caualier, au lieu d’apporter les mantelets par ordre , 6c ceiuy oil nous debuions mettre le feu, ils les abandonnerent , &fe mi- rent a crier contre leurs enne* mis, en tirant des coups de flef- Vojage du Sum 1’ennemy ne laifla pour tirer vn grand notnbre me mliiatre. de Champlain . 41 ches dedans le fort , qui , a mo'll . . r -r • 1 1 Sauu ages oppinion,ne railoientpas beau- ne vtulei coupde mal auxennemis. Mais/^»'^ il faut les excuferi ear ce ne font pas gens de guerre, &: d’ailleurs qu’ils ne veulent point de difci- pline, ny de corre&ion, & ne font que ce qui leur fern blent bom Celtpourquoyinconii- dercmentvn d’entfeux mift le feu au bois, contre le fort de leurs ennemis , & tout au re- bours de bien,8c contre le vent, tellement qu’il ne fill aucun ef- fect. c£ Lefeudoncpaffe,iaplulpart i des Sauuages commencerent a [t« apportcr le boiscontre les palliF fades mais en petite quanri* (| te, qui feutcaufe que le feu, li F ij Voyage duSieur pcu fouray de bois nc peut faire grand effed: auffi que le defor- dre furuint entre ce peuple, tel- lemenc qu’on ne fe pouuoit en- tendre: ce qui m’affligeoit fort* iauois beau crier a leurs oreilles &: leur remonftrer au micux quil m*eftoit poflible le danger ou ils fe mettoient par leur mau- uaife intelligence, mais ils nen- tendoient rien pour le grand bruit qu ils faifoient , & voyant queceftoitme ronipre la tefte de crier, & que mes remonftra- ces eftoient vaines, &nepou- uapt remedier a ce defordre, ny fairedauatage:ie me refoluauec mes ges de faire ce qui me feroic poflible , & tirer fur ceux quc nous pourrions decouurir, &a- de Champlain. 43 is per^euoir.Cepedat les ennemis 1 faifoientprofHtdenoftredefor- i dre,ilsalloientareau,Stenjet- 1 toienten telle abondance , que 1 vous eufliez dit que c’eftoienc ruiflfeaux qui tomboient par t: leurs gouttieres , de telle fa^on, 5 qu’enmoinsde rien ilsrendirec s le feu du tout eftaint, fans que ij pource ils laifTalfent de tirer des 1 coupsde fleches,qui tomboient )i fur nous commegrefle. Ceux it quieftoient fur le Cauallier en jj tuerent, St eftropierent, beau- I coup. Nousfufmes encecom- ; bat enuiron trois heures,il y eut 1 deux de nos Chefs , St des prin- chef des I cipaux bleflfez , a fcauoir vn ap- Samages ij pelle Ochateguain,rautre Ora- "“"iZl- i ni , St quelque quinze d’autres F - • • • ^ ■ij V oyage du Sieur particuliers auffi bleifez.Les au~ tres de leur code voyants leurs. gensblcffez,&:quelques-vnsde leurs Chefs jilscommen^erent a parler de retrai&e, fans plus combattre* attendant les cinq ceints homines qui nedcbuoiet Les cap- pl us p-uieres tarder a venir , & pf'tdiffl’CS • C C 5 jg S amine retirerent, nayantsque Samages cede bouttade de defordre. Au nont rede les Chefs n’ont point de ^dautho* commandement abfolu fur rite fur, leurs compagnons, qui fuiuenc leur volonte, &C font a leur fan- taifie , qui cd la caufe de leur defordre, & qui ruyne toutes leurs affaires : Car ayant re- folu quelque chofe auec les principaux , il ne faudra qu’vn l?eliftre,ou de neant,pourropi^ leurs Soldat. de Champlain. 4-4- pre vne refolution > 8c faire vn nouucau defleing , C\ la fantaifte luy en prend. Ainfi les vns pour lcs autres ne font rien,comme il fe peuc veoir par cefte expedi- tion. Mais nous nous retirafmes en VAu- noftre fort , moy eftant blelTe dedeux coups deflefchesjl’vn. dans lajambe, 8c l’autre au ge- noiiil , qui mapporta grands incommodite, outre les gran- des 8c extrefmes douleurs.Et e - ftans tous affemblez^ ieleurfis plulieurs remonftrances fur le defordre qui s’eftoit pa^e, mais tous mes difcours feruoiet auiH peu que le taire , 8c ne les erneut aucunement, difans que beau- coupdeleursgens auoienc efte F iiij Voyage du Sieur blefTez,8c moy-mefme, & quc ccla donneroit beaucoup dc fa- tigue^ d’incommodite, aux autres, faifant la retrai&e pour les porter, &; que de retourner plus contre leers ennemis 5 com* me ieleur propofols le debuoir faire,il ny auoitaucunmoyen, mais bien qu’ils attendroient encores quatre iours les cinq cents hommes qui debuoient venir, 8c eftans venus^ils feroiet vn fccond effort contre leurs ennenris,&; executeroietmieux ceque ie leurdirois , qu’ils n’a- uoient fait par le paffe. II en fal- lut demeurer la , amon grand regret. Cy-deuant eftreprefen- te comme ils fortifient leurs vil~ les , 8c par cefte figure Ton peuc de Champlain , 41 entendre, &C voir,que celles des amis , 8c ennemis , font fembla- blementfortifiez. Le lendemain il fit vn vent impetueux qui dura deux iours, fort fauorablc a mettre le feu de rechef au fort des ennemis : fur quoy ie les prelfay fort , mais ils nenvoulurentrienfaire, com- me doutant dauoir pis, 8c d’ail- leurs fe reprefentans leurs blef- fez. Nous fufmes campez iuf- quesaui 6 . dudit mois, ou du- rant ce temps il fe fill quelques efcarmouches entre les enne- mis, 8c les noftres,qui demeure- rent le plus fouuent engagez parmy les ennemis, pluftoft par leur imprudence , quefautede "Voyage du S ieur courage , vous aifeurant quit nous falloit , a routes les fois quils alloient a la charge, les al- ler requerir , &C les def engager dela preffe , ne fe pouuant reti- rer qu’en la faueur de nos har- quebubers , eequelesennemis redoubrent &: apprehendenc fort. Car b toll quils apper^oi- uoicnt quelquvn de nos har- quebubers, its fe retiroient pro- ptement,nous difans par forme de perfuabon que nous ne nous medabions pas en leurs com- bats, & que leurs ennemis a- uoientbien peu de courage de nous requerir de les aflifterauec tout plain d’autres dilcours fur ce fubje£t pour nous en emoty* ucir. de Champlain. H? Fay repieferitedelafa^onqu’ils if garment allanc a la guerre, en la t page 13. figure E. li E.c quelques iours paffez vo- le yans que les cinq cens hommes k nevenoient point, ils delibere- r rentdepartir , &C faire retraidte I au pluftoft,&: commen^erent a n ^ me 1 faire certains paniers pour por- ner les t ter les blelfez,qm font mis la de - M# s * dans,entaffez en vnmonceau, t pliez &£ garottez de telle fa^on, 1 qu’il eft impoftible de fe mou- c uoir , moins quVn petit enfant t en fon maillot , n’eft pas fans faire receuoir aux bleftez de is grandes extrefmes douleurs. 1 le lepuis bien direauec verite, quand a moy , ay ant efte porte quelques iours, d’autant que ie Voyage du Sieur ne pouuois me fouftenir^princi- pallement a caufe du coup de fltfche que i’auois re$eu au ge- noiiil , cariamaisiene m’eftois veuenvae telle gehenne , du- rant ce temps , car la douleur quei’endurois a caufe de la blef- feure de mon genoiiil , n cftoit ricnauprisde celle que ie fup- portois lie Sc garrotte fur le dos de IVn de nos Sauuages : ce qui me faifoit perdre patience a & quififtquaulfi-toft que ie peu auoir la force de me fouftenir,ic fords de cete prifon,ou a mieux direde la gehenne. Les ennemis nous pourfui- uirent qnuiron demie lieue, mais c’eftoit de loing,pour ella- yer dattrapper quelques-vns de ChampUinl * de ceux qui faifoicnt Farriere- |i garde, mais leurs peines leur de- if meura vaines,& fe retirerent. :t Ortoutcequei’ay veudebon ,[ en leur guerre eft , qu ils font ill leur retrai&e fore feurement,^j^ it: mettans tous lesbleftez, lesfaireia I vieux , au milieu d’eux , eftant ;(t fur le deuant aux aifelles , & fur Ei lederriercbienarmeZj&arran* :e! gez par ordre de la fagon , iuf* £, ques a ce qu’ils foient cn lieu de e: feurete,fans rompre leur ordre.' s Leur retrai&e eftoit fort lon- * gue,comme de vingt-cinq a 30.' fieues, qui donna beaucoup de i fatigue aux bleflez , & a ceux quilesportoient, encores quils it fc changeaftent de temps en .. temps. Voya^ Le dixhui&iefme iour dudi<& moisdl toraba forces neiges , U grefle, auec vn grand vent qui nous incommoda forr. Ncant~ moins nous fifmes tat que nous arriualmes fur le bord dudift lac desEntouhonoros,& au lieu ou eftoient nos canaux caches,que l’on trouua tous entiers : car on auoit eu crainte que les ennemis lcs euffent rompus^Sc eftas tous affemblez, les voyants prefts de fe retirer a leur Village > ie les priay de me remener a noftre habitation,cequ’ilsne vouloiet accorder du comrtiencement'. mais enfin ils fe refolurent, & chercherent 4. homes pour me conduire,ce qui fut fait,lefquels quatre hommes s’y offrirentva* de Champlain . 4S I; lontairement: Car, comrae fay I die cy-deflus, les Chefs none | point de commandement fur 1 leurscompagnons,quieftcaufe 1 que bien fouuent ils ne font pas 1 ce qu’ils voudroient bien , &C k ceshommeseftattrouues,ilfa- ,c lut trouuer vn canau , qui ne fe i! peut recouurer, chacun ay at af- s faire du hen , n’en ay ant plus 1 qui ne leur en faloit. Ce neftoit ft: pas me donner fuj et de conten- iti tement , ains au contraire cela i nfaffligeoit fort,mettat en dou- ills te quelque mauuaife volonte, $ d’autant qu’ils m’auoietpromis m demeremener,&conduire,iu£ g ques a noftre habitation , apres [ leur guerre , &C outre que i’e- ,, ftois fort mal accommode pour Voyage du Sieur hiuerner auec cux,car autreitfiec ie ne m’en Futfe pas fpucie:& nc pouuans rien Faire,il fallut fe re* loudre a la patience. Mais de- puis apres quelques iours ie re- cogneu que leur deffeing eftoic de me retenir auec mes compa- gnons en leur pays , tant pout leur feurete, craignant leurs en- nemis,que pour entendre cequi fe paffoit en leurs Confeils,& atfemblees, que pour refoudre ce quil conuenoit faire a 1 adue* nir contre leurfdits ennemis, pour leur feurete & confcrua- tion. ; . Le lendemain vingt-huidhel* me dudit mois , chacun com- me^a a Fe preparer, les vns pour aller ala chafle des Gerfs,le$au* ties de Champlain. i tres aux Ours Caftors , autres a [i la pdfchc du poilfon , autres a fe n retirer en feurs Villages, &; pour i maretraite & logementily eut Vn appelle Darontal , l’vn des fc principaux chefs, auec lequel r iauois defia quelque familiari- p t6j me fift offre de facabanne, 3! viures, & commoditez, lequel :!: prit aufti le cheruin de la chafle | du Cerf, qui eft tenue pour la I plus noble entr’eux. fee apres a- \ uoir trauerfe le bout du lac de [f laditte ifle , nous entrafmes dans vneriuiere quelque douze lieuesjpuis ils porterent leurs ca« naux par tertc quelque demie ' lieue, au boutde laquelle nous entrafmes en yn lac qui a d’e- G Chajftchi Cerf, tenue U plusrw- ble. f Lac out l y a gran- de cjtian- tite de gibicr. 'Voyage du Sieur (lendue enuiron dix a douze lieues de circuit, ouilyauoic grande quantite de gibier,com- me Cygnes , grues blanches, houftardes, canarts , farcellcs, mauuis,a!louettes, beccaflines, oyes , &plu{ieurs autres fortes de vollatilles que Ion ne peut nombrer,donti’en tuay bon no- bre, qui nous feruit bien , atten- dant la prinfe de quelqueCerf, auquellieu nous fufmes en vn certain endroi£fc eflongne de qUelque dix lieues , ou nos Sau- uages iugeoient quit y auoit dcs Cerfs en quantite. Ils saflfem- blerent quelques vingt-cinq Sauuages , &: fe mirenta baftir deux ou trois cabannes de pie- ces de bois, accommodeesl’v- IE li B If I Of K de Champ lain. he fur 1 autre, & les calfeftrerenc auecde la moufle pour empef- cher que lair ny entraftjescou- urantd’efcorcesd’arbres : ce qu’eftant fai£t ils furent dans le bois, proehe dVne petite fapi- niere,oii ils firent vn elos en for- F me de triangle, ferme des deux 11 Coftez , ouuert par l’vn d’iceuxt 1 Ce elos fait de grandes pallifla- des de bois fort prefle,de la hau- E ! teur dehui&a9.pieds,6cdelog de chacun code pres de mil fc cinq cent pas , au boutduquel iff triangle y a vn petit clos,quiva I toulioursendiminuatjCouuerc i en partie de branchagc, ylaif- i fant feulement vne ouuertu- tf re de cinq pieds , comme si la largeur d’vn moyeti portaili G ij Uoydge du S ieur parou les Cerfs debuoient en- trer: Us firet fi bien,qu’en moins dedixiours ils mirent leur clos en eftat,cependant d autrcs fau- uages alioient a la pefche du poiifon, com me truittes&; bro- thers de grandeur monftraeu- fe, qui ne nous manquerent cn aueune fa^on. Toutes chofes eftant faites, ils partirent demie heure deuant le iour, pouraller dansle bois , a quelque demie lieue de leurdit clos , s’efloignat les vns des autres de quelque quatre-vingtpas,ayant chacun deuxbaftons, defquelsilsfrap- pent lVn fur lautre } marchant au petit pas en cet ordre,iufques a ce qu’ils arriuent a leur clos. Les Cerfs oyant ce bruit sen- de Champlain . 51 fuyent deuant eux, iufques a ce quils arriuencau clos oil les fau* uages les preffent d’aller , &C fe ioignant pea a peu vers I’ou 8 - uerture de lcur triangle, oil lefditsCerfs coulenc le long def- dices pallifTadcs „ iufques a ce qu’ils arriuent au bout , oil les Sauuages lespourfuiuent vine- ment,ayant fare & la flefche eu main, prefts a defcochcr, & e- ftant au bout de leurdic triangle, iis commen^cnt a crier, 8 c con- trefaire les loups,dont y a quau- tite, quimangentlesCerfs, lef- quels Cerfs oyant cebruid: ti- froyable,fontcontrain£h den- treren la retrai&e par la petite ouuerture,ouils fonepourfuiuis foreviuement a coups de fleche* Voyage du Sieur ou eftans entrez ils font pris ay- fementen cede rcrraide,quieft fi bien clofe &: fermee.qu’ils n e peuuenc fortir aucunement. Ie vous alfeure qu’il y avn fingu- lier plaidr en cefte chafle, qui fe faifoit de deux iours en deux iours, & firet fi bien, qu’en tren- te-huit iours que nous y fufmcs ils prirent fix-vingts Cerfs , def- quels ils fe donnent bonne cu- ree,referuant la graiffe pourThi* uer,en vlant d’icelle come nous faifons du beurre, $£ quelque peude chair qu’ilsemportenta leurs maifons,pour faire des fe- ftinsentr’eux* 11s ont d’autres inuencions a prendre le Cerf, comme au piege „ done ils en font mourir beaucoup. Vous, de Champlain. 51 • voyez cy«deuant depaint la for- me de leur chafte,cloft &: piege, Stdespeauxils en fontdes ha- bits. Voilacommenouspaflfaf- mes le temps attendant la gelce, pourretourner plus ay Cement, d’autantque le pais eft marefca- geux. Au commencement que Ton eftoit forty pour after chaf- ferftem’cngagis tel lenient dan? les bois pourpourfuiure vn cer- tain oyfeau qui me fembloic e- ftrange ayant le bee approchatit d’vn perroquet,&: de )a groifeur d’vne poulle , le tout iaune, fors la tefte rouge, &C les aiftes blues, &alloit de vol en vol comme vne perdrix. Le defir que i’auois de le tuer me ft ft le pourfuiure d’arbre en arbre fort longtemps* G iiij Voyage du Sieur iufques a ce qu’il s’enuolla a bon efcient, &en perdanttoute ef- peranceie voulus retourner fur mes brifeesjou ie ne trouuay au ; cun de nos ch^lleurs, qui auoiec touliours gaigne pais , iufques a leur cl os , & tafchant les artrap- per, allant ce me fembloit droid ou cftoic iedid clos , ie me treu- uayegare parmy les forefts, al- lant tantoftdVn cofte, tantoft d’vn autre, fansmepouuoirre- Cognoiftre,6c la nuit venant me contraignitdela paffer au pied d’vn grand arbre, iufques aulen- demain,ou ie commen^ay a fai- re cnemin iufques fur les trois heures du fair, ouie rencontray vn petic e dang dormant, &y a- perceus dugibierque iefus gy- de Champlain, 53 boyer, &C tuay trois ou quaere oyfeaux qui me firent grand bienjd’autat que ie n’auois man- ge aucune chofe. Ec le mal pour moy qui durant crois iours il n’a» uoit fair aucun foicil,que pluye, &C temps couuert, qui m’aug- mentoicmondefplailir. LasSc recreu , ie comman^ay a me re- pofer , &; faire cuire de fes oy- leauxpour aflouuir la faim qui comman^oita m’allaillir oruel- lementjdDieu ny eult remedie: Mon repas pris , ie comman^ay a longer en moy ce que iedeb- uoisfaire 5 &prierDieuqu’il me don nail refprit, & le courage* de pouuoir fupporter patiem- menc mon inforcune , s*il falloit que ie demeuralfe abandonne Voyage du Sieur dans ccs deferts,fans confeil, ny confolation, que de la bonte 6c mifericorde Diuine, 8c neanc- moins m’euertuer dc retourner anoschalfeurs. Etainfiremet- tant le tout cn fa mifericorde, ie repris courage plus quedeuant, allant ca 8c la tout le iour , fans m’apper^euoir d’aucune trace, oufentier, queceluy dcs beftes fauu ages, Ido nti’en voyoisordi- nairementenbon nombre. Ie fus contraind de palfer icelle nuid, 8c le mal pour moy eftoit que i’auois oublie apporter fur moy vn petit cadran qui m’euft remis en mon chemin, a peu pres. L’aube du iour venu ,apres auoir repeu vn peu,iccomme- $ay a m’acheminer iufquesaces de Champlain. $4. que ie peufle recontrer quelque ruiffeau , &; coftoyer iceluy, iugeant qu’il falloit de neccflite: qu il allaft decharger en la riuic- re,ou fur le bord,ou eftoicnc ca- nez nos chafleurs. Cede refolu- tion prife , ie l’executay * fi bien, que fur le midy ie me treuuay furlebord d’vn petit lac, come de lieue &: demie , ou iy tuay quelque gibier , qui m’accom- modoicforc amaneceflite , 8c auois encore quelque huid a dix charges de poudre , qui me confoloit fore. Ie fuiuay le log de la riue de ce lac, pour voir oil il dechargoit , 6 1 crouuay vn ruiffeau aflez fpacieux que ie coman^ay a fuiure,iufques fur }es cinq beures du foir,que i’en- ■c Voyage du Sieur tendisvn grand bruift, & pre- ftant Toreille, ie ne pouuois b5- nement comprendre ce que c’e« ftoit, iufques a ce que i’entendis lebrui&plusclairement, &c iu- gay que c’eftoit vn fault d’eau de la riuiere que ie cherchois : ie m’acheminay de plus preft, & appcr$eusvneclu(ie, oueftant paruenu ie me rancontray en vn grand pre^Sc fpacieux , ou il y a- uoit grand nombre de beftes Sauuages &C regatdant a la main droitedapperceus la nuiere, lar- ge &C fpacieufe : ie comman^ay aregarderfi ienepourroisreco- gnoiftre cet endroit,&; marchac en ce pre i’apper^eut vn petit sc- tier,qui eftoit par ou les Sauua- gesportoientleurs canaux , & de Champlain. ^ enfinapres auoir bien confre- re , ie recognus que c’eftoit la - mefme riuiere , 6c que i’auois pafle par la, 6c paffay encore la nui& auec plus de contentemec que ien’auois fait, &nelaiffay dc foupper de fi peu que i’auois. Le matin venu, ie reconfideray le lieu ou i’eftois,&; recognus dc certaines montagnes quieftoiet fur le bord d,e ladite riuiere, que ie ne m’eftois point trompe , 6c que nos chaffeurs deuoient eftrc au deflfoubs de moy , de quaere 1 ou cinq bonne lieues que ie fis a monaife, coftoyantlebordde ladite riuiere , iufquesaceque i’apperceus la fumee de nofdits chafleurs, auquel lieu i’arriuay auecbcaucoup de contentemec Voyage du Situ? tan £ de moy que deux qui e- ftoient encore eti quefte a me cherchcr, & auois perdu com- me efperance de me reuoir, me priac de ne m ecarter plus d’eux, ou toufiours porter auec moy mon cadran,8c ne l’oublier : & me diloient fitune fuffe venu> & que nous n’euflions peu te trouucr, nous ne ferions plus al- lez aux Francois , de peur que ils ne nous etffset acculez de t’a- uoirfait mourir. Depuis iletoit fort foie rneux de moy quand i’allois a la chafle , me donnant touftours vn Sauuage pour fflft compagnie, qui fcauoit fi bien rerrouuer le lieu d’ou il partoit* que ceft chofe cftrange a voin Pour retourner a mon propos? ! of de Champlain, 56 ils ont vne certaine refuerie en cefte cha(fe,telle, qu’ils croyent que s’ils faifoienc roftir d’icelle viande, prife en cefte facon, ou qu’iltombaft de la grailfe dans le feu,ou que quelques os y fuf- fentjetcez, qu’ils nepourroient plus prendre de Cerfs, me priac fort de n’en point faire roftir, maisiemeriois decela , &: de leurfa^on de faire:mais pour ne les fcandalifer , ie men dcpor- tois volontiersjdu moins eftant deuanteux, mais enarriere i’en prenois du meilleur, queiefai- fois roftir, n’adjouftant foy en leurs fuperftitions , Scpuisleur ayans did, ilsnemevouloient croire,difant que fi cela euft efte ils n’auroientpris aucuns Cerfs, Voyage duSieUt dcpuisque telle chofe auroit^ fteeommife* Le quatricfme iour de De- cembre nous partifmes de ce lieu,marchantfurla riuiere qui eftoitgelee , &; furies lacs & c- ftangsglafTez, & quelquesfok cheminans paries bois l’efpace de dix-neuf iours,ce n’cftoit pas fans beaucoup de peine, &tra- uail , rant pour les Sauuages qui cftoient chargez de cent liures pefant chacun,comme de moy fnefme qui auoit la pesateurde ao. liures, qui a la longue ni’im- portunoit beaucoup.il eft bien vray que i’eftois quelques-fois foulage par nos Sauuages, mais nonobftant ie ne laiftois pas den re^euoir de l’incomodite. de ChttTftplditi'. Quandl eux pour plus' aifemec ; trauerfer les glaces, ils one ac- couftumede faire de-ccr caincs trainees debois> furlefqucls ils mettent leurscharges&les trai- nent apres eux fans aucune dif- ficulte, vont fort prompte- ment , mais il fe fift quelques. iours apres vn defgel qui nous apporra beaucoup de peine &C d’inconlraodite : Gar ils nous falloitpafferpar dedans des fa- pinieres plaines de ruiifeaux eftangs, marais , pallus, auec quantite des boifees,renuerfees lesvnes fur les autres, qui. nous donnoit rhille maux,auec des ambaraffemens qui nous appor* toit de grandes incommoditez pour eftre toufiours moiiiUez H r T Voyage du Sleur iufques au; deffus du gcnouil. Nous fufmcs quaere iours en cet efltat, a caufe qu en la plus grande partie des lieux lesgla- ces nc portoient point,nous fiU mes done tant que nous arriuaf. mes a noftre village le vingtief- me iour dudit mois * ou le Cap- pitainc X roquet vine hiuerner auecfescompagnons, quifont Algommequins & Ton fils, quil amena pour fairc traiter, lequel allant a la chaffe, auoit efte fort offefe d’vnOurs,le voulat tuer. M’eftant repofe quelques iours, ie me deliberay dallcr voir le Pere Iofeph, & de la voir les peuples en l’hiucr, que i efte, 6c la guerre, ne m’auoient peu permettre de les vifiter. le par- 's* i v 1 - de Champlain: 58 ty de ce Village le quatorzief- me de Ianuier enfuioant , apres auoir remercie moo hofte du bon traiftement qu J il mauoic faicjclperans ne lereuoirdetrois mois*$t print conge de luy. u; Lelendemaifue vis le Pere lofeph e n fa petite maifonnetce ou il s’eftoit retire, coin me fay die cy-de(Tus:ie deitieuray aue& luy quelques iours, fe rrouuani en deliberation de faire vnv yage aux gens du Petun , com^ me Faucis deliberc , enco> res qu’il face fifes •-fafeheux de voyager en temps d ? hyuer y &C partifmes enfeurble le quinzief me Feniier, pouf aifer versiceb le nation,ou nous arriuafmes le dixfeptiefmediidk mois. Ces H ii ‘Voyage du S'ietif pcuples du rerun femet le Mais appelle pard'eoa bled de Tur- quie, & one leur demeure arre- fcee commeles autres. Nous fafmes en lept autres Villages leurs voifins alliez, auec left quels nous cantradtafmes ami- ii?e: ils nous promirent de ve- fiin vn bon nbtnbrea noftre ha- iatation. Ils;jipus fireut fort •bonne chere y & prefent de -chair#. poiflbn pour faire feftin •no mine eft leur couftumcj ou tons les peuples accouroient de routes parts pour nous voir j en nous faifant mille demonftra- cions d’amitic , &C nous condui- foient en la plufpart du che- min . Le pais eft remply de co- ftaux,& petites campagnes,qui de Champlain, s9 rendent fe terroir aggreable : ils commancoient a baftir deux Villages, par ou nous paftafmes au milieu des bois pour la com- modite quitreuuent dy baftir, &; enclore leurs Villes. Ces peu- plesviuec comme les Atcigno- uaati:as,6£ mefmes couftumes, & font prochcs de la nati.5 neu-» tre,qui eft puiflante,qui tiecvne grande eftendue de pays. ApreS auoir viftte ces peuples nous partifmes de ce lieu, 6c fufmes a vne nation de Sauuages > que nous auons nonimez les che* ueux releucz, lefquels furei>t fort ioyeux de nous reuoir,auec lefquels nous iurafmes auiTi a> mitie, 6c quipareillemenc nous promirent de nous venir trou~ H nj r Voyage du Sieur uer,8c voir a ladite habitation, a cetendroit; il m’a femble apro- pos deles depaindre , 6c decrire leurs pays, moeurs, 6 C facons de faire. En premier lieu ils font la guerre a vne autre nation de $auuages,qui s appellenc Alifta- gueroiion, qui veut dire des ges de feu, eflongnez deux de dix iournees : ce fait,ie m’informay fort particulierement de leur pays , 6c des nations qui y habi- tenr , quels ils font, 6c en quells quantite* Icelle nation font en grand norabre, 6c la plufpart grands guerriers, chalfeurs, & pefeheurs : Ils ont plufieurs chefs qui commandent chacun enfacontree, la plus grand part fement des bleds d ’inde, 6c au- 4 de Champlain . 60 tres. Cc font chalfeurs qui vohc par trouppes en plufteurs regios &; contrees, ou ils traflicquenc auec d’autres nations, eilon- gnees dc plus de quaere a cinq cent lieues: ce font les plus.pro- pres Sauuages que i’ay e veu en leurs mefnages , &quitrauail- lent le plus induftrieufemet aux famous des nates , qui font leurs tapis de Turquie : Les femmes ont le corps couuert,& les horn mes decouuert , fans aucune chofe , finon quVne robbe de fourrure,qu’ils mettent fur leur corps, qui eft enfacon de man- teau,laquelle ils lament ordinal, rement, principallemerit en Efte: Les femmes &c les lilies ne font non plus emues de les voir H iiij Voyage du S teur *le la facon, que fi elles nevo yoient rien qui sebleroit eft ran* ge : Elles viuent fort bien auec leurs maris, Be one cede couftu- rme que lots qu elles ont leurs mois,elles feretirentd’auec leur mary,ou la fille d’auec fon pere, Be iamere,8c autres parens, s’en allant en de cercaines maifon- nettes, ou elles fe retire nt, pen- dant que le mal leur dent, ians auoir aucune compagnie d’ho- mes, lefqucls leur font porter des viures Be c.ommoditeziuf- quesa leur retour. Be ainfi Ton f^ait cedes qui ont leurs mois & cedes qui ne les ont pas. Ce font gens qui font de grands feftins, Be plus que les autres nations: ils nous firent fort bonne chere, & c_i ' ' - 'i ' ■ de Champlain. r 6i nous re^eurent fort amiable- nient , &: me prierent fort de les alfifter contre leurs ennemis, qui font fur le bord de la Mer douce, eflongnee de deux cent lieues, a quoy ie leur dift que fe feroitpourvne autre fois, ne- ftant accommode des chofes neceflaires. Ils ne f$auoient quelle chere nous faire : i’ay de- pain£t en la page 23. figure C. commeilsfontenguerre.il y a aufTi a deux iournees d’iceux vne autre nation de Sauuagcs, qui font grand nombre de Petun, dVncofte tirant au Su, lefquels s’appellent la nation neutre, qui font au nombre de quaere mil hommes de guerre, qui habitant vers TOccident du * Voyage du Sieur lac des Entouhonorons de qua- tre-vingt a cent lieues d’eften- due, lcfquels neantmoins afli- ftent les cheueux releuez con- tre les gens de feu : Mais entre les Yroquois, &lcs noftres,ils ont paix, 6 c demeurent comme neutres : de chacune nation eft la bien venue, S^ouilsn’orent s*entredire,ny faire, aucune faft cherie , encores que fouuentils mangent&boiucnt enfemble, comrae s' ils eftoient bons amis, rauois bie dedr d’aller voir icel- le nation, finonquelespeuples ounous eftions m’en difluade- rent, difant que l’annee prece- dence vn des noftres en auoit tue vn 9 eftant a la guerre des Entouhonorons , &: qu’ils en de Champlain. 61 eftoicnt fafchez,nous reprefen- tan t qu’ils font fort fubjeds a la vengeance, ne regardant point a ceux qui ont fait le coup, mais le premier quilsrencontrent de lanation,oubienleursamis , rls leurjfont porter la peine, ? quand ils peuuent en attrapper , (i auparauant on nauoit fait accord auec eux,&leura- uoir donne quelques dons be prefens aux parens du deffund, qui m’empefcha pour lors d’y aller,encores quaucuns d’icelle nation nous alTeurerent qu’ils ne nous feroiet aucnn mal pour cela. Ce qui nous donna fujed 6 Cocca(ionnade retourner par le mefme chemin que nous e- ftions venus, &; continuat mon Voyagt du Sieur voyage, ie fus crouuer la nation des PHierinij, qui auoient pro- nris de me mener plus outre en la continuation de mes deifeins &C defcouuertures ; maisiefus diuerty pour les nonuelles qui furuindrent de noftre grand vil- lage, &c des Alg5mequins,dou cftoitle Cappitaine Yroquet,a fgauoir que ceux de la nation des Atignouaatitans auroient mis &; depoie entre fes mains vn prifonnier de nation enne- mie, efperant que ledit Cappi- taine Yroquet deubfl: exercer fur ce prifonnier la vengeance ordinaire entreux. Mais aulieu de ce, Pauroit non feulement mis en liberte,mais l’ayant trou- ue habille , S£ excellent chaf- de Champlain 1 6$ feur , &: tenu comme Ton fils, lcs Atignouaatitans feroient entrez en ialoufie , &c defi- gne de s’en venger, &defai6fc auroient difpofe vn homme pour entreprendre d’aUer tuer ceprifonnier,ain(i allie qu’ile- ftoit. Commeilfut execute en la prefence des principaux de la nation Algommequine^qiuin- dignez d’vn tel a&e, & meus de : cholere tuerent fur le champ ce temeraire entrepreneur meur- ! trier,duquelmeurtrelesAtigno uaatitas fe trouuans offenfe, 6 C : comme iniuriez en cet a£tion, i; voyant vn de leurs compagnos i motsprindrentles armes, Sc fe t tranfporterent aux tentes des 8 Algommequins qui viennent Voyage du SieuY hiuerncr prothes de leurdid Village, lefquels offen^eret fort & ou led.it Cappitaine Yroquet fut bjefife de deux coups de fle- che, &; vne autre fois pilkrenc quelques cabannes deldits Al- go mequinS:, fans quils fe peuf- lent mettre en defFencexarauf- li le party n’euft pas efte egal,& neantmoins cela lefdits Algom- mequins ne furent pas quit- tes , cariileur fallut accorder, contraints pour auoir la paix, de donner aufdits Aci- gnouaatitans cinquante col- .liers de pourceline j auec cent becaffes d’icelle : ce qu’ils eftiment de grand valent parmy eux,]& outre ce nombre de chaudieres &£ haches , auec de Champlain, 64 deui femmes prifonnieres en la place du morr.brefils furent en grande diflention, c’edoit auf- dits Algommequins de loufFrir patiemmenc cede grande furie, &; penferent edre tous tuez,n’e« ltans pas bien en feurece* nono- dantleurs prefens, iufques 2 ce qu’ils fe vcirent en vn autre e- dat. Ces nouue lies m’afflige- rentfort, me reprefentant l’in- conuenient qui en pourroit ar- riucr, tant pour eux que pour nous, qui edions en leur pays. Ce fai£t, ie rencontray deux ou trots Sauuagcs de nodre grand Village , qui me fo- licirerentfortd’y aller, pour les mettre daccord , me difant que li ie ny allois,aucun deux ne re^ uiendroient plus vers les Fran- cois, ayant guerre auec lefdi&s Algommequins, nous tenans pour'leurs amis. Ce que voyanc iem acheminay aupluftoft , & en palfant ie vifitay lesPifirinins pour fcauoir quand ils feroient prefts pour le voyage du Nort: que ie trouuay ropupour le fu- jetde ces qucrelles & batteries, ainfi que noftre truchemct me fift entendre, St que ledi& Cap- pitaine Iroquet eftoit venu a toutes ces nations pour me trou uer,St m’attendre.ll les pria de fe trouuer a l’habitation des Francois, en mefme temps que luy, pour voir Taccord qui fe feroit entreux , 8t les Atigno- uaatitansj de Champlairil 6$ tiaenteps, & qu’ils remilfeiit le- dit voyage du Norc a vnc autre fois : &; pour cct effect ledid^ Yroquet auoit donn& dc la pourcelinc pour rompre ledi& Voyage , &c a oous ils promi- rentdefetrouuer a noftre-dite habitation } au mefme temps qu’eux. Qiti fut bien afflig^ ce [i fut moy , m’acteridant bien de Voir en cefte annee, ce qu*en i plufieurs autres precedences i a- i uois recherche auec beaUcoup e de foing , &c de labeur > par tanc :t de fatigues^ de hazards dema i vie: Et voyansny pouuoirre- i medier , 6c queletoutdepptti- s( doit de la volonte de Dieu * ie f me confol'ay en moy^mefme* if me refoluant de le voir en bref* $ I en ayantde ft certaines nouueb les commegens de ces peuples quivont negotierauecdautres qui fe tiennent en ces parties Septentrionnalies, cftans vne bonne partie de ces nations en lieu fort abondant en chaffes^ ou il y a quantite de grands ani- maux , dont lay veu plufieurs peaux, 6c eux m’ayant figure la forme d’iceux, i’ay iuge eftre desbuffles ; aufli que la pefche du poiflon y eft fort abondan* te,ils font quarante iours a faire ce voyage, tant a aller quere- tourner. Ie m’acheminay vers no- ftredid Village le quinzief* me iour de Feburier, me* nant auec moy fix de nos de Champlain] 66 gens , Sc eftans arriuez audid lieu , les habitans furent fore aifesjcomme aufli les Algom- mequins que i’enuoyay vifiter par noftre truchement, pour fc^auoir cam me le rout s’eftoit paffe, tanc d’vne part qlie d’au- tre , ny ayant voulu allerpour ne leur donner ny aux vns ny aux autres du poiffon. Deux iours fep afferent pour enten- dre des vris Sc des autres cGtn- me le tout s’eftoit paffe : ce fai£fc, les principaux Sc an- ciens du lieu fe banderent auec nous , Sc toils enfemble allafmes vers les Algorunae- quins j oli eftant en l’vne de leurs cabannes, bu plufieurs des plus prineipaux fe I i) Voyage duS tear Sduuages fxQwxxzxcwT. } lefquels tous en- font I’au- r cm y c apres quelques difeours bitrede demeurent d accord de venir, leurs dif- auoir agreablc tout ce qu’on fmv - diroit, comme arbitre fur ce fu- jed, & ce que ie leurpropofe- rois , ils le mettroient en execu- tion. Alors ie recueilly les voix d’vn chacun , colligeant &re- cerchantlavolonte 6c inclina- tion de l’vne & de l’autre partie: iugeant neantmoins quils ne demandoient que la paix. le leurreprefenty que le meilleur eftoitde pacifier le tout, & de- meurer amis, pour eftans vnis &; liez enfemble,refifter plus fa* cillement a leurs ennemis , & partant ie les priay quils ne ' mappellalTent point pource de Champlain , 67 fairc, s’ils nauoient intention de fuiure de poin< 5 t en poin£t l’aduis que ie lear donnerois fur ce different* puis qu’ils mV uoient fai£t ce bien d’en di- re mon oppinion. Surquoy ils me dirent derechef quils nV uoient dehre mon retour a au- tre fin , & moy d’autre-part iu- geant bien que fi ie ne les met- : tois d’accord* & en paix , ils 1 fortiroient mal contens les vns des autres , chacun d’eux pen- fans auoir le meilleur droi< 5 t , ; aufii qu’ils ne fuffent al- 1 lez a leurs cabannes , fi 6 ie ffeuffe efte auec eux * ny i, mefme vers les Francois * fi \ ie ne m’embarquois , &: pre- £ nois comrne la charge com ' l iij ‘Voyage du Stem duitte de leurs Villages. A ce-. la ie leur did , que pour mon regard ie n’auois autre inten- tion que de m’en aller auec mon hofte a qui m’auoit touf- jours bien trai&e , 6c mal-ay- fement en pourrois-je trouuer vn (i bon , car c’eftoit en luy que les Algommequins met- toient la fame, difan t qu’il ny auoit que luy de Cappitaine qui fift prendre les armes.Plu- fieurs difcours fe paflerentjtant d’vne part que d’autre , Sc la fin fur, que ie leur dirois c? qu’il m’en fembleroit bon , a mon aduis , 6c voyans a leurs difcours qu’ils remettoient le tout a ma volontc , comme a leur pere a me promettant en de Champlain f 68 ce faifanc qua l’aduenir ic pour- rois difpofer d’eux ainfi quebon me fembleroic,me remettaut le tout a ma diferetion , pour en difpofer: alors ie leur fis refpon- ce que i’eftois tres - aife de les voir en vne (i bonne volonte de fuiure mon confeil , leurprote* ftant qu’il ne feroit que pour lc bien &C vtiiite des peuples. D autre coftc i’auois efte fore afflige d’auoir entendu d’autres triftes nouuelles * a fgauoir de la mort de l’vn de leurs parents, &C amis, que nous tenions com me lc noftre , St que cede mort a- uoit peu caufer vne gran- de defolation , dont il ne sen feuft enfuiuy que guerres t pcrpetuelles entre les vns 1 iii) femen- Jlrance de I’autheur dux Sw Mages four les tndmrc a Ufdix, Voydgedu Sieur les autres, auec plufieurs grands dommages &c alteration delcur amitie , 8c par confequcnt ies Francois priuezdeleur veue & frequencacion , &C contrain&s dialler recercher d’autres na- tions, &c ce d’autant que nous nous aymions comme freres* laiffant a noftre Dieu le cha- ftimenc de ceux qui lauroient merit*, Te commangay a leur di- re , & faire entendre , que ces fa$ons de faire entre deux na- tions , amis , freres , com- mc ils fe difoient , eftoit indi- gne entre des hommes raifon- nables , ains pluftoft que e’e- ftoic a faire aux beftes bruttes: Dantre part qu’ils eftoient af de Champlain. 69 fez empefchez dailleurs a re- pouffer leurs ennemis qui les pourfuiuoienc , batcans lc plus fouuenr, & lesprenansprifon- niersiufqucs dans leursvillages, lefquels ennemis voyanc vne diuifion, &desguerresciuilles entr’eux ,leur apporteront be- aucoup d’aduantage > les ref- e joiiyront 6C les poulTeront a fai* re nouueaux &pernicieux def- feins, fur fefperance qu’ils au- t roicnc de veoir bien stoft leur 1 riiy ne , du moins s afFoiblir par 1 cux-mefmes, quiferoic le vray 1 moycn , & plus facille , pour [a vaincre,& fe rendre les maiftres t de leurs contrees, neftans point 1 fecourus les vns des autres, & (i quils ne iugeoieac pas le mal Voyage du Steur qui leur en pouuoit arriuer,que pour la more dVn homme ils cn mettoient dix mille cn dan- ger de mourir, & le refte de de- meurer en perpetuelle feruitu- de, bien qua la verite vn hom- me eftoit de grande confequem ce , mais qu’il falloit regarder comme il auoic efte tue^ con- fidererque ee n eftoit pas de propos deliberc, ny pour com- mander vne guerre ciuillc par- my eux, cela eftant crop eui* dentquelamort auoit premie- rement offence en ce que de propos delibere il auoic tue le prifonnierdans leurscabannes, chofetropaudacieufement en* treprinfe , encores qu’il fuft enpemy. Ce qui efmeut de Champlain, 70 Algommequins > carvoyant vnhommcfi temeraire decuer vn autre en leur cabanne * au- quel ils auoient donne la liber- te , $c le tenoient comrae vn d’entr’eux* ils furent empor- tez de la promptitude * lc fang efmeu a quelques - vngs, plus qu’aux autres ? fe feroient auancez, ne fe pouuant tenir ny commander a leur cholere, ils auroient tue cet homme done eft queftipn, mais pour cela ils n’en voulloient nullement a toute la nation,& nauoient def fein plus auant a rencontre dc cet audacieux , & qu’il auoit bien merite cc qu’il auoit luy~ mefme reccrche. Et d’ailleursque llroquois fe se- Voyage du Sieur tant frappe de deux coups de- dans le ventre , arrachalecou- fleaudefaplaye, quefonenne* my y auoit laifle, 6c luy en don- na deuxcoups* a ce qu’on m a- uoit certiffic :De fa^on que bon nement on ne pouuoit f^auoir au vray Ci e’eftoient Algomme- qUins qui vlTent tue : &pour montrer aux Attigouautan que les Algommequins naymoient pasleprifonnier : queYroquec ne luy portoit pas tant d’affe- drion comme ils penfoient bicn,ils l’auoiet mange , d’autac qu'il auoit donne des coups de coufteau a Ton ennemy, chole neantmoins indigne d’homme, mais pluftolt de belles bruttes. de Champlain] 41 D’ailleurs quc les Algo mequins eftoient fore fafehez de tout cc qui s’eftoit pafle,&: que s’ils euf- fentpenfe que telle chofe feufl: arriuee, ils leur euflent donne cetYroquoisenfacrifice: dau- trepart quils auoient recom- penlc icelle more , &C faute, li ainfx il la falloit appellee auec de grands prefents , &£ deux pri* 1 fonnieres , n’ayant fubjed a prefent de fe plaindre, 6 C quils debuoient fe gouuerner plus modeftement e-n leurs depor- temens enuers les Algomme- 5 quins 3 qui (ontde leurs amis, que puis qu’ils m’auoient pro- mis toutes chofes mifesen de- u liberation , ie les priay les vns & les autres d’oublier tout * .i A* V oyage du Sieur ce qui s’eftoit pa'fle entr euxj fans iamais plus y pcnfer , ny crl porter aucune haine & mauuai* fe volonre les vns enuers les au- tres , &: au lieu demeura bons a- mis comme auparauant, &; ce faifant qu’ils nous obligeroient &les ^ymerj & les aflifter com- mei’auois faift par le palfe,& neantmoins , ou ils he feroient contans de mon aduis, ie les priayde fe trouucr le plus grand nombred’entfeux qu’ils pour- roient a noftre habitation , ou deuant tous les C appitaines des vailfeaux on eonfirmeroit d’a- uantage cede amitie, & aduife- roit~on de donner ordre pour les garentir de leurs ennemis, a de Champlain, yi quoy il falloic penfer* Alors ils com manner ent a direquei’auoisbien parle , 8c qu’ils tiendroient toutcequeie leurauois di6t,& cous contents enapparance s’enretournerent en leurs cabanncs, (inon les Al- gommequins qui deflogerent pour faire retrai&e en Jeur Vil- lage, mais felon mon oppinion ils faifoient demonftration de n’eftre pas trop contens, d’au- tant qu’ils difoienCentr’cux que ils ne viendroient plus hyuer* neren ces lieux* Ceftemortde ces deux homnies leur ay a nr par trop coufte pour m6 regard ie m’en rerournay chez mon hofte,aquiiedonnay leplusde Voyage du Stem courage quil me fut poflible] affin de Fefttiouuoir a venir a noftre habitation , & d’yame- ner auec luy tous ceux du pays. Durant le temps de l’hyuer quiduraquatremois* i’eu aflez de loifir pour confiderer leur pays,moeurs, couftumes, &fa* <^on de viure 8c la formede leurs a(femblees,Sc autres chofes que ie defirerois voluntiers decrire. Mais auparauantil eftneceflai- re de parler He la fituation du pays, & contrees, tant pour ce qui regarde les nations , que pour les diftances d’iceux. Quand a I’eftendue , tirant de l’Orient al’Occiden^elles con- tientprds de quatre cent cin- quante lieues de long , &quel- que de Champlain * 75 que quaere -vingc ou cent lieues par endroidts de largeur du Mi- dy au Septentriondoubs la hau- teur de quarante &: vn degre de latitude,iufques a quarantehuit & quarante-neuf degrez.Cefte terre eft prefque vne iile , que la grande riuierede Saint Laurens entoure, palTant par plufteurs lacs de grande eftendued fur le riuage defquels ilhabite plu- fieurs nations , parlans diuers langages, quiontleursdemeu- resarreftees, tous amateurs du labouragedelaterrCj lefquels neantmoins ont diuerfes fa- cons de v'iures,& de moeurs , &C les vns meilleurs que les autres. Au cofte vers le Nort , icelle grande riuierc tiranta rOccidee K Voyage du Sietir quelque cent lieux par de layers les Attigouautans. 11 y a detres- hautes montagnes , fair y eft tempere plus qu’en aucun au- tre lieu defdites contrees, & foubs la hauteur de quarantc & vn degre de latitude: routes ccs parties &: contrees font abon- dantes en chaffes, comme de Cerfs,Caribons,Eflans, Dains, Buftles, Ours,Loups, Caftors, Regnards, Foiiines, Martes, & plufteurs autres efpeces d’ani- maux^que nous n’auons pas par de^a. Lapefche y eft adondan- teen plufteurs fortes & efpeces de poifton , tant de ccux que nous auons, que d’autres que nous n’auons pas aux coftes de I f I :: f It de Champlain. trance. Pour la ebafle des 6y* fcaux, elle y eft aufli en quan- tite, &qui y viennent enleurs temps , 6c faifon : Le pays eft trauerfe de grand nombre de riuieres , ruifleaux , 6c e-- ftangs , qui fe defehargent les vnes dans les autres , 6c eh leur fin aboutiflent dedans ledi£fc fieuue Sain6t Laurens ^ 6c dans les lacs par ou il pafte : Le pais eft fort plaifant en fori Printemps , il eft charge de grandes 6c hautes forefts > 6c remplies des bois de ipareil- les efpeces que ceux que nous auons en France * bien eft-il vray qu’en plufieurs endroi&s ily a quantite de paisdefcrte,oUr Voyage du Sieur ’ Us fement des bleds d’Inderauffi que ce pays eft abodant en prai- ries, pallus, &C marefcages, qui fere pour la nourriture defdi&s animaux. LepaysduNort de ladite grande riuiere eft fortaf- pre & montueux , foubs la hau- teur de quarantc-fept a quaran- te-neuf degrez de latitude, renv ply de rochers forts enquelqucs endroi afin K uij Voyage du Stem qu’vn iour on puifte faire vne ample & par fake decouuerture de ces lieux^affin den auoir vne cognoiftancc certaine. Pour ce qui eft du Midy de laditegrande riuierejelle eft fore peuplee, &: beaucoupplusque le cofte du Norc , & de diuerfes nations ayans guerres les vns *contrelesautres. Le pays y eft fort aggreable, beaucoup plus que le cofte du Septentrion , & Pair plus tempere, yayant plu- fteurs efpeces d’arbres &; fruids qu’il ny a pas auNort dudit lieu* ue* aufti n’eft-il pas de tant de proffidt & dVdlite , quandaux lieux ou fe font les traiddez des Pe!Letries:Pour ce qui eft du co- ftc de rOricnt, ils font aftez £0- de Champlain » 77 gneus, d’autanc que la grand* Mer Occeanne borne ces en- droi6h-la,a fcauoir les cuftes de la Brador, tcrre-Neufue, Cap Brecon, la Cadie Almonchi- guois, lieuxa(Tezcommuns,en ayanc traite a fuffire au difcours de mes voyages precedents, commeaufifides pcuples qui y habiccnt, c’eft pourquoy ie n’en feray mecion en ce trai&e, ttion fubjcdt n’eftanc que faire vn ra- port par difcours fuccint& ve- ritable de cc que i’ay veu & re- cogneu de plus particular. Lacontreedela nation des Actigouautaneftfoubs la hau- teur de 44. degrez 8 c demy de latitude.^ deux cents trante liepes de longitude a l’Occidenc Voyage du Sieur &dixde latitude, &enceftee- ftendue de pays il y a dix - huid Villages, dont fix font clos 6c fermez de palliffades de bois a triple rang , entre-laflez les vns dansles autres , ouaudeflfusils ont dcs galleries,qu’ils garnifsec de pierres, Sc d’eau, pour ruer 6c eftaindre le feu que lcurs ennc- mispourrdient appHquercotre lcurs palliflades. Ce pays eft beauScplailant, la plufpart de- ferte , ay ant la forme 6 c mefrae fituation quelaBretagne,eftans prefqueenuironnez Sc circuits de la Mer douce, Scprennetces 18. villages eftre peuples dedeux mil homes de guerre, fans en ce comprendre le commun, qui peuuecfaire en nombre 30000. de Champlain) 78 am es: leurs cabannes font en fa- <^on de tonnelles, ou ber^eau, couuertes d’efcorcesd’arbres de la logueur de xj.a 30.toifes,plus oa moins, 6c fix de large, laifsat par le milieuvne allee de 10. a 11. pieds de large 1 , qui va d’vn bouc a Tautre , aux deux coftez y a v- ne maniere d’eftablie,de la hau- teur de 4. pieds, ou ils couchent en Efte,pour euiter I'importuni* te des puces dont ils one grande quantite , 6c en hyuer ils cou- chent en bas fur des nattes, pro- ches du feu pour eftre plus chau dement que fur Ie haut de Telia - blie,ils font prouiho de bois lec* 6c en empliflent leurs cabannes, pour bruler en hiuer, 6c au bouc d’icelles cabannes y avneefpa- Voyage du Sieur ce, ouils conferuent leurs bleds d’lndcs , qu’ils mettent en de grandes tonnes, faites d’efcorce _ . . d’arbres,au milieu deleur We- Sourtsw- v i i • • r r r comm- mental y a des bois qui lont iul- dent les pendus, ou ils mettent leurs ha- Sauuages y| ures # & autre s chofes, dc peur des fouris qui y font en grande quantite. En telle ca- banne y aura douze feux j qui font vingt-quatrc mefnages, & ou il fume a bon efcient ^qui fait que plufieurs en recoiuent de grandes incommoditez anx yeux, a quoy ils font fubje&s, iufques aen perdrelaveue fur la fin de leur aage, ny ayant fene- Sauuagcs ftre aucune, ny ouuerture que incommo cc p £ • e ft- au deffus de leUl'S dez>ue Id . ^ t c fumee. cabannes, par ou la fume e lore, de Champlain. 79 qui eft tout ce qui fe peut dire & f^auoir de leurs comporte- ments, vous ayant defeript en* tierementcefte forme d’habita- tion de fes peuples, corarae elle fe peut fcauoir, mefme de tou- tes les nations qui habitent en cescontreesdepays. Ils chan- gent quelquesfois leur Village de dix , de vingt , oU trente ans , &letranfportentdVnc, deux, ou trois lieues du prece- dent lieujs’ils ne font contraints par leurs ennemis, dedefloger, Scs’eflongnerplusloing, com- me ont fait les Antouhonorons de queique 40. a 50. lieues. Voila la forme de leur loge- ments qui font feparez les vns des autres, comme de trois a Voyage duSieur quatre pas , pour la craintc du feu quils apprchendent fort. Leur vie eft miferabkau re^ gard de la noftre^mais heureufe entr’eux quin’en ontpas gou- fte de meilleure , croyant qu’il ne sen trouue pas de plus excel- lente.Leur principal manger, &; ordinaire viure, eft le bled d’ln- de , & febues du breftl quils ac- commodent en plufieurs fa- mous, ils en pillent en des mor- tiers de bois, le reduifent en fa- rine , delaquelleilsprennentla fleur par le moyen de certains vants/aits d’efcoree d’arbres,&: d’icellefarinefont dupainauec des febues, qu’ils font premie- rement boiiillir, comme le bled d’Inde vn bouillon, pour eftre 4 [0 id k tci Ik Ik f iu F !0 fo a |;[ :n fe it ft V ti ds Champlain] So plus ayfe a battre , mettent le tout enfemble, quelquesfois y mettenr des blues, ou des fram- boifes feiches, autrefois y met- tent des morceaux de grailfe de Cerf, mais ce n’cft pas fou- uent,leureftant fort rare, puis apres ayant le tout deftrampe auec eau tiede, ils en font des pains en forme de gailettes ou tourteaux , qu’ils font cuirc foubs les cendres, &; eftanc cuittes , ils les lauent , &; en font alfez fouuent d’au- tres, ils les enueloppent de feiiilles de bled d’inde, qu’ils attachent , & mettent , en l’eaue boiiillante , mais ce n’effc pas leur ordinaire, ains ils en font d’vne autre forte ‘Voyage du Sieur . quils appellet Migan,a fcauoir* Commeie ;J 1 r i i i j j»* j mi ' Michanfe ils prennent le bled d inde pule, fut. fans ofter la fleur, duquel ils mettent deux ou trois poignees dans vn pot de terre plein d’eau* le font bouillir > enleremiiant dcfoisaautre, depeur qu’il ne brufle, ou qu’il ne fe prenne au pot., puis mettent enee pot vn peu de poilfon fr ais, ou fee, felo la faifon,pour donner gouft au- dit Migan, qui eft le nom quils luy donnent,& cn font fort fou* uent, encores que cc foit chofc mal odorante, principallement en hyuer,pour ne le f^auoir ac- commoder, oupourn’en vou- loir prendre la peine: lls en font de deux efpeces,& l’accommo* dent affez bien quand ils veulet, 6dors de Champlain . 2i : 6l lors qu’il y a de ce poiffon le- ditMigannefent pas mauuais, ains feulement a la venaifon.Le tout eftant cuit ils tirenc le poif- fon,& refcrafent bien menu,ne regardant de (I pres a ofter les arreftesdes efcailles ^ ny les trip- pes,commenous faifons, met- tant le tout enfemble dedans le- dit pot,quicaufe le plus fouuent le mauuais gouft a puis eftant ainfi Fait,le defpartent a chapun quelque portion : Ce Migan eft fort clair,6c non de grande fub- ftance,commeonpeut bien iu- gcr : Pour le regard du boire, il n’eft point de befoing eftant le- dit Migan alfez clair de foyroef- me. 11s ont vne autre forte de Migan,a fcauoir, ils font grellet Voyage du Skur dueled nouueau, premier qiril foit a maturite,lequel ils confer* uent,&: le font cuire entier auec du poiffon,oii de la chair, quand ils en one : vne autre fa^on, ils prennent lebled dlndcbien fee le font greller dans les cendres, puisle pilent , 6de reduifent en farine , comme l’autre cy-de- uant, lequel ils conferuent pour les voyages quils entreprennet, tant d’vne part que d’autre , le- quel Migan f : ai&deceftefa$on eft le meilleur^a mon gouft. En la page 87. figure H. fe voit comme les femmes pilent leurs bleds diode. Etpourlefairedls font cuire force portion ,& vian* de, qu’ils decouppent par mor- -ceaux , puis la mettent dans de de Champlain* 8s granges chaudieres qu’ils em- plilTenc d’eau , la faifant fort boiiillir : cefai qui prouient de la chair , &C poiifon, puis mettent d’icel- lefarinegrullee dedans , enla mouuant touf-jours iufques a ce que ledit Migan foi: cuit , &: rendu elpois comme bouillie* Ils en donnent be defpartent a chacun vn plat, auec vne cuille- ree de ladice graifte^cc qu’ils one de couftume de faire aux feftins & non pas ordinairement , mais peu fouuent: or eft-ilque ledi£t bled nouueau grulle,comme eft cy-delfus, eft grandemcc eftime entr’eux. Ils mangenc auflides *thya^e du Sieu? febues quits font bouillir auee It gros de la farine grullee , y 'ftkllant vn peu de graiffe, & poison. Les Chiens font de re- -quefte en leurs feftins quils font fouuent les vns &; les au- tres’, principallement durant Thyuer qu'ils font a loifir : Que s’ilsvont ala chaffe aux Cerfs, ou au poiffon , ils le referuent pour faire ces feftins,ne leur de- meurant rien en leurs cabannes que le Migan clair pour ordinai- re,lequclreifemble ade la bran- nee, que Ion donne a manger aux pourceaux*. Ils ontvne au- tre maniere de manger le bled d’Inde, St pour Taccommoder ils le prennent par efpics, St le mettent dans l’eau/ous la boar- de Champlain. 8$ be,le laiffanc deux on trois mois en cet eftae.&ftufques ace qu’ils ingent qu’il foie pourry , puis ilf I’oftentdela , Sc le font bQUillii: auec laviande ou poiiton-, puis le mangent,au{Ti le fo utils geuife ler, &C eft meillcur en ccfte fa- con, que boiiilly.} mais ie vous afteure quil ny a ricn qui fence ft mauuais, comme fait cedit bledfortant de l’eau tout ftpu-; cux: neantmoins les femmes,^ enfansde prennenc & lefu£§fe comme on faift les; -Cannes de fuccre,ny ayanc autre chofequi leur femble de meilleur goufti ainft quils en fonsqla de«>p n- ftratiun,leur ordinaken eft q^e de faire . deux repas par ioun. Quanta nous aucres , nous ya- uons i &C plus pour lcs efmouuoir a quelque exemple, mais c’eftoit perdre temps : Ilsengrailfent autfi des Ours, qu’ils garden: deux oil trois ans, po'ur faire des feftins entr’eux : fay recognu que (i ces peuples auoient du be- ftail,ils enferoientcurieux , &C le conferueroienc forrbien , leur ayat montre la fa^on de le nour- rir,chofe qui leur feroit aifee,at- tendu qu’ils one de bons paftu- rages , he en grande quandte en leur pais,pour route forte de be- jftaiffoit cHeuaux boeufs vaches mouttons,porcs,&: autres efpe- ces,afaute defquels beftiauxon les iuge miferables co m me il y a de l’apparance: Neantmoins a- ‘Voyage du Steur ufne le Karefme entier. de Champlain. i>^ uectoutes leurs miferesielese- ftime heurcux entr’eux , d’autac qu’ils n’ont autre ambition quc de viure , 5c de (e confertier , 6c font plus alfeurez quc ceuxqui font errants par les forefts^com- me beftes bruttes:au(Tt manget- ils force fttroiiiUes , qutlslont boiiillir, Sc roilir 3 foubs les cen- dres.Quand a leur habit,ils font de plubeurs fortes, 5cfa^ons, 5c diucrfitez de peaux de belles fauuages, taut de celles quds prcnnent, que d’autres qu ils ef* changent pour leur bled d’inde, farines, pourcelines, 5c fillets a pefcher , auec les Algomme* quins, Piferenis , 5 C autres na- tions , qui (pnt chalfeurs , 6c n’ont lcuts demeures arrellces; L iiij Voyage du Stem tons leurs habits font d’vne me- me facon , fans diuerfite d’in. uention nouuelle: ils paffent & accommodent aflez raifonna- blementlespeaux, faifant leur brayer dVne peau de Cerf, mo- ycnnement grande, & dVn au- tre le has deehaudes,ce qui leur vaiufques akceinture , eftant fort pliffe , leurs fouliers font de peaux de Cerfs, Ours,& Ca- ftorsjdont ils vfent en bon nom bre : Plus, ils ont vne robbe de mefme fourrure, en forme de couuerte, qu’ils porten t a la fa- Irlandoife, ou -/Egyptien- ne, & des manches qui s’atta- chentauecvn cordon parleder* riere *. voila comme ils font ha- billez durant fhyuer , comrne il de Champlain. 8 / fevoitenla page 13. figure D* Quand ils vont par la campa- gne,ils feigncntleurrobbe au- tour du corps,mais eftans a leur Village, ils quittent leurs man- ches,&: ne fe feignent point : les paflements de Milan pour enri- chir leurs habits font de colle 6c de la raclure defdites peaux,d6t ils font des bandes en plufieurs facons , ainfi qu’iis sauifcnt,y mettantparendroi&s des ban- des de painture rougejbrun^par- my celles de colle, qui parroif- fent touf-jours blanchaltres, ny perdant point leurs facons, quel ques falles qu elles puiffent e- ftrc. II y en a entreces nations qui font bien plus propres a paf- lerles peaux les vnsqueles au- Voyage du Sieur cres,&; ingenieux pour inuenter des compartiments a mettre def fus leurs habits' : Surtous aucres ! ! nos Montagnais, &: Algomme- quins, cefontceux qui y pren- i nent plus de peine, lefquels met tent a leurs robbes des bandes i depoildeporc-efpy,qu’ilstain~ < dent en fort belle couleur def- I carlatte : ilstiennentces bandes i bien cheres entr’eux , Ies de- i ftachent pour les faire feruir a < d’autres robbes , quand ils en ( veulent changer, plus pour em- |i bellirla face, &auoir meilleure || grace, quand ils fe veulent bien parer; La plufpart fe paindent le vifage noir, & rouge, qu’ils deb meflent auec de Thuyle, faicc de la graine d’herbe au Soleil, qu i it ChampUlru '66 bien auec de la gtaid'e d ours, oil autres animaux,comme auili ils I'e taindent les cheueux qu’ils portent, les vns longs.,les autres courts, les autres d’vn code feu- lement: Pour le^femmes,&: les filles , elles les portent toufiours d’vne melme facon, elles sot vc- ftues comme les hommes,horl- mis qu’elles out toufiours leurs robbesfaintes, quileurviennet en basdufques au genoiiil : cell en quoy elles different des horn mes,ellesnefont point honteu- fes de montrer le corps, a fcauoir depuis la cainture en haut,8cde« puis la moitie des cuiffesien bas, ayant toufiours lereflecouuerc & font chargees de quanti- te de pourceline, tant en 'Voyage dtt Sieur colliers, que chaifnes , qu'clles mettent deoant leurs robbes, pendans a leurs ceincures , bra- celets^ pendants d’oreilles , a- yantles cheueuxbicnpaignez, paints, &graiifez, Scainlis’en vont aux dances,ayans vn touf- feau de leurs cheueux parder- riere,qui leur font liez de peaux d’anguilleSjquils accommodet 6c font feruir de cordon, ou quelquesfois ils attachent des platines dVn pied en carre, cou- uertes de ladite pourceline ,qui pend par derriere,& en ceftefa- ^on poupinement veftues & habillees, elles fe montrent vo- lontiers aux dances,ou leurs pe* res,& meres ies enuoyent,if ou- bliant lien decequ’ils peuuent de Champlain. 87 apporter d’inuention pour em - Fi ^ scm bellir 6c parer leurs filles,&£puis rieufis alfeurer auoir veu en des dances d ’ e ft e ou i’ay efbe, telle fillequiauoic?'""' plus de douze liures dc pource- line fur elles * fans les autres ba- gatelles , dont elles font chai> gees 6c attourees.En cefte page fe voit comme les femmes font habillces, comme montreF. &: lesfilles allant a la dance, G. 88 de Champlain . Tous ces^peyples font d’vnc humeur alfez iouialle, bien qu’il yen aye beaucoup de comple- xion trifte , 8c faturniene entr’- eux :11s font bien proportion nes de leurs corps , y ay ant des hommes bien formez, forts, 8c robuftes , commc aufll dcs femmes, 6c filles,dont il s’en trouue vn bon nombre d’agrea- bles,& belles, tant en la taille, coulcur, qu’auxtraidfsduvifa- ge, le tout a proportion , elles n’ont point le firing raualle que fortpeu, 11 elles ne font vieilles, 8c le trouue parmy ces na- tions de puilfantes femmes, Sc de hauteur extraordinaire : car fe font elles qui one prefque Voyage du Sieur tout le foing de la maifon, 8c dd trauaifcar ellcs labourent la ter- re/emenc le bled d’Inde,font la prouifion de bois pour I’hyuer, tillentlachanvre, 8c la fillent, dontdu fillet ils font les rets a pefeher, 8c prendre le poiffon* 8c autres chofes necdfaires,d6t ils ont affaire * comme auffi ils out le foing de faire la cueillctte de leufs bleds,les ferrer,accom j moder a manger, 8c dreffer leur mefnage, &C de plus font tenues de fuiure &; aller auec leurs ma- ris, de lieu en lieu , aux champs, ou dies feruent de mulles a porter 1c bagage,auee mille au- tres fortes d’e xercices , 8c ferui* ces,que les femmes font 8c font tenues faire. Quant aux hom- mes* de Champlain, 8? mes , ils ne font rien qu’aller a la chalfe du Ccrf, & autres ani- maux, pecher da poilTon.de fai- re dcs cabannes , 6c after a la guerre. Ces chofes faites, ils vont aux autres nations, ou ils one de fae- ces, &: cognoilTance, pour trai- ler 6c faire des efchangesdece qu’ils ont , auec ce qu’ils n’ont point , &C eftans de ret'our, ils ne bougent des feftins , &C dances, qu’ils fe font les vns aux autres, & a l’iftue fe mettenta dormir, qui eft le plus beaade leur exer- cice. Ilsontvneefpecede mariage par my eux,qui eft tel, que quad vne fille eft en l’age d’onze,dou- ze, treizc, quatorze, ouquinze M Voyage du Sieur ans elle aura des fefuiteurs , & plubeurs, qu elle fera, & felo fes bonnes graces,la rechercheront quelque temps : celafaid,elles feront demandees aux peres , & meres,bien que fouuent dies ne prennent pas leur confentemet* fors celles qui font les plus fages &mieux aduifec$,qui fe fotibs^- mettencalavolonte deleurpe- re 6c mere. Cetamoureux,ou feruiteur , prefentera a la fille quelques colliers, chailnes, 6£ bracelets de pourceline: fi la bi- le a ce feruiteur aggreable , elle recoit ce prefent, ce faid , cet amoureux viendra coucher a- uec elie trois ou quatre nuids fans luy dire mot , durant ce temps , & la ils recueillenc de Champlairf. 96 It friiid de leurs affedions,dou il arriuera le plus fouuent qu’a- pres auoir pafle huid, ou quin- ce iours, s’ils he fe peUUtrifc' ‘Re- corder tile quitcera Ton ferui- teur , lequel y demeurera en- gage potir fes colliers > 8c aii- tres dons par luy faids 3 n’en retiranc qu’vn maigre pajOfe-^ temps i 8c cela pafTe , fruftr^ de fori efperanct , il rfcceithe- ta vn autre femme , 8c elle vri autre feruiteur ; s’ils voyent jqtril foit a propos , 8c Sift- fi continuent celte fa^bri dt fairs , iufqties ^ vne bdrint rencontre : 11 s’en trouue telle qui paffe ainli fa ieti« helfe, qui aura eu plus de Voyage du Steur vingt maris , kfquels vingt ma- ris ne font pas feuls cn la joiiyf- f^ccdelabcfte , quelques ma- lic z qu’ils foient: car la nui&ve- iiye, les ieunes femmes courenc 4’vne cabanne en vne aurre,co- me font les ieunes hommes de leurcofte, qui en prennent par op bon leur femble, toutesfois fans violance aucune., remettat le tout a la volonte de la fem- me: Le Mary fera 1c femblable a favoiline 3 nulle ialoufie ne fe troupe entreux pour ccla, & pen rc^oiuent aucune infamie, ny injure , la couftume du pays eftant telle. Or le temps qu elles ne delaiflent puint leurs maris eft quand elles ont des enfans: les Maris precedants reuiennent de Champlain l 91 vers elles,leur remonftrer l’afte- la diffolutio de leurs moeurs, dc leurs libertez inciuil- les: De fa$on qu’il faut des peu-« pies, 6C des families, pour les te- nir en debuoir, &£ auec douceur les contraindreafairemieux, &C par bons exemples les efmou- Voyage du Sieur iioir a corre&ion de vie.Ces Pe« res Iofeph, 6c moy , lesauon^ maintesfois entretenu furce qui eftoit de noftre creance, loi x, 6c couftu tries; ils efcoufcbierit auec attention eri leurs confeils,nou$ difans quelquefoisjtu dis chofeS qui paflc noftre efprit,, 6c que ne pouuons comprandre par dif- Cours,comme chofe qui furpaf- fe noftre entendemenc : Maisft tuveus bien faire eft d’habiter ce paySj&amener Fern hies, & en- fans, lefquels vehanten fes re« gions, nous verrons comme til fers ce Dieu que cu adorer 6c de Ja fa$on que tu vis auec tes fem- mes, & enfans,de la maniereque tu cultiue les terres,& en fematj 6c comme tu obeys a tes loiXi&£ de Champlain. '96 de la fa$on que Ton nourrit les animaux,& commetu fabrique tout ce que nous voyons fortir detesinuentions i Cequevo- yant , nous apprendrons plus en vn an, qu’en vingt a duyr dif- courir> & (I nous ne pouuons comprandre , tu prendras nos enfans * qui feront com me ks ticns : & ainft iugeant noftre vie miferable, au pris de latienne, il eft aife a croire que nous la prederont, pour laifler la noftre: leurs difeours me fembloic d’vn bon fens nature^ qui inontre lc deiir qu’ils out de cognoiftre Dieu.C eft vn grand dommage de laiflerperdretantd’hommes & les voir perir a nos portes , sas leur donner fecours,qui ne peut - Voyage dit Steur eftrefans l’amltance des Roys, Princes, &;Eccle(iaftiques, qui feuls ont le pouuoir de ce faire: Car aufli en doibuent-ils feuls e m porter Thonneur dVn fi grad ceuure, a f^auoir, de planter la foy Chreftienne en vn pays in- cognu, dcbarbare, aux autres nations, eftant bien informe de ces peoples , comme nous fom- me^qu’ils ne refpirent,& ne de firent autre chofe que d’eftre plainement inftruits de ce qu ll leur faut fuiure & euiter , cell doncaceuxqui ont le pouuoir dy trauailler,& y comtribuer de leur abon dance, car vn iourils relpondront deuant Dieudela pertedetantd’arnes qu’ils laif- fentperirpar leur negligence &; auarice, -de Champlain. 97 Suarice , car ils ne font pas pea* mais en tres-grandnombre:or ce fera quand il plaira a Dieu de leur en faire la grace, pour moy i’en defire plultoft reffeft au- jourd’huy que deraain * pour le zelle que. iaya 1’aduancement delagtoifo de Dieu,a Thonneur de mofi R.py,au bien,&: reputa- tion demapatricv Pour ce qui eft des rnalla- des- j ce.iuy >011 celle, qui (era frappe, ou attaiht de quelques malladie,rmandera qucrir 1 0- .qui , kquel venu qu’il fera, vifitef^ lie mallade, &C appren* dra, §£ s’inftruira de fon mal> 6 C de fa douleur f cela fait ledit vQqui enuoyera querir vn grand uombre d’hommesi Voyage du Sieur femmes, &: filles, auectrois ou quatre vieilles femmes, ainU qu’ilferaordonne parledi&O- qui , &: entrant en leurs caban-i nes en dancant , auec chacune vne peau d’ours fur la tefte,oii dautresbeftes,maiscelles d’ours eft la plus ordinaire ,n’en ayanc point de plus monftrueufe, & y aura deux ou trois autresvieilles quiferontproches de la malla- de, ou patiente, qui eft Ieplus fouuent mallade par hypocrifie au fauffe imagination t mais de cefte malladie elles font bien- roft guaries, & lefquelles le plus fouuent font lesfeftins aux def pens de leurs amis, ou parens, quileur donnent dequoy met- tre en leur chaudiere , outre cel- de Champlain] 98 Icsquilsre^oiuent des prefents des dance urs, 8t daccufes,com- me de la puurceline, & autres bagatelles , ce qui faid quelle? font bien-toft guaries: car com- meilsvoyent ne plus rien efpe- rcr, ils fe leuenc, auec ce quelles ont peu amaifer, car d’autres bien mailades mal-aifement fe guarifTenr.- elles dc tels jeux, dances, & facons de fairc. Ef pourretourner a mon propos, les vieilles qui font proches .de la mallade re coin cut les pre- fens , ebantaris chacune a fen tour , 6 c puis Hs ceffent de chan- ter , &C alors que tous les prefens font fai£ts,ils commancent a le- uer leurs voix dvn mefrne ac- cord, chantans toutes enfent- N ij £ q V&ydgedu j^ppatwbfcmefurea* m^dcs battens furdes cfcorces ^i^res'ieiches, alors toutes les ^temes^filtes, eomman^ent ■atoncnce^u bout de la caban- ifg ; conrnic 5 its vouloient faire 4 *entreevdVn ballet , ou d’vne mafcaradedes vieilles marchans deUanc-auec -leur s peaux d’ours iuE tents teftes j &£ toutes les au- -feres lesifoiuent l’vne apres lau- xrc. lb rt’ont que dedeux fortes ^te daiices^tri dm quelqueme- -tee ", lViDc de quatrepas , & 4 ’autt&'i de douze com* nie fi -oti daocoit le Trioly de cBtetagneUrils ont ailez bonne grace en dancant, il fe met fou- •uentauec elks de ieunes horn- -«ses , fcapres auoir dan^d vne d' Vi de Champlain, 99 heure, ou deux,les vieilles pren- dronc la mallade pour dancer, quiferaminedc fe leuertrille- mcnr,puis fe mettra en dance, ou eftant , apres quelque efpacc de temps elie dancera, & s’ef-' jolly raaulli bien quelesaucres: Ie vous lailfe a penfer cotnme elle fedoibt porter en fa malla- die. Cy-delfoubs eft la lorme dclcurs dances. N iij f de Champlain. 100 LeMedecm y acquiert de 1’honneur, & de la reputation, de voir fi toft fa patiente guarie, fiC debout : ce qui ne fe faicft pas a celles qui font mallades a 1 ex- tremite , 6C accablez de lan- gueur, ains pluftoft cefte cfpece de medecine leur donne la mort pluftoft que la guarifon : car ie vous afture qu’ils font quelques fois vn tel brui nitoiv, accompagnez de quel- ques autres , feronc des linge- ries, &: des conjurations, &fe tourneromtanc,qu’ils demeu- reront le plus fouuent com me hors d’eux-mefmejComme fols Scinfenfez, jettantlefeuparla caban ne d’vn code &C d’autre, mangeanc des charbons ardans, les tenant en leurs mains vn efpace de temps , jettent aulfi des ccndres routes rouges fur les yeux des autres fpedtateurs, &C les voyans en cet eftat, on di- roit que le Diable Oqui,ou Ma- nitou/fiainli les faujj appeller, lespofledent, & les fonttour- menter de la forte. Et ce bruit, & tintamarre , ainfi fai&, ils fe de Champlain. 101 yetirent chacun chez- foy->.& ceux qui ont bien de la peine durant ce temps , ce font les femmes des pofledez , & tons ceux de leurs ca'oannes * pour la crainte quits ont quecesen. ragez ne brudenc tout ce qui eft dedans leurs maifons , ce quilesinduitaoftertout ce qui eft en voye , car lors qu’il arriue, il vient tout furieux , les yeux e- ftincellans,&: effroyables, qucl- quesfois debout , &C quelques- fois aids , ainfi que la fantafie les prend : aufti-toft vnequinte lc prendra , empoignant tout ce qu’il trouuera, &C rencontrera, enfon chemin , le jetted’vn co- de j 6 c d’autre* 6 c puis fe cou~ che,ou il s’edort quelque cipacc Voyage du Sieur de temps, &. le re ucillant en fur- fault , prend du feu , & des pier- res, qu’il jette de toutes parts, sas aucun efgard, cefte furie fe pafle par le fommeil qui luy reprend, &; lors il fait furie, ouilappelle plulieurs de fes amis , pour fuer auec luy , qui eft le remede quils out le plus propre pour fe conti- nuer en leur fante,& cependant quils fuent , lachaudieretrotte pour accommoder leur man- ger,apres auoir efte quelquefois deux ou trois heures enfermez auec de grandes efcorces d’ar- bres,couuerts de leurs robbes, ayans au milieu d’eux grande quantite de caiiloux, quils au- ront fait rougir dans le feu, & touftours chantent, durac quils de Champlain* 102, fontenfurie, & quelquesfois ils reprennent leur vent : on leur donne force pottees d’eau pour boire, d’autant qu’ils fonr fort alterez , 6c tout cela faid .* le de- moniacle fol, ou endiable, de- uient fage: Cependant il arriuc- ra que trois, ou quatre , de ccs mal lades s’en trouueront bien, &pluftoft par heureufe rencon- tre , 6 c d’aduanture,que par fci£- ce,ce qui leur confirme leur fau- ce creance,pour cftre perfuadez qu’ils font guaris par lemoyen de ces ceremonies, fans confide- rer que pour deux quils en guc- riftent,il en meurt dix autres par leur bruid 6C grand tintamarre, 6c foufftements qu’ils font, qui eft plus capable de tuer, que de Voyage du Stem guarir vnmallade:mais quoy ik efperent recouurir leur fantepar ce brui6t , nous au concraire par le filence 6crepos,ceftcom- niele diable fait tout au rebours de bien. II y a aufTi des femmes qui entrent en ces furies^mais ils ne font tant dq mal , ils marcher a quaere patces , com me belles: ce que voyant, ce Magicien ap- pelle rOqubcommance achan- ter s puis auec quelques mines la foufllera, luy ordonnant a boire de certaines eaueSj qu’auffi- toft elle face vn feftin, foie de poilfon,ou de chair., qu’il fauc trouuer, encores qu’il foie rare pour lors , neantmoins eft aufli- eoffc fait.La crierie faice,&; le ban- quet finy f ijs s’en retourncc cha- v 7 ■ ■ . — j de Champlain, ] 103 bun en fa caban ne,iufques a vne autre fois quiilareuiendravifi- t-er,la foufflant &C cbantant auec plufreurs autres * appellez pour cet effe&, tenans en la main vne tortue feiche , remplie de petits cailloux qu’ils font feruir aux o- reilles de la mallade, luy ordon^ nant quelle doit faire 3.0U 4*fe- ftins tout de fuitte,vne partie de chanterie,& dancerie*ou toutes ks filles fe tcouuent parees, &C paintes , commc iay reprefente en la pa.87. figure G.LeditOqui ordonnera qu’il fe facedesmaf- catades,6cfoient defguilez,c6- me ceux qui eourent leMardy gras par les rues,en France : ain- fi ikvont chanter pres du li£t de la mallade &; fe promenent tout Voyage du Sieur le long du Village cependant quelefeftinfe prepare pour re- $cuoir les mafques qui reuien- nent bien las, ayans pris affez d’exercice pour vuider leMigan delachaudiere. Leurs couftumes font, que chacun mefnage vit de cc qu’il peut pefeher & femer,ayanr au« tant de terre comme illeur eft neceflaire: ilsladefertcnt auec grand’ peine, pour n’auoir des inftruments propres pour ce fai^ re : vne partie deux efmondera les arbres de toutes fes braches qu ils font brufler au pied dudit arbre , pour le faire mourir. Ils nettoyent bien la terre entre les arbres , be puis fementleur bled depasenpas, ouilsmettent en v de Champlain, 104 chacun endroi£t quclques dix grains, ainft continuant iufques a ce qu ils en ayent affez pour trois ou quatre ansde prouifton, craignant qu’il ne leur fuccede quelquc mauuaife annee. Ces femmes ont le foing de femer, Sccueillir, com me i’ay di& cy-deuant, &defaire la proui- fton debois pour 1 hyuef,toutes les femmes s’ ay dent a faire leur prouifton de bois,qui font des lc mois de Mars, 8c Auril, 8c eft a- uec cet ordre en deux iours, Chaque mefnage eftfourny de ce qui luy eft necdfaire , & ft il fe marie vne fille , chacune fem- me, & fille, eft tenue de porter a la nouuelle mariee vn fardeau de bois pour fa prouifton , d au- Voja rant qu’cllc ne le pc teur ■ pourroit faire faille, & hors de faifonqu’il faut vacquer a autre ch ofe . Le gou- uerliement qui eft entreux eft tel’, queles ancies & principaux s’aftemblent eri Vn confeil, ou ils deeMcnt, & prdpofent, taut ce qui eft de befoing , pourks affaires du Village: ce qui fe fait par lapluralite des voix ,ou du confeil de quelques-vns d’entf- eux, qu’ils eftiment eftre debon iugeinent,&: meilleur queleco* mu roll-eft prie de-la compagnie dedonnerfonaduisfur les pro- portions faites , lequcl aduis eft exademet fuiuyUls n’ont point ide Chefs particulicrs qui com- •mandent abfolumet, mais bien portenc-ils de fhotmeur aux plus de Champlain. toy plus anciens 6c vaillants quils nommera Cappitaines par lion, neur, 6c vnrefpe<5t,6cdefquels il fe trouue plufieurs en vn Vil- lage : bien eft-il vray qu’ils por- tent a quelquVnplusderefpedt quaux autres , mais pourcela il nc faut quil s’e preualle,ny qu’il fe doibue eftimer plus que fes compagnonSj lice n’eft par va- nite. Quant pour les chafti- ments, ils n’envfent point , ny aufli de commandement abfo- lu,ains ils font le tout par prie- res des anciens, 6c a force de ha- rangues, 6c re mo n {trances* ils font quelque cliofe , 6c non autrement, ils parlent tous en general , 8c la ou il fe trou- ue quelqu’vn de I’affembleg O ‘Voyage du Steut qui s’offre de faire quelque ch&* fe pour le bien du V illage, ou al- Icren quelque partpourle ferui- ce du comun,onferavenir celuy la qui s’eft ainfi offert, &: ft on le rage capable d’executerccdef- ftihgpropofejon luy remonftre par belles , & bonnes parolles. Ton debuoir : onduy perfuade quil eft homme hardy, propres aux entreprifesj’qu’il aquerra de I’honneur a l’execution d’icel- les : bref les ftattent par blandif- fements, aflin de luy continuer, voire augmenter cede boune volonte qu’il a au bien de fes Coheftovens: or s’ii luy plaift,il acc'epre la charge,ou s’en excu- fera,mais peu y manquenr,d’au* tantque de la ils font tenus en de Champlain'. \o4 feotine reputation : Quant aux ~ guerres qu ils entreprennent,ou ,/, entre- aller au pays des ennemis, ce fc-tnnntnt font deux, ou trois,des anciens, les S uer ~ ou vaillans Cappitaines,qui en- treprendront cede conduitte pour ceile fdis, 6c vontaux Vil- lages circonuoifins faire enten- dre leur voloiitd , en donnant desprefentsacetixdefdits Vil- lages, pour les ojbligsr d’aller, 6c les accompagner a leurfdi&es guerres, 6c par airifi font com- ine generaux d’armees: ils deft- gnent le lieu ou ils Veullent aller &c difpofent des prifonniers’qui sot pris, 6c autres chofcs de 'plus grande confequence, dont ils out l’honneur s’ils font bien,s’ils tontmal le des-honneur, a f^a- O ij ^Voyage du Sicur uou* de la guerre leur en demett- re, n’ayant veu, ny recognu, autres que cesCappitaines pour chefs de ces nations. Plus ils font des affemblees generalles, fcauoir des regions loingtaines, d’ou ii vient chacun an vn Am- baffadeurde chaquc Prouince, fe trouuent en vne ville qu ils nomment 3 qui ran< k s ~ vousde route l’alfamblee, ou ii fe faid de grands feftins,&: dan- ces, duraht troisfepmaines, ou vn mois, felon quits adutfent en tr eux , Sc la contr3.6tcnt amitic de nouueau,decidant &C ordon riant ce qu’ils aduifent .> pour la conferuation de leur pays, con- tre leurs ennemis , Sdafedon- nent aufli de grand^s prefents ks de Champlain. 107 vns aux autres,S£ apies auoir fait ils fe retirenc chacan cn (on quartier. Pour cequi eft delenterre- ment des dcffun£ts.,ils prennent le corps dudecede,renueloppet de fourreures , le couurent d ef- corces d’arbres fore piopic- ment,puis ils l’efteuent lur qua- ere pilliers, fur le (quels ils font vne cabanne , couuerte d efcoi ■* ces d’arbres, de la longueur du corps : autres qu ils mettenteu terre,oude tons coftez la fou- ftiennenc , de peur quelle nc tombe fur le corps & la couurec deforces d’arbres, metcans de la terre par deffus , &C au(Ti fur ieelle fo(fe font vne petite ca banne. Or il faut entendre r- 1 'Voyagedu Stem que ccs corps ne sot en ccs lieux aind inhumez que pour vn teps, commc de huid ou dix ans,ain- fi que ceux du Village aduife- ronc le lieu ou fe doibuent fai- re leurs ceremonies , ou pour mieux dire, ils tiennent vn con- feil general, ou tonsceux du pais alliftent pour designer le lieu ou fe doibt faire la fefte,Ce fait, chacuns’enretournea Ton Vil- lage , Scprennent tousles offe- mencs des deflfunds , qu’ils net- toyent, & rendent fort nets, 8c les gardent foigneufement , en- cores qu’ils fen tent commc des corps fraifehement enterrez: ce fait,tous les parents, & amis des dedunds, prennent lefdids os auec leurs colliers, fourreures, de Champlain. 108 haches, chaudieres, & autres chofes qu’ils eftiment devaleur, auec quantite de viures qu’ils portent au lieu!deftine,&: eitans tous alTemblez , ils metttent les viures en vn lieu, ou ceux de ce village en ordonnenc, faifanc des feftins,& dances continue!- les Telpace de dixiours que du- re la fefte , & pendant icelle les autres nations detoutes parts y abordent , pour voir cede fefte, & les ceremonies qui s’y font* &; qui font de grands frais entr’- eux. Or par lemoyendeces ce- remonies, comme dances, te- ftins , &C afTemblees ainfi. faides, ils contradent vne nouuelle a- mitie entr’eux , difans que les os de leurs parents, & amis, fonc O iiij Voyage du Suur pour, eftre mis tous enfemble, pofant vne figure , que tout ain- que leurs os font aftemblez } 6c vms,en vn mefrne lieu ainfi,auf« fi que durant leur vie ils doiuent eftre vnis en vne amirie, 6c Con- corde, eomme parents,6c amis, fans sen pouuoirfeparer. Ces os des vns 6c des aucres parents . & amis, eftans ainfi meflez en- fiemble, font plufieurs difeours fur ce fubjed , puis apres quel- ques mines , ou famous de faire, ils font vne grande fofie de dix thoifes en quarre, dans laquelle ils mettent cefdits os auec les colliers, chaifnes de pourceli- ne , haches , chaudieres , la' mes d’efpees , coufteaux , 6c mttes bagatelles , lefquel- de Champlain . 109 les neantmoins ne font pas de petite valleur parmy eux , &: couurent le tout de terre , y mettant plufieurs groffes pie- ces de bois 3 auec quantite de pilliers quits mettenc a Ten- tour , faifant vne couuerture fur iceux. Yoila la facoii 1 dont ils vfent j pour les morts, ■ c’eft la plus grande cere- i monie qu’ils ayenc cntr- eux : Aucuns d’eux cro- : yent Timmortaiite des ames, autre partie en doubtent, $£ [ neantmoins ils ne s’en eiloi- 3 gnenc pas trop loing , dl- l' Ians qu’apres lcur deceds ils i vont en vn lieu ou ils chan- I tenr comme les corbeaux^ Voyage du Sieur mais ce chant eft bien diffe- rent de celuy des Anges. En la page fuiuante eft reprefen- te leurs tombeaux., &c de la £a$on qu’ils les enterrent. .X.'u Voyage du Stem emmet Refte de fcauoir com me ils *ktwpT P a ^ cnt l e temps en hyuer, a fca^ uoirdepuisle mois de Decern- bre, iufques a la fin de Mars, qui eft le commancement de noftre Printemps,& que les neges font fondues , tout ce qu’ils pour- roient faire durant PAutomne, comme fay di£t cy-deftus , ils le referuent a faire durant Phy-uer, . r a fcauoir leurs feftins dances font en ordmaires en la racon qu ils les font,pour, & en faueur des ma- lades, comme i’ay reprefente cy-deftus,&; ce,conuient les ha- bitans d’vn village a l’autre, & appelle-on ces feftins dechan- teries,&; dances, Vabagis, ou fe trouueront quelquesfois cinq cents perfonnes j tant homines hyuer. de Champlain l th que femmes, & filles, lefquel - _ \ les y vont biea attifees, &: pa- J i; rees,de ce qu’elles one debeau 1 t &; plus precieux , & a certains if iours ils font des mafearades, t & vont par les cabannes les vns i des autres , demandans les cho- i fes qu ils auront en affection, 6 C sil fe rencontre quils l’ayent, if a fcauoir la chofe demandee , if ils la leur donnent librement, si 6c ainfi demanderont ^ plu- « fieurs chofes , iufques a l’in- cc finy , de fa$on que tel de i ces demandeurs auront des !,i robbes de Cad ors , d Ours, k de Cerfs , dc Loups cer- 01 uiers , & autres fourreures, 9 PoifTon * bled d’Inde , Pe- lt thun, ou bien des chauderons. Voyage du Sieti? chaudieres, pots,haches/erpe^ | coufteaux Sc aucres chofes fem- blables , allans aux maifons , Sc cabannes du Village chantants (ces mots) vn tel m’a donne ce- cy , vn autre m’a donne cela , Sc telles femblables parolles par forme de lotiange: Sc s’ils voyec qu’on ne leur donne rien , ilsfe fafchent,&; prendra tel humeur a 1’vn d’eux , qu’il fortira hors la porte. Sc prendra vne pietre , Sc lamettera aupres de celuy ,ou celle , qui ne luy aura rien don- fans dire mot s’en retour- dera chantant qui eft vne mar* que d’injure, reproche, Sc mau- uaife volonte. Les femmes y vontaufli bien que les homines, &cefte hcon de faire fe fai&la de Champlain ? IS m\0[y &: dure cefte mafcarade feptouhui&iours. Ilfetrouue aucuns de leurs villages qui tie- nent&:re$oiuent les momons, oufallots ,'comme nous faifons le foil* du Mardy gras , 6 C defliet les autres villages a venir lesvoir &: gaigner leurs vftancilles , s’ils peuuent > & cependant les fe- flins ne manquent point 3 voila commc ils paflent le temps en hyuer : aurfi que les femmes fi- lent , &C pilent des farines pour voyager en efte pour leurs ma- ris qui vont en traffic a d’autres natiuns, comme ils ont delibere aufdits confeils.fcauoir Iaauan* tite des hommes qui doibuent partir de chaque village pour ne les laiffer defgarny d’hommes Voyage du Slew de guerres, pour fe conferuer,8£ \\ \ nulne fort du pais fansle com- f mun confentement dcs chefs* D bien qu’ils le pourroient faire, { mais ils feroient tenus comme t malappris. Les hommes font { les rets pour pefeher, & prendre t le poifl'on en eftc comme en hy- [ uer, qu’ils pefehent ordinaire- ment ,•& prenent le poifl'on iuf* ques foubs la glace a la ligne,ou a la feine* Et la facon de ceftc pefche eft ; telle, qu’ils fontplufieurstrous en rond fur la glace & celuy par ou ils doibuent tirer la feine a quelque cinq piedsdelong,& trois pieds de large, puis com - mancent par cefte ouuerture a mettre leur filet , lefquels ils at- 1 tachent de Champlain. uj tachent a vne'perehe de bois,de fix a fept pieds de long > & la mettent deftoubs la glace, font courir cede perche de trou en trou, ou vn hom- me, ou deux , mettent les mains par les trous , prenanc la perche ou eft attache vn bout du filer, iufques a ce qu’ils vien- hent ioindre l’ouuerture de cinq a fi x pieds. Ce fai£t,ils lai A fentcouller le rets au fonds de l’eau . qui vabas, parlemoyen de certaines petites pierres qu’~ ils attachcnt au bout,& eftans au fonds de I’eau* ils le retirent a force de bras par fes deux bours j &c ainfi amenent le poif- fon qui fe troilue prins de- dans; Voila la Aeon en bref P ‘Voyage du Sieur eomme ils en vibnt pour leur pefcheenhyuer. L’hyuer commanee au mois deNouembre, &C dure iufques au mois d’Auril , quelesarbres commancent a poufter Leur ce- ue dehors ., & a muntrer le bou- ton. Le zz. iour du mois d’Aurih nous eufmes nouuelles de no- ftre truchement,qui eftoit allc a Carentouan par ceux qui en e- ffcoient venus, lefquels nous di~ rent lauoir laiffe en chemin , & s’en eftoit retourne au Village pour certaines confiderations qui l’auoient meu a ce fairc. Et reprenant le ftl de mes dit- eours, nos Sauuages s aftemble- rent pour venir auec nous 5 & re- de Champlain. tonduire a noftre habitation, $£ pour ce fairi nous partxfmes dc leur pays le vingtiefme iour du- ditmois* &C fufmes quarante iours fur les chemins,& pechaf- mes grande quantite de poifToti & de plufieurs efpeces , comme auffi nous prifmes plufieurs for- tes d’animaux* auec du gibier^ qui nous donna vn finguliqr plaifir* outre lacomraodite quc nous en re^eufmes par le chc- min , iufques ace que nous arri- uafmes a nos Francois, qui fut fur la fin du mois de Iuing, ou ic trouuaylefieurduPont , quie- ftoit venu de France* auec deux vaiffeaux , qui defefperoient prefque de me reuoir , pour les mauuaifes nouuelles qu il auoifc x ' Voyage duS ieur cntendues desSauuages^aiioif que i’eftois more. Nous viftnes aufti tous les Pe- resReligieux , qui eftoient de- meurez a noftre habitation, lef- * quels aufli furent font contents de nous reuoir. Sc nous d’autre- part qui ne leftiofes pas moins. Toutes receptions, 6c careffes, ainfi faidtes , ie me difpofe de partir du fault Saindt Loiiys, pour alier a noftre habitation, &mene monhofteappelld d’A- rontal auec mo y, ayants prins conge de tous les autres Sauua- ges , apres que ie les eu afteu- rez de mon aftedtion, &queft ie pouuois ie les verrois a 1 adue> nir, pour les afliftercomme i’a- uois def-ja faidt par le paife, &£ de Champlain. nr |eur porteroient des prefents honneftes , pour les encretenir en amitie , les vns aucc les au-^ tres, les priant d oubliei tourcs l&: labeurs, a Dieu feul aucheur de toute perfection, a luy done foie hon- neur,& gioire. Amen, c de Champlain* no CO NTINVeAT ION dej voyages & dicouuertut ef faitfes en lanouuelle France par ledit Steur deChamplaiity Cappitaine pour le ‘Rjtj en l* Marine du Ponant l an i6iS. V commeneenient de ||PP§^ l’annec milfixcensdix- huid, le vingt-deuxief- me de Mars ie party de Paris, 6 C mon beau frcre que ie menay a- uec moy,pour me rendre a Ho- fleur, havre ordinaire de nolire embarquement,ou eftant aprev vn long fejour pour pallet la co* Voyage du Sieur trariete des vents, & retourhe^ en leur bonace & fauorables au voyage , nous embarquafmes dans ledit grand vaifTeaudela- dite afTociation , ou com.man- doic le fleur du Font-Graue, &C auec vn Gentil-homme,appeiy lebeurdelaMothe, lequel au- roitdesauparauantfait voyage auecles Iefuiftesauxlieuxdela Cadye, ouilfutpris paries An- glois , &: par eux mene aux Vir- ginies,lieu de ieur habitation^ quelque temps apres le repaiTe- rent en Angleterre, &de la en France, ou le dedr &C FafFe&ion Iuy augmenta de voyager dere- chef enladite nouuelle France, quiluy fiftrechercher ies occa- sions en monendroit. Surquoy ie l’aa- tf i' de Champlain. lit ie f aurois affeur£ <$" y apporter mon pouuoir & falTifter cnuefs ^ Melfieurs nos aflbciez , comma me promettant quils auroient aggreable la rencontre d’vn tel perfonnage, actendu quit leur feroit fort neceffaire efdidts lieUx. Noftre embarquement ainfi faidjiious partifmes dudi6t lieu deHonfieurlei^.iourde May enfuiuatit audit an 1618. ayant le Ventpropre pour ftoftre route* ^ eUr qui neantmoins ne nous dura poarallet que bien peu de iours qui chart- ^ gea aufTi-toft* Sc fufmes torn- prance, jours contrarie de mauuais temps, iufques a arriuer fur le grand banc ou le font les peL cheries dupoiffon vert , qui fat CL Voyage du Sieur , letroifiefmdiourde luin enfui- uanr,oueftant,nousapper<-euf~ au vent 4e nous quelques Katies de glaces* qui fe defchar- geoknt du coftp duNort>& en attendant le vent commode, Jto.qs.ft fm es pcfcheries de poif- fon, ou il y auoic vn grand plai- pefchcrie non p OU1 - J a pefche du poif- fon fculement, mais aufli d’vne frrk forte doifeaux , appellez Fau- ?/* nd q U cts , & dautres fortes qui fe prennent a laligne, comme le ppifton , car j extant la ligne , & 1’ame.con , garny de foye des mprues, qui leur feruoit d ap- pall: : ces oifeaux fe jettoient alafoulle, &C en telle quantite fes vns fur les autres , quon lfa- uoit pas le loiftr de tirer la ligne de Vhamplain. lit hbrs pour la rejcttcr , qu’ils fe prenoient par le bee, par les pieds , be par les aides envol- lantj & fe precipitant fur Tap- pad , a caufe de leur grande a- uidite, & gourmandife, done cede nature d’oifeauxeftconv' pofee , be en cede pefehe- rie noils dufibes vn extref- me contentemensi v rant ed cede erercice, qu’au grand nombre intiny d’oifeaux, be grande quantite de poiffqa qae nous prifmes fort ex> cellents a manger, be com- modes pour vn rafraifchiC- fement , chole fort nceeffaire audit vaifleau. Et continuant nodre route le 1$. iour dudi& mois ; nous OJ Voyage du Sieuy nous trouuafincs au trauers de rifle percee,&: k iourS.Iean cn* fuiuanc nous entrafmes au port de T adouffaCjOU nous trouuaf- mes nofire petit vaiffeau, arriue troisi fepmaines deuant nous,jcs gents duquel nous dirent que le Sieur desChefncs qui comman- doit en icelle eftoit alle a Que- bec, lieu de noftre habitation^ de la deuoit aller aux trois riuie- res pour attendre les fauuages qui y debuoient vcnir de plu- fieurs concrees pour traidcr , comine auili pour f^auoir ce qu on dcbuoit faire, & delibe- ^eT/de rer ^ ur l amort aduenue dedeux nos bom- de nos hommes de Habitation, tries, tues qui perfidement , & par trahi- pat les j~ on f urent tuez p ar deux mef- Ja mages J i f. ail in de Champlain.' 12.3 chants gartde I’vndesi.morts, qui eftoir (errurier de Ton ait,ie« i quel fur aucunes parolles bade tellementledi&Sauuage, qu’ii luy donna occalion de sen re- f fouuenir,6c ne fe cotetat pas de s'-, l’auoirb;?ttu,8£ outrage, n inci- s toit fes compagnons'de bire lo I femblable: cequiaugmetad a-< i uantaeeau occur ledic Sauuage QJ"j ‘Voyage du Sieur la haine,& animohte a rencon- tre dudit Se rrurier, 6c fes com- pagnons, &; qui le pouffaare- chercher roccafion de sen ven- ger,efpiant le temps,& 1’oppor- t unite pour ce faire, fecompor- tant neantmoins difcrettement &: a raccouftumee , fans faire demonstration d’aucun relfen- timent: Et quelque temps apres ledic Serrurier, &c vn Mathclot, appelle Charles Fillet, de l’ifle de Re,fe deliberercnt d’aller a la chaife, coucher trois ou qua- ere nui6ts dehors , 8>c a cet effect equipperent vn caoau,8c fe mi* rent dedans , partirent de Que- bec pour alter au CapdeTonr- mente, en de petites ifles , ou grande cjuantite de gibier , §C id 4 ■1 l Si I ft It I jtf 4 i jk j»f n ' .1 a ! m II S It de Champlain. lay oifeaux, faifoient leur retrai&e, ce lieu eftant proche de Tide d’Orleans, diftant de fept lieues dudit Quebec Jequel partemcc des noftresfuc incontinent def- t couuert par lefdits deux fauua - ges,qui ne tarderent guiercs a fe ii mettre en chemin pour les fui- \ ure , & executer leur mauuais 13 dedeing : En finilsefpierentou : ledi6fc ferrurier , &; Ton compa- I gnon, iroient coucher, affin de | les furprendre : ce quay ant re- > cognu le foir deuant , &C le ma- s' tin venu, a I’aube du iour,lefdits i deux (auuages s’efcoulent dou- i! cemet le long de certaines prai- f lies, adez aggreables > 8c arri- i uez qu’ils furent a vne poin- S te proehe du gifte * fortants Voyage du Sieur de leur canau , mirent pied a terre , & fe jctterent en la cabanne, ou auoienc couche nos genes, 6c ou ils ne trouue- rent plus que le Serrurier,qui fe preparoit pour alter chaffer ,a- pres Ton corapagnon , & qui ne penfoit rien moms que ce qui Iuy debuoic aduenir : l’vn defquels Sauuages s’appro- cha de luy , 6t auec quel- ques douces parolles il luy leua le doubte de tout mau- uais foup^on, afin de mieux le tromper : 8t comme il le vit baiffe , accommodant fon harquebufe, il ne perdic point de temps , & tira vne maflue qu’il auoit fur luy cachee , &; en donna au de Champlain. 116 Serrurier fur la telle fi grand coup , qu’il le rendic chance- lant , Sc tout eftourdy : Et voyant le Sauuage que le Serrurier vouloit fe mettre en defFence , il redouble dere- chef fon coup , Sc le renuer- fe par terre , Sc fe jette fur luy, SC auec vn couftcau luy^ en donna trois , ou quatre, coups dedans le ventre.. Sc le tua ainli miferablement j Sc afiin d’auoir aulTi 1c Mathe- lot, compagnon du Serru- rier, qui elloit party du grand matin pour aller a la chafle, non pour aucune haine particu- lierequ’ils luy portalfent, nvais afin de n’eftre decouuerts ,ny a- cufez par luy, Us yont le cerchac Voyage du Sieur de$a & dela, en fin le defcou- M urentpar l’oiiye d’vne harque* ^ bufade, laqueUe entendue par ^ eux,ils saduancerent prompte- L mcnt vers le coup , afnn dene ^ donner temps audi£t Mathelot ^ de recharger Ton harquebufe, ^ & fe mettre en deffence, &: s’a- ^ prochat de luy,le tirer&a coups ^ de flefche 5 &; layant abattu par s terre de ces coups, ils courent n fur luy,& 1 acheuent a coups de r coufteau. Cefai<5t,cesmeur- f triers emportent le corps auec * 1’autre , & les lierent enfemblc* ■ 1’vn contre l’autre., fi bien qu’ils nc fe pouuoient feparer , apres ■ il lcur attacherent quantite de pierres , &C cailloux, auec leurs armes, habits, affin de neftre , de Champlain. nf defcouuerts par aucune re mar- que, be les porterent au milieu delariuiere,lesjettehr, &cou- lent au fonds de Teau , Ou ils fu- rent yn long-temps > iulques a ce que par lapermiflio de Dieu : lescordes fe rompirent, be les 1 corps jettez fur le riuage , be ft F loing de l’eau , que ceftoit vne merueille,.le tout pour feruir de parties complaignantes, be de tefmoins irreprochables a l’cn- contre de ces deux cruels 9 be perfides^ftaftinateurs : car ou trouua ces deux corps loing de * l’eau, plus devingt pas dans le bois , encores liez , be garottez, n’ayans plus que les os tous de- L charnez, com me vne carcade, * qui neantmoins ne s eftoient f Voydge du Stent point feparez pour vn filong^ 1 temps, &: furent les deux pan* :t ures corps trouuez long-temps apres par ceux de noftre habira- ::il tion,les chcrchant &C deploraoc 3 leurabfence le long des riuages de ladite riuicre, cfe contre To 1 pinion de ces deux meurtriers 3i qui penfoienc auoir Fai£fc lenrs affaires fiiecrettes- j qu’elles ne 1 i'e deuoient iamaisi^auoir, mais commeDieu ne voulanc par fa IufticeXouffrir vne telle mefclia cete,l’au roit fai£t decouurir par vn autre fauuage, lcur compa- gnon,en faueur de quelque dif- grace par lay receue d’eux , &; ainliles mefchants deffeings fe defcouurent. ;; Ce qui rendiu au Pcre R eB- de Champlain, 11S gicux, &ceux del’habitation* fort eftonnez envoy at lescorps de ces i« miferables*ayans les os tous decouuers,&:ceux delate- fte briFez des coups de lamafTue qu’ilauoitreceusdes Fauuagcs, 0 &furentlerdi6fcsReligieux > 6c autres,a ^habitation, daduis de 5 referrerenquelque part d’icel- le,iufques au retour de nos vaiF- feaux,affin d'aduiFer entre tous j) les Francois a ce qui Feroit trou- 1 ue bon pour ce regard: Gepen- dant nos gens de rhabitation Fe , refolurent de Fe tenir Fur leurs | gardes,- & de nc donner plus tat g de liberte auFdits fauuages, co- [ t me ils auoiec accouilume , mais au contraire qu’il Falloit auoir raifon d’vn d cruel aflfadln par Voyagedti Sieur jjar vac forme de Iuftice, oti pS J quel que autre voye> ou poufle ® mieux attendre nos vaiffeauxi £ &noftre retour , affin d’aduifer tous enfemble le moyen quit falloit tcttir pour ce faire, 6c en attendant conferuer les chofes en eftat. tc I n Sduuages decouueri de leur ptrfidte. Mais les fauuages voyant que leur malice cftoit decouuerte, &C eux, & leur aflaflin, en mau- uaisodeuraux Francois, ils en- trerent en defiance, 6c crainte, i 'k ii \t quenos gents n’exercaflent fur If euxla vangeance de ce meur- P tre, fe retirerent de noftre habi- dt ration pour vn temps , tant les coulpables du faidt que les an- tres conuaincus d vne crain te j® dqnt ils eftoient faifis,&: ne ve- h noienc dt Champlain'. ny ttoientplus a laditte habitation tomme ils auoient accouftu- me , attendant quelque plus grande feurete poureux. Et fe voyantpriuezde no- ftre conuerfation , & bon ac- cueil aecouftume, Iefdi&s Sau- wages enuoyerent vn de leurs ZZZl compagnons, nomrae par les nos gents Francois IaFerriere, pour fkir-e ? ou *f* ire leurs excufes de ce meurtre ?k cu/e7& fcauoir quils proteftoient ny a- accord. uoir iamais adhere , ny confen- ty aucunement, (e foubfmet- tantquehon vouloit auoir le's deux meurtriers pour en faire la Iuftice, les autres fauuages le confentiroient volontiers , fl mieux les Francois n’auoient aggreable pour reparation && R Voyage du Stem recompeilfe des mores , quel- ques honneftes prefens des pel- jerries , commeeft leur couftu- me,&.pourvnc cbofe qui eft ir~ tecuperablet ee qu’ils prierent fort ies Francois d’accepcer plu» ftoft > que la molt des accufez qu’ils preuoyoiene mefmeleur eftre de difficille execueion , & ce fgifanr ouhlier eouees chofes corame non aduenues. A quoy de l’aduis des Peres JReligieux fue refpondu & con- qlu, que lefdi&s Sauuages ame- iieroient , &: reprefenceroienr, lesdeux mal-faidteurs, aftin de fcauoir d’eux leurs complices, &qui les auoic inciees a ce faire: ce qu’ils firenc eneendre audic la Ferriere pour en faire rapporc a i C )£ 0 J'l f lit p Ik it i i de Champlain J ip fes Compagnons. Cede refolution ainii prife, le- did la Ferriereferetira vers fes compagnons } & lcur ayant fait entendre la refolution desFran- cois, ils trouuerent cede proce- dure j &formedeIudiceaeux fort edrange , &:affez didicille* d’autantqu’ils n’ont point de iti- diceedablie entr’eux , iinon la vengeance ou la recompenfe par prefens. Et ayant conlidere le tout , & confulte cede afFaire entr’eux , ils appellcret lcs deu x meurtriers tk. ieur reprefenteret le malheur ouilss’eftoientpre- cipitez , &c leuenement de ce meurtre, qui pourroit caufer v- ne guerre pcrpetuelle auec les Francois * leurs femmes ^ R ij Voyage du Sieur cnfans , en pourroient patif> quant bien ils nous pourroient donner des affaires, & nous tie- droient ferrez en noftre habita- tion , nous empefcheroient de chaffer, cultiuer, & labourer les terres , que nous fommes en trop petit nombre pour tenir la riuiere ferrde , corame par leurs difcours ils fe perfuadoiet, mais quen fin de toutes leurs con- clufions il yalloit mieux viure en paix auec lefdi&s Francois, quen vne guerre , vne deffia* ce perpetuelle , & a cefte caufe la compagnie defdi&s fauuages finiffant le difcours,8£ ayant re* 1 prefente rintelligence de ces chofes aufdits accufez, leur de- mandenc s’ils nauroiet pas bien Icon tut j® Sine ii bi (il Kll j 111 | ft F lie I de Champlain. 131 le courage de fe tranfportera- uec nous en ladite habitatio des Francois, 5c de comparoirde- uant euxjeur promettant qu’ils n’auroient point de masque les Francois eftoientdoux, &par- donnoiet volontiers, bref qu’ik feroienttant enuers eux , qu’ik leur remettroientcellefaute,a la charge de ne retourner plus a telle mefchacete^ lefquels deux criminels fe voyantconuaincus en leur conference., fubirent a cede proportion, 5 C s’accordet defuiure cet aduis , luiuant le. quel, a f^auoirrvn d’eux qui le prepara , 5 C accommoda , d ha- bits, 6c d’ornements a luy polli- ble, comme s’il eull efteinuite' d’aller aux nopces,ou a quelque. R uj ' %)oydve du Sieur fefte foicmneiie, iequel en cefte equippage vine enladitte habh ration, accompagne de fon pere, Sc autres des principaux chefs,&: Cappitaine de ieur cd~ pagnie : Quant a 1’autre meur- trier, il s’excufa de fe voyage, craignant quelque punition e- ftant conuaincu en ioy-rnefme de ce merchant a £te, Eftans done entrez en ladi&e habitation, quiaufti toft futcir- cuited’vne multitude de Sta- llages de Ieur cam pagnie, on le* ualepont , & chacun des Fran- cois fe rnit fur fes gardes , 6c leurs armes en main faiftnt bon guet, &; fentinelles pofees aux lieux neceftaires, craignant ref- fort des Sauuages ded.ehors,pajc m ms f ft d de Champlain. 13 ,1 ee quils le doubtoient qu’oa vouluftfaireiuftice a&uelle du coulpable , quid librement s’e- ftoic expofe a noftre mercy , &: non luy feulement, mais aufli ceuxqui lauoient accompagne au dedans , lefqueis pateillemet n’eftoient pas trop aiTeurez de leurs perfonnes,yoyaiu les ch,o- fes difpofe-es eacefte fac 6 ,n’ef- peroient pas fortir leur vies fau- ues. Le tout tut aflez bien fair, conduit, execute, pour leur fake fentir la grandeur de ce. mal, Scapprehcnder.pour le fu- tur,autrernent il ny euft eu plus de fcurete en eux, qu.e les atmcSi en la main, auec vne per- il iiij. petuclledetbancc. ' Voyage du Sieur Cefai£t,eltans lefdi£ts fauua* ges furimcerdcudede leuene- mentdequelque efFet contrai- reacequ’ils efpcroientdenous, les Peres Religieux comman- cent a leur fake vne forme de harangue fur ce fubjed: crimi- neU leur reprefentant ramitie qut les Francois leur auoient portee depuis dix ou douze ans en casque nous auions comme- ce a les cognoiftre, & depuis touf-jours vefcu pailiblement, &familieremetaueceux, mef- me auec telle liberte, qu’elle ne fe pouuoit exprimer:& de plus, que ie les auois aflillez de m.i perfonnepar plufieurs fois a 1? guerre^contre leurs ennemis,&' aicelleexpofemayiepour leur de Champlain. 133 bie,fans qu’au prealable ils nous yeuflent obliges aucunemenr, fmon que nous eftions poulTez d vne amitie &; bonne vollonte enuers eux, ayans companion de leurs miferes & perfections que leur faifoient fouffrir en- durer leurs ennemis.Ceft pour- quoy nous ne pouuions croire que ce meurtre fe full faid fans leur confentement, veu d’autre part quils entreprenoient de fa- uorifer ceux qui Tone com* mis. Etparlant au Pere du crimi- nel, il luy reprefence lenormite du faid execute par Ton fils , &C que pour reparation d’icelle, il meritoit la mort, attendu que par noftreloy vn tel faid ii pet- Voyage du Sieur nicieux ne dcmeuroit impuny, &; quicoque s’en trouue attaint &: conuaincu, merite condem- nation de more , pour repara- tion dVn Ci mefehant fai£t,mai$ pour ce q ui regardoit ies autres habitants du pais , non coulpa- bles de ce crime*on ne leurvou^ loit aucun mal, ny cn tirer con- tr’eux aucune confequence. Ce quayanttous lefdi&s fail* uages bien entendu, ils dirent pour routes excufes, neant- moinsauectoutrefpedt , qu’ils n’eftoient point confentants de ce fai£t * qu’ils fcauoient tres- bienque ces deux criminels me» ritoient la mort, (I raieux , ou naymoient leur pardo nner, qu’ils fcauoient bien de fait leur de Champlain. 13^. mefchancete,non deuant } mais apres le coup la mort de ces deux pauures miferabies, ils enauoient eu Taduis^maiscrop tard,pour y remedier, & que ce s qu’ils auoientteou fecret,eftoit pourtouf-jours maintenir leur 1 familiere conuerlation , &C cre- dit enuers nous , proteftant qu’ils en auoient faid aux mal- fai&eurs de grandes reprimen- s. des , repute le malheur qu ils [ auoient attire , non fur eux feu- lement, mais fur route leurna- s: tion, parents, & amis : fur- it. quoy ils leur auroient promis 1 qu’vn tel malheur ne leur ad- ,i uiendroit iamais, les priat d ou- t blier cede faute , de ne la ti- lt rer en conCcquence, que ce fete. Voyage du Stem pourroitbien meriter,mais pin- ftoft de rechercher la caufe pre - miercquia mcu ces deux Sau- uages d’en venir la , d’y auoir efgard:dailleurs,que librement le prefent crirninel s’eftoit venu rendre entre nos bras, non pour eftre puny* ains pour y receuoir grace desFrancois-.Neantmoins le Pere parlant aux Religieux dift en ploranr, tien voila mon fils quia corn mis le delid fup- pofe, il ne vaut rien, mais a- yes efgard que cell vn ieune fol &C inconftdere, qui a pluftoft fait cetade par folie, poulle de quelque vangeance, que par prudence, ii eft en toy de luy donner la vie, ou la more , tu en peus faire ce que tu voudras? de Champlain. - I35 Mutant que luy, be moy, Torn- mes en ta puiffancc, be en fuittc de ce difeours le fils criminel prift la parolle,&; fe prefentant, afifeure qu’il eftoit, dit ces mots: L’apprehenfion de la mort ne m’a point tant faili lecceur,qu’ii maye empefche delavenirre- ceuoirpour l’auoir merite, felon voftre loy , me recognoiffant biencoulpabled’icelle*. be lors fill entendre a lacompagnie la caufe de ce meurtre , enfemble le defTemg,6c l’execution d’ice- luy, felon, be tout ainfi, que ie lay recite, be reprefente cy-dei- fus. Apres le recit par luy faidfc , il s’adreffe a l’vn des fa£teurs , be commis des Marchands de no- Voyage du Sleur ftre affectation * appelle Beau- chaine,le pnant qu’il le fill mou rir fans autre formalit^. Alors les Peres Religieux pri- rent la parole , &C leur dirent que les Francois n’auoient cefte cou ftume defaire mourir entr’eux ainfi fubktement les ho mines, 8c qu’il en falloit dehberer auec tous ceux de Habitation, 8c ce- fte affaire mife en deliberation fur le tapis , fut aduife quelle e- ftoit de grande confequence, qu’il la falloit conduire dextre- ment * 8c la mefnager a propos, attendant vne autre occafion meilleurej&cpiusfeurejpouren tirerlaraifon, 8c que pour lors il n’eftoit ny a propos, nyrai- fonnable pour beauconp de dc Champlain] 13 g raifons. La premiere que nous eftions foibles, au regard du nombre des Sauuages qui e~ ftoit dehors Sc dedans no- ftre habicacion , qui vindi- cates S C pleins de vangean- ce , comnie ils font, euf- fent peu metcre le feu par tout , Sc nous mettre en defordre. La deuxiefme rai- fon eft , qu’il ny euft plus eu de feurete en leur conuerfa- tion , Sc viure en perpetuelle deffiance. La troiftefme, que le commerce pourroit eftre al- tere, Sc le feruice du Roy retarde , Sc autres raifons af- fez preignantes, lefqueiles bien confiderees fut aduife qu'il fe falloic contenter de ce qu’ils Voyage du Stair seftoient mis en leur debuoir, &fubmis d’y vouloir fatisfaire, tant par le pere du criminel, Fa- yam: reprefente, & offert, ala compagnie)que par luymefme, a fgauoir le coulpable ofFrant &expofant fa vie pour repara- tion de fa fauce, mefmequele pere ofFroit le reprefentertoU' tesfois Scquantes qu’il cn feroic requis ; Ce qu’il failloittenir pour vne efpeced’amandeho- norablej& Vne facisfadtion a iu* ftice : que luy remettant cede faute,non le criminel feullemec tiendroit fa vie de nous , mais aulli fon pere &c Fes compagnos fe tiendroient fort obligez, & que cependant il leur falloit di- re par forme d’excufe, & de fu< je&, de Champlain. iff jerque puifque lecriminela- uoit affeure par affirmation pu- blique,que tons lcs autres Sau~ uages n’eftoient eh ricn adhe- rans ny coulpables de ce Fait, 8C quauattt lex ecu ti on d'iceluy iisnenauoienteu aucurl aduiss Conlidere auffi que librcmenc ilseftoit prefente a la mort,il auoit efte aduife de le ren- dre a Ton Pere, qui en demeure- roit charge * pour le reprefenter toutesfois 8c quantes, a la char- ge auffi que d’oref-en-auant il feroit leruice aux Fran^okj on luy donnoit la vie, pour demeu- ter luy & tous les Sauuagesa- rnis>6c feruiteurs des Francois. Cefte refolution faite, neant^ moinsen attendatles vaifleaux S y ojdge du Sieur de retour de France, pour^fui* uant laduis des Cappitaines, & autres , enrefoudrediffinitiue- ment , & auec plus d’authorite, leur promettant toufjours tou- te faueur , & de leur faire fau- uer la vie , &: cependant pour feurete leur fut die , quits laif- feroient quelques-vns de leurs enfans par forme d hoftage, a quoy its s’accorderent fortvo- lontiers , & en laifferent deux a l’habitation , entre les mains defdids Peres Religieux, qui leurcomman^erent a montrer les lettres, &: en moins de trois mois leur apprirent lalphabet des letres,& a les former,qui de la fait iuger quits fe peuuet ren- dre propres & docilles a lerudi- de Champlain, tion , commelcPerelofephne peucrendre cefmoignage. Et iccux vaiffeaux arriuez a bon port , nous eufmes laduis du deur du PontGraue^ quel- ques autres^6c moy>comme ce* ftc affaire s’eftoit padee^felon le difcours cy-deffus,&; alors tous enfemblc aduifafmes qu’ii e- ftoic a propos de 'fairc reffentir auxSauuages lenormite de cc meurtre , &C neannnoins n’en venir a execution pour aucunes bonnes raifons > voire pour plu- fieurs condderations qui fc pourront dire cy-apres. Et auffi-toft que nos vaif- feaux furent entrez au port de Tadouffac, mefme des le lendemain au matin , le deur i| P^oy age du Sieur duPont,&: moy, nousremon* tafmes en vne petite barque du port , de dix a douze tonncaux> com me d'autre-part le fieutdc k Mothe,auec lePerelean d’Aj* beau ReligieuXj Sc IVndes C6- miSj&Fadeur des Marchands, appelle Loquin, s’embarquerec en vne petite Challouppe 3 Sc ainfi partifmes enfemble dudit Tadouflac , reftants au vaitfeau vn autre Religieux , appelle Pe- re Modefte ,aucc le Pillotte , Sc leMaiftre duvaitfeau, pour la conferuation de lequippage, reftans en icelluy,&: arriuafmes a Quebec,lieu de noftre habita* tionrie vingt-feptiefme iour de Iuin enfuiuant, ou nous trou- uafmes les PeresIofeph,Paul 3 &: de Champlain. 1 } 9 Paffifique Religieux , auec le lieur Hebert, &C fa famille,&: atitres homrnes de l’habitation, fe portans tous bien , & ioyeux denoftreretour, cn bonne fan- te eux 8c nous, graces a Dieu. Le mefme iour le fieur duP 6t Le f ettr delibera duller au lieu des trois riuieres,oufe faifoit la traite des tmsri. Marchands , &: porter auec luy »ws ? & quelques marchandifes pour ^clre allercrouuerle fieur des Chef- alb, hi-. nes quiy effcoit def-ja, Scmena auec luy ledid Loquin,comme fufdi£fc , &C pour mon regard ie demeuray en noftre habitation quelques iours ,.ou ie m’occup- p£ aux affaires d’icelleSjemtr’au* treschofes a faire vn fourneau pour faire vneefpreuuedecer* ‘Voyage du Steur raines cendres dont on m’auoic donne le memoire, lefquellesja la verite,font de grande valleur, mais il y a de la peine, de l’indu- ftrie, vigtllance, &C de la con- duit e * &parce qu’il eft requis en Fexercice , &; fa^on de ces cendres des homraes entendus en cet arc en quantite conue- mble. Cefte premiere efpreu- lie n’a peu fortir a efte ils iugeront que nous aurons peur, 6c crain- te d*euX>& les laiflans palter a fi bon marche , ils fe rendrdt plus infolentSj audacieux, &infup- portables , mefmes leur donne- roit fubje& dentreprcndre dfe plus grands & pernicieux def- feings i d’ailleurs que les autres nations fauuagesqui ont,ou au^ ront cognoiflance de ce faifr, & demeurez fans eftre vengez, DU \ ke'Champtain. 14J buvengez par quelqiie dons 6c prefens , comme c’eft leur cdu- ftume , ils fe ponrroient vanter que defuer vn homme, ce n’effc pas grande chofe, puifque qud les Francois en fane fi pedd’o- ftat , de voir tuer ledts gnons par leurs vdi{?n^]qui%dii uent ^ 6c mangcWMdfcfc etix, fd pourmenenc , 6c cdnuerfentFa- milierrhient auec 16s irtbftrbs* ainfi qd’il fe pent Voir. ; - • n : Mais aofli d’auete-part itco- gnoiifants les Saudages gents? fansraifon,de ped d*acc£s, 82 s fa* dies a s’eftranger ,6c fort propfs a la vangeance : Que (i on les prelTe d’en faire la Iuftice , il n y auroit nolle fcoretepour ceux qui fe difpoferonc de faire leg T ■ J^oyttgcdu Shut ^efcouuercures parrny eml G’eftpourquoy , letoutconfi- dere , nous nous refolufmesde couller cede affaire a 1’amiable, & pafler les chofes doucement, lajfjfant Faire leur trai&e en paix aueeles commis &C Fa£teurs des Marchands , &: autres qui en a- upient la charge. Or y auoit-il auec eux vn ap- pelle EftienneBrule,rvn de nos truchemens,qui s’eftoit addon- ne auec eux depuis 8. ans,tant pour paffer Ton tempsque pour voir le pays , & apprendre leur langue &C Fa^onde viure , & eft ccluy que i’auois enuoye & donne charge d’aller vers les Entouhonorons aCarantoiian, affin d amener aucc luy les joo. tie Champlain . *48 hommes de guerre qu’ils auciec promisnous enuoyer pour nous aftifteren la guerre oix nous e- ftions engages centre leurs en~ nemis , &c dont mention eft fai- te au difeours de mon precedet liure. I’appelle cethomme 3 fca- uoir EftienneBrule>& cornmu* niquant auec luyde luy demaiv day poufquoy il n’auoit pas a- mene Ie fecours des 500. hom- ines, la raifon de Ton fetarde- ment > &; qu’il ne men auoic donne aduis, alors il m’en diftie fubject, duquel il ne fera trouue hors de propos d’en faire le re- t citi eftans plus a plaindre qu^ blafmer , pour les infortunes qu’il rescue en cefte commif- » ftorti ; . * 'Uoyage dit SieUf Relation U commaiKa a me dire que d, f ( depuis qu’il eut prins conge de Brutit&mo y pour aller taire ion voya- U caufe ge, SC executer fa commiifion, du retar- .j m j t en chemin auec les 11. f} P 70* C l ¥lt de (on Sauuages que ie luy auois bail- 'yejage. lelorspourleconduire, &Iuy faire efcorte a caufe des dangers quit auoit a patfer , &tant che- minerentquils paruindrent iuf* ques audit lieu de Carantolian, qui nefut pas fans courir fortu- ne , d’autant qu’ils leur fallcrit paifer par les pais &: terres des erinemrs 1 , pour euiter qucl- que rnauUais deifeing>ils furent tn eerchant leur chemin plus aifeurede paifer par desbois,fo refts,& halliers elpois diflici- les, 6 c par des pallus marefca- de Champlain. 1^.7 gcux, lieux 6c deferts fort af- freux,6c non frequences, lc tout pour euiter le danger } '£c la ren- contre des ennemis. Et neantmoins ce gran dfoin ledit Brule , 6c fes compagnons fauuages en trauerfans vne ca- pagne ne laiiTerent de faire ren - contre de quelques fauua- ges ennemis, retour nans a leur village , lefquels furent fur- piins, 6c deffaicts par nol- di6ts fauuages , done quaere des ennemisfurent tues fur le c hap, £C deux prins prifonniers, que ledit Brule, 6c fes compagnons emmenerent iufqncs audit lieu deCarantoiian,ou ils furent re- ceus des habitans dudit lie U , de bonne affe&ipn , 6cauec route Voyage du S ieur allegrefle, 6c bonne chere , ac- eompagnee de dances , 6c fe- ftins , dont ils ont accouftume feftoyer., 6c honorer, les eftran- gers. Quelques iours fe pafleret cn qefte bonne reception , 6c apres que ledidBrule leur euft did fa legation;, &: fait entendre le fub* jed de fon voyage,les fauuages dudit lieu s’aflemblerent en co- feifpour dcliberer 6crefoudre furlenuoy des 500. homines de guerre,detnande$parleditBru- m Le confeil tenu,6c la refolu* tion prife de les enuoyer, ils do- nerent charge de les alfembler, preparer, 6c armer, pour partif §C venir nous joindre , 6c trou- cte Champlain. uer ou nous eftions campez de- uant le fore Sc village de nos en - nemis, qui n’eftoiequ a $. peci- tes iournees de Carancoiian, le~ die village muny de plus de 8 oo> homines de guerre, bien fortifie a la fa$on de eeux cydeffus t fpecifiez , qui one de bau* ces & puilfances palliffades, ‘ bien liees &: joindcs enfemble, 5, Sdeurlogementde pareille fa- j $on. Cefte refolution ainfi-prinfe par les habieans dudidCaran- touan,denuoyerles /oo. hom- , mes, lefquels furene fore long- eemps as aprefter, encores qu’ils fuffenc pretfes par ledit Rrule de s'aduacer ,leur reprefentane que s’iis eardoienc d’auantage ^ ils 138 T iilj Voyage du Sieur nous trouueroient plus audid lieu,comme de faid ils n y peu- ret arriuer que deux iours apres, noftre partement dudid lieu, que nous fufmes contrainds d’abandonner , pour eftre crop foibles 6c fatiquez par fin- iurc du temps. Cc qui don- na fubjed audid Brule, 6c Ie fecours defdids cinq cents hommes qu’il nous amenoit,de feretirer, 6c retournerfurleurs pas vers leur village de Caran- toiian,ou eftans de retour, ledit Brule fut contraind de demeu- rer 6c paiTer le reftede f Autom- ne,6c tout 1'Hyuer, en attendat compagnie , 6 C efcorte , pour sen recourner , 6c en attendant ^efte opportunite , il s’employe ' de Champlain. $ decouurir lc pais,vifiter les na- tions voifines , &terresdudid lieu, & fe pourmenant le long d’vne riuiere qui fe defcharge ducoftedelaFloride, ou il y a forces nations qui font puiflan- tes 6c belliqueufes , qui ont de$ guerres les vnes contre les au^ tres. Lepaysyeftforttempe- re , ou il y a grand nombre da- nimaux , & chafTe de gibier, mais pour paruenir & courir ces contrees, il faut bien auoir de la patience pour lesdifHcul- tezquilyaa paffer par la pluf- partdefesdeferts. Et continuant fon chemin le long de ladide riuiere iufques a la Mer,par des ifles , & les terres Voyage du Sieur proches d’icelleSjqui font habi- tees de plufieurs nations , & en grand nombre de peuples Sau- uages , qui font neantmoins de bon naturel , aymant fort la na- tion Fran^oife fur routes les au- tres : Mais quant a ceux qui co- gnoiftent les Flamansdls fe plai- gnent fort d eux,parce qu’ils les trai&ent trop rudement , entr x - autres chofes qu’il a remarque eft , que Thy uer y eft aflez tem- pered & y nege fort raremenr, mefmelorsquily nege elle ny eft pas de la hauteur dVn pied, & incontinent fondue fur la tcrre. Etapres quil eut couru le pais <$£ decouuert ce qui eftoit a re- marquer , il retourna au village de Champlain . iyo de Carantoiian,afin de trouuer quelque compagnie pour sen retourner vers nous en noftre habitation:Et apres quelque fc- jour audit Carantoiian, 5. ou 6. des Sauuages prirent refolucion de faire le voyage auec ledid Brule , Sc fur leur chemin firent rencontre dvn grand nombre de leurs ennemis, qui chargerec ledid Brule, Sc fes compagnos, fiviuement , quils les firent ef- carter, Sc feparer lcs vns des au- tres, de telle facon qu’ils ne fe peurent r’allier , mefme ledid Brule qui auoir fait bade a parr, furTelperance de fe fauuer. Sc secarta tellemet des aUtres,qu - il ne peut plus fe remettre, ny trouuei; chernin Scadrefte,pour Voyage du Stem- faire fa retraite en quelque part que ce fuft,& ainfi demeura er- rant paries bois , & forefts , da- rant quelques ipurs fans man- ger, &prefque defefperedefa vie, eft ant prefte de lafaim : En iinrencontra fortuitement vn petit fen tier, quilfe refolut fui- ure,quelque part qu’il allaft, ffrt verslesennemis, ou non, sex- posat pluftoft entre leurs mains fur l’efperance qu’il auoit en Dieu,que de mourir feul &;ain< li miferahle : d'ailleurs qu’il fca- uoit parler leur langage,qui luy pourroir apporrer quelque commodite. Or n’euft-il pas chemine lon- gue cfpace,qu’il decouurit trois fauuages , charges de poiifon, de Champlain . yt qui fe retiroient a leur village. II fe hafte decourir apres eux pout les joindre, ficles approchanc il commanqales crier, comrae eft leur couftume, auquel cry ils fe retournerent fur quclque a- prehenfion, 6 C crainte, firent mine de s’enfiiir* &£ laiifer leur charge, mais ledit Brule parlant a eux les affeura , qui leur fill mettre bas leurs arcs &fleches y [ en ligne depaix , comme auffi ledit Brule de fa part fes armes> encores qu’il tuft affez foible 8C debile de foy-mefme, pour n*a- Uoir mange depuistrois ou qua* treiours : Eta leur abort apres leur auoir faidt entendre fa for-- tune,& i eftat de fa mifere enla* quelle il eftoic reduit, ils betu- *Voyage du Steur ilerent enfemble, centime its ::I one accouftume entr’eux, 6 1 J> ceuxdeleurfrequentation lors ^ qu’ils fe yifitent. Ilseurentcommevnepitie&; companion de luy * luy ofFrant route afliftance , mefme le me- 1£: tierent iufques a leur village,ou 11 ils le trai£terent,& donnerent a £ “ manger: mais aufli-toft les peu- 1 pies dudit lieu en eurent aduis,a V l^atfoir quvn Adorefetoiiy cf *1 ftoit arriue, car ainfi appellenjt- it ils les Fran^oisdequel nomvaut :,1 autant a dire* comme gents de is, fer,&; yindret a la foule en grad I nombre Voir ledit Brule, lequel iic ils prirent & menerent en laca- I banne de l*vn des pnneipaux ji chefs,ou il fut interroge, 6c luy dc Champlain. fat demande qu ll eftoit , d’ou il venoit, quelle occafion lauoic pouffe & amene en cedit lieu,6c comme il sellout egare,&: outre siln’eftoit pas de la nation des Francois qui leur faifoient la guerre : fur ceil leur fill refpon- ce qu’il eftoit d’vne autre natio meilleure,qui ne defiroient que d’auoir leur cognoifTance a- mitie,ce qu ils ne vouluret croi- 4 re,ains fe jetterent furlui,6c luy arracherent les ongles auecles dents, le brufleret auec des tisos ardens, 6 C luy arracheret la bar- be poil a poibneatmoinscotre la volote du chef.Et en cet accef- foire l’vn des fauuages aduifavn Agnus Dei , qu’il auoit pedu au cob quoy yoyant,demada qu’il ( t '* Voyage dpt Sreur &U€ttt ainii pendu a fan col, & ie ^ Voullut prendre &c arracher, « mats ledi^t Brule luy dit ( d’vne 4 parolle a(fijree)fi tu le prends & ffl me fais mourir > tu verras quc jf tout incontinent apres tu tnou- ict ras fubitement , & tous ceux de i: tamaifon, dont il ne fit pas e- 11 ftatjains continuant fa mauuai- ti fe volontd j s efFor^oit de pren- id dre 1’AgnusDei , &leluy arra* n cher> &c tous enfemble difpofes 4 a le faire mourir , &l auparauant | luy faire fouffrir plufieurs dou- k \t leurs &C toutments par eux or- | ( dinairement exerces fur Jeurs jf a * * ar ennemis.Mais Dieu qui luy fai- j ® tea- fant grace nelevoulluftperme- ^ f? - tre., ains par fa prouidence fill ^ *? e ' queleCieljquideferain&beau qu’il tant pour le recognoillre de fes labeurs.que pour afllfter les fau- uages,fes amis,en leurs gucrres, coramc par le pafle. Etreprenant le fil de mon Y fl) Voyage du Stem cours premier, faut norer qu’en mes derniers 6c precedents vo- yages 6c defcouuertures,i’auois palle par piulieurs 6c diuerfes nations de Sauuages non co^ gneus aux Francois, nyaceux de noftre habitation* auec lef- qucls iauois fait alliance , 6c iu-» re amitie auec eux , a la charge qu’ils viendroient faire trai&e auec nous, 6c que ie les aflifte- rois en leurs guerres : car il faut croire qu’il ny a vne feulle na- tion qui viue cn paix, que la na- tion neutre,6c fuiuant leur pro- melfe vindrcnt de plufieurs na- tions de peuples Sauuages nou- uellementdefcouuertes les vns pour trai&e de leur pelletrie, les autres pour voir les Fran$ois,6c experimenter quel trai&cment de Champlain. *jt» & reception on leur feroit,ce que voy ant encauragea tout le monde , tant les Francois a leur faire bonne chere,&: reception, les honorant de quelques grati- fications &C prefents, que les fa&eurs des marchands leur donnerent pour les contenter, qui fut a leur contentement, comme aufll d’autre-part tous lefdits Sauuages promirent a tous les Francois de venir, &C viure a l’aduenir en amitie les vns 8c les autrcs, auecprotefta- tion chacun de fe comporter a- ucc vne telle affe&ion enuers nous autres, qu’aurions fujet de nous loUer deux, & au seblable que nous les afliftaffions de no- lire pouuoir en leurs guerres* r V iii) f V oyage du Stem i La trai6tc ainfi fai< 51 :e &C para- i cheuee,&; les fauuages partis 8c * congediez, nous nous retiraf- 3 mes,8c partifmes des troisriuie- a resle Lf.Iuillecaudi&an , 8c le jj lendemain arriuafmes a Quc- g bee, lieu de noftre habitation. * ou les barques furent defehar- | gees des marchandifes qui a- a uoient refte de ladi&e traite, 8c | miles dedans le magalin des Marchands quils one audit lieu. Ce faid , le fieur du Pont s’en retourna a Tadoulfac,auecles barques, afin de lesfaire charger y & porter en laditte habitation :;i] les viurcs, 8c chofes necellaires pour Ianourriture 8c entrete- , de Champlain. vy nement de ceux qui y deuoienc laiuerncr 8c demeurer,8ccepan* dant que les barques alloient 8c venoient pour apporter les vi~ ures6cautres commoditez ne- ccfTaires pour 1 ecretien de ceux qui demeuroient a Phabitation, auquel lieu ie me deliberay d’y demeurer pourquelquesiours, affin de faire fortifier 6c reparr : les chofes neceflaires panda:;: mon fejour. Etlorsde monpartement de laditte habitation, ie pris conge des Peres Religieux,du fieur de la Mothe, 8c de tous autres qui demeuroient en icelle, furlef- perance que ie leur donnay de iecournay , Dieuaydant, auec Voyage du Sieur f 1 bon nombrc de families pour 11111 peupler cepays. Ie m’embar- A quay le 1 6. Iuillet,& les Peres fc Pol Sc Pacifique qui y auoithi- 1 uernc trois ans, Scl’autrePere vn an Sc demy , afin de faire rapport, tant de ce qu’ils auoiet yeu audit pai’s,que de ce qui s’y pouuoit faire: Nous partifmes fedi(Sfc iour de laditte habitation pour venir a Tadouftac faire noftre embarquementpourre- tourner en France, auqueiiieu nous arriuafmes le lende- main , ou nous trouuafmes nos vaifteaux prefts a faire voile Sc noftre embarquement faidt, nous partifmes dudidt lieu de Tadouflac pour venir enFrance lejo.dumoisdeluillet 1618. SC de Champlain, ij8 arriuafmesa Hondefleur leiS. iour d’Aouft , auec vent fort fa- uorable, 6c contentement d*vn chacun. F I N.