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MUQUARDT, MERZBACH et FALK, Èomum~; I} l . { : LONDRES ET NEW-YORK PARIS TRÜBNER & C°. DURAND et PEDQNELAURIEL. -—_ I 1882. /h 1/!’ ä>-‘/z..g, _ Æb&€4æa . ;ÎË È’Ëmsîüaî àe Ë;amfi% inîemaîèxsuaî. La publication du traité de Grotius sur le droit de la guerre et de la paix fait époque dans l'histoire. Au milieu d’une guerre barbare, quand la force seule semblait dominer le monde, l’illu_stre écrivain néerlandais montra aux nations les règles qui président à leurs rapports. Le succès le plus éclatant courdnna ses efi”orts. Les profondes connaissances de l’auteur, la rectitude de son esprit et surtout l’ardent amour de la justice qui le pénétrait et l’animait, assurèrent à l’œuvre une influence que peu d’œuvres humaines sont parvenues à acquérir. Au cém- mencement du siècle dernier, Barbeyrac rappelait que jamais livre n’obtint une approbation plus générale et ne se soutint mieux. « Il n’y a pas lieu de craindre, ajoutait-il, qu’il ne continue pas toujours à. avoir son prix ». Le savant professeur voyait juste. De nos jours encore, malgré ses défauts et ses lacunes, le traité De jure bellz’ ac paris conserve sa valeur et il est permis d’afi‘irmer qu’il demeurera éternellement debout. 6 INTRODUCTION. Grotius fonda véritablement la science du droit inter- national. Ce n’est pas que le sujet qu’il choisit n’eùt déjà. fait l’objet de recherches sérieuses. Dans les deux bran- ches de la discipline juridique auxquelles le livre est consacré, en droit naturel et en droit des gens, Grotius compte des devanciers. Un auteur allemand, M. de Kaltenb0rn, a fait l’histoire des précurseurs de Grotius, en se plaçant spécialement au pointde vue du droit naturel 1. Il nous a semblé qu’une étude sur le droit international avant Grotius et sur les écrivains qui frayèrent la voie au grand penseur ne serait ni sans intérêt ni sans utilité. Notre science a pris de larges développements ; la dernière venue parmi les branches du droit, elle a acquis une importance que plus personne ne songe à contester ;il est bon de jeter un coup d'œil sur ses modestes débuts et il est juste de rendre hommage aux ouvriers de la première heure. Le droit s’impose de plus en plus dans les relations des États ; on ne peut que gagner à considérer de près le spectacle que présentait le passé. En cette matière surtout, la comparaison de ce qui fut et de ce qui est doit produire d’excellents résultats. La vue du chemin par- couru n’est—elle pas de nature à. stimuler le courage et à. fortifier la foi dans le progrès ? Il est inutile de remonter jusqu’à l’antiquité ; elle n‘eut pas la notion de lois régissant les rapports des peuples. C’est dans la société qui se constitue au milieu des ruines de l’Empire romain qu’il nous faut rechercher les origines du droit des gens. Ici même, la matière se resserre dans des limites assez 1 C. DE KALTENBORN, Die Ï’orla’uf'fln des Hugo Grotz‘us auf dem Gebz‘ete des Jus naturœ et gentium sowz'e der Poli tz‘k im Reformatz‘onszez‘talter, 1848. INTRODUCTION. '7 étroites, etâ vrai dire, antérieurement à Grotius, l’histoire du droit international se borne à l’histoire du droit de la guerre, comme le droit de la guerre épuise toute la matière du droit international. Le moyen âge voit se former quelques institutions du droit des gens, mais elles sont trop chétives pour qu’on puisse en tenir compte. Seul, le droit de la guerre se développe sérieusement ; il forme le noyau du droit international. Historiquement parlant, ce fait n’a jamais été contesté. En pure raison, il ne se conçoit que trop bien. Un écrivain distingué en a fait l’observation. «Le cours naturel des choses amène l’état de guerre ; la paix suppose un effort de la volonté de l’homme, elle présente un caractère artificiel ; elle sort de la guerre ; elle est le monde qui s’organise Le droit de la guerre, qui se compose des limites mises par le droit a la guerre, est la première manifestation du droit, il est la première des assises dont se compose l’édifice juridique interna- tional 1. >> ———-—— 1 BROCHER DE LA FLÉCIIÈRE, Les principes naturels du droit de la guerre, Revue de droit international et de législation comparée, t. 1V, p. 381. CHAPITRE I. La notion et la science du droit international au moyen âge. L’Empire et la Papauté. Sous l’action du christianisme et de la race germani- que, le moyen âge aboutit en religion à la constitution de l'Église catholique, en politique à l’établissement du régime féodal. L’unité chrétienne suppose, à la vérité, l’existence d'un lien, mais d’un lien de charité embras- sant uniquement les fidèles. La féodalité implique la reconnaissance du droit ; l’Europe forme une vaste association, mais les membres qui composent la société féodale manquent de vigueur; l’État existe simplement en germe. Ni le christianisme, ni l’élément germanique LA NOTION ET LA SCIENCE DU DROIT INTERNATIONAL. 9 n’engendrent la notion de lois internationales. L’idée de nationalité et l’idée d’humanité font encore défaut, et c’est à peine si on les voit apparaître dans les derniers siècles de cette période de l’histoire. La science du droit international ne se rencontre donc pas dans les écrits des auteurs du moyen âge proprement dit. Ceux-ci restaurent l’étude du droit romain, ils créent la science du droit canon, ils édifient le droit coutumier, ils scrutent les problèmes du droit public. Le droit inter— national échappe à leur examen. Enchevêtré dans le droit naturel, il demeure confondu en même temps que ce dernier dans le droit canon et dans le droit romain. Peu à peu le droit naturel se dégage; on l’étudie timidement a l’occasion de tels ou de tels titres des com- pilations de J ustinien,de telles onde telles règles édictées par les constitutions des papes. Peu à peu aussi le droit de la guerre fait l’objet de discussions, à l'occasion des mêmes titres et des mêmes règles. Certes, il n’y a dans ces spéculations aucune perception d’ensemble ; elles n’en sont pas moins le berceau de deux branches nouvel- les de la science juridique. Il est même à remarquer que l’influence du droit naturel sur le droit des gens demeure longtemps prédominante. O‘est que la juxtaposi- tion d’États indépendants ouvre une double alternative: on les peut considérer comme n’étant soumis à aucune loi ; on les peut aussi envisager comme sujets de la loi naturelle. Cette dernière opinion avait prévalu. Toute terminologie exacte fait complètement défaut. La célèbre division du droit introduite par Ulpien est géné- ralement admise.Le droit se distingue en jus natumZe, jus gentz‘um et jus civile. Le jus naturale est la loi des êtres animés. L’expression jus gentz‘um conservé tout ce qu’elle 10 LA NOTION ET LA SCIENCE DU DROIT INTERNATIONAL. a de vague et d’indécis; sous des nuances diverses elle signifie au fond cet élément commun qui se rencontre dans les lois de tous les peuples. Les écrivains s’étendent àperte de vue sur la mutabilité ou l’immutabilité du jns genttnm ; ils le séparent avec soin du jns nntnrele, ou bien encore ils font ressortir les affinités de l’un et de l’autre; ils ne s’avisent point d’admettre dans leur classification le droit des gens dans son acception moderne, le jus inter pentes comme l’appellera Zouch, le droit international comme dira Bentham. Suarez qui eut sur ce point des vues plus nettes et mieux définies que ses prédécesseurs, admet encore la terminologie ancienne; néanmoins le jus gentz‘nm tel qu’il l’entend, renferme déjà plus d’un des éléments constitutifs du droit des gens moderne et, dans un passage célèbre de son traité De Zegtbns ne Deo Zegistetore, il reconnaît l’existence de lois obligeant les nations. « Dnobns mode‘s, écrit—il, dice‘tnr attgntd de jure gente‘nm, une mode qnz'n est jns gnou! omnes popnte‘ et gentes nare‘æ inter se serrnre debent, alto mode enta est jns gnod stngnlæ ctnttates net regnn tntra se observant, _72er sinze‘tttndtnem nntene et connenz‘enttnm jus genttnne appellatnr 1. » Et immédiatement après, il exprime avec force la diffé— rence qui existe entrele droit naturel et les principes con- ventionnels reconnus et observés par les nations dans les rapports qu’elles ont entre elles. Selon lui,le genre humain, partagé en divers peuples et royaumes, n’en forme pas moins un tout par l’idcntité de nature et par certains liens politiques et moraux dont une des marques est le sentiment naturel d’amourque les peu- 1 SUARE‘Z, Tractatus de leyihus ne De0 legwlatne, L.II, ch. 19, n° 8. LA NOTION ET LA SCIENCE DU DROIT INTERNATIONAL. 11 ples,même étrangers, ressentent l’un pour l’autre. Chaque État constitue une communauté parfaite, possédant toutes les conditions de l’existence; les États sont néan- moins membres d’une autre société plus grande qui est le genre humain. L’aide et l’assistance commune sont nécessaires; aucune nation ne peut s’en passer. La raison naturelle n’est pas suffisante, et c’est ainsi qu’un droit des gens a pu s’introduire par la coutume dans le genre humain, à l’exemple de celui qui se forme dans chaque État. « Hnmannm genns qnn'ntnmvis in varies papules et re_qnn dieisnm, semper 7zeäet alignam nnitatem non soZnm speeifieam, secl etinm guasi politieem et momZem gnem indi- cet netnmlepmeeptnm mntni emoris et misemieordiæ, qnod ad omnes extenditnr, etiam extmneos et enjnsennqne nationis. Qnapnopter, Zieet nnaqneegne eieitczs perfecta, mesymblicn ant regnnm, sit in se eommnnitas perfecta et suis membris constans, nihilominns qncelibet illarnm est etiam memärnm aligne mode Ïmjns nnieersi, garent ad genns 7znmnnnm spectet ; nnngnam enim illæ eommnnitates adeo snnt siôi snÿîcientes sigilletim, _qnin indigeant aZigno mntno jum— mine et soeietate ac communicatiane, interdnm lllZ meZins esse mnjoremgne ntilitatem, interdnm eero etiam ob momZem neeessitatem et indigentiam, nt en ipso nsn constat. Hee ergo m!ione indigent aligne jure, gno dirigantnr et recte ordinentzw in 7zoe genere eommnnieationis et soeietatis. Et gnameis magna en pente ÏlOC fiat pee* mtionem netnmZem, non tamen szqÿïeienteæ et immedizzte gnoad omnia ; ideoqne aligne specieZia jura potnermzt nsn eamndem gentinm introdnei. Nam sient in nna cieitate, neZ proeineia con— snetndo introdncit jus, ita in nnieerso Ïmmano genere ' potnernnt jnm gentinm moriôns introdnci. E0 net maxime gnoct en ÿnæ an‘! 71.00 jns pertinent et pense snnt et jnri 12 LA NOTION ET LA SCIENCE DU DROIT INTERNATIONAL. natumli ualde propinguu, et quæ faeillimam 7zabent a6 illo deduetionem adeogue utilem et consentaneam ipsi natures, ut Zieet non sit euidens deduetio tanguam de se omnino neeessuria ad Ïwnestatem morum, sz't tamen uaZde eonueniens natum et de se aeeeptabilis ab omnibus 1.» La notion scien- tifique du droit international était née. Phénomène curieux, à une époque où le droit inter- national ne pouvait être connu, une définition avait paru qui se rapproche beaucoup de la conception moderne de ce droit. Isidore de Séville, qui écrivait au commencement du VIIe siècle, divise le droit en jus naturale, jus civile et jus gentium. Le jus naturale est pour lui : « Jus commune omnium nationum, et quod ubigue i‘nstinetu natum, non canstitutione aliquct 7enbeatur. » Il range sous cette rubrique le mariage, la procréation et l’éducation des enfants; dans son langage, le jus natumle remplace ainsi le jus gentium des Romains. Le jus gentium d’Isid0re correspond, au contraire, presqu’entièrement a notre droit international : « Jus gentium est sedium oeeupatio, ædifientio,munitio, telle, eaptieitates, seruitutes, posttiminia, fædem, puces, indueiœ, legutoi'um non uiolundorum meligio, eonnubia inter alienigenas profiibita. » En dehors de cette classification, Isidore de Séville admet le jus miZiture: « Jus militare est belti inferendi solemnitas, /æderisfueiendi neæus, signa date egressio in Ïwstem, ueZ pugnae eommissio. Item signa data 9'eceptio ; item flegitii mititaris diseiplina, si Zoeus desemtur ; item stipendiorum modus ;dignitatum grudus ; prœmiorum Ïtonor, ueluti eum corona cet torques donantur. Item pmdze deeisio et pro _——. 1 SUAREZ, Tractatus de legz‘bus ac Deo legz‘slatore, L. 11, ch. 19, n° 9. LA PAPAUTÉ ET L’EMPIRE. 13 perronarum gualiiatz‘bus et laboribm justa dim'sio ; ifem ' principis partie. 1 » Le fait mérite déjà. d’être signalé. Mais ilyaplus. Les définitions d’lsidore de Séville reçurent la plus haute consécration qu’il leur fût possible d’obtenir ; elles prirent rang dans le décret de Gratieri et traversèrent ainsi la seconde moitié du moyen âge, faisant l’objet de perpétuels commentaires, sans que, même à. la veille de l'époque moderne, les auteurs aient su tirer profit de la terminologie si rationelle qu’elles offraient. Le morcellement de la souveraineté forme le trait caractéristique du moyen âge. La conception hellénique de l’État que les Romains avaient développée avec tant de force ne pouvait être favorablement accueillie par les Germains. Individualistes à. l’excès, ceux-ci étaient nécessairement hostiles à. l’organisation gouvernemen- tale de l’antiquité ; ils n’avaient pour elle aucune aptitude et l’émiettement de la puissance centrale paraissait devoir remplacer à jamais l’unité. A la mort de Char- lemagne, l’édifice qu’il avait si laborieusement élevé s’effondra ; mille souverainetés particulières se con- Stituèrent ; le régime féodal s’établit partout. La tendance vers l’unité se manifesta néanmoins, et au X16 et au XIIe siècle, on la voit apparaître dans une double sphère d’action. Chez les divers peuples s’organise le pouvoir central ; sur un terrain plus vaste, dans le domaine international, sommes-nous tenté de dire, apparaissent les théories de la toute-puissance impériale et papale. 1 ISIDORE DE SÉVILLE, Etz/mologz‘œ, L. V, ch. IV à VII. 14 LA PAPAUTÉ ET L’EMPIRE. _ La royauté féodale est difficile à. définir. Comme l’observe Guizot, en théorie, le roi est le suzerain des suzerains ; en fait, la plupart des seigneurs féodaux sont complètement indépendants de la royauté. « Le nom de roiporté par l’un des seigneurs féodaux exprime moins un fait qu’un souvenir 1. » Cette ‘royauté féodale si incomplète contient en germe I’État moderne; elle se range parmi les institutions qui ont amené la formation du droit international. A côté du travail d’unification qui s’opère dans les différents pays, se placent les théories de la suprématie de l’empereur et du pape. ' , Réalisée, l’idée de la monarchie universelle, soit impériale, soit papale, aurait empêché le droit interna— tional de se former. Restreinte au domaine de la théorie pure, elle exerça fréquemment une influence bienfai- sante et plus d’un principe nouveau, plus d’une conquête de la justice sur la force brutale sont dus à l’hypothèse de l’unité dans la domination spirituelle et temporelle. Depuis que Léon III avait sacré Oharlemagne, les rois germaniques furent considérés comme les successeurs des Césars. On admit que la puissance impériale s’éten— dait sur toutes les parties de la terre comprises dans le monde romain et qu’elle était supérieure à. toute autre dignité temporelle. La notion de l’Empire fut surtout développée par les juristes. Admirateurs passionnés de la législation romaine, les glossateurs essayèrent dès le XIIe siècle de transplanter en pleine féodalité ses doctrines absolutistes. On connaît l’anecdote qui se rattache à. la diète tenue, en 1158, dans la plaine de Roncaglia etoù Frédéric 1 Guxzor, Histoire génémlede la civilisation en France. Neuvième leçon. LA PAPAUTÊ ET L'EMPIRE. 15 Barberousse obtint des quatre docteurs de Bologne, Bulgare, Martin Gosia, Jacques et Hugues de Porta Bavennate, assistés des délégués des villes lombardes, la célèbre sentence qui reconnaissait la plénitude de ses droits régaliens dans l’importante question des rapports des vasSaux et des républiques avec 1’Empire. L’empe- reur, dit-on, se promenant un jour avec Martin et Bulgare, leur demanda s’ils pensaient qu’il fût le maître du monde. Martin répondit que oui ; Bulgare fit une restriction ; il concéda la jouissance, non la propriété. Frédéric fit don au premier d’un cheval. « Amisi eqnam, dit Bulgare, gnia diai æqnnm, qaod non fait ægnnm. » Authentique ou non, l’anecdote peint très bien les sen- timents de l’école à l’égard des empereurs dont les pré- tentions lcs plus hautaines trouvèrent des défenseurs parmi les jurisconsultes. Sans doute, dans le fait, les exigences et les revendications des Césars germaniques ne constituèrent jamais un danger bien réel pour l’huma- nité. Les dominateurs de Z’nnirers, comme ils s’intitulaient, n’étaient souvent pas en situation de régner paisiblement en Allemagne et des princes qui s’arrogeaint le droit de ’ créer et de déposer les rois, tremblaient fréquemment devant leurs puissants feudataires. La haute idée que les interprètes du droit romain se firent de l’Empire, la véné— ration dont ils l’entourèrent, les privilèges qu’ils lui reconnurent n’en sont que chose plus frappante. Le besoin d’unité devait être grand, puisque le désir de la réaliser menait à‘de semblables exagérations les esprits les plus vigoureux de l'époque. Le plus illustre des commentateurs, Bartole, écrivant versle milieu du XIVe siècle, déclare hérétique quicon- que soutient que l'empereur n’est pas le maître du monde: 16 LA PAPAUTÉ‘ ET L’EMPIRE. 0 « Si guis discret dominum imperutorem non esse dominum et monarefiam totius ortis esset Ïtceretieusz guiu discret contra determinationem Eeeiesiæ et contra textum S. Euangelii dum dieit: Eu*ioit edietum d 0æsare Auguste ut deseriberetur . nniuersns orbis, ut dates Lue. [fuel [1'] cap. et itd etiam reeognouit C’Ïiristus imperntorem ut dominum 1. » Une foule de jurisconsultes partagent cette opinion et au XVI’ siècle, Covarruvias croit devoir proclamer que Bartole s’est trompé. « Hoe enim faisum, nee enim Bartolus uideturreete intelleæisse guid sit Ïneresis.... » « Modestius enim feeissent 7ii doetores, ajoute-t-il en parlant de Bartole et des jurisconsultes qui ont suivi son opinion, si Imresis nomen et notam Eeelesiæ definitioni relinguissent 2. >> Dans l’exti*avagante Ad reprimendum promulguée en 1312, Henri VII avait émis la thèse prétentieuse que toute âme humaine est soumise à l’empereur. « Ad reprimen— dum multorum facinorn gui ruptis totins debitce fia’elitatis 7mDenis dduersusromdnum imperium, in eujus tranquillitute totius ortis regularitus reguieseit, 7zostili anime urmuti eonnntur nedum dumunu, uerum etinm dirinu præceptn quitus jubetur guod omnis anima Romanorum prineipi sit subjecta seelemtissimis fueinoribus et assiduis rebellionibus demoZiri... » Ainsi débute la loi impériale. Et Bartole qui commente ce texte, arrivé au mot subjectn n’hésite pas a citer l’épître de Saint Paul aux Romains. « Sed, dit-il, rencontrant l’objection qui ne peut manquer d’être présentée, ibi non dieitur Romanorum prineipi, sed potes— tdtibns sublimioribus. Sed de isto intelligendum est, suô quo 1 BARTOLE DE SASSOFERRATO, C’onzme‘ntarz‘a in. secundam Digcsti nom‘ partent, De ea_pttvis et postlz’mz’nio reversz‘s et redemptz‘s ab hostibus. 2 Covnnnvvms Y LEYVA, Opera omnia, Reguloe Peccatum relectz‘o, g 9. De potestate temporaltet spz‘rttuali, n° 7. LA PAPAUTÉ ET L’EMPIRE. l7 Ofirislas volait nasci et cracifigi. Hoc imperiam Ecclesia approlal 1. » ' En face de la théorie qui fait de l’empereur le maître du monde se trouve celle qui reconnaît la toute-puissance pontificale. Dans la conception catholique, la chrétienté était con- sidérée commeun corps régi par le pape et par Tempe reur ; l’un et l'autre sont les vicaires du Christ ; l’un est le ‘chef spirituel, l’autre le chef temporel‘. La glose ~d’Accurse reflète ce sentiment ; elle admet la séparation des pouvoirs : «Ergo apparel qaocl negae Papa in lem- poralilas, aec imperalor in spirilaalilas se cleôeaal immiscere 2.» Longtemps même dans la théorie de l’Empire la plus exagérée, les prétentions du pouvoir spirituel sont respectées. Une lettre de Frédéric Barberousse au sujet des prétentions émises par Adrien 1V invoque le'passage où l’évangéliste Luc rapporte le mot du Christ: «-Etles disciples dirent :Seigaear, voici deux glaires. E2.‘ Je‘sas leur clil : cela sajîl. » L’image des deux glaives fut recueillie par le Miroir de Saxe : « Dieu, y lit-on, a placé deux glaives pour la protection de la chrétienté. Le glaive spirituel est confié au pape ; le glaive temporel et l’em- pereur. » La glose du Miroir de Saae reconnaît la supériorité de la puissance spirituelle, et Bartole lui-même avoue que l‘Empire dépend de l’Église. « Ecclesia leael yuod imperiam dcpeacleat ab Ecclesia pal- I BAR'I‘OLE DE Sassorsnano,Conæ‘tta, quœstiones et tractatus, f. 97 et suivants. 2 Glossa ordinatia, Adauthentz‘c. coll. I, tit. 6, proef. GIESELER, Kirchengeschz‘chte, t. II, deuxième partie, g 54. J. F. DE SCHULTE, Dz‘e Geschz’chte des Canow‘schen Rechtsppvon Gratz‘çzn bis aufdie Gegenwart, t. I, p. 96. ‘ 18 LA PAPAUTÉ ET L’EMPIRE. cÆerrimis rationiâas, gnas omitto, tenendo istad gaod imperiam dependeat a?) EeeZesia 1. » Au commencement du XIVe siècle, Dante banni de Florence écrivit son traité De la monarchie. Il y résume la thèse gibeline de l’Empire. La monarchie a sa base dansla nature de Dieu, l’unité divine implique l’unité dans le commandement sur les hommes ; un seul chef, tel est l’idéal. Cet idéal a été réalisé dans le passé; le peuple romain a été investi de l’empire de la terre ; or sa succes- sion appartient à. l’empereur d’Allemagne à. qui revient ainsi la domination du ‘globe, et qui, monarque de la terre, n’est soumis qu’au maître de l’univers, à Dieu. L’homme a une double mission, la vie sur cette terre et la vie future. La vie présente est du ressort de l’Empire. L’Église prépare les âmes a l’autre monde. L’empereur n’est point le vassal du pape ; le pape n’est point tenu d’obéir à l’empereur ; tous deux relèvent immédiatement de Dieu et restent indépendants l’un de l’autre; mais l’em- pereur doit honorer le pape. comme un fils honore son père. Dante n’innovait pas ; s’il appuyait sur l’idée que l’autorité impériale dépend immédiatement de Dieu et qu’elle n’est point transmise par l‘intermédiaire du pape, c’est qu’il voulait réagir contre les tendances des décré- tistes. Le traité De la monarchie n’en fut pas moins frappé des censures ecclésiastiques; n’allait-il pas, en effet, à l’encontre de la thèse romaine ? Celle-ci remonte à. Grégoire VII. On en connaît l’idée primordiale. Il y a en l’homme deux éléments distincts et hostiles, l’âme et le corps. Dans l’organisation de la IBARTOLE DE SASSOFERRATO, Commentarz‘a in seczmdam Dz’gestz‘ nom‘ partem, De requz‘rendz‘s rets. LA PAPAUTÈ ET L'EMPIRE. 19 société l'Église est l'âme, le corps est la société laïque.’ La. vie de la société laïque, l'État, n'est pas la vie véri- table et l'humanité ne peut faire son salut qu'en se soumettant à la direction de l'Église. Une lettre de Grégoire VII montre d'une manière saisissante comment il entend la situation respective des deux pouvoirs, temporel et spirituel. « Les rois, dit—il, ont leur origine dans des hommes, qui, inspirés par le démon, cherchèrentà dominer sur leurs semblables. Ils y sont poussés par une ambition aveugle et une intolé- rable présomption. Les moyens par lesquels ils poursui- vent leur but sont la rapine, la perfidie et tous les crimes imaginables. Et ce sont ces hommes souillés qui préten- dent abaisser à. leurs pieds les 0ints du Seigneur ! Cette prétention rappelle le prince des anges déchus,Satan, qui tenta le fils de Dieu en lui promettant les royaumes de la terre : J e te donnerai tentes ces choses si la m’adores. Une dignité inventée par les hommes qui ignorent Dieu ne doit—elle pas être soumise à une dignité que la Providence a créée pour son honneur et qu'elle a donnée au monde dans sa miséricorde ? 1 » Ainsi le pouvoir temporel procède de Satan, le pouvoir spirituel procède de Dieu ! « Le nom du pape est unique dans le monde, lit-on dans le Dietatns du même pontife, il peut déposer les empe- reurs, il peut délier les sujets de leur serment de fidélité. « Le siège de Saint Pierre, dit encore Grégoiré Vil, a le droit de lier et de délier les choses temporelles. » Les successeurs de Grégoire Vil reprirent ses théories; ils trouvèrent dans les interprètes du droit canon l'appui que les empereurstrouvaient dans les légistes, ILAUREN’I‘, Études sur l'histoire de l'humanité, t. VI La papauté et l'empire, p. 1'76. 20 _ LA PAPAUTÉ ET ÜEMPÏRE. et la conception d’une vaste théocrahe embrassant le monde entier pénétra dans la conscience de la chré- tienté. Les décrétistes firent valoir que la raison d’être de la juridiction papale l’emportait sur celle de la juridiction impériale et la glose canonique alla jusqu’à dire : « Pro que peeeato potest imperator deponi ? Pro gnoli— bet : unde deponitur si est incorrigibitis, si est minus ’ttlÏili8.... » Les prétentions pontificales s’adressaient à tout pouvoir séculier, aux rois comme à l’empereur, aux cités et aux républiques comme aux monarques absolus. Les successeurs de Saint Pierre prétendaient avoir le droit de régenter à leur guise, de blâmer, de condamner, de déposer les souverains. La société civile ne pouvait pas ne pas résister. La guerre éclata donc. Elle fut longue et terrible. Les papes et les empereurs en furent les principaux acteurs ; mais la bataille se livra dans tous les pays. L’issue en fut favorable à. la cause de la liberté. Dans le domaine de la raison, la lutte amena la Réforme et la culture moderne; sur le terrain politique, la constitution des États européens. L’idée de la monarchie universelle, tant papale. qu’impériale, disparut dans la tourmente. Un esprit fin et distingué, Æneas Sylvius qui devait ceindre la tiare sous le nom de Pie Il, composa au milieu du XV° siècle son livre De ortu et auetoritate imperii romani. Il est partisan de l’unité dans le commandement et n’admet pas qu’à. côté de l’empereur il y ait des son-- verainetés particulières ; les rois, selon lui, doivent être soumis au monarque suprême, comme les patriar- ches, les archevêques et les évêques au pape. Mais, dans un autre de ses ouvrages, Æneas Sylvius nous montre LA PAPAUTÉ ET ÜEMPIRE. 21 ce que sont devenus en réalité l’empereur et le pape. « La puissance de l’empereur est nulle, dit—il, en s‘adres- saut aux princes allemands, vous ne luiobéissez qu‘autant que vous le voulez et vous le voulez le moins possible... La chrétienté est un corps sans tête, une république privée de lois et de magistrats. Il reste au pape et à l’empereur l’éclatque donnent les hautes dignités ; ce sont des fantômes éblouissants, mais ils sont hors d’état de commander et il ne se trouve personne pour les écouter 1.»La toute-puissance papaleavait, en effet, rejoint l’empire ; les deux géants étaient couchés dans la pous— sière. Longtemps auparavant la théorie de la monarchie papale ou impériale avait été battue en brèche. Nous ne parlons ici que des jurisconsultes. Au XIV° siècle déjà, il s’en trouve qui luttent contre l’opinion généralement admise et démontrent l’inanité des preuves sur lesquelles pontife et prince s’appuyaient. Au nom des Écritures, de l’histoire, du droit naturel, Albéric de Rosate, avait protesté contre la situation idéale faite à l’empereur 2 ; d’autr es s’étaient élevés contre les prétentions papales. Les faits étaient d’ailleurs là qui donnaient le plus écrasant des témoignages ; les papes avaient déposé les empereurs et les rois,mais les empereurs etles rois avaient àleur tour chassé du trône les souverains pontifes; leçons plus éloquentes encore, la Papauté divisée contre elle donnait le spectacle du grand schisme d’Occident et ' les conciles généraux devaient afiirmerleur supériorité sur —— ————-—_——————.—n 1 LAURENT, Études sur I‘hismz'rc de Z‘lmmam‘lé, t.\’I, La papauté et l'empire p.323. 2 ALBÉRIC DE ROSATE, Super prima parte Coclz‘cis, De Summa 'I'rinitat‘e et ;Me catholz‘ca, n°S 6 et 7: 22 LA PAPAUTÊ ET L’EMPIRE. les successeurs du prince des apôtres. Exemple intéres- sant de la persistance des idées, la notion de l’Empire et de la Papauté dem eura e n honneur quand la cause était déjà. définitivement jugée. Elle se réfugia dans leslivres,et encore même au XVIe siècle on la vit débattre avec vigueur. C’est ainsi qu’Alciat soutient que le roi deFrance est sujet de l’empereur. O’est ainsi que Soto pose la question de savoir si l’empereur est le maître du monde et répond que si la majesté impériale est un don et une institution de Dieu néanmoins rien ne fait croire qu’elle s’étend sur le monde entier. Nous avons dit que la théorie de l’Empire et la théorie de la Papauté eurent une incontestable utilité. L’une et l’autre figurent parmi les éléments principaux de l’éducation des peuples au moyen âge. Abandonnée à elle—même, la féo dalité avec sa tendance à réduire pour ainsi dire en poussière toute souveraineté qui ne se c0ntentât point d’être purement nominale, eût empêché la constitution du pouvoircentral et entravé l’organisation de l’État moderne. L’idée de l’unité impé- riale servit de contre-poids àl’individualisme ; au milieu de l’anarchie, quand la force régnait brutalement en maîtresse, elle fut une arme au service du droit. On accuse les légistes de servilisme et d’adulation. Les appa- rences déposent contre eux, mais à examiner les choses de près on constate que l’ardent besoin de justice dont ils sont tourmentés inspire surtout leurs actes et dicte prin- cipalement leurs écrits. Le droit était foulé aux pieds, c’est en invoquant et en défendant l’antique idée de l’unité du pouvoir suprême qu’ils aidèrent à le faire prédominer. LA PAPAUTÉ ET L'EMPIRE. 23 La puissance papale possède également sa justification devant l'histoire. Certes la théocratie était en opposition ouverte avec le système des nationalités et à ce point de Vue la Papauté fut un obstacle à la formation du droit international; l'ère des nationalités et de la consolidation intérieure des États s'ouvre au moment Où les liens de dépendance entre les peuples et le Saint—Siège se relâchent et se brisent. De plus, dans la conception catholique il n'y a de droit que pour les orthodoxes et la notion du pouvoir spirituel engendre ainsi la grande erreur que le droit international est restreint à la chrétienté. Néanmoins si l'on peut adresser ces reproches‘à la Papauté, celle-ci peut invoquer ses luttes contre la barbarie et ses. efforts ' pour rétablir dans l’Europe féodale l'ordre et la paix. Ici encore il y aurait une exagération manifeste à. lui attri- buer une espèce de magistère suprême sur les affaires générales, à. soutenir qu'elle fut l'arbitre des nations. Les différends des rois furent soumis a son jugement; jamais cependant cette procédure ne forma la règle. Mais ilest une gloire que l'on ne saurait sans injustice enlever à la Rome papale : elle fut le grand agent de la propa- gande du christianisme et elle rendit ainsi d'une manière indirecte d'inappréciables services au droit des gens. CHAPITRE II . ‘ Le droit de la guerre. SECTION I. —- LA GUERRE ET LE CHRISTIANISME. La doctrine de Jésus est essentiellement pacifique ; à. la vérité, l’Évangile ne condamne pas la guerre d’une manière absolue, mais l’enseignement chrétien est instinctivement contraire à.l’emploi de la force, et dès les premiers-siècles, la guerre trouve dans les Pères de l’Église de rudes adversaires. Clément d’Alexandrie, Tertullien, Origène, Lactance, Basile, d’autres encore déclarent injuste tout recours aux armes. Pour eux, la paix est un fait divin, la guerre un fait diabolique. « Chez les païens, dit Eusèbe, des démons excitaient des dissensions continuelles. Jésus a mis fin à. leurdomination et a ainsi pacifié le monde. » Basile assi- LA GUERRE ET LE CHRISTIANISME. 25 mile les homicides commis en temps de guerre a des meurtres volontaires; il prive les coupables de la commu— nion pendant troisans.Lactance trouve-des accents Super- bes pour maudire l’esprit de conquête et les conquérants. « C’est donc là, s’écrie-t-il, votre chemin vers l’immorta- lité! Détruire les cités, dévaster les territoires, exterminer les peuples libres ou les asservir. Plus ils ont ruiné, pillé, tué d’hommes, plus ils se croient nobles et illustres ; ils parent leurs crimes du nom de vertu. Celui qui donne la mort à. une seule personne est fiétri comme un criminel. Ma ssacrez des milliers d’hommes, inondez la terre de sang, infectez les fleuves de cadavres, on vous donne une place dans l’Olympe. » Cette aversion alla jusqu’au refus du service militaire. L’avènement de Constantin le Grand et la transforma- tion radicale que ce fait entraîna dans les rapports de l’Église et de l’État provoquèrent une réaction contre‘ ce sentiment exagéré. Sous Constantin,un Concile condamne les soldats qui par motifs religieux abandonnent leurs drapeaux, et bientôt, résultat dû surtout aux écrits de saint Augustin, l’idée de la légitimité de la guerre pénètre dans la conscience chrétienne. Ce n’est pas que le grand penseur n’avoue et ne déplore les effrayantes calamités de la guerre; ce n’est pas qu’il ne prêche la modération dans les combats ; mais l’esprit positif l’em- porte en lui sur le sentiment et il admet que la guerre peut être juste ‘1. 1 LAURE.\IT, Études sur l'histoire de l’humanz‘të, t. IV , Le christianisme, p. 224 et suivantes. LECKY, H z‘st‘ory 0/’ European Murals, t. II, p. ‘248 et suivantes. HERZOG, Real-Encyclopädz‘e für protestarztz‘sèhe Theologz‘e zend Kirche, V° Kricg. 26 LA GUERRE, MOYEN EXTRÊME. Les sentiments pacifiques ne cessèrent pas cependant . d'animer l’lÊglise ; elle prêcha la douceur et la mansuétude et mit tout en œuvre pour assurer la paix. Tâche ardue, mission d’une difficulté inouïe, si l’on songe aux races belliqueuses qu’il s'agissait de catéchiser ! SECTION II.-—- LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS INTERNATIONAUX . LA GUERRE, MOYEN EXTRÊME. LES TENTATIVES AMIABLES ET LES VOIES DE FAIT. N°1. ---— La guerre, moyen extrême. Au degré de développement auquel l’humanité . est parvenue de nos jours, la plus haute expression de la souveraineté réside dans l’État ; ni en dehors ni au- dessus de celui-ci il n’y a de puissance capable d’édicter des lois et de faire régner le droit. En principe le recours aux armes est légitime parce qu’il n’existe aucun pouvoir imposant d’une manière normale sa volonté aux nations, qui sont autant de personnalités juridiques égales. Dans chaque cas déterminé l'emploi de la force n’est licite qu’à. la condition d’être nécessaire. La guerre est un mode d’aplanir les conflits, mais un mode extrême dont on ne ' peut se servir que lorsqu’il y a impossibilité complète de trancher autrement les contestations. «Paeem debet leaâere noZantas, bettnm necessitas >>, dit saint Augustin. Cette maxime fut insérée dans la compilation de Gratien et LES TENTATIVES AMIABLES. ' 27 _ textuellement reprise par la plupart des auteurs du moyen âge. Elle résume la question; le souverain doit maintenir la paix par inclination et par volonté ; il ne doit faire la guerre que par absolue nécessité. Nous aurons â.revenir sur ce point. - ' On peutdiviser les modes d'aplanir les différends, sans le recours àla guerre, en tentatives amiables et en voies de fait. Examinons quels moyens étaient plus spéciale- ment usités au moyen âge. 11. — Les tentatives amiables. Grotius indique trois modes d'éviter la guerre qui se rangent parmi les tentatives amiables Ce sont la conférence amiable entre les parties qui ont quelque démêlé, le compromis entre les mains d'arbitres et le sort 1. Nous nous occuperons des deux premiers modes en faisant observer au sujet du sort qu'il a été employé, à. diverses reprises, notamment dans des contestations sur— gies à‘ l'occasion de partages ou de questions de préséance 2. La conférence amiable dont parle Grotius n'est pas inconnue au _moyen âge, mais les entrevues sont entourées de tantde précautions, la défiance est si grande et la mauvaise foi semble si générale que l'on ne saurait voir dans la conférence amiable un mode normal de a——.—- 1 GrROTIUS, Le droit de la guerre ci de la paiæ, traduction de BARBEYRAC, ' L. 11, ch. xxn1, n°5 7, s et 9. 2 HEFFTER, Le droit international public de l'Europe, 5 108. 28 LA‘ MËDÏATION. trancher les différends. Les fruits en sont nuls et le scep— tique Commines, qui parle en connaissance de cause. consacre de longues pages à démontrer que «quand deux grands princes s’entrevoyent pour cuider appaiser diffé- rends, telle venue est plus dommageable que profitable 1.» Il en est tout autrement du compromis, terme par lequel Grotius désigne à. la fois I’interposition des bons ofiîces, la médiation et le compromis proprement dit 2. L’interposition spontanée des bons ofi’ices se change en médiation lorsque les adversaires acceptent l’intervention conciliatrice. Dès le milieu du XVII° siècle, la doctrine établit une distinction entre l’un et l’autre mode. On appela interpositeurs ou pacificateurs les tiers qui s’inter- posaient sans que leur intervention eût été admise expressément par toutes les parties intéressées. On réserva la qualification de médiateurs a ceux qui avaient reçu un véritable mandat 3. Les cas dans lesquels des souverains interpose‘nt leurs bons offices ou font accepter leur médiation en vue de prévenir une rupture ou de rétablir l’entente sont assez fréquents. Le pape est le médiateur par excellence. Au milieu du XIIe siècle, un ‘moine allemand, Gerhoch, a formulé un système théocratique qui mérite d’être signalé. Partisan 1 PHILIPPE‘ DE COMMINES, Mémoires, L. 11, ch. VIII. 2 Gaorws, Le droit de la guerre et de la paies, traduction de BARBEYRAC, L. 111, ch. XX, u38 46 et 47. 3 HENRI DE COCCEJI, Commentant in tres libres de jure belli ac pacz‘s, t.IV, p. 372, édition de Lausanne, 1751. SAMUEL DE COCCEJI, Introductz’o ad Grotium illustratum. t.V, p. 648,même édition. RÉAL DE CURBAN, La science du gouvernement. t. V, p. 656. LA MÊDIATION. 29 dévoué de la Papauté, l’abbé de Reichersberg proclame l’autorisation de l’Église une condition indispensable dela légitimité d’une guerre. C’était instituer le souverain pontife juge suprême de toutes les contestations, c’était en un certain sens préparer‘ l’avènement du règne de la paix perpétuelle. « [n omni militam oel ciciam gaerra et discordia cel pars altera jasta, et altera iajasta, cel atMgue iacenitar iajasta. C’ajas rei ceritatem patefacere delel sacerdotalis cloctrina, siae cajas seatentia aalla lella simt mocemi’a. Sic ergo lmaaifestata jastitia, pars jasta sacerdotalilas tabis animanda et etiam commaaione domiaici corporis ante ôellam roboranda est : gaia pam’s iste cor fiominas coafirmat, qaaaclo pro defeasione jastitiœ oel Ecclesiæ aliqais acl pagaaia se præparat ; cai pars iaigzca resisteas et pacto jastæ pacis acqaiescere colons anatlzemati- zancla et etiam negata sibi se_paltara cl&ristiaaa lzamiliamla est 1. » La théorie répondait trop aux aspirations et aux tendances de la cour de Rome pour que celle-ci ne cher- chât point à l’appliquer et l’on vit les souverains pontifes défendre et des rois de prendre les armes ou leur imposer de faire la paix. Cette attitude hautaine ne pouvait être conservée en présence du mouvement qui entraînait le pouvoir civil vers l’indépendance. Les papes assumèrent un rôle plus modeste et à partir du XIVe siècle,souvent ils interposèrent leurs bons ofi‘ices ; souvent aussi leurs efiorts furent cou- ronnés de succès. Durant les longues et terribles guerres de l’Angleterre et de la France, pour citer des exemples, des trêves nombreuses furent conclues à la suite des 1 GERI—IOCH, Eorpcsitz‘o in psalmum LX1I’, sire liber de corrupto Ecclcsz’œ statu, t. V, p. 117 et suivantes des NIISCELLANEA de BALUZE. 30 LA MÉDIA’1‘ION. négociations du Saint-Siège. Le traité de Brétigny de 1360 fut en grande partie l’oeuvre du pape et si,en 1435, ' Charles VII parvint à détacherPhilippe le Bon de l’alliance anglaise et à sauver la monarchie française de la ruine, il en fut redevable à Eugène IV et au concile de Bâle qui, divisés sur tant de points, se trouvèrent d’accord pour travailler au rétablissement de la paix dans la chrétienté Le traité d’Arras de 1435 présente un vif intérêt. Les instances du pape et des Pères du concile avaient amené une entente provisoire entre le roi de France et le plus puissant allié des Anglais, le duc de Bourgogne. Il avait été arrêté : 10 que des conférences seraient ouvertes à. Arras pour traiter de la paix générale avec Henri VI ; 20 que Charles VlI y adresserait au roi d’Angleterre des offres convenables et que si Henri ne les acceptait pas, le duc Philippe ferait tout ce qu’il pourrait pour rendre la paix au royaume ; ‘3° que dans le cas où le duc quitterait le parti du roi Henri, Charles VII lui céderait certaines villes déterminées ; 40 que Philippe engagerait le roi d’Angleterre à. envoyer des plénipotentiaires à. Arras et que le pape, le concile et tous les souverains chrétiens seraient invités à. se faire représenter aucongrès x. Le congrès s’ouvrit et ce fut, dit M. Henri Martin, une véritable assemblée générale de la chrétienté. Presque tous les souverains se îfirent représenter et l’on vit y figurer le cardinal de Ohypre, ambassadeur du concile, le cardinal de Sainte-Croix, légat du Pape, les envoyés de l’empereur, des rois de Castille, d’Aragon, de Navarre, de Portugal, de Naples, de Sicile, de Pologne, de Chypre, de Danemarck, des ducs de Milan, de Bretagne et d’Alen- a——.——. 1 HENRI MARTIN, Histoire de France, 1:. VI. p. 230. ' LA MÉDIATION. 31 çon, de l'université et de la ville de Paris et de beaucoup d'autres bonnes villes et pays de France, de Bourgogne et des Pays—Bas. Les rois d'Angleterre et de France envoyèrent leurs plénipotentiaires. Philippe le Bon se présenta en personne Les cardinaux de Chypre et de Sainte-Croix inter- posèrent leurs bons offices et offrirent à. chacune des parties adverses de lui transmettre les propositions et les réponses de l'autre. L'accord ne put se faire entre Anglais et Français. On travailla à. réconcilier le duc de Bour- gogne et Charles VII. Les engagements contractés dans le traité de Troyes de 1420 retenaient Philippe ; des consul- tations furent rédigées par des docteurs et des théologiens et après un débat solennel, les représentants du concile et pape oonjurèrent le duc « par les entrailles miséricor- dieuses depNotre Seigneur J ésus-Christ, par l'autorité de notre saint père le pape, du saint concile assemblé à Bâle et de l'Église universelle », de faire la paix. Le 21 septembre, le traité fut conclu. La France avait fait de grandes concessions, mais en revanche le duc de Bour- gogne consentit à. mettre le passé en oubli et à. ne jamais traiter avec les Anglais sans le consentement du roi ; les deux parties déliaient d'avance leurs sujets du serment de fidélité envers celle des deux qui enfreindrait « l’ap- pointement » et se s0umettaient à. l'excommunication en cas de parjure. Le traité devait être scellé du sceau de tous les princes du sang, prélats, barons et bonnes villes du royaume, lesquels s'en rendraient tous garants. Les deux légats relevèrent Philippe des serments prêtés aux Anglais 1. 1 HENRI MARTIN, Histoire de France, t. Vl, p. 332 et suivantes. 32 LA MÉDIATION. Le rôle de pacificateur et de médiateur n’était pas ‘l’apanage exclusif des chefs de l’Église. Les rois et les princes l’ont exercé 1. Mais l’événement ne répondait pas, toujours à leur attente, et dans son récit des querelles de Louis XI et de Charles le Téméraire, Commines raille « ce pauvre roy de Portugal qui estant très bon et juste mit en son imagination qu’il irait devers le duc de Bourgogne qui estoit son cousin germain et qu’il pacifierait tout ce différend du roy et du duc 2. >> Le compromis proprement dit se rencontre plus fré- quemment encore que la médiation et il est même plus usité au moyen âge que dans les siècles suivants. Nous signalerons quelques faits. Dès 1176, les rois d’Aragon et de Navarre soumettent à l’appréciation du roi d’Angleterre une contestation qui vient de surgir entre eux. Les deux adversaires remettent comme gage de leur soumission à la sentence arbitrale quatre châteaux-forts et des plénipotentiaires sont char- gés de se rendre auprès du monarque anglais pour prendre connaissance de sa décision ; trente jours sont accordés aux parties pour comparaître ; le ' délai écoulé, le défaillant sera dépouillé des citadelles engagées; la mort de l’arbitre est même prévue ; dans ce cas le roi de France est substitué au roi d’Angleterre. En 1244, l’empereur Frédéric Il choisit le parlement de Paris comme arbitre dans ses disputes avec le pape Innocent IV. Lors de la lutte que Simon de Montfort, à la tête des 1 K. TH. PüTTER, Beiträge zur Vôlkerrechts-Geschièhte und Wissenschaft, p. 1'79. 2 Pmmrpn DE COMMINES, Mémoires, L. V, Ch. VII. L'ARBITRAGE. 33 barons anglais, mena si vigoureusement contre Henri III, les deux parties établirent saint Louis juge de leurs prétentions réciproques. Le roi convoqua les adversaires àAmiens et là, les délégués d'Henri III et des barons plaidèrent leur cause. Le 23 janvier 1264, saint Louis donn‘a, par la fameuse Mise d’Amiens, pleinement raison au souverain. Un arbitrage important se rencontre à la fin du XIlle siècle. Boniface VIII était intervenu dans les démêlés d’Ëdouardl et de Philippele Bel. En 1296 il avait même cité les deux mmarques devant son tribunal suprême, mais en Angleterre comme en France ses prétentions avaient échoué devant une insurmontable opposition et en même temps provoqué une violente querelle au sujet des droits du pouvoir civil. En 1298, rois et pape parurent ' réconciliés et les deux princes tombèrent d'accord pour soumettre leur différend à.l’arbitrage de Boniface VIlI, comme personne privée, non comme chef de l'Église. La sentence arbitrale est du 27 juin 1298 et Boniface VIII y déclare que les deux rois l'ont choisi comme personne/ privée, que c'est donc Benoît Gaetani et non Boniface VIII qui rend la décision : ( [a nos, tanqaam iaprioatam persoaam et clomiaam Beaeclictam Gaptaaam, _ taaqaam in arbitram, saper reformanda pace et corworclia inter ipsos reges, absolate ac libere compromittcre caraoerant. » Mais le 30juin, le pape publia la sentence dans une bulle et prétendit sanctionner comme pontife la décision qui émanait de la personne privée : << Qaam promlaciatioaem et gaæ in ea coatiaentar aactoritate apostolica oalere calamar et plenam habere decemimas roboris flrmitatem. >> Philippe le Bel proteste, bien que la sentence fut très équitable 1. l GIESELER, Kirchengeschz‘chte, t. II, deuxième partie, 5 59, note 11. 34 L'ARBITRAGE. En 1317, les rois d’Angleterre, de Castille, d’Aragon et de Portugal amenèrent le roi de France et les Flamands à. accepter l'arbitrage du pape Jean XXII, avec la réserve que les communes flamandes et le roi ne devraient s’y conformer que «selon ce qui sera leur pure et franche volonté 1. » . . Philippe de Valois prononça, en 1334, dans une‘ contes- tation qui avait surgi entre le roi de Bohême et plusieurs princes allemands, d’un côté, et le duc de Brabant, de l’autre.Il se déclara dansla sentence «nommé et élu juge, traicteur et amiable compositeur entre hauts hommes nos chiers amis.-. 2 » Louis XI fut saisi des démêlés des rois de Oastille et d’Aragon et de la querelle de Sigismond d’Autriche et des Suisses. ' Louis XII fut nommé seul arbitre par les ducs de Gueldre et deJuliers;le parlement consulté par le roi émit l’avis qu’il pourrait appeler au jugement tel conseil—- 1er qu’il voudrait parce que « c’est le vrai office d’un prince et lui est comme un devoir naturel de ne rien faire et ordonner sans conseil. » En 1546, les rois de France et d’Angleterre se soumi- rent a. la décision de quatre jurisconsultes dans un procès où il s’agissait de plus-de 500,000 écus. Nous avons vu que Frédéric II invoqua l’arbitrage du parlement de Paris. Une note au recueil de Papon cite plusieurs cas analogues : «Le comte de Namur ayant différend avec Charles de Valois, Philippe de Trente avec le duc de Bourgogne, le duc de Lorraine avec Guy de 1 KERVYN DE LETTENHOVE, Histoire de Flandre, t. III, p. 85. _ - 2 \VARD, Erzquiry into the foundation and history of the law of nations in Europe, t. I, p. 325. L'ARBITRAGE. _ 35 Châtillon, le duc de Savoie avec le dauphin, le roy de Castille avec le roy de Portugal se sont remis et rapporté au parlement de Paris, ce {qui montre assez l'ancienne majesté de cette cour, puisque les roys et princes étran- gers la choississaient arbitres de leurs différends 1.» Le parlement de Grenoble fut choisi sous François I pour juger les prétentions de deux princes sur une terre du Milanais. En 1570, un conseiller du parlement de Dijon fut désigné par le roi d'Espagne et les Suisses pour décider de leurs contestations sur les limites de la Franche-Comté. En 1613 et en 1614, le parlement de Grenoble rendit deux arrêts dans un arbitrage dont il avait été chargé par les archiducs d’Autriche et de Wurtemberg au sujet du comté de Montbelliard. Dans le même ordre d'idées on note souvent l'interven- tion du suzerain. Un exemple s'en trouve au XIVe siècle. En vue de gagner les nobles des Pays-Bas et des provinces du Rhin qui ayant des fiefs en France, ne voulaient se prononcer contre Philippe de Valois que si l'empereur le leur ordonnait, Édouard HI s'adressa à. Louis de Bavière. L'empereur tint une diète à Coblentz, le 3 septembre 1338. Édouard 111 se présenta devant lui et le pria, ainsi que les princes du Saint-Empire romain de l'aider à avoir justice contre Philippe de Valois qui « détenait injustement et les anciennes possessions des Plantagenets et la couronne de France ». Louis accueillit la demande d'Édouard comme un suzerain et accusa lui- même Philippe de félonie parce qu'il avait refusé l'hom- mage des fiefs qu'il tenait de l'empire. De l'aveu des 1 PAPON, Recueil d'arrêts notables des cours souveraines de France, L. IV, tic. VI, arrêt 14. ' 36 LES CONSERVATEURS DE LA PAIX. grands vassaux, l’empereur déclara Philippe « déchu de tout droit à la protection de l’empire» et conféra a Édouard III le titre de vicaire impérial pour sept années dans toutes les provinces de la rive gauche du Rhin, l’investissant ainsi du commandement militaire et de tous les droits de la souveraineté 1. Un autre moyen de prévenir les guerres consiste à provoquer l’intervention des tiers. On peut citer le mani- feste de Frédéric II qui, au fort de sa lutte contre lepape, en appela successivement aux cardinaux, au peuple romain, aux princes de la chrétienté 2, et l’acte adressé en 1356, par Éd0uard III au pape, à l’empereur, aux princes et au peuple de la chrétienté pour dénoncer la conduite du roi de France 3. Les difficultés naissantes étaient parfois aplanies grâce à une institution toute spéciale, celle des conservateurs de la paix. Lorsqu’un traité intervenait, on y désignait quelques personnes qui étaient surtout chargées de veiller.à son exécution. C’étaient tantôt des personnages puissants, tantôt des agents des parties signataires dont le devoir était des’aboucher de temps en temps, dans un lieu marqué, pour réparer les infractions et arranger le différend qui pouvait naître. On voit même les principales villes des États contractants assumer ce rôle et donner leur scellé au traite’. Nous avons cité déjà le traité d’Arras oùl’institution se rencontre. Il est dit dans un autre traité, celui,cle Blois, de 1505 que Louis XII de France et Ferdinand d’Aragon prier0nt le roi d’Angleterre 1 HENRI MARTIN, Histoire de France,t. IV, p. 41. 2 GIESELER, Kirchengeschz‘chte, t. II, deuxième partie, g 55, note 22. 3 \VARD, Enquz‘ry into the foundatz'on and history 0/‘ the law 0/’ nations ' in Europe, t.I, p.326. LES VOIES DE ‘FAIT. ' 37 de bien vouloir agréer la qualitéde conservateur de leur convention. « Rogalaat reges sereaissiaam Aagliæ re_qem gaocl fiajas pacis frateraitatis et ligue conseroator ezcistat. » Au conservateur revenait la charge d'amener par ses bons offices l'exécution des conventions et d'empêcher l'explosion de nouvelles hostilités ; comme sanction, il lui restait le droit de‘ jeter le poids de son épée dans la balance. Dans le traité de Senlis de 1493 figurèrent parmi les convervateurs les villes de Paris, Rouen, .Lyon, Poitiers, Tours, Angers, Orléans, Amiens et Tournai pour Charles VIII, et celles de Louvain, Bruxelles, Anvers, Bois-le-Duc, Gand, Bruges, Lille, Douai, Arras, Saint-Gmer, Mous, Valenciennes, Utrecht, Middelbourg et Namur pour l'empereur Maximilien et l'archiduc Philippe son fils ;- l'un des signataires, un vassal de l'Empire, promet par son scelle’ d'entretenir et de faire entretenir la paix ; il jure que s'il y a contraven- tion et que réparation n'est faite dans le délai de six semaines, « il abandonnera et délaissera ses seigneurs, le roi des Romains et l'archiduc, et donnera assistance au roi très chrétien 1. » III. —— Les voies de fait. La doctrine moderne comprend sous le terme de répré- sailles toutes les mesures de fait dont un gouvernement se sert vis-à—vis d'un autre État, des sujets de ce dernier ou de leurs biens, dans le but de contra’ndre la puissance 1 RÉAL DE‘. CURBAN, La science du gouvernement, t. V. p. 656 et suivantes. 5 38 LES REPRÉSAILLES. étrangère de faire droit sur les questions en litige, ou d'en obtenir une juste satisfaction, ou de se faire au besoin justice à lui-même 1. Entenduefls dans ce sens large, les représailles se rédui- sent généralement, au moyen âge, à. l'emploi de la force brutale et précipitent l'ouverture des hostilités plutôt qu’elles n'aident à maintenir les relations pacifiques. Mais les représailles ont aussi une acception parti- culière ; elles forment une sorte de mainmise ou de saisie 2. Les anciens publicistes les distinguent en générales et en spéciales. Les représailles sont générales, quand l'État offensé donne pouvoir à. tous ses membres de s'emparer des biens de l'État qui a fait l'offense, des sujets de celui—ci et des propriétés de ces.derniers. Elles sont spéciales quand l'État offensé accorde un semblable pouvoir a quelques individus. L'une et l'autre espèce tombe sous la règle formulée par Bynkershoek ; ni repré- sailles générales, ni représailles spéciales ne rompent la paix. « Repressatiis Zocnm non esse nisi in pace >>, telle est le principe 3. ' La matière des représailles mérite de fixer l'attention ; elle donne la clef de plus d'une pratique du droit des gens et fournit un chapitre curieux à l'histoire du déve- loppement des relations internationales. La théorie des représailles’ s’ appuie sur l'idée que ce qui est dû par un corps est dû par chacun des membres dont il est composé. Léprincipe est faux; il n'en a pas moins été mis en pratique durant des 1 H EFF’I‘ER, Le droit international public de l’Europe, 5 110. 2 DUCANGE, Glossarium ad scriptores mediœ et infimœ latinz‘tatz‘s, VIS‘ Reprensaliœ, repreysalz‘œ, marcha, contramarca, marcare, laudum. 3 Bmxunsnosu, Quoestz‘ones jure‘s publici, L.I, ch. XXIV. LES REPRÉSAILLES. 39 siècles et l'on peut dire que le moyen âge l'a toujours reconnu. Tous les sujets d'un État étaient déclarés res- ponsables de l'injustice commise par l’un d'eux, de même que l'injustice faite au membre d'un État était censée faite l'État tout entier. L'Église elle-même avait adopté cette règle et fréquemment, pour la dette ou le délit impuni d'un seul citoyen, l'interdit était jeté sur tout un pays 1. Cette notion de la responsabilité solidaire imprégnait si fortement la société médiévale_ que longtemps les représailles,prises dans le sens de saisie, s'exercèrent sans que même il fût besoin d'un autorisation quelconque. Certains actes diplomatiques reconnaissent pleinement ce point. Tels sont notamment les traités de 1228, 1235, 1238 conclus entre l'Angleterre et la France. Le traité de 1235 dispose en cesens: « Qnod si infra duos menses post qnam forisfactnm eis (subdiäis) constiterit, emendatum non fuerit, poterit currere super forisfactorem sua-m, donec plenaric fuerit emendatum et nos sinc nos mesfacere poterimus juoare Ïwminem nostrnm contra malefactorem 2. » ' Il y a un cas très curieux où les représailles con- finent a‘. la guerre privée. Vers 1292, deux matelots, l'un normand, l'autre anglais se prirent de querelle dans le port de Bayonne ; on en vint aux coups ; l'Anglais blessé. son adversaire. Les magistrats de Bayonne restant inactifs, les marins normands en appelèrent au roi de France. Avec une négligence impardonnable Philippe le Bel s'abstint d'intervenir. Les Normands décidèrent de se I CIBRARIO, Économie politique du moyen âge, 1:. I, p. 112. 2 MARTENS, Essai concernant les armateurs, les prises et surtout les reprises, p. 20. 40 LES REPRÉSAILLES. faire justice à eux-mêmes, saisirent le premier bateau anglais qu’ils rencontrèrent et pendirent haut et court les personnes de bord; les marins anglais ripostèrent par des actes de violence et les choses en vinrent au point 'qu’en dehors de toute action des gouvernements, les parties en présence firent alliance, l’une avec les Irlandais et les Hollandais, l’autre avec les Flamands et les Génois. Deux cents navires normands parcoururent les mers d’Angleterre, massacrant tous les marins anglais qu’ils arrêtaient. Les Anglais armèrent une flotte et tuèrent, dit—bu, plus de quinze mille Normands. Les rois prirent alors en mains la. cause de leurs sujets. Philippe le Bel fit citer Édouard 1 devant la cour des pairs, comme coupable de félonie et Édouard faisant défaut, il saisit le duché de Gruy'enne1 . L’usage des représailles constituait un terrible danger ; aussi les voit-on condamnées parles constitutions impé- riales et par les décrets des conciles. L’empereur Frédéric II prétendit les abroger en même temps que les guerres privées et le Concile de Lyon de 1273 les déclara contraires à l’équité. . Ces prescriptions furent inefi‘icaces, la solution absolue ne put prévaloir. Phénomène assez fréquent dans l’his- toire, la réforme fut réalisée au moyen de demi mesures C’est comme si l’esprit de progrès et de justice immanent dans l’humanité avait transigé avec les obstacles accu- mulés devant lui. De la transaction sortit une recon- naissance du droit de la force, mais une reconnaissance accompagnée de restrictions et de conditions. 1 \VARD, Enquz’ry into the foundatz‘0n and history of tke law 0/‘ nations in Europe, t. I, p. 293. LES REPRÉSAILLFS. 41 La réforme apparut d'abord en Italie. L'existence d'un grand nombre de cités indépendantes et le dévelop- pement des relations commerciales y amenèrent l'orga- nisation du droit de réprésailles. Les statuts des villes et les traités conclus entre les différentes républiques disposent que lorsqu'un étranger refuse d'exécuter son obligation, le créancier doit se rendre chez le juge com— pétentde l'étranger, et qu'il peut, si on lui refuse justice, s'adresser à ses propres magistrats qui lui accordent des lettres de représailles, Zitteræ ou charte repræsaliaram, l'autorisant a saisir, dans les limites du territoire de l'État qui concède la permission, la personne (arestam) et les biens des citoyens de l’État du coupable-.Les personnes arrêtées doivent être amenées devant le podestat ; il en est de même des biens saisis. Le capteur justifie sa conduite. Les personnes arrêtées sont enfermées dans la prison publique; les biens confiés à la garde du saisissant, jusqu'à ce que satisfaction soit donnée. Si celle-ci n'est pas accordée,le saisissant peut se dédommager sur la rançon des prisonniers et sur leurs biens, mais il est tenu de restituer l’excédant. Telle est dans ses grandes lignes l'institution des représailles. Même restreintes a ces limites, les représailles étaient un grand mal ; les gouvernements ne le comprirent que trop bien et, à. l'époque où l'institution des représailles telle que nous venons de la définir est en voie de forma- tion, des traités intervinrent qui en étaient la négation. Une convention conclue dès 1195 entre Bresse et Ferrare, porte que si un citoyen de l'une de ces villes contracte avec un citoyen de l'autre, il a action cofitre son débiteur, non contre les concitoyens de celui-ci ; 42 LES REPRÉSAILLES. c’est au créancier a savoir avec qui il ‘contracte. Muratori donne de. nombreux exemples de traités analogues ‘. Les coutumes de Hambourg admettaient le même prin- cipe: « Que chacun, était—il dit, sache avec qui il traite : le créancier doit citer le débiteur devant sa juridiction naturelle ; s'il n'obtient pas justice le conseil viendra à son aide. » Un traité de paix signé à. Bruges en 1167 entre Philippe deFlandre et Florent de Hainaut, dispose que: « 'Sy aucun de Flandre est spolié et desrobé en la terre d'Hollande, les inhabitants du lieu où le cas sera advenu en feront la restitution et deschargeront le desrobbeur, et s'ils ne le veulent faire, le comte d'Hollande le fera lui mesme à l'arbitrage de six hommes... Que si aucun marchant de Flandre passant par Hollande est arresté pour debtes, iceluy marchant s'en pourra purger par serment, affin que son voyage ne luy soit retardé et sy l'arrestant ne s'en veut contenter, que faudra qu'il poursuive ledict marchant devant son juge ordinaire et sy par dessus ledict serment faict, le marchant est détenu ou empesché, le comte d'Hollande lui payera tous ses despers, dommages et intérêts. » En Angleterre, HenriIll accorda aux bourgeois de Lubeck une charte portant qu'ils ne seraient arrêtés pour les dettes d'aucun de leurs compatriotes, a moins que les magistrats de Lubeck ne négligeassent de contraindre le' débiteur au paiement. Au commencement du XIIIe siècle, les villes de Brême, 1 MÏURATORI, Antiquitatcs z‘talicæ ritedz‘z‘ ceci, t. IV, p. 337 et suivantes : Lissertatiu quadragesima noua, De civz‘tatum z'tatz‘carum /‘œderibus ac pacz‘bus. Même ouvrage, même volume, p. 741 et suivantes : Dz‘ssertatz’o quin— quagesima quinta, De represaliz‘s. LES REPRÉSAILLES. _ 43 Stade, Hambourg, Hanovre se plaignent de ce que les Gantois les rendent responsables des pertes éprouvées par les marchands flamands en Saxe, et exercent des repré- sailles sur leurs ressortissants. « C'estpunir les innocents pour un tort qu'ils ne peuvent empêcher: les vrais coupables sontles nobles qui dépouillent les marchands et se retirent ensuite dans des châteaux inaccessibles. » Les villes prennent l'engagement de rendre pleine justice aux négociants de Gand 1. L'institution des représailles ne s'en répandit pas moins de l'ltalie dans les autres pays et bientôt elle se rencontra chez presque tous les peuples de l'Europe. On fit de nouvelles tentatives pour tempérer le mal. L'une d'elle se trouve dans l'institution des conservateurs de la paix dont nous avons déjà parlé; les sujets des parties contractantes leur soumettaient leurs plaintes et l'on essayait ainsi d'échapper à. l'octroi de lettres de représailles 2. La ligue hanséatique lutta également de toutes ses forces contre le droit de représailles; elle essaya d'in- troduire la règle qu'un marchand ne pourrait être arrêté ni dépouillé de ses biens pour le fait d'un autre, fût—ce son serviteur, et qu'une cité n'était pas responsable des faits et gestes de ses membres aussi longtemps qu'elle n'avait fermé au plaignant tout recours judiciaire. En revanche les traités conclus entre les villes de la Hanse déclaraient exécutoires dans toutes les cités les jugements rendus dans l'une d'elles 3. 1 “ÏARNKŒNIG, Histoire de la Flandre cl de ses institutions civiles et politiquesy‘usqu’à l'année 1305, traduction de GHELDOLF, t. II, p. 193. 2 E. Nxs, La guerre maritime, p. 23. . 3 K. TH. PüTTER, Bettràge sur Välkerrechts-G’esclxichte und Wissen- schaft, p. 156. ‘ 44 LES REPRÉSAILLES. La fréquence des représailles suggéra Bartole l’idée de traiter la matière. Des j urisconsultes l’avaient examinée avant lui ; des jurisconsultes l’examinèrent après lui et ~ l’on peut dire que les représailles sont une des institutions du droit des gens qui occupèrent surtout l’attention des commentateurs. Ceux—ci mirent même à. l’étudier un cer- tain esprit philosophique et c’est ainsi que Bartole examine notamment si les représailles sont licites in fore con— scientiæ et in fore eiciti, et qu'il en considère les causes. Composé à un moment où des querelles sans nombre éclatent, Où, comme l’auteur le constate lui-même , le recours vers un pouvoir supérieur ne peut se produire, le Traetatus repræsaliarum forme un exposé net et précis des idées de l’époque 1. Les premières lignes du travail sont caractéristiques. Sous l’empire romain, dit Bartole, les représailles étaient rares; elles sont devenues quotidiennes depuis que pour les péchés des hommes l’empire est gisant et que les rois, les princes et même les grandes cités italiennes ne recon- naissent plus, du moins en fait, aucune autorité au dessus d’elles. Cette pratique si générale est-elle licite in fore conscientiæ ? L’illustre commentateur invoque le texte de I’Écriture: «L’âme qui péchera sera celle qui mourra; le fils ne portera point l’iniquité du père. >> La conclusion paraît indiquée : les représailles sont condamnables. Mais, on en a fort bien fait la remarque, le manque 1 BARTOLE DE SASSOFERRATO, C’nnsilz‘a, quoestz‘ones et tractatus, Édition de Lyon 1552, Tractatus represaliaru7n, f. 25 et suivants. Nous pouvons citer également le Tractatus represalz‘arzem seu de injurtis et damno date de J EAN JACQUES A CANIBUS et le Tractatus de repressalz‘z‘s de MARTIN GARAT. L'un et l’autre se trouvent dans le ‘I’raetatus zmiuerst jurés de ZILETTI. LËS REPRÉSAILLES. 45 de logique caractérise singulièrement les écrivains du moyen âge, et jamais dans leurs écrits les plus hardis, ceux-ci ne suivent une idée jusqu'à ses dernières conséquences. Bartole subit ici aussi l'influence de son époque ; il condamne les représailles, mais c'est pour les légitimer aussitôt; il les blâme au nom de I'Écriture, mais c'est pour les justifier au nom de saint Augustin qui a justifié laguerre. Pourvu qu'elles réunissent la triple condition de l'autorisation du prince, de la juste cause et de la droiture d'intention chez l'impétrant, les représailles sont licites, même ia fora coaseieatioe. Elles sont justes iaforo cioili, non pas que l'on puisse se faire justice à soi- même, «Non eaim licetalicai saa aatfioritate jas sili diacre» , mais l'autorisation du prince et la justécause effacent le vice originel et il ne faut même pas ici la jasta et resta iateatio ejas gai fialetreprmalias, car a la différen ce du for de‘ la conscience, le for civil ne s'occupe pas de l'intention. D'où dérive le jas coacedcndi Mpræsalias ? Ce n'est ni du droit civil, ni du droit canon, mais plutôt du droit divin et du droit des gens. Le droit des gens considère comme juste ce que fait l'homme pour sa défense personnelle. La cité peut déclarer la guerre quand il ne s'agirait que de protéger un seul homme et le particulier peut déclarer la guerre quand il a en vue de protéger sa personne et ses biens. Lorsqu'une ville ou un seigneur négligent ou refusent de rendrejustice,ils deviennent débiteurs de celui qui réclame j ustice .Or lorsque tout autre remède est impuis- sant, le créancier peut saiSir’son débiteur. Par extension, les sujets de la ville ou du seigneur peuvent‘être arrêtés. Le déni. dejü‘stice est assimilé à un délit et pour punir ce 6 46 LES REPRÉSAILLES. délit. tout homme a le droit de faire la guerre, fût—ce a la terre entière : « Propter deZictnm domini negligcntis facere jnstitiam potest indici bellnm contra totam terram et omnes gentes sabditas sibi. » Fières paroles assurément et qui dénotent la,plus haute croyance en la puissancedu droit ! L'octroi des représailles avait en lui quelque chose de très illogique. Comment un prince pouvait-il sesubstituer à. l'autorité d'un autre prince et exercer sa juridiction sur les sujets de ce dernier ? Bartole n'examine pas ce point. Il voit dans les représailles un fait de guerre ; elles sont a ses yeux un bellam particnZare. Balde nous fait connaître l'explication fournie par un jurisconsulte de l'époque. A la différence de la plupart des commentateurs, l'écrivain invoqué par Balde admet que le juge, et non plus le souve- rain seul ouson représentant, possède le droit d'autoriser l'exercice des représailles contre ceux . La viola- tion du serment était punie par des amendes allant de 100 livres d’or pour les cités jusqu’à 6 livres d’or pour les simples citoyens ; des indemnités proportionnées aux dommages étaient allouées aux victimes de la rupture de la paix 1. ' Cette tentative de Frédéric Barberousse ne fut pas cou- ronnée de succès. La guerre privée se maintint long— temps encore en Italie. _ Il est assez curieux de constater que les Assises de .Ï_érusulem gardent le silence sur le droit de guerre privée ; on en peut conclure que celui-ci n’était pas léga- lement reconnu dans le royaume. En Suède, cet usage barbare fut florissant jusqu’au milieu du XVI° siècle. Le haut clergé, qui l’exerçait du reste également dans l’E‘urope centrale et dans l’Europe méridionale, mais par des aclcocati ou vidames, y fut le dernier en possession du droit de guerre et sous Gustave Wasa il‘fallut un acte des États pour lui enlever la pos- session de nombreuses forteresses et remettre la garde de celles-ci au roi. Ward observe qu’à l’exception de la Pologne aucun pays n’a conservé la guerre privée aussi longtemps que 1‘Écosse. 2 1 DU Boxs, Histoire du droit criminel des peuples modernes t. II, p. 450. 2 A partir du XVIIe siècle la guerre privée ne se rencontre plus que très rarement. Ward cite les guerres entreprises pour leur propre compte par Ernest de Mansfeld et par Bernard de Saxe durant la guerre de Trente ans. * Réal rappelle également deux exemples tirés du règne de Louis XIV. En 1683, le duc de Bouillon, sujet de la France tour sa personne et sous la protection de cette couronne pour son duché, déclara la guerre aux ennemis de Louis XIV et cette déclaration lut publiée et afllchée dans Paris par ordre du roi. La même année, l‘abbé de Stavelot qui voulait figurer parmi les princes de l‘Empire déclara la guerre a la France. **=* * WARD,E’nquirg into the 'foundation and history of the law of nations in Europe, t.H,p.312. ‘** RÉAL DE CURBAN, La science du gouvernement, t. V. p. 343. LA GUERRE PRIVÉE. 69 Dans le domaine de la théorie l'institution de la guerre privée ne pouvait se justifier. Qui dit guerre dit action de la puissance souveraine ; la seule guerre possible, c'est la guerre publique. Le droit romain ne s'était point trompé ; il formule nettement le principe : « Ut armoram asas, déclare-H1, inscio principe intercZictas sit. » « Nallt' prorsas, nolis insciis atqae inconsaltis, gaoramlibet armo- ram mocendoram caasa trilaatar, » porte la loi de Valen- tinien et de Valens. Les jurisconsultes du moyen âge, c'est un point que l'on ne saurait assez vivement mettre en lumière, se rallièrent en général àla concep- tion romaine ; leur enseignement est formel a cet égard et, dans le fait, les légistes luttèrent partout pour faire restituer au pouvoir central l'un des plus précieux de ses attributs. Dès le début, ils proclamèrent que celui la seul qui ne reconnaît pas de supérieur a le droit de guerre et Bartole déclare que si une contesta- tion surgit entre des. villes qui sont soumises à un souve- rain, il n'y a point de guerre véritable. Lesjurisconsultes n'étaient pas les seuls à. défendre les idées vraies. Déjà. au XIII° siècle, un homme dont l'influence sur la pensée médiévale fut énorme, saint Thomas d'Aquin, exigeait pour lajustice d'une guerre la réunion de trois conditions en tête desquelles venait l'aactoritas principis cajas mandato lellam est gercndam. Le prince doit autoriser la guerre ; il n'appar- tient nullement à. un particulier de la faire de son chef, car, dit l'auteur de la Somme, d'un côté, le particulier peut poursuivre son droit devant la justice, de l'autre, la convocation des guerriers est un acte du pouvoir souverain ; les États sont confiés au prince, et lui'de les défendre. 9 70 LA GUERRE PRIVÉE. « N on enim pertinet acl personam privatam bellum mocere : gnia potesty‘as snam in jnclicio saperioris proseyni. Similitcr etiam conc0care maltitad’incm, qaoal in lellis oportet yicri, non pertinet adpriratam personam Ûnm antem cura reipn- blicæ commissa sit principilns, aal eos pertinet rempnblicam civitatis, oel regni, sen provinciæ sibi salclitce tneri. » Saint ‘I‘lmmas d'Aquin établit même une comparaison entre la guerre et l'exercice de la juridiction : « Et sicnt principes licite defenclnnt rempatlieam materiali gladio contra in te- hriore‘s gniclem pertnrbatores, dam malefactores paniant.... ita’ etiam gladio bellico aaÏ ces pertinet rempnllicam tneri al eaterz‘oribus fiostilas 1. » La question de Savoir qui peut déclarer et faire la guerre se ramène dès lors à cette autre question, celle de savoir qui est souverain. La solution est simple en théorie. Le pape et l'empereur sont complètement indépendants; ils ont le droit de déclarer et de faire la guerre. Mais en pratique, le problème est plus compliqué. Le pape et l'empereur se proclament les maîtres du monde or de tous côtés appa— raissent des princes ou des villes qui ne reconnaissent aucune autorité au-dessus d'eux. Les jurisconsultes les admettent à. l'exercice du droit de guerre, en même temps que le pape et l'empereur. Lopez pose la ques-. tion dans un de ses Dialogues entre le maitre et le disciple. « An antem is, demande—H1, qui non recognoscit snperiorem de facto nt rea Francia oel reges Hispaniæ passant indicere bellam proprie ? » La réponse est affir- mative. « Dic gaorl sic, qnia latent jura principis non 1 THOMAS D'AQUIN, Summa totius theologiœ. Secunda secandæ partis quæstio XL, de hello, art. I, Utram bellare sz‘t semper peccatum. LES CAUSES DE LA GUERRE. ‘7l autem passant fiaôere recursum ad superiorem, tune illum non lzabeant in temporaliôus 1 ». Belli ajoute à. ces noms celui du duc de Milan, « cum in statu sua vice sit supremi princiqois et Izabeat potest‘atis plenitud’inem sieut imperator. » Ilcite aussi les Vénitiens en s’appuyant sur l'opinion de Bartole et de Balde, car Venise est, comme le dit Fulgose, une Rome nouvelle elle est la patrie commune,'elle est régie non par les lois impériales mais par la justice naturelle et le droit qu’elle a fondé. « Eam et nos non immerito cuZmen et decus Italiæ dicemus, ajoute Belli,cum sala oel eaoriens, contra barbaricas qentes et rapinas ac oastationes tutissimum praebuerit Jtalis refuqium, soZaque Ïwdie Italiæ Zibertatem et diqnitatem con- seroet et tueatur ». Belli pose donc la règle : « E’qo uero simpZicius puto populum quemZibet ac qentem que suis oioat Zegibus atque arbitrio, au! etiam reqem aut aZium principem sui omnino juris, passe cum Ziôeat et causa subsit, bellum indioere. 1 » C’est l’idée renfermée dans la définition célèbre d’Albé- ric Gentil: «Beiium est publicoruyn armorum juste contentio» définition supérieure, constatons-le en passant, à celle qu’allait donner Grotius. SECTION IV. —-— LES CAUSES DE LA GUERRE. Dans les prolégomènes de son traité du Droit de la guerre et de la paix, Grotius déclare que ses devanciers n’ont fait en général qu’efiieurer les matières qui concer- 1JEAN LOPEZ (JOIIANNES LUPUS), Tractatus dialoqz‘cus de confæderatz‘one princz‘pum, Tractatus univc’rsz‘juris, t. XVI, i‘. 303 et suivants. 1 BELLI, De re militari et de 06110 tractatus, première partie, T ractatus universz‘jurz‘s, t. XVl, f. 335 et suivants. 72 LES CAUSES DE LA GUERRE. ment la guerre. Il range hors de pair Balthazar de Ayala et Albéric Gentil, maisilarticule un autre grief contre . ceux-ci, c’est de ne pas s’être occupés sulfisamment d’un point spécial, la justice ou l’injustice de la guerre- «Ayala n’a rien dit des raisons pourquoi une guerre est appelée juste ou injuste. Gentil adistingué certains chefs généraux qu’il a traités en gros, comme il lui a plu, mais il n'a point touché plusieurs questions belles et curieuses et qui roulent surdes cas très communs. 1» A notre avis, l’illustre écrivain se trompe; en ce qui concerne plus spécialement les causes de la guerre, s’i1 est un reproche que ses précurseurs ne sauraient encourir, c’est celui d’en avoir passé l’étude sous silence.La plupart d’entre eux mettent àcette étude un soin extraordinaire et quelques—uns arrivent même a des résultats fort satisfai- sants. Une critique serait plutôt à adresser aux écrivains du moyen âge; ici comme en tant d’autres points, leurs distinctions pèchent par une subtilité trop grande et une acuité de raisonnement exagérée. Le décret de Gratien nous fait connaître les idées fon- damentales du moyen âge au sujet de la justice et de l’injustice d’une guerre. L’auteur de La concorde des canons discordants pose d’abord la question de savoir:An militare sit peccatum 1. Sa réponse est raisonnée. Gratien invoque les préceptes de l’Évangile qui recommandent partout la douceur et défendent la vengeance. Ces préceptes feraient croire que 1 GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix, traduction de BARBEYRAC ’ Discours préliminaire, g 39. 1 Decreti secunda pars, Causa XXIII, quaestio prima: .»‘i n milz'iare sz't peccatum. LES CAUSES DE LA GUERRE. 73 l'emploi des armes est absolument condamné, si les écrits . des Pères et la pratique de l'Église n'avaient appris qu'on peut garder dans le cœur l'esprit de modération tout en réprimant ceux qui commettent des injustices envers un État, pour les engager à. ne plus en commettre dans la suite. L'auteur admet donc que la guerre peut être légitime, mais c'est a la condition qu'elle soit rendue nécessaire et il exige chez celui qui recourt à la force la modération dans le combat. Le but de la guerre c'est la paix. Le texte de saint Augustin dont nous avons déjà parlé est tout entier repris par le compilateur. « Hoc crqo primam cogita gaando armaris acl pagnam. _oaia cirtus taa etiam corporalis clonam Dci est. Sic enim cogitabis de donc Dei non faccre contra Dcam. Ficlcs cnim gaando promittitar etiam lzosti serrancla est, contra gaem bcllam geritar ; qaanto magis amico pro gao pagnalar ? Pacem lcalere debct colantas, lellam ncœssitas, at lilcrct Boas a necessitate et consercct in pace. Non enim paa gaæritar at lellam cacitctar secl lellam geritar ai pas: acqairatar. » Gratien énumère d'après saint Augustin les fautes nais— santde la guerre : «N0cendi capiditas, alciscencli craclelitas, impacatas atgae implacalilis animas, fcritas relcllancli, libido dominandi et si qaa similia, lace sant qaæ in lellis jare cal— pantar.» « Militarc’ non est clelictam, ajoute—t—il en emprun- tant de nouveau les paroles de saint Augustin, scat propter præclam militare peccatam est. » Au VIIe siècle, Isidore de Séville, avait défini la guerre juste: « Jastani lellam est gaocl en: prcedicto geritar de rebas repctitis aal propalsancloramÏwstiam caasa. » Il qualifie la guerre injuste: « [njastam lellam est gaocl de farore non de legitima ratione iaitar. » Les termes sont empruntés à. Cicéron. 74 LES CAUSES DE LA GUERRE. La double définition se retrouve dans le recueil de Gratien avec de légères variantes: « Justum est lellum quod ecc eclicto geritur de relus repetena’is aut propulsandorum ' lacstium causa. .Ïnjustum bellum est quart de furore non de leqitima ratione initur. » Et Gratien insère de nouveau une pensée de saint Augustin: « Juste autem bella definiri solent que ulciscuntur injurias si qua gens, col cieitas quæ belle petenda est, rel uindicare neqlcaerit quod a suis improbe factum est, rel reddere quocl per injuries atlatum est. Sert etiam looc qenus lelli, sine clubitatione justum est, quocl Deus imperat, apucl quem non est iniquitas et nooit quid cuique fieri debeat. » Ces textes‘ et les textes du droit romain fournirent aux canonistes et aux juristes l’occasion et la matière de leurs développements sur le droit de la guerre. Deux courants se manifestent; tandis qu'une partie des auteurs est sinon très favorable à. la guerre, du moins portée à l’excuser, une autre partie s'en montre l'adver- saire irréconciliable. Un des beaux génies du moyen âge, l'illustre auteur de laé’umma aurea, Henri de Suze, cardi- nal-évêque d'0stie, va jusqu'à dire que toujours la guerre est présumée injuste et condamnable ; d'autres écrivains, au contraire, voient dans la guerre un fait absolument normal. Quelles sont les conditions requises pour que la guerre soitjuste ?Les auteurs se rencontrent généralement sur ce point ou du moins, leur enseignement se confond dans ses grandes lignes. Saint Thomas d'Aquin veut la réunion de trois condi- tions : « Respondeo dicenclum quoal art leoc quocl aliquod lellum LES CAUSES DE LA. GUERRE. 75- Sit justum, trie requiruntur. Primo quidem euetorii‘es prie cipis eujus mandate 6ellum est qerena’um Secundo requi- ritur cause juste ut ssiZicet iZZi qui impuqnentur propter aliquean culpam imp uqnationem mereentur Tertio requiritur ut sit intentio âellentium reste, que sciZicet inten- ditur, oeZ ut bonum promoueatur, oeZ ut melum uitetur » Nous avons rapporté les développements que le docteur angélique donne à. la première de ces conditions. Il insiste également sur la seconde et s’appuie surtout sur 1’autorité de saint Augustin et sur le passage reproduit par Gratien. La rectitude de l’intention fait aussi l’objet d’un commentaire approfondi : à. défaut de la reste inten- tio, la guerre est illicite: « Potest eutem continqere, ut si sit Zeqitime eutoritas indiceutis beiium, et cause juste: nihil— ominuspropter presarn intentionem bellurn redd’atur illi- citum 1. » Balde exige cinq conditions, elles rentrent sous les rubriques persane, res cause, animus et euctorites. Celui qui fait la guerre doit pouvoir la faire; la chose pour laquelle elle est faite doit être juste; la guerre doit être nécessaire, et non pas volontaire, dans sa cause ; l’intention ne peut être la vengeance; il faut enfin que le prince qui déclare la guerre ait le droit de la ' déclarer. Quelques jurisconsultes suivirent saint Thomas d‘Aquin et ramenèrent les conditionsà trois rubriques : la personne, la cause, l’intention. Un contemporain de Balde, Jean de Lignano émet au sujet de la guerre des idées étranges. La définition 1 THOMAS D’AQUIN, Summa totius theologz‘æ. Secunda secundœ partis questio XL, de bello, art. 1, Utrum bellare sit semper peccatum. 76 LES CAUSES DE LA GUERRE. qu’il en donne est très générale: « Bellum est eontentio eaorta prcpter aliquid dissonum appetitui leuonano proposi— tum ad disscnantiam excludendanz tendons. » La guerre se divise en guerre spirituelle et en guerre corporelle. La guerre spirituelle,ôellum spirituale,est céleste ou humaine; la guerre corporelle, belluan corporale, est universelle ou particulière. Le éellum spirituale caleste, c’est la lutte des anges rebelles contre Dieu ;,le lellum spiritualenumanum, c’est le combat que l’homme soutient contre ses passions et qui a son origine dans le démon. Aux guerres spiri- tuelles correspondentles guerres corporelles, car toutlacte corporelest inspiré par l’élément céleste, et de là, la lutte, c’est-à-dire une répugnance virtuelle. Cette répugnance a son fondement dans les astres. Jean de Lignano qui s’adonne à. l’astrologie, prétend le démontrer ; son idée favorite est que le monde ne saurait durer sans guerre ; il n’ose affirmer cette proposition d’une manière absolue, mais déclare ne voir aucun péché et l’admettre : « Oonnis actus inferior corporeus dirigitur a supercælestibus, et ibi est pugna, id est repugnantia cirluales, insurgens prcpter dicersitatem corpcruen calestium et maaime planetarum, que plus apud cuncta operantur quaen fines, et diver- sitatem adspectuum situum et motuum eorundem, quitus forte attentis non foret ôenepcssibile onundum esse sine belle. Et forte non essetpcceatum sccundum semites naturalium (philosophoru m) et astrolcgorum tenere 7nundum non passe diuturnari sine belle et cum sala puce... » « Protestcrtamen, semble-t-il avoir hâte d'ajouter, si tlceologi secus sentiant, me suôjiccre in omniôus que: ces contingunt ecrum correc— tioni. >> Cette influence des astres, notre auteur la con- state chez tout homme : « Experientia docet qucd propter LES CAUSES DE LA GUERRE. "77 inflrmitatem et difirmitatem acZspectaam tempore nativitatie insargant inter ltomines natarales clilectiones et natarales inimicitiæ. » Il la voit également dans les États : « Sic ‘ inter civitates et villas et castra insargant clilectioncs et odia nataraliter propter aniformitatem aclspectaam tempore con— stractionis earam et sic insaryant oolia et tel la en inflaentia coelesti, sic et inimicitiæ et paces sic inter provincias. » La guerre a pour but de remédier à. cette repaynantia. Comme telle elle provient de Dieu: « Ornais facaltas tendons in bcçnam a Deo postive, neolam permissive deriva- tar. Secl facaltas lelli inclicendi jasti tendit in lonam, ergo a .060 positive provenit. Bellamjastam tendit in ôonam, nam tendit in pacem et in qaietem aniversi ». Dieu agit comme médecin: « Et sic clare clemonsiratar Deam at meclicam altissimam et conservatorem aniversi bella imperare at eracli centar clelicta ». L'action du Créateur sur la terre s'opère au moyen des corps célestes dont les effets sont divers. « Sert’ natara calcstis, continue Lignano, diformatar aclspecta et main, et ipsias partes sant diformes ea sai natara in inflaendo. » Qu'en conclut l'auteur?Du fait, il déduit la nécessité du fait : « Ergo necesse est proclaci lws efiectas repvlgnantes et difibrmes, cam non sit gaocl impe- . dire possit. Et lzoc inferri posset gaocl nata‘raliter necess‘e est esse bella, nec aliter procect’eret nataraliter mancli galer- natio. » Ce n'est pas qu'il veuille supprimer le libre arbitre. Il proteste énergiquement contre cette pensée : « « Immo darat lilertas arlitrii, secl operatar in organa virta- tam sensitivaram, quæ recepta inflaentia administrant intel- 1ectam et sic per indirectam inflait >>. Sa conclusion résume clairement toute la théorie: « Non alterias circa liane cleclactionem insiste, sed saj’iciat illatam ea præclictis et 10 '78 LES CAUSES DE LA GUERRE. demonstratum bella procenisse a Deo positive et efl'ectioe, licet ea hoc ultimo inferatur non immerliate, sert mediante machina cælesti naturaliter operand’o. » Dans l'application, Lignano exige que la guerre soit autorisée parle prince qui ne reconnaît pas de supé- rieur 1. Vers la fin du XIV‘' siècle, Honoré Bonnor ou Bonnet, prieur de Salon en Provence, docteur en décret, comme il nous le fait connaître, dédia à Charles VI son livre L'arbre des batailles. L'auteur explique ce titre singulier : « Si m'est venue une telle imagination que je face un arbre de deuil au commencement de mon livre sur lequel vous pourrez au dessus tout premièrement veoir les regens de sainte Eglise estre en si tresfière tribulation que oncques plus fière ne fust.... Après vous pourrez veoir la grant discention qui est aujourd'huy entre les roys et princes chrestiens. Vous pourrez après veoir la grant angoisse et discort qui est entre les communautez, et selon cet arbre j’ordonnerai mon livre en quatre par— ties. » L'ouvrage de Bonnor s'occupe, en effet, des tribulations de l'Église avant et après la venue de J ésus- Christ, de la destruction et des tribulations des « quatre royaulmes » de Babylone, de Carthage, de Macédoine et de Rome, des batailles en Ëgénéral et des batailles en « especial >>. Les deux dernières parties constituent un véritable traité du droit de la guerre et sont un des plus précieux monuments de notre science. Bonnor est un contemporain des grands commenta» teurs ; aussi l'Arbre des batailles est—il rempli de passages 1 JEAN DE LIGNANO, Tracta‘las de belle, Tractatus univei‘st juris, t. XVI, f. 371 et suivants. LES CAUSES DE LA GUERRE. 79 ittéralement traduits des écrits des maîtres italiens. Il procède partiellement de Lignano, et emprunte à. celui-ci, ou du moins à. un maître commun, les inno- centes rêveries que nous venons de résumer au sujet des causes naturelles des guerres. « Selon les maistres es loys, bataille n’est autre chose sinon aucune discortou debaz lesquels sont venuz pour aucunes choses desplai— sautes à la voulenté humaine, pour celluy debaz retour- ner en accord et à. raison. » Il n’est pas possible que le monde soit en paix. « C’est impossible chose que le ciel se repose, c’est-à-dire que il ne remue pas de ung lieu. Car continuellement qu’il se retourne d’orient en occident ce n’est pas sans soy remouvoir, ce qu’il fait chaque jour. Les corps terriens se meuvent au mouve- ment du ciel. Item plus fort ; les corps terriens se gouver- nent par les corps célestiaulx selon que dient les philo- sophes. Mais il est clere chose que les corps celestiaulx font venir es choses terriennes natures repugnans et diversitez de conditions.» Bénnor continue de développer cette pensée et il ajoute qu’ « il y a plusieurs citez quy du commencement qu’elles furent faittes toujours se sont entramées, sans que leur amour soit venu par merite ne par service que au commencement ni depuis l’une ait fait à. l’autre. Et si trouvez d’autre part aucunes villes et citez quy de leur premier commencement sans que l’une ait à l’autre point fait de mal, toujours sont en haine 1. » Ces passages n'offrent guère qu‘un intérêt de curiosité ; nous aurons bientôt l’occasion de citer d’autres parties du livre qui nous feront connaître les nobles qualités de 1 BON‘NOR, L’arbre des batailles, troisième partie, ch. 2. Je cite d'après le manuscrit 9079 de la Bibliothèque royale de Bruxelles. 80 LES CAUSES DE LA GUERRE. notre auteur, son coeur loyal et son esprit honnête. Ajoutons dès maintenant que tout comme Lignano, Bon—- nor exige pour la guerre une licence d’un prince qui ne reconnaît pas de supérieur. A l’exemple d'écrivains antérieurs, Lopez divise la guerre en guerre proprement dite et guerre impropreu ment dite, bellu7n proprie sumptum et bcllum impropric sumptum La guerre proprement dite peut seule sortir les effets de la guerre. On la définit : « Bellum quod aucto‘ri—» tale juris seu principis superiorem non recognoscentis indicitur.» Mais cette condition est insufi‘isante; la guerre doit réunir d’autres conditions et doit notamment être rendue inévitable et nécessaire. « Bellum debet esset necessitatis. Jdeo enim leflamus ut sine injuria in pace ci‘camus. 1 » François Arias est plus explicite encore au sujet du caractère de nécessité que doit présenter la guerre. Amant passionné de la paix, il tâche de limiter et de restreindre la guerre dont il semble ne reconnaître la légitimité qu’à regret. La guerre est double; elle est ou publique ou particulière; celle-ci est improprement appelée guerre; la première seule, celle qui est faite en vertu de l’autorité d’un prince ne reconnaissant point de supérieur, est une vraie guerre. « Paccm lzaécre ooluntatis est, bellum auteen debet esse necessitatis. » « Non paa guaritur ut bellum eaerceatur, scd bellum peritur‘ utpaa acquiratur >>2. L’idée de saint Augustin revient de nouveau. .— 1 LOPEZ (J 011ANNES LUPUS), De bello et bellatoribus tractatus, Tractatus universz‘juris, t. XVI, f. 328. 2 FRANÇOIS ARIAS, De bello et ejusjustz‘tfa tractatus, Trdctatus universi juris, t. XVI, f. 325 et suivants. LES CAUSES DE LA GUERRE. 81 Belli n'est point comme Arias adversaire de la guerre. L'écrivain espagnol a toujours devant lui le précepte du décalogue Non occiclcs; le Soldat lui apparaîtcomme souillé de sang. Belli, au contraire, s'incline devant le fait de la guerre : la guerre a toujours existé, elle existera aussi longtemps que le monde ; certes il faut pour l'entrepren- dre une cause juste; il faut qu'elle soit nécessaire, mais ‘ le recours aux armes est permis quand il s’agitde repous- ser une injure: défendrela patrie et le prince est chose licitel. ' Un autre écrivain, Conrad Brunus, dit que la guerre est double : « Unum l2ellam est Domini, alterum mundi. Bellum Domini vocamus qaocl Ivajus muncli etiam prudentes justum appcllant. Et est quocl justæ et legitimæ pacis vel 'conservancla vel recuperanclæ causa suscipitar. » La guerre injuste, au contraire, est celle « Quocljastœ et legitimæ pacis perturbanclæ eatingucndæpc causa infertar. 2 » Victoria enseigne que les chrétiens peuvent s'engager dans une guerre défensive, résister à. la violence par la violence et reprendre les biens que l'ennemi a capturés ; quant à. la guerre offensive elle est autorisée pour la réparation d'une injustice. C'est, somme toute la repro- duction de la doctrine du droit canon 3. Soto, disciple de Victoria, ne s'écarte pas des principes posés par son maître 4. , Ayala et Gentil professent la même opinion. Le premier résout afflrmativement la question de savoir si la guerre 1 BELLI, De re militarz‘ et de belle tractatus, première partie. 2 CONRAD BRUNUS, De sedz‘tionz‘bus, L. Ill, ch. 111. 3 FRANÇOIS DE VICTORIA, Relectiones theologz‘cœ,Relectio sexta,De jure belle‘. 4 DOMINIQUE SOTO, De justitz‘aet jure, L. V, quaestio IIl, art, V. 82 LES CAUSES DE LA GUERRE. peut être juste. Le point a été contesté, dit—il, mais tort; le sage regrettera la nécessité de la guerre, il la fera néanmoins dans l'intérêt général. « Dolebit erqo sapiens justi belli sibi eastitisse necessitatem : suscipiet tamen, com- muni reipublicæ utilitati consalens potins quam priratorum, ne contra præceptum illurl Platonz‘s aÏum partem aliquam reipublicœ tueri reult, totum corpus descrat » 1. Autrefois, ajoute-t-il, les vaincus étaient réduits en esclavage on peut affirmer que cette servitude est utile à la communauté et a ceux même qui sont punis et qui ne pourront plus mal faire. ' Gentil consacre tout un chapitre de son traité à établir que la guerre peut être juste 2. ' Suarez a traité la matière avec sa hauteur de vues accoutumée. Dans la troisième partie de son livre sur les trois vertus théologales, il y consacre plusieurs pages 3. L'illustre jésuite est pénétré d'un vif amour de l’humanité et d'un grand sentiment du droit ; il reconnaît la légitimité de la guerre. « Les Manichéens suivis en cela par Wicliffe ont déclaré que la guerre est un mal en soi, que faire la guerre c'est agir contre la charité; c'est là. une erreur. La guerre n'est pas contraireàla paix; elle est plutôt la voie qui y conduit ; elle n'est pas opposée àla charité que l'on doit avoir pour ses ennemis, car l'adversaire honnête hait les oeuvres, non les personnes. La guerre défensive est parfois obligatoire ; la guerre même agressive peut être honnête et néces- 1 AYALA, De jure et o/ÿîcz‘is bellicz‘s et disciplines militara‘ libre‘ tres, praefatio. 2 ALBÉRIC GENTIL, De jure belli libri tres, L. I, ch. V, Bella juste geruntur, 3 SUAREZ, Opus de trz’ple‘ci m‘rtute tlzeologica, fide, spe et charitate, in treS tractatus pro z’psarum m‘rtutum numero distributus, troisième partie, ch.Xlll, De belle. ' LES CAUSES DE LA GUERRE. 83 saire. Luther a dit qu’il n’est pas permis de résister aux maux envoyés par Dieu ; cette proposition est ridicule. Dieu ne veut pas ces maux ; il les permet seulement et par là. même ne défend pas qu’en essaie de les détourner. Dans cette question des guerres agressives et défensives, Suarez fait remarquer qu'il ne faut point S’arrêter aux apparences, et en ce qui concerne la guerre en général il énonce les conditions qu'elle exige : « Ut âellum 7zonesteflet nonnuile conditiones sunt oôseroendæ que ed trie cepite reoocentur : primum ut sit e Zeqitime potestate; secundum ut juste cause et titulus ; tertium ut seroetur deäitus modus et equeZites in illius initie, prosecutione et oictorie >>'. ' Suarez résume sa pensée en disant que « Zicet bellum per se non sit malum, temen proptcr muZta incommode que secum efert ce iis neqotiis est que sepe mate yiunt. » Examinons maintenant de plus près les causes de la guerre en prenant ce terme dans le sens que lui donne Grotius, c’est-à-dire dans le sens de raison justificative qui rend ou semble rendre la guerre juste, et non dans celui de motif déterminant de la guerre 2. Reprendre ce qui a été injustement enlevé et défendre la patrie,'telles sont pour plusieurs auteurs les causes justes de la guerre. Lopez est de cet avis. Il exige du ‘reste, comme nous l’avons observé, la nécessité. Belli partage ce Sentiment. Covarruvias cite cinq causes spé- ciales : la défense de la patrie, la vengeance à tirer d’une injureindûment faite, la répression de la rébellion, la reprise de choses injustement enlevées, le refus de passage innocent. Il reconnaît cependant que la répres- 1 GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paie, traduction de BARBEYRAC, L. 11, ch. I. 84 LES CAUSES DE LA GUERRE. sion de la rébellion n’entraîne point les effets de la guerre en ce qui concerne les prisonniers et le butin ; il y a exercice de juridiction et application d’une pénalité plutôt que guerre 1. Ayala admet comme causes la défense de l’État, de ses sujets, de ses biens et de ses alliés, la vengeance d’une injure et le recouvrement de ce qui a été enlevé par l’ennemi et il a soin d’ajouter que la plus juste des guerres est celle que fait le prince contre ses sujets rebelles. Les circonstances au milieu desquelles se trouvait Ayala expliquent cette particularité de sa doctrine. _ D’origine espagnole, ayant dans le parti royal toutes ses attaches de famille et d’intérêt, ami personnel d’A1exan- dre Farnèse, catholique ardent, il vise spécialement le prince d’0range et ses partisans. Aux yeux des Belges, ceux-ci représentaient la cause de la liberté religieuse et politique et l’histoire a confirmé ce jugement; aux yeux de l’auditeur général des armées de Philippe 11, ils étaient des révoltés. Aussi, comme ce dernier les attaque, comme il leur conteste toute espèce de droit aux lois' de la guerre! « La rébellion constitue une injure grave faite à. Dieu, car toute puissance vient de Dieu suivant le mot de saint Paul et l’injure faite au prince est censée faite à Dieu. Le rebelle ne peut être assimilé à. l’ennemi; celui qui le combat exerce le droit de uridicti0n plutôt qu’il ne fait la guerre; les droits de la guerre, la captivité, le postliminie ne peuvent être invoqués par les rebelles, pas plus qu’ils ne pourraient l’être par les pirates et les 1 COVARRUVIAS Y LEY-VA, 0pera omnz‘a, Regulœ Peccatum relectio, S 9, De potestate temporali etspirituali. LES CAUSES DE LA GUERRE. 85 brigands, mais ils sont applicables contre eux : « In z’p.cos nero jure belle’ sæm‘re, mnläogne magz‘s gnam in 7zost’es Zicet: snnt enz‘m odäo aligné majore et non debet esse meZz‘om’s condi— tionz‘s reôelh‘s et Miro qnam ZegiZämns et jnsäns Ïwsäz‘s » 1. On ne peut objecter, ajoute-t—il, ce que dit Ulpien que dans les dissensions civiles, les adversaires ne sont point des ennemis ; on ne peut invoquer les dispositions des lois espagnoles ordonnant que dans les luttes civiles, les biens enlevés seront restitués au centuple, car il n’y a pas seulement que des dissensions civiles lorsque la majesté de l’empire est l’objet de machinations et que la perte de l’État est complotée.La désobéissance des sujets, la révolte, ‘est un crime très grave: on la peut comparer à l’hérésie. « [noäedäentän snbdz‘zfiomm et‘ rebeflz‘o inpm‘ncz‘pem grandssz‘mnm crimen 7zaôezfinr et‘ Ïwresi comparatnr et inobs— dz‘ens diaz‘tnr infidelz’s 2 >> La conclusion est digne des prémisses. Il est permis de tuer le tyran qui s’est emparé du pouvoir violemment et illégalement, si la tyrannie ne peut être rejetée autrement. « En Ïn's ccm‘e Zz‘qn€t qnod gnamm’s tyrannnm qui per m‘7n et illegizfiz‘me principnt‘nm occupnm‘t, si tyrannz‘s ah‘äer tollé non passai occidere cniZebet Zicitnm sü~ » Cette phrase a fait ranger Balthazar de Ayala parmi les partisans de la vieille doctrine du tyrannicide 3. C’est âtort. Lui-même explique sa pensée. «Illnm tamen qui jure sncaessäonis elecâionäsne princeps est, quamm‘s IAYALA, De jure et 0/7îcz'z‘s bellicz‘s et disciplz‘na militarz‘, L. I, ch. Il. n° 15. 2 Le même, mêmeouvrag9, L.I,Ch.II, n° 23 et suivants. 3 LECKY, History of me rase and influence of the spirit of rationah‘sm in Europe, t. II, p. 163. Il 86 LES CAUSES DE LA GUERRE. inique et crucleliter aqat, prirato non licere occiderc nequepopulo eum rejicere rel ah ce deficere » Et il invoque le décret par lequel le concile de Constance avait con- damné, en 1415, grâce a Gerson, la fameuse théorie dont le cordelier Jean Petit s'était fait le défenseur. ( Leqitimus enim princeps, ajoute Ayala, quamm‘s crudelis et iniquus, tyrannus d'ici non potest. » Tout empire, tout pouvoir “sur le peuple a été donné au prince ; le peuple ne peut donc juger le prince. Le pape, il est vrai, peut forcer celui-ci à. se conformer à la justice, car il occupe la place de Dieu sur la terre, il a reçu le double glaive spirituel et temporel et si l'intérêt de la chrétienté l'exige, il peut déposer les rois. Attribuer une semblable puis— sance au peuple, comme quelques uns le font, est au contraire chose absurde et inique et mène au renverse- ment de l'État. Ayala combat ici en réalité les spéculations politiques dans lesquelles le calvinisme et surtout le protestantisme français venaient de se lancer depuis la Saint-Barthélemy; il critique la Franco-Gallia d'Hotman ; il déclare le régicide impie. Mais, remarquons—le bien, c'est pour faire ressortir avec plus de force la légitimité de la destruc- tion du rebelle, car le tyran dont parle Ayala, c'est le chef des révoltés. Les doctrines qu'il énonce ont un but pratique Le traité Du droit et des devoirs de la guerre et de la discipline militaire est daté du camp devant Tour— nai,le 31 octobre 1581. Le l5juin 1580, Alexandre Farnèse avait publié le cruel édit qui mettaitä. prix la tête du prince d'orange; le 26juillet 1581, les États Généraux avaient solennellement déclaré déchu de sa puissance royale leur mauvais souverain. Condamné et rebelle, LES CAUSES DE LA GUERRE. 87 le Taciturne tombait sous le coup des principes formulés par Ayala et celui-ci S’arrogeait ainsi la mission de faire à. l’avance l’apologie du plus odieux des crimes; dans un livre consacré au droit, il glorifiait l’épouvan- table action de Balthazar Gérard. Le premier livre du traité d’Albéric Gentil, c’est—à—dire près du quart de l’ouvrage, est employé à l’étude des causes de la guerre. Elles se ramènent sous trois catégo- ries et sont divines, naturelles ou humaines. Nous aurons l’occasion de revenir sur les idées de Gentil au sujet des causes divines. En ce qui concerne les causes naturelles, il n’existe pas, dit-il, de guerres commandées par la nature ; seulement il en est que l’on fait en suivant pour ainsi dire la nature, en la prenant comme guide, et il en est d’autres que l’on entreprend parce que l’adversaire conteste et dénie l’usage d’une chose qui est attribuée par la nature. Les premières causes naturelles sont la neccsserie dcj‘ensio l’utilis defensio, l’lioneste defensio ; la guerre est ainsi faite necesserie, utiliter ou 7oonestc. La défense nécessaire n’a pas besoin d’être commentée. L’utitis defensio a lieu quand on craint d’être soi-même attaqué. L’Ïwneste dsfensio se produit in qretiem eliorum, pour défendre et protéger les autres. Les deuxièmes causes naturelles se présentent si propter id belium suscipitur quod a nature tribuitur et et laominibus-dcneqetur. Gentil cite le te‘ensitus innoeius, la navigation, le commerce. Les causes humaines se présentent quand le droit a été violé. Les cas, dit Gentil, sont multiples. Suarez exige un juste titre. Qu'est-ce donc quelejustus 88 LES CAUSES DE LA GUERRE. titulus devant la raison naturelle, demande-t-il. Il fournit la réponse. Aucune guerre ne peut être juste si elle n’a une cause légitime et nécessaire et cette cause juste et suffisante, c’est toute injure grave que l’on ne peut venger ou réparer autrement que par la guerre. Les injures peuvent être ramenées à. trois branches: un prince peut s’emparer des biens d’autrui et ne pas vouloir les restituer; il peut refuser sans motif raisonnable la communitas gentium ; il peut blesser un adversaire dans son honneur. Ces injures peuvent se faire au prince ouà. ses sujets; point de distinction à établir, car le prince est le gardien de l’État et de ses sujets ; elles peuvent s’adresser à ceux que le prince pro- tège et à ses amis ; peu importe, l’effet est le même. Ces théories, il faut en convenir,Gr0tius ne les dépasse point. Les causes de la guerre exercent naturellement leur influence sur sa justice, que la guerre soit offensive ou défensive. Quelques auteurs voient avec une certaine faveur la guerre défensive, qui est pour eux synonyme de guerre juste. Nous n’avons pas besoin de dire com- bien cette opinion est erronée. Le souverain qui le premier prend les armes, soit qu’il le fasse justement ou injustement, entreprend une guerre offensive ; celui qui oppose ses forces à. celles qu’on emploie contre lui fait une guerre défensive, soit qu’il ait, Soit qu’il n’ait pas raison de faire la guerre 1. Une importante question se présente ici, celle de la 1 RÉAL DE CURBAN, La science du gouvernement, t. V, p. 362. LES CAUSES DE LA GUERRE. 89 guerre contre les infidèles et de la guerre contre les hérétiques. ‘ L’hostilité contre les infidèles éclate dans la plupart des écrits, juridiques du moyen âge; elle est surtout exprimée a l’endroit des Sarrasins et des Turcs. Jusqu’au XII° siècle, les S}arrasins avaient été un dan- ger permanent pour les populations européennes des côtes de la Méditerranée; à partir de cette époque, ils for- maient encore une puissance redoutable et quand les Turcs entrèrent à. leur tour en lice, on put croire que la chrétienté était menacée dans son‘ existence. Il y a là. déjà une explication de cette dureté des publicistes que l’em- seignement de l’Église ne pouvait manquer d’accentuem. 1 L’Église alla jusqu'à. prohiber le commerce avec les Sarrasins. En 1179, le troisième concile de Latran emprunta à la législation byzantine une loi qui défendait de leur vendre des armes, du fer, des bois de construction et tout ce qui pouvait servir à la guerre ;il menaça les contrevenants de toute la rigueur des peines ecclésiastiques : « Ita quorundamp animos occupavz‘t sœva cupiditas, ut qui gloriantur nomine christiano Sarracem‘s arma, f‘erram et ligamina de/‘erant galearum, et pares aut etiam superiores in malitz‘aflant illis, dam. ad impugnanclas Claristz‘anas arma ez‘s et necessarz‘a submz‘m’strant. Sunt etiam que‘ pro cupidz’zfiate sua in galez‘s et piratz'cz's Sarraœnorum navz’bus regz‘men et curam gubernationiseæerœant‘. Tales z‘gz‘tur ab eccleslâstz‘ca communione prœcz‘sas et eæcommunz‘catz‘oni subjecz‘os, rerum suarum per principes catholz‘eas et causales civz’tatum privatz‘one mulctczri, et captentz‘um fierz‘ serves censemus. Præcz’pz‘mus etz'am_ ut per Ecclesz‘ag ma ritz'marum urbz‘um crebra et solennis in eos eæcommunz‘catz‘o proferatur‘.» D’autres conciles réitérèrent ces prescriptions. C’était empêcher tout trafic, car les articles interdits constituaient précisément les principaux moyens d’échange avec l’0rient. Venise éluda la défense, d'une part en faisant de la fact0rerie de Tana sur la mer d‘Azof, le centre de ' ses opérations, d'autre part en provoquant le commerce de nouveaux articles. Les papes interdirent alors toute exportation indistinctement. Ces nouvelles défenses furent également violées, et la cour de Rome tentée par les profits du commerce levantin prêta elle-même les mains à. la violation de ses décrets ; une amende considérable rachetait le péché. Benoît XII accorda à. quelques maisons de Venise des licences spéciales qui furent suivies, en 1345, d’une dispense générale pour le corps des marchands de la république. * .Deeretalîum Gregorîi I V, L. V, tit. VI, De Judaeîs. Sarmcem‘s et earam servis. 90 LES CAUSES DE LA GUERRE. Henri de Suze demande comment les chrétiens doivent se conduire vis—à-vis des Sarrasins. Il établit une distinc- tion. Les Sarrasins qui sont soumis à l'Empire -— il s'en trouvait notamment en Sicile, — ne peuvent pas être attaqués ; mais ceux qui ne reconnaissent ni la domina- tion de l'Église ni la domination de l'Empire doivent l'être. « Alii autem qui dominium romanæ Ecclesiœ non recoqno.scunt sire [mperii romani, impugnancfi sant 1. >> La guerre faite aux infidèles s'appelle la guerre romaine, elle est juste: « Bellum quod est inter fideles et infideles potest dici bellum romanum et hoc justum. Hoc enim roma- Inum coco, quia Rama est caput/îdei nostrœ et mater 2.» Les autres canonistes sont plus formels encore, S'il est possible. Le sentiment qui anime les canonistes se retrouve chez les légistes. A la suite de la glose, Bartole admet la divi- sion de l'humanité en peuple romain et en peuples étran- gers. Il comprend dans le peuple romain les princes et les gouvernements qui directement ou indirectement, en faitou en droit, reconnaissent l'autorité de l’Empire. Il entend par peuples étrangers ceux qui ne veulent point voir dans l'Empereur le maître du monde. « Saut et populi extranei proprie qui non fatentur imperatorem romanum esse dominum unioersalem. » Ces derniers, Bar— tole les énumère; ce sont les Grecs, les Tartares, les Juifs, d'autres encore; mais tous ne se trouvent pas dans La dispense devait se renouveler dans les cinq ans.“ Remarquons a cette occasion que d'autre cités obtinrent de semblables concessions. En 1367, Urbain V accorda a la ville de Montpellier la permission de commercer avec les infidèles au moyen d'un seul navire et vers le milieu du siècle suivant Eugène IV et Nicolas V autorisèrent Jacques Cœur aux mêmes fins. “‘ SCHERER, Histoire du commerce de toutes les nations, traduction de RICHELO’I‘ et VO.‘xEL t. 1, p. 199. 1 HENRI DE SUZE (HOSTIENSIS) Summa aurea, L. V, rubrica de Sarracenis. 2 Le même, Samma aurea, L. 1, rubrica De treuga et pace. LES CAUSES DE LA GUERRE. 91 la même situation vis-à—vis des chrétiens; les uns sont des alliés ; les autres vivent en paix, d’autres encoresont totalement étrangers ; il en est avec qui il ya guerre : ce sont les Sarrasins et les Turcs. « Quidam ce istis sunt nobis fedcreti ut crant Greci nobis federeti contre Turches. Quidam sent cum quitus 7zebemus pecem ut Terz‘eri nam mer— catores nostri-eedunt ad illos et illi ed nostros. Quidam cum quitus non Jeabemus pacem, nec querram, nec eZiquid/ecere ‘ ut cum iilis de Indis. Quidam sunt cum quitus 7zeôemus querram indictam ut cum Serrecenis et fiodie cum Turcfiis. 1» Cette énumération et cette affirmation sont reproduites presque textuellement par Jean de Lignano dans son Traité de la guerre. Ce dernier auteur établit le droit de l'Église de faire la guerre aux infidèles, d’envahir leurs terres, de conférer des indulgences aux chrétiens qui s’enrôleront sous la bannière sainte. « ll n’y a qu’un seul maître du monde, c’est le pape et il a juridiction de droit sinon défait sur les infidèles. » « Unus est dominus or6is et isie est Pape. Papa de jure Icebet jurisdictionem supra infideies Zicet non de facto. » Jean de Lignano déduit de ce principe une proposition déjà enseignée par Henri de Suze ; le gentil qui pèche contre la loi de nature ou qui adore les idoles fournit une cause légitime de guerre; seulement Lignano réserve l’exercice du droit de guerre- au pape. Celui-ci peut également autoriser les hostilités contre les infidèles qui occupent la Terre Sainte où le Christ avoulu naître et mourir ; la Terre Sainte a été enlevée à. l’empereur; le pape peut la récupérer en vertu de son principat. Il est d’autres pays possédés par les 1 BAR’I‘OLE DE SASSOFERRATO, Commentaria in secundam Digesti nom‘ partent. De captivis et postliminio reversis et redemptis ab hostibus._ 92 LES CAUSES DE LA GUERRE. infidèles qui ne sont point consacrés et sur lesquels ni l’Empire ni l’Église n’ont eu de juridiction de fait ; le pape peut ordonner que les maîtres de ces contrées ne molestent point les chrétiens et en cas de désobéissance les déclarer déchus de leur juridiction Balde émet des idées plus larges. Il résout négative- ment la question de la légitimité dela guerrre contre les infidèles : « Quuritur utru7n contra repos infidelium viventes notiscum in puce sit licitum belluen ? Et dic ut non. » Néan- moins si les infidèles eux-mêmes font la guerre aux chrétiens ceux-ci peuvent répondre par des actes hostiles. « Si lumen ipsi bellum claristianis inferunt non est duôium guiu justum ret0rguuti0nem putiuntur injusti 1.» Le célèbre jurisconsulte se contredit, à. la vérité, dans un autre pas- sage de ses écrits où il autorise la guerre contre les infidèles et contre les hérétiques parce que l‘hérésie et l’infidélité les privent de la juridiction. « Par quel droit et par quelle rais3n peut-on mouvoir guerre contre les Sarrazins. » Bonnor pose la question. « C’est assavoir, dit-il, par quel droit ne par quelle raison len peult mouvoir guerre contre les Sarrazins ou autres mescreans ou se ce est chose deue que le pape donne indulgences et pardons pour les guerroier. Ettout premiè- rementje veuil prouver comment guerre ne se doit faire contre les mescreans. La première raison est telle L: notre seigneur Dieu a créé tous les biens de la terre pour les bons comme pour les méchans. » L’auteur ne voit pas 1 JEAN DE LIGNANO, Tructutus de Delta. Tructutus universz‘ jurz‘s, t. XVI, 371 et suivants. 2 BALDE, Commenturiu in primum digest2 i'e'eris pariem, sur la loi cm- quième . LES CAUSES DE LA GUERRE. - 93 que Dieu ayant donné les biens aux infidèles les chrétiens les peuvent ôter. Parmi les autres arguments à l’appui de sa thèse, il fait valoir que le baptême ne doit pas être imposé de force, or puisqu’on ne peut employer la force pour faire recevoir le baptême comment le pourrait—on pour enlever des richesses P Le pape ne doit pas donner indulgence pour la guerre contre les mécréants car il dit lui—même « qu’il ne lui appartient en rien de ceux qui sont hors la foi. » Néanmoins Bonnor admet des excep- tions à sa règle. « Si ung Sarrazin ou ung Juif faisait contre la loi de nature, certes le pape si le pugnirait de icelluy péchié » Dieu a donné l’exemple. « Mais si les Juifs ou les Sarrazins faisaient contre les évangiles le pape ne les en pourroit mie pugnir.Car homme du monde ne doit estre contraint de croire en la fuy. Encore je vous dy une autre chose, c’est que le pape puet donner indul- gences contre les mescreans pour recouvrer la sainte terre de Jherusalem laquelle fut par droitte conquête gaignée aux cÿhrestiens par la passion de Jhesucrist notre seigneur. Et si fut conquise après sa passion par le prince de Romme. Mais après les Sarrasins l’ont occupée, ce que faire ne devaient de bon droit. Et par cette raison le pape peut donner indulgences à tous ceulx quy la vouldront recou- vrer. Mais je vous déclairè que de faire guerre générale contre les Sarrazins sans le congïé du pape je ne voy pas comment il se puist bien faire... Et après je vous déclaire que le pape raisonnablement ne peut déclaïrér guerre contre les mescreans pour les autres terres ou royaulmes qu’ils tiennent. Sinon que icelles terres fussent duement sùbjettes à l’Église ou à}fl’empire de Romme. » Le pape _ peut cependant commander aux infidèles « qu’ils ne griêf— ]9 N 94 LES CAUSES DE LA GUERRE. vent les chrestiens >,car dans ce cas, il pourrait leur ôter leur droit de juridiction. Bonnor admet une autre excep- tion ; le roi de J érusalem peut revendiquer son trône 1. L'Arbre des batailles traite une matière similaire dans un passage subséquent. Le prieur de Salon demandé: « Se l'Église peut ordonner bataille entre les Juifs » et examine les raisons à faire valoir pour la solution affirmative et pour la solution négative. Il convient que les Juifs montrent aux chrétiens ( qu'ils sont tous leurs ennemis expres, >> mais il n'en soutient pas moins que la guerre n'est pas autorisée. « Et si les Juifs nous font assez de mal, dit-il, nous ne leur faisons guaires de bien. » 2 Dans ses Relectiones theoloqicæ, François de Victoria enseigne que la diversité de religion ne saurait être considérée comme un juste motif de faire la guerre, pas plus que le refus d'une nation païenne d'embrasser le christianisme. Le pape ne possède‘ aucun pouvoir tempo- rel ni sur les infidèles, ni ‘sur les Indiens. Victoria énonce néanmoins une théorie qui devait fatalement entraîner de déplorables conséquences : le pape, dit-il, a pu confier aux Espagnols seuls la mission de convertir les Indiens ; il a pu dans l'intérêt de la religion interdire aux autres peuples la prédication de l'évangile et la propagande du Christianisme. « Papa potuit neqotium conrersionis [ndorum barbarorum .solis Hispanis demandare, et omnibus aliis non solum prædicationcm, seul etiam commercium interdiære, si €apecliret acl Ohristianismi reliqionis propaqationem. 3 :p 1 BONNOR, L‘arbre des batailles, quatrième partie, ch. 2. 2 v Le même, même ouvrage, quatrième partie, ch. 63. ?>‘ FRANÇOIS DE VICTORIA, Relectz‘o qaintaa de Indis. LES CAUSES DE LA GUERRE. 95 Soto promet _d’examiner plus spécialement le droit de faire la guerre aux infidèles dans un travail spécial De rations promulqendi E’oenqeZium ; les développements qu’il donne a sa pensée dans son traité De justitie et jure, permettent cependant de la saisir d’une manière complète. Il établit trois catégories d’infidèles En premier lieu, viennent les infidèles qui vivent, en fait et en droit, sous la domination de princes chrétiens ; tels étaient les Sarrasins et les Juifs en Espagne, tels sont les Juifs en Italie et en Allemagne. Il est hors de doute que les rois ont action sur ceux—ci et qu’ils peuvent même les dépouiller de leurs biens. En second lieu, se placent les infidèles qui sont soumis, sinon en fait du moins en droit, à des princes chrétiens ; Soto entend par là ceux qui occupent des pays ayant appartenu aux chrétiens. « Il est évident, dit-il, que nous pouvons leur déclarer la guerre et leur enlever leurs possessions ; toutefois un particulier voyageant parmi eux ne serait pas autorisé à leur prendre ce qui leur appartient.» En troisième lieu, il convient de noter les infidèles qui n’obéissent, ni en fait ni en droit, a des princes chrétiens, qui ne sont point ennemis du christianisme et qui ou bien ignorent ou bien’ ont oublié jusqu’au nom même de chrétien. Peut-on leur faire la guerre? La question, observe Soto, est de savoir non si l’idolâtrie est digne de la peine de mort, mais bien si celui qui prétend faire la guerre, aux idolâtres a‘reçu mandat à cet effet. Or, semblable mandat n’existe point. 1 Brunus se montre impitoyable. Toute guerre faite aux ennemis de la foi est licite: « Quo sane jure justum est 1 DOMINIQUE Sore, De justitia et jure, L. V, quæstio 3, art. V. 96 LES CAUSES DE LA GUERRE. omne beZZnm gnod a O’Ïwäsäz‘anäsfldm‘ 7wsiz‘bns infefin9‘. N am pmzferquam qnod 7znjzasmodz‘ beZZnm nez‘pnôlz‘cæ 0Mistianæ utile est :nz‘mz‘rum qnod acl defensz‘onem religz‘onäs ct /z‘dei et glom’nm Dez' snscz‘pz‘inr : non injuste etäam omnz‘a importa ac @mz’näa a6 infidehbns passessa tanqnam injuszfiz‘s passessam‘- bus, verts m’deh‘cet dominés, jnm ôeZZz‘ invad’nntw et mangue- mnim l.» Covarruvias exprime le même avis que Soto ; il s’élève avec force contre l’opinion défendue par Henri de Suzc et d’après laquelle le fait seul de l’infidélité forme une juste cause de guerre parce que Dieu enlève la puissance royale aux infidèles et la transfère aux chrétiens. Ni le pape, ni l’empereur eux-mêmes ne peuvent faire la guerre âdes princes sa: 60 soZnm qnocl infideZss sint. Le décret de Gratien admet la légitimité de la guerre contre les Sarrasins quand ceux-ci persécutent les chrétiens et les chassent ; mais l’infidélité ne saurait enlever un droit basé sur la loi humaine et antérieur à la loi de l’évangile. « [nfidelz’a‘as non pm’nat infideZss dominée qnod Ïzabent jure Ænmano neZ Ïmbnernnt anis Zegem enangsh‘cam.» Le concile de Constance a du reste condamné Wicliffe et Huss soutenant que le péché dans le chef du proprié— taire fait évanouir le droit de propriété. Il est vrai,que Covarruvias reconnaît la justice de la guerre contre les infidèles, s’ils occupent d’anciennes provinces chrétiennes, s’ils persécutent les fidèles, s’ils refusent obéissance au prince auquel ils sont soumis ou si par leurs blasphèmes ils mettent obstacle à la prédication de l’Evangile. Albéric Gentil ne veut point que la religion soit une cause de guerre ; victime de l’intolérance, ayant lui- 1 CONRAD Baunvs, De legat‘ionibus, L. IIl, ch. VIII. LES CAUSES DE,LA GUERRE. 97. même souffert pour sa foi, il prêche dans une des belles pages de son livre les plus nobles maximes et proclame que la religion est un lien entre l’homme et Dieu et qu’elle n’a que faire du droit humain : « None iZZa gnæstio est si une religionis oôænz’n beZZnrn inferri possit. .ZZ’t Ïwc nego et ad:Zo rationem: qnia religionis jus 7&ominibns cnrn fiorninibns proprio non est: itayne nec ôeltnm causa reli— gionis. ReZiqio orge Denrn est. .Ïns est dioinnm, id est inter Benne et 7&orninem : non est jns Ïznmannm, ici est inter Ïwminem et Ïwminem. Nifiil igitnr gnæritwt homo oiolatmn sibi 05 etiam religiontm. » 1 Malheureusement Gentil n’ose point persévérer dans ce sentiment. Dans un autre passage de son livre, il admet qu’il y ait entre chrétiens et Turcs une guerre irréconci— liable.A la rigueur, on peut voir dans son langage la con- statation d’un fait plutôt que l’exposition d’un système : les chrétiens font une guerre juste aux Turcs parce que ceux—ci se conduisent en ennemis. « Tnrcæ ferunt se notis 7z0stes et nobis insidiantur. N 0tis imminent. Nostra rapinnt per omnezn perfidiam qnam passant semper. Sic juste semper causa ôelli adoersns Z’nrces. Non eis fron- .gcndafldæ est ; non. Non inferendnm bellnm quiescentiäns, ‘ pecem calentiäns, in nos niÏn‘l motientiäns : non. Sert qnando sic ayant Tnrcæ ? 2 » Mais le doute n’est plus possible quand plus loin encore, l’illustre écrivain s’occupe de la question de savoir s’il est permis de conclure des traités avec des personnes de religion différente. « La question, dit—il,est en partie du domaine de la théologie ; or, au 1 ALBÉRIC GENTIL, De jure Delta‘, L. I, ch. IX, An bellum justum sz‘t pro religione 2 Le même, même ouvrage, L. I, ch. X11. 98 LES CAUSES DE LA GUERRE. point de vue de la théologie, le commerce entre États chrétiens et États infidèles est licite ; ce qui est défendu c’est l’alliance entre fidèles et infidèles dans le but de faire la guerre auxinfidèles et a plus forte raison l'alliance dans le but de faire la guerre aux chrétiens. 1 >> Les préjugés de l’époque l’emportent ! Ayala se rallie à la doctrine de Covarruvias en ce qui concerne les infidèles. Au sujet des hérétiques, il proclame la légitimité de la guerre. Il appuie également sur l'idée que la guerre faite aux infidèles est juste si ceux-ci empêchent la prédication de l’Évangile. 2 Suarez déclare que l’infidélité ne saurait constituer un titre de guerre « Dieu n’a pas donné aux hommes la charge et le pouvoir de venger les injures qui lui sont adressées. On invoque comme argument le défaut d’aptitude des barbares de se gouverner : le raisonne- ment est emprunté à Aristote, et il est dangereux de l’employer dans saforme générale 3. » Tels étaient sur cette question importante les senti- ments des publicistes jusqu’au moment où Grotius écrivit Le droit de la guerre et de la paiæ.Qu’on le remarque bien, soutenir que la différence de religion légitime la guerre, c’était en réalité nier le droit international et certes il est intéressant de constater qne déjà parmi les précurseurs du grand publiciste cette opinion ren- contre des adversaires décidés.Grotius lui-même, il faut le reconnaître, apparaît en cette matière moins avancé l 1 ALBÉ‘RIC GENTIL, De jure belli, L. 111, ch. 19. - ‘ 2 A.YALA, De jure et o/flciis ballicis et disciplina militari. L.qI, ch. 2, n° 29 et suivants . 3 SUAREZ, Opus de triplz‘ci virtutc theologica,fide, spe et rharitate, troisième partie, De charitate,Disputatio XIH, de 06110, section V, LES CAUSES DE LA GUERRE. ' 99 que plus d’un des écrivains que nous venons de passer en revue et un passage célèbre nous le montre partisan peu déguisé de l'alliance commune des chrétiens contre ce qu’il appelle les ennemis de la religion. 1 Les faits étaient cependant la qui témoignaient du progrès accompli. Au moyen âge, il y avait eu, malgré les défenses de l’Éghse, des conventions entre musul- mans et chrétiens ; en Espagne, des princes maures avaient trouvé de l’appui chez des souverains catholiques contre les attaques de chrétiens; les républiques italiennes avaient traité avec lesTurcs etavec les Sarrasins au sujet du commerce et au sujet du droit de naufrage. 2 Mais ces cas étaient demeurés isolés, ils constituaient une excep-' tion et étaient à. un tel degré en contradiction avec le sentiment général qu’au concile de Lyon de 1245, l’accu- sation .d’avoir eu des intelligences avec les infidèles avait été l'une des principales causes de la déposition de Frédéric 11. Au XVI° siècle, il se produisit un acte signi- ficatif. Un roi de France fit alliance avec le ‘sultan et dans l’apologie de sa conduite,François I proclama solen- nellement un principe absolument différent du principe enseigné et imposé par les papes et parles Conciles. « Les Turcs, lit-on, dans la lettre adressée par ce prince au pape Paul III à.l’occasion du traité conclu avec Soli- man, ne sont pas placés en dehors de la société humaine..... Les hommes ont tous la même origine, rien n’est étranger à l’homme de ce qui regarde son semblable 1 GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paie, traduction de BARBEÏRAC L. II, ch. 15, n°12. 2 WARD, Enquiry into the foundatz‘on and history of the law of nations in Europe,t. II, p, 329. l00 LES CAUSES DE LA GUERRE. Si les nations sont divisées, ce n’est pas la nature qui les sépare, mais les mœurs et les usages ; il en résulte des rapports plus intimes entre les membres d’un même peuple qu’entre ceux qui appartiennent a des États diffé- rents ; mais la séparation ne va pas jusqu’à briser l’union que la parenté commune établit entre les divers membres de l’humanité. Si les liens du sang et de la patrie sépa— raient les sociétés particulières de la société universelle du genre humain, ils seraient un mal au lieu d’être un bien. Les erreurs des hommes et leur imperfection les empêchent de s’unir en une même religion, mais la diver— sité du culte pas plus que celle des coutumes ne détruit l’association naturelle de l’humanité. 1» Paroles glorieuses et qui ouvrent dignement l’époque moderne. Sans doute l’intérêt les dicta, mais l’intérêt fut ici l’instrument mys- térieux du droit et dela justice.Dès la première moitié du XVIe siècle, se trouvait implicitement affirmée cctte grande vérité que le droit des gens s’étend au delà. des limites tracées par un culte déterminé ; ainsi était réalisé dans la sphère des relations entre États le principe de la tolérance religieuse. Le droit international devançait le droit public. En effet, l'évolution ne se fit pas seulement en ce qui concernait les relations entre musulmans et chrétiens. Les hérétiques avaient été l’objet des anathèmes de l’Église, celle-ci les avait assimilés aux infidèles et l'on connaît le passage des décrétales accordant a ceux qui se voueront à. l’extermination des hérétiques les 1 LE PLAT, Monumenz‘0rum ad historiam C'oncttit Tridentz‘ni potz'sstmum tllustrandam spectantz’um amplissima collectz‘a, t. III, p. ‘.59 à. 194. LAURENT, Études sur l’hz‘stoz‘re de t’humam‘te’, t.X, Les nationalités, p. 120. RÉAL DE CURBAN, La science du gouvernement, t. V, p. 677. LES CAUSES DE LA GUERRE. 101 indulgenccs et les privilèges des croisés : « C’etfiolici porc qui crucis assumpto clmmctere cal 7anreticorum exter- minium se eccinæerint, iZZa guudeunt indulgentie, illoyue senct0 prioilegio sint rnuniti, que aecedentiäus in terra sanctæ suâsidium conceduntur. 1 >> Au XVIe siècle, apparut l’une des plus grandes hérésies qui eussent jamais menacé le catholicisme. A moment donné, le fanatisme fut le maître ;il suscita des guerres terribles, mais bientôt le progrès triompha et l’Église fut impuissante a faire appliquer ses maximes dans le domaine des rapports internationaux. Des princes fanatiques qui persécutaient leurs sujets coupables d’hérésie n’hésitèrent pas a s’allier aux États protestants; les préoccupations poli— tiques et le désir de maintenir l’équilibre européen eurent raison des préjugés religieux; l’on vit même, ironie du sort, la Rome papale violer les règles qu’elle avait édictées. ' Wheaton a magistralement esquissé en quelques pages substantielles le développement de la théorie de l’équi- libre des puissances. 2 Cette théorie légitimait l’inter— vention, en vue de prévenir l’agrandissement d’un État qui menaçait la sécurité générale et l’indépendance des nations. Dans le fait, elle fut appliquée et on peut dire qu’elle résume la politique des trois derniers siècles. Peut—on cependant voir dans le danger que présente l'accroissement d’une puissance une juste cause de guerre ? La question a été examinée par un seul des précurseurs de Grotius, Albéric Gentil, qui répond Won Gregorz‘z‘ IX L. V, tit. VII, ch. 13. 2 ‘VHEA'I‘ON, Histoire des progrès du droit des gens, t. I, Première période, g 2. 13 102 LES CAUSES DE LA GUERRE. afiirmativement. Selon lui, les Turcs et les Espagnols poursuivent la domination universelle et c’est à bon droit que les autres peuples les attaquent. « Turez‘s ille‘nc, Hispam‘s laine, mede‘tamfiibus ube‘gue dominatum, et malien- zîe‘âers, non oôsiszferent omazes juszfiässz‘me Obse‘stendum..... Et‘ caeere satine est, ne Ïzomines eugentur nime’um potentz’œ quam contre potentz‘cres postea remede‘um gaœrere. » 1 Gro- tius se prononce formellement pour l’opinion contraire. La guerre faite pour de justes causes est une guerre légitime (justum bellum) et seule la guerre légitime entraîne les droits de la guerre. Une question importante surgit donc : la guerre peut-elle être légitime pour l’un et l’autre adversaire, en d’autres termes les parties en pré- sence peuvent-elles également exercer les droits de la guerre P En général, les auteurs disent que non. Fulgose et A1ciat répondent au contraire afiîrmativement. Gentil reconnaît à. chacun des belligérants les droits de la guerre et Ayala n’hésite pas à se rallier à l’opinion de Fulgose et d’Alciat. Ayala ramène le problème à. ses proportions réelles en expliquant que le mot just/cm a deux sens et que dans l’espèce il signifie ce que‘ est fait dans les formes. « Sujïee‘t quart’ ad ej@etus jurés et utjum belli Zoeumlzaôeent alite‘net, bellum gem‘ ab ee‘s que‘ 7zoste‘um numero semé defiaze‘te‘ et belligerandi jus leabent. Quo sensu eidetur defemi’e’posse Alez‘ate‘ opinio et FuZgose‘e‘, que‘ utm‘nque justum bellum esseposse assemmt contra reeeptam interpretum sentem‘z‘am, quæ se“ad justam belli causam refemtur œqm’sse’mat est. 024% em‘m testes contrarie‘ 87362‘ sint, contrarie jura neeesse est leabeamä: 1 ALBËRIC GENTIL, De jure belli, L. I, ch. XIV. LES CAUSES DE LA GUERRE. 103 et une eademque belli cause laine inde juste esse non potest 1.» C’est l’idée que Vattel défendit deux siècles plus tard. en disant que si la guerre ne peut être juste des deux côtés, elle peut être réputée légitime quant aux effets extérieurs et jusqu’à ce que la cause soit décidée. Le droit canon avait formulé le principe de la respon- sabilité de l'auteur d’une‘ guerre injuste: « Mooens belium injustum compeliitur restituere que per oiolentiam occupaoit et ces absoloere a quitus indetite juremente eetorsit 2 >>. Une obligation naissait donc tant à l’égard du vaincu que du soldat enrôlé; il fallait restituer le produit de la conquête à. l’un et relever l’autre de son serment de fidélité. Les canonistes développent tous cette ‘maxime. Un des précurseurs de Grotius, Arias, déclare même l'auteur d’une guerre injuste responsable de tout l‘édommage qu’il a causé par son propre fait, par son assistance et par ses conseils 3. Dans le même ordre d’idées nous voyons les auteurs examiner juSqu’au degré de certitude concernant la légi- timité de la guerre qui doit exister‘ dans l’esprit de ceux qui y prennent une part quelconque. Les casuistes du XVIS siècle semblent avoir traité ce point avec pré- dilection. Un écrivain français, Claude Joly, chanoine de Notre Dameà Paris, composa vers le milieu du XVIIe siècle le Traite’ des restitutions des grands. Claude Joly 1 AYALA, De jure et oflîcz‘is bellicis et discipline militari librz’ tres, L. I. ch. 11. n° 35. 2 Deeretalium Gregorz'z‘ IX L. Il, tit. XXIV, De jurejurando, ch. 29. 3 FRANÇOIS ARIAS, De belle et ejus justz‘tia tractatus,Tractatus universi juris, t. XVI, f. 325. 104 LES CAUSES DE LA GUERRE. nous fait connaître le sentiment général des casuistes relativement à la question qui nous occupe: les soldats étrangers que le prince appelle à sa solde ne peuvent lui prêter serment sans examiner si la guerre est juste ou injuste ; les vassaux et sujets ne sont pas tenus de faire cet examen, mais doivent obéir simplement a leur seigneur 1. Suarez est plus précis encore. D’après lui, le roi est tenu de considérer attentivement lajustice de la cause ; les grands, s’ils ont voix au conseil du prince sont obligés de rechercher la vérité, s’ils n’ont pas voix au conseil ils sont tenus de l’obligation des simples soldats ; ces derniers peuvent répondre à l’appel de leurs chefs pourvu que l’injustice de la guerre ne soit pas évidente, mais les mercenaires ont un devoir plus strict: ils doivent s’enquérir de la justice de la cause 2. Les feudistes s’étaient occupés des obligations mili- taires du vassal. Les Livres des fiefs énonçaient la règle : « Domino gnemmn focz‘ente alieni, se’ sez'atnr qnod juste ont cnm dnbz‘totnr, oassczllns enm ocZjnome tenetnr. Secl onm paZmn est qnooî trmtz‘onabz‘liær emn font, adjnoet enm ad ejns de/ensz‘onem, aol oj’end’endnm oero alimn non adjuoet, se‘ onlt3.» La grande généralité des auteurs admettaient cette opinion; l’obligation du vassal d’assister son suze- rain ne venait ainsi a cesser que lorsque l’injustice de la guerre était évidente: « AZtnd dioendnm est, écrit un auteur belge, Goudehn, se’ de 7zoc dnbz’tet’nr: neo enim disqnäsätz’o l CLAUDE JOLY, Traité des restitutions des grands, p. 117. 2 SUAREZ, Opus de triplz’ct virtute theologz‘ca, fide, spe et charitatc, in [reg tractatus pro tpsarum virtutum numer0 distributus, troisième partie, ch. X111, De Delta, Section VI. . 3 Feudorum consu6tudines, L. 11, tit. 28. LA DÉCLARATION DE GUERRE. 105 istius roi‘ ed cessulZum pertinet ; utyue in dubio præsumere is debet 7‘usturn‘ esse tellum, quai et domino moturn est 1. » Bonnor enseigne une doctrine quelque peu différente ; il reconnaît l’obligation du vassal en cas de guerre défensive; mais,selon lui, quelque juste que soit la guerre offensive, le roi ne peut demander a ses sujets de l’assister a leurs propres frais: « Se le roy voulait aucun ofi‘endre et contre aucun seigneur faire guerre. combien qu'elle fust juste, ses hommes ne seraient mie tenus de luy aidier a leurs despens. Car despense est une chose trop plus privi- légiée que n’est juste offense 2. » On peut mettre en regard de ces paroles le fait que près d’un siècle aupa— ravant, on voit Plnlippe le Bel aller jusqu’indemniser ceux de ses sujets dont les biens sont situés en Flandre ou dans les provinces envahies par les Flamands;l’indem- nité consistait dans la}moitié du‘revenupourles chevaliers, dans le tiers pour les autres nobles; quelques bourgeois furent admis â.jouir du bénéfice de ces indemnités qui devaient être prélevées sur le produit des prises et des confiscations des biens des Flamands et qui étaient provisoirement payées sur le trésor 3. SECTION v. — LA DÉCLARATION DE GUERRE. D’après la théorie romaine, la guerre devait être précé— dée d’une sommation de donner satisfaction et d’une déclaration de guerre. A ces Conditions elle était juste. 1 PIERRE GOUDELIN, De j ure feud0rum commem‘arii, quatrième partie, ch. VI. 2 BONNOR, L’arbre des batailles, quatrième partie, ch 15. 3 BOUTARIC, La France sous Philippe le Bel, p. 376. 106 LA DÉCLARATION DE GUERRE. Cette conception formaliste ne pénétra pas intégrale- ment dans la civilisation médiévale, _ mais celle-ci l’accueillit en partie et c’est ainsi que la,nécessité d’une déclaration de guerre se trouve enseignée par la plupart des auteurs. Cicéron avait formulé la théorie romaine dans son Traité des detoz‘rs et dans La refipabltgae.Du dernier de ces ouvrages elle passa chez les juristes du moyen âge, non pas directement, —— le traité de La re’paôlc‘qae semble n’avoir plus été connu postérieurement au XII6 siècle, —- mais par le décret de Gratien qui avait lui—même emprunté à. Isidore de Séville le texte de l’illustre philosophe romain « Jastam est bellam _qaod ea ect’z’cto gem‘tar de rebasrepeteadz‘s aat propulsaadoram Iwste'am causa » disait le décret. Le terme ea edc‘cto, ou comme le portaient certains manuscrits ea præde‘cto, rendait l’idée de déclaration dans les formes. La nécessité d’une déclaration de guerre fut reçue avec d’autant plus de faveur par les jurisconsultes qu’elle était prescrite dans les constitutions impériales relatives aux guerres privées : la dzjäïdatz‘o fut étendue aux guerres entre États. Balde enseigne que c’est une espèce de trahison que de recourir à la voie des armes sans avoir prévenu l’ennemi. Brunus insiste sur la nécessité d’un avertissement préalable ; cet avertissement correspond‘ a la citation en matière civile. « Monitz‘o qaædam bellam præcedere debet gaam aostre' dz'fidatioaem cocaat. Ea est pmambala belle’ adtersam‘o facta se‘gmfieata‘o, et achat citatz‘o yareabm qaa qui bellam e'llataras est, adcersariam .‘saam de belle a se vlafereado certz‘orem face't, et jus saam acZ qaod censte‘tato jadz‘ee‘o perce- m‘re non potest armés se persecataram testatar. .ZZ’tem‘m at LA DÉCLARATION DE GUERRE. 107 ronflictus sine eitetione non consistit, sic belle que non pre- eedit diÿidatio, ex insidiis potins quem jure intentata eidetur 1.» Brunus invoque la Bulle d’or. Belli est formel : « Postquam decretum est jus suum telle prosequi, non est moeendum pries quem denunciandum. » Il demande quel intervalle doit s’écouler entre l’annonce de la guerre et l’ouverture des hostilités. « E’qo ut inqenue fateer, ditsil, nullibi ce anneZiôus comperi aut ednoteei statos esse dies, ipse tamen naturaiis ratio dictat equum esse ut aliquid intcrcedat temporis que quis se premuniat et defensioni preparet; oie cnim a dole et perfidie eaeusaretur qui eodemfer e momento et indieeret et aqqrederetur 2. » Ainsi donc pas de délai fixe, seulement la raison naturelle exige qu’un intervalle s’écoule entre la déclaration et le recours a la force. Belli cite du reste l’opinion de Gui de la Pape lequel est partisan d’un délai de trois jours. Albéric Gentil est plus précis que Belli: « Post indictum teiium, rides, ce.rpeetari adkue solitum dies tres et triqinte antequam qereretur. » L’usage de la déclaration tombait en désuétude ; Brunus déjà le constatait ; Gentil. lui, proteste avec force: «Atque Ïzee nec aboiita jure sunt : que sereata imo eidemus in 7zee tempora: ut Zeqere est in liistoriis frcquentcr. Sec nec atoZeri passant que sunt qentium jura et jusse Dei 3.» Un des motifs qui poussait Gentil à. exiger la déclaration de guerre, C’est qu’elle implique une mise en demeure de donner satisfaction et fournit ainsi un dernier et suprême moyen d’accommodement et de réconciliation. 1 COURAD BRUNUS, De legatz‘onibus, L. IlI, ch. ‘H11. 2 BELLI, De re militarz‘ et de belle traetatus, deuxième partie, ut. VIII. 3 ALBÉRIC GENTIL, De jure bellz‘, L. Il, ch. I. 108 LA DÉCLARATION DE GUERRE. Dans la pratique, la déclaration de guerre devient générale a partir du XIIe siècle. Elle se fait par envoyés ou par lettres. On voit Frédéric Barberousse demander satisfaction à. Saladin et l’avertirques’il n’enveut point donner, ildoit se préparer à la guerre : « Et qm'a impem‘aZis majestas, dit le chroniqueur, neminem eitm defeetz‘onem 75mpetz‘t sed Ïwszfitôns suis oella semper incliaz‘t, destinatus a6 impemtare ad Saladi— nnm nnntz’ns nt oeZ 07m’stz’anornm unioersitatz‘ gnam Zæsz‘t satisfaaz‘at in plennm, oeZ dtÿïdnn‘atus se præpaæet ad bellnm 2. » La déclaration de guerre de Charles V à. Édouard HI, minutieusement décrite par Froissart, se fit par lettre. « Le varlet qui les lettres de défiances apportait fit tant qu’il entra en la chambre où le roi et son conseil étoient et dit que il ét01t un varlet de l’hôtel du roi de France, là envoyé de par le roi et apportoit lettres qui s’adressoient au I‘01 d’Angleterre, mais mie ne savoit de quoi elles par— loient, ni point a lui n’en appartenoit de parler ni de savoir. Si les oifroit-il a genoux au roi. Le roi qui désiroit a savoir que elles contenoit, les fit prendre et ouvrir et lire. Or fut tout émerveillé, le roi et tous ceux qui là. étoient qui les oui‘rent lire, quand ils entendirent les défiances. » « Vous devez savoir, ajoute Froissart, que adonc le roi d’Angleterre et son conseil prirent en grand dépit et déplaisance les défiances apportées par un garçon et disoient que ce n’étoit pas chose appartenant que guerre de si grands seigneurs, comme du roi de France et du roi d’Angleterre, fût nonciée ni défiée par 2 Sir TRAVERS TWISS, The law of nations considered as independent politz‘eal communz‘ties. On the rights and dutz‘es in time ofwar, p. 59. LES CAUSES DE LA GUERRE. 109 un varlet, mais bien valoit‘que ce fût par un prélat ou par un vaillant homme, baron ou chevalier. Néanmoins ils n’en eurent autre chose 1 » . La déclaration de guerre d’Édouard IV à Louis XI fut faite dans toutes les formes. « Avant que le roi Edouard .partit de Douvres il envoya devers le roi de France un seul héraut. Il apporta au roi une lettre de défiance de par le roi d’Angleterre, en beau langage et en beau style ; et croy que jamais Anglais n’y avoit mis la main. Il requéroit au roi qu’il lui rendit le royaume de France qui lui appartenoit afin qu’il pût remettre l’Église et les nobles et le peuple en leur liberté ancienne et ôter de grandes charges et travaux en quoi ils étoient, et en cas de refus il protestait des maux qui ensuivraient, en la forme et manière qu’il est accoutumé de faire en tel cas.—°—» Il y avait dans la déclaration formelle telle qu’elle se pratiquait par hérauts un reflet de la chevalerie. On peut dire aussi que les rois d’armes et les hérauts remplirent en un certain sensles fonctions que les Féciaux occupaient chezles Romains 3. Après la conclusion de la ligue de Cambrai, Louis XII déclara la guerre à Venise. «Il envoya à Venise Montjoie, son premier r0i d'armes pour déclarer la guerre aux Vénitiens selon la coutume de France, lequel en plein sénat, en la présence du doge et des sénateurs leur dénonça la guerre et de la part du roi les défia a feu et à. sang : cérémonie religieuse observée en ce temps là, dont la guerre se faisant sans surprise et étant dans la franchise avait _ 1 FRCISSART, Chroniques, L. I, deuxième partie, ch. 262. 2 PHILIPPE DE COMMINES, Mémoires, L. IV, ch. 5. n v . . 3 RE \L DE CURBAN, La sczence du gouvernement, t. v. p. 493. 14 110 LA DÉCLARATION DE GUERRE. aussi plus de gloire.» Baudier auquel nous emprun- tous ces paroles était historiographe de France sous Louis XIII. L’esprit chevaleresque alla même jusqu’à déterminer d’avance les batailles ; le jour et l’endroit de la rencontre étaient fixés. Delà au combat singulier il n’y avait qu’un pas; sans être très nombreux les duels entreles chefs d’ar- mée apparaissent néanmoins dans l’histoire des derniers siècles du moyen âge et la matière occupe une place importante dans les écrits relatifs au droit de la guerre. Paris du Puy, par exemple, a consacré aux règles du duel le Tractatus clerc militari ; une partie du septième livre s’occupe de questions relatives au combat singuler et l’auteur examine successivement : «An pro imperz’o duobus discordantz‘bus grossit magna fierz‘; cm Zz‘ceat regi pugnare cum imperatore pro regno ; cm rager contendentes possint guerram eæpedire par pugnam ; cm rem non coronatus grossi! pugrmre cum rage -coronato. 1» Belli demande égale- ment: « A’2Z duci c’psz‘ Ziceat uti singulari certamz‘ne. 2 » On connaît la proposition faite par Édouard HI à Philippe de Valois de trancher leur différend par un combat singulier ou bien par une rencontre entre cent chevaliers de chaque parti. L’enjeu devait être le trône de France 3. Un fait analogue et qui est généralement rappelé dans les dissertations des auteurs du moyen âge s’était produit précédemment. En 1283, le roi d’Aragon 1 PARIS DU PUY (Parus A Porno), Tractatus elegans et copz’osus de re militarä, Tractatus universz‘juris, t. X\‘I, f. 406 et suivants. 2 BELLI, De re militarz‘ et de hello tractatus, deuxième partie, tit. XV. 3 VVARp, Enquirg in(o tire foundalion and history of the law 0/” nations in Europe, t‘ II, p. 213. LA DÉCLARATION DE GUERRE. 111 proposa à Charles d’Anjou de vider leur querelle au sujet de la Sicile par un combat auquel chacun des adversaires amènerait une troupe de cent chevaliers ; le combat devait se faire a Bordeaux, sous les yeux du roi d’Angleterre. L’offre fut acceptée, les conditions de la rencontre réglées par commissaires et la date fixée au 1ï.luin 1283. «Lejour destiné pour le combat,dit Burigny, Charles d’Anjou àla tête de ses cent chevaliers se présenta dans le champ de bataille et attendit jusqu’après le soleil couché sans que le roi d’Aragon parût et il se retira après avoir pris acte de comparution et de défaut contre le roi Pierre. » Les Aragonais prétendirent que leur prince craignait, non sans raison, les embûches dressées par le roi de France, mais il paraît que Pierre d’Aragon n’avait cherché qu'à gagner du temps et à tromper son adversaire ,. La déclaration de guerre disparutpeu a peu. En Angle-— terre on en vit encore un exemple en 1557; la reine Marie envoya un héraut d’armes à Henri 11 de France et il est à remarquer que le même jour un autre héraut d’armes fut chargé d’annoncer l’ouverture des hostilités à la nation anglaise elle—même. C’est ce que la doctrine appelait la publication de la. guerre. En 1635, Louis XIII dépêcha également un héraut d’armes à Bruxelles pour y dénoncer la guerre au roi d’Espagne en la personne du cardinal infant qui commandait les armées de ce prince dans les Pays-Bas. Réal raconte le fait. Le héraut d’armes de France sous le titre d’Alençon arriva à. BruXelles accompagné d’un trompette, demanda audience au car- dinal et ne l’ayant pas obtenue, il jeta une copie de la 1 BURIGNY, Histoire générale de Sz‘cz'le, t. II, p. 202. 112 LA GUERRE. déclaration qu’il devait faire à. l’infant au milieu du peuple assemblé. «Il sortit ensuite de la ville, dit Réal, et étant arrivé a un village sur la frontière, il planta un poteau sur le grand chemin, à environ cent pas de l'église auquel poteau il attacha autant de la déclaration qu’il avait fait à Bruxelles et en avertit le mayeur et le peuple, le trompette du roi faisant dans le même temps les demandes usitées.Le héraut vint rendre compte de sa commission au roi et le roi fit publier dans toutes ses provinces et enregistrer dans tous ses parlements la déclaration des causes de la guerre 1.» Le dernier cas de dénonciation solennelle se rencontre dans l’histoire de Suède, lors de la guerre que ce pays déclara en 1657 au DanemarCk. ' A la déclaration formelle par hérauts d’armes ou par lettres au souverain avait succédé la publication de manifestes annonçant l’existence des hostilités; dans bien des cas, la guerre se fit même sans avertissement aucun. Certes il est permis de douter qu’il y eût là. un progrès. SECTION VI. -- LA GUERRE. Au moyen âge la guerre est empreinte d’un caractère d’indicible cruauté; les adversaires se font le plus de mal possible et l’anéanüssement complet de l’ennemi est l le but final des hostilités. De là, dans le fait, des actes ‘ inouïs de barbarie, de là l’usage d’armes empois0nnécs, de la la mutilation des prisonniers, la dévastation, le sac, 1 REAL DE CURBAN, La science du gouvernement, 1;. V, p. 496. LA GUERRE. ' . l 13 la destruction des villes ; de la le recours à la trahison et à. la perfidie. Nous ne pouvons présenter un tableau com— plet des atrocités commises ; l’histoire du moyen âge y prendrait place toute entière, mais il suffit d’ouvrir les chroniques de l’époque pour comprendre à quel point la situation était réellement sombre et effrayante 1. ll semble que le sentiment chrétien et l’esprit de chevalerie devaient introduire dans les relations hostiles une certaine douceur; nous voyons; au contraire, un déchaînement de toutes les violences, et fréquemment la guerre est faite‘ avec plus de dureté que sous l’Empire romain. Sans doute, la chevalerie provoqua un progrès ; mais il ne faut pas l’oublier, les usages courtois qu’elle ‘amena et dont l’importance, soit dit en passant, a été exagérée, se bornaient aux nobles ; les vilains en étaient exclus. De son côté, le christianisme oublia que sa mis- sion était avant tout une mission de paix; l’esprit évan- gélique fit place aux sentiments sectaires. Ce dernier phénomène s’explique surtout par l’infiuence que le . mahométisme exerça sur l’Église. A moment donné, la religion du Christ et la religion de Mahomet se trouvèrent face a face et dans le duel effrayant qui se poursuivit durant des Siècles, un fanatisme jusqu’eilors ' inconnu pénétra la société occidentale. C’est au nom de la Divinité que furent commises toutes les infamies qui marquèrentles guerres contre les infidèles; c’estsous son patronage que se firent, conséquence logique, les guerres contre les hérétiques. L’esprit nouveau devait l WARD, Enquz‘ry into the foundatz‘on and history of the law of nations in Europe, t. I, ch. IX, The law of nations /rom the Xlflz to theXÏ/‘I‘lz cen- tury. 114 LA GUERRE. fatalement se manifester dans les luttes entre ortho- doxes. Aussi un redoublement de barbarie distingue-t—il les guerres de la fin du moyen âge. Le génie de la race aryenne‘, le génie du christianisme furent comme viciés au contact du génie belliqueux de l-’Islam. Ce n’est pas que de temps en temps n’apparaissent des tentatives qui ont en vue de restreindre les cruautés de la guerre. Au treizième siècle, l’emploi d’armes que l’on considère comme trop meurtrières est prohibé. Une décrétale d’lnnocent III défend aux chrétiens de se servir les uns contre les autres, soit de flèches qui frappent au loin, soit de projectiles lancés par les machines. « Arz‘em A illam mortiferam et ode‘ôz‘lem âallz‘szfiarz‘orum et sagittariorum adeersus Ofirist‘ianos et caflaole‘cos exercera‘ de caetera sub ara- flzemate proïzz'ôemrem >>. L’esclavage des prisonniers de guerre chrétiens est condamné en principe. L’Église essaie de mettre a‘. l’abri des hostilités les personnes qui sont protégées dans les guerres privées ; elle faitdes efiorts pour introduire dans les grandes guerres les trêvas qu’elle a tâché d’imposer dans les querelles particulières. Ce sont la. néanmoins autant de remèdes isolés et qui permettent dejuger de l’étendue et de la profondeur du mal. Dans l’esprit de l’Église, ces dispositions‘ ne doivent s’appliquer qu’aux catholiques; dans_la pratique, elles échouent même généralement. Dans les guerres, la treuga eamom‘ca ou legale‘s, comme on l’appelait, pour la distiguer de la trêve conclue entre les parties, treuga conventionalir, ne fut jamais respectée; saint Thomas d’Aquin lui-même enseignait que la guerre pouvait être 1 Decretalium Gregom‘z’ JK L. V, tit. XV, c un. De sagz‘ttariz‘s, LA GUERRE. 1115 faite lesjours fériés, lorsque la nécessité l’exigeait et deux siècles et demi plus tard, Belli invoquait l’exemple d’un pape, de Jules II, pour conclure avec une certaine mélancolie à. la légitimité des faits de guerre qui se produisaient aux jours consacrés par l’Église ,. A tout prendre, les auteurs qui traitèrent notre matière furent supérieurs à. leur époque ; des sentiments d’huma- mité et de charité les animent et si quelques-uns, imbus des théories du droit romain, émettent des maximes fort dures,d’autres,en plus grand'hombre,condamnent ouver- tement les pratiques cruelles qui souillent les guerres auxquelles ils assistent. Une chose est à remarquer : chez aucun des précurseurs de Grotius on ne rencontre des pages aussi cruelles, aussi impitoyables que celles que devait écrire Bynkershoek. Au moyen âge, la guerre rompt tous les liens qui ont pu exister entre les adversaires. C’est le principe du droit romain : dès l’ouverture des hostilités la personne de l’ennemi peut être saisie et ses biens peuvent être captu- rés ; aucune différence n’est faite entre la propriété privée et la propriété de l’État. Durant les hostilités tout commerce est prohibé entre les sujets des belligérants. Les ressortissants de l’ennemi sont ennemis et comme tels àla merci des combattants. Les déclarations de guerre sont conçues en ce sens. « Savoir faisons, porte un mani- feste dirigé par François 1 contre Charles-Quint, que-nous 1 Tuoms D‘AQUIN, Summa totz‘us theologz‘œ. Secunda secundæ partis quœstz‘o XL, de hello, art. 1 V, Utrum liceat cliebus festz‘s bellahe. BELLI, De ma militari et de belle tractatus, deuxième partie, 116 LA GUERRE. avons_déolaré ledit empereur,ses adhérents et tenants son parti, ensembleles sujets de ses pays patrimoniaux, enne— mis de nous et de nos royaumes, seigneuries et sujets, et en ce faisant, permettons et donnons congé à. tous nos sujets d’user d’armes contres les dessusdits, en guerre, par mer et par terre 1. » Ces rigueurs ne furent pas sans recevoir des atténua— tions. On constate notamment des progrès ce qui concer— nait la situation créée au sujet ennemi dans le territoire de l’État qui fait la guerre. . . La Grande Charte de 1215 contenait déjà. des disposi- tions humaines. Elle disposait qu’au commencement de la guerre, les marchands de l’État ennemi seraient gardés et traités comme les marchands anglais étaient traités dans le pays ennemi. C’était la un changement notable et, comme le dit M0ntesquïeu, il est beau que la nation anglaise ait fait de cette clause un des articles de sa liberté. 2 Un statut de la vingt—septième année du règne d’Édouard III alla plus loin ; il accorda en cas de guerre aux marchands étrangers résidant en Angleterre un délai de quarante jours pour quitter le royaume avec leurs biens et si le délai était insufiîsant, il concédait un délai nouveau de quarante jours pour vendre leurs marchan- dises. La Hanse se fit accorder dans la plupart des pays une situation privilégiée ; ses marchands eurent des délais allant de quarante jours a une année pour mettre à. la voile; dans certains pays, la Ligue parvint à un résultat plus considérable encore ; elle obtint que ses marchands 1 LAURENT, Études sur l'histoire det’humanz’tè,t.X,ies nationalités,p.381. 2 MONTESQUIEU, De I’€spnit des lots, L.XX, ch. XIV. LA GUERRE. 117 ne seraient point inquiétés et pourraient continuer à. se livrer au négoce 1. La France donna assez longtemps l’exemple d’une poli- tique illibérale.Sous le règne desaintLou1s,1es marchands anglais qui résidaient dans le royaume furent arrêtés; l’Angleterre répondit par des mesures de rigueur envers les sujets français. Trois quarts de siècle plus tard, sous Charles lV,le bruit ayant couru que les Français habitant l’Angleterre avaient été massacrés a l’occasion de la déclaration de la guerre, le roi fit emprisonner tous les Anglais et s’empara de leurs biens ; le bruit était faux ; Charles en conséquence ordonna de relâcher les prison- niers mais garda leurs biens. Sous Philippe le Bel, de pareils faits se rencontrent encore. Néanmoins à. partir du XVe siècle, se produit un revirement. Aux termes d’un traité conclu, en 1483, entre la Ligue hanséatique et Louis XI les bourgeois des villes de la Hanse se voient garantir le droit de demeurer en France jusque une année après l’ouverture de la guerre. Une semblable clause devient même de style dans les conventions du XVI° siècle : le délai varie de trois mois a deux ans ; on la retrouve dans les traités signés à Utrecht, en 1713. Une question intéressante surgissait en ce qui concerne les actions, les créances et tous les droits incorporels quelconques que les sujets de l’ennemi possédaient à. l’égard des ressortissants d’un prince. Ces droits pou-— vaient—ils être confisqués ? En Angleterre, ce semble avoir été une règle bien établie 2. Un arrêt rapporté par Papon ÎËÎPÜ’I‘TER, Bez‘ïräge sur Välkerrachts-Gewhächtc und U"is-~\‘en— schaft, p. 154. 2 Sir ROBFR’I‘ PHILLIMORE, Cornmem‘are‘es upon international law, t. III, p. 133. Ici! ‘le 118 LA GUERRE. fait connaître l’opinion admise en France. « Un Flamand dit Papon, preste mille écus a un Français; le temps de payer advenu, le Flamand fait son devoir en justice. Le Français dilaye si bien que par ses suites il mène ce Flamand en procès, jusqu’à. ce que la guerre est criée entre les princes des deux nations. La somme est saisie et payée au trésorier du roy. Après se conclut la paix. Le Flamand reprend son débiteur qui s’oppose de la saisie et du payement qu’il a fait. Par arrêt de Paris du mois d’août 1349 est débouté le Flamand et néanmoins le Français condamné à rendre ce que de ladite somme sera trouvé estre venu et demeuré à son profit.l » Vers la fin du X.Ve siècle, la guerre éclata entre Pise et Florence. Pise força ceux de ses sujets qui étaient débiteurs de citoyens florentins de verser dans le trésor pisan le montant de la dette. La paix faite, un créancier florentin poursuivit le paiement de sa créance. Philippe Decius qui fut arbitre de la contestation admit la validité du paiement. On démontra, il est vrai, que le débiteur avait agi contraint et forcé 2. La guerre se fait contre tous. Belli n’en excepte ni les les femmes ni les enfants ; il insiste seulement sur les règles du droit canon au sujet dela guerre privée et de la trêve de Dieu, et il cite les opinions de plusieurs juris- consultes qui sont favorables aux immunités stipulées par les conciles et par les décrétales. Comme eux,il admet que la guerre se fasse contre les sujets, les vassaux, les 1 PAPON, Recueil d'arrêts notables des cours souveraines de France, L. V‘, tit. VI, arrêt 2, 2 Sir ROBERT PHILLIMORE, Commentaries up0n international law, t. III, p. ‘705. LA GUERRE. 119 alliés de l’ennemi, a la condition qu’ils assistent celutci de leur personne et de leurs biens. Néanmoins il semble hésiter : « Qnæ restriciio nesoio qnomodo prooedal, dit-il, cum saôdili si non aoln, sailom fiaâiln et poieniia pmslo sint domino si egoai. » Gentil n’excepte pas non plus les femmes ni les enfants et Grotius est tout aussi inhumain, bien qu’il essaie d’atténuer les conséquences de sa théorie dans le chapitre qu’il consacre à la modéra- tion dont il faut user dans la guerre. L’auteur de l’Arbre des batailles prêche une doctrine différente. Bonnor demande de quel droit vient bataille. Il répond qu’elle procède du droit divin, du droit des gens et du droit de nature. Le droit divin est le droit de Dieu ; on pourrait croire que la bataille ne vient pas du droit divin, que celui-ci la réprouve ; « et la raison se est pource qu’en guerre eteh bataille se font plusieurs maulx.» Mais Bonnor dit que cet argument ne vaut rien : « Car il est vérité que bataille n’est pas une male chose mais est bonne et vertueuse, car bataille ne regarde autre chose selon sa droitte nature que retourner tort à. droit et faire retourner discention a paix selon le contenu de l’Écriture. Et se en bataille se font plusieurs maulx, ce n’est mie selon la nature de la bataille, mais est faulx usage 1. » Ces «faulx usages » Bonnor les. attaque avec violence; il veut la guerre loyale et courtoise et trouve des accents émus pour dénoncer les pratiques de son époque : «Mais notre seigneur Dieu voit tres bien com- ment les gens d’armes aujourd’huy font le contraire. Car sans pitié ne miséricorde ils prennent et font payer 1 BONNOR, L’arbre des batailles, quatrième partie, ch. 1. 120 LA GUERRE. aux prisonniers grandes et excessives finances et paies et par especial aux poures gaigneux quy labourent les terres et les vignes, lesquels après Dieu donnent à vivre de leur labeur tout le monde. Et en vérité, j’ai grande douleur au cuer de voir et ouïr le grand martire que ils font sans pitié ne mercy aux poures laboureurs et autres gens quy ne sceuevent nemal dire ne mal penser et quy labourent pour toutes gens d’estat et desquelz le pape, les roys et tous les grands seigneurs du monde ont après Dieu ce qu’ils menguent et ce qu'ils boivent et aussi ce qu’ils vestent. Et nul d’eulx n’en a cure. 1 » Le bon prieur de Salon examine « se pour la guerre qui est entre le roy de France et celluy d’Angleterre, les François pourroient deuement courir sur la terre des Anglois et emprisonner les poures Anglois et prendre leurs biens. » Le problème est important; ce sera la gloire éternelle du dix-neuvième siècle d’en avoir entamé la solution, d’avoir tenté de faire admettre que, suivant le mot de Jean Jacques Rousseau, la guerre n’est point une relation d’homme à homme, mais une relation d’État àÉtat, dans laquelle les particu— liers ne sont admis qu’accidehtellement, non comme hommes, ni même comme citoyens, mais comme soldats. La réponse que le prieur de Salon donne a la question mérite d’être signalée ; elle est en tous points conforme aux vraies notions sur le caractère de la guerre. « Nul homme. dit-il, ne doit porter le péchié d’un autre. Donc pourquoy les poures Anglois auront ils mal pour la coulpe de leur seigneur ? » Ainsi donc «les bons marchants, les laboureurs des terres, les bergiers des 1 BONNOR, L’arbre des batailles, quatrième partie, ch. 47. l LA GUERRE. , 121 Champs ou telles gens » devraient rester en dehors de la guerre. « Item plus fort, a une personne ne doit astre jà. réputé ce de quoy ilne Sentremet. Mais tout le monde Sçait bien que de guerres jugier, ou ordonner, ou entre- prendre les poures hommes ne s’entremettent. Car ils tousjours vouldront vivre en paix. Doncqucs pour quelle raison leur doit on courir sus ? Item selon bonne raison morelle et naturelle on doit chacun servir selon son estat. Mais tout le monde sçait bien que poures gens ne trouvent leur vivre ne leur conversation en armes ; comment doncques par bonne raison les puet on grever par aucun fait..... Item selon l’honneur du siècle, quelle guerre, quelle vaillance ne quel les puet on avoir de occir ou de emprisonner celluy quy oncques ne porta harnois ne quy ne sauroit pas vestir une cette de maille ne ‘fermer une greve ne ung bachinet. Que je voulsisse jugier que ce fust honneur ou vaillance de férir un tel poure homme et innocent quy ne scet fors mengier du pain sec aupres de ses brebis par les champs et par les hayes et buissons, je ne pourroie faire par nulle raison. » Bonnor est obligé de reconnaître que l’opinion contraire prévaut ; il le fait regret et essaie d’atténuer les conséquences de la théorie régnante. « Nonobstant toutes les raisons dessusdites les opinions de nos maistrés sont‘tellcs que se vraiement les subjetz du roy d’Angleterre donnent ayde et faveur au rCy pour faire guerre l’encontre au roy de France, les François peuvent bien guerroier les Anglois et gaigner de leurs biens et prendre des vivres de leurs pays...... Mais se les subjets ne vouloient aider à. leur roy pour guerre faire contre le roy de France, les François ne pourraient de bon droit eux dommagïer ne des personnes 122 LA GUERRE. ne des biens qu’ils ne fussent tenus devant Dieu. 1» Cette idée de l’immunité des personnes paisibles et de leurs biens se retrouve dans toutes les parties de l’Arbre des batailles. L’auteur entend faire respecter dans la guerre les prescriptions des conciles et des papes en matière de guerre privée et de trêve de Dieu ; il défend le privilège des laboureurs et l’étend le plus possible. Les faits sans doute ne répondent pas à. ses vœux; il le déplore vivement : « A Dieu plaise, dit-il, de mettre es cuers des rois de ordonner que en toutes guerres les laboureurs soient seurs. 2 » Sa théorie favorite est déve- loppée dans une des pages les plus charmantes du traité‘. Bonnor nous montre un vieillard fait prisonnier et invoquant comme titres à l’immunité son grand âge et son abstention de tout acte hostile. Écoutons le récit: << Ung chevalier français avec sa compagnie s’en est allé devant Bourdeaux. Si a trouvé un bourgeois de la cité quy venoit d’oyr messe d’une chapelle quy est loin environ une lieue là ou démouroit un bon hermite. Et s’en venoit celluy bourgeois tout bellement un baston en sa main. Car il estoit de leage de cent ans. Adont le chevalier luy demande : « Mon bon preud’homme et dont estes vous ? » « Se m’aist Dieu, dit-il, je suis de ceste ville. » « Par ma foy, dist le chevalier, vous serez mon prisonnier.» « Et sire, fait il, et pourquoy ?» « Certes, fait-il, car je suis au roy de France, lequel a guerre contre les villes et contre la terre de vostre maistre. » « Sire, dist le bour- geois, pour l’amour de Dieu merchy, menez moi devant le roy, et se je doye estre prisonnier par jugement 1 BONNOR, L’arbre des batailles, quatrième partie, ch. 48, 2 llosNoia~, L'arbre des batailles, ch. 101. * LA GUERRE. 123 que je le soye et se non que je soye quitte. « Le chevalierluy respont qu’il le veult bien et sont venus devers le roy. Si propose le chevalier comment il a prins celluy bourgeois qui peut tresbien payer dix mille francs. « Sire, dist lors le bourgeois au roy, vous etmonseigneur le roy d’Angleterre avez eu de moult grands guerres ensemble, lesquelles ont dure assez de temps car elles encommencièrent des que j’estoie moult jeune deage. Et maintenant que je suis fort ancien encoures ne sont elles finies. Mais je vous jure par ma foy que oncques en ma vie contre les François ne me armay, que oncques sur m0y ne feust espée ne coustel ne autre armeure. Je vous supply que de cecy vous vous enfourmiez, vous le trouve- rez en vérité. Et encoures plus fort, dy-je, que je ne fus oncques joyeux de ceste guerre et quetousjours remonstre et admoneste monseigneur le roy d’Angletere, comment il eust paix à. vous. Et de cecy vous feray-je bien informer quant plaira avotre haute seigneurie et dignité de oyr ce. Et, monseigneur, encoures vous dy—je plus avant que selon les raisons de droit escrit une personne ancienne comme je suis ne doit mie estre contraint d’aller en ' guerre, ne si ne doit estre emprisonne. Et c’estla raison. Vous ne povez selon droit prendre les biens ne emprison- nerles personnes du royaulme d’Angleterre senon que les hommes dudit royaulme donnassent ayde au roypour faire celle guerre encontre vous de leur franche voulenté. Car se par force il prenoit les biens de ses hommes, encoures de droit seroient ils excusez. Dont se je n’ay aydé ou se je n’ayde au roi d’Angleterre contre vous senon qu'il aye prins de mes biens par force et par violence, vous ne me pouvez reputerpour votre ennemy et par conséquent je 124 ' LA GUERRE. ne doy estre reputé pour prisonnier. Or sans plus tenir de paroles, regardons qu’en est de droit. Je pense vraye ment que puisqu’ung homme ancien est privilégié, quy Selon droit n’est mie tenu d’aller en guerre, qu’il a bonne raison ne peut estre prisonnier, senon qu’il donnaSt conseil et ayde a cette guerre conduire. Car aucunes fois ung homme ancien fera plus par son conseil que ne feroient dix hommes d’armes. Mais je ne dy mie que se de ses biens de son gre il aidoit a son seigneur a faire cette guerre len pourmit francement prendre ses biens et aültrement non selon bonne raison. 1 » L’établissement d’armées permanentes servit efficace— ment la cause de la civilisation de la guerre. La féodalité ne connaissait que de petites armées tem- poraires dépourvues de tous liens; le service militaire n’était dû que pour un laps de temps très court et la disci- pline était presque nulle. Bientôt les expéditions loin- taines amenèrent le remplacement du service personnel par une contribution pécuniaire qui permit de faire des en rôlements salariés ; ce fut le cas pour l’Angle— terre dans ses guerres avec la France et pourl’Allemagne. Les enrôlements salariés se développèrent et finirent par constituer un danger. Les aventuriers nationaux et étrangers qui formaient les Compagnies de routiers et de cotereaux furent un des fléaux de l’Europe au XIII° et au XIVe siècle, auquel l’introduction de troupes régu- lières put seule apporter un remède. On sait que Charles V institua les premières compagnies d’ordonnance et assura la permanence de quelques unes d’entre elles et qu’en 1 BONNOR,ÏAHM*@ des batailles, quatrième partie, ch. 93. LA GUERRE. 125 1438, Charles VII rendit permanente toute l’armée régu- lière. L’ordcnnance des États Généraux de 1439 est instructive ; elle défend aux gens d’armes de piller et de voler, de prendre et de rançonner les laboureurs, d’en- lever le bétail, de couper les vignes et les arbres, d’allumer les incendies 1. Ce n’était pas la première fois que de semblables mesures étaient prises. On les rencontre dans le règlement de guerre des Confédérés suisses de 1399. Les Anglais observaient en général une benne discipline et Commines rend témoignage de leur conduite : « Selon mon advis, entre toutes les seigneuries du monde dontj’ay connaissance, où la chose publique est mieux traictée, et où règne moins de violence sur le peuple, et où il n’y a nuls édifices abatus ni démolis pour guerre, c’est Angleterre ;‘ et tombe le sort et le malheur sur ceux qui font la guerre. » « Cette grâce, ajoute t—il, a le royaume d’Angleterre par dessus les autres royaumes que le pays ni le peuple ne S’en destruict point ni ne bruslent, ni ne dém01issent les édifices; et tourne la fortune sur les gens de guerre et par espécial sur les nobles contre lesquels ils sont trop envieux 2. » Dans son Histoire des républiques italiennes, Sismondi fait ressortir le caractère particulier de l’art militaire des Italiens au XIV6 et au XVe siècle ; la cavalerie pesante formait le nerf des armées; tout couverts de fer, les soldats ne pouvaientse mesurer les uns avec les autres qu’autant qu’aucun obstacle ne gênait la course de leurs chevaux 1 BRIALMONT, Causes et e;7‘ets de l’accroz‘sœnœ—nt successif des armées. permanentes, p. 43 et suivantes. 2 PHILIPPE DE COMMINES, Mémoires, L. V,‘ ch. 18. 16 126 LA GUERRE. et le plus souvent pour engager une bataille il fallait que les deux généraux fussent d’accord et qu’après avoir envoyé et accepté le gage du combat, ils eussent fait aplanir chacun de leur côté le terrain où ils voulaient se battre. Mais les combats étaient rares et les condottieri faisant la guerre par spéculation épargnaient autant que possible le sang de leurs hommes. Telle bataille durait 4 tout un jour et coûtait la vie’à un ou deux combattants au ' plus. Quelquefois il n’y avait pas de morts. « La guerre se faisait au peuple et non à. l’armée, dit encore Sismondi, tout le corps de la nation était regardé comme ennemi; les soldats considéraient toutes les propriétés des peuples chez qui ils portaient la guerre ‘comme un butin légitime; ils faisaient captifs les propriétaires et les paysans et ils ne les relâchaient que pour une rançon 1. » La question de la foi a garder à l’ennemi est agitée par un grand nombre d’auteurs. Gratien avaitinséré dans sac0mpilation le texte dans lequel saint Augustin exprime son opinion : « Fz‘des entre gaaadoprome‘tte‘tar, ete‘am _7zoste’ seroaada est, contra gaem gere‘tar; gaaato mage’s amtco pro gao plagaatar 2.» L’obliga- tion de garder la foi existe donc ; les conventions faites avec l’ennemi doivent être religieusement observées. Malheureusement un autre, texte du corps de droit canon ne permettait que trop d’éluder cette règle morale. Le serment contraire à. l’utilité de l’Église n’oblige pas, d’après la doctrine‘ catholique : « Jarameatam contra 1 SIMONDE DE SISMONDI, Histoire des républiques italiennes au moyen âge, t. IV, p. 223. r 2 Deorezz‘ secunda pars, Causa XXIII, quæstio prima, c. 3, LA GUERRE. ‘ 127 nlililalem ooolosiaslioam pmslilnm non tonal, » Les papes se chargèrent d’appliquer le principe. A différentes reprises, Innocent III, A1exandre IV, Urbain IV délièrent les rois d’Angleterre des engagements qu’ils avaient solen- nellementcontractés; Clément VI accorda aux confes- seurs des rois de France le pouvoir de les libérer de tous les serments qu’ils pourraient faire et qu’ils trouveraient incommode de garder; Jules Il permit à Ferdinand le Catholique de violer les obligations auxquelles il était tenu envers Louis XII. Les princes en durent venir à déclarer d’avance nul l’exercice que le pape ferait de son prétendu pouvoir de délier: le traité de Madrid stipula « que Charles—Quint et François I ne pourraient en façon quelconque demander relaxation du serment, et si l’un la demandait oul’obtenait on voulait qu’elle ne lui pût profiter sans le consentement de l’autre. » Ces précau- tions furent inutiles, observe M. Laurent. Le premier qui engagea le roi de Franceà ne pas tenir son serment fut le pape : il fit mieux, il conclut une ligue avec le roi contre l’empereur et cette ligue contractée au profit d’un roi qui avait violé son serment s’appela la sainte ligue ! 2 Les auteurs qui se rangent à. l’avis de ' l’Église ne son pas en majorité. Parmi eux figure Balthazar de Ayala. Son hostilité envers le protestantisme et le prince d’0range l’entraine; il admet la maxime « Fides seroanda 7zosti » mais pour en excepter aussitôt les rebelles et il 1 Decretalz‘um Gregoriz’ L. 11, tit. 24:, ch. 27. 2 LAURENT, Études sur l’hz’stoire de l'humanité, t. X, Les nationalités, p. 432. - 128 LA GUERRE. déclare que l’on n’est pas tenu d’exécuter un engagement qui pourrait offenser Dieu ou porter préjudice à l’État ou à l’Église 1. . Les ruses de guerre sont—elles autorisées? La matière est délicate. Juristes et théologiens trouvaient dans les sources de leurs sciences respectives des textes qui auto— risaient la ruse. Le droit romain admettait le doZus bonus, la ruse employée à l’égard de l’ennemi 2. Saint Augustin cité par Gratien disait expressément que dans une guerre juste, soit que l’on combatte à. force ouverte, soit que l’on dresse des embûches, on ne fait rien de contraire a la justice : « Oum antem justum bellum s*usceperät utruon aperta pagne, ntrum insidiz‘s oincat, nz'7n‘l ad juste‘l‘z‘am intereszË. 3 » Les auteurs avaient donc le champ librelet si l’on pense à l’autorité énorme dont jouissaient les textes, on s’étonne qu’ils aient su maintenir suffisamment intacts les droits de la morale. Rares sont—ils ceux qui prônent Fenqfloidelarnse etde ktfraude.îNous devons néan- moins citer Jules Ferretti qui tire profit à sa façon de la notion du doZus tonus. « Et bonus est datas rifle gus‘ kabetnr n /wstes nec uZlus dise‘tnr e’Zte que‘ 7zabetur contra tnfideZes, dtrones et piml‘as, Ïueretioos et sémites impios défiîdit‘os a logo 4. » Cette morale d’un nouveau genre était professée dans un écrit composé en vue d’une croisade 1 AYALA, De jure et ofltcz‘z‘s bellz'cz‘s et disciplina mtlitart lz'0rz‘ tres L. 1. ch. VI. 110 13 et 14. 2 L. I. S 3, D. De dolo mate, 4, 3. 3 Decretl secunda pars, Causa XXIII, quæstio II,’c 2. 4. JULES FERRETTI, De jure et ne narali tractatus, Tractatus universz‘y‘uris, t. X11. l‘. ‘343. ' LA GUERRE. l29 contre les Turcs et qui débute par l’éloge de Charles— Quint. Saint Thomas d’Aquin demande : Utrum sit Zicitum in bellis uti insidiis. D’après lui, une distinction est nécessaire ; les embûches onten vue de tromper l’ennemi, or l’on peut induire quelqu’un en erreur d’une double manière, d’abord en lui disant une chose fausse et en ne gardant pas une promesse faite, ensuite en ne lui faisant pas connaître ouvertement ce que l’on se propose de faire ni ce que l’on pense ; la première manière est absolument condamnée, la seconde est licite 1. Les idées de saint Thomas d’Aquin furent admises par ‘ les auteurs et nous voyons, par exemple, Jean de Lignano copier textuellement le passage de la Somme que nous venons de citer. « In beltisjustis Zicitum est insidiis uti cal cictoriam conseyuenaÏam dummcdo non runmumusfia’em» , dit de son côté Martin Garat qui renvoie au docteur angé- lique et au corps de droit canon. Arias se contente de prendre les termes mêmes de la Somme. Ayala invoque a l’appui des paroles de saint Augustin quelques exemples tirés de l’histoire ancienne. Gentil est plus explicite. Il sépare soigneusement les ruses de guerre, les stratagèmes, de la perfidie et s’il admet le premier moyen ilrejetteouvertementle second 2. A ce sujet, on peut citer un fait rapporté par Grotius et qui nous indique le sentiment de l’époque concernant les ruses de guerre. En 1597, le prince Maurice de Nassau voulut surprendre Venloo ; il échoua 1 TIIQMAS D‘AQUIN, Summa totius tlzeologiæ. Secunda secundæ partit quoestz'o XL, art. 11]. 2 ALEERIC GENTIL, De jure bellz‘, L. Il, ch. 111, 130 LA GUERRE. \ et les Espagnols condamnèrent à. mort quelques uns des soldats hollandais faits prisonniers. « Le consentement des parties, dit Grotius, avait introduit ce nouvel usage de droit pour obvier à. ces sortes de dangers.l» Un passage de Commines nous montre une coutume analogue. Suivant Commines, un usage était en vigueur en Italie et en Espagne d’après lequel _« depuis qu’un prince a posé son siège et fait tirer son artillerie devant une place si aucuns viennent pour y entrer et la recon— forter contre luy ils sont dignes de mort par les droits de la guerre 2.» Dans‘ les rapports avec l’ennemi la personne des envoyés doit être respectée. Les suspensions d’armes, les armistices et les trêves doivent être religieusement observés. La trêve (treaga, e'ndaeia) se rapproche-t-elle plus de la guerre que de la paix ? Ce point était surtout examiné par les canonistes, depuis que dans un passage de la Samma aarea Henri de Suze avait dit que la trêve, c’est la paix. Les auteurs dis- tinguaient : la trêve faite pour un court laps de temps tenait plus de la guerre ; la trêve faite pour un certain nombre d’années tenait plus de la paix. La solution avait son importance pratique lors de l’expiration de la trêve. U’est alors que naissait cette autre question de savoir si, la trêve écoulée, il fallait une nouvelle déclaration. L’opinion commune était que non. Balde émettait des _ avis contradictoires, ce qui lui valut de la part de Belli un reproche d’inconstahce : « Baldas et est la omm‘ 1 GROTIUS, Annales et histoire des troubles des Pays-Bas, L. V I. 3 Pnu.1rrs DE COMMINES, Mémoires, L. V, ch. 5. , LA GUERRE. 131 qaœslione ineonsians........ » Belli enseigne qu’aucune déclaration n’est nécessaire parce que « Zapsis indnciis reineidimns in illnm aclnm gai/nitper eas saspensus. 1 » Telle trêve était une véritable paix pour le temps qu’elle devait durer. En 1478, Louis XI et Édouard 1V convin— rent pour eux et pour leurs successeurs par le traité de Londres d’une trêve qui devait durer autant que leur vie et cent ans après leur mort. Les traités avec les mahomé- tans étaient. d’autre part, réputés des trêves; c’est au fanatisme musulman qu’il faut attribuer cette particularité que les papes surent utiliser. Nous avons parlédéjà des pratiques barbares usitées dans la guerre. L’emploi d’armes empoisonnées est rare, . mais on en constate des cas. La mort de Richard Cœur de Lion fut occasionnée par une flèche empoisonnée ; en 1563, Ambroise de Warwick mourut d’une blessure causée par une balle empoisonnée, et Réal remarque d’après de Thon, qu’avant l’usage de l’arquebuse et dans le temps que l’arbalète était l’arme principale c’était la coutume des Espagnols d’empoisonner leurs flèches 2. L’empoisonnement des puits est également cité. Dans son récit du siège de Bourges de 1412, Monstrelet rapporte qu’ « aucuns pour la grand’ soif qu’ils avoient tirèrént del’eau des puits qui étoient ès faubourgs de la ville ; mais quiconque en buvoit mouroit soudainement, jusqu’à tant que l’on s’aperçut de la mauvaiseté et fraude....... Les adversaires dirent depuis et afiirmèrent 1 BELLI, De ne militarz‘ et de belle tractatus, cinquième partie, tit. III . 2 RÉAL DE CURBAN, La science du gozwernement, t. V, p. «141. ' 132 LA GUERRE. pour vrai qu’ès dits puits avoient jeté une herbe..... et cela avoient fait afin qu’ils en mourussent 1. >> Albéric Gentil se croit encore obligé de réfuter l’opinion de Balde qu’il est permis de tuer l’ennemi par le pois—on et d’empoisonner les eaux. Lui—même signale un cas très curieux de pratiques illicites de la guerre qui se serait produit en Italie dans les luttes des Espagnols et des Français 2. Nous avons également parlé de la destruction et du sac des villes. Belli les condamne en principe et les déclare ce: magna z'njustæ. « N on deberent urbes dim'pe‘, dit—il, ne‘sz‘ pro magna flagäte‘o et sceZere e‘n gnod omne‘s popuZns conspe‘moemlt oeZ major pars. 3 » On admit cependant que toute ville emportée d’assaut pouvait être abandonnée au pilllage du soldat pendant quelques heures, à la volonté du général 4. La ville pouvait se racheter. Ces usages barbares affiigent l’historien; ils avaient leur justificatîon dans les conceptions sur le caractère de de la guerre qui tendaient à s’introduire dans la con- science de l’humanité En effet, tantôt l’on considérait la déclaration de guerre comme un arrêt de mort prononcé par un prince contre tous les sujets d’un autre prince; tantôt l’on voyait dans la guerre un véritable jugement: le vaincu était considéré comme coupable. Dans la première de ces conceptions tout était autorisé contre l’adversaire, même la mise à. prix de la tête du chef 1 MONSTRELET, L. 1, ch. 99. 2 ALBÉRIC GENTIL, De jure belle‘, L. 11, ch. VI. 3 BELLI, De ne militari et de bello tractatus, quatrième partie, tit. VIII. 4 RÉAL DE CURBAN, La science du gouvernement, t. v. p. 425. LA GUERRE. r 133 ennemi, dont on voit des exemples; dans la seconde le droit de vie et de mort était attribué au vainqueur. Un très sérieux progrès du droit des gens moderne consiste dans la fixation des droits et des devoirs des neutres. La notion de la neutralité ne se rencontre pas encore au moyen âge. Les droits des non—belligérants ne sont pas reconnus. Leurs obligations sont presque nulles. Ce dernier point est si vrai qu’ils peuvent à. leur gré et sans risquer d’être entraînés dans la lutte fournir des secours et des troupes à l’un des adversaires et que l’on voit la même nation, tout en demeurant amie et uZZie’e des parties en présence, avoir des mercenaires dans l’un et l’autre camp. Moyennant un secours d’argent annuel les princes s’engagentàtenir a la disposition d’un autre prince un nombre déterminé de troupes; encore au XVIIIe siècle, apparaissent les traités de subsides qui stipulent les sommes à. payer pour le premier équipement, pour les recrues, pour la perte d’hommes et pour les frais‘ de retour. Les capitulations conclues avec les Cantons suisses sont sufiisamment connues. En dehors de ces cas, les troupes d’un pays prennent fréquemment part aux hostilités sans que la paix soit réputée rompue entre leur pays et celui contre lequel elles font la guerre. Le fait se présente durant la révolte des Pays—Bas contre la domi- nation espagnole ; des corps d’armée anglais assistent la‘ jeune république des Provinces-Unies. Henri IV fait passer des ~régiments entiers au service de ce dernier État et dans la guerre de Trente ans, le marquis de Hamilton a la tête de six mille Écossais se bat contre les troupes impériales. Dans ces diverses occurrences, ,l‘An—= 17 134 LA GUERRE. gleterre et la France prétendaient ne point s’immiscer . dans les querelles qui se vidaient. On constate combien était faible le degré de développement de la notion de neutralité par le fait que les traités disposent très longtemps que les signataires s’abstiendront de susciter l’un a l’autre des guerres et de fournir des secours au tiers qui ferait la guerre a l’un d’eux. L’engagement de rester neutre devait être expressément pris; dans la règle l’intervention était licite. Un prince puissant octroyait dans certaines circon— stances des lettres de neutralité a quelque voisin faible. En 1542, François I accorda de semblables lettres à. Cambrai. L’acte porte que « l’évêché de Cambrai, comté et pays de Cambresis sont et demeurent neutres, sans donner, ni souffrir donner directement ou indirectement aide, argent, vivres, armures, ni autres choses, port, faveur, conseil, confort ni assistance à l’une partie plus qu’à. l’autre, et sans pouvoir mettre gens tenantle parti contraire au château. » Les juristes du moyen âge enseignent que la guerre juste engendre les droits de captivité, de butin et de postliminie. L’antiquité admettait que le prisonnier de guerre était réduit en esclavage et la loi romaine disposait que le citoyen devenu prisonnier de guerre perd dans sa patrie sa qualité de citoyen et d’homme: elle le considérait comme ennemi. Ce principe trouva des défenseurs parmi les commentateurs. Balde semble l’admettre: « A6 origine rationaôz‘le‘s ereatara ormes Ïwmz‘aes Zz‘Zzere‘ aasoeâaat, gala tu aatara pare’ Deas non feolt aaam seroam altere’as sed LA GUERRE. 135 pariler omnio—ns Zibemm coneessit arbilrimn. Poslea propter nomina possession, menm et iaam, belle aria sunt. En qniâns bellis proeessernnt semilntes. » 1 Et il voit si bien dans la servitude une suite de la guerre que, dans un autre passage, examinant le cas de la guerre faite par l’empereur ou par le pape, il demande si le testament d’Enzio, fils naturel de I’empereur Frédéric II, mort prisonnier des Bolonais est valide, et répond négative- ment parce que : « tales caplioi sunt acZ inslar pecndis oel alierins rei mobilis, qnia de persona fil‘ res. » Ces idées ,répugnaient a l’esprit de l’époque; elles étaient de plus en contradiction avec la doctrine de l’Église, car déjà sous Alexandre III un décret du troi— sième concile de Latran avait déclaré expressément que tous les chrétiens doivent être exempts de l'esclavage et il était admis que le baptême conférait aux Sarrasins prisonniers de guerre le droit de transmettre leurs biens à leurs enfants et le droit de tester. Le respect outré de la lettre de la loi devait donc trouver des adversaires ; aussi avant Balde apparaît dans les écrits juridique une opinion plus humaine que Bartole consacra de toute l’autorité de ‘son nom. ‘ Bartole reconnaît que d’après l’antique droit des gens on devrait admettre le droit de captivité et de postliminie, mais il proclame hautement que parmi les chrétiens les moeurs nouvelles et une coutume ancienne ont fait tomber en désuétude ce double droit pour ce qui concerne les personnes ; cette coutume, il la faut observer. « Dey‘nre genlinm anliguis moribas inz’rodnelo deberel esse jus capti- oilal‘is elposlliminii..." SeeZ secnncZam mores moderni lem- 1 BALDE, In primam digeste’ veteris partem commentaria, ad legem IV. 136 LA GUERRE. ,noris et consuetudinis antiquitus observatæ inter Chris- tian0s, quantum act personas Ïwminum non observamus jura captioitatis et postliminz‘i, neo oenduntur, nec fiabentur servi captioi; sed quantum ad' res jura ista seroamus. O’ui consuetudini est standum. 1 » Il fait une réserve pour les Sarrasins. La notion de l’Empire joue ici un certain rôle. On connaît la constitution de l’empereur Caracalla accordant le droit de cité à tousles sujets libres del’Empire romain. La mesure avait surtout un but fiscal et ne fut que transi- toire. Néanmoins le texte de la compilation de J ustinien « [n crée romano qui sunt en constitutione imperatoris Antonini cires romani ej’ecti sunt » donna naissance à une des théories favorites des docteurs du moyen âge. Le populus romanus fut opposé aux popuZi eatranei dont nous avons déjà. parlé.‘ Les chrétiens formaient le poputus romanus et Bartole qui passe en revue les différents peuples les ramène comme suit au peuple romain : « Il y a des peuples qui obéissent à l’empereur non pour le tout, mais in aliquibus, comme les cités de Toscane et de Lombardie; ceux là sont dupeuple romain, car lorsque l’empereur exerce sajuridiction en un point, illa garde pour le tout. D’autres peuples n’obéissent en aucune façon àl’empereur, mais ils prétendent agir ainsi en vertu d’un privilège, tels sont les Vénitiens; ils sont également du peuple romain, car leur liberté est concédée et précaire. D’autres encore n’obéissent en aucune façon, mais ils détiennent les provinces qu’i1s occupent,en vertu d’un contrat; c’est le cas pour les provinces de l’Église 1 BART0LE DE SASSOFERRATO, Commentarz‘a in secundam Dz‘gesz‘i nom‘ par- tent, De captivis et postliminie reversz’s et redemptz’s ab hostibus. LA GUERRE. 137 qui furent données par Constantin, en supposant que la donation soit valable et ne puisse être révoquée. Enfin, les autres princes et rois qui nient être soumis au roi des Romains, comme les rois de France et d’Angleterre, sont du peuple romain ; ils ne cessent point d’être citoyens romains bien qu’ils se soustraient au domz‘aäam am‘cemale par privilège ou par prescription ou encore autrement.» « E’t secmzd’am Ïwc quasi omnes geates gaæ obedz'anzf sanczfæ maäml EccZesz’œ sam‘ de papale romano », telle est la con- clusion. 1 Cette page de Bartole, ou d’un écrivain plus ancien peut—être, car les auteurs de moyen âge sont en général d’audacieux plagiaires prenant leur bien où ils le trou- vent, se rencontre chez une foule d’écrivains de l’époque. Jean de Lignano la reproduit textuellement et Bonnor qui la traduit dans Z’Arbm des batailles, se contente de rompre une lance en faveur des droits du roi de France qui,Selon lui, n’est point soumis à l’empereur. « Charlemaine ’ etant roi de France fut fait empereur de Romme ; aussi aucuns client qu’il déclara le royaulme de France non estre en rien tenu à l’Empire. Et pour cette cause len n’a que faire en France des loys impériales. 1 » Quoi qu’il en soit,Ïle subtil raisonnement une fois admis produisait ‘des conséquences importantes. L’une de ces conséquences était l’impossibilité de justifier et de main- tenir l’esclavage parmi les chrétiens; tous étaient citoyens romains, tous étaient libres ; le prisonnier de guerre n’était plus réduit en servitude. Cette idée fut bientôt 2 BAR.TOLE DE SASSOFERRÀTO, C’ommentarîa in secundam Digestz‘ nom: par- tem, De captivis et pastlizninïo revenais ct rcde)nn~fis ab îwstibuv. 1 BONNOR, L’arbre des batailles, quatrième partie, ch. 3. 138 LA GUERRE. unanimement adoptée par les juristes. Une autre con- séquence, plus importante en un certain sens, était que toutes les guerres entre chrétiens étaient des guerres civiles ; du coup tombait le droit de butin ; théorie ingénieuse et qu’ Alciat met en honneur au XVI° siècle. « Hinoque videmus, dit—il, antiquissinza oonsuetudine intro- ducturn ut oapti Ziäert‘atern non amittant, sedprastita oiotori peounia oeniam reoedendi impetrent. Qua ratione etiam arbitrer oapta in leujusmodi ôello eapientium non flore‘, et id prasertirn in eo guod forum eonsoientiæ oocamus, Zieet t7zeoZogi oeZ pearaiohoyol potins quidam alii senserint, nisi ab lais capta sint qui libertatern suarn tuentur et injuste ab aligne tyranno oeaantur 1. » Le langage d’Alciat était irrévérencieux pour les théologiens qu’il accusait de ne débiter que des niaiseries. Peut-être est—ce la le motif qui pousse Belli à. attaquer si vivement la doctrine de l’illustre romaniste qu’il traite d’hérésie juridique: « N ooam oonatus est Ïzaresim induoere » 2 Entre chrétiens donc point de servitude, mais la captivité jusqu’au paiement d’une rançon. Belli est de cet avis. « Videmus sapissime fin7‘usrnodi oaptioos remanere Ziôeros, imponi tamen eis jugurn redemptionis .guanti passant aut quanta’ oonoenit et interim sunt apud eapientes jure pignoris. >> Il reconnaît cependant que « si notant se redirnere passant aa’ Ïz.oo compelti, quodfaoiunt milites etiarn per torrnenta. » ' Une situation identique se présente-telle pour les infidèles ? Non. Vis à vis d’eux le droit romainést en vigueur ; il y a servitude pour les prisonniers de guerre, 1 ALCIAT, De verborum significatione librz‘ quatuorLoi, 118, l—Iostes hi sunt. (2 BELLI, De re militari et de hello tractatus, deuxième partie,_tit. XVIII. LA GUERRE. 139 “ ilya aussi postliminie. Les chrétiens qui combattent avec les infidèles leur sont assimilés, mais s’ils sont faits prisonniers, ils ne peuvent être vendus qu’à. des chrétiens. Balde soutient que si Sarrasins et Barbares et toutes autres nations ealeræ se ‘font la guerre, il n’y a lieu ni à. droit de captivité, ni à droit de postliminie. Belli qui cite l’opinion de Balde la réfute : « Neqne enim eideo qniaî obslei gnominns eee genies cum sint Ziôem, jure et i]9sæ genlinm nlantnr quoi est perpeluam et perenne omnium sæcalornm. » - Suarez examine le cas des apostats et des hérétiques. Pour les chrétiens, il n’admet pas qu’ils deviennent esclaves, du moins dans la'règle, car dans certains cas le vainqueur peut punir de mort les vaincus coupables (noeenles) et partant les réduire en captivité. Le privilège introduit en faveur des chrétiens s’étend-il aux apostats, demande Suarez. Il répond que non, car, dit-il, ils nient le Christ et ne doivent point dès lors jouir du bénéfice des chrétiens, S’étend il aux hérétiques, demande-t-il encore ? Oui, car eux du moins confessent le Christ. Covarruvias avait soutenu le contraire; dans la guerre faite a des sujets qui ont apostasié, il n’y a pas selon lui de droit de captivité,‘ car iln’y a pas de véritable guerre mais bien exercice ‘de la juridiction ordinaire. Suarez lui oppose ce qui s’est fait dans la guerre de Grenade et invoque àcette occasion l’opinion d’Ayala disant que la guerre faite aux rebelles est des plus justes. 1 1 SUAREZ, Opus de trlpllcz‘ vlrtute theologz‘ca, fide, spe et charitate, in tres tractatus pro z‘psarum oirlutum numero dlstrz‘butum, De 0harilate, Disputatz‘0 13, de bello, section VII. 140 LA GUERRE. La pratique ne répondait pas toujours a la théorie et l’esclavage des prisonniers de guerre ne resta que trop longtemps en usage. Nous parlons des chrétiens. Quant aux infidèles, jusqu’au XVI° siècle les statuts des villes italiennes font mention d’esclaves rangés parmi les choses vendables et que l’on suppose être des prisonniers faits sur les Turcs. Le droit de rançon donna lieu à. de grands abus. D’après la théorie moderne, le prisonnier de guerre est prisonnier de l’État ; au moyen âge il est le prisonnier de celui à.qui il s’est rendu. Ce point est formellement inscrit dans les articles de guerre établis par Henri V d’Angleterre lors de l'invasion de France. 1 Ward rapporte d’après un auteur du XVIe siècle que le roi de France avait le privilège d’acquérir au prix de 10,000 écus tout prisonnier et il ajoute qu’il est assez curieux de constater que cette somme est précisément celle qu’Édouard III paya à Denis de Morbec pour Jean, roi de France, dont la rançon finit par produire 3,000,000 d’écus. Le Livre des faits d’armes et de chevalerie corrobore, semble—t—i1, les renseignements fournis par Ward ; il met en regard les anciens et les nouveaux usages de la guerre: « Autre‘ fois tout le butin appartenoit au roi, dit—il, maintenant ce qui dépasse leprix de 10,000 francs 2.» Mais déjà. sous Louis XI apparaît un revirement complet ; Réal cite un ordre donné par ce prince en 1479 aux termes duquel les 1WARD, qui écrit en I795, cite ces articles d’après un manuscrit de la Bibliothèque d’Inncr Temple. 2 Le livre des faits d’armes et de chevalerie, troisième partie, ch. 15. Manuscrit de la Bibliothèque royale de Bruxelles, n° 9009/11. LA GUERRE. 141 prisonniers devaient être mis au outin général afin qu’on songeât moins à.faire des prisonniers que lorsqu’on les faisait pour son compte particulier 1. Quiconque faisait un prisonnier avait le droit de lui donner la liberté moyennant rançon ou de refuser tout accommodement. Bonnor qui est absolument opposé à l’esclavagé des prisonniers de guerre et qui pense que c’est « tres grant inhumanité et treslaide chose de vendre son frère chrestien comme une beste,lequel est mis hors de servitude par le très précieux sang de notre benoît sauveur Jésus Christ », combat la théorie de la rançon.La coutume contraire prévalant, il s’incline, mais veut que du moins le capteur demande « finance raisonnable et courtoise. > On « ne peut depouiller completement le prisonnier non mie le desheri’cer, ne sa femme, ne ses enfans, ne ses amis ; car droit veult qu’ils ayent de quoy vivre apres ce qu’il aura payé ». Celui qui agit autrement « n’est pas gentil homme, mais est tirant et non courtois. 2» La rançon s’estimait dans la règle d’après le revenu annuel du prisonnier. On laissait même à celui—ci une année de liberté pour se procurer la somme exigée. On voit aussi s’opérer des transferts de droits à la rançon. Nous avons dit que le vainqueur pouvait refuser la liberté à son prisonnier. Enzio, fils naturel de Frédéric II et que celui—ci avait fait roi de Sardaigne, tomba au pouvoir des Bolonais. Ceux—ci refusèrent de lui donner la liberté, 1 RÉ“. DE CURBÀN, La science du gouvernement, t. V, p. 425. 2 Bo>moa, L'arbre des batailles, quatrième partie, ch. 47. 142 LA GUERRE. lui accordèrent les honneurs dus a son rang et le gar- dèrent jusqu’à. sa mort, c’est-à—dire pendant vingt quatre années. Charles d’Orléans fut fait prisonnier à Azincourt; il le resta trente années, les Anglais ne voulant le mettre à.rançon que lors de la paix générale ; à. un moment donné, l’entretien du prince fut mis en adjudication publique et au rabais 1. Froissart nous montre le captal de Buch amené à. Paris et « mis en la Tour du Temple et là. bien gardé.» A diverses reprises, le roi d’Angleterre offrit d’autres prisonniers en échange, mais « le roi de France n’en vouloit rien faire, car il sentoit le captal de Buch trop durement un bon capitaine de gens d’armes et un grand guerrier 2. » Le captif mourut au bout de cinq années d’étroite garde. Le sort des prisonniers était parfois terrible. Des chefs ennemis sont enfermés dans une cage. 3 Bonnor croit encore devoir examiner «se ung homme selon l’usage et les loix de maintenant pourroit occir son prisonnier à. sa volonté >. Il pense qu’il le peut pendant la bataille, mais que « s’il le menoit en son hôtel et sans aultre raison le vouloit tuer, il ne le pourroit. » « Aussi, ajoute-t-il, droit escript permet que sitost que ung hofnfiÏe s’est rendu et est prisonnier, miséricorde lui doit estre impartie, sinon toutefois que l’on dentast qu’il eschappast dont plus grant guerre, domaige ou meschief en peut advenir 4. » Il est vrai qu’à. côté de ces faits, il en est 1 LAURE‘N'I‘, Études sur l’hz‘stoire del’humam‘té,t.X,/es natlonalités,p.3ô7. 2 Fnorssmr, Chroniques, L. I, deuxième partie, ch. 388. 3 CIBRARIO, Économie politique au moyen âge. t. X, p. 217. 4 BONNOR, L’arbre des batailles, quatrième partie, ch. 46. LA GUERRE. 143 d’autres qui jettent un certain éclat et déposent en faveur de la chevalerie. Plus d’une page des chroniques du moyen âge nous montre une parfaite courtoisie et des sentiments de réelle humanité.Froissart raconte l’histoire du jeune comte de Saint-P0] qui,fait prisonnier et donné à Édouard III, fut « reçu sur sa foi de aller et venir parmi le châtel de Windesor où en ce temps se tenoit la mère du roi Richard et sa fille,madame Mahault,la plus belle dame d’Angleterre. » « Le comte de Saint—Pol et cette dame, dit le chroniqueur, s’entraimèrent loyaument et enamou- rèrent l’un l’autre, et étoient ensembleà la fois en dances et en carolles et en esbatemens,tant que on s’en aperçut ; et s’en découvrit la dame qui aimoit le comte de Saint—P01 ardemment, à. madame sa mère. Si fut adoncques traité un mariage entre le comte de Saint—Fol et madame Mahault de Holand et fut mis le comte finance à. six vingt mille francs, desquels quand il auroit épousé la dame, on luirabattroit soixante mille. 1 » Si le traitement des prisonniers de marque était parfois très dur, on s’imagine quel devait être celui qui était réservé à. la masse. Le captif était littéralement considéré comme la chose de celui qui l’avait pris et les cas ne sont nullement rares où les prisonniers sont froidement mis à. mort, ou vendus ou bien encore condamnés à de rudes travaux. A la suite d’une bataille, les Anglais et les Por- tugais craignant que leurs prisonniers ne se tournent contre eux,prennent la résolution de les tuer. « Si ordon- nèrent tantôt un piteux fait, car il fut commandé que’ quiconque avoit un prisonnier que tantôt il l’occît et que 1 FROISSAR’I‘, Chroniques, L. 11, ch. 46. 144 LA GUERRE. nul n’y fût excepté, ni dissimulé, comme vaillant, comme puissant, comme noble, comme gentil, ni comme riche qu’il fût. Là, furent barons, chevaliers et écuyers qui pris étoient, en dur parti : ni prière n’y valoit rien qu’ils ne fussent morts lesquels étoient épars en plusieurs lieux çà et la et tous désarmés et cuidoient être sauvés, mais non furent. Donc au voir dire, ce fut grand pitié, car chacun occioit le sien, et qui occire ne le vouloit on lui occioit entre les mains, et disoient Portingalais et Anglais qui donnèrent ce conseil : Il vaut mieux occire que être occis. Si nous ne les occions, ils se ‘délivre- ront, et puis nous occiront, car nul ne doit avoir fiance en son ennemi » Et Froissart trouve pour toute réflexion ces mots : « Or, regardez la grand mésaventure, car ils occirent bien ce samedi au soir de leurs prisonniers dont ils eussent en quatre cent mille francs, l’un parmi l’autre. » 1 Encore au XVII° siècle, les traités doivent stipuler qu’en cas de guerre les prisonniers ne seront plus conduits aux galères. L’usage d’échanger les prisonniers date de cette époque et l'on peut attribuer cette pratique humaine aux Provinces—Unies. 2 Un usage particulier s’introduistt au moyen âge ; quand au milieu d’une bataille, l’on pouvait craindre que le prisonnier ne fût délivré par ses compagnons d’armes, on lui faisait contracter l’engagement que recous ou non recous il demeurerait prisonnier du capteur. 3 1 FROISSART, Chroniques, L. III, ch. 20. 2 BYNKERSHOEK, Quœstz’ones jurts publiez‘, L. 1, ch. III. 3 WARD, Enquz‘ry into the foundation and history of the law 0/‘ nations in Europe, t. Il p. 213. LA GUERRE. 145 . Un'autre usage était celui de la liberté sur parole ou moyennant dation-d’otage ou à. la suite d’engagen’nents contractés. Le prisonnier qui a recouvré la liberté dans ces conditions est-il véritablement libre? Les auteurs discutent laquestion. Balde admet que le prisonnier se considère comme libéré, si l’exécution de la promesse ou de la convention devait entraîner un péril sérieux, « gnia etiam per clolarn licet oitce eonsalere. » Paris du Puy enseigne que le prince ‘ne peut relever de la promesse de retourner en prison : « En ipsojaregentinm et belli con- renit ntjara lelliserventur et princeps gai bellarn sascepit obligat tant se gaam suas. » Belli énonce des idées tout opposées. Selon lui, les promesses faites au préjudice de l’État n’obligent pas. Il cite un exemple. Lors de la prise de Carïgnan par les Français, ceux-ci exigèrent de Oolonna et des soldats allemands et espagnols qui s'étaient rendus, la promesse de ne pas servir l’empe— reur pendant toute la durée de guerre. Ce serment est ' nul, dit Belli, car la dette de fidélité envers le souverain prime tout'autre engagement 1. Albéric Gentil énonce une doctrine identique : « Sedille rai/n‘ certas est cas-as si promissnm qnicl est contra publicum ant militare jas, at non sil sernanda promissio. » 2 Dans les siècles de chevalerie, la parole ainsi donnée est généralement observée. Fr0issart fait connaître la conduite observée par le duc de Gueldre qui, fait prison- nier et ensuite délivré par les chevaliers teutoniques s’en alla néanmoins se remettre enla puissance de l’écuyer 1 BELLI, De :*e militarz‘ et dejure bellz‘ tractatus, quatrième partie,tit.VllI. 2 ALBÉRIC GENTIL, De jure bell2‘, L. I], ch. XI, 146 LA GUERRE. qui l’avait capturé et envers lequel il avait « fiancé prison par foi, obligation et serment. ‘ » Le même auteur nous a transmis un cas de violation de promesse qui mérite d’être signalé. Les fameuses Com- pagnies qui désolèrent si longtemps la France et le midi de l’Europe, avaient mis des chevaliers en liberté sous promesse de payer rançon. Le pape Urbain V « qui tant hayoit ces manières de gens que plus ne pouvoit et les avoit dès grand temps excommuniés pour leurs .vilains faits » défendit de payer les rançons et accorda dispense. 2 C’était un usage fréquent de donner des otages en garantie d’une convention. Celui qui donne des otages engage—t—il leur vie ou uniquement leur liberté ? En d’autres mots, si la convention n’est pas exécutée, Potage peut-il être mis à. mort? Dans le fait, fréquemment Potage payait de son existence la violation de la convention. En théorie, l’opinion la plus générale était que la liberté de Potage est seule engagée. L’otage devient-il esclave ?La question est posée par quel- ques commentateurs. Ange de Ubaldis distingue : « Aut dantur obsides a oere leastibus qnales sunt nobis Tarse, et‘ servi fiant ; aut inter improprie Ïwstes, prout ouvn 0Æristiani inoioern belligerant, et tune non fiant seroi 3. » Entre chré- tiens, les otages sont assimilés aux prisonniers. La plupart des auteurs examinent le point de savoir 1 FROISSART, Chroniques, L. 111, ch. 183. 2 Le même, même ouvrage, L. 1, première partie, ch, 210. 3 BELLI, De re militarz‘ et de bello tractatus, onzième partie. LA GUERRE. 147 si le chef ennemi, fait prisonnier, peut être mis à mort. Le sort de Conradin est généralement rappelé. On sait comment le dernier représentant de la race héroïque des Hohenstaufen tomba au pouvoir de Charles d’Anjou a qui le pape avait donné l’investiture du royaume de la Pouille et de la Sicile. Charles garda près d’un an Conradin et les principaux de ses compagnons d’armes. « Il souhaitait leur mort, dit Burigny, mais pour ne pas se charger de la haine de leur supplice, il voulut y observer des formalités. Il manda à Naples deux syndics de chaque ville de la Terre de Labour et de la princi- pauté de la Pouille etil les consulta pour savoir ce que le droit de la guerre permettait à l’égard des captifs. Les avis furent partagés, mais le plus grand nombre cher- chant a faire sa cour au roi décida que Conradin et ses complices étaient crimmels de lèse-majesté, ennemis de l’Êglise, perturbateurs du repos public. 1 » Le procès fut instruit et parfait devant Robert de Bari, protonotaire du royaume qui rendit la sentence de mort. Charles, dit-on, -— mais ce point n’est pas éclairci —— avait demandé l’avis de Clément IV et le pontife, ennemi mortel de Conradin, avait répondu par ces paroles effrayantes dans leur concision : << Vita Ûonradini, mors O’aroli. Mors Conradini, cita Oaroli. » 2 L’exécution eut lieu, mais une protestation se fit entendre. Un jurisconsulte illustre, Gui de Suzaria, le maître de Gui de Baysio (Are/zidiaconns) et de Jacques de Arena, éleva la voix. « Il soutint, dit Burigny, que c’était avoir violé les lois de la guerre et le droit des 1 BURIGNY, Histoire générale de Sicile, t. II, p. 173. 2 GIANNONE, H istoz‘re civile du royaume de Naples, t. II, ‘702. 148 . LA GUERRE. gens que d’avoir fait mourir ainsi Conradin. >> 1' Les autres auteurs sont moins formels, Bonnor examine la question en général. c: Se le duc de la bataille est prins, se l’on doit avoir de luy merchy et luy pardonner, » porte l’intitulé d’un de ses chapitres. La réponse est négative: « Car raison naturelle nous enseigne comment une chose contraire a une autre occira a son povoir celle quy luy est contraire. » Le droit civil et le droit canon confirment,selon Bonnor,cet enseignement de la raison naturelle. Mais l’obligation de pardonner naît lorsque la clémence ne peut entraîner aucun inconvé- . nient.Dans l’hypothèse contraire,on peut cependant‘ ne pas « avoir merchy. » « Le bon roi de Naples, dit Bonnor, fist par sentence morir Conradus, car il luy fist trenchier le chief pource que ceux du conseil disoient que s’il eschap- p0it, la guerre ne seroit mie encore finie ne la paix ne seroit jamais au royaulme tant que celluy Conradus vivroit. Toutesî‘ois selon droits de loix puisqu’un homme est prins celui quy le prent en peut faire à sa volonté et par les loix dessusdites .2 » Martin Garat et Belli citent le supplice de Conradin sans le commenter autrement. Albéric Gentil décide qu’il n’est pas conforme au droit de mettre à. mort le chef ennemi a moins de raisons spé- ciales. « E’ t dieimus non esse justum ut ducesjustarum Ïwstium capti interficiantur : nisi causa speciates cadem protent. » Il invoque plusieurs exemples de générosité rapportés par l’histoireet ajoute: « Probare nec perpetuas carceres passumus, si oictorpotestfirmitati partæ oictoriæ consutere 1 BURIGNY, Histoire générale de Sicz‘le, t. II, p. 174 2 BONNOR, L'arbre des batailles, quatrième partie, ch. l3. LA GUERRE. 149 aliter. Hic enimfinis est victoria, eaposse frai. Et intelli— gentar carceres perpetai si climittendas gais non sit nisi per intoleraäile pretiam aat aliter inigaas conditiones. >> La raison d’État dont les compatriotes de Gentil s’étaient con- stitués les défenseurs éloquents et habiles domine donc, d’après celui—ci toute la matière. Dans le sort réservé à Oonradin, il critique la forme plus que le fond ; ce qu’il désapprouve c'est que prisonnier de guerre, le jeune roi ait été traité comme un criminel ; quant au fait même, il le j ustifie par des considérations politiques : « Nec aidera‘ dabiarn notait gain oictaras faissct intatissimas Ûarolas, si Oonradinas oiaisset. Sant cairn Neapolitani semper Italoram omniam maxime capidi rerarn novaram et mata- tionnm appez’cntiæimi, at pradenrfes ltistorici contestantar. 1» Il convient de se rappeler qu’uneautre cause célèbre venait d’être jugée très peu auparavant, en Angleterre même où Gentil écrivait ces lignes. Marie Stuart avait été con- damnée âmort et dahslecours du procès, le cas de Conra- din avait été invoqué par les ennemis de la malheureuse reine pour justifier une sentence capitale. Aux yeux des Romains les peuples étrangers étaient sans capacitéjuridique ; à la vérité les traités pouvaient modifier cette situation, mais la guerre avait pour effet de la rétablir. Il s’ensuivait que tout ce qui était trouvé chez les ennemis était'considéré comme chose sans maître et acquis par Occupation. Les immeubles étaient occupés pour le compte de la république ; les objets mobiliers devaient être remis au questeur qui représen- 1 ALBËRIC GENTIL, De jure bellz‘, L. 111, ch. VIH, De ducz‘bus fiostz‘um captis. . . 19 150 LA GUERRE. tait l’État et qui en disposait soit en' les vendant et en partageant le produit, soit en les attribuant au trésor ou aux chefs ou bien encore aux soldats. Les Peuples germaniques introduisirent le partage des terres entre vainqueurs et vaincus, mais le mouve- ment de migration une fois arrêté, on constate que le droit des particuliers à. leurs immeubles demeure géné- ralement intact et que le butin se limite aux biens mobi- liers. Dans la règle, les objets capturés sont réunis après la victoire et distribués aux troupes par la voie du sort ; le chef est mis sur le même pied que ses infé- rieurs. Parfois cependant le butin est directement acquis à. celui qui le fait. Albéric de Rosate examine la question : « Sert numquid bona guoe auferuntur 7zostiius in belle justo eficiantur accipientium, dio quod sic. . . . Sunt tarnen illa bona quœ capiuntur in belto prasentanda duoi belli qui postea inter milites qui fuerunt in belle distribuit pro qualitate personarum. . . Et Ïzoc etiarn de oonsuetudine seroatur in bellis modernis Zioet oomrnuniter sint injusta. Et talem contributionem ooeant buttinum. » 1 Bartole enseigne la même théorie. Il est à remarquer que le sommaire des commentaires de Bartole, œuvre de ses éditeurs, ne reproduit pas exactement la théorie- du maître. « Oapta in belto Zieito ej’ioiuntur oapientium si sunt mobilia ;irnrnoôilia efiïoiuntuflieipuilica indieentis,» ditle sommaire. « Etiarn mobilia dotent puôlioari, porte le texte, efieiuntur oapientis : tarnen tenetur ea assignare duei belle‘ qui postea distribuit inter milz‘tes seoundum 1 ALBÉ‘RIC DE ROSA’1‘E, Super prima parte Digestz‘ vetgris, De statu horn in? un . LA GUERRE. 151 merita. . . Vicia pralin, res omnes acsignantnr et ooeantnr el botino'et postea oendantnr et distribnnntnr inter milites.» La différence est.importante. D’après le sommaire, le butin devient la propriété de celui qui le fait ; d’après le texte, le chef de l’armée le distribue. Les auteurs du sommaire auront été égarés par la pratique de leur époque, car l’on constate que peu a l’usage s’in- troduit de considérer la propriété de la prise comme acquise à celui fqui s’en empare. Balde et Lignano sont de l’avis d’Albéric de Rosate et de Bartole et encore au XVIe siècle, Arias dit en termes exprès: « Bona efioinntnr capientinm si snnt mobilia qnia alia pnblieantnn. Licet ad commune poni et assignari deôeant capitaneo nt triônat oniqne secnndnm merita. » Barthélemy de Saliceto, contemporain de Balde, avait établi une distinction: le butin acquis sans combat appartenait, selon lui, au capteur ; le butin conquis a la suite d’une bataille devait être divisé. Damhouder qui écrit, comme il nous le fait savoir, en 1570 déclare dans les pages intéressantes qu’il consacre à. la guerre, que la coutume est d’aban- donner le butin aux soldats. 1 Mais nous voyons cepen- dant Ayala s’attacher à la doctrine des commentateurs et invoquer l’exemple de l’Espagne. << Là, dit—il, la part du roi dans le butin est du cinquième, celle du chef de l’armée du septième ou bien du dixième ; le reste appartient aux soldats. » Dans certains pays l’attribution du butin rentre même dans la compétence d’une judicature spéciale. En Angle- terre existe la carie militaris qui se tient devant le 1 Jossn DE DAMl—IOUDER, Praæz‘s rermn criminalz‘um, ch. 82, n° 10. 152 ' LA GUERRE. connétable et devant le maréchal et décide en matière de butin et de rançon. 1 Une disposition de l’édit du 15 mai 1587 par lequel Alexandre Farnèse réorganisa la justice militaire dans les Pays-Bas confiait à. l’auditeur général toutes les affaires de butin. Celui—ci n’était de bonne prise que lorsque l’auditeur général l’avait déclaré tel et ce fonctionnaire en retenait le vingtième et même le dixième, s’il y avait procès et qu’il devait instruire etjuger. 2 ‘ Une question importante était celle de savoir a quel moment le propriétaire de la chose capturée est dépouillé de tout droit a cette chose.Elle acquérait un grand intérêt pratique quand le butin était repris et quand se pré— sentait l’application de la règle sur le postliminie dont la notion, observons—le, avait reçu depuis le droit romain une certaine extension. Le droit romain avait posé comme principe que les prisonniers de ‘guerre ne redevenaient libres et ne restaient citoyens que lorsqu’ils s’évadaient avant d’avoir été menés par l’ennemi en lieu sûr, intra præsidid, et le Consulat de la mer statuait dans le même sens au sujet des prises maritimes. Une règle difi‘érenté prévalut néanmoins en matière de butin. Plusieurs com— mentateurs enseignent que la propriété n’est acquise qu’après une détention de vingt quatre heures et citent l’expression des gens de guerre « quart præda nunquam‘ perfectefaczfla est sua, nisi in eorum manu pernoctaoem’t, ». D’autres s’en tiennent au principe romain qu’ils trouvent plus rationnel. Il est à. remarquer que les 1 E. Nvs, La guerre maritime, p. 120. 2 DEFACQZ, Ancien droit belgi'que, t I, p. 82. LA GUERRE. 153 auteurs du XVIIe siècle font dériver la maxime qui exige une détention de vingt—quatre heures des anciennes lois des Lombards,qui déterminaiemt par ce laps de temps le moment où l’on pouvait sans commettre de faute s’emparer d'une bête blessée par quelque autre personne. Quoiqu’il en soit, l'usage s’implanta et l’on constate ce fait curieux qu’en 1595, la ville de Lierre ayant été prise par les Hollandais et reprise le même jour par Espagnols, le butin fait sur les habitants leur fut rendu parce qu’il n’avait pas été pendant vingt—quatre heures entre les mains de l’ennemi. CHAPITRE III. Les précurseurs de Grotius. Dans ses Prolo‘yome‘nea, Grotius indique lui—même les sources de son immortel traité. « Personne n'a traité le sujet du droit de la guerre tout entier, dit-il, et ceux qui en ont manié quelque partie ont laissé beaucoup a faire après eux. » « Ceux qui dans les derniers siècles ont fait des sommes de cas de conscience, ajoute—t—il, traitent a la vérité de la guerre, des promesses, du serment, des re- présailles, mais ils ne font qu’efiieurer les matières, :» L’illustre écrivain cite quelques Ouvrages spéciaux, composés « les uns par des théologiens, comme ceux de François de Victoria, d’Henri de Gorcum, de Guillaume Mathieu, de Jean de Carthagena ; les autres par des jurisconsultes, comme ceux de Jean Lopez, de François LES PRÉCURSEURS DE GROTIUS. 155 Arias, de Jean. de Lignano, de Martin de Lodi. » « Mais, continue-t-il, tous ces auteurs ont dit très peu de chose sur un si riche sujet et la plupart le traitent avec si peu d’ordre et d’exactitude qu’ils brouillent et confondent tout, le droit naturel, le droit divin, le droit des gens, le droit civil, le droit canon ; ils ne distinguent point les choses qui viennent de sources si différentes 1 >>. Ce qui leur a manqué le plus, c’est la connaissance de l’histoire. Grotius reconnaît cependant que Pierre du Faur de Saint Jorri a tâché de suppléer à cette lacune dans quelques chapitres de ses Semestres et que deux autres écrivains se sont proposé le même but et avec plus d’étendue ont rapporté à. quelques définitions et à quelques maximes générales les exemples qu’ils réunissaient. « Je veux dire, poursuit-il, Balthazar Ayala et Albéric Gentil, sur- tout le dernier, du travail de qui j’avoue que j’ai tiré quelque secours, comme je crois que d’autres pourront en profiter. » Outre ces indications, Grotius fournit quelques ren- seignements généraux et il désigne parmi les auteurs qu’il a consultés pour le droit naturel et pour le droit des gens, les écrivains de l’antiquité classique, les Pères de l’Église, les scolastiques «qui montrent souvent beaucoup de génie » et les jurisconsultes qui se sont attachés à. l’étude du droit romain. Ceux—ci se divisent en trois classes : les jurisconsultes qui figurent dans les collec- tions justinianéennes ; Irnerius et ses successeurs, «tels que Accurse, Bartole et un grand nombre d’autres qui ontrégné pendant longtemps dansle barreau;» enfin, ceux 1 GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paire, traduction de BARBEYRAC, Protégomènes, n° 37 et suivants. 156 LES PRÈOURSEURS DE GROTIÜS. qui ont joint la connaissance des belles—lettres avec l'étude du droit. Grotius fait allusion à Alciat et à. ses disciples ; il cite aussi les noms de Covarruvias, de Vas—I quez, de Bodin et d'Hotman 1. / Parmi tous ces écrivains, il en est un dont on n'a pu reconstituer la biographie‘ ; c'est Wilhelmus Mathæî, Guillaume Mathieu ou Mathison, suivant l'un des traduc- teurs du livre de Grotius. «Je nesais qui il est ni de quelle. nation, » dit Barbeyrac‘DNotons cependant que Grotius le cite dans le cours de son ouvrage comme l’auteur d'un traité De bette juste et licitäiIl est aussi d’autres écrivains que nous ne mentionnerons ici que parce que Grotius les nomme ; tels sont, par exemple, Henri de Gorcum et Jean de Carthagena. /-" Nous avons déjà dit que l'illustre publiciste passe sous silence plus d'un de ses devanciers. Certes, il y aurait de \ l’injustice à. attribuer cette lacune a quelque sentiment bas et mesquin. La cause doit en être recherchée dans les' circonstances au milieu desquelles Le droit de la guerre et de la paie: fut composé et qui permettent d'affirmer que notre auteur n'eut pas a sa portée la plupart des ouvra— ges consacrés à. la matière. N icolas de Peyresc. conseil- ler au Parlement d'Aix, l'ami et le soutien de tous les grands esprits de l'époque, engagea Grotius a faire un travail sur le droit commun a tous les peuples. 2 L’idée 1 GRO’I‘IUS, Le droit de la guerre et de la paior, traduction de BARBEYRAC, Protégomênes, n. 47 et suivants. ‘2 Le même, même ouvrage, traduction de BARBEYRAC, préface. BURIGNY, Vie de Grotius. Sir TRAVERS TWISS, T wo introductory lectures on the science ofinter- national law, p. 14. LES PRÉCU EURS DE GROTIUS. 157 paraît même avoir été suggérée par Bacon. C’est dans la maison de campagne du président de Mesmes, non loin de Senlis, que Grotius, qui venait à. peine de s’échapper de prison se mit à. l'œuvre. Le secours d’une vaste bibliothèque lui manquait,les livres qu’il avait réunis en Hollande avaient été presque tous confisqués et il dut se contenter des ouvrages que lui confia le fils de l’historien de Thon. Si l’on tient compte de ces faits on doit s’éton- mer de l'érudition prodigieuse dont le livre témoigne. Il serait superflu de reproduire ici les notices des décrétistes et des civilistes qui se sont rencontrés dans les pages précédentes. Nous nous contenterons de renvoyer à l’Histoire du droit romain au moyen âge de Savigny, à l’Introdaction historique aa droit romain de M. A. Rivier et à l’ouvrage de M. de Schulte, Die Gescfiicfite der Qaellen and Literatar des Oananisci’zen Recltes. Nous nous bornercns àretracer la biographie des écrivains qui se sont plus spécialement attachés à l’étude du droit de la guerre et des questions qui relèvent de ce droit. Même dans ce travail, force nous est de nous borner. Dans sa Literatar des gesammten sonofil natilrlicfien als positioen VäZ/ëerrecfits, Omptedafl donne une nomenclature assez étendue d’écrits sur la ' guerre antérieurs à Grotius qui, suivant la remarque qu’il fait, apportent peu d’éc1aim1ssements à la matière et sont généralement copiés les uns sur les autres. Nous renvoyons à son excellent livre. 158 LES PRÉCURSEURS DE GROTIUS. Jean de Lignano. + 1383. Il naquit, dit—on, à. Milan, et fit, selon toutes les proba- bilités, ses études à. Bologne. Dès 1358, on le voit professeur de droit romain et avocat en cette dernière ville. En 1364, il enseigne le droit canon. En 1376, Bologne à l’instigation de Florence se souleva contre la domination papale. L’année suivante, le parti opposé à l’infiuence des Florentins Payant emporté,Bologne envoya demander une trêve à Grégoire XI. Lignano fit fit partie de la députation. Le pape saisit avec empresse— ment l’occasion qui lui était fournie de regagner Bologne et posa Seulement comme condition qu’un vicaire ponti- fical in temporalibus serait admis dans la ville. La condi- tion fut acceptée et Grégoire XI désigna comme vicaire pontifical l’un des ambassadeurs de Bologne, Lignano. Celui-ci s’acquitta de sa charge à. la satisfaction générale et Bologne lui conféra ainsi qu’à. ses descendants le droit de cité. Jean de Lignano s’occupa a la fois de droit, de théologie, de philosophie, de morale et d’astrologie. Sa réputation était grande. Un fait le prouve. Au début du grand schisme d’Occident, Balde avait fait une consulta— tion pour établir les droits d’Urbain VI. Deux années plus tard, le pape demanda une nouvelle consultation, et a cet effet, il fit venir à. Rome Balde et Jean de Lignano. Ceci se passait en 1380. Lignano mourut à. Bologne, le 16 février 1383. Outre de nombreux écrits, il a laissé le traité De Belle, composé LES PRÉCURSEURS DE GROTIUS. 159 vers 1360, imprimé en 1515 et inséré par Ziletti dans sa précieuse collection au tome XVI, folio 371 a folio 384. Les derniers chapitres traitent des représailles. Honoré Bonnor. Deuxième moitié du XIV6 siècle. Honoré Bonnor ou Bonnet, docteur en décret, membre de l’ordre des Augustins, prieur de Salon en Provence, vivait vers la fin du XIV’ siècle. ‘ Dans l’Histoire littéraire de la France au quatorzième siècle, M. Le Clerc cite de lui l’Apparieion de maistre J eloan de Mean composée pour le duc et pour la duchesse d’Or— léans, ouvrage où il fait l'apologie de la duchesse. Le traité que Bonnor consacre à. notre science est l’Arbre des batailles. A ' Nous avons fait connaître comment l’auteur justifie le ' titre singulier qu’il a choisi. Dans une des rares éditions du livre et dans quelques manuscrits figure l’arbre dont parle Bonnor. Dans les branches supérieures de gauche se trouvent deux papes qui se battent et représentent « la grant discort sur le saint siège» — le schisme d’Occident avait commencé en 1378 ; —- un peu plus à. droite on voit un empereur et un roi également en lutte ; dans les branches inférieures bataillent des chevaliers et des bourgeois. Au dessus de l’arbre apparaît Dieu le Père entouré d'anges précipitant dans l’enfer les anges rebelles. Il est assez facile de restituer la date de la composition il‘ 160 LES PRÉCURSEURS DE GROTIÙS. de l'Arbre des ôatailles. L'ouvrage est dédié au roy Charles VI en celluy nom tresbien amé et par tout le ' monde redoubte » .Charles VI monta sur le trône en 1380; sa folie commença en 1392. Il est permis déjà de conclure que le traité est antérieur à cette dernière date. Mais une dissertation de Bonnor sur l'adoption de Louis d'Anjou par Jeanne de Naples permet de préciser davan- tage. Notre auteur examine longuement dans le cent et neuvième chapitre de la quatrième partie « se la royne Jehenne de Naples a peu afifillier le roy Loys. » Il résout affirmativement la question et après avoir énuméré les motifs de droit et de fait qui militent en faveur de son opinion il termine par ces mots : « Et pour ce je tiens estre tout certain que la succession du roy Loys a esté sainte et juste Si n’est mie féal a sa seigr‘10urie quy- Conque a ses hoirs contredict, mais se meffait grande- ment, je ne m'en d0ubte pas. » L’adoption de Louis d'Anjou par la reine de Naples remontait a 1380 ; le prince français était parti, en 1382, pour conquérir son royaume sur Charles de Duras et dans l'automne de 1384, il avait trouvé la mort a Bari. C'est donc pendant la minorité de Louis II que Bonnor écrivait ; la grande lutte entre les nobles et les communautés de Provence dont il parle à. plusieurs reprises, est la guerre qui éclata contre la régente, Marie de Blois et prit fin en 1387, et dont Bonnor n’exagère pas le caractère violent, si l’on en croit l'historien de Provence, César Nostredame. «Alors, écrit ce dernier à la date de 1387, quelques chapitres de paixisont arrêtés en Provence entre la royne Marie et les communautez d'Aix, de Marseille, Tarascon, Draguignan et autres villes de la province, > LES PRÉCURSEURS DE GROT1US. 161 après, toutefois grande efi‘usïoh de sang humain, infinis ' brûlements de villes, renversements de châteaux, places et forteresses désolées de fond en comble, violences et destructions d’églises, profanations d’autels, pollutions de sanctuaires, rapines et larçins de choses sacrées,ravis— sements de femmes, veuves et vestales, vengeances san- guinaires et diaboliques, rançonnements cruels, meurtres horribles, homicides ordinaires et mille autres maux exécrables et sans nombre 1. ‘» Chose assez curieuse, Bonnor ne figure pas dans le livre de César Nostredame, mais celui-ci reproduit ' presque textuellement le chapitre consacré à l’adoption ' de Louis d’Anjou, ‘qui, dit—il, est l’œuvre d’un ancien docteur lequel « à son parler fait assez clairement voir qu’il estait du royaume de Naples 2. » Nous avons indiqué la division du livre. _ . La première partie retrace les tribulations de l’Église, avant et depuis Jésus-Christ ; elle comprend douze chapitres. Dans le neuvième chapitre, Bonnor rapporte fort sérieusement la fable de la papesse Jeanne. « An— coureS en cestuy grant espace de temps advint que apres la mort de monseigneur Leon pape quart en celluy nom, une femme fut elevée ‘pour estre pape non pas que l’on penSat qu’elle fust femme. Laquelle etoit native des parties d’Angleterre : ne fut—ce. pas donc grant douleur d’avoir en sainte Eglise une femme pour pape? » ~ . La deuxième partie traite, en dix—huit chapitres, de la destruction et des tribulations des quatre‘ royaumes «quy 1 CÉSAR DE NOSTRADAMUS, L’hz‘stoi7*e et chronique de Provence, 10. 495. 2 Le même, même ouvrage, p. 454. 162 LES PRÉCURSEURS DE GROTIUS. jadis furent. » Ce sont ceux de Babylone,de Carthage, de Macédoine et de Rome. . La troisième partie s'occupe des batailles en général, et compte huit chapitres. La quatrième et dernière partie est consacrée aux batailles « en especial » et a cent trente six chapitres. L’auteur examine notamment l’origine de la guerre, la légitimité de la guerre contre les infidèles, les droits de l’empereur, du pape et des rois au sujet de la guerre, les questions relatives aux gages des gens d’armes, au butin età. la rançon, les pratiques de la guerre, le droit de marque, les qualités d’un bon empereur, d’un bon roi et d'un bon chevalier. A la fin de son traité, Bonnor annonce un autre travail : «Car se Dieu plaist etje ay le loisir, le temps viendra que je escripveray aucunes choses sur les contenanches que toutes personnes soit ecclésiastiques, soit séculières, soient hommes ou femmes, doient avoir selon leur office et selon leurs dignitez, selon la sainte escripture et son escript. » On cite quelques éditions de l’Arbre des batailles ; l’une semble remonter à. 1477 et avoir été imprimée à. Lyon; d’autres éditions ont paru a Lyon, en 1481, a Paris en 1493, 1495 etc. Au siècle dernier, l’abbé Sallier ' apublié sur une des anciennes éditions du livre une note intéressante dans le tome XVIlI de l’Histoire de l’Acade’rnie royale des inscriptions et belles-lettres (1753). Il en appert que dans l’édition de 1493 l’ouvrage est dédié non à. Charles VI mais à. Charles VIII. Le fait est assez étonnant. L’abbé Sallier dit que la fiatterie inspira cette petite supercherie. En effet, un passage de Bonnor est LES PRÉCURSEURS DE GROTIUS. 163 particulièrement élogieux, pour la maison royale de France. Notre auteur parle de clercs qui « bien pen- saient entendre les prophecies anciennes et deviserent jadis des maux présents, et si en dirent une de la tres haute lignée de France, c’est assavoir que d’icelle doit saillir un, par lequel les remèdes seront donnés au siècle traveillie et mis en grande pest‘ilence : il faut que fassiés par telle manière que les prophecies qui se treuvent ecrites de votre digne personne soient vérifiées par vos bonnes œuvres.» L’éditeur de 1493 espérait-t-il faire sa cour au roi en lui adressant l’appel chaleureux qu’un siècle auparavant le noble prieur de Salon avait adressé au jeune Charles VI? Henri de Gorcum. XVe siècle. Henri de Gorcum (Henricas Gorricfiem,) originaire de Gorcum, docteur en théologie, vice—chancelier de l’uni- versité de Cologne, suivant la plupart des auteurs, est renseigné comme chanoine de sainte Ursule et recteur pour 1420 dans la liste des recteurs de cette université‘. Henri de Gorcum a laissé plusieurs traités notamment: C’onclasiones in 1 V libros sententiaram ; De saperstitiosis qnilasdam casibas sen de ceremoniis, réimprimé dans le Malleas maleficaram (Lyon, 1669). -— De festoram celeôra- tione contra Hassitas et Bofiemos. —— De paella Aarelia- nense. —— De morio conjarandi Dæmones. — De belle jastq. 1 F. Dl‘. BIANCO, Î}ie alte Üm'rersll‘a't 5612?, p. 823. 164 LES PRÉCURSEURS DE GRO’I‘IUS. Martin Garat de Lodi, Martinus Laudensls. Première moitié du XVe siècle. Martin Garat (Martinus Garat-us ou Garratus, ou Gaza— tus, ou de Gariatis, ou encore O’arcetus) surnommé Lauden— sis de Lodi, sa ville natale, vécut vers le milieu du XV° siècle. Il enseigna le droit a Pavie dès 1438 et à Sienne dès 1445 et écrivit sur le droit public, le droit civil, le droit canon et le droit pénal. Ses principaux écrits sont :- C’ommentarii ad feuda. —— Tractatus de privitegiz’s. — Libel- lus de rescripto. —— Libri duo de cardinatüus— De dignitate —— Casas guibus Pontifeæ non dispensat. ———- De principibus eorumque Zegatis et consiZiariis.—' De confædemtionemaae et _ concentioniôus principum. -— De oficiaZibus, de casteflanis, castris etmiZite. —-— De tcZto. — De repressatiis. —— De pri— mogenitura —— De Zegitimatione. —— De seroitutibus. —— De monetis —- De jure fisci, etc.. Plusieurs de ces traités sont réimprimés par Ziletti. Garat procède de Bartole et de Balde qu’il cite à. chaque instant. La forme de ses traités est assez curieuse : ils se composent d’une série de propositions qui fréquemment sont sans lien aucun. Tous sont, du reste, fort courts. Paris du Puy, Paris a. Puteo. + 1493. Paris du Puy était natif de Pimonte dans leduché d'Amalfi. Il étudia le droit àNaples, Rome, Pavie, Bologne, LES PRÉCURSEURS DE GROTIUS. l65 Pérouse. De retour à. Naples il fut chargé de l’éducation du prince Ferdinand, fils du roi Alphonse. A l’avène— ment de Ferdinand, en 1458, Paris du Puy devint le conseiller habituel de ce monarque. Il mourut en 1493. C’était un grand jurisconsulte, très versé dans la matière ardue des fiefs. Giannone rapporte que l’usage des duels apporté dans le royaume de Naples par les Lombards était fort répandu. « Il n’y avait, ajoute-t—il, aucun point de chevalerie qui dût se décider par le duel sur lequel Paris du Puy ne fût auparavant consulté comme très expert sur ces matières. » 1 Ce fut à ce sujet que notre auteur composa le Tractatas elegans et copiosas de re militari, andecim liäris distinctas, in yaibas singalaris certaminis materia lacalentcr descripta ac tradita est, imprimé à Milan en l5l5 et reproduit par Ziletti au tome XVI, folio 386 à. folio 4'28. Le Tractatas de re militari était dédié à. l’empereur ‘ Frédéric II[. Il ne s’occupe que très accessoirement de la guerre ; il mérite cependant d’être lu. Nous avons signalé le livre septième, où l’auteur traité du combat singulier entre rois. Jean Lopez. + 1496. Jean L0pez, ou Lapi,ou encore Lapas,naquit à. Ségovie, enseigna à.‘Salamanque et devint chanoine et doyen du chapitre de sa ville natale. Chassé de la, on ne sait pour— l G1ANNONE, Histoire ez'rz‘le du royaume de Naples, t 111. p. 644. 21 166 LES PRËCURSEURS DE GROTÏUS. quoi, il se rendit à. Rome, devint protonotaire apostolique et fut enfermé au château Saint Ange. Les causes de l’arrestation et de la détention sont inconnues. Lopez fut mis en liberté et devint vicaire de l’archevêque de Sienne, le cardinal Piccolomini, plus tard le pape Pie 111. Il mourut à Rome en 1496. Les principaux écrits de Lopez sont: le traité De matri- monio et legitimatione, que l’auteur date ]la castro S. Angcli 1478, 6 _Kal.. Non. et qu’il dédié à Marcus Episc. ' Præncst. Carat. 5’. Marci oulgariter nuncupatus ; —- les traités De libertate Ecclesia et De learesi et luereticorum reconciliatione eornrnque pertinacium damnatione ; —— le Tractatus clialogicus de confæderatione principum et an et quanclo confæderationes leujusmocli sint licite et illicitæ et le Tractatus de belle et bellatoribus. Ces deux derniers travaux n’en font en réalité qu’un seul. Ziletti qui les a imprimés au tome XVI du Tractatus unioersijuris a inter- calé entre eux un travail de Barthélemy Caepolla, De implratare deligenclo. Le Tractatus de*oonfacleratione forme un dialogue entre le maître et le disciple. Les deux interlocuteurs passent en revue une foule de questions. Le travail s’étend du folio 303 au folio 308. Le Traotatus de bello et bellatoribus continue le dialogue et s’étend du folio 320 au folio 324. Une note caractéristique de Lopez est lahaute idée qu’il se fait de la Papauté. Henri de Coccejicite un écrit de Lopez que nous ne trouvons pasmentionné par les auteurs :Debbtentione et retentione regni Naoarria. Cet ouvrage ne serait—il pas plutôt de Lopez de Palacios Rub10s, Johannes Lupus de Palaciis Rubeis, professeur de droit canon et de droit LIÉS PRÉCURSEURS DE GROTIUS. 167 ,,I civilàSalamanque vers 1490, juge royal et Valladolid et membre du conseil suprême dejustice ? François Arias de Valderas. Première moitié du XVIe siècle. Originaire de l'ancien royaume de Leon , docteur en droit, membre vers 1530 du collège espagnol de Bologne, François Arias a laissé entre autres écrits un traité Deôello et ejas jastitia qui parut à. Rome en 1533 et fut réimprimé par Ziletti, au tome XVI, folio 323 à. folio 335. Il résulte des premières lignes du travail que celui-ci dutson origine à. une thèse soutenue par l'auteur à Rome, au mois dejuin 1532. On comprend dès lors dififlcilement que Ompteda et la plupart des auteurs aient confondu le jurisconsulte François Arias avec François Arias, mem- bre de la Compagnie de Jésus, recteur du collège de Cadix, l'auteur d'Œnorcs spiritaelles recommandées par saint François de Sales et décédé en 1605. Arias, nous l'avons dit, est un amant passionné de la paix ; son écrit respire du commencement a la fin les sentiments les plus humains.0n constate néanmoins avec regret qu'il admet la persécution des hérétiques et qu'il invoque a ce sujet l'exemple de Jésus chassant les ven- deurs du temple. Arias enseigne que l'empereur peut déclarer la guerre au pape, a la personne du pape, non à l'Église, a-t-il soin d'ajouter. « Pale quart en causa lagitima et notabilipossit imperaior inclicere ôellam contra nersonam papa, non dico contra Ecclcsiam, al si papa esset 168 LES PRÉCURSEURS DE GROTIUS. fiareticus, net scismaticws, cet alias incarrigiäitis et École—- sid non7zabeat quidj“aciat. » Le 6 mai 1527, l'armée de Charles—Quint étaitehtrée dans Rome et l’avait livrée au pillage ! François de Victoria. + 1546 François de Victoria, né à Victoria petite ville de Navarre, entra jeune encore dans l'ordre de saint Dominique, fit des études de théologie à. Paris et enseigna a Salamanque, où il mourut au mois d'août 1546. Les J'Ïwologicæ reZectiones XI] imprimées pour la première fois en 1557, traitent de la puissance ecclésiastique, de la puissance civile, des pouvoirs du concile et du pape, du mariage, de la magie, de la simonie etc. Deux dissertations sont consacrées aux Indiens et au droit de la guerre, ce sont la cinquième, intitulée De Indis sire de jure betti Hispqnorum in barbaras et la sixième, intitulée De beZZo. ' Conrad Brunus. 1491-1563. Conrad Brunus, né dans le Wurtemberg en 1491, étudia le droit à. Tubingue, entra au service de l'évêque de Wurtzbourg et ensuite du prince de Bavière et fut LES PRÉCURSEURS DE GROTIUS. 169 chargé par Charles-Quint de dresser les règlements de la chambre impériale d’Augsbourg.L’empereur lui donna, en récompense de ses services, un canonicat en cette dernière ville. ‘ Brunus parut, non sans éclat, à. différentes diètes. Il publia, en 1548, un traité De legati0nilas, l’année suivante, un livre De lacreticz‘s in genere, et, en 1550, son ouvrage De seditioniäas. Il mourut à Munich en 1563. Les chapitres VIII et IX du troisième livre de ce dernier travail,consacré aux ambassades, traitent du droit de la guerre. Conrad Brunus est un sombre fanatique; dans son livre De fiareticis, il prône les mesures les plus violentes contre les hérétiques et contre les schismatiques, qu’il veut exclure de toute participation à l’administration et auxquels il défend d’accorder la liberté de consience. Dominique Soto. 1494-1560. Né à Ségovie en 1494, Soto étudia à. Alcala, puis à. Paris. Rentré dans son pays natal, il prit l’habit de l’ordre de saint Dominique et changea le nom de François qu’il avait reçu au baptême en celui de Dominique. Soto enseigna la philos0phieà Alcala et à Burgos. En 1545, Charles-Quint le choisit pour son premier théolo- gien au concile de Trente et quatre années plus tard, il voulut lui donner ‘évêché de Ségovie. Soto refusa cet honneur. Il devint le confesseur de l’empereur, 170 LES PRÉCURSEURS DE GROTIUS. On connaît les opinions de notre auteur au sujet des Indiens ; c’étaient les mêmes que celles de son maître et .ami Victoria. Soto fut mêlé au différend qui surgit entre Barthélemy de Las Casas et Sepulveda. Barthélemy de Las Casas avait dénoncé a Charles-Quint la cruauté et les exactions des Espagnols dans les Indes occiden- tales et demandé leur répression ; Sepulveda, théologien et historiographe royal, avait pris la défense des colons, qu’il prétendait justifier par les lois divines et humaines et par le droit de la guerre. Sepulveda fit un livre dans lequel il exposait ses idées. L’impression du livre fut arrêtée et le cas soumis àl’appréciation de théologiens qui se prononçèrent contre Sepulveda. Ce dernier en appela a Charles-Quint et demanda qu’il lui fût permis de disputer publiquement sur le sujet avec Las Casas. Le débat fut autorisé et Soto désigné comme l’un des arbitres. L’affaire malheureusement n’eut point d’effet pratique. Soto n’était pas seulement l’adversaire de la politique espagnole à. l’égard des Indiens ; il condamna formelle- ment la traite des nègres que les Portugais commençaient à pratiquer. Il passa les dernières années de sa vie a Salamanque oùil mourut le 15 novembre 1560. Pierre Belli. 1502-1575. Pierre Belli, né à.Alba dans le marquisat de Mont- ferrat. le 20 mars 1502, étudia probablement à Pérouse EFIS‘IO MULAS, Piertno Belli cla Alba, precursofie dl Grozio, 1878. A. RIVIER, P2‘erino Belli. Revue de droit international et de législation comparée, t. X, p 274, LES PRÊCURSEURS DE GROTIUS. 171 où la mémoire de Bartole et de Balde était encore en grand honneur. A l'âge de trente-trois ans, il fut nommé auditeur de guerre des armées de Charles-Quint et promu plus tard par Philippe Il aux fonctions de conseiller de guerre. Il se montra reconnaissant envers ce dernier; il lui dédia son traité De re militari et de belle, dans lequel ill’appelle : « Omnium regnm gai nnnc sunt manrficentissimas. » Belli devint membre du conseil d’État d'Emmanuel— Philibert de Savoie. Il remplit en cette qualité des missions importantes, fut l’un des commissaires ducaux chargés des négociations relatives à la cession de territoires et forteresses reconnus à. la France par le traité de Cateau-Cambrésis et f0nctionna comme arbitre entre Florence et Ferrare dans une question de délimi— tation de frontières. En 1564, Soliman 11 sur le point d'attaquer les Vénitiens Sollicita l'alliance d'Emmanuel-Philibert, lui promettant le royaume de Chypre dont les princes de Savoie revendiquaient la couronne. Le duc demanda l'avis de son fidèle conseiller ; il fut défavorable. Belli mourut à. Turin, le3l décembre 1575. Outre des consultations et quelques écrits imprimés, Belli a laissé le livre dont nous venons d'indiquer le titre. L'ouvrage composé vers 1558 fut publié à. Venise en 1563 et reproduit dans le Traclatns nnioersi jnris de Ziletti, tome XVI, folio 335 à. folio 370. Le traité De re militari et de bello est divisé en onze parties.l.'auteur s'occupe successivement del’origine de la guerre,des causesde la guerre,du droit de postliminie, des prisonniers de guerre, des trêves, de quelques situations 172 LES PRÉCURSEURS DE GRO’I‘IUS. créées par la guerre, des soldats, des délits militaires et de leur répression, du sauf—conduit, de la paix et des otages. Belli est un esprit clair et méthodique et son livre ' donne une idée complète des théories et de la pratique en vigueur à. son époque. Il ne se pique nullement d’être philosophe, s’incline devant le fait de la guerre eten admet les conséquences. Ce n'est pas que‘ l'auditeur de guerre de Charles Quint et de Philippe II soit cruel. En plusieurs occasions, il manifeste des sentiments très humains, mais il lui manque, comme l'observe excellem— . ment M. A. Rivier « ce feu sacré qui donne au Droit de la guerre et de la paie: de Grotius, avec sa lumière éclatante, sa bienfaisante et vivifiante chaleur. » Didacus de Covarruvias y Leyva. 1511-1577. Jacques de Covarruvias y Lèyva vit le jour à. Tolède, en 1511. Son grand père maternel était belge et occupait le poste d'architecte de la cathédrale de Tolède. Il fit ses études au collège de Saint Sauveur à Oviédo, et ensuite àSalamanque où il’ fut bientôt chargé de l'enseignement du droit canon. Charles-Quint envoya Covarruvias au concile de Trente, en même temps qu’Antoine Covarruvias son ' frère, Martin Ayala et Arias Mont_anus. Les Pères du concile le désignèrent pour rédiger le décret de réforma- " tion et lui donnèrent comme collaborateur un juriste‘ LES PRÉCURS‘EURS DE GROTIUS. 173 éminent Hugues Buoncompagno, depuis pape sous le nom de Grégoire XIII. Covarruvias fut élevéàla dignité épiscopale. Nommé _ au siège de Ciudad Rodrigo dès 1560, il devint évêque de Ségovie en 1565. Philippe Il lui confia, en 1562, les fonctions de président du conseil de Castille et quelques années plus tard l’appela à l’évêché de Cuença, mais il mourut à. Madrid avant sa prise de possession, le 27 sep- tembre 1577. Covarruvias fut un des plus grands romanistes de son époque; ses contemporains l’avaient surnomméle Bartole Espagnol, le président Favre dans ses C’onjeetaræ l’appelle Virampræstantissimi ingenii et Grotius dit de lui qu’il est un jurisconsulte d’un jugement exquis. Balthazar de Ayala. 15484584. Balthazar de Ayala naquit à Anvers en 1548. Son père VALERE ANDRÉ, Bibliotheea belgz‘ca. -— FOPPENS, BibIiotheca belgz‘ca. —- PAQUOT, Mémoires pour serrir a Z’hz‘staire des dia—sept provinces et de la principauté de Liège. —- Biographie nationale, publiée par l’Académie. M. le bibliothécaire A. Goovaerts a bien voulu me communiquer d’intères- sautes notes qu’il a réunies en vue d’un travail important, l'Histoire des familles patricz‘emzes d'Anvers. D'autre part, je dois à. l‘oblïgeance de M. l’archiviste Plot de pouvoir mettre sous les yeux du lecteur les rares documents que possèdent concernant Balthazar de Ayala les Archives générales du royau- me de Belgique. Voici ces pièces : ARCHIVES DU ROYAUME DE BELGIQUE. Papiers d’État et de l’audience. Liasse n° 1119. PHILIPPE, etc. , A tous ceulx qui ces présentes verront salut.Comme pour garder,preserv<ær et delfendre noz pays de pardcça contre les emprinses et invasions du 22 174 LES PRÉCURSEURS DE GROTIUS. don Diégo de Ayala, seigneur de Vuerdestein, titre qu’il venditfiplus tard à. son neveu Gregorio,était né à Burgos et avait obtenu droit de bourgeoi