....... ! LIBRARY VERITAS OF THE UNIVERSITY OF MICHIGAN FROM THE LIBRARY OF Professor Karl Heinrich Rau OF THE UNIVERSITY OF HEIDELBERG PRESENTED TO THE UNIVERSITY OF MICHIGAN BY Mr. Philo Parsons OF DETROIT 1871 COLONIES AGRICOLES, ÉCOLES RURALES ET ÉCOLES DE RÉFORME. à Mersin les propmar Raw de Heidelberg Hommage de l'auteur Befectuting ROYAUME DE BELGIQUE. — MINISTÈRE DE LA JUSTICE. PARSONS LIBRARY University of MICHIGAN COLONIES AGRICOLES, ÉCOLES RURALES ET ÉCOLES DE RÉFORME POUR LES INDIGENTS, LES MENDIANTS ET LES VAGABONDS, ET SPÉCIALEMENT POUR LES ENFANTS DES DEUX SEXES, en Suisse, en Allemagne, en France, en Angleterre, dans les Pays-Bas et en Belgique. RAPPORT ADRESSÉ A M. TESCH, MINISTRE DE LA JUSTICE, > ard Par Ed. Ducpetiaux, lospecteur général des prisons et des établissements de bienfaisance . membre de la Commission centrale de statistique et du Conseil supérieur d'hygiène, membre correspondant de l'Académie Royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, &c. (FÉVRIER 1854.) a 颖 ​L'UNION FAITH FORCE BRUXELLES. IMPRIMERIE DE TH. LESIGNE, Rue de la Charité, ancienne rue des Arts, 18, faubourg de Louvain. 1851 ! RAPPORT Adressé à M. TESCHI, Ministre de la Justice, SUR LES COLONIES AGRICOLES, LES ÉCOLES RURALES ET LES ÉCOLES DE RÉFORME t POUR LES INDIGENTS, LES MENDIANTS ET LES VAGABONDS, ET SPÉCIALEMENT POUR LES ENFANTS, DES DEUX SEXES, EN SUISSE, EN ALLEMAGNE, EN FRANCE, EN ANGLETERRE, DANS LES PAYS-BAS ET EN BELGIQUE. Monsieur le Ministre, Bruxelles, février 1851. Votre honorable prédécesseur, M. de Haussy, m'a chargé d'une double mission, celle de présider à l'organisation des écoles de réforme décrétées par la loi du 3 avril 1848, et celle de visiter les principaux établissements agricoles de l'étranger affectés au soulagement de la misère, à la répression de la mendicité, à la moralisation et à l'éducation professionnelle des jeunes indigents, mendiants et vagabonds, des jeunes délinquants, des orphelins, des enfants abandonnés, etc. La première de ces missions, je l'ai remplie en partie, avec le concours du comité et du fonc- tionnaire distingué auxquels le gouvernement a confié la direction et la surveillance des écoles de réforme érigées dans la commune de Ruysselede (Flandre occidentale). La notice jointe à cet α II RAPPORT SUR LES COLONIES AGRICOLES, ETC. exposé contient à cet égard des renseignements complets qui vous mettront à même d'apprécier les progrès et la situation actuelle de l'école de réforme des garçons. Quant à l'école des filles, elle est encore en projet, et son érection reste subordonnée à certaines conditions qui vous sont soumises en ce moment, et sur lesquelles vous aurez à statuer. notre tour. La seconde mission n'était en quelque sorte que le complément de la première. Il importait en effet, avant d'arrêter définitivement le régime et la discipline des établissements agricoles en Belgique, d'interroger les expériences faites dans d'autres pays, et de consulter les lumières des hommes bienfaisants et dévoués qui nous ont devancés dans la voie où nous sommes entrés à Dans un premier mémoire, présenté au Ministre de la Justice, peu de temps après la promulgation de la loi relative aux écoles de réforme, j'avais discuté et posé les prin- cipes qui devaient, à mon avis, servir de base à l'organisation de ces établissements (1). Le rapport actuel, qui résume les renseignements les plus intéressants que j'ai pu recueillir dans de rapides visites en France, en Allemagne, en Suisse, en Angleterre et dans les Pays-Bas, vient compléter mes données précédentes et les revêtir du caractère pratique dont elles pouvaient avoir besoin. Ce rapport se divise en six sections, où je passe successivement en revue les principales colo- nies et écoles agricoles : 1° de la Suisse; 2° de l'Allemagne; 5° de la France; 4° de l'Angleterre ; 5º des Pays-Bas, et 6º de la Belgique. A ces notices j'ai pensé qu'il ne serait pas inutile d'annexer quelques plans qui indiquassent les dispositions architecturales et le mode de distribution de divers types d'établissements dont je donnais la description. Ces plans se rapportent à la colonie agricole de Mettray, aux colonies hollandaises de l'Over-Yssel et de la Drenthe, à l'école rurale du Neuhof, près de Strasbourg, à l'école de réforme du Rauhen-Haus, près de Hambourg, aux écoles rurales de district pour les enfants pauvres projetées en Angleterre, et à l'école de réforme des garçons à Ruysselede (2). Dans la visite que j'ai faite d'une partie des établissements de France, des Pays-Bas et d'Alle- magne, j'ai été accompagné par le directeur de l'école de Ruysselede, M. G. Poll, qui avait reçu à cet effet une délégation semblable à la mienne. Les notices qui concernent ces établissements peuvent donc être considérées comme l'expression et le résultat de notre commun examen. Vous remarquerez en premier lieu, M. le Ministre, que l'application du principe de la colonisation et du travail agricole a été étendue, dans divers pays et sous des conditions très- variées, à toutes les catégories d'indigents, honnêtes, vicieux ou coupables, hommes, femmes et (1) Mémoire sur l'organisation des écoles de réforme, soumis à M. le Ministre de la Justice, par ÉD. DUCPETIAUX, Inspecteur général des prisons et des établissements de bienfaisance. (Tu. LESIGNE; Bruxelles, 1848.) (2) Les bâtiments de l'école de Ruysselede ont été appropriés et complétés sous la direction de M. l'architecte Dumont. Les plans d'ensemble ont été réduits par M. Carpentier, surveillant des travaux. Le plan isométrique a été tracé par M. Schmit, professeur d'architecture à l'université de Liége, qui a bien voulu me prêter en outre son concours pour la gravure et la surveil- lance de l'impression de l'atlas annexé à ce volume. INTRODUCTION. III enfants, valides et invalides. En général, on peut diviser les établissements qui reposent sur ce principe en quatre catégories principales : 1° Colonies de répression pour les mendiants et vagabonds adultes. Ces établissements sont peu nombreux plusieurs ont échoué ou ont été supprimés après une épreuve plus ou moins prolongée; je citerai parmi ces dernières la colonie de répression de Merxplas-Ryckevorsel, dans la Campine anversoise, la colonie agricole d'Ostwald, près de Strasbourg, qui a été transformée récem- ment en colonie pénitentiaire pour les jeunes détenus, la colonie de la Linth, dans le canton de Glaris, qui, créée d'abord pour les adultes, ne reçoit plus depuis longtemps que des enfants. Parmi les colonies de répression encore existantes nous ne connaissons que celles d'Ommerschans et de Veenhuizen dans l'Over-Yssel et la Drenthe (Pays-Bas), et sous certains rapports le dépôt de men- dicité d'Hoogstraeten, dans la province d'Anvers. 2º Pénitenciers agricoles, colonies pénitentiaires. Ces établissements, exclusivement affectés aux enfants et aux jeunes gens condamnés ou acquittés comme ayant agi sans discernement, mais retenus pour être élevés jusqu'à un âge déterminé, sont assez nombreux et tendent à se propager dans plusieurs pays. Le pénitencier de Parkhurst et la colonie de Reigate, en Angleterre; en France, les fermes-colonies annexées à quelques maisons centrales (Gaillon, Fontevrault, Loos, etc.), les colonies de Mettray, de Petit-Bourg, d'Ostwald, etc.; l'école de réforme de Bächtelen, en Suisse (canton de Berne), etc., rentrent plus spécialement dans cette catégorie. 3º Écoles de réforme, refuges, colonies agricoles pour les jeunes indigents, mendiants et vaga- bonds, les orphelins, les enfants trouvés et abandonnés, les enfants vicieux et moralement menacés (orphelins moraux). Le nombre de ces établissements est considérable, et il augmente chaque année : l'Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas, la France, l'Angleterre dans une certaine mesure, et récemment aussi la Belgique, présentent à cet égard des types variés qui fournissent de précieux sujets d'observation et d'étude (1). 4º Colonies libres, fermes-hospices. Ces établissements, spécialement affectés aux indigents (1) Indépendamment des établissements agricoles cités dans les notices relatives aux différents pays que j'ai visités, il en existe probablement d'autres encore dont je n'ai pas eu connaissance. Ainsi, aux États-Unis il doit y avoir de petites colonies ou écoles rurales, particulièrement dans le Massachusetts. Dans les Pays-Bas, M. Suringar s'occupe en ce moment de l'organisation d'une colonie agricole dans la province de Gueldre, à l'instar de la colonie de Mettray. L'Italie, qui se distingue par ses établissements de bienfaisance, ne pouvait manquer d'adopter à son tour une réforme qui correspond, à tous égards, à ses besoins. Dans une lettre écrite de Rome, le 10 février dernier, au Journal des Débats, on lit ce qui suit : « La présence de l'armée française a naturelle- « ment dirigé les esprits des hommes sérieux de ce pays vers les institutions agricoles, dont tant de personnes honorables ont pris « l'initiative en France. Un ecclésiastique du diocèse du Mans, M. l'abbé Moreau, fondateur d'une congrégation de Frères agriculteurs, a été appelé par une société de bienfaisance, à la tête de laquelle se trouve le duc Marino Torlonia. Une première maison, ou plutôt une ferme rurale, lui a été donnée, et il a déjà pu réunir un certain nombre d'enfants errants qui, sous la « direction des frères, sont élevés pour la vie et les travaux de la campagne. Le Pape, pour venir en aide à ces premiers essais, ་ « a donné une vigne et toutes ses dépendances, où une seconde colonie d'enfants est déjà établie ; et si, comme on a toute raison ་་ « de l'espérer, le concours de l'aristocratie romaine et la protection pontificale continuent d'encourager cette œuvre, elle est de « nature à amener, avec le temps, d'utiles et importants résultats. » 3 #t IV RAPPORT SUR LES COLONIES AGRICOLES, ETC. adultes, n'existent, à ma connaissance, que dans les Pays-Bas et en Belgique. Dans le premier pays, ils constituent l'un des éléments principaux du système de colonisation intérieure élaboré par M. le général Van den Bosch et poursuivi par la Société de bienfaisance; dans le second, ils ont fait l'objet de deux expériences, l'une à Wortel, dans la Campine anversoise, qui a complé- tement échoué, l'autre dans les Flandres où les fermes-hospices affectées aux vieillards, aux infirmes et aux orphelins, sont en pleine voie de développement et de prospérité. Il y a à la fois utilité et intérêt, M. le Ministre, à rechercher et à apprécier les causes du succès ou de la non-réussite de ces diverses espèces d'établissements, à faire connaître leur situa- tion et leur mode d'organisation, à signaler leurs avantages, leurs défauts, leurs lacunes et leurs résultats. Tel est le but que je me suis proposé. Pour l'atteindre, j'ai eu le plus souvent recours à l'observation personnelle, et je me suis étayé, en tous cas, sur l'autorité et le témoignage des hommes les plus compétents, et spécialement des chefs et des fondateurs des institutions sur lesquelles j'avais à porter un jugement. Des renseignements que j'ai recueillis et qui sont consignés dans les notices concernant les principaux établissements agricoles de répression, de correction et de bienfaisance dans chaque pays, on peut tirer des conclusions pratiques qui ne peuvent manquer, M. le Ministre, de fixer votre attention. 1. Les colonies agricoles doivent leur origine aux efforts faits, surtout depuis le commencement de ce siècle, pour soulager la misère, combattre les progrès du paupérisme et moraliser les indi- gents. Elles tendent à dégager les villes de leur population surabondante, et à arrêter le dépla- cement des populations rurales; elles procurent un nouvel aliment à l'activité et au travail, tout en diminuant la concurrence industrielle et en augmentant par contre la production alimentaire; elles ouvrent enfin la voie aux défrichements intérieurs et à la colonisation des terres encore inoccupées dans les pays étrangers. A ce dernier point de vue, elles peuvent être envisagées comme l'un des remèdes les plus efficaces contre l'accroissement anormal de la population. J'ai déjà dit à quels besoins variés et nombreux peut satisfaire l'institution des colonies agri- coles. Il me reste à faire ressortir quelques-uns des principaux avantages du principe sur lequel elles reposent, et à préciser les applications utiles qui peuvent être faites de ce principe. II. Lorsque l'on se représente les bons effets du travail agricole dans les établissements affectés aux jeunes indigents et aux enfants vicieux ou coupables, on s'étonne à juste titre de l'espèce de privilége dont jouissent ces enfants, alors que la grande majorité des enfants appartenant à la classe des ouvriers, des artisans et des cultivateurs, qui n'ont jamais failli, ne reçoivent qu'une instruction très-incomplète, et généralement si peu en rapport avec leurs besoins actuels et leurs intérêts futurs. L'exemple des colonies et des écoles de réforme prouve à l'évidence que rien n'est plus facile INTRODUCTION. Γ que d'associer l'éducation et l'apprentissage à l'instruction scolaire proprement dite: pourquoi donc le bénéfice de cette combinaison ne serait-il pas étendu aux écoles primaires en général? Dans plusieurs pays d'Allemagne et dans la plupart des cantons suisses, l'enfant est à la fois éco- lier et apprenti; aux écoles on a annexé une certaine étendue de terre, un jardin ou une pépi- nière, où les élèves sont exercés au maniement des outils aratoires et initiés aux premiers principes de la culture. Il a été reconnu que l'agencement et l'alternance des leçons et des travaux manuels favorisaient à la fois les progrès des enfants dans la double sphère ouverte ainsi à leur activité naturelle et à leur intelligence. Deux heures d'enseignement dans une école organisée d'après ces bases équivalent au moins aux cinq ou six heures de classe dans nos écoles ordinaires. En passant alternativement de l'école à l'atelier ou au champ de culture, l'enfant est distrait; il s'accoutume insensiblement au travail; ses membres se développent et sa santé se fortifie; il échappe au double ennui des séances prolongées dans une salle souvent encombrée et malsaine, ou d'une occupation monotone, qui, par sa durée, dépasse et épuise ses forces. Le régime de l'école n'est souvent impopulaire, surtout dans les campagnes, que parce qu'il soustrait l'enfant à la discipline commune et à la loi du travail; en le combinant avec un apprentissage dont nul parent ne contesterait l'utilité, on rendrait celle-ci évidente à tous les yeux, et les bienfaits de l'instruction ne seraient plus méconnus. Il y a peu de communes où il ne soit pas possible de disposer d'un terrain d'une certaine étendue, qui pourrait être transformé en champ de culture pour les élèves de l'école primaire. Déjà beaucoup d'instituteurs ont à leur disposition un jardin qu'il serait facile d'utiliser dans le but proposé. Quant à l'organisation de l'enseignement agricole, il varierait certainement selon les localités et les besoins. Les exemples à suivre sont déjà nombreux, et il suffira de donner ici une idée sommaire de ce qui se pratique dans l'un des États de l'Allemagne, en Bavière, pour faire comprendre le but et la portée de l'introduction de ce nouvel élément dans les écoles de nos communes rurales. L'étude de l'agriculture, qui occupe une place notable dans l'enseignement intermédiaire en Bavière, s'étend aussi aux écoles dominicales comme aux écoles primaires proprement dites. La plupart de ces écoles ont un jardin de travail. Dans ce jardin, on enseigne aux élèves le jardi- nage; on leur apprend à cultiver les légumes et quelques-unes des plantes qu'emploie le plus souvent la médecine. Le jardin contient d'ordinaire trois planches: 1° une planche de semis; c'est là qu'on plante les noyaux ou pepins des arbres à fruit et les graines des plantes potagères et autres; 2° une planche de pépinière, où l'on transporte les arbustes à fruit quand ils ont atteint une taille convenable; 3° une planche d'arbres à fruit greffés ou prêts à greffer; les arbres pas- sent de la pépinière dans cette planche qui est la véritable école de culture; c'est là que les élèves apprennent les divers systèmes de greffe sur l'arbre même. Ce sont eux aussi qui, sous la direc- tion de l'instituteur, font les travaux d'ensemencement et de transplantation qui sont l'objet des deux premières planches. Il est défendu de prendre pour ces travaux des travailleurs étrangers à ! VI RAPPORT SUR LES COLONIES AGRICOLES, ETC. l'école. Cependant, comme ce serait souvent perdre de beaux arbres à fruit achetés cher ou élevés à grand'peine, que de les laisser greffer par des enfants qui acquerraient l'expérience aux dépens des arbres, et par là aux dépens de la commune, qui est tenue de fournir le jardin et de le garnir des arbres et des plantes nécessaires, les instituteurs les plus éclairés ont pris le parti. d'exercer les élèves d'abord sur de simples branches. La greffe dans le jardin, sur l'arbre même, n'est plus que la récompense du zèle et de l'étude. Chaque arbre porte le nom de l'élève qui l'a greffé, et cet élève continue à le soigner. Une fois que les greffes ont réussi, et que les arbres sont en état, ils doivent être transportés hors du jardin de l'école, ne pouvant plus servir à l'instruction des élèves. Une moitié de ces arbres appartient à la commune, et ils sont plantés le long de ses routes et sur ses places. Comme elle a fourni le jardin et qu'elle a fait les frais de son établissement, il est juste qu'elle ait part aux produits. De plus, ces arbres semés et élevés dans le jardin de son école, acclimatés dans son terrain, ont plus de chances pour bien réussir, et personne, on peut l'espérer, n'osera les endom- mager, étant les instruments et les témoignages du travail des enfants de la commune. L'autre moitié des arbres appartient à l'école, qui les distribue en prix aux élèves qui se sont le plus distingués dans l'étude du jardinage, ou en fait cadeau aux enfants de l'école à condition de les placer dans le jardin de leurs parents. Afin d'augmenter à leurs yeux la valeur de ces prix ou de ces dons, on choisit de préférence les arbres qu'ils ont eux-mêmes élevés et greffés. Aussitôt qu'un arbre est parti, il doit être remplacé par un nouveau semis de noyaux et de pepins, de telle sorte que le jardin ne se repose jamais, que les arbres soient remplacés par des arbustes, et les arbustes par de nouveaux semis. L'école a un registre qui indique combien chaque année il a été semé de noyaux et de pepins, combien de plantes portées dans la pépi- nière, de là dans la planche des arbres à greffer, et de là enfin au dehors. Ce registre indique aussi les diverses espèces d'arbres. Il est tenu par les élèves les plus zélés de l'école. Généralement la théorie marche avec la pratique. Les leçons que reçoivent les élèves dans le jardin sont accompagnées de leçons données dans l'intérieur de l'école, qui comprennent les prin- cipales règles de la culture des arbres à fruit, une énumération des diverses sortes d'arbres, leurs qualités, et enfin l'utilité et le profit de cette culture (1). Je pourrais multiplier ces exemples, mais il suffira, pour les compléter, de me référer aux détails que j'ai donnés sur l'organisation de quelques écoles rurales en Angleterre, qui reproduisent le type qu'il serait à désirer de voir imiter en Belgique. : III. Cette imitation est subordonnée à une condition essentielle celle de la formation d'une classe spéciale d'instituteurs accoutumés à la vie et aux travaux des champs, humbles et dévoués. Nos écoles normales ordinaires ne laissent guère à désirer au point de vue de l'enseignement; il (1) Voy. l'ouvrage que j'ai publié en 1845 Sur la condition physique et morale des jeunes ouvriers et les moyens de l'améliorer; 2 vol. in-8°. Bruxelles, Meline, Cans et comp. INTRODUCTION. VII en sort assurément des maîtres fort capables; mais leurs connaissances sont trop exclusivement littéraires et pédagogiques; ils peuvent fort bien convenir pour les écoles des villes, mais les écoles rurales, dont j'ai parlé, exigent d'autres qualités qui leur manquent généralement. Il faut pour ces écoles des hommes qui, en quittant l'estrade de la classe, sachent se servir de la bêche, du râteau, de la houe, du greffoir, et initier leurs élèves aux pratiques élémentaires de la petite culture, du jardinage, de l'arboriculture et de l'étable. Ces hommes, moitié instituteurs, moitié laboureurs et jardiniers, on les rencontre dans plusieurs écoles normales de la Suisse et de l'Alle- magne; je les ai vus à l'œuvre naguère à Hofwyl sous l'intelligente direction de M. de Fellenberg; on les retrouve à Kreutzlingen, où Wehrli les anime de son esprit et les entraîne par son exemple; En à Beuggen, sous la direction de M. Zeller; au Rauhen-Haus, sous celle de M. Wichern. France, les instituts fondés par MM. de Metz, Brétignères de Courteilles, Fissiaux, Rey, Bazin, Duclésieux, de Luc, etc., sont organisés dans un but et sur des bases à peu près semblables. En Angleterre, on peut attribuer à certains égards le même caractère aux écoles normales de Battersea et de Kneller-Hall. Les renseignements que je donne sur quelques-uns de ces établis- sements sont peut-être suffisants pour en faire ressortir les traits distinctifs et les avantages. Mais si, comme je l'espère, on reconnaissait l'utilité de les imiter chez nous, il serait indispensable de les faire visiter d'une manière attentive, et d'y recueillir tous les détails d'organisation intérieure qui échappent nécessairement à une observation rapide et superficielle. IV. Aux écoles primaires et aux écoles normales agricoles dont je viens de parler peut se ral- tacher un troisième ordre d'institutions dont l'utilité me paraît non moins incontestable. Il s'agit de pensionnats modestes où les fils de fermiers aisés, de petits propriétaires de la campagne, pussent puiser une instruction appropriée à leurs besoins et à leur destinée future, tout en se pré- parant aux habitudes et aux devoirs d'une vie frugale et laborieuse. Aujourd'hui cette catégorie d'élèves est accaparée d'ordinaire par les colléges et les pensionnats des villes, où s'accomplit trop souvent l'œuvre de leur déclassement; l'enfant de la campagne devient un demi-savant; il a fait une partie de ses humanités, mais il a désappris les usages de la vie rurale; et après avoir absorbé une partie des ressources de sa famille, il n'est plus guère bon désormais qu'à aller grossir les rangs pressés des écrivains, des commis et des coureurs d'emplois. De tous côtés nous enten- dons déplorer les vices, les lacunes et les inconvénients du système d'instruction secondaire en ce qui concerne la population agricole. Le gouvernement, en favorisant et en propageant l'insti- tution des écoles d'agriculture, d'horticulture et d'arboriculture, a rendu sous ce rapport un émi- nent service; mais ce n'est là qu'un commencement, et il reste encore beaucoup à faire pour satisfaire aux besoins reconnus. Les fermes-écoles créées récemment en France correspondent aussi en partie à ces besoins. Cependant, dans toutes ces institutions, la combinaison du travail manuel, de l'apprentissage pratique avec l'instruction théorique, laisse encore à désirer. L'association de ces deux éléments a été introduite avec un plein succès dans plusieurs établis- } VIII RAPPORT SUR LES COLONIES AGRICOLES, ETC. sements d'instruction secondaire aux États-Unis ; les uns ont un caractère principalement indus- triel, les autres une organisation spécialement agricole. Dans la plupart les élèves subviennent par leur travail, en tout ou en partie, aux frais de leur entretien et de leur instruction. Ainsi, dans le collége de Waterville, dans l'État du Maine, plus de la moitié des élèves tra- vaillent trois heures par jour dans les ateliers; leur gain varie de 50 cents à 2 ½ dollars par semaine, selon leur habileté. Il en résulte que, terme moyen, ils balancent avec le produit de leurs ouvrages les frais de nourriture, qui sont évalués à 1 dollar par semaine. On a organisé sur un plan semblable le collége de Bristol et celui de Hanovre, dans l'Indiana. Cette dernière institution, qui a pris naissance sous une cabane de bois, occupe maintenant un vaste édifice, qui contient 200 élèves et 6 maîtres, et auquel sont annexés divers ateliers. Les jeunes gens qui ont atteint un certain âge y sont employés régulièrement au moins deux heures par jour. Ceux qui sont laborieux peuvent gagner 10 à 15 dollars dans la durée des cours; les plus habiles davantage. Les dépenses ne dépassent pas 1 dollar par semaine pour chacun. Le séminaire des instituteurs de Madison, dans l'Indiana, renferme 30 élèves qui payent leur dépense par le travail, sans que leurs études en souffrent. Dans l'Ohio, le collége Réserve, qui compte 84 élèves, possède aussi des ateliers où vont s'occuper ceux qui le désirent. On en voit à qui cet exercice procure la santé, d'autres chez qui il développe les facultés de l'esprit, heureuse compensation de deux heures d'activité corporelle; il en est plusieurs qui diminuent par ce moyen le prix annuel de la pension, qui coûte 130 dollars. Le collége Marion, dans le Missouri, exige 70 dollars pour frais de nourriture et d'instruction. Chaque élève doit mettre la main à l'œuvre; en travaillant trois heures par jour, soit dans les ateliers, soit aux champs, il peut gagner de quoi couvrir la plus grande partie de sa pension. Trois personnes bienfaisantes ont doté cet établissement de 5,000 acres de terre, et se sont même chargées de préparer leur mise en culture (1). Cette combinaison de l'apprentissage industriel ou agricole avec l'enseignement scolaire est féconde en heureux résultats: 1° elle procure aux élèves une distraction après l'étude; 2° elle contribue à conserver et à fortifier la santé que des occupations exclusivement sédentaires pour- raient altérer; 5º elle procure un moyen d'existence qui ennoblit l'âme en inspirant des senti- ments d'indépendance fondés sur les propres forces et les ressources de l'homme; 4° elle détruit, partout où il est enraciné, le préjugé funeste qui tend à avilir les professions mécaniques ; 5º enfin, elle diminue, par le produit du travail manuel, le prix de la vie et les frais de l'ensei- gnement des élèves pauvres ou peu aisés. Ce dernier avantage forme l'un des caractères distinctifs des établissements d'instruction intermédiaire, qu'il serait à désirer de voir se naturaliser chez nous. Comme type de ce genre (1) ED. DUCPETIAUX, De la condition physique et morale des jeunes ouvriers, etc., t. II, p. 190. ג INTRODUCTION. IX d'institutions, qu'on se représente une école analogue à l'école de réforme de Ruysselede où, au lieu de jeunes mendiants et vagabonds, on admettrait des enfants de bons fermiers et d'honnêtes artisans, moyennant un prix de pension équivalent ou même un peu supérieur à celui que payent aujourd'hui les communes du domicile de secours des indigents. Et qu'on ne dise pas qu'un établissement de ce genre ne serait pas apprécié, qu'il serait délaissé par ceux mêmes pour les- quels il aurait été créé : déjà de nombreuses demandes ont été faites pour l'admission à l'école de Ruysselede, d'enfants dont les parents ou les bienfaiteurs offraient de rembourser les frais d'entretien, et cela malgré l'inconvénient d'associer et d'assimiler en quelque sorte ces enfants aux jeunes infortunés auxquels cet établissement donne asile. Ce seul fait suffirait pour témoigner de l'utilité et même de la nécessité de la combinaison dont je viens de parler. V. Si l'on se borne à envisager l'institution des écoles de réforme et des colonies agricoles au point de vue de la bienfaisance et de la correction, il importe d'établir un premier classement selon que ces établissements sont affectés : A. aux enfants, ou B. aux adultes. A. En principe, l'emploi des enfants, et spécialement des garçons, aux travaux champêtres, est généralement considéré comme l'un des moyens les plus puissants et les plus efficaces d'édu- cation et d'amendement. Toutefois, leur admission dans les écoles de réforme et les colonies agricoles semble devoir être subordonnée à une condition essentielle. Si l'enfant a une famille qui s'intéresse à lui, qui soit en état de lui servir de guide et de lui donner une éducation con- venable, il faut bien se garder de déranger l'ordre indiqué par la Providence; cet enfant doit être laissé à ses parents; si ceux-ci sont pauvres qu'on les soulage, mais qu'on ne leur enlève pas l'enfant confié à leurs soins. Mais lorsque l'enfant n'a pas de famille qui puisse ou qui veuille veiller à son éducation, il faut nécessairement lui former une famille nouvelle qui rem- place pour lui la famille naturelle. L'enfant, dans ce dernier cas, peut être rangé dans l'une ou l'autre de ces deux catégories : il est seulement malheureux, ou il est vicieux ou coupable. Dans la première catégorie on peut comprendre : 1. Les orphelins; 2. Les enfants trouvés et abandonnés ; 3. Les enfants malades, rachitiques et valétudinaires; 4. Les aveugles et les sourds-muets; 5. Les enfants pauvres, négligés par leurs parents qui méconnaissent leurs devoirs, ou que leurs parents ne peuvent conserver auprès d'eux à cause d'absence ou d'une profession qui les éloigne de leur domicile; 6. Les enfants dont les parents sont jugés indignes d'exercer l'autorité paternelle, les enfants des criminels, des vagabonds, etc.; X RAPPORT SUR LES COLONIES AGRICOLES, ETC. 7. Dans certains cas, les jeunes mendiants et vagabonds, lorsque leur état de mendicité ou de vagabondage n'est que la conséquence de la misère et non du vice et du désordre. La deuxième catégorie comprend : 1. Les jeunes mendiants et vagabonds dont l'état de mendicité ou de vagabondage est accom- pagné de quelque circonstance aggravante et implique des habitudes vicieuses plus ou moins invétérées; 2. Les jeunes délinquants âgés de moins de dix-huit ans; 3. Les enfants acquittés comme ayant agi sans discernement, mais retenus pour être élevés jusqu'à un âge déterminé; 4. Les jeunes libérés auxquels l'assistance de la famille ou le patronage local fait défaut; 5. Les enfants punis par correction paternelle; 6. Les enfants appartenant à la première catégorie, dont les habitudes vicieuses et les mauvais instincts réclament l'emploi de mesures exceptionnelles. Le classement qui précède implique la nécessité de divers ordres d'établissements qui permettent de soumettre chaque classe ou catégorie d'enfants à un régime spécial en rapport avec ses anté- cédents, ses besoins actuels et ses intérêts futurs. Ces établissements peuvent être classés à leur tour en cinq catégories principales: 1. Maisons de santé ou instituts pour les enfants malades, rachitiques et valétudinaires; 2. Instituts de sourds-muets et d'aveugles; } 3. Écoles rurales ou industrielles pour les orphelins, les enfants trouvés et abandonnés, les enfants négligés, tous ceux en un mot qui peuvent être compris sous la qualification d'orphelins moraux; 4. Écoles de réforme pour les jeunes mendiants, vagabonds, libérés, les enfants vicieux, ceux qui ont été acquittés mais retenus pour être élevés jusqu'à un âge déterminé, etc.; 5. Pénitenciers pour les jeunes condamnés. Il importe enfin de faire une dernière distinction entre les enfants appartenant à la population rurale ou urbaine : les établissements affectés aux premiers doivent être principalement agricoles ; pour les seconds, il importe que le régime soit mixte et embrasse à la fois les travaux des champs et ceux qui peuvent être utilisés au besoin dans les villes. B. Les établissements agricoles affectés aux adultes sont beaucoup moins nombreux que ceux qui sont consacrés aux enfants; leurs succès sont aussi plus douteux et leurs résultats moins satisfaisants. Cependant, on ne peut invoquer ces mécomptes contre le principe même de l'emploi des adultes aux occupations rurales; ce principe doit être considéré, au contraire, comme l'une des bases essentielles de la réforme qu'il importe d'introduire dans la double sphère de la répression et de la bienfaisance publique. INTRODUCTION. XI ; Les applications déjà faites et à faire de ce principe sont assez variées; elles comprennent : 1. Les pénitenciers agricoles spécialement affectés aux condamnés militaires destinés à rentrer sous les drapeaux, aux coupables de certaines offenses appartenant à la population rurale, etc.; 2. Les colonies de répression pour les mendiants et vagabonds valides âgés de dix-huit à soixante ans; 3. Les fermes-hospices pour les indigents, les vieillards et les infirmes, etc.; 4. Les colonies libres pour les indigents en général, telles que celles qui ont été établies en Hollande et en Belgique. VI. Il suffit de jeter les yeux sur la double nomenclature qui précède et de les reporter ensuite sur les établissements que possède la Belgique, pour apprécier les lacunes à combler et les progrès qui restent à accomplir. 1. Les maisons de santé ou les hospices pour les enfants malades, rachitiques et valétudi- naires n'existent guère encore, chez nous, qu'à l'état de projet et de germe pour ainsi dire. A l'exception de l'hospice d'Ixelles-lez-Bruxelles, qui peut à beaucoup d'égards être proposé comme modèle et auquel se rattachent plusieurs annexes, telles qu'une école gardienne, un bureau de consultation gratuite, etc., et de deux petites infirmeries spéciales à Gand et à Anvers, tout reste encore à faire pour venir en aide aux enfants pauvres atteints de maladies ou d'infirmités qui exigent pour leur traitement et leur guérison des soins spéciaux. Il y aurait tout avantage à placer à la campagne les établissements qui leur seraient affectés, d'abord au point de vue de l'économie, ensuite au point de vue de l'influence bienfaisante du grand air et de l'exercice indis- pensables aux petits infortunés dont le mal a le plus souvent pris naissance dans les quartiers resserrés et malsains et les bouges immondes de nos villes. 2. Les instituts de sourds-muets et d'aveugles, dus pour la plupart à l'initiative de la charité privée ou des associations religieuses, suffisent généralement aux besoins. Il serait seulement à désirer que ces établissements, de même que les hospices spéciaux dont je viens de parler, fussent autant que possible déplacés des villes dans les communes rurales, où les sourds-muets en parti- culier pourraient être utilement employés à la culture et au jardinage. 3. Le régime des orphelins et des enfants trouvés et abandonnés laisse beaucoup à désirer. Les premiers sont réunis dans des établissements spéciaux, ou mis en pension ou en apprentissage; les seconds sont confiés d'ordinaire à des nourriciers auxquels on paye une modique pension pour compenser les frais qu'ils occasionnent jusqu'à l'accomplissement de leur douzième année. A cet âge, la tutelle exercée à leur égard par les administrations des hospices ou des bureaux de bien- faisance cesse habituellement; les enfants restent chez leurs parents d'adoption ou se tirent d'affaire comme ils peuvent, et le plus souvent on les perd complétement de vue. XII RAPPORT SUR LES COLONIES AGRICOLES, ETC. Le système des placements a certains avantages; il tend à constituer pour l'enfant une famille nouvelle; il est économique; il favorise l'apprentissage; l'éducation individuelle est plus facile et plus complète; il maintient les liens sociaux et initie l'enfant aux usages de la vie ordinaire. Mais ces avantages sont balancés fréquemment par des inconvénients graves et des chances défa- vorables. Ainsi, la modicité des pensions influe nécessairement sur le choix des nourriciers; ceux-ci, en prenant l'enfant en quelque sorte au rabais, ne songent guère qu'au bénéfice qu'il pourra leur rapporter; dès lors disparaissent toutes garanties de moralité et d'éducation. L'orphelin ou l'enfant trouvé, au lieu d'une famille nouvelle, ne trouve que des maîtres souvent durs et exigents; son instruction est négligée lorsqu'elle ne fait pas entièrement défaut; son apprentissage se borne à des travaux grossiers ou répugnants; il est soumis à des privations qui fréquemment compromettent sa santé et altèrent sa constitution. Les conséquences de cet état de choses se retrouvent dans les registres mortuaires; l'excessive mortalité des enfants trouvés et abandonnés, à défaut de tout autre argument, suffirait seule pour prouver la nécessité de modifier le régime auquel sont soumis ces infortunés. L'organisation de l'inspection a pu corriger et prévenir quelques-uns de ces abus. Lorsque l'inspecteur reconnaît qu'un enfant est mal soigné, il provoque son déplacement. Mais outre que les visites de cet employé sont d'ordinaire peu fréquentes, elles ne suffisent pas certainement pour constater la situation journalière; beaucoup de faits importants restent ainsi ignorés; le nourri- cier comme l'enfant sont également intéressés à les cacher, le premier par intérêt, le second par crainte de châtiment. Quant aux autorités locales, elles restent le plus souvent indifférentes, et s'inquiètent fort peu du bien-être des pauvres créatures qui, tôt ou tard, peuvent venir augmenter leurs charges. Dans cette situation, sans repousser d'une manière absolue le système des placements, il serait cependant à désirer que ceux-ci fussent subordonnés à certaines conditions propres à garantir les intérêts des enfants et à mettre un terme aux abus dont ils sont trop souvent aujourd'hui victimes. Parmi ces conditions, je me bornerai à citer l'élévation du taux des pen- sions, la constatation rigoureuse de la moralité et de l'aisance relative des nourriciers, l'obligation de la fréquentation de l'école et de l'apprentissage d'un métier ou d'une profession susceptible de procurer à l'enfant des moyens d'existence, la prolongation de la tutelle ou tout au moins du patronage des administrations de bienfaisance jusqu'à l'époque de la majorité, l'organisation d'un patronage local, l'extension et la fréquence des inspections. Là où ces conditions ne pourraient être obtenues, et généralement dans tous les cas où les règles d'une sage économie sembleraient le commander, il ne faudrait pas hésiter, selon moi, à substituer aux placements individuels dans des familles isolées la réunion des orphelins et des enfants trouvés et abandonnés dans des écoles rurales à l'instar de celles de la Suisse ou de l'Alle- magne, ou dans des fermes-hospices comme celles qui se multiplient avec un élan vraiment admirable dans les deux Flandres. Les renseignements que je donne sur ces établissements ne INTRODUCTION. XIII peuvent laisser aucun doute sur leurs avantages et sur la facilité qu'il y aurait à les propager dans celles de nos provinces qui n'en ont pas encore expérimenté les bienfaits (1) par la 4. Le régime des jeunes indigents, mendiants et vagabonds, a été définitivement fixé loi du 3 avril 1848, qui a institué les écoles de réforme. Ces établissements sont destinés à atta- quer le paupérisme à sa source et à transformer les éléments qui tendaient à le perpétuer en l'aggravant. L'école agricole de Ruysselede est le premier jalon posé sur la voie qui s'ouvre devant nous; il ne reste plus qu'à suivre celle-ci résolument et à tirer du principe fécond déposé dans la loi toutes les conséquences qui en découlent naturellement. La notice détaillée que j'ai consacrée à cette institution indique les progrès réalisés jusqu'ici et les espérances qu'il est permis de con- cevoir sur l'avenir d'une réforme dont la Belgique a pris glorieusement l'initiative. 5. Le pénitencier des jeunes délinquants, installé dans l'ancienne abbaye de Saint-Hubert (province de Luxembourg), devait, dans l'esprit de ses fondateurs, devenir le centre d'une entre- prise de défrichement et d'une exploitation agricole d'une certaine importance. Situé dans une (1) Le Congrès agricole, réuni à Bruxelles au mois de septembre 1848, s'est occupé de la question des enfants trouvés et aban- donnés, et a aussi conclu à leur placement dans des établissements agricoles. Il ne sera pas inutile de reproduire ici les délibéra- tions qui ont eu lieu à ce sujet. M. DUCPETIAUX.-Messieurs, la première section s'est occupée ce matin de l'examen de la deuxième question portée au programme question formulée en ces termes : « Examiner si et comment il peut être utile à la société et aux individus d'employer aux travaux agricoles les enfants trouvés et abandonnés, la population valide des dépôts de mendicité et des prisons. 1) La section s'est occupée longuement de chacun de ces points. Elle a particulièrement traité la question qui se rapporte aux enfants trouvés et abandonnés et aux mendiants et vagabonds détenus dans les dépôts de mendicité. Elle a considéré que la loi du 3 avril 1848 ayant décidé la question en ce qui concerne les enfants âgés de moins de dix-huit ans qui se trouvent aujourd'hui dans les dépôts de mendicité, il est inutile de s'occuper d'une question déjà résolue par une loi qui est en cours d'exécution. Elle n'a pas eu le temps d'examiner dans tous ses détails la question de l'application des condamnés aux travaux agricoles. Elle s'est donc bornée à émettre le double avis que je vais avoir l'honneur de vous faire connaître : « 1º L'emploi des enfants trouvés et abandonnés aux travaux agricoles est désirable; il convient d'établir en leur faveur des établissements agricoles, organisés de telle sorte que l'entretien des enfants dans ces établissements ne dépasse pas le taux que l'on paye aujourd'hui pour leur placement isolé chez des cultivateurs et des artisans, et sauf à combiner dans ces établissements l'agriculture avec les travaux manufacturiers pour les enfants qui conviendraient plus spécialement à ces travaux ; 2º Les mendiants, les vagabonds et en général les reclus valides des dépôts de mendicité, et spécialement ceux qui appar- tiennent à la population rurale, pourraient être utilement occupés aux travaux agricoles, et notamment aux travaux préparatoires de défrichement, d'irrigation et de boisement. » Après avoir voté sur ces deux points, la section, messieurs, a nommé rapporteurs, sur le premier point, M. Chasles, et sur le deuxième point, M. Ducpetiaux. Je céderai donc la parole à M. Chasles. M.CHASLES. Messieurs, vous aviez chargé la première section de répondre à la question suivante : « Examiner si et comment il peut être utile à la sociétě et aux individus d'employer aux travaux agricoles les enfants trouvés et abandonnés, la population valide des dépôts de mendicité et des prisons. D Nous avons eu à examiner d'abord si cette question est réellement agricole, si elle n'est pas plutôt une question d'économie charitable. Cependant, par cela même qu'elle était posée, nous devions la résoudre. Nous avons reconnu, d'ailleurs, que tout système qui tendrait à renvoyer à l'agriculture une partie des bras qui aujourd'hui malheureusement se consacrent trop exclusive- ment aux travaux des villes, serait favorable à l'agriculture; nous avons pensé que tout système qui moraliserait les enfants trouvés et abandonnés serait favorable à l'agriculture, en moralisant l'armée pacifique des travailleurs agricoles. Il faut examiner quelle est la situation actuelle des enfants trouvés, quel est le régime légal qui les gouverne. Aux termes du XIV RAPPORT SUR LES COLONIES AGRICOLES, ETC. 1 commune qui possède un millier d'hectares de bois et de bruyères, on pouvait espérer que le travail des jeunes condamnés se serait exercé sur une large échelle, dans le double intérêt de l'établissement et de l'augmentation des revenus communaux. Malheureusement les circonstances et l'opposition aveugle et obstinée d'une partie des habitants ont empêché jusqu'ici de donner suite au projet dont je viens de parler. Au milieu des terres improductives qui l'environnent de toutes parts, le pénitencier de Saint-Hubert s'est vu forcé de louer à grands frais et à une certaine distance une quinzaine d'hectares, où il récolte seulement une partie des denrées et des légumes nécessaires à sa consommation. C'est là une situation anormale, qui force l'établissement à dévier de son but primitif, augmente les difficultés d'occuper utilement sa population, accroît par suite ses dépenses, et ne pourrait se prolonger sans compromettre à la fois l'intérêt du trésor et celui des enfants et des jeunes gens dont il importe d'assurer, autant que possible, l'avenir. 6. Le principe des pénitenciers agricoles est déposé dans le projet de loi par la révision du Code pénal militaire; au lieu d'enfermer comme maintenant les condamnés qui, à l'expiration de * décret de 1811, les enfants trouvés sont les pupilles de l'État; ils sont à la charge de l'hospice ou du bureau de bienfaisance de la localité jusqu'à l'âge de douze ans ; jusqu'à l'àge de douze ans on paye pour eux une pension modique, et ils sont placés chez des cultivateurs, mais en général chez des cultivateurs peu aisés, qui n'ont pas le moyen de les bien diriger et qui ne trouvent pas la pension payée par l'hospice suffisante pour leur donner la nourriture nécessaire; ces cultivateurs les emploient à des travaux qui ne permettent de leur former ni le cœur ni l'esprit, et qui ne développent point leurs facultés physiques. A l'àge de douze ans, ces enfants sont abandonnés par la société et deviennent souvent des vagabonds. Il est vrai qu'alors la société ne dépense plus rien pour eux sous la forme de pension, mais elle dépense énormément pour eux sous d'autres formes, car ils vont peupler les prisons, et ils augmentent les frais de la justice criminelle. Le système actuel est mauvais, il est mauvais dans le pays que j'habite, et je suppose qu'il n'est pas meilleur en Belgique. Si le système est mauvais, il faut le réformer, et quel en est le moyen? C'est évidemment de donner à ces enfants une éducation meil- leure, sans cependant grever le budget de l'Etat, ou des provinces, ou des communes. Nous avons fait une expérience en France, et elle a réussi. Nous avons eu recours au système de M. de Metz, fondateur de la colonie agricole de Mettray. M. de Metz n'a appliqué ce système qu'à des enfants condamnés par les tribunaux, et il a réussi à leur donner une éducation parfaite qui, au lieu d'habitués des prisons et de vagabonds, en a fait des citoyens utiles. M. de Metz, en fondant cet établissement de Mettray, a prouvé qu'il avait de l'intelligence et du cœur, et l'on fait tout autant de bien avec le cœur qu'avec l'intelligence. (Applaudissements.) M. de Metz ne se borne pas à faire de ces enfants de bons citoyens; il les suit à la sortie de l'établissement, au moyen d'une société de patronage qu'il a instituée. Il faut dire qu'aussitôt qu'ils sortent de la colonie, ils sont occupés de grand cœur par les cultivateurs, qui s'inscrivent d'avance pour les obtenir. Eh bien! messieurs, ce qu'on fait pour des bandits (passez-moi celte expression), pourquoi ne le ferait-on pas pour les pupilles de l'État, pour des enfants qui n'ont pas de famille et qui sont fatalement voués au vagabondage si ce sont des garçons, ou à la prostitution si ce sont des filles? On a essayé de le faire, et l'on a réussi; on a réussi en ne dépensant pas plus pour faire bien qu'on ne dépensait pour faire mal. On a reconnu qu'on pouvait arriver à cet excellent résultat par le système des colonies, c'est-à-dire qu'au lieu de disséminer les enfants dans des maisons particulières, il fallait les réunir dans une même maison, mais qu'il fallait avoir une institution très-modeste, un état-major très-peu nombreux; qu'il fallait plutôt s'adresser, pour les soins à donner aux enfants, à des personnes charitables qu'à des personnes officielles qui font métier de la bienfaisance. (Applaudissements.) Ainsi, nous avons des personnes de bonne volonté qui leur donnent des soins, des maîtres d'école, des aumô- niers, des sœurs de charité, qui font le bien pour l'amour de Dieu, par conséquent gratuitement. De cette manière, nous sommes parvenus, dans certaines localités, à fonder des colonies qui prospèrent parfaitement. On a reconnu que le travail devenait attrayant (je ne suis pas phalanstérien, que ce mot ne vous effraye point). Nous avons vu des enfants de dix ou douze ans faire des travaux utiles. Ces enfants gagnaient déjà en partie leur subsistance; ils se livraient à la culture maraîchère d'abord, et plus tard à une culture qui exige plus de forces. Ils étaient heureux de traîner la brouette, c'était à qui porterait les fardeaux les plus lourds. Eh bien, messieurs, nous recevons purement et simplement du département la pension qu'il payait auparavant, et nous parvė- INTRODUCTION. XV 1 leur peine, doivent rentrer dans les rangs de l'armée, il s'agirait de les répartir en brigades mobiles sur les bruyères, partout où il y aurait à exécuter des travaux de terrassement, de creusement, d'irrigation, de boisement et de défrichement. 7. Les colonies de répression pour les mendiants et les vagabonds valides s'étayent sur le même principe que les pénitenciers agricoles. Le projet de loi sur la réforme des dépôts de men- dicité, présenté à la Chambre des représentants dans la séance du 17 novembre 1846, prévoyait la création de deux de ces colonies: l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes. Ce projet n'a pas été admis par la législature, qui s'est bornée à décréter l'institution d'écoles de réforme pour les enfants des deux sexes, se réservant d'aborder ultérieurement la question des colonies de répression après qu'on aurait expérimenté l'emploi des jeunes gens aux travaux agricoles. Pour préparer la solution de cette question, j'ai réuni tous les renseignements qui concernent les colo- nies de Hollande et les anciennes colonies de Belgique, et j'ai pensé qu'il ne serait pas inutile de reproduire à l'appendice de mon travail (annexe F, p. 196) le rapport de la commission chargée nons ainsi à nourrir les enfants beaucoup mieux, grâce à l'économie qui règne dans ces institutions et aux services rendus par ces enfants. La charité privée a dù venir au secours de l'établissement à cause des premiers frais et parce que nous ne voulions pas demander au département ou à la commune un surcroît de charges, afin de rendre la chose imitable dans d'autres localités. Le département n'aurait pas refusé, parce que c'est une question d'humanité, une question sociale; mais nous avons voulu que la chose fût imitée partout, et nous avons tenu à prouver que le bien ne coûte pas plus cher que le mal. Nous avons été extrêmement modestes, nous avons marché pas à pas, nous n'avons pas voulu faire le bien tout d'un coup ; nous avons pensé qu'il valait mieux faire chaque année quelque chose et avancer constamment, que d'aller trop vite et d'être forcé de reculer plus tard. Nous sommes au début, messieurs, nous ne pouvons pas encore citer beaucoup d'établissements, nous avons eu à lutter contre ee préjugé, qu'il n'y avait rien à faire. Aujourd'hui l'on comprend qu'il y a beaucoup à faire, grâce à l'exemple de Mettray, d'une part, de la colonie fondée dans le département de l'Indre et de celle qui existe dans le département de Saône-et-Loire, dont le préfet est tellement dévoué que depuis plusieurs années il a refusé tout avancement pour ne pas se séparer de sa chère colonie. Nous espérons qué bientôt il y aura des colonies dans tous les départements, d'autant plus que M. le ministre de l'agriculture a décidé l'établissement de fermes-écoles et que nos institutions recevront des subsides. Cependant nous avons agi comme si nous ne devions pas nous attendre à ces subsides, comme si nous devions opérer avec nos seules ressources. En résumé, nous avons la preuve qu'on peut, au moyen des pensions que paye l'État, le département ou la commune, sous le régime actuel, bien élever les enfants; qu'à l'âge de douze ans, les enfants restant dans la colonie y gagnent leur existence par leur travail, et qu'avant cet àge, ils gagnent par leur travail une partie de leur subsistance; qu'ainsi l'on peut entrer dans cette voie sans augmenter les charges qui pèsent de ce chef sur les budgets provinciaux ou communaux. Bien qu'on ne vous fasse de proposition que pour les enfants trouvés, on a songé à d'autres enfants qui ne méritent pas moins votre sollicitude; car on doit se préoccuper des maux de la société tout entière. On a dit qu'il serait très-bon que les enfants des familles pauvres pussent profiter des mènies avantages, que bien des personnes charitables seraient disposées à payer une pension de 100 francs par an pour qu'un enfant de famille pauvre soit aussi bien élevé qu'un enfant trouvé. Pour cela encore, il convient que la dépense ne soit pas considérable. Mais nous ne voulons pas confondre les diverses classes d'enfants; nous voulons qu'il y ait des établissements distincts pour les enfants trouvés, pour les enfants pauvres, les détenus correctionnels, pour qu'un sentiment d'honneur attache à la colonie. J'ai quelque expérience en cette matière. C'est pourquoi j'ai pris la liberté de m'en expliquer dans un pays auquel je n'appar- tiens pas ; c'est pour cela que la section m'a fait l'honneur de me désigner comme un de ses rapporteurs. Je ne pense pas que ceci soulève la moindre difficulté. Je n'abuserai donc pas de vos moments. Si l'on présentait des objections, il me serait facile d'y répondre. En attendant, je me bornerai à cet exposé. (Applaudissements.) M. Suringar, d'Amsterdam, à donné ensuite des détails du plus haut intérêt sur la colonie de Mettray, qu'il a visitée récemment; puis M. de Rainneville a fait connaître les colonies agricoles pour familles qu'il a établies dans ses terres; après quoi le Congrès a adopté à l'unanimité les deux avis émis par la section. XVI RAPPORT SUR LES COLONIES AGRICOLES, ETC. en 1847, par le Ministre de la Justice, d'émettre un avis sur l'organisation des dépôts de men- dicité au point de vue agricole. Ce rapport est un document essentiellement pratique, émané d'hommes compétents, et qui n'a rien perdu de sa valeur et de son actualité depuis l'époque à laquelle il a été rédigé. 8. J'ai consacré à l'institution des fermes-hospices des Flandres une notice assez étendue, qui suffira, je pense, pour donner une idée de l'organisation de ces utiles établissements, de leur régime économique et de leurs résultats. 9. Enfin, la création de colonies libres pour les indigents réunis en famille peut donner lieu à des combinaisons variées, dont quelques-unes ont été mises en pratique dans les Pays-Bas et naguère aussi en Belgique. Dans l'étude que j'ai faite de ces combinaisons, j'ai signalé les causes qui ont empêché, selon moi, leur réussite. Que l'on parvienne à écarter ces causes, et l'institution des colonies libres présenterait d'incontestables avantages. On en aura prochainement, j'espère, la preuve dans l'essai qui est en voie d'exécution dans la commune de Lommel (Limbourg), où le gouvernement a jeté les fondements d'une colonie destinée à un certain nombre de familles des Flandres, d'après le plan proposé par M. l'ingénieur en chef Kümmer. On peut juger, par cette énumération rapide, de la situation actuelle des établissements agri- coles de bienfaisance en Belgique, de leurs lacunes et de leurs progrès. Il reste, comme on voit, beaucoup encore à faire pour mettre ces établissements en rapport avec les besoins reconnus ; mais l'impulsion est donnée, et nul doute que le succès ne couronne les efforts tentés dans cette voie nouvelle ouverte à la charité intelligente et à l'activité nationale. A chaque série d'établissements viennent se rattacher diverses questions d'organisation et d'économie dont j'ai cherché la solution dans les faits et l'expérience de nos devanciers. Telles sont, entre autres, la question des petites et des grandes colonies que j'ai examinée spécialement à propos des colonies agricoles de la France, la question du patronage, celle de l'émigration et de la colonisation extérieure, la question financière, etc., que j'ai successivement passées en revue en décrivant les établissements agricoles des pays étrangers. Les renseignements que j'ai l'honneur de mettre sous vos yeux, M. le Ministre, renferment, je pense, tous les éléments nécessaires pour la solution de deux questions importantes qui s'agitent en ce moment en Belgique et qui ont donné lieu à de nombreuses pétitions adressées récemment à la législature. Je veux parler de la réforme des dépôts de mendicité et du régime des enfants trouvés et abandonnés. Un grand nombre de communes, particulièrement dans les Flandres, se plaignent des charges qui résultent pour elles de l'admission et de l'entretien des indigents et des mendiants dans les dépôts. Ces charges sont excessives en effet. A raison de 40 centimes par jour et par tête, en moyenne, une famille de cinq personnes, le père, la mère et trois enfants, occasionne à la com- mune de son domicile de secours une dépense de 730 francs par an. Cette somme équivaut au INTRODUCTION. XVII tiers ou même à la moitié des revenus de beaucoup de communes. Au lieu d'une famille, qu'il y en ait deux, trois ou quatre, admises au refuge provincial, et voilà la commune frappée de ruine et d'insolvabilité. Si l'on réfléchit en outre aux influences démoralisatrices du séjour plus ou moins prolongé dans les dépôts, si l'on se représente qu'il n'est presque pas d'exemple qu'un individu, qui y a une fois reçu asile, parvienne à récupérer son indépendance, on comprendra combien les communes sont intéressées à l'abolition d'un système qui entraîne de si funestes conséquences. Mais si le mal est évident, le remède n'est malheureusement pas facile. On a proposé de renvoyer immédiatement aux communes de leur domicile de secours les indi- vidus trouvés mendiant ou sans moyens d'existence dans les autres communes. On a eu recours à cet expédient lors de la crise qui a particulièrement affecté les Flandres pendant ces dernières années qu'en est-il résulté ? Que les prisons ont été substituées aux dépôts; que des sommes considérables ont été dépensées en transports, et que la démoralisation a fait des progrès effrayants. A peine rentrés dans leurs communes, les malheureux qu'en avaient expulsés la faim, le froid et souvent aussi le désordre et l'oisiveté, se retrouvaient exposés au même dénûment qu'aupara- vant; ils émigraient de nouveau, pour se voir repris et reconduits à nouveaux frais. Nous avons vu ainsi des familles qui, dans l'espace de quelques mois, avaient été ballottées d'un lieu à l'autre au moins une douzaine de fois. L'indigent, poussé à la mendicité, était devenu vagabond, et vaga- bond incurable. On a proposé de déplacer le fardeau et de le faire passer des communes aux provinces ou à l'État. Que résulterait-il de ce déplacement? Des abus plus graves encore que ceux qui existent aujour- d'hui. Dispensées de pourvoir à l'entretien de leurs mendiants et de leurs vagabonds, les communes ne seraient plus directement et pécuniairement intéressées à combattre dans leur sein la mendicité et le vagabondage; leur prévoyance ne pourrait manquer de s'affaiblir ou même de disparaître en même temps que cesserait leur responsabilité. Une fois entrées dans cette voie, prédominées par le désir d'alléger leurs charges, qui sait même si, pour se dispenser de soulager leurs indi- gents, elles ne les transformeraient pas en mendiants? Il s'ensuivrait que, dans un temps donné, le paupérisme, incessamment alimenté par l'abandon du principe de l'assistance locale, grandirait et s'étendrait sans que l'État eût le pouvoir d'arrêter ses progrès. Ce ne serait plus quelques milliers de francs qu'il faudrait alors, mais des centaines de mille francs; or, en définitive, comme il n'y a qu'une source unique pour subvenir aux dépenses publiques, la bourse du contribuable, il s'ensui- vrait que pour réduire la cote communale, on s'exposerait à voir s'augmenter indéfiniment la cote générale. Pour aboutir à ce circuit et reprendre pour ainsi dire de la main droite ce que l'on aurait donné de la main gauche, certes il ne vaut guère la peine de changer ce qui existe aujourd'hui. Est-ce à dire cependant qu'il n'y ait rien à faire et que le régime actuel des dépôts de mendi- cité ne doive subir aucune réforme et ne soit susceptible d'aucune amélioration? Nul ne pré- tendra. Les réformes au contraire sont naturellement indiquées, et depuis longtemps leur nécessité est reconnue. Le temps, l'argent ou l'occasion ont seul manqué jusqu'ici pour les réaliser. C XVIII RAPPORT SUR LES COLONIES AGRICOLES, ETC. Ainsi, l'on est généralement d'accord qu'il y a lieu de reviser les dispositions du Code pénal relatives à la mendicité et au vagabondage. Les peines à infliger aux mendiants et aux vagabonds doivent être nécessairement subordonnées à l'existence d'institutions suffisantes pour soulager l'indigence. Là où ces institutions font défaut ou ne correspondent pas aux besoins, il ne peut avoir justice à frapper le malheureux qui tend la main à l'aumône ou qui manque d'asile. y La révision et le complément des institutions charitables, la réorganisation des bureaux de bienfaisance, la création d'hospices ou l'existence de secours de tout autre nature pour les vieil- lards, les infirmes, les malades, les incurables, les orphelins, les enfants trouvés et abandon- nés, etc., sont donc les corollaires indispensables de la législation répressive de la mendicité et du vagabondage. Il y a là une liaison intime, logique, qu'il est impossible de méconnaître. L'allégement du fardeau qui pèse sur les communes du chef de l'entretien de leurs indigents et de leurs mendiants n'est pas seulement affaire de règlement; il ne suffit pas de changer telle ou telle disposition législative ou administrative pour améliorer leur position sous ce rapport. I importe encore et avant tout de remonter à la cause du mal, et d'interroger les moyens de le prévenir. A ce point de vue, le premier des remèdes est assurément l'éducation et la moralisation des classes laborieuses. Que l'on interroge l'histoire de ces familles vouées en quelque sorte à une misère et à une dégradation héréditaires, qu'on suive pas à pas, depuis son origine, les progrès et le développement de leur situation lamentable, et l'on reconnaîtra que cette situation n'est le plus souvent que la conséquence inévitable de l'abandon, de l'ignorance, de l'absence de tout patronage bienveillant. On récolte comme l'on sème, et si l'arbre reste stérile ou ne porte que de mauvais fruits, n'est-ce pas le plus souvent la faute du jardinier? Cette vérité, longtemps méconnue ou obscurcie, a acquis, depuis quelques années surtout, une sorte d'évidence. Aussi l'instruction populaire se propage et se perfectionne incessamment; les écoles gardiennes, dominicales, industrielles, viennent compléter l'œuvre commencée dans les écoles primaires. Encore un pas, et l'on reconnaîtra également la nécessité de renforcer dans ces établissements l'action éducatrice et d'élever le cœur, d'épurer les sentiments des enfants, de leur inspirer le sentiment de la dignité humaine, en même temps qu'on travaillera à développer leur intelligence. Le but sera alors bien près d'être atteint, et l'on pourra entrevoir avec confiance l'avénement d'une transformation qui seule peut mettre un terme aux progrès de la misère et à l'envahissement du paupérisme. En attendant, l'État, par la création des écoles de réforme, s'est efforcé de corriger les effets de l'abandon auquel sont encore livrés un grand nombre d'enfants pauvres. Quelques communes, de leur côté, ont aussi compris toute l'importance et l'étendue des devoirs qui leur sont imposés sous ce rapport, et l'institution récente des fermes-hospices est un germe favorable qu'il importe de féconder. Que ce mouvement s'étende, que les communes dont les intérêts sont identiques s'associent pour la création et la gestion d'établissements de ce genre, et les charges qui pèsent INTRODUCTION. XIX sur elles du chef de l'entretien des indigents et des mendiants dans les dépôts de mendicité, pour- ront être réduites de toute la différence qui existe entre le prix de la journée dans ces derniers établissements et dans les établissements nouveaux qui viendraient prendre leur place. Dans cette hypothèse, les dépôts de mendicité pourraient être rendus à leur destination primi- tive; au lieu d'être, comme aujourd'hui, des refuges et des espèces d'hôtelleries ouverts à toutes les classes de malheureux, aux indigents honnêtes comme aux mendiants et aux vagabonds d'habi- tude, aux vieillards, aux infirmes, aux incurables, aux libérés des prisons, etc., confondus souvent dans la plus déplorable et la plus dangereuse promiscuité, ils deviendraient de véritables établissements de répression où ne seraient plus placés que les individus frappés justement par la loi. Le moment serait venu alors d'effectuer enfin la réforme des dépôts, et de les remplacer par des colonies agricoles où les mendiants et les vagabonds valides seraient employés à des tra- vaux de défrichement, de plantation et de culture, qui, tout en réformant leurs habitudes et en les préparant à un meilleur avenir, contribueraient à diminuer les charges communales et à augmenter la richesse générale du pays. Jusqu'à ce que cette transformation puisse être opérée, il y aura lieu de régulariser la gestion et de renforcer, à certains égards et pour certaines catégories de reclus vicieux ou incorrigibles, le régime intérieur des dépôts. C'est ce dont on s'occupe en ce moment, et déjà quelques-uns des règlements nouveaux ont été soumis récemment à la sanction royale. Enfin, pour faire droit aux justes réclamations de certaines communes qui font effectivement des sacrifices nombreux et des efforts intelligents pour le soulagement de leurs pauvres, il con- viendrait, je pense, de faire arrêter par les députations permanentes, dans chaque province, une liste: 1° des communes où il existerait des établissements, tels que fermes-hospices, asiles, ateliers de travail ou d'apprentissage, où les indigents, vieillards, infirmes, orphelins, etc., sont admis moyennant certaines conditions; 2° des communes qui feraient partie d'une association ayant pour but la création et la gestion en commun de pareils établissements; 5° des communes qui prendraient d'avance l'engagement de pourvoir de tout autre manière à l'entretien et à l'occupation de leurs indigents. Les indigents appartenant à ces communes, qui seraient arrêtés dans d'autres communes du chef de mendicité ou de vagabondage, ou qui s'y trouveraient sans moyens d'existence, seraient immédiatement renvoyés aux lieux de leur domicile sans devoir passer, comme aujourd'hui, par les dépôts de mendicité. Leur placement, d'après leur âge, soit dans ces derniers établissements, soit aux écoles de réforme, serait subordonné en tous cas à leur état de récidive et à la constatation d'habitudes de mendicité ou de vagabondage invétérées et exigeant par suite un traitement spécial et plus ou moins prolongé. Subsidiairement, on pourrait prendre les mesures nécessaires pour activer l'instruction des affaires relatives à la constatation des domiciles de secours, et veiller à la stricte exécution des articles 5 et 6 de l'arrêté royal du 15 juillet 1849, qui concernent l'admission provisoire des indigents dans les dépôts. + XX RAPPORT SUR LES COLONIES AGRICOLES, ETC. Mais, je ne puis assez le répéter, le point essentiel est d'empêcher l'émigration des indigents, de les retenir dans leur commune, à moins de l'assurance ou de l'espérance fondée d'un place- ment convenable ou d'une occupation suffisante dans d'autres localités, car la famille une fois dispersée ne parvient que bien rarement à se reconstituer, et de l'abandon du foyer domestique naissent des charges qui peuvent se perpétuer indéfiniment. C'est aux communes à aviser sous ce rapport; l'État est impuissant pour écarter les effets de cette dispersion et de cet abandon; et la répression de la mendicité et du vagabondage est une nécessité sociale qui ne peut admettre d'autre correctif que les efforts faits par les communes elles-mêmes pour empêcher que les indi- gents ne se transforment en mendiants et en vagabonds. Quant au régime des enfants trouvés et abandonnés, il me semble que l'on s'occupe trop exclu- sivement de la question des tours, et que l'on néglige malheureusement les autres questions non moins importantes qui se rattachent à leur placement, à leur éducation et à leur tutelle. En me référant aux considérations que j'ai déjà fait valoir à ce sujet dans les pages qui précèdent, je suis d'avis que tout ce qui se rapporte à cette classe spéciale d'infortunés rentre dans le cercle des attri- butions provinciales et communales, mais qu'il appartient aussi au législateur de poser les règles et les limites de ces attributions. Le décret impérial de 1811 a consacré à cet égard des dispo- sitions laissées pour la plupart sans exécution ou tombées en désuétude. Il importe de combler cette lacune en formulant des dispositions nouvelles destinées à remplacer celles de la loi française, devenue désormais inefficace pour protéger les intérêts des enfants trouvés et abandonnés. En terminant, M. le Ministre, je ne puis m'abstenir d'exprimer le vœu de voir les particuliers, les associations, les administrations communales et charitables suivre l'exemple que vient de leur donner le gouvernement par la création des écoles de réforme. Il existe désormais un type qui peut être imité sur une échelle plus ou moins large partout où il se trouve quelques hommes dévoués. Le gouvernement ne peut tout faire; il a commencé, que d'autres agissent à leur tour. Je serais heureux, pour ma part, si la publication de mon travail peut contribuer à éclairer la voie, à résoudre les difficultés, à écarter les doutes, et à fournir les éléments nécessaires à la poursuite et au complément d'une œuvre de régénération et de salut pour la classe indigente. Agréez, je vous prie, M. le Ministre, l'expression de ma haute considération et de mon respec- tueux dévouement, L'Inspecteur général des prisons et des établissements de bienfaisance, ÉD. DUCPETIAUX. ? I SUISSE. Écoles rurales pour les orphelins, les enfants pauvres, abandonnés, négligés et vicieux. même victime. La création des écoles rurales en Suisse, pour les orphe- | perpétuer la dégradation dont il avait été naguère lui- lins, les enfants pauvres, abandonnés, négligés, vicieux et moralement menacés, a été provoquée par la conviction générale qu'il n'y avait qu'un moyen pratique d'arrêter les progrès de la misère et de combattre le paupérisme : c'était d'étendre le bienfait de l'instruction et de l'éducation, de soustraire, dans certains cas, les enfants au contact et à l'in- fluence de leurs parents, et de créer pour ainsi dire à ces enfants une famille nouvelle, alors que la famille naturelle leur faisait défaut, ou était incapable ou indigne de remplir sa mission. Avant que les écoles rurales fussent instituées, on se bor- nait d'ordinaire à mettre les orphelins, les enfants pauvres et abandonnés en pension chez des cultivateurs et des arti- sans. Dans ces placements, les administrations charitables avaient surtout égard à l'économie, et les nourriciers et les maîtres ne considéraient guère que le profit que pouvait leur rapporter la pension de l'enfant ou le travail de l'ap- prenti. Il s'ensuivait que le mal n'était que déplacé au lieu le mal n'était que déplacé au lieu d'être détruit; l'enfant passait d'une famille à l'autre, sans trouver dans ce changement aucune garantie de meilleure éducation : il n'était enlevé à sa mère que pour être trop souvent confié à une marâtre; les soins les plus essentiels lui étaient refusés; on abusait de ses forces en le condam- nant à un labeur excessif, ou bien on le laissait croupir dans quelque position infime, comme celle de gardeur de vaches. L'enfant grandissait ainsi dans l'ignorance et le dénûment, pour fonder à son tour une famille malheureuse destinée à Jean-Henri Pestalozzi, né à Zurich en 1746, fut le pre- mier à constater les inconvénients et les dangers de ce mode d'assistance, ou plutôt de ce déplorable abandon; toute sa vie fut consacrée à la recherche et à l'expérimentation des moyens d'y mettre un terme. Malgré l'exiguïté de ses res- sources, il créa, dans une petite propriété que lui avait léguée sa famille, à Neuhof, une école rurale de pauvres, qui, faute de tout secours extérieur, épuisa sa petite fortune et entraîna sa ruine. Mais cet insuccès, loin de l'abattre, servit au contraire d'aliment à son zèle et à son dévouement. Il poursuivit courageusement la sainte mission qu'il s'était imposée, méconnu par les uns, les uns, raillé par les autres, mais jetant çà et là les germes de la réforme, et inspi- rant de sa pensée quelques hommes d'élite, qui devaient plus tard marcher sur ses traces, et fonder sur des bases solides et indestructibles l'oeuvre humanitaire dont il fut le précurseur et le martyr. Parmi ces hommes, on doit citer en première ligne Phi- lippe-Emmanuel de Fellenberg, né en 1771, et Jean-Jacob Wehrli, né en 1790; à côté d'eux vinrent se ranger Jean- Gaspard Zellweger, de Trogen, Christian-Henri Zeller, inspecteur de l'école de Beuggen, et plusieurs autres qui, chacun pour leur part, ont, depuis une trentaine d'années. contribué à propager les plans de Pestalozzi et déterminé la création des nombreuses écoles rurales dont la Suisse s'enorgueillit à juste titre. 1 61 SUISSE. - ÉCOLES RURALES. Établissement agricole d'Hofwyl. De tous ces établissements, le premier en date et aussi, à certains égards, le plus remarquable, est sans contredit celui d'Hofwyl. C'est en 1799, quand la Suisse venait de perdre son indépendance, que M. de Fellenberg, sentant sa patric lui échapper, pensa qu'il y avait quelque chose de plus grand et de plus digne à faire que d'ètre patricien de Berne sous la protection de la république française. Comme sa patrie lui manquait, il s'adressa à l'humanité. Témoin de tant de sociétés qui s'écroulaient, il crut qu'il y avait une société nouvelle à fonder, et qu'elle ne pouvait se fonder que sur l'éducation; il créa Hofwyl. Tous les instituts, tous les colléges, toutes les écoles avaient eu jusque-là pour but l'instruction; il eut en vue l'éducation. En jugeant Hofwyl, il ne faut pas oublier quelle fut l'idée de son fon- dateur. Hofwyl comprend ou plutôt comprenait cinq instituts liés les uns aux autres d'une manière plus ou moins étroite: 4° un institut scientifique; 2° une école intermédiaire (real- schule); 3º une école de pauvres ou école rurale; 4º une école normale permanente; 5º une école normale trimes- trielle pour les maîtres d'école. Sans nous arrêter à l'institut scientifique, qui ressemble à beaucoup d'égards aux instituts du même genre fondés depuis quelques années en Allemagne et en Suisse, voyons ce qu'est l'école des pauvres, l'établissement de prédilection de M. de Fellenberg, sa création la plus belle et la plus neuve, celle dont on peut le moins lui contester l'invention et révoquer en doute le mérite. Voici quelle est l'idée de cette école. M. de Fellenberg prend des enfants pauvres à l'âge de six ans, les nourrit, les habille et les instruit. Ils travaillent pour lui dans la cam- pagne et à la ferme. C'est de cette manière qu'ils rembour- sent en partie M. de Fellenberg de ses avances. Ils restent jusqu'à vingt et un ans dans l'école, et c'est pour eux un point d'honneur auquel aucun n'a manqué, de ne pas quitter Hofwyl avant cet âge, sachant bien que c'est surtout le tra- vail de leurs dernières années qui paye les dépenses de leur enfance. Depuis 4809, époque de la fondation de cette école, plusieurs centaines d'enfants ont été ainsi nourris, vêtus, instruits, et, dès 1834, M. de Fellenberg était rem- boursé, par le produit de leur travail, de ses frais d'éta- blissement et d'entretien, sauf une somme de 15,000 francs. La population de l'école rurale était peu considérable dans les commencements: elle n'était que de 15 à 20 enfants. Mais peu à peu elle s'est accrue jusqu'à 100 enfants, chiffre toutefois qui n'a jamais été dépassé. Sur ce nombre, il y avait quelques jeunes filles, dont l'une des filles de M. de Fellenberg avait spécialement la direction. • Entrons maintenant dans quelques détails d'intérieur. Les élèves de l'école rurale sont vêtus de coutil pendant l'été, de laine pendant l'hiver. Pendant l'été, ils vont ordi- nairement pieds nus, à moins que les travaux dans les champs ne les obligent à mettre des souliers; même pendant la mauvaise saison, ils ne couvrent jamais leur tête. En été, les élèves se lèvent à cinq heures, en hiver, à six. Après s'être lavés, ils prennent part à la prière du matin et reçoivent une leçon d'une demi-heure. Le déjeuner pris, ils vont au travail, qui dure jusqu'à onze heures et demie. De onze heures et demie à midi, ils prennent leur dîner, qui est encore suivi d'une leçon d'une heure. A une heure, le travail recommence, et dure jusqu'à six heures, heure à laquelle on soupe. Après le souper, on joue, et la journée est terminée par une leçon d'une demi- heure et une prière commune. Les élèves se couchent ordi- nairement entre huit et neuf heures. L'ordre de la journée change selon les différentes saisons. Au fort de l'été, on tra- vaille plus longtemps, et l'on soupe une beure ou une heure et demie plus tard, tandis que, pendant les courtes journées d'hiver, les élèves ont une ou deux heures de leçon avant le souper. La durée moyenne du travail, pour chaque jour, est de dix heures en été, de neuf heures en hiver; le maxi- mum est de douze heures; le minimum de huit heures. Pen- dant la plus grande partie de l'année, l'enseignement, cha- que jour, dure deux heures; en hiver, il dure trois ou quatre heures. La matinée du dimanche est consacrée tant au ser- vice divin qu'à des leçons; le reste de la journée est employé aux exercices gymnastiques, aux jeux et à la promenade. Les objets d'enseignement sont : la lecture, l'écriture, le dessin, le calcul, le chant, et les notions les plus utiles de grammaire, de géométrie, de physique, de géographie et d'histoire du pays. A cela se joignent des exercices d'esprit et un enseignement religieux et moral. Pour l'enseignement de ces objets, il n'y a pas d'ordre fixé, mais on choisit celui pour lequel on croit les élèves le mieux disposés au moment où l'enseignement doit se faire. Sans doute une telle méthode. serait blamable dans une éducation dont l'instruction ferait la base, parce que des jeunes gens qui se destinent aux pro- fessions intelligentes doivent s'accoutumer à avoir l'esprit toujours prêt. Mais on doit agir autrement dans un éta- blissement où l'enseignement sert pour ainsi dire de dis- traction. Dès l'origine de l'école des pauvres d'Hofwyl, sa direc- tion fut confiée à Wehrli, l'élève favori de M. de Fellenberg, qui dirige aujourd'hui l'école normale de Kreutzlingen, dont nous parlerons plus loin. Personne ne peut mieux raconter cet enseignement perpétuel qui se donne au hasard, dans les champs comme à la maison. Écoutons ce qu'il en dit : « Beaucoup de personnes m'ont souvent demandé com- ment et quand j'enseigne mes enfants. Je réponds qu'ils sont enseignés continuellement car la nature de presque tous nos travaux permet que j'enseigne en même temps que nous travaillons, et chaque entretien est dirigé vers un but d'instruction. <«< Vivant ainsi au milieu de cette belle et libre nature, au milieu des œuvres de Dieu, il y a lieu à chaque instant SUISSE. 13 ÉCOLES RURALES. d'exercer la mémoire et l'intelligence des enfants, de leur apprendre à observer et d'exciter leur curiosité. On trouve là bien plus de moyens d'instruction qu'entre quatre murailles tristes et sombres, où les enfants sont obligés de rester assis, pressés l'un contre l'autre, comme des boeufs sous le joug, emprisonnés pendant une longue journée, ce qui leur donne l'habitude de l'apathie et de la mauvaise humeur, plutôt que d'une vie laborieuse, active et gaie. moyen <«< Tout ce que nous faisons avec nos élèves sert de pour développer leur esprit, c'est-à-dire pour faire mûrir et croître le germe; car chaque homme a son germe; cha- que homme est ensemencé en venant au monde; il n'y manque que la façon de la culture. Nous ne leur faisons faire aucun exercice inutile, et il n'y a rien dont la pratique ne leur apprenne quelque chose. L'essentiel, c'est de ne travailler machinalement, mais de rendre attentif au pas but et à l'utilité des choses, et de toujours expliquer com- ment, quand et pourquoi elles se font. L'expérience m'a bien montré quelle différence il y a pour les enfants entre un tel établissement et une simple école de village. Dans notre établissement, toutes les circonstances de leur vie future sont prévues, et ils y sont préparés d'avance. Nous avons ici tous les travaux de la campagne, et de plus tous les moyens d'instruction pour expliquer ces travaux. Chez nous, dans leur journée, que de choses se présentent à l'esprit de nos élèves, dont ils n'auraient jamais eu l'idée sur les bancs de l'école, et sur lesquelles ils n'auraient jamais demandé d'explication! Ils nous font des questions sans nombre sur mille et mille objets. Or le meilleur ensei- gnement et le plus efficace est celui qu'on accorde aux instan- ces de l'élève. Les connaissances s'impriment bien plus for- tement dans la mémoire, quand c'est l'élève lui-même qui adresse au maître les questions. C'est ce que font mes élèves. L'un demande :-Pourquoi fait-on là ce fossé? Un autre :— Pourquoi cette eau est-elle conduite dans cette direction et non dans cette autre? Un troisième :- Pourquoi met-on ces plantes par ci et non par là; pourquoi si loin l'une de l'au- tre, etc.? Pourquoi en été les jours sont-ils longs et les nuits courtes, et pourquoi en hiver est-ce le contraire? - D'où viennent les nuages, les brouillards et les vapeurs, et où vont-ils ? Et quand ils voient un insecte, un oiseau ou quelque autre animal, ils ont à l'instant une suite infinie de questions à m'adresser. Tout cela se fait-il dans nos écoles de campagne, où les enfants, pendant une grande partie du jour, ne peuvent bouger de leurs places, et n'ont devant les yeux qu'une muraille inanimée?» Les travaux auxquels sont employés les élèves de Fécole des pauvres sont de deux espèces : ce sont des travaux champêtres et des travaux domestiques. Pendant la belle saison, ils font, dans les champs, tous les travaux qui ne sont pas au-dessus des forces de leur âge, tels que sarcler et arracher les mauvaises herbes, glaner, cueillir les pois et les fèves, récolter des pommes de terre, ramasser des engrais, etc. Je ne parle pas d'un grand nombre de petits travaux à la main pour lesquels les enfants remplacent les bras des hommes. Pendant la mauvaise saison, ils sont occupés à faire des ouvrages de vannerie et de paille, à fendre et à scier le bois, à faire des fagots, à battre le blé, à trier des graines, etc. Un des élèves les plus avancés en âge est apprenti charron, et les autres passent, à tour de rôle, chacun une semaine dans un des ateliers de l'établisse- ment pour aider les artisans. Dans l'école des pauvres d'Hofwyl, le travail est un élément de moralisation; il donne aux enfants l'idée de la rétribution accordée à chacun selon ses œuvres; il les habitue à l'ordre et à la régularité. C'est aussi un élément d'instruction et un exercice d'intelligence. M. de Fellen- berg a une ferme expérimentale et une fabrique d'outils d'agriculture plus parfaits que les outils ordinaires. Les enfants de l'école rurale sont employés aux expériences des méthodes d'agriculture et au maniement des outils nou- veaux, et comme ces expériences et ces outils leur sont expliqués, c'est encore un moyen de plus de les habituer à travailler d'une manière intelligente, à ne pas avoir horreur de la science et à secouer le joug de la routine. La discipline de l'établissement est toute paternelle : le maître est constamment avec ses élèves, partage leurs tra- vaux et leurs repas, et participe à leurs jeux. Il n'y a guère lieu de punir les élèves : ils sont en général fort dociles. Les réprimandes suffisent la plupart du temps. Les élèves les plus âgés prennent soin des plus jeunes: il s'établit ainsi entre eux des liens de fraternité qui exer- cent sur les uns et les autres l'influence la plus salutaire. Le jeune tuteur comprend vite l'importance de la tâche dont il est chargé le bon exemple qu'il doit donner à son pupille lui fait observer sa propre conduite; son âme s'élève en raison de la responsabilité qui pèse sur lui. C'est en se fon- dant sur des observations analogues que les directeurs de la colonie de Mettray ont institué dans leurs familles les frères aînés, qui sont choisis par les colons eux-mêmes, et qui secondent les chefs de famille. Indépendamment de l'institut scientifique réservé aux classes riches, M. de Fellenberg a fondé une école inter- médiaire, qui sert en quelque sorte de lien entre l'institut et l'école des pauvres. Le passage de l'école inférieure aux écoles supérieures est rare, et n'a lieu que dans certains cas exceptionnels, où la capacité de l'élève a été suffisam- ment éprouvée. étran- L'école normale, par contre, est étroitement liée à l'école rurale. Elle se compose des élèves qui se distinguent dans cette école, sans cependant être appelés par leurs talents à entrer dans l'institut scientifique, et des jeunes gens gers à Hofwyl, qui se destinent à être maîtres d'école et qui veulent perfectionner leur instruction. Ils vivent avec les élèves de l'école rurale, aident le maître à les instruire et partagent leurs travaux dans les champs : c'est de cette manière qu'ils remboursent M. de Fellenberg des frais de leur entretien. : 4 ÉCOLES RURALES. SUISSE, 1 Sans l'école normale permanente, l'école rurale serait impossible, ou du moins elle ne serait praticable qu'en petit. Mais avec les jeunes maîtres qui en sortent et qui y entrent sans cesse, qui sont formés à ses habitudes, à sa méthode et imprégnés de son esprit, l'école peut devenir nombreuse sans dangers, parce qu'il y a toujours assez de maîtres pour suffire aux élèves, et des maîtres qui ont la tradition de l'école. Tout serait perdu si elle était livrée à des maîtres étrangers. mettre un terme à ses utiles travaux. Depuis cette époque, les renseignements sur l'établissement d'Hofwyl nous font défaut; seulement nous avons appris que l'école des pau- vres, l'institution de prédilection de M. de Fellenberg, avait cessé d'exister. Mais l'impulsion est donnée, et l'exemple d'Hofwyl a trouvé de nombreux imitateurs. Le nombre des écoles rurales, érigées à l'instar de l'école de Wehrli, s'est rapidement multiplié; il s'en trouve une ou plusieurs presque dans chaque canton. Ces établisse- ments ont diverses destinations, et peuvent être divisés en deux catégories principales : L'école permanente est donc un établissement destiné plutôt à accroître et à continuer la famille des pauvres de M. de Fellenberg, qu'à propager au dehors l'esprit d'Hofwyl. L'école normale trimestrielle est fondée à ce dernier effet. Elle est fréquentée chaque année par un grand nombre d'in-pables et vicieux; stituteurs du canton, et même des cantons voisins (1). Les bienfaits de l'établissement d'Hofwyl, les nombreuses demandes d'admission adressées à son directeur, détermi- nèrent celui-ci à faire quelques essais d'agrandissement; il procéda, à cet égard, comme on l'a fait depuis à Mettray pour les fermes détachées. Une trentaine d'enfants, sous la conduite de leur maître, ont été établis au milieu des forêts, sur les hauteurs de Maykirch; ils ont défriché et nettoyé le sol; ils l'ont mis en valeur. La maison qu'ils habitent, ils en ont été à la fois les architectes et les maçons; la source. d'eau, ils l'ont découverte et amenée par un aqueduc; ils ont nivelé le terrain, planté les arbres; ils se nourrissent des pommes de terre qu'ils ont récoltées, du lait des bestiaux qu'ils élèvent et font paître. On arrive dans ces lieux, jus– qu'alors déserts, et on reconnaît la présence de ces jeunes cultivateurs aux chants que font retentir leurs innocentes voix. On entre dans leur habitation: on y voit tous les instru- ments nécessaires aux ouvrages domestiques; sur un rayon sont déposés des livres choisis sur la morale, la religion, l'histoire nationale, la géographie et la botanique; ces livres sont le sujet de leur lecture du soir et de leurs entretiens sous la direction de leur chef. Du reste, l'institut d'Hofwyl pourvoit à leurs autres besoins, mais en tenant avec eux un compte ouvert pour les échanges réciproques (2). Les renseignements qui précèdent remontent à une épo- que déjà assez éloignée; lorsque nous avons visité nous- mème l'établissement d'Hofwyl, en 1832, il avait acquis son plus haut degré de développement et de prospérité. Nous avons vu Wehrli à l'œuvre, et nous avons pu appré- cier l'influence bienfaisante qu'il exerçait sur la famille de son adoption. Mais, peu de temps après, cet instituteur émi- nent, rappelé dans son canton, alla prendre, en 1834, la direction de l'école normale de Kreutzlingen. Son départ porta un coup sensible à l'école des pauvres d'Hofwyl; sans se décourager cependant, M. de Fellenberg poursuivit la tâche qu'il s'était imposée, lorsque la mort, en 1845, vint (1) Saint-Marc-Girardin, De l'instruction intermédiaire, etc., p. 35 et suiv. (2) De Gérando, Do la bienfaisance publique, tome II, p. 578. | Écoles de correction et de réforme pour les enfants cou- Asiles et maisons de préservation pour les enfants pau- vres, les orphelins, les enfants abandonnés ou moralement menacés, auxquels l'éducation de la famille naturelle fait défaut. La base fondamentale de ces établissements est la vie de famille. La direction de chacun d'eux est confiée à un insti- tuteur marié d'ordinaire; il remplit l'office et porte le titre de père de famille (hausvater); sa femme lui est adjointe pour tout ce qui se rapporte à la gestion du ménage, à la surveillance et à l'instruction professionnelle des filles; elle porte le titre de mère de famille (hausmutter). Organisées à l'instar de la famille, la plupart des écoles reçoivent des enfants des deux sexes. Cette réunion des filles et des garçons sous un même toit contrarie un les peu usages reçus chez nous, et l'on peut craindre qu'elle ne donne lieu à quelques inconvénients. Mais l'expérience a prouvé et prouve encore tous les jours, en Suisse comme en Allema- gne, que ces inconvénients sont plus apparents que réels. On a observé, au contraire, que l'imagination des enfants était plus excitée lorsque les sexes étaient séparés que lors- que, réunis, il s'établissait entre eux des rapports fraternels et quotidiens. Au village, le contact habituel des filles et des garçons, sous la surveillance générale des parents, forme la règle, et il n'est jamais venu à l'esprit de personne de le prohiber ou seulement de chercher à le restreindre. L'école rurale, destinée à reproduire en petit l'existence de la famille et la routine villageoise, peut et doit admettre la même tolérance, sauf à prendre les précautions nécessaires pour que la réunion ne dégénère pas en abus. Parmi ces précautions, nous citerons: La surveillance vigilante du père et de la mère de famille; L'admission des enfants avant douze ans et leur sortie vers dix-sept ans ; La séparation des dortoirs affectés aux enfants de chaque sexe. Moyennant ces précautions, indiquées d'ailleurs par le plus simple bon sens, la réunion des enfants des deux sexes, dans les mêmes établissements, présente de nombreux avantages: Au point de vue de l'économie du ménage; SUISSE. » ÉCOLES RURALES. Au point de vue de la combinaison des travaux, en per- mettant d'assigner aux enfants de chaque sexe les occu- pations qui leur conviennent le mieux et qu'ils sont le plus capables de remplir; Au point de vue de l'instruction et de l'éducation, comme un moyen puissant d'adoucir les mœurs, de créer et de sti- muler l'émulation, de resserrer le lien fraternel qui doit unir tous les membres d'une même famille. Mais, pour que le véritable esprit de famille règne dans l'établissement, il importe que sa population ne soit pas trop considérable, que les parents d'adoption puissent se mettre en relation journalière et pour ainsi dire permanente avec les enfants confiés à leur sollicitude, que l'œuvre de l'édu- cation individuelle marche pour ainsi dire de pair et puisse être combinée avec l'œuvre de l'éducation collective. Dans les écoles rurales de Suisse, le nombre des élèves varie d'ordinaire entre 24 et 40; dans quelques établisse- ments même, comme à Bächtelen, à l'instar de l'organisa- tion du Rauhen-Haus, à Hambourg, la grande famille est encore subdivisée en petites familles de 12 enfants au plus, qui sont placés sous la direction d'un père spécial. Les enfants sont généralement admis entre six et douze ans; leur sortie a lieu à dix-sept ou dix-huit ans, après la confirmation. L'instruction qu'on leur donne est la même que celle des écoles primaires. L'agriculture forme la base du travail, et l'on n'y rattache d'ordinaire certaines occupations accessoires que pour éco- nomiser les frais d'entretien et utiliser le temps des enfants, lorsque les travaux extérieurs n'exigent pas leur concours ou sont forcément suspendus. Les conditions d'admission varient selon la nature des établissements; mais généralement la pauvreté seule n'est pas un titre suffisant: il faut en outre que l'éducation et les soins de la famille naturelle fassent défaut à l'enfant. Créées la plupart par des associations libres, les écoles rurales sont soutenues en grande partie par les dons de la charité; pour compléter ces ressources, il est payé une pension modique par les communes ou les bienfaiteurs, à moins que, dénué de tout appui, l'enfant ne soit reçu gratuitement. L'administration et la surveillance supérieure de chaque établissement sont confiées à un comité, qui s'occupe en même temps du placement des élèves à leur sortie et exerce sur eux un bienveillant patronage. Le complément de l'institution des écoles rurales se trouve dans les écoles normales, spécialement affectées à la formation d'instituteurs pour les enfants pauvres. Quelques-uns de ces derniers établissements sont rattachés aux écoles rurales elles-mêmes, comme à Hofwyl, à Trogen, à Carra, à Beuggen; ailleurs, comme à Kreutzlingen, ils existent par eux-mêmes et sont entièrement séparés. La Société Suisse d'utilité publique a compris toute l'importance de la forma- tion d'un personnel convenable pour les écoles rurales; elle a institué un certain nombre de bourses, qui lui permettent de placer dans les écoles normales un nombre proportionné de candidats instituteurs qui y apprennent la théorie et la pratique de l'enseignement, s'initient aux habitudes et aux travaux de la vie champêtre, et se préparent à l'accomplisse- ment des modestes devoirs d'une profession pénible, toute d'abnégation et de dévouement, pour laquelle ce monde n'a pas de récompense et qui ne doit attendre sa rémunération que de Dieu. Mais pour faire connaître et apprécier l'organisation inté- rieure des établissements dont nous venons d'indiquer le but et de tracer les progrès, il est nécessaire de les consi- dérer séparément, et de donner sur quelques-uns d'entre eux certains détails dont l'intérêt et l'utilité nous paraissent incontestables. Ces détails nous les puiserons en partie dans les notes que nous avons recueillies personnellement sur les lieux, en partie dans l'ouvrage publié, en 1845, par M. J.-C. Zellweger, directeur de l'école des pauvres de Schurtanne, près de Trogen, Des écoles de pauvres en Suisse, érigées d'après les principes de Fellenberg (DIE SCHWEI- ZERISCHEN ARMENSCHULEN NACH FELLENBERG SCHEN GRUNDSATZEN. Trogen, 1845). Dans l'exposé résumé qui va suivre, nous avons rangé les établissements d'après l'ordre alphabétique des cantons où ils sont situés. Maison d'orphelins de Trogeu, à Schurtanne. (Rhodes extérieures d'Appenzell.) Cet établissement a été fondé, en 1844, par le respecta- ble Jean-Gaspard Zellweger, de Trogen. Il a eu, dès son origine, pour directeur, un parent du fondateur, Joseph- Conrad Zellweger, élève de l'école d'Hofwyl. Il est spécialement destiné à recevoir les orphelins de la localité; il reçoit en outre des pensionnaires de différents cantons. Ceux-ci payent une pension de 100 florins par an. Les orphelins sont admis gratuitement. Dans l'origine, le nombre des enfants n'était que de 12: il s'est successivement augmenté depuis jusqu'à 40, chiffre normal que les statuts ne permettent pas de dépasser. La population de l'établissement, en 1845, était composée comme suit: Orphelins. { Pensionnaires Garçons Filles • Enfants du directeur Total. 16 7 14 2 39 A ce nombre cependant il faut ajouter 46 externes, qui, la même année, étaient admis à fréquenter l'école et à faire leur apprentissage dans les ateliers. Chaque externe paye, par semaine, de 16 à 24 kreutzers; le produit de ces rétri- butions, ajouté aux pensions, contribue à couvrir les frais ! 6 ÉCOLES RURALES. SUISSE. de l'établissement, qui sont supportés par l'administration locale. Les premiers orphelins admis étaient des garçons; le mariage du directeur, en 1825, fut suivi de l'admission d'un certain nombre de jeunes filles. Depuis cette époque, les enfants des deux sexes sont réunis dans le même éta- blissement, sans que jamais cette réunion ait occasionné le moindre inconvénient. Seulement les filles et les garçons occupent des bâtiments séparés. Tout le personnel se compose du directeur et de sa femme, assistés d'un ouvrier tisserand. Le traitement du directeur, indépendamment du logement et de l'entretien pour lui et sa famille, n'était d'abord que de 200 florins; il a été successivement élevé à 300 et à 400 florins en 1837. Leur assistant reçoit, outre l'entretien, 2 fl. 42 kr. par semaine. L'administration supérieure est confiée à un comité nommé par l'autorité locale; le comité règle les recettes et les dépenses, et prononce l'admission ou le renvoi des élèves. Ces occupations sont plus que suffisantes pour employer le temps des enfants du sexe féminin; les garçons, sui- vant les saisons et les besoins, sont employés à l'extérieur à la culture et au soin du bétail, ou à l'intérieur dans l'atelier de tissage annexé à l'établissement. Tous les enfants fréquentent l'école jusqu'à l'âge de qua- torze ans; passé cet âge, lorsqu'ils sont reconnus capables, ils suivent une classe de répétition, et continuent toujours d'assister au cours de chant et à l'instruction religieuse que donne l'un des pasteurs de l'endroit. Il y a généralement quatre heures d'école par jour, qui alternent avec les heures consacrées aux travaux manuels. L'enseignement comprend la lecture et les explications nécessaires pour s'assurer que les élèves comprennent ce qu'ils lisent; l'écriture; la grammaire; les exercices de mémoire; le calcul mental et par écrit; le dessin linéaire avec ses applications à l'agriculture et à l'industrie; les prin- cipes de géométrie et d'arpentage; l'histoire du pays; la géographie mathématique; le chant et la religion. Cet ensei- gnement est complété par des lectures et des conférences familières sur les lois et les phénomènes de la nature, etc. L'instruction est en tous cas associée à l'éducation; on ne se Les orphelins peuvent être reçus jusqu'à l'âge de douze ans; avant leur admission définitive, ils doivent subir une épreuve d'une année; cette épreuve est réduite à trois mois pour les pensionnaires, qui ne peuvent être admis que jus-borne pas à mettre aux mains de l'enfant l'instrument, mais qu'à l'âge de dix ans. Le directeur choisit ses assistants parmi les orphelins et les pensionnaires indistinctement. Ces assistants, qui for- ment une sorte de classe de moniteurs ou d'élèves institu- teurs, ne peuvent dépasser le nombre de quatre. Il n'existe aucune différence entre les enfants pauvres et les pensionnaires; tous sont soumis au même régime et à la même discipline. Le costume est le même que celui des enfants de la localité. La nourriture est saine, abondante, mais grossière; rien ne la distingue de celle du paysan. On n'y ajoute de la viande qu'aux jours de fête, lors des travaux de la moisson et dans d'autres circonstances extraordinaires où il importe de soutenir les forces. Et cependant la santé des enfants est florissante; il n'y a presque jamais de malades, et le nombre des décès est proportionnellement moins élevé qu'au dehors. son; L'établissement est organisé à l'instar de la famille; le directeur représente le père et sa femme la mère de famille. Jamais ils ne quittent les enfants confiés à leurs soins, et l'éducation qu'ils leur donnent est en tous points semblable à celle qu'ils sont appelés à donner à leurs propres enfants. Le directeur (père de famille) dirige l'ensemble de la mai- assisté des élèves instituteurs, il donne l'enseignement et préside aux travaux intérieurs et extérieurs. Il est en outre chargé des fonctions d'économe. La directrice (mère de famille) a la direction du ménage et des jeunes filles; assistée de celles-ci, elle préside à la cuisine, à la buan- derie, à la confection et à l'entretien des effets d'habille- ment et de coucher. Elle enseigne aux élèves, internes et externes, tous les ouvrages de mains auxquels il convient d'initier les jeunes filles. on s'attache encore et avant tout à lui en apprendre le bon usage. Chaque journée commence et finit par la prière et des chants religieux. Le dimanche, les enfants assistent, matin et soir, aux exercices religieux dans l'église de la localité ; le reste de la journée est partagé entre l'instruction, les jeux, les lectures, les promenades, que le directeur s'attache à utiliser en appe- lant l'attention des élèves sur les scènes et les objets qui les entourent. Les jeux sont variés par des exercices gymnastiques appropriés aux forces des enfants et aux exigences de leur développement physique. Chaque année, à la suite des exa- mens, le directeur fait, avec les élèves qui se sont le plus distingués par leur application et leur bonne conduite des petites excursions d'un ou deux jours dans les environs. L'établissement a aussi ses fêtes annuelles; et, jusqu'au moment de sa mort récente, son respectable fondateur avait l'habitude de réunir à sa table, à certaines époques, les enfants les plus méritants, auxquels il adressait ses conseils et ses encouragements. On comprend que dans un établissement de ce genre, où l'œil du père et de la mère veille constamment sur chaque enfant, où président l'amour et l'esprit de famille, les fautes sont rares et peu graves; aussi les punitions sont-elles peu nombreuses. Elles se bornent d'ordinaire à de simples aver- tissements, accompagnés de conseils bienveillants. Lorsque ceux-ci sont insuffisants, le directeur détermine la peine d'après la nature de l'offense, et frappe, autant que possible, l'enfant coupable par où il a péché. Ainsi, par exemple, l'enfant malpropre est tenu de faire disparaître lui-même les SUISSE. ་ ÉCOLES RURALES. traces de sa malpropreté; celui qui commet quelque dégât volontaire doit le réparer; le paresseux est condamné à l'oisiveté; celui qui n'accomplit pas la tâche qui lui a été assignée subit une réduction correspondante dans sa nour- riture; l'irrévérence à l'église est punie par l'exclusion des exercices religieux, etc. Nourriture • Habillement et coucher Blanchissage. Entretien et réparation des bâtiments et du mobilier Éclairage. B. DÉPENSES (1844). ů. kr. 1,486 46 260 48 55 08 251 55 43 04 123 44 122 52 566 40 455 11 28 15 24 40 7 55 82 25 La sortie des enfants a lieu, en règle générale, vers l'âge de dix-sept ans, après la confirmation: En 1837, il a été créé une société de patronage pour faciliter leur placement. Les frais qu'entraîne celui-ci sont couverts au moyen d'une émission d'actions. Chaque action est de un florin. Le mon- tant des dépenses est évalué chaque année, et supporté par les actionnaires en raison du nombre d'actions pour lequel ils ont souscrit. Ainsi, s'il a été pris mille actions et si la dépense annuelle s'élève à 100 florins, la contribution est de 6 kreutzers par action. L'assistance prêtée par la Société aux élèves sortants varie selon les circonstances et les besoins; tantôt on paye les frais de leur mise en apprentissage; tantôt on leur fait un don ou une avance en argent ou en outils et en matières premières. D'ordinaire, la Société leur assigne un patron chargé de veiller à leurs intérêts, de les aider de ses conseils et de leur prêter assistance au besoin. La direction de la Société est confiée à un comité de sept membres, qui s'as- semble périodiquement. Les filles sont placées le plus souvent en qualité de ser- vantes ou de couturières; les garçons embrassent des carrières diverses: les uns se vouent à l'instruction; les autres devien- nent ouvriers, jardiniers, garçons de labour, tisserands, etc. Les rapports recueillis sur leur compte sont généralement satisfaisants et témoignent des bons effets de l'institution. La maison d'orphelins de Trogen, de même que la plu- part des établissements semblables en Suisse, a eu à sur- monter de nombreux obstacles avant de consolider son exis- tence. Elle a commencé avec les plus faibles moyens, sans capital, aidée seulement par quelques personnes charitables; il y a quelques années à peine que son bâtiment principal a été incendié; mais elle s'est soutenue, elle a triomphé des difficultés, elle pourvoit à toutes les exigences du présent, et a assuré son avenir parce que le fondement sur lequel elle repose est vrai, solide, et correspond à un besoin uni- versellement reconnu. D'après le compte publié pour l'exercice 1844, on voit que les propriétés de l'établissement représentaient à cette époque une valeur de 25,723 florins, et que ses ressources excédaient ses dépenses de 300 à 400 florins. A. RECETTES (1844). 558 43 Rente consolidée Pensions. fl. kr. 949 12 1,685 20 Externat Produit des travaux 282 05 Id. de l'étable (huit vaches) 266 14 Recettes diverses 15 02 Total. 3,736 36 Frais de culture Enseignement . Traitements et salaires Étable, achat et entretien du bétail. Récompenses aux élèves . Service sanitaire Assurances . Dépenses diverses. • Total. 5,507 01 La population de l'établissement s'élevait, la même année. à une cinquantaine de personnes; la dépense par personne a été, par conséquent, de 70 florins (environ 150 francs). Maison d'orphelins de Schönenbühl, près de Teufen. (Canton d'Appenzell.) L'origine de cet établissement date de 1832; il est dù à l'association de deux hommes bienfaisants qui, aidės de quelques personnes charitables, parvinrent à réunir la somme nécessaire pour ériger un bâtiment spacieux en y joignant 18 jucharten (1) de terre. Les orphelins des deux sexes sont admis moyennant une rétribution de 45 kreutzers par semaine (1 fr. 60 c.), que payent les communes, bien que la dépense réelle s'élève par semaine à 1 fl. 24 kr. (2 fr. 85 c.). La population était, en 1844, de 37 enfants, dont 11 pension- naires; le rapport des garçons aux filles est comme 3 est à La culture est l'occupation principale comme dans tous les autres établissements du même genre. L'instituteur direc- teur est un ancien élève de l'école de Wehrli. Les dépenses de l'établissement sont couvertes au moyen des produits de la culture, du montant des pensions et des intérêts du capital de fondation. Maison d'orphelins de Vögelinseck, à Speicher. (Canton d'Appenzell.) 1. La maison d'orphelins était réunie naguère à la maison des pauvres; en 1842, on jugea à propos de séparer les deux établissements. A cet effet, on appela un ancien élève de l'école de Wehrli, qui avait la direction de l'école de Könitz. Le nouvel établissement fut organisé à l'instar de (4) 2 /s jucharten équivalent à un hectare. 8 ÉCOLES RURALES. SUISSE. l'école de Schurtanne. Le nombre des enfants est de 30 à 35, dont moitié de chaque sexe. La propriété, d'une certaine étendue, représente une valeur de 10,000 florins; les bâti- ments sont assurés pour la somme de 4,500 florins; si l'on ajoute un capital de 15,684 florins, portant intérêt, on se convaincra que l'établissement suffit amplement à ses besoins, et que son avenir est parfaitement assuré. À l'instar des écoles de Trogen, de Teufen et de Speicher, plusieurs autres maisons d'orphelins du canton d'Appenzell sont en voie de réorganisation à Heiden, Gais, Wald et Herisau. Le canton d'Argovie se met en mesure pour imiter cet exemple, et il a à cet effet envoyé deux de ses instituteurs étudier, sur les lieux, l'organisation intérieure et le régime des principales écoles agricoles et normales de la Suisse. École d'orphelins de Sainte-Marguerite. (Canton de Bâle.) Cet établissement, érigé en 1824, pour les orphelins du canton, occupait d'abord une propriété louée à Gundol- dingen; transféré en 1830 dans l'un des domaines de l'hôpital de la ville, à Sainte-Marguerite, il comptait à cette époque 40 enfants employés aux travaux de l'agriculture. Ses produits trouvaient un débit assuré sur les marchés de Bâle, et la prospérité de l'école allait en croissant, lorsque la scission violente qui s'opéra dans le canton, en 1833, vint le frapper pour ainsi dire dans son berceau. La ville retira ses orphelins pour les placer dans une maison située dans ses murs. L'école agricole fut presque abandonnée; nous ignorons même si elle a survécu aux événements qui avaient jadis compromis son existence. Elle cultivait une terre de 221 jucharten, possédait vingt vaches et huit à dix paires de bœufs de trait, et employait six ouvriers labou- reurs qu'assistaient les enfants. L'importance de cette cul- ture était en tout cas hors de proportion avec les ressources et la population de l'établissement. École libre de Beuggen pour les enfants pauvres et la formation d'instituteurs ruraux. (Dépendante du canton de Bâle.) Le plan de cet établissement fut arrêté en 1817, dans une réunion d'amis de l'humanité, qui eut lieu dans la ville de Bâle. Les souscriptions affluèrent de toutes parts, et grâce au concours du gouvernement du grand-duché de Bade, l'école fut installée au commencement de 1820 dans le château de Beuggen, situé sur le territoire badois, à trois licues de Bâle, dans une position magnifique, sur la rive droite du Rhin. Le château de Beuggen avait servi d'hôpital militaire pendant les guerres de 1814 et 1815; l'adminis- tration de l'école le fit restaurer et l'appropria à sa nouvelle destination. Aux bâtiments sont annexés vingt jucharten (environ 7 hectares) de terre fertile. Le loyer est de 1,200 florins de Suisse (1,800 francs) par an. L'établissement a un double but: il est destiné à recueillir et à élever un certain nombre d'enfants pauvres et aban- donnés, et à former des instituteurs pour les écoles rurales et les écoles des pauvres. Il est soutenu à l'aide de sous- criptions volontaires, et ne possède et n'a jamais possédé de capital. Cependant, depuis trente ans qu'il existe, les ressources ne lui ont jamais fait défaut et son existence n'a pas été un moment menacée. C'est qu'il correspond à un besoin universellement reconnu, et qu'il est assis sur le plus solide des fondements: le dévouement et l'amour chrétien. Les enfants sont reçus indistinctement de tous les can- tons; seulement, on donne la préférence aux plus pauvres et aux plus abandonnés. On n'admet au surplus que des pro- testants. L'établissement peut contenir 70 à 75 enfants; sa population, lors de notre visite, au mois de septembre 1850, s'élevait à 66 enfants (37 garçons et 29 filles ). L'âge d'admission est fixée entre six et quatorze ans. La sortie a lieu d'ordinaire à l'âge de seize ou dix-sept ans, après la confirmation. La pension que payent les adminis- trations communales et les bienfaiteurs, pour les enfants qu'ils placent à Beuggen, est environ de 100 florins de Suisse (150 francs) par an; les enfants pour lesquels ce paye- ment ne peut être fait sont reçus gratuitement. L'école normale est spécialement affectée aux jeunes gens qui veulent se vouer aux fonctions d'instituteurs d'en- fants pauvres; sans exclure personne, elle se recrute princi- palement parmi les artisans et les laboureurs. L'âge d'ad- mission est fixé entre dix-huit et vingt-cinq ans. Avant d'être reçus définitivement, les candidats sont soumis à une épreuve de plus ou moins longue durée, qui sert à constater leur aptitude et leur vocation pour l'état qu'ils se proposent d'embrasser. La durée du cours d'étude est de trois ans. Indépendamment du temps qu'ils consacrent à leur instruc- tion personnelle, les élèves instituteurs sont tenus de prêter leur concours à l'instituteur principal; ils sont chargés d'une partie de la surveillance et participent aux travaux dans les champs et les ateliers. En échange de ces services, l'établis- sement leur donne gratuitement l'instruction, le logement, la nourriture, l'habillement et généralement tout ce qui con- cerne l'entretien (1); ils reçoivent en outre, à leur sortie, un trousseau et une collection de livres. La population de l'école normale est de 15 à 20 élèves; elle était de 17 élèves au mois de septembre 1850. Le placement des élèves sortants, lorsqu'ils sont d'ailleurs capables, est assuré; l'établissement (1) Les administrations publiques, les associations libres et les particuliers peuvent placer en outre, à volonté, des jeunes gens à l'école normale de Beug- gen, moyennant le payement d'une pension annuelle de 12 1/2 louis d'or (300 francs). SUISSE. 9 ÉCOLES RURALES. ne peut même le plus souvent satisfaire aux demandes qui lui sont adressées de toutes parts. La direction de l'école reste en rapport fréquent et intime avec les enfants et les élèves instituteurs, après leur sortie ; elle les aide de ses conseils et s'efforce de maintenir sur eux sa bienfaisante influence. A cet effet, il se publie depuis vingt-deux ans une feuille mensuelle (Monaths-Blatt von Beuggen), destinée à faire connaître la marche de l'éta- blissement, les événements qui y surviennent, et à propager l'esprit de charité chrétienne qui préside à sa gestion. La direction supérieure de l'école de Beuggen appartient à un comité, dont les membres sont nommés par l'associa- tion des fondateurs, et dont le siége est dans la ville de Bâle. Ce comité s'assemble tous les mois ; il prononce l'admission et la sortie des enfants et des élèves instituteurs, pourvoit autant que possible à leur placement, choisit le personnel des employés, autorise les dépenses et les réparations, règle tout ce qui concerne l'enseignement et les travaux, vérifie et arrête les comptes, et statue généralement sur tous les cas d'une certaine importance qui peuvent se présenter. Il préside en outre aux examens des candidats instituteurs et à la fête annuelle de l'établissement. La gestion intérieure est confiée depuis l'origine à M. l'inspecteur Zeller, qui, pendant une période de trente années, n'a pas cessé de consacrer à cette œuvre tout ce qu'il avait de force, de lumières et de dévouement. M. Zeller est actuellement âgé de soixante et douze ans, mais il est encore plein de vigueur et de santé. Il a été constam- ment secondé, avec un zèle au-dessus de tout éloge, par sa femme. Tous deux méritent à juste titre la qualification de père et de mère que leur donnent les membres de la nom- breuse famille dont ils sont environnés. L'inspecteur est plus spécialement chargé de l'instruction, de la discipline et de la comptabilité; la mère de famille de tout ce qui concerne les soins domestiques, le ménage et la ferme. L'inspecteur est aidé de deux sous-instituteurs, qui diri- gent avec lui l'enseignement à donner aux élèves instituteurs et aux enfants, et avec lesquels il a, chaque semaine, le lundi, une conférence où se discutent les questions relatives à l'instruction, à l'éducation, au régime disciplinaire, etc. Tous les quinze jours, l'inspecteur préside une conférence semblable, à laquelle assistent les élèves instituteurs; il communique, dans cette réunion, la correspondance tenue avec les anciens élèves devenus instituteurs, écoute les observations, donne des conseils, et agite toutes les ques- tions qui peuvent offrir un certain degré d'utilité et d'intérêt. La mère de famille a aussi une ou plusieurs assistantes pour l'enseignement des ouvrages de mains, la surveillance des jeunes filles, les travaux du ménage, de la buanderie, de la cuisine et du potager. Les filles sont réparties dans trois dortoirs, dans chacun desquels loge une surveillante; les garçons occupent, de leur côté, dans une autre partie de l'édifice, cinq dortoirs, dont la surveillance est attribuée aux élèves instituteurs que désigne l'inspecteur. Chacun de ces élèves devient ainsi, en quelque sorte, le père d'une petite famille dans la famille générale dont il fait lui-même partie. Il se promène le dimanche avec les enfants qui lui sont confiés, les soigne lorsqu'ils sont indisposés, et veille avec une constante solli- citude sur leur bien-être physique et moral. On comprend quelle peut être l'utilité et quels doivent être les bons effets de cet apprentissage qui initie le candidat instituteur aux devoirs qu'il aura à remplir par la suite, qui met sa voca- tion à l'épreuve, et qui lui permet d'apprécier à l'avance les peines comme les joies de la carrière qu'il se propose d'em- brasser. C'est cette pratique surtout qui fait défaut dans nos écoles normales ordinaires, et qui, introduite dans plusieurs écoles de Suisse et d'Allemagne, au Rauhen-Haus, à Beug- gen, à Kreutzlingen, à Trogen, comme naguère à Hofwyl, a formé cette admirable pépinière d'instituteurs dévoués et modestes qui ont multiplié les petites écoles rurales, et qui consacrent leur existence à l'éducation des enfants pauvres, abandonnés et vicieux. Les garçons et les filles sont réunis pour les leçons et les repas; ils se rencontrent fréquemment dans les travaux et les récréations, sans que jamais ce contact ait donné lieu au moindre inconvénient. Mais il est vrai de dire la sur- que veillance continue dont ils sont l'objet contribue puissam- ment à ce résultat. L'instruction donnée aux enfants embrasse généralement toutes les matières comprises dans le programme d'une bonne école primaire protestante: l'histoire et la doctrine. de la Bible, la lecture, l'écriture, la langue allemande, le calcul mental et chiffré, la géographie, l'histoire, le chant noté et chiffré. Les élèves sont partagés en trois classes, d'après leur degré d'instruction; ils reçoivent, en moyenne, quatre heures de leçons par jour; en outre, quatre heures par semaine sont spécialement consacrées à l'enseignement du chant. Le surplus du temps est partagé entre les travaux manuels et les récréations, de manière que les divers exer- cices se succèdent sans fatigue et sans ennui. Le bénéfice de l'instruction et de l'apprentissage est étendu aux enfants des ouvriers de l'établissement et à quelques enfants de la localité. Les garçons sont employés à la culture, au jardinage, à l'étable; ils tressent la paille, filent la laine; quelques-uns sont occupés avec le tailleur et le cordonnier de l'établisse- ment; d'autres à la boulangerie, à la reliure et aux soins du ménage qui exigent un certain degré de force. Les filles tricotent, cousent, confectionnent et réparent les vêtements et les objets de literie; elles assistent à la buanderie, à la lingerie, à la cuisine, travaillent occasionnellement au jardin et à la basse-cour, et sont formées au surplus à toutes les occupations qui peuvent tomber dans le domaine d'une bonne ménagère. Indépendamment des trois ouvriers salariés par l'éta- blissement (un tailleur, un cordonnier et un boulanger), les élèves instituteurs, qui, pour la plupart, exerçaient un 40 ÉCOLES RURALES. SUISSE. métier avant leur entrée, remplissent les fonctions de contre- maîtres, et donnent aux enfants confiés à leur surveillance l'exemple du travail et de l'activité. L'établissement possédait, lors de notre visite, 8 vaches, 1 cheval, 13 porcs et 20 poules. Son jardin potager était cultivé et soigné d'une manière remarquable. L'enseignement de l'école normale comprend la théorie et la pratique de tout ce qu'il importe de savoir pour diriger une bonne école de pauvres; le cours de pédagogie est donné M. Zeller, qui a composé pour ses élèves un par ouvrage qui, depuis longtemps, est classique en Suisse et en Allemagne (1). Il y a six heures de leçons par jour: les élèves sont divisés en trois classes, correspondant aux trois années du cours d'études. Les travaux manuels occupent trois ou quatre heures, selon les circonstances et les saisons. Le surplus du temps est employé à la répétition des leçons, à des études particulières ou à d'autres occupations utiles. Lorsque les élèves instituteurs en sont jugés capables, on leur confie d'abord quelques jeunes enfants, puis on les fait passer, de degré en degré, jusqu'à la direction d'une classe entière, et enfin d'une école complète. A l'expiration de leur noviciat, ils subissent les examens requis pour constater leur capacité, et sont placés, par les soins de l'administra- tion de l'établissement, dans les communes suisses ou alle- mandes où leurs services sont réclamés. La division de la journée varie, à quelques égards, pour les enfants et les élèves instituteurs; nous avons pensé qu'il ne serait pas sans intérêt d'en donner ici le tableau : Heures. 842 612 7 A ÉLÈVES INSTITUTEURS. Sà11 12 2 ENFANTS. Lever, arrangements des lits, prière du matin, soins du corps, nettoyage des dortoirs. Études particulières, pré-| Travaux manuels. paratifs. Déjeuner. Enseignement commun de la Bible. Leçons diverses. Travaux manuels. 1a4 Id. 455 à7 7à8 8a9 | Travaux manuels. Diner, récréation. Nettoyage des escaliers. École. Goûter, récréation. Enseignement du chant, exercices du clavecin, de l'orgue, du violon. Études particulières, répé- titions. Travaux manuels. Instruction pour la confirma- tion; pour les autres, continua- tion des travaux manuels. Souper, récréation. 92 à 10 Lecture piense au réfec- Prière du soir, coucher. toire, prière du soir, coucher. (4) Lehren der Erfahrung für Christliche Land-und Armen-Schullehrer, zunächst für die Zöglinge und Lehrschüler der freiwilligen Armen- Schullehrer-Anstalt im Beuggen, von Christian Heinrich Zeller, Schul- Inspektor. — 3 band, 4827-1828; Bazel, bei C.-F. Spittler. La journée du dimanche est spécialement consacrée aux exercices religieux et à l'instruction. Le matin, de neuf à dix heures, tous les habitants de l'établissement assistent au prêche; l'après-midi, de deux à trois heures, il y a instruc- tion religieuse pour les jeunes enfants, et le soir, de sept à huit heures, instruction pour la confirmation des catéchu- mènes. Pendant ce dernier exercice, les jeunes enfants assistent à une lecture pieuse ou morale. Les élèves institu- teurs prennent part à l'instruction ou à la lecture, ou se réu- nissent entre eux. Les intervalles entre les exercices dont nous venons de faire mention sont consacrés au chant, à la lecture, à la promenade ou à la récréation dans le jardin. La nourriture, l'habillement, le coucher correspondent au but de l'établissement: ils sont simples, suffisants et en rapport avec les usages de la population agricole. Chaque enfant a son lit séparé; rien ne distingue leur costume de celui des enfants de la localité. L'alimentation se compose de pain, de légumes, de pommes de terre et de laitage, avec un peu de viande trois fois par semaine. Ce régime est le pour les élèves instituteurs et les ouvriers attachés à l'école, qui prennent leurs repas avec les enfants. Les sous- instituteurs partagent la table de l'inspecteur et de sa famille. L'état sanitaire est excellent, et par suite les décès même sont très-rares. à La dépense par tête est évaluée, année moyenne, 150 francs. Comme nous l'avons dit, l'établissement ne possède ni propriété ni capital. Ses ressources se com- posent : Des pensions payées pour les enfants pauvres et les élèves instituteurs par les communes, les associations et les bien- faiteurs particuliers; Des dons particuliers ; Du produit du tronc déposé dans l'établissement; Des produits de la culture, du potager, de l'étable et de la basse-cour; Du produit de la vente de diverses publications, telles que le Manuel de pédagogie de M. Zeller, de la feuille men- suelle, des rapports annuels, etc.; Du produit des ateliers; Des dons en nature, de denrées, de vêtements, de linge, etc.; Du produit de la caisse mensuelle du comité. Toutes ces ressources réunies ont suffi jusqu'ici non-seule- ment pour couvrir les dépenses, mais encore pour donner annuellement un boni assez considérable. Aussi l'établisse- ment n'a-t-il pas de dettes. Les enfants, à leur sortie, sont placés en service ou en qualité d'apprentis chez des cultivateurs et des artisans. Pour faciliter leur placement, veiller à leurs intérêts et leur prêter assistance au besoin, il a été institué deux comités de patronage, l'un, composé d'hommes, qui s'occupe des garçons; l'autre, formé de dames, qui se charge des filles. SUISSE. ÉCOLES RURALES. Ce dernier comité est en relation avec de petites associa- tions particulières, qui concourent avec lui au but proposé. Chaque année il sort de l'école 10 à 12 enfants et 6 à 7 élèves instituteurs, qui sont immédiatement remplacés par un nombre équivalent d'entrants. Depuis trente ans, c'est-à- dire depuis l'origine de l'établissement, le nombre total des sorties a été de 437 pour les enfants et de 200 pour les élèves instituteurs. Le plus grand nombre de ces derniers ont persisté dans leur vocation, et contribuent, dans les limites du cercle où sont circonscrits leurs travaux, à pro- pager et à faire fructifier les principes qu'ils ont puisés à Beuggen. Quant aux enfants, on a constaté qu'il n'y en a qu'un très-petit nombre qui aient embrassé la carrière agricole. La plupart exercent la profession d'ouvrier ou d'artisan. Il importe de rechercher la cause de ce fait remar- II quable Faut-il l'attribuer au peu de développement donné : à la culture et à l'insuffisance de l'apprentissage auquel sont soumis à cet égard les enfants? ou bien est-il dû à la position spéciale des enfants à leur sortie, à leurs rela- tions de famille, ou à la direction donnée aux placements par le comité chargé de ce soin? Les renseignements nous manquent pour résoudre ces questions. Nous remarquons seulement que, dans son dernier rapport de 4850, M. Tin- specteur Zeller signale, avec raison, les inconvénients du système d'apprentissage généralement usité, surtout dans les villes, les dangers auxquels il expose les apprentis, qui, au lieu d'être, comme jadis, logés chez les maîtres, admis à leur table et considérés comme faisant en quelque sorte partie de leur famille, sont obligés aujourd'hui de loger et de se nourrir au dehors, et sont exposés ainsi à des influences et à des tentations qui n'entraînent que trop souvent leur chute. Pour remédier à cet état de choses, M. Zeller estime qu'il y aurait lieu de créer, dans les villes, des établisse- ments spéciaux où les apprentis seraient logés et nourris à des conditions économiques; ces établissements seraient soumis à un régime et à une surveillance de nature à écarter tout ce qui pourrait menacer la moralité et les intérêts des apprentis. On a érigé récemment à Strasbourg un établisse- iment de ce genre pour les enfants sortis de l'école de Neuhof et qui sont placés en apprentissage chez des arti- sans de la ville, et on en a déjà constaté les bons résultats. Il faut espérer que cet exemple sera imité. Écoles des pauvres fondées par la Société pour l'éducation chrétienne du peuple. (Canton de Berne.) En 1833, un grand nombre de citoyens bienfaisants du canton de Berne formèrent une association, dans le but d'encourager et de propager l'éducation chrétienne du pou- ple (Verein für Christliche Volksbildung im Kanton Bern). Cette association, centrale pour le canton, a établi des sous- divisions pour les districts et les principales communes. Elle est dirigée par un comité principal, qui correspond avec les succursales. Elle a pour objet : 4° L'établissement d'écoles gardiennes et d'écoles de tra- vail pour les jeunes filles; 2º La distribution de soupes pour les enfants pauvres dans les écoles ordinaires; 3° L'apprentissage des enfants pauvres; 4º Le soutien et l'encouragement des instituteurs par l'établissement de bibliothèques à leur usage, de cours, de conférences, etc.; 5º La création d'établissements d'éducation pour enfants pauvres et moralement menacés. les La Société créa successivement trois écoles, deux pour les garçons, à Bättwyl et à Langnau, et une pour les filles. près de Bremgarten. Chacun de ces établissements est dirigé par un comité spécial; la direction de l'école des filles est confiée à un comité de neuf dames. 1. École pour les enfants pauvres à Bättwyl, près de Burgdorf. Cet établissement a été ouvert le 8 juin 1835. Il occupe une assez vaste maison d'habitation, avec une étable et 68 jucharten (1). Ce domaine est loué à raison de 647 liv. 50 (2) par an. La population moyenne est de 24 enfants du sexe masculin. Ceux-ci sont admis à l'âge de huit à douze ans, moyennant le payement d'une pen- sion annuelle de 50 liv. Les pièces requises pour l'admis- sion sont les suivantes : certificat baptistaire; certificat d'indigence délivré par l'autorité communale; certificat de la commission des écoles, attestant la moralité, le degré d'instruction; engagement écrit de la part des autorités communales, des parents ou des bienfaiteurs, de payer la pension et de laisser l'enfant pendant un an au moins dans l'établissement; certificat médical. Indépendamment de la pension, chaque enfant doit apporter un trousseau composé de deux habillements com- plets et du linge nécessaire. Il est soumis à une épreuve de deux mois avant que son admission définitive soit prononcée. La sortie a lieu à l'âge de dix-sept ans. L'établissement est dirigé par l'instituteur, qui remplit les fonctions de père de famille. La direction du ménage est dévolue à sa femme, qui porte le titre de mère de famille. Le traitement de l'instituteur est de 400 liv. par an, avec le logement et l'entretien pour lui et sa famille. Le per- sonnel se compose, en outre, d'une servante et d'un garçon laboureur. L'instruction scolaire est la même que celle des écoles primaires du canton. L'instruction religieuse est donnée par le pasteur de l'endroit; les enfants sont conduits à l'église du village. (1) 2ª¡s jucharten équivaleat à 1 hectare. (2) La livre ou le franc de Suisse équivaut à 1 fr. 50 c. 1 12 ! ÉCOLES RURALES. SUISSE. B. DÉPENSES (1837). fr. bz. rp. Mobilier. Agriculture: 301 3 7 1/2 Les travaux auxquels ils sont employés embrassent la culture, le soin des bestiaux, l'arrangement du ménage et divers métiers usités dans les communes rurales, spéciale- ment le tressage de la paille. Il y a, chaque année, un exa- men public, qui sert à constater les progrès et le degré d'instruction des élèves. La culture de la propriété était divisée comme suit en 1837: • Froment. Escourgeon. 8 jucharien. fr. bz rp. Bétail, achat et nourriture. . 1,063 3 0 Semences. Salaires.. Loyer. Divers. Matières premières pour les ateliers. Dépenses du ménage : 182 3 5 238 7 5 647 5 0 24 88 2.156 7 8 190 4 >> Seigle 4 >>> Avoine . 5 >> Orge. 1/8 >> Pois. 1/4 » Pommes de terre. 4 1/2 >> Navels 3/4 » • 38 5 3/8 >> Total. 68 Herbages et foin. Jardins potagers, plantations. Le produit de l'agriculture a été, la même année, 2,364 liv. de L'établissement possédait 6 vaches et 2 bœufs de trait. Le travail de la charrue s'exécute à forfait par des cultiva- teurs des environs. Les enfants cultivent de petits jardins pour leur compte, dont ils vendent les produits à l'établissement. A partir de l'âge de douze ans, on leur tient compte de leur travail. Ce qu'ils gagnent est porté en déduction de la pension. Le surplus de leur bénéfice sert à leur former un pécule, dont le montant leur est remis à l'époque de leur sortie. On leur accorde en outre, lors des travaux de la moisson, quelques gratifications extraordinaires, dont ils ont la libre disposition. L'emploi du temps est réglé comme suit: lever à cinq heures du matin en été, et à six heures en hiver; prière du matin; instruction; déjeuner à sept heures (lait, pommes de terre, pain); travail; dîner à midi (soupe, légumes, pommes de terre, fruits, viande le dimanche); après le dîner, récréation, culture des petits jardins; instruction ou travail jusqu'à six heures en hiver et sept heures en été; souper (pain, lait, fruits); éducation familière, lectures et conférences présidées par le père de famille; prière du soir; coucher à neuf heures. Deux enfants, un petit et un grand, sont désignés à tour de rôle pour soigner le ménage et assister la mère de famille. Les dépenses, en 1837, se sont élevées à 4,848 liv. de Berne. Le coût de l'entretien de chaque enfant a donc été de 200 liv., soit 300 francs. Les relevés des comptes de cette même année donnent les résultats suivants : A. RECETTES (1837). Subside de la caisse centrale. Pensions Produits de la ferme. · Produits industriels. Recettes diverses. • fr. bz. rp. 985 9 8 1/2 1,086 8 0 ► 2,459 5 5 Salaires.. Nourriture 144 8 0 • 1,000 2 3 1/4 Chauffage. Habillement Lavage. Réparations du mobilier. 96 1 7 1/2 445 5 7 42 745 1235 Service sanitaire 27 65 Dépenses diverses • 60 05 Traitements et gratifications. Dépenses diverses Déficit. 1,794 2 8 3/4 587 2 5 660 4,848 1 9 1/4 238 7.5 3/4 2. École pour les enfants pauvres à Langnau. Cet établissement, ouvert le 15 juin 1837, est organisé sur les mêmes bases que l'école de Bättwyl. Les enfants, d'abord en petit nombre, étaient employés par le proprié- taire du domaine; depuis, ce domaine a été pris en location par l'établissement, qui partage, à titre de loyer, ses pro- duits avec le propriétaire. L'étendue de la propriété est de 70 jucharten. La population moyenne est de 25 garçons. Le compte des recettes et des dépenses en 1838 présente les résultats suivants : A. Subside de la caisse centrale.. Pensions RECETTES. fr. гр. 2,937 50 558 85 56 35 3,552 70 Produits du travail, recettes diverses. Linge. Salaires. محجبه Total. B. DÉPENSES. Nourriture. Mobilier.. Literies. 773 35 645 40 480 50 519 05 72.90 : Vêtements. 229 10 Chauffage et éclairage 144 25 Blanchissage. 30 50 École... 64 20 Traitements 200 00 Loyer du bâtiment. . 187 50 Réparations du bâtiment. . 38 80 58 90 Total. Boni. 3,444 45 108 25 77 1 0 4,609 4 3 1/2 Service sanitaire, dépenses diverses. ! SUISSE. ཟ ÉCOLES RURALES. 15 Depuis cette époque, grâce à la gestion économique de l'instituteur, la situation financière de l'école s'est sensible- ment améliorée; les produits de l'agriculture, joints aux pensions des enfants, suffisent pour couvrir la plus grande partie des frais; il s'ensuit que le subside annuel accordé par la caisse centrale de la Société a pu être réduit succes- sivement. La vie de famille, l'éducation à Langnau, ont à peu près le même caractère que dans les autres écoles de pauvres de la Suisse, érigées à l'instar de l'école de Wehrli. On a cependant introduit à Langnau une pratique nouvelle qui a jusqu'ici produit les meilleurs résultats. Chaque soir, les enfants réunis se livrent à un examen de leur conduite pen- dant la journée; ils proclament eux-mêmes hautement leurs fautes, convaincus qu'ils sont que toute dissimulation sous ce rapport n'aboutirait qu'à augmenter la punition à laquelle ils se soumettent spontanément. On leur inculque ainsi l'horreur du mensonge et l'amour de la vérité; ils savent que, ce que l'on cache à l'homme, Dieu le voit et le sait, et qu'il n'accorde son pardon qu'à ceux qui confessent leurs fautes et s'en repentent. Les nouveaux venus ne sont pas d'abord soumis à la même obligation, mais bientôt, stimulés par l'exemple de leurs camarades, ils demandent spontané– ment à subir la même épreuve que ceux-ci. La vérité prévaut ainsi dans l'établissement, préside à toutes les relations de la famille, et contribue puissamment à cimenter le lien fra- ternel qui unit tous ses membres. 3. École des enfants pauvres de la Rütte, près de Bremgarten. Les écoles de Bättwyl et de Langnau sont exclusivement destinées aux garçons. Une troisième école, spécialement affectée aux jeunes filles, a été instituée, en 1837, près de Bremgarten. Cet établissement est administré par un comité composé de neuf dames. Sa population moyenne est de 25 en- fants, qui sont admises à l'âge de huit à douze ans. Il est organisé sur les bases les plus simples et les plus économi- ques; l'instituteur et sa femme remplissent l'office de père et de mère de famille; ils n'ont d'autres assistants les que jeunes filles confiées à leurs soins. Celles-ci font tous les ouvrages, s'occupent du ménage, apprennent à coudre, à tricoter, cultivent le jardin annexé à l'établissement et qui lui fournit les légumes nécessaires à sa consommation. Le prix de la pension est de 40 liv. (60 fr.) par an. A leur sortie, vers l'âge de dix-sept ans, les élèves sont générale- ment placées en service sous le patronage et la surveillance du comité. La maison et le jardin, de la contenance d'un jucharten (environ le tiers d'un hectare), sont loués à raison de 450 liv. (675 fr.) par an. Les pensions, jointes aux pro- duits du jardin, aux dons charitables et à un modique sub- side alloué par la caisse centrale de la Société, suffisent couvrir les dépenses. pour École de pauvres de Trachselwald. (Canton de Berne.) Cette école, destinée à recueillir les enfants pauvres et moralement négligés de l'Emmenthal, fut d'abord établie. en 1835, sur une petite échelle, à Summiswald. Elle ne contenait que 15 enfants. Elle a été transportée depuis dans le château de Trachselwald. La propriété qui en dépend a une étendue d'environ 50 jucharten. Le loyer est de 4,235 francs de Suisse par an. En 1844, la population de l'établissement s'élevait à 32 enfants du sexe masculin. La dépense, par enfant, est évaluée à 80 francs de Suisse par an (1.20 fr. de France environ). L'âge d'admission est fixé entre six et douze ans. 1 L'organisation de l'école se rapproche à beaucoup d'égards de celle de la maison des orphelins de Trogen. Elle est soumise, comme celle-ci, au régime de la famille. Il n'y a ni règlement, ni tarif pour l'alimentation, ni tableau de l'en- ploi du temps, des exercices, des travaux, des lectures. Tout s'y passe comme dans une famille bien ordonnée, sous la direction et la surveillance du père et de la mère. Il n'y a pas à proprement parler de récréations; le travail lui- même est envisagé comme une sorte de délassement; il est partagé par des intervalles de repos pendant lesquels les enfants peuvent se livrer à l'étude et à la lecture. Il existe à cet effet une bibliothèque, composée d'ouvrages moraux et instructifs, constamment ouverte aux enfants. Ils peuvent aussi se livrer à volonté à des exercices gymnastiques, pour lesquels il a été érigé quelques appareils simples et peu coûteux. Indépendamment de la culture qui forme la base essen- tielle du travail, on apprend encore aux enfants les métiers de tailleur, de cordonnier, de tourneur, etc. École de pauvres de Biel. (Canton de Berne.) Cet établissement a été ouvert en 1843; il est dù aux efforts réunis de quelques personnes charitables et de l'admi- nistration des pauvres de Biel, qui y place les enfants dont elle a la tutelle. On a commencé par y admettre quatre enfants de chaque sexe; sa population totale peut s'élever à 30 enfants. On reçoit des pensionnaires moyennant le payement d'une somme annuelle de 80 à 100 francs de Suisse (120 à 150 fr. de France). L'école possède 35 juchar- ten de terre cultivable; les bâtiments sont évalués à 8,000 francs, et le mobilier à 4,000 francs. Indépendamment du produit de la culture et des pensions, des legs, des dons et souscriptions des personnes bienfaisantes, les dépenses sont couvertes par l'administration des pauvres de la commune. 14 ÉCOLES RURALES. SUISSE. École de pauvres de la Grube. (Canton de Berne.) Cette école, située dans la commune de Bümplitz, près de Berne, est un établissement particulier. Il a été érigé et il est soutenu par une association, dont il peut être intéres- sant de faire connaître les statuts. 4. Le but de l'établissement est de recevoir et de secourir les enfants pauvres et moralement menacés, de pourvoir à leur entretien matériel et à leur apprentissage, et de leur donner une éducation chrétienne. L'établissement ne reçoit provisoirement que des garçons, dont le nombre est limité à 30; mais il pourra ultérieure- ment recevoir aussi un certain nombre de jeunes filles. 2. L'établissement, fondé en 1825, est dirigé et admi- nistré par une association libre, qui s'est proposé pour objet de vouer ses soins à l'éducation et au salut des enfants pauvres. Le nombre des membres de l'association est indéterminé; elle se compose de personnes des deux sexes. Chaque mem- bre peut se retirer à volonté. Nul membre nouveau ne peut être admis qu'avec l'assentiment des associés. 3. L'association nomme son président, son trésorier et son secrétaire; elle a des séances régulières où se traitent toutes les affaires qui concernent l'établissement; les déci- sions sont prises à la majorité des voix. 4. L'admission des enfants a lieu, en règle générale, une fois par an, à une époque coïncidant avec la sortie de ceux qui ont été confirmés. Cette admission est subordonnée à certaines conditions. Nul enfant ne peut être reçu avant l'âge de sept ans et après l'âge de douze ans accomplis. Il doit être sain de corps et d'esprit. Sont admis, de préférence, les enfants les plus pauvres et les plus négligés ; à cet effet, il est établi une enquête qui résume toutes les circonstances relatives à la position et au caractère de chaque enfant. En règle générale, il doit être payé une modique pension (de 20 à 50 fr: de Suisse annuellement); mais l'impossibilité de payer cette pension, n'est cependant pas une cause d'exclusion; lorsqu'elle est bien établie, l'enfant pauvre est entretenu aux frais de la Société. La durée du séjour est indéterminée; toutefois la sortie a lieu d'ordinaire après la confirmation, vers la seizième année. 5. Les enfants forment dans l'établissement une famille qui est élevée chrétiennement. Sous le rapport physique, leur nourriture, leur habillement et leur coucher, à la fois simples et suffisants, sont semblables à ceux des enfants des cultivateurs. Ils reçoivent l'instruction scolaire conformé- ment aux dispositions générales de la loi sur les écoles pri- maires du canton. La base de leurs travaux est la culture, ainsi que les occupations qui se rapportent à la tenue d'un ménage rural. 6. La direction de l'établissement est confiée à un homme d'une moralité éprouvée, qui préside à l'œuvre de l'édu- cation et exerce les fonctions d'instituteur; cet homme, qui est véritablement le père de la famille, doit de préférence être marié; sa femme, dans ce cas, partage avec lui la ges- tion de l'établissement, et remplit à l'égard des élèves les devoirs et les fonctions de la mère de famille. Si l'instituteur n'est pas marié, une femme respectable lui est adjointe pour la direction du ménage. Il est nommé en outre un assistant ou surveillant pour le travail, un ouvrier agriculteur expé- rimenté qui dirige la culture, et une servante. Tout le per- sonnel est subordonné au père de famille, qui est respon- sable vis-à-vis du comité d'administration de la bonne gestion de l'établissement, et qui est tenu de suivre les ordres et les instructions qui peuvent lui être donnés à cet effet. 7. Les ressources de l'établissement se composent des produits de la culture et des ateliers, du payement des pen- sions, et des souscriptions et dons volontaires des membres de la Société et des bienfaiteurs particuliers. Il est fait annuel- lement à cet effet, avec l'autorisation du gouvernement, une collecte dans la ville de Berne. Le comité rend un compte public des recettes et des dépenses à des époques plus ou moins rapprochées. 8. Le comité, et généralement les membres de la Société, exercent un patronage actif et bienveillant sur les enfants à leur sortie de l'établissement. Le comité pourvoit en outre à leur placement ou à leur mise en apprentissage, en utilisant à cet effet les dons qui peuvent lui être confiés pour favoriser l'œuvre du patronage. La propriété occupée par l'école se compose d'une maison qui, malheureusement, n'est pas très-bien disposée pour sa destination, et de 43 jucharten de bonne terre. Le loyer était annuellement de 1,200 francs de Suisse, mais récemment la Société en a fait l'acquisition. Le relevé des comptes de 1847 donne les résultats sui- vants : A. RECETTES. Souscriptions et donations. Pensions. · Produits vendus. Intérêts des sommes déposées Boni de 1846. . fr. rp. 3,654 55 777 70 207 72 ¹íz 21 80 344 37 1/2 Total. 5,006 15 B. DÉPENSES. Personnel des employés. Nourriture, indépendamment des produits de la culture Habillement Éclairage, blanchissage, mobilier Instruction, service médical, culture, assurance. Intérêts de l'emprunt pour l'achat de la propriété. Total. Déficit. 864 75 • 1,728 92 1/2 567 22 1/3 528 82 1/2 974 70 658 75 5,323 17 2 317 2 1/2 D'après ce relevé, l'entretien de chaque enfant a été, en 1847, de 177 francs de Suisse, soit 275 francs de SUISSE. 15 ÉCOLES RURALES. France. Mais c'est là une année exceptionnelle à cause de la cherté des denrées. La dépense annuelle par tête est éva- luée de 132 à 148 francs de Suisse, soit 198 à 212 francs de France. de Suisse. Le fondateur a affecté la moitié des dons chari- tables que reçoit son établissement à la création d'une caisse d'épargne pour les enfants, qui doit servir à faciliter leur placement. École d'orphelins de Wangen. (Canton de Berne.) pen- Fondé en 1839 par une société particulière, au moyen d'actions remboursables et hypothéquées sur la propriété, cet établissement est spécialement destiné à recueillir les orphelins du district de Wangen. Les enfants sont reçus à partir de l'âge de huit ans jusqu'à quatorze ans révolus. Les communes et les bienfaiteurs doivent s'engager par écrit à payer, semestriellement et par anticipation, le prix de la sion jusqu'à l'âge de seize ans, à charge, par l'établissement, de conserver encore gratuitement pendant trois ans les enfants après cet âge. Le bâtiment est convenable et spacieux; les terres mesurent 120 jucharten, étendue peut-être trop con- sidérable pour une école destinée à une trentaine de Jeunes garçons. Le directeur, homme capable et dévoué, est un ancien colon de la Linth, dont l'éducation pédagogique a été complétée à Hofwyl et à Kreuztlingen. Écoles de pauvres de Rüggisberg et de Könitz. (Canton de Berne.) Ces deux écoles, soutenues par les administrations publiques, contiennent, l'une une cinquantaine de garçons, l'autre un même nombre de filles; leur organisation est en tout semblable à celle des établissements du même genre dans le canton, avec cette seule différence que les travaux y sont principalement industriels. L'école des garçons pos- sède 6 jucharten et l'école des filles 2 jucharten, qui sont cultivés en potagers par les enfants. École de pauvres de Grossaffoltern. (Canton de Berne.) Cette école a été instituée en 1842 par un simple culti- vateur, B. Loder, qui lui a affecté sa propriété d'une éten- due de 28 jucharten, et qui remplit lui-même les fonctions de directeur et de chef de famille. Celle-ci se compose de 8 garçons et de 6 filles. Quatre de ces filles ont été pla- cées par la Société pour l'éducation religieuse du peuple, qui paye annuellement de ce chef une pension totale de 360 francs. Les autres pensions varient de 25 à 100 francs I Écoles de pauvres de Langdorf et de Neustadt. (Canton de Berne.) Le premier de ces établissements a été créé en 1831, et le second en 1844. Tous deux reçoivent des filles et des garçons, qui sont principalement employés aux travaux agri- coles. Ils sont subsidiés par les administrations publiques, et leur organisation et leur régime intérieur n'ont rien qui les distingue des autres établissements du même genre dans le canton. École de réforme (Rettungs-Anstalt) de Bächtelen. (Canton de Berne.) L'institution des écoles agricoles pour les enfants pauvres a été un grand bienfait pour la Suisse; elle a puissamment contribué à soulager la misère et à arrêter les progrès du paupérisme. Mais l'expérience a démontré que ces établis- sements n'étaient pas suffisants pour venir en aide aux enfants vicieux et coupables. Confondus avec les autres dans les écoles de pauvres, ces enfants y apportaient des germes de démoralisation que la vigilance des directeurs ne parvenait pas toujours à neutraliser. Aussi comprit-on la nécessité d'établir une ligne de démarcation entre les deux classes d'enfants, et de créer pour les enfants vicieux et coupables des établissements spéciaux. L'un des premiers promoteurs de la réforme, Jean-Gaspard Zellweger, de Tro- gen, soumit à cet égard un plan à l'assemblée générale de la Société Suisse d'utilité publique. Ce plan fut accueilli, et pour hater sa mise à exécution, l'un des anciens élèves de Wehrli, le sieur Kuratli, reçut la mission d'aller visiter les établissements de l'étranger qui paraissaient pouvoir servir de type à l'institution projetée. Le sieur Kuratli passa deux ans en Allemagne, et après avoir visité l'établissement de Kopf à Berlin, s'attacha particulièrement à étudier l'organi- sation et le régime de l'institut pour les enfants moralement négligés de Rauhen-Haus, à Horn, près de Hambourg. A son retour en Suisse, en 1840, il fut chargé de la direction de l'école de réforme dont la création avait été décidée dès 1837. or Cette école, située à Bächtelen, à une demi-lieue de Berne, fut ouverte le 4 mai 1840. Elle est, comme nous l'avons déjà dit, spécialement destinée à recueillir, à élever et à corriger les enfants vicieux et coupables de fautes légères. Sous ce rapport, elle tient en quelque sorte le 16 ÉCOLES RURALES. SUISSE, milieu entre l'école des pauvres proprement dite et la mai- son de correction. Le soin le plus scrupuleux fut apporté dans l'admission des enfants; ils furent reçus isolément à des intervalles plus ou moins éloignés. Aussi, à la fin de 4844, la population de l'établissement ne se composait- elle encore que de 12 enfants. Ces enfants formèrent une famille, sous la direction spéciale du sieur Kuratli. Une seconde famille commença à être formée en 1842; elle fut complétée en 1844 et placée sous la direction d'un second instituteur, le sieur Engeli, qui avait aussi fait son appren- tissage à l'école de Wehrli. Enfin, en 1845, on forma une troisième famille, également composée, comme les deux autres, de 12 enfants. Indépendamment de ces trois fa- milles, on institua une division d'épreuve de 6 ou 8 enfants, où sont placés les arrivants avant d'être définitivement classés dans les familles, au fur et à mesure des places vacantes dans celles-ci. Cette organisation en familles, cal- quée sur l'organisation instituée par M. Wichern au Rauhen-Haus, a jusqu'ici parfaitement répondu à son but ; elle facilite la surveillance, entretient l'émulation et permet d'appliquer à chaque enfant le régime et les soins qu'il réclame en raison de son caractère et de ses dispositions. L'école de Bächtelen reçoit des enfants de tous les can- tons; seulement jusqu'ici, pour des motifs faciles à com- prendre, elle n'a admettre pu que des enfants du sexe mas- culin, appartenant à la communion protestante. Mais il est dans l'intention de ses fondateurs de créer un établissement semblable pour les enfants professant le culte catholique, ainsi que pour les jeunes filles. Les enfants sont reçus à partir de l'âge de six jusqu'à quinze ans. La durée du séjour doit être au moins de quatre ans. La direction supérieure de l'école est attribuée à un comité central composé de quatre à six membres élus dans le sein. de la Société Suisse d'utilité publique, et appartenant à dif- férents cantons: son administration interne est confiée à un comité spécial dont les membres résident dans le voisinage. Chacun de ces comités a des attributions distinctes et claire- ment déterminées. Le personnel de l'établissement se compose d'un direc- teur, chargé en même temps des fonctions d'instituteur principal; assisté d'un instituteur adjoint, il sert de père à la première famille; chacune des deux autres familles a pour chef un instituteur subordonné au directeur. Un préposé à la culture et à l'étable et une ménagère complétent le per- sonnel qui, au premier abord, peut paraître considérable pour un établissement d'une quarantaine d'enfants. Mais lorsque l'on réfléchit à la composition de sa population, aux soins individuels qu'elle réclame, à la nécessité d'une sur- veillance vigilante et non interrompue sur chaque enfant, on ne peut méconnaître qu'il était pour ainsi dire impossible d'atteindre le but proposé avec un moindre nombre d'em- ployés. A Horn, l'institut des frères ou aspirants instituteurs subvient amplement à tous les besoins du service et du con- trôle; dans les établissements semblables, où cet institut fait défaut, il faut se résigner à y suppléer par l'augmentation du personnel rétribué. Les traitements réunis s'élèvent à 2,000 francs de Suisse (3,000 fr. de France). Le traitement de l'instituteur prin- cipal, directeur, est de 800 francs, celui de chacun des trois instituteurs adjoints de 300 francs, et celui du préposé à la culture et de la femme qui remplit les fonctions de ména– gère, aussi de 300 francs. Tous les employés ont en outre le logement, la nourriture et l'entretien, sauf l'habil- lement. La culture et le jardinage occupent les enfants pendant la plus grande partie de l'année. On a organisé, à titre de travaux accessoires, des ateliers de corderie, de tonnellerie et de menuiserie. L'instruction est semblable à celle des écoles primaires du canton. Elle occupe deux ou trois heures en été, et quatre ou cinq heures en hiver. L'enseignement religieux est confié au pasteur de la commune, qui y apporte le soin le plus assidu. Quant à l'œuvre de l'éducation, elle est de tous les jours et de tous les instants; sans cesse en relations, soit avec le directeur, soit avec l'instituteur, chef de la famille à laquelle il appar- tient, l'enfant ne peut échapper aux influences salutaires qui l'environnent de toutes parts. Aussi, la conduite géné- rale ne laisse-t-elle rien à désirer les progrès des enfants marchent de pair avec leur amendement. Jusqu'ici, bien que les sorties aient été peu nombreuses, on peut, par les succès obtenus, bien augurer de l'avenir. Il a été institué un comité de patronage dans le but de faciliter le placement convenable des élèves sortants et d'exercer à leur égard une bienveillante tutelle. Pour étendre les bienfaits de l'établissement et préparer la création d'autres établissements du même genre, on a créé récemment à Bächtelen un institut spécial pour former des instituteurs et des contre-maîtres. Avant leur admis- sion définitive, les élèves de cet institut sont soumis à une épreuve de trois mois. La durée de leur séjour est de trois ans. L'école de réforme de Bächtelen doit son existence à l'iné- puisable charité qui caractérise les cantons suisses, et qui a déjà créé tant d'utiles institutions. Elle est soutenue à l'aide de souscriptions et de dons particuliers, auxquels viennent s'ajouter les subsides des administrations cantonales, le produit de la culture et des ateliers et celui des pensions payées par les communes, les parents ou les bienfaiteurs particuliers. Le taux moyen de ces pensions est de 50 francs de Suisse (75 fr. de France) par année. L'étendue de la pro- priété est de 40 jucharten de terres fertiles en plein rap- port. La valeur de cette propriété, jointe à celle des bâti- ments, du mobilier, du bétail, etc., représente une somme totale de 54,944 francs de Suisse. Si, de cette somme, on déduit la dette dont l'établissement est encore grevé, on trouve qu'il possédait au 31 décembre 1843, toute dépense payée pour l'entretien ordinaire des enfants, un capital SUISSE. 17 ÉCOLES RURALES. de 23,516 francs de Suisse. La moyenne de la dépense annuelle par enfant a été, pendant les dernières années, de 165 francs de Suisse, soit 247 fr. 50 c. de France. École de réforme (Rettungs-Anstalt) de Saint-Gall. (Canton de Saint-Gall.) Le but de cet établissement est de venir en aide aux enfants des deux sexes négligés et moralement menacés, en leur donnant une éducation chrétienne. Il a été organisé, en 1840, par une association particulière, à l'instar des écoles de Beuggen et de Freienstein, et sa direction est confiée à un ancien élève de ce premier établissement. Sa population actuelle est de 29 enfants (20 garçons et 9 filles), appartenant aux divers cantons. Plusieurs admissions sont gratuites; les autres sont subordonnées au payement d'une pension qui varie de 10 à 50 florins. La dépense annuelle, pour chaque enfant, est de 120 à 150 florins. L'établisse- ment possède un bâtiment spacieux et commode, avec 31½ jucharten de terre, libres de toute charge. Toutes les dépenses sont couvertes à l'aide des souscriptions des mem- bres de l'association et des dons particuliers. Indépendamment de la caisse principale, il existe des caisses spéciales pour l'achat de la propriété de l'école, T'achat de la propriété de l'école, pour le placement des élèves à leur sortie, pour la célé– bration de la fête de Noël, pour les épargnes des enfants, et enfin pour recueillir les sommes destinées à pourvoir aux frais des petits voyages qu'ils font avec l'instituteur. Les travaux, pendant l'été, consistent dans la culture du jardin de l'école et le soin des terres, des prairies et des bestiaux appartenant à la commune; l'hiver, les enfants sont occupés à la confection de paniers, de chaussons de lisières, au triage du café pour des marchands de la ville, au service des étables, etc. Ils reçoivent l'instruction comme dans les bonnes écoles du canton. La direction et la surveillance supérieure de l'établisse- ment sont confiées à un comité de sept membres, qui pré- side aux examens annuels et à la fête par laquelle on célèbre chaque année l'anniversaire de la fondation de l'école. École rurale de Carra. (Canton de Genève. ) Cet établissement a été érigé en 1820, à l'instar de l'école d'Hofwyl, par quelques hommes bienfaisants, à la tête desquels se trouvait M. Ch. Pictet de Rochemont. Le but des fondateurs a été de recueillir et d'élever convenable- ment les enfants trouvés et les orphelins du canton. Ceux-ci, par motif d'économie, étaient, dès leur jeune âge, placés en pension chez des paysans de la Savoie, qui, à cause de leur pauvreté, ne prenaient aucun soin de leur éducation physique et morale. Parvenus à l'âge où il devenait possible d'utiliser leurs forces, les enfants étaient retirés de chez leurs nourriciers pour être mis en apprentissage chez des artisans, qui trop souvent les exploitaient dans un intérêt égoïste. La réforme de ces abus fut d'abord entreprise sur une échelle très-restreinte; on commença par recueillir trois orphelins, auxquels on en joignit trois autres dès la fin de la première année. Peu à peu la population s'accrut, et, depuis quelques années, elle s'élève, en moyenne, à 26 enfants du sexe masculin. L'établissement ne reçoit pas les filles, pour lesquelles on a érigé un établissement spécial à peu près sur les mêmes bases. On retrouve à Carra le type d'organisation commun à la plupart des écoles rurales de pauvres de la Suisse. Le direc- teur de l'école remplit les fonctions et les devoirs de père d'une famille dont les élèves sont les enfants. La place de directeur est occupée, depuis l'origine, par un homme dévoué, Jean-Jacques Eberhard, formé à l'école de Wehrli, cette admirable pépinière d'où sont sortis les éléments qui ont acquis aux écoles rurales suisses la juste réputation dont elles jouissent généralement. L'école rurale de Carra avait d'abord été installée dans une propriété particulière, où elle recevait en quelque sorte l'hospitalité. Peu à peu, grâce aux efforts et aux sacrifices de ses bienfaiteurs, elle est parvenue à acquérir une sorte d'indépendance et à étendre le champ de son exploitation. Dès 1830, celle-ci comptait environ 20 hectares (50 juchar- ten) de terres labourables et de prairies pour le bétail. Il n'y a pas, à proprement parler, de statuts, mais seule- ment quelques règles qui servent de base à l'organisation de l'établissement. Celui-ci est exclusivement destiné aux orphelins pauvres du canton, appartenant à la communion protestante. La pension des enfants est de 12 à 15 florins (6 à 7 fr. de France) par mois, que payent les parents, les bienfai- teurs ou, à leur défaut, l'hôpital de Genève. L'âge d'admission est fixé entre sept et douze ans, et celui de la sortie à dix-huit ou dix-neuf ans. Les bâtiments se composent d'une maison d'habitation et des locaux nécessaires à l'exploitation agricole. La maison comprend un soubassement, où sont les caves et un atelier de tissage; au premier étage, une salle qui sert à la fois d'école, de réfectoire et de lieu de réunion pour les enfants. ainsi que trois petites chambres à l'usage du directeur; au deuxième, sous le toit, deux dortoirs, où les élèves sont classés selon les âges, plus une chambre d'étranger. Le maximum de la population est limité à 30 enfants. L'exemple de l'école de Wehrli a démontré que ce chiffre ne pourrait être dépassé sans compromettre les bons effets du système d'éducation, et neutraliser les efforts et les soins du chef de l'établissement. 3 18 ÉCOLES RURALES. SUISSE. Le personnel des employés se compose du directeur- instituteur et de sa femme, de deux servantes et d'un ouvrier ou d'un assistant qui remplit les fonctions d'aide instituteur et surveille les ateliers. : La base principale du travail est l'agriculture, qui embrasse le labour, le jardinage, l'horticulture, l'arbori- culture et le soin des animaux. Les enfants sont en outre employés à tous les détails du ménage, et font, particulière- ment pendant l'hiver, l'apprentissage de divers métiers; ils tressent des nattes et des chapeaux de paille, confectionnent des paniers et des ustensiles en bois, tricotent des bas et réparent leurs vêtements. Chacun a sa tâche l'un soigne le cheval, l'autre le bétail, un troisième la porcherie, un quatrième la basse-cour, un cinquième le potager, etc. Il existe pour ces divers emplois un roulement annuel ou bis- annuel, qui met l'élève à même de s'initier successivement à tous les travaux de la ferme. Chaque préposé est assisté, selon les besoins, d'un ou de plusieurs enfants plus jeunes. Les autres sont employés à puiser l'eau, à porter le bois, à nettoyer les légumes et à préparer les aliments. Ces occu- pations accessoires sont variées toutes les semaines. Enfin tous les enfants sont chargés alternativement du nettoyage et de l'arrangement des divers locaux, de la garde de nuit, etc. On les initie ainsi aux détails infinis du ménage et de la vie de famille, et on les forme à la pratique des devoirs qu'ils auront à remplir dans la société. L'instruction est à certains égards subordonnée au tra- vail manuel. Il faut, avant tout, que l'homme vive et nour- risse sa famille. Il importe ensuite qu'il cultive son esprit et élève son âme. A Carra, il y a d'ordinaire une à trois heures d'école en été, et trois à cinq heures en hiver. Lorsque le travail des champs presse, l'enseignement est suspendu. L'enseignement comprend la lecture, l'écriture, l'ortho- graphe, l'arithmétique, le chant, les éléments du dessin, quelques notions d'arpentage, de géographie et d'histoire naturelle. Ce sont les enfants qui tiennent eux-mêmes les comptes de l'agriculture. Les plus avancés et les plus intelli- gents remplissent les fonctions de moniteurs. On a instituć des examens annuels, qui mettent à même d'apprécier les progrès des élèves, et de consulter leurs aptitudes et leurs dispositions. La nourriture est la même que celle des domestiques de ferme dans le canton. Le pain et la soupe en forment la base. Chaque enfant a par jour, en moyenne, une livre de pain de froment mélangé avec de l'orge, des fèves, du seigle, des vesces ou des pois. En hiver, ce mélange est remplacé par un pain de pur blé sarrasin. La soupe, dite à la Rumford, se compose d'ordinaire de pommes de terre, de légumes frais ou secs cuits dans de l'eau, et parfois de bouillon, de maïs ou de farine de froment. Cette soupe est distribuée, matin et soir, avec un morceau de pain; au dîner, les enfants ont des légumes, des pommes de terre, du pain et un verre de vin mélangé d'eau. Deux ou trois fois la semaine, on ajoute à ce repas un morceau de viande. A l'exception du riz, l'établissement ne consomme que ses propres produits. L'habillement des enfants est, en été, de coutil de fil, et, en hiver, de ratine de laine; ils portent un pantalon avec des guêtres qui montent jusqu'au genou, une veste ronde à collet droit, un bonnet de laine en hiver, et un chapeau de paille en été. Lors des grands froids, ils reçoivent en outre un gilet de dessous et des bas de laine. Le plus souvent ils marchent pieds nus l'été, et l'hiver ils ont des sabots de bois. Le costume des élèves qui ont été admis à la confir- mation ressemble, par la couleur, la coupe et l'étoffe, à celui des habitants de la localité. Chaque enfant reçoit annuellement un pantalon de coutil, un pantalon de ratine, deux chemises, deux mouchoirs, deux paires de sabots et un chapeau de paille; tous les deux ans, une veste de coutil et une veste de ratine, un gilet de dessous, une paire de guêtres pour l'été et de bas longs pour l'hiver, et un bonnet de laine. Pendant les heures de récréation et de repos, les enfants soignent et cultivent les petits jardins qui leur sont donnés en location, et dont les produits sont livrés à l'établissement qui leur en paye la valeur ; ils répètent les leçons de l'école, remplissent les petits offices qui leur sont assignés dans le ménage et se livrent à des jeux divers. Indépendamment de ces récréations journalières, il y a chaque année des fêtes auxquelles tous les élèves sont appelés à participer. Ainsi, le 31 décembre, anniversaire de l'admission du can- ton dans la confédération helvétique, on fait, à l'aide de l'argent de la caisse des amendes, une loterie d'objets utiles, tels que couteaux, marteaux, tenailles, compas, plumes, crayons, papier, canifs, etc. Le jour du nouvel an, fête de l'établissement, il est permis d'acheter, de vendre ou d'échanger les objets gagnés à la loterie de la veille. Le premier dimanche de mai, il y a un tir à l'arc et à l'arbalète, dont les prix sont fournis en partie par la caisse commune et en partie par la caisse de l'école. Quelque temps avant la moisson, par un beau dimanche, les élèves font une excursion dans les montagnes voisines, le Voaron, le Salève ou le Môlé, emportant avec eux des provisions pour la journée. Cette promenade est renouvelée parfois après la rentrée des récoltes. Mais de toutes ces fêtes, la plus belle et la plus joyeuse est celle de la moisson. Lorsque les récoltes sont rassemblées et prêtes à être rentrées, les enfants font un immense bouquet; les chariots et les chevaux sont ornés de fleurs et de feuillage, et un cortége triomphal par- court les champs. Les enfants s'assoient à un banquet dont les mets se composent de riz, de viande, de salade mélangée de pommes de terre et de carottes nouvelles, de prunes séchées et de vin pur. Après le dîner, qu'animent des toasts et des chants appropriés à la circonstance, le cortége se remet en marche, drapeaux déployés, et la journée se ter- mine par des coups de feu et des pétards. En automne, vient la fête de l'escalade, où on se livre à des luttes corpo- relles et à des jeux, en mémoire d'un événement qui figure SUISSE. 49 ÉCOLES RURALES. glorieusement dans les annales du canton. On éveille ainsi chez les enfants des souvenirs patriotiques, et on leur in- culque l'amour du pays. La Noël donne lieu à une solennité d'un autre caractère. Les enfants sont réunis à un souper composé de légumes, de fruits, de pâtisseries grossières, et arrosé de vin pur; on leur récite l'histoire de la naissance de Jésus, et la soirée se termine par des chants religieux. Ces fêtes sont de véritables récompenses; elles stimulent le zèle et la bonne oonduite; en outre, l'émulation et le travail sont encouragés par un système à la fois simple, pratique et peu coûteux. Chaque enfant qui s'est distingué par son application dans les travaux et à l'école reçoit jour- nellement, avec une bonne note, une prime de cinq centimes. Quant aux élèves autorisés à rester à l'établissement après leur confirmation, on leur donne, en raison de leurs services. et de leur activité, un salaire de 20 à 30 centimes par jour, à l'aide duquel ils doivent pourvoir à leur habillement. Les primes et les salaires dont nous venons de parler sont déposés dans une caisse d'épargne où ils portent intérêt, et d'où ils sont retirés à mesure des besoins. On initie ainsi les élèves aux usages de la vie pratique et aux habitudes d'éco- nomie qui doivent leur venir en aide à leur entrée dans la société. Les punitions sont rares à Carra; elles sont abandonnées à la discrétion du chef de l'établissement, et consistent le plus souvent en petites amendes qui sont versées dans la caisse commune; les profits de cette caisse sont accrus par les dons de personnes charitables, le produit du travail agri- cole exécuté pour compte des cultivateurs voisins, la vente des déchets, etc. Cette caisse, comme nous l'avons dit, pourvoit aux dépenses des fêtes, et son avoir est partagé, au marc le franc, entre les élèves à leur sortie. Pour faire valoir les fonds déposés, il est parfois arrivé d'accorder des avances aux enfants qui se distinguaient par leur esprit d'en- treprise; ces avances servent à l'acquisition de moutons, de chèvres, qui, après avoir été engraissés, sont revendus avec bénéfice. C'est ainsi que la caisse commune, sous une direction intelligente, est devenue un moyen puissant d'en- seignement pratique. La comptabilité de l'établissement est tenue avec ordre et simplicité. Il y est ouvert un compte particulier pour l'exploitation agricole, qui, malgré le prix élevé de location, donne annuellement un bénéfice net de 200 à 600 francs. On estime qu'année commune chaque enfant coûte envi- ron 255 francs, soit 70 centimes par jour. D'après les comptes de l'exercice 1843, voici quelles ont été, cette année, les recettes et les dépenses de l'établis¬ sement: A. - DÉPENSES. Traitements, salaires. Nourriture Mobilier . Vêtements. • رد. 1 1,459 88 1,775 07 573 33 1,207 99 Exploitation agricole. Chauffage, éclairage. Blanchissage. • Entretien et réparation des bâtiments. Bonnes notes . Report. 5,016 27 2,864 51 642 67 451 99 258 95 360 91 197 88 9,793 16 École, service médical, dépenses diverses. Total. A la dépense pour la nourriture, il faut ajouter les pro- duits de la ferme, dont la valeur est évaluée à 4,217 fr. 65 c. La dépense totale pour la nourriture a donc été de 5,992 fr. 70 c. Le nombre de journées d'entretien s'est élevé, en 1843, à 11,833. L'alimentation a par conséquent coûté un peu plus de 50 centimes par jour et par tête. B. — RecettES. Travail pour compte de particuliers. . Vente de produits agricoles. Pensions. Total. fr. C 934 49 1,736 67 2,340 15 5,011 31 Si l'on compare les recettes aux dépenses, on constate un déficit de 4,782 francs, qui a dû être comblé à l'aide des souscriptions et des dons particuliers. Mais comme ces der- nières sources de revenus sont au moins incertaines et n'équivalent pas toujours au déficit, on a dû souvent cou- vrir celui-ci par des imputations sur le capital de fonda- tion. Il s'ensuit que ce capital a été successivement réduit et doit même dans ce moment être complétement absorbé. Aussi l'école rurale. de Carra, en présence de ces difficultés financières jointes à la mort ou à la retraite de ses premiers fondateurs et de ses principaux bienfaiteurs, voit-elle son existence sérieusement menacée. Elle est aujourd'hui sou- mise à un travail de réorganisation qui aboutira, il faut l'es- pérer, à la consolidation définitive de l'établissement. L'école rurale de Carra a surtout pour but de former de bons ouvriers agricoles, et elle a pour principe d'entretenir parmi ses élèves un sentiment d'humilité et des habitudes de simplicité qui les rattachent aux professions rurales Cependant, l'expérience démontre que ce but par trop exclusif n'est pas atteint. Si un certain nombre d'élèves, à leur sortie, entrent en service comme valets de ferme, jardi- niers, vachers, etc., un nombre beaucoup plus considérable embrassent des carrières qui les ramènent dans les villes, telles que celles de charron, menuisier, serrurier, tailleur, cordonnier, tapissier, boutiquier, ouvrier de fabrique, do- mestique et soldat. Quelques-uns se vouent à l'enseigne- ment; d'autres vont chercher fortune à l'étranger; ainsi, il y en a un qui est maître d'hôtel en Espagne, un autre, secrétaire sur un bateau à vapeur du Mississipi, etc. A reporter. 5,016 27 20 ÉCOLES RURALES. SUISSE. Colonie de la Liuth ou école des pauvres d'Eschersheim. (Canton de Glaris.) par Lorsqu'en 1816 et 1817, on entreprit le défrichement des marais de la Linth, la commission directrice des tra- vaux, dans le but de soulager la misère occasionnée la disette, essaya d'établir une colonie d'indigents adultes sur les terrains qu'il s'agissait de mettre en culture. Cet essai, malgré les efforts des fondateurs, ne réussit pas, et on fut obligé de l'abandonner en 1824. Renonçant à la colonisation des adultes, on espéra obte- nir de meilleurs résultats en créant une colonie d'enfants. Dès 1819, cette œuvre fut entreprise par une association de personnes charitables qui, aidée des conseils et de l'in- fluence de M. de Fellenberg, jeta les fondements d'une école rurale à Eschersheim, pour l'éducation des enfants pauvres du canton. La direction du nouvel établissement fut confiée à Melchior Lütschg, formé à l'école de Wehrli; cet homme dévoué remplit encore aujourd'hui les mêmes fonctions, et pas cessé depuis trente ans de prodiguer ses soins à ses enfants d'adoption. n'a La population de la colonie ne s'est accrue que succes- sivement; 5 enfants en formèrent le noyau; elle s'est élevée peu à peu jusqu'à 27, puis jusqu'à 36, chiffre qui n'a pas été dépassé. Les enfants sont reçus de huit à onze ans, sauf quelques exceptions. Ils subissent six mois d'épreuve avant leur admission définitive. L'âge de la sortie est fixée à dix- sept ans. Chaque enfant paye une pension, qui s'élève en moyenne à 36 francs par an; cette pension est acquittée par les communes, les parents et les bienfaiteurs. Le surplus des dépenses est couvert par les dons et les souscriptions des membres de la Société. Il a été institué une caisse d'épargne qui permet d'allouer à chaque enfant, à sa sortie, un pécule de 48 à 72 francs. Les enfants, tous du sexe masculin, sont réunis en famille, d'après le système suivi à l'école d'Hofwyl. Le directeur, père de famille, remplit en même temps les fonc- tions d'instituteur. Il a un assistant choisi, autant que pos- sible, parmi les colons. Sa femme, une servante et deux valets de labour, complétent le personnel de la colonie. L'administration supérieure de l'établissement est confiée à un comité élu parmi les membres de la Société fondatrice. Le bâtiment de l'école se compose d'un soubassement où sont les caves et l'atelier de tissage; - d'un premier étage formé de quatre pièces : le logement du directeur, la cui- sine, et deux salles spacieuses, dont l'une sert en même temps d'école et de réfectoire, et l'autre d'atelier pour les travaux domestiques; dans cette dernière il y a dix-huit armoires, une pour deux colons, où ceux-ci rangent leurs effets; — d'un second étage divisé en six chambres à coucher pour les colons, qui ont chacun leur lit. Au dehors, à quel- que distance de la maison principale, se trouvent la grange, l'étable, le magasin au bois et l'habitation des valets de labour qui sert aussi de buanderie. Tous les travaux du ménage sont confiés aux enfants, qui remplissent à tour de rôle, et d'ordinaire pendant une semaine, les divers offices qui leur sont assignés. La sur- veillance de cette branche de service est attribuée à un colon intelligent et actif, qui reçoit ses instructions du directeur et qui est responsable de leur exécution. De même qu'à l'école d'Hofwyl, chacun des anciens colons a sous sa protection spéciale un colon plus jeune et sans expérience, qu'il dirige et auquel il vient en aide en cas de besoin. Il s'établit ainsi entre les enfants des liens et des rapports de fraternité dont l'influence se prolonge sou- vent après leur sortie. La division de la journée est réglée selon les saisons et les exigences du travail. Les enfants, éveillés par le directeur qui couche au milieu d'eux, s'habillent, retournent leurs literies, et se rendent en toutes saisons à la source voisine de la maison où ils font leurs ablutions. Ils sont ensuite réunis dans la salle d'école pour la prière et la méditation du matin. Ils déjeunent, et, après le déjeuner, les plus jeunes reçoivent l'instruction; les plus âgés et les plus forts se ren- dent, jusqu'à l'heure du dîner, aux travaux divers qui leur ont été assignés. Le contrôle de ces travaux est confié à l'un d'eux, qui tient note par écrit et fait rapport au directeur de leur marche et de leurs résultats. L'après-midi en été, le matin pendant l'hiver, et lorsque le temps ne permet pas de se livrer aux occupations extérieures, les travailleurs participent à leur tour aux bienfaits de l'enseignement. Le surplus du temps est consacré au travail, et la journée se termine par le souper, la prière du soir et des chants reli- gieux. La culture et le soin des bestiaux absorbent la plus grande partie du temps des colons. Mais comme il importe qu'ils soient toujours occupés, on a organisé diverses indus- tries accessoires pour l'hiver et les mauvais temps. Parmi ces industries nous citerons le tricot, la vannerie, la con- fection de chaussures de lisières, le tissage de la paille et la fabrication de nattes, le tissage d'étoffes de lin et de laine, etc. Les produits de ces industries sont en partie consommés par l'établissement, en partie vendus au dehors. Ainsi l'on place chaque année 300 à 400 nattes, qui rapportent un bénéfice d'une centaine de florins; 2,500 à 3,000 aunes. d'étoffes tissées, pour compte de particuliers, assurent à l'établissement un revenu net de près de 300 florins. Le travail des enfants vient aussi puissamment en aide à l'en- tretien de la colonie, à la fois en augmentant ses ressources et en diminuant ses dépenses. Les récréations se bornent au repos qui suit le diner. Les plus jeunes enfants se livrent à des jeux, mais, pour les colons plus âgés, le délassement consiste surtout dans la succession des exercices; ainsi, au travail manuel succède } SUISSE. 21 ÉCOLES RURALES. l'enseignement, et vice versa. Les intervalles sont remplis par les soins du ménage, le nettoyage des locaux, des meubles, des outils, etc. Ce passage fréquent des travaux extérieurs, à l'air libre, aux occupations intérieures, stimule l'activité des colons, les préserve de l'ennui et contribue puissam- ment à fortifier leurs forces et à entretenir leur santé. A titre de récompense, on permet parfois aux enfants de visiter leurs parents dans le voisinage, lorsqu'il est reconnu d'ail- leurs que ces visites peuvent avoir lieu sans inconvénient. Les colons plus âgés sont aussi conduits de temps en temps aux séances de l'assemblée cantonale (Landsgemeinde) par le directeur, qui saisit cette occasion pour les initier aux lois du pays et leur inspirer le sentiment de l'amour national. La nourriture se compose presque exclusivement des duits de la culture: pain, pommes de terre, légumes, fruits, lait, beurre et viande. Les colons, de même que les valets de labour, ont au déjeuner du lait écrémé avec un morceau de pain; à dîner, des légumes, de la soupe ou du lait; au souper, des pommes de terre cuites au lait ou de la soupe de gruau d'avoine. En été, particulièrement lorsque les tra- vaux sont pénibles et au temps de la moisson, ils ont en outre un goûter composé de pain, de fruits ou de laitage. pro- placé. Entré pauvre à la colonie, il n'en sort que pour se vouer au travail et au soulagement des pauvres comme lui. C'est ainsi que l'établissement de la Linth a formé plusieurs de ces simples instituteurs de village, accoutumés à une vie de privations et de rude labeur, auxquels la Suisse doit cette civilisation pratique qui la distingue entre toutes les nations. Les colons restent d'ordinaire encore six mois après leur confirmation à l'établissement. Ceux qui ne paraissent pas susceptibles de tirer parti de cette prolongation de séjour sont renvoyés immédiatement à leur commune. Quant aux élèves qui se distinguent par leur application, leur intelli- gence et leur bonne conduite, ils peuvent, même après le terme fixé pour la sortie en général, continuer à demeurer à la colonie, soit pour compléter et perfectionner leur apprentissage, soit en attendant qu'ils trouvent un place- ment avantageux. Dans ce cas, on leur accorde une rétri- bution proportionnée à leurs services, qui sert à leur former un pécule. Le comité d'administration, d'accord avec le directeur, apporte le plus grand soin à diriger les colons au moment de leur sortie, à leur procurer des positions convenables, à assurer leur avenir. «Il est vraiment tou- L'œuvre de l'éducation est constamment associée au tra- chant,» dit un rapport sur la colonie que nous avons sous vail et à l'instruction. Le directeur ne néglige aucune occa- les yeux, <«< il est vraiment touchant de voir avec quelle sion de faire ressortir les fautes et de rendre hommage à la sollicitude, avec quelle affection profonde l'excellent direc- bonne conduite et au zèle des colons. L'ordre, la propreté, teur s'occupe des intérêts de ceux de ses enfants qui vont l'attention aux leçons, l'activité au travail sont commandés le quitter et qui semblent lui devenir plus chers à mesure et entretenus à l'aide de moyens ingénieux, dont l'intelli- que s'approche l'instant du départ. Il scrute scrupuleuse- gent directeur de la colonie a le secret. Ces moyens reposent ment leurs goûts et leurs aptitudes, calcule leurs forces. d'ordinaire sur la persuasion et le bon exemple; lorsqu'ils et, après en avoir conféré avec eux dans l'intimité, il se fait font défaut, on a recours aux punitions, qui consistent d'ordi- l'organe de leurs vœux et de leurs désirs près du comité. Il naire en légères amendes, dans la privation d'un repas, dans n'y a pas d'efforts, pas de démarches qui lui coûtent pour l'exclusion des jeux gymnastiques; on fait rarement usage obtenir le meilleur placement dans le lieu le plus convena- de peines corporelles, et seulement lorsque l'enfant se ble: il écrit, il s'adresse verbalement à ses amis, à ses montre incorrigible et rebelle à tout conseil et à tout aver-connaissances, aux autorités; il presse, il supplie jusqu'à tissement. L'enseignement comprend : la lecture, l'écriture, la lan- gue allemande, l'orthographe, le calcul, la géographie, l'his- toire de la Suisse, le dessin linéaire et le chant. Il équivaut à celui des bonnes écoles primaires du canton. Le directeur est en même temps un instituteur des plus distingués. Il comprend mieux que personne que l'instruction seule ne suffit pas pour former l'homme et l'améliorer; l'instruction pour lui n'est qu'un instrument dont il importe avant tout d'enseigner le bon usage; aussi s'attache-t-il à développer chez ses élèves les bons sentiments, les idées généreuses, les principes du devoir et du sacrifice. Il est secondé à cet égard par le pasteur de la commune de Bilten, qui est plus particulièrement chargé de l'enseignement religieux. Le résultat de ces communs efforts est des plus satisfaisants. L'esprit qui règne dans la colonie est excellent. Les colons, contents de leur sort, apprécient les soins dont ils sont l'objet; ils savent s'en rendre dignes par leur conduite. Nul d'entre eux ne songe à sortir de la sphère modeste où il est il que ce qu'il ait atteint le but qu'il se propose. A sa sortie, pourvoit le colon de linge et d'habillements, et acquitte les engagements qu'il a contractés en son nom; si celui-ci se trouve dans l'embarras, il l'assiste, et continue à veiller sur lui avec un amour paternel, toujours prêt à lui tendre la main. C'est à ce moment, pendant cette période de transition entre l'existence paisible de la colonie et la vie agitée du monde, que le jeune homme apprend à connaître et à appré- cier les bienfaits de l'asile où il a été élevé, de même l'enfant ne sent souvent se réveiller en lui, dans toute sa force, son amour pour son père et sa mère, et le souvenir du foyer domestique, que lorsqu'il en est éloigné pour la pre- mière fois. Ceux des colons qui ont été placés dans le voi- sinage de l'établissement lui rendent de fréquentes visites; plusieurs viennent d'ordinaire y passer le dimanche, se mêlant aux jeux et aux exercices qui leur rappellent leurs années écoulées; ils entretiennent le directeur de tout ce qui les touche, et ont recours à lui dans toutes les circonstances où ils éprouvent le besoin d'avoir un conseil et un appui. )) ÉCOLES RURALES. SUISSE. Les colons plus éloignés correspondent fréquemment avec M. Lütschg et avec leurs anciens camarades, et lorsqu'il leur arrive de revenir dans l'endroit, leur première visite est toujours pour la colonie; quand le temps le leur permet, ils s'y arrêtent plus ou moins, et compensent les frais de leur séjour en rendant tous les services dont ils sont capa- bles. » En 4843, les anciens élèves de la colonie ont formé entre eux une Société pour venir en aide aux colons sortants, et leur procurer les moyens les de se placer convenablement et d'exercer une profession utile. De son côté, l'un des pre- miers fondateurs de l'établissement, M. de Fellenberg, n'a pas cessé de lui donner des marques d'intérêt, tantôt par ses conseils, tantôt par le don gratuit d'ustensiles et d'instru- ments fabriqués dans les ateliers d'Hofwyl. Il a admis suc- cessivement 18 élèves de la Linth dans son école, à titre gratuit, pour compléter leur instruction et leur appren- tissage, et les préparer à remplir les fonctions d'instituteur. Sur un nombre de 132 enfants admis depuis vingt-cinq ans à la colonie, il en est sorti 104. 38 sont devenus ouvriers ou artisans, 20 sont entrés dans des fabriques; on compte 2 jardiniers, 8 laboureurs, 2 boutiquiers, 2 domes- tiques, 2 militaires, 1 marchand, 1 greffier, 1 juge d'in- struction et 46 instituteurs; 8 sont décédés, et 3 se trou- vaient sans occupation déterminée. Au point de vue économique, la colonie de la Linth a eu de grands obstacles à surmonter; le sol était ingrat et diffi- cile à cultiver; il a fallu, pour le rendre fertile, exécuter de longs travaux préparatoires, qui ont entraîné à une très- forte dépense. Le personnel salarié était d'abord considé– rable. On l'a successivement réduit; on s'est attaché à faire des économies, et, par suite, la situation financière de l'éta- blissement s'est peu à peu améliorée et consolidée. Les terres qui, dans l'origine, représentaient une valeur de 25,000 florins, sont évaluées actuellement à plus de 35,000 florins; les bâtiments ont une valeur assurable de 7,680 florins; l'établissement possède en outre un capital de 25,000 florins, portant intérêt. Cela forme un total de 67,680 florins. Peu d'établissements de ce genre, en Suisse, sont aussi richement dotés. La dépense annuelle pour l'entretien de chaque enfant, y compris les frais de placement, est de 90 florins; cette dépense est payée en partie par les produits de la culture, par le bénéfice des ateliers et la rente du capital; le surplus est couvert par la caisse cantonale. Écoles de pauvres, d'orphelins et de réforme du canton des Grisons, Ces établissements, de date plus ou moins ancienne dans le canton, sont généralement organisés sur le modèle de l'école d'Hofwyl. Ils sont dus, pour la plupart, à la charité | privée, aidée des subsides des administrations locales. Nous nous bornerons à indiquer les principaux. 4. École de pauvres à Foral, près de Coire. Cette école, fondée en 1836, a une population de 28 ou 30 enfants, dont la plus forte moitié est composée de garçons. La pension est de 40 florins par an; mais la plu- part des admissions sont gratuites. 2. École de réforme de Schiers. Érigée en 1837, cette école est annexée à l'école normale. dont les bénéfices servent à couvrir en partie ses dépenses. Les deux établissements ont le même directeur. L'école de réforme compte une douzaine d'enfants des deux sexes. 3. Maison d'orphelins de Coire. Cet établissement, érigé en 1841, a été richement doté par la commune. Il possède un vaste terrain pour la culture, dont les produits contribuent à alléger les dépenses. Sa population varie entre 20 et 30 enfants des deux sexes. 4. École cantonale de pauvres de Pfankis, près de Coire. Un legs de 80,000 florins avait été affecté par le négo- ciant Pierre Hosang, décédé en 1841, à la fondation d'un établissement charitable. La commission, chargée de l'exé- cution du testament de cet homme bienfaisant, résolut de consacrer la somme léguée à l'érection d'une école agricole pour les enfants pauvres du canton. Un domaine spacieux a en conséquence été acquis à des conditions très-favorables, et la direction du nouvel établissement a été confiée à un instituteur formé à l'école de Schurtanne. On a commencé par admettre un petit nombre d'enfants; successivement sa population a été élevée à 40 élèves, garçons et filles. Calquée sur le type formé par l'école de Wehrli, l'école de Pfankis est spécialement destinée à former des jardiniers et des laboureurs. On se propose d'y annexer prochainement une école spéciale d'agriculture, où l'on enseignera aux élèves tout ce qui se rapporte à la théorie de la culture, au jardi- nage, à l'arboriculture, à l'élève du bétail, etc. École de réforme (Rettungs-Herberge) pour les enfants pauvres et négligés de Buch. (Canton de Schaffhouse.) Cette école, comme l'indique son titre, est spécialement destinée à recevoir les enfants pauvres, négligés et morale- ment menacés. Elle a été ouverte le 19 octobre 1826, après que ses statuts eurent été approuvés par l'autorité cantonale. Elle a été organisée à l'instar de l'école de Beuggen, qui lui a fourni son instituteur-directeur. Les enfants des deux sexes y sont admis depuis l'âge de six SUISSE. 25 ÉCOLES RURALES. jusqu'à quatorze ans. Ils reçoivent une éducation chrétienne et l'apprentissage nécessaire pour être placés, à leur sortie, en qualité d'ouvriers ou de domestiques. L'instruction reli- gieuse est donnée par le pasteur de la commune. de L'établissement, de même que la plupart des établisse- ments semblables en Suisse, doit son origine à une asso- ciation particulière. Il occupe un bâtiment convenable et cultive 15 jucharten de terre, dont la plus grande partie est prise en location. Sa population est, en moyenne, 20 enfants, garçons et filles. L'instituteur remplit les fonc- tions de père, et sa femme celles de mère de famille. Le matin est d'ordinaire consacré à l'enseignement, et l'après-dînée aux occupations manuelles. Celles-ci se rapportent principa- lement aux soins de la culture, que dirige un préposé spécial. Lors des mauvais temps et pendant les jours d'hiver, les enfants sont employés à fendre du bois, à préparer la laine, à confectionner des chaussons de lisières et à d'autres tra- vaux de même espèce. Les filles cousent, tricotent et assis- tent la mère de famille dans les soins du ménage. Les frais d'entretien s'élèvent, par tête, à 88 florins de Suisse par an (132 francs de France); la moitié de cette dépense est, autant que possible, supportée par les com- munes et les bienfaiteurs qui envoient les enfants; l'autre moitié tombe à charge de l'établissement. Les enfants, à leur sortie, sont placés par les soins de la direction, qui exerce sur eux un véritable patronage. Maison d'orphelins de Soleure. (Canton de Soleure.) L'établissement des orphelins de Soleure a subi une com- plète réorganisation en 1843. De la ville, il a été trans- porté à la campagne, où il occupe provisoirement un petit domaine où les enfants s'adonnent au jardinage. Sa popu- lation, qui n'était d'abord que de 12 enfants, devait être successivement élevée à 24 enfants des deux sexes, lorsque l'établissement aurait été définitivement organisé sur une échelle plus large. Cette organisation repose sur les prin- cipes suivis à l'école d'Hofwyl. L'établissement possède un capital de 430,000 francs de Suisse, qui le met à même de s'approprier toutes les améliorations introduites en Suisse dans les institutions du même genre. École rurale d'enfants pauvres de Bernraiu. (Canton de Thurgovie.) Cet établissement a été fondé, en 1843, dans la com- mune d'Emmishofen, voisine de Kreutzlingen, où se trouve l'école normale d'instituteurs dirigée par Wehrli. C'est aux efforts de cet homme dévoué, secondé de quelques habitants notables et de la Société cantonale d'utilité publique, qu'il doit son existence. Il est spécialement destiné aux enfants pauvres du canton. Sa population s'élevait, en 1845, à garçons; on y recevra aussi des filles lorsque l'on aura trouvé une femme capable de remplir les fonctions et les devoirs de mère de famille. 18 L'établissement possède un capital de 14,000 florins. montant des dons volontaires des fondateurs. Ses ressources se composent des produits de l'agriculture, des pensions. qui varient de 30 à 40 florins par an, des subsides des communes, de la Société d'utilité publique et du gouver– nement. L'âge d'admission est fixé entre six et dix ans; celui de la sortie à seize ans. Le régime, la discipline, l'instruction et le mode d'occupation, sont les mêmes que dans les autres écoles rurales en Suisse. La direction supérieure et la surveillance de l'établissement sont confiées à un comité nommé par la Société cantonale d'utilité publique. École normale d'instituteurs ruraux à Kreutzlingen. (Canton de Thurgovie.) Cet établissement occupe le palais d'été de l'abbé de l'ancien couvent de Kreutzlingen, situé au bord du lac de Constance, à un mille environ de la ville de ce nom. Il est particulièrement destiné à former des instituteurs pour les écoles rurales, et contient d'ordinaire une centaine d'élèves àgés de dix-huit à vingt-quatre ans, qui sont envoyés par les communes du canton. Le cours d'éducation est de trois ans. Le docteur Kay et M. Tufnell visitèrent l'école de Kreutzlingen, il y a quelques années, et rendirent compte de leur visite dans un rapport adressé, en 1841, aux com- missaires de la loi des pauvres en Angleterre. Depuis cette époque, l'organisation et le régime de l'établissement sont restés les mêmes; nous ne croyons pouvoir mieux faire dès lors que de donner ici un extrait de l'intéressante descrip- tion des visiteurs anglais. <«< Wehrli nous accueillit avec une franchise et une simpli- cité qui gagnèrent d'abord notre confiance. Il nous invita à partager son frugal repas. «Je suis, nous dit-il, le fils d'un <«< paysan, et je n'ai d'autre désir que de consacrer ma vie « à instruire des fils de paysans. Soyez les bienvenus et « prenez place à ma table; ce que je puis vous offrir est << peu de chose, mais je vous l'offre de bon cœur. » « «Nous nous rendimes à son invitation. Puis, reprenant la parole, il nous dit : « Ces pommes de terre, c'est nous qui « les avons récoltées; nous les avons récoltées à la sueur de notre front, et nous n'avons pas besoin d'assaisonne- « 24 SUISSE. ÉCOLES RURALES. « ment, car le travail nous donne de l'appétit, et le fruit de <«< notre labeur est toujours savoureux. » Cette introduc- tion nous mettait naturellement sur le chapitre des travaux de l'école. Il nous apprit que les élèves de l'école normale travaillaient journellement quelques heures dans un champ assez étendu annexé à l'établissement, et qu'ils étaient chargés de tous les soins domestiques. Lorsque, après le repas, nous sortimes avec Wehrli, nous les trouvâmes en effet occupés à divers travaux agricoles, qui semblaient absorber toute leur attention. Quelques-uns fendaient et sciaient du bois dans la cour de la ferme; d'autres trans- portaient sur leurs épaules des sacs de pommes de terre ou des paniers de légumes. La cloche ne tarda pas à se faire entendre, et à ce signal toutes les occupations furent suspendues; les travailleurs marchèrent, dans un ordre régulier, vers un hangar situé dans la cour, où ils dépo- sèrent leurs outils, leur blouse de travail; puis, après s'être lavés, ils se rendirent dans leurs classes respectives. <«< « Nous les y suivîmes, et nous pûmes vérifier par nous- mèmes l'excellence de l'instruction et la rapidité des progrès des élèves. L'enseignement comprend la grammaire, la rédaction, l'histoire nationale, la géographie, les mathé- matiques élémentaires, le dessin linéaire et la perspective, l'arpentage, les éléments de la mécanique, de la philosophie naturelle et de l'astronomie, de manière à mettre les élèves à mème d'expliquer les lois et les principaux phénomènes de la nature. La religion préside à cet enseignement et le vivifie. La pédagogie ou l'art de l'enseignement occupe aussi un rang notable dans l'établissement, et les élèves peuvent en outre s'exercer à la pratique dans l'école du vil- lage voisin. « L'éducation du cœur et des sentiments domine tout le système de Wehrli, et y occupe une place supérieure même à la culture de l'intelligence. Il s'est proposé le but de for- mer non-seulement de bons instituteurs, mais encore et avant tout des amis des pauvres, des hommes dévoués. Il faut lire les instructions qu'il a rédigées pour ses élèves, il faut assister surtout à ces conférences simples et touchantes où il communie avec eux comme un père avec ses enfants, pour apprécier sa belle âme et le charme de son enseignement. <«< Lorsque, dans la soirée du jour de notre arrivée, nous rentrâmes en même temps que les pupilles qui revenaient du travail, nous nous arrêtâmes quelques instants avec Wehrli, dans la cour située au bord du lac. Pendant ce temps, les jeunes gens étaient montés dans les classes; la soirée était chaude et tranquille, les fenêtres avaient été ouvertes, et bientôt un choeur de voix harmonieuses s'éleva dans les airs. Lorsque le chant eut cessé, nous ne pûmes résister au désir d'en demander un nouveau, puis un autre encore, et nous entendîmes ainsi successivement les mélo- dies les plus agréables de Naegli, nous imaginant toujours que les chanteurs prenaient leur leçon habituelle de mu- sique vocale. Après avoir joui de ce plaisir pendant plus d'une heure, Wehrli nous engagea à monter dans la salle | où ses élèves étaient assemblés. Nous le suivîmes, et en entrant dans l'appartement, grande fut notre surprise de découvrir que, pendant que nous les écoutions en bas avec admiration, les chanteurs étaient tout bonnement occupés à peler des pommes de terre et à éplucher les légumes qu'ils avaient recueillis dans le jardin. En notre présence, ils recommencèrent leurs chants jusqu'à l'heure du souper. Après le repas, les prières furent dites en commun; puis Wehrli, se promenant dans la salle au milieu de ses élèves, conversa familièrement avec eux sur les travaux et les petits événements du jour, saisissant chaque occasion de leur donner quelque conseil amical; il éleva ensuite les mains en appelant sur eux la protection du ciel, et chacun se retira en silence pour jouir du repos. } « Nous passâmes deux jours à Kreutzlingen, assistant à tous les exercices, ne quittant presque pas les élèves, et ce séjour laissera dans nos cœurs de profonds souvenirs. Wehrli nous répétait souvent : «Nous sommes des fils de « paysans. Nous ne voulons ignorer aucun de nos devoirs ; mais Dieu nous garde que jamais le savoir ne nous fasse « prendre en mépris la simplicité de notre existence. La <«< terre est notre mère, nous tirons notre nourriture de son « sein; et, tout en travaillant pour gagner notre pain quo- tidien, la terre, cette mère chérie, en nous ouvrant le « trésor de ses récoltes, nous ouvre aussi le trésor de ses «< leçons. Les livres n'offrent pas d'enseignement qui vaille <«> 2,214 10 5 des pensions. 6,603 8 » du tronc de l'établissement 580 3 6 5. Recettes diverses. Total. 124 >> >> 16,898 12 9 (Fr. 25,855 20) Dans cette somme ne sont pas compris les produits de l'exploitation agricole et des ateliers, les dons particuliers pour un usage déterminé, ainsi que les dons en nature qui diminuent d'autant les dépenses de l'établissement. forment chaque année un montant assez considérable et qui B. — Dépenses. 1. Entretien et réparation des bâtiments. 2. Assurance contre l'incendie. 3. Dépenses des élèves à leur sortie. 4. Nourriture. 5. Huile et éclairage 6. Combustible 7. Blanchissage 8. Entretien de la propreté 9. Habillement des enfants. 10. Médecin et médicaments. 11. Indemnités du personnel préposé à la surveillance. 12. Honoraires du directeur. 13. Outils et instruments de travail 14. Mobilier et ustensiles de ménage. 15. Salaires. 16. Frais de l'école 17. Frais de culture 18. Bétail 19. Loyer et redevances. 20. Frais de réception des enfants. 21. Cadeaux aux enfants. 22. Frais d'impression et ports. 23. Dépenses diverses. Total. Arcs cls. 5. 1,278 4 3 89 86 47 14 >> 7,385 >> >> 417 15 >> 1,133 3 >> 352 15 >>> 275 13 » 623 9 »> 165 5 » 730 8 » 1,500 >> >> 168 15 » 771 10 6 503 8 » 83 10 » 784 1 » 274 12 » 208 4 » 10 15 »> 16 66 26 1 6 51 15 6 16,898 12 9 (Fr. 25,855 20) La population moyenne était, la même année, de 100 per- sonnes, dont 86 enfants et 14 employés. La dépense par tête a donc été de 258 fr. 55 c., ou de 300 fr. si l'on ne compte que les enfants. Le capital de l'établissement s'élevait à la même époque à m. c. 13,655.1.6 (20,892 fr. 30 c.), et son inventaire, bâtiment et mobilier, représentait une valeur de m. c. 21,366 4.6 (32,690 fr. 50 c.). ALLEMAGNE, 47 ÉCOLES DE RÉFORME DE DUSSELTHAL ET D'OVERDYCK. ་་་་ III. Écoles de réforme (Rettungs-Anstalten) de Düsselthal et d'Overdyck. L'école de réforme d'Overdyck, dans la Prusse rhénane, a été fondée en 1819, par le comte Adalbert von der Recke Volmerstein. Cet établissement, qui contenait déjà 60 en- fants orphelins et vagabonds des deux sexes, en 4820, fut bientôt reconnu comme insuffisant. Son siége fut en consé- quence transporté dans le domaine de Düsselthal, apparte- nant au même propriétaire. La nouvelle école fut inaugurée le 19 juin 1822, et on y admit d'abord 24 garçons et 20 filles. L'école d'Overdyck fut conservée à titre de suc- cursale de l'établissement principal, destination qu'elle a encore aujourd'hui. La gestion des deux écoles est restée confiée pendant dix- huit ans, jusqu'en 1847, à son fondateur. A cette dernière époque, il en fit la cession, en vertu d'un octroi royal, à un comité de curateurs composé de douze membres. Ce comité, chargé de la haute direction et de la surveillance de l'insti- tution, se renouvelle tous les quatre ans par la sortie annuelle de trois de ses membres; il pourvoit lui-même au rempla- cement de ses membres sortants qui peuvent être réélus indéfiniment. L'établissement, lors de sa cession, était grevé d'une dette de 60,000 thalers (1), dont la moitié seulement paye un intérêt évalué à 1,100 thalers annuellement. Le domaine de Düsselthal, situé au pied du Grafenberg, à une demi-lieue du Rhin et de Dusseldorf, a une étendue de 472 arpents (morgen), environ 120 hectares (2). Le bâtiment principal est un ancien couvent de trappistes. Indé- pendamment de ce bâtiment, il y a plusieurs constructions isolées qui servent de logements, d'ateliers, ou qui sont affec- tés à l'usage de l'exploitation agricole. Celle-ci ne présente en elle-même rien de bien remarquable; le terrain est d'une qualité médiocre; sur les 472 arpents, il y en a environ la moitié en terres labourables, 72 en prairies et 36 en jar- dins, vergers et potagers. 30 arpents sont loués avec un moulin dépendant de la propriété. On estime les que duits de la culture suffisent aux besoins essentiels de la con- sommation. La ferme nous a paru négligée et ne présente pas l'apparence d'ordre et de propreté que nous avions admiré dans d'autres établissements. Le nombre des ani- maux ne nous a pas non plus paru en rapport avec l'éten- due de l'exploitation; il était, lors de notre visite, au mois de juillet 1850, de 5 chevaux, 3 ânes, 36 têtes de bétail, 488 moutons et 20 porcs. pro- La direction de l'établissement est confiée, depuis l'épo– que de sa cession, à M. Georgi, qui est en même temps membre et secrétaire du conseil des curateurs. La population de Düsselthal s'élève (juillet 1850) à (4) Le thaler de Prusse équivaut à 3 fr. 71 c. (2) L'arpent de Prusse vaut 28 ares 53/100. 165 enfants, dont 102 garçons et 63 filles. Ces enfants sont pour la plupart des vagabonds, des orphelins ou des enfants abandonnés ou moralement menacés; les plus pauvres et les plus vicieux sont admis de préférence. Les admissions sont prononcées par le directeur; elles ont lieu d'ordinaire entre l'âge de six à dix ans. L'époque de la sortie est fixée après la confirmation, mais il dépend du directeur de prolonger le séjour dans l'intérêt de ses pupilles. Depuis l'origine de l'établissement jusqu'en 1850, 1,259 enfants y ont reçu asile; 1,154 appartenaient à la Prusse et principalement à la province rhénane; 103 étaient nés dans d'autres pays de l'Allemagne ou à l'étranger; nous avons noté 8 Belges parmi ces derniers. Le nombre annuel des entrées varie entre 35 et 50: ce chiffre est balancé par celui des sorties; la moyenne du séjour peut être évaluée à quatre ans. Sur 34 enfants sortis du 19 juin 1849 au 19 juin 1850, on compte : 13 garçons placés en apprentissage chez des artisans: 4 garçon placé en qualité de domestique chez un culti- 1 vateur; 4 garçon entré au service militaire; 7 enfants rendus à leurs parents; 7 filles placées en qualité de servantes: 3 évadés: 2 décédés. Généralement la conduite des enfants après leur sortie est satisfaisante. Les rapports défavorables sont peu fréquents. par En règle générale, les enfants ne sont admis que sur le payement d'une pension qui varie de 40 à 25 thalers annuel- lement. Cette pension est acquittée, soit par les parents, soit par les administrations publiques, soit des bienfaiteurs particuliers. Mais, dans le fait, plusieurs enfants sont reçus gratuitement, et la pension de quelques autres est réduite au-dessous du minimum. Ainsi, les 50 enfants admis pendant l'exercice 4849-4850 ne payent ensemble qu'une pension de 1,139 thalers, ce qui ne fait pour chacun que 22, tha- lers (84 fr. 60 c.). Le surplus des dépenses de l'établisse- ment est couvert au moyen des souscriptions et des dons particuliers. J Le personnel des employés se compose, outre le direc- teur (Hausvater), de sa femme, qui remplit les fonctions de mère de famille (Hausmutter), de sa fille, qui est spéciale- ment chargée de la division des filles, de 2 instituteurs, de 47 surveillants et chefs d'atelier et de 6 surveillantes; il a de plus 5 ouvriers employés à la ferme et 2 servantes, dont l'une est chargée de la cuisine et l'autre de la buanderie. Le service sanitaire est confié à un médecin de Dusseldorf. qui visite régulièrement l'établissement deux fois par semaine et qui s'y rend d'ailleurs aussi souvent que de besoin. Les surveillants sont tous célibataires; avant d'être enga- gés définitivement, ils subissent une épreuve et sont soumis à une sorte de noviciat de plus ou de moins longue durée, qui sert à constater leurs capacités et leur vocation. Indépen- damment de la nourriture et de l'entretien, ils ont un traite- i 48 ÉCOLES DE RÉFORME DE DUSSELTHAL ET D'OVERDYCK. ALLEMAGNE. ment fixe de 30 thalers qui, grâce aux gratifications qu'ils obtiennent pour leurs bons services, peut être porté jusqu'à 40 thalers annuellement. Malgré la modicité de cette rétri- bution, il paraît que l'on trouve assez facilement des per- sonnes aptes à remplir l'emploi dont il s'agit. L'organisation de Düsselthal est à peu près calquée sur celle du Rauhen-Haus. Les enfants de chaque sexe sont divisés en familles ; chaque famille, composée de 9 à 15 en- fants, est, suivant le sexe de ceux-ci, placée sous la direc- tion et la surveillance immédiate d'un surveillant ou d'une surveillante, qui, de même qu'à Horn, porte le titre de frère ou de sœur. Le nombre des familles est aujourd'hui de dix, dont six de garçons et quatre de filles. A l'exception des heures d'école, chaque famille reste réunie dans un local spécial, sur le champ des travaux ou dans les ateliers, sous la conduite du frère ou de la sœur, qui ne la quitte ni le jour ni la nuit. Cette coexistence crée entre les membres des familles et leurs surveillants des rapports intimes et des liens d'affection qui contribuent puissamment à l'œuvre de l'éducation; elle donne aussi à chaque groupe une physio- nomie particulière et un caractère original, où se reflète l'influence du chef, et d'où naît entre les divers groupes une certaine émulation qui n'est pas non plus sans avantage. Le classement par famille est la règle; il arrive cepen- dant que l'on en distraie quelques enfants. pour les charger de telle ou telle occupation spéciale; c'est ainsi que, dans les ateliers où l'on confectionne les vêtements et les chaus- sures, à l'imprimerie, à l'atelier de reliure, etc., il y a constamment un certain nombre d'apprentis qui travaillent sous la direction des frères-ouvriers. Le reste de la popula- tion est employé d'ordinaire à la culture et au jardinage, et les filles aux occupations du ménage, à la couture et à la réparation des vêtements. Il est à regretter seulement que les enfants soient exclus des travaux de la ferme, de l'étable et de la laiterie. On objecte à leur participation à ces tra- vaux les difficultés de la surveillance; mais ces difficultés ne sont pas insurmontables, et l'une des familles pourrait tout aussi bien être chargée de cette branche de service de toute autre branche analogue. que Les bâtiments, qui sont en partie assez vieux, n'ont été appropriés qu'imparfaitement à leur destination actuelle ; le local affecté aux garçons laisse beaucoup à désirer; le quar- tier des filles, d'une construction plus récente, est aussi plus convenable. L'habitation du directeur et de sa famille est disposée entre les deux sections. L'une des familles de garçons occupe une maison isolée, et se trouve ainsi dans les mêmes conditions qu'au Rauhen-Haus; les autres sont simplement classées dans un édifice commun. La séparation entre les sexes n'est pas complète; mais elle paraît suffi- sante, et la réunion des garçons et des filles, à l'école et à chapelle, n'a jamais, à notre connaissance, entraîné ni dés- ordre ni inconvénient. La chapelle, qui est le local le plus remarquable de l'établissement, occupe le rez-de-chaussée du bâtiment des filles; elle est garnie d'un mobilier qui peut passer pour somptueux, lorsqu'on le compare à l'ameuble- ment plus que modeste de l'établissement en général. On n'admet à Düsselthal que des enfants appartenant au culte protestant. La tendance religieuse qui y domine est à peu près la même qu'au Rauhen-Haus et dans la plupart des établissements analogues en Allemagne; comme au Rauhen- Haus, l'établissement de Düsselthal travaille aussi à la créa- tion d'un ordre de frères protestants; à cet effet, on y a institué une sorte d'école normale, qui compte 7 élèves, et dans laquelle ont été admis récemment trois anciens pension- naires de l'école de réforme. Cette dépendance de l'école principale occupe une maison séparée. Voici comment la journée est divisée en été : Heures. 4 1/2 S Lever; soins de propreté. à 7 Étude et école. Pendant ce temps, les frères reçoivent l'enseignement religieux et pédagogique auquel pré- side le directeur. 7 à 734 Service religieux domestique à la chapelle, auquel assiste toute la population. 73/5 8 8 à 11 11 à 12 Arrangement des lits. Déjeuner. Travail manuel. Enseignement religieux pour les enfants qui se préparent à la confirmation. Répétition des leçons par les frères et les sœurs; chant de la semaine. Travail. 12 à 1 Diner et récréation. 1 à 2 École. 2 à à 5 Goûter. (Lorsque les enfants travaillent au dehors, certaine distance, on leur envoie le goûter sur les lieux.) 5 à 7 77 9 Travail. Souper après le souper, récréation et prière du soir qui dure environ un quart d'heure. Coucher. L'emploi de la journée, en hiver, est à peu près le même qu'en été, sauf que le lever n'a lieu qu'à cinq heures et demie. Il résulte de ce tableau, que, sur une journée moyenne de seize heures, il y en a six ou huit affectées aux travaux manuels, quatre ou cinq à l'instruction, une à l'accomplisse- ment des devoirs religieux; le surplus est partagé entre les repas et la récréation. L'instruction donnée aux enfants comprend la lecture, l'écriture, le calcul, l'histoire sainte et la géographie. Les élèves sont divisés en deux classes, inférieure et supérieure, dirigées chacune par l'un des instituteurs. Le chant est enseigné comme dans la plupart des écoles d'Allemagne. Il y a aussi quelques appareils gymnastiques, qui servent principalement de moyen de récréation. Les élèves de l'école normale ont par semaine vingt- deux heures de leçon (instruction religieuse, lecture, écriture, rédaction, arithmétique, géométrie, histoire, géographie, pédagogie); quinze heures d'enseignement et d'exercice musical (chant, clavecin, orgue, violon); quatre heures ALLEMAGNE. 49 ÉCOLES DE RÉFORME DE DUSSELTHAL ET D'OVERDYCK. d'assistance à l'école des enfants, sous la direction des insti- tuteurs; seize heures d'étude et de répétition, et vingt et une heures de travail dans les champs, au jardin ou dans les ateliers. Le régime moral est basé sur la persuasion et sur la con- fiance et l'affection que les enfants portent à leurs supé- rieurs. Les punitions sont rares; le directeur estime avec raison qu'il vaut mieux prévenir que châtier. Il réunit cha- que semaine toute la population, et décerne les éloges ou adresse les réprimandes selon les mérites de chacun. Il y a aussi, comme au Rauhen-Haus, des conférences hebdoma- daires et mensuelles pour les employés, dans lesquelles le directeur s'occupe avec eux de tout ce qui peut intéresser l'établissement et leur donne ses instructions. Enfin, nous retrouvons à Düsselthal les solennités et les fêtes qui for- ment l'un des caractères distinctifs des écoles de réforme de l'Allemagne l'anniversaire de la fondation de l'établisse- ment, la rentrée de la moisson, le jour de naissance du roi, la Noël, sont pour les enfants comme pour les employés des occasions de réjouissance qui contribuent puissam- ment à resserrer les liens qui les unissent, et dont le re- tour, ardemment attendu, laisse chez tous d'agréables souvenirs. Avant sa réorganisation, sous la direction actuelle, l'éta- blissement de Düsselthal laissait beaucoup à désirer; il entre aujourd'hui dans une ère nouvelle, et fera sans doute de nouveaux progrès. Déjà l'esprit qui y règne paraît excel- lent; les enfants sont gais, soumis, actifs; les employés zélés et dévoués à l'œuvre pénible et difficile qu'ils ont entre- prise. Pour seconder ce mouvement salutaire et répandre au dehors les principes qui lui servent de base, la direction publie deux petites revues mensuelles, le Journal des Enfants (KINDERZEITUNG), qui se tire à 3,000 exemplaires, et l'Ami de l'humanité (MENSCHENFREUND), qui se tire à 900 exemplaires. Ces deux revues sont imprimées dans l'établissement, en retire un certain bénéfice. qui Le régime matériel de l'école de réforme est simple et frugal. Les enfants n'ont pas de costume uniforme; une partie de leurs vêtements provient de dons faits à l'établisse- ment. Leur nourriture se compose, au déjeuner, d'une soupe à la farine; au dîner, de légumes, de pommes de terre avec une portion de viande une fois par semaine; au goûter, de fruits ou de lait battu avec un morceau de pain, et au souper, de pommes de terre ou d'une soupe comme au déjeuner. Le pain est de seigle, et l'unique boisson de l'eau. L'ordinaire des élèves de l'école normale est un peu plus recherché. La succursale d'Overdyck, située près de Bochum, à dix lieues de Düsselthal, contenait, au mois de juillet 1850, 13 enfants sous la direction et la surveillance d'un insti- tuteur. Le compte des recettes et des dépenses des deux établis- sements, pour l'exercice 1849, présente les résultats sui- vants : A. - Recettes. 1. Souscriptions, dons et legs 2. Collectes 3. Pensions 4. Imprimerie et librairie; abonnements aux journaux. 5. Loterie instituée par une société de dames 6. Location du moulin • 7. Dividendes et imputation sur le capital 8. Recettes spéciales de la succursale d'Overdyck Total. B. DÉPENSES. Thalers. $. pr. 2,711 8 7 3,622 17 5 2,583 25 8 1,324 24 8 484 1 11 212 10 11 944 15 5 803 17 1 • 12,687 1 8 (Fr. 47,069) 1. Traitement du personnel des employés, non compris les 300 thalers accordés par le gouvernement pour la rétribution du ministre du culte. 2. Frais divers du ménage 5. Habillement 4. Médecin et médicaments. 5. Combustible 6. Ports. 7. Frais de voyage et de transport des enfants 8. Dépenses de la fête de Noël . 9. Service du culte 10. Exploitation agricole, déduction faite de certains produits. 11. Mobilier. 12. Constructions et réparations. 13. Contributions et assurance des bâtiments et du mobilier. 14. Intérêts de la dette de l'établissement. 15. Remboursement d'une partie de la dette. 16. Dépenses diverses . 17. Dépenses spéciales de la succursale d'Overdyck. Total. Thalers. S. pf. 1,162 22 8. 1,033 3 6 346 21 11 568 15 9 162 7 6 30 36 17 8 14 11 >> 29 21 2 30 14 . 1,067 18 5 655 3 10 731 15 6 413 28 1,554 28 3,600 )) >> 141 6 2 905 13 6 . 12,234 9 >> (Fr. 45,389) Si l'on déduit du montant des dépenses le rembourse- ment d'une partie de la dette (13,356 fr.), on trouve que l'établissement de Düsselthal a coûté en 1849 la somme de 32,033 francs; cette somme, répartie sur un nombre de 178 enfants, donne pour chacun d'eux une dépense annuelle de 180 francs, ou de 50 centimes par jour environ. Mais il faut remarquer que dans ce chiffre ne sont pas compris les dons en nature qui sont assez considérables, ni les pro- duits de l'exploitation agricole et des ateliers de l'établis– sement. 1 III FRANCE. Colonies agricoles pour les jeunes délinquants, les enfants pauvres, les orphelins, les enfants trouvés et abandonnés. La création des colonies agricoles en France est de date récente. A part l'établissement protestant du Neuhof près de Strasbourg, dont l'origine remonte à 1825 et dont l'hum- ble existence était presque ignorée, et la colonie du Mesnil- Saint-Firmin dont M. Bazin a jeté les fondements en 1828, mais qui n'a reçu un certain développement qu'à partir de 1845, la première institution de ce genre, vraiment digne du nom de colonie, est due à la généreuse initiative de MM. de Metz et de Brétignères de Courteilles. C'est la colonie de Mettray qui, en effet, a servi de type et d'exemple à la plupart des colonies agricoles qui ont été fondées en France depuis dix ans. Ces établissements doivent généralement leur origine à la charité particulière, secondée dans une certaine mesure par les administrations départementales ou communales et aidée des subventions du gouvernement. Ils peuvent se divi- ser en deux catégories principales: ceux qui ont pour objet l'éducation et l'instruction des enfants pauvres et orphelins, des enfants trouvés et abandonnés, et ceux qui sont affectés aux jeunes délinquants et spécialement aux enfants acquittés en vertu de l'article 66 du Code pénal, mais retenus pour être élevés jusqu'à un âge déterminé. Parmi les établisse- ments de cette dernière catégorie, on peut encore distinguer les colonies pénitentiaires fondées et dirigées par des parti- culiers, des colonies pénitentiaires annexées aux maisons centrales de reclusion et dirigées par l'État. D'après les renseignements que nous avons pu recueil- lir (1), la France possède 41 colonies agricoles dont nous donnons ici la liste, en indiquant les départements où elles sont situées, la date de leur fondation, les noms des direc- teurs, l'organisation laïque ou religieuse, l'étendue des ter- rains, la population et la moyenne de la journée d'entretien pour chaque établissement. (4) Nous avons emprunté une partie de ces renseignements à l'intéressante Notice sur les colonies agricoles de la France, par MM. de Lamarque et Dugat, publiée dans les Annales de la Charité, 2º à 10e livraisons de 1850. DÉSIGNATION DES COLONIES. A. Colonies pénitentiaires fondées et dirigées par des particuliers. DÉPARTEMENT. ANNÉE de la FONDATION. DIRECTEURS. Observations. 4. Colonie de Mettray, près de Tours. 2. C. industrielle et agri- cole de Marseille.. 3. C, de Saint-Louis, près Bordeaux. • 4. C. évangélique de Sainte- Foy. Indre-et-Loire. Bouches-du-Rhône. 1839 4839 MM. de Metz et de Brétignères. fr. c. L. 201.00 536 4 86 Abbé Fissiaux. R. Gironde. 1844 Abbé Buchon. R. 6.56 236 43.00 200 0 74 144 5. C. du Petit-Quevilly, près Rouen. Dordogne. Seine-Inférieure. 1843 Pasteur Martin. L. 1843 Lecointe. L. · 6. C. d'Ostwald, près Stras- bourg Bas-Rhin. 1841 Krauss. 7. C. du Val d'Yèvre, près Bourges. Cher: 1847 Charles Lucas. 8. C. de Cîteaux. Côte-d'Or. 1849 Abbé Rey. 9. C. d'Oullins, près Lyon. 10. C. de Petit-Bourg, près Rhône. 1848 Id. 6.00 53 26.00 150 L. 104.00 184 L. 160.00 132 R. 300.00 57 R. Paris. Seine-et-Oise. 1844 Allier. L. 11. C. de Saint-Ilan. 12. C. de Boussaroque. Côtes-du-Nord. Cantal. 1843 1848 A. Duclésieux. Martel. 3.00 15 96.00 300 L.R. 51 00 28 0.96 L. 200.00 4.2 ? 1 60 1 07 085 Originairement affectée aux mendiants adultes. 1 46 0 85 Doit être appropriée pour recevoir 500 enfants. 0 83 Cet établissement a été dévasté en 1848, et est en voie de réorganisation. 4 29 Originairement affectée aux enfants pauvres et orphelins. Établissement protestant pour les en- fants des deux sexes. FRANCE. ぶ​1 COLONIES AGRICOLES. C. Colonies d'orphelius, d'enfants trouvés, abandonnés et indigents. DÉSIGNATION DES COLONIES. DÉPARTEMENT. B. Colonics pénitentiaires dirigées par l'Etat. ANNÉE de la FONDATION. DIRECTEURS. Religieux ou laïques. Étendue des terres en hectares. POPULATION. MOYENNR de la journée d'entretien. fr. c. 43. Colon. de Fontevrault, Maine-et-Loire. 1842 >> L. 60.00 58 0.79 Annexe de la maison centrale. 14. C. de Clairvaux. 15. C. de Loos.. Aube. 1843-47 >> L. 235.00 130 0.77 Id. Id. Nord. 1844 >> L. 34.00 400 0.90 Id. Id. 46. C. de Gaillon.. Seine-Inférieure. 1845 >> L. 92.00 96 0.61 Id. Id. Observations. Bazin 4. C. du Mesnil-St-Firmin. Oise. 1837 et abbé Caulle. L.R. 155.00 69 0.79 2. C. de Saverdun.. Ariége. 1840 Le pasteur. L. 60.00 100 0.54 Établissement protestant. 3. C. de Saint-Antoine. Charente-Infér. 1841 Richard. R. 95.00 50 0.55 4. C. de Launay. Ille-et-Vilaine. 1841 Enoch. R. 30.00 44 0.74 5. C. de Caen. Calvados. 1842 Leveneur. R. 20.00 34 0.60 6. Asile-école Fénélon à Vaujours, Seine-et-Oise. 1843 Leguay. L. 12.00 400 0.72 7. C. d'Allonville (Petit- Mettray), près Amiens. Somme. 1849 De Rainneville. L 100.00 25 1.30 8. C. de Lesparre. Gironde. 1844 Le Masson. R. 16.1/2 50 0.721/2 9. C. de Bonneval. Eure-et-Loir. 1844 Chasles. L. 40.00 116 0.60 10. C. de Montmorillon. • Vienne. 4844 Abbé Fleurimon. 11. C. de Drazilly Nièvre. 1846 Salomon. 12. C. de Plongerot. 43. C. de Cernay. Haute-Marne. 1847 Abbé Bizot, Haut-Rhin. 1847 Risler. 14. C. de N.-D. des Vallades. Charente-Infér. 1843 De Luc. 15. C. des Ronces. Id. >> Id. R. 10.00 R. 570.00 R. 368.00 25 L.R. 42.00 45 R. 158.00 12 L. 30.00 30 44 0.67 Doit être appropriée pour recevoir 230 enfants. 0.90 Annexe de la ferme-école de Poussery. 0.90 0.62 Organisée à l'instar des écoles rurales de Suisse. 0.80 >> D 46. C. de Medjez-Amar.. Algérie, départ. de 1847 Abbé Landmann. R. 500.00 52 47. C. de Ben-Akoun. Constantine. Près Alger. 1842 18. C. de Belle-Joie . Côtes-du-Nord. 2 Abbé Lemercier. L.R. 72.00 19. C. de la Lande-au-Noir. Id. 4847 ว 20. C. d'apprentis . Id. 4847 A. Duclésieux. Abbé Brumauld. L. R. 100.00 317 20 L.R. 50.00 20 L. R. 18 4.00 Id. Annexe de la colonie de Notre-Dame des Vallades. 0.90 Dépendance id. 0.80 Dépendance de l'OEuvre de Saint- Ilan. 0.88 Id. id. >> 0.83 Annexe de la colonie pénitentiaire de Saint - Ilan. 24. C. de N.-D.des Champs. Hérault. 1848 Abbé Soulas. L. R. 22.00 28 1.35 22. C. d'Arinthod . Jura. 1850 ? 23. C. de Mairsain. Indre-et-Loire. 1850 Chambardel. R. L. 100.00 21.00 4 0.80 15 0.81 Annexe à la ferme-école de Marolles. 24. C. de Willerhof. 25. C. du Neuhof, près Stras- bourg. Bas-Rhin. Id. ? 4825 Abbé Nil. R. ༢ >> Krafft. • Il résulte du tableau qui précède qu'il y a, en France et en Algérie, 41 colonies d'enfants, classées de la manière suivante : ÉTENDUR POPULATION MOYENNE de la journée d'entretien. fr. c. 4 18 L. 9.00 67 0.61 Établissement protestant pour les en- fants des deux sexes. • généralement compris les intérêts du capital et le loyer des propriétés et des bâtiments. Si nous ajoutons ces frais et si nous décomposons la dépense d'une journée de colon, nous trouvons, pour 35 établissements dont les comptes nous fournissent des données suffisantes, les résultats que voici : INTÉRÊT ENTRETIEN, PERSONNEL, NOURRITURE. coucher, instruction, du capital TOTAL. maladies. dépenses diverses. et loyer. NOMDRE. TOTALE en hectares. TOTALE. A. Colonies pénitentiaires, fondées et dirigées par des particuliers. B. Colonies pénitentiaires, dirigées par l'État. 12 1,195 ¹½ 1,933 421 381 077 C. C. C. C. fr. c C. Colonies d'orphelins, d'enfants trouvés, abandonnés et indi- 44 27 30 30 1 28 gents. 25 • 2,550 1/2 4,582 0 84 47 30 24 1 01 Totaux. 41 4,167 3,899 0 844/10 49 colonies d'orphelins, enfants trou- vés, abandonnés et indigents. . 42 49 Dans la moyenne de la journée d'entretien ne sont pas Résultats généraux. 42 22 21283 28 1 40 26 28 1 48 12 colonies pénitentiaires, fondées et dirigées par des particuliers colonies pénitentiaires, dirigées par l'État 52 COLONIES AGRICOLES. FRANCE. 1 D'après les renseignements recueillis par MM. de Lamarque et Dugat, la valeur des bâtiments des 41 colo- nies peut être évaluée à 3,000,000 de francs, celle des terrains à 4,950,000 francs, et celle du matériel agri- cole à 450,000 francs, formant une valeur totale de 5,400,000 francs. Le capital de fondation est donc de 1.400 francs environ par colon. 15 De ces 41 établissements, 48 sont dirigés par des laïques, par des ecclésiastiques ou des corporations religieuses, et 8 ont une direction mixte, partie laïque et partie reli- gieuse. Trois établissements sont affectés aux enfants de la communion protestante; deux de ceux-ci reçoivent des enfants des deux sexes; tous les autres sont exclusivement destinés aux garçons. Il existe un établissement spécial pour les jeunes filles détenues, près de Montpellier, qui porte le nom de Solitude de Nazareth, et qui est dirigé par M. l'abbé Coural. La colonie la plus ancienne, celle du Neuhof, date de 1825; 33 colonies ont été fondées dans la période de 1837 à 1848; 7 enfin ont été créées ou réorganisées depuis la révolution de février 1848. Depuis cette dernière époque, 3 colonies ont été supprimées, celle de Montbellet (Saône-et-Loire), celle de Monsigné (Sarthe), et celle de Grand-Jouan (Loire-Infé- rieure), qui a été transformée en école d'agriculture régio- nale. La colonie de Petit-Bourg, qui primitivement était exclusivement affectée aux enfants pauvres et orphelins, a conclu récemment une convention avec le gouvernement l'admission d'un certain nombre de jeunes délinquants pour acquittés comme ayant agi sans discernement. Une transfor- mation analogue s'est opérée à la colonie d'Ostwald. On voit que si les événements de 1848 ont jeté momentanément quelque perturbation dans ces établissements, la vitalité de f'institution en général a résisté à la crise et même provo- qué, depuis quelque temps surtout, de nouveaux progrès. Les colonies de France présentent, dans leur variété, des types de toutes les formes d'organisation usitées dans diffé- rents pays pour ces sortes d'établissements. Dans les unes, les occupations sont exclusivement agricoles, tandis que dans les autres on s'est attaché à combiner avec les travaux des champs les travaux industriels. Cette combinaison est la plus rationnelle, car elle permet de consulter la vocation de chaque enfant, et de lui faire apprendre l'état qui paraît devoir lui être le plus utile après sa sortie. « Dans notre opinion, dit M. l'abbé Fissiaux (1), ce serait perdre notre temps que d'employer aux travaux des champs le <«< fils d'un tisserand ou d'un menuisier habitant d'une ville. (( (( Après sa libération, il est évident que T'enfant prodigue, <«< revenu à de meilleurs sentiments, est attiré par sa famille, (1) Notice sur la Maison d'éducation correctionnelle de Marseille. <«< surtout si celle-ci est bonne, et qu'il est important de << procurer à l'enfant les moyens de gagner sa vie et de n'être « pas à charge à ses parents. Aussi ferons-nous agriculteurs <«>> La visite que nous avons faite récemment de plusieurs colonies françaises nous a mis à même d'étudier leur régime si divers, de comparer les avantages et les inconvénients des petits et des grands établissements, de constater les résultats des divers modes de classement et de discipline, et de remonter aux causes qui ont pu influer directement ou indirectement sur leur situation financière. Si les petites colonies ont l'avantage de pouvoir être instal- lées sans frais trop considérables et de présenter à certains égards l'image de la famille, elles présentent aussi certaines difficultés qui résultent surtout du petit nombre d'hommes capables de les diriger convenablement. En Suisse, l'éta- blissement créé à Hofwyl près de Berne, par M. de Fellenberg, a été une sorte de pépinière de directeurs et d'instituteurs qui, formés par l'exemple et animés de l'es- prit de l'homme éminent et dévoué qui les avait appelés autour de lui, ont fourni tous les éléments nécessaires pour la constitution de petits établissements analogues. Depuis la mort de M. de Fellenberg, l'œuvre dont il avait été le pro- moteur a été continuée par son premier disciple, Wehrli, qui, dans son modeste institut à Kreutzlingen, sur les bords du lac de Constance, a réuni un certain nombre d'élèves. destinés à remplir les mêmes fonctions. Un établissement analogue existe, comme nous l'avons vu, à Beuggen, près de Bâle, sous l'intelligente direction de M. Zeller. En France, à l'exception de l'école préparatoire de Mettray, qui est par- ticulièrement destinée à former les employés nécessaires pour les divers services de la colonie, il n'existe aucun éta- blissement normal qui ressemble à l'institut de Wehrli ou à l'école des frères annexée par M. Wichern à la colonie agri- cole de Horn près de Hambourg. Le but que s'est proposé M. Bazin en instituant un ordre laïque, celui des frères agro- nomes de Saint-Vincent de Paul, auquel il a confié la direc- tion et la surveillance de la colonie agricole du Mesnil- Saint-Firmin, est sans doute excellent, mais jusqu'ici cette institution est trop récente et son personnel est trop restreint pour qu'elle ait pu étendre son influence au dehors. L'œuvre de Saint-Ilan, fondée par M. A. Duclésieux, a aussi pour but de former des contre-maîtres et des moni- teurs pour les petites colonies; mais son action est limitée aux départements de l'ancienne Bretagne, et bien qu'elle FRANCE. 53 COLONIES AGRICOLES. ait déjà créé deux succursales, il convient d'attendre les résultats avant de se prononcer. En France donc, de même que chez nous en Belgique, la question de savoir s'il faut donner la préférence aux grandes ou aux petites colonies ne peut encore recevoir de solution absolue; cette solution reste subordonnée aux circonstances, aux convenances locales, au personnel dont on peut dispo- ser, et avant tout à la nature même et à la destination des établissements (1). Suivant nous, l'impulsion ne peut en tout cas être donnée que par un établissement assez vaste pour admettre tous les essais, pour organiser une série de travaux variés et gradués selon les âges, les forces, les apti- tudes, les besoins et la destination future des colons. Telle est surtout la destination des écoles de réforme qui sont en voie d'organisation à Ruysselede. Plus tard, lorsque cet établissement sera en plein exercice, on sera naturellement conduit à examiner et à décider s'il y a lieu d'ériger d'autres établissements du même genre sur la même échelle, ou s'il ne suffirait pas de créer, à l'instar des fermes détachées de Mettray, des escouades ou des colonies partielles de Saint- Ilan et d'Allonville, des succursales qui se relieraient à la colonie principale comme les rameaux à l'arbre qui leur communique la vie. Nous avons dit qu'en France la création de la plupart des colonies agricoles d'enfants était due à l'initiative par- ticulière. En Belgique, l'absence de cette initiative a dù être suppléée par l'action directe du gouvernement; mais (4) L'un des hommes qui se sont le plus occupés, en France, de la question de l'éducation des enfants pauvres appartenant à la population rurale, M. le comte de Rainneville, a institué dans son domaine d'Allonville, près d'Amiens. une petite colonie d'essai à laquelle il a donné le nom de Petil-Mettray. Cette colonie, qu'il dirige lui-même, mérite de fixer l'attention à plus d'un titre, et peut être citée, à certains égards, comme un modèle qu'il serait facile d'imiter partout où il se trouve des propriétaires charitables et éclairés. Il ne sera pas sans intérêt de citer ici un extrait d'une lettre que M. de Rainneville nous a écrite récemment à ce sujet : « Je travaille depuis cinquante ans à démontrer, par des faits, que l'on peut faire reposer sur l'agriculture toutes sortes d'établissements conçus dans l'intérêt de la religion, des bonnes mœurs, de l'ordre et de la société. འ Je me suis appliqué particulièrement à créer des colonies agricoles par familles, afin de les mettre à la portée de toutes les intelligences et de toutes les fortunes. Je crois avoir prouvé que l'on peut entretenir dans une aisance convenable, sur 2 hectares de terres fertiles (pourvu qu'elles soient parfaitement cultivées), une famille naturelle ou spirituelle de quatre à cinq individus. En portant l'exploi- tation à 7 ou 8 hectares, ce qui forme de la moyenne culture, on peut entretenir de toutes les choses nécessaires à la vie deux groupes réunis de quatre à cinq indi- vidus chacun; cette exploitation comporte un cheval, des vaches et des brebis. « J'ai fait aussi de la grande culture, en mettant au service d'une exploita- tion de 100 à 150 hectares des groupes de travailleurs, tantôt d'un sexe, et tantôt d'un autre; tantôt des adultes et tantôt des enfants. J'ai voulu démontrer que l'on pouvait ainsi arrêter le funeste effet du chômage des ouvriers de l'indus- trie, et comprimer à sà source le développement de la mendicité. Je suis arrivé à simplifier assez l'emploi simultané des charrues et des bras pour pratiquer sur une grande échelle des travaux de défoncement qui ont changé la nature des terres de mon exploitation, en augmentant leur valeur de moitié, et quel– quefois davantage. Ainsi,mes colonies par familles ont servi à faire vivre, à l'abri de la misère, des femmes, des jeunes filles, des vieillards et des enfants. J'ai eu, en outre, le bonheur de rendre à la santé des escouades entières d'enfants scrofuleux pris dans les hôpitaux. a Il est bien entendu que ces essais ont eu lieu successivement. Ainsi, ma aussi chez nous la question a été posée, dès l'origine, d'une manière beaucoup plus large que chez nos voisins. Aucun lien en effet ne relie les établissements coloniaux français: leur destination varie à l'infini, de même que leur organi- sation. On s'est borné à ouvrir un vaste champ aux explo- rations et aux essais de tous genres, sans se préoccuper encore du système uniforme auquel il conviendrait de les rattacher définitivement. En Belgique, au contraire, les écoles de réforme ont été instituées en vertu d'une loi dont l'application doit être égale pour tous, et qui admet à la par- ticipation de ses bienfaits tous les enfants pauvres, men- diants, vagabonds ou moralement négligés, qui se trouvent dans certaines conditions déterminées. Il ne s'agit pas seu- lement de venir en aide à quelques enfants d'une classe ou d'une localité particulière, mais bien d'embrasser dans son ensemble la réforme de toute une jeune population con- damnée jusqu'ici par l'extrême misère, les vices, l'incurie ou l'abandon des parents, à aller s'engloutir et se perdre successivement dans les dépôts de mendicité et les prisons. : La solution du problème de l'extinction du paupérisme en Belgique, par l'éducation et l'apprentissage des enfants indigents, mendiants et vagabonds, embrasse deux éléments principaux la discipline et l'économie. En ce qui concerne le premier de ces éléments, la tournée que nous avons faite en France nous a été d'une grande utilité; la colonie de Mettray surtout nous a présenté un champ d'études et d'ob- servations qui eût pu nous dispenser à la rigueur de toute principale colonie, dite le Petit-Mettray, a débuté avec des jeunes détenus comme à Mettray, en suivant le même plan d'éducation; puis avec des enfants indociles et livrés au vagabondage; et après avoir démontré combien la correc- tion est facile, avec le secours d'une discipline semi-religieuse et semi-militaire, je me suis borné à n'admettre que des orphelins. Ma petite colonie est érigée depuis deux ans en ferme-école, mais je n'ai pas voulu abandonner mes pauvres orphelins: ce sont eux qui deviennent les meilleurs sujets de l'école. Je me sers de cette escouade d'enfants de dix à douze ans pour expérimen- ter de nouvelles méthodes de lecture, d'écriture, de comptabilité et de musique chorale. « J'évalue à 300 francs environ la dépense de chaque élève. Leur travail vient en déduction. Il n'y a pas d'autres punitions que la réprimande et le pain sec. Mes jeunes colons sont récompensés par des primes que l'on porte à leur livret et dont ils disposent à leur sortie. Je suis occupé en ce moment à démontrer qu'une petite institution de frères instituteurs travailleurs et une semblable de sœurs, composées chacune de quatre sujets, maitres et postulants, habitant chacune une chaumière et ayant 2 hectares de terre à cultiver, peuvent être chargées, dans une commune rurale, des services des deux écoles primaires de garçons et de filles, remplir l'office de chantres à la paroisse, visiter les pauvres et distribuer des remèdes aux malades sur la prescription des médecins, et, en cultivant leurs terres avec l'aide des enfants des écoles, les initier ainsi pratiquement aux procédés de la petite culture la plus avancée. Ce mode d'alternance du travail manuel et de l'instruction constitue pour les enfants une gymnastique fort salutaire à leur santé; il favorise aussi l'enseignement, car des enfants qui ont satisfait au besoin de mouvement indispensable à leur âge sont plus susceptibles d'attention aux leçons de l'instituteur. Le travail modéré, au grand air, développe les forces phy- siques; par sa variété, il ouvre l'intelligence et il fournit au maître l'occasion- d'un solide enseignement. a Après avoir provoqué, sans obtenir d'abord de résultats, l'attention du public sur ces modestes institutions, l'idée semble avoir fait quelque chemin, et nous commençons à compter des imitateurs. 34 COLONIES AGRICOLES. FRANCE. } autre exploration. Sous le rapport économique, au con- traire, la plupart des établissements français laissent beau- coup à désirer. Nous avons vu en effet que le taux de la journée s'élevait, en moyenne, à près de 85 centimes. Il varie de 51 c. (à Saverdun), à 1 fr. 86 c. (à Mettray). L'élévation du prix de journée, dans quelques établisse- ments, résulte non-seulement du nombre et de la quotité des traitements des employés et des soins donnés à l'éducation physique, morale, intellectuelle et industrielle des enfants, mais encore et surtout de l'exiguïté des bénéfices du travail ou même de la perte qu'il entraîne. A ce point de vue, l'expérience tentée depuis peu à la colonie du Val d'Yèvre commande une attention toute particulière. Il s'agit là d'une exploitation établie sur une large échelle, où l'intérêt du pro- priétaire est intimement lié à celui de l'administration qui lui confie ses jeunes travailleurs; où l'étendue et la nature des cultures sont en rapport avec le nombre des bras à occu- per. Si, comme nous l'espérons, cette expérience réussit, les autres établissements du même genre y puiseront d'utiles informations et se résoudront sans doute à opérer des réfor- mes dans leur organisation qui les conduiront au même résultat. Ces réformes seraient considérées comme satisfaisantes. et complètes en France, si l'on parvenait à réduire, dans les colonies agricoles et dans les autres établissements du même genre, la moyenne de la journée d'entretien à 60 ou 70 cen- times. Naguère, le gouvernement n'hésitait pas à allouer, pour chaque enfant placé dans une colonie particulière, une rétribution de 80 centimes par jour, indépendamment d'une somme de 80 francs une fois payée pour le trousseau. Depuis la révolution de février, par mesure d'économie, la journée a été réduite à 70 centimes, et le trousseau à 70 francs. સે En Belgique, la loi du 3 avril 1848, qui institue les écoles de réforme, a limité le prix de la journée d'entretien à payer par les communes pour les enfants et les jeunes gens admis dans ces établissements, au taux de la rétribution payée pour l'entretien des indigents et des mendiants dans les dépôts de mendicité. Or, ce taux ne dépasse pas 35 à 40 centimes, et peut encore être abaissé en raison des cir- constances et de la réduction du prix des subsistances. Il faudra donc que nos colonies subviennent à tous leurs besoins avec un prix de journée de moitié moins élevé que celui que que nos voisins considèrent comme un minimum à peine satis- faisant. Il faudra plus encore,-car certainement les commu- nes se plaindront du fardeau qui pèsera sur elles,—il faudra aviser aux moyens de couvrir sinon la totalité du moins la plus forte partie des dépenses des écoles de réforme à l'aide du produit des travaux des colons. Telle est donc la difficulté qu'il s'agit de résoudre chez nous. Nous regrettons de n'avoir pu trouver en France d'éléments pour cette solution. La tournée que nous avons faite dans ce pays remonte au mois de septembre 1849; un an après, en septem- bre 1850, nous avons visité les colonies du Bas-Rhin. Nous avons jugé utile de compléter les notices que nous avons rédigées à la suite de notre premier voyage, à l'aide des renseignements contenus dans le travail de MM. de Lamar- que et Dugat que nous avons déjà cité. Ces notices se rapportent à 11 établissements, et sont rangées dans l'ordre suivant: 1. II. Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray, près de Tours (Indre-et-Loire) ; Colonie agricole et horticole de Petit-Bourg, près Paris (Seine-et-Oise); III. Colonie agricole du Val d'Yèvre, près de Bourges, (Cher); IV. V. VI. VII. VIII. IX. X. XI. Colonie agricole d'Ostwald, près Strasbourg (Bas- Rhin); Colonie du Petit-Quevilly, près Rouen (Seine-Infé- rieure); Ferme-colonie de la maison centrale de Fonte- vrault (Maine-et-Loire); Ferme-colonie de la maison centrale de Gaillon (Seine-Inférieure); Colonie agricole du Mesnil-Saint-Firmin (Oise); Asile-école Fénélon, à Vaujours (Seine-et-Oise); Établissement du Neuhof, près Strasbourg (Bas- Rhin); Établissement de Saint-Nicolas, à Paris. Bien que ce dernier établissement ne puisse être classé parmi les institutions coloniales, nous avons néanmoins cru faire chose utile en le comprenant dans notre travail comme un spécimen de maison d'éducation morale, religieuse et professionnelle, affectée aux enfants pauvres et vicieux des grandes villes. FRANCE. 85 COLONIE AGRICOLE DE METTRAY. 1. - Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray, près de Tours. (Indre-et-Loire.) Il y a peu d'établissements, en France, qui soient mieux connus et qui aient été plus souvent décrits que la colonie de Mettray; les rapports publiés successivement depuis dix ans par les directeurs-fondateurs de cette colonie, la notice rédigée récemment par M. Cochin (1), et celle que nous avons insérée nous-même dans l'appendice de notre ouvrage sur la condition des jeunes ouvriers (2), nous dispensent de tracer l'historique du but, de l'origine et des résultats d'un établissement qui a servi et qui sert encore de type à la plupart des institutions du même genre qui, depuis quel- années, ont été créées en France et dans d'autres pays. Nous croyons donc donc pouvoir nous borner à consigner ici le résumé des notes que nous avons recueillies pendant le séjour que nous avons fait à Mettray, au mois de septem- bre 1849. Ces notes portent spécialement sur certains faits d'organisation, d'administration, de discipline et de statisti- que; l'objet que nous avions en vue était surtout pratique ; dès lors nous avons dû entrer dans des détails néglige d'ordinaire lorsqu'on visite un établissement uni- quement pour s'en former une idée plus ou moins complète et en faire la description. ques que l'on Au but que nous venons d'indiquer, s'en joignait un autre nous tenions à constater les effets de la révolution qui s'est accomplie en France sur la colonie de Mettray, et à pouvoir juger ainsi du degré de force et de vitalité d'une œuvre due à l'initiative de simples efforts particuliers. Nos informations à cet égard nous ont complétement rassuré. Mettray a résisté à la crise politique et à la crise financière ; malgré l'ordonnance qui, en supprimant le travail dans les prisons, a disloqué ses ateliers et réduit les occupations des colons aux seuls travaux agricoles; malgré la réduction nota- ble apportée dans ses ressources (5), nous avons retrouvé la colonie avec son aspect accoutumé, avec son admirable discipline. Il y a eu, sans doute, des craintes, des moments l'angoisse; mais les directeurs avaient confiance dans leur œuvre; le courage ne les a pas abandonnés, et, en triom- phant des obstacles accumulés sous leurs pas, ils ont ouvert (1) Notice sur Mettray, par Augustin Cochin. (Extrait des Annales de la Cha- rité.) Paris, 1847. (2) Notice sur la colonie de Mettray, près de Tours, par Éd. Ducpetiaux.- De la condition physique et morale des jeunes ouvriers et des moyens de l'améliorer. Bruxelles, 4843; t. II, p. 360 à 394. (3) Dans le compte rendu des directeurs, publié en 1849, ils évaluent de la manière suivante le montant de cette réduction : 1. La réduction du prix de la journée des enfants, de 80 à 70 centimes, qui, pesant sur 550 colous, fait une diminution de . 2. La suppression de 10 francs par chaque trousseau, montant à. 5. La suppression du travail dans les ateliers sédentaires cause sur les bénéfices nets une perte de • Total du déficit. à l'établissement de Mettray une ère nouvelle de prospérité et de progrès. Ce qui constitue surtout le caractère propre, et, si nous pouvons nous exprimer ainsi, l'originalité de ce remarquable établissement, c'est la nature et la composition du personnel de ses agents. Nous trouvons là deux hommes, distingués à des titres divers, jouissant de tous les avantages de la for- tune et d'une haute position sociale, qui se dévouent exclu- sivement à une mission modeste et pénible. Leurs vertus et leur exemple ont groupé autour d'eux une phalange de jeunes gens, animés du même esprit, oublieux de leurs intérêts propres, qu'ils sacrifient sans hésiter à l'intérêt supérieur de l'œuvre à laquelle ils sont associés. mée Malheureusement, cette phalange a été récemment déci- par suite de l'obligation où s'est trouvée l'administra- tion d'introduire dans sa gestion la plus rigoureuse économie. Les réformes, à cet égard, n'ont pu être opérées que sur le personnel. Quelques personnes, trouvant que ce personnel était trop nombreux, ont pensé qu'il pouvait être réduit sans inconvénient. Telle n'était pas cependant l'opinion de la commission déléguée en 1849, par le comité de travail de l'assemblée nationale, pour visiter la colonic de Met- tray. Cette commission déclara, dans son rapport, que la colonie réalisait une grande source de bien et épargnait à la société une somme de mal beaucoup plus considérable encore: elle conclut en disant que le gouvernement ne gouvernement ne pouvait que s'honorer en prenant sous sa tutelle la colonie pénitentiaire de Mettray. En ce qui concerne spécialement le personnel. voici comment s'exprimait son rapporteur, l'honorable M. Gillon, représentant de la Meuse : << « Ce qui accroît, à Mettray, la dépense, c'est le per- <«> id. 300 >> id. 1,000 » sans plus. « Que l'on puisse faire à meilleur marché enfin dans «d'autres conditions matérielles, nous ne le nierons pas; << mais que l'on puisse également obtenir des résultats aussi complets et aussi satisfaisants, nous avons peine à le <«< croire. Quoi qu'il en soit, ceux que nous avons pu appré- <«cier à Mettray ne nous ont pas paru payés trop cher. » t( Malgré la justesse de ces observations, une nécessité impérieuse a forcé les directeurs à congédier vingt em- ployés ; l'économie opérée de ce chef a été de 17,925 francs. À la suite de cette réduction, le personnel de la colonie, lors de notre visite au mois de septembre 1849, était com- posé et rétribué comme suit : A. Fonctionnaires. Deux directeurs sans appointements. Un directeur-adjoint, id. Un agent général à Paris, id. Un aumônier. • Un greffier en chef. 1,800 fr., avec le logement. 2,000 » avec logement, entretien et uniforme (évalué à 60 francs par an). Un agent comptable 2,000 » id. Un teneur de livres caissier. 1,200 >> id. Un instituteur principal 1,000 » id. Un économe surveillant général des travaux. 1,200 » id. B. Chefs de famille. Onze chefs de famille. Un chef du quartier de punition. Un chef de musique vocale, subsidiai- rement employé dans les bureaux. 500 fr. id. 500 >> id. 500 >> C. Sous-chefs de famille. id. I Un facteur-commissionnaire Un garde-ferme. Un meunier. · Tous les employés des six catégories B, C, D, E, F, G, ont en outre l'uniforme, à l'exception des jardiniers et du meunier. H.-Sœurs de la charité. Sept sœurs de la charité 150 fr., avec le logement et l'en- tretien, moins les vêtements; parmi ces sept sœurs, il Y a une supé- rieure les autres sont respectivement préposées à la dépense, à la cuisine, à la lingerie, à l'ouvroir, à l'infirmerie et à la pharmacie. Le service médical est confié à un médecin de Tours, qui vient chaque jour visiter les malades à la colonie. L'emploi de chef de culture, occupé naguère par M. Mar- quet, qui est passé en la même qualité à la ferme-colonie de Fontevrault, est actuellement vacant. On n'y pourvoira que lorsqu'on aura trouvé un praticien parfaitement capable de diriger l'exploitation et d'y introduire les améliorations dont elle est susceptible. Le nombre total des fonctionnaires et employés, rétri- bués et non rétribués, est de 65, plus 7 sœurs religieuses. Leur rapport au nombre des colons est d'un à sept. Les traitements fixes s'élèvent à la somme de 32,050 francs: les émoluments peuvent être évalués à 22,825 francs, savoir: Nourriture et entretien de 55 employés, à 1 franc par jour, en moyenne Uniforme de 55 employés, à 50 francs par an, en moyenne. 20,075 fr. 2.750 >> Total. 22,825 » 300 fr., avec logement et nourri- ture. 1,000 » avec logement et sans Douze sous-chefs de famille. 200 fr. D. Chefs d'ateliers sédentaires. Un maître tailleur. Un maitre forgeron. nourriture. Un maitre sabotier. 900 >> id. Un maitre charron. 900 >> id. Un contre-maitre chargé de la pein-. ture, de la vitrerie et de l'éclairage. 600 » id. Un maître menuisier 700 >> id. Un maître cordier 700 >> id. Deux maçons payés à la journée, à raison de 1 fr. 75 c. E. Chefs d'ateliers agricoles. 300 fr., avec logement et nourri- ture. Dix chefs d'ateliers agricoles. Deux jardiniers rétribués par M. de Courteilles, mais utilisés pour le service de la colonie. Un chef d'attelage. F. Préposés aux attelages. 400 fr., avec logement et nourri- ture. id. Trois charretiers, deux à 300 fr., un à 250 » La dépense totale du personnel serait par conséquent de 54,875 francs, soit, pour 522 colons, une dépense par tête de 105 francs annuellement.. Chaque employé a droit à douze jours de congé par an, qui sont répartis selon ses convenances et celles de l'éta- blissement, mais de manière qu'il n'y ait jamais plus de deux employés absents en même temps. L'école préparatoire des contre-maîtres continue à rem- plir le but pour lequel elle a été créée; c'est une véritable pépinière où l'établissement recrute toujours ses employés les meilleurs et les plus dévoués. Les admissions à l'école préparatoire n'ont lieu que très- exceptionnellement avant l'âge de seize ans ; elles sont beau- coup plus fréquentes à l'âge de dix-sept et de dix-huit ans. Les élèves sont admis sans rétribution; la colonie pour- voit à tous leurs besoins et leur donne une instruction variée qui embrasse toutes les branches des connaissances propres à former des surveillants, des instituteurs et des agronomes. Ils occupent un local entièrement séparé, dans le bâtiment où est située l'infirmerie. FRANCE. 57 COLONIE AGRICOLE DE METTRAY. Ils remplacent, au besoin, les chefs et sous-chefs de famille, font les intérims et travaillent dans les bureaux. Après un certain temps d'épreuve, les sujets qui ne présentent pas les qualités et les capacités nécessaires sont renvoyés à leur famille. Sur 157 élèves admis à l'école préparatoire, jusqu'au 1or janvier 1849: 36 sont encore à Mettray, où ils exercent les fonctions de greffier en chef, d'agent comptable, de caissier, d'insti- tuteur, de garde-magasin, de conducteur de travaux, de chefs et de sous-chefs de famille ; 9 sont sortis de Mettray pour entrer dans l'enseigne- ment; 14 sont placés dans diverses administrations (ponts et chaussées, chemins de fer, assurances, commerce); 10 sont entrés dans l'armée; 5 sont devenus chefs d'exploitations agricoles; 34 exercent des professions industrielles ; 54 ont quitté la colonie faute de capacité suffisante; 1 est décédé. L'école des contre-maîtres compte encore dans ce moment 12 élèves, dont plusieurs se destinent à l'enseignement, et les autres à l'étude de l'horticulture et de l'agriculture. La colonie proprement dite ne s'est développée que len- tement et progressivement; voici dans quelle proportion sa population s'est accrue pendant chacune des dix années écoulées depuis l'époque de sa fondation : 31 décembre 1840. . 77 1841. 134 1842. 176 1843. 221 1844. 359 1845. 376 1846. 425 1847. 528 1848. 526 1849. 560 1 Les derniers exposés de la situation de la colonie en 1848 et 1849 fournissent quelques renseignements statistiques intéressants, qui nous permettent d'apprécier son état actuel et les résultats produits jusqu'à ce jour par le régime et la discipline qui y ont été introduits. 1,184 enfants ont été reçus à la colonie depuis sa fonda- tion, au mois de juin 1839, jusqu'au 31 décembre 1849; en 1849 seulement il y a eu 144 admissions. er Sur ce nombre, 546 étaient présents au 1 janvier 1850. En novembre 1849, la population s'est élevée jusqu'à 563 colons; c'est l'époque où elle a été le plus nombreuse depuis la création de la colonie. or Des 1,040 enfants admis jusqu'au 1 janvier 1849, 237 étaient enfants naturels, 742 étaient nés d'un premier mariage, 61 avaient leurs père et mère remariés. Pendant la même période : 13 enfants sont entrés au-dessous de sept ans, au-dessous de douze ans. 222 805 Total... 1,040 au-dessus de douze ans. Les 560 colons que renfermait la colonie à la fin de 1849 étaient occupés de la manière suivante : 336 agriculteurs, 71 jardiniers, 141 ouvriers industriels, 12 cuisiniers, lampistes, infirmiers, etc. Total... 560 Les industries exercées à Mettray se rattachent presque toutes aux travaux des champs. Telles sont les professions de charron, forgeron, maréchal, menuisier, maçon, sabo- tier, cordonnier, tailleur, cordier et voilier. Les colons. n'ont eu à faire aucun défrichement proprement dit: mais ils ont défoncé, à une profondeur de 50 centimètres, 40 hectares de terre. De plus, ils ont fait et réparé tous les chemins de la colonie et de l'exploitation. Ce sont eux qui sont chargés de tous les travaux agricoles ordinaires. Le sol de la colonie, bien qu'il présente de grandes difficultés à cause des blocs de pierre dont il est parsemé, est cepen- dant généralement fertile : il produit des céréales de toute nature, du vin, du cidre, des fruits variés, des légumes. des fourrages, de la garance et du colza. Le décret du gouvernement provisoire qui supprima, au commencement de 1848, le travail dans les prisons et les établissements de bienfaisance, força l'administration de Mettray à diminuer de moitié les ateliers sédentaires, et à reporter à l'agriculture les bras qui y étaient employés: c'est ce qui explique le chiffre élevé des colons agricul- teurs. Ce changement n'a pu être opéré sans de grands embar- ras, et sans des difficultés qui se renouvellent chaque jour. En effet, toutes les forces, tous les caractères, toutes les aptitudes, ne peuvent être appliqués aux travaux des champs. L'apprenti menuisier, charron, forgeron, qui commençait à devenir ouvrier, regrette sa profession, prend en dégoût le travail de la terre, murmure et se désaffectionne de ceux qui le condamnent à un travail forcé. Ce n'est donc plus aujourd'hui, comme autrefois, le goût ni la vocation des enfants que l'on peut consulter, mais bien les nouvelles nécessités de la situation faite à la colonie. Il est à espérer toutefois que la récente révocation du décret du gouver- nement provisoire (1) permettra de rétablir à Mettray les travaux sur le pied primitif, en y introduisant d'ailleurs tous les perfectionnements dont l'expérience a pu faire ressortir la nécessité. Malgré les difficultés et les embarras dont nous venons (4) Loi du 9 janvier 1849. $ 58 COLONIE AGRICOLE DE METTRAY. FRANCE. de parler, la conduite antérieure des colons s'est maintenue bonne; les inscriptions au tableau d'honneur en font foi. La moyenne des noms portés à ce tableau, en 1849, a été de 224 colons, répartis comme suit: • 56 s'y trouvent pour la 1re fois. 2¢ 30 40 29 18 22 19 16 12 70 10 8+ gc 10c 110 12€ 5 4 1 130 14º 1 15€ 1 16º 1 170 1 18¢ 1 19€ 1 20c 1 21€ Total... 224 En 1847, sur 509 colons, il y avait eu 226 inscriptions; en 1848, sur 522, il y en avait eu 257; la même année 46 colons avaient été rayés du tableau. Les enfants restant en moyenne à la colonie tout au plus pendant trois ans, le tableau d'honneur étant renouvelé tous les trois mois, on comprend que, passé la douzième période, le chiffre de ceux qui peuvent y concourir doit être très-restreint. et Depuis la fondation de la colonie, 528 enfants ont été placés, dont 105 pendant l'année 1849. Sur ces 528 colons: 150 sont au service militaire, soit comme appelés par le sort, soit comme enrôlés volontairement, savoir: 127 dans l'armée de terre ; 23 dans la marine ; 17 sont mariés et la plupart pères de famille; 450 sont restés irréprochables; 26 se conduisent médiocrement; 6 ont échappé à la surveillance de leurs patrons; 46 sont tombés en récidive. Ces récidives portent sur 33 enfants des villes, dont 19 de Paris, et 11 des campagnes. Leur nombre peut, au premier abord, causer une pénible impression, mais en réfléchissant dans quelles conditions ces enfants se sont trouvés placés, on est surpris qu'il ne soit pas plus élevé. 106 sont des enfants naturels; 18 ont leurs parents qui vivent en concubinage; 142 ont des familles qui ont de mauvais antécédents ; 77 enfin ont leurs parents en prison. Avec une telle origine, que ne devait-on pas craindre de l'avenir? A Mettray, comme dans presque toutes les autres colo- nies, on a eu souvent occasion de remarquer que les jeunes détenus des villes montraient de la répugnance pour les tra- vaux des champs. Sur 200 enfants du département de la Seine, sortis de la colonie, 9 seulement ont pu être fixés à ces travaux. Ces enfants appartenaient la plupart à des familles ouvrières qui, dans leurs lettres, leur parlaient avec dédain des occupations rurales. Les détenus nés à la cam- pagne ont heureusement d'autres idées. Les exposés annuels donnent d'intéressants détails sur la nature et les résultats du patronage et du placement des colons libérés. Les succès obtenus sous ce rapport en 1848 et 1849 ont encore dépassé l'attente des directeurs. Le chiffre des colons placés s'élevant tous les ans, et formant au dehors une nombreuse population, constitue réellement une seconde colonie en dehors de la première. La corres- pondance de la direction avec ces jeunes gens est quoti- dienne, et nécessite des agents spéciaux et des soins inces- sants. il n'y a pas, pour ainsi dire, de terme à l'assistance prêtée aux colons de Mettray; l'établissement soutient aujourd'hui plus de 500 enfants qu'il a réellement adoptés et qu'il suit d'un œil vigilant; et ce chiffre s'augmentera chaque jour dans une proportion que les directeurs prévoient sans en être effrayés, convaincus qu'ils sont que pour une si bonne œuvre la sympathie ne leur fera défaut. pas Il y a plus, lorsqu'un colon libéré manque d'ouvrage et que les renseignements obtenus sur son compte sont favo- rables, il peut rentrer à la colonie et retrouve momentané- ment sa place dans la famille dont il faisait partie. Celle-ci l'accueille comme un frère et partage son ordinaire avec lui. Les enfants qui, deux ans après leur sortie de Mettray: n'ont pas cessé de se bien conduire, reçoivent des directeurs un anneau symbolique sur lequel on lit cette devise: Loyauté passe tout. La peine d'une inconduite soutenue est la réintégration du colon dans la maison centrale. Cette réintégration n'a été prononcée que trois fois en 1848, deux fois pour immora- lité et une fois pour complot (tentative d'évasion). L'état sanitaire de la colonie est des plus satisfaisants: aussi la mortalité y est-elle très-faible. Depuis sa fondation en 1840 jusqu'en 1849, c'est-à-dire pendant une période de dix ans, elle n'a perdu que 59 enfants. Voici au surplus le nombre des décès constatés pendant chacune de ces dix En effet, sur 528 enfants sortis successivement depuis années : dix ans : 43 sont enfants trouvés; 46 ont leurs parents remariés; 222 sont orphelins de père et de mère: RAPPORT A LA POPULATION. ANNÉES. DÉCÈS. 1840. 2 1841. 7 1 » 1 sur 51 ou 2 26 » 4 p. %. 1842. 1 1 40 2 1/2 FRANCE. 59 COLONIE AGRICOLE DE METTRAY. 20 1 2/3 ANNÉES. DÉCÈS. RAPPORT A LA POPULATION. 1843. 1844. 3 1 sur 47 ou 2 1/3 P. 1/3 P. "/6. ↑ » 144 » 0 2/3 1845. 4 1 84 1846. 7 1 1847. 10 1 1848. 17 1 V 1849. 3 1 女 ​76 » 1 3/4 50 » 2 31 » 3 » 134 0 2/3 Sur les 17 colons décédés en 1848, 13 étaient atteints de phthisie pulmonaire, 1 de la fièvre typhoïde, 1 de méningite tuberculeuse, 1 de phthisie scrofuleuse et 1 d'hy- dropisie. En 1849, sur 4 décès, 2 ont été occasionnés par la phthisie pulmonaire, 1 par la fièvre typhoïde et 1 par les scrofules. Cette faible mortalité est d'autant plus surpre- nante que le choléra et la dyssenterie ont exercé, en 1849, de grands ravages à Tours et dans les localités environ- nantes. Le chiffre de la mortalité dépend au surplus beaucoup de l'état de santé dans lequel les enfants arrivent des pri- sons. D'après les rapports des médecins attachés à la colo- nie, les conditions hygiéniques y sont parfaites. Les colons ont échappé jusqu'ici à toutes les maladies épidémiques qui ont envahi le pays. Il résulte du relevé des registres, que le nombre des enfants reçus à l'infirmerie diminue de propor- tion à mesure que leur séjour à la colonie se prolonge, ce qui prouve que leur constitution se rétablit sous l'influence du régime auquel ils sont soumis. Sur 1,184 enfants entrés à Mettray jusqu'au 31 décem- bre 1849, 717 sont arrivés complétement illettrés; 270 avaient quelques notions de lecture ; 143 savaient lire; 54 seulement savaient écrire. Les colons ont quatorze heures de classe par semaine, divisées ainsi : · Instruction religieuse Lecture, écriture et calcul. Musique vocale. Total. 2 heures. 10 D 2 14 L'aumônier enseigne en outre, chaque jour, pendant une heure, le catéchisme aux enfants qui n'ont pas encore fait leur première communion, et ce nombre est dans la proportion de neuf dixièmes. celle L'instruction élémentaire donnée aux colons équivaut à que reçoit la classe ouvrière dans les villes. Les classes se font dans chaque famille par le chef et le sous-chef de la famille, sous la direction et la surveillance de l'instituteur principal. Les chefs et les sous-chefs ont pour assistants des moniteurs choisis parmi les colons, et qui reçoivent chaque jour une leçon spéciale de deux heures, donnée par l'insti- tuteur principal; à certaines époques de l'année, chaque famille désigne six de ses membres les plus instruits, les quels composent avec ceux envoyés par les autres familles. Ces exercices sont suivis d'une distribution de prix. Par cette double combinaison de la classe journalière par chambrée, et de cette espèce de concours général, on obtient l'émula- détermine toujours la réunion d'un plus grand tion que nombre de concurrents. L'un des inspecteurs généraux des écoles primaires, envoyé récemment à Mettray par le ministre de l'instruction publique, résume en ces termes les renseignements qu'il a recueillis lors de sa visite: « Les colons sont des enfants privés pour la plupart de <«< toute direction morale et intellectuelle, jusqu'au jour où <«< ils sont admis à Mettray. Tout ce qu'il importe pour eux, « c'est de leur donner les premières leçons de lecture. <«< d'écriture et de calcul, et de leur enseigner leur religion : << on va cependant un peu plus loin, on ajoute à ces soins <«< essentiels, qui sont la base de tout enseignement élémen– <«taire, le dessin linéaire et le plain-chant pour les plus <«< intelligents. Des leçons de musique vocale et instrumen- «tale sont accordées à titre de récompense aux colons les <«<< mieux notés. « De tout ce qui précède, M. le Ministre, je conclus que <«< la colonie de Mettray mérite un témoignage de votre <«< haute bienveillance, et qu'il y a lieu de lui accorder un <«< subside sur les fonds de l'Etat, pour le développement de <«< la double école qui y a été fondée en faveur des élèves- <«<> >> >> de récompense, de punition. Comme moyen de stimuler l'émulation dans le travail, on a adopté un sous-classement, qui consiste à ranger les enfants par première, deuxième et troisième division dans tous les ateliers. Chacune de ces divisions a un petit drapeau de couleur différente. Celui de la première division est l'objet de la plus grande ambition des deux autres divisions. Le même travail étant distribué aux colons suivant leurs forces relatives, et le temps nécessaire à la confection large- ment calculé et fixé, il en résulte que l'amour-propre de chaque petit groupe est mis en jeu, et qu'il y a lutte joyeuse pour gagner cette espèce de partie, silencieuse comme une partie d'échecs, tout aussi appliquée, et qui, outre l'hon- neur d'être vainqueur, n'est pas non plus dépourvue d'inté– rêt matériel, puisqu'un prix est accordé à la fin du mois à la première division et un encouragement à la deuxième. <« C'est, dit le rapporteur, plaisir à voir avec quelle ardeur «> Tous les mois les colons s'assemblent extraordinairement. et nomment au scrutin secret, le moniteur général de la colonie et les moniteurs de chaque atelier. Cette opération a lieu sans intrigue, et l'on remarque que ce sont toujours les meilleurs sujets qui l'emportent à une immense majo- rité, quand ce n'est pas à l'unanimité. Le directeur néan- moins conserve son veto sur les choix, mais il lui est arrivé très-rarement de devoir y recourir. L'institution des mo- niteurs nommés par leurs pairs est empruntée à l'institution. des frères aînés à Mettray. Il en est de même de celle du jury pour le jugement des offenses commises par les colons. Ceux-ci d'ordinaire s'accusent eux-mêmes et s'appliquent, suivant les circonstances, le maximum ou le minimum de la peine. Leurs arrêts spontanés sont soumis à l'appréciation de leurs frères les moniteurs, qui les infirment ou les confir- ment, puis ils sont portés devant le tribunal suprême, com- posé des fonctionnaires, employés et chefs d'ateliers de la colonie, qui prononce en dernier ressort. <«< Pour être un peu neuve et assez expéditive, » dit le rapport que nous avons déjà cité, « notre justice n'en est <«< pas moins une véritable justice, qui tend de jour en jour « à diminuer le nombre des délinquants et des récidivistes; «elle a cet avantage que les condamnés ne peuvent jamais << se dire innocents ni trop sévèrement punis; car, les mo- «niteurs et nous, n'intervenons le plus souvent que pour « adoucir la peine et quelquefois pour faire grâce, en nous « bornant à la réprimande. (( (( Cependant si, par hasard, un enfant nie, ce qui est <«< excessivement rare, la faute qui lui est reprochée, alors « la révélation publique est un devoir pour tous les colons qui auraient connaissance du fait incriminé, pour ne pas « laisser échapper un coupable qui aggrave sa faute par le « mensonge, ou bien pour ne pas laisser punir un innocent << Dans ce cas une enquête est faitė; séance tenante on « entend les surveillants, les témoins. Des accusateurs et « des défenseurs s'improvisent aussi au milieu des colons. « des moniteurs et des employés qui se récusent lors de « l'arrêt, prononcé en premier ressort par les moniteurs et en dernier par le tribunal des employés << >> Les punitions sont les suivantes, rangées dans leur ordre de gravité : 4° La simple réprimande; 2º La retenue, avec ou sans travail, pendant les récréa- tions de la semaine; 3º La retenue pendant les récréations du dimanche : 4º Le pain sec pendant un ou plusieurs repas; 5° Le passage d'une division supérieure à une division inférieure ; 6° La cellule claire avec travail: 7° La cellule obscure sans travail: 8° La radiation du tableau d'honneur: 9° Indigne pendant un ou plusieurs mois de l'électorat et de l'éligibilité ; 10° Indigne pendant un ou plusieurs mois d'obtenir des cachets de grâce: 44° Indigne pendant un ou plusieurs mois de participer et d'assister aux aumônes; 42° Indigne de voir et d'embrasser ses parents lors de la visite qui suivra la condamnation; 13° Indigne pendant un ou plusieurs mois de porter le drapeau ; 44° Indigne pendant un ou plusieurs mois de soigner ses frères malades; 45° Indigne pendant un ou plusieurs mois de pouvoir être choisi pour assister aux fêtes de famille. Toutes ces peines sont surtout intimidantes, à cause de la honte qui y est attachée: on remarquera que les plus graves sont en même temps celles qui ont un caractère purement moral. Le renvoi de la colonie n'est infligé qu'aux colons reconnus tout à fait incorrigibles. Une échelle analogue, basée sur le même principe, existe pour les récompenses, qui sont rangées dans l'ordre suivant : 4° Mention honorable. Ce n'est autre chose qu'un com- pliment public, adressé au colon qui la mérité, pour courager à mieux faire encore à l'avenir; 2º Passage à une division supérieure: J'en- 3º Mise au tableau d'honneur. Ce tableau dure deux mois; les colons de la division de récompense ont seuls droit d'y figurer; 4 Encouragements. Ils consistent en petits livres: 72 COLONIE AGRICOLE DE PETIT-BOURG. FRANCE. 5º Couronne au-dessus de la place occupée par le colon, soit en classe, soit à l'atelier ou dans les deux endroits, sui- vant qu'il l'a méritée dans l'un ou dans l'autre, ou dans les deux; 6° Outils d'honneur. Ces outils sont souvent mis et gagnés au concours; 7° Prix. Ce sont ordinairement des livres utiles à la pro- fession du colon, ou des contes moraux, ou de l'histoire, des livres de piété, etc.; 8° Porte-drapeau de division; ou 9° Élus par leurs camarades pour assister aux fêtes de famille. Une fois par mois, le dimanche, tous les fonction- naires, employés et chefs d'ateliers, se réunissent le soir autour d'une table frugalement servie comme à l'ordinaire, mais où figure pourtant un plat de plus; les moniteurs sont invités de droit. Après le dessert, le professeur de chant réunit tous les colons du banquet et entonne avec eux des chants religieux, moraux ou nationaux. Ces chants terminés, on se sépare en se promettant de toute part de faire en sorte que les plus mauvais sujets de la colonie soient bientôt dignes d'assister à ces modestes fêtes; 40° Cachets de grâce. Ces cachets, qui ne sont accordés qu'avec la plus grande réserve, permettent à ceux qui les ont obtenus de faire gracier les colons en punition, sauf dans certains cas graves dont le directeur est juge; 14° Permission de veiller les malades. C'est encore là une récompense des plus recherchées, et qui développe chez les colons les sentiments de commisération et de fraternité; 12° Honneur de porter et de remettre soi-même les aumônes de la colonie. La caisse des aumônes est ali- La caisse des aumônes est ali- mentée de plusieurs manières: 1° Un dimanche par mois, tous les fonctionnaires, employés, chefs d'ateliers et colons font maigre, et l'économie que présente le jour maigre sur le jour gras, constitue la somme qui doit être versée à la caisse des aumônes. -2° Une fois par mois, on prélève sur la caisse d'épargne de chaque colon une somme de 20 cen- times, soit 2 fr. 40 c. par an. De leur côté, les fonction- naires, employés et chefs d'ateliers, font aussi mensuelle- ment une collecte dont le produit, joint à la retenue des colons, est versé à la caisse. C'est avec cet argent que les colons de la division de ré– compense, ou ceux qui ont fait quelque action d'éclat, peu- vent aller, le premier dimanche de chaque mois, porter aux pauvres vieillards du village, tantôt des vêtements, tantôt des objets de literie, tantôt des médicaments, etc., mais jamais de l'argent. On n'a rien négligé ainsi de ce qui pouvait réveiller le sens moral chez les enfants admis à la colonie et contribuer à élever leur âme. Dans le même but les murs des différents locaux sont couverts de sentences telles que celles-ci : Silence. Dieu nous voit. La paresse appauvrit et dégrade. Celui qui ne veut pas travailler ne doit pas manger, Le travail enrichit et honore. Soyons frères. La bienfaisance élève l'homme. Enfants, grandissez aujourd'hui dans le travail. Hommes, plus tard le travail vous grandira. La religion, c'est le bonheur partout et toujours. Aimer les pauvres, c'est aimer Dieu. Soir et matin, après la prière d'usage, les colons en adressent une à Dieu, à l'intention de leurs professeurs et de leurs protecteurs. Chaque année, une messe en musique est célébrée pour le repos des âmes de ces mêmes professeurs ou bienfaiteurs décédés; cette cérémonie achevée, des fleurs sont portées sur les tombes des colons. On eut beaucoup de peine, surtout dans les commence- ments, pour trouver des employés convenables, zélés et dévoués au succès de l'œuvre. De là des mutations fré- quentes qui occasionnèrent de grands embarras. Pour sti- muler les efforts des agents de la colonie, on les intéressa dans les bénéfices, en prélevant en leur faveur un tantième pour cent sur les produits de la culture et des ateliers. Les sommes ainsi distribuées volontairement aux chefs d'ateliers et employés sont conservées par la Société, et portées sur un livret appelé livret des répartitions de bénéfices. Sous aucun prétexte et dans aucun cas, on ne peut retirer la tota- lité ou une partie même de ces fonds; et si l'employé ou le chef d'atelier vient à quitter la colonie ou à s'en faire renvoyer pour des motifs graves, le montant du livret de- vient la propriété des autres employés et chefs d'ateliers, et est réparti entre eux par portions égales. Les sommes déposées à ce livret portent intérêt à 3 p. % Un second livret, dit de caisse d'épargne, est aussi formé avec la retenue de 5 p. % que l'on fait sur les appointe- ments. Il n'est pas non plus permis de toucher aux sommes de ce livret; mais, au départ de l'employé ou du chef d'ate- lier, quel qu'en soit le motif, elles lui sont remises, à moins qu'il y ait lieu de les retenir comme indemnité de la Société, pour les torts que ce chef d'atelier ou cet employé lui aurait occasionnés; car ce livret a d'abord pour but de forcer les employés à faire des économies et à laisser ensuite entre les mains de la Société une espèce de cautionnement. La Société exerce aussi le même privilége sur le livret de répartition des bénéfices, en cas de malversation ou préjudices causés La caisse d'épargne rapporte 3 p. %, d'intérêt au titulaire. Les sommes de ces deux livrets, ajoutées aux économies que peuvent faire spontanément certains employés, forme- ront les éléments d'une véritable caisse de retraite. Le samedi soir de chaque semaine, tous les fonction- naires, employés et chefs d'ateliers, se réunissent en conseil de famille et signalent à l'attention de tout le monde les faits louables ou répréhensibles des colons qu'ils ont sous leurs ordres. De cette manière, pas une faute un peu grave. pas un trait un peu honorable, ne peut se produire dans la semaine, aux classes, aux cours, aux ateliers, aux dortoirs, FRANCE. 75 COLONIE AGRICOLE DU VAL D'YÈVRE. + aux préaux, sans qu'il soit signalé; et tandis que l'instituteur, par exemple, fait l'éloge d'un colon pour sa tenue et ses pro- grès en classe, son chef d'atelier le signale comme un étourdi ou un paresseux. Par ces contrastes, l'attention est éveillée sur cet enfant; chacun l'observe davantage, et l'on finit, après quelques semaines d'étude et d'observations minutieuses, par découvrir le véritable caractère de l'enfant et à développer souvent chez lui ses qualités par ses défauts eux-mêmes. Cette séance a un autre but: c'est de dicter à l'avance la conduite à tenir le lendemain envers chaque colon pour la séance dite d'émulation, à laquelle assistent encore les fonc- tionnaires, les employés, les chefs d'ateliers, les colons et les visiteurs. C'est dans cette séance que fonctionne le jury dont nous avons parlé plus haut, et que se distribuent les punitions et les récompenses. L'idée en a encore été em- pruntée à la colonie de Mettray, qui, bien qu'on ne semble pas vouloir l'avouer, a servi de type pour l'organisation de la colonie de Petit-Bourg comme pour celle de la plupart des autres établissements du même genre, créés en France depuis quelques années Petit-Bourg n'a pas, comme Mettray, une école de contre- maîtres, mais on s'y attache aussi à former parmi les colons une pépinière d'employés qui, successivement, pourront remplir les places vacantes. Le patronage des colons à leur sortie est établi à peu près sur les mêmes bases dans les deux établissements; il est nommé à chacun d'eux un patron qui, de concert avec l'ad- ministration de l'établissement, avise aux moyens de lui trouver un placement avantageux. Pour apprécier la situation financière de la colonie de Petit-Bourg, nous avons eu recours aux comptes et aux budgets des dernières années. L'examen de ces documents présente les résultats suivants : En 1845, pour une population de 118 colons, la dépense s'est élevée à 75,164 francs, soit 637 fr. 83 c. par tête et par année, ou 1 fr. 75 c. par journée. En 1846, pour une population de 123 colons, la dépense a été de 88,155 fr. 60 c., déduction faite des bénéfices de la culture et des ateliers. Cette dépense se décompose comme suit : Loyer, impôts et assurances Entretien du mobilier et des bâtiments. Frais de bureau et d'administration. Traitements et entretien des employés . fr. 4. Report. 38,839 42 7,772 05 3,733 25 13,390 27 34,401 90 Dépense totale. 98.136 89 9,981 29 Dépense effective. 88,155 60 Bénéfices de la culture et des ateliers.. Chaque colon a donc occasionné, en 1846, une dépense de 716 fr. 71 c., soit par journée 1 fr. 97 c. En 1847, le budget pour une population moyenne de 125 colons, présentait les évaluations suivantes : : Personnel traitements et nourriture Entretien des colons, à 300 francs par tête. Chauffage, éclairage, blanchissage. Impôts, entretien des bâtiments • fr. 33,600 37,500 4,000 3,200 11,600 5,000 2,000 fr. 96,900 Potager. 5,000 Terres labourables, bois et prairies. 5.000 10,000 Dépense définitive. $6,900 Frais d'administration, de transport, de voyage. Ateliers, bestiaux, fumier, etc. Imprévu. RECETTES. La dépense, par colon, était donc évaluée, en 1847, à 695 fr. 20 c., soit par journée à 1 fr. 90 c., non compris le loyer. En 1849, d'après les relevés publiés par MM. de Lamar- que et Dugat, il paraît que cette dépense a été réduite en raison de l'augmentation du chiffre de la population. Elle n'est plus évaluée cette année qu'à 473 fr. 37 c., soit 1 fr. 29 c. par tête. La colonie avait d'abord pris en location le château de Petit-Bourg, à raison de 8,000 francs par an. Elle en fit l'acquisition en 1846 pour la somme de 270,000 francs, sur le produit de la grande loterie qu'elle institua vers la même époque, et qui s'éleva à plus de 500,000 francs, déduction faite des frais et des sommes payées pour l'acquit des lots gagnants. fr. C. fr. C. Nourriture des colons, à. Habillement. 52 par jour et par tête.. 62 40 par an et par tête . Coucher. 6 21 id. Blanchissage 9 76 id. 23,305 40 7,675 14 763 63 1,200 35 Chauffage 2.91 id. 358 70 Eclairage 14 69 id. 1,806 60 Réparations à l'habillement. 25 10 id. Fournitures de classe. 1 95 id. Diverses dépenses. Dépense personnelle des colons. . III. Colonic agricole du Val d’Yèvre, près de Bourges. (Cher.) 3,088 80 259 75 401 05 (A reporter). 58,839 42 La colonie agricole du Val d'Yèvre a été fondée sur un marais desséché, situé dans la vallée de l'Yèvre, à 7 kilo- mètres environ de la ville de Bourges. La contenance de cette propriété, qui appartient à M. Ch. Lucas, inspecteur 10 ་ 1 1 74 FRANCE. COLONIE AGRICOLE DU VAL D'YÈVRE. général des prisons de France, s'élève à environ 160 hec- | laquelle sera établi un bassin d'eau courante pour le lavage des porcs. tares. La colonie du Val recrute sa population parmi les enfants trouvés, abandonnés et orphelins, détenus dans les prisons après avoir été jugés et acquittés comme ayant agi sans discernement. Elle a été créée surtout dans le but de résou- dre la question de la colonisation agricole des enfants des hospices, en commençant par l'élément le plus difficile à discipliner, afin de prouver que si le système réussissait pour les jeunes délinquants, à plus forte raison on pourrait en étendre l'application aux enfants pris directement aux hos- pices. L'établissement du Val d'Yèvre doit avoir fourni cette preuve après une période de huit ans, à l'expiration de laquelle la colonie subira une transformation complète. Les jeunes délinquants qui s'y trouveront à cette époque seront dirigés sur les colonies agricoles des maisons centrales de détention; la colonie du Val entrera alors dans une nou- velle période d'essai, en prenant directement ses colons aux hospices et spécialement à ceux de Bourges. Si les calculs qui ont présidé à sa création sont exacts, le travail des colons, admis depuis douze ans et restant jusqu'à vingt, devra couvrir leur dépense et payer le bail de la ferme. La colonie n'admet aucune assistance en argent de la charité publique ou privée; elle reçoit du gouvernement, pour la durée seulement des huit années précitées, un prix de journée de 80 centimes pour les enfants au-dessous de seize ans, et de 60 centimes pour ceux qui ont dépassé cet âge. Ce prix, payé sur le fonds des prisons, représente même actuellement une économie pour le trésor, en le comparant au chiffre auquel s'élève la dépense des jeunes délinquants dans plusieurs des établissements de l'État. En outre, pour compenser les intérêts des capitaux engagés dans les frais de premier établissement, la colonie reçoit pendant cinq ans une indemnité annuelle de 10,000 francs. Établie sur un terrain entièrement nu et qui avait été soumis à un défrichement incomplet et défectueux, avant de construire les bâtiments de la colonie il a fallu com- mencer par exécuter les travaux nécessaires à la consolida- tion du sol. Ces travaux ont été poussés avec activité, et dès l'été de 1849 plus de 60 hectares étaient déjà complétement asséchés et mis en culture. Les bâtiments respectivement destinés au logement du personnel, aux services administratifs et domestiques, ainsi qu'à l'exploitation agricole, sont disposés autour d'une vaste cour de 200 mètres de large sur 250 mètres de long. Le style des constructions est simple et rustique. Les aménagements ont été établis sur le pied le plus écono- mique. Le bâtiment destiné à la porcherie est seul isolé de l'en- semble, mais on n'en aperçoit encore que les fondations sur l'emplacement qui lui est destiné. Il consistera en deux corps de loges séparés, dont une pour chaque porc, pré- cédée d'une petite cour de sortie. Ces deux corps de loges forment à l'est et à l'ouest une cour commune au milieu de La vacherie est divisée en deux étables. Dans chaque étable un couloir central sépare les deux rangs d'auges, le long desquelles sont attachés les animaux qui prennent leur nourriture à travers les barreaux des cloisons de séparation. Grâce à cette disposition, les enfants chargés de la vacherie peuvent donner sans aucun danger la nourriture aux bes- tiaux, et en surveiller tous les mouvements. Les étables sont appropriées pour le régime de la stabulation perma nente; elles sont assez élevées, et il y a été établi un système de ventilation au moyen de ventilateurs mobiles, ou de valves, pratiqués au-dessus des portes, et de cheminées d'appel, à tiroirs également mobiles, qui s'élèvent au-dessus de la toiture. Ce système a l'avantage de faire passer les courants d'air au-dessus de la tête des animaux qui n'er sont ainsi nullement incommodés. Déjà quelques proprié- taires ont fait prendre le plan intérieur de ces étables afin de les imiter. L'écurie se compose de huit stalles, dans lesquelles les chevaux sont attachés à une chaînette, coulant sur une tige en fer, ce qui empêche l'enchevêtrement de l'animal. A l'étable et à l'écurie sont adossés de spacieux hangars qui servent de magasins, de granges et d'abris pour les voi- tures et les instruments aratoires; à proximité se trouve ur vaste emplacement, environné d'une rigole, destiné à recueillir les fumiers. La colonie aura aussi sa bergerie et des bêtes à l'engrais Mais l'établissement de cette bergerie est subordonné à l'époque où l'état de la culture le permettra. > Au-dessus du bâtiment des étables, on a établi un vaste dortoir de 100 pieds de long sur 30 pieds de large qu peut contenir 130 à 150 colons; ce dortoir est disposé de manière à servir alternativement d'école et de chapelle. Les hamacs sont placés sur trois rangs; en enlevant la rangée du milieu, on établit les tables destinées à l'école; à l'extré- mité on avance une estrade-pupitre pour l'instituteur, ou lorsqu'il s'agit de célébrer l'office divin, un autel mobile que l'on tire sur des rails d'un cabinet contigu, cabinet qu sert en même temps de sacristie et de confessionnal. Aux trois autres angles du dortoir, on a disposé des chambres les surveillants qui, au moyen de vasistas, peuvent surveiller les enfants dans leurs hamacs. pour La couchette se compose d'un hamac, d'un petit matelas et d'un traversin remplis d'herbe sèche, d'un drap-sac, et d'une couverture de coton en été, à laquelle on ajoute une couverture de laine en hiver. C'est le 22 août 1847 que l'établissement a reçu ses pre- miers colons, au nombre de 25. Ce chiffre s'est successivement élevé jusqu'à 60 à la fin de la même année. La moyenne de la population de 1848 a été d'environ 90. L'effectif était de 122 enfants lors de notre visite, le 7 septembre 1849. A la même époque, le personnel des fonctionnaires et employés était composé comme suit : { FRANCE. 78 COLONIE AGRICOLE DU VAL D'YÈVRE. Un directeur. Ce poste, occupé naguère par M. Hello ancien directeur de la maison centrale de Fontevrault, est rempli aujourd'hui par le propriétaire fondateur de la colo- nie, M. Charles Lucas; Un sous-directeur; Un contre-maître jardinier; Un contre-maître agriculteur; Un contre-maître adjoint pour les attelages; Un gardien-chef pris parmi les gardiens des maisons centrales, et qui en conserve le titre et les appointements; Deux sœurs religieuses, préposées aux soins du ménage. L'instruction est donnée par l'instituteur de la commune. L'éducation religieuse occupe la place qui doit lui reve- nir. Le curé du village de Moulins remplit en même temps les fonctions d'aumônier de la colonie. Il Y vient chaque semaine dire la messe et fait une instruction aux enfants qui se rendent le dimanche aux offices de la commune. Les enfants qui n'ont pas fait leur première communion reçoi- vent une instruction journalière à la colonie ou à la paroisse. Il n'existe pas à proprement parler d'infirmerie à la colo- nie. Les sœurs, chargées en même temps des services de la cuisine et de la lingerie, donnent leurs soins aux enfants atteints d'indispositions peu graves. Un médecin de Bourges se rend à l'établissement deux fois par semaine, pour traiter les indisposés. Les malades sont transférés à l'Hôtel-Dieu de Bourges, où une salle spéciale est affectée aux enfants de la colonie. On paye pour leur entretien et leur traitement une rétribution de 60 centimes par jour. La comptabilité des journées de maladie est tenue par l'économat de l'Hôtel- Dieu. Voici, d'après cette comptabilité, le relevé des jour- nées de maladie en 1848, mis en regard du chiffre des journées de présence à la colonie constaté par les états tri- mestriels : JOURNÉES DE HALADES JOURNÉES DE PRÉSENCE A LA COLONIE. A L'HÔTEL-DIru. 1er trimestre. 20 6,936 173 7,087 113 ༡༠ 8,600 112 9,952 32,575 269 667 40 Totaux Ces chiffres témoignent de l'excellent état sanitaire de la population, et tendent à dissiper les craintes qu'avait fait naître d'abord l'emplacement de la colonie au milieu d'un terrain marécageux. C'est le résultat d'un bon système de discipline, d'hygiène et d'alimentation. Le colon reçoit, deux fois par semaine, 25 décagrammes de viande fraîche, deux verres de boisson à chaque repas, et toute la semaine une nourriture variée de légumes secs ou verts, convenable- ment assaisonnés. Il a du pain de pur froment à discré- tion. Son habillement se compose d'une chemise, une blouse et un pantalon de toile de chanvre, un béret, des sabots ; on y ajoute, en hiver, un gilet à manches, et une limousine en cas de mauvais temps ou de froid excessif. Le 7 septembre 1849, la population de la colonie était divisée et occupée comme suit : Agriculteurs, jardiniers Charretiers Vachers Cuisiniers. Sabotiers. Tailleurs, ravaudeurs Service domestique. Garçons de cour. Indisposés. Infirmier Au repos • Malades à l'Hôtel-Dieu, à Bourges A la Rongère, propriété de M. Lucas Total. 82 3 3 3 2 M M N 2 10 1 - 2 ∞ 8 W N N bander 1 2 2 3 122 On voit, d'après ce relevé, que la culture forme la base principale du travail à la colonie. Toutefois, cette culture n'embrasse guère encore que le jardinage, auquel la nature des terres est particulièrement favorable, et qui présente de remarquables résultats; il se pratique sur une grande échelle et à la bêche; la charrue n'est employée qu'à titre d'enseignement, sur un champ de manoeuvre de 5 hectares environ. Nous avons remarqué une superbe plantation de 16 hectares de haricots. Indépendamment de sa culture maraîchère, la colonie possède un vaste jardin divisé en quatre sections: l'une est destinée aux fleurs; la seconde aux légumes et aux fruits pour la vente ; la troisième forme un jardin-école pour l'en- seignement des colons; la quatrième enfin est partagée en petits lots, que cultive séparément chaque enfant, et dont le produit lui est abandonné. L'exploitation possédait 28 vaches, dont on venait de se défaire pour les remplacer par un bétail d'une qualité supérieure. Six chevaux sont employés aux labours et aux charrois Lorsque la mise en valeur de la propriété sera complète, on estime qu'il y aura 40 hectares de prés, et que l'exploi- tation pourra nourrir et élever 120 à 150 têtes de bétail L'industrie proprement dite est exclue de l'établissement: indépendamment de la culture et de l'horticulture, tous les travaux se bornent à la manipulation du chanvre, de l'osier, des joncs, et subsidiairement à l'exploitation d'une carrière appartenant à la colonie. La journée du colon est évaluée du tiers aux deux tiers de la journée d'un manœuvre. La journée du manœuvre, dans la localité, se paye à raison de 1 fr. 50 c. sans nourriture, et de 2 fr. à 2 fr. 50 c. pendant la moisson. Le directeur estime qu'il faut quatre ans de séjour, en moyenne, avant que le colon puisse compenser, par son travail, les dépenses de son entretien. L'emploi de la journée est ainsi réglé : le matin, instruc- tion élémentaire immédiatement après le lever et la prière; déjeuner ensuite et départ pour les travaux; dîner à onze 76 COLONIE AGRICOLE DU VAL D'YÈVRE. FRANCE. heures; récréation et reprise des travaux à une heure; en été, collation à trois heures, et, en toute saison, souper au coucher du soleil. La population est divisée en compagnies de 10 colons chacune; il y a un surveillant et un sous-surveillant par compagnie, choisis parmi les colons. La compagnie qui a remporté le plus de bons points, pendant le mois, occupe au réfectoire une table d'honneur. Chaque contre-maître indique les colons les plus propres à remplir les fonctions de surveillants, qui doivent, au sur- plus, avoir reçu un certain nombre de bons points. Ils sont nommés jusqu'à révocation. un petit pécule proportionné à leur bonne conduite, et règle les conditions de placement. Toutefois, il faut reconnaître que ce n'est que par un séjour prolongé à la colonie qu'on parviendra à donner à l'enfant les habitudes d'ordre, de tra- vail et de discipline, qui présentent des garanties sérieuses de bonne conduite. C'est à cette condition seulement que la colonie du Val pourra rendre de véritables services au dépar- tement où elle est située, en formant de bons ouvriers agri- coles, en y facilitant ainsi la suppression du déplorable système des louées, et en montrant tout le parti à tirer de l'emploi des enfants aux travaux agricoles. Le programme de la colonie d'essai du Val d'Yèvre Il y a un tableau de récompense et de punition. Les puni- s'écarte de tous les précédents, en ce qu'il essaye la solution tions sont les suivantes : Un coup de férule dans la main; Suppression des bons points; Manœuvres forcées au peloton de discipline; Renvoi de la colonie à la maison centrale. On n'a recours ni à la privation d'aliments ni au cachot; mais le directeur songe à l'érection d'un quartier de punition comprenant quelques cellules. Les colons sont formés aux exercices militaires; on leur fait faire journellement des exercices gymnastiques pour développer leurs forces musculaires. La base du système disciplinaire est la surveillance des enfants par les enfants; on cherche ainsi, et on parviendra, du moins on l'espère, à économiser des frais considérables d'employés. Jusqu'ici le directeur n'a pas jugé à propos d'adjoindre d'autres agents à l'unique gardien, qui est plus particulièrement chargé de présider à la discipline. Ce même gardien est en outre chargé des écritures du greffe, sans autre assistance que celle d'un colon. Il y aura plus tard un comptable spécial. Jusqu'ici il n'est pas encore tenu de comptabilité agricole. La colonie est ouverte de toutes parts, et il n'y a d'autre lien que celui de la confiance qui puisse y retenir les colons: aussi le nombre d'évasions est-il une sorte de thermomètre d'après lequel on peut apprécier, dans un établissement de ce genre, l'action et les progrès de la discipline. Sur une population moyenne de 45 enfants, le nombre des évasions, du 22 août au 31 décembre 1847, fut de sept; pendant toute l'année 1848, sur une population moyenne de 90 enfants, le nombre des évasions a été de neuf; et pendant les trois premiers mois de 1849, sur une population qui s'est élevée à 128 enfants, il y a eu trois tentatives d'évasion, suivies de la prompte reprise des fugitifs. Le directeur estime que les colons seront placés avec facilité à leur sortie. Il a déjà reçu plusieurs demandes et opéré quelques placements avantageux. Avant leur sortie, M. Lucas fait venir parfois, pendant quelque temps, les colons à sa propriété de la Rongère, située à quelques kilo- inètres du Val d'Yèvre, où ils sont soumis à une sorte de noviciat, qui facilite leur rentrée dans la société. A la libération, la colonie habille les enfants, leur remet de la question des enfants trouvés par la colonisation agri- cole, et par l'application de ces enfants au défrichement des marais; ce mode d'application a cela d'avantageux, que le sol du marais, généralement fort léger, convient surtout à l'enfant, qui le trouve attrayant par la facilité de l'exercice et la fécondité de la production. L'essai du Val se pose en face de l'emploi de 60,000 en- fants d'hospices à utiliser au défrichement, en face de 800,000 hectares de marais incultes à mettre en valeur, et d'une richesse agricole de plus de deux milliards à créer pour le pays. A ce point de vue nouveau, l'œuvre de la colo- nisation agricole voit nécessairement s'agrandir l'horizon de ses services et de son avenir, mais en même temps s'étendre les sacrifices que doit entraîner sa réalisation. Il ne suffit pas de calculer les frais que peuvent exiger des colonies établies sur des domaines qu'on prend à loyer, qui sont en plein rapport, et pourvues de bâtiments qu'il ne s'agit que d'approprier et au besoin d'étendre. En se jetant en plein marais, il faut que la colonie agricole y engage, outre le capital d'achat des terrains: 1° celui nécessaire à l'assai- nissement; 2° celui des frais de construction sur un sol nu et tremblant, où tout est à faire, jusqu'au sol même; 3° de premier établissement; 4° d'exploitation; 5° de défriche– ment, et 6º enfin le capital d'attente de l'assolement et du rendement. C'est à la colonie d'essai du Val à renseigner sur tous ces points l'esprit d'imitation, qu'il ne faut ni éblouir ni intimider, afin de le prémunir en même temps contre les illusions de l'engouement et contre les appréhen- sions du découragement. Jusqu'ici il n'a pas été publié de compte rendu qui per- mette d'apprécier les résultats économiques et financiers de l'œuvre entreprise par M. Ch. Lucas; mais la connais- sance personnelle que nous avons du caractère, des hautes capacités et de la persévérance de ce fonctionnaire éminent, nous donne la confiance que ses efforts seront couronnés de succès. En tous cas, il aura eu le mérite et l'honneur de. tenter, avec une assistance limitée et fort peu onéreuse au gouvernement, une expérience devant laquelle beaucoup d'autres avaient reculé avant lui. Dans l'intéressante notice publiée par MM. de Lamarque et Dugat, nous trouvons quelques indications sur les dépenses FRANCE. 77 COLONIE AGRICOLE D'OSTWALD. に ​et les recettes de la colonie, en 1848 et 1849. D'après ces indications, les frais de journée, par tête de colon, pour- raient s'établir comme suit: Blanchissage. Instruction professionnelle, morale, re- fr. Nourriture 0 421 Lingerie, vestiaire, coucher 012 Chauffage 0 03 Éclairage. 0 02 0 04 ligieuse, frais de bureau, de voyage. 0 04 Traitement médical 0 03 Entretien du mobilier. 0 05 0 02 0 27 0 02 Assurances, impôts. Personnel des employés Dépenses accidentelles. Total. 1 07 1/2 ว Si l'on ajoute les intérêts des capitaux engagés, calculés à 4 p. c., sur un capital de 360,000 francs (14,004 fr.), on a, pour 100 colons, une augmentation de 39 centimes de dépense par jour, ce qui porte la dépense quotidienne à 1 fr. 46, c. 2 Les recettes extérieures, en 1848 et 1849, se sont éle- vées à 91,174 francs : 76,530 journées de présence, à 80 centimes. fr. Indemnité de trousseau, à 50 francs chaque . Deux cinquièmes de l'indemnité extraordinaire accor- dée par le ministère de l'intérieur. Subside du ministère de l'agriculture . Total. 61,224 3,950 20,000 6,000 91,174 Le revenu annuel de la culture ne peut encore, comme nous l'avons dit, être évalué. La valeur des bâtiments con- struits depuis la fondation est de 99,000 francs, et celle du matériel agricole de 48,000 francs environ. : IV. - Colonie agricole d'Ostwald, (Département du Bas-Rhin.) Nous avons visité cet établissement à deux époques, en septembre 1846 et en septembre 1850. Après notre pre- mière visite, nous avons adressé au gouvernement un rapport qui a été publié à la suite des débats du congrès pénitentiaire de Bruxelles. L'étude nouvelle que nous avons faite de la colonie d'Ostwald nous a permis d'apprécier les changements notables apportés dans son organisation pen- dant les quatre dernières années. I. ORIGINE. Ce fut une pensée éminemment progres- sive qui inspira, il y à dix ans environ, la création de l'asile d'Ostwald. Par son rapport du 23 décembre 1839. M. Schützenberger, maire de la ville de Strasbourg, appela l'attention du conseil municipal sur la question du paupé- risme, qui alors déjà préoccupait tous les esprits sérieux, et qui depuis est devenue une question vitale pour la société elle-même. Après avoir recherché les causes du mal, le maire discuta les moyens d'y remédier. Dans sa pensée, il fallait détourner des grands centres de population les indi- vidus sans ressource qu'une tendance irrésistible semble Y attirer; les déverser à la campagne, en abandonnant le sys- tème vicieux ou du moins incomplet des ateliers de refuge ; relever par le travail des champs ces hommes minés par l'oisiveté et par les vices qu'elle entraîne après elle; retrem- per leur moral, leur offrir les moyens de redevenir des citoyens utiles c'était là, selon lui, l'un des moyens les plus efficaces pour arriver à l'amélioration physique, intel- lectuelle et morale de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. Pour résoudre ce problème, dans les limites étroites d'un budget communal, M. Schützenberger proposait une com- binaison qui, non-seulement ne devait pas obérer les finances de la ville, mais qui lui promettait des bénéfices dans l'avenir. La ville de Strasbourg possédait dans la banlieue d'Ost- wald un domaine assez étendu, dont le revenu était à peu près nul. Des marécages et des landes incultes occupaient une partie de sa superficie; la portion boisée était exposée aux déprédations de voisins mal disposés pour la ville, leur ancienne souveraine et leur adversaire dans un long litige, et le produit des coupes couvrait à peine les frais de garde et les impôts. Des travaux d'amélioration à exécuter par les mendiants valides devaient transformer ce domaine impro- ductif en terres labourables et en prairies, et plus tard le même personnel devait continuer la culture et fournir ainsi à son propre entretien. La proposition du maire de Strasbourg fut accueillie à l'unanimité par le conseil municipal; mais par suite des nombreuses formalités auxquelles sont soumises en France les entreprises des communes, les premiers travaux ne furent entrepris qu'au printemps de 1841. Le domaine d'Ostwald forme un polygone irrégulier de la contenance d'environ 102 hectares, que traverse à l'est le chemin de fer de Strasbourg à Bâle. Pour le rendre à la culture, il fallut lui faire éprouver de profondes modifica- tions, l'assainir avant tout, puisque 12 hectares au moins étaient couverts de marécages, faire disparaître les inéga- lités de terrain, combler les gravières et les recouvrir de terreau. Les travaux considérables que nécessitèrent ces changements furent poussés avec une grande activité et exécutés avec économie. Les nivellements occasionnèrent un remaniement de plus de 65,000 mètres cubes de terre; on creusa 1,000 mètres de fossés pour faciliter l'écoulement des eaux. On ouvrit 4,500 mètres de chemins d'exploitation. L'humus marécageux fut tiré des anciens marais et servit 78 FRANCE. COLONIE AGRICOLE D'OSTWALD. } à recouvrir ici les gravières, là les exhaussements de terre qu'on avait jugés utiles. Un grand potager fut créé autour de la ferme; plus de 3,000 arbres fruitiers furent plantés dans ce potager, le long des chemins et au bord des fossés ; une treille encadra le jardin, et on établit une pépinière dont les produits, joints à ceux des autres plantations, commencent à donner d'assez beaux résultats. Au 31 décembre 1842, le desséchement, le nivellement et le défrichement étaient déjà opérés sur 70 hectares; plus de 15 autres furent défrichés dans le courant de l'année suivante, et au mois de décembre 1845, le nombre d'hec- tares mis en culture s'élevait à 92. Tous ces travaux prépa- ratoires ont été exécutés par les seuls soins des colons. Le nombre de ceux-ci s'élevait à 70 environ, y compris quel ques femmes employées aux soins du ménage. Les constructions ont coûté 401,000 fr., et 29,000 fr. environ furent dépensés pour l'appropriation du terrain. Le produit du défrichement a couvert les frais jusqu'à concur- rence de 95,000 francs. Le capital d'exploitation fourni par la ville a été fixé à 30,000 francs. Il se trouve à peu près représenté par la valeur du mobilier, des bestiaux et des instruments aratoires qui garnissent la ferme. Pendant les cinq premières années, les récoltes n'ont pu s'élever au niveau des dépenses, puisque les plantations d'arbres fruitiers n'avaient aucun rapport et qu'une partie du domaine n'était pas encore en état de culture. Les sommes que la caisse municipale a dû fournir, à titre de supplé- ment au crédit voté pour les dépenses de la colonie et pour excédant de ces dépenses sur les recettes réalisées en numéraire, présentent un total de 40,000 à 45,000 francs. Mais ces déboursés supplémentaires se retrouvent dans l'accroissement notable du fonds capital. La transformation du domaine assure à la ville un bénéfice qui dépasse les sommes employées en améliorations. Nous possédons à cet égard deux indications. Une expertise, du 15 novem- bre 1843, porte qu'à cette époque la valeur du sol avait augmenté de 106,481 fr. 62 c., c'est-à-dire qu'elle avait presque doublé. Les bâtiments ne pouvaient être évalués qu'au prix de construction On a procédé, en 1849, à une expertise nouvelle, dont voici les résultats : Valeur du sol en 1839. 145,501 fr. Id. en 1845. 251,985 » Id. le 17 mars 1849 401,572 » maire et à l'esprit éclairé du conseil municipal de la ville de Strasbourg, qui ont compris ce que cette création renfer- mait d'espérances et d'idées utiles. II. DESTINATION; POPULATION. — Nous avons vu que la colo- nie d'Ostwald avait été originairement affectée aux men- diants adultes. Elle a conservé cette destination pendant les six ou sept premières années, et, dans le rapport que nous avons rédigé en 1846, nous avons fait connaitre quels ont été, pendant cette période, son organisation, son régime et ses résultats. Ceux-ci, bien que satisfaisants à certains égards, ne compensaient pas cependant suffisamment les sacrifices faits par la ville pour l'établissement. Le mouve- séjour des colons, l'impossibilité de les former, pendant ce ment continu des entrées et des sorties, la durée limitée du court intervalle, à la discipline et aux travaux qui auraient pu, en réformant leurs habitudes, leur préparer un meil- leur avenir, toutes ces causes réunies défiaient les efforts de l'administration, et donnaient à la colonie bien plus le carac- tère d'un dépôt de mendicité et d'un asile, que celui d'une maison de correction et d'éducation. Aussi, dès 1845, avait- on soulevé le projet de transformer la colonie en ferme- école, et d'y admettre les jeunes indigents recueillis à la maison de refuge et placés en apprentissage chez des arti- sans de la ville. Ce projet, d'abord accueilli, fut ensuite abandonné pour un autre qui semblait présenter plus d'avantages. L'admi- nistration départementale proposa, en juillet 1847, de placer à la colonie, à titre d'essai, une vingtaine de jeunes détenus, qui devaient y être entretenus et y recevoir une éducation propre à en faire des cultivateurs laborieux et intelligents. La ville devait recevoir, à titre d'indemnité, 82 centimes par journée et par détenu; c'est le prix que le budget de l'État allouait pour l'entretien de ces jeunes pri- sonniers dans le département du Bas-Rhin. از L'administration municipale et le conseil acceptèrent cette proposition, et, proposition, et, dès le mois d'avril 1848, le nombre des jeunes colons, admis en vertu de la nouvelle convention, s'élevait déjà à 40; il fut porté à 50 au mois d'octobre de la même année, et, au mois de mars 1849, il s'élevait déjà à 70. Lors de notre visite, au mois de septembre 1850, était de 72, de l'âge de neuf à dix-huit ans. Il restait, en outre, 18 colons adultes qui avaient appartenu à l'ancien établissement et dont on avait cru pouvoir continuer à uti- liser les services. On a cependant l'intention de se débar- rasser peu à de cet ancien élément, et de porter, à peu Tout en admettant que cette dernière évaluation puisse être exagérée, il n'est pas moins vrai que les améliorations exécutées pendant cinq ans, de 1843 à 1849, ont augmenté partir de 1851, le nombre des enfants à 150. la valeur du domaine dans une proportion constante, et que, dans son ensemble, l'entreprise du défrichement et de la mise en culture de l'ancienne forêt, avec ses landes et ses marécages, a produit un bénéfice certain et considérable. Ce résultat est d'autant plus remarquable, que la colonie d'Ostwald n'a reçu aucune libéralité, ni du gouvernement ni des particuliers; elle doit son existence à l'initiative du III. DESCRIPTION des batiments. Au centre du fer à cheval formé par le jardin potager, s'élève la ferme, qui se com- pose de l'ensemble des bâtiments et des cours nécessaires à l'exploitation de la colonie. 4° Sur la face antérieure, au centre, se trouve le bâti- ment de l'économat, comprenant un pavillon au milieu et deux ailes. Il renferme un grand vestibule, servant aussi de FRANCE. COLONIE AGRICOLE D'OSTWALD. 79 commun et de salle à manger pour les domestiques et les gens de service salariés, le bureau du directeur, une grande cuisine avec four et chaudière de bain, et deux grandes salles, dont l'une sert de réfectoire et l'autre d'école. Le rez-de-chaussée est élevé à 1 mètre au-dessus du sol. La cave s'étend sous tout le bâtiment, et sert à conserver les légumes, les vins et les divers autres produits. Au premier étage, il y a quatre pièces pour le logement du directeur, et une grande pièce pour lingerie et dépôt d'habillements. Contre cette pièce se trouvent des greniers au-dessus des deux ailes. Le pavillon du milieu a en outre un grenier, dans lequel sont des chambres de domestiques. 2° Deux bâtiments servant de dortoirs. Ces deux bâti- ments, composés d'un rez-de-chaussée sans cave, mais élevé .à 4 mètre au-dessus de terre, ne contiennent qu'une salle chacun. Chaque salle, susceptible d'être divisée, est pour 50 colons. Les deux bâtiments sont surmontés de greniers pour serrer des grains et diverses denrées. Le comble est projeté avec une très-grande saillie pour servir à y suspendre et à y tenir divers produits à l'abri de la pluie, et en même temps pour préserver davantage les bâtiments. En 1850, on a ajouté à ces deux bâtiments deux autres bâtiments de même forme, qui renferment toutes les loca- lités nécessaires au logement de 75 nouveaux élèves et à des améliorations diverses. Cette addition permettra d'élever la population de la colonie à 150 ou 175 colons. La dépense qu'elle a occasionnée s'élève à 26,000 francs. 3° Deux étables, chacune propre à contenir quarante vaches; elles sont à deux rangs de bêtes, avec une allée au milieu pour la distribution des fourrages. Le toit a, sur les deux côtés, une forte saillie pour servir de hangar. L'une des deux étables sert, en partie, d'écurie, et, en outre, on y a provisoirement disposé des magasins. 4° Une grange renfermant trois aires à battre le blé, ayant le toit très-saillant, afin de pouvoir y abriter des voitures. et toutes sortes d'instruments et de denrées. 5° Deux petits bâtiments, l'un servant de toit à porcs et de bûcher, l'autre contenant la forge, l'atelier du charron et un hangar y attenant, servant aussi d'atelier de réparations. 6° Quatre petits pavillons d'habitation : le n° 4 pour l'in- stituteur; le nº 2 pour le personnel des gens salariés; le n° 3 pour le surveillant des bestiaux, et le n° 4 pour le sur- veillant des terres. Ces quatre pavillons sont placés de manière à pouvoir exercer une surveillance convenable sur la basse-cour, et en général dans toutes les directions de l'établissement. 7° La grande cour de la ferme. 8° Les deux basses-cours, avec deux grandes fosses à fumier et deux puits. Les diverses parties que nous venons de décrire, com- posant les bâtiments et cours de la colonie, sont entourées d'un large fossé qui en forme l'enceinte. Sur le devant de l'établissement se trouvent deux parties de vergers et de parterres comprises dans l'enceinte. Du côté du chemin de fer, cet enclos est bordé par un chemin d'exploitation qui longe toute la propriété de la colonie. Toutes ces constructions ont une étendue très-considéra- ble, et cependant elles n'ont pas coûté plus de 101,000 fr.. plus 26,000 fr. pour les nouvelles annexes. Aussi s'est-on attaché à combiner l'économie des matériaux avec l'élégance des formes. Les bâtiments ont été érigés d'après un système pratiqué déjà avec succès dans quelques comtés d'Angle- terre, et qui offre toutes les garanties de solidité et de durée. Ce système consiste à construire les cloisons en briques crues, que l'on récrépit à l'intérieur au lieu de les plâtrer, et que l'on garnit à l'extérieur de voliges, superposées à peu près comme le bordage de certains bateaux, et enduites d'une couche d'huile cuite. Toutefois, afin d'empêcher que les bâtiments soient atteints par l'humidité dans les parties inférieures, on a posé toutes les cloisons sur un soubasse- ment en maçonnerie d'environ 1 mètre de hauteur au-dessus du sol. TRA- IV. ADMINISTRATION, PERSONNEL, RÉGIME ET DISCIPLINE, VAUX, ÉCONOMIE. Le nombre des employés est de huit. savoir : 1° Le directeur, aux appointements de 1,500 francs, et sa femme chargée de la cuisine et de la lingerie; 2º Le jardinier, payé à raison de 400 francs, et sa femme chargée de la vente des légumes ; 3° L'instituteur et sa femme. Le traitement est de 600 francs: 4° Un charretier, au gage de 300 francs; 5° Un valet d'étable, au gage de 240 francs. A ces employés, sont adjoints : Un colon chargé des écritures; Cinq colons chargés de surveiller et de diriger les travaux des jeunes détenus. C'est par mesure d'économie, sans doute, qu'on a confié ces dernières fonctions à d'anciens mendiants qui étaient venus chercher un asile à la colonie. Le choix est assez étrange, et jusqu'ici on n'a eu guère lieu de s'en applaudir. Les colons surveillants manquent des qualités nécessaires pour conduire les enfants et leur inculquer de bons principes, et coopérer à l'œuvre de leur amendement par de bons exem- ples. La rétribution extraordinaire qu'on leur accorde est le plus souvent dépensée en boissons. La colonie ne sera vraiment constituée et ne donnera des fruits salutaires que lorsque l'on aura substitué aux anciens colons de véritables surveillants, capables et dignes à tous égards de remplir l'importante mission confiée à leur zèle età leur dévouement. Indépendamment des traitements fixes, dont le montant s'élève à 3,040 francs, les employés ont le logement, l'en- tretien et la nourriture; celle-ci est évaluée annuellement à 2,000 francs. Elle est fixée, par jour et par personne, 80 COLONIE AGRICOLE D'OSTWALD. FRANCE à 4 kil. de pain, 25 décagrammes de viande et 50 centi- litres de vin, outre les légumes, le lait et les autres denrées fournies par l'établissement. Les colons sont divisés, en ce qui concerne l'alimentation, en trois classes selon leur âge, dont la première reçoit ↑ kil. de pain par jour, la deuxième, 75 décagrammes, et la troi- sième, 50 décagrammes. La ration de viande est de 15 à 20 décagrammes, deux fois par semaine, et celle de vin de 40 à 20 centilitres, cinq fois par semaine. Ils ont en outre trois fois par jour des légumes. Chaque colon a son trousseau qui se compose de : 1 pantalon et 1 veste en drap ; 4 veste en cotonnade et 4 blouse bleue; 3 chemises : 4 casquette; 1 paire de bas; 2 paires de souliers; 6 paires de sabots. La durée de ces fournitures n'est pas encore réglée; nous estimons aussi qu'elles devront être complétées à quelques égards. Les enfants nous ont paru proprement tenus; leur uni- forme, quoique d'une grande simplicité, ne manque pas d'une certaine élégance. Le dimanche leur blouse est serrée par une ceinture de cuir fermée par une plaque en cuivre, portant les lettres C. A.; ces mêmes lettres sont répétées en lettres de cuivre sur leur casquette. L'été, la casquette est remplacée par le chapeau de paille. Le coucher se compose, pour chaque colon, d'un lit ou cadre en fer, une paillasse piquée, bourrée de varech, un traversin garni de paille, une couverture de laine en été, deux en hiver, et une paire de draps de lit renouvelée tous les mois. Dans chaque dortoir, deux surveillants logent avec les enfants; mais cette surveillance, exercée comme nous l'avons vu, par d'anciens mendiants, est loin d'offrir, selon nous, des garanties suffisantes. Les colons se lèvent à quatre heures et demie en été, et à cinq heures et demie en hiver; l'heure du coucher varie entre sept et huit heures, selon la saison. Ils ont deux heures d'école par jour. Le surplus de la journée est partagé entre les travaux et les récréations. L'instruction primaire comprend la lecture, l'écriture et le calcul; elle se donne exclusivement en français, bien que plusieurs colons ne parlent et ne comprennent que l'alle- mand. Un employé de l'architecte se rend chaque semaine à la colonie pour y donner des leçons de dessin linéaire, de géométrie pratique et d'arpentage. Il touche une indemnité annuelle de 200 francs. L'enseignement agricole est exclusivement pratique; les colons passent alternativement dans les étables, dans la grange, dans les champs, afin de se familiariser avec toutes les branches du service. On se propose de compléter cette partie de l'éducation par des leçons du vétérinaire sur T'hygiène des bestiaux. L'instruction religieuse est donnée par le curé d'Ostwald. Les colons assistent les dimanches et fêtes aux exercices religieux dans l'église de la commune. L'établissement ne reçoit que des catholiques; les jeunes détenus protestants du Bas-Rhin sont envoyés à la colonie protestante de Sainte- Foy, dans le département de la Dordogne. Le régime disciplinaire n'a rien de bien rigoureux. Les punitions se bornent d'ordinaire à la privation de récréation, des visites, des promenades au dehors, à la mise au pain et à l'eau, et, en cas de faute grave, ou d'incorrigibilité recon- nue, au renvoi dans le quartier d'éducation correctionnelle, qui forme l'une des divisions de la maison de sûreté de Strasbourg. Il n'y a pas au surplus à la colonie de règlement imprimé ni de comptabilité morale. Tout se borne à quel- ques notes prises par le directeur. Nous pensons que le comité de patronage institué à Strasbourg étend son action sur les enfants à leur sortie de la colonie. S'il en était autre- ment, il y aurait lieu de combler sans délai cette lacune et de pourvoir au placement des colons. La conduite de ceux-ci, pendant leur séjour à l'établisse- ment, laisse à désirer. Le directeur se plaint de leur indis- cipline. Les enfants de l'Alsace sont difficiles à conduire; leur caractère manque d'élasticité; ils ne comprennent pas le point d'honneur; la langue est aussi un obstacle à l'in- fluence salutaire à laquelle on s'efforce de les soumettre. On a essayé, comme à Mettray, de faire nommer les moni- teurs par les colons; cet essai n'a pas réussi, et l'on a remarqué que les choix se portaient d'ordinaire sur les moins méritants. Pour écarter ces embarras, peut-être con- viendrait-il de dépayser les jeunes délinquants alsaciens et d'opérer leur échange avec des enfants appartenant à d'au- tres parties de la France. Ce serait aussi le moyen de les soustraire au contact de leurs familles, qui est souvent défa- vorable à leur correction, et de leur ôter la tentation de s'évader de la colonie pour rentrer dans leurs foyers. Sur une population habituelle de 70 à 75 colons, il y a eu huit évasions en 1849, et, en 1850, il y en avait déjà eu onze pendant les huit premiers mois de l'année. Les évadés, lors- qu'ils sont repris, sont renvoyés en prison. L'état sanitaire est généralement satisfaisant. Les colons malades sont transférés soit à l'infirmerie du quartier d'édu- cation correctionnelle de la prison, soit à l'hôpital civil de Strasbourg. L'établissement est administré en régie. Les fournitures sont faites par soumissions cachetées; le pain, la viande, la graisse, le vin, etc., s'achètent ainsi au dehors; la colo- nie ne se fournit à elle-même que les légumes, les pommes de terre, les fourrages, et le prix de ces articles est porté en compte au taux des mercuriales du marché de Stras- bourg. L'établissement vend le surplus de ses produits en froment, seigle, orge, pois, haricots, légumes, bestiaux, lait; ce dernier article surtout est une abondante source de revenu; on l'envoie deux fois par jour à la ville: la recette de ce chef s'est élevée, en 1843, à 1,565 francs; en 1844, FRANCE. 81 COLONIE AGRICOLE D'OSTWALD. à 5,452 francs; en 1845, à 7,399 francs; en 1846, à 7,053 francs: en 1847, à 6,507 francs; en 1848, à 5,920 francs. En 1849, cette recette a été réduite à 2,500 francs. Mais on a pris des mesures pour la rele- ver en substituant aux anciennes laitières trop âgées un troupeau de jeunes vaches suisses du Simmenthal qui pro- met de beaux produits. Le prix moyen du litre de lait est coté à 12 ½ centimes. 2 La comptabilité est tenue conformément aux instructions qui régissent la comptabilité communale, et centralisée dans les bureaux de la mairie. Le directeur est chargé de toutes les écritures qui se font à la colonie, et il n'a à cet effet d'autre aide que celle que peuvent lui prêter les colons. Une commission spéciale, choisie tous les ans au sein du conseil municipal, exerce une haute surveillance sur la colo- nie, et communique à l'administration ses vues et le résultat de ses observations. En outre, l'un des adjoints du maire, M. Boersch, est spécialement chargé de veiller à ses intérêts et de présider à sa gestion. Le directeur, M. Krauss, remplit ces fonctions depuis l'origine de l'établissement, avec un zèle et un dévouement dignes d'éloges. L'aspect général des cultures de la colonie est satisfaisant; les fossés et les chemins sont bien entretenus. Les terres sont soumises à un système d'assolement qui embrasse une pé- riode de quatre ans. La production des fourrages y joue un rôle important; cependant, comme leur qualité est d'une nature inférieure, on a résolu de les mettre en vente et d'acheter d'autres fourrages d'une qualité supérieure pour l'alimentation des bestiaux. Le potager donne d'abondants produits, et peut être considéré comme l'un des plus beaux de l'Alsace. er le Les étables, l'écurie et la basse-cour contenaient, lors de notre visite, au 1º septembre 1850, 10 chevaux, 24 vaches, 1 taureau, 42 moutons, 8 porcs, 100 lapins et une cin- quantaine de poules. On compte que chaque vache laitière donne, en moyenne, 4 litres de lait par jour ou 1,460 litres par an. A raison de 12, centimes le litre, on voit que produit de chaque vache est de 182 fr. 50 c. annuellement, outre le fumier. Les veaux sont vendus d'ordinaire à quinze jours, au prix de 20 à 30 francs. On ne trouve pas d'avan- tage à engraisser les porcs. Les recettes provenant de la vente des produits de l'étable et de la basse-cour sont évaluées à 850 francs pour l'année 1850. Les œufs seuls figurent dans le total pour 200 francs. lui Jusqu'en 1849, une partie des travaux de labourage s'était faite au moyen de bœufs. Ce système, recommandé des par agronomes instruits, présente en effet d'incontesta- bles avantages; à la colonie, cependant, on a fini par trouver des inconvénients sérieux. Le domaine est fort étendu, d'une forme irrégulière; les terrains labourables sont en général fort éloignés du siége de l'exploitation; de plus, la colonie est obligée non-seulement de transporter ses produits à Strasbourg, à une distance de 6 kilomètres, mais encore d'y chercher des provisions, son bois, ses engrais. De là découle la nécessité de fréquents voyages. auxquels les attelages de bœufs ne pouvaient suffire. On s'est donc décidé à les remplacer par des chevaux. L'agriculture, comme nous l'avons dit, forme la base du travail des colons. On s'est borné à y rattacher quelques petits ateliers indispensables à l'exploitation. A cet effet . l'établissement a engagé deux ouvriers, un charron et un tailleur, qui dirigent chacun un certain nombre de colons. Les salaires des colons sont portés au budget de 1850 pour une somme de 1,500 francs. Le minimum de ces sa- laires est de 10 centimes par jour; les colons adultes, com- mis à des services de surveillance ou à des travaux d'ateliers, touchent de ce chef des hautes payes, qui peuvent s'élever à 3 ou 10 francs tous les quinze jours. L'administration municipale a affecté en outre une somme de 200 francs pour la distribution, tous les six mois, de dix livrets de la caisse d'épargne, de 40 francs chaque, aux colons les plus méri– tants. Malheureusement jusqu'ici l'occasion ne s'est pas encore présentée de décerner aucune de ces récompenses. V. RECETTES ET DÉPENSES ANNUELLES.-Sous l'ancienne orga- nisation, les dépenses de la colonie ont constamment dépassé ses recettes; mais il est vrai d'ajouter que cet excédant a été plus que compensé, comme nous l'avons vu, par la plus- value de la propriété. En 1843, les frais d'entretien, par jour et par colon, se sont élevés à 65 centimes; ils ont été de 60 centimes en 1844, et seulement de 56 centimes en 1845. D'après le budget de 1850, voici quelles sont les évalua- tions des recettes et des dépenses pour la colonie trans- formée : A. — RECETTES . 1. — Recettes ordinaires en argent. fr. C. fr c. Lait. 4,000 00 4. Produit des étables, de la bergerie et de la basse-cour. Vente de bestiaux et autres ani- maux 1,200 00 Saillies.. OEufs 50.00 • 200 00 500 00 5,450 00 Légumes Pommes de terre.. 3,000 00 2. Produit des terres. Blés. • 4,500 00 Graines fourragères; divers. 400 00 • 8,100 00 3. Pensionnaires Pensions des jeunes détenus. 20,500 00 Trousseaux des mêmes 2,000 00 Pensions de trois élèves agro- nomes. 465 50 22,965 50 Location de la chasse, suivant bail. Vente de matériaux 475 00 100 00 275 00 4. Produits divers. II. Recettes extraordinaires en argent. Vente de bestiaux pour renouvellement des étables 1,200 00 1,200 00 11 $2 COLONIE AGRICOLE D'OSTWALD. FRANCE. - III. Recelles en nature. fr. C. fr. C. Lait. 4. Produit des étables et de la bergerie. Laine . 100 00 100 00 4. Consommation des hommes. Fumier. 4,000 00 4,200 00 Légumes. 3,000 00 2. Produit des terres. Pommes de terre 3,000 00 Fourrages 10,000 00 animaux. Semences. 2,000 00 48,000 00 3. Produits divers non ( Fumier cherché en ville récoltés à la colonie. Combustible. 1,000 00 500 00 III. — Dépenses en nature. Économat (12 personnes). Colons et jeunes détenus (100 personnes). Chevaux (10). 2. Consommation des Bœufs (4 pendant deux mois). Vaches,génisses et taureaux (30). Porcs (12) Moutons (40). 3. Consommation des ( Semences. fr.. C. 600 00 fr. · 4,500 00 5,100 00 4,000 00 200 00 6,000 00 400 00 ► 1,000 00 41,600 00 4,500 00 terres. Fumier 2,000 00 5,000 00 RÉCAPITULATION. 7,000 00 fr. C. Recette ordinaire en argent 36,790 50 RÉCAPITULATION. fd. extraordinaire en argent Id. en nature (pour ordre). 1,200 00 23,700 00 fr. C. Id. Total.. 61,690 50 id. Dépenses ordinaires en argent. extraordinaires en argent. eu nature (pour ordre). 27,720 30 3,231 00 • 23,700 00 : B. DÉPENSES. Total.. 56,651 35 fr. C. fr. C. 1. Dépenses. ordinaires en argent. BALANCE, Traitements des employés. Entretien des bâtiments. Nourriture id. • • 3,260 00 2,000 00 500 00 Entretien du mobilier et des ▸ 1. Économat et frais literies. Entretien des instruments ara- toires; voitures Contributions. 500 00 • • généraux. Prestation en nature pour l'en- tretien des chemins vicinaux. Assurances contre l'incendie.. Bois de chauffage (pour mé- moire). . Luminaire et dépenses acces- soires • Frais de bureau . Manipulation et frais de vente • 800 00 600 00 7470 137 65 >>> >> 500 00 200 00 1 de grains.. 150 00 Nourriture. • • 8,000 00 Habillement et coucher. Chaussure Blanchissage 4,000 00 4,000 00 500 00 2. Colons et jeunes Dépenses pour l'enseignement. 300 00 détenus. Entretien des jeunes détenus à l'hôpital civil. Salaires des colons, 500 00 1,500 00 Gratifications aux jeunes dé- tenus 200 00 Nourriture. 1,000 00 Abonnement du vétérinaire. 300 00 3. Bestiaux.. Médicaments Ferrure 100 00 • 450 00 Semences.. Achat d'arbres 500 00 500 00 4. Terres.. Fumier cherché en ville; frais de vidange et autres * Location de terres. 180 00 98 00 11. Dépenses extraordinaires en argent. Achat de bétail pour le renouvellement des étables. Id. de chevaux Améliorations du domaine Dépenses imprévues. • 1,000 00 731 00 1,500 00 2,000 00 8,722.35 16,200 00 1,550.00 1,248 00 5,231 00 Les recettes de toute nature s'élèvent à Les dépenses à · fr. C. 61,690 50 -56,651 35 3,039 15, qui re- Partant, il y a un excédant de recette de présente le loyer du domaine ou l'indemnité du propriétaire. Si l'on additionne les dépenses de l'économat, et les dé- penses en argent et en nature pour l'entretien et la nourri- ture des colons et des jeunes détenus, on a un total de 30,022 fr. 35 c. Cette somme, répartie sur un nombre de 100 colons et jeunes détenus, donne pour chacun une dépense annuelle de 300 francs, soit 82 centimes par tête et par journée. Ce taux a été maintenu pour les détenus admis avant le 4 janvier 1849; mais, pour ceux placés depuis cette époque, la pension payée par le gouvernement a été réduite à 70 centimes par journée d'entretien, plus une somme de 70 francs, en deux annuités, pour le trousseau. ог La transformation que l'on a fait subir à la colonie d'Ost- wald a mis un terme au seul essai, fait en France, pour l'occupation des mendiants adultes aux travaux agricoles. Sous ce rapport, on peut regretter peut-être que l'œuvre entreprise par la municipalité de Strasbourg, en 1844, n'ait pas été poursuivie. Il ne reste plus dès lors, en Europe, que les colonies de Hollande et le dépôt de mendicité d'Hoog- straeten, dans la province d'Anvers, où l'on puisse appré- cier, jusqu'à un certain point, les résultats de l'emploi des mendiants et des vagabonds au défrichement et à la culture. Comme colonie pénitentiaire, Ostwald n'en est encore qu'à ses commencements, et il est impossible d'émettre un jugement à cet égard. Beaucoup reste à faire pour organiser l'établissement, particulièrement au point de vue de la mora- lisation des jeunes colons; le personnel chargé de la sur- veillance doit absolument être épuré et amélioré, et nous savons que l'administration s'occupe de ce soin; d'utiles combinaisons pourraient être introduites, comme à Mettray, FRANCE. COLONIE AGRICOLE DU PETIT-QUEVILLY. 83 le classement et la division, et pour stimuler l'émula- pour tion et le zèle des élèves. Le parti à tirer, à cet effet, des nouveaux locaux n'a pas été peut-être assez étudié; à Met- tray, comme au Val d'Yèvre et dans d'autres établissements du même genre, les dortoirs servent en même temps de réfectoires, de chauffoirs, d'écoles et même de chapelle. Si l'on introduisait des dispositions analogues à Ostwald, il serait facile d'y admettre 250 à 300 jeunes colons. V. · Colonie du Petit-Quevilly, près de Rouen. (Seine-Inférieure.) La colonie du Petit-Quevilly a été fondée, en 1842, par M. Lecointe; elle comprend environ 28 hectares de terre, entourés de murs, au centre desquels se trouvent groupés l'habitation du directeur, celle de l'aumônier, le bâtiment occupé par les colons, une étable pouvant contenir 12 têtes de bétail et une petite porcherie. Le bâtiment des colons se compose d'un réfectoire, d'un local d'école, de trois dortoirs, de deux ateliers, d'une cuisine, d'une buanderie, etc. Il peut contenir 150 enfants. Il y a de plus, à quelques mètres de là, une chapelle qui fut construite en 1182, au retour des croisades, pour les filles nobles lépreuses; les travaux de réparation et d'entre- tien que l'on a fait subir à cette vieille construction l'ont mise en état de servir à la célébration du culte. Toute cette propriété appartient à M. Lecointe, qui la loue à la colonie moyennant 5,000 francs par an. Secondé par la Société de patronage pour les jeunes détenus, établie à Rouen, M. Lecointe, pour arriver à la fondation de son œuvre, fit un appel à ses concitoyens. Le produit d'une souscription le mit à même de commencer ses travaux, et, dès le mois de septembre 1842, il fut autorisé à prendre 6 enfants à la prison de Bicêtre, à Rouen. Cette population fut portée au double quelque temps après, et se maintint à ce chiffre pendant plus de deux ans. Ce ne fut que vers la fin de 1844, qu'écartant les obstacles qui lui avaient été opposés, M. Lecointe put donner une plus grande importance à son institution; il lui fut permis d'aug- menter successivement le nombre de ses colons, dont le chiffre est aujourd'hui de 150 environ. Tous appartiennent à la catégorie des jeunes délinquants frappés par l'art. 66 du Code pénal, et, comme à Mettray, à Petit-Bourg, etc., le gouvernement paye leurs frais d'entretien à raison de 70 centimes par jour et par tête; il accorde, en outre, 70 francs pour le trousseau de chaque enfant à son entrée. La population comprend quatre divisions: Division de punition; d'épreuve ; >> >> de récompense; >> de réhabilitation. Pour passer du tableau de punition à celui d'épreuve, et du tableau d'épreuve à celui de récompense, il faut n'avoir pas eu une seule mauvaise note pendant deux mois. Il faut être resté à l'abri de tout reproche, pendant six mois consé- cutifs, pour être porté au tableau de réhabilitation. Les colons, rangés dans cette dernière catégorie, ont seuls le droit d'aller en ville, de travailler au dehors pour compte des particuliers, et d'occuper un grade en raison de leur conduite. C'est par l'application du système de notes que les colons sont classés dans ces quatre divisions. La couleur du collet de la blouse sert à les distinguer entre elles; les colons inscrits au tableau de punition portent le collet jaune; nous avons remarqué que le nombre de ceux-ci était fort res- treint. Le collet bleu appartient à la division d'épreuve le collet rouge est le signe distinctif de la division de récom- pense; les colons qui figurent au tableau de réhabilitation ne portent pas de collet. Les récompenses sont les suivantes : Les bonnes notes; Le tableau de récompense; Le tableau d'honneur et de réhabilitation: Le droit de nommer les chefs; Les grades ; La permission de travailler au dehors; La permission de faire les commissions en ville; La demande au gouvernement pour obtenir le placement avec libération. Les punitions sont : Les mauvaises notes; La suspension du grade; La descente à un grade inférieur : La dégradation si le colon est au dernier grade; Le renvoi dans une division inférieure ; La privation de récréation ; L'interdiction de la visite des parents; L'inscription au tableau de punition, avec l'application du collet jaune ; La mise au pain et à l'eau; Le renvoi à la prison. Les punitions sont infligées par un jury, composé des enfants dont les noms sont inscrits sur les tableaux de récom- pense et de réhabilitation. La cellule est inconnue, et toute punition corporelle est bannie du règlement. Chaque dimanche, après la messe, a lieu en public l'exa- men de conscience; les contre-maîtres font leurs rapports en présence des enfants, qui sont appelés, s'il y a lieu, à se justifier, et qui reçoivent, selon les cas, les récompenses ou les punitions. Les colons sont généralement occupés à la grande horti- culture qui est plus profitable à l'établissement que tout autre mode de culture, et permet à la direction de former des jardiniers dont le placement est facile. La plus forte partie 84 COLONIE AGRICOLE DU PETIT-QUEVILLY. FRANCE. des produits est consommée dans la colonie; le surplus, con- sistant en légumes, fruits et lait, est envoyé au marché de Rouen. Le matériel agricole est peu important, et se compose des instruments nécessaires au labourage des terres et à la culture des jardins. A la fin de 1849, il y avait à la colonie, en fait d'animaux domestiques, 4 chevaux de trait, 9 vaches, 3 truies et 4 verrat. Indépendamment des colons agriculteurs, 9 enfants sont employés comme tailleurs-ravaudeurs; 4. 155 22 >> >> )) 10 X >> comme cordonniers; >> comme charrons et menuisiers: comme tisserands; sont préposés à la cuisine et à la buanderie. Deux femmes, prises à la journée, assistent les enfants aux travaux de la buanderie, trois jours de la semaine. Il n'y pas de fileurs; la direction achète la trame et la chaîne nécessaires à la confection de la toile de la maison. repas La durée du travail est de huit heures par jour; les et les récréations prennent trois heures; il y a de plus, en moyenne, deux heures d'école. L'instruction élémentaire comprend la lecture, l'écri- ture, les quatre règles de l'arithmétique, le dessin linéaire; on initie de plus quelques enfants à la physiologie végé- tale. Les colons qui savent lire, écrire et calculer, assistent aussi, de jour à autre, à un cours de géométrie appliquée aux arts et métiers, et à un cours raisonné de taille des arbres fruitiers. Un des contre-maîtres enseigne le plain- chant. Sur 360 enfants admis à la colonie depuis sa fondation, 188 ne savaient ni lire ni écrire, 32 savaient un peu lire, 40 savaient assez bien lire et un peu écrire. Le directeur a constaté que les enfants intelligents sont en petit nombre; 15 sur 100 font des progrès; 45 sur 100 ne se sont déve– loppés que deux ou trois ans après leur arrivée à la colonie, et après avoir atteint l'âge de seize ou dix-sept ans. Les autres atteignent l'époque de leur libération sachant un peu lire; mais, en général, la plupart deviennent des ouvriers courageux, capables de gagner leur vie. Contrairement à ce qui a été constaté à Mettray, à Petit-Bourg et dans d'autres établissements analogues, on remarque que les colons du Petit-Quevilly préfèrent généralement le travail des champs et des jardins aux travaux industriels. L'état sanitaire de la colonie est ordinairement très- satisfaisant; M. Lecointe assure qu'il n'a jamais eu plus d'un malade à la fois; c'est à cause de cette circonstance heu- reuse qu'il n'y a pas d'infirmerie: un lit est monté dans l'atelier des tailleurs-ravaudeurs; le malade qui l'occupe est soigné par un de ses frères. Depuis la création de l'établisse- ment, par conséquent dans un espace de sept ans, 4 enfants seulement sont morts, et encore faut-il attribuer ces décès. à l'état de délabrement dans lequel se trouvaient les enfants décédés à leur arrivée de la prison. Le médecin chargé du service sanitaire, M. le docteur Grout, gendre du directeur, donne ses soins gratuitement; les médicaments sont fournis par un pharmacien de Rouen, au prix coûtant. L'instruction religieuse est confiée à un ecclésiastique qui demeure dans l'établissement, et qui reçoit en sus de la jouissance de son habitation et d'un potager, un traite- ment annuel de 1,200 francs. Les colons font trois repas: à neuf heures, à une heure et à cinq heures. Ils ont, par jour, 75 décagrammes de pain de froment, de litre de cidre, de la soupe, un potage, et deux fois la semaine de la viande, dans la proportion de 125 grammes par tête. Le prix de la nourriture ne revient, en ce moment, qu'à 25 ou 26 centimes par jour et par colon. Les colons portent uniformément la blouse grise avec ceinture de cuir; le pantalon de toile de deux couleurs, comme à Petit-Bourg, le béret. Pendant l'hiver, ils reçoi- vent, comme supplément,, un caleçon et une veste de dessous. La population est divisée en trois pelotons; à la tête de chacun d'eux se trouvent un sergent-major, un sergent et un caporal. Cette indication suffit pour faire apprécier le système de discipline en usage, lequel, comme on le voit, est purement militaire; les mouvements se font au son du tambour; il y a de plus quelques instruments de cuivre pour former une fanfare. Le personnel des employés se compose : 1° D'un aumônier, à • 2º D'un contre-maître surveillant les travaux des champs, à 3. D'un contre-maitre charpentier, à . 4º D'un employé à la lingerie, à . 5º D'un contre-maitre jardinier, à 6º D'un surveillant de nuit, à fr. 1,200 1,000 800 550 1,000 400 Tous sont logés à la colonie; le surveillant de nuit reçoit en outre la nourriture. M. Lecointe père s'est réservé les fonctions de direc- teur, de chef des travaux horticoles et d'instituteur prin- cipal. M. Lecointe fils, remplit celles de sous-directeur inspec- teur, d'agent comptable et d'instituteur adjoint. Madame Lecointe est chargée de l'économat. Finalement, M. Grout, gendre de M. Lecointe, fait le ser- vice sanitaire. Les colons, à leur sortie, reçoivent quelques secours pour faire face à leurs premiers besoins. A l'aide du pécule que quelques-uns gagnent au dehors pendant leur séjour à la colonie, on leur forme une masse qui peut s'élever à 50 fr., et dont le chiffre, abandonné à la discrétion du directeur, est fixé d'après la conduite et le travail de l'enfant, et d'après la situation de la caisse. C'est au directeur qu'est abandonné le soin de pourvoir au placement et au patronage des libérés. Malheureusement ses nombreuses occupations ne lui permettent pas de les FRANCE. 85 FERME-COLONIE DE FONTEVRAULT. suivre au dehors, comme il le désirerait, et de constater ainsi les résultats de l'éducation qu'ils ont reçue à l'établis- sement. Cependant, d'après les renseignements qu'il a pu recueillir à cet égard, il estime que 6 sur 100 sont incorri- gibles, que 15 sont douteux, et que les autres se conduisent d'une manière satisfaisante. Depuis la fondation, 85 colons ont été libérés. Sur ce nombre, 6 sont devenus jardiniers-arboriculteurs, 16 domes- tiques et garçons de ferme, 11 manoeuvres-ouvriers chez leurs parents, 1 ouvrier maçon, 4 cordonniers, 2 menui- siers, 2 tailleurs d'habits, 4 ouvriers de fabrique, 4 mili- taires, 5 marins; 30 n'ont pas donné de nouvelles depuis leur libération. Le placement est assez facile; cependant beaucoup de placements ne peuvent avoir lieu, parce qu'on ne peut dis- poser des enfants avant le terme fixé les tribunaux pour leur sortie. par Le fondateur de la colonie pense que, dans l'intérêt du trésor, des enfants et de la colonie, il serait très-avantageux que le directeur fût autorisé, dès qu'une occasion favorable se présente, à placer les enfants moralisés, sachant assez bien lire et écrire, et connaissant un état. Un retard seule- ment d'un mois suffit pour faire manquer l'occasion d'un placement très-convenable. Il serait bon aussi que l'on pût rendre les enfants à leur famille, lorsqu'il est reconnu que les parents sont honnêtes et qu'ils peuvent les recevoir. Il y aurait encore un moyen de placement utile au pays et aux enfants, orphelins ou naturels ce serait de les autoriser à s'engager dans l'armée ou la marine dès l'âge de dix-huit ans, même avant l'époque de leur libération, s'ils se ren- daient d'ailleurs dignes de cette faveur par leur bonne conduite. Dans le courant des sept années depuis sa fondation, la population moyenne de la colonie a été de 77 enfants. Il y a eu 197,744 journées, qui ont donné lieu à une dépense totale de 207,909 fr. 74 c., soit 1 fr. 06 c. 93 m. par journée et par tête d'enfant. Le détail de ce dernier chiffre est assez intéressant pour que nous le donnions ici: Loyer de sept années, par jour. Nourriture. Vêtement et coucher Blanchissage Chauffage et éclairage. Instruction scolaire fr. c. m. 01492 0 31 70 0 11 76 Aux dépenses il faut ajouter : Indemnité accordée au locataire Dépenses de constructions. Total. fr C. 10.000 00 59,272 00 69,272 00 Laquelle somme, ajoutée aux dépenses des colons, 207,909 74 donne une dépense totale de. 277.181 74 Cette dépense a été couverte au moyen des recettes suivantes : Reçu du gouvernement pour 197.714 journées de pré- sence, partie à 80 c. et partie à 70 c. Reçu du gouvernement pour indemnité de trousseaux Subventions des ministères de l'intérieur et de l'instruc- tion publique... Subventions du département et de la ville de Rouen. Dons des particuliers, du jury, de la Société de patro- nage et de la banque de Rouen. Recettes intérieures : récoltes, ateliers, journées. • Total. fr. 157,169 50 16,665 00 24,600 00 9,000 00 55,144 46 25,038 45 287.617 41 La balance des recettes et des dépenses donne un boni de 10,435 fr. 10 c. VI. Ferme-colonie de la maison centrale de Fontevrault. (Maine-et-Loire.) La ferme de Mestré, affectée aux jeunes détenus de la prison centrale de Fontevrault, est située à 2 kilomètres de cet établissement. Elle comprend 60 hectares, et a été louée. en 1842, au prix de 6,500 francs l'an. Les travaux faits depuis l'occupation ont considérablement amélioré l'état des terres. Celles-ci sont divisées de la manière suivante : Labour. Potager. Prairies naturelles Vignes. Bois. • Hect. Ares. 34 65 4 14 00 5 50 15 66 → 2 10 0 02 06 0 02 89 0 00 90. Id. professionnelle 0 02 55 id. religieuse. 0 00 49 Maladies. 0 00 20 Frais d'administration. 0 16 72 Frais d'impression. 0 01 83 Entretien du mobilier, des classes, réfectoires, dortoirs 0 04 08 Assurances et contributions. 0 02 25 Achat du mobilier. 0.12 38 Trousseaux; secours aux libérés 0 02 20 Total. 1 06 93 Le terrain de la colonie s'incline légèrement en pente vers le levant; il est traversé par des eaux vives et abon- dantes, dont une partie jaillit du sol, et par un ruisseau qu'alimente la fontaine d'Evrault, placée au centre de la maison centrale. Ces divers affluents, après avoir décrit des sinuosités, réunissent leurs eaux dans trois larges bassins. Elles sont employées à l'irrigation des prairies et du potager, et font mouvoir un moulin à blé. Le nombre des enfants envoyés de la maison centrale à la ferme est de 60. Tous ces enfants sont logés à la prison: 86 FERME-COLONIE DE FONTEVRAULT. FRANCE. ils arrivent au jour et partent à la nuit; ils apportent avec sente, pour 1846 et 1847, un léger bénéfice. En voici le eux des vivres pour la journée. L'école se tient l'été à la ferme, et l'hiver à la maison de détention. Le personnel de la ferme se compose : 4° D'un gérant-instituteur agricole. Ces fonctions sont remplies par M. Marquet, qui remplissait il y a peu de temps, l'emploi de chef de culture à la colonie de Mettray; 2º De six gardiens-ouvriers chargés de l'agriculture et des attelages. L'établissement a 5 chevaux, 5 vaches à lait, 4 élèves et 20 pores. Chaque vache donne, en moyenne, 7 litres de lait par jour. La majeure partie des engrais est fournie par la maison centrale; leur quantité est d'environ 6,400 hectolitres par an, qui servent à fumer 40 hectares seulement. Ces 6,400 hectolitres d'engrais humain ne sont comptés à la ferme qu'à raison de 700 francs, soit 10 centimes l'hecto- litre, indépendamment des frais de transport. Le bas prix de ces engrais explique en partie les résultats favorables de l'exploitation, dans les dépenses de laquelle on ne fait en outre pas figurer les journées de travail. Les enfants employés à la ferme sont presque tous âgés de quatorze à quinze ans; ils sont généralement chargés de tous les travaux; 28 battaient en grange au moment de notre visite. Les blés sont coupés à la faucille; la houe à deux dents sert au labour de la terre et à l'enlèvement des pommes de terre et des racines. L'assolement est de la plus grande sim- plicité; le froment et les cultures sarclées se succèdent alter- nativement. Indépendamment des enfants battant en grange, il y avait 15 enfants occupés à défoncer à la houe, 8 au potager, 3 charretiers, 1 vacher, 1 porcher, 1 charron, 1 cuisinier, 4 porteur de lait et 1 occupé au fumier. On estime que le travail d'un enfant est suffisant pour 1 hectare, et qu'il suffirait même pour 2 hectares si les terres étaient bien aménagées. Les bâtiments de l'exploitation ne présentent rien de re- marquable. Comme ils n'appartiennent pas à l'État, on y a fait le moins de dépense possible. Une pièce d'une grandeur suffisante sert tour à tour de réfectoire et d'école. Le dépôt d'outils et d'instruments aratoires est parfaite- ment disposé, et peut servir de modèle. Il y a de belles et vastes caves pour les vins récoltés sur la ferme. Les principaux produits du sol sont les céréales, le colza, le vin, les fourrages, les pommes de terre, les légumes de toute espèce. Le potager de la colonie suffit largement à la consommation en légumes de 1,800 condamnés que ren- ferme la maison centrale. Nous avons remarqué un superbe champ de citrouilles, dont plusieurs pesaient plus de 150 livres, Ces fruits servent à l'alimentation du bétail. Le compte des recettes et des dépenses de la ferme pré- résumé : 1946. Recettes et inventaire de l'annéc Dépenses et inventaire de l'année précédente. Différence en bénéfice. fr. C. 52,075 70 44,658 66 7,447 04 Il y a eu 17,741 journées, soit 41 977/1000 centimes de bénéfice par journée. Le coût effectif de la journée n'est que de 39 34/100 centi- mes; le bénéfice net a été de 467 francs, ou 2 637/1000 cen- times par journée. 1847. Recettes et inventaire de l'année Dépenses et inventaire de l'année précédente. Différence en bénéfice. fr. 51,097 61 C. 41,220 72 9,876 89 y a eu 19,061 journées. Le bénéfice de la journée a donc été de 51 817/1000; la dépense effective par journée ayant été de 45 94/1000 centimes, le bénéfice net s'est élevé à 1,284 fr. 45 c., ou 0,06 72/1000 par journée. Pour expliquer ce résultat, il faut tenir compte: 1° du bas prix des engrais fournis par la maison centrale; 2° de ce que le travail des enfants n'est pas compris dans la dé- pense; 3° de ce que les enfants employés à l'agriculture comptent dans la population générale de la prison de Fon- tevrault, et par conséquent ne supportent qu'une très-faible partie des frais généraux, de surveillance, d'administration, qui seraient incontestablement beaucoup plus élevés, si la ferme de Mestré formait un établissement séparé; 4° enfin du taux auquel sont portées les denrées fournies par la ferme à la maison de détention. D'après d'autres évaluations que nous trouvons dans la notice de MM. de Lamarque et Dugat, les dépenses et les recettes de l'exploitation de Mestré se seraient balancées en 1849, en laissant un déficit de 452 francs. La même année, la journée d'entretien se serait élevée à 78 c. 83 m, dont : c. m. > 37 36 pour nourriture, entretien, blanchissage, éclairage, etc. instruction professionnelle. 11.00 25 00 4 50 0.24 0 73 frais de surveillance. entretien des bâtiments, du mobilier, etc. impôts, prestations. frais de bureau, de ménage, objets divers. La plus-value des terres, depuis l'occupation de la ferme. est considérable; mais elle est complétement perdue pour l'Etat, qui, simple fermier, n'aurait droit, à la fin du bail, à aucune indemnité. Il est question de transporter la colonie de la prison sur un vaste terrain de plus de 300 hectares, situé dans les environs et qui fait partie d'une ancienne forêt. Ce terrain serait pris à bail à un prix modéré, avec faculté d'achat dans un délai déterminé. Un projet rédigé à cet égard par le FRANCE. COLONIE DE GAILLON. directeur de la maison centrale est soumis à l'appréciation du département de l'intérieur. L'extension donnée par ce projet à l'exploitation agricole aurait pour but d'occuper aux travaux de l'agriculture tous les enfants renfermés dans la maison centrale. VII. · Ferme-colonie de la maison centrale de Gaillon. (Seine-Inférieure.) Les bons résultats que le gouvernement a obtenus de l'ad- jonction, à la maison centrale de Fontevrault, d'une exploi- tation agricole pour les jeunes délinquants, l'a déterminé récemment à étendre la même mesure à la prison de Gaillon. Sur une population totale de 1,500 détenus, ce dernier établissement renferme, en moyenne, 500 garçons de douze à dix-huit ans. La mesure présentait donc un caractère d'autant plus utile qu'elle devait être appliquée à un nombre d'enfants beaucoup plus considérable. • Bientôt une ferme fut trouvée et louée; située à 3 kilo- mètres de la maison centrale, elle comprend environ 92 hec- tares, livrés exclusivement au labour; les terres sont d'une bonne qualité, et sont entretenues et améliorées à l'aide des engrais provenant de la prison. Les bâtiments, très-restreints et fort mauvais d'ailleurs, ne pouvant servir à leur nouvelle destination, force a été à l'administration d'aviser aux moyens de les remplacer. L'achat d'une parcelle de terrain (81 ares) l'a tirée d'embarras; il lui a permis d'ériger, dans un style simple et économique, un bâtiment régulier. L'aile princi- pale comprend tous les locaux nécessaires au service pro- prement dit des enfants: cuisine, réfectoire, école, dortoirs, chambres pour les surveillants; deux avant-corps renfer- ment les étables, les écuries, les magasins, les greniers, la grange, la laiterie. Le tout venait d'être achevé, lors de notre visite, et l'on prenait les dispositions pour l'occuper définitivement. Au 12 septembre 1849, 137 enfants étaient employés aux travaux de la culture; logés à la prison, ils en partent le matin pour y rentrer à la nuit; les vivres pour la journée leur sont fournis par l'établissement principal. Ils sont divisés en escouades, dont les chefs sont désignés par le directeur Les punitions sont celles déterminées par les règlements généraux de la maison centrale. Cinq bonnes notes donnent droit à l'admission à une table d'honneur. Le directeur n'ap- prouve pas ce système de récompense, qui n'a été appliqué jusqu'ici qu'à titre d'essai, et qu'il ne tardera pas à aban- donner pour le remplacer par un système mieux en har- monie avec le but de l'institution. Il n'y a d'autre personnel que 6 gardiens, dont 2 restent chargés la nuit de la garde de la ferme. Avec l'occupation du nouveau bâtiment, doit avoir lieu - COLONIE DU MESNIL-SAINT-FIRMIN. 87 l'organisation d'un service régulier : les jeunes détenus em- ployés à l'agriculture seront logés à la ferme, où l'instituteur de la maison centrale se rendra journellement pour leur donner l'instruction scolaire. Un agent particulier sera chargé de la direction de la partie agricole. Il sera établi un ordre de roulement, d'après lequel tous les enfants de la prison pourront passer alternativement aux travaux des champs. Nous voyons, dans la notice de MM. de Lamarque et Dugat, que la ferme était occupée au mois de mars 1850; elle renfermait 96 enfants, placés sous la surveillance spé- ciale d'un instituteur chef de culture et de 6 gardiens déta- chés de la maison centrale. Le matériel agricole devait être complété. Le bétail se composait de 9 vaches et 2 taureaux ; il y avait 7 chevaux. Le labour se fait en partie à la bèche par les colons. Ceux-ci reçoivent les premiers éléments de Tinstruction primaire à la colonie. Chaque dimanche, ils sont conduits à la maison centrale pour assister à l'office divin, au prétoire et à la revue générale. Les colons sont choisis, dans la division d'épreuve, parmi les jeunes détenus qui se distinguent par la régularité de leur conduite, leur amour pour le travail et leurs bonnes dispositions. On leur adjoint, pendant l'été, sous le titre de colons auxiliaires, un certain nombre d'enfants qui quittent le matin la maison centrale et y rentrent le soir. VIII. Colonic agricole du Mesnil-Saint-Firmin. (Oise.) M. Bazin, propriétaire-cultivateur au Mesnil-Saint-Firmin (département de l'Oise), a jeté les fondements de cette colonie il y a déjà plus de vingt ans (en 1828), en recueil- lant sur son exploitation un certain nombre d'orphelins indi- gents, pour les élever dans la pratique des travaux agricoles. Peu à peu ce nombre augmenta, et, grâce au concours de quelques hommes dévoués, la colonie, d'abord irrégulière et composée d'éléments épars et hétérogènes, put enfin se constituer et présenter une organisation véritable. Dès 1840, à la suite d'un arrangement conclu - avec M. Bazin, la Société des Amis de l'Enfance, instituée à Paris, pour la mise en apprentissage des enfants pauvres et orphe- lins, envoya quelques-uns de ses protégés au Mesnil. Plus tard, en 1843, la Société d'adoption, fondée dans un but analogue, sous la présidence de M. Molé (1), résolut aussi (1) La Société d'adoption a pour but l'organisation de colonies agricoles destinées à l'éducation des enfants trouvés, abandonnés et orphelins pauvres. Elle reçoit les enfants des administrations hospitalières, en vertu de traités passés avec elles. Un minimum et un maximum d'âge ( de sept à neuf ans) sont fixés pour les admissions, dans la double intention de commencer aussitôt que possible l'éducation des enfants, et de prévenir l'introduction dans la colonie d'adolescents chez lesquels les mauvaises habitudes seraient déjà trop enraci- nées. La Société a son siége à Paris. X COLONIE AGRICOLE DU MESNIL-SAINT-FIRMIN. · ここ ​FRANCE. de profiter de l'existence de la colonie pour y placer les orphelins qu'elle avait adoptés; ce placement se fit d'abord moyennant le payement d'une pension modique pour cha- que enfant. Mais, après une épreuve de deux ans, la Société ayant acquis la preuve des bons effets du régime et de la discipline de l'établissement, se décida à le prendre régu- lièrement et définitivement à son compte à partir du 4 juillet 1845. יני La colonie, dans son état actuel, est spécialement des- tinée à recevoir des orphelins et des enfants trouvés et abandonnés; elle se compose de deux sections, qui contien- nent chacune une quarantaine d'enfants. Le nombre de ceux-ci a été réduit d'un tiers environ depuis les derniers événements politiques. La section des jeunes enfants âgés de moins de onze ans occupe un bâtiment de l'exploitation de M. Bazin, au Mesnil. Sa direction et sa surveillance sont confiées à cinq sœurs de l'ordre de Saint-Joseph, assistées de quatre novices. Après l'âge de onze ans, lorsque les enfants ont fait leur première communion, ils passent à l'établissement de Merles, situé à 4 kilomètres du Mesnil, qui les conserve jusqu'à l'âge de dix-sept ou dix-huit ans. Le personnel de l'établissement de Merles se compose d'un directeur, M. l'abbé Caulle, et de dix frères de l'ordre institué par M. Bazin, sous la dénomination de Frères agronomes de Saint-Vincent-de-Paul. Les motifs qui ont déterminé la création de cet ordre sont exposés de la manière suivante dans l'un des comptes rendus de la Société d'adoption : <«< Pour quiconque s'est occupé de fondations de la nature de celle dont il s'agit, une difficulté des plus graves se pré- sente tout d'abord c'est l'organisation du personnel; tant de qualités sont nécessaires pour l'accomplissement des devoirs à remplir, et il y a y a si peu d'avantages matériels en compensation! Si le dévouement purement personnel peut inspirer quelques individus isolés, suffira-t-il à un recrute- ment continu et devant répondre à des besoins chaque jour plus étendus? Ne faut-il pas chercher ailleurs un élément plus fécond et dont les effets, plus durables, survivent aux individus? M. Bazin et les personnes qui prenaient intérêt à sa fondation ont pensé que le sentiment religieux pouvait seul vivifier l'œuvre, et qu'il était nécessaire de substituer l'existence successive d'une association religieuse à l'exis- tence purement temporaire des individus; mais, en même temps, ils ont pensé que cette association, destinée à fécon- der une entreprise de notre époque, devait se former avec les idées de cette même époque. Sans méconnaître les mé- rites de quelques-unes des associations déjà existantes, qui auraient pu paraître propres à cette nouvelle œuvre, ils ont cru qu'aucune n'y serait aussi complétement propre qu'une association nouvelle, créée en vue du but spécial qu'elle devait aider à atteindre, et chez laquelle la vie religieuse présidât seulement comme une inspiration à une vie toute pratique. Tel est le caractère fondamental de l'association des Frères agronomes de Saint-Vincent-de-Paul, au déve- loppement de laquelle la Société d'adoption n'a pas hésité à concourir. Cette corporation religieuse, mais composée exclusivement de laïques, a pour objet de fournir des direc- teurs ou des contre-maîtres aux colonies agricoles d'enfants pauvres, notamment d'enfants trouvés. Travailleurs avant tout, les Frères agronomes de Saint-Vincent-de-Paul n'ont d'autre uniforme que celui du travail, et, s'ils se distinguent des autres agriculteurs, c'est par leur abnégation person- nelle, leur dévouement à l'œuvre commune, par ce sen- par timent intérieur d'une récompense divine, qui double encore leurs forces, et remplit encore leur cœur d'une bonté nou- velle. » Les Frères agronomes subissent un noviciat, à la suite duquel ils sont admis à faire des vœux d'un à trois ans ; ils ne reçoivent pas de salaire; ils partagent la nourriture des enfants, et prennent leurs repas dans le même réfectoire. Par les soins de la Société d'adoption, les constructions de Merles ont été agrandies, et peuvent maintenant recevoir 400 enfants. Elles sont d'une architecture rustique et d'une grande simplicité. On vient d'ériger une étable avec un luxe qui fait contraste avec les autres bâtiments. Les dortoirs sont garnis de cadres, qui peuvent être élevés au plafond au moyen de cordes et de poulies. L'exploitation de Merles comprend 155 hectares environ, loués par la Société d'adoption à M. Bazin. Son aménage- ment, en 1849, présentait le classement suivant : Sainfoin. 37 hectares. Prairies naturelles . Céréales. 5 >> 78 >> Pommes de terre 7 )). Jachères. 50 >>> Il Y avait 35 bêtes à cornes, dont 4 bœufs de travail: 7 chevaux, 260 moutons et 10 truies de la race anglo- normande. On suit, pour la culture, les usages du pays: on espère tirer ainsi meilleur parti des enfants, et faciliter leur place- ment dans les exploitations agricoles de la localité. Mais il en résulte aussi que les terres de Merles sont beaucoup moins bien cultivées que celles du Mesnil-Saint-Firmin, qui sont d'ailleurs d'une qualité très-supérieure. La colonie n'emploie pas d'ouvriers étrangers; tout le travail se fait par les enfants et les frères. Chaque colon a son petit jardin, qu'il cultive à sa guise pendant les récréa- tions. Les occupations sont essentiellement agricoles et horti- coles; un très-petit nombre d'enfants sont appliqués à des industrics se rattachant à l'agriculture, et pouvant servir aux besoins de la colonie, telles que vannerie, charronnage. cordonnerie, maçonnerie, terrassements. Quelques-uns sont formés à la comptabilité. L'hiver, et faute d'autres occupations, ils confectionnent des nattes, des paillassons, des chaussons de tresse. L'été, FRANCE. COLONIE AGRICOLE DU MESNIL-SAINT-FIRMIN. 89 quand les travaux de culture n'exigent pas tous les bras des colons, un certain nombre d'enfants travaillent à réparer les chemins qui avoisinent la colonie; on leur fait ramasser les cailloux, qui sont vendus pour l'entretien des grandes routes et des chemins vicinaux. La colonie ne possédant point de terrains à défricher, les colons ont été utilement occupés, pendant plusieurs hivers, à des essais de défoncements entiers ou partiels. L'été, tous les enfants qui ne sont pas nécessaires au ser- vice intérieur de la maison sont employés aux travaux de la moisson, de manière qu'au sortir de la colonie, tous sachent très-bien faucher et ramasser les grains. Cependant, si l'un d'entre eux montre un goût prononcé pour une des branches spéciales de l'agriculture, ou pour un des métiers qui s'exercent à la campagne, on favorise autant que possible sa vocation. L'école n'a lieu qu'en hiver; l'instruction comprend la lecture, l'écriture, les éléments du calcul, de la langue fran- çaise, le système légal des poids et mesures, des notions de géographie et d'histoire, l'arpentage et le chant. La méthode d'enseignement est simultanée. Après quatre ou cinq ans passés à la colonie, les enfants savent tous lire, écrire, cal- culer passablement, et ont acquis une certaine instruction dans les autres parties de l'enseignement. L'éducation religieuse se borne à l'étude du catéchisme jusqu'à l'époque de la première communion; ensuite on enseigne aux enfants les principales vérités de la religion. Deux fois la semaine, et pendant une heure, on fait à Merles un cours de théorie agricole et horticole. On explique aussi aux enfants les travaux qu'ils exécutent chaque jour. Les colons sont constamment surveillés, la nuit comme le jour; ils sont classés par divisions et rang d'âge. Chaque division est conduite au travail sous la surveillance d'un frère. Quelquefois il arrive que l'on assigne un travail par- ticulier à un enfant seul, comme une marque de confiance. Il est d'autres moyens d'exciter les colons à se bien conduire; on leur fait comprendre qu'à ce prix ils obtiendront un jour un placement avantageux et l'estime des honnêtes gens. punitions sont rares et généralement légères; elles consis- tent soit à faire sortir des rangs les coupables, soit à les faire manger debout. Un simple changement de place, à l'école, suffit souvent pour les ramener à l'observation des règles; la crainte surtout d'être renvoyés de la colonie agit d'une manière puissante sur leur conduite. Les Du reste, la persuasion, les encouragements, les récom- penses, sont les moyens le plus généralement employés. Le costume des colons est à la fois simple et économique, et ne se distingue en rien de saillant de celui des enfants de la campagne. Leur nourriture se compose, par tête, de 1 kilogramme de pain de méteil par jour, de légumes à discrétion, ¼ de livre de viande de bœuf ou de porc quatre fois par semaine, et 1 litre de cidre léger fabriqué dans l'éta- blissement. Le régime des frères surveillants ne diffère en rien de celui des colons. Ils prennent leurs repas avec ceux-ci et couchent parmi eux dans des cadres semblables aux leurs. Les malades sont envoyés au Mesnil et soignés par les sœurs. Un médecin de la localité est appelé à surveiller l'état sanitaire de la colonie. L'âge d'admission est fixé à six ou sept ans; on admet cependant, par exception, quelques enfants au-dessous de cet âge. La durée moyenne du séjour à la colonie est de neuf à dix ans. Les enfants reçoivent, à leur sortie, des livrets de caisse d'épargne et un trousseau suffisant. Depuis 1839 jus- qu'au 31 décembre 1849, 123 colons ont quitté l'établisse- ment; ils ont été placés comme agriculteurs, horticulteurs et domestiques. Leur placement est très-facile. La dépense moyenne, par jour et par tête, est évaluée pour 1849, de la manière suivante : Nourriture Blanchissage. Raccommodage et confection de vêtements. Renouvellement de l'habillement, étoffes et objets confectionnés Frais de classe Frais de culte. Maladies. · Chauffage et éclairage Frais d'administration, de voyage, etc. Frais de direction et de surveillance. C. 41 89 251 334 6 61 0 64 0 74 1 52 3 67 1.90 16 32 Total. 79.14 Les bâtiments de la succursale du Mesnil suffisent aujour- d'hui à contenir 50 enfants; ils sont destinés à en recevoir par la suite jusqu'à 120. Ils se composent de plusieurs corps de logis servant de classe, de dortoir, de réfectoire, de cui- sine, de logement des sœurs, de lingerie, de buanderie, d'in- firmerie et d'ateliers de travail Le directeur-adjoint, M. l'abbé Batardy, réside à la suc- cursale du Mesnil, et remplit en même temps les fonctions de curé du village. Par l'existence simultanée des deux établissements de Merles et du Mesnil, la Société d'adoption a en vue une double expérience également intéressante: A Merles, où elle dirige elle-même l'exploitation, elle travaille pour son propre compte: elle est propriétaire et fermière; Au Mesnil, les enfants travaillent pour le compte de M. Bazin, qui leur paye un prix de journée ; A Merles, la Société d'adoption résoudra le problème d'une colonie agricole se suffisant à elle-même ; Au Mesnil, elle éprouvera quelles ressources pourront se créer les enfants devenus ouvriers. En même temps que sa colonie d'orphelins, M. Bazin avait fondé, il y a quelques années, sur sa propriété, un institut agronomique, dont les élèves, en petit nombre, appartenant pour la plupart à des familles aisées, profi- 12 90 FRANCE. COLONIE AGRICOLE DU MESNIL-SAINT-FIRMIN. taient d'un enseignement tout paternel, étaient admis à la table et dans l'intérieur de la famille du fondateur. Mais cet établissement ne reçut pas le même développement que la colonie, faute d'avoir pu réunir alors un nombre suffisant d'hommes qui joignissent à une instruction supérieure l'avan- tage d'appartenir à une association religieuse, telle que celle des Frères agronomes de Saint-Vincent-de-Paul, qui ne fut instituée que plus tard. M. Bazin se vit donc obligé d'ajour- ner l'organisation définitive de l'institut, jusqu'à ce qu'il ait pu s'assurer le concours de ces hommes d'élite, sans lesquels, dans son opinion, il n'y a pas à attendre de résultats certains et durables. er gou- Dans l'intervalle, l'institution de fermes-écoles en France détermina M. Bazin à entrer en arrangement avec le vernement pour la création d'un établissement de ce genre au Mesnil-Saint-Firmin. Cet établissement fut ouvert le 4º janvier 1848. On y admit d'abord 8 élèves ; lors de notre visite, au mois de septembre 1849, le nombre de ceux-ci était déjà porté à 14, et il devait être définitivement élevé à 36, aux termes du contrat conclu entre le gouvernement et le propriétaire de la ferme. Les élèves sont admis à l'âge de seize ans, et restent jus- qu'à vingt ans environ. M. Bazin voudrait pouvoir les admet- tre plus jeunes, afin de mieux les plier à la discipline de l'établissement. La réception des jeunes gens à la ferme-école a lieu à la suite d'un examen, auquel préside un jury composé de trois ou quatre membres. Le directeur désirerait toutefois être autorisé à admettre, du moins provisoirement, quelques élèves dans l'intervalle des sessions du jury. Le prix annuel de la pension est fixé à 175 francs; cette rétribution est payée, à titre de bourse, par le gouverne- ment, pour les élèves sans fortune qui réunissent les con- ditions voulues par les règlements généraux. La ferme-école occupe un corps de logis, composé d'un rez-de-chaussée et de deux étages, et qui fait partie des bâti- ments de l'exploitation; le corps de logis existait depuis long- temps, mais il a été approprié à cette nouvelle destination. Le rez-de-chaussée sert de réfectoire et de salle d'étude. Y a aussi disposé une pièce dans laquelle se trouvent, d'un côté, un lavoir, et de l'autre les instruments divers qui servent aux élèves pour leurs travaux: ce sont des bêches, des fourches, des fléaux, des faux, etc. On Le dortoir est au premier étage. Les lits sont suspendus par des tiges en fer, et tiennent le milieu entre les lits ordi- naires et les hamacs. A l'une des extrémités du dortoir se trouve la bibliothèque. Cette pièce est aussi destinée à recevoir les os et les prépa- rations anatomiques nécessaires pour les leçons d'art vété- rinaire, ainsi que les échantillons de terres, les réactifs et les médicaments indispensables pour les démonstrations dans les conférences sur la nature du sol, les propriétés des corps et le traitement des animaux malades. À l'autre extrémité sont l'infirmerie et le vestiaire. Chaque élève a un compartiment numéroté, où il place ses effets. Le deuxième étage, qui est maintenant inoccupé, doit plus tard être transformé en dortoir, quand le nombre des élèves sera complet. Le premier étage pourra alors servir de salle d'étude. Les élèves font quatre repas par jour; ils ont Au déjeuner, avec le pain, quelques fruits, des radis ou du fromage; Au dîner, la soupe, des légumes, un plat de viande, quel- quefois du fruit ou du fromage; les jours maigres et le mer- credi, le plat de viande est remplacé par un plat de légumes, ou des œufs ou du poisson; Au goûter, un morceau de pain seulement; Au souper, deux plats maigres ordinairement, quelque- fois de la viande, mais par exception. A tous les repas, excepté au goûter, ils ont du cidre. Cette boisson n'est pas aussi forte qu'on a coutume de la faire habituellement chez les cultivateurs du pays. Elle est légère, agréable, rafraîchissante et très-saine. On la prépare avec un mélange de cidre ordinaire et d'une infusion de pommes sèches dans l'eau. L'été, pendant les grandes cha- leurs et pendant la moisson, les élèves ont aussi du cidre au goûter. Cette nourriture revient, par tête, à 80 centimes environ par jour. Les jours de travail, les élèves ont une blouse, un cha- peau de feutre gris, un pantalon en étoffe plus ou moins épaisse, suivant la saison; l'hiver on ajoute on ajoute un gilet de drap avec manches de laine, et un caleçon. La chaussure se compose de brodequins tout en cuir, pour l'été, et de brodequins avec épaisses semelles en bois, pendant l'hiver. Cette dernière chaussure, aussi ušitée à la colonie de Petit-Bourg, est jugée infiniment préférable aux sabots. Les élèves ont, en outre, pour les dimanches et les jours de fête, un uniforme en drap, consistant en une tunique, un pantalon et un képi. Tout ce trousseau leur est fourni par l'établissement, qui l'a jusqu'ici pris à sa charge. Le directeur n'a pas voulu laisser les élèves se composer, chacun à sa façon, un trous- seau avec les vêtements qu'ils auraient à leur disposition, parce qu'il en serait résulté dans leur costume une bigarrure incompatible avec la règle uniforme de toute bonne admi- nistration. Les élèves reçoivent une heure et demie d'instruction théorique en été et trois heures en hiver; cet enseignement leur est donné par un médecin vétérinaire et par le fils aîné de M. Bazin. Le frère agronome, chargé de leur surveil- lance, remplit en même temps les fonctions de répétiteur et préside à leurs travaux. Ces travaux, destinés à les initier à la pratique de l'agriculture, embrassent tous les détails de la culture et de l'exploitation d'une grande ferme : Battage au fléau et à la machine des céréales, du colza, etc.; + 1 FRANCE. 91 COLONIE AGRICOLE DU MESNIL-SAINT-FIRMIN. Vannage des céréales, des graines de betterave, carotte, époques diverses et présentant un ensemble assez irrégulier, sainfoin, etc.; ils réunissent cependant toutes les conditions essentielles d'un bon aménagement. Préparation des composts et des fumiers; Confection des silos pour la conservation des betteraves, carottes, pommes de terre, etc.; Buttage des pommes de terre à la main, à la bouc; Sarclage des racines, des céréales, du colza, etc.; Soins et engraissement des animaux; Fenaison, emmeulonnement des fourrages; Récolte des céréales avec la faucille, la sape, et même avec la faux; Confection des meulons, engerbage; Labour et façons diverses du sol; Ensemencement d'engrais pulvérulents, comme exercice préparatoire pour l'ensemencement des grains; Plantation d'arbres fruitiers; Charrois au tombereau, etc., etc. L'émulation préside à tous les exercices, les punitions sont rares, et généralement il suffit des conseils et des aver- tissements pour stimuler et amender les élèves. Chaque jour les notes les plus exactes sont tenues sur le travail, l'étude et la conduite, et, à la fin du mois, ces notes servent à déterminer le nombre de bons points qu'a mérités chaque élève. Ces bons points sont inscrits sur un tableau qui est exposé dans la salle d'étude. Les dimanches et les jours de fête, les élèves prennent part aux jeux gymnastiques. Dans le but de les familiariser le plus possible avec les chevaux qu'ils sont appelés à soi- gner, on les habitue à sauter lestement sur ces animaux et à les monter sans selle ni étriers; on leur enseigne la marche et les premières manoeuvres du soldat. Ces différents exer- cices, en aidant au développement de leurs muscles, en donnant de la souplesse à leurs membres, en leur faisant prendre des allures plus dégagées, les fortifient et contri- buent puissamment à les maintenir en santé. Aussi celle-ci ne laisse-t-elle rien à désirer, et n'y a-t-il aucun cas de maladie sérieuse à consigner depuis l'ouverture de l'établis- sement. Il serait difficile de trouver dans tout autre domaine une réunion de conditions également favorables à la bonne orga- nisation et à la prospérité des établissements dont nous venons de donner la description. L'exploitation de M. Bazin est environ de 250 hectares. 10 ouvriers y sont attachés à demeure, parmi lesquels se trouvent plusieurs Flamands, et on y emploie occasionnellement jusqu'à 150 ouvriers à la journée. A la ferme sont rattachées diverses industries: une sucrerie de betteraves, des appareils pour la fabrication et la révification du noir animal, une distillerie, un pressoir à cidre, une brasserie, une vinaigrerie, une féculerie, une meunerie, une huilerie, une briqueterie, une fabrique d'instruments aratoires, un atelier pour la fabrication des raquettes, enfin un atelier de vitraux peints conduit avec intelligence et qui donne de beaux produits. Les bâtiments sont vastes, et quoique construits à des Les écuries sont simples, mais commodes. Au-devant des auges, setrouve un corridor assez large pour pouvoir circuler librement, et apporter la nourriture aux animaux. Cette dis- position, trop rarement usitée, évite aux ouvriers le désagré- ment de marcher dans le fumier et de s'exposer aux coups de pied des chevaux, quand ils veulent approvisionner leurs mangeoires. Quant aux râteliers, ils sont devenus inutiles puisque les fourrages sont tous hachés. Des pentes sont ménagées dans le fond des écuries pour l'écoulement des urines, qui sont reçues dans des citernes. Les chevaux sont ordinairement au nombre de 40 à 50, la plupart de race allemande. M. Bazin préfère les chevaux légers, mais musculeux, aux chevaux à épaisse encolure, dont on se sert généralement dans les exploitations agricoles. Pour l'attelage, il a substitué au lourd et dispendieux collier la simple et légère bricole, et l'expérience a prouvé que les minces chevaux, ainsi harnachés, pouvaient faire assaut avec les plus gros chevaux chargés de leurs colliers. En général, au Mesnil, tous les aliments des bestiaux, chevaux, vaches, moutons, sont divisés et amollis le plus possible, afin de rendre la mastication plus facile et de favo- riser l'assimilation des parties nutritives. La paille et les fourrages, soit verts, soit secs, sont hachés, les racines sont coupées, l'avoine est concassée, le seigle est cuit. Le hache-paille employé est celui du Hanovre. Le seigle est cuit à la vapeur, dans deux fois son volume d'eau. Les chevaux ont peu d'avoine, 4 à 6 litres seulement par jour, de la paille hachée à discrétion toute l'année, l'été du fourrage vert ou sec, l'hiver une provende de fourrage sec et de carottes. Quand le seigle est à bon marché, on rem- place l'avoine par une égale quantité de seigle cuit. II Y Il a bien rarement des chevaux malades au Mesnil. On peut attribuer l'état prospère de leur santé à la continuité de leurs travaux et à la sobriété de leur régime; si par hasard un cheval tombe malade, on est sûr de le trouver parmi ceux qui, destinés à la vente, mangent trop et ne travaillent pas assez. Le bétail se compose d'ordinaire de 10 à 12 boeufs de travail, 45 vaches pour l'engraissement, et 4 ou 5 vaches laitières. Il serait beaucoup plus considérable si l'on parve- nait à le préserver de la péripneumonie qui exerce assez fréquemment ses ravages dans les étables, malgré les pré- cautions prises pour en empêcher l'invasion. Les bœufs sont employés au labour à l'exclusion des vaches. On a observé qu'en hiver les bœufs pouvaient sui- vre les chevaux à la charrue; mais l'été, quand il fait chaud, et que les jours sont longs, les chevaux laissent les boeufs haletants bien loin derrière eux. Ceux-ci ne peuvent sup- porter ni la chaleur ni la continuité d'un travail trop long. Les étables sont divisées, dans leur longueur, en deux เ 92 COLONIE AGRICOLE DU MESNIL-SAINT-FIRMIN. FRANCE. parties égales, par un corridor que les mangeoires bordent de chaque côté. Il y a donc dans la largeur du bâtiment deux rangées d'animaux qui se trouvent placés tête à tête. Cette disposition, qui a également été adoptée dans les étables de la colonie de Mettray, est la meilleure sous le rapport de la facilité du service, et n'a présenté d'ailleurs aucun incon- vénient. La nourriture du bétail se compose, l'été, de paille et de fourrages verts hachés, de tourteaux de lin ou de colza, des résidus de distillerie, quelquefois de son ou de seigle cuit L'hiver, on ajoute à cette provende de la pulpe de bette- raves. Ces aliments sont saturés d'ordinaire d'une certaine quantité de sel. Le troupeau de moutons se compose de 600 à 800 têtes. Les moutons, comme les bêtes à cornes, sont destinés à la boucherie. L'été, ils parquent et sont nourris avec des four- rages verts qu'ils consomment sur place. Ils reçoivent aussi quelquefois dans des auges un supplément de ration, soit en partie hachée, soit en tourteaux. L'hiver, la pulpe de betteraves forme la base de leur nourriture. On y ajoute des tourteaux et des balles de céréales. Ils sortent tous les jours de la bergerie et vont pren- dre au dehors leur provende de pulpe dans des auges des- tinées à cet usage et placées dans des parcs. La bergerie est de la plus grande simplicité, couverte en chaume et placée en dehors de la ferme, à 300 mètres des autres bâtiments. Les ráteliers sont suspendus avec des cordes ils sont en forme de V et ont en dessous une augette pour recevoir les parties qui tombent pendant l'affourage- ment ou pendant le repas des animaux. La porcherie est assez considérable. Elle renferme de 450 à 200 animaux. Les bâtiments ne présentent rien de remarquable. Les croisements de la race normande avec les anglo-chi- nois, norfolks et hampshires, donnent de bons produits. Une partie des élèves sont vendus tous jeunes, aussitôt après le sevrage, au prix moyen de 15 francs. Leur supé- riorité sur la race normande pure étant maintenant bien connue, leur écoulement n'est pas difficile. Les élèves que l'on conserve servent à l'entretien du trou- peau que l'on mène garder dans les champs. On leur fait aussi consommer la viande de 400 à 500 chevaux qui sont abattus chaque année au Mesnil. De temps en temps on en retire du troupeau un certain nombre, destinés à être engraissés pour la vente. Ils sont alors soumis pendant deux ou trois mois au régime des pommes de terre, du son et du grain. L'usage de la viande de cheval n'a eu jusqu'ici aucun inconvénient; il présente d'ailleurs une notable économie, et M. Bazin lui attribue la qualité du fumier de la porcherie, qui, au lieu d'être froid comme cela a lieu ordinairement, est au contraire le meilleur de tous les fumiers de la ferme. Dans un rapport publié récemment par MM. Bazin père et fils sur les travaux de la ferme du Mesnil, en 1848, et sur les établissements qui y sont annexés, on trouve des renseignements intéressants et instructifs sur la nature des cultures, le choix et les résultats des assolements, les engrais et amendements, l'emploi des instruments aratoires, etc. Notre intention n'est pas d'entrer à cet égard dans des détails qui dépasseraient d'ailleurs les limites assignées à cette simple notice. Nous nous bornerons seulement à citer quelques faits et quelques expériences qui nous paraissent de nature à intéresser les cultivateurs. Les assolements à la ferme du Mesnil sont d'une grande simplicité; celui qui est le plus généralement suivi présente la rotation suivante : 1ro année. Go Céréales. Racines. On a remarqué que les racines réussissaient très-bien après les céréales, et réciproquement les céréales après les racines. La nature des éléments divers de ces deux ordres de plantes, et la différence de profondeur à laquelle s'en- foncent leurs racines, peuvent très-bien expliquer les avan- tages de cet assolement alterne. Il fournit en outre un moyen efficace pour la destruction des insectes qui ne se nourrissant pas des mêmes plantes sont privés par la rotation des con- ditions nécessaires d'existence et ne peuvent ainsi se repro- duire. Parmi les racines qui entrent dans cet assolement, la betterave joue le rôle le plus important; elle sert à alimenter betterave joue le rôle le plus la sucrerie. La carotte et la pomme de terre n'occupent que 12 ou 15 hectares. seulement. Parmi les céréales, c'est le blé d'hiver qui domine. M. Bazin a obtenu une variété de ce blé, auquel il a donné le nom de blé du Mesnil, et qui est doué d'une grande fécon- dité. Il résulte des expériences qu'il a faites à ce sujet : 1° qu'en substituant aux variétés du blé des variétés meil- leures, on a chance d'augmenter sa récolte au moins de 20 p. %; 2° qu'en semant en ligne au lieu de semer à la volée, on économise au moins 25 p. %% de semences. Afin d'avoir au printemps quelques plantes fourragères pour le bétail, on a adopté, pour une partie de l'exploitation, l'assolement triennal suivant : 20 1re année. Dravières (trèfle incarnat, seigle, escourgeon vert). Colza. Céréales. 3c On conserve aussi quelques hectares, soit pour y mettre de la luzerne, soit afin d'y cultiver, pour essai, certaines plantes autres que celles dont nous venons de parler. Les semailles en ligne ont généralement présenté de grands avantages et une forte économie de semences; mais elles exigent les binages. L'usage de mettre le blé en meulons prévaut au Mesnil; il donne le moyen d'avancer de quelques jours le commen- cement de la moisson et de ne pas avoir toute sa récolte à rentrer à la fois; en outre, par son séjour en meulons, le grain de blé acquiert de la qualité, la paille aussi se façonne FRANCE. 95 ASILE-ÉCOLE-FÉNÉLON. mieux. Mais ce procédé exige une main-d'œuvre qui n'est sans inconvénient dans un moment où les bras ne sont pas jamais trop nombreux, et le transport des javelles et la mise en moyettes occasionnent une certaine perte de grain. Le colza est semé en ligne ordinairement vers la mi- juillet, quelquefois même dans les premiers jours de ce mois. Des deux méthodes pour la culture de cette plante, le semis à demeure et le repiquage, l'avantage a toujours été en faveur de la première. Avant de planter les betteraves et les carottes pour graines, on les coupe en deux vers la moitié de leur longueur. La partie supérieure est seule plantée; la partie inférieure sert de nourriture aux bestiaux. Une longue expérience a prouvé que cette pratique ne diminue en rien les produits des porte-graines, et qu'elle donne le moyen d'économiser plus du tiers des racines destinées à la production de la graine. Les racines, betteraves, carottes et pommes de terre, sont conservées dans des silos entièrement extérieurs. Après plusieurs essais, il a été reconnu que ces silos devaient avoir les dimensions suivantes : 1™,00 de largeur à la base ; 5,00 de longueur; 0,75 de hauteur. L'épaisseur de la terre qui sert à les recouvrir varie de 0,16 à 0,65 centimètres (6 pouces à 2 pieds), suivant l'époque plus ou moins avancée de l'hiver où les racines doivent être consommées. Lorsque les racines sont trop sèches au moment de la récolte, on jette de temps en temps dans les tas quelques pelletées de terre que l'on fait alterner par couches avec les racines. Pour la conservation des carottes, il faut quelques pré- cautions de plus. Ainsi, l'on a remarqué que celles qui se gâtaient les premières, et qui faisaient ensuite gâter les autres, étaient ordinairement celles qui avaient été cassées ou froissées au moment de l'arrachage. On a maintenant le soin de séparer ces dernières, et, grâce à cette précaution, les carottes saines mises en tas séparés se conservent beau- coup mieux et beaucoup plus longtemps qu'auparavant. Il y a au Mesnil une grande pépinière d'arbres fruitiers à haute tige, principalement des pommiers. Un vaste verger de 16 hectares est planté de pruniers. Pour préserver ces arbres des insectes, on applique chaque année sur les bran- ches et sur le tronc une couche de chaux. Ce procédé a par- faitement réussi. Les arbres de la pépinière sont placés dans un terrain argileux, profondément défoncé et fortement fumé avant la plantation, sarclé ensuite plusieurs fois chaque année, et recouvert à l'automne d'une couche épaisse de feuilles ramassées dans les bois environnants. Les engrais et les amendements en usage au Mesnil sont nombreux et variés; on a recours, selon les circonstances, la nature du sol et des cultures, au fumier, au purin, au sang d'animaux, aux cendres de tourbes, aux composts, au noir animal, aux débris d'animaux morts et aux os, à la chaux, aux cendres pyriteuses, au marc de pommes, à la marne et au plâtre. On a particulièrement reconnu l'effica- cité de ce dernier, soit en le semant au printemps sur le trèfle, dont il active la végétation, soit en le mélangeant aux engrais, dont il conserve la force en fixant les gaz. Les machines le plus fréquemment employées sont l'araire du Brabant, auquel M. Bazin a fait quelques modifications, la charrue à défricher les bois, le fouilleur, l'extirpateur, le rouleau, le brise-mottes Kroskill, la houe à cheval. le semoir et la machine à battre. Cette dernière machine est mue par un manége auquel on attelle quatre chevaux; elle donne un produit de plus de 30 hectolitres de grains par jour. On y adapte aussi, suivant les circonstances, une par- tie de la force de la machine à vapeur qui sert à la fabrique de sucre de betteraves annexée à la ferme. Les charrois s'opèrent à l'aide de chariots d'une forme allongée, qui sont surtout avantageux pour le transport du fumier, et qui pourraient être utilement employés chez nous. IX. Asile-école-Fénélon, à Vaujours. (Seine-et-Oise.) L'asile-école-Fénélon a été fondé, en 1843, par M. le curé de Vaujours, qui a commencé par réunir 12 à 15 enfants dans un modeste local. Cet établissement n'a pas tardé à rece- voir une grande extension; il occupe aujourd'hui un château assez vaste, auquel sont annexés 15 à 16 hectares de terre enclos de murs. Cette propriété, acquise récemment au prix de 70,000 francs, est louée 7,500 francs par an. Ce loyer, qui constitue une charge accablante pour l'asile, est tout à fait hors de proportion avec les bâtiments, qui sont dans un état de délabrement pénible à voir. Le propriétaire devrait être tenu à exécuter certains travaux de réparation tout à fait indispensables. Il est à regretter que le conseil qui préside à l'œuvre de l'asile n'ait pas pris des mesures pour acquérir cette propriété. La somme qui représente aujourd'hui son loyer aurait suffi pour couvrir les intérêts du prix d'achat, et pour constituer un amortissement qui l'eût affranchi de toute charge à l'expiration de douze à quinze ans. Le but de l'établissement est de suppléer à l'insuffisance des écoles primaires pour certaines catégories d'enfants du sexe masculin, auxquels les soins de la famille font défaut. Il reçoit, de préférence, les orphelins, les enfants des veufs ou veuves, les enfants naturels, les enfants des domestiques ou ceux dont les parents travaillent hors de leur domicile. et enfin ceux que l'inconduite ou les vices de leurs parents exilent du foyer paternel. L'âge d'admission est fixé à trois ans ; à douze ou treize ans, après qu'ils ont fait leur première communion, les 94 ASILE-ÉCOLE-FÉNÉLON. FRANCE. enfants sont d'ordinaire restitués à leurs familles ou à leurs protecteurs. La population, qui était de 260 enfants en 1847, de 230 en 1848, s'élevait, lors de notre visite, au mois de septembre 1849, à 340 enfants. Depuis cette époque, elle s'est encore accrue, et elle était, au mois de juin 1850, de 400 enfants. Cette augmentation provient surtout de l'envoi à l'asile d'un certain nombre d'orphelins, dont les parents avaient été frappés du choléra en 1849, à Paris. Sur les 400 enfants en 1850, il y avait : 100 orphelins du choléra, confiés à l'établissement par la ville de Paris; 165 autres orphelins, soutenus par la maison elle-même, par des protecteurs ou par leurs familles ; 435 enfants ayant leur père et leur mère. Les enfants naturels forment les deux cinquièmes de cette population. (Enfants légitimes, 236; enfants naturels, 164.) Le prix de la pension est de 240 francs, et de 200 francs pour les orphelins. Le surplus des dépenses est couvert au moyen de dons, de souscriptions et de subventions, dont le total peut s'élever annuellement à 20,000 ou 25,000 francs. La dépense, par enfant, en faisant peser sur chacun sa part contributive dans la dépense, est évaluée à 263 fr. 50 c., soit 72 centimes par jour. L'habillement entre dans cette somme pour 36 fr. 60 c. par année, et par jour, pour 40 centimes. Le personnel de l'établissement se compose de : Un directeur, M. Leguay, qui remplit ces fonctions depuis quatre ans, et qui reçoit 1,800 fr. par an, outre le loge- ment, la nourriture, etc., pour lui et sa famille; Deux instituteurs, l'un à 700 fr. et l'autre à 600 fr.: ce traitement peut être élevé jusqu'à 1,000 fr.; Un aumônier, à 1,000 fr. ; Trois surveillants, dont deux à 400 fr. et un à 600 fr.: le minimum de leur traitement est fixé à 400 fr. ; le maxi- mum à 800 fr. ; Un jardinier-maraicher-fleuriste, à 400 fr. ; Un garçon jardinier, à 300 fr.; Un ouvrier laboureur à la journée, à 1 fr. 25 c. par jour, outre la nourriture; Un cordonnier-concierge, à 30 fr. par mois; Une directrice de la salle d'asile, à 500 fr.: le minimum de son traitement est de 400 fr.; le maximum, de 600 fr. ; Une surveillante, à 300 fr.: minimum, 200 fr.; maxi- mum, 400 fr.; Une dépensière, rétribuées chacune à 300 fr.: le mini- Une lingère, mum de leur traitement est fixé à 240 fr. et le maximum à 400 fr.; Une cuisinière, Une infirmière, à 250 fr.: minimum, 200 fr.; maximum, 400 fr. ; Un médecin qui reçoit une indemnité de 400 fr. ; Huit femmes servantes, à la journée ou à l'année, dont le salaire s'élève de 200 fr. à 230 fr. Tous les employés, à l'exception du médecin, sont en outre logés et nourris. Les traitements réunis s'élèvent, pour 26 employés, à environ 11,000 fr. L'établissement est divisé en deux sections principales : l'asile, qui compte une centaine de jeunes enfants au-dessous de sept ans, et l'école proprement dite, qui contient le sur- plus de la population au-dessus de cet âge. L'asile est organisé à peu près sur le même pied que les établissements du même genre à Paris; les exercices ont lieu d'après les mêmes méthodes; mais les enfants sont logés et nourris dans l'établissement, ce qui constitue une différence essentielle. Les enfants de l'école sont classés en escouades de dix, ayant chacune son moniteur; chaque moniteur répond de son escouade à l'école, au travail, à la promenade, etc. L'établissement ne contient pas d'ateliers; ceux des enfants dont il est possible d'utiliser les forces sont employés au jardinage et à l'agriculture. L'école comprend deux divisions: la classe des moni- teurs, qui compte 80 élèves, et la classe générale. On suit une méthode d'enseignement mixte, combinaison de l'ensei- gnement mutuel et de l'enseignement simultané. L'instruction comprend la lecture, l'écriture, le calcul et ses applications, la grammaire, l'histoire de France, la géographie générale et particulière de la France, le dessin linéaire et la musique vocale d'après la méthode Wilhem. Le local de l'école sert en même temps de réfectoire. Les signaux sont donnés au sifflet. Les exercices gymnastiques sont combinés avec les récréa- tions, qui se prennent dans le vaste parc qui s'étend derrière la maison. La nourriture se compose, le matin, d'une soupe et de pain blanc à discrétion; le midi, d'une soupe, d'un plat de viande trois fois par semaine et de légumes quatre fois; le soir, de viande et de légumes deux jours, et de légumes les cinq autres jours de la semaine. A quatre heures, les enfants reçoivent un morceau de pain. Ils n'ont pour boisson que de l'eau. Le coût de la nourriture est évalué à 32 ou 35 centimes par tête et par jour. Le trousseau d'habillement est compris dans le prix de la pension; il revient à 30 ou 35 francs an environ, non compris l'entretien. par Les dortoirs sont garnis de lits de fer, éclairés la nuit, et surveillés par les employés qui y couchent. L'exploitation agricole ne présente aucune particularité digne d'être notée; l'établissement ne possède, pour tout bétail, que deux vaches et une vingtaine de porcs. Sur 400 enfants de l'âge de trois à quatorze ans, il y en a 180 environ, de l'âge de huit à quatorze ans, qui sont employés à la culture. Ils travaillent, par jour, trois heures seulement. Si l'on retranche environ une demi-heure pour aller prendre les outils au hangar et pour les rapporter avec ordre, et une demi-heure de repos, il reste deux heures de travail effectif. Deux heures, de 180 enfants environ, ce sont trois cent : FRANCE. ÉTABLISSEMENT DU NEUHOF. soixante heures de travail par jour. En comptant dix heures pour une journée de travail, ce sont trente-six journées de travail. Ces trente-six journées valent au moins dix-huit journées d'hommes; car si ces petits bras sont plus faibles et ne peuvent faire d'aussi rude besogne, s'ils ne retournent pas à la fois une aussi lourde masse de terre, ils travaillent avec plus de vivacité et d'ardeur. Évaluées en argent, ces dix-huit journées de travail n'au- raient pas été payées, à une égale distance de Paris, moins de 2 francs. L'heure de travail d'un enfant de dix ans, en moyenne, peut donc être évaluée à 10 centimes. 93 charitables appartenant au culte protestant. Son origine est due à un maître charpentier, M. Wurtz, qui commença par réunir chez lui quelques enfants pauvres, pour faire leur apprentissage et leur donner une éducation chrétienne. Bientôt la place fit défaut, et l'établissement fut transféré aux environs de la ville, dans l'humble demeure qu'il occupe encore aujourd'hui, mais à laquelle on a fait depuis d'impor- tantes additions. Organisée à l'instar des écoles rurales de Suisse et d'Alle- magne, l'école du Neuhof est destinée aux enfants pauvres privés des soins de la famille, vicieux et moralement mena- cés. Ils y sont élevés simplement et chrétiennement, et La haute direction de l'asile est confiée à un conseil d'ad- ministration et de surveillance, sous la présidence de M. de préparés ainsi à la modeste position qu'ils sont appelés à la Palme, conseiller à la cour de cassation. L'action de ce conseil est complétée par deux institutions, à la haute moralité desquelles il importe de rendre hom- mage. Les fondateurs de Vaujours ont voulu puiser dans la famille le modèle de l'organisation de l'œuvre; appelés à élever des enfants, ils ont créé la famille autour d'eux. Pour les enfants, le conseil d'administration représentait la pater- nité; la maternité a trouvé son expression dans la Société Maternelle des dames patronesses, et des frères ont été donnés aux enfants de l'asile, par la création de la Société des Jeunes Protecteurs. Les dames de la Société Maternelle font des visites men- suelles à l'établissement; elles surveillent la direction donnée à l'esprit et au cœur des enfants. Quant à la Société des Jeunes Protecteurs, elle se com- pose de jeunes garçons appartenant à des familles aisées, et particulièrement aujourd'hui d'élèves du lycée Bonaparte, qui utilisent au profit de l'asile une cotisation mensuelle, visitent Vaujours quand ils le peuvent, et, par cette amicale assistance, se font à eux-mêmes plus de bien encore qu'ils n'en font aux pauvres enfants qu'ils ont adoptés pour frères. L'asile-Fénélon est obligé aujourd'hui de laisser s'éloi- gner ses élèves à l'âge de treize ans, c'est-à-dire à ce moment de la vie qui décide précisément de la destinée des jeunes hommes. Quelle que soit la vocation des enfants, industrielle ou agricole, il est désirable à tous égards que la pensée si religieuse et morale des fondateurs de Vaujours puisse recevoir son entier accomplissement, et que ses élèves ne sortent qu'à seize ou dix-huit ans de l'asile qui abrite leurs premières années. X. - Établissement du Neuhof, près de Strasbourg. (Bas-Rhin.) L'établissement du Neuhof, situé dans la commune du même nom, à 5 kilomètres environ de la ville de Stras- bourg, a été institué en 1825 par quelques personnes occuper dans la société. L'établissement recevait aussi jadis des enfants non indigents, qui payaient une pension de 300 francs en moyenne. Ils recevaient une meilleure nour- riture que les autres élèves. Mais cette distinction présentait des inconvénients qui ont déterminé l'administration à limiter l'admission aux indigents et à rendre désormais le régime uniforme. Les bâtiments de l'institution, érigés successivement à diverses époques, sont entourés de vastes jardins. A gauche. en entrant, se présente la vieille maison dont nous avons parlé, et qui sert de logement à une partie des employés. d'infirmerie dans les cas extraordinaires et de magasin pour les provisions. A droite sont rangés la boulangerie, la buan- derie, la grange, les étables et les hangars. Au fond de la cour, en face, s'élève le bâtiment principal, dans lequel se trouvent le réfectoire, les salles d'écoles, les dortoirs des garçons, les appartements du directeur et de l'institu- teur, etc. Derrière ce bâtiment est adossé un autre bàti- ment plus récent, qui communique avec le premier, et qui renferme la cuisine, la lingerie, une chambre à repasser le linge et deux pièces qui servent d'infirmerie pour les gar- çons. Enfin à ce deuxième bâtiment s'adosse encore, par derrière, la maison destinée aux jeunes filles, qui sont divi- sées, comme au Rauhen-Haus, en deux familles, sous la direction de deux surveillantes spéciales: l'une des familles occupe le rez-de-chaussée, et l'autre l'étage supérieur. Cette maison, bâtie dans le style suisse, avec un balcon extérieur qui donne sur la campagne, renferme deux chambres de réunion, deux dortoirs, deux cabinets pour les surveillantes, deux lavoirs ou cabinets de toilette pour les élèves, une salle de travail commune, une infirmerie et une chambre de ser- vante. Nous avons trouvé peu de constructions dont les arrangements intérieurs remplissent mieux leur objet. Aussi avons-nous jugé utile d'en donner le croquis, ainsi que celui des étables et des bâtiments de la petite ferme annexée à l'établissement. Celui-ci possède environ 5 hectares de terre; il cultive en outre 4 hectares pris en location au prix de 100 francs l'hectare. Malheureusement ces terres sont disséminées dans la banlieue, à l'exception des potagers, qui touchent à l'éta- blissement. On en a distrait un certain espace, qui est par- k 96 FRANCE. — ÉTABLISSEMENT DU NEUHOF. tagé en petits jardins que cultivent les enfants dans leurs moments de loisir. L'âge d'admission est fixé entre six et douze ans. Lors de notre visite, au commencement de septembre 1850, l'éta- blissement contenait 67 enfants (41 garçons et 26 filles). La réunion des sexes sous le même toit n'a présenté jusqu'ici aucun inconvénient, et l'on y voit au contraire l'avantage de pouvoir employer les enfants de chaque sexe aux occu- pations qui leur conviennent. Les garçons sont occupés à la culture, les filles au ménage, à la confection des habille- ments, à la buanderie, à la lingerie, à la cuisine. Réunis à l'école, au réfectoire et pendant les exercices religieux, ils sont strictement séparés pendant le reste de la journée, et la surveillance continue dont ils sont l'objet suffit pour empê- cher entre eux tout contact dangereux. Les garçons sont subdivisés en trois et les filles en deux familles, placées chacune sous la surveillance d'un employé spécial. L'instituteur principal remplit en même temps les fonc- tions de directeur et de père de famille (Hausvater); sa femme, qui porte le titre de mère de famille (Hausmutter), a la direction supérieure du ménage. Leurs traitements réu- nis s'élèvent à 1,000 francs, sur lesquels ils abandonnent 200 francs à l'institution. Ils sont secondés par un instituteur qui reçoit 500 francs, un surveillant pour les garçons et deux surveillantes pour les filles, à 200 francs chacun, trois valets de labour également rétribués à 200 francs, un jardinier qui reçoit 4 fr. 20 c. par semaine, et une servante chargée de la cuisine, dont les gages sont de 100 francs annuellement. Tout ce per- sonnel, composé de 11 personnes, ne coûte pas 3,000 fr. par an. indépendamment de l'entretien et de la nourriture que leur fournit l'établissement. Les fonctions de directeur sont remplies, depuis trois ans, par M. Krafft, ancien instituteur de la commune de Neuhof, homme simple et modeste, mais qui nous a paru posséder toutes les qualités nécessaires au poste qu'il occupe avec une véritable distinction. Le régime est sain et abondant, mais frugal. Les enfants ont au déjeuner une soupe; au dîner des légumes, auxquels on ajoute, deux fois par semaine, une portion de viande ; au souper, une soupe comme au déjeuner, ou des pommes de terre et de la salade. Le pain est de froment non bluté. La boisson habituelle est de l'eau, à laquelle on ajoute par- fois un peu de vin, lorsqu'on en reçoit en cadeau. Le coût de la nourriture peut être évalué à 35 centimes par tête et par jour. Les enfants sont vêtus uniformément, et leur costume est d'une grande propreté ; les étoffes qui servent à sa confec- tion varient selon la saison. Chaque enfant a sa couchette séparée en bois, garnie d'un matelas en varech, de couver- tures et de draps de lit. Il y a deux dortoirs pour les garçons et deux pour les filles, surveillés chacun par un employé. L'instruction donnée aux enfants est la même que celle des bonnes écoles primaires de l'Alsace; les leçons se font en langue française; mais on se sert de la langue allemande pour l'enseignement et les exercices religieux. Cet ensei- gnement est donné par l'un des pasteurs de la localité. L'éta- blissement ne reçoit que des enfants protestants. Les travaux sont subordonnés, en tous cas, à l'instruc- tion et à l'éducation. On avait organisé naguère des ateliers de menuisiers, de tailleurs, de cordonniers; mais on les a supprimés parce que leurs frais dépassaient leurs bénéfices. L'agriculture et le jardinage ont été conservés, pour fournir aux enfants un moyen d'occupation qui entretienne chez eux les habitudes d'activité, et fortifie leur constitution en accroissant leurs forces. L'établissement possède 3 chevaux, 4 vaches, 4 veaux, 6 porcs, et quelques poules, oies et canards. On estime que les produits de l'exploitation agri- cole couvrent ses dépenses sans plus. C'est là un résultat incomplet, qu'on devrait s'efforcer et qu'il serait possible sans doute de rendre plus satisfaisant. L'apprentissage des enfants ne commence, à proprement parler, qu'après leur sortie, qui a lieu généralement après leur confirmation, vers l'âge de quinze à seize ans. Il y a une succursale à Strasbourg, où les enfants sont admis en attendant qu'ils puissent être placés convenablement. Elle occupe un logement loué, où les apprentis sont logés, nourris et soumis à une surveillance physique et morale. Depuis sa fondation, en 1825, l'institution du Neuhof a reçu 270 enfants, dont 186 garçons et 84 filles. Sur ce nombre total, 139 sont originaires de Strasbourg, 60 du Bas-Rhin et 24 du Haut-Rhin, provenant de quarante- deux localités différentes; 34 du pays de Montbéliard et de l'intérieur de la France, et 1 4 de la Suisse et de l'Allemagne. De ces 270 élèves, il y en a 74 qui résident encore à l'établissement ou à sa succursale; 17 sont morts pendant leur séjour au Neuhof; 57 ont été retirés par leurs parents après un temps plus ou moins long; 11 se sont évadés; 2 ont été transportés à l'hôpital pour cause de maladies incurables, et 410, dont 73 garçons et 37 filles, ont quitté régulièrement l'asile après y avoir reçu l'instruction et l'éducation complètes, déterminés par les statuts et les règlements. Parmi ces derniers, 69 garçons ont appris des métiers, 3 se sont voués à l'économie rurale, 1 est devenu institu- teur, et les 37 filles sont entrées en service comme domes- tiques. Tous ces anciens élèves du Neuhof sont dispersés à de plus ou moins grandes distances, et un grand nombre d'entre eux marchent dans la bonne voie et continuent à entretenir des rapports d'affection avec l'établissement qui a pris soin de leur enfance et de leur jeunesse. La direction supérieure et la surveillance de l'institution sont attribuées à un comité de neuf membres, qui se com- plète et se renouvelle lui-même, et qui rend compte annuel- lement de sa gestion aux souscripteurs et aux bienfaiteurs. Ce comité est secondé par un comité spécialement chargé 1 41,931 10 FRANCE. ÉTABLISSEMENT DU NEUHOF. 4. du placement, de la surveillance et du patronage des élèves après leur sortie. Les ressources de l'établissement se composent : 4° Des produits de la culture des terres; 2º Des produits des travaux des ateliers; 3º Du montant des pensions payées pour quelques élèves; 4º Des subsides accordés par le gouvernement, l'admi- nistration départementale ou municipale; 5º Des souscriptions et dons volontaires en argent ou en nature. Depuis son origine, en 1825, jusqu'en 1850, les recettes se sont élevées à 371,530 fr. 20 c., savoir: Pensions, bourses, dédommagements payés par des sociétés ou des familles en faveur de certains élèves Vente de divers écrits publiés au profit de l'établisse- Solde en caisse au 1er mai 1849 . RECETTES. Subside du ministère de l'instruction publique du conseil général du département. Dons et souscriptions recueillis à Strasbourg · dans les départements du Haut et du Bas-Rhin. de la France, hors l'Alsace. envoyés de l'étranger. Dons en vue de l'admission de plusieurs élèves, et pensions de quelques enfants • Vente de publications au profit de l'établissement. Recettes industrielles et économiques. Recettes diverses . fr. c. 97 fr. 516 30 1,500 00 300 00 . 5,467 50 2,106 75 • 1,558 55 793 55 4,950 08 169 75 180 93 445 7S Total. 17,767 15 B. — DÉPENSES. ment. 2,493 60 Traitements du directeur et des employés Vente de produits agricoles et industriels, et autres recettes. Dons de la charité. 14,097 25 Achat de denrées. 313,008 25 Habillement et blanchissage Chauffage et éclairage Total. 371,530 20 Frais de maladie. Les dépenses, pendant la même période, représentent une somme de 375,950 fr. 50 c., répartis comme suit : Emploi de plusieurs legs et dons importants à la construc- tion et à la réparation de bâtiments d'habitation et d'éco- nomie rurale, à l'acquisition et à l'entretien du mobilier, à l'achat de 5 hectares de terres; le tout formant l'avoir actuel de l'établissement. Dépenses courantes ordinaires. Fournitures d'école. Mobilier et ustensiles Entretien des bâtiments Fermage des terres, dépenses de l'agriculture. Achat de bestiaux et de fourrages Frais d'impression, de collectes, ports de lettres, etc. BALANCE. fr. C. Rentes viagères, impôts, assurances 116,618 55 259,531 95 Total. 575,950 50 Recettes. Dépenses fr. C. 2,318 00 4,912 20 3.159 70 1,680 25 267 55 135 60 998 90 420 40 • 1,147 00 477 95 626 10 Total. 1,507 95 .17,649 40 Si l'on partage cette dernière somme de 259,331 fr. 95 c. entre les vingt-cinq années d'existence de la maison, on a, pour chaque année, une dépense moyenne de 10,373 fr. 27 c., pour l'entretien, l'instruction et l'éducation des élèves, et une dépense moyenne de 960 fr. 48 c. pour l'entretien de chacun des 270 élèves pendant le temps complet de leur séjour au Neuhof. Les frais d'entretien de chaque enfant ont été, en moyenne, de 222 fr. 3 c. par an, ou de 61 centimes envi- ron par journée. Telles que nous venons de les établir, les dépenses totales ont dépassé les recettes de 4,420 fr. 30 c. Cette dernière somme représente la dette qui grève encore l'établissement. Pour amortir celle-ci, on a constitué, depuis quelques années, une caisse spéciale d'amortissement, alimentée à l'aide de dons spéciaux, qui a fonctionné de la manière la plus favorable, et qui mettra prochainement, il faut l'espé- rer, l'établissement à l'abri de tout embarras pécuniaire. Pour faire apprécier enfin la situation financière actuelle du Neuhof, nous donnons ci-après le relevé des comptes du 1er mai 1849 au 30 avril 1850. Solde en caisse au 50 avril 1850. fr. c. 17,767 15 17,649 40 117 75 Les résultats que nous venons de résumer sont dignes de remarque. L'établissement du Neuhof s'est soutenu et déve- loppé, pendant une longue période, à l'aide des seuls efforts de la charité chrétienne. Jusque dans ces derniers temps. son existence a été obscure et ignorée, bien qu'il puisse revendiquer, à juste titre, l'honneur d'avoir ouvert en France l'ère des écoles agricoles de réforme, qui depuis ont fait de si grands progrès. Son organisation se rapproche, comme nous l'avons dit, de celle des établissements analogues de Suisse et d'Allemagne ; son régime simple et paternel, l'ordre admirable qui préside à son économie, sont des exemples qui pourraient être utilement imités dans plusieurs des nou- velles colonies érigées en France dans ces dernières années. La religion seule peut accomplir de telles œuvres; ce n'est pas en vue d'un simple avantage terrestre que des hommes se dévouent, pour un mince salaire, à l'accomplissement d'une mission qui exige de grands sacrifices et un labeur pénible de tous les jours et de tous les instants. Aussi avons- nous été vraiment touché de l'esprit de véritable piété qui 13 98 ÉTABLISSEMENT DE SAINT-NICOLAS, A PARIS. FRANCE. domine au Neuhof; c'est surtout dans cet esprit que le digne | cette dernière cour, et se prolonge en retour sur la rue de directeur, et les employés qui le secondent, puisent leur force et leurs succès. XI. Établissement de Saint-Nicolas, à Paris. Ce fut en 1827 que Mar de Bervanger, qui dirigeait alors une association charitable d'ouvriers, sous l'invocation de saint Joseph (1), premier essai des classes d'adultes qui rendent aujourd'hui tant de services, conçut la pensée d'ou- vrir un asile aux enfants dépourvus de ressources, pour les préparer à l'exercice des professions laborieuses qui devaient les nourrir un jour. Il en réunit d'abord sept dans des mansardes du faubourg Saint-Marceau ; tel fut le modeste point de départ de l'oeuvre qui depuis a acquis un large développement. Grâce au concours de la charité, il devint possible, au bout de six mois, de louer un logement plus vaste; on passa successivement du chiffre de 1,200 francs de loyer à celui de 3,000 francs, puis de 5,000 francs. Enfin, déterminé par la conviction que, pour reposer sur une base solide, l'établissement devait avoir des bâtiments à lui, Mar de Bervanger se décida à faire l'acquisition de deux maisons spacieuses, l'une à Paris, rue de Vaugi– rard, 142, l'autre à Issy, ancien château de ce nom, Grande-Rue, 36, qui peuvent recevoir environ 1,000 en- fants, tous internes. ? La maison de Paris forme l'établissement principal; c'est celle où réside le directeur; la maison d'Issy n'est qu'une succursale où sont réunis les élèves les plus jeunes, en attendant leur passage à la maison de Paris. Celle-ci a été appropriée d'après un plan qui nous a paru laisser beaucoup à désirer, et qui pèche surtout sous le rapport du classement et de la facilité du service et de la surveillance. La petite cour qui donne entrée sur la rue de Vaugirard est bordée à droite par les cuisines et les réfec- toires, à gauche par la lingerie. En face est le bâtiment occupé par l'administration. Derrière ce bâtiment s'étend un vaste préau, distribué en deux parties; l'une est un jar- din à l'usage des convalescents; l'autre est spécialement affectée aux récréations des élèves. Un vaste bâtiment borde (4) Cette association, commencée en 1822, a duré jusqu'en juillet 1830; elle était composée de près de 7,000 ouvriers de divers états. 1,000 à 1,200 chefs de maisons de commerce et d'industrie en faisaient partie à titre de protecteurs. Les dimanches et jours de fête, les associés se réunissaient pour les offices divins; des classes et des jeux remplissaient ensuite la journée. Les ouvriers, munis de certificats favorables de leur curé, étaient reçus, logés et nourris gratuitement, en attendant qu'il fût possible de les placer convenablement. Des écoles étaient ouvertes tous les soirs, à la sortie des ateliers. Vaugirard. Les ateliers occupent le rez-de-chaussée et le premier étage de ce corps de logis. Au-dessus se trouvent les dortoirs. La chapelle, l'infirmerie et les classes se par- tagent l'aile qui donne sur la rue. Toutes ces constructions ont été faites avec une économie qui n'a pu, nous le crai- gnons, être obtenue qu'aux dépens de la solidité. Aussi, quoique récentes, présentent-elles généralement un aspect de délabrement qui, joint au défaut de propreté, laisse à la première vue une impression assez peu favorable dans l'esprit du visiteur. Les enfants ne sont reçus que depuis huit jusqu'à douze ans. Ceux âgés de moins de dix ans sont envoyés de préfé– rence à la maison d'Issy, où ils reçoivent des soins spéciaux. Ils doivent être porteurs de leur extrait de baptême, et d'un certificat de vaccine s'ils n'ont pas eu la petite vérole. Avant leur admission définitive, ils sont visités par l'un des méde- cins de l'œuvre. Les orphelins doivent avoir de plus l'extrait mortuaire de leurs parents. Le prix de la pension, payable mensuellement d'avance, est de 20 francs par mois pour les enfants orphelins de père et de mère, et de 25 francs pour les enfants non orphelins. On donne, en outre, 20 francs pour les menus frais qu'occa- sionne l'entrée de l'élève. Moyennant cette modique rétri- bution, l'établissement se charge généralement de pourvoir à tout ce qui se rapporte à l'entretien, à l'instruction et à l'apprentissage des pensionnaires. Le nombre de ceux-ci s'élevait, en 1845, à 800, et, en 1846, à près de 900. Il n'a guère varié depuis cette époque. appar- Cette population présente des éléments très-dissembla- bles. Si plusieurs des enfants élevés à Saint-Nicolas tiennent à de pauvres et honnêtes familles d'ouvriers, s'il est même parmi eux de nobles rejetons de hautes lignées, ruinées par les révolutions, la plupart n'ont pas de famille, pas de parents qui les avouent, pas de nom, et couraient dans l'abandon à une perte certaine. Des sociétés charita- bles ou des patrons généreux les ont recueillis et confiés à Mer de Bervanger, qui seul, dans l'établissement, sait le secret de leur origine. Pour conserver ce secret, chaque enfant est désigné par un simple numéro, sous lequel il est connu dans la maison. Le régime est d'ailleurs le même pour tous. La nourriture est proportionnée à l'âge, à la taille et à l'appétit des élèves: elle se compose, au déjeuner, d'une soupe et de pain; au dîner, trois fois par semaine, de soupe, pain et viande; les quatre autres jours la viande est remplacée par un plat de légumes; au goûter, d'un mor- ceau de pain, et au souper, de pain, un plat de légumes, ou de la salade, ou du fruit suivant la saison. Les diman- ches, les enfants ont un peu de vin, et aux fêtes annuelles, en plus, un dessert. L'alimentation des employés ne diffère guère de celle des élèves, sauf en ce qui concerne les quan- tités et quelques légères additions de lait, de vin et de pois- University PARSONS MICHIGAN of LIETAS LIBRARY FRANCE. ÉTABLISSEMENT DE SAINT-NICOLAS, A PARIS. son. Le tout est réglé par un tarif, qui sert de base aux distributions (1). L'établissement habille et blanchit les enfants; il entre- tient leurs habits et fournit à chacun d'eux un lit, une pail- lasse, un matelas, un traversin, deux couvertures, deux paires de draps, cinq chemises, quatre paires de chaussettes, quatre serviettes, deux pantalons d'été et deux d'hiver, un gilet, une veste de drap ou un tricot pour l'hiver, cinq blouses, une casquette, deux paires de chaussures, six mouchoirs, deux ceintures, des bretelles et des peignes: le tout marqué au numéro de l'élève. Il fournit en outre les livres, le papier et les plumes pour la classe. -Les enfants sont reçus avec un simple vêtement, fût-il en mauvais état, et quand ils quittent on leur laisse l'habillement de tous les jours. Malgré le système d'éducation chrétienne pratiqué dans l'établissement, le directeur, consultant les mœurs et les préjugés des ouvriers de Paris, s'est gardé de lui donner aucun caractère clérical ou monastique. Les instituteurs qu'il emploie sont laïques, et le nom de frères qu'ils se don- nent entre eux, et qu'ils reçoivent des élèves, n'est pour tous qu'un lien et une garantie d'affection plus étroite. Le gouvernement de Saint-Nicolas est partagé entre le supé- rieur, chargé de la direction, un conseil d'administration, des aumôniers et des intendants. Sous les ordres de ces fonctionnaires, agissent les frères, dont les principaux sont le sacristain, le caissier, le procureur, le préfet des études, le préfet de la salubrité, celui de la musique, celui des ate- liers. Me de Bervanger a tracé les attributions et les devoirs. de ces employés dans une règle, sorte de constitution de l'œuvre, qui renferme d'excellents préceptes et qui sera consultée avec fruit pour l'organisation de tout établisse- ment du même genre. Le ménage proprement dit, la au dîner et souper. pour la soupe du ma- 125 gr. 100 gr. 34 >> 4 ctil. .(1) ter.... Pain au déjeuner et goû- 250 gr. 200 » Tarif de la nourriture par individu. Are taille. 2c taille. 3e taille. 4° taille. 142 gr. 125 >> 200 gr. 200 gr. 167 gr. 167 » 142 » tin. 100 » 84 » 72 » 62 ». pour la soupe du dîner, 50 » 42 » 10 ctil. 8 ctil. 36 >>> 6 ctil. 13 ctil. 44 ctil. 70 gr. 9 ctil. 40 gr. 30 gr. 25 gr. 33 ctil. 25 ctil. • • 1 60 gr. 400 » 50 gr. 80 » 40 gr. 60 » 30 gr. 50 >>> 8 » 6 6 » » 5 » 5 »> Riz Vin.... Viande Légumes secs · Pommes de terre Raisiné Pruneaux Sel, beurre ou graisse de lard pour la soupe du matin ou les légumes seuls; sel pour le pot- au-feu de chaque ar- ticle employé. Sel,graisse ou beurre pour soupe et légumes ré- unis, de chaque article employé. · Huile à manger • Vinaigre. 4 litr. 50 ctil. 63 gr. 7 ctil. 20 gr. 12 v 10 » 10 »> 8 » 8 » 6 >> 6 » 2 ctil. 4 otil. 1 ctil. 4 ctil. Grandes personnes. Discrétion. Id. Id. (sans soupe). 60 gr. 25 ctíl. Hommes. 200 gr. Femmes. 165 » 14 ctil. 42 gr. 4 lit. 65 gr. 420 >> 40 » 14 » 44 >> 2 ctil. Riz au lait, 4 litre de lait pour 1/2 kilog. de riz, et 1 litre 1/4 pour 1/2 kilog. 99 cuisine, la dépense, la buanderie, la lingerie, l'infirmerie, sont confiés à un certain nombre de sœurs de charité. - Le nombre des employés s'élève à 70 grandes personnes à demeure, 25 maîtres ou chefs d'ateliers externes, et 30 per- sonnes à la journée. Il y a donc un employé pour 7 à 8 en- fants environ. Ce grand nombre d'employés permet d'exercer une sur- veillance active et continue sur la conservation des mœurs: les enfants qui, sous ce rapport, pourraient être nuisibles à leurs compagnons, sont remis immédiatement aux parents ou aux protecteurs. Les frères couchent au milieu des enfants. L'un d'eux veille sans relâche, la nuit, dans les dortoirs, qui sont constamment éclairés pour prévenir les accidents de tous genres. De temps en temps les enfants changent de voisins dans les dortoirs. On met beaucoup de réserve à cette vigi- lance, afin de ne pas apprendre aux enfants ce qu'il serait heureux qu'ils ignorassent toujours. Les grands se lèvent à cinq heures et demie pendant l'été, et à six heures pendant l'hiver, et les petits à sept heures et un quart en toutes sai- sons. Le coucher a lieu, en hiver, à huit heures, et en été à neuf heures. L'enseignement embrasse la lecture, l'écriture, l'arith- métique et l'orthographe ; les éléments de la grammaire fran- çaise, de la géographie et de l'histoire de France, l'analyse grammaticale et l'analyse logique, la tenue des livres, le dessin linéaire, la géométrie pratique, la musique vocale, la musique instrumentale la plus complète; la gymnastique et la natation; les connaissances préliminaires de physique, de chimie et d'histoire naturelle applicables aux usages de la vie; l'arpentage et le toisé ; l'horticulture. Ce n'est qu'aux enfants des premières divisions qu'on apprend les notions élémentaires de physique, de chimie et d'histoire naturelle, les éléments de géométrie pratique, ainsi que la musique instrumentale. Les premières divisions suivent le cours de dessin linéaire, de chant et de tenue de livres. Tous les élèves sont libres de suivre les leçons de gymnastique et de natation, pourvu que leurs parents ou leurs protecteurs aient donné leur consentement. Les élé- ments d'arpentage et les autres notions indiquées plus haut sont enseignés en même temps que l'horticulture, à la maison d'Issy. Les enfants ne restent pas en classe plus de trois heures de suite. On ne s'arrête au même sujet que d'une demi- heure à une heure et demie au plus. Ceux qui ne font pas partie des ateliers ont huit heures et demie de classes et études, excepté les plus petits qui n'en ont que six heures et demie, se levant plus tard. Chaque classe n'est que de 50 à 70 élèves au plus. Plusieurs fois par an, on fait subir aux élèves des examens, et une distribution solennelle de prix termine les exercices de l'année. Les frères s'appliquent à présenter l'étude sous des formes attrayantes et variées, à exercer les enfants à rendre compte de ce qu'ils ont appris et observé. Ils leur permettent de des grandes personnes. 100 ÉTABLISSEMENT DE SAINT-NICOLAS, A PARIS. FRANCE. proposer les difficultés, et y répondent avec bonté. Rien n'est laissé à l'arbitraire: les moindres détails sont écrits dans la règle, et les enfants connaissent leurs droits et à quoi ils s'exposent en ne remplissant pas leurs devoirs. Les frères étendent leurs soins non-seulement à l'instruc- tion, mais encore à l'éducation des enfants. Ils s'appliquent à donner à leurs élèves toutes les notions nécessaires pour assurer leur avenir, pour les rendre ouvriers probes, labo- rieux et habiles, leur faisant aimer le travail manuel, détruisant des préventions qui ne peuvent se concilier qu'avec les avantages de la fortune, et les prémunissant contre les mauvais exemples qu'ils pourront trouver dans le monde. L'enseignement musical occupe une large place dans le système d'éducation de l'établissement de Saint-Nicolas; la musique y est considérée non-seulement comme un moyen de récréation et de délassement, mais encore comme un art susceptible d'ouvrir une carrière utile aux jeunes musiciens. à leur sortie. Ainsi plusieurs de ceux-ci ont-ils trouvé à ce titre des engagements plus ou moins avantageux dans les musi- ques des régiments. L'établissement possède pour 25,000 fr. d'instruments qui, hors des exercices, sont rangés en bon ordre dans des armoires vitrées. Indépendamment d'un orchestre militaire, le directeur a organisé une musique de chapelle. Tous les dimanches, à quatre heures, un salut est chanté par les enfants avec un remarquable ensemble, et à cette occasion la tribune de la chapelle est ouverte à tous les étrangers. Dans le préau principal on a établi des appareils pour la gymnastique, ainsi que divers jeux, tels que balançoires, jeux de bagues, etc., qui servent aux récréations des élèves. Les leçons de natation sont données à la maison d'Issy, où il existe un vaste bassin et où les élèves de la maison de Paris se rendent de temps en temps, musique en tête, pour s'y livrer à leurs exercices. On a organisé des ateliers pour les élèves qui sont des- tinés à faire leur apprentissage dans l'établissement. Ces ate- liers embrassent, outre les travaux domestiques pour l'usage de l'établissement, tels que la boulangerie, la cordonnerie, la confection et la réparation des habillements, plusieurs des professions qui, exerçant la main et l'intelligence, tiennent à la fois du métier et de l'art, et constituent la spécialité de l'industrie parisienne. Tels sont les ciseleurs sur bronze, les horlogers, les passementiers, les dessinateurs pour étoffes, les fabricants d'instruments de mathématiques, les bijoutiers en or et en argent, les graveurs sur bijoux et sur métaux, les monteurs en bronze, les bijoutiers en faux, les estam- peurs, les selliers, les tabletiers à la main, les fabricants de tabatières en carton laqué, les bijoutiers en acier, les quin- cailliers, les peintres sur porcelaines, les ébénistes, les mé- caniciens et les serruriers. Malheureusement, la révolution de février, en venant jeter la perturbation dans l'industrie parisienne, n'a pas épargné les ateliers de Saint-Nicolas. Plusieurs de ceux-ci ont cessé de fonctionner ou languissent. Toutefois, l'administration met tout en œuvre pour réparer ces désastres et maintenir la régularité du travail. Les enfants ne fréquentent les ateliers que sur une de- mande expresse de leurs parents ou protecteurs, et après leur première communion Le travail manuel occupe en moyenne huit heures et demie par jour. Les apprentis suivent tous les jours une classe durant deux heures, à moins que les parents ou les protecteurs ne désirent qu'ils passent ce temps dans les ate- liers pour se perfectionner dans leur profession. L'apprentissage est de deux, trois ou quatre ans, suivant la profession. Le temps de l'apprentissage fini, les élèves sont libres de demeurer à l'établissement, et ce qu'ils gagnent au delà de leur entretien est déposé en leur nom, si on le désire, à la caisse d'épargne. Les parents sont libres de faire adopter à leurs enfants l'état qu'ils préfèrent, après avoir consulté leur goût, leur force physique et leur intelligence. Le nombre des apprentis s'élevait à une centaine environ à l'époque de notre visite. Les ateliers sont un surcroît de charge pour la maison; mais comme l'administration ne prétend pas faire une spé- culation pécuniaire, la pension est la même pour les enfants des ateliers et pour les plus jeunes, quoique l'entretien des premiers soit plus cher. Ceux qui travaillent réclament une nourriture plus abondante; et, sans parler des frais d'éta- blissement, on conçoit qu'il faut là un personnel plus nom- breux pour la surveillance prescrite par la règle. Tout le bénéfice du travail appartient aux chefs d'ateliers; ils sont par là plus intéressés à accélérer les progrès de leurs apprentis, et à se conformer au règlement de la maison. Les maîtres des ateliers doivent fournir, à leur compte. tous les outils à l'usage des apprentis. Les maîtres s'engagent avant tout à les traiter en bons pères de famille, à ne pas les employer trop longtemps de suite à la même partie de l'état, mais à leur en montrer le mécanisme entier. Tout est stipulé dans les engagements que les parents contractent avec les maîtres, et de l'appro- bation de l'administration. Celle-ci ne s'oblige à rien à cet égard. Elle ne s'engage à conserver ni les maîtres ni les apprentis, afin d'avoir le droit de renvoyer de la maison toutes les personnes dont la présence lui semblerait dan- gereuse. La discipline est basée sur un système complet de récom- penses et de punitions, dont il ne sera pas inutile de donner une esquisse que nous empruntons, de même que la plu- part des renseignements qui précèdent, aux règles de l'œuvre rédigées par Mº¹ de Bervanger. Dans les classes, les catéchismes, les ateliers, etc., on donne des bons points aux enfants, en proportion de leur application et de leurs progrès. Trois fois par an ils reçoi- vent des livres, des images, etc., en échange des bons points qu'ils ont gagnés Les notes de conduite, de travail et d'application pour chaque semaine sont affichées au parloir. On y trouve éga- FRANCE. ÉTABLISSEMENT DE SAINT-NICOLAS, A PARIS. 101 ہو lement des tableaux où sont indiquées les places obtenues dans les compositions de la semaine, ainsi que des notes trimestrielles, dont le bulletin est remis aux parents ou aux protecteurs. Les élèves qui sont constamment sur le tableau de bonne conduite pendant le trimestre reçoivent de droit un prix à la fin de ce trimestre. Une distribution solennelle des prix précède tous les ans les petites vacances. Pour encourager les enfants, l'administration leur procure de temps à autre des récréations extraordinaires, pour les-- quelles elle fait quelques dépenses. Pendant l'été, ce sont de grandes promenades, où les élèves portent dans leur havre-sac des provisions pour la journée; pendant l'hiver on fait venir des physiciens, des ventriloques, etc. On fait dési- rer le retour de ces plaisirs qui demandent aux enfants des efforts, une bonne conduite et une application soutenues. Un temps suffisant de récréation sépare les heures d'études et de travail. Les récréations du dimanche sont de huit à dix heures, de midi à une heure, de deux à quatre heures. Pendant la semaine, les récréations durent chaque fois une heure, à huit heures et demie du matin, à midi, à trois heures et demie, et, pendant l'été, à huit heures du soir. Elles sont réduites à une demi-heure pour les élèves des ateliers. Le dimanche, à trois heures, les élèves des ateliers exé- cutent des morceaux de musique militaire au milieu des parents qui viennent les visiter. Durant les récréations, les enfants peuvent se livrer aux exercices gymnastiques. Le jeudi, quand le temps le permet, les frères mènent à la promenade les enfants qui ne sont pas occupés dans les ateliers; ceux-ci sont conduits au dehors, le dimanche, pendant l'été. Il est loisible aux parents et aux protecteurs de voir leurs enfants seuls tous les jours, mais seulement aux heures de récréation, et quand ceux-ci n'ont point mérité la retenue. Il y a trois sorties par an: l'une de trois jours au nouvel an, l'autre de trois jours à Pâques, et la troisième de huit jours à la suite de la distribution des prix. Les enfants ne vont en vacances, au mois de septembre, qu'à la demande des personnes qui payent leur pension, ou avec leur permission. frère. Toutefois, les retenues ne se prolongeut pas pendant tout le temps des récréations, des récréations, les enfants ayant besoin pour leur santé de prendre l'air et un peu d'exercice. S'il n'y a pas d'amélioration dans leur conduite. on les prive de la promenade. Rarement on retranche à un enfant une partie de sa nour- riture. On attache une idée de honte et de châtiment à mille choses qui peuvent être indifférentes en elles-mêmes En général, on s'efforce de porter au bien par des encoura- gements; et, dans les punitions, on a égard aux soins qu'exige la santé. L'usage de la prison est interdit à Saint-Nicolas, parce que, d'après la règle, un enfant ne doit jamais rester seul sans surveillance; ensuite parce qu'on ne veut past familia- riser les enfants avec l'idée de ce châtiment. On sépare ceux qui, par leur étourderie. pourraient entraîner les autres à faire des fautes. Un jury, composé des enfants les plus sages, juge ceux qui auraient dérobé, ou qui auraient excité leurs camarades par de mauvais conseils à des transgressions considérables. Dans ce cas, on leur impose l'humiliation usitée dans les régiments, à moins que les parents ne préfèrent les retirer. Les maîtres se font alors censeurs pour s'opposer aux abus. Ce mode de punition a obtenu d'heureux résultats, et l'ap- plication en est devenue rare. Il est strictement défendu de maltraiter les enfants. On tâche de gagner, par une sage modération, ceux qu'on ne ferait qu'irriter par une sévérité indiscrète. Le régime et la discipline sont les mêmes dans les deux maisons de Paris et d'Issy, sauf les différences commandées par l'âge des élèves dans l'un et l'autre établissement. Issy est en même temps une maison de convalescence où l'on envoie les élèves de Paris, qui ont besoin, pour se remettre, du séjour de la campagne et de l'exercice en plein air. C'est là qu'est établie l'école d'horticulture destinée à former des jardiniers et des horticulteurs; à cet effet on y a érigé une serre et une orangerie. Il entre aussi dans les vues du supérieur de l'œuvre de fonder un établissement analogue pour les jeunes filles. Cet établissement serait voisin, mais absolument séparé de la maison d'Issy; il aurait ce premier avantage d'épargner une partie des 12,000 francs dépensés chaque année en frais de couture et de blanchissage. D'un autre côté, le potager et le marais d'Issy, complétement mis en valeur, lui four- La maison est dirigée d'une manière toute paternelle. niraient les légumes et les fruits nécessaires à la consomma- Les maîtres savent que par la dureté on abrutit l'esprit, tion de ses pensionnaires. Cette combinaison équivaudrait à qu'on fait perdre tout sentiment honnête, et qu'on inspire de celle qui a été adoptée chez nous pour la réunion, sur la l'horreur pour l'étude et le travail; aussi, quand il est néces-propriété de Ruysselede, des deux écoles de réforme pour saire de punir, on tâche de convaincre les enfants que la sévérité même est dans leur intérêt. Les enfants peuvent presque toujours racheter les péni- tences par les bons points qu'ils ont obtenus. Ceux qui ont commis des fautes graves sont envoyés en retenue, pendant les récréations, où ils sont gardés par un les garçons et pour les filles. Il nous est difficile, pour ne pas dire impossible. de nous prononcer sur le mérite de l'œuvre accomplie par Ms de Ber- vanger. Lors de notre visite à son établissement, les vacances venaient de finir; la rentrée des élèves occasionnait un cer- tain désordre qui n'est pas sans doute habituel; on ache- 102 FRANCE. ÉTABLISSEMENT DE SAINT-NICOLAS, A PARIS. vait les réparations les plus urgentes; la plupart des ateliers étaient inoccupés ou ne fonctionnaient qu'avec irrégularité. Accoutumé à la stricte propreté des établissements belges, nous avons dû naturellement être plus choqué que ne le seraient probablement d'autres visiteurs de l'apparence de certains lieux et du défaut de soin qui semblait régner dans cette branche importante du service. Quoi qu'il en soit, on ne peut refuser au directeur un zèle et un dévouement dignes de tout éloge; réduit à ses propres ressources, privé de tout patronage officiel, sa persévérance a surmonté des obstacles qui eussent certainement arrêté tout homme qui n'eût pas été animé de ses charitables convictions et de sa confiance dans l'excellence du principe sur lequel est fondé l'établissement de Saint-Nicolas. A côté des nombreux col- léges et pensionnats destinés aux enfants de la classe riche et moyenne, il s'agissait de créer un pensionnat modeste pour les enfants pauvres et moralement négligés. Ce but a été atteint; l'œuvre est sans doute susceptible de nombreux perfectionnements, mais telle qu'elle existe, elle a néan- moins résolu un important problème, celui d'élever et d'en- tretenir au plus bas prix possible, au sein d'une grande cité, une classe nombreuse de pauvres êtres qui, sans cette assis- tance, auraient inévitablement été grossir les rangs des hommes de désordre et de vice qui pullulent dans les cen- tres de population. Les frais d'achat, d'appropriation et d'ameublement des deux maisons de Paris et d'Issy, se sont élevés à près de 1,200,000 francs. Sur cette somme, en 1849, il restait encore à payer environ 625,000 francs. Cette dette, si elle était consolidée, représenterait un loyer d'environ 34,000 fr., qui ne serait pas hors de proportion avec l'importance et l'utilité de l'établissement. En 1844, pour une population moyenne de 750 enfants et de 106 employés et servants, la dépense a été de 199,217 fr. 62 c.; en déduisant de cette somme le mon- tant des bénéfices des ateliers et le produit de ventes di- verses, s'élevant ensemble à 10,782 fr. 57 c., on a une dépense réelle de 188,435 francs. Chaque enfant a donc coûté 251 fr. 25 c., ce qui porte la journée d'entretien à 69 centimes. C'est le tiers de ce que coûtent les colons de Petit-Bourg. Pour une population de 1,000 élèves que pourraient recevoir les deux maisons, en satisfaisant largement à tous les besoins de leur éducation et de leur entretien, le direc- teur estime qu'il faudrait qu'il pût disposer annuellement d'un revenu de 300,000 francs, pour subvenir en outre aux intérêts et à l'amortissement des dettes qu'il a dû contracter. La répartition de cette somme aurait lieu de la manière suivante : 1º Traitements des caissier et procureur, frais d'impression, de bureau, ports de lettres, menues dépenses. 2º Traitements des aumôniers, des sacris- tains, des organistes et des chantres; entretien du culte des deux chapelles. 3º Traitements des médecins, des sœurs in- firmières, des domestiques chargés de la propreté; dépenses pour les infirmeries des deux maisons; brosses, balais, etc. 4º Instruction et ateliers; traitements des maîtres internes et externes, au nombre de 45; fournitures pour les classes. 5º Entretien complet des enfants, vestiaire, lingerie, buanderie; traitements des per- sonnes attachées à ces offices. 1 6º Comestibles et liquides; frais de jardi- nage; traitements des sœurs économes et des aides. 7º Combustible, éclairage, fumisterie 8° Entretien des meubles et immeubles. 9° Impôts. 10° Intérêts et amortissement des dettes. Totaux. DÉPENSE pour dépense TOTALE. CHAQUE ENFANT, fr. fr. 3,000 10 5 6,000 6 8,000 ♡ S 25,000 25 60,000 60 120,000 120 9,000 9 6,000 6 3,000 3 60,000 60 300,000 300 Une pension de 300 francs par an suffirait donc pour assurer tous les services; c'est celle que payent les enfants non orphelins; le déficit provenant de la pension réduite des orphelins (240 fr.) serait couvert au moyen des dons et souscriptions et des produits de l'établissement. IV ANGLETERRE. Établissements industriels et agricoles pour les enfants pauvres, orphelins, abandonnés, mendiants, vagabonds et les jeunes condamnés. 1 ï La première idée des écoles industrielles pour les enfants pauvres s'est produite en Angleterre à une époque où l'in- dustrie manufacturière n'avait pas encore pris, dans cette île, l'essor qui depuis a eu un si prodigieux développement. Les écoles d'industrie y furent, dès l'origine de la législation sur les pauvres, considérées comme un des préservatifs les plus utiles contre la mendicité et l'indigence. Lord Hale, dans un Traité publié vers la moitié du xvir siècle (1), en recherchant les améliorations qui pourraient être apportées à la célèbre loi de la reine Élisabeth sur les pauvres, pro- posa d'établir dans chaque paroisse une maison d'industrie, où les enfants seraient instruits en divers genres de travaux Les juges de paix devaient choisir un maître, dont les fonc- tions dureraient au moins trois ans, dont le salaire serait pris sur les revenus de ladite maison ou sur le produit de son travail. Deux inspecteurs devaient surveiller la distri- bution et l'emploi des matières premières, recevoir par mois ou par quartier les comptes rendus par le maître, soit en matière, soit en deniers. Peu de temps après, Firmin (2) faisait remarquer aussi que << si une paroisse qui abonde en pauvres prenait le parti d'établir une école d'industrie, pour montrer à tra- (1) Ce Traité est cité avec de grands éloges par Thomas Ruggles, dans son Histoire des pauvres (lettre 6º). (2) Par deux lettres publiées en 1678 et 1681. vailler aux enfants pauvres qui errent dans les paroisses. mènent une vie misérable et passent leur temps à mendier et à voler, il en résulterait bientôt de grands avantages. non-seulement non-seulement pour les enfants, mais pour les parents eux- mêmes. » Il ajoute qu'il y a des exemples de ce qu'il pro- pose autour de lui; que, d'après ce qu'il a entendu dire cela se pratique dans d'autres pays avec tant de fruit, qu'il y a peu d'enfants de sept ou huit ans qui soient à charge à la paroisse ou à leurs parents. Il voudrait qu'on occupât les enfants, non-seulement à la filature du chanvre et de la laine, mais aussi au tricot, au dévidage de la soie, aux ouvrages en dentelle ou à l'aiguille, et à beaucoup d'autres de la même espèce. Le même projet a été reproduit, peu de temps après, par un philosophe illustre qu'on est peu accoutumé à ran- ger parmi les promoteurs des établissements de charité, mais dont on connaît les judicieux travaux sur l'économie politique. Au commencement du xvIII° siècle, les clameurs qu'excitaient le nombre des pauvres et la taxe imposée pour venir à leur secours avaient fixé l'attention du parlement. La chambre des communes chargea les commissaires du bureau du commerce de rechercher les causes et les re- mèdes du mal. Locke, l'un d'entre eux, et secrétaire de ce bureau, fut chargé, en cette qualité, du travail et du rap-' port qui fut mis sous les yeux des grands juges du royaume. 104 ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS ET AGRICOLES. ANGLETERRE. Il établit comme fait que «< plus de la moitié des pauvres qui recevaient alors des aumônes gratuites étaient en état de travailler. » L'un des principaux moyens qu'il propose est l'établissement, dans chaque paroisse, d'une école de travail. «Les enfants des pauvres, depuis l'âge de trois ans jusqu'à quatorze ans, seraient logés, nourris, entretenus, et mis à l'ouvrage dans cette école. Les ouvriers de métier, habitant dans le comté, seraient tenus de prendre en apprentissage la moitié de ces enfants et de les garder jusqu'à l'âge de vingt-trois ans; les propriétaires de ferme et les fermiers devraient prendre le reste en la même qualité et pour même temps. >> le Locke calculait que les travaux de ces enfants, jusqu'à l'âge de quatorze ans, couvriraient la dépense qu'ils auraient occasionnée à l'école. Ce projet fut rédigé en forme de bill, et présenté au parlement en 1705, mais il ne fut pas adopté (1). Le mémoire de Locke était resté dans l'oubli; cependant plusieurs écrivains estimables avaient en Angleterre, pen- dant le cours du xvш° siècle, insisté sur l'utilité des écoles d'industrie. Dans leur nombre on remarque Richard Lloyd, qui coordonnait ces établissements avec les écoles d'instruc- tion intellectuelle et avec les écoles du dimanche, et qui faisait concourir l'enseignement du travail avec les influences religieuses. Il se fondait sur cette réflexion, que les pauvres sont peu en état de bien diriger l'éducation de leurs propres enfants; que ces enfants sont bien mieux élevés dans de grands établissements, sous une commune discipline. On est frappé de voir que les mêmes vues se sont encore présentées à la pensée d'un grand homme d'État, du célè- bre Pitt. Le premier article, en effet, du plan qu'il présenta au parlement, en 1796, sous le titre de Bill pour améliorer l'assistance et l'entretien des pauvres, avait pour objet l'éta- blissement d'une école de travail, dans chaque paroisse ou dans chaque district incorporé, dans l'intention d'instruire les enfants au travail (2). La liberté eût été laissée aux pa- roisses d'entretenir leurs enfants pauvres dans les écoles de travail, de les y loger ou de ne ou de ne les y tenir que pendant les heures de travail, et alors de les y nourrir, ou de leur don- ner de l'ouvrage dans leurs maisons; de profiter d'une tie du gain obtenu, pour diminuer d'autant la somme des secours, sauf à donner des récompenses à ceux qui auraient été ainsi employés. Les administrateurs des secours publics, dans les paroisses, eussent été chargés d'instituer ces écoles et de les diriger; ils les auraient approvisionnées de matières premières et d'ustensiles. Les parents chargés d'enfants en par- (4) On trouve cet extrait du rapport de Locke dans l'ouvrage de sir Morton Eden, intitulé: État des pauvres, etc., 3 vol. in-4º; liv. I, chap. III. Londres, 1797. (2) Sir Morton Eden a donné aussi l'analyse du bill de Pitt. Thomas Ruggles avait coopéré à sa rédaction, bas âge, et comme tels admis aux secours publics, auraient été tenus, sous peine de perdre leurs droits à ces secours, d'envoyer leurs enfants à l'école de travail, dès l'âge de cinq ans, pour y être instruits et entretenus. D'après le règle- ment, les pères et mères qui auraient préféré garder leurs enfants chez eux auraient été astreints à les élever et à les employer suivant la prescription des administrateurs; à cette condition ils auraient été assistés jusqu'à ce que ces enfants fussent en état de gagner leur vie. Une partie du gain des enfants eût été réservée pour l'école ; des récom- penses eussent été décernées aux élèves. A leur sortie de l'école de travail, les enfants qui n'auraient pu rentrer dans leurs familles eussent été placés par les administrateurs comme domestiques, ou mis en apprentissage aux frais des paroisses. Tel était le plan de Pitt. On lui opposa diverses objec- tions. On appréhendait qu'en abandonnant l'éducation indus- trielle des enfants pauvres à la volonté des officiers de pa- roisse, l'arbitraire, l'incapacité ne vinssent présider à l'édu- cation de ces enfants; que leur véritable intérêt fût méconnu ; que l'autorité paternelle ne fût pas consultée; que l'admi- nistration publique ne se chargeât d'une entreprise trop compliquée et trop difficile ; que les dépenses du service des secours publics, déjà si énormes, n'en fussent encore accrues. On craignait surtout que les écoles d'industrie, formées comme établissements publics, ne fissent naître une concur- rence nuisible aux entreprises privées; qu'elles n'occasion- nassent un encombrement de produits. Ces arguments, qui ne tendaient à rien moins qu'à laisser un libre cours aux abus auxquels il importait de porter remède, l'emportèrent néanmoins sur les excellentes raisons alléguées à l'appui du projet de réforme. La proposition de Pitt n'eut pas plus de succès que celles qui, avant lui, avaient déjà occupé le par- lement. Plus d'un demi-siècle s'est écoulé depuis la tentative dont nous venons de tracer l'historique, et jusqu'ici la réforme, dont la nécessité était généralement reconnue, n'a reçu encore qu'un faible commencement d'exécution. Les enfants pauvres continuent à être placés dans les maisons de tra- vail (workhouses), où ils occupent généralement des quar- tiers séparés; mais cette séparation n'est pas telle qu'ils ne soient souvent en contact avec les indigents et les mendiants adultes, au grand détriment de leur moralité. En 1840, le nombre de ces enfants, âgés de moins de seize ans, était de 64,570; ils étaient répartis dans sept cents établisse- ments environ. Leur nombre est encore à peu près le même aujourd'hui. Mais ces enfants constituent à peine le dixième des jeunes indigents qui reçoivent des secours à domicile (out-door poors). En présence de cette population qui naît, ! ANGLETERRE. ÉTABLISSEMENTS INDUSTRiels et agricoles. grandit et se renouvelle incessamment au sein de la misère, du désordre et du vice (1), le gouvernement a compris l'ur- gence d'opposer une digue à l'extension du mal, en s'oc- cupant spécialement de l'éducation physique, religieuse, morale et professionnelle des jeunes indigents, orphelins, mendíants, vagabonds, etc. A cet effet, il a pris des mesures pour améliorer l'organisation des écoles annexées aux mai- sons de travail, et il a proposé au parlement une série de dispositions ayant pour but d'extraire les jeunes indigents de ces derniers établissements, et de les réunir dans des écoles de district, qui seraient érigées par les unions de paroisses, associées en plus ou moins grand nombre, dans des circonscriptions déterminées. Ces dispositions, approu- vées par la législature, forment l'objet des actes 7 et 8 Vic- toria, chap. 104, et 10 et 11 Victoria, chap. 83. Elles correspondent, à certains égards, à celles qui ont été intro- duites en Belgique par la loi du 3 avril 1848, qui institue des écoles de réforme pour les jeunes indigents, mendiants et vagabonds, placés jusque-là dans les dépôts de mendicité. Malheureusement, les actes dont il s'agit se bornent à autoriser l'association des unions paroissiales dans le but spécifié, au lieu de leur imposer la création des écoles de district comme une obligation. Aussi était-il facile de pré- voir que cette tentative nouvelle n'aboutirait qu'à un résultat à un résultat incomplet. L'autorité supérieure, ne pouvant intervenir près des autorités locales que par voie de conseils et de persua- sion, il est arrivé que ces conseils sont restés stériles et que la persuasion a généralement échoué. Deux enquêtes ont été faites, à quelques années de dis- tance, pour constater la situation des écoles des workhouses, et les effets des mesures prises ou recommandées pour leur amélioration ou leur déplacement. La première de ces enquêtes date de 1840; elle a été confiée aux commissaires- assistants de la loi des pauvres (2); la seconde a été insti- tuée en 1847-1848, et conduite par les inspecteurs des écoles (3). Les rapports de ces divers fonctionnaires pré- (1) Voici le relevé du nombre total des pauvres secourus, y compris les enfants, en Angleterre et dans le pays de Galles, mis en regard avec les dépenses qu'ils ont occasionnées, et le nombre des individus jugés du chef d'offenses contre la propriété, vols, etc., pendant les années 1815 à 1848 : NOMBRE des MONTANT de la TAXE DES PAUTRES. NOMBRE D'INDIVIDUS jogės du chef de vols, etc. PAUVRES SECOURTS. ANNÉES. RAPPORT à la POPULATION sur 100 habitants, liv. 4845 1,470,970 8.8 6,791,006 1846 1,332,089 7.9 6,800,623 21,542 1847. 1848 1,721,350 4,876,541 10.1 6,964,825 25,303 40.8 7,817,430 26,082 20,977 (2) Les rapports des commissaires ont été publiés en 1844, sous le titre : Report to the Secretary of State for the Home Department, from the poor law Commissioners, on the training of pauper children, with appendices. (Rapport des commissaires de la loi des pauvres au secrétaire d'État chargé du département de l'intérieur, sur l'éducation des enfants pauvres.) (3) Minutes of the Committee of Council on education; with appen- dices. 1847-8-9. England and Wales. Schools of paroissiol unions. (Rapports des | 108 sentent un haut degré d'intérêt; ils ne se bornent pas à signaler les maux et les abus, mais ils indiquent et discu- tent les remèdes, et, parmi ceux-ci, ils rangent en première ligne l'institution des écoles de district, où l'agriculture et le jardinage, combinés avec certaines occupations industrielles et sédentaires, formeraient la base de l'éducation profes- sionnelle. Cependant ils ne se dissimulent pas que cette institution doit rencontrer de grands obstacles, résultant ici de l'apathie et de la routine, là de l'élévation des frais devrait entraîner l'organisation des nouveaux établissements, ailleurs d'erreurs et de préjugés, qu'il est moins facile de déraciner que de combattre. Parmi ces objections, il y en qui ont été et qui sont encore faites chez nous comme en Angleterre. Améliorer, dit-on, la condition des jeunes indi- gents, mendiants et vagabonds, créer en leur faveur, à grands frais, des écoles d'industrie et de réforme, c'est placer ces enfants dans une position relativement plus avantageuse que celle des enfants des ouvriers honnêtes et indépendants. « Je conviens, répond l'un des inspecteurs, M. Tufnell (4). que l'éducation des enfants indigents, dans les écoles de district, sera généralement meilleure que celle que reçoi- vent les enfants de la classe ouvrière; mais, tout en conve- nant de cette vérité, que je déplore, je nie la force de l'objection que l'objection que l'on voudrait en tirer. Parce que l'éducation que reçoivent les enfants hors des écoles de district est incomplète ou négligée, est-ce une raison pour qu'on néglige aussi celle des enfants admis dans ces établissements? Si cet argument était valable, il s'ensuivrait que jamais un seul rayon d'enseignement moral et religieux ne pourrait venir illuminer l'esprit de l'enfant pauvre; qu'il devrait, aban- donné à ses instincts purement matériels, grandir comme une véritable brute; car tel est, en effet, le sort d'un grand nombre d'enfants indépendants. Or cet abandon prémédité serait directement contraire au but assigné à la législation sur l'indigence; ce but est de combattre le paupérisme, en attaquant surtout les causes qui l'engendrent et le perpé- tuent. Pour l'atteindre, il n'y a pas de moyen plus puissant et plus efficace que de réveiller dans les enfants le sens moral, de les initier aux connaissances, et de leur inculquer les habitudes susceptibles d'assurer leur indépendance dans l'avenir. Ces avantages peuvent être obtenus sans augmenter l'attraction du paupérisme ni violer les principes de la loi. Qu'on les supprime, au contraire, et le paupérisme reçoit instantanément un nouvel aliment. On voit donc que l'objec- tion dont il s'agit implique une véritable contradiction, et inspecteurs des écoles sur les écoles de pauvres instituées par les unions pa- roissiales en Angleterre et dans le pays de Galles; publié en 1849.) (4) Report on the training of pauper children and on district schools. (Rapport sur l'éducation des enfants pauvres et sur les écoles de district, inséré au rapport général de 1841 indiqué ci-dessus.) 2 14 106 ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS ET AGRICOLES. ANGLETERRE. que, si elle était admise, elle ne tendrait à rien moins qu'à perpétuer indéfiniment la dégradation et la misère d'une notable partie de la population. » « Cette objection, dit à son tour un autre inspecteur, M. Twistleton, repose sur une fausse application du prin- cipe, fort juste d'ailleurs, qui veut que le sort de l'indigent, dans les maisons de travail, ne puisse faire envie à l'ouvrier du dehors. Mais qui ne voit que ce principe, parfaitement applicable lorsqu'il s'agit du régime matériel, ne peut nul- lement être invoqué en ce qui concerne le régime moral, et spécialement l'éducation que réclament les enfants indigents? Son extension, dans ce cas, irait directement contre le but qu'on se propose. Ainsi, par exemple, si le régime de la maison de travail pouvait être considéré par l'indigent comme préférable au régime du travail en liberté, il est évident qu'il aurait tout intérêt à rester à charge de sa paroisse, qui est tenue de pourvoir aux frais de son entretien dans cet établissement. Une fois cette conviction formée, l'indigent perd tout ressort, il tombe dans une démoralisation com- plète, et le fardeau qu'il impose à ses concitoyens ne cesse qu'avec sa vie. L'éducation seule peut prévenir, chez les enfants pauvres, la funeste tendance dont il s'agit, en ravi- vant chez eux le sentiment de la dignité humaine, en leur procurant les moyens de gagner honnêtement leur subsis- tance, et en leur inspirant ce légitime orgueil qui se refuse à demander aux autres ce que l'on peut se procurer par ses propres efforts. Il s'ensuit que les raisons qui militent pour que la frugalité et l'économie la plus stricte président au régime matériel des maisons de travail, commandent non moins impérieusement de ne négliger aucun sacrifice pour l'éducation des enfants que la misère, l'abandon et le vice mettent momentanément à charge de la société. » Nous faisons des vœux pour que la réforme projetée en Angleterre par le gouvernement et admise gouvernement et admise par la législature la législature passe enfin du champ de la théorie dans celui de la réalisa- tion. Cependant, nous ne pouvons nous empêcher de crain- dre qu'on ne réussira à cet égard qu'en substituant dans la loi le principe obligatoire au principe volontaire, c'est-à-dire en prescrivant aux unions de paroisses le devoir de s'asso- cier pour la création des écoles de district, et en spécifiant positivement les conditions et les règles de cette association. Peut-être aussi le gouvernement pourrait-il aider à ce résul- tat en refusant tout subside aux écoles actuelles et en subor- donnant son concours à l'accomplissement des améliorations. dont il aurait posé le principe. Lors des visites que nous avons faites en Angleterre, à | diverses époques, nous avons eu occasion de voir plusieurs workhouses, et nous avons pu apprécier ainsi par nous- même combien le régime de ces établissements était défec- tueux, particulièrement au point de vue de l'intérêt des pauvres enfants qui vont y chercher asile. On sait que dans les îles Britanniques il n'existe ni hospices d'enfants trouvés et abandonnés, ni établissements spéciaux pour les orphelins appartenant à la classe la plus pauvre. On a créé, il est vrai, un certain nombre d'asiles d'orphelins; mais ces établisse- ments, dus pour la plupart à l'initiative de la charité privée ou dirigés par des associations particulières, ne reçoivent d'ordinaire que des enfants appartenant à une classe supé- rieure à celle qui peuple généralement les maisons de tra- vail. Quant aux enfants vicieux, coupables et moralement menacés, ils sont enfermés dans les prisons ou admis dans certains refuges spéciaux, où ils séjournent ordinairement jusqu'au moment de leur transportation ou jusqu'à leur émi- gration aux colonies. Nous n'avons pas l'intention de passer en revue toutes ces diverses institutions. Nous nous bornerons à parler de celles qui présentent quelque rapport avec l'objet de notre étude, et particulièrement de celles où l'on a introduit l'agri- culture et le jardinage comme moyens d'occupation ou d'en- seignement. Elles peuvent se diviser en trois catégories principales: 1° Les institutions de correction et de réforme, parmi les- quelles nous rangerons le pénitencier des jeunes délinquants à Parkhurst dans l'île de Wight, et la colonie agricole fondée par la Société Philanthropique à Redhill, près de Reigate, dans le comté de Surrey, à l'instar de la colonie de Mettray: 2º Les écoles industrielles et agricoles pour les enfants pauvres, fondées ou soutenues par les unions de paroisses, telles que les écoles d'industrie de Norwood et de Kirkdale et la ferme-école de Quatt, dépendante de l'union de Bridg- north dans le Shropshire; 3º Les écoles d'industrie et d'agriculture créées par des particuliers ou par des associations, parmi lesquelles nous citerons l'école rurale d'Ealing, près de Londres, l'école agricole de Winkfield, près de Windsor, l'école rurale de Baterbury, près de Chelmsford, l'établissement agricole de Southam, l'école fondée par M. Ropper, près de Liverpool. l'école d'industrie de Lindfield, dans le comté de Sussex l'école d'Ockham, dans le comté de Surrey, l'asile royal de Victoria à Chiswick, l'école rurale de Templemoyle en Irlande, et l'école normale de Battersea, près de Lon- dres. ANGLETERRE. 107 PÉNITENCIER DE PARKHURST. - Pénitencier des jeunes délinquants, à Parkhurst, ´dans l'ile de Wight. Le pénitencier de Parkhurst a été érigé en 1839, pour recevoir les jeunes délinquants qui, avant cette époque, étaient disséminés et confondus avec les prisonniers adultes dans les prisons ordinaires. Le but de la discipline dans cet établissement est double : punir et corriger le coupable par un régime sévère; effectuer son amendement et le prépa- rer, par l'apprentissage de certaines professions, à utiliser ses forces et son intelligence dans les colonies où, aux termes de sa sentence, il doit être déporté après un certain temps d'épreuve. Le quartier des petits (junior ward) contient 208 cellules ou alcoves fermées en bois, disposées sur deux étages, et adossées sur deux rangs. Une galerie au premier étage en- toure le bloc entier qui est renfermé, comme dans une boîte, dans un vaste bâtiment. Cette disposition est analogue à celle qui existe pour les cellules du pénitencier d'Auburn et d'autres prisons américaines. Le quartier des grands (senior ward) peut recevoir envi- ron 370 détenus, qui occupent aussi pendant la nuit des cel- lules et des alcôves séparées. Ces dernières, au nombre de 195, sont disposées sur un étage seulement; elles con- viennent à tous égards à leur destination. Un vaste réfec- toire proportionné à la population, des locaux spacieux pour les écoles et les ateliers, complètent ces appropriations qui suffisent généralement aux besoins. Les bancs et les pupi- tres des écoles, rangés en demi-cercle, s'élèvent en gradins et facilitent ainsi l'enseignement et la surveillance des élèves. La population ordinaire du pénitencier est de 650 déte- nus, dont 120 sont classés dans la division d'épreuve et 530 dans les deux autres divisions. Ces derniers forment diverses classes ou groupes en raison des travaux auxquels ils sont employés. D'après les relevés annexés au rapport de 1849. voici quel a été, en 1848, le nombre de détenus employés dans chaque atelier, le nombre d'heures de travail par jour, et l'estimation de la valeur du travail calculée à raison de pence (16 centimes environ) par heure: 1 1 Le pénitencier est situé au milieu des champs, à proxi- mité de vastes casernes où l'on exerce les militaires destinés au service des colonies. Composé de bâtiments construits à diverses époques, et dont le principal avait servi jadis d'hô- pital militaire, il ressemble bien plus extérieurement à une école ou à une congrégation de Moraves qu'à une prison. Cette irrégularité gêne jusqu'à un certain point le classe- ment et la discipline; la surveillance n'est pas suffisamment centralisée. Il semble aussi que l'on ait voulu essayer suc- cessivement de divers systèmes, tant est grande la diversité des cellules destinées au logement des détenus. Les unes sont étroites, obscures, et rappellent en tous points les cachots des anciennes prisons; les autres ont été érigées d'après le plan des cellules de Pentonville; d'autres, enfin, qui servent uniquement pour le coucher, sont disposées à peu près comme nos alcôves en fer au pénitencier de Saint-Hubert et dans d'autres prisons; seulement les cloi- sons sont en bois. Le nombre total des cellules est de 720. Les détenus sont classés dans trois divisions principales: Ja division d'épreuve pour les entrants (probationary ward); la division des grands (senior ward) pour les jeunes détenus âgés de quatorze ans et au-dessus; la division des petits Cuisiniers et aides. (junior ward), pour les enfants au-dessous de quatorze ans Chacune de ces divisions est soumise à une discipline et à un régime différents. Les jeunes délinquants, à leur arrivée, sont placés d'abord dans la division d'épreuve, où on les soumet pendant trois ou quatre mois à une séclusion sévère. Cette division con- tient 137 cellules disposées sur trois étages; construites sur le plan des cellules de Pentonville, elles en diffèrent cepen- dant par quelques points; ainsi les sièges d'aisances et les lavoirs, au lieu d'être placés à l'intérieur des cellules, sont disposés au dehors. Les enfants du quartier d'épreuve ont une école séparée et occupent à la chapelle une place spé- ciale On les emploie à la confection des vêtements ou au tricot. A leur sortie ils sont classés, selon leur âge, dans l'une ou l'autre des divisions dont nous avons parlé plus haut. Tailleurs Cordonniers Charpentiers Scieurs de long Briquetiers et aides Forgerons Peintres. Boulangers. NOMBRE MOYEN DURÉE MOYENNE dn ཅམ་་་ INDICATION des OCCUPATIONS. DES DÉTENGS OCCUPÉS CHAQUE JOUR. TRAVAIL JOURNALIER. 85 Heures. 6 1/2 ESTIMATION de la VALEUR DU TRAVAIL. liv. S. d. 315 0 S 31 6 112 307 2 9 8. 6 14 85 19 6 644 2 6 36 9 11 1 17 612 140 o 5 5 3 2 6 1/4 26 9 10 1/4 1 64 12 0 5 5 1. 3 9 9 10 110 5 10 14 4 1/2 258 11 01/ 15 614 82 4 5 49 614 228 15 8 852 • • Buandiers et nettoyeurs. Jardiniers Employés au labour Epluchage de vieux cor- dages, etc. Totaux. • 232 >> 46 18 4 44 7 0 1,694 5 6 63 Il résulterait de ce tableau que, sur une population de 566 détenus, il n'y en aurait eu que 232, ou un peu plus d'un tiers, occupés d'une manière utile et plus ou moins lucrative; mais, dans le fait, il faut doubler ce dernier chiffre, car les enfants se succèdent au travail, de telle sorte que ceux qui fréquentent l'école le matin sont employés l'après- midi dans les ateliers, tandis que ceux qui ont travaillé le matin assistent l'après-midi aux leçons La moyenne de la durée du travail journalier est de quatre heures; celle de l'instruction scolaire est de cinq heures. Voici au surplus ¿ t 108 PÉNITENCIER DE PARKHURST. ANGLETERRE. quelle est la division de la journée adoptée depuis le 1er sep- tembre 1843, et qui jusqu'ici n'a pas, que nous sachions, subi de changement : Lever. 52 heures, du 1er avril au 30 septembre; 53/% 6 61 en mars el octobre; en février et novembre; en janvier et décembre. Les prisonniers s'habillent et font leur lit. -Vingt minutes après le signal du lever, la cloche sonne de nouveau. Les prisonniers se livrent aux soins ordinaires de propreté; ils nettoient leurs habits et leur chaussure, mettent leur cellule en ordre et balayent les autres locaux de la prison sous la surveillance des gardiens. Ces arrangements durent jusqu'à sept heures en été et jusqu'à sept heures et demie en hiver. 7 Heures. : à 7 ½ En été exercices militaires et gymnastiques. 7 2 à 8 Revue générale passée par le gouverneur ; déjeuner. à 8 12 Service divin à la chapelle. 00 00 8 812 Les détenus de la division d'école se rendent dans leurs classes respectives. Les détenus appartenant à la divi- sion des travailleurs sont rangés en groupes et con- duits aux ateliers, aux champs, à la pompe, etc. 9 2 à 10 Les trois classes de l'école vont s'exercer successivement pendant un quart d'heure au gymnase. 11 5 12 2 1234 4 à 12 Les classes d'école sortent, à quinze minutes d'intervalle, les unes après les autres, se dispersent pendant dix minutes et se réunissent de nouveau au gymnase. Les travailleurs quittent les ateliers et les travaux, et vont se joindre à la division d'école sur le champ d'exercice. Parade générale et marche aux réfectoires. 12 55 à 1 25 Diner. 1 1/2 à 3/2 3 1/2 4 Reprise générale des travaux. La division des travailleurs rentre à la prison, dépose ses outils et se range pour passer à l'école. à 62 Instruction pour les uns, travail manuel pour les autres. 642 Cessation de l'école et des travaux; réunion générale de toute la population au champ d'exercice. Marche vers les réfectoires pour le souper. 63% 7 à 720 Souper. 7 20 à 7 40 Prière et hymne du soir dans les réfectoires. 7 40 Les prisonniers admis à prolonger la veillée se rendent à l'école; les autres sont conduits dans les cellules de nuit. 845 Les élèves de l'école du soir se rendent à leur tour dans leurs cellules, où ils sont renfermés à neuf heures jusqu'au lendemain matin. Selon nous, la durée du travail manuel qui, pour chaque détenu, ne dépasse pas vingt-quatre heures par semaine, n'est pas assez prolongée, tandis que le temps consacré à l'instruction est excessif. Cette observation est surtout vraie lorsque l'on compare le mode d'occupation des détenus de Parkhurst à celui des enfants et des jeunes gens dans l'in- dustrie libre, où le travail hebdomadaire est d'ordinaire de soixante heures. D'un autre côté, il est reconnu que deux heures à deux heures et demie d'école par jour sont suffi- santes pour initier les enfants aux notions élémentaires les plus indispensables, et même, lorsque la fréquentation se prolonge, pour étendre ce premier enseignement à diverses connaissances utiles qui ne sont pas généralement comprises dans le programme des écoles primaires. Nous devons toutefois applaudir à la mesure relative à la création d'une classe du soir. Les prisonniers sont admis à cette classe en récompense de leur bonne conduite et de leurs progrès. On n'y fait pas, à proprement parler, de l'en- seignement, mais on y institue des conférences, on y fait des lectures sur des sujets instructifs ou amusants. L'hon- neur et l'avantage d'être admis à ces exercices sont vive- ment appréciés; ils ont en outre pour effet d'abréger, pour une partie de la population, la longueur des nuits. Dix heures de sommeil, c'est beaucoup trop; il Y aurait tout à gagner en réduisant à huit heures le repos nocturne pour la totalité des jeunes détenus. La conduite des prisonniers est généralement satisfai- sante. Les punitions varient selon les fautes; on a recours au fouet et au cachot noir dans les cas graves seulement : le confinement solitaire au pain et à l'eau, et la simple mise au pain et à l'eau, sont plus fréquemment employés. Lors- que la mauvaise conduite est persistante, les coupables sont placés dans la classe pénale, où ils sont soumis à un régime et à des privations sévères. La nourriture est saine et abondante, et dépasse de beau- coup l'ordinaire de nos jeunes détenus en Belgique. Elle se compose: 1 4 14 14 Au déjeuner, de 6 onces de pain de froment et d'une pinte de décoction de cacao, dans laquelle il entre 3/4 d'once de cacao concassé, de pinte de lait et 3% d'once de mélasse ; Au dîner, quatre fois par semaine (dimanche, mardi. jeudi et samedi), de 4 onces de viande de mouton désossé 4 livre de pommes de terre et 6 onces de pain; trois fois par semaine (lundi, mercredi et vendredi), d'une pinte de soupe, composée de 3 onces de bœuf désossé, 3 onces de pommes de terre, 2 onces d'orge ou de riz et 4 once 'oignons ou de poreaux, avec du poivre et du sel; d'une livre de pommes de terre et 6 onces de pain; Au souper, d'une pinte de soupe au gruau, cómposée de 2 ½ onces de farine d'avoine et 3/4 d'once de mélasse; 6 onces de pain. 2 La quantité de sel par tête est calculée à raison d'une once journellement, en y comprenant celui qui est ajouté à la soupe. Les détenus reçoivent en outre des légumes frais selon la saison.- Les rations déterminées ci-dessus sont quelque peu réduites pour les plus jeunes détenus (junior ward); elles sont aussi légèrement modifiées pour les prisonniers du quartier d'épreuve. L'étendue des terres annexées au pénitencier est de 80 acres environ, dont la moitié se compose de prairies; une partie des terres labourables est affectée au jardinage et au potager. Il y a 10 vaches et une vingtaine de porcs. La ferme ne présente au surplus rien de remarquable. Le petit nombre de détenus occupés à la culture ne permet guère de ranger Parkhurst parmi les établissements agri- ANGLETERRE. 109 FERME-ÉCOLE DE REDHILL. coles. Lorsque l'on considère cependant la destination future des jeunes délinquants qui y sont envoyés des divers points du royaume, on ne peut s'empêcher de regretter la faible part faite à l'agriculture dans son organisation. Les jeunes détenus de Parkhurst sont, pour la plupart, condamnés à la déportation, dont la durée varie de sept à vingt ans. A la suite de la détention préparatoire qu'ils subissent au péni- tencier, et qui est particulièrement destinée à commencer l'œuvre de leur correction et à les préparer à l'exercice d'une profession utile, ils sont envoyés pour la plupart en Australie, à Port-Philippe et à la terre Van-Diemen, où ils sont mis en apprentissage ou placés chez des colons en qua- lité de garçons de ferme, de domestiques, de bergers, etc Les rapports transmis sur leur conduite aux colonies sont généralement favorables, et la plupart se fixent volontaire- ment dans le pays nouveau qui n'était d'abord pour eux qu'une terre d'exil. A ce point de vue, la déportation des jeunes condamnés est une excellente mesure, qui n'a mal- heureusement pas d'équivalent sur le continent, où le jeune délinquant, à sa sortie de la prison, retombe trop souvent sous l'influence des causes qui ont entraîné sa chute, et est incessamment ballotté entre l'établissement de charité ou le dépôt de mendicité et la maison de détention, sans pouvoir se relever de l'espèce d'anathème qui pèse sur lui. La moyenne de la durée du séjour des condamnés au pénitencier de Parkhurst est de deux ans et demi. En 1848, le nombre des sorties a été de 163, et celui des entrées de 302. Parmi les prisonniers entrants, 5 étaient âgés de dix à douze ans, 39 de douze à quatorze, 120 de quatorze à seize, et 138 de seize à dix-huit ans. L'état sanitaire ne laisse guère à désirer. La mortalité moyenne est de quatre à cinq décès annuellement, soit 4 prisonnier décédé sur 100 prisonniers environ. Le nombre des employés de tout grade était, lors de notre visite, au mois d'avril 1850, de 64, soit 1 employé pour 10 détenus; sur ce nombre, il y avait 2 chapelains et 7 instituteurs. Le montant des traitements réunis était de 5,180 liv. st.; en ajoutant à cette somme la valeur des rations accordées aux employés inférieurs (440 liv. st.), on a un total de 5,620 liv. st. ou 141,624 francs. Ce dernier chiffre, divisé par celui des détenus, donne pour chacun une dépense de 250 francs annuellement. C'est plus que ne coûte l'entretien complet d'un enfant dans la plupart des colonies agricoles et des écoles de réforme du continent. Voici quel a été le montant annuel de la dépense de chaque détenu à Parkhurst pendant la période de 1844 à 1848 : des PRISONNIERS. PAR TÈTE. liv. s. d. COUT NOMBRE MOYEN COUT ANNÉES. DE LA NOURRITURE DE L'HABILLEMENT PAR TÈTE. 1844, 555 6 16 3 3/s 1845, 622 6 14 6 3/5 1 10 11 3/4 1846, 647 7 15 0 3/4 1 8 8 3/8 1847, 1848, 541 566 8 1 2 1/2 1 7 2 3/4 7122 1 11 4 3/4 DÉPENSE TOTALE PAR TÉTE. La moyenne annuelle de la dépense a été, pendant cette période, de 24 liv. st., soit 530 francs. Et l'on remarquera que dans cette somme ne sont compris ni les frais de répa- rations et de changements apportés aux bâtiments, ni les intérêts du capital affecté à la création de l'établissement. tandis qu'on en a déduit les produits de la ferme et des ateliers. Il ne sera pas au surplus sans intérêt de donner ici le résumé du compte des dépenses et des recettes pour l'exer- cice 1848, le dernier qui ait été publié : • A. Nourriture des détenus. Habillement Coucher. Médicaments. DÉPENSES. Régime extraordinaire prescrit par le médecin. Combustible. Savon. Cirage pour les souliers Huile et chandelles . Fournitures de bureau et impressions Livres . .i. liv. 4,636 5 2 959 14 8 36 9 30 13 133 19 1 83 16 5 597 11 9 75 11 2 = 34 19 185 8 8 56 () 6 40 9 1 Matières premières et outils pour les ateliers. Fournitures d'ameublement 112 10,10 132 9 0 79 18 3 Taxes et impôts . Traitements des employés. Rations des employés inférieurs . Transférement des condamnés Loyer payé à des employés. Salaires d'ouvriers employés à la briqueterie. Matières premières et droits Dépenses diverses • Frais de transport et trousseau des déportés. Frais de l'exploitation agricole Réparations, changements et additions aux batiments. II, 5,179 10 8 440 66 28 11 6 4 6 6 97 8 8 165 15 3 00 10 20 10 0 118 16 510 452 7 6 418 11 5 14,560 18 3 Total. B. Recettes. liv. s. d. Produits de la ferme des ateliers divers. 528 16 3 125 6 7 287 34 932 6 2 13,628 12 5 345,440 Total des dépenses, déduction faite des recettes. ou francs. Ferme-école de Redhill (dans le comté de Surrey). Maison de refuge pour les jeunes délinquants et les jeunes libérés. liv. S. d. 1 17 3 liv. S. d. 20 4 2 1/2 18 17 6 1/10 19 6 9 1/2 21 2 8/10 24 15 1 La ferme-école de Redhill, fondée à l'instar de la colonie agricole de Mettray, a été ouverte le 13 avril 1849. Elle a remplacé la maison de refuge de Saint-George's-Fields à T 110 FERME-ÉCOLE de redhiLL. ANGLETERRE. Londres. De même que ce dernier établissement, elle est destinée à recevoir les enfants et les jeunes gens condamnés pour de légères offenses, les enfants des criminels, ainsi que les jeunes libérés qui lui sont adressés par les magistrats, le gouvernement ou les bienfaiteurs particuliers. La Société Philanthropique, à laquelle on doit la création de la ferme-école de Redhill, a été instituée en 1788, et compte par conséquent soixante-deux années d'existence. Ses com- mencements furent modestes. Elle se borna d'abord à louer une maison où elle réunit une douzaine d'enfants, sous la direction d'un maître-ouvrier et de sa femme, chargés de présider à leur apprentissage; trois autres maisons furent successivement organisées sur le même plan et respective- ment confiées à un maître cordonnier, à un maître tailleur et à un maître charpentier. Ces quatre établissements dis- tincts contenaient ensemble une cinquantaine d'enfants des deux sexes; chacun formait une véritable famille, où l'ap- prentissage d'un métier utile était combiné avec l'instruction scolaire. En outre, à l'une des maisons on avait annexé un jardin où les enfants étaient exercés dans leurs moments de loisir sous la direction d'un jardinier. Cette organisation, qui ressemblait à certains égards à celle des écoles de pauvres en Suisse, fit place plus tard à une organisation nouvelle déterminée par le nombre croissant, des demandes d'admis- sion, par la nécessité de l'économie, et probablement aussi par la difficulté de trouver des agents capables de diriger et d'instruire convenablement les familles ou groupes épars d'enfants. Ceux-ci furent réunis dans un bâtiment commun avec deux divisions, l'une pour les garçons, l'autre pour les les filles. Dans ce nouvel établissement, situé dans le quartier de Saint-George's-Fields, les garçons étaient employés aux métiers de tailleur, de cordonnier, d'imprimeur, de relieur et de cordier; les filles étaient chargées du ménage, de la cuisine, de la buanderie, de la lingerie; on leur enseignait les divers ouvrages à l'aiguille, et on les formait ainsi à la condition de servantes qu'elles embrassaient généralement à leur sortie. Ce régime se maintint jusqu'en 1845, époque à laquelle la Société résolut de supprimer la section des filles pour reporter exclusivement ses ressources et ses efforts sur la section des garçons; celle-ci reçut par suite de notables accroissements; on y admit respectivement, en 1846, 1847 et 1848, 82, 109 et 111 garçons, c'est-à- dire quatre fois plus que pendant les années précédentes. Ce changement en amena un plus important encore. On reconnut bientôt qu'il y aurait tout avantage à déplacer l'in- stitution elle-même et à substituer à l'école purement indus- trielle une école agricole destinée à ouvrir aux élèves une carrière plus utile, et à les préparer à l'émigration aux colonies. C'est ainsi que fut fondée la ferme-école de Redhill, située à quelques milles de Londres, à proximité de la station de Reigate, point de jonction des chemins de fer de Douvres et de Brighton. Cet établissement, dont la reine et le prince Albert ont accepté le patronage, occupe une propriété de 133 acres (environ 54 hectares), prise à bail pour un terme de cent cinquante ans, avec faculté d'achat pour un prix et dans une période déterminés. Le site est élevé, salubre et d'un accès facile, la nature du sol est variée, les eaux sont abondantes et d'une excellente qualité, et le bois nécessaire aux besoins ne fait pas défaut. Les bâtiments qui existaient lors de l'occupa- tion se composaient d'une maison d'habitation qui sert actucl- lement de logement au chapelain-directeur, d'une petite ferme et de ses dépendances et de quelques cottages pour les employés; on y a ajouté une chapelle, une salle d'école et deux maisons pouvant contenir chacune 56 enfants avec leurs surveillants. Toutes ces constructions sont d'une grande simplicité et laissent même à désirer sous le rapport de leur appropriation intérieure et des facilités du service et de la surveillance. La chapelle seule se distingue par son élé- gance; aussi a-t-elle entraîné une dépense de plus de 4,000 liv. st. Peut-être eût-il été désirable de faire de ce chef une économie que l'on eût pu reporter utilement sur l'établissement principal affecté aux colons. A peine occupé, on a été obligé de faire subir à celui-ci des remaniements assez considérables. Les deux maisons d'habitation, quoique contigues, avaient chacune leur cuisine séparée; à cet arran- gement antiéconomique on substituait, lors de notre visite au mois d'avril 1850, une cuisine commune, et l'on s'occu- pait également des moyens de centraliser la direction et la surveillance. Mais il n'y avait encore ni bains, ni infirmerie. Il est vrai que l'état sanitaire était des plus satisfaisants. Cependant il importe de songer à l'avenir et de ne négliger aucune disposition essentielle pour prévenir les embarras et les accidents. La ferme-école a reçu ses premiers habitants au mois d'avril 1849; on y envoya d'abord le maître charpentier avec 3 enfants; 4 autres enfants leur furent adjoints dans la quinzaine. Ce noyau occupa la maison affectée depuis au logement du chapelain qui, provisoirement, se casa dans la ferme. Celle-ci peu après donna aussi asile à une douzaine d'enfants, qui furent transférés de l'établissement de Londres avec leur surveillant. Lors de la fête d'ouverture, le 30 avril de la même année, la population de l'établissement ne s'éle- vait encore qu'à 18 colons; mais le nombre de ceux-ci s'accrut peu à peu, et un an après, au mois d'avril 1850, il s'élevait déjà à 85. Le bâtiment de Saint-George's-Fields était entièrement évacué dès le mois de décembre 1849. Dans l'année de l'ouverture, il y a eu soixante-cinq nou- velles admissions et quarante-six sorties. L'âge des enfants admis varic entre quatorze et dix-huit ans. Les colons sont divisés en trois classes ou familles, pla- cées chacune sous la surveillance spéciale d'un employé qui remplit en même temps les fonctions d'instituteur et de contre-maître pour les travaux. Les surveillants sont assistés d'un certain nombre de moniteurs choisis parmi les colons (1) L'acre anglais équivaut à 0,401,671 hectare. 1 ANGLETERRE. 111 FERME-ÉCOLE DE REDHILL. par le directeur. Chaque classe ou famille occupe une habi- tation séparée; deux sont logées dans les maisons récemment construites à cet effet, et la troisième, composée de 15 en- fants seulement, réside à la ferme. Chaque maison se compose d'un réfectoire, un parloir. une cuisine, deux dortoirs, deux petites chambres de sur- veillants et deux cellules de punition. Les lits sont en bois et garnis des literies rigoureusement indispensables. Nous avons remarqué avec étonnement que les dortoirs n'étaient pas éclairés pendant la nuit. L'ameublement était loin d'être complet; l'ordre et la propreté laissaient aussi à désirer. Mais ce sont là des inconvénients presque inséparables d'une organisation encore incomplète, et auxquels il sera facile de porter remède. Lors de notre visite, on montait des appa- reils pour les exercices gymnastiques, et l'on poursuivait plusieurs arrangements qui influeront favorablement sur l'aspect général de l'établissement. Les occupations auxquelles sont employés les colons, selon leur âge, leurs forces, leurs goûts et leurs aptitudes. embrassent le labour, le jardinage, les métiers de cordon- nier, de tailleur, de charpentier, de forgeron et les soins du ménage. La journée commence pour eux en même temps que celle des ouvriers ordinaires, et ils poursuivent leurs travaux jusque vers cinq heures du soir; la durée moyenne de ceux-ci est journellement de neuf heures. Lorsqu'ils sont terminés, une heure est affectée au souper et à la récréation après laquelle ils se rendent à l'école où on leur enseigne la lecture, l'écriture et l'arithmétique. La journée se termine par une instruction religieuse et par la prière du soir. Le service divin se célèbre le dimanche à la chapelle de l'éta- blissement. Une fois par semaine, le samedi soir, toute la population est réunie dans la salle d'école, sous la présidence du cha- pelain-directeur, pour entendre les rapports des surveil- lants, des instituteurs, des moniteurs, etc. Le directeur interroge les enfants, adresse les exhortations, décerne les récompenses ou prononce les punitions qu'ils peuvent avoir méritées celles-ci consistent d'ordinaire en légères amendes, en privations, et, dans les cas plus graves, dans un con- finement de plus ou moins longue durée ou dans la dégra- dation de la classe. On n'a recours au fouet que lorsque le coupable endurci se montre rebelle à tout autre châtiment. Les punitions corporelles, abolies même dans nos prisons criminelles, sont encore assez fréquemment usitées en Angle- terre, et se perpétuent dans l'armée et dans la marine mal- gré les objections sérieuses auxquelles elles donnent lieu. Nous regrettons qu'on n'ait pas trouvé moyen de les sup- primer dans un établissement spécialement destiné à l'amendement et à la réhabilitation des jeunes délinquants. Le régime matériel de Redhill a été calqué autant que possible sur celui des ouvriers de la campagne. La nourri- ture est abondante, mais frugale, et ne vaut pas à beaucoup près celle des condamnés à Parkhurst. L'usage de la viande est limité à deux jours par semaine, le dimanche et le jeudi : le mardi et le vendredi elle est remplacée par une sorte de pouding au saindoux; le mercredi et le samedi les colons n'ont à dîner que du pain et du fromage, et le samedi qu'un soupe et du pain. Leur déjeuner se compose de lait battu et de pain ou d'une bouillie de farine d'avoine; leur souper de pain et de beurre. Ils n'ont d'autre boisson que de l'eau : seulement, lors des travaux de la moisson et de la fenaison. ils reçoivent une ration de bière. Leur costume se compose, en été, d'une blouse grise de forme étrange et très-peu gracieuse, remplacée, en hiver, par une capote de drap; ils portent un chapeau rond de feutre noir et en toute saison des souliers. Sur les 133 acres dont se compose la propriété, il y en a environ 90 affectés au labour, 30 en prairies et le restant en bois. Sur les 90 acres de terres labourables il y en avait. en 1850, 37 affectés aux céréales, 2 aux pommes de terre 3 à l'orge: 9 étaient semés de pois et de fèves, 3 de mange! wurzel, 15 de ray-grass et de trèfle, et 7 de vesces. Une partie du sol a été soumise au drainage, et l'on a eu tout lieu de s'applaudir du résultat de cette opération d'ailleurs assez coûteuse. Le mobilier vivant se composait de 3 chevaux. 9 vaches. 70 porcs et une vingtaine de moutons. La ferme ne présentait d'ailleurs rien de remarquable ni sous le rap- port des arrangements intérieurs, ni sous le rapport des instruments aratoires. Les étables, qui peuvent contenir une soixantaine de bêtes à cornes, étaient plus que négligées : l'arrangement des fumiers était essentiellement vicieux; la porcherie laissait aussi beaucoup à désirer. La laiterie seule avait un aspect d'ordre et de propreté qui formait contraste avec les autres dépendances; elle était garnie de vases en verre dépoli et munie de ventilateurs recouverts d'une toile métallique. Nous avons encore observé la distribution d'eau dans l'étable au moyen d'un tube dirigé le long des crèches et muni de robinets. Les meules sont établies, comme cela se pratique généralement en Angleterre, sur des cadres ou châssis en bois qui reposent sur des dés ou supports en for. On met ainsi les grains à l'abri des ravages des souris, des mulots et des autres animaux malfaisants. La direction de la ferme est confiée à un bailli ou chef de culture, qui a sous ses ordres quatre ouvriers rétribués à raison de 12 à 14 schel- lings par semaine, outre le logement et la nourriture. Il emploie en outre, comme nous l'avons vu, 15 ou 20 colons, âgés de seize à dix-sept ans, et choisis parmi les plus actifs et les plus robustes. Le personnel de l'école se compose au surplus de trois surveillants contre-maîtres, et de trois ménagères chargées chacune du service de l'une des familles de colons. Chaque surveillant a un traitement annuel de 30 liv. st. avec l'en- tretien, mais sans l'habillement. Les fonctions de directeur et de chapelain sont remplies par M. Sydney Turner, homme éminent et zélé, auquel l'établissement doit sa création. et qui lui consacre tous ses instants. C'est lui qui tient en outre les écritures et qui veille à l'ensemble comme aux moindres détails d'une organisation passablement compliquée. Nous i 112 ANGLETERRE. · ÉCOLE D'INDUSTRIE DE NORWOOD. 1 voudrions pouvoir être rassuré sur la manière dont il est secondé par les employés qu'il a sous ses ordres. Ceux-ci sont tous parfaitement novices, et le plus ancien, lors de notre visite, n'était entré que depuis quelques semaines à l'établissement. Redhill a été créé à l'image de Mettray, et si jusqu'ici limitation a été assez imparfaite, il est à espérer qu'elle sera perfectionnée avec le temps. La population de la ferme-école a subi depuis un an une assez forte augmen- tation. A leur sortie, les colons sont remis à leur famille ou envoyés aux colonies. Dès 1849, un détachement de 36 enfants, sous la conduite d'un surveillant, est parti pour la baie d'Algoa, où il y a un établissement dépendant de la colonic du cap de Bonne-Espérance. D'autres se sont embar- qués pour le Canada et pour l'Australie. Généralement les rapports transmis sur la conduite et la position des jeunes émigrants sont satisfaisants. C'est là un incontestable avan- tage que les établissements anglais ont sur ceux du conti- nent. Après avoir pourvu à l'amendement et à l'éducation des jeunes délinquants et des enfants vicieux et moralement menacés dans les pénitenciers et les écoles de réforme, on ne parvient que difficilement chez nous à pourvoir à leur placement après leur sortie et à assurer leur avenir. Le patronage le plus intelligent et le plus bienveillant échoue souvent devant les obstacles qui se présentent de toutes parts et qui défient les efforts les plus persévérants. Tant que l'émigration nous fera défaut, ces obstacles, nous le craignons, ne pourront être vaincus. Les recettes de la Société Philanthropique, en 1849, se sont élevées à la somme de 16,624 liv. 2 s. 4 d., savoir: Vente de propriétés et de matériaux Dividendes, intérêts et rentes Souscriptions, dons et legs. • Vente des produits de la ferme de Redhill, Total. liv. S. d. 7,287 6 5 150 6 1 9,165 6 10 18 3 0 16,621 2 4 Les payements se sont élevés, la même année, à 15,730 liv. 16 s. 5 d., savoir : 1. Arriéré de 1848. 2. Reprise de la ferme de Redhill, cheptel, bois, récoltes, etc. • 5. Constructions. • 4. Dépenses de la Société à Londres. 5. Comptes de la ferme-école. 6. Frais d'émigration 7. Diner public et fête d'inauguration 8. Frais de l'acte du parlement. 9. Placement de fonds. Total. Balance entre les mains du trésorier. Total. liv. S. d. 57 17 4 2,391 2 11 4,216 14 11 1/2 2,439 15 6 1,718 2 6 1/2 707 10 6 462 16 8 234 2 0 3,502 14 0 15,750 16 5 890 5 11 16,621 2 4 Les dépenses portées aux n° 1, 2, 3, 7 et 8, qui repré- sentent ensemble une somme de 7,362 liv. 13 s. 10½ d., 1 peuvent être rangées parmi les frais de premier établisse- ment. Quant à celles comprises sous les n° 4 et 5, elles constituent, à proprement parler, les frais ordinaires de gestion et d'entretien. Ceux-ci se seraient élevés à 4,157 liv. 18 s. 2 d. (environ 105,000 francs). Or le nombre d'en- fants, à l'école de Londres, n'était en moyenne, en 1849, que de 50, et celui des colons à Redhill n'a été que de 46 pendant les huit derniers mois de la même année. La moyenne générale a donc été de 80 enfants environ. Si l'on divise par ce chiffre le total des dépenses, on trouve que chaque enfant aurait coûté plus de 1,300 francs. Ce coût est évidemment exorbitant, et ne peut résulter résulter que des frais extraordinaires occasionnés, en 1849, par la trans- formation de l'institution. Cependant nous craignons que la colonie de Redhill ne soit pas établie sur des bases vrai- ment économiques, bien qu'on n'y ait pas certes déployé de luxe excessif. L'expérience et la pratique laissent à désirer; ce sont choses qui ne s'acquièrent malheureusement qu'à la longue, et souvent à grands frais. III. - École d'industrie de Norwood, près de Londres. Il existait en 1848, aux environs de Londres, deux grands établissements destinés aux enfants pauvres et orphelins, qui y étaient envoyés par les unions paroissiales de la métro- pole l'école de Norwood, dirigée par M. Aubin, conte- nait environ 4,400 enfants, et celle de Tooting, dirigée par M. Drouett, près de 1,400. Les directeurs de ces éta- blissements étaient également entrepreneurs; ils traitaient à ce titre avec les unions; le prix de la pension était, à Norwood, de 4 s. 6 d. (environ 3 fr. 60 c.) par semaine et par enfant. Cette dernière école l'emportait de beaucoup, au triple point de vue du régime, de la discipline et de l'instruction, sur celle de Tooting, qui, décimée par le cho- léra en 1849, a été fermée à cette époque et n'a plus été rouverte depuis. L'école de Norwood a aussi subi récem– ment une complète réorganisation; le nombre des enfants a été réduit à 800, et le système de l'entreprise a été rem- placé par le système de la régie pour compte direct des unions associées. Lors de notre visite, au mois d'avril 1850, l'établissement était complétement bouleversé; on travail- lait activement aux appropriations et aux agrandissements dont la nécessité avait été reconnue depuis longtemps. Cette période d'inévitable désordre était peu propice pour appré- cier le système pratiqué. Aussi les renseignements que nous avons pu recueillir se rapportent-ils, pour la plupart, à une époque un peu antérieure. Les bâtiments de l'école n'ont rien de remarquable, et leur irrégularité présente certains inconvénients et certaines ANGLETERRE. — ÉCOLE D'INDUSTrie de norwood. 115 qu'il fait ressortir les funestes effets de l'imprévoyance et du vice. Des cartes, spécialement tracées à cet effet, indiquent la répartition des diverses branches de l'industrie nationale d'après les districts, de sorte que l'enseignement de la géo- graphic du pays se combine avec celui de ses ressources et de la distribution du travail sur son sol. On met aussi à la disposition des élèves des livres élémentaires qui traitent des divers métiers. On lit chaque jour dans l'école quel- ques passages des saintes Écritures; l'instruction religieuse des enfants est d'ailleurs confiée à un aumônier résident. Quant aux dissidents, ils peuvent, s'ils le désirent, recevoir l'instruction religieuse des ministres de leurs cultes respec- tifs, auxquels, à cet effet, l'entrée de l'établissement est tou- jours permise. difficultés pour la surveillance, auxquels on cherche à remé- dier. Le défaut d'étendue des dortoirs force de coucher deux enfants dans le même lit; cette coutume, assez fréquente d'ailleurs dans les écoles des pauvres d'Angleterre, devrait être abandonnée. Au surplus, la réunion des enfants des deux sexes sous le même toit paraît exempte de tout danger et présente au contraire d'incontestables avantages; ainsi l'on remarque que lorsque les garçons et les filles sont réunis dans les mêmes classes, il s'établit entre eux une sorte d'émulation qui profite à leur instruction commune. Nous avons retrouvé cette pratique en Écosse, en Hollande, en Allemagne et en Suisse, où elle est généralement considérée comme l'une des conditions essentielles de l'éducation popu- laire. Il est vrai de dire qu'elle ne s'étend pas au delà d'un certain âge. A Norwood, l'âge des enfants varie entre deux et quinze ans. Sur 1,100 enfants, on comptait, en 1848, 450 garçons, 350 filles et 300 jeunes enfants. Il s'y trou- vait, en outre, quelques jeunes gens qui se destinaient aux fonctions d'instituteurs, et qui payaient à ce titre une pen-ploi que peut recevoir le salaire d'après les circonstances et sion de 44 s. 6 d. (44 fr. 35 c.) par semaine pour le loge- ment, la nourriture et le blanchissage. Ces candidats-instituteurs secondent l'instituteur prin- cipal; grâce à leur concours, on a substitué dans l'école l'enseignement simultané à l'enseignement mutuel ; les élèves sont divisés classes de 40 à 50; l'instruction, dans cha- que classe, est donnée par un des candidats, sous la direc- tion et la surveillance générale de l'instituteur en chef. par L'enseignement a surtout un but pratique, et ne perd jamais de vue les besoins futurs des enfants auxquels il s'adresse. Il a différents degrés, et, commençant dans la salle d'asile où sont réunis les plus jeunes enfants, se gradue suivant les âges, pour finir à l'époque où les jeunes gens quittent l'établissement Dans les classes inférieures, on suit la méthode de M. Wilderspin; dans les classes supérieures, les méthodes introduites avec tant de succès, par MM. Wood et Stow, dans l'école sessionnelle d'Édimbourg et dans le séminaire normal de Glascow. Le dessin linéaire s'enseigne en même temps que l'écriture. Dans chaque classe, d'après un système gradué, on initie les élèves à la connaissance des choses, et on les rend familiers avec les métaux, les minéraux et les diverses substances employées dans l'indus- trie et le commerce; on leur apprend où et comment ces objets sont obtenus; quel est leur état primitif; par quels procédés ils sont appropriés aux divers usages de l'industrie et aux besoins de la vie domestique ou sociale. On leur dit le siége des principales industries, on décrit leurs procédés et la nature du travail qu'elles exigent; on leur parle enfin des salaires et de la condition des ouvriers qui y sont occu- pés, et on leur fait connaître les causes qui influent d'une manière plus ou moins directe sur leur bien-être. Ces leçons donnent l'occasion d'inculquer aux enfants le sentiment des devoirs qu'ils auront à remplir dans l'avenir, et l'instituteur ne manque pas d'appeler leur attention sur les avantages de la prudence et des habitudes laborieuses, en même temps nc Pour démontrer aux enfants l'avantage des connaissances qu'ils acquièrent à l'école, on leur fait tenir le compte des résultats de leur travail; on leur apprend aussi à rédiger le budget et le compte d'un ménage d'ouvrier. ainsi que l'em- dans diverses situations. Les jeunes filles dressent des inventaires, écrivent les recettes de procédés économiques pour la cuisine et le ménage, des listes d'articles débités dans les boutiques de détail avec leurs prix, et apprennent à tenir un livre de dépenses domestiques. L'attention des élèves les plus àgés est incessamment appelée sur les dan- gers, les avantages, les devoirs et la responsabilité de la position qu'ils sont sur le point d'occuper dans la société. et l'on s'efforce, autant que possible, de les prémunir contre les chances de non-réussite, en même temps qu'on cherche à les convaincre que les habitudes d'ordre et de travail sont un préservatif presque infaillible contre les accidents qui peuvent les menacer. Le chant est enseigné à Norwood avec un grand succès. Il contribue à donner de la solennité aux exercices reli- gieux, et varie agréablement les travaux de l'atelier et de l'école. Le temps des élèves est partagé entre l'instruction et l'apprentissage des métiers Il y a des tailleurs, des cordon- niers, des forgerons, des tonneliers et des charpentiers. Les enfants les plus jeunes apprennent à tresser la paille et à faire des paniers. On a aussi loué un champ où l'on ensei- gne à un certain nombre de garçons la théorie et la pratique de l'agriculture Une partie de ce champ est divisée en com- partiments, qui forment autant de petits jardins, dont on accorde la jouissance aux élèves les plus méritants, et qu'ils cultivent pendant les heures de récréation sous la direction d'un surveillant exercé. Les habits, les souliers nécessaires au service de l'établissement sont confectionnés par les enfants, qui font aussi toutes les réparations concernant la menuiserie et la forge; ils soignent les chevaux, et rendent, en un mot, tous les services et remplissent tous les offices compatibles avec leurs forces et leur àge. Un certain nom- bre de garçons sont élevés pour le service de la marine. On a érigé, pour leur instruction, dans le préau, un grand mât 13 114 ÉCOLE D'INDUSTRIE DE NORWOOD. ANGLETERRE. muni de tous ses agrès, et on s'est procuré quatre petites pièces de 6, qu'ils font manoeuvrer sur une plate-forme simulant le pont d'un vaisseau, sous la direction d'un maître canonnier qui leur fait faire chaque jour l'exercice militaire et naval. Pour l'usage général de l'école, on a disposé un vaste appareil de gymnastique, à l'aide duquel on déve- loppe les forces en augmentant la souplesse des membres des élèves. L'établissement possède une bibliothèque dont les ouvrages sont alternativement mis à la disposition des élèves et qu'ils lisent avec avidité. Un petit cabinet d'histoire naturelle renferme les objets nécessaires aux maîtres pour leurs démonstrations. Le système de récompense et de punition vient en aide à l'action du système d'éducation dont nous venons d'esquisser les traits principaux; les châtiments corporels sont stricte- ment interdits; pour diriger les enfants et les maintenir dans la ligne du devoir, on s'adresse non aux sentiments de la crainte qui dégrade, mais aux sentiments généreux et aux nobles impulsions. Les résultats obtenus à l'école de Norwood sont satisfai- sants, et le témoignage des maîtres et des inspecteurs est unanime à cet égard. On a d'autant plus lieu de s'en applau- dir que la population de cet établissement n'est pas une population ordinaire. Composée en grande partie d'orphe- lins, de bâtards, d'enfants de criminels ou abandonnés par leurs parents, elle représente en miniature la population la L'éducation morale préside à tous les exercices de la jour- née, depuis l'instant où les enfants quittent leurs dortoirs jusqu'à celui où ils y rentrent le soir. Sans cesse sous la sur- veillance d'un maître. qui prend même part à leurs récréa- tions, on leur apprend à s'amuser sans se nuire les uns aux autres; on ne néglige aucune occasion de leur inspirer le sentiment d'une mutuelle bienveillance; on leur enseigne à respecter en toute occasion la propriété d'autrui, à garder dans leur langage et dans leurs manières cette convenance qui est l'indice d'une bonne éducation, et à traiter leurs supérieurs avec une respectueuse confiance. Sous l'influence de ces principes, qui leur sont inculqués dès l'âge le plus ten-plus infime de la métropole; élevée au sein de la misère, dre, les enfants témoignent généralement à leurs instituteurs une affection exempte d'hypocrisie; vis-à-vis des étrangers, leur conduite est simple et convenable, dégagée de tout ce qui pourrait ressembler à de la hardiesse ou de la servilité. Ils remplissent leurs devoirs religieux avec une louable exactitude, observent scrupuleusement le repos du diman- che, et témoignent aux ministres du culte une déférence qui n'a rien d'affecté. Leur manière de se conduire dans les dortoirs et à l'heure des repas fait l'objet d'une attention toute spéciale. Les jeunes filles sont occupées aux travaux du ménage; elles nettoient les locaux, font les lits, lavent, repassent et réparent les vêtements; elles cousent et marquent le linge, assistent à la cuisine, soignent les malades à l'infirmerie sous la direction d'une infirmière habile, et rendent tous les ser- vices dont elles sont capables. L'instruction qu'elles reçoi- vent à l'école est particulièrement destinée à les mettre à même de remplir les fonctions de servantes, de cuisinières, de lingères, de bonnes d'enfants, de femmes de chambre, et de diriger au besoin un ménage d'ouvriers. On les forme ainsi aux devoirs de l'humble position qu'elles sont destinées pour la plupart à occuper dans la société ; et tout en leur signalant les écueils qu'il leur importe d'éviter, on leur inspire les idées de prudence et de réserve qui doivent influer d'une manière si directe sur leur bien-être futur. M. Aubin a 6 vaches. dont le soin est aussi confié aux filles, que l'on emploie d'ailleurs à tous les travaux de la laiterie et de la basse-cour; grâce à cet apprentissage, on parviendra, il faut l'espérer, à en placer un certain nombre à la campagne, en qualité de servantes et de filles de ferme. De même que pour les garçons, la journée des jeunes filles est partagée entre les travaux manuels et l'instruction de l'école. La règle suivie à cet égard est à peu près la même pour les enfants des deux sexes. du vice et du crime, sa conformation physique et sa physio- nomie décèlent son origine, et cet héritage fatal semble avoir marqué leurs traits d'un signe indélébile. A leur arrivée à l'école, la plupart de ces jeunes infortunés offrent des symptômes alarmants de maladie et de débilité; quelques- uns portent les traces hideuses et ineffaçables d'une affection scrofuleuse invétérée. On remarque généralement la sin- gulière conformation et la dépression de la partie antérieure de la tête; les traits des garçons sont presque toujours durs et grossiers, ceux des filles sans agrément. Cela est encore vrai aujourd'hui ; mais il y a quelque temps, avant la réforme introduite dans l'établissement, cette laideur était encore augmentée par une sorte d'expression stupide, et des traces de soupçon, d'obstination et d'abattement, venaient se joindre à la dureté de la physionomie. Aujourd'hui du moins cette physionomie décèle la satisfaction et presque le bon- heur. Les enfants ont confiance dans la sollicitude de ceux qui les entourent. Leurs journées se passent dans une agréable succession de travaux, d'études, de devoirs domestiques et religieux, et d'amusements qui ne laissent aucune place à l'ennui, et qui ne sont associés à aucune contrainte pénible. Le châtiment, dans son acception la plus ordinaire, a été presque entièrement banni de l'école, et ne consiste plus guère que dans la désapprobation des maîtres. Les larcins qui se commettaient journellement naguère sont aujourd'hui presque inconnus, et l'on n'ob- serve plus de traces de cette propension au vol, qui était presque générale autrefois, si ce n'est chez les garçons sortis des repaires de Saffron-Hill et de Saint- Gilles. Rien ne se perd plus dans l'établissement qui ne soit immédiatement retrouvé et rendu à son propriétaire. Les habitudes de mensonge deviennent plus rares de jour en jour; les enfants vivent en bonne intelligence et se rendent mutuellement service; l'ordre et la propreté ont remplacé la ANGLETERRE. ÉCOLE DE KIRKDALE. ÉCOLE DE QUATT. 115 confusion et la saleté. C'est en persévérant dans cette voie que l'on espère vaincre les derniers obstacles. Le mode suivi pour l'éducation industrielle des enfants a eu pour effet d'abaisser l'âge auquel ils sont aptes à entrer en service et à travailler pour leur compte sans passer par l'intermédiaire de l'apprentissage; non pas qu'ils excellent dans tel ou tel métier spécial, mais uniquement parce qu'ils ont acquis des habitudes d'ordre et de travail qui leur mau- quaient autrefois. Ces habitudes suffisent pour les faire admettre dès l'âge de treize ans dans de bonnes familles d'artisans ou de laboureurs sans autre apport qu'un petit trousseau, tandis qu'auparavant on trouvait à peine moyen de les placer à quatorze ou quinze ans malgré l'offre d'une prime assez élevée. École d'industrie de Kirkdale. (Yorkshire.) ·· Cette école est organisée à peu près sur les mêmes bases que celle de Norwood. Sa population est de 1,000 à 1,100 en- fants. L'instruction y est combinée avec l'apprentissage de certains métiers dont les produits sont utilisés pour l'éta- blissement. Parmi les garçons parvenus à l'âge où il est possible d'utiliser leurs forces, il se trouvait, en 1848, 70 tailleurs, 70 cordonniers, 24 jardiniers, 4 forgerons, 12 menuisiers, 12 aides boulangers, et 2 employés à la machine à vapeur adaptée à divers usages domestiques. Il est à désirer que l'exploitation agricole soit étendue de manière à pouvoir occuper un plus grand nombre d'enfants à la culture et au jardinage. On avait aussi le projet d'ériger une mâture de navire avec ses voiles et ses cordages, pour former quelques enfants à la profession de matelots. L'enseignement est donné par un instituteur principal assisté de trois sous-maîtres et de douze moniteurs. Il embrasse toutes les branches d'instruction qui forment le programme des bonnes écoles primaires. Un chapelain résident est chargé de l'enseignement religieux. Il y a une classe de chant qui est en voie de progrès, et l'on a organisé une musique d'harmonie qui compte une quarantaine d'exécutants. Les moniteurs, choisis parmi les élèves qui montrent des dispositions spéciales pour la carrière de l'enseignement, constituent une espèce d'école normale destinée à former des instituteurs pour les écoles de pauvres, et d'où sont déjà sortis plusieurs sujets qui ont immédiatement trouvé de l'emploi. Ferme-école de Quatt. (Shropshire.) La ferme-école de Quatt est, à proprement parler, le premier et jusqu'ici le seul spécimen d'une école agricole spécialement destinée aux enfants pauvres des workhouses. Elle a été établie pour recueillir les jeunes indigents de l'union de Bridgnorth. Dirigée par un instituteur assisté de sa femme, dont les traitements réunis ne s'élèvent qu'à 30 liv. st., son organisation, son régime et sa discipline se rapprochent à beaucoup d'égards de ceux des écoles de pau- vres de Suisse et d'Allemagne. Les bâtiments pourraient contenir une soixantaine d'en- fants: le nombre de ceux-ci s'élevait, au mois de septem- bre 1848, à 32 garçons et 19 filles. 17 garçons étaient âgés de plus de dix ans, et 15 de cinq à dix ans ; parmi les filles il n'y en avait que 4 qui eussent dépassé leur dixième année, les 15 autres avaient moins de dix ans, et plusieurs n'attei- gnaient pas même leur septième année L'établissement possède 42 acres (environ 2 hectares), exclusivement cultivés à la bêche par les garçons, qui sont en outre chargés du soin des vaches, des porcs et d'un et d'un poney qui sert aux transports. Il y a d'ordinaire à l'étable 3 et occa- sionnellement 4 vaches laitières, et de 4 à 8 porcs. Les filles sont employées aux travaux du ménage, à la laiterie et à la basse-cour; elles assistent au blanchissage, au repassage du linge, à la boulangerie, cousent, tricotent. confectionnent et raccommodent leurs propres vêtements, etc. Les produits de la ferme sont en partie consommés par population de l'école à laquelle ils sont comptés aux prix du marché ; le surplus, et spécialement le beurre, les porcs, les veaux, sont vendus à Bridgnorth. la Les enfants, comme les autres enfants des workhouses, sont nourris et vêtus aux frais de l'Union paroissiale. Leur journée est divisée comme suit le lever a lieu à cinq heures et demie en été et à six heures trois quarts en hiver; travail jusqu'à huit heures; école de neuf à douze heures; dîner à une heure; à deux heures, reprise des tra- vaux jusqu'à cinq heures; souper à six heures. Après le souper, les enfants ont une heure ou plus de récréation, si le temps le permet; ils répètent les psaumes et les hymnes qu'ils chantent le dimanche à l'église du village, et la journée se termine comme elle a commencé, par une prière que récite le chef de la famille. Les bénéfices de la culture et de la ferme sont portés au compte de l'Union; ils s'élèvent, en moyenne, de 60 à 70 liv. st. par an, après payement de la rente (1) et des impo- Une autre école d'industrie, établie sur des bases analo-sitions, et déduction faite d'un tantième pour cent pour les gues, a été érigée récemment à Leeds pour recevoir 400 enfants. On y a annexé un terrain de 6 acres environ, qui permettra d'employer un certain nombre de garçons aux travaux de jardinage. bâtiments, le drainage, etc. Cé résultat si favorable doit être attribué principalement (1) La rente est de 2 liv. 10 s. par acre. 116 FERME-ÉCOLE DE QUATT. ANGLETERRE. à l'emploi économique des enfants, dont le travail n'est pas rétribué, et à l'abondance de l'engrais liquide qui est re- cueilli avec soin dans une citerne et qui sert à arroser la terre et spécialement les légumes. Les produits de la culture se composent de carottes, de choux, de racines (mangel-wurzel), de pommes de terre, navets, betteraves, ray-grass d'Italie et vesces qui se succè- dent sans interruption de manière à ne jamais laisser la terre oisive, si ce n'est au cœur de l'hiver, pendant lequel le sol est arrosé d'engrais liquide de manière à le préparer pour les travaux du printemps. Les instruments mis aux mains des enfants sont des plus simples; des bêches proportionnées à leur taille et à leurs forces, des fourches, des râteaux, des houes, un tonneau pour l'engrais liquide et une charrette, placée alternativement sur le même train, composent tout le matériel agricole. L'un des inspecteurs des écoles d'Angleterre, M. Symons, qui a visité la ferme-école de Quatt à la fin de 1848, s'ex- prime en ces termes dans son rapport au comité du conseil d'éducation : «... Les résultats du système introduit dans cet établis- sement, en ce qui concerne l'instruction, la moralisation et l'apprentissage des enfants, laissent très-peu à désirer. « Bien que les garçons ne puissent pas évidemment être initiés à tous les travaux de la culture et de la ferme, de manière à devenir de parfaits laboureurs, et bien que l'ap- prentissage des filles, au jardin, à la laiterie, à la cuisine, à la laverie, à la lingerie, ne soit pas, à beaucoup près, suffi- sant pour en faire de bonnes servantes, cependant l'emploi des uns et des autres, dans ces diverses branches de service, leur est d'une grande utilité; il les prépare aux habitudes et aux devoirs d'une vie laborieuse, il exerce leurs forces, fortifie leur santé, développe leurs aptitudes. Les enfants, à leur sortie des workhouses, sont d'ordinaire dépourvus de vigueur et d'énergie; ils ne sont propres à rien, et dès lors ne trouvent que difficilement à se placer; leur séjour à la ferme-école, au contraire, leur ouvre diverses carrières utiles, et les fermiers et les artisans se montrent empres- sés à les prendre en qualité de domestiques ou d'ap- prentis. « Je puis parler en termes non moins favorables de leurs progrès moraux et intellectuels. La vigueur du corps se communique à l'âme; l'alternance des travaux extérieurs et des leçons enlève à l'école sa monotonie, en donnant de l'élan et de l'énergie aux ressorts de l'esprit. <«< Les enfants de la ferme-école de Quatt l'emportent de beaucoup sur ceux que j'ai rencontrés dans des établisse- ments d'un ordre plus élevé, en ce qui concerne la connais- sance et la compréhension des saintes Écritures, les calculs arithmétiques, l'intelligence des lois de la nature, de même qu'en ce qui regarde les branches d'instruction purement mécaniques, telles que la lecture, l'écriture, etc. M. Gar- land, leur excellent instituteur, possède la rare faculté de gagner l'affection de ces pauvres enfants, qui lui doivent en quelque sorte une seconde existence, et qui, à ce titre, a droit à leur éternelle gratitude. <«< Il serait impossible à un simple instituteur de cultiver ainsi les sentiments moraux des pupilles confiés à ses soins C'est à l'aide de rapports plus fréquents et plus intimes que ceux qui s'établissent d'ordinaire entre le maître et l'écolier, que les fautes et les vices peuvent être découverts et corri- gés, les vertus et les bonnes qualités développées et dirigées, les affections fortifiées, les esprits ouverts à la lumière et à la vérité. Cette étude et cette éducation de tous les jours et de tous les instants peuvent se faire bien plus facilement et plus efficacement au sein de la vie de famille et dans le cercle des travaux champêtres et domestiques, que dans le local d'une école. Je suis fermement convaincu que l'in- struction scolaire proprement dite, lorsqu'elle n'est pas asso- ciée à l'éducation industrielle et morale, ne remplit que très-imparfaitement son objet. Instruire un enfant et l'élever sont deux choses distinctes et également indispensables, qui devraient toujours marcher de pair; l'école seule ne peut suffire pour satisfaire à ce double besoin. Cela est vrai pour les classes supérieures et moyennes; mais c'est plus vrai encore pour la classe pauvre, qui lutte péniblement contre un mal physique et moral, dont le soulagement dépend de l'emploi de remèdes physiques et moraux appropriés à sa situation. <«< I importe peu d'enseigner aux enfants appartenant à cette dernière classe le mécanisme de l'alphabet et du livre de lecture, et l'écriture et l'arithmétique sont des barrières bien impuissantes contre les habitudes vicieuses, l'oisiveté et les mauvaises passions; il est nécessaire de leur appli- quer un régime plus pratique et partant plus efficace, et ce régime ne peut être autre qu'une éducation véritablement religieuse, morale et industrielle. Si le système actuel, contraire, est maintenu, le paupérisme s'étendra incessam- ment, et la génération qui passe léguera à la génération future un embarras et un danger dont les conséquences peuvent être terribles. >> au M. Symons, d'accord avec les autres inspecteurs des pau- vres et des écoles primaires, recommande instamment la création d'écoles industrielles et agricoles pour les jeunes indigents, les orphelins, les enfants abandonnés, mendiants et vagabonds, obligés aujourd'hui de chercher asile dans les workhouses. L'un de ses collègues, M. le docteur Kay, tracé le programme et le plan de l'une de ces institutions. que nous croyons utile de reproduire à la suite de ce mémoire, comme le type de la réforme qui se prépare en Angleterre. M. Symons, à son tour, dans le rapport que nous avons cité plus haut, discute les bases et les détails de cette réforme; il estime que chaque école devrait pouvoir contenir 300 à 350 enfants des deux sexes, qui y seraient admis dès l'âge de deux ans. Les frais de construction des bâtiments s'élèveraient à 4,000 ou 5,000 liv. st., pourraient être avancés par le trésor public, à charge du payement annuel de l'intérêt, et d'un amortissement qui qui ANGLETERRE. 117 FERME-ÉCOLE DE QUATT. éteindrait la dette contractée dans une période de vingt ans, par exemple. Une économie plus ou moins considérable serait faite de ce chef, si l'on trouvait quelque bâtiment sus- ceptible d'être approprié à la destination dont il s'agit. Les dépenses annuelles de l'école peuvent être évaluées à 550 liv. environ, et à 850 liv. si l'on y comprend les intérêts et l'amortissement de la somme empruntée pour les construc- tions; ces sommes représentent les frais spéciaux nécessités l'installation des nouveaux services; quant aux dépenses par ordinaires de nourriture, d'habillement et d'entretien des enfants, etc., elles resteraient les mêmes qu'auparavant. Elles s'élèvent aujourd'hui, en moyenne, à 7 ou 8 liv. st. par tête et par année. Sous l'empire de l'organisation nouvelle, elles ne dépasseraient pas, par conséquent, 9 à 10 liv. st., dont il y aurait à déduire les profits des ateliers et de la culture. D'après M. Symons, il suffirait d'annexer, à un établisse- ment de ce genre, un terrain de 25 acres environ (un peu plus de 40 hectares). Le système de culture serait celui des fermes à laiterie, où les vaches sont exclusivement nour- ries à l'étable. Voici comment il évalue les récoltes et les produits : 333 བ 3 2 10 10 N N N RÉCOLTES. PRODUIT PRODUIT TOTAL. Tonneaux (1). Quintaux (1). Acres (1). Roods (1). EN TONNEAUX par acre. Racines (wurzels). 35 122 10 Carottes et panais. 25 82 10 Ray-grass d'Italie 75 262 10 Choux 45 67 10 Vesces et trèfle . 20 70 00 605 00 1 5 Une vache consomme annuellement environ 28 tonneaux de fourrage vert, de foin et de racines; la quantité de pro- duits indiqués ci-dessus suffira pour nourrir 24 vaches; si celles-ci sont bonnes laitières, on peut évaluer le produit. de chacune, en moyenne, à 16 liv. st. annuellement pour le lait, le beurre, le fromage, le veau et l'engrais. Les 15/2 acres nourriront 21 vaches qui, à rai- son de 16 liv. st. par tête, donneront un produit total de . Leres. Roods, 3 2 Lin, à raison de 20 liv. st. par acre. • 3 M M 2 >> 2 Pommes de terre ou autres racines pour porcs, qui', jointes à une petite quantité de farine et de restes du ménage, etc., nourriront 80 porcs, lesquels, vendus à 2 liv.st. 10 s. en moyenne, donneront Légumes pour la consommation du ménage, à raison de 35 liv. st. par acre. VALEUR. liv. 336 70 La valeur des produits suffirait, comme l'on voit, pour couvrir et au delà les dépenses spéciales de l'institution. Le travail nécessaire pour la culture des 25 acres néces- siterait l'emploi de 60 garçons environ, de l'âge de neuf à quinze ans. La rotation des récoltes pourrait être établie comme suit pour chaque division de 7 acres: En novembre. Première année : Racines (wurzels). établir les sillons et bien fumer. Au commencement du printemps, bêcher profondément, fumer de nouveau et semer. En juin, éclaircir les feuilles. -Enlever les racines d'août jusqu'en novembre. Deuxième année : Pommes de terre ou autres légumes. Établir, comme ci-dessus, les sillons avant décembre. En mars, fumer, bêcher et planter. Récolter vers la fin d'août. En septembre, bêcher de nouveau et fumer, et semer aussitôt que possible du ray-grass d'Italie. Troisième année: Ray-grass d'Italie. - Première coupe. vers la première semaine de mai; seconde coupe, vingt- cinq jours après la première, puis coupes successives de mois en mois, jusqu'aux premières gelées. Après chaque coupe, bien arroser avec l'engrais liquide.- En décembre. bêcher et établir les sillons, mais sans fumure. Quatrième année: Lin. Bêcher la terre au commen- cement d'avril, mais sans fumure; semer aussitôt après la cessation de la gelée. -Récolter en juin. Navets en récolte dérobée, après une nouvelle façon et une nouvelle fumure, à consommer en hiver. Cinquième année Carottes ou panais. Bêcher, mais ne mettre l'engrais qu'après la dernière coupe. Semer immé- diatement en août, et récolter en novembre. Confection des sillons et fumure en décembre. Sixième année : Choux. Bêcher, fumer et planter en mars. Récolter vers la fin d'août. -Fumer et bêcher en septembre, et semer du trèfle ou des vesces. Récolter en mai ou Septième année Vesces ou trèfle. juin. On peut obtenir une seconde coupe avant de semer les racines (wurzels). Si l'on jugeait à propos de semer du blé sur quelque partie du terrain, il suffirait d'apporter de ce chef un léger chan- gement au mode d'assolement qui vient d'être indiqué. Seulement, M. Symons est d'avis que le produit serait relativement moins favorable, et que, dans un système de culture comme celui qu'il propose, il est infiniment plus économique d'acheter la paille et les grains que de les pro- duire soi-même. Cependant, il conviendrait peut-être. selon lui, de labourer chaque année quelques verges, pour initier quelques-uns des enfants les plus àgés au travail de 200 70 >> 2 Emplacement des bâtiments et dépendances. >> la charrue. 25 Valeur totale. 676 (1) L'acre (4,840 yards carrés) équivaut à 0,404,674 hectare. Le rood (1,240 yards carrés) équivaut à 10,146,775 ares. Le tonneau, ton. (20 quintaux), équivaut 4045,65 kilogrammes. Le quintal (142 livres) équivaut à 50,78 kilogrammes. 148 ÉCOLE D'EALING. ANGLETERRE. École d'Ealing, près de Londres. L'école d'Ealing fut érigée, en 1833, dans un local pris à bail qui avait servi d'écurie à un château, et auquel était annexé un enclos de 4 acres de terrain. Ce local fut appro- prié à sa destination; on y disposa une salle d'école, des ateliers, une habitation pour l'instituteur, etc. La plus grande difficulté fut de trouver un maître capable. Celui que l'on avait choisi d'abord ne convenait pas aux fonctions dont il était revêtu, et fut peu de temps après remplacé par le maître d'école du village, M. Atlee, qui, accoutumé à l'an- cienne routine, cut peut-être un peu de peine à se faire à ses nouveaux devoirs. Mais il ne tarda pas à surmonter ces difficultés; il rejeta donc la férule, et embrassa le nouveau système avec un zèle et une conviction qui ne pouvaient manquer de commander le succès. On commença par former des jardins d'un seizième d'acre, qui furent loués aux élèves à raison de 3 pence (30 cen- times) par mois; les locataires eurent la faculté de se pour- voir de semences chez le maître de l'école, chez leurs parents ou chez leurs amis. On disposa des râteliers et des supports pour l'arrangement des outils, où chaque enfant eut sa place désignée à l'avance. L'atelier de menuiserie fut arrangé par les élèves eux-mêmes. On se procura les livres et tous les appareils nécessaires à l'instruction, et peu de mois après l'ouverture de l'école, tout s'y trouva disposé d'une manière convenable, et l'ordre dans les exercices ne laissa guère à désirer. Le but des fondateurs de cet établissement était de for- mer les enfants aux travaux des champs, et d'en faire de bons ouvriers en même temps que des hommes intelligents et heureux. On jugea à cet effet qu'il était nécessaire de leur inculquer de bonne heure des habitudes de patiente indus- trie, -de leur faire apprécier le prix du travail, de les rendre intelligents, habiles, et de les initier à la connais- sance des objets dont ils étaient entourés, de développer en un mot leurs facultés physiques et morales de manière à satisfaire à tous leurs besoins légitimes. Le travail manuel occupe d'ordinaire trois heures par jour; une partie de ce temps est consacrée au profit de Tinstitution, l'autre à la culture et à l'entretien des jardins particuliers. Les travaux exécutés pour compte de l'école sont rétribués en raison des notes recueillies par le surveil- lant sur le zèle et l'aptitude de chaque travailleur. Les élèves peuvent s'occuper de leurs jardins pendant une heure et demie par jour; et comme ils sont obligés de payer un loyer et d'acheter les semences, ils sont directe- ment intéressés par là même à tirer le meilleur parti pos- sible de leur petit terrain et à le cultiver avec soin. Le mau- vais état du sol et le défaut d'expérience de l'instituteur obligèrent de recourir, dans les commencements, à l'aide d'un jardinier qui fut chargé de donner aux élèves les pre- par mières notions d'agriculture et de leur enseigner le moyen de faire se succéder diverses récoltes de manière à ne jamais laisser reposer la terre; mais on ne tarda pas à pouvoir se passer des services de cet agent. Telle fut l'activité déployée les élèves, et tel fut le succès dû à leurs efforts, que leurs jardins, à peu d'exceptions près, présentaient, dès la première année, avant la récolte, un aspect d'ordre, de propreté et de fertilité qui faisait plaisir à voir. Tous, de- puis cette époque, ont tiré un profit plus ou moins élevé de leur culture. Il est rare qu'ils ne puissent disposer chacun en faveur de leur famille de deux ou trois sacs de pommes de terre annuellement, sans compter les autres légumes. Mais le terrain mis à la disposition de chaque élève n'est pas seulement consacré à la culture des produits utiles, on y trouve encore des bordures et des plates-bandes de fleurs. C'est ainsi qu'on inspire aux enfants le goût du jardinage, et qu'on les met à même de se procurer dans l'avenir un plaisir peu coûteux et qui doit contribuer à embellir et à leur faire aimer leur logis. Les travaux industriels sont, autant que possible, associés aux travaux de l'agriculture. On a reconnu que rien n'était plus avantageux à un agriculteur que de pouvoir se servir avec une certaine dextérité des outils de menuiserie et de charpenterie. Peu d'habitants des campagnes ont les moyens de payer des ouvriers pour réparer leurs habitations et leurs meubles; s'ils manquent des connaissances nécessaires à cet effet, il faut qu'ils se résignent le plus souvent à se passer des choses les plus utiles et à voir se délabrer ce qu'un peu de soin et d'habileté aurait suffi pour maintenir en bon état. On enseigne donc aux élèves à faire usage des outils dont nous venons de parler, et il suffit de visiter l'école pour se convaincre que cet apprentissage a porté ses fruits. Ils ont construit un grand baquet pour la buanderie, les râteliers et les portemanteaux pour suspendre leurs outils et leurs effets, des brouettes, etc.; ils ont réparé un hangar à demi ruiné. Indépendamment de la menuiserie, on leur enseigne à faire des souliers et des sabots comme ceux que l'on porte dans le nord de l'Angleterre; tous les enfants en font usage lorsqu'ils sont à leurs travaux, et c'est un excellent préser- vatif dans les temps humides et pluvieux. On les emploie aussi à des travaux de maçonnerie, et une grande partie des murs de l'enclos est leur ouvrage. En 1837, époque à laquelle se rapportent nos renseignements, ils mettaient lat dernière main au bâtiment destiné à la buanderie, qu'ils avaient construit depuis les fondements jusqu'à la toiture, sans autre assistance que celle qu'avait pu leur prêter l'insti- tuteur. En somme, ils suffisent à tous les travaux de l'éta- blissement, et remplissent tour à tour les métiers de maçon, de charpentier, de peintre, de vitrier. Là où il y a tant de professions et tant de petits ouvriers, il est évident qu'il y aurait beaucoup de confusion si chacun n'avait ses devoirs bien déterminés à l'avance. Pour présider à cette répartition, on désigne chaque mois trois moniteurs dont les fonctions consistent à assigner à chaque enfant sa tâche journalière et · ANGLETERRE. 119 ÉCOLE D'EALING. à en surveiller l'exécution; de sorte que lorsque sonne l'heure des divers exercices, les jeunes travailleurs se ran- gent sans désordre dans les groupes auxquels ils appartien- nent; les uns se rendent dans l'atelier des charpentiers, les autres dans celui des cordonniers, d'autres enfin, occupés à l'extérieur, transportent du gravier, creusent des fossés, etc. En règle générale, cependant; les occupations sédentaires, sauf les cas d'urgence, sont réservées pour les mauvais temps. Tout cela se fait avec gaieté et entrain. Les élèves charment leurs travaux en chantant en choeur des chansons joyeuses appropriées à leur situation; et lorsqu'un groupe quitte ou reprend un exercice, ceux qui le composent mar- chent en rangs et en cadence au son d'un de leurs chants favoris. Leurs outils sont toujours disposés dans l'ordre le plus parfait; de sorte que, quel que soit le moment où l'on visite l'école, on trouve toujours une place pour chaque chose, et chaque chose à sa place. Mais cet ordre n'a pas pour but de plaire à l'œil du spectateur. S'il est encouragé, s'il est strictement maintenu, c'est qu'il est peu d'habitude qui soit plus propre à donner de la valeur au travail, à sou- lager de la fatigue qu'il occasionne, à favoriser les bonnes inclinations. Plus son exercice est généralement négligé dans la classe ouvrière, plus il importait de cultiver avec soin cette habitude dans un établissement destiné à semer dans cette classe des germes de réforme. L'ordre ne règne pas seulement dans l'arrangement des instruments de travail; il préside encore à tous les exer- cices, aux moindres détails de l'éducation. Ainsi, la tenue des comptes est une sorte de leçon permanente de prévoyance et d'économie. Chaque enfant a son petit livre de recettes et de dépenses. D'un côté, à l'entrée, on porte les profits de son petit jardin, les salaires qu'il a reçus pour sa participa- tion aux travaux communs, etc.; de l'autre, à la sortie, on inscrit ses dépenses, son loyer, ses achats de semences, etc. La balance de ces petits comptes devient plus favorable d'an- née en année, et déjà, dès 1836, le profit d'un des enfants, pour son seizième d'acre, s'était élevé à près de 2 liv. st., déduction faite de tous frais de location, d'ensemencement, de fumier, etc. Voici, entre plusieurs, un spécimen de ces comptes : George Kirby, âgé de quatorze ans. 1836. CAISSE. INDICATION REÇU. PAYÉ. DES RECETTES ET DÉPENSES. Semences d'oignons liv. S. d. Mars Avril 4 Jer Un mois de loyer 4. Un quart de pois Mai Jer }) for 23/4 6 18 24 30 A reporter. = >> AAA · " 23/4 Un mois de loyer Salaire pour travail Un boisseau de pommes de torre Semence de laitue Fèves Ilaricots. · • · • S. d. 2 442 3 1 >>> 2 છે ني 3 024 @ 2 4 + ༢ زر 1836. Report. 1er RECU. INDICATION DES RECETTES et dépenses. • 21/2 Salaire pour travail Un mois de loyer. Un demi-boisseau de pois. Oignons Fèves. Id. Id. Un mois de loyer. PAYE. d. liv. 3. d. 23/1 3 Juin Un mois de loyer A 12 >> 14 Plants de choux. >> 16 71/2 Laitues.... >> 23 10 Juillet fer 14 >> 16 1 >>> 48 >> 24 30 Août fer >> 4 9 Féves.. 8 Pommes de terre. 9 Fèves }} 11 8 Pommes de terre. }} 16 4. Fèves 2 Id. 27 Septembre fer Un mois de loyer. Féves >> 43 2 Id. >> 17 Octobre 1 cr Un mois de loyer.. 1 10 15 tembre 19 8 6 26 6 0 1 5 03/1 4 1 1 Recettes Dépenses BALANCE. 20 ∞ ? 1 0 113/4 Salaire jusqu'au 31 sep- Pommes de terre. Id. · 4 11 Chose remarquable! il n'y a pas d'exemple qu'un enfant ait jamais soustrait à un autre quelque produit de son jardin Ils reconnaissent spontanément et mutuellement leurs droits fondés sur une même base, le travail; c'est à la fois une leçon qu'ils donnent et qu'ils reçoivent, et qui les initie à la nature véritable de la propriété en même temps qu'elle leur apprend à la respecter. Cette leçon n'est pas la seule; les travaux qu'exige la culture de leurs petits jardins dépassent souvent les forces des enfants isolés; il faut donc qu'ils aient recours, dans leur embarras, à leurs jeunes compagnons, et cette assistance leur est accordée d'aussi bon cœur qu'ils la donnent à leur tour lorsqu'on la leur demande. Cet échange réciproque de services est loin d'être chose indifférente; tout en dévelop- chez les enfants le sentiment de la bienveillance, il leur pant prouve que l'homme n'est pas fait pour vivre seul, et que la force et la toute-puissance de l'association peuvent sup- pléer dans le plus grand nombre de cas à la faiblesse et à l'impuissance de l'individu. L'éducation intellectuelle n'est nullement entravée par l'application des enfants aux travaux manuels; partout, au contraire, où cette association a été tentée, on a obtenu les meilleurs résultats. Les expériences faites à Hofwyl par M. de Fellenberg, et en Angleterre par la Société des Amis de l'Enfance en offrent la preuve. L'école d'Ealing ne fait pas 120 ANGLETERRE. · ÉCOLE AGRICOLE DE WINKFIELD. exception sous ce rapport; l'instituteur affirme que, malgré les obstacles contre lesquels il avait eu à lutter d'abord par suite de l'ignorance des enfants et de l'absence de bons mo- niteurs, la combinaison des occupations industrielles avec l'œuvre de l'instruction, loin d'entraver celle-ci, lui venait au contraire en aide. Les enfants les plus âgés fréquentent chaque jour l'école pendant trois heures et demie, et les plus jeunes pendant quatre heures et demie. Comme partout, ils y apprennent à lire, écrire et calculer. A ces notions élémentaires indis- pensables, on a ajouté depuis peu l'enseignement de la musique vocale, du dessin linéaire et des connaissances usuelles (lessons on objects) nécessaires au laboureur et à l'artisan. L'établissement possède une bibliothèque composée d'ou- vrages instructifs et amusants. Ces ouvrages sont prêtés aux élèves qui peuvent les emporter chez eux. Ce moyen de récompense et d'émulation a eu le plus grand succès, et son influence s'est étendue au dehors de l'école. On fait des lectures en famille; les parents s'intéressent aux études et aux progrès de leurs enfants; c'est une sorte de fonds com- mun dont chacun tire profit; et il arrive souvent que des parents s'adressent à l'instituteur pour leur permettre de garder encore un jour ou deux les livres qu'il avait prêtés aux élèves. L'un de ces derniers remplit les fonctions de bibliothécaire; il tient le catalogue des ouvrages, et indique sur un registre les noms des enfants auxquels on les confie, la date de la remise et celle de la restitution des volumes. On admet à l'école d'Ealing tous les enfants sans distinc- tion de culte, et l'on a pris des mesures pour que la croyance de chacun fut respectée. Situé à cinq milles de Londres, cet établissement reçoit aussi des jeunes gens qui se destinent aux fonctions d'instituteurs. C'est donc à la fois une institu- tion modèle et normale pour les populations rurales. Sa dépense, en 1836, s'est élevée à 358 liv. 5 s., savoir : 54 liv. 46 s. 5 d. pour les pensionnaires de l'école normale, 60 liv. pour le loyer du bâtiment et du terrain, 47 liv. 48s. 9d. pour le salaire du jardinier, 2 liv. 8 s. pour le maître cor- donnier, 2 liv. 12s. pour la maîtresse de couture, 8 liv. 6 s. 8d. pour le maître de musique. Le surplus est attribué au trai- tement de l'instituteur et aux autres frais. On estime que la dépense totale pourra être réduite à 200 liv. ou 250 liv., lorsque l'école normale aura fourni des aides et des surveil- lants capables de seconder le maître dans ses fonctions. VII. École agricole de Winkfield, près de Windsor. Cette école, fondée sous le patronage de la Reine, par le révérend W. L. Rham, au mois d'avril 1835, consiste en un bâtiment contenant l'habitation de l'instituteur et de l'institutrice, deux salles pour les leçons, de 26 pieds de long sur 16 de large et 18 de haut, un atelier de 20 pieds sur 9, une étable, un chenil, etc. Les frais de construction se sont élevés à 500 liv. st. Il est situé au centre d'un champ de 2 acres d'étendue, dans une position bien aérée et salubre, à proximité de l'église du village. «J'avais, dit le fondateur, projeté depuis longtemps cette institution; mais ce n'est que depuis deux ans que je parvins à réunir les fonds nécessaires pour la réalisation de mon projet. J'avais souvent eu occasion de remarquer que le résultat de l'instruction scolaire ordinaire n'était pas toujours avantageux aux progrès futurs des élèves, et que, loin de leur inspirer le désir de perfectionner et de compléter leurs con- naissances, il ne tendait au contraire qu'à leur inspirer une sorte de répugnance pour l'étude. La durée des leçons était trop longue; leur monotonie engendrait la fatigue et l'ennui. et par suite cette impression pénible s'associait chez les enfants à toute espèce d'enseignement. L'œuvre de leur éducation cesse d'ordinaire avec leur sortie de l'école: et alors encore en quoi consiste cette éducation? A savoir épeler ou lire imparfaitement un chapitre de la Bible dont le plus souvent le sens échappe au lecteur. Pénétré de ces incon- vénients, je me proposai d'y porter remède dans le cercle limité de mes pouvoirs et de mon influence. Et d'abord je voulus enseigner aux enfants de mon village quelque chose qui leur fût en même temps utile et agréable: le jardinage me parut devoir atteindre ce but pour les garçons. Quant aux filles, j'aurais désiré leur procurer quelque occupation plus active que la couture et le tricot. Les soins du ménage, le blanchissage et le repassage du linge, la cuisine, les tra- vaux de l'étable et de la laiterie, etc., leur auraient parfai- tement convenu sous ce rapport. Mais il y avait, dans l'accomplissement de ce plan, des difficultés que j'espère néanmoins lever avec le temps. >> L'instituteur de l'école de Winkfield est un ancien sergent des gardes, mis à la pension, qui avait, pendant sept ans, été chargé de l'instruction des enfants de son régiment. Sa femine, personne active et intelligente, exerce les fonctions d'institutrice, sous sa direction. Leurs salaires réunis s'élè– vent à 60 liv. par an, outre l'habitation, le produit d'une demi-verge du jardin cultivé par les enfants, le feu et la lumière. Les élèves sont au nombre de 74: 36 garçons et 38 filles; on se propose d'en admettre 100 50 filles et 50 garçons. L'âge d'admission est limité entre sept et douze ans. L'instituteur, quoique étranger jusque-là aux travaux des champs, s'y adonne avec le plus grand zèle et le plus grand plaisir; son inexpérience même, à cet égard, offrait un avantage, en ce qu'il n'était pas dominé par la routine et n'avait qu'à étudier sans rien avoir à désapprendre. Il suit en tous points les conseils que lui donne le fondateur de l'école, et profite des indications contenues dans les livres : ANGLETERRE. ÉCOLE DE BATERBURY. sur l'agirculture qui ont été mis à sa disposition. Ses progrès disposition. Ses progrès sont remarquables. On explique aux enfants la nature et le but de chacun des procédés qu'ils mettent en œuvre dans la culture; et comme ils savent que la moitié des produits de cette culture est destinée à leur procurer de bons vêtements, en propor- tion de leur activité et de leur aptitude, ils sont intéressés par là même à obtenir les meilleurs résultats possibles. Les élèves qui se distinguent d'une manière particulière ont jouissance d'un petit lot de terrain qu'ils cultivent pendant leurs loisirs; et, bien que l'école ne s'ouvre qu'à huit heures du matin, dès six heures, en été, on voit un grand nombre d'enfants travailler avec zèle dans leurs petits jardins. Indépendamment des travaux agricoles, on emploie les enfants à fabriquer des filets et des paniers en osier; on leur enseigne à se servir des outils de menuisier et de charpen- tier. Ces occupations sont considérées comme des récom- penses. Quatre heures sont consacrées chaque jour aux travaux manuels, quatre autres heures à l'instruction scolaire. On remarque que les progrès des élèves, dont le temps est partagé de la sorte, sont plus rapides que dans les écoles où les leçons durent la journée entière. Les élèves qui tra- vaillent avec le plus d'activité sont aussi ceux qui appren- nent le mieux. La lecture, l'écriture, le calcul, forment la base de l'instruction; on enseigne, en outre, aux élèves de la classe supérieure la théorie du jardinage. Mais on observe avec peine que lorsque les enfants sont capables de gagner un minime salaire, leurs parents les retirent le plus souvent de l'école. L'établissement était encore dans son enfance à l'époque à laquelle se rapportent ces renseignements; et cependant déjà alors les bénéfices de la culture dépassaient les espé- rances de son fondateur. En 1836, la vente de légumes, tels que carottes, betteraves, pommes de terre, choux, haricots, chicorée, avait rapporté plus de 20 liv. st. Les enfants, comme nous l'avons dit, participent à ce bénéfice. M. Rham a la conviction que, dans un district peuplé, une petite ferme de 5 à 40 acres, transformée en école d'après son plan, donnerait un produit suffisant pour compenser les frais de l'instruction et de l'habillement d'une centaine de garçons, à la seule condition d'un travail de quatre heures par jour. Le bénéfice du travail des filles est relativement beaucoup moins élevé. VIII. École rurale de Baterbury, près de Chelmsford. L'arrangement de cette école ressemble, à beaucoup d'égards, à celui de l'école de Winkfield. Le nombre des élèves est de 60 (30 garçons et 30 filles). On y a introduit ÉTABLISSEMENT AGRICOLE DE SOUTHAM. 121 le système d'enseignement des écoles nationales, qui com- prend l'instruction religieuse, la lecture, l'écriture et l'arith - métique. Les filles sont employées aux travaux du ménage ; elles lavent, font la cuisine, cuisent le pain, nettoient la maison, et confectionnent des chemises et des objets d'ha- billement pour les indigents du district. L'institutrice, qui est une personne intelligente, estime qu'une jeune fille élevée de la sorte peut, dès l'âge de sept à huit ans, rendre tout autant de services dans un ménage que la jeune fille de treize à quatorze ans qui n'a pas quitté le toit domes- tique. Les garçons sont occupés aux travaux agricoles, et le terrain qu'ils cultivent a 3 ou 4 acres d'étendue. IX. Établissement agricole de Southam. Cet établissement, d'un genre tout particulier, a été créé en 1832. M. Smith, propriétaire à Southam, offrit à l'insti- tuteur du village d'employer un certain nombre d'élèves à la culture d'un jardin légumier. Il fit choix d'abord de 12 jeunes garçons, entre lesquels il divisa 1 acre de terrain par portions inégales; le loyer de ces parcelles fut fixé à 6 d., 9 d. et 1 s. par mois, en raison de leur étendue. Ce loyer n'est exigible que pendant neuf mois de l'année; il est suspendu pendant les trois mois d'hiver. Le payement se fait régulièrement tous les premiers lundis du mois, dans la soirée. C'est M. Smith lui-même qui dirige les enfants dans leurs travaux, et il recommande, à cette occasion, de choisir, autant que possible, pour toute entreprise du même genre, 2 ou 3 garçons de dix-sept à dix-huit ans, qui puissent guider les enfants par leur exemple, leur donner assistance au besoin, et maintenir l'ordre parmi eux. Les élèves cultivent toute espèce de légumes et de den- rées, à l'exception du grain: ils choisissent de préférence les oignons, les pois, les fèves, les haricots, les carottes, le céleri, les radis, les navets, les choux et les pommes de terre hâtives. Ils disposent des produits de leur culture en faveur de leurs familles ou les vendent à leur profit. Plus cette culture est variée, et plus aussi elle intéresse les enfants en stimulant leur zèle; chaque saison a ainsi ses travaux, ses plaisirs et sa récompense. La culture des grains et de la pomme de terre commune n'exige pas le même degré d'ha- bileté, le même emploi de la main-d'oeuvre : aussi M. Smith l'a-t-il sagement interdite dans sa petite exploitation. Indépendamment des légumes, chaque parcelle de ter- rain a une bordure de fleurs de deux pieds de large. Cette bordure est entretenue avec amour par les enfants; c'est la récréation à côté du travail. Le soin des fleurs doit être pour eux une source de paisible amusement dans l'avenir. Nul 16 1 129 ANGLETERRE. ÉCOLE DE M. CROPPER. doute que, lorsque devenus hommes, ils habiteront leur cottage, ils ne cherchent à l'embellir, comme ils embellis- sent aujourd'hui leur petit jardin. -A côté des légumes et des fleurs, sont semées quelques plantes de fines herbes, telles que la menthe, la sauge, l'échalote, le persil, etc. Ce sont des assaisonnements économiques toujours utiles dans un ménage, et à l'aide desquels on augmente la saveur des mets les plus simples. L'accès des jardins est interdit à toute personne, excepté les mères et les sœurs des petits cultivateurs. Celles-ci sont autorisées à nettoyer les plates-bandes, à récolter les légu- mes, à aider leurs frères dans une foule de petits travaux; cette sorte d'apprentissage a pour elles aussi son but d'uti lité. Dès la troisième année de cet essai, plusieurs des jeunes locataires avaient fait de notables progrès; quelques-uns même pouvaient passer pour de bons jardiniers. Ils auraient dû sortir pour faire place à de nouveaux locataires; mais M. Smith ne put se résoudre à les renvoyer, et il se décida à diviser encore un acre et demi pour satisfaire aux nou- velles demandes. 30 garçons de huit à quatorze ans furent admis cette fois. Les anciens colons vinrent en aide aux arri- vants; ils leurs servirent d'instructeurs, et M. Smith n'eut pas à regretter dès lors de les avoir conservés. Pour compléter son œuvre bienfaisante, M. Smith a institué une bibliothèque circulante pour ses colons. La dis- tribution des livres a lieu le jour du payement des loyers, et les enfants qui arrivent les premiers avec leur rétribution jouissent aussi de la faveur du premier choix. L'expé- rience tentée en faveur des écoliers de Southam n'a presque rien coûté. M. Smith déclare lui-même qu'elle ne lui a occasionné qu'une légère dépense de quelques livres sterling. X. - École fondée par M. Cropper, près de Liverpool. Cette école contient 30 jeunes orphelins, auxquels on enseigne la lecture, l'écriture et l'arithmétique, un peu de géographie et d'histoire naturelle, de manière à les initier à la connaissance aussi exacte que possible des objets qui les entourent. Lorsque le temps le permet, on les emploie à la culture d'un champ de près de 16 acres annexé à l'in- stitution. L'instruction scolaire proprement dite n'est, comme à Hofwyl, que l'accessoire de l'éducation. A la différence des autres écoles rurales dont nous avons parlé plus haut, l'exploitation agricole se fait en commun et n'admet aucune division. Ce système est, à notre avis, le meilleur. Le but du fondateur de l'établissement est de former des jardiniers, des agriculteurs et des maîtres pour d'autres éta- blissements analogues. Le séjour des élèves peut se prolon- ger jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de dix-huit à vingt ÉCOLE D'INDUSTRIE DE Lindfield. ans, et, après leur départ, le patronage du bienfaiteur qui a veillé sur leur enfance et dirigé leurs premiers pas, ne leur fait pas défaut. M. Cropper, éclairé par l'expérience des premières an- nées, déclare que bien que la durée des leçons dans son école soit beaucoup moins prolongée que dans les écoles nationales, l'instruction des élèves est au moins aussi com- plète et aussi avancée dans la première que dans les der- nières. Il estime aussi que s'il pouvait conserver le plus grand nombre de ses élèves seulement jusqu'à l'âge de dix- huit ans, le produit de leur travail suffirait pour défrayer l'établissement. XI. École d'Industrie de Lindfield, dans le comté de Sussex. Cette école fut fondée en 1835 par l'un des hommes les plus honorables de l'Angleterre, M. Allen, membre de la Société des Amis (Quakers). Elle comprend trois divisions: l'école des garçons, l'école des filles et la salle d'asile. Le nombre des enfants qui la fréquentent est de 100 environ. Le plan suivi par M. Allen a été exposé dans un petit traité qu'il a publié il y a quelques années sous ce titre « Vues pour l'établissement d'écoles d'agriculture, d'après le prin- cipe de la contribution des élèves aux dépenses de ces éta- blissements à l'aide d'un travail de quelques heures par jour. » Conformément à ce plan, le fondateur de l'école de Lindfield commença par réunir 42 jeunes garçons, auxquels il fournit l'habitation, la nourriture et l'habillement. Son but était de leur inculquer des habitudes de travail et par- ticulièrement de les former à la pratique de l'agriculture. En conséquence, lorsque le temps est favorable, ils sont employés chaque jour, pendant cinq heures, à la culture du terrain annexé à l'institution, sous la direction d'un surveil- lant capable; pendant le mauvais temps et lors de la sus- pension des travaux agricoles, les élèves sont occupés à la tisseranderie, à la confection des souliers et des vêtements, et à l'imprimerie. On leur enseigne à tout faire, autant que possible, par eux-mêmes; tous les détails du ménage repo- sent sur eux. Chaque garçon a sa chambre garnie d'une couchette, d'une table, d'une chaise et des autres petits meubles indis- pensables. Il a aussi la jouissance d'un jardin de 36 perches d'étendue, divisé en trois parties égales la première est consacrée aux céréales, la seconde aux pommes de terre, la troisième aux légumes et aux fleurs. Les frais d'ense- mencement et d'engrais sont à sa charge; mais aussi les produits qu'il récolte lui appartiennent. La balance des dé- penses et des recettes présente. année moyenne, un boni de 1 liv. st. pour chaque enfant, ou plus de 60 centimes 1/4 ANGLETERRE. 123 ÉCOLE D'OCKHAM. ÉCOLE RURALE DE TEMPLEMOYLE. par semaine. Une partie de ce bénéfice est réservée être remise à l'époque de sa sortie de l'école. pour lui Outre la culture et les autres travaux manuels, on ensei- gne aux enfants la lecture, l'écriture, l'arithmétique, la grammaire anglaise, la géographie, l'arpentage et les autres connaissances jugées utiles dans la position qu'ils doivent occuper dans la société. L'enseignement de la morale et de la religion complète l'œuvre de leur éducation. L'instituteur tient un registre dans lequel il inscrit tous les renseignements propres à faire connaître la conduite et les progrès de ses élèves. Ceux-ci ont aussi leur journal sur lequel ils notent le temps qu'ils consacrent à leurs études. Un examen a lieu tous les mois ou toutes les six semaines, à la suite duquel on résume les notes portées dans les journaux des élèves et dans le livre général de conduite. Depuis l'époque à laquelle se rapportent les renseigne- ments qui précèdent, l'école de Lindfield a pris de l'accrois- sement; à l'école des garçons on a ajouté une école pour les filles, puis une salle d'asile pour les enfants des deux sexes Le personnel de l'établissement se compose aujourd'hui d'un directeur qui est aussi chargé d'une partie de l'ensei- gnement; d'un instituteur;-d'une institutrice; -d'une maîtresse pour la salle d'asile, — et d'un surveillant-instruc- teur pour les travaux agricoles. Il y a deux catégories d'élèves, les externes et les inter- nes; ceux-ci, tous garçons, continuent à être soumis au régime des premiers colons. Mais on a successivement agrandi leurs jardins, qui se composent aujourd'hui de trois quarts d'acre divisés en vingt-quatre parties, chacune de cinq verges, destinées aux diverses cultures. Il y a quatorze de ces petites fermes, confiées aux élèves les plus âgés et les plus capables, qui sont cultivées de la manière la plus convenable et qui donnent de bons produits. Elles forment peu près le quart des fermes qui conviendraient aux arti- sans qui voudraient combiner avec les travaux agricoles cer- tains travaux manufacturiers, de même que nos tisserands des Flandres, par exemple. à Le temps des colons est divisé de la manière suivante : Instruction scolaire • Heures. Minutes. 4 50 Travail manuel 5 00 . Lecture religieuse et en commun Repas et récréations. 0 30 4 45 Sommeil, etc. 9 15 24 00 Total. L'école de Lindfield est aussi par le fait une école nor- male, et M. Allen destine quelques-uns de ses élèves à servir d'instituteurs dans des établissements semblables au sien. L'œuvre accomplie par cet homme de bien a rencontré plus d'un obstacle avant de se consolider et de porter ses fruits. Son histoire, sous ce rapport, ressemble à l'histoire de toutes les entreprises du même genre: ce n'est qu'à l'aide d'une conviction profonde, d'efforts persévérants, d'un zèle puisé aux sources du dévouement le plus pur. que l'on par- vient à vaincre l'apathie et le mauvais vouloir, et à com- mander le succès. Dans l'origine de l'école, les paysans ne voulaient pas y envoyer leurs enfants, prétextant, dans leur ignorance, qu'ils pouvaient retirer d'eux quelque bénéfice. Au lieu de discuter avec eux, M. Allen offrit de donner 1 schelling par semaine à chaque garçon qui consentirait à travailler pendant un certain nombre d'heures, à la condition de fréquenter pendant un même nombre d'heures les leçons de l'école. Cette offre eut un plein succès; les élèves ne firent plus défaut, et la valeur de leur travail ayant été trouvée égale à celle de la prime, il arriva que les enfants reçurent gratuitement l'instruction par-dessus le marché. XI. École d'Ockham, dans le comté de Surrey. Cette école, instituée il Y a peu de temps par un riche propriétaire résidant dans le village, ressemble à beaucoup d'égards à celles dont nous avons donné la description, et ses commencements furent à peu près les mêmes On n'admit d'abord que 7 ou 8 enfants destinés à servir de moniteurs: ce nombre fut augmenté peu à peu ; il était de 40 quelques mois après l'ouverture, et il doit être porté définitivement à 70 garçons et 30 filles, nombre en rapport avec la gran- deur du bâtiment qui, indépendamment des classes, contient un atelier spacieux. Il n'y a pas d'internes comme à Lindfield; du reste, le système d'instruction est à peu près le même. L'instruction est combinée avec le travail manuel. L'éten- due du terrain est de 2 acres, mais on peut l'agrandir suivant les besoins. Il est divisé, comme à Ealing, en petits jardins dont les élèves ont la jouissance et retirent le profit. On se propose aussi d'introduire la menuiserie, la confection des souliers, des filets et des paniers, etc. Il y a une classe du soir pour les adultes. On remarque avec plaisir que les fer- miers des environs, qui étaient généralement opposés au système ordinaire d'instruction qui ne tend nullement à dé- velopper les forces des enfants en même temps que leur intelligence, se montrent tout à fait favorables et applau- dissent cordialement à la nouvelle institution qui fait marcher de front l'éducation du corps et celle de l'âme. 111. — École rurale de Templemoyle. Il existe en Irlande une école d'agriculture située à Tem- plemoyle, à six milles de Londonderry. Cet établissement a coûté aux fondateurs 4,000 liv., qui ont été levées par 124 ASILE ROYAL DE VICTORIA. ANGLETERRE. actions de 25 liv. Toutes ont été prises par la plus grande partie des nobles du royaume et des personnes riches de l'Irlande. L'école de Templemoyle est remarquable par le soin que l'on a pris de donner aux élèves une éducation solide. Chaque élève occupe un lit séparé. L'établissement peut recevoir 76 élèves, mais il n'en compte encore que 60. L'éducation comprend l'écriture, la lecture, l'arithmétique, la tenue des livres, les éléments de géométrie, de l'arpentage et de la géographie; cette branche de l'instruction est dirigée par un maître habile et par plusieurs sous-maîtres qui, tous, demeu- rent dans l'établissement. Les élèves prennent part à cette instruction de la manière suivante : une moitié d'entre eux reste dans l'établissement, où elle assiste aux leçons, tandis que l'autre moitié est dans les champs, où elle cultive 465 acres de terre, sous la direction d'un fermier écossais et d'un laboureur employé à la charrue. Puis il s'opère une mutation; ceux qui sont restés le matin à l'école viennent à leur tour dans les champs, et sont remplacés par les culti- vateurs. Ainsi, à l'intérieur comme à l'extérieur, le travail dure sans cesse. Toutes les parties pratiques de l'agriculture, ainsi que la partie théorique, sont également enseignées aux élèves. On leur apprend aussi les différentes propriétés des sols; quels sont les fumiers qui leur sont convenables, les grains qui peuvent être semés avec plus d'avantage sur ces terres ; quelles sont les diverses variétés de bétail, leur qualité, les moyens de les nourrir avec succès, la manière de les élever, en un mot tout ce qui a trait à cette branche de l'agriculture. Les écuries, les vacheries, les râteliers, les crèches, les bernes, sont entretenus avec le plus grand soin. La surveil- lance de ces diverses branches de l'économie rurale est con- fiée aux élèves, et la cuisine, la laiterie, le nettoyage des chambres sont remis aux mains d'une matrone intelligente qui est aussi chargée de la surveillance des domestiques. Depuis la fondation de l'école, on y a admis près de 200 jeunes gens appartenant à seize différents comtés de l'Irlande, qui ont été répartis de la manière suivante : 40 sont devenus commis (stewards) ou maîtres d'école; plus de 100 cultivent aujourd'hui les terres de leurs pa- rents; le reste est encore à l'école où il se montre digne de la généreuse bienveillance des fondateurs de l'établisse- ment (1). XIV. Asile royal de Victoria (Royal Victoria Asylum). gentes. Voici comment mistress Bourhill, la directrice, rend compte du système qu'elle met en œuvre pour occuper uti- lement ses petites pensionnaires : « Tous les soins du mé- nage, à l'exception des ouvrages qui exigent une force supérieure, sont confiés aux enfants placées sous ma direc- tion. D'abord, à leur entrée, nous nous attachons à étudier leur caractère, puis au bout de quelque temps nous leur laissons faire choix d'une occupation. Les occupations sont changées tous les quinze jours de manière à initier succes- sivement les jeunes filles aux moindres détails du ménage. Celles qui sont préposées à la laiterie continuent seules leurs fonctions pendant un mois. Voici comment je m'y prends pour les initier aux travaux de ce dernier département. J'accompagne d'abord l'enfant dans la laiterie, et je lui en- seigne moi-même ce qu'elle doit faire; lorsqu'elle est deve- nue capable d'exécuter seule sa besogne, je lui adjoins une autre jeune fille qu'elle instruit à son tour; celle-ci la rem- place et d'élève devient aussi institutrice; le roulement s'opère ainsi de mois en mois, de manière que chaque petite fille remplisse à son tour les fonctions de laitière. Lorsque les enfants sont trop jeunes, on adjoint à la laitière princi- pale deux aides au lieu d'une. Dans ce moment mes laitières sont âgées de dix ans, et, bien que la chose soit à peine croyable, ces deux chères petites préparent le lait, battent le beurre, et remplissent tous les devoirs de leur emploi à mon entière satisfaction. Les autres enfants sont préposées à la basse-cour, à l'arrangement des chambres, aux soins de propreté, à la cuisine, à la buanderie, à la lingerie; ce sont elles qui, à tour de rôle, font les lits, servent la table. Toutes sont soumises à l'autorité d'une monitrice en chef, choisie parmi celles qui se distinguent par leur conduite exemplaire et leur intelligence. Je fais moi-même une tour- née chaque matin, et j'examine soigneusement si tous les services se font exactement et si tout est en ordre. Grâce à la variété des occupations, aux encouragements accordés, à l'émulation qui s'établit entre les divers services, le travail devient un véritable amusement et une récompense pour mes jeunes pensionnaires. Aussi est-ce un spectacle vrai- ment intéressant de les voir me solliciter pour être chargées de telles ou telles occupations; hier encore, une gentille petite fille de sept ans me demandait d'un air caressant de lui permettre d'être ma femme de chambre. Il faut avoir vécu avec ces chères créatures pour se convaincre de la précocité de leur intelligence sous l'influence d'une éduca- tion bienveillante, de la multitude de petits services qu'elles peuvent rendre et de l'empressement avec lequel elles se prêtent mutuellement assistance. » Quel contraste entre ce ménage enfantin où tout se fait gaiement et volontairement, et la plupart des ménages et des ateliers où la jeune fille, accablée de mauvais traitements, livrée aux exemples et aux conseils les plus pernicieux, courbée pendant de longues Cet établissement, institué par la Société des Amis de l'Enfance, est spécialement consacré aux jeunes filles indi-journées sur un métier meurtrier, voit s'évanouir ses jeunes (4) Revue Britannique, 1838. années comme un songe, vieillit et meurt sans avoir goûté le plus innocent plaisir ! ANGLETERRE. 125 ÉCOLE NORMALE DE BATTERSEA.. XV. magne, École normale de Battersea, près de Londres. L'école normale de Battersea a été fondée, au mois de jan- vier 1840, par deux des membres adjoints à la commission de la loi des pauvres. MM. Kay et Tufnell, après avoir visité les principaux établissements d'instruction de l'Alle- de la Suisse et de la Hollande, conçurent la géné- reuse pensée de faire profiter l'Angleterre du fruit de leurs. études. Plus de 50,000 enfants pauvres, disséminés dans les maisons de travail, attendaient depuis longtemps qu'on s'occupât d'améliorer leur sort et d'assurer leur avenir. La réforme introduite dans l'école rurale de Norwood fut le premier pas fait en leur faveur. Mais pour créer des établis- sements semblables dans les autres parties du royaume, il fallait trouver des maîtres capables et zélés; or l'absence de toute institution normale paralysait sous ce rapport le bon vouloir de l'administration. C'est dans le but de combler en partie cette lacune que le docteur Kay et M. Tufnell con- çurent leur plan et qu'ils le mirent courageusement à exé- cution, à leurs risques et périls, sans autre aide que celle de quelques amis et de quelques personnes bienveillantes qui voulurent contribuer aux frais de l'école. cr Nous empruntons au rapport adressé par les fondateurs aux commissaires de la loi des pauvres, le 1er janvier 1844, quelques renseignements qui serviront à faire connaître le mode d'organisation de l'institution dont il s'agit et à faire apprécier l'influence bienfaisante qu'il est appelé à exercer dans l'avenir (1). que Le plan de l'école de Battersea ressemble à beaucoup d'égards à celui de l'école normale de Kreutzlingen dirigée par Wehrli; on ne pouvait adopter de meilleur modèle. De même dans ce dernier établissement, on se propose de former à Battersea de bons maîtres pour les écoles rurales, habitués à une vie humble et modeste, bornés dans leurs désirs, contents de leur sort, mais doués en même temps. d'un esprit cultivé, animés des sentiments de la bienveil- lance la plus pure et du dévouement le plus illimité. Le docteur Kay a présidé lui-même aux premiers développe ments de la nouvelle institution; et le révérend Robert Eden, ministre de Battersea, s'est offert spontanément pour diriger l'enseignement religieux; il s'est de plus empressé d'ouvrir l'école du village aux élèves de l'école normale, qui ont ainsi le moyen d'associer à l'étude de la théorie celle de la pratique de l'enseignement. Le local de l'établissement, pris à bail, est vaste et situé dans une position agréable au bord de la Tamise; il a suffi de quelques travaux de peu d'importance pour l'approprier à sa destination; il est environné d'un jardin de 5 acres (1) Dr Kay and M. Tufnell on the training school at Battersea. Report to the Secretary of State for the Home Department, from the poor law com- missioners, on the training of pauper children, p. 204. 1841. d'étendue. Les premiers élèves y furent envoyés au com- mencement de février 1840. Ils avaient été choisis parmi les pensionnaires de l'école de Norwood qui s'étaient le plus distingués par leur conduite et leurs capacités. Orphelins pour la plupart et à peine âgés de treize ans, ils ont volon- tairement contracté l'engagement de poursuivre la carrière d'élève instituteur et de maître adjoint jusqu'à l'âge de vingt et un ans. En conséquence, on se propose de les faire séjourner pendant trois ans dans l'école normale, de les em- ployer pendant deux ans au moins en qualité d'assistants dans l'école primaire de Battersea, puis, après avoir constaté leur capacité, de les répartir en qualité de sous-maîtres dans les écoles d'industrie ouvertes aux enfants indigents. C'est à partir seulement de cette dernière période qu'ils doi- vent commencer à recevoir une indemnité qui, augmentant d'année en année, doit les mettre à même de subvenir hono- rablement à leurs besoins. Dès la fin de la première année, le nombre des élèves s'élevait déjà à 24; mais on était dans l'intention de ne plus l'augmenter que lentement et successivement, de manière que l'esprit et la discipline de l'école ne pussent jamais être troublés par les nouveaux arrivants. La plupart des élèves sont admis gratuitement: quelques autres, reçus à la demande des patrons, payent une pension annuelle de 20 liv. st. Le régime et la discipline de l'école répondent au but que se sont proposé ses fondateurs. Les élèves doivent. autant que possible, se suffire à eux-mêmes; il n'y a d'autre domestique dans l'établissement qu'une femme chargée de faire la cuisine. Les élèves se partagent les soins du ménage et les travaux domestiques; ils sont chargés, à tour de rôle, de nettoyer les locaux, les habits, les chaussures, de servir la table, de prêter leur aide à la cuisine, etc. Cette besogne est faite avec gaieté, et l'ordre et la propreté sont remarquables. Le docteur Kay occupe un appartement dans le local de l'école, et préside le plus souvent par lui-même aux diffé- rents exercices. La surveillance et l'instruction des élèves sont confiées à deux maîtres animés de l'esprit des fonda- teurs, et qui déploient dans l'exercice de leurs difficiles fonctions un zèle et une aptitude dignes d'éloges Toujours au milieu de leurs pupilles, ils assistent à leurs jeux et par- tagent leurs modestes repas. On a acheté 2 vaches, 3 porcs, 3 chèvres, des poulets : le soin de ces animaux est confié aux élèves, qui appren- nent ainsi à les nourrir et à en tirer le meilleur parti pos- sible. Ces connaissances sont surtout nécessaires aux maîtres d'écoles rurales, qui joignent d'ordinaire à la direction de leur école celle d'une petite exploitation agricole. Pour la même raison, on a jugé utile de les initier aux travaux de la culture; ces travaux, qui s'exécutent dans le jardin annexé à l'établissement, occupent, terme moyen, quatre heures par jour. Le lever a lieu à cinq heures et demie du matin. Une 126 ÉCOLE NORMALE DE BATTERSEA. ANGLETERRE. heure est consacrée aux soins du ménage. Les élèves tra- vaillent jusqu'à huit heures au jardin. Ils déposent ensuite leurs outils, font la prière en commun et déjeunent. De neuf à douze heures, ils assistent aux leçons de l'école. De midi à une heure, ils reprennent leurs travaux agricoles. A une heure, ils dînent, puis retournent au jardin jusqu'à trois heures. De trois à cinq heures, instruction; de cinq à six, travail agricole; à six heures, on sert le souper; de sept à neuf heures, rentrée dans les classes. A neuf heures, on dit les prières du soir, et immédiatement après les élèves vont se coucher. L'ordre des journées varie d'ailleurs suivant les saisons, l'état du temps et les exigences du travail. Malgré les obstacles que l'on eut à surmonter dans les commencements, malgré l'inexpérience des élèves, le jardin a fourni, dès la première année, tous les légumes nécessaires à leur alimentation, outre une grande quantité d'excellents fruits. Les travaux agricoles ont eu pour effet d'améliorer la santé en augmentant les forces des jeunes travailleurs. Les exercices gymnastiques ont aussi contribué à cet heureux changement. - Parfois encore, sous la conduite du docteur Kay ou de l'un des maîtres, les élèves font de longues excursions pour visiter une école remarquable, un monu- ment intéressant, une ferme régie d'après les meilleurs prin- cipes. Ces visites sont fréquentes dans les écoles normales de la Suisse ; en même temps qu'elles accoutument les élèves à supporter la fatigue, elles sont un excellent moyen d'in- struction: elles frappent l'attention, stimulent l'esprit, et laissent d'ordinaire d'utiles et agréables impressions. L'enseignement intellectuel comprend la lecture, l'écri- ture, le calcul mental et pratique, l'algèbre, l'arpentage, le dessin, les éléments de la technologie, la géographie et l'usage des globes, l'histoire, la grammaire, l'étymologie, la composition. L'enseignement religieux, la lecture et l'ex- plication de la Bible, le chant, les exercices gymnastiques et l'enseignement des principes de l'agriculture viennent compléter le système d'éducation qui embrasse, comme l'on voit, tout ce que doit savoir un maître d'école rurale. Les renseignements qui précèdent, bien qu'incomplets. suffiront peut-être pour donner une idée du plan suivi à l'école de Battersea. Pour en connaître tous les détails, pour apprécier les méthodes qui y sont mises en œuvre, les moyens ingénieux de discipline auxquels on a recours, il est indispensable de lire en son entier le remarquable rapport de MM. Kay et Tufnell, qui n'a pas moins de 150 pages. Mieux vaudrait encore voir l'établissement lui-même. C'est à cette méthode que nous avons donné la préférence; il est peu d'établissements, cités dans notre rapport, que nous n'ayons visités, vérifiant ainsi par nous-même l'exactitude des ren- seignements et interrogeant avec soin les résultats obtenus. C'est donc avec une sorte d'autorité que ne peut donner ni l'étude abstraite ni la lecture, que nous émettons nos vues et que nous formons notre jugement. La visite que nous avons rendue à l'école normale de Battersea, au mois d'avril 1850, nous a mis à même d'ap- précier l'excellente direction de cet établissement et les progrès qui y ont été accomplis depuis l'époque de sa créa- tion. Rien n'a été changé au plan primitif, mais tout a été amélioré, perfectionné, et l'école de Battersea peut être rangée désormais au nombre des meilleurs établissements de ce genre. Ce premier essai a porté ses fruits, et le gou- vernement, pénétré de ses avantages, a érigé récemment une nouvelle école normale dans les environs de Londres. destinée, comme celle de Battersea, à former des institu- teurs pour les écoles des unions paroissiales. Cet établis- sement occupe le superbe château de Kneller-Hall, con- struit dans le style Tudor; il a reçu ses premiers élèves en 1850. : V PAYS-BAS. Colonies agricoles pour les indigents, les mendiants et les orphelins. 1. Origine, but et destination des colonies. Sources d'information. L'origine des colonies hollandaises remonte à 1818; c'est M. le général Van den Bosch qui en a conçu la pensée et tracé le plan. Le but de leur création a été double: soulager et prévenir la misère et arrêter les progrès du paupérisme, en procurant aux indigents et aux mendiants des moyens d'occupation qui ne fissent pas concurrence à l'industrie libre et en effectuant leur réforme ;--conquérir sur le désert une certaine quantité de terres incultes, et augmenter ainsi la production et la richesse générale du pays. Ce but louable a-t-il été atteint? Les efforts et les sommes considérables affectés depuis plus de trente ans à l'œuvre proposée ont-ils porté leurs fruits? La réponse à ces ques- tions ressortira clairement, pensons-nous, des détails dans lesquels nous allons entrer et de la situation des établisse- ments coloniaux que nous exposerons avec une entière sin- cérité, d'après les sources officielles et particulières aux- quelles il nous a été donné de puiser. Ces sources sont les suivantes : Les bulletins et rapports publiés annuellement et trimes- triellement par la Société de bienfaisance. (Berigten omtrent de Maatschappy van weldadigheid, inzonderheid wegens den staat van hare kolonien. — Algemeene verslagen van de Maat- schappy van weldadigheid.) Le recueil des lois et des ordonnances réglementaires et organiques concernant les colonies de la Société de bienfai- sance. (Verzameling van reglementaire en organieke wetten en verordeningen der Maatschappy van weldadigheid, vooraf- gegaan van eene ophelderende inleiding. Uitgegeven van wege de permanente kommissie. Amsterdam, 1820.) Le rapport de la Commission nommée par arrêté royal du 26 octobre 1841, pour examiner la situation de la Société de bienfaisance. (Verslag der Commissie, benoemd by Zr. Ms. besluit van den 26ston october 1841, nº 66, overgelegd in de zitting van den 20sten december 1842, met de Memorie van toelichting tot het Ontwerp van wet, betrekkelyk de zaken der Maatschappy van weldadigheid. Annexe au Nederlandsche Staats-Courant du 16 janvier 1843, nº 13. Le rapport général sur le projet de loi tendant à accorder un subside pécuniaire extraordinaire à la Société de bien- faisance. (Séance de la seconde chambre des états généraux. du 13 juillet 1848.) ) L'ouvrage de M. F.-W. Fabius, sur la situation, les ré- sultats et la situation financière des colonies de la Société de bienfaisance. (De Maatschappy van weldadigheid, in hare werking, strekking en geldelyken toestand, beschouwd door F.-W. Fabius, lid en thesaurier der sub-commissie, te Ams- terdam, 1841.) La notice de M. de Thury sur les colonies agricoles de Hollande, insérée dans les Annales de la Charité (tome I. p. 457, 524 et 661 · Paris, 1845). Le rapport de MM. Staring et Quarles Van Ufford, sur la situation des colonies en 1846. (De kolonien der Maatschappy van weldadigheid in 1846, beoordeeld door 128 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. D' W.-C.-H. Staring en M. J.-K.-W. Quarles Van Ufford. Arnhem, 1847.) La brochure de M. le docteur Staring, publiée en fran- çais, en 1849, sous le titre les Colonies agricoles de la Société Néerlandaise de bienfaisance. : Nous avons en outre eu communication du remarquable rapport adressé à M. le Ministre de l'intérieur de Belgique, le 20 mars 1849, par M. l'ingénieur en chef Kümmer, qui avait été chargé l'année précédente d'aller étudier en Hol- lande l'organisation et la situation des colonies agricoles, particulièrement au point de vue agricole. Enfin, nous avons été mis à même de vérifier et de com- pléter ces renseignements lors de la visite que nous avons faite, au mois de juillet 1850, aux établissements coloniaux des Pays-Bas (1). On voit qu'avant d'émettre un jugement sur ces établis- sements, nous nous sommes fait un devoir de nous envi- ronner de toutes les lumières désirables, d'interroger scru- puleusement l'opinion de ses partisans comme celle de ses critiques, de ne négliger aucun des éléments susceptibles de nous conduire à la connaissance de la vérité. Nous croyons toutefois devoir nous borner à une revue très-som- maire des faits que nous avons recueillis; ce n'est pas en effet un travail complet sur les colonies agricoles hollan- daises que nous avons entrepris; c'est une simple apprécia- tion, une sorte de résumé qu'il sera facile de compléter, si on le juge nécessaire, à l'aide des documents que nous venons d'indiquer. II. Société de Bienfaisance. · Organisation. Administration. M. le général Van den Bosch, pour faciliter l'exécution de son plan, jugea nécessaire de s'assurer du concours du gouvernement, qui lui fut accordé avec le plus louable em- pressement, et de réclamer l'assistance d'un certain nombre de personnes éminentes ; ces personnes formèrent le noyau de la Société, qui se chargea de la création et de l'organi- sation des colonies. (4) Itinéraire pour le voyage aux colonies agricoles dans la province de Drenthe, 4 D'Amsterdam, par le bateau à vapeur pour Zwolle, ou celui pour Kampen, en correspondance par Zwolle, 2º Le lendemain matin, à neuf heures, prendre place pour Steenwyck, sur la diligence de Zwolle à Leeuwarden. 3º A Steenwyk, prendre une voiture pour Frederiks'oord, deux à trois lieues de distance, siége de la direction centrale des colonies, où habite le directeur en chef, M. Van den Konynenberg. 40 Après la visite aux établissements de Wateren et de Veenhuizen, revenir par Assen à Meppel. 5º A Meppel, prendre une voiture pour Ommerschans, colonie des mendiants. 6º Revenir à Meppel, où passe la diligence pour Zwolle, vers quatre heures de relevée. La Société, qui prit le titre de Société de bienfaisance (MAATSCHAPPY VAN WELDADIGHEID), se compose de toutes les personnes qui s'engagent à payer annuellement une rétri- bution de 2 fl. 60 cents (environ 5 fr. 45 c.). Dès la pre- mière année, leur nombre s'éleva à 21,187, mais, depuis cette époque, il a toujours été en décroissant ; il n'était plus que de 7,347 au 31 décembre 1847, et il n'y avait guère de chance de le voir se relever malgré les tentatives faites à cet effet. Les membres de la Société sont classés en cent sept sous- commissions, réparties dans tout le royaume et ayant cha- cune son administration à part qui se recrute elle-même. Les sous-commissions sont chargées de percevoir les sous- criptions des sociétaires; elles correspondent avec le comité · permanent, et lui sont subordonnées pour tout ce qui a rap- port aux intérêts de la Société. A la tête de la Société se trouve un comité de bienfaisance de douze membres, siégeant à la Haye, sous la présidence à vie du prince Frédéric des Pays-Bas. Les membres en sont nommés pour douze ans par le président; mais cette nomination est subordonnée à l'approbation du comité de surveillance Le comité de bienfaisance désigne trois de ses membres pour former le comité permanent, qui est chargé de la direc- tion des affaires et de la gestion financière des colonies; les bureaux du comité permanent sont installés à la Haye et occupent une vingtaine d'employés. Le contrôle de l'administration et l'inspection des colonies sont attribués à un comité de surveillance de vingt-quatre membres qui, aux termes des statuts, devraient être nommés par des électeurs délégués par les membres de la Société (un électeur pour cent membres), mais qui, dans le fait, sont désignés par le comité permanent. La mission qu'ils sont appelés à remplir perd dès lors une partie de son auto- rité en ce qu'elle n'est pas environnée de garanties suffisantes d'impartialité. Enfin, depuis 1842, le gouvernement a nommé un délé- gué, aux appointements de 2,500 florins par an, qui assiste, mais avec voix consultative seulement, aux séances des comités et contrôle l'administration dans tous ses détails, à la Haye et aux colonies. III. Situation, nombre, classement, population et étendue des colonies. Les colonies de la Société de bienfaisance ne forment pas un ensemble régulier; elles sont disséminées sur une surface de douze à quinze lieues, et par conséquent assez éloignées les unes des autres, ce qui augmente les difficultés de la PAYS-BAS. 129 COLONIES AGRICOLEs. direction et de la surveillance. Elles forment quatre groupes principaux et distincts, savoir : 1° Les trois colonies libres de Frederiks'oord, près de Steenwyk, sur les confins des provinces d'Over-Yssel, de Drenthe et de Frise. Ces colonies sont désignées par les n° 4, 2 et 3; la colonie n° 2 porte aussi le nom de Wil- lems'oord, et la colonie nº 3 celui de Wilhelminas'oord; 2º La colonie de répression d' Ommerschans, près d'Ommen en Over-Yssel, qui sert de dépôt pour les mendiants; 3º La colonie de Veenhuizen, près d'Assen, dans la province de Drenthe, qui comprend trois établissements distincts, dont le premier est affecté aux orphelins et aux enfants trouvés et abandonnés, et les deux autres aux mendiants; 4° La colonie de Wateren, dans la province de Drenthe, à une lieue environ de Frederiks'oord, où est établi un institut agricole spécial qui contient un certain nombre d'élèves choisis parmi les orphelins de Veenhuizen. La population des colonies, au 1er juillet 1850, était de 10,478 âmes, réparties de la manière suivante : Colonies libres ou ordinaires. Colonies de répression: Ommerschans. 2,549 2,227 Veenhuizen, Nº 1. 1,716 №º 2. 1,561 No 3. 1,750 Wateren 71 624 Employés et leurs familles La population a subi une réduction assez considérable depuis la fin de 1848; elle était, à cette dernière époque, subdivisée comme suit : DIRECTION GÉNÉRALE COLONIES LIBRES à FREDERIKS'OOrd. de FREDERIKS'OORD. WATEREN. TOTAL. VEENHUIZEN OMMERSCHANS. N° 1. No 2. Yo 1. Familles de colons libres à Frederiks'oord. 2. Colons libres déplacés pour cause de punition 3. Familles des fermiers des trente-huit fermes. 4. 5. Orphelins et enfants abandonnés. 6. Indigents et mendiants. 7. Familles d'indigents et de mendiants occupant des logements séparés 8. Colons militaires. Familles de vétérans >> 2,559 >> >>> }} >>> 2,559 )) 109 ); 9 13 431 >> 125 17 30 23 195 de travailleurs occupant des logements séparés >> 25 287 27 308 >> 647 >> >> 1 1,437 73 4,544 >> )} 2,137 >> 4,606 4,433 >> 5,176 >> D 492 30 120 >> 342 >> 99 32 349 183 >> 663 9. Familles d'employés. 34 160 85 95 94 136 31 635 Totaux.. 34 2,719 2,581 2,060 2,145 2,216 104 41,859 or Si l'on compare le chiffre de la population au 31 décem- bre 1848 avec celui que nous avons indiqué pour le 4 juil- let 1850, on voit que, dans l'intervalle d'un an et demi, la population des colonies a subi une diminution de 1,384 ha- bitants, ou de près de 12 p. c. Le relevé du mouvement de la population en 1849, comparé à celui de 1848, donne les résultats suivants : et cultivées. Ces derniers sont répartis de la manière suivante entre les diverses colonies: Les trois colonies libres de Frederiks❜oord (418 fermes de 3 hectares). Colonie de répression d'Ommerschans (18 fermes de 32 hec- tares) • Hectares. 1,214 740 1849. 1848. Colonies de Veenhuizen (20 fermes de 43 hectares) . Colonie de Wateren (1 institut et 4 petites fermes louées à des journaliers) 1,155 121 Entrées Sorties Évadés. 1,877 2,598 1,643 1,875 114 155 Diminution en 1849. 721 232 Total. 3,208 41 On comptait donc, au commencement de 1850: Évadés repris. 31 37 6 Naissances. 161 139 Augmentation en 1849. 22 210 colons, sur 100 hectares cultivés, dans les trois colonies libres; 307 à la colonie d'Ommerschans; Décès 856 678 178 442 121 aux colonies de Veenhuizen; à la colonie de Wateren. 08 L'augmentation des décès en 1849 est due à l'invasion du choléra dans les trois établissements de Veenhuizen, et particulièrement dans les établissements n° 1 et 3. Le nom- bre des colons. atteints a été de 598; sur ce nombre, il y a eu 339 guérisons et 259 décès. Les propriétés des colonies ont une étendue d'environ 9,400 hectares, dont 3,200 hectares de bruyères, 3,000 hec- tares de tourbières et 3,200 hectares de terres défrichées IV. Direction locale et administration intérieure. Le directeur des colonies demeure à Frederiks'oord; il visite les différents établissements soumis à sa direction, à 17 130 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. des intervalles plus ou moins rapprochés. Ces importantes fonctions sont remplies depuis plusieurs années par M. Van den Konynenberg avec un zèle et un dévouement dignes d'éloges. Le personnel des employés supérieurs est composé de la manière suivante : 2 COLONIES LIBRES de COLONIE D'OMMERSCHAKS. COLONIE DE VEENHUIZEN, FREDERIKS OORD. no 1. nºs 2 et 3. 1 1 1 3 }} des fabriques. 1 de la filature Directeurs-adjoints. Sous-directeurs. à vapeur Sous-directeurs du service domestique Sous-directeurs de l'agricul- ture • Sous - directeur des tour- bières.. Chefs d'atelier. Teneurs de livres. 23 >> >> }} }) 1 >> >> 1 1 2 1 >> COLONIE de WATEREN. >> 1 >> >>> = = >> * 22 ་ >> 1 >> 2 ); - 19 19 1 1 1 >> སྐ A >> ང 2 → pour la fila- ture à vapeur . • Chefs de magasins. Boutiquiers Ministres réformés. }} Chapelains catholiques 1 Rabbins israélites. 1 1 Instituteurs. 3 4 2 1 1 1 1 1 4 Totaux. 16 41 10 25 Médecins Pharmacien. = = >> 2 Indépendamment de ces préposés principaux, il y a dans chaque établissement un certain nombre d'employés subal- ternes, sous-maîtres d'écoles, surveillants, chefs de quartiers. et de sections, infirmiers, écrivains, gardes champêtres, etc., proportionné à la population et aux exigences du service Plusieurs de ces emplois sont remplis par des colons qui ont reçu une certaine éducation, et que des circonstances mal - heureuses ou l'inconduite (principalement l'ivrognerie) ont amenés aux colonies. - Conditions d'admission et de sortic des colons.-Contrats conclus de ce chef entre le gouvernement et l'administra- tion de la Société de bienfaisance. Récidives. La population des colonies se compose, comme on l'a vu, d'éléments très-variés indigents, orphelins, enfants trouvés et abandonnés, anciens militaires, mendiants, etc. Elle peut être classée en deux catégories principales: colons libres et colons reclus. 1. Les colons libres sont, pour la plupart, des familles indigentes placées à Frederiks'oord les sous-commissions par de la Société de bienfaisance, les administrations commu- nales ou charitables, et même les particuliers, moyennant une somme de 1,700 florins par famille une fois payée (1). En cas de départ ou de décès de tous les membres de cette famille, la sous-commission ou l'administration a le droit de remplir de nouveau la place devenue vacante, en envoyant à la colonie une autre famille qui présente les qualités requises, et ce sans autres frais que ceux qui résultent du remplacement, savoir le transport et la bonification des effets d'habillement, de ménage et des ustensiles reconnus nécessaires. Le payement global de la somme de 1,700 florins peut être remplacé à volonté par le payement d'une annuité de 125 florins pendant seize années consécutives. On peut, au même titre, placer aux colonies libres des indigents isolés, des orphelins ou des familles pauvres, moyennant 60 florins par tête de contribution annuelle. Les personnes sans famille sont mises en pension dans des ménages de colons libres par l'administration des colonies. Indépendamment des colons libres de Frederiks oord, on a admis un certain nombre de familles d'indigents dans de petits logements adossés aux bâtiments des établissements de Veenhuizen. Les habitants des grandes fermes d'Ommerschans et de Veenhuizen sont aussi choisis parmi les colons libres. Il s'ensuit que ceux-ci sont répartis et disséminés dans toute l'étendue des établissements coloniaux. 2. A la colonie d'Ommerschans, il y a quelques maison- nettes où l'on place, par mesure pénitentiaire et pour un temps proportionné à la nature et à la gravité des offenses, des colons libres qui y sont soumis à une discipline sévère. 3. Un certain nombre d'anciens militaires, auxquels on a donné la qualification de vétérans, sont mis avec leurs familles en pension dans les colonies par le ministère de la guerre, qui paye annuellement 22 / florins par tête et en sus 127 florins par famille. Ces vétérans occupent, pour la plupart, de petits logements dans les établissements de Veenhuizen nº 2 et 3. Plusieurs sont utilisés en qualité de gardes champêtres, surveillants, portiers; d'autres sont occupés à l'agriculture ou dans les ateliers. 08 4. Les orphelins et les enfants abandonnés sont générale- ment placés aux colonies par les villes; dès l'origine des colonies on y a transféré toute la population du principal hospice d'orphelins d'Amsterdam, dont le régime laissait infiniment à désirer. (1) Cette somme de 1,700 florins, estimée nécessaire pour pourvoir aux frais de premier établissement d'une famille de colons, se décompose de la manière suivante : Achat de 3 1/2 hectares de terre. Maison • Florins 100 300 Meubles et instruments aratoires. Vêtements. 400 430 Deux vaches. 450 Mise en valeur des terres et semailles. Lin et laine à filer et à tisser Avances diverses 400 200 • 400 Totul. 1,700 • 4 PAYS-BAS. 131 COLONIES AGRICOLES, Les administrations locales payent au gouvernement, pour | par les communes entre les mains des percepteurs des con- le placement aux colonies d'un orphelin : De deux à six ans. De six à treize ans De plus de treize ans. 70 fl. annuellement. 65 35 Impropre à un travail quelconque. 85 En outre pour frais d'admission. 15 par tête une fois payés. Les frais d'entretien à payer de ce chef par le gouver- nement à la Société de bienfaisance sont réglés par le contrat dont nous parlerons plus loin. 5. La catégorie des colons reclus comprend : 1° les individus condamnés du chef de mendicité et de vagabondage par les tribunaux et mis, à l'expiration de leur peine, à la disposi- tion du gouvernement, conformément aux articles 274 et 274 du Code pénal français, qui est encore en vigueur dans les Pays-Bas; 2º les indigents et les mendiants envoyés directement aux colonies par les communes, pour leur propre compte, afin de s'en débarrasser; 3º enfin les indigents qui demandent spontanément leur admission dans les établis- sements coloniaux, parce qu'ils ne peuvent trouver ailleurs les moyens de subvenir à leur existence. La charge de l'entretien des indigents, des mendiants et des vagabonds dans les colonies, pèse de tout son poids sur les communes, qui sont tenues de payer de ce chef au gou- vernement 15 florins par tête pour frais d'admission, et ensuite annuellement : Pour un indigent ou mendiant valide D invalide, mais encore capable de quelque travail Pour un indigent ou mendiant invalide et incapable de tout travail. Florins. 55 72 1/2 85 Pour apprécier l'élévation de cette charge, qu'on se figure une famille admise aux colonies et composée, par exemple, d'un homme valide, de sa femme mi-valide et de quatre enfants en bas âge; la commune, domicile de secours de cette famille, payera de ce chef 90 florins pour frais d'admission, et de plus par an pour le père 35 florins, pour la mère 72 1/2 florins, pour chaque enfant 85 florins; ainsi, la pre- mière année, 537, florins, la seconde et les suivantes, 447 / florins, indépendamment des frais de transport qui s'élèvent, de Zwolle à Ommerschans, à 1 %, florin environ; d'Arnhem à environ 5 florins; de Ruremonde à environ 18 florins, et pour les autres distances à proportion, car tous les transports sont dirigés d'abord sur Ommerschans pour être répartis de là entre les autres établissements coloniaux. Les frais de transport et d'admission sont avancés à l'éta- blissement d'Ommerschans par l'administration de la Société, qui en est remboursée par le gouvernement, et celui-ci se les fait restituer par les communes. Les sommes à payer de ce chef, de même que les frais annuels d'entretien des mendiants et des indigents dans les colonies, sont acquittées tributions, qui en retiennent 5 p. c. à titre d'indemnité et versent le surplus dans les caisses du gouvernement. Nous venons de voir que le gouvernement traitait direc- tement avec les administrations publiques pour le placement des indigents et des mendiants aux colonies; il a réglé d'autre part avec la Société de bienfaisance les conditions auxquelles il aurait le droit d'entretenir constamment un certain nombre de colons dans les établissements coloniaux. Ces conditions ont subi de nombreuses modifications depuis l'origine de l'institution. Сг A la date des 26 novembre 1822, 1er mars 1823 et 16 juin 1826, le ministre de l'intérieur fit avec la Société des traités pour l'admission dans les colonies d'Ommerschans et de Veenhuizen de 2,500 mendiants provenant des dépôts. de 4,000 enfants trouvés ou orphelins sortant des hospices, et de 500 ménages d'indigents. Le gouvernement devait payer pendant seize années. période fixée pour mettre les terrains en valeur et à partir de laquelle les frais de premier établissement étant couverts, il n'y aurait plus qu'à faire face aux dépenses ordinaires d'entretien, une pension annuelle de 35 florins par mendiant et de 45 florins par enfant. Aux termes des contrats, les enfants devaient avoir plus de six ans ; ils devaient, ainsi que les mendiants. ètre valides et capables d'ètre employés aux travaux de culture. Mais le gouvernement se trouva dans l'impossibilité de tenir ses engagements sous ce rapport, et le 23 juin 1827 intervint un nouveau traité en vertu duquel la Société reçut pour les invalides, outre le prix de pension, une indemnité de 37 florins, pour les enfants au-dessous de treize ans une indemnité de 30 florins, et pour ceux qui étaient incapables de toute espèce de travail et dont l'état exigeait des soins particuliers, une indemnité de 50 florins. On voit que ces prix et ces augmentations correspondent aux pensions. payées au gouvernement lui-même par les administrations locales auxquelles il sert d'intermédiaire. Les contrats passés par le gouvernement avec la Société de bienfaisance expiraient en 1842: à dater.de cette époque cette dernière avait contracté l'engagement de conserver et d'admettre, à titre gratuit, dans ses établissements le nombre d'enfants, d'indigents et de mendiants, stipulé dans la con- vention primitive. Mais, comme il était facile de le prévoir, cet engagement n'a pu être tenu. Loin de pouvoir se suffire à elles-mêmes, les colonies se sont au contraire vues dans la nécessité de réclamer de nouveaux secours du gouverne- ment pour prolonger leur existence embarrassée. De là une convention nouvelle conclue en 1843, en vertu de laquelle le gouvernement, moyennant le payement annuel d'un sub- side de 322,000 florins, s'est réservé la faculté de placer aux colonies 9,200 personnes, savoir: 4.000 mendiants, 2,000 orphelins et enfants abandonnés, 1,950 indigents isolés, et 4,250 indigents réunis en famille ou 250 familles à raison d'une moyenne de 5 têtes pour chacune; dans 132 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. ce dernier chiffre sont comprises 178 familles de vétérans. formant un personnel d'environ 650 individus. D'après la même convention, si le nombre des colons pour lequel il a été stipulé venait à être réduit à moins de 5,800, il y aurait lieu de soustraire de ce chef 35 florins par tête; par contre, si le chiffre de 9,200 était dépassé, il serait payé une somme égale de 35 florins par tête de surplus. En outre, pour l'indemniser du placement d'individus qu'elle ne pour- rait utiliser comme travailleurs, la Société reçoit du gouver- nement : Pour un enfant de deux à six ans. de six à treize ans Pour un sujet impropre à un travail quelconque. Pour toute autre personne mi-invalide Pour un aveugle ou un incurable. Ceux qui ont été condamnés du chef de mendicité ou de vagabondage, S'ils y viennent pour la : Sont renvoyés quand leur pécule est de 25 fl. 12 1/2 fl. Moins de 12 ½ 1. го 1гo fois, après un séjour de 1 an. 2 ans. 3 ans. 2 ans. 3 ans. 4 ans. 2° fois, 3º fois, 35 fl. par an 30 >> >> 50 37 1/2 >> 50 >> Certes ces stipulations sont plus qu'avantageuses, et cepen- dant, comme nous le verrons plus loin, elles paraissent encore insuffisantes pour soustraire les colonies à la ruine qui les menace. Les chefs de famille de colons libres admis moyennant le versement de la somme de 1.700 florins, ont le droit de rester dans leurs fermes pendant toute leur vie; les autres n'y demeurent qu'aussi longtemps qu'on continue le paye- ment de leurs pensions annuelles. Les enfants des colons libres parvenus à l'âge de dix-huit à vingt ans, et dont l'as- sistance n'est pas considérée comme nécessaire pour gagner le pain de leurs parents, sont tenus de quitter les colonies Beaucoup de ces jeunes gens se marient dans les environs, où ils habitent de misérables chaumières construites sur une bruyère communale. Leurs moyens de subsistance ne sont pas toujours des plus légitimes, et ils défrichent sans scru- pule les terrains qui se trouvent à proximité de leurs habi- tations, bien qu'ils n'y aient aucun droit. Il s'ensuit naturel- lement que cette population suspecte nuit beaucoup à la colonie, et l'on désire ardemment que les terres commu- nales sur lesquelles elle s'est établie soient divisées et remises à leurs propriétaires légitimes. Le fait qui précède est affirmé par M. le docteur Staring, ancien membre du co- mité de surveillance des colonies; il selon nous, engage, selon gravement la responsabilité de l'administration de ces éta- blissements, dont le premier devoir est assurément de veiller aux intérêts des enfants des colons, et de leur préparer des moyens honnêtes d'existence. Les orphelins de Veenhuizen quittent la colonie à l'âge de dix-huit ans. S'ils ne réussissent pas à s'établir, ils peuvent revenir jusqu'à ce qu'ils aient atteint leur ving- tième année, âge auquel ils sont définitivement congé- diés. Les indigents et les mendiants qui forment la population des colonies de répression y restent de un à cinq ans, à la charge de la Société, et sont ensuite renvoyés avec ou sans pécule, 5 ans. hans. 5 ans. Les mendiants et les indigents placés aux colonies sans avoir encouru de condamnation, ou admis volontairement sur leur demande, sont renvoyés après un an de séjour, à moins qu'ils n'aient contracté des dettes envers la Société, et si, d'ailleurs, ils ont gagné assez d'argent pour défrayer le voyage jusqu'à leur domicile. Dans le cas contraire, ils res- tent trois ans. Au surplus, Ceux qui y viennent pour la : 2° fois, après un séjour de 2 ans. 3c fois, Sont renvoyés quand leur pécule est de 15 fl. 12 1/2 fl. Moins de 12 1/2 1. 3 ans. 4 ans. 25 fl. 5 ans. 4 ans. 5 ans. Au 31 décembre 1849, sur un nombre de 5,087 indi- gents et mendiants, il y avait 4,158 condamnés et 929 admis volontairement : 2,544 se trouvaient aux colonies pour la 1º fois. 1,142 2c >> ro 780 3c )) 451 127 40 >> 5༠ >> 33 6° 5 1 70 >> 8¢ >> ge ཐ Le nombre des récidivistes était donc de 2,543, et for- mait justement la moitié de la population. Cette forte récidive s'explique naturellement; les men- diants ne se corrigent guère plus aux colonies que dans les anciens dépôts de mendicité; la courte durée du séjour n'est pas suffisante pour changer les habitudes et transfor- mer le mendiant, accoutumé à une vie oisive et vagabonde, en ouvrier intelligent et honnête. Pour la plupart, la colonie n'est qu'un refuge momentané, où l'on entre lorsqu'on a épuisé toute autre ressource, et d'où l'on ne sort que pour retomber immédiatement sous l'influence des causes qui PAYS-BAS. 135 COLONIES AGRICOLES. ont déterminé les embarras précédents. Aussi ne faut-il pas s'étonner si le tribunal le plus voisin d'Ommerschans, celui de Zwolle, a condamné, en 1846 seulement, 462 individus du chef de mendicité, qui presque tous venaient d'être congédiés de la colonie. VI.. Colonies libres. Les colonies libres sont situées à une lieue environ de la petite ville de Steenwyck. De ce dernier endroit, on se rend d'ordinaire directement à l'auberge de Frederiks'oord où réside le directeur. L'aspect général des colonies est d'une grande monotonie; on aperçoit de distance en distance, et rangées régulière- ment, de petites maisons qui servent de demeure aux colons. Chaque maison est habitée par une famille; elle comprend d'ordinaire un compartiment pour l'habitation, un autre la pour grange et un troisième qui sert d'étable. Pour appré- cier au surplus leur distribution, il suffit de jeter les yeux sur le plan annexé à la fin du volume. Le colon, à son arrivée aux colonies, est mis en possession d'une petite ferme, garnie du mobilier nécessaire, ainsi que d'un trousseau d'habillement pour chacun des membres de sa famille. Sauf quelques légères différences, toutes les fermes, au nombre de 418, ont été construites sur un même modèle; les dernières ont été érigées il y a quatre ou cinq ans. A chaque ferme est annexé un terrain de 3 hectares, y compris le jardin. Ces 3 hectares étaient originairement destinés à être cultivés isolément par chaque famille de co- lons; mais, sous ce rapport encore, l'institution a manqué son but. Les connaissances agricoles spéciales faisaient défaut aux colons, choisis pour la plupart parmi les artisans des villes. On a bien vite reconnu qu'il était impossible de confier à ces mains inhabiles, sous peine d'une ruine com- plète, la direction d'une exploitation qui, bien que peu étendue, exigeait cependant des soins intelligents. Aussi, depuis l'origine des colonies jusqu'en 1850, c'est-à-dire depuis trente-deux ans, n'est-on parvenu à émanciper qu'une vingtaine de colons, qui exploitent leurs petites fermes à leurs risques et périls, et payent de ce chef à la Société de bienfaisance un loyer de 50 florins par an. Ces colons por- tent le titre de vry boeren (paysan affranchis). Toutes les autres fermes sont exploitées en commun pour compte de l'établissement. A cet effet, chaque colonie est divisée en quartiers composés de vingt-cinq fermes environ; chaque quartier (wyk) est subdivisé en deux sections. A la tête de chaque quartier se trouve un wykmeester (chef de quar- tier), et à la tête de chaque section un sectiemeester (chef de section), qui dirigent les travaux de culture sous la direction supérieure et la surveillance du sous-directeur préposé aux travaux agricoles Les chefs de quartiers et de sections sont choisis parmi les colons qui se distinguent par leurs con- naissances spéciales, leur activité et leur bonne conduite. Les travaux sont répartis entre les colons, selon leurs forces et leurs aptitudes; ils sont rétribués d'après un tarif fixé. Cinq jours de la semaine sont affectés au travail en commun; le sixième jour est abandonné au colon qui l'emploie à cultiver le jardin annexé à son habitation, et dont il conserve la libre disposition. Ce jardin mesure envi- ron 30 ares, dont une moitié est cultivée d'ordinaire en légumier, et l'autre moitié réservée à la production des plantes fourragères. Le bétail des colonies, faute d'étables communes, est réparti dans les petites fermes: chaque famille a ainsi le soin d'une vache, et est tenue de fournir de ce chef 50 livres (kil.) de beurre par an au magasin central; le surplus des produits lui appartient. Quelques familles élèvent aussi un ou deux porcs ou quelques volailles; d'autres possèdent des ruches dont le profit leur est abandonné. gazons de Le fumier de l'étable est recueilli dans une fosse creu- sée contre l'habitation; il est mélangé avec des bruyère, les matières des lieux d'aisances et les déchets du ménage, cendres de foyer, eaux de lessive, etc. Tout cela réuni forme un excellent compost qui sert à fumer les terres. Le salaire des colons est divisé en trois parts: 85 p. % sont attribués à la direction en compensation des aliments, des vêtements, etc., qu'elle fournit à chaque famille ; 40 p.% sont affectés à l'argent de poche, représenté par une mon- naie coloniale de cuivre ou de zinc, et 5 p. %, sont versés à la caisse de réserve. En règle générale, on estime que cha- que famille doit se suffire à elle-même, mais il arrive rare- ment qu'il en soit ainsi. L'administration donne plus d'ordi- naire qu'elle ne reçoit. Sous ce rapport encore les calculs primitifs ont failli. Un ménage valide de six personnes reçoit par semaine. tant en denrées qu'en vêtements et en argent, une somme de 6 florins: cette somme se divise de la manière sui- vante : 1 hectolitre de pommes de terre, évalué à. 18 kilogrammes de pain, évalués à Monnaie coloniale. Vêtements. Total. Fl. Cents. 1 1 08 1 08 2 40 1 44 6 00 Le pain est composé d'un mélange de seigle et de pommes de terre ; il se durcit vite et s'aigrit aisément ; il nous a paru d'une qualité très-médiocre. Ce que le ménage gagne en sus de 6 florins est inscrit comme boni en réserve; ce boni sert à combler le déficit dans le cas où, par suite de maladie ou d'empêchement indépendant de sa volonté, le salaire réuni de la famille n'atteindrait pas le chiffre de 6 florins. Le décompte se fait 134 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. chaque année; les colons qui, à la clôture de l'exercice, ont un boni, en reçoivent le cinquième en mains; le surplus reste acquis à l'établissement. Les ménages invalides, c'est-à-dire ceux où la faiblesse physique des parents ou le grand nombre d'enfants en bas âge ne permettent pas d'atteindre le maximum du salaire indiqué ci-dessus, reçoivent néanmoins chaque semaine : Mais seulement 1 Soit. Fl. Cents. 08 en pommes de terre; 1 1 08 en pain: 1 44 en vêtements; 20 en monnaie coloniale. 4 80 Il y a dans chacune des colonies libres deux boutiques exploitées pour compte de la direction, où les colons peu- vent se procurer, à l'aide de la monnaie coloniale dont nous avons parlé, du sel, du savon, du vinaigre, du café, du tabac et d'autres articles nécessaires au ménage. On n'y débite ni bière ni boissons fortes, mais il y a des cabarets dans les environs. Le montant annuel des ventes est d'en- viron 30,000 florins, soit 15,000 florins par boutique. Le prix courant des objets qu'on y débite est augmenté de 48 p. c., dont 40 p. c. de bénéfice pour le boutiquier, 2 p. c. pour les frais de transport et 6 p. c. pour la Société. Ce prix est un peu plus élevé que celui des mêmes articles dans les communes voisines. C'est, nous a-t-on dit, afin d'empêcher, autant que possible, que les colons ne reven- dent au dehors les articles achetés aux boutiques de la colonie, pour se procurer des liqueurs spiritueuses. La règle, en vertu de laquelle chaque famille devait origi- nairement occuper et cultiver pour son propre compte une petite ferme, est, comme nous l'avons dit, devenue une exception; cette exception est appliquée à titre de récom– pense aux colons qui se distinguent par leur aptitude au travail agricole et leur bonne conduite. C'est la direction. qui prononce, s'il y a lieu, chaque année, l'émancipation des colons. Les colons émancipés cultivent seuls les terres dépendantes de leur ferme, gardent les récoltes et régissent librement leurs affaires, sauf toutefois l'obligation d'obser- ver les règles générales prescrites pour l'agriculture colo- niale. Moyennant le payement du loyer de 50 florins par an, ils sont indépendants et affranchis des mesures de sur- veillance auxquelles sont astreints les colons ordinaires. Les colonies ont été créées en vue surtout du défriche- ment et de la culture des bruyères; mais, par suite des modifications qui ont dû être apportées dans l'exploitation des fermes, des embarras pécuniaires et de la nécessité d'augmenter les bénéfices en raison de l'accroissement des dépenses, la Société s'est vue dans la nécessité d'associer aux occupations rurales des colons certains travaux indus- 1riels. Elle a installé, dans ce but, deux filatures, qui four- nissent le fil nécessaire à l'alimentation de plusieurs centaines de métiers de tisserands. L'une de ces filatures, établie à la colonie libre de Willems'oord, a été incendiée en 1849; on achevait sa reconstruction lors de notre visite, et elle devait être remise en activité dans l'été de 1850. Les colonies libres possèdent aujourd'hui plus de 400 mé- tiers affectés au tissage des toiles; 200 de ces métiers sont disposés dans des ateliers spéciaux; 200 autres sont répartis dans les fermes. On y emploie d'ordinaire les enfants des deux sexes à leur sortie des écoles. La durée du travail est de onze heures par jour. Chaque tisserand confectionne environ 54 aunes (mètres) par semaine, qui lui rapportent 2 florins de bénéfice. La production annuelle est, en moyenne, de 40,000 pièces de toile de coton, mesurant chacune 25 mètres. Ces produits sont expédiés aux colonies hollandaises d'outre- mer, sauf un quart environ réservé pour les besoins de la consommation intérieure des établissements de la Société. Indépendamment des ateliers de tissage, les colonies libres possèdent encore des ateliers de tailleurs, de cordonniers, de forgerons, de charrons, de menuisiers, de briquetiers, de sabotiers, de cordiers, etc. Un certain nombre de colons sont employés à l'extraction de la tourbe, qui est l'unique moyen de chauffage employé dans l'établissement; d'autres font des balais, travaillent à la boulangerie ou sont occupés aux magasins. Les colonies parviennent ainsi en grande partie à se suffire à elles-mêmes, et leur organisation indus- trielle se rapproche de celle du village où s'exercent d'ordi- naire les métiers essentiels aux usages et aux besoins journaliers de la vie domestique. Les travaux industriels sont dirigés et salariés d'après les mêmes principes que les travaux des champs. La direction fournit les matières premières, rétribue le travail et emma- gasine les produits; ceux-ci sont vendus soit au dehors, soit aux colons eux-mêmes, qui les payent, dans ce cas. avec le prix de leur propre travail. Il est tenu un compte courant pour chaque famille, sur lequel est inscrit tout ce qu'elle reçoit de la Société à titre d'avance et ce qu'elle paye à titre d'à-compte. Le colon, de son côté, annote ses recettes et ses dépenses dans un livret qui reste en sa possession, mais qui est contrôlé et visé toutes les semaines par le teneur de livres de l'établissement. Les colonies libres possèdent trois écoles principales et quatre écoles accessoires, situées de manière à faciliter autant que possible leur fréquentation. Cette fréquentation est obligatoire pour tous les enfants des colons sans excep- tion, depuis l'âge de six jusqu'à l'âge de douze ans. Après douze ans, ils sont astreints au travail pendant le jour et fréquentent les écoles du soir jusqu'à dix-sept ans révolus. Les enfants des deux sexes, réunis dans les écoles de jour, sont séparés dans les écoles du soir. L'instruction est la même que celle des écoles primaires ordinaires du pays; elle comprend la lecture, l'écriture, la langue maternelle, l'arithmétique, la géographie et l'histoire nationale. Le nombre des élèves qui ont fréquenté les écoles en 1849 s'élève à 974, répartis de la manière suivante : PAYS-BAS. 155 COLONIES AGRICOLES. NOMBRE do NOMBRE D'ÉLÈVES. CLASSES. ÉCOLES DE JOUR. ÉCOLES DU SOIR, TOTAL. Garçons. Filles. serait l'emploi des six personnes qui composent en moyenne chaque famille de colon: Chef de famille employé à l'exploitation agricole . 1 Colonic nº 1. n 2. école accessoire. 5 3 22 91 36 21 148 155 53 65 271 54 24 21 99 6 30 6 14 50 n . 2 155 43 44 242 Ménagère occupée aux soins du ménage, du bétail, de la laiterie. Un garçon employé un quart du temps à l'agriculture, trois quarts aux tourbières et à d'autres travaux pour compte de la Société. Un garçon ou une fille à la fabrique. 1 1 1 école accessoire. 3 72 19 18 109 Un à trois enfants à l'école 1 2 A >>> 29 16 10 55 Enfant en bas âge Totaux. 584 197 195 974 Total. 6 L'instruction religieuse est confiée aux ministres des différents cultes qui résident aux colonies. Une église pour le culte catholique a été construite récemment; on y a annexé un presbytère. Les colons appartenant à la commu- nion réformée remplissent leurs devoirs religieux dans les communes environnantes. Les colons juifs ont à leur dis- position une synagogue. cr Nous avons vu plus haut que la population des colonies la population des colonies libres s'élevait, au 4 juillet 1850, à 2,549 individus. hommes, femmes et enfants, sans compter les employés et leurs familles, qui forment un total de 160 à 170 personnes. Les terres qui en dépendent présentent une superficie de 1,506 hectares, dont : En rapport. Semés en genêts pour servir d'engrais l'année suivante. Non défrichés. Total. • 817 189 500 1,506 L'établissement possède en outre 10 hectares environ de plantations de futaie et taillis, ainsi qu'une pépinière de 3 hectares, où l'on rencontre-des plants de bouleau, beau- coup de plants d'aune et quelque peu d'aune et quelque peu d'essence de chêne. A l'exception de quelques plantations faites le long des che- mins d'exploitation, qui sont fort bien entretenus, les arbres font presque entièrement défaut sur le sol des colonies. Les trois colonies réunies possèdent 4 chevaux, 34 bœufs de trait, 446 vaches et génisses, 4 taureaux et 283 mou- tons; ces derniers appartiennent en totalité à la colonie de Wilhelminas'oord, qui comprend encore beaucoup de terres incultes. Il n'y a donc que ½ tête de bétail environ par hectare de terrain défriché, en comptant 10 moutons pour 1 tête de bétail. Le rapport de la population à l'étendue des terres défri- chées dépasse 2¹, âmes par hectare; si l'on prend la totalité des terrains défrichés et à défricher, le rapport serait de 2 âmes environ par hectare. On peut en conclure que le nombre de bras dont peut disposer l'agriculture aux colo- nies libres est à peine suffisant, surtout si l'on tient compte du grand nombre d'enfants en bas âge, d'invalides et de tra- vailleurs employés aux travaux manufacturiers. En effet, d'après un calcul fait par M. l'ingénieur Kümmer, voici quel Des canaux ont été creusés pour mettre les colonies libres en communication avec l'Yssel et le Zuyderzée, et faciliter le transport des engrais et des foins aux lieux de consom- mation. D'autres canaux d'une utilité non moins incontes- table avaient été projetés, mais leur exécution a été sus- pendue jusqu'ici. Indépendamment des fermes, des écoles, des édifices religieux, des ateliers et des boutiques dont nous avons déjà fait mention, l'établissement possède plusieurs bâtiments à l'usage de l'administration et des employés. L'un de ces bâtiments est spécialement réservé au directeur général des colonies, un autre au directeur-adjoint spécialement chargé des colonies libres. Trois autres bâtiments sont occupés par autant de sous-directeurs agricoles; l'un d'eux est adossé à celui occupé par le directeur général, et sert en même temps d'auberge. Les bureaux de la direction générale sont dis- posés dans la maison qu'habitait précédemment le général Van den Bosch. A proximité on a érigé un magasin central. Nous citerons encore les logements affectés au surveillant des ateliers, aux ministres du culte, aux instituteurs, etc. Toutes ces constructions, disséminées sur une grande éten- due, sont en bon état d'entretien leur architecture est des plus simples, de même que celle des petites fermes dont nous donnons le croquis. La plupart de celles-ci sont tenues avec ordre et propreté, et sont généralement garnies d'un mobilier assez complet. Leur aménagement intérieur est commode, à l'exception des couchettes disposées en forme d'armoires et qui sont mal aérées. Les frais de construction de chaque petite ferme s'élèvent de 500 à 550 florins. Les colons peuvent arranger l'intérieur de leur ménage comme ils le désirent; ils sont seulement tenus de se con- former aux règlements généraux de la colonie qui leur imposent, entre autres, l'obligation de tenir leurs demeures dans un état convenable de propreté, de se rendre aux tra- vaux aux heures fixées et de régler en conséquence les heures de leurs repas, de ne porter que les habillements coloniaux, de les entretenir avec soin, d'envoyer leurs en- fants à l'école et de leur faire suivre l'enseignement reli- gieux. L'état moral des colons paraît satisfaisant; ils semblent généralement contents de leur condition. Les délits sont rares, et malgré le contact habituel des jeunes gens des deux sexes, les naissances naturelles sont peu fréquentes. 156 · COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. Les coupables de relations illicites sont envoyés au quartier de répression établi pour les colons libres à Ommerschans. Le jugement et la punition des fautes légères sont attribués à un conseil de discipline composé de 7 membres : 4 em- ployés et 3 colons choisis annuellement par ces derniers. Le conseil s'assemble tous les mois, ou plus souvent s'il est nécessaire, et fait comparaitre les coupables de contraven- tions au règlement d'ordre et de discipline, dont il est donné connaissance à chaque colon à son entrée. Ce règlement se compose d'un petit nombre d'articles comminatoires, et n'a jamais été imprimé; il prononce des amendes jusqu'à con- currence de 2 à 3 florins et la reclusion d'un à huit jours. L'envoi au quartier de punition d'Ommerschans et l'expul- sion des colonies ne peuvent être prononcés que par le comité permanent. Le vol et les autres délits qui ne sont pas du ressort de la discipline coloniale sont portés à la con- naissance de l'autorité judiciaire compétente. La nourriture des colons libres diffère peu de celle des paysans hollandais. A déjeuner, pain et beurre avec café; à diner, des pommes de terre et des légumes, cuits d'ordi- naire avec du lard; à goûter, pain et café; à souper, pain, légumes ou lait de beurre chaud, avec du riz ou de l'orge mondé. Comme on le voit, le café entre dans la consommation habituelle c'est qu'on le prend fort clair, sans sucre, avec un mélange de chicorée, et que l'eau pure est de mauvaise qualité; et puis il ne coûte que 90 centimes le kilogramme. Les costumes sont en étoffe de coton ou de laine, selon la saison. Chaque famille coûte 200 à 300 florins par an, dont il faut déduire les bénéfices du travail portés au compte de la Société. Dans les bonnes années, on estime que les dépenses et les bénéfices se compensent, sauf une somme de 50 florins qui représente la valeur locative. La dépense de chaque colon isolé peut être évaluée, par semaine, à 1 florin (2 fr. 14 c.), savoir : » 39 centimes. » 45 » Pommes de terre Pain • Habillement » 50 >> Argent colonial pour les menues dépenses. » 77 » fr. 2 11 >> L'état sanitaire témoigne en faveur de la salubrité des colonies libres; pendant une période de douze ans, de 1829 à 1840, on n'y a constaté en moyenne qu'un décès sur 73 habitants. En 1846, la proportion a été de 1 sur 54, en 1847, de 4 sur 51, en 1848, de 1 sur 50, et en 1849, de 4 sur 74. Le choléra a sévi en 1849 dans les établissements n° 4 et 3 de Veenhuizen, où il a fait environ 250 victimes parmi les colons les plus débiles, les enfants et les vieillards; il a épargné l'établissement n° 2 de Veenhuizen, ainsi que la colonie d'Ommerschans; les colonies libres ont été com- plétement préservées. On peut apprécier par les détails qui précèdent jusqu'à quel point les colonies libres ont atteint le but qui leur avait été assigné par leurs fondateurs; il s'agissait de rele- ver un certain nombre de familles indigentes par le travail agricole, et de leur créer une modeste indépendance en les faisant contribuer à l'augmentation de la richesse nationale. Mais peu à peu l'industrie manufacturière est venue disputer la prééminence à l'agriculture; le plus grand nombre des colons sont restés dans la position de simples journaliers, sans espoir d'obtenir l'émancipation qui n'a jamais été qu'une rare exception; les défrichements ont cessé ou ne se poursuivent plus que sur une échelle tellement restreinte qu'il est inutile d'en faire mention; au lieu de reconstituer et de maintenir la famille, on en disperse les membres en séparant forcément les enfants de leurs parents; enfin, au point de vue financier, le déficit s'étend aux colonies libres comme aux colonies de répression, et doit entraîner leur chute dans un avenir plus ou moins prochain, à moins qu'une réforme et une réorganisation radicales ou quelque événement inespéré ne viennent les arracher au danger qui les menace et leur infuser de nouveaux germes de vitalité. Si l'on accuse notre jugement de sévérité, on nous per- mettra de nous étayer ici du témoignage d'un homme qui a visité récemment les colonies hollandaises et qui s'est géné- ralement montré plus que bienveillant dans ses apprécia- tions. « Le colon, dit M. Paul de Thury (1), ne peut ni «< s'enrichir, ni s'appauvrir. Il aura toujours un gîte, une <«< nourriture suffisante; mais ses économies ne peuvent jamais s'élever bien haut, quoiqu'il soit arrivé assez sou- <«< vent que les orphelins aient eu à leur majorité jusqu'à « 200 francs. Cette quiétude, il est vrai, ne suffit pas au bonheur, et elle dispose à l'inertie. La colonie est un refuge, un hospice qui abrite bien des infortunés; mais «< ce n'est pas une patrie. Ici chacun, en entrant, a dû re- (( (( << noncer à sa liberté, et s'est engagé par devant témoins « « ou en signant à se conformer en tous points aux règle- <«> VII. Colonies de répression d'Ommerschans et de Veenbulzen, nºº 2 et 3. La colonie libre de Frederiks'oord avait été fondée (1) Article sur les colonies agricoles de Holland, ANNALES DB LA CHARITÉ, t. I, p. 536. PAYS-BAS. 137 COLONIES AGRICOLES. en 1818. Trois années plus tard, le gouvernement fit don à la Société de bienfaisance des vastes terrains qui entou- raient le fort d'Ommerschans, situé dans la province d'Over-Yssel. Ce fut là que fut établie la première colonie de répression spécialement destinée aux mendiants: Veen- huizen ne date que de 1822. Ce dernier établissement devait originairement être affecté aux orphelins et aux en- fants trouvés et abandonnés; mais ceux-ci, qui occupaient d'abord deux des grands bâtiments, ont successivement cédé la place aux mendiants adultes, et sont aujourd'hui relégués dans le bâtiment qui porte le n° 1. Il y a donc aujourd'hui trois colonies ou dépôts spécia- lement affectés à la classe des mendiants et des indigents qui leur sont assimilés; bien que distincts et séparés par une grande distance, les établissements d'Ommerschans et de Veenhuizen, nº 2 et 3, ne forment, à proprement parler, qu'une seule et même institution, dirigée d'après des règles uniformes, occupant des bâtiments construits sur le même modèle, soumise à un régime et vouée à des occupations identiques. Dans chaque établissement, la population est réunie dans un vaste bâtiment formant un carré de 160 mètres de côté, mesuré extérieurement; ce bâtiment n'a qu'un rez-de- chaussée et entoure une cour spacieuse, plantée d'arbres, dont les deux portes de sortie sont gardées par un poste de vétérans. La cour est partagée à l'intérieur, au moyen de palissades, en deux compartiments d'égale étendue, de manière à former deux quartiers distincts, l'un pour les hommes, l'autre pour les femmes ; il Ꭹ a en outre une sec- tion spéciale où sont réunis les jeunes enfants. Le rez-de- chaussée est divisé en un certain nombre de salles, qui contiennent jusqu'à 80 colons. Pour deux salles, il y a une cuisine et un logement de surveillant, disposés de manière à faciliter le service et la surveillance Au-dessus et sous le toit qui est fort élevé, se trouvent les ateliers, et comme ils n'étaient pas suffisants, on a construit quelques ateliers sup- plémentaires dans les cours et au dehors. La façade exté- rieure du bâtiment principal est en partie divisée en petits logements qu'habitent les ménages de vétérans et de travail- leurs admis à vivre en famille. Un fossé toujours plein d'eau entoure l'édifice et communique avec le canal qui relie l'éta- blissement aux canaux qui traversent la contrée. Des ponts- levis, qui sont relevés la nuit, servent aux communications; près de chacun d'eux stationne un vétéran armé. A l'extérieur se trouvent les logements des employés supérieurs et des aumôniers, les écoles, les infirmeries, et à Ommerschans le quartier de punition pour les colons en- voyés des colonies libres en vertu de condamnations disci- plinaires. Ceux-ci sont soumis à un régime plus sévère et à des retenues plus fortes sur les sommes qui leur reviennent en raison de leurs travaux. Les salles affectées aux colons sont disposées de manière à servir à la fois de dortoir, de réfectoire et de chauffoir. Les hamacs qui servent de couchette sont en grosse toile grise, et ne coûtent qu'environ 5 francs la pièce. Pendant le jour ils sont relevés au plafond au moyen de cordes et de poulies. A l'entour de la salle se trouvent des bancs qui ser- vent en même temps d'armoires, dans lesquelles chaque colon a sa case pour mettre ses effets. Les tables sur les- quelles ils prennent leurs repas sont rangées pendant la nuit dans un coin. Les colonies de répression contenaient, le 1er juillet 1850, 5,518 individus, y compris les colons libres en punition, et les familles de travailleurs et de vétérans. Le nombre des entrées a été : En 1840 de 1,623 individus. 1841 1,991 1842 - 2,856 1845 2,162 1844 1,104 1845 1,831 1846 2,706 1847 3,599 1848 2,120 1849 1,512 On voit que la rareté et la cherté des denrées en 1846 et 1847 a exercé, pendant ces deux années, une influence sensible sur la population des colonies de répression; nous verrons plus loin que cette influence n'a pas été moins sen- sible sur leur mortalité. La colonie d'Ommerschans possède au delà de 4,000 hec- tares, dont 741 sont cultivés et 300 environ restent à défricher. • L'exploitation agricole est divisée en vingt et une fermes. L'emblavure de chacune d'elles comprend une surface, de 36 hectares environ; le bétail se compose moyennement de 2 chevaux, 1 boeuf de trait, 13 vaches et au moins 4 pores. Au 1 novembre 1848, le relevé du bétail de l'établis- sement était de 49 chevaux, 21 bœufs de trait, 268 vaches, 4 taureaux et 157 porcs; il y avait donc approximativement. comme aux colonies libres, ½ tête de bétail par hectare cultivé. 2 Chaque ferme a coûté 2,400 florins, non compris la main-d'œuvre effectuée par les colons. Le croquis inséré à la fin du volume, et emprunté comme celui de la petite ferme des colonies libres au mémoire de M. Kümmer, suffit pour donner une idée de son aménagement vraiment économique. Dans les établissements de Veenhuizen il est assez diffi- cile de distinguer les terres qui se rattachent spécialement à chaque établissement. L'ensemble de la propriété pré- sente une surface de 1,766 hectares, dont 1,066 sont cultivés et 700 environ restent à défricher. Chaque établissement est divisé en huit fermes de 43 hec- tares chacune, exploitées en commun. De même qu'à Ommerschans, le sous-directeur de l'agriculture de chaque établissement dirige l'une des fermes; les autres sont con- fiées à des fermiers choisis parmi les colons libres qui, par l'intelligence, le zèle et les connaissances agricoles dont ils 18 138 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. 1 ont donné des preuves, ont mérité cette faveur. On leur adjoint un nombre toujours suffisant de colons des deux sexes qui, sous leur direction et leur surveillance, sont chargés du travail de l'exploitation. Le bétail de Veenhuizen comprend : donc 1/ 13 culture. Chevaux. Bœufs de trait. Vaches Taureaux Moutons et agneaux Porcs. 58 18 185 5 20 900 ? seulement de tête de bétail par hectare mis en lui est remis en partie sous forme d'argent de poche en mon- naie coloniale, et en partie déposé à la masse de réserve destinée à subvenir à ses premières dépenses après sa sortie. Tous les travaux sont tarifés; il en est dressé des états hebdomadaires qui indiquent d'une part les salaires alloués à chaque colon, de l'autre les dépenses faites pour son compte (1). Ces dépenses comprennent les frais divers d'en- tretien, la nourriture, l'habillement, etc.; l'excédant des salaires, s'il y en a, est partagé en deux parts: deux tiers sont payés au colon en monnaie coloniale ou argent de bou- tique (winkel geld), le tiers restant est inscrit comme boni, et versé aù fonds de réserve. 4 La nourriture se compose: au dîner, de pommes de terre A la tête de chaque établissement se trouve un directeur et de légumes, avec une portion de graisse ou de viande ; adjoint, subordonné au directeur des colonies, qui dirige le matin et le soir, de / de kilogramme, soit par jour de l'administration dans toutes ses branches; sous ses ordres, kilogramme de pain de même qualité que dans les colo- immédiats il y a deux sous-directeurs, dont l'un est chargé du service domestique et de la police, et l'autre de l'agri- culture. Le sous-directeur du service domestique ou intérieur a à son tour sous ses ordres un teneur de livres, un magasi- nier et un certain nombre de surveillants. Chacun de ces derniers est chargé de la surveillance de deux salles com- prenant 460 colons environ. Nous avons remarqué avec quelque étonnement que la surveillance des salles de femmes était confiée, comme celle des salles d'hommes, à des em- ployés du sexe masculin. Cela indique une préoccupation de police par trop exclusive et qui ne peut guère se conci- lier, selon nous, avec le principe réformateur qui devrait former l'âme de la discipline. Le sous-directeur du service domestique est chargé, sous la surveillance et avec l'autorisation du directeur adjoint, de l'achat des effets d'habillement, des denrées et des autres articles à l'usage des colons, pour autant que ces objets ne sont pas livrés par le magasin central de la Société ou par l'exploitation agricole. Il est responsable des recettes et des dépenses, et sur lui repose en outre le soin du maintien de l'ordre dans l'établissement, de la nourriture, de l'habille- ment, des literies, du chauffage, de l'éclairage, etc. Les attributions et les devoirs du teneur de livres et du magasinier sont indiqués par la nature même de leurs fonc- tions. Ils sont assistés par un certain nombre de colons. Les surveillants de salles soignent tous les détails de l'in- térieur, l'ordre, la propreté, l'hygiène, la préparation des aliments, l'habillement, le coucher, et la tenue au courant des livrets des colons. Les postes subalternes de gardes-chambrées, de ser- vantes, de gardes-malades, de lavandières, etc., sont rem- plis par des colons: Tous les colons valides des deux sexes sont astreints au travail; les uns sont employés aux champs, les autres dans les ateliers organisés dans chaque établissement. En règle générale, chaque colon doit compenser par le produit de son travail les frais de son entretien; le surplus nies libres (mélange de seigle et de pommes de terre); cha- que colon reçoit en outre 2 onces de lard par semaine, ou, en remplacement de lard, 10 cents (21 centimes) en argent de boutique (2). Chaque colon reçoit, en entrant, un trousseau composé de la manière suivante, et dont le prix uniforme, pour les (1) État des salaires et des payements du. COLONIE. NOMS des CHEFS de FAMILLE. Nº. FORCE NUMÉRIQUE SALAIRES. PAYEMENTS. des FAMILLES. au. FONDS de RESBRYB do chaque des famille. orphelins. Observations. (2) Extrait du règlement pour la nourriture des colons habitant les établissements de répression, en date du 31 janvier 1832, nº 14. 1re classe. —Au-dessous de l'âge de treize ans. 3/5 de ration. De l'âge de treize à dix-sept ans. De dix-sept ans et au-dessus. 20 30 Soupe, par ratION. 4/5 Ration entière. 30 centilitres de pois verts, de pois jaunes ou de gruau, avec 1/2 litre de pommes PAYS-BAS. 139 COLONIES AGRICOLES. deux sexes, représente une valeur de 14 fl. 20 c. (environment la monnaie coloniale, et soldent à leur tour, à l'aide 30 francs): de cette même monnaie, la valeur des articles qui leur ont été confiés. 1 jaquette. I. Trousseau d'homme. ][. . Trousseau de femme. 1 casquette. 1 veste de bure. 2 pantalons. 2 chemises. 1 cravate. 2 paires de bas. 1 paire de sabots. 1 jupon. 1 jupc. 2 chemises. 2 mouchoirs de cou. 2 paires de bas. 2 bonnets. 1 tablier de toile. 1 paire de sabots. Il est tenu un compte spécial de l'habillement, sur lequel on inscrit les retenues opérées de ce chef sur les salaires de chaque colon; si ces retenues sont dépassées par les dépenses, l'excédant est porté en dette à charge du colon; s'il y a au contraire un boni, celui-ci est soldé en espèces ou en objets d'habillement, au gré de l'intéressé. La monnaie coloniale ou l'argent de poche remis au colon. le met à même de se procurer, à la boutique de l'établisse- ment, divers articles, tels que sel, savon, vinaigre, beurre, café, tabac à fumer et à priser, fil, aiguilles, boutons, etc. Il y trouve aussi des vêtements confectionnés dans les ateliers de l'établissement, d'une qualité supérieure à celle du costume qui lui est fourni par l'administration. Ces vête- ments peuvent être portés les jours fériés et lors des sorties. La vente des boissons spiritueuses est strictement interdite. L'achat des objets débités dans les boutiques se fait d'or- dinaire par adjudication publique. Les boutiquiers, vendant leur marchandise d'après un tarif fixé, reçoivent en paye- de terre et 1/2 litre de carottes, ou 2 kilogrammes de choux verts ou d'autres légumes. Pommes de terre Ou pois gris B. — LÉGUMES ACCOMMODÉS, PAR KATION. 3 litres. 60 centilitres. >> 50 >> -pois verts ou jaunes: 50 1 11 - gruau pommes de terre avec légumes. id. id. id, • 2 1/2 litres de pommes de terre et 1 litre de navets. 2712 21/2 21/2 >> >> id. id. id. C. — VIANDE Par ration. Viande de mouton. Ou viande de bœuf ou de vache. - lard. - beurre 1/2 » de carottes. 3 kilogrammes de choucroute. 5 kilogrammes de choux verts. 40 grammes. 30 >> 20 15 >>> D. — ASSAISONNEMENTS, PAR RATION. 20 grammes de sel et 1/2 gramme de poivre; du vinaigre ou de la moutarde lorsqu'il ne peut être ajouté des légumes aux pommes de terre. E. - PAIN, PAR RATION. 250 grammes le matin. 250 >> le soir. Indépendamment des quantités qui précèdent, on donne à chaque individu, par semaine, 2 onces de lard ou 40 cents en argent de boutique. En place de ce supplément, chaque enfant reçoit du beurre et du lait pour la valeur de 6 cents par semaine. Les colons invalides, quoique ne travaillant que peu ou point, sont cependant traités comme les valides, sauf qu'ils ne reçoivent pas autant d'argent de boutique et ne font les mêmes bénéfices. pas Les mères peuvent conserver leurs enfants jusqu'à l'âge de deux ans ; passé cet âge, les enfants sont réunis dans un local séparé, et confiés aux soins de gardiennes spéciales jus- qu'à ce qu'ils aient atteint leur sixième année. De six à douze ans, ils sont tenus de fréquenter l'école primaire de l'éta- blissement, et de douze à dix-sept ans, l'école du soir, tout comme les enfants des colonies libres. Le bienfait de l'in- struction est étendu, autant que possible, aux colons plus âgés, de manière à leur inculquer les premières notions de la lecture, de l'écriture et du calcul. Le nombre des élèves, en 1849, était, à Ommerschans. de 252, dont 1 41 fréquentaient l'école de jour et 114 (54 gar- çons et 57 filles) assistaient aux écoles du soir. A Veenhuizen. n° 2 et 3, les écoles ont été fréquentées, la mème année, par 4,039 élèves, savoir les écoles de jour, par 466, et les écoles du soir, par 573 élèves (304 garçons et 269 filles). L'enseignement religieux est donné par les ministres des différents cultes attachés à chaque établissement. On peut estimer que la population des colonies comprend un tiers de catholiques et un dixième d'israélites; le surplus appartient aux diverses communions réformées. Les colons sont classés d'ordinaire, dans les bâtiments, selon le culte. qu'ils professent. La colonie d'Ommerschans possède une église récemment construite pour le culte protestant; le service du culte catho- lique se fait dans le local de l'école, en attendant la construc- tion d'une chapelle spéciale, pour laquelle la direction de la Société de bienfaisance a sollicité un subside de l'État. A Veenhuizen, il a été érigé, entre les établissements nº 1 et 2, une église catholique, un temple protestant et une synagogue, avec des habitations très-convenables pour les ministres des trois cultes; la situation centrale de ces édifices permet de les utiliser simultanément pour le service des trois établissements. Les membres d'une même famille, quoique résidant sous le même toit, sont néanmoins, comme nous l'avons vu, classés dans des quartiers différents, selon leur sexe et leur àge. Ce n'est que le dimanche, après le service divin, et parfois aussi pendant la semaine, le soir après la rentrée des travaux, que le mari, la femme et les enfants peuvent se voir et communiquer dans l'espace réservé qui trace la limite entre les deux grandes divisions des hommes et des femmes. Cette règle de stricte séparation admet cependant quel- · ques exceptions. Un certain nombre de familles de colons- mendiants occupent, à Veenhuizen, quelques habitations séparées, en dehors des bâtiments communs. C'est une 140 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. récompense que le comité permanent décerne à l'activité au travail, aux services rendus et à la bonne conduite soutenue. Mais cette faveur particulière ne s'accorde, en tous cas, qu'après un séjour de trois ans au moins aux colonies. Les infractions aux règlements sont jugées par un conseil de discipline, et punies par la mise au pain et à l'eau et la séquestration, avec ou sans liens, dans la salle de police. Les colons sont conduits aux travaux des champs par les vétérans chargés de leur surveillance, et qui portent avec eux une carabine chargée à balle et un sabre. Ils sont responsables des évasions, et partagent cette responsabilité avec les gardes champêtres qui sont établis dans de petites maisons, de distance en distance; chacun d'eux est assujetti, lorsqu'il y a une évasion, à une retenue de 25 cents, ce qui forme un fonds destiné à donner des primes à ceux qui ramènent un déserteur. Celui-ci est soumis à une peine dis- ciplinaire, et il est en outre revêtu d'un costume particulier fait avec une étoffe rayée de larges bandes noires très- apparentes, et qui indiquent que celui qui le porte doit attirer plus particulièrement l'attention des surveillants. Cependant, malgré ces précautions, les évasions sont toujours assez nombreuses, surtout au moment où les blés sont élevés et où il est facile de s'y cacher. Pendant l'année 1842, il y a eu dans les colonies 188 désertions, dont 28 à Ommerschans et 40 à Veenhuizen n° 2. Nous avons vu plus haut qu'en 1848 et 1849 le nombre des évasions a été respectivement de 155 et de 114; total, en deux ans, 269 évadés, dont 68 ont été repris et réintégrés dans les établissements coloniaux. Un détachement de troupes, qu'on avait jugé devoir demander dans le principe, a été retiré et remplacé par la création d'une garde de vétérans. Nous ne pouvons qu'ap- plaudir à l'idée d'avoir offert cette retraite aux anciens mili- taires, livrés trop souvent à l'abandon après de longs et honorables services. Admis aux colonies, ils vivent au milieu de leurs familles, dans une habitation très-suffisante, et avec les fournitures que leur fait la Société, les produits de leurs jardins et les sommes qui leur sont remises pour leur paye, ils se trouvent dans une véritable aisance. Ceux qui se rendent utiles à l'administration, comme surveillants et gardes champêtres, reçoivent 3 florins par semaine; ceux qui ont des enfants les envoient dans les écoles et ensuite dans les ateliers, où ils contribuent, par leur travail, à aug- menter l'aisance de la famille. Les vétérans conservent leurs armes et leur uniforme, et continuent à être soumis, à certains égards, aux règlements militaires. Ils sont commandés par un capitaine, qui réside à Veenhuizen nº 2. • Dans les colonies de répression, de même que dans les colonies libres, on a eu recours à l'industrie manufacturière pour occuper les colons en même temps que pour augmen- ter les profits de la Société. Cette réforme date de 1837. Par suite de contrats passés avec le gouvernement, les éta- blissements coloniaux livrent chaque année une certaine quantité de pièces de coton et de sacs à café pour les pos- sessions d'outre-mer. Indépendamment des 400 métiers battants à Frederiks'oord, la colonie d'Ommerschans occupe une centaine de métiers de tisserand dans un vaste atelier érigé sur le glacis de l'ancien fort. Veenhuizen en occupe environ 80, principalement destinés au tissage des toiles pour les sacs à café. Ces deux derniers établissements fabriquent aussi toutes les étoffes nécessaires à l'habillement et au cou- cher des colons. A l'établissement de Veenhuizen on a érigé, en 1838, une filature, mue par la vapeur, dont la machine a une force de 24 chevaux. Cette usine paraît installée avec soin; elle est éclairée au gaz et occupe envi- ron 200 ouvriers, dont la plupart sont des enfants des deux sexes, âgés de douze à seize ans. Ses 5,000 broches produi- sent, en moyenne, 3,000 kilogrammes de fil par semaine, des n° 46 à 20, qui servent à alimenter en partie les métiers à tisser dont nous avons parlé plus haut. 08 Toutes ces fabriques sont placées sous la direction et la surveillance d'un sous-directeur qui réside à Willems'oord, mais qui fait de fréquentes tournées dans les autres établis- sements. Chaque fabrique en particulier a son contre-maître ou surveillant, assisté d'un teneur de livres et de quelques colons écrivains. A l'industrie manufacturière se rattachent en outre, dans chaque établissement, de nombreux ateliers où se fabri- quent et se confectionnent tous les articles, outils, instru- ments, ustensiles nécessaires aux besoins ordinaires. Parmi ces ateliers nous citerons ceux de menuisiers, charpentiers, charrons, sabotiers, forgerons, maçons, cloutiers, peintres, vitriers, ferblantiers, tonneliers, vanniers, cordiers, fileurs et fileuses, tailleurs, cordonniers, savetiers, couturières, etc. Cette branche d'administration paraît parfaitement installée et dirigée d'une manière intelligente et économique. Les colonies sont ainsi parvenues à se suffire à peu près à elles- mêmes et à se passer de l'aide d'ouvriers étrangers. Tous les bâtiments dont on a besoin sont construits par les colons, et ils extraient, dans les tourbières de la Société. la tourbe nécessaire à l'alimentation des foyers et de la machine à vapeur de la filature. Au mois de janvier 1842, par conséquent au milieu de l'hiver, sur une population totale de 9,523 colons de toutes catégories, 2,209 étaient occupés à l'agriculture, 2,276 dans les fabriques, 168 aux métiers auxiliaires, 725 au ménage; le reste, ou 4,445, était composé d'invalides et d'enfants en bas âge. On voit que pendant cette saison les travaux manufacturiers ont la prépondérance; par contre, en été, les travaux agricoles qui se font généralement à bras d'hom- mes, à l'exception des labours et des transports, reprennent le dessus; et même en cas de besoin, pendant la récolte des pommes de terre, par exemple, presque toute la popu- lation valide est employée aux champs et abandonne mo- mentanément les fabriques. Chaque établissement de répression a son infirmerie dont le service est confié à un médecin résident. La mortalité y PAYS-BAS. 141 COLONIES AGRICOLES. est assez considérable, mais moindre cependant que dans les établissements analogues où la population est sédentaire. D'après un relevé donné dans le dernier rapport du comité permanent de la Société, pour l'exercice 1849, voici quelle a été la proportion annuelle des décès pendant une période de dix ans : ANNÉES. No 2. VEENHUIZEN LBS TROIS COLONIES. >> 12.57 13,94 OMMERSCHANS. NO 3. 1840 ... 1 sur 22,60 1 sur 7,80 >> Sur >> sur 1841 23,43 1 14,20 >> >> >>> 1842 ... 12,32 4 9,48 >> >> 1 4843 .. 4 16,35 1 13,15 4 - 10,36 量 ​1844 ... 1 23,00 1 21,56 1 14,90 1 20,98 1845... 4 27,92 1 39,00 1 30.18 1 34,88 1846 ... 4 13,18 4 9,17 1 - 6,74 4 4847 ... 4 7,19 5,01 1 4,65 4 4848 ... 4849... 1 13,13 4 9,28 7,52 - 1 10,29 14,76 9,36 4 4,06 9,89 - 5,87 1 - 8,10 Si la mortalité est plus considérable à Veenhuizen qu'à Ommerschans, c'est parce que l'on envoie d'ordinaire dans le premier de ces établissements les vieillards, les infirmes et les incurables, pour ne conserver à Ommerschans que la population la plus valide et par conséquent la moins exposée aux chances de maladie et de mort. Nous venons de voir que près de la moitié de la popula- tion des établissements coloniaux se composait d'invalides et d'enfants en bas âge, incapables d'être employés utile- ment. D'après le plan primitif des fondateurs, les colonies ne devaient recevoir que des indigents valides, capables de compenser par leur travail les frais de leur entretien. L'inexécution de cette clause essentielle a dérangé les cal- culs, et contribué à créer et à entretenir les embarras qui menacent aujourd'hui l'existence de la Société. Il est bien vrai que le gouvernement a alloué à celle-ci une indemnité pécuniaire extraordinaire pour l'admission des invalides; mais soit que cette indemnité fût insuffisante, soit que premières évaluations pour l'admission des valides fussent inexactes, il est prouvé que les colonies de répression net sont pas plus à même de se soutenir à l'aide de leurs res- sources ordinaires que les colonies libres. les L'envoi des mendiants aux colonies a permis de supprimer les deux anciens dépôts de mendicité de Veere et de Hoorn. dont l'organisation laissait infiniment à désirer; mais si l'on a amélioré sous ce rapport l'état sanitaire et allégé quelque peu les charges des communes, il ne paraît pas que ce chan- gement ait influé d'une manière bien sensible sur la mora- lisation de la classe indigente, ni qu'il lui ait préparé un meilleur avenir en leur procurant les moyens de reprendre dans la société une position indépendante. Le grand nom- bre de récidives atteste malheureusement qu'il en est des colonies comme des anciens dépôts de mendicité; ce sont, comme nous l'avons déjà dit, des asiles temporaires et des espèces d'hôtelleries où l'on entre et d'où l'on sort à des intervalles plus ou moins rapprochés. L'emploi des indigents et des mendiants aux travaux agricoles peut contribuer à rétablir leur santé, à fortifier leur constitution affaiblie par les privations et les excès, mais il ne les attache pas au sol et ne les transforme pas en cultivateurs. L'œuvre de l'amendement n'est pas moins négligée et ses résultats ne sont pas moins stériles. Ce ne sont pas quelques heures d'instruction par semaine et quelques sermons le dimanche qui peuvent suffire pour opérer une transformation complète dans les mœurs et les habitudes de ces malheu- reux. La déplorable confusion qui existe entre les éléments les plus divers et qui associe forcément l'indigent honnête au mendiant, au vagabond et au libéré, doit contribuer au contraire à propager les germes de démoralisation et de corruption dont les enfants eux-mêmes ne sont pas préservés. Cette absence de tout classement rationnel ne nous a pas moins frappé que l'incurie qui a présidé à l'organisation de la surveillance qui, pour les femmes comme pour les hommes. est exclusivement confiée à des gardiens tout à fait impro- pres à remplir l'office de moralisateurs. Nous savons que la tâche entreprise par la Société de bienfaisance était difficile: c'était une raison de plus pour écarter tous les obstacles qui pouvaient entraver sa réussite. VIII. Colonie d'orphelins et d'enfants abandonnés. (Veenhuizen nº 1.) : Originairement la colonie de Veenhuizen avait été des- tinée à recevoir exclusivement les enfants des deux sexes, orphelins et abandonnés. Mais l'augmentation incessante des indigents et des mendiants adultes a forcé en quelque sorte la Société à dévier de son but primitif. Les enfants occupaient naguère deux des établissements, les n° 1 et 2 ils ont tous été réunis depuis peu dans l'établissement n° 1. Leur nombre qui, en 1823, année de l'ouverture, n'était que de 475, s'était élevé jusqu'à 3,233 en 1826. A partir de cette époque il a été en décroissant, et le 4 janvier 1850, il n'était plus que de 1,349. Le nombre des filles était à peu près égal à celui des garçons. or Le bâtiment qui leur est affecté a été érigé absolument sur le même modèle que les bâtiments destinés aux men- diants. On évalue sa construction à 70,000 florins, mobilier compris, moins les hamacs. Indépendamment des locaux affectés aux enfants et à l'administration, il contient, vers l'extérieur, une soixantaine d'habitations séparées, occupées par des ménages d'indigents et de mendiants comptant quatre à cinq personnes par ménage. Les enfants sont entretenus à charge des communes où ils ont leur domicile de secours. Les communes rembour- 142 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. 1 sent leurs frais d'entretien au gouvernement, qui indemnise à son tour la Société conformément aux bases posées dans les contrats dont nous avons fait mention plus haut. L'âge d'admission est fixé à deux ans; la sortie a lieu d'ordinaire à dix-huit ans, et peut être prolongée, dans cer- tains cas, jusqu'à vingt ans. Les transports à la colonie se font par chariots ou par les canaux. Les enfants sont classés en deux catégories principales: garçons et filles. Il y a, en outre, dans le quartier des filles une section distincte pour les enfants de moins de six ans qui sont confiés aux soins des jeunes filles les plus âgées. Après six ans, chaque enfant entre dans la division à laquelle il appartient en raison de son sexe. Les quartiers des garçons et des filles, situés dans le même bâtiment, sont séparés par une double palissade, qui forme deux cours spacieuses plantées d'arbres, en laissant au milieu un espace suffisant pour la circulation. Il y a en tout huit vastes salles au rez-de-chaussée qui servent simul- tanément de réfectoires, de chauffoirs, de dortoirs, et même. au besoin d'ateliers. Un certain nombre de dortoirs sont en outre établis dans les greniers. Pendant le jour, les hamacs sont repliés et relevés au plafond au moyen de cordes et de poulies. Lasurveillance des filles, comme celle des garçons, est con- fiée à huit préposés, tous du sexe masculin, qui occupent avec leur famille un logement disposé entre deux salles; derrière chaque logement des surveillants il y a une cuisine où sont préparés les aliments de la section. Les surveillants principaux ont pour aides un certain nom- bre de sous-surveillants choisis parmi les enfants. Les enfants sont classés d'après les communions reli- gieuses auxquelles ils appartiennent. C'est ainsi que les gar- çons et les filles israélites occupent le même quartier dont la surveillance est confiée à un surveillant de leur religion; les garçons, au nombre de 49, logent au rez-de-chaussée, et les filles, au nombre de 37, sont couchées dans le grenier. La division de la journée, en été, est réglée comme suit: Heures. 5 6 11 2 1 5 12 Lever, soins de propreté et déjeuner ; Travail; Diner et récréation ; Reprise du travail ; Souper et récréation; 6 ½ à 8 École du soir; 9 Coucher. La nourriture se compose: au déjeuner, d'une soupe d'orge, de blé sarrasin, de farine de seigle ou de lait battu ; au dîner, de pommes de terre ou de légumes avec de la viande, du lard ou du beurre, à raison de 3 décagrammes pour la viande, de 2 décagrammes pour le lard et de 1 /, dé- cagramme pour le beurre le vendredi; au souper, de pain et de lait battu. Chaque enfant reçoit par jour, suivant son âge, de 30 à 50 decagrammes de pain de seigle ou de seigle mélangé avec des pommes de terre. On évalue le coût de la nourri- ture à 60 ou 70 cents (1 fr. 30 c. à 1 fr. 50 c.) par se- maine. Les aliments sont distribués dans des vases ou gamelles en poterie; quatre enfants mangent à la même gamelle. Le costume des garçons se compose d'une veste et d'un pantalon de dimitte noire et d'un bonnet; celui des filles, d'un corsage sans manches, d'une jupe rouge en baie de laine et d'une coiffe noire. Chaque enfant a son trousseau composé de deux séries d'habillements, l'une pour les jours ouvrables, l'autre pour les dimanches et fêtes. Le linge est en commun, et renouvelé chaque semaine. Chaque enfant a une case séparée, sous les bancs adossés aux murs des dor- toirs, pour serrer ses vêtements et les autres effets qui lui appartiennent. le Les travaux sont de deux espèces : travaux agricoles et travaux industriels. Les enfants employés à l'agriculture sont placés sous la direction et la surveillance des employés des fermes annexées à l'établissement; celui-ci possède une culture d'environ 400 hectares, dont les produits suffisent généralement aux besoins de la consommation. L'exploita- tion agricole est divisée en huit fermes, dont l'une est occupée par le sous-directeur de l'agriculture, une seconde par surveillant agricole et les six autres par des fermiers-colons. y a en outre un potager de 4 hectares, cultivé avec le plus grand soin, et dont le rapport en légumes est considé- rable. Le bétail se compose de 60 vaches, 24 bêtes à l'en- grais et 500 moutons; les attelages emploient 20 chevaux ct 6 bœufs de trait. L'établissement produit lui-même les engrais nécessaires à la fumure de ses terres. Indépendamment des travaux agricoles auxquels les filles sont employées comme les garçons, dans la mesure de leurs forces et de leurs aptitudes, il y a des ateliers de tisserands, de tailleurs, de cordonniers, de fileuses, de tricoteuses, de couturières qui confectionnent tout ce qui est nécessaire à l'établissement. Ces ateliers sont en partie disposés dans les greniers. Environ 125 jeunes filles font des époules pour les tisserands. Les travaux industriels proprement dits occu- pent en moyenne 250 enfants des deux sexes pendant l'été ; ce chiffre est doublé pendant la saison d'hiver, lorsque les travaux des champs sont ralentis ou partiellement inter- rompus (1). (4) Mode d'occupation des enfants de l'établissement de Veenhuizen, pendant l'année 1849. A. — GARÇONS (population moyenne, 764). · Surveillants. Employés à la culture. Bergers. Employés à la fabrique. • Commissionnaire à la pharmacie. Cordonniers Tisserands. Menuisiers. • 12 192 3 46 1 22 2 A reporter.. 280 PAYS-BAS 145 COLONIES AGRICOLES. Tous les enfants âgés de plus de treize ans, à l'exception des infirmes et des malades, sont astreints au travail dont la durée moyenne est, comme nous l'avons vu, de dix heures en été ; elle est un peu moindre en hiver en raison du raccourcissement des jours. Avant l'âge de treize ans, les enfants fréquentent l'école de neuf à onze heures et demie le matin, et de deux à quatre heures l'après-midi. Ils sont au surplus dispensés de tout travail. Après treize ans, on se borne à les faire assister à une classe du soir. Toutefois ceux qui savent suffisamment lire, écrire et calculer, sont dispensés de cette assistance et peuvent employer leur soirée comme ils le désirent. Mais il y a les dimanches une école de répétition à laquelle sont tenus de se rendre tous les jeunes gens exemptés de suivre les leçons pendant la semaine. II y a des écoles séparées pour les enfants et les jeunes de chaque sexe, à l'exception des jeunes enfants âgés gens de moins de six à sept ans qui reçoivent l'instruction en commun. L'enseignement est confié à un instituteur principal qu'as- sistent deux sous-maîtres et deux troisièmes instituteurs; ceux-ci ont à leur tour pour assistants un certain nombre de moniteurs choisis parmi les élèves. L'enseignement comprend la lecture, l'écriture, le calcul et quelques notions de géographie et d'histoire du · Cuisiniers et aides Surveillants de salles. Chargés de la propreté des jeunes enfants. pays. Report. 280 8 5 3 OD 10 en 2 2 ∞ 4 2 8 Coupeurs de cheveux Employés dans les bureaux. Assistants à l'école . Élèves instituteurs Employés dans les greniers Charpentier. 1 Occupés à la réparation de l'établissement et du mobilier. 15 Servants et nettoyeurs. 21 Relieurs 2 Employés aux tourbières. Boulangers.. 2 Fréquentant l'école de jour. 314 Malades. 50 Infirmes et invalides. 31 Atteints de la gale 12 • Total. 764 • Couturières • B. - FILLES (population moyenne, 772). Employées aux champs. . Employées à la réparation des vêtements Employées à la fabrique Lavandières Surveillantes. • I n'est pas fait mention dans le programme du dessin linéaire. mais on nous a assuré qu'on faisait faire aux enfants quelques exercices gymnastiques. Il y a en outre une réunion de chant qui compte environ 70 enfants, et une petite harmonie de vingt-cinq instruments à vent, dont les progrès ne nous ont pas paru très-remarquables; mais il faut au moins tenir compte de l'intention. Les écoles ont été fréquentées, en 1849, par 1,624 en- fants, savoir : Écoles de jour. . Écoles du soir (332 garçons, 339 filles) Écoles du dimanche (110 garçons, 137 Gilles) Total.. 703 671 247 . 1,621 Chaque enfant a son livret sur lequel on inscrit: 4° ce qu'il gagne, 2° ce qu'il reçoit en dépense pour l'habillement. Il a y six classes pour l'habillement, suivant l'âge des enfants. Le coût de l'habillement pour chaque classe est représenté par une somme de 27 cents par semaine pour la 1re classe. 24 21 18 15 20 20 pour la 2e pour la 3º pour la 4c pour la se pour la 6º Multipliées par 52, ces sommes donnent le coût total et annuel de l'habillement pour chaque catégorie d'enfants. Ce prix est le même pour les garçons et les filles. Chaque enfant est crédité chaque semaine de la somme sus-indiquée, et débité de ce qu'il reçoit. S'il résulte de la balance un béné- fice, il lui est payé en monnaie coloniale; s'il y a au contraire un déficit, il est opéré une retenue équivalente sur sa masse de réserve. Le salaire hebdomadaire alloué aux enfants peut s'élever au maximum pour les garçons à 60 cents et à 30 cents pour les filles. La moitié de ce salaire est porté à la réserve et l'autre moitié remise à titre d'argent de poche. L'établissement comptait, lors de notre visite, 32 em- ployés de tous les degrés, non compris les médecins, le pharmacien et les ministres du culte qui partagent leurs ser- vices entre les trois établissements de Veenhuizen (1) : 1 directeur adjoint, dont le traitement est de 1,000 à 1,200 1. 2 sous-directeurs, 2 teneurs de livres, 88 8 24 500 à 600 16 365 114 23 9 surveillants de salle, y compris Filles de cuisine 40 l'infirmier, 275 • Infirmières 14 1 premier instituteur, 450 Gardes d'enfants 10 2 seconds instituteurs, 250 Chargées de la propreté des jeunes enfants B 2 troisièmes instituteurs, 150 Fille de magasin 4 Servantes et nettoyeuses. 22 1 boutiquier, 365 Fréquentant l'école de jour. 334 1 chef d'atelier, 365 • Malades. 70 Infirmes et invalides. 23 Atteintes de la gale. 15 Total, 772 (4) Il y a, pour les trois établissements de Veenhuizen, deux médecins et un pharmacien, deux ministres protestants, un aumônier catholique avec un prêtre assistant, et un rabbin israélite. 144 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. 1 surveillant agricole, dont le traitement est de. 2 chefs de culture, 1 berger-chef, 1 garde-magasin, 2 commis adjoints. 1 portier, 1 chef de police, 1 lingère couturière, 1 lavandière, 312 fl. 1845 1 décès sur 65.24 260 1844 1 47.18 208 1845 1 53.44 312 1846 1 34.62 156 1847 13.41 130 1848. 1 26.55 130 1849. 1 13.23 156 150 La dépense totale pour le personnel est donc de 9,795 fl (20,726 fr. 22 c.), sans compter les émoluments et la nour- riture accordés aux employés subalternes. Chaque employé supérieur a de son côté la jouissance d'un logement et d'un jardin où il cultive les légumes nécessaires à sa consom- mation. Parmi les dépendances de l'établissement, nous citerons la boulangerie, la buanderie, la dépense et le magasin d'ha- billements, qui sont tenus avec un ordre parfait, et la bou- tique où les enfants et les colons adultes peuvent acheter un supplément de nourriture et d'autres articles tarifés par l'ad- ministration. Les habitations de l'extérieur, adossées contre les murs de chaque côté du bâtiment principal, sont entièrement dis- tinctes de l'établissement des enfants; elles sont, comme nous l'avons déjà dit, occupées par des ménages d'ouvriers libres, d'indigents placés par les communes et de mendiants admis par faveur. Ces ménages travaillent pour l'établisse– ment et se nourrissent à leurs frais. Ils se procurent à cet effet les denrées nécessaires à la boutique de la colonie. Il y a, comme à la colonie libre, un conseil de discipline chargé de l'exécution du règlement d'ordre et de police, dont il est donné connaissance aux colons à leur entrée, mais qui n'est pas imprimé. L'infirmerie, commune pour les enfants des deux sexes, renferme néanmoins des salles séparées pour les garçons et les filles. Ces salles sont basses et mal aérées; elles sont garnies de lits en bois, et présentaient, lors de notre visite, un aspect peu satisfaisant. Les enfants atteints de la gale étaient couchés à trois sur un même grabat. Les maux d'yeux sont assez fréquents; on les attribue au mode de chauffage des salles de réunion à l'aide de poêles en tôle. On évalue, en moyenne, le nombre des malades à 4 ou 5 p. % de la population. Quant à la mortalité, voici un relevé dressé pour les dix-neuf dernières années : 1831 . 1 décès sur 20.88 1852 1 32.96 4833 1 29.55 1834 1 19.84 1835 1 22.82 1836. 1 40.06 1837. 1 27.50 1838 1 20.32 1839 1 51.50 1840 1 38.80 1841 1 35.95 1842 . 1 29.92 1 Le grand nombre de décès, en 1847, doit être attribué sans doute à l'état maladif et à l'affaiblissement des enfants admis pendant les années de disette. En 1849, sur 107 décès, Pendant toute la période, la moyenne de la mortalité annuelle y en a eu 54, ou la moitié, occasionnés par le choléra a été de 1 sur 31.76, soit un peu plus de 3 p %. il Nous avons dit que la sortie des enfants avait lieu d'ordi- naire entre dix-huit et vingt ans; elle est prononcée par le comité permanent, d'accord avec les autorités qui ont fait les placements. En 1849, 144 jeunes gens ont quitté l'éta- blissement de Veenhuizen; si l'on ajoute à ce nombre celui des enfants qui ont quitté les colonies en général, à l'excep- tion des mendiants, on a un total de 258 sorties. D'après le dernier rapport du comité permanent, publié en 1850, voici quel a été leur mode de placement : Entrés au service militaire. Ouvriers et artisans. Garçons et filles de ferme. Domestiques au dehors. chez des employés des colonies. Retournés dans leurs familles. Employés dans les colonies. Mariés. Position inconnue. · Garçons. Filles. TOTAL. 29 ༢ >> 29 11 11 29 3 32 15 81 94 ୬ 50 24 54 1 >> 1 6 16 22 9 Totaux. 4 15 128 130 258 Généralement, les enfants, peu après leur départ des colo- nies, sont perdus de vue. Il arrive aussi parfois que des enfants entrent dans les autres établissements coloniaux. après avoir quitté l'établissement qui leur est spécialement affecté. Nul patronage n'a été institué jusqu'ici pour leur venir en aide, et leur faciliter les moyens de se créer une position honnête et indépendante dans la société. Pendant leur séjour aux colonies, les garçons et les filles malgré l'espèce de lattis qui les sépare, sont en communica- tion presque constante; ils se rendent ensemble aux tra- vaux ; ils peuvent se voir et se rencontrer dans les cours; et cependant, au dire du directeur, jamais il n'est résulté d'in- convénient sensible de ce rapprochement. Il n'y a eu, depuis plusieurs années, que deux cas d'abus, et encore les coupa- bles étaient-ils des employés. Ce résultat est d'autant plus remarquable que, pour autant que nous avons pu le con- stater dans une visite assez rapide, et partant trop superfi- cielle peut-être, la surveillance laisse beaucoup à désirer. Le nombre des préposés ne nous a pas paru en rapport avec les besoins. Aussi les dortoirs ne sont-ils pas surveillés la nuit, et c'est là, selon nous, une source de graves dangers. Il y aurait peu à faire cependant pour élever la colonie PAYS-BAS. 148 COLONIES AGRICOLES. d'enfants de Veenhuizen au niveau de plusieurs établisse- ments analogues dans les pays voisins; les bâtiments sont, par exemple, disposés de manière à y faciliter l'introduction du classement et de l'organisation par familles, comme à la maison de refuge de Horn, près de Hambourg, et à la colonie pénitentiaire de Mettray. Le champ ouvert au travail et à l'apprentissage est pour ainsi dire illimité, et nous ne voyons pas pourquoi, dès l'âge de sept à huit ans, on n'emploie- rait pas les enfants à quelque occupation facile, tout en les envoyant à l'école pendant une partie du jour. Sur un nombre de 1,500 enfants environ, en 1849, nous avons vu qu'il y en avait 846, ou plus de 56 sur 100, entièrement inoccupés. Cette proportion est évidemment trop considéra- ble, et il importe, selon nous, de s'attacher à la réduire, si l'on veut que l'établissement réponde au but de sa création. IX. Colonie de Wateren. La colonie de Wateren est située à deux lieues environ de la colonie de Frederiks'oord, dont elle forme en quelque sorte le prolongement vers le nord-est. Sa création date de 1822. L'exploitation agricole comprend 65 hectares mis en culture, 3 hectares de taillis et de sapins de nouvelle venue, et une pépinière d'un peu moins d'un hectare. Il reste à défricher 1,500 hectares environ. Cet établissement avait été originairement destiné à former des employés et spécialement des contre-maîtres agricoles pour les colonies. Il Y avait là une pensée de progrès et un germe d'émulation qui eussent pu porter d'excellents fruits. Malheureusement ce projet a été abandonné aussitôt que conçu, et Wateren n'est plus aujourd'hui qu'une sorte de succursale de l'établissement d'orphelins de Veenhuizen, qui y envoie un certain nombre d'enfants qui se distinguent par leur bonne conduite et leur intelligence. La population de Wateren était, lors de notre visite, de 70 enfants. L'âge d'admission varie de quatorze à seize ans ; celui de la sortie est fixé d'ordinaire à vingt ans, comme à Veenhuizen. Le bâtiment occupé par les colons se compose d'un sim- ple rez-de-chaussée, où l'on a disposé deux dortoirs, dont l'un sert en même temps de réfectoire et de chauffoir, une salle d'école, le logement du sous-directeur et le bureau. Un bâtiment contigu sert de demeure au directeur adjoint, qui remplit en même temps les fonctions d'instituteur. La cuisine et la boulangerie occupent une sorte de hangar, à quelque distance du bâtiment principal. Les bâtiments d'exploitation comprennent une ferme, à laquelle sont annexées une étable, une grange et une ber- gerie. Le bétail se compose de 30 vaches, 20 veaux et génisses, 6 porcs et 900 moutons; il y a, en outre, 8 che- vaux pour les attelages et les transports. Les colons sont employés à l'agriculture et exécutent généralement tous les travaux de l'exploitation, sous la direction et la surveillance du sous-directeur, et avec le concours du fermier. Leur instruction est la même que celle des colons de Veenhuizen; seulement on y ajoute quelques notions élémentaires d'agriculture. Deux heures sont affec- tées, chaque jour, à l'école, lorsque le permettent les tra- vaux des champs; quand ceux-ci exigent, au contraire, l'assistance des colons, l'instruction se donne pendant la soirée, notamment en hiver. Il n'y a pas d'aumônier à la colonie : les colons, qui sont tous protestants, assistent le dimanche au service religieux dans l'église de Vledder, située à 1 ½ lieue de l'établissement. Le service médical se fait par le médecin de Frederiks’oord. 2 Voici quelle est, en règle générale, la division de la journée pendant la bonne saison : 5 heures, lever; 5 h.. déjeuner (tartines de pain de seigle et lait battu); 6 h., tra- vail; 11 h., retour des champs; 12 h., dîner (pommes de terre, légumes, lard ou viande, à raison de 5 décagrammes par tête et par jour); 1 à 3 h., école; 3 à 7 h., travail; 7½ h., souper (comme le déjeuner); 9 h., coucher. Les intervalles entre ces divers exercices sont consacrés à la récréation. 1/ Le coût de la nourriture est de 28 à 30 centimes par jour et par colon. Au surplus, le régime de la colonie de Wateren est à peu près le même que celui de l'établisse- ment d'orphelins de Veenhuizen. : Le travail des colons est évalué à 50 cents par jour, ou 3 florins par semaine sur cette somme, on leur alloue 25 cents comme argent de poche et 25 cents qui sont versés à la caisse de réserve. Le surplus des bénéfices est retenu par la Société à titre d'indemnité des frais d'entretien, de surveillance et d'enseignement. Le mode de culture et l'assolement ne diffèrent en rien de ceux qui sont généralement usités dans les colonies. Il y a à Groot-Wateren, dépendance de la colonie, située à une demi-lieue de l'établissement principal, cinq ménages qui occupent cinq petites fermes achetées avec la propriété. Le colon, chef de l'un des ménages, remplit les fonctions de surveillant. En résumé, la colonie de Wateren ne répond guère à l'idée que nous nous en étions formée avant notre visite; au lieu d'un institut modèle, pépinière de contre-maîtres, nous n'y avons trouvé qu'une école assez bien ordonnée, et une exploitation que rien ne distingue des autres grandes fermes des colonies. Les colons sont bien portants, propres, labo- rieux, mais leur sort n'est rien moins qu'assuré à leur sortie de l'établissement. Le but véritable de celui-ci nous échappe : pourquoi a-t-on placé à Wateren des orphelins plutôt que des adultes? Pourquoi a-t-ou abandonné le projet primitif d'y former des employés et des surveillants, et de stimuler ainsi l'émulation des jeunes colons en utilisant leurs apti- 19 146 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. tudes et en récompensant leur bonne conduite? Il y avait là un champ admirable ouvert à la bienveillance et à la charité intelligente, et nous ne pouvons renoncer à l'espoir d'y voir fructifier quelque jour la pensée qui a déterminé son occu- pation. Situation agricole. Les colonies, comme nous l'avons dit en commençant, ont été créées dans un double but : un but moral, le soulage- ment de la misère et l'extinction de la mendicité; un but matériel, le défrichement et la mise en valeur des landes et bruyères qui couvrent encore une partie notable du terri- toire des Pays-Bas. On a pu juger, par la description que nous avons donnée des divers établissements coloniaux, si le premier de ces buts a été atteint. Quant au second, on comprendra que nous devons nous imposer la plus grande réserve. Nous ne sommes pas agriculteur, et pour apprécier un système de défrichement et de culture qui a donné lieu à de longues et ardentes controverses, et qui, malgré les critiques dont il a été l'objet, continue à être suivi invariablement par l'admi- nistration des colonies, il nous faudrait des connaissances agronomiques qui nous font défaut. Cependant, il est cer- tains résultats qui permettent de soulever un coin du voile qui recouvre la vérité. Depuis l'origine des colonies jusqu'à ce jour, c'est-à-dire pendant une période de trente-deux ans, malgré les sommes énormes absorbées par l'agriculture, sur un nombre de 9,400 hectares environ qui composent les propriétés de la Société, on n'en comptait encore, au 31 décembre 1849, que 3,213 qui avaient acquis une plus ou moins grande valeur par le défrichement et la culture. Ces 3,213 hectares se répartissent de la manière suivante Terres labourables . 1,676 Prairies naturelles et artificielles. 204 Jardins potagers. 67 Jachère, vaine pâture pour le bétail. Terrains loués aux colons libres (vry boeren). Genêts. 602 47 427 Plantations, terrains laissés sans culture, mins, etc. che- Total. 190 3,213 Seigle Pommes de terre. Blé sarrasin. Avoine. L'œuvre du défrichement a été interrompue et presque abandonnée depuis plusieurs années; on se borne à quelques travaux qui peuvent être considérés comme insignifiants lorsque l'on considère l'immense étendue des terres qui restent encore à défricher. Il s'ensuit qu'une assez forte partie du capital primitivement engagé par l'acquisition des vastes propriétés des colonies reste morte et ne rap- porte aucun profit; il s'ensuit encore que la dette contractée par la Société, du chef de cette acquisition, doit natu- rellement s'accroître chaque année par l'accumulation d'intérêts qui ne sont compensés par aucune recette équi- valente. Ce ne sont pas les bras qui font défaut pour mettre ce capital en valeur, ce sont les engrais; or, les engrais pro- duits par les colonies sont déjà insuffisants pour la culture actuelle; chaque année il faut les compléter par des achats plus ou moins considérables de fumier à l'extérieur. L'ac- croissement du bétail pourrait être considéré comme le moyen le plus simple et le plus naturel d'étendre la pro- duction des engrais sur place; mais la direction de la Société considère ce moyen comme trop coûteux, et estime qu'il y a plus d'avantage et d'économie à continuer les achats au dehors. D'ailleurs, dans l'un comme dans l'autre système, l'acquisition et l'entretien du bétail ou l'acquisi- tion d'engrais exigeraient un capital roulant plus ou moins considérable, dont la Société ne peut disposer. Elle est ainsi forcément retenue dans un cercle vicieux, ployant sous le fardeau d'une dette considérable, sans possibilité de se créer les ressources qui pourraient l'alléger. Dans le remarquable Mémoire qu'il a adressé au dépar- tement de l'intérieur, le 20 mars 1849, M. l'ingénieur Kümmer s'est livré à une étude des plus intéressantes, et a donné les renseignements les plus complets sur la situation des colonies hollandaises au point de vue de l'agriculture. Ces renseignements se rapportent, entre autres, à la nature du sol sur lequel les colonies ont été établies, au mode de défrichement, au système d'assolement, à l'état et aux résultats de l'exploitation agricole en 1847 et en 1848. Nous faisons des voeux pour que ce travail soit publié, au par extraits. En attendant, il ne sera pas sans intérêt de donner ici quelques relevés postérieurs à ceux qu'a pu recueillir M. Kümmer et que nous empruntons au dernier rapport du comité permanent de la Société de bienfaisance, pour l'année 1849. moins I. - Produits agrícoles récoltés aux colonies en 1848 el 1849. 1849. QUANTITÉS RÉCOLTÉES. 14,674 hectol. 14,674 hectol. 86,109 1) MOYENNE DU PRODUIT PAR DECTARB. 18.03 hectol. 162.30 >> 1848. NATURE DES PRODUITS. QUANTITÉS RÉCOLTÉES. MOYENNE DU PRODUIT PAR HECTARE. • >> Orge d'été, de l'Himalaya. Paille de seigle, d'avoine et d'orge. Trèfle et foin.. Semences de genêts. (1) La charretée de paille (vim) est de 500 kilogrammes. 796.00 hectares. 16,988 hectol. 528.00 122.50 >> 111.50 >>> 74.50 61,946 2,165 4,314 2,037 >> >> >> >> 21.29 hectol. 117.00 >> 17.66 38.65 27.50 >> 842.00 hectares. 530.00 >> 124.00 >> 1,493 >> >> 141.00 >> 4,862 >> >> >> >> >> 70.00 >> 2.64 1,787 »> » 86.57 12.04 34.50 >> 25.56 >> 32.79 >> >> >> 308.00 >> 4,476 charr.(1). 2,279 kilog. 568,443 kilog. >> 1,845 >> 308.50 >> + >> » >> >> >> འ >>> 1,830 >> 11,608 >> >> >>> 5,018 charr.(1) 2,250 kilog. 563,885 kilog. 募 ​PAYS-BAS. 147 COLONIES AGRICOLES. II. — Produit de la culture maraichère en 1849. L'étendue des jardins est évaluée, pour toutes les colonies, à 67 hectares. Dans les colonies libres, le produit de chaque jardin par- ticulier peut être porté, en moyenne, à 15 florins; soit, 420 jardins, 6,300 florins. pour Dans les autres établissements coloniaux, on a affecté à la culture maraîchère 16 hectares 72 ares, qui ont produit en 1849 : 3,297 1/2 hectolitres. 183 >> D Carottes Choux-raves 122 >> Mangel-wurzel 15 Navels. 82 1/2 Betteraves. 12 Oignons Pommes Choux blancs. 812 >>> 86,011 kilogrammes. Choux de paysan 104,181 >> Haricots 23,185 >> Légumes divers 12,214 >> 2,150 49 fl. 60 c. >>> Chicorée Semences. Ces divers produits sont évalués à la somme de 17,457f. III. · Produit du bétail en 1848 et 1849. Au 31 décembre 1849, les colonies possédaient 116 che- vaux, 1,048 vaches, 15 génisses et 1,942 moutons. Le produit des étables en beurre et en lait a été : Nombre de vaches laitières. Beurre. Lait doux. Lait battu. Produit par vache, à raison de 1 kilogr. de beurre par 30 litres de lait. En 1848. 788 28,261 kilogr. En 1949. 823 33,230 kilogr. 671,133 litres. 459,503 >> 687,289 litres. 469,161 >> 66.90 kil. de beurre. 68.21 kil. de beurre. Le produit en fumier de chaque tête de gros bétail soumis au régime de stabulation continue, est évalué annuellement à trente charretées de 500 kilogrammes cha- cune. En partant de cette donnée, et en évaluant propor- tionnellement le produit en engrais des chevaux (40 char- retées), des moutons et des colons (3 charretées ou le dixième d'une tête de bétail), et finalement du genêt (60 charretées par hectare), on trouve que l'engrais fourni annuellement par les colonies est représenté par celui qu'auraient donné environ 2,200 têtes de gros bétail, soit 66,000 charretées. Le prix de la charretée peut être évalué, en moyenne, à 1 fl. 25 c., prix payé par la Société au dehors. Les 66,000 charretées représentent par conséquent une valeur de 82,500 florins. La fumure ordinaire d'un hectare, après le défrichement, est estimée à 60 charretées, soit 30,000 kilogrammes, dont le coût est de 75 florins. Il s'ensuit que l'engrais pro- duit dans les colonies est absorbé par la fumure de 1,100 hec- tares, et que le surplus nécessaire à la culture doit être acheté à l'extérieur. Les achats de ce genre peuvent s'élever à 30,000 ou 40,000 charretées annuellement, qui occa- sionnent une dépense de 37,500 à 50,000 florins. IV. Évaluation, en argent, des produits de l'agriculture, en 1848 et 1849. 1948. PRIX 1849. VALEUR QUANTITÉS. Seigle. Orge. • hectol. 16,988,642 DE L'UNITÉ. flor. 6 et 7 VALEUR TOTALE. QUANTITÉS. Avoine. Blé sarrasin. Pommes de terre. Foin. Id. Paille. Id. Légumes et semences.. Bétail, lait, beurre.. Produits divers . བ >> 2,045,885 4,313,887 4 flor. 101,974 34 >> 8,183 54 hectol. 14,673,597 PRIX de l'unité. flor. 5 TOTALE. flor. 73,367 98¹ 2 >> 4,786,74 4 7,146 96 » 3 }) 12,941 66 >> 4,862,386 བ 3 » 44,587 451 2 • 2,146,985 2,478,74 >> 57,849,77 kilogr. 8,754,5 >> સ 5 >> 10,734 921/2 >>> 1,471,08 n 5 >> 7,355 40 >> 2 >> 4,957 48 >> 34,681,515 >> 1 50 » 52,022 27 >> 1 50 86,774 651/2 » 51,428,845 » 51,428 8412 10 (les 500 kil.) >> >> 559,660,5 >> 9 >> 175 09 10,073 89 kilogr. 563,885 >> 8 (les 500 k.) » 9,022 16 >> >> >> >> >> K » 2,370,655,5 >> 4 }} >> 18,965 2442 » 2,314,800 >> 4 >> 18,518 40 >> >> >> » D >> 10,045 961;2 >> >> >> >> >> 14,725 48 >> >> >> བ བ >> >> >> 55,870 » >> >> }) >> » 56,160 >> >> >> 2,809 1012 >> }} >> 2,314 81 TOTAUX. flor. 323,505 89 Ces produits et ces valeurs correspondent à 1,957 hec- tares cultivés en 1848, et à 2,005 hectares cultivés en 1849. La valeur des produits par hectare peut donc être estimée à 165 fl. 30 c. pendant la première de ces deux années, et à 152 fl. 44 c. pendant la seconde. flor. 303,649 462 Les semailles, en 1848, ont été, par hectare, de 3 hec- tolitres pour le seigle, 1 hectolitre pour le blé sarrasin, 24 hectolitres pour les pommes de terre, 4 hectolitres pour l'avoine et 3 hectolitres pour l'orge. Dans les comptes généraux de 1849, les dépenses de 148 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. l'exploitation agricole sont évaluées à une somme totale de 483,844 florins, dont 324,817 florins pour salaires des colons, 92,778 florins pour achat et entretien du bétail, et 66,249 florins pour engrais et frais divers. Des renseignements qui précèdent on peut tirer diverses conclusions qui tendent à prouver que l'œuvre agricole entreprise par la Société de bienfaisance n'a pas répondu à l'attente et aux espérances de ses fondateurs. L'entreprise du défrichement a échoué. Nous en voyons la preuve dans l'interruption des travaux. Commencée sur une trop grande échelle et avec une déplorable précipi– tation, les ressources qu'on avait pu y affecter d'abord ont été vite épuisées. L'augmentation incessante et rapide de la population a emporté la Société au delà des limites que lui prescrivait la prudence. Les indigents qui lui arrivaient de toutes parts devaient être occupés à tout prix; lorsque l'agriculture leur a fait défaut, force a bien été de leur créer de nouvelles occupations. Il est arrivé ainsi que le but primitif des colonies a été perdu de vue en partie, et que l'industrie manufacturière acquiert chaque année une importance qui tend à modifier la nature de ces établis- sements. Il eût été à désirer qu'avant d'appliquer invariablement au défrichement une méthode dont l'expérience n'a pas con- sacré le succès, on eût procédé par voie d'essai. La colonie de Wateren avait été destinée d'abord à fonctionner comme institut d'enseignement agricole, comme ferme modèle et d'expérimentation. Nous avons vu que cette destination a été complétement abandonnée. La première organisation des colonies libres n'a abouti qu'à une déception. Leur but était de créer des colons indé- pendants, cultivant chacun leur petite ferme, possédant une couple de têtes de bétail, et payant à la Société un loyer qui l'eût indemnisée de ses avances. Mais on reconnut bientôt que des malheureux exténués par la misère, accoutumés à l'existence des villes, tisserands, tailleurs, cordonniers, bou- langers, etc., étaient peu propres à former des agriculteurs rangés, économes, intelligents. Les fermes étaient négli- gées, les produits étaient insuffisants pour l'existence des ménages, les vaches mal soignées maigrissaient, les baux n'étaient pas payés, et une ruine commune n'aurait pas tardé à envelopper toute cette population transportée à grands frais loin de ses foyers, si la Société, par une résolution énergique, n'eût conjuré le danger en modifiant compléte- ment le régime des colonies, et en transformant les colons libres en travailleurs salariés. Cet expédient sauva peut-être les colonies dites libres, mais il dénatura complétement leur destination primitive. Malgré l'étendue des terres défrichées et le soin apporté à exclure des assolements les plantes dites commerciales, les produits agricoles sont encore loin de suffire aux besoins de la consommation alimentaire. L'insuffisance des four- rages, du bétail et par suite des engrais, met obstacle à l'ex- tension de la culture, et condamne par conséquent la Société à recourir aux marchés du dehors pour compléter, à grands frais, ses approvisionnements. Enfin, si l'on compare les recettes et les dépenses de l'exploitation agricole, on constate une différence en déficit de 180,195 florins. Ce résultat final n'est rien moins que favorable, et fait ressortir, selon nous, la nécessité de cer- taines réformes qui ne peut échapper à la sagacité de la direction des colonies. XI. Situation industrielle. Les industries introduites dans les colonies peuvent se diviser en deux catégories principales : les industries ordi- naires, dont les produits sont principalement destinés à satis- faire aux besoins intérieurs, et les industries extraordi- naires, dont les produits sont spécialement destinés à être exportés. A. Industries ordinaires. Ces industries sont variées comme les besoins auxquels elles doivent satisfaire. La direc- tion de la Société a voulu que les colonies pussent, autant que possible, se suffire à elles-mêmes sans devoir recourir aux industries du dehors. Nous ne pouvons qu'applaudir à cette détermination qui a porté les meilleurs fruits, non-seu- lement en introduisant une notable économie dans les dé- penses, mais encore en procurant un moyen d'occupation aux colons impropres au travail des champs, et qui, appar- tenant à la population des villes, acquièrent ainsi des notions qu'ils peuvent utiliser à leur retour dans leurs foyers. Les industries dont il s'agit comprennent : 4. Le tissage d'étoffes diverses pour l'habillement et le coucher des colons. Le siége principal de cette industrie est dans les colonies libres; elle occu- pait, en 1849, 406 métiers répartis dans cinq dis- tricts. Ces métiers ont produit, cette même année, pour la consommation intérieure, 64,602 mètres d'étoffes, 552 couvertures de laine, et 9,996 mou- choirs de cou et de poche, bleus et rouges. 2. Le tricotage des bas et des chaussettes, auquel on emploie de préférence les jeunes filles. 3. La cordonnerie. 4. La couture et le ravaudage. 5. Trois forges où l'on fabrique tous les objets de ser- rurerie et les instruments aratoires. 6. Divers ateliers de menuiserie, de charpenterie, de charronnage. 7. Un atelier de tourneur où l'on confectionne les bou- tons et certains ustensiles en bois, tels que gamelles, cuillers, navettes, époules pour le tissage, etc. 8. Un atelier pour la fabrication des chaises, armoires et meubles divers. PAYS-BAS. — COLONIES AGRICOLES. 149 9. Deux ateliers pour la fabrication des seaux, cu- velles, etc. 10. Deux ateliers de sabotiers. 11. Deux corderies. 12. Un atelier de bourrelier et de confection d'harnache- ments pour les chevaux et les bœufs de trait. 13. Deux ateliers de vannerie et de confection de balais. 44. Un atelier de confection de peignes pour le tissage. 15. Un atelier de filature de fil à coudre. 16. Un atelier de ferblanterie, confection et réparation de lampes, lanternes, etc. 17. Une teinturerie. Bengale et qu'on se procure en Angleterre. Le siége prin- cipal de cette industrie est à la colonie de répression d'Om- merschans; elle occupe 160 métiers qui, en travaillant trois quarts de l'année, ont produit, en 1849, 445.242 sacs. La couture des sacs et la préparation des chaînes et des époules pour les tisserands emploient, indépendamment des tisse- rands, environ 500 colons des deux sexes. 3° La filature à la mécanique érigée à l'établissement de Veenhuizen n° 3. Cette filature est destinée à la fabrication du fil nécessaire aux métiers affectés au tissage des étoffes de coton. Elle a produit, en 1849, avec un travail de qua- rante-six semaines, 130,754 kilogrammes de fil. dont 48. Un petit chantier pour la fabrication et la réparation 75,000 kilogrammes pour trame et 55,000 kilogrammes des bateaux. 19. Divers ateliers de maçons, de peintres, de vitriers, selon les circonstances et les besoins. 20. Une vaste exploitation de tourbe, à laquelle sont employés les colons, et qui fournit tout le chauffage nécessaire aux divers établissements coloniaux et à la filature de coton. B. Industries extraordinaires. Ces industries n'ont été introduités dans les colonies que vers 1837, en vue d'ac- croître leurs revenus et de les aider ainsi à couvrir leurs dépenses. Par suite d'un marché conclu à cette époque avec le ministère des colonies, la direction de la Société s'est engagée à fournir et le gouvernement à prendre annuelle- ment, à un prix convenu, un certain nombre de pièces de coton et de sacs à café, qui sont expédiés aux Indes orien- tales par l'intermédiaire de la Société de commerce des Pays-Bas. La Société de bienfaisance a été investie ainsi d'une sorte de monopole qui, à certains égards, porte pré- judice à l'industrie particulière, exclue de la concurrence, sans qu'il soit possible d'apprécier jusqu'ici, faute de compte spécial et de documents suffisants, si les inconvénients insé- parables de ce mode sont du moins compensés par des bénéfices équivalents. Les industries dont il s'agit comprennent: vées 1º Le tissage d'étoffes de coton qui emploie 346 métiers, compris dans le nombre des 406 que nous avons déjà ren- seignés en faisant mention des industries ordinaires. Ces métiers ont produit, en 1849, 38,981 pièces d'étoffe, dont 32,291 ont été livrées pour l'exportation, et 6,690 réser– pour la consommation intérieure des colonies, comme ne réunissant pas les conditions spécifiées dans les contrats. On estime que chaque métier peut produire annuellement 113 pièces; les 346 métiers battants auraient donc dû don- ner 45,878 pièces. La différence entre ce chiffre et celui qui est indiqué plus haut représente un chômage de huit semaines, pendant lesquelles les ouvriers employés au tissage ont été occupés dans les champs. 2º Le tissage et la confection des sacs qui servent à trans- porter le café des Indes orientales, et dont la matière brute est la jute, sorte de jonc ou de plante textile qui croit au pour chaînes. Elle a absorbé pendant le même temps 72,655 tonneaux de tourbe. Toutes les industries, tant ordinaires qu'extraordinaires. ont occasionné, en 1849, une dépense de 327,573 florins pour achat de matières premières, et de 330,000 florins pour salaires des colons. Leurs produits, y compris ceux des boulangeries, sont renseignés au compte des recettes de la même année pour une somme globale de 702,640 (1. La balance de ces deux chiffres présente un déficit consi- dérable, dont nous n'avons pu trouver l'explication. XII. — Situation financière. —Recettes et dépenses annuelles. Emprunts, dettes, subsides. Les comptes annuels rendus par la direction de la Société de bienfaisance, tels qu'ils sont résumés dans les rapports publiés annuellement, sont trop peu explicites pour jeter une lumière bien vive sur la situation financière des colo- nies. De ces comptes, on ne peut induire ni le bénéfice net de la culture et des ateliers, ni le coût annuel de l'entretien des colons. Il en résulte seulement que la Société, malgré les subsides considérables que lui accorde le gouvernement, continue à se trouver dans l'impossibilité de payer les inté- rêts des emprunts qu'elle a contractés, et voit annuellement s'accroître le chiffre de sa dette flottante. Voici, au surplus, le résumé des comptes de l'exercice . de 1849, d'après l'analyse qu'en donne le comité permanent dans son rapport adressé à la commission de surveillance A. — Recettes. 1. Contributions des membres de la Société, dons, legs. 2. Subside du gouvernement pour l'entretien de 9,200 in- digents, mendiants et orphelins, conformément au nouveau contrat conclu en 1843. • Fl. 48,631 38 337,314 79 A reporter. 386,146 37 ? 150 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. Report. 3. Subside du gouvernement pour frais de transport et d'admission des mendiants et indemnité pour les • colons invalides. 4. Retenues opérées sur les salaires des colons à titre d'indemnité pour les frais d'entretien, rembourse- ment des dettes contractées par les colons et verse- nient à la caisse d'épargne et de sortie 3. Recettes des magasins pour fournitures aux divers services. 6. Recettes des fabriques, des ateliers et des boulangeries. 7. Recettes de l'exploitation agricole. 8. Loyers et recettes des propriétés de la Société hors des colonies. 9. Recettes diverses et extraordinaires. En argent. En nature Total. • Fl. C. 938,503 87 2,019,878 24 Total. . .2,958,382 12 B. - DÉPENSES. 1. Entretien et réparation des bâtiments, constructions nouvelles, achat de terrain 2. Exploitation agricole. Salaires des colons Frais divers, achat d'en- grais, etc. 3. Achat de semences, foin et denrées. 4. Achat et entretien du bétail. . 5. Fabriques et ateliers. Salaires des colons. Matières premières et frais divers. 6. Vêtements, literies, ustensiles, etc., fournis aux colons. 7. Trousseaux et équipement des mendiants et des indi- gents à leur arrivée. 8. Avances aux colons. 9. Avances à chaque colonie en particulier 10. Achat pour l'approvisionnement des magasins et des boutiques. 11. Exploitation des tourbières 12. Boulangeries. 13. Administration intérieure, personnel des employés. 44. Payement des épargnes faites par les colons et acquit- tées à leur sortie Fl. C. 356,146 37 163,740 46 523,941 88 ¹/2 935,191 80 702,610 94 1/2 247,489 16 1/2 3,107 20 1/2 26,154 29 2,958,382 12 FI. C. 58,487 93 1/2 324,817 04 1/2 66,249 03 295,822 33 92,778 02 1/2 329,264 371/2 198,309 20 1/2 154,449 37 1/2 25,153 35 207,853 58 1/2 295,940 33 1/2 408,138 23 55,193 97 144,989 50 1/2 70,978 18 1/2 21,301 75 45. Avances pour frais de transport des mendiants, à rem- bourser par le gouvernement 9,663 70 · 16. Supplément de solde aux vétérans, à rembourser par le ministère de la guerre 17. Service sanitaire et traitement médical 18. Dépenses diverses, placement de fonds, etc.... 19. Traitements des fonctionnaires et employés de l'admi- nistration centrale. . 20. Frais d'administration, de bureau, de route et de séjour. • 24. Rentes, intérêts, frais de négociation 20,959 31 12,033 34 36,704 45 1/2 23,660 41 7,615 18 99,733 76 Total.. 2,960,066 37 1/2 On voit que les recettes et les dépenses se sont balancées en 1849, sauf un léger déficit de 1,684 fl. 25, c. Mais on remarque aussi que cette année, pas plus que les précé- dentes, il n'a été pourvu au payement des intérêts, et à plus forte raison à l'amortissement des emprunts. Il est impossible de déduire du compte qui précède le coût de l'entretien annuel des colons; M. de Thury (1) l'évaluait, en 1840, à 141 francs; et M. Fabius, membre et trésorier du comité permanent de la Société de bienfai- sance (2), à 69 florins (145 fr.) en 1841. De son côté M. l'ingénieur Kümmer a calculé qu'il pouvait s'élever, en 1848, à 71 fl. 46 cents (151 fr. 20 c.). La moyenne de ces trois évaluations est de 145 fr. 73 c., ou 40 centimes. par jour environ. Ce taux est à peu près le même que celui que payent les communes pour l'entretien des indigents et des mendiants dans les dépôts de mendicité de Belgique. Nous ajouterons qu'il ne comprend ni les frais d'administra- tion générale, ni les intérêts des capitaux affectés au premier établissement des colonies. De ce chef il faudrait ajouter 40 ou 50 francs annuellement par tête, ce qui élèverait la dépense à 185 ou 195 francs pour chaque colon. Nous sommes loin, comme on voit, à ce taux, des calculs sur lesquels s'étaient basés les fondateurs des colonies. D'après ces calculs et aux termes des contrats passés dans l'origine avec le gouvernement, la Société de bienfaisance avait pris l'engagement de recevoir et d'entretenir indéfini- ment 9,200 indigents, mendiants et vagabonds, moyennant le payement d'une somme annuelle de 222,000 florins jus- qu'au mois de juin 1842; à dater de cette époque, toujours d'après les mêmes calculs, les produits des colonies, joints aux indemnités accordées pour les colons invalides et les trousseaux des entrants, devaient subvenir à tous les besoins. Mais déjà, dès 1831, la direction de la Société ne put se dissimuler que l'échafaudage sur lequel on avait essayé d'asseoir les colonies reposait sur le sable mouvant. A partir de cette époque jusqu'en 1842, date de l'expiration des payements à effectuer par le gouvernement, celui-ci dut venir plusieurs fois en aide aux établissements coloniaux ; dans l'intervalle, l'amortissement et le payement des intérêts des emprunts furent suspendus; et si le gouvernement, renonçant au droit que lui accordaient les contrats primi- tifs, n'avait conclu avec la Société un nouvel arrangement en 1843 et augmenté considérablement l'ancien subside, il est probable que, dès cette année, la Société eût été obligée de déposer son bilan, et de liquider son entreprise au grand détriment de ses créanciers. Depuis 1832 jusqu'en 1842, les avances et les subsides extraordinaires accordés par le gouvernement à la Société de bienfaisance, indépendamment du payement annuel des subsides ordinaires aux termes des contrats, se sont élevés (4) Annales de la Charité, t. I, p. 679. (2) De Maatschappy van Weldadigheid, p. 72. PAYS-BAS. 154 COLONIES AGRICOLES. : à 3,604,474 fl. 85 c. Dans cette somme figure une avance de 1,000,000 de florins pour l'extension des défrichements et l'érection de la filature de Veenhuizen. A la même date, c'est-à-dire en 1842, la Société était grevée, du chef d'emprunts non remboursés, d'une dette principale de 3,629,500 florins, savoir: A 5 ½ p. c. d'intérêt. 5 41/2 fl. 1,292,000 >> 1,595,000 >> 742,500 A cette dette principale, il faut ajouter un prêt particu- lier, fait par le prince Frédéric des Pays-Bas, de 288,000 flo- rins, ainsi qu'une dette flottante qui, au 1 avril 1848, s'était accrue jusqu'à la somme de 858,824 fl. 49 c. ог Depuis cette époque, malgré l'appui généreux et réitéré que lui a prêté le gouvernement (1), la dette de la Société est restée la même et représente la somme énorme de plus de 4,700,000 florins, dont les intérêts, sauf peut-être ceux de la dette flottante, ne sont pas acquittés. Par suite, ces intérêts s'ajoutent annuellement au capital, et doivent finir par constituer une charge dont il sera tout à fait impossible à la Société de s'acquitter, et qui doit tôt ou tard l'écraser sous son poids. D'après une évaluation faite en 1843, la valeur des pro- priétés qui constituent les colonies d'Ommerschans et de Veenhuizen est portée à. fl. 1,152,854 74 562,155 96 Les biens meubles sont évalués à. Total. >> >> 1,715,010 70 Ces propriétés, grevées d'ailleurs d'hypothèque au profit des créanciers de la Société, ont été cédées au gou- vernement en garantie de ses avances. Mais le gouvernement en a abandonné à son tour l'usufruit à la Société. L'ensemble des propriétés coloniales est porté à l'inven- taire du 31 décembre 1849 pour les valeurs suivantes : Immeubles (en propriété et usufruit). fl. 2,030,442 60 Meubles » 1,031,449 26 » 3,064,891 86 Cette somme forme un peu plus du tiers des dettes dont la Société est redevable soit au gouvernement, soit aux prêteurs particuliers, et dont la somme totale dépasse 8,300,000 florins (17,562,000 francs). Total. XIII. Conclusion. Nous nous sommes attaché, dans les pages qui précèdent, à donner une idée aussi exacte et aussi complète que pos- (4) Indépendamment des subsides indiqués ci-dessus, le gouvernement a accordé aux colonies, en 1846 et 1847, un subside extraordinaire de 240,000 flo- rins, et les chambres législatives ont voté, en 1848, une somme de 86,000 florins pour faciliter à la Société la reprise de ses payements aux fournisseurs, et dimi- nuer d'autant la dette flottante qui s'était accrue outre mesure. sible de la situation actuelle des colonies fondées par la Société Néerlandaise de bienfaisance. La pensée qui a pré- sidé à la création de ces établissements et le but que se sont proposé leurs fondateurs sont assurément dignes des plus grands éloges; grands éloges; mais malheureusement l'exécution n'a pas répondu à l'attente générale, et après trente-deux années d'existence, après des efforts et des sacrifices considérables. on en est venu à se demander comment il sera possible d'arracher les colonies à la ruine qui les menace. On a longuement discuté sur les causes de cette non- réussite. Si l'on écoute les partisans de ces établissements. elle doit être surtout attribuée à l'obligation où s'est trouvée la Société d'admettre un grand nombre d'invalides dont les bras n'ont pu être utilisés aux travaux préparatoires de défrichement; — à la déviation du but primitif de l'institu- tion; - au délai apporté dans la combinaison des tra- vaux industriels avec les travaux agricoles; enfin à l'absence prolongée de M. le général Van den Bosch, qui remplissait les fonctions de gouverneur général dans les possessions des Indes orientales, alors que sa présence aurait été surtout nécessaire pour guider l'administration des colonies intérieures, et l'aider à surmonter les difficultés inséparables d'une organisation difficile et compliquée. Sans nier l'existence et l'action défavorable de ces causes d'insuccès, on peut cependant poser en fait qu'elles n'eussent pas entraîné la chute des colonies si le mal n'avait été plus profond, et ne résidait dans le principe même de l'institu- tion et dans les calculs qui avaient présidé à son organisation et à ses développements. Que ces calculs étaient complétement inexacts, l'expé- rience l'a suffisamment démontré. La Société avait compté qu'à l'aide du payement d'une certaine somme pendant un certain nombre d'années, elle aurait été à même d'acheter les terrains, de les faire défricher, de construire les habita- tions des colons; ceux-ci devaient se suffire à eux-mêmes à l'expiration des contrats passés avec le gouvernement, les administrations communales et charitables. Or il est arrivé que la Société n'a pas tenu ses engagements, et il était facile de prévoir à l'avance qu'elle ne pourrait les tenir. La même expérience a été tentée en Belgique sous l'empire de cir- constances analogues, et l'on sait qu'elle a abouti à une liquidation déplorable, bien que le gouvernement et les administrations eussent rempli intégralement leurs obli- gations. Les payements annuels à effectuer en vertu des contrats devaient servir de garantie aux emprunts contractés pour la création des colonies. Ces emprunts ont été successivement émis sur une grande échelle, et comme il fallait, dès les commencements, satisfaire à ses engagements, il est arrivé qu'une partie du capital affecté aux frais de premier éta- blissement a été absorbée par les frais d'entretien et les dépenses courantes. La conséquence a été un accroissement. de la dette sans augmentation correspondante des valeurs. Que l'on ajoute le taux onéreux auquel a été émise une - 182 COLONIES AGRICOLES. PAYS-BAS. : partie des emprunts, les commissions extraordinaires qu'il a fallu accorder aux négociateurs, les achats à crédit et les payements à long terme inséparables de l'absence d'un capi- tal roulant suffisant, et l'on s'expliquera les embarras finan- ciers de la Société et l'obligation où elle s'est trouvée de recourir, à diverses reprises, à l'assistance du gouverne- ment pour échapper à une catastrophe imminente. Ce n'est pas tout l'œuvre du défrichement a été entre- prise d'après des errements et conformément à un système dont il est permis de contester à certains égards l'efficacité et l'économie. Au lieu de procéder prudemment, par voie d'essais successifs et variés, on a suivi invariablement et sur une grande échelle une règle uniforme. M. l'ingénieur Kümmer, dans le Mémoire que nous avons déjà cité, a suivi et démontré les conséquences vraiment déplorables de cette obstination: On a négligé les irrigations, les pâturages, le bétail et la production de l'engrais, pour recourir à un mode artificiel qui, après avoir englouti des sommes immenses, n'a abouti qu'à un résultat incomplet. Nous avons vu en effet que plus des deux tiers des propriétés des colonies sont encore à l'état de landes et de bruyères. C'est un capital mort dont cependant l'intérêt court chaque année sans aucune compensation. C'est en partie pour s'être trop hâté dans les commence- ments que l'on s'est vu forcé de faire ensuite une halte non moins fâcheuse que la précipitation première. L'œuvre de la colonisation aurait dû avoir, selon nous, deux périodes successives et bien distinctes: l'une préparatoire, l'autre définitive. Rien n'empêchait d'employer aux travaux prépa- aux travaux prépa- ratoires les indigents et les mendiants, mais, à cet effet, il eût fallu les organiser en brigades ambulantes et non les fixer sur le sol même qu'ils devaient se borner à disposer pour recevoir les cultivateurs proprement dits. Or ces cul- tivateurs, on les attend encore aujourd'hui ; après trente-deux ans, à peine vingt familles sont parvenues à se constituer aux colonies une existence indépendante à l'aide de leur propre travail et de leurs seuls efforts. Ce résultat ne vaut pas sans doute les nombreux millions absorbés pendant cette longue période. Mais si les colonies hollandaises ont failli, selon nous, au triple point de vue de l'extension des défrichements, de la question financière et de l'émancipation des colons, nous devons reconnaître qu'elles constituent un progrès véritable et un bienfait éminent lorsqu'on les compare aux anciens dépôts de mendicité et aux prétendus établissements de bien- faisance, où l'orphelin et l'enfant abandonné, emprisonnés entre quatre murailles ou livrés dès leur jeune âge à des maîtres mercenaires qui abusaient de leurs forces et ne tenaient aucun compte de leur éducation, étaient pour ainsi dire condamnés à accroître le nombre des misérables et à aller se perdre dans ce chaos de vices, de désordres et de crimes qui est une perpétuelle menace pour la société. Si le régime des colonies laisse à désirer à certains égards, et particulièrement sous le rapport de la moralisation et de l'éducation, du patronage et de l'organisation des travaux et de l'apprentissage, il n'est pas moins vrai que les colons Y sont soumis à une vie frugale, laborieuse, rangée, que l'on soigne leur santé et que l'on pourvoit à leurs besoins essentiels, tout en dépensant beaucoup moins que dans les anciens dépôts et généralement dans les hospices urbains (1) C'est parce que l'on rend, sous ce rapport, justice au régime des établissements coloniaux, que ces établissements se sont soutenus jusqu'ici malgré les embarras qui les assié- gent de toutes parts. Mais leur sera-t-il possible de prolonger cette existence embarrassée? Il est question depuis long- temps d'un arrangement à conclure avec les porteurs d'ac- tions et les créanciers de la Société, d'une conversion de la dette; mais jusqu'ici les négociations entamées à cet effet n'ont abouti à aucun résultat. Le gouvernement et la légis- lature paraissent peu disposés, de leur côté, à ajouter aux subsides anciens de nouveaux subsides. Dans cette situation. il est impossible de prévoir une solution favorable. La seule chance de salut serait peut être dans un remaniement com- plet de l'organisation et une réforme radicale du régime agricole des colonies: mais les administrateurs de la Société de bienfaisance semblent n'y avoir guère songé jusqu'ici: y auront-ils recours avant que l'heure de la chute ait sonné? C'est ce que l'avenir nous dira. (4) Dans l'ancien dépôt de mendicité de Hoorn, chaque mendiant coûtait annuel- lement 132 florins (324 fr. 16 c.); à Amsterdam, l'entretien annuel de chaque enfant, dans l'ancien hospice d'orphelins, était évalué à 112 florins (237 fr› ); celui des indigents, dans l'ancien atelier de charité, à 128 florins (270 fr. 83 c.); dans les hospices, abstraction faite des hôpitaux, il s'élève encore à 130 flo- rins (275 fr.). La moyenne de ces quatre chiffres est de 276 francs; or, nous avons vu que l'entretien annuel de chaque indigent aux colonies ne dépassait pas, en moyenne, 145 fr. 73 c. La différence est de 130 fr. 27 c. i VI BELGIQUE. ¿ Colonies agricoles, fermes-hospices, écoles agricoles de réforme pour les jeunes indigents, mendiants et vagabonds. A la suite des notices sur les colonies et les écoles agricoles de la Suisse, de l'Allemagne, de la France, de l'Angleterre et des Pays-Bas, il nous reste à faire con- naître ceux de ces établissements qui ont été créés en Bel- gique. Les essais faits à cet égard datent de deux époques sépa- rées par un assez long intervalle. La fondation des colonies agricoles de Wortel et de Merxplas-Ryckevorsel, dans les bruyères de la province d'Anvers, remonte à 1820; celle des fermes-hospices et des écoles de réforme est d'origine récente. Nous ne citerons que pour mémoire le pénitencier des jeunes délinquants à Saint-Hubert, où depuis peu on emploie un certain nombre d'enfants à la culture d'une quinzaine d'hectares de terre, loués à cet effet par l'éta- blissement, le dépôt de mendicité d'Hoogstraeten, où une partie des indigents et des mendiants reclus est occupée aux travaux agricoles, le dépôt de Reckheim, où l'on se propose de faire prochainement une expérience du même genre. Quant aux écoles d'agriculture établies depuis deux ans, et à la colonie agricole dont les bâtiments sont en construction sur le territoire de la commune de Lommel (Limbourg) (1), ces institutions se rattachent à une série de (1) Cette colonie comprendra: une chapelle, un presbytère, une école et trente petites fermes, à chacune desquelles seront annexés 4 hectares de terre. Elle formera le noyau d'une commune nouvelle. L'arrêté royal qui en a décrété la fondation porte la date du 24 novembre 1849. Les frais de premier établisse- | mesures spéciales qui ont surtout pour but de favoriser le progrès progrès agricole et de féconder le sol occupé par les bruyères de la Campine et du Luxembourg. Les institutions agricoles dont nous allons parler embras- sent en quelque sorte, dans leur variété, toutes les appli- cations possibles du principe de la colonisation aux œuvres de bienfaisance. Dans la colonie libre de Wortel, on a appli- qué ce principe aux familles indigentes, comme moyen de les arracher à la misère et de leur rendre l'indépendance; — on l'a étendu à l'établissement de répression de Merxplas- Ryckevorsel, comme moyen de correction et d'amendement pour les mendiants et les vagabonds adultes des deux sexes; dans les fermes-hospices, on l'expérimente en ce qui concerne les vieillards et les orphelins; — enfin, dans les écoles de réforme, on l'a adapté aux intérêts et aux besoins des enfants pauvres, vicieux et négligés, des orphelins moraux, comme on les appelle en Allemagne. Nous recher- cherons quelles ont été les causes de l'insuccès et de la chute des établissements anciens, et l'on pourra juger, par les renseignements que nous donnerons sur les établissements nouveaux, de leur degré d'utilité et des garanties d'avenir que présente leur mode d'organisation. ment seront imputés sur le crédit d'un million ouvert au Département de l'In- térieur, par la loi du 21 juin 1849, pour mesures à prendre dans l'intérêt des classes ouvrières, et notamment pour des améliorations agricoles et la colo- nisation intérieure. 20 154 COLONIES AGRICOLES DE WORTEL ET DE MERXPLAS. BELGIQUE. 1. — Colonies agricoles de Wortel et de Merxplas-Ryckevorsel. (Province d'Anvers.) Ces deux colonies furent fondées par une association par- ticulière, sous le patronage et avec le concours du gouver- nement des Pays-Bas; la Société de bienfaisance pour les provinces méridionales du royaume correspondait en tous points à la Société constituée, sous le même titre, en 1848, pour les provinces septentrionales. Ses opérations commen- cèrent, en 1822, par l'achat de 516 hectares de bruyères sous la commune de Wortel (province d'Anvers), et la con- struction de cent vingt-neuf petites fermes et de quatre bâti- ments centraux, qui formèrent les colonies libres n° 1 et 2 et qui furent destinées à recevoir un certain nombre de familles indigentes. En 1823, la Société entra en arrangement avec le gou- vernement pour la fondation d'un nouvel établissement agricole destiné à recevoir une partie de la population valide des dépôts de mendicité; un contrat fut passé, cette même année, pour l'admission de 1,000 mendiants à la colonie dite de répression. Le prix convenu pour frais d'en- tretien de ces 4,000 mendiants devait être payé tous les six mois à la Société, à raison de 47 fl. 50 c. par tête, soit 35,000 florins annuellement. Ce payement était stipulé pour seize ans, sans que la diminution du nombre des men- diants pût donner droit à diminuer le montant de la somme convenue. Après l'expiration de ces seize années, le gouver- nement devait conserver le droit de placer le même nombre de mendiants dans les établissements de la Société, sans devoir plus rien payer de ce chef. En conséquence de cette convention, la Société fit l'acqui- sition de 568 hectares de bruyères sous les communes de Merxplas et de Ryckevorsel, pour y établir sa colonie pour la répression de la mendicité; un vaste bâtiment, destiné à recevoir 1,000 mendiants, et quatre grandes fermes furent construits sur ce terrain, et commencèrent à être habités dans les derniers mois de 1825. L'acquisition des terrains des deux colonies qui sont contiguës, et qui ne formaient ainsi, à proprement parler, qu'un seul établissement avec deux divisions principales, eut lieu à raison de 30 francs environ par hectare; les fermes et les bâtiments de la colonie libre coûtèrent 152,000 francs; le dépôt, les quatre grandes fermes et les bergeries de la colo- nie de répression nécessitèrent une dépense de 198,000 fr. On peut donc estimer les frais de premier établissement des deux colonies à la somme totale de 382,000 francs. Le mobilier n'est pas compris dans cette somme; il était éva- lué, lors de l'inventaire dressé le 31 décembre 1831, à un peu plus de 70,000 francs. et pourvoir à l'entretien des colonies, furent puisées aux sources suivantes : 4° Elle contracta successivement plusieurs emprunts, s'éle- vant en total à la somme de 803,000 fl. (1,699, 470 fr. 90 c.). Sur cette somme, il a été remboursé, les premières années, 134,000 florins (283,597 fr. 88 c.); mais les rembourse- ments stipulés par les contrats furent suspendus en 1830, et le payement des intérêts, qui eut lieu partiellement jusqu'en 1832, fut également supprimé à partir de cette époque. Au 1º janvier 1837, la dette de la Société s'éle- vait à 1,908,084 fr. 23 c., savoir : 4 ог Dette principale. fr. C. 1,415,873 02 Intérêts arriérés des emprunts. Dù à divers créanciers. 427,063 50 65,147 71 Total. 1,908,084 23 Vers la même époque, la valeur des objets, tant immeu- bles que meubles, appartenant à la Société de bienfai- sance, ne figurait à l'inventaire que pour une somme de 992,894 fr. 41 c. Il s'ensuit que le déficit constaté au 1º jan- vier 1837 était déjà de 915,192 fr. 82 c. 2º La Société passa des contrats avec quelques adminis- colonies libres de familles indigentes et d'orphelins. Le pro- trations communales et charitables pour le placement aux duit de ces contrats s'élevait annuellement à 1,400 florins. 3º Elle organisa, avec le concours du gouvernement, une souscription parmi les habitants, qui s'éleva jusqu'à près de 150,000 francs annuellement dans les commencements, décrut jusqu'à 20,000 francs en 1836, pour cesser ensuite par les sous- entièrement. La totalité des sommes versées cripteurs, pendant cripteurs, pendant un espace de quatorze ans, de 1823 à 1836, a été de 1,086,000 francs environ. 4° Elle continua à percevoir pendant seize ans, jus- qu'en 1840, le subside annuel de 35,000 florins payé par le gouvernement pour l'entretien des mendiants à la colonie de répression. La totalité de ces subsides s'est élevée à 1,181,600 francs.. 5º Elle compléta enfin ses ressources à l'aide des produits des colonies, des récoltes, des ventes de bestiaux, des rete- nues faites aux colons, etc. En résumé, dans l'espace de quinze ans, de 1822 à 1836, les recettes de la Société de bienfaisance s'élevèrent à la somme de 4,389,939 francs, et ses dépenses à la somme de 5,108,857 francs. Pour faire apprécier l'étendue des charges et des res- sources des colonies, nous avons résumé dans le tableau sui- vant les renseignements que nous fournissent à cet égard les Les recettes de la Société, pour faire face à ces dépenses comptes généraux de ces établissements. BELGIQUE. 155 COLONIES AGRICOLES DE WORTEL ET DE MERXPLAS. NOMBRE DE COLONS SOMMES DÉPENSÉES RECETTES GÉNÉRALES ANNÉES. JOX faites aux LIBRES. RECLUS. COLONIES (1). COLONIES (2) fr. C. fr. C. 1822. 1823... 127 >> 82,326 97 >> >> Pour faire apprécier enfin la nature et l'étendue des tra- vaux exécutés aux colonies depuis leur origine, voici quelle était, en 1845, la division des 4,085 hectares composant l'exploitation : 406 >> 197,951 48 COLONIES 1824. 536 224,556 02 26,117 95 1825. 5.79 490 (3) 217,954 97 53,477 75 DE MERXPLAS. Hect. Ares. Cent. DE WORTEL. Hect. Ares. Cent. 1826. 565 846 346,949 10 119,527 78 Terres cultivées et jachères. 1827. . 532 899 • 357,172 61 107,253 70 Genêts 85 51 » 39 90 59 46 از 50 1828 550 774 306,127 57 116,390 72 1829. .. 565. 703 369,548 02 208,515 49 Sapinières Pépinières 179 13 >> 226 92 >> • 90 ར 30 1830. . 546598 269,542 25 143,520 04 Bois taillis เร 29 >> 2 29 1851. .. 517 465 111,803 17 69,861 01 LIBRES. fr. C. DE RÉPRESSION. fr. Terrains båtis ou l'ayant été. Bruyères et chemins. 4 66 >> 4 42 >> 255 26 60 242 1 C. 1832. 480 412 62,521 26 1833. 317 342 81,048 83 31,637 52 27,193 87 59,784 87 34,076 24 Totaux. 568 65 60 48 05 516 37 05 1834. 303 255 98,926 18. 17,556 31 20,941 19 1835. 282 239 258 77,550 30 17,161 07 79,694 50 19,225 42 1836... 272 20,278 14 28,274 26 On voit que les recettes provenant de l'exploitation agri- cole des colonies ont successivement décru depuis 1831; s'il y a eu une certaine augmentation en 1836, cela tient à des causes étrangères à la gestion habituelle de l'établisse- ment, et probablement aussi à l'admission de locataires indépendants de la Société de bienfaisance, dont le nombre, y compris les femmes et les enfants, s'élevait, le 1er jan- vier 1837, à 138 personnes. Il est fort difficile, pour ne pas dire impossible, de déter- miner d'après les données qui précèdent, les seules que nous ayons pu nous procurer, le coût réel de l'entretien des le coût réel de l'entretien des colons, soit à la colonie libre, soit à la colonie de répression. Nous trouvons seulement que la moyenne annuelle de la population des deux colonies s'est élevée, pendant la période de 1832 à 1836, à 632 individus, et a occasionné annuellement une dépense d'environ 208 francs par tête, ce qui fait ressortir le taux de la journée à 56 centimes au lieu de 40, qui est le prix ordinaire de la journée d'entretien des indigents valides dans nos dépôts de mendicité. Remar- quons, en outre, que cette dépense ne comprend pas le payement des intérêts, interrompu depuis 1830; en ajou- tant celui-ci aux frais ordinaires d'entretien, la journée se serait élevée à plus de 80 centimes. Mais il faut tenir compte, d'un autre côté, de la réduction du nombre des colons, qui a augmenté d'autant la part de chacun dans les frais généraux de l'établissement. (4) Dans ces sommes ne sont pas compris les appointements des employés supérieurs, les frais de bureau de la commission permanente, les assurances contre l'incendie, les payements faits directement par la commission perma- ncate; elles ne comprennent que les fonds remis au directeur pour le service courant des colonies. (2) Les recettes se composent, outre la valeur des produits récoltés, du pro- duit des bestiaux, de la boulangerie, de la boutique, des retenues faites aux colons, etc. (3) Pendant les quatre derniers mois. | Ainsi, dans les deux colonies, les terrains cultivés et vraiment productifs n'ont pas dépassé 125 hectares ; 40 hectares étaient plantés en genêts, 406 hectares en sapins; et les bruyères occupaient encore, plus de vingt ans après leur création, 500 hectares environ, soit près de la moitié de la propriété. Ce seul fait explique en grande par- tie l'élévation de la dépense; il reste prouvé que la culture n'a jamais été en rapport avec le chiffre de la population, que l'entretien de celle-ci a dû dépendre dès lors de res- sources extérieures, et que les produits des colonies n'ont pu y contribuer que dans une faible proportion. Lorsqu'il s'est agi de fonder les colonies, il y avait, il nous semble, de graves questions à résoudre avant de mettre la main à l'œuvre. Il importait d'examiner si les frais de l'entreprise n'auraient pas dépassé ses bénéfices probables : préalables de défrichement, d'irrigation, etc., avant d'appe- s'il n'était pas nécessaire de faire opérer certains travaux préalables de défrichement, d'irrigation, etc., Ìer une population nombreuse sur un sol incapable encore de fournir à l'alimentation de ses nouveaux habitants; — si la direction des nouveaux établissements ne devait pas être attribuée à l'État, au lieu d'être abandonnée à une associa- tion particulière. Nous ne savons si ces questions et d'autres encore ont été agitées; mais l'expérience a prouvé qu'au lieu d'agir avec une sage prudence, au lieu d'avancer atteindre plus sûrement le but proposé, on précipita les solutions avec une ardeur et une promptitude qui témoignent assurément du zèle des promoteurs de l'éta- blissement colonial, mais qui entraînèrent malheureusement les plus déplorables conséquences. lentement pour On fut séduit par l'apparence de prospérité des colonies hollandaises; on crut pouvoir imiter un essai comme on aurait profité d'une expérience acquise par un succès lon- guement constaté. L'exploitation fut donc entreprise sur une vaste échelle; on partagea le terrain avec une régularité toute géométrique, d'après un plan tracé dans le cabinet, sans aucun égard pour la qualité des terres. Chaque lot de trois hectares et demi eut sa ferme, et chaque ferme fut construite de la même manière, cut la même dimension, • 156 COLONIES AGRICOLES DE WORTEL ET DE MERXPLAS. BELGIQUE. comme si toutes les familles de colons admis devaient jus- | tement être composées d'un nombre d'individus proportionné à l'uniformité des lots et des habitations. pas Le résultat de cette manière de procéder était facile à prévoir isolées à l'extrémité du pays, sans moyens de communication et de transport, les colonies nouvelles durent nécessairement manquer d'engrais suffisants pour une exploi- tation d'une aussi vaste étendue, et de débouchés pour l'écoulement régulier de leurs produits. Aussi avons-nous vu que la totalité des terres mises en culture n'avait dépassé 125 hectares, et que près de la moitié des terrains affectés aux colonies était restée absolument stérile. Un grand nombre de fermes, construites à grands frais, parti- culièrement dans la colonie libre n° 2, ne furent jamais habitées, soit à cause de la mauvaise qualité du sol sur lequel elles avaient été établies, soit à cause du manque de colons. Soixante-huit de ces fermes ont été successivement démolies ou sont tombées en ruine, et le capital qu'elles représen- taient a par conséquent été complétement perdu. Quelques familles, égales ou inférieures en nombre, pou- vaient, ou par une plus grande aptitude aux travaux des champs, ou par plus d'activité et de zèle, être plus capables d'exploiter une grande ferme que les autres; la possibilité et l'espoir de passer d'une ferme plus petite à une plus grande eussent été un stimulant et une récompense pour toutes les familles. La règle d'uniformité adoptée pour la répartition des lots fut une occasion de calamité pour les colons incapables ou paresseux, et enleva une source puis- sante d'émulation aux colons plus aptes et plus laborieux. Mais ces inconvénients n'étaient rien encore à côté des inconvénients résultant de l'admission aux colonies de familles qui, arrivant des villes, ignoraient les travaux de l'agriculture et n'étaient pas habituées à la vie réglée des champs. Au commencement de l'établissement des colonies libres, chaque famille de colons était indistinctement admise à culti- ver les trois hectares et demi de terre qui entouraient son habitation, et en retirait à son profit la moisson et le four- rage pour la nourriture de deux vaches et des moutons que la Société lui fournissait, lors de son admission dans ses établissements. Elle fournissait aussi tout ce qui pouvait manquer à ces familles, tant pour leurs vêtements et leur subsistance que pour la nourriture de leur bétail. Ces avances étaient portées au compte du chef de la famille, et, comme on devait s'y attendre, elles occasionnèrent une dette énorme qui augmentait chaque jour, et qui devait entraîner la ruine de la Société, sans qu'elle fût parvenue, malgré d'énormes sacrifices, à atteindre le but bienfaisant qu'elle s'était proposé. Il résulta donc de l'erreur faite dans le mode d'admission des colons libres une dépense considérable pour la Société, sans aucun bénéfice réel pour les colons: le bétail qui leur était confié périssait faute de soins et de nourriture; leur terrain était mal cultivé, malgré la surveillance qu'exerçait à cet égard la direction des colonies. Enfin, le méconten- tement général aurait peut-être causé de grands désordres dans ses établissements, si la Société ne s'était rendue, en 1828, à l'avis du capitaine Van den Bosch, inspecteur des colonies, en remédiant aux vices d'administration qu'une expérience chèrement acquise avait fait découvrir, et en suivant, autant que possible, pour les colonies libres, le système plus avantageux introduit dans la colonie répression de la mendicité. pour la D'après ce changement, le bétail, dont l'entretien cau- sait particulièrement la dette considérable des colons libres, fut repris par la Société et placé dans des étables com- munes, à des distances calculées de manière à diviser les engrais nécessaires aux différentes parties du terrain; on employa les colons à la journée, sous les ordres de la direc- tion, pour tous les travaux des champs. Chaque famille de colons libres gagnait ainsi de 3 à 7 florins par semaine et même quelquefois plus, à proportion du nombre de per- sonnes qui composaient la famille; les récoltes appar- tenaient à la Société, et servaient à approvisionner ses magasins. C'est dans ces magasins et dans les boutiques établies par la Société que les colons se procuraient ce qui était nécessaire à leur nourriture, à leur habillement, et géné- ralement à tous leurs besoins. Les colons émancipés seuls ne furent pas compris dans la nouvelle organisation, et continuèrent, comme auparavant, à diriger leurs fermes d'après leurs propres connaissances, à leurs risques et périls. Mais les obstacles contre lesquels ils eurent à lutter furent tels que plusieurs familles qui avaient obtenu l'émancipa- tion furent obligées de rentrer sous la direction des colo- nies; déjà, en 1832, il n'en restait plus que quatre qui n'avaient pas succombé sous le poids de ces difficultés. Les principaux avantages que l'on retira de cette modifi- cation apportée au principe constitutif des colonies libres consistèrent en ce que les colons ne firent plus de dettes, que les terres furent mieux cultivées, et les vaches et les moutons convenablement nourris et entretenus. Mais si, d'une part, on obtint ainsi une amélioration relative, de l'autre la Société se mit dans l'impossibilité d'atteindre le but primitif de son institution. En astreignant les familles des colons à se faire journaliers pour un temps illimité, sans espoir d'avenir, on s'exposa à éteindre chez elles l'esprit d'émulation, l'attachement à la. propriété individuelle, le désir de l'améliorer et de l'embellir, qui seuls peuvent donner au cultivateur la force de surmonter les obstacles et le désir de persévérer dans son pénible travail. Arrivé à la colonie avec l'espoir de devenir fermier et indépendant, le colon dut se résigner à rester ouvrier et dépendant; la seule différence entre sa position et celle du mendiant reclus fut qu'il demeura en famille et fit lui-même son petit. ménage, tandis que les reclus habitaient ensemble sous le même toit, et qu'on pourvoyait pour eux à leur entretien. Le système de culture des terres en commun a toutefois BELGIQUE. COLONIES AGRICOLES DE WORTEL ET DE MERXPLAS. 187 eu en lui-même les meilleurs résultats, et certainement il eût porté des fruits encore plus complets, s'il n'avait été adopté trop tardivement et s'il avait été combiné avec un mode d'encouragement convenable. Cet encouragement, on l'eût trouvé dans la participation des colons aux bénéfices de la culture, et dans la faculté qui leur aurait été offerte d'ac- quérir par leur travail une part légitime dans la propriété des colonies qu'ils auraient contribué à féconder. Cet exposé rétrospectif nous éclaire sur les causes de la décadence des colonies libres. Enveloppée dans le même système financier, subissant inévitablement le contre-coup des embarras qui assiégeaient ces derniers établissements, la colonie de répression lutta vainement jusqu'en 1840, épo- que à laquelle cessa le subside que le gouvernement s'était engagé à payer pour un terme de seize ans; elle succomba sous le poids de sa dette accumulée depuis l'origine de la Société. Il résulte, pensons-nous, des renseignements qui pré- cèdent, que la chute des colonies belges aurait probablement été prévenue si l'établissement de la colonie de répression avait précédé celui des colonies libres; la dépense eût été beaucoup moindre, les ressources du terrain eussent été mieux étudiées, et ce n'est qu'après avoir opéré les premiers travaux de défrichement, d'irrigation, de plantation, etc., à l'aide des colons reclus, que l'on aurait dû appeler succes- sivement un certain nombre de familles libres à participer à la culture et à la propriété du domaine colonial. Les fermes, dans cette hypothèse, n'eussent été construites qu'au fur et à mesure des besoins, et après avoir consulté les convenances des colons; les emprunts successifs eussent été strictement limités aux nécessités actuelles, et leur amortissement eût été garanti par la création de valeurs immédiates et assu- rées. Rien n'aurait été abandonné au hasard, et les colonies agricoles anversoises, au lieu de ne présenter qu'une ruine à jamais regrettable, auraient probablement pris le dévelop- pement et atteint le but que voulaient leur donner leurs fondateurs. Dès 1830, l'attention et la sollicitude du nouveau gou- vernement se portèrent sur les colonies. M. l'inspecteur général des établissements de bienfaisance, chargé de la surveillance de ces établissements, les visita à diverses. reprises, et proposa un plan de réorganisation à l'effet d'assurer leur existence, en réduisant leurs charges. et en augmentant leur utilité. Une réunion de la commission permanente de la Société de bienfaisance eut lieu à ce sujet, le 13 juillet 1832, au Ministère de l'Intérieur, sous la présidence du Ministre; mais la commission ne se crut pas munie des pouvoirs nécessaires pour adopter le plan proposé. Cependant le gouvernement insista, entama une correspondance avec la direction des colonies, et provoqua une seconde réunion le 19 octobre 1833. Un projet nou- veau fut présenté à l'assemblée ; il contenait la proposition 1º D'un arrangement avec la Société, ou plutôt avec ses créanciers, pour la cession des colonies ; : ་ 2º Des modifications à apporter, de commun accord, à la destination et au mode d'administration de ces établisse- ments. Le premier parti fut jugé impraticable, à cause de l'in- terruption des rapports directs avec la Hollande, où rési- daient les principaux créanciers; il fut par conséquent abandonné. Le second n'était qu'un palliatif au mal signalé. Il repo- sait sur la plupart des idées et des vues déjà présentées en 1832, et que la commission permanente ne s'était pas cru le pouvoir d'adopter; il n'eut donc pas plus de résultat. que le premier. En 1840, après la cessation du payement du subside de 33,000 florins, stipulé dans le contrat passé avec la Société de bienfaisance, le gouvernement s'occupa des moyens d'ac- quérir les propriétés coloniales, en s'entendant à cet eſſet avec les principaux créanciers de la Société; diverses esti- mations furent faites, d'après lesquelles la valeur des bâti- ments et des terres fut évaluée, en moyenne, à la somme de 400,000 à 425,000 francs. Le gouvernement était dis- posé à traiter sur ces bases; mais, après de nombreux pour- parlers, l'accord ne put s'établir, et, en 1846, les propriétés de la colonie, vendues publiquement, furent définitivement adjugées au prince Frédéric des Pays-Bas, principal créan- cier de la Société. A partir de cette époque, toute trace de l'établissement colonial, qui avait été érigé à si grands frais et qui avait entraîné chaque année des dépenses si considé- rables, disparut sans retour; les terres ont été divisées et louées à divers fermiers; quant aux bâtiments, nous igno- rons ce qu'ils sont devenus. Tel est l'historique sommaire des colonies agricoles créées en Belgique à l'instar des colonies hollandaises, d'après les plans de M. le général Van den Bosch. Il prouve que les causes qui ont entraîné l'insuccès et la chute de ces éta- blissements ne sont pas essentiellement inhérentes au prin- cipe même de la colonisation des bruyères, qu'elles sont dues à des circonstances défavorables, à des fautes et à des accidents indépendants de l'action et de la volonté du gou- vernement issu de la révolution de 1830. Celui-ci employa au contraire tous ses efforts et tout son zèle pour soutenir les colonies, pour assurer leur avenir; il continua jusqu'à la fin le payement d'un subside considérable, sorte de don gratuit, puisqu'il excédait de beaucoup la dépense réelle du petit nombre de colons reclus à Merxplas, et que la garantie des avantages futurs que devait assurer ce payement avait entièrement disparu. Si les colonies n'ont pas été sauvées. c'est qu'elles ne pouvaient pas l'être; elles ont succombé comme succomberont inévitablement et prochainement peut- être les colonies néerlandaises, à moins le que gouverne- ment ne consente à prolonger ses sacrifices et à combler indéfiniment les déficit, ou que l'on ne procède à une réorganisation complète et radicale des établissements colo- niaux. * 158 FERMES-HOSPICES DES DEUX FLANDRES. BELGIQUE. II. Fermes-hospices des deux Flandres. Les fermes-hospices sont d'origine récente, mais les pro- grès qu'elles font incessamment dans les Flandres appellent à juste titre l'attention des hommes qui se préoccupent sérieusement des moyens d'améliorer le sort des popula- tions rurales. L'idée sur laquelle repose cette institution est très-simple. Au lieu de répartir et d'éparpiller les ressources des bureaux de bienfaisance et d'encourager souvent ainsi le désordre et l'oisiveté, on a pensé qu'il y aurait à la fois avantage et éco- nomie à affecter une partie des ressources dont disposent ces bureaux à la création d'asiles modestes, où les vieillards, les infirmes, les orphelins, les enfants abandonnés pour raient être reçus moyennant certaines conditions. La pre- mière de ces conditions est de contribuer par leur travail et dans la mesure de leurs forces et de leurs aptitudes à la dépense de leur entretien. Or le vieillard, l'infirme, inca- pables de subvenir à leur existence dans l'état de faiblesse et d'isolement où ils se trouvent, peuvent cependant encore se livrer à quelque occupation facile et peu fatigante; le labou- reur à moitié perclus n'a pas désappris à manier la bêche et la faux ; la ménagère, malgré ses infirmités, est à même de rendre une foule de petits services dans un ménage bien. ordonné l'enfant, à son tour, peut leur venir en aide en profitant de leurs leçons et de leur expérience. Grâce à cette assistance mutuelle, les inconvénients de l'isolement et l'im- puissance de l'âge et de la faiblesse disparaissent pour ainsi dire; l'esprit de solidarité reconstitue de ces débris épars une famille nouvelle. Pour apprécier l'influence bienfaisante de ce nouveau principe introduit dans l'exercice de la charité rurale, il importe de se rappeler les abus qui naguère encore exis- taient dans plusieurs communes des Flandres, et qui malheu- reusement ne sont pas entièrement extirpés. Les vieillards, les infirmes, les orphelins, étaient mis en pension chez des particuliers, et pour obtenir les conditions les moins oné- reuses pour l'administration on avait recours à l'adjudication on avait recours à l'adjudication publique pour régler le prix d'entretien de chacun de ces malheureux. « Ces adjudications, dit M. le commissaire de l'arrondissement de Roulers-Thielt (1), se faisaient à peu près de la même manière que la location ou la vente d'un objet mobilier ou d'un animal domestique. Les amateurs, appelés par les moyens de publicité ordinaires, assistaient très-nombreux à cette opération. Les pauvres qu'il s'agissait de mettre en pension subissaient une sorte d'exhibition pu- blique: chacun était admis à supputer les charges résultant (1) Rapport général présenté, en exécution de l'article 138 de la loi du 30 avril 1836, à la députation permanente du conseil provincial de la Flandre occidentale, par le commissaire de l'arrondissement de Roulers-Thielt (M.Van Damme). 1846. de chaque infirmité et des profits à tirer des forces qui res- taient à chaque sujet. Souvent la mise à l'encan avait lieu au milieu des observations les plus révoltantes, et l'adjudi- cation définitive était l'objet de plaisanteries ou d'immorales félicitations, selon que l'affaire était jugée avantageuse ou mauvaise les assistants. Les indigents mis ainsi en pen- sion étaient, pour la plupart, exposés à un traitement plus dur que les plus grands criminels dans les prisons le moins bien organisées. » par Ces abus monstrueux se reproduisent dans quelques com- munes de la Flandre orientale, où ils sont dénoncés en termes non moins énergiques. « Lorsque certaines com- munes, dit M. l'abbé V***, dans une lettre adressée au Dé- partement de l'Intérieur, ont des orphelins à placer, on le fait savoir publiquement, et, au jour fixé, la pauvre créa- ture, juchée sur une table ou un tonneau, est exposée à l'inspection des amateurs accourus pour la louer à un prix misérable et trop souvent dans un but d'immorale spécula- tion. L'enfant, après avoir été visité comme un cheval de réforme ou un nègre esclave, est mis à prix, et le taux de l'adjudication est déterminé d'ordinaire d'après des calculs basés sur sa constitution et le bénéfice qu'on espère pouvoir en retirer en le formant à la mendicité. <«< L'enfant malade, accepté pour un prix de 3 ou 4 francs par mois, ne peut pas évidemment être soigné comme il le devrait, alors surtout que l'on sait que sa mère adoptive doit se livrer à des travaux qui absorbent tout son temps. Dans ce cas, le petit infortuné est abandonné seul au logis ou confié à la garde d'un autre enfant un peu plus âgé, mais qui est tout à fait incapable de pourvoir à ses besoins et de lui prê- ter assistance. Aussi arrive-t-il souvent des accidents irre- médiables, et la mère adoptive, en rentrant le soir au logis, n'est jamais sûre de trouver en vie la frêle créature confiée à ses soins intéressés. Si sa santé résiste au contraire, le but proposé est atteint; l'enfant grandit, se fortifie, et il est bientôt à même d'aller mendier ou marauder, et de fournir ainsi son contingent au ménage. Élevé de la sorte, au sein de la misère, de l'oisiveté et du vice, que devient cet infor- tuné? Un être nul, ayant très-souvent des mœurs dépravées, et dont l'existence n'est plus qu'un fardeau ou une menace pour la société. » Ces faits déplorables ne peuvent malheureusement être niés, et dans une occasion récente, lors de la discussion de la loi sur les dépôts de mendicité (2), un honorable repré- sentant de Gand, M. d'Elhoungne, s'écriait à son tour: <«< Savez-vous, messieurs, comment on pourvoit dans beau- coup de communes des Flandres à l'entretien des enfants. pauvres, des enfants abandonnés? On les fait venir le jour de l'an sur la place publique, on les y expose, on les y étale, et on en fait l'objet d'une espèce d'adjudication publique : celui qui se charge de les nourrir et de les entretenir au meilleur marché est déclaré adjudicataire pour une année. » (2) Séance de la Chambre des Représentants, du 2 mars 1848. BELGIQUE. 159 FERMES-HOSPICES DES DEUX FLANDRES. Ce mode barbare d'assistance trouvait, sinon son excuse, du moins son explication dans la pénurie des ressources de plusieurs communes. Or, pour le supprimer, il n'y avait qu'un moyen possible: c'était de prouver par des faits patents, irréfutables, qu'il n'en coûtait pas plus pour sou- lager efficacement un vieillard, un orphelin, que pour débarrasser en quelque sorte au rabais. Cette preuve, on la trouve dans l'institution des fermes-hospices. s'en Chacun de ces hospices est une espèce de métairie; le travail agricole est fait par les vieillards et les orphelins; généralement les produits récoltés suffisent aux besoins de l'alimentation. Le service intérieur de la ferme, de la basse- cour et de l'étable, est abandonné aux femmes; les vête- ments sont en grande partie confectionnés dans la maison. En un mot, chaque hospice est en quelque sorte une petite colonie agricole exploitée par une association de vieillards et d'infirmes, s'aidant l'un l'autre, chacun dans la mesure de ses forces, sous la direction de quelques surveillants ou plus souvent de quelques sœurs de charité. D'après les renseignements que nous devons à l'obli- geance de M. Van den Berghe, commissaire de l'arrondis- sement de Thielt-Roulers (Flandre occidentale), il existait, au 1er janvier 1851, quatorze fermes-hospices dans cet arrondissement. Le tableau qui suit indique, pour chacun de ces établis- sements, le nombre de pensionnaires, celui des personnes préposées à la direction, ainsi que le prix de la journée d'entretien : DÉSIGNATION des FERMES-HOSPICES. NOMBRE D'INDIGENTS habituellement entretenus. BERSH PERSONNES composant la DIRECTION. 20 10 ང ་ ་ 210 21 PRIX de la journée d'entretien. Centimes. 25 20 12 52 12 que les exploitations ne soient pas plus étendues. Pour s'expliquer le taux si minime de la journée d'entretien, il faut savoir que les fermes-hospices ne payent d'ordi- naire ni fermages ni contributions; la plupart de leurs pen- sionnaires sont encore capables de faire quelque travail: ils labourent à la bêche, fument, ensemencent, sarclent les terres; ils filent et bobinent le fil, tissent la toile; leur nour- riture se compose de lait, de pommes de terre, de légumes. de seigle, de lard, tous produits de la culture et de la ferme. Leurs vêtements sont d'étoffes grossières, fabriquées et confectionnées dans les établissements. A ces ressources viennent s'ajouter d'ordinaire les bénéfices des écoles et des ateliers d'apprentissage, que dirigent les sœurs, les dons de personnes charitables, etc. La plupart des fermes-hospices de l'arrondissement sont des établissements communaux, créés par les bureaux de bienfaisance ou avec leur concours. A l'exception des hos- pices d'Ardoye, de Meulebeke et de Ruysselede, qui sont des institutions purement privées, chaque établissement est dirigé par une commission administrative nommée le conseil communal. aussi par Dans la Flandre orientale, les fermes-hospices tendent se multiplier, et dans ce moment encore il y en a plusieurs qui sont en voie d'organisation. A défaut de rensei- gnements officiels à cet égard, force nous a été de puiser à des sources particulières. M. H. Kervyn, inspecteur des écoles primaires de la province, et M. A. Lippens, bourg- mestre de Moerbeke, ont bien voulu nous communiquer des notes précieuses sur ces établissements, qui nous mettent à même d'apprécier dans leurs moindres détails leur organisa- tion et leurs résultats. Généralement, les fermes-hospices de la province doivent leur origine à la charité privée, mais sous diverses formes. 40 Dans quelques communes, telles que Beveren, Melsele, Ertvelde, Saint-Laurent, Destelbergen, ces fondations ont été exclusivement l'œuvre de particuliers, qui ont érigé les bâtiments de leurs propres deniers. Dans d'autres communes, à Sinay, Stekene, Moerbeke, etc., ce sont les bureaux de bienfaisance qui ont fait construire les locaux, à l'aide du produit de souscriptions et de dons particuliers. Ailleurs enfin, on a réalisé une partie des biens des bureaux pour parfaire les fonds nécessaires aux constructions. Partout, avant de mettre la main à l'œuvre, on a fait des quêtes fruc- tueuses chez les habitants aisés; les paysans ont fait les cor- vées, telles que le charroi des matériaux, etc. Religieuses. Laïques. Ardoye. Gits 55 5 42 Hooglede. 70 4 >> Ingelmunster. 64 >> 3 Ledeghem. 36 >> Lichtervelde. 92 8 >>> Meulebeke 102 20 >> 16 Moorslede. 160 10 20 Oostnieuwkerke. 54 >> 2 Ouckene. 35 >>>> 20 Pitthem 96 7 Ruysselede 60 7 >> 20 Rumbeke. 82 4 Staden. 75 3 Wacken. 19 Westroosbeke 30 Totaux. 1.052 71 ︽ ANN 12 2 ༣ ཌ >> 14 17 11 11 25 18 22 Moyenne. 20 L'hospice de Lichtervelde a environ 5 hectares de terres à labour, qui sont exploitées par les indigents. C'est, sous ce rapport, l'hospice le plus considérable de l'arrondisse- ment. Dans presque tous ces établissements, on nourrit à l'étable 2 ou 3 vaches; mais généralement il est à regretter સે Les commencements ont été d'ordinaire très-modestes : on a réuni d'abord quelques indigents dans une maison appartenant au bureau de bienfaisance; ces indigents ont été employés aux travaux communaux ; puis on a pris un champ en location pour y planter des pommes de terre, et peu peu on a étendu la culture. Le but de l'institution s'est des- sinė ainsi successivement, et lorsqu'il a été bien fixé, on a compris la nécessité de locaux appropriés à leur destina- tion, d'une direction et d'une marche régulières. 160 FERMES-HOSPICES DES DEUX FLANDRES. BELGIQUE. Les éléments dont se compose la population des fermes- hospices varient selon les localités. En règle générale, on y place en première ligne les vieillards et les infirmes; dans la plupart on admet en outre les orphelins; lorsque les ressources le permettent, on y ajoute les malades et les incurables. Sous l'empire de l'ancien usage du placement en pension chez des paysans, les vieillards coûtaient de 70 à 440 francs l'an; les orphelins âgés de trois mois à huit ou neuf ans, 40 à 60 francs, et jusque quatorze ou quinze ans, 20 francs. Les malades recevaient des secours temporaires qui s'élevaient de 30 à 75 centimes par jour, outre le traite- ment médical et les médicaments. Il faut ajouter à ces pen- sions une part dans les distributions de vêtements. Dans les fermes-hospices, l'excédant des dépenses sur les recettes provenant de la culture, du travail, etc., divisé par le nombre de pensionnaires, fait ressortir, en moyenne, pour chacun de ceux-ci, la journée d'entretien depuis 9 jusqu'à 20 cen- times. La différence entre ce taux et celui des pensions payées anciennement constitue l'économie du système système nouveau. Mais arrêtons-nous un moment à cette face de la question: c'est en interrogeant minutieusement le bilan des ressources des fermes-hospices que nous pourrons nous rendre compte des moyens à l'aide desquels on est parvenu à y réduire la journée d'entretien à un taux aussi bas, de telle sorte que l'institution se résume en une économie notable tout en améliorant le sort des indigents et en assurant l'avenir des orphelins. Comme nous l'avons dit, la plupart des fermes-hospices ont été érigées au moyen de donations en terres et en bâtiments faites au bureau de bienfaisance; quelques-unes possèdent en outre un revenu provenant de legs. Leurs res- sources ordinaires se composent des subventions des bureaux de bienfaisance, qui sont généralement peu élevées, des produits de la culture qui fournit à la plus grande partie de la consommation, et subsidiairement des produits et des bénéfices du travail industriel. Celui-ci embrasse la prépa- ration du lin, le tissage dans quelques établissements, et la fabrication de la dentelle ou la confection des fleurs (plat) pour l'application dite de Bruxelles. Les pensionnaires de l'hospice ne sont pas seules occupées à cette fabrication; ordinairement une école dentellière pour les filles pauvres de la commune est annexée à l'établisse- ment. Le prélèvement sur le travail ou les rétributions scolaires suffisent pour couvrir, du moins en grande partie, les frais de nourriture et d'entretien du personnel dirigeant l'hospice. En outre, quelques établissements ont une section primaire ou une école adoptée pour les filles pauvres. La subvention du budget scolaire, les rétributions des élèves solvables grossissent dans ce cas le revenu annuel de l'hospice. On trouve enfin une dernière ressource dans la pension que payent des fermiers ou des artisans retirés qui prennent une chambre à l'hospice et y apportent leurs épargnes. Ils sont en général d'un grand secours dans la | direction des travaux des champs ou des ateliers sédentaires de l'institution. La différence que l'on remarque dans le taux de la journée d'entretien des divers hospices dépend en grande partie d'une différence correspondante dans les éléments de revenu que nous venons d'énumérer. Mais généralement la combi- naison de ces ressources permet de réduire la journée d'en- tretien à un taux qui met toute commune à même, sans s'imposer des charges nouvelles ou trop onéreuses, de rem- placer l'ancien système de secours par un établissement utile, vraiment bienfaisant et favorable aux intérêts physi- ques et moraux de la classe indigente. Les fermes-hospices reçoivent des indigents des deux sexes, qui sont classés dans des quartiers séparés. Une aile est d'ordinaire affectée à chaque sexe. Chaque quartier se compose généralement, au rez-de-chaussée, d'un atelier de travail, d'un réfectoire, d'une salle pour les infirmes, d'une cuisine, d'un parloir, d'un cabinet et d'une chambre de bain; au premier étage, de dortoirs distincts pour les enfants, les valides et les infirmes. Les chambres des sur- veillantes, la lingerie, etc., occupent le centre de l'édifice. La nourriture est saine, suffisante, et équivaut à celle des ouvriers de la campagne. Le matin, les pensionnaires reçoivent du thé et du lait, ou de la chicorée bouillie avec du lait, et deux ou trois tartines (pain beurré) de seigle et parfois de froment; à midi, des pommes de terre bouillies, à discrétion, un potage et de la viande les jours de fête; le soir, du lait avec de la farine de sarrasin ou du pain. L'eau est l'unique boisson. Si l'ouvrage auquel ils sont employés est fatigant, on ajoute à l'ordinaire des travailleurs un repas supplémentaire et plus substantiel. Les malades reçoivent les aliments qu'exige leur état. Les vêtements sont de toile en été, et en hiver d'une espèce de molleton de coton. Les étoffes dont ils se compo- sent sont le plus souvent fabriquées et confectionnées dans l'établissement. Le coucher comprend une paillasse, un matelas en balle d'avoine, des draps de lit et une ou deux couvertures de coton, selon la saison. Presque toutes les fermes-hospices sont dirigées par des sœurs religieuses; l'indemnité qu'on leur accorde est de 50 à 75 centimes par jour, outre la nourriture, le logement et parfois aussi l'habillement. Dans les petits établissements, ce mode de surveillance entraîne des frais assez considérables. car les sœurs doivent toujours être au moins au nombre de deux, ce qui occasionne une dépense de 450 à 500 fr. l'an. Un chef de culture est attaché à chaque établissement : tantôt il est choisi parmi les pensionnaires, tantôt c'est un cultivateur qui entre à l'hospice en y apportant un petit pécule, sous condition d'être revêtu de l'emploi dont il s'agit. Ailleurs on a recours à des ouvriers valides qui sont engagés à la journée et dirigent les pensionnaires. Presque toujours un ou deux membres du bureau de bienfaisance sont spé- cialement délégués par leurs collègues pour diriger l'ensem- ble des travaux et donner les ordres nécessaires. BELGIQUE. 161 FERMES-HOSPICES DES DEUX FLANDRES. La culture est divisée d'ordinaire en deux parts; une moitié de l'exploitation est destinée aux céréales d'hiver, l'autre au lin, aux pommes de terre, au trèfle, au sarrasin. La rotation est de sept ans, comme règle; on la modifie selon les besoins et la quantité d'engrais dont on peut dis- poser. Les carottes et les navets sont toujours en récolte dérobée dans les terres à seigle et après la récolte du lin. On cultive les betteraves dans les coins perdus; il en faut toujours plus ou moins, et c'est une précieuse ressource dans les hivers rigoureux où les navets sont exposés à se geler. Aux renseignements généraux qui précèdent, nous pen- sons qu'il ne sera pas sans intérêt d'ajouter quelques détails particuliers concernant les fermes-hospices auxquelles se rapportent les notes qui nous ont été communiquées par M. Kervyn. 1. Ferme-hospice de Waerschoot. Cet établissement, construit depuis une douzaine d'années, est vaste et bien distribué. Il a reçu une existence légale par l'arrêté royal du 13 mai 1840. Sa population sédentaire se compose de 155 individus, vieillards, infirmes, orphelins des deux sexes, idiotes, ouvriers sans travail. L'école primaire et dentellière qui y´est annexée compte 90 élèves admises gratuitement; il y a en outre un certain nombre d'élèves solvables, et une école spéciale française pour les enfants de la bourgeoisie. L'établissement est dirigé par des sœurs de Saint-Vincent-de- Paul. Il a une exploitation de 9 hectares, et possède 1 che- val, 10 vaches et 7 à 8 porcs. Les hommes sont employés la plupart aux travaux agricoles; les femmes cousent, filent de l'étoupe et des déchets de laine; les orphelins tissent du calicot et de la cotonnette, les orphelines sont occupées à la dentellerie et à la ganterie. Grâce à cette variété d'occupa- tions, l'hospice n'a jamais de chômage, et ses profits sont assez considérables. La moyenne de la journée d'entretien est de 75 centimes pour les malades admis temporairement, de 20 centimes pour les vieillards, de 15 centimes pour les orphelins et de 10 centimes pour les orphelines. Neuf à dix appartements sont loués à des fermiers retirés. C'est un éta- blissement remarquable sous tous les rapports. 2. Ferme-hospice de Belcele. Organisé depuis peu d'années, cet hospice est dirigé par les sœurs maricolles. Il appartient à la commune. Sa population est de 41 individus, orphelins, orphelines, vieillards et infirmes; il exploite 3 hectares 20 ares, appartenant au bureau de bienfaisance, plus 1 hectare 30 ares pris en location au prix de 1 07 francs. Cette culture de 4 hectares 50 ares est considérée comme insuffisante, à cause surtout de la médiocrité des terres. Le bétail se compose de 3 vaches, 2 génisses et 2 porcs. La commune accorde un subside annuel de 1,800 francs, soit 44 francs par an, ou 12 centimes par jour pour chaque indi- gent. L'école, tenue par les sœurs, est adoptée pour l'ensei- gnement primaire des filles du village. Le travail embrasse la culture des terres, le soin de l'étable, la couture, la fabri- cation de la dentelle. 3. Ferme-hospice de Beveren. Cet établissement, d'une grande étendue et construit avec un certain luxe, a coûté une somme considérable, évaluée à 150.000 francs; la dépense a été couverte par le curé de la commune, au moyen de son patrimoine et de dons particuliers. C'est une fondation privée; sa direction est confiée à une commission dont le curé est président. 10 religieuses et 3 domestiques sont respectivement chargés des diverses branches du ser- vice. La population se compose de 6 pensionnaires payants, 83 vieillards des deux sexes, 46 infirmes, 4 orphelins et 6 idiots; total 109 individus. L'exploitation comprend 2 hec- tares 35 ares dans l'enclos de l'hospice et 15 hectares au dehors, dont une partie appartient à l'hospice et l'autre est louée. Il y a 10 vaches, 3 génisses, 5 porcs et 2 chevaux. Les indigents sont employés à la culture, à la ferme, à la ganterie, à la dentellerie. Une école de dentellières, annexée à l'hospice, est devenue une source de profits. En vertu d'une convention faite avec le bureau de bienfaisance, les malades de la commune sont reçus et traités moyennant 25 centimes par jour; la pension des vieillards, des infirmes et des orphelins, est fixée à 60 francs par an (16, centimes par jour). 4. Ferme-hospice de Nieuwkerken.-Ce bel établissement, qui appartient à la commune, est dirigé par les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. Il donne asile à 72 indigents, orphe- lins, orphelines, vieillards, infirmes et malades temporaires. Son exploitation agricole est de 6 hectares de bonnes terres : il possède 5 vaches, 2 génisses et 4 porcs. Les travaux embrassent la culture, la préparation du lin, la couture et la fabrication de la dentelle. Les sœurs ont une école pri- maire non subsidiée pour les filles et une école dentellière. Le prix de la journée d'entretien est, en moyenne, de 18 centimes. Fondée par le 5. Ferme-hospice de Ruppelmonde. bureau de bienfaisance, cette institution est dirigée par 3 sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, sous la surveillance d'une commission nommée par le conseil communal. Sa popula- tion se compose d'éléments très-divers : elle comptait, au commencement de 1854, 33 vieillards et 5 orphelins des deux sexes, 11 infirmes, 3 idiots, 1 épileptique, 11 ouvriers sans travail (5 hommes et 6 femmes), et de plus un nombre variable de malades. Son exploitation est de 3 hectares 20 ares; elle est considérée comme insuffisante. Le bétail se compose de 3 vaches laitières et de 3 porcs. Les labours se font à tour de rôle par les fermiers de la commune, qui, par compensation, sont exemptés alors des corvées ou tra- - vaux communaux de l'année. Le travail embrasse la culture. la préparation du lin, là dentellerie, la couture, le tricot et le tissage pour les besoins de la maison. Les malades étran- 21 t 1 162 FERMES-HOSPICES DES DEUX FLANDRES. BELGIQUE. gers à la commune sont admis à l'hospice moyennant le payement d'une journée de 4 franc. Nous ignorons le prix de la journée d'entretien pour les habitants de l'hospice, qui, du reste, est dirigé avec beaucoup d'ordre et d'éco- nomie. 6. Ferme-hospice de Sinay. Cet établissement, récem- ment organisé, appartient au bureau de bienfaisance. Il donne asile à 43 indigents, orphelins, orphelines, vieillards et infirmes; il est dirigé par 2 sœurs maricolles, sous la surveillance d'une commission. L'exploitation a 4 hectares, mais on se propose de l'étendre prochainement. Le bétail se compose de 3 vaches, 1 génisse et 2 porcs. La culture, la préparation du lin et la dentellerie forment la base du travail. La journée d'entretien est de 21 à 22 centimes: on a l'espoir fondé de la réduire à 15 centimes dès cette année. 7. Ferme-hospice de Lokeren. Ce petit hospice, fondé par son directeur actuel à l'aide de ses propres ressources et de dons particuliers, est spécialement destiné aux orphe- lins de père et de mère; ceux-ci toutefois ne sont admis que s'ils sont valides et aptes au travail; les valétudinaires et les infirmes sont entretenus à l'hôpital de la commune. La population de l'établissement est, en moyenne, de 35 garçons. Il est dirigé par des frères de l'ordre de Saint- Dominique, au nombre de 12, y compris le directeur. Ces frères se répartissent entre eux les divers emplois de la manière suivante 2 instituteurs, anciens élèves de l'école normale de Saint-Nicolas, 1 tailleur, 1 cordonnier, 1 tisse- rand, 2 préposés à la cuisine et à la surveillance de l'inté- rieur; les autres sont attachés à la culture. On n'exige pas de dot des novices; il suffit, pour être admis, qu'ils connais- sent un métier susceptible d'être utilisé dans l'établissement. L'étendue des terres cultivées par celui-ci est de 5 hec- tares 28 ares, y compris un potager de 33 ares. Le bétail se compose de 5 vaches, 5 veaux et génisses, et 3 porcs L'apprentissage se fait dans l'établissement et à son profit. Les orphelins échappent ainsi aux dangers du placement chez les artisans, comme cela a lieu dans plusieurs villes, et notamment à Gand. 5 orphelins cordonniers travaillent pour l'hospice ou sur commandes pour les cordonniers de la localité; cet atelier est une source de bénéfices; il emploie pour 700 à 800 fr. de cuir annuellement. 3 autres orphelins exercent le métier de tailleur; ils confectionnent les trousseaux des élèves et les habits des frères. - 8 tisserands fabriquent toutes les étoffes employées dans l'hospice et tissent des cotonnettes pour les fabricants du dehors. - Les enfants les plus jeunes font les époules. Le surplus de la popu- lation est occupé à la culture, au jardinage et à la ferme. L'école primaire de l'hospice est adoptée pour les enfants pauvres de la commune; celle-ci lui accorde de ce chef une subvention de 600 francs par an. Cette subvention suffit à l'entretien des deux frères instituteurs qui ne coûtent rien ainsi à l'établissement principal. Il s'ensuit que les orphelins reçoivent l'instruction sans frais. Ceux qui sont en âge de travailler ont deux heures, et les autres cinq heures de leçon par jour. Indépendamment des produits de la culture qui consti- tuent la principale ressource de l'établissement, et des béné- fices du travail industriel, l'hospice a encore quelques recettes provenant de l'assistance aux services funèbres et des dons particuliers. L'exploitation agricole suffirait sans doute à l'alimentation de sa population, si le lin, que l'on cul- tive sur une échelle assez large, ne prenait la place des pommes de terre; il en résulte que l'on doit acheter chaque année 200 à 300 hectolitres de ce tubercule. 14 orphelins sur 35 sont à charge du bureau de bienfai- sance, qui paye de ce chef une pension de 27 centimes par jour et par enfant; ce payement n'a lieu que jusqu'à la douzième année accomplie; après cet âge les orphelins res- tent gratuitement à l'hospice jusqu'à dix-neuf ans. Leur placement à leur sortie est toujours assuré. 8. Ferme-hospice de Stekene. Cet établissement a été créé récemment par le bureau de bienfaisance de la com- mune; les constructions ont coûté environ 30,000 francs. La distribution est bien entendue pour la séparation des diverses catégories de pensionnaires; ceux-ci sont au nom- bre de 73, dont 26 orphelins et orphelines, et 47 vieillards des deux sexes; on compte parmi ces derniers une quinzaine d'infirmes et 2 idiots. L'hospice est dirigé par deux filles laïques sous la sur- veillance d'un fermier bienfaisant de la commune, qui fait les labours et les charrois avec ses attelages. L'exploitation comprend 7 hectares admirablement cultivés; elle possède 4 vaches, 2 génisses et 3 porcs. Les pensionnaires sont employés aux travaux agricoles, à la préparation du lin, à la filature, à la fabrication de la dentelle et à la couture. La journée d'entretien ne revient qu'à 10 centimes, taux payé par le bureau de bienfaisance pour chaque indigent. Mais il est à présumer que cette charge n'est réduite de la sorte que grâce aux dons particuliers qui viennent en aide à l'hospice. 9. Ferme-hospice de Zele. - Ce bel établissement appar- tient, comme le précédent, au bureau de bienfaisance. Sa gestion est confiée à un directeur ecclésiastique assisté de 10 sœurs de charité, sous la surveillance d'une commission. Sa population était, au 1 janvier 1851, de 111 individus, savoir 26 orphelines, 26 vieillards, 28 vieilles femmes, 27 malades, 2 idiots et 2 aveugles. Les orphelins n'y sont pas admis. or L'exploitation agricole se compose de 4 hectares 60 ares de terres labourables, 40 ares de prairie, 55 ares de potager: total 5 hectares 55 ares. Elle possède 6 vaches, 2 génisses et 2 porcs. Les orphelines font de la dentelle, tricotent, cousent pour BELGIQUE. 165 FERMES-HOSPICES DES DEUX FLANDRES. le ménage; leur instruction religieuse est confiée au direc- teur, leur instruction primaire à l'instituteur communal. Les vieillards sont employés à la culture, au serançage, au tissage; l'un d'eux est menuisier, deux sont jardiniers. Les vieilles femmes sarclent, soignent l'étable, filent, etc. La journée d'entretien s'est élevée, en 1850, à 35 cen- times pour les vieillards, à 75 centimes pour les malades et à 40 centimes pour les orphelines. Le budget de la même année porte en recettes, 14,367 fr. 69 c., et en dépenses, 14,360 fr. 70 c. Le revenu fixe de l'établissement n'est que de 40 francs; la subvention payée par la commune est de 11,000 francs; le surplus reste à charge du bureau de bien- faisance. En 1850, il y a eu 120 malades en traitement; 86 sont sortis guéris, 30 sont décédés. Les malades étrangers à la commune sont reçus moyennant 1 franc par jour. Le taux élevé de la journée d'entretien, qui dépasse de beaucoup celui des autres établissements du même genre dans la province, résulte de l'insuffisance de la culture et de l'absence d'une école d'externes. 10. Ferme-hospice de Saint-Laurent.-Cet établissement, construit à grands frais, sur des proportions colossales, par une dame très-riche de la commune, contient à la fois un pensionnat et une école dentellière. Il pourrait recevoir au besoin 300 pensionnaires, et son étendue dépasse par con- séquent de beaucoup les besoins de la commune où il est situé. Sa population indigente s'élève à 89 individus, dont 6 vieilles femmes et 83 orphelins placés par le bureau de bienfaisance de Gand. 6 ouvriers et 8 servantes sont pré- posés à la culture et aux travaux intérieurs du ménage. Il y a un directeur ecclésiastique et 9 sœurs de la charité. 9 hectares de terre sont annexés à l'hospice, qui possède 8 bêtes à cornes et 7 porcs. Les orphelines font de la dentelle et autres ouvrages de mains. L'école dentellière pour externes compte 78 apprenties. Le pensionnat a 25 jeunes filles internes de treize à dix- huit ans, appartenant à la classe des fermiers aisés. Le prix de la pension est très-modique. L'instruction est à la fois scolaire et professionnelle. Les élèves sont occupées à la couture, au ménage, à la basse-cour, à la laiterie, etc La journée d'entretien des indigents est de 14 centimes pour les habitants de la commune, et de 25 centimes pour les étrangers. 11. Ferme-hospice de Saint-Gilles. La population de cet hospice, qui appartient au bureau de bienfaisance, est de 79 personnes, vieillards, infirmes, orphelins, idiots des deux sexes. (Moyenne des trois dernières années, 74.) 3 sœurs de la charité sont préposées aux divers services, sous la direction d'un homme bienfaisant de la commune, qui donne gratuitement ses soins à l'établissement depuis une vingtaine d'années. La culture est de 4 hectares 30 ares; le bétail se compose de 4 vaches et 3 porcs. Les indigents sont employés, selon leurs forces et leur aptitude, aux travaux agricoles, au jardinage, à la manipulation du lin, au tricot, à la couture, à la fabrication de la dentelle et au ménage. La journée d'entretien est de 17 à 18 centimes. Une école dentellière, assez productive, est annexée à l'hospice pour les filles pau- vres et payantes de la commune. 12. Ferme-hospice de Wetteren. Cet établissement appartient à la commune. Un ecclésiastique en a la direc- tion et l'entreprise moyennant 32 centimes par journée d'en- tretien. Sa population se compose de 100 vieillards, infir- mes, malades, idiotes et orphelines; on n'admet pas les orphelins. Toutes ces catégories sont séparées les unes des autres. Le personnel dirigeant se compose de 10 filles laïques, qui sont préposées à l'hospice et donnent en même temps leurs soins à l'école gardienne, à l'école primaire et à l'école dentellière annexées à l'établissement. L'exploitation comprend 16 arpents (7 hectares 4 ares) de terres et prairie; elle possède 1 cheval, 6 vaches et 4 porcs. Le mobilier agricole et celui de la maison appar- tiennent au directeur. Les occupations embrassent la culture, le filage, le tis- sage, la couture, la fabrication de la dentelle et spécialement la confection des fleurs d'application, qui emploie 200 jeunes filles. L'école est subventionnée pour l'instruction gratuite pri- maire et comme école gardienne. On estime que le directeur doit faire de bonnes affaires s'il y a de l'ordre dans sa gestion. 13 et 14. Les fermes-hospices de Melsele et d'Ertvelde ont une organisation à peu près semblable à celle des établisse- ments que nous venons de décrire ; les renseignements spé- ciaux nous manquent à leur égard. le 15. Ferme-hospice de Sleydinge. De tous les établis- sements de ce genre dans la province, celui-ci est l'un des plus complets et des mieux organisés. Il a été fondé par bureau de bienfaisance, avec le concours de l'État et de la charité privée, dans le triple but de prévenir la démoralisa- tion de la classe indigente, de procurer du travail aux ou- vriers inoccupés, et de secourir les infirmes et les vieillards des deux sexes. A cet effet, on s'est attaché à donner aux enfants une bonne instruction primaire, à préparer le rem- placement du filage par la fabrication de la dentelle, à occu- per à leur ancien métier un certain nombre de fileuses et de tisserands, et à entretenir dans l'hospice même les invalides qui étaient autrefois adjugés au rabais à leurs voisins pres- que aussi pauvres qu'eux. Lors de l'épidémie typhoïde qui · a sévi en 1847 et 1848 dans les Flandres, on a annexé en outre à l'établissement un hôpital pour les malades de la commune et des localités environnantes. 164 FERMES-HOSPICES DES DEUX FLANDRES. BELGIQUE. L'hospice de Sleydinge contient aujourd'hui quatre sec- tions principales : 1. Vieillards et infirmes; 2. Orphelins et orphelines; 3. Indigents admis faute de travail à l'extérieur 4. Malades. Les indigents compris dans ces quatre catégories sont logés et entretenus dans l'établissement qui, indépendam- ment des employés préposés aux divers services, avait, au 1er janvier 1849, une population sédentaire de 118 per- cr sonnes, savoir: Au-dessous de 10 ans. De 10 à 20 ans. 50 >> Hommes et garçons. Femmes et filles. 1 2 1 20 4 26 20 30 >> 4 · 30 40 4 4 • 40 9 5 50 — 60 >>> 12 8 • 60-70 >> 14 10 70-80 >> 6 80 - 90 ». 90-100 2 1 = >> 1 67 d. Divers métiers exercés par les indigents avant leur admission, tels que ceux de tailleur, sabotier, tonne- lier, etc.; e. L'agriculture. L'exploitation a une étendue de 11 hectares 86 ares 70 centiares, dont 4 hectares 41 ares 60 centiares appar- tiennent au bureau de bienfaisance et le surplus est pris en location. On se sert, pour le labour, d'un cheval et d'un attelage de 2 vaches; 8 vaches laitières fournissent le lait et le beurre nécessaires à la consommation de l'établisse- ment. Les travaux agricoles sont exécutés par les indigents. Les ressources de l'hospice consistent dans le subside alloué, chaque année, par la commune, dans le produit de dons particuliers, dans le bénéfice que procurent les ate- liers, les rétributions scolaires et surtout le travail agricole. D'après les comptes de l'exercice 1848, voici quelles ont été, pendant cette année, les recettes et les dépenses de l'établissement : A. RECETTES. Totaux. 51 Les annexes à l'hospice sont au nombre de cinq :. 1° Un atelier d'apprentissage et de perfectionnement pour le tissage de toute espèce de toiles, fréquenté par 10 tisse- rands ; 2º Une école dentellière, qui compte 58 apprenties; 3º Une école de travail pour le tricot, la couture et les autres ouvrages de mains, que fréquentent 18 jeunes filles; 4° Une école primaire pour les jeunes filles indigentes, qui compte 140 élèves ; 5° Une école primaire pour les enfants de parents aisés, payant rétribution, au nombre de 68. Ces 264 personnes, qui ne sont ni logées ni nourries dans l'établissement, forment, avec la population sédentaire, un total de 382 vieillards, adultes et enfants, auxquels l'hos- pice vient en aide. Celui-ci est administré par une commission nommée par le conseil communal. Chaque division ou section est dirigée par une ou deux sœurs de charité de l'ordre de Saint- François, dont le nombre s'élève à 17. Les sœurs sont res- ponsables des services auxquels elles sont respectivement préposées. Elles inscrivent jour par jour, sur un registre particulier, les recettes et dépenses des travaux exécutés sous leur direction; ces inscriptions, après avoir été véri– fiées, sont résumées, à la fin de chaque trimestre, dans un procès-verbal, rédigé et signé par la commission adminis- trative. Les travaux embrassent : a. La filature des étoupes et le tissage des toiles; b. La fabrication des dentelles; c. La couture, le tricot, les ouvrages de mains et les occupations de ménage; 1. En caisse au 1er janvier 1848 • 2. Pensions alimentaires payées par un certain nombre de pensionnaires de l'hospice. 3 Filage d'étoupes et fils 4. Fabricatiou de dentelles. 5. Travaux divers 6. Vente de sabots. 7. de vaches, de veaux 8. de beurre. 9 de graine de lin. 10. de 28 hectolitres d'orge . 11. Rétribution de l'école française. 12. 13. Dons. flamande. 14. Distributions de pains à l'église 15. Subsides de la commune. 16. Recettes diverses . Fr. C. 267 67 1,580 00 1,605 11 653 36 449 80 148 00 624 16 42 00° 22 46 280 00 885 06 609 41 180 00 360 00 4,600 00 50 51 Total. 12,352 54 B. - DÉPENSES. 1. Achat de comestibles, de combustibles, de matières premières et autres articles; dépenses courantes. 2. Frais de l'école dentellière 3. 4. française. flamande. • 5. Location des terres et bâtiments 11,275 54 187 29 194 04 64 08 973 78 Total. 12,694 75 Les recettes et les dépenses se balancent en laissant un déficit de 342 fr. 19 c.; mais celui-ci est amplement com- pensé par la valeur des denrées et matières premières en magasin (1,336 fr.) et l'argent en caisse (271 fr. 55 c.) à la fin de l'exercice. Il résulte de ce compte que l'hospice de Sleydinge a cou- vert, en 1848, toutes ses dépenses à l'aide des ressources qu'il est parvenu à se créer, moins la somme de 4,600 fr., ! BELGIQUE. FERMES-HOSPICES DES DEUX FLANDRES. 165 montant du subside alloué par la commune. C'est donc à ce dernier chiffré que s'élève la dépense réelle. Répartie sur une population moyenne de 118 indigents, logés et entre- tenus dans l'établissement, non compris les sœurs qui le dirigent, le prix de la journée d'entretien ne revient donc qu'à 10 centimes environ par indigent. Ce résultat est assurément des plus remarquables; il résout complétement, selon nous, le problème économique qui se rattache à l'institution des fermes-hospices: soulager effica- cement les vieillards et les infirmes, élever les enfants pau- vres et les orphelins de manière à assurer leur avenir, sans dépasser les modiques ressources dont peuvent disposer les communes rurales. La ferme-hospice de Sleydinge se distingue par l'ordre introduit dans sa comptabilité. C'est là, en général, la partie faible des institutions de ce genre. A Sleydinge, chaque branche de service a son livre auxiliaire, et par conséquent son compte de recettes et de dépenses séparé. Sous ce rap- port encore, elle peut servir de modèle. Les deux principaux fondateurs de ce remarquable éta- blissement sont morts l'année dernière, à quelques mois d'intervalle et à la fleur de l'âge, M. le curé Driessche, de la petite vérole, et M. le notaire Buysse, du typhus, mala- dies qu'ils avaient contractées dans leur contact avec les indigents. Cette perte est d'autant plus regrettable, que c'est à l'exemple donné par ces deux hommes charitables que l'on doit l'érection de plusieurs hospices agricoles dans la province. A la liste que nous venons de donner de ces établisse- ments, il faut encore en ajouter quelques-uns qui sont en voie d'organisation ou qui peuvent, à certains égards, leur être assimilés 1° l'hospice de Nevele; on en achève en ce moment la construction; il exploitera un terrain communal d'une superficie d'environ 5 hectares. Le gouvernement lui a accordé un subside, à titre de prêt, pour monter l'exploi- tation agricole. 2º Celui d'Aeltre; il est aussi en voie d'organisation;, il a obtenu le concours de l'État comme le précédent. 3º L'hospice de Laerne : le gouvernement a fait une avance de 4,000 francs au bureau de bienfaisance pour construire l'étable, la grange, etc.; acheter le bétail, les engrais, semences, etc. L'hospice a été établi dans les bâtiments de l'école communale, pour laquelle on a construit un nouveau bâtiment. Au printemps prochain (1851), l'ex- ploitation comprendra 4 hectares, appartenant au bureau de bienfaisance; celui-ci s'est engagé à le porter à 7 hectares lorsqu'il pourra disposer d'autres terres qui lui appartien- nent et qui sont données en location. L'essai que l'on a fait jusqu'ici, bien qu'il se trouve dans des circonstances défa- vorables, a démontré néanmoins que la réunion des vieillards et des infirmes dans un établissement spécial constituait une économie assez notable. En attendant qu'ils puissent être occupés dans l'hospice, les pensionnaires vont travailler au dehors lorsqu'ils en ont l'occasion. Pendant quelques mois de l'année qui vient de s'écouler, leur gain ou salaire a | dépassé leurs frais d'entretien. -4° L'hospice de Saint-Paul (Waes) a été installé dans une fermne de 17 arpents, dont il avait été fait donation au bureau de bienfaisance. Bien que cette donation ait été retirée depuis, on y a cependant admis 26 vieillards ou indigents, qui cultivent la propriété sous la direction du propriétaire et du curé de la commune. D'après les renseignements communiqués par ce dernier, l'entre- prise était en bénéfice, et déjà l'on s'était libéré de quelques dettes contractées pour sa mise à exécution. Le principal profit résulte de la récolte et de la préparation du lin; aussi se propose-t-on d'en augmenter la culture en 1851 et de la porter à 5 arpents (2 hectares 20 ares). 5° La ferme- hospice de Moerbeke, dont l'organisation s'achève en ce moment. Elle occupe un bâtiment parfaitement approprié à sa destination, et qui pourra donner asile à une soixan- taine de vieillards, d'infirmes et d'orphelins, qui seront occupés comme dans les autres établissements du même genre (1) . —— 6° La ferme-hospice de Destelbergen. Ce bel éta- blissement a été ouvert récemment; fondé par M. Huyttens- Van Tieghem, il a coûté une soixantaine de mille francs. Sa direction est confiée aux sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. 7° La ferme-hospice de Wachtebeke, aussi de fondation récente, a pour annexe un pensionnat de filles, qui payent une rétribution de 250 francs par an. - 8° La ferme- hospice de Leeuwergem, érigée par M. le comte d'Hane- de Potter, vient d'être achevée et est en ce moment en voie d'organisation. Enfin 9° une ferme-hospice est en construction dans la commune d'Hansbeke. Tous les hospices dont l'énumération précède ont pour base le travail agricole qui subvient aux principaux besoins de leurs habitants; ce sont de véritables colonies organisées sur une échelle modeste et dont le type ne se retrouve. pensons-nous, que dans les Flandres, qui en ont pris l'ini- tiative. Indépendamment de ces établissements, il en est d'autres, tels que les maisons de pauvres et les hospices de Deynze, Wichelen, Tamise, Somergem, Deftinge, Eenaeme, (1) M. A. Lippens nous a transmis d'intéressants détails sur l'organisation de la ferme-hospice de Moerbeke, dont il a été l'un des principaux promoteurs L'établissement a été construit pour 60 pensionnaires, d'après un plan combiné de manière à pouvoir doubler au besoin ce chiffre moyennant une dépense de 3,000 francs environ. Le nombre des indigents auquel il donne asile s'éleve déjà à une vingtaine et doit être incessamment augmenté. L'exploitation agricole comprend 4 hectares; elle possède trois vaches, une génisse, un veau et cinq porcs de la race d'Essex dans le but d'en propager l'espèce dans les environs. La direction de la culture est confiée à un chef-ouvrier, jeune, capable et célibataire. On hésite encore sur le choix du personnel à préposer à la direc- tion et à la surveillance. Mais il est probable que, malgré l'élévation de la dépense, on se décidera à prendre des sœurs religieuses comme dans les autres établissements du même genre. Il a été fait une innovation dans la construction des bâtiments. On n'y a employé que le fer et la brique. On a substitué aux poutres pour les gîtages des poutrelles en fer fondu, distantes de 4m, 40, et reliées entre elles par le milieu, puís à la muraille, par des barres en fer forgé. D'une poutrelle à l'autre on a établi des voûtes d'une demi-brique d'épaisseur, recouvertes de carreaux bleus de Boom (kerksteen). Ce mode de construction réunit les avantages d'une solidité plus grande, d'une économie d'entretien dans l'avenir, d'une garantie contre les dangers d'incendie, et finalement de plus de propreté. 166 FERMES-HOSPICES DES DEUX. FLANDRES. BELGIQUE. Etichove, Eyne, Syngem, Vracene, Zwyndrecht, Hamme O,ver- meire, Waesmunster, Basele, etc., que nous n'avons pas com- pris dans notre liste comme n'ayant pas de base agricole assez prononcée. On pourrait y faire entrer à la rigueur l'éta- blissement des Frères des Bonnes OEuvres, à Renaix. Nulle part il n'existe un plus beau bétail, un potager cultivé avec plus de soin. Mais ses ressources principales proviennent du travail industriel, de l'école primaire qui y est annexée et des pensions payées pour les indigents qui y sont placés par diverses communes. Enfin, pour terminer cette longue nomenclature, nous devons faire mention de la Société des Bons Ouvriers, insti- tuée par M. l'abbé Glorieux, qui exploite trois fermes, dont une est située dans le Hainaut, à Saint-Sauveur. Le but de la Société est de soulager la misère, de pré- venir la mendicité et d'arrêter les progrès du paupérisme par la constitution de fermes dites de bienfaisance, où les travaux agricoles seraient combinés avec certaines occupa- tions industrielles de manière à satisfaire aux besoins essentiels des indigents pensionnaires. La population de la ferme de bienfaisance se divise en deux classes très-distinctes: la population fixe et la popu- lation flottante. La population fixe est formée des sociétaires et des per- sonnes admises à vie, qui veulent se consacrer à l'œuvre et travailler à son succès et à son développement. Cette classe doit constituer une sorte d'institut normal destiné à former les directeurs et les employés des fermes de bienfaisance qui pourront être créées successivement. La population flottante comprend deux catégories d'in- dividus : 1° Les pauvres valides et capables de travailler. Ils sont admis sur l'unique condition de compenser par leur travail les dépenses de leur entretien; 2º Les vieillards, les infirmes, placés dans l'établissement aux frais des bureaux de bienfaisance, des personnes cha- ritables ou des administrations communales. On tient compte, pour cette catégorie d'indigents, des services qu'ils sont encore à même de rendre, ce qui diminue d'autant le prix de leur pension. per- Les fondateurs de la Société estiment qu'un hectare de terre en bon état de rapport, cultivé à la bêche, peut pro- curer une existence convenable à une famille de 5 sonnes, si cette famille a de la conduite et de l'économie. Se basant sur ce calcul, ils proposent d'annexer à chaque ferme, dont la population serait de 50 à 60 personnes, 10 hectares de terre, en moyenne. L'essai fait, quoique dans des conditions très-défavorables à certains égards, dans la commune de Saint-Sauveur, a prouvé effectivement que l'emploi combiné des indigents de tout âge et des deux sexes aux travaux agricoles et industriels permettait de réduire leurs frais d'entretien, de vêtement et de nourriture à un taux presque nominal. En 1848, les 50 indigents admis dans cet établissement, la plupart âgés, infirmes ou trop jeunes encore pour suffire seuls à leur existence, ont été logés, nourris et vêtus pour une somme globale de 1,679 fr. 32 c., montant des pensions payées par les bu- reaux de bienfaisance ou les bienfaiteurs particuliers. C'est pour chacun une dépense de 33 fr. 59 c. par an ou moins de 10 centimes par jour. Il est évident que si ce système, qui est aussi celui des fermes-hospices que nous avons décrites plus haut, était adopté généralement, adopté généralement, il s'ensuivrait pour les communes un notable soulagement. Lorsque l'on se représente que l'en- tretien d'un indigent ou d'un mendiant dans un dépôt de mendicité coûte par jour de 40 à 50 centimes en moyenne, suivant qu'il est valide ou invalide, on comprendra que les communes sur lesquelles pèse exclusivement la charge de cet entretien auraient tout avantage à conserver et à entretenir chez elles leurs pauvres; le fardeau qui les accable aujourd'hui serait grandement allégé, sans compter que l'on remédierait à la démoralisation qui est inséparable du séjour plus ou moins prolongé dans les dépôts. Ces derniers établissements pourraient, dans ce cas, être exclusi- vement réservés aux mendiants et aux vagabonds condamnés et incorrigibles, et être rendus ainsi à leur destination pri- mitive. On nous objectera sans doute qu'il est impossible que chaque commune ait sa ferme-hospice ou sa ferme de bienfaisance. Cela est vrai; mais pourquoi les communes voisines ne s'associeraient-elles pas pour créer à frais communs des établissements de ce genre? Toutes y auraient. intérêt assurément; au lieu de continuer à affecter leurs ressources les plus précieuses à l'entretien de quelques indigents dans les dépôts, où ils constituent une charge permanente, qu'elles appliquent ces ressources à la fon- dation d'institutions vraiment charitables, qu'elles au- raient sous les yeux, qu'elles dirigeraient elles-mêmes et dont par suite elles retireraient tout le profit. Il n'y a rien là que de très-praticable; les exemples existent, s'agit que de les imiter. Resterait seulement à déterminer les formes et les conditions de l'association; c'est une affaire de détail qui peut être laissée à l'appréciation des autorités communales, et qui doit dépendre, en tout cas, des circonstances locales et des besoins auxquels il importe de satisfaire. il ne On peut estimer, en règle générale, que pour atteindre complétement le but de la création de ces établisse- ments, il serait nécessaire qu'ils eussent au moins 4 hectare de bonne terre et 4 tête de bétail pour 10 habitants; une 1 terre médiocre ne pourrait nourrir que 6 à 7 habitants par hectare, en tenant compte de la nourriture du bétail et de la production du lin, etc. La culture des fermes-hospices dans les Flandres est très-soignée et partant très-productive. On y suit le système flamand des récoltes dérobées, et interca- laires pour quelques-unes. Le produit brut de l'hectare peut être évalué à 450 francs y compris le potager. Le produit net est à peu près équivalent, parce que les journées ne coù- BELGIQUE. ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. 167 tent rien, parce que l'établissement fournit tous les engrais nécessaires, et parce que généralement les labours, her- sages, etc., se font gratuitement par les fermiers ou par des personnes charitables. La direction des travaux est aussi gratuite. On tire un assez bon parti du travail des enfants. Cepen- dant il y a peut-être excès pour les filles, que la fabrication de la dentelle oblige à une vie trop sédentaire, et dont les occupations ne sont pas assez variées. L'instruction profes- sionnelle des garçons orphelins laisse encore plus à désirer. Il y aurait avantage, pensons-nous, à rattacher aux fermes- hospices une partie des ateliers d'essai et d'apprentissage érigés sous le patronage et avec le concours du gouverne- ment, et dont l'organisation actuelle ne répond pas toujours au but proposé. des Les écueils à éviter sont les constructions trop dispen- dieuses, un personnel de préposés trop considérable, l'ab- sence de plan bien arrêté, qui se traduit d'ordinaire par hésitations nuisibles, par des essais et des remaniements toujours coûteux. Les avantages à rechercher sont une exploitation agricole suffisante; si on ne possède pas les terres on les loue, ou bien si les terres sont trop éloignées on les échange, etc.; l'association des travaux industriels à la culture, de manière que les produits de l'établissement suffisent aux besoins essentiels de sa consommation en ali- ments, vêtements, literies, etc.;— un personnel suffisant et dévoué; — une surveillance vigilante et paternelle; s'il est possible, l'adjonction d'une école primaire et profession- nelle, destinée non-seulement aux enfants de l'établissement, mais encore aux enfants de la commune, dont les rétributions viennent accroître, dans ce cas, les ressources de l'hospice. La réunion d'éléments divers, de vieillards, d'infirmes, de malades, d'orphelins, dans un même établissement, peut être une condition indispensable à l'existence de celui-ci ; c'est aussi un avantage sous le rapport de l'économie de la gestion. Mais cet avantage disparaît s'il n'existe pas de clas- sement convenable. La confusion des catégories entraînerait d'autre part de grands inconvénients, si la moralité des en- fants pouvait être menacée par leur contact habituel avec les adultes. Il serait peut-être à désirer. que les orphelins, les enfants abandonnés fussent placés dans des établissements spéciaux, dans de petites colonies organisées à l'instar des écoles rurales et des écoles de réforme de la Suisse et de l'Allemagne. A ce point de vue, l'école de réforme de Ruysselede pourrait être considérée comme un centre et un modèle, autour duquel viendraient se grouper de petites succursales instituées par les communes ou les associations les communes ou les associations charitables. Enfin, il manque un fondement solide aux fermes-hos- pices, c'est la consécration légale. Nés des circonstances, inspirés par une charité intelligente, ces établissements lais- sent à désirer sous le rapport de leur gestion; aucun, que nous sachions, ne rend compte à l'administration supérieure des fonds employés à sa création et à son soutien. Tout, à cet égard, se passe pour ainsi dire en famille. Cette indépen- dance absolue peut avoir certains avantages; mais s'il importe de la respecter dans ce qu'elle a de salutaire, on ne peut cependant méconnaître qu'elle présente des inconvé- nients et des dangers au point de vue des intérêts des indi- gents et de la perpétuité des œuvres créées en leur faveur. En soumettant celles-ci à des règles et à un contrôle semblables à ceux qui existent pour les bureaux de bienfai- sance et les hospices ordinaires, on garantirait leur exis- tence, on faciliterait leur développement sans rien ôter à leur utilité. III. École agricole de réforme de Raysselede (Flandre occidentale) pour les jeunes indigents, mendiants et vaga- bonds. 1. But de la création des écoles de réforme. Mesures pré- liminaires; bases d'organisation. Le gouvernement s'est préoccupé depuis longtemps de la situation des jeunes indi- gents, mendiants et vagabonds auxquels donnent asile les dépôts de mendicité, et dont les tribunaux ordonnent l'incar- cération. Par suite des circonstances malheureuses qui ont affligé, pendant les dernières années, la population des deux Flandres, le nombre de ces enfants et de ces jeunes gens s'est accru dans une forte proportion. D'après un relevé pendant les trois années précédentes (1) : fait en 1848, voici quel a été l'ordre de cette progression Enfants écroués : Dans les prisons Dans les dépôts de mendicité. 1,823 1845. 1946. 1847. TOTAL. 2,575 5,886 2,914 9,552 17,815 5,697 8,434 Totaux. .. 4,398 8,800 13,049 26,247 Ainsi, dans le court espace de trois ans, 26,247 enfants et jeunes gens des deux sexes ont été écroués dans les pri- sons et renfermés dans les dépôts de mendicité. Il Y a sans doute dans ce chiffre des doubles emplois ; les mêmes enfants ont figuré deux, trois et même un plus grand nombre de fois sur les mêmes registres. Mais, d'une autre part, ces relevés ne comprennent pas les jeunes enfants admis dans les pri- sons avec leurs parents, et dont le chiffre, pendant la même période, s'est élevé à quelques mille. Il est à remarquer, en outre, que les principaux dépôts de mendicité, complétement encombrés au plus fort de la crise, ont dû forcément restreindre ou même suspendre les admissions. De là, en grande partie, l'accroissement (1) Mémoire sur l'organisation des écoles de réforme, soumis à M. le Ministre de la Justice, par Éd. Ducpetiaux, inspecteur général des prisons et des établis- sements de bienfaisance. 1848. 468 BELGIQUE. ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. extraordinaire de la population des maisons de déten- tion. Repoussés du seuil des dépôts, on a vu un grand nombre de malheureux, pour échapper à la faim, au froid et à la mort, venir demander asile aux prisons, et com- mettre même de légers délits pour acquérir le droit d'y être reçus. En présence d'un spectacle aussi affligeant, on a compris la nécessité de recourir à des mesures énergiques pour oppo- ser une digue à l'envahissement du paupérisme et arracher cette masse de jeunes infortunés à l'influence des causes qui, en perpétuant leur dégradation et leur misère, exposent la société à des périls incessants et la condamnent à des sacri- fices de plus en plus considérables. C'est dans ce but surtout que le département de la justice a formulé un projet de loi projet de loi pour la création d'écoles spéciales la création d'écoles spéciales de réforme pour les jeunes indigents, mendiants et vaga- bonds des deux sexes. Ce projet, présenté à la Chambre des Représentants dans sa séance du 17 novembre 1846, fut l'objet d'un examen approfondi de la part de la section centrale, qui déposa son rapport le 6 mai 1847. Partant des bases posées par la section centrale, le gouvernement rédigea un projet nou- veau qu'il soumit à la Chambre des Représentants le 28 fé- vrier 1848. Discutée et votée d'urgence par les deux Cham- bres, la loi concernant les dépôts de mendicité et les écoles de réforme a été promulguée le 3 avril 1848. L'article 5 de cette loi porte que les dépôts de mendicité actuels seront exclusivement affectés aux indigents, men- diants et vagabonds adultes Qu'il sera créé par le gouvernement des établissements spéciaux pour les jeunes indigents, mendiants et vagabonds des deux sexes, âgés de moins de dix-huit ans ; Que ces établissements seront organisés de manière à employer, autant que possible, les garçons aux travaux de l'agriculture et à les initier aux travaux susceptibles d'être exercés avec profit dans les campagnes; Que les enfants des deux sexes seront, en tous cas, placés dans des établissements distincts et séparés. D'après son article 7, le prix de la journée d'entretien à payer par les communes pour les jeunes gens admis dans lesdits établissements est fixé d'après les règles établies à l'article 2 de la loi du 13 août 1833. Toutefois, ce prix ne peut dépasser, pour les communes de chaque province, le taux de la journée d'entretien des reclus dans le dépôt de mendicité affecté à cette même province. L'organisation, le régime et la discipline des établisse- ments dont il s'agit, sont déterminés par des arrêtés royaux qui ne peuvent être pris qu'après avoir entendu les députa- tions permanentes des provinces où ils seront situés. Une somme de 600,000 francs est affectée aux acquisi- tions de terrains et de bâtiments pour ces établissements, aux frais de leur appropriation, de leur ameublement et autres dépenses nécessitées par leur création. (Art. 8.) Enfin, le gouvernement est tenu de faire, chaque année, un rapport aux chambres législatives sur les mesures prises conformément aux dispositions qui précèdent et sur la situa- tion des établissements dont la loi décrète la formation. (Art. 9.) Le gouvernement s'occupa activement des moyens d'exé- cution de la loi du 3 avril 1848. Les études et les travaux préparatoires nécessaires à cet effet occupèrent une partie de la même année, et dès le 8 mars 1849 un arrêté royal décréta l'institution, dans la commune de Ruysselede (Flan- dre occidentale), de deux écoles de réforme, l'une pour 500 garçons, l'autre pour 400 filles et jeunes enfants âgés de deux à sept ans. Des bâtiments distincts et séparés doivent être affectés à chacun de ces deux établissements, de manière à maintenir strictement la division des sexes. Toutefois ils seront assez rapprochés pour pouvoir être soumis à une direction com- mune, combiner utilement leurs travaux, et se prêter mu- tuellement certains services, afin de réduire, autant que faire se peut, les frais de gestion et de ménage. Le premier de ces établissements peut être considéré comme définitivement organisé, et il pourra recevoir pro- chainement toute la population à laquelle il est destiné. Quant au second, son exécution reste subordonnée à l'ex- tension de la propriété dont nous aurons occasion de parler plus loin. 2. Appropriation de l'école agricole de réforme pour les gar- çons. Cet établissement occupe les bâtiments d'une sucre- rie construite il y a quelques années, et dont le gouverne- ment fit l'acquisition au commencement de 1849. Deux années ont suffi pour l'appropriation complète de ces bâti- ments à leur destination nouvelle. La ferme qui y était annexée a reçu une grande extension, de manière à la mettre en rapport avec les besoins d'une exploitation de 200 hec- tares environ; une route a été construite pour mettre l'établissement en communication directe avec le canal et la section du chemin de fer de Gand à Bruges; le trans- bordement et le transport des engrais ont été facilités au moyen de la construction d'un débarcadère et d'une vaste citerne au bord du canal; - enfin, une machine à vapeur, de la force de cinq chevaux, a été installée pour la mouture du grain, l'élévation des eaux, le chauffage du bâtiment central, la cuisson des aliments pour les colons et les bes- tiaux ; en ce moment on s'occupe d'y rattacher un tire-sac, une machine à battre le grain, un hache-paille, un coupe-racines, etc. Tous ces appareils sont destinés à éco- nomiser le travail, et mettront l'administration à même d'employer plus utilement les forces et l'aptitude des colons, qu'à leur faire tourner des roues et à les condamner à un labeur purement mécanique et toujours uniforme. 3. Distribution des bâtiments de l'école et de la ferme. Les bâtiments de l'école de réforme forment un ensemble régulier et peuvent se diviser en deux grandes sections: l'école proprement dite et la ferme. · 169 BELGIQUE. - ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. I. L'école comprend tous les locaux nécessaires pour les bureaux, l'administration et le logement des employés qui occupent les deux ailes vers la route. Le bâtiment central contient, au rez-de-chaussée, le réfectoire des colons garni de tables où peuvent prendre place 500 enfants, deux salles d'école, la salle de l'administration et le réfectoire des em- ployés; aux deux étages, quatre vastes dortoirs, garnis chacun de cent vingt-quatre couchettes, avec une chambre de surveillant pour chaque dortoir et des lavoirs. pour les colons. Dans les combles on a disposé un vaste réservoir alimenté par la machine à vapeur et qui distribue les eaux dans toutes les parties de l'établissement. Les salles du rez- de-chaussée sont chauffées par le calorifère. A droite du bâtiment central, en tournant le dos à la route, se trouvent la cuisine des colons, la boulangerie, la machine à vapeur avec les appareils qui s'y rattachent, la dépense et les magasins; à gauche, la cuisine des employés, un plongeon ou bassin de natation, les bains, la pompe à incendie, et, à l'étage, l'infirmerie des colons avec ses dépendances. Enfin, la cour d'exercice des colons est envi- ronnée, de trois côtés, par un bâtiment n'ayant qu'un rez- de-chaussée, mais surmonté de vastes greniers dans ce bâtiment on a disposé les ateliers sédentaires, la forge, la menuiserie, la filature, la tisseranderie, les tailleurs, les cor- donniers, les tresseurs de paille, etc., ainsi qu'une buanderie provisoire en attendant l'érection de l'école des filles. A l'un des angles se trouve la chapelle, d'un style à la fois simple et élégant, avec laquelle se relie, comme à la colonie de Mettray, un petit quartier cellulaire destiné aux jeunes men- diants et vagabonds qui doivent subir leur peine à l'école, et, dans certains cas graves ou exceptionnels, aux colons en quarantaine ou en punition. II. Les bâtiments de la ferme, érigés à proximité de l'école, comprennent une maison d'habitation pour le chef de culture et les ouvriers agricoles, des étables pouvant contenir 80 à 100 têtes de bétail, une laiterie, deux écu- ries pour 12 chevaux, deux porcheries, une bergerie, un poulailler, deux fumiers couverts, une grange spacieuse et un vaste hangar pour les chariots et les instruments aratoires surmonté de magasins aux fourrages. Un abreuvoir pour le bétail et de larges citernes pour les engrais liquides et le purin complètent ces appropriations qui constituent dans leur ensemble, comme dans leurs détails, une véritable ferme modèle. à Toutes les constructions que nous venons d'énumérer, en y ajoutant les deux cours de l'école et l'enclos où sont ran- gés les meules et les bûchers, forment un parallelogramme peu près régulier de 135 mètres de long sur 200 mètres. de large. Si on en compare le plan que nous avons jugé utile de joindre à cette notice avec celui des bâtiments pri- mitifs, on verra que l'administration s'est attachée à appro- prier ceux-ci à leur destination nouvelle en conservant leur disposition générale, et en se bornant à y annexer les dépen- dances strictement indispensables aux besoins des divers services de l'établissement. C'est ce qui explique le chiffre peu élevé des dépenses d'appropriation, eu égard à l'éten- due et à l'importance des constructions. Les travaux ont été exécutés d'après les plans et sous la direction de M. l'archi- tecte Dumont. 4. Étendue et division de la propriété. Le domaine de Ruysselede a une contenance de 126 hectares 89 ares 10 centiares; il forme un triangle isocèle dont le sommet correspond au nord-ouest, et la base au sud-est: borné, d'un côté, par la nouvelle route construite. par l'établisse- ment, il est limité, des deux autres côtés, par un chemin public, et se trouve ainsi complétement isolé des propriétés voisines. Il est divisé en carrés formant échiquier, d'une étendue de 1 à 3 hectares chacun en moyenne, séparés par des bordures d'arbres et des avenues de mélèzes, de sapins et de cerisiers sauvages, qui servent de chemins d'exploita- tion Le sol est de sable gris, sans mélange d'argile; il est par suite léger, perméable et facile à travailler. Mais il exige, par contre, pour devenir productif, une culture soi- gnée et l'emploi de fortes quantités d'engrais, et spéciale- ment d'engrais liquide. C'est pour satisfaire à cette nécessité la direction de l'école a conclu un arrangement avec que l'administration de la maison de force de Gand, pour la livraison annuelle de 10,000 hectolitres environ de matières liquides et solides qui sont transportées par le canal jusqu'au pont Louise, où les chariots de la ferme vont les chercher au fur et à mesure des arrivages et des besoins. 5. Mesures d'organisation; arrêtés et instructions. — Le Département de la Justice, auquel ressortissent les écoles de réforme, a pris successivement diverses mesures pour leur organisation. Ainsi, l'arrêté royal du 8 mars 1849, que nous avons déjà cité, fixe le nombre, les traitements et les émoluments des employés, et institue un comité de trois à cinq membres chargé de l'inspection et de la surveillance des écoles de réforme. Il a été complété par l'arrêté royal du 7 mai 1849, qui détermine le mode de renouvellement et les attributions du comité. La prolongation du séjour, dans les prisons, des enfants et des jeunes gens condamnés du chef de mendicité et de vaga- bondage pouvant présenter de bondage pouvant présenter de graves inconvénients, l'arrêté royal du 28 février 1850 prescrit leur envoi immédiat dans les écoles de réforme, où ils subiront leur peine dans un quartier spécial de correction. Un arrêté royal portant la même date que le précédent étend les dispositions de l'arrêté du 14 décembre 1848 relatif au patronage des condamnés libérés, aux jeunes indigents, mendiants et vagabonds, à leur sortie des écoles de réforme. Il doit être ouvert, dans chacun de ces établissements, un registre pour l'inscription des demandes et des offres que pourraient faire les cultivateurs, propriétaires et autres per- sonnes, de prendre à leur service, moyennant certaines con- ditions à stipuler de commun accord, les colons qui auraient 22 170 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. BELGIQUE. les capacités requises pour les emplois auxquels on les destine. La circulaire ministérielle du 2 mars 1850 appelle l'atten- tion des officiers du ministère public sur la destination des écoles de réforme, et pose certaines règles essentielles pour les transférements à opérer dans ces établissements. Une autre circulaire, portant la même date, transmet aux gou- verneurs des provinces des instructions analogues à celles données aux chefs des parquets. Enfin, l'arrêté royal du 3 juillet 1850 spécifie les condi- tions et les formalités relatives à l'admission aux écoles de réforme et à la sortie de ces établissements. Aux termes de cet arrêté et de la loi du 3 avril 1848, les écoles de réforme sont spécialement affectées : 1° Aux jeunes indigents, âgés de moins de dix-huit ans, qui se présentent volontairement à ces établissements, munis de l'autorisation, soit du collége des bourgmestre et éche- vins du lieu de leur domicile de secours, soit du collège des bourgmestre et échevins de la localité où ils se trouvent, ou dans laquelle ils ont leur résidence (art. 1º, § 2, de la loi du 3 avril 1848); ог 2° Aux jeunes indigents munis d'une autorisation de la députation permanente, du gouverneur de la province ou du commissaire de l'arrondissement auquel ressortit le lieu du domicile de secours de ces indigents, celui de leur résidence ou la localité dans laquelle ils se trouvent (art. 1º, § 4, de la loi du 3 avril 1848); cr 3º Aux enfants et aux jeunes gens condamnés du chef de mendicité ou de vagabondage (art. 4 de l'arrêté du 28 février 1850); 4° Aux enfants acquittés du chef de mendicité ou de vagabondage, mais qui, aux termes de l'article 66 du Code pénal, sont retenus pour être élevés, jusqu'à un âge déter- miné, dans une maison de correction; 5° Aux enfants acquittés de tous autres délits, dont la mise en apprentissage chez des cultivateurs, des artisans ou dans des établissements de charité, est autorisée conformé- ment aux dispositions de l'arrêté du 29 septembre 1848. 6. Mouvement de la population; entrées. Les premiers colons sont entrés au mois de mars 1849, peu après l'acqui- sition de la propriété et dès le commencement des travaux d'appropriation. On a admis d'abord 49 enfants du dépôt de mendicité de Bruges, puis 45 du dépôt de la Cambre; peu après on a transféré à Ruysselede 63 jeunes mendiants et va- gabonds acquittés comme ayant agi sans discernement, mais retenus en vertu de l'article 66 du Code pénal, qui avaient été placés au pénitencier des jeunes délinquants de Saint- Hubert, faute d'établissement spécial pour les recevoir. En ajoutant 24 enfants entrés isolément pendant le même exer- cice, on a un total de 121 colons qui formaient la popula- tion de l'établissement au 1er janvier 1850. or Depuis cette époque et jusqu'au 1 janvier 1831, voici quel a été le mouvement de la population: DÉSIGNATION DES CATÉGORIES. Acquittés du chef de mendicité ou de yagabondage, mais retenus jusqu'à un âge déterminé (art. 66 du Code pénal), à charge de l'administration des prisons CONDAMNÉS A CHARGE DES COMMUNES: Appartenant à la Flandre occidentale. 86 24 7 44 92 19 51 5 65 Id. Flandre orientale. . >> 52 1 57 Id. Brabant. 15 >> 15 Id. Liége. D ร >> >>> 7 Id. Hainaut 8 Id. Limbourg. 3 Id. Anvers. Id. Luxembourg. A charge du Ministère de la Justice: administration des établissements de bienfaisance. A charge des hospices civils de Gand. Dont le domicile de secours est en contestation. `. ► བ >> ご ​∞ >> 1 >> 2 >> བ 1 >> >> 4 >> >> >> >> >> >> 1 TOTAUX. 421 148 7 18 251 269 269 نت >> 4 JANVIER 1831. Les 7 enfants portés à la 3° colonne sont passés, savoir : 6 à la catégorie de ceux appartenant à la Flandre orientale, et 4 à la catégorie de ceux du Limbourg. Ils n'ont pas été compris dans le chiffre de la 2° colonne pour éviter le double emploi. Les jeunes indigents entrés volontairement aux écoles de réforme y sont gardés au moins pendant six mois, s'ils y sont pour la première fois, et au moins pendant un an s'ils y sont entrés plus d'une fois ou s'ils ont été reclus antérieu- rement dans un dépôt de mendicité. A l'expiration de ce terme, l'administration du lieu de leur domicile de secours, leur famille, de même que toute personne solvable, peut réclamer leur sortie en s'engageant à pourvoir à leur éducation et à leur apprentissage, et à sub- venir à leurs besoins. Toute demande aux fins spécifiées ci-dessus doit être adressée à la députation permanente du conseil de la pro- vince à laquelle appartiennent les colons, directement, si cette demande émane de l'administration communale du lieu de leur domicile de secours, et si elle émane de la famille ou d'étrangers, par l'intermédiaire de l'administra- tion communale qui y joint son avis. La députation apprécie les garanties qui lui sont pré- sentées, et autorise ou refuse la sortie des colons. En l'absence d'une demande formée de la manière indi- quée ci-dessus, la députation, après avoir consulté le comité D i BELGIQUE. 171 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. d'inspection et le directeur des écoles de réforme, peut auto- riser la sortie si l'indigent se trouve en état de pourvoir à sa subsistance. La sortie des enfants et des jeunes gens condamnés du chef de mendicité ou de vagabondage est prononcée par le gouverneur de la province où ils ont leur domicile de se- cours, et par le Ministre de la Justice lorsque ce domicile n'a pu être découvert. Elle est, en tous cas, subordonnée aux conditions sui- vantes : Avoir séjourné au moins pendant deux ans à l'école de réforme lorsqu'ils sont condamnés pour la première fois, et au moins pendant quatre ans s'ils sont en état de récidive; Être en état de pourvoir à leur subsistance, ou bien être réclamés par l'administration de la commune où ils ont leur domicile de secours, par leur famille ou par une personne solvable, qui garantisse qu'ils ne se livreront plus à la men- dicité ou aù vagabondage, et qu'ils obtiendront du travail ou des secours suffisants. L'appréciation de cette garantie est laissée respectivement au gouverneur et au Ministre de la Justice. Toutefois, le Ministre ou le gouverneur peut autoriser la sortie avant le terme fixé, s'il existe des motifs spéciaux pour abréger le séjour des colons aux écoles de réforme. Avant de statuer, le Ministre ou le gouverneur prend l'avis du comité d'inspection et du directeur de l'établisse– ment, ainsi que celui de l'administration du domicile de secours. • L'époque de la sortie des enfants acquittés du chef de mendicité et de vagabondage est déterminée par le jugement en vertu duquel ils ont été retenus et placés aux écoles de réforme. Il en est de même des enfants placés dans ces établisse- ments aux termes de l'arrêté du 29 septembre 1848, à moins que leur conduite ou d'autres motifs ne nécessitent leur réintégration dans la prison. La direction des écoles de réforme fait à cet égard telles propositions que lui sug- gèrent les circonstances. · Les colons, à leur sortie des écoles de réforme, sont informés le directeur des conséquences qu'entraînerait par leur rentrée dans ces établissements. Le comité d'inspection des écoles de réforme adresse au Ministre de la Justice, au commencement de chaque année, une liste des colons dont le séjour a dépassé la durée fixée ci-dessus, en faisant connaître les motifs qui ont déterminé cette prolongation. Le Ministre, s'il y a lieu, ordonne d'office la sortie. Le comité transmet aussi chaque année au Ministre la liste nominative des colons qui ont atteint leur dix-huitième année, en y joignant son avis et ses propositions. Le Ministre statue aux termes du § 3 de l'article 6 de la loi du 3 avril 1848. Parmi les 18 colons portés comme sortis, en 1850, s'en trouve: * il 2 qui se sont évadés, l'un huit jours après son entrée, l'autre après un séjour de trois mois environ. La conduite de ce dernier était satisfaisante et il paraissait heureux des soins dont il était l'objet. Un dimanche il reçut la visite de ses parents, et le lendemain il disparut sans que, malgré d'ac- tives recherches, on soit parvenu à le découvrir jusqu'ici; 2 qui ont été renvoyés au bout de huit jours, les admi- nistrations locales de leur domicile de secours n'ayant pas voulu consentir à leur admission définitive; 1 qui a été envoyé, pour cause d'infirmités graves, au dépôt de mendicité de Bruges. Voici quelle a été la durée du séjour des 13 autres à l'école de réforme : Ans. Mois. Jours. 2 pendant 1 7 15 2 1 4 7 1 1 3 3 1 2 16 1 1 20 2 1 >> 15 >> >> 8 20 2 2 N 1 1 11 13 Soit, en moyenne, par individu, un an deux mois et demi. Au moment de leur sortie, 2 étaient âgés de 16 ans. 7 2 2 N N 15 13 10 2 avaient été condamnés du chef de mendicité et ont été rendus à leurs parents sous la garantie des autorités locales de leurs communes; les 11 autres appartenaient à la caté- gorie des enfants retenus par application de l'article 66 du Code pénal. Ils ont été réclamés immédiatement après l'ex- piration du terme assigné par le jugement, par les com- munes où ils avaient leur domicile de secours; 8 ont été repris par leurs parents sous la surveillance des administra– tions locales; les 3 autres ont été placés à l'intervention des comités de patronage de Gand, de Ninove et d'Audenarde. 8. Age des colons. Co L'âge des 269 colons, au 4 jan- vier 1854, était comme suit : 21 âgés de moins de 10 ans, 45 10 à 12 ans, 94 12 à 14 ans, 80 14 à 16 ans, 16 ans. 29 àgés de plus de 9. État civil. -Eu égard à leur état civil, voici quel était leur classement : 28 enfants naturels, 42 orphelins de père et de mère, 43 orphelins de père, 88 orphelins de mère,` 64 ayant encore père et mère, 3 enfants trouvés, 1 enfant abandonné. : 172 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. BELGIQUE. On voit quelle est la position sociale de ces jeunes infor- tunés; la plupart sont privés de famille, et lorsqu'ils ont encore leurs parents, on a constaté que ceux-ci se trou- vaient le plus souvent dans les dépôts de mendicité ou dans les prisons. 10. Comité de surveillance. La surveillance et l'inspec- tion de l'école sont confiées à un comité composé de trois membres aux termes de l'arrêté du 8 mars 1849. Ces trois membres qui, depuis l'origine, ont puissamment contribué par leur zèle et leurs efforts au succès de l'établissement, sont MM. le chevalier Ernest Peers - Ducpetiaux, membre de la Chambre des représentants et propriétaire à Oostcamp, Frédéric Van der Bruggen, membre du conseil provincial de la Flandre orientale et propriétaire à Wynghene, et Henri Kervyn, inspecteur provincial de l'instruction primaire à Gand. 44. Personnel des employés, traitements et émoluments. Le personnel des employés est composé et rétribué comme suit : 1 directeur. 1 aumônier. 1 préposé à la comptabilité . 1 commis aux écritures 1 surnuméraire. 1 médecin. 2 instituteurs, à 600 francs . 1 surveillant en chef. 3 surveillants, à 450 fr. 1 surveillant provisoire • 4 ouvriers respectivement préposés aux attelages, fr 4,000 1.200 1,200 600 600 1,200 • 600 1,350 400 600 1 chef de culture. 1 jardinier. 400 1 jardinier adjoint. 300 aux étables et à la culture, à 200 francs. 800 1 cuisinier. 200 1 meunier-boulanger et 1 ménagère, ensemble. Totaux 21 250 13,700 Ces employés reçoivent, outre le traitement, les émolu- ments spécifiés à l'article 3 de l'arrêté du 8 mars 1849; ces émoluments comprennent la nourriture, l'éclairage, le chauffage, le blanchissage, l'ameublement et le traitement médical en cas de maladie; le directeur seul, qui a son ménage, ne reçoit pas la nourriture, le blanchissage et l'ameublement. Les surveillants ont en outre l'uniforme dont le coût peut être estimé à 50 francs, et les ouvriers un costume évalué à 20 francs. Il : Y a deux tables pour les les employés l'une présidée par l'aumônier où se réunissent les employés proprement dits; l'autre présidée par le chef de culture, pour les ouvriers de la ferme. Tous les employés, sauf le directeur, sont célibataires; c'est là une condition commandée par la nature des locaux et l'impossibilité d'y admettre des ménages. Plus tard on pourra aviser aux moyens de disposer quelques habitations pour des familles. A partir du présent exercice, il y aura lieu d'ajouter quelques employés et particulièrement d'augmenter le nom- bre des surveillants en raison de l'accroissement de la popu- lation, mais en restant toutefois strictement dans les limites posées à l'article 2 de l'arrêté du 8 mars 1849. Ces'sur- veillants seront choisis de préférence parmi les hommes de métiers, et devront être chargés de la direction de quelques- uns des ateliers; les autres ateliers pourront, comme aujour- d'hui, être confiés à des ouvriers salariés; c'est ainsi que l'établissement a engagé un serrurier-forgeron, un méca- nicien-chauffeur pour la machine à vapeur, un charron, etc. Les employés, avant de recevoir une nomination ou un engagement définitif, sont pris à l'essai, et subissent une sorte de noviciat qui sert à constater leur zèle et leur apti- tude. Ce système a parfaitement réussi, et l'on a tout lieu de se féliciter des choix faits jusqu'ici. La conduite des employés est généralement exemplaire; leur dévouement est digne d'éloges, et l'harmonie qui règne entre eux con- tribue à les attacher à leurs devoirs. Ce résultat est dû sur- tout à l'influence et à l'exemple du directeur, de l'aumônier et du préposé à la comptabilité de l'établissement, qui mettent tout en œuvre pour réaliser les vues de l'administration supérieure et assurer le succès de l'institution. 12. Projet de création d'une école de contre-maîtres. Lors des études qui ont précédé l'organisation de l'école de réforme, il avait été question d'y former, comme à Mettray et au Rauhen-Haus de Hambourg, une école spéciale de contre-maîtres; ce projet a été abandonné comme pouvant entraîner des difficultés et des complications et occasionner une dépense assez considérable. Mais si l'on n'a pas cru pouvoir recourir à des éléments étrangers pour former une pépinière d'employés capables et dévoués, il a été entendu que l'établissement aviserait aux moyens de recruter dans son propre sein les agents subalternes dont il pourrait avoir besoin par la suite. C'est là une perspective ouverte aux colons qui se distinguent par leur bonne conduite et leurs capacités; et déjà, après dix-huit mois à peine d'exercice, dès les premiers jours de cette année, on a procédé solen- nellement à l'émancipation de l'un d'eux, jeune homme actif et intelligent, apte à tous les travaux de labour, qui est allé prendre place parmi les ouvriers de la ferme. D'autres certainement marcheront sur ses traces, et, stimulés par son exemple, ambitionneront à leur tour l'honneur de servir l'établissement où ils auront puisé pour ainsi dire une nouvelle existence et qui aura assuré leur avenir. 13. Régime physique. Le régime physique des colons a été réglé de manière à l'assimiler le plus possible à celui des ouvriers de la campagne; il est simple mais suffisant, grossier mais salubre. 1 BELGIQUE. — ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. 175 et que 14. Alimentation. L'alimentation est fixée par un tarif (voir appendice sub litt. A) dont la moyenne, au taux des mercuriales, est de 21 centimes environ par journée tête. Cette dépense est assurément moindre dans par aucun établissement du même genre dans le pays et à l'étranger. Les colons reçoivent cependant de la viande deux fois par semaine; on abat, à cet effet, quelques porcs de la ferme dont la viande alterne avec celle de vache. Le pain est de seigle non bluté. Le grain, les pommes de terre, les légumes, le lait, le beurre, sont des produits de l'établis- sement, qui viennent ainsi en défalcation de la dépense gé- nérale. A mesure de l'extension et du perfectionnement de la culture, ces produits deviendront plus abondants, et dans la suite, lorsque l'étendue des terres aura été mise en rapport avec le chiffre normal de la population, on peut espérer que l'établissement pourvoira par lui-même aux besoins essentiels de sa consommation. Le relevé des dépenses du ménage des ouvriers de la ferme et de celui des employés de l'école fait ressortir le prix de la nourriture à 73 centimes par jour et par individu pour les premiers, et à 97 centimes pour les seconds. Ici encore les produits de l'exploitation figurent pour une pro- portion considérable, que l'on peut évaluer à plus de 30 p. c. 15. Habillement. Chaque colon reçoit, à son entrée, un trousseau composé des objets suivants : 5 chemises de toile, 2 pantalons de pilou, 2 pantalons de toile grise, 1 veste de pilou, 2 blouses en toile bleue, 2 cols ou cravates, 2 mouchoirs de poche en coton, 1 ceinture, 1 képi en pilou, 1 chapeau de paille, 2 paires de chaussettes de laine, 1 paire de souliers, 2 paires de sabots, 2 essuie-mains de toile grise, 1 peigne et 2 brosses, l'une pour les habits, souliers. l'autre pour les Le coût de ce trousseau ne dépasse pas 32 à 35 francs, selon les tailles. La plupart des effets qui le composent ont été fournis jusqu'ici par la direction des travaux de la mai- son de force de Gand; mais dès que les ateliers seront définitivement organisés à l'école de réforme, celle-ci fabri- quera et confectionnera elle-même, autant que possible, tous les effets d'habillement et de coucher nécessaires aux besoins de sa,population. Déjà l'atelier des tailleurs et des ravaudeurs est complétement organisé; les chapeaux de paille sont fabriqués par les plus jeunes enfants; la fila- ture et la tisseranderie sont installées et seront mises en activité avant la fin de l'hiver. Il en est de même de la cor- donnerie. La seule difficulté est de trouver des ouvriers | capables de remplir les fonctions de contre-maîtres et de diriger convenablement les jeunes travailleurs; mais, grâce aux actives démarches du directeur, ces difficultés ne tar- deront pas sans doute à être levées. 16. Coucher. -- Le coucher se compose d'un lit de fer avec casier où les colons rangent leurs effets d'habillement : une paillasse, un traversin, une paire de draps de lit de toile. et une, deux ou trois couvertures de coton, selon la saison. Les lits, fabriqués dans les ateliers de la maison de force de Gand, ne coûtent que 22 à 23 francs la pièce, y compris le casier qui est aussi en fer. Ils sont rangés sur quatre lignes dans les dortoirs. Ceux-ci sont éclairés toute la nuit; indépendam- ment du surveillant qui, de sa chambre, peut voir d'un coup d'œil tout ce qui s'y passe, on a organisé un service de ronde nocturne; l'un des surveillants, accompagné de deux colons, parcourt successivement et sans interruption, tous les locaux et spécialement les dortoirs pour s'assurer que tout y est en bon ordre. 17. Chauffage et éclairage. Le chauffage et l'éclairage sont établis sur le pied le plus économique; tout le rez-de- chaussée du bâtiment central où se trouvent le réfectoire et les écoles est chauffé par la machine à vapeur; l'éclairage a lieu au moyen de lampes, et le colza récolté sur la propriété fournit en partie l'huile nécessaire à leur alimentation. La buanderie provisoire est desservie par les colons en atten- dant l'organisation de l'école des filles, qui sera spécialement chargée du blanchissage et de tout ce qui se rapporte à la lingerie pour les deux établissements 18. État sanitaire. L'état sanitaire de la colonie té- moigne en faveur du régime qui y a été introduit. Un grand nombre d'enfants, lors de leur entrée, sont atteints de mala- dies plus ou moins graves, de rachitisme, de scrofules. Mais ces accidents et ces symptômes alarmants cèdent rapidement à l'influence du grand air, du travail des champs et d'une vie réglée. Cela est si vrai qu'au premier aspect on distingue les colons nouvellement admis de ceux qui ont déjà séjourné plus ou moins longtemps à l'établissement. Ces derniers sont pour la plupart forts et lestes; leur teint est coloré et toute leur apparence dénote la santé. En 1849, il n'y avait pas encore d'infirmerie organisée; il n'y a pas eu, à proprement parler, de cas de maladie caractérisée, partant pas de décès, et le service médical, y compris les visites du médecin provisoire, n'a occasionné qu'une dépense de 95 fr. 34 c. En 1850, sur une population moyenne de 174 colons, il n'y a eu que 12 admissions à l'infirmerie. Le nombre des journées de traitement a été de 73, ce qui constitue pour chaque malade une moyenne de six jours. Les dépenses faites en drogues et médicaments de toute nature, pour les colons comme pour les employés et pour quelques ouvriers blessés ou contusionnés pendant qu'ils travaillaient aux 1 : : 174 BELGIQUE. — ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. constructions, ne s'élèvent qu'à la somme minime de 48 fr. 94 c. pour tout l'exercice. Il n'y a eu aucun décès. Les enfants atteints d'infirmités graves ou incurables et par suite impropres à tout travail, sont envoyés à l'infirmerie du dépôt de mendicité de Bruges, en vertu d'une convention conclue avec l'administration de cet établissement. L'école de réforme paye leurs frais d'entretien et de traitement à raison de cinquante centimes par jour et par tête. Cette mesure a été appliquée en 1850 à l'égard de six colons, dont quatre appartiennent à la catégorie des enfants retenus en exécution de l'article 66 du Code civil; ils présentent un ensemble de 678 journées de traitement, ce qui consti- tue par conséquent une dépense de 339 francs. Ils restaient tous au dépôt à la fin de l'exercice. 19. Régime moral. — Le régime moral a été l'objet d'une sollicitude plus active et plus paternelle encore, si possible, que le régime physique. On a compris que les pauvres en- fants envoyés à l'école de réforme n'avaient pas moins besoin du pain de l'âme que du pain du corps; qu'il ne s'agissait pas seulement de les arracher à la misère, aux maladies et parfois à une mort prématurée, mais encore de modifier leurs habitudes, de corriger leurs vices, de leur enseigner leurs devoirs, de les relever d'une sorte de dégra- dation héréditaire et de les réhabiliter à leurs propres yeux comme aux yeux de la société. Malgré les difficultés insé- parables d'une organisation toute nouvelle, au milieu des embarras occasionnés par les constructions, les constructions, dès le premier jour de l'entrée des premiers colons ceux-ci ont été soumis à une règle sévère mais bienveillante, et jusqu'ici il ne s'est pas produit un seul acte d'indiscipline de nature à troubler l'ordre qui n'a cessé de régner dans l'établissement. 20. Admission successive des colons; formation de cadres. L'admission successive des colons par groupes peu nom- breux a puissamment contribué à ce résultat, en facilitant la tâche de la direction; celle-ci est parvenue ainsi à former des cadres dans lesquels sont venus se ranger les nouveaux arrivants. 24. Classement. La population est partagée aujour- d'hui en cinq divisions de 50 à 60 colons chacune, classés, autant que possible, selon les âges. Il y a un employé veillant par division. sur- Chaque division est partagée en deux sections; à la tête de chaque section se trouve un chef, secondé d'un sous- chef de section, désignés l'un et l'autre par le directeur parmi les colons qui se distinguent par leur bonne conduite et leur application. Chaque section possède en outre un clairon. 22. Emploi de la journée. L'emploi du temps est réglé de manière à occuper tous les instants des colons, à prévenir la fatigue et l'ennui par la variété et la succession fréquente : des exercices, et à les empêcher de se soustraire à la sur- veillance. Cet emploi diffère quelque peu selon les saisons; voici comment il est provisoirement fixé pour les journées d'été, d'hiver et les dimanches et fêtes; Heures. 5 20 20 Lever; 1° Saison d'été. 1 à 2 Prières, ablutions, soins de propreté, rangement des 512 à 62 62 à 63% 6 3/4 à 7 lits, appel; Exercices, manœuvres; Déjeuner; Distribution du travail; Travail; Classe de chant, répétition pour la fanfare; Catéchisme pour les enfants qui n'ont pas fait leur pre- mière communion; 7 à 11 11 à 12 12 à 12 1/4 Dîner ; 4 12 à 1 Récréation ; 1 à 5 1/2 Travail; 4 1/2 à 5 1/2 51/2 à 53% Souper; 5 3/4 à 7 1/2 Classe, instruction élémentaire; 7/2 à 83/4 Gymnastique; 83/4 à 9 9 Appel, rapport; 5 20 20 Heures. Prières, coucher. Le samedi de 5 à 8 heures, nettoyage des ateliers, bains, etc. Lever; 2º Saison d'hiver. à 5 3/4 Prières, ablutions, soins de propreté, rangement des 53 à 6 ¾ lits, appel; Classe de chant; Déjeuner ; Distribution du travail; Travail ; 6 ¾ à 7 7 à 7 % 7 1/4 à 12 11 à 12 12 à 12 / Diner; 12 ¼ à 1 1 à 2 2 à 534 4 1/2 à 53 5% à 6 6 à 8 Répétition pour la fanfare; Récréation ; Gymnastique et exercices militaires; Travail; Catéchisme pour les enfants qui n'ont pas fait leur pre- mière communion; Souper ; Classe, instruction élémentaire ; 8 à 8 ½ Appel, rapport; 81/2 Prières, coucher. Heures. Le samedi, de 1 à 4 1/2 heures, nettoyage des ateliers, bains', etc. 3º Dimanches et jours de fête, été comme hiver. 5 à 5 1/2 512 à 7 1/2 71/2 à 8 8 à 8 3/4 8/ à 9 ¾ 9 3/4 à 11 11 à 12 › à 12 / 12 12 à 2 Lever, prières, ablutions, soins de propreté, etc.; Inspection des trousseaux, des lits, revue de propreté ; Déjeuner ; Récréation ; Messe, sermon ; Classe de chant; Récréation, jeux ; Diner; Récréation, jeux ; BELGIQUE. 175 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. 22 lleures. 2 à 4 4 à 53 53/4 à 6 6 à 8 Catéchisme et conférences sur la doctrine chrétienne; Gymnastique, exercices militaires ou promenade; Souper; Classe, instruction élémentaire ; 8 à 8 1/2 Appel, rapport; 8% Prières, coucher. D'après les indications qui précèdent, le relevé de l'em- ploi du temps donne les résultats suivants : Travail. Instruction scolaire. Musique vocale et instrumentale . En été. 82% Gymnastique, manœuvres et exercices militaires. 2 Repas. Récréation. Lever, coucher, prières, soins de propreté, appels, etc. Repos. Plus une heure de catéchisme pour les colons qui n'ont pas fait leur première communion et qui, pour ceux-ci, vient en défalcation des heures de travail. Totaux. 1 3/4 HEURES. En hiver. 8 24 1 1 1 » 3/4 >> 314 1 8 >> 3, 4 1 2/4 82/ >> 24 24 L'emploi du temps des dimanches et des jours de fête subira sous peu quelques modifications. L'achèvement des travaux de construction de la chapelle permettra de chanter, l'après-midi, les vêpres et le salut. Le temps à consacrer à ce service sera pris sur les heures désignées actuellement comme affectées à la récréation. 23. Éducation physique.— Gymnastique,manœuvres, exer- cices militaires. On remarquera que, particulièrement en été, la gymnastique, les manoeuvres et les exercices mili- taires occupent une partie assez notable de la journée; pour comprendre la nécessité et apprécier l'influence salutaire de ces exercices, il faut voir l'état déplorable de la plupart des enfants à leur arrivée, et le changement favorable qui s'opère dans leur apparence extérieure et leur constitution après une certaine durée de séjour dans l'établissement. Le rachitisme, les affections scrofuleuses, le défaut d'élasticité des membres, l'embarras de la marche, ne tardent pas à dis- paraître par l'action répétée des manœuvres, qui contri- buent non-seulement à entretenir la santé et à développer les forces et l'agilité des enfants, mais encore à les accoutumer à la discipline, à leur ouvrir l'esprit et à leur procurer une distraction agréable en les préparant à diverses professions utiles. La fatigue qu'entraînent ces exercices, et qui cepen- dant ne va jamais jusqu'à l'épuisement, prédispose les colons au sommeil, et peut être considérée comme l'un des préser- vatifs les plus efficaces contre les vices secrets et les habi- tudes honteuses que favorise la vie sédentaire, qui ne sont que trop fréquents dans les établissements publics et les maisons d'éducation, et qu'on est heureusement parvenu à extirper dès les commencements à la colonie de Ruysselede. Grâce au zèle et à l'aptitude toute particulière du surveil- lant en chef qui dirige l'enseignement de la gymnastique, tous les exercices s'exécutent déjà avec un entrain et un ensemble des plus remarquables. Le bataillon de l'école manœuvre avec une précision presque égale à celle des meil- leurs bataillons de l'armée; un peloton, armé de vieilles carabines mises au rebut dans les prisons, marche en tête et donne l'élan; l'escrime à la baïonnette, l'exercice de tirail- leurs sont pour les enfants de véritables jeux, et ceux d'entre eux qui seront appelés au service militaire auront passé d'avance par toutes les épreuves auxquelles sont soumis nos conscrits. 24. École de mousses. Pour compléter cet enseigne- ment, dont nul, pensons-nous, ne contestera l'utilité, on s'occupe des moyens de combiner avec le gymnase une école de mousses, destinée à élever des sujets pour la marine mili- taire et marchande. Cet établissement, projeté depuis assez longtemps, et que M. le Ministre de l'Intérieur citait naguère comme pouvant contribuer à alléger la misère des Flandres. en ouvrant une nouvelle carrière à sa population laborieuse. cet établissement aurait lieu à des conditions avantageuses et économiques si on le rattachait à une institution déjà organisée, dont la population, composée en grande partie d'enfants délaissés, mendiants et vagabonds, paraît plus propre qu'aucune autre à fournir les éléments nécessaires pour former des marins. Dans plusieurs écoles de pauvres en Angleterre, et récemment aussi en France, à la colonie de Mettray, on a institué des classes de mousses, d'où sont sortis plusieurs sujets qui ont immédiatement trouvé de l'emploi dans les ports de mer du pays. En imitant cet exemple, il serait sans doute possible d'obtenir chez nous un résultat analogue. A cet effet, de même qu'à Mettray et à Norwood près de Londres, il suffirait d'ajouter au maté- riel du gymnase la mâture d'un brick, avec ses agrès et sa voilure, et de charger un marin de venir deux fois par semaine à l'école pour diriger les manœuvres. D'après les devis qui ont été recueillis, l'acquisition des appareils dont il s'agit occasionnerait une dépense de 10,000 francs environ. dépense qui pourrait être réduite à 6,000 ou 8,000 francs, si l'on parvenait à se procurer une mâture d'occasion. Cette acquisition reste subordonnée au subside que pourrait accor- der le Département de l'Intérieur en vue d'un essai dont il a le premier reconnu les avantages. Aux 25. Éducation morale, intellectuelle et religieuse. soins donnés à l'éducation physique des colons viennent se joindre ceux que commande leur éducation morale, intel- lectuelle et religieuse. 26. Instruction scolaire. L'instruction scolaire, qui n'avait été qu'ébauchée en 1849, a été complétement orga- nisée en 1850. Les élèves sont divisés en deux classes, sub- divisées chacune en deux sections. A la tête de chaque classe : : 176 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. BELGIQUE. se trouve un instituteur, assisté d'un certain nombre de moniteurs choisis parmi les colons, pour lesquels il a été institué un cours spécial et journalier, destiné à les préparer à leurs fonctions. Parmi ces moniteurs, il en est quelques- uns qui montrent des dispositions et une aptitude vraiment remarquables, et qui, par la suite, pourront devenir des instituteurs distingués. 27. Matières de l'enseignement. L'enseignement, qui se donne alternativement dans les deux langues, française et flamande, comprend la lecture, l'écriture, la grammaire et la dictée, l'intuition et les exercices de mémoire, le calcul mental, le calcul écrit, le système légal des poids et mesures, la géographie générale et l'histoire du pays, les notions de dessin linéaire et la musique vocale et instrumentale. Cet enseignement pourra être étendu et développé avec le temps, à mesure des progrès des élèves, de manière à embrasser toutes les connaissances qui peuvent être utiles à l'ouvrier JOURS de la semaine 2º CLASSE (commençants). et contribuer à son perfectionnement intellectuel, moral et professionnel. Dans les commencements, il a fallu néces- sairement se borner aux notions les plus élémentaires. 28. Méthode - La méthode suivie est celle de M. Braün, professeur de pédagogie à l'école normale de Nivelles (méthode intuitive). Pour mettre les instituteurs de l'éta- blissement de Ruysselede au courant de cette méthode, ils ont été envoyés, pendant quelques mois, à l'école normale de Nivelles, où ils ont suivi avec succès le cours de métho- dologie. Grâce à l'emploi de ces moyens préparatoires, ces employés sont tout à fait à la hauteur de leurs fonctions; ils font preuve d'un zèle soutenu, et dès à présent les écoles de Ruysselede peuvent être rangées parmi les meilleures insti- tutions de ce genre dans le pays. 29. Ordre des leçons. - La distribution du temps, dans chacune des deux classes, a lieu de la manière suivante, pendant la saison d'hiver dans laquelle nous nous trouvons : Heures. tre CLASSE. Heures. 6 642 à 7 à 6 1/2 Emission des sons et écriture, Lecture; 6 à 7 Calligraphie ; DIMANCHE (Soir) 7 à 7 2 Système métrique; 7 à 72 Calcul mental; 742à8 6 à 6 Application par écrit du système mé- trique. à 62 Émission des sons et écriture; 7 1/2 à 8 Calcul par écrit. 6 à 62 642 à 7 Lecture; 6 1/2 à 7 LONDI (id.). 7 à 7 1/2 Calcul mental; 7 à 8 Dictée flamande ; Correction de la dictée avec exercices d'orthographe; Lecture flamande. 712 à8 Calcul par écrit. 6 à 6 1/2 Émission des sons et écriture: 6 à 6 12 Dictée française ; 6 1/2 à 7 Lecture; 6 112 à 7 MARDI (id.). 7 à 7 1/2 Intuition; 7 à 8 Correction mutuelle de la dictée précédente; Lecture française. 7 1/2 à 8 Exercices de mémoire. 6 Mercredi (id.). Lecture; à 6½ Émission des sons et écriture ; 642 à 7 6 à 62 61/2 à 7 6 7 à 7 1/2 Calcul mental; 72a8 Calcul par écrit. à 6 1/2 Émission des sons et écriture; Lecture; 642 à 7 7 à 7 1/2 Explication des caractères calligraphiques; Écriture sur le cahier des lettres expliquées ; Version orale; 7 1/2 à 8 6 à 6½ 6 1½ à 7 Écriture des phrases indiquées par l'instituteur. Géographie; Histoire du pays; JRUDI (id). 7 à 7 1/2 Système métrique; 7 à 7 1/2 Calcul mental; 71/2 à 8 Application du système métrique. 71/2 à 8 Calcul par écrit. 6 à 6 1/2 Émission des sons et écriture; 6 à 612 Système métrique; 61/2 1/2 à 7 Lecture; 61/2 à 7 VENDREDI (id.). 7 à 7¹/2 Calcul mental; 71/2 à 8 Calcul par écrit. à 6 1/2 Émission des sons et écriture; 7 à 8 Application par écrit du système métrique; Lecture française. 6 6 1/2 à 7 Lecture ; SAMEDI (id.). 7 à 72 Calcul mental 6 à 7 Exercices de grammaire ; 7 à 8 Dessin d'un modèle. 71/2 à 8 Calcul par écrit. 30. Enseignement du chant. Une leçon de solfége est donnée chaque matin, de six à sept heures, aux élèves de la deuxième classe, et une leçon de chant et de musique, à la même heure, aux élèves de la première classe; cette leçon a lieu le dimanche, de dix à onze heures pour les premiers, et de dix à onze heures et demie pour les seconds. On suit pour le chant la méthode chiffrée (méthode Galin-Paris- Chevé), tout en la combinant à certains égards avec la BELGIQUE. ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. 177 méthode notée ordinaire. Un certain nombre d'élèves des plus avancés apprennent en outre le plain-chant et sont déjà en état de chanter la messe en musique. Au mois de 31. Musique instrumentale; fanfare. mars 1850, on a organisé une fanfare composée de 15 in- struments de cuivre (système de Sax), savoir: 1 petit bugle en mi bémol, 3 bugles ténor en si, 2 bugles alto en mi, 2 cor- nets à piston, 1 petite trompette à clefs, 2 trompettes à cylindre, 2 trombones à cylindre, 1 tuba en si bémol, 1 basse tuba en fa. Un maître se rend deux fois par semaine de Bruges à l'école de réforme, et bien qu'aucun enfant ne connût, il y a quelques mois, une note de musique, il est parvenu à former une trentaine de jeunes musiciens qui ne le cèdent point à ceux de la plupart de nos régiments. La fanfare donne le ton aux exercices et aux manœuvres; elle marche en tête des colons lorsqu'ils sont conduits à la pro- menade dans les environs; elle les distrait agréablement le dimanche, et figure dans toutes les solennités de l'établisse- ment. Il y a, en outre, 8 clairons qui sonnent les appels et remplissent un office analogue à celui des cloches dans les établissements publics. En familiarisant ainsi les colons avec l'usage des instruments à vent, on ouvrira sans doute, pour quelques-uns, une carrière utile et lucrative; tous ceux qui en seront capables pourront être admis, immédiatement après leur sortie, dans les corps de musique de l'armée. 32. Matériel de l'école; bibliothèque. - Les salles d'école sont spacieuses, bien éclairées et pourvues de tout le maté- riel nécessaire pupitres, bancs, estrades, tableaux, cartes géographiques, poids et mesures, modèles, etc. Une biblio- thèque, composée des meilleurs ouvrages moraux, instruc- tifs et amusants, dans les deux langues, est en voie de formation pour être mise à la disposition des employés et des colons. er 33. Degré d'instruction des enfants à leur entrée à la colonie. Sur une population de 245 colons, au 4º jan- vier 1851 (1), il s'en trouvait, à leur entrée à l'établissement: 42 sachant lire et écrire, 22 connaissant les lettres de l'alphabet, et 181 complétement ignorants. Les enfants qui possédaient une certaine instruction l'avaient acquise à l'école du pénitencier de Saint-Hubert; quant à ceux transférés des dépôts de la Cambre et de Bruges, ils étaient, pour la plupart, tout aussi ignorants que les jeunes mendiants et vagabonds entrés isolément à l'école de réforme. 34. Degré actuel d'instruction des colons. Après un séjour de quelques mois ou seulement même de quelques (4) Non compris les six enfants transférés pour cause d'infirmités au dépôt de Bruges. semaines, pour plus de la moitié des colons, voici quel est le résultat de l'examen qu'on leur a fait subir à la date précitée : Sur 245 enfants : Lecture langue flamande . Id. langue française. Grammaire et dictée : langue flamande. } Id. langue française. Intuition et exercices de mémoire. Calcul mental. Calcul écrit. Écriture. Système métrique. Géographie et histoire du pays. Musique vocale. . Musique instrumentale. 114 couramment, 45 imparfaitement, 86 commençants. 38 bien, 26 moins bien, 181 néant. 64 bien. 181 néant. 53 bien, 9 moins bien, 181 néant. 139 bien, 42 moins bien, 64 commençants. 104 très bien, 77 bien. 38 moins bien 26 commençants. 104 très-bien, 64 bien, 11 moins bien, 66 commençants. 99 bien, 58 moins bien, 88 commençants. 104 très-bien, 14 bien, 127 commençants. 47 bien, 17 moins bien,. 181 néant. 114 bien, 151 commençants. 14 très-bien, 11 commençants, 220 néant. Le défaut d'em- 35. Organisation du service religieux. placement et le petit nombre de colons n'ont pas permis d'attacher dès les commencements un aumônier spécial à l'école de réforme; on s'est borné à ériger un autel provi- soire dans un local assez spacieux, et grâce au concours bienveillant de M. le curé de Ruysselede, chaque dimanche et jour de fête l'un des vicaires de la commune est venu dire la messe et faire une instruction à l'établissement. Ce régime transitoire a duré jusqu'au mois de juin 1850. A cette époque, la nomination de M. l'abbé Bruson aux fonc- tions d'aumônier a fait entrer, en quelque sorte, l'école dans une phase nouvelle. L'influence toute-puissante de la religion est venue se joindre à celle de la discipline et de la surveillance pour réaliser l'œuvre de régénération à laquelle tendent tous les efforts de l'administration. Le digne ecclé- siastique à qui a été confiée la mission d'enseigner cette 25 178 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. BELGIQUE. population de pauvres enfants, est devenu en peu de temps pour eux un ami et un père; tous l'aiment et le vénèrent. Presque constamment au milieu d'eux, il étudie leur carac- tère, interroge leurs besoins et ne leur épargne pas les conseils. 36. État religieux des enfants à leur arrivée et depuis leur séjour à l'école; rapport de l'aumônier. - Il résulte des ren- seignements recueillis à leur entrée et de l'examen que leur fait subir l'aumônier, que la grande majorité des enfants envoyés à l'école de réforme ignorent les vérités essentielles de la religion; sur un chiffre de 245 colons présents à la fin de 1850, 142 avaient, il est vrai, fait leur première com- munion; mais sur ce nombre il n'y en a que 13 qui ont su le catéchisme en entier, dont 14 seulement répondent encore d'une manière satisfaisante. Tous les autres n'ont été initiés qu'aux principales leçons, qu'ils ont presque entièrement oubliées. Mais laissons parler M. l'aumônier lui-même qui, dans un rapport adressé au comité d'inspection, à la fin de 1850, passe en revue tout ce qui se rattache au service et à l'enseignement religieux de l'établissement: << Quant aux enfants qui n'ont pas encore fait leur pre- <«mière communion, les uns à cause de leur jeunesse, les << autres à cause du triste état d'abandon dans lequel ils ont «végété, l'on s'estime heureux, pour ces derniers surtout, lorsqu'ils savent leurs prières et connaissent les vérités de <«< première nécessité. Il en est dans le nombre 35 àgés de <«<< treize à seize ans, dont 11 savaient à peine quelques prières, et 12 n'avaient fait que commencer à apprendre <«<< deux ou trois leçons du catéchisme. « (( <«< Tous les colons assistent les dimanches et les fêtes de <«< précepte au saint sacrifice de la messe, pendant laquelle «ils reçoivent une courte instruction. Pour autant que les <«< circonstances le permettent, on rehausse déjà le service « divin par le chant et la musique, et dès que les travaux «de la nouvelle chapelle seront terminés, rien ne s'oppo- << sera, selon moi, à ce que, de même qu'aux églises parois- <«> Au mois de novembre dernier, l'aumônier, à la suite du service divin, avait fait une instruction, en prenant pour texte les deux premiers mots de l'oraison dominicale Notre Père; cette instruction touchante émut profondément les colons, qui attendirent spontanément l'aumônier au sortir de la chapelle, le saluèrent d'unanimes acclamations, et lui témoignèrent leur gratitude et leur affection par une vérita- ble ovation. A l'occasion du nouvel an, ce fut le tour du directeur les colons lui avaient préparé une agréable sur- prise. Au moment où l'horloge sonnait l'expiration de la vieille année et l'avènement de l'année nouvelle, toute la population réunie vint lui porter l'expression de ses féli- citations et de ses vœux, et lui donner une sérénade. Quelques jours après, on procéda solennellement à l'éman- cipation d'un des meilleurs colons, qui fut installé parmi les ouvriers de la ferme. A cette occasion, le directeur prononça un discours profondément senti, qui fut écouté avec une religieuse attention, et qui laissera sans doute des traces salutaires dans les esprits. Nous rappelons ces faits parce qu'ils nous paraissent des symptômes, nous pourrions même dire des assurances, d'une véritable régénération. Lorsque l'on compare la condition actuelle des colons avec l'état où ils se trouvaient au moment de leur arrivée, il est permis de mesurer, avec un légitime orgueil, la distance qui sépare les deux époques et les pro- grès accomplis pendant une période à peine de dix-huit mois. On a pu se convaincre, par les détails qui précèdent, que l'établissement de Ruysselede n'est pas une prison, un lieu de pénitence, mais bien une véritable école de réforme comme l'indique son titre. Les colons y jouissent d'une liberté qui n'est tempérée que par la règle à laquelle ils se soumettent en quelque sorte spontanément et de bon cœur: toute idée de contrainte a été écartée; il n'y a ni murs, ni barrières, ni grilles, ni verrous; si donc les enfants restent à l'établissement, c'est qu'ils le veulent bien et qu'ils y sont contents. Le petit nombre d'évasions qui ont eu lieu depuis l'origine démontre les avantages de ce système, basé sur la confiance et la persuasion. Aussi n'hésite-t-on pas, lors- qu'un enfant se comporte bien et qu'il appartient d'ailleurs à une famille recommandable, à l'autoriser à aller visiter de temps à autre ses parents dans les environs; ces autori- sations n'ont jamais entraîné d'abus, et les colons auxquels F 182 BELGIQUE. - ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. elles avaient été accordées sont toujours rentrés à l'heure prescrite. On pourra encore, par la suite, recourir à d'autres faveurs et à d'autres moyens de distraction pour récom- penser leur bonne conduite et stimuler leur zèle; ainsi, à certains jours solennels, les enfants les plus méritants pour- ront être admis à s'asseoir à la table des employés; pendant les soirées d'hiver, ils pourront prolonger la veillée, et, réunis dans une salle bien éclairée, ils pourront se livrer à des études et à des lectures de leur choix, ou assister à des conférences familières sur divers sujets instructifs et amu- sants. Des jeux pourront aussi être établis, tels que le tir à l'arc, les boules, les quilles, etc. Enfin, l'institution de quelques fètes annuelles, comme dans les écoles d'Allema- gne, et spécialement la célébration de l'anniversaire de l'établissement, contribueront à donner de la variété et de l'animation à l'existence des colons, à resserrer les liens de gratitude et d'affection entre eux et leurs bienfaiteurs, et à leur laisser d'agréables souvenirs de leur séjour à la colonie. 50. Organisation agricole; emploi des colons à la culture et à la ferme. Conformément aux bases de son institution, l'école de réforme de Ruysselede est avant tout un établisse- ment agricole. Tous les travaux y sont organisés au point de vue de l'agriculture et des industries qui s'y rattachent, et qui peuvent être exercées dans les campagnes. Les colons labourent la terre, font les semailles et les plantations; les plus jeunes sarclent et arrachent les mauvaises herbes; les plus âgés et les plus forts sont employés à la moisson et battent en grange. Une brigade est spécialement attachée à la ferme, où, d'après un ordre de roulement, les colons qui en font partie sont successivement occupés à l'étable, à l'écurie, à la porcherie, à la basse-cour, aux fumiers, à la laiterie, etc. Une autre brigade est occupée au potager, sous la direction et la surveillance du jardinier et de son aide. Pendant les deux premières années, il a été nécessaire d'em- ployer quelques ouvriers étrangers pour suppléer à l'inex- périence des enfants et exécuter certains travaux auxquels ils étaient tout à fait inhabiles; mais, à partir de cette année, on pourra sans doute se passer de cette assistance et se tirer d'affaire avec le seul personnel de l'établissement. 54. Combinaison et alternance des travaux agricoles et industriels. Pendant la saison des labours et des récoltes, on estime que l'exploitation agricole peut occuper réguliè- rement 250 à 300 enfants; ces enfants doivent être choisis de préférence parmi ceux qui appartiennent à la population rurale et parmi les orphelins et les enfants abandonnés ; quant aux enfants des villes qui, à leur sortie, sont destinés à rentrer dans leur famille, ils trouveront de l'emploi dans les ateliers sédentaires déjà organisés ou qui pourront être établis par la suite: ces mêmes ateliers fournissent le moyen d'occuper les travailleurs agricoles pendant la mauvaise saison et lorsque les travaux des champs sont forcément suspendus. 52 Choix et nature des occupations d'après l'origine des enfants. Dans le choix des professions et des métiers industriels proprement dits, il a fallu concilier autant que possible les intérêts des deux classes de la population, des enfants de la campagne et des enfants des villes, de manière à les mettre à même d'utiliser les connaissances qu'ils auront acquises à l'école de réforme dans quelque position qu'ils puissent se trouver à leur sortie de l'établissement. Cet objet a fixé sérieusement l'attention de l'administration qui, sans prendre toutefois de résolution définitive à cet égard, a cependant considéré les professions suivantes comme satisfaisant plus ou moins aux conditions exigées : Forge, serrurerie, confection et réparation des instru- ments aratoires, taillandiers, treillageurs, mécaniciens. L'installation de la machine à vapeur permettra d'utiliser quelques jeunes gens au service de cet appareil et de les former au métier de chauffeur, etc.; Menuiserie, charpenterie, charronnage, tonnellerie, sa- boterie, tourneurs, sculpteurs en bois, etc.; Bourreliers, selliers; Cordonniers, savetiers; Tailleurs, ravaudeurs ; Peintres, vitriers, maçons, manoeuvres, briquetiers, ter- rassiers, etc.; Vanniers ; Tresseurs de paille, confection de chapeaux, de nattes, de balais, etc.; Clouterie, brosserie; Bimbeloterie, confection de jouets, etc.; Confection de tissus divers: tapis, pantoufles, etc.; Manipulation du lin: teillage, serançage, filature, épou- lage, ourdissage, tisseranderie; Meuniers, boulangers, cuisiniers; Domestiques; Musiciens, soldats, mousses, etc. : Quel- 53. Industries introduites à l'école de réforme. ques-unes des industries mentionnées dans cette liste sont déjà introduites à l'école de réforme les ateliers de forge et de serrurerie, de menuiserie, de charronnage, de tonne- liers, de tailleurs, de vanniers, de tresseurs de paille, sont organisés; l'atelier de filature et de tisseranderie est com- plétement outillé et contient 60 rouets, 6 métiers à tisser, 9 moulins à bobiner, 1 dévidoir et 1 moulin pour les chaînes; sa mise en activité n'est plus subordonnée qu'au choix du contre-maître dont on s'occupe en ce moment. L'atelier des tailleurs est dirigé par un des surveillants; à la tête des autres on a placé de bons ouvriers, payés à la journée ou au mois, qui travaillent eux-mêmes en même temps qu'ils surveillent les apprentis mis à leur disposition. On a pris au surplus la résolution de choisir à l'avenir, au- tant que possible, les surveillants parmi les ouvriers aptes à diriger les principaux ateliers de l'école. En combinant ainsi la surveillance avec la direction de l'apprentissage des BELGIQUE, 185 ÉCOLE AGRICole de réfORME DE RUYSSELEDE. i colons, on réalisera une économie assez notable tout en maintenant strictement la discipline. Déjà, parmi les sur- veillants existants, il y a un laboureur, un jardinier et un tailleur, chargés ainsi d'une double fonction. 54. Nombre de colons employés aux diverses branches de travail. Les 245 colons présents à l'établissement, au commencement de l'exercice 1851, étaient occupés de la manière suivante : 1. Au potager. • 2. Batteurs en grange. 3. Préposés aux attelages 4. Employés à l'étable. • A. Culture et ferme : 30 12 4 4 5. Employés à la ferme pour travaux divers. 20 B. Ateliers: 6. Tailleurs, ravaudeurs. 7. Menuisiers, charpentiers. 8. Forgerons, serruriers. 30 13 9. Apprentis charrons. 140. Apprentis tonneliers • 14. Apprenti machiniste (machine à vapeur). 2 N 1 12. Apprenti plombier. 1 13. Tresseurs de paille et confection de chapeaux, de paniers. 44. A la réparation de la route en gravier, casseurs de pierres 40 28 C. Service domestique, ménage : 13. Aides boulangers. 16. Buandiers. • • 47. Cuisiniers et éplucheurs 18. Préposés à la propreté. 19. Servants du quartier des employés. 20. Détachés à la cuisine des employés 21. Infirmier . • 22. Planton en qualité de portier. 23. Clairon de garde . 24. Malades à l'infirmerie. ? 44 12 15 3 • 4 1 1 70 125 48 2 Total. 245 On voit que tous les colons sont occupés, dès à présent, malgré l'hiver; l'ouvrage ne fait pas défaut, et si le nombre de bras était plus considérable, il ne serait pas difficile de les utiliser. Nous avons dit qu'une soixantaine d'enfants étaient âgés de moins de douze ans; ils sont employés aux travaux les plus faciles et les moins fatigants; ce sont eux qui tressent la paille et confectionnent les chapeaux pour toute la population. Les plus âgés et les plus robustes sont chargés des travaux qui exigent plus de force et d'intelli- gence. Mais tous, lorsque le temps le permet et que les besoins le commandent, passent immédiatement des ateliers dans les champs et rendent d'ailleurs tous les services dont ils sont capables. On a pu constater ainsi, dans plusieurs circonstances, l'avantage qu'il y a à changer les occupations; leur succession et leur variété satisfont la curiosité des en- fants, stimulent leur activité, les soustraient à l'ennui insé- parable d'un travail monotone et constamment uniforme, permettent de consulter leurs dispositions et leurs aptitudes spéciales, et doivent avoir pour résultat définitif de les former simultanément à l'exercice de diverses professions susceptibles de leur venir en aide par la suite. 55. Encouragements au travail; absence de rétribution pécuniaire. Les colons ne reçoivent pas de salaire ; avant qu'il puisse être question de payer leurs services, il importe qu'ils compensent par leur travail les frais occasionnés par leur entretien, leur éducation et leur apprentissage. Au surplus, l'institution d'une caisse de secours permet de satis- faire à leurs besoins essentiels à l'époque de leur sortie. On a donc substitué au stimulant de l'intérêt pécuniaire des mobiles puisés dans un ordre plus élevé : l'émulation, les encouragements moraux, les éloges accordés au zèle et aux progrès. Ce système a parfaitement réussi ; les colons tra- vaillent avec gaieté et avec ardeur, et nul d'entre eux ne faire songe même à l'argent dont il ne saurait d'ailleurs que pendant son séjour à l'établissement. verger. 56. État des terres lors de l'occupation de la propriété: extension du défrichement et de la culture; potager, pépinière. L'exploitation agricole a suivi son cours pendant l'exercice qui vient de s'écouler. Lors de l'occupation de la propriété à la fin de 1848, les terres présentaient l'aspect le plus déplorable; complétement négligées, appauvries, envahies par les mauvaises herbes et le chiendent dont la croissance persiste encore aujourd'hui malgré des soins et des sarclages multipliés, elles semblaient défier les efforts les plus persévérants. Cependant dès 1849, 63 hectares environ furent mis en culture. En 1850, le défrichement a été continué, et la culture étendue à 98 hectares environ. On a créé un potager qui occupe une surface de 4 ½ hec- tares, disposé d'après les meilleurs plans; ses chemins sont bordés d'arbres fruitiers, et il est environné d'une haie formée de groseilliers, de framboisiers et de mûriers. A côté du tager, une petite pépinière d'arbres fruitiers, forestiers et d'agrément, est destinée à fournir les sujets nécessaires aux plantations et à servir à l'instruction des colons. Dans le même but, il a été établi un champ d'expérimentation où l'on plante des graines et semences de diverses espèces et des variétés les plus estimées; on sera ainsi à même de reconnaître celles qui conviennent plus particulièrement au sol de l'établissement et dont la culture présente le plus de chances de succès. Le verger était envahi par une mousse malsaine, et quelques maigres pommiers y dépérissaient à vue d'œil; cet état de choses a été modifié, et le verger transformé sert aujourd'hui de pâture et de champ d'exer- cice aux jeunes animaux. po- 57: Engrais. Le point essentiel était de se procurer 184 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. BELGIQUE. } les engrais : écessaires à la fécondation d'un sol naturelle- ment stérdé; l'arrangement conclu avec la maison de Gand; et dont nous avons fait mention, a pourvu à ce besoin, et l'augmentation de la population et du bétail mettra sans doute prochainement l'établissement à même de se passer de l'achat de fumier à l'extérieur, et même d'étendre sa culture, sans accroissement sensible de dépense à cet égard. On a aussi fait l'essai du guano, du plâtre, pour les plantes fourragères, et de l'engrais Dusseau prôné récemment par plusieurs journaux agricoles; les résultats de ces divers essais, tentés d'ailleurs sur une échelle restreinte, ne pour- ront être appréciés que dans le cours de l'exercice qui vient de s'ouvrir. On suit au sur- 38. Assolements, division de la culture. plus, pour la culture et les assolements, le système géné- ralement adopté dans les fermes flamandes d'une certaine étendue. Tout ce qui concerne spécialement cet objet est surveillé d'une manière vigilante et continue par le comité d'inspection de l'établissement. D'après le plan adopté pour 1854, voici quelle est, cette année, la division de la culture: 20 (avec trèfle). Hectares. Ares. Centiares. Seigle. 35 36 13 Pommes de terre 14 06 03 Avoine 11 17 Sarrasin. 5 77 40 Lin.. 4 Carottes. Pois Colza. Froment. Escourgeon Vesces • Haricots. Trèfle. Potager. Verger. Totaux. → 21 G ་་ 09 80 (avec trèfle). 25 45 73 50 56 20 1 12 1 03 35 1 69 40 >> 75 15 8 62 92 4 51 30 5 36 80. 97 92 63 39. Récoltes dérobées; mise en valeur de toute la propriété. Les récoltes dérobées ne figurent pas à ce tableau; il importe cependant d'en tenir compte pour apprécier la va- riété des produits qu'il est possible de tirer d'un sol qui, naguère encore, ne semblait propre qu'à la plantation du sapin et du genêt. En outre, on complétera, en 1854, le défrichement de la propriété en abattant quelques sapinières qui sont sans utilité et qui occupent un espace précieux pour la culture. Il s'ensuivra qu'à la fin du présent exercice, trois ans à peine après l'occupation de la propriété, la char- rue aura fait tout le tour de l'établissement, et celui-ci sera mis en plein produit. 60. Compte de l'exploitation agricole. - Les relevés de la comptabilité agricole pour l'année 1850 indiquent dans leurs moindres détails la situation et les résultats de l'ex- ploitation pendant cet exercice. Ils sont résumés dans les deux tableaux que nous donnons à l'appendice sub litt. C, nºº 1 et 2. 08 64. Balance des recettes et des dépenses. - Les dépenses de l'exploitation se sont élevées en total à 49,192 fr. 69 ċ., et les recettes à 42,163 fr. 25 c. Si l'on balance ces deux chiffres, on trouve un déficit de 7,029 fr. 44 c. Mais il faut observer que l'on a dû reporter sur le compte de 1850 une partie assez notable des dépenses de 1849, et que l'on a compris dans celles-ci certains frais extraordinaires d'instal- lation et de premier établissement qui ne sont pas de nature à se reproduire, qui ont notablement augmenté la la valeur du mobilier agricole, et qui ne sont à proprement parler que des avances qui se traduiront plus tard en véritables bénéfices. Parmi ces frais extraordinaires nous citerons, entre autres, le salaire des ouvriers engagés à titre provisoire en attendant que les enfants eussent com- plété leur apprentissage (1,873 fr. 58 c.); les achats d'ani- maux (3,760 fr. 62 c.); le payement d'une certaine quantité d'engrais employés en 1849 (6,268 fr. 93 c.); l'achat d'arbres et arbustes pour la pépinière et les plan- tations (819 fr. 87 c.). Ces quatre articles représentent seuls une dépense de 12,723 fr., qui, déduite de la dé- pense principale de 49,192 fr. 69 c., abaisse celle-ci à 36,460 fr. 69 c. Si l'on tient compte de cette déduction, on trouve que le bénéfice net de l'exploitation s'est élevé en 1850 à 5,693 fr. 56 c., soit pour 98 hectares, 58 francs de revenu net par hectare. Ce résultat eût sans doute été beaucoup plus satisfaisant si la maladie des pommes de terre n'avait entraîné la perte de plus d'une moitié de la récolte; le lin, l'avoine, les pois ont aussi beaucoup souf- fert et n'ont donné qu'un produit de beaucoup inférieur en quantité à celui des années ordinaires. Qu'on ajoute à ces mécomptes le mauvais état des terres, la quantité considé- rable d'engrais qu'il a fallu affecter à leur amélioration, l'inhabileté et l'inexpérience des colons arrachés la veille seulement aux habitudes de mendicité et de vagabondage, l'insuffisance des locaux, du matériel, le mauvais état des étables, l'absence, de laiterie, de poulailler, etc., et l'on comprendra aisément qu'il était tout à fait impossible de faire plus en aussi peu de temps et sous l'influence de cir- constances aussi défavorables. 62. Moyenne du produit par hectare. La moyenne du produit par hectare des principales espèces de denrées a été comme suit : DENRÉES. Seigle.. Froment. } 20 quantités par hectare. hectol. kilog. 3,165 hectol. kilog. 1,780 { Grain.. Paille. { Paille.. • Grain. 14.4 VALEUR PAR HECT. au taux des mercuriales. fr. 315 267 BELGIQUE. ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. 185 DENRÉES. Orge. Grain. Paille.. . hectol. 21 quantités par HECTARE. VALEUR PAR HECT, au taux des mercuriales. 65. Matériel de la ferme. Le matériel de la ferme comprenait à la même époque : fr. 359 kilog. 3,800 Grain. hectol. 16 Avoine. 278 Paille.. kilog. 1,490 Sarrasin. Grain. Paille.. hectol. 16 196 · kilog. 1,140 Colza. hectol. 15 300 4 grands chariots, 4 tricycles, 2 charrettes pour le transport des tonneaux, 240 tonneaux, la plupart cerclés en fer, pour le transport de l'engrais liquide, 2 baquets à purin, bottes, 303 1 carriole, Lin.. 408 Graine. hectol. 2.5 2 petites charrettes, 5 charrues, Pois. kilog. 125 25 llaricots. 4 herses, kilog. 4,120 217 1 semoir, Pommes de terre Carottes. Navets.. kilog. 6,650 465 1 rouleau articulé, · • kilog. 5,786 262 voit. 104 470 · voit. 40 Vesces • Graine Vert. • kilog. 60 } 128 voit. 50 Trèfle.. Foin. kilog. 1,328 226 Graine · kilog. 8 Potager 305 • 63.. Essais de nouvelles cultures; nécessité de mettre l'éten- due de l'exploitation en rapport avec les besoins du travail et de l'alimentation. Le froment et l'orge n'ont été semés qu'à titre d'essai. Leur produit a été relativement peu considé- rable. Cependant cet essai sera continué cette année, mais toujours sur une échelle très-restreinte. Le point essentiel pour l'établissement serait de produire avec le temps les principales denrées nécessaires à sa consommation; c'est le seul moyen de parvenir à introduire dans sa gestion toute l'économie désirable. Mais ce résultat ne pourrait être obtenu qu'à la condition d'agrandir l'exploitation et de la mettre en rapport avec la population des écoles de réforme. Lorsque l'établissement des filles aura été annexé à l'école des l'institution complète, y compris les employés, garçons, formera une agglomération de près de 1,000 personnes. Il est évident qu'une culture de 100 hectares environ ne sera plus suffisante dans ce cas; il faudra au moins la doubler pour pourvoir aux exigences essentielles de travail et d'alimentation. 64. Nombre des animaux. Le nombre des animaux a été successivement augmenté en 1850; il était, au 31 dé- cembre de cette année, de 7 chevaux, 1 âne, 2 bœufs de trait, 22 vaches, 19 génisses et taurillons, 2 génisses mises en station par la province," 8 moutons (Southdown), 28 porcs (races d'Essex et du pays), 54 poules, 2 dindes, Une vingtaine de pigeons, 2 chiens de garde. Harnais de 7 chevaux et de 2 bœufs, 1 appareil à engrenages pour faire le beurre, avec les usten- siles nécessaires à la laiterie, 1 machine à battre les grains, 1 tarare, 1 pompe à purin, Bêches, fourches, fléaux, cordes, toiles, sapes, faux, etc., en nombre proportionné aux besoins. A ces instruments il faut ajouter un coupe-racines, un hache-paille, une charrue à sous-sol, une balance-bascule pour peser les bestiaux, une seconde pompe à purin de grande dimension, deux auges à porcs mobiles (système anglais), un tarare Dombasle, une machine à laver les racines, qui viennent d'arriver à l'établissement et qui complètent le matériel de la ferme. 66. Inventaire des denrées en magasin. - L'inventaire des denrées en magasin, au 31 décembre 1849, s'élevait à 8,527 fr. 65 c.; au 31 décembre 1850, il représentait une somme de 14,064 fr. 64 c. 67. Revenu comparé de l'exploitation en 1848 et 1850. Pour apprécier, au surplus, la situation et les progrès de l'exploitation agricole à Ruysselede, il faudrait pouvoir l'état nouveau avec l'état ancien au moment de comparer l'occupation de l'établissement; tout était à créer; le revenu total de la propriété n'atteignait pas certainement 2,000 fr.. et la valeur des récoltes annuelles pouvait à peine être évaluée à 10,000 francs. Ce produit a été presque quadruplé dans le court espace de deux ans, et il est permis d'espé- rer qu'il augmentera encore dans une proportion considé- rable avec les améliorations continues qui seront apportées à la culture et à la gestion de la ferme. 68. Médailles obtenues par l'école de réforme aux exposi- tions agricoles de Gand et de Bruges. Malgré son orga- nisation récente, l'école de réforme avait cru pouvoir envoyer des échantillons de ses récoltes à l'exposition ou- verte à Gand au mois de septembre 1849; une médaille d'argent lui fut décernée pour ses lins, dont on avait remar- qué la belle qualité. En 1850, à l'exposition agricole de Bruges, ses efforts lui méritèrent sept médailles nouvelles 24 186 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. BELGIQUE. ainsi que la décoration agricole de deuxième classe pour son chef de culture. Ce sont là des rémunérations qui compensent bien des peines, et dont le souvenir ne peut manquer de sti- muler le zèle et l'activité des colons comme des employés de l'établissement. de sti- 69. Crédits ouverts à l'école de réforme. Pendant les trois années 1848, 1849 et 1850, il a été ouvert aux écoles de réforme divers crédits jusqu'à concurrence de la somme de 602,500 francs, savoir: fr. 1848. Allocation sur les fonds affectés aux établissements de bienfaisance. 4,000 1848. Allocation accordée par la loi du 29 décembre 1848. 171,500 195,000 1849. Allocation au budget de l'exercice. 1850. 232,000 ld. Total. 602,500 70. Résumé et classement des dépenses depuis l'origine de l'établissement. Nous avions inséré à l'appendice, sub litt. D, le compte d'emploi de cette somme, arrêté le 31 dé- cembre 1850, d'après les livres tenus à l'établissement; ce compte se résume de la manière suivante : 1. Frais d'installation, premiers travaux de défrichement et de culture, entretien et restaura- tion provisoire des bâtiments. 2. Acquisition de la propriété de Ruysselede; dépenses de con- struction et de premier éta- blissement. 3. Dépenses de l'exploitation agri- DÉPENSES. 1848 et 1849. 1850. TOTAUX. 14,500 00 >> 14,500 00 de 600,000 francs, affectée par la loi du 3 avril 1848 à l'érection des écoles de réforme, une somme de 447,968 fr. 34 c. pour l'organisation de l'école des garçons; 2º Il reste, par conséquent, disponible pour l'établisse- ment de l'école des filles, une somme de 152,032 francs; 3º Il a été dépensé pour l'administration et le ménage de l'école des garçons, en 1849 et 1850, une somme de 82,758 francs; or, pendant ces deux exercices le total des journées d'entretien des colons a été de 89,508; la moyenne du coût de la journée se serait donc élevée à 90 centimes. Mais dans ce premier chiffre sont compris des frais d'ameublement et de matériel, literies et vêtements pour une population de 500 enfants; ce sont là de véritables avances qui, régulièrement, ne peuvent être portées au compte des dépenses ordinaires des deux exercices auxquels se rapportent nos évaluations. Si l'on déduit ces frais extraordinaires du compte de l'exercice de 1850, ainsi que les frais du personnel de la ferme reporté au compte spé- cial de l'exploitation agricole, la dépense effective faite cette année pour l'école de réforme des garçons peut être établie de la manière suivante : fr. c. 9,483 32 • 5,172 81 1. Traitements des employés. 2. Ménage des employés. 3. Coucher des employés. 4. Uniformes des surveillants. 5. Nourriture des colons 6. Trousseaux des colons. 7. Coucher des colons. 177 00 119 06 · 13,676, 65 2,025 00 640 00 8. Chauffage général. 287 21 309,683 83 138,284 51 447,968 34 9. Éclairage général. 1,403 76 10. Service de propreté. 198 59 cole. 4. Dépenses des ateliers. 23,900 38 93 05 + 30,850 41 2,429 80 54,750 79 11. Lessivage. 651 74 2,522 85 12. Frais de bureau. 188 77 5. • Id. administratives et do- mestiques. 15. École . 731 60 Totaux. 22,322 74 370,500 00 60,435 28 250,000 00 82,758 02 14. Culte. 200 40 602,500 00 15. Infirmerie. 48 94 Total. 35,004 85 1 71. Recettes. Pendant les deux derniers exercices, les recettes se sont élevées à 118,152 fr. 25 c., dont 56,053 fr. 39 c. versés au trésor, provenant des pensions payées pour les enfants et de la vente de quelques produits, et 62,098 fr. 86 c. en nature, représentant les produits de la culture et de la ferme pour la consommation de l'éta- blissement. 72. Résultats généraux du compte financier; frais de pre- mier établissement; montant des frais d'entretien des employés et des colons. — Il résulte de l'examen du compte financier, qu'en laissant à part les dépenses de l'exploitation agricole et des ateliers, qui sont représentées et au delà par les valeurs existant en matériel, animaux, métiers, outils, matières premières et denrées en magasin : or 1° Il a été imputé jusqu'au 1er janvier 1851, sur la somme Le nombre des journées d'entretien étant de 62,462, Il en résulte que le coût de la journée pour la nourriture est de. Et pour toutes les autres dépenses, de . fr. C. 0 21.89 0 34.45 Ce qui donne pour la journée d'entretien en général. 0 56.04 Les frais de nourriture et d'entretien pour les employés se décomposent comme suit: 1. Nourriture. 2. Salaire du cuisinier. 3. Lessivage. 4. Combustible pour la cuisine. Total. fr. e. 4,560 88 206 50 355 59 49 84 5,172 81 BELGIQUE. 137 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. Le nombre des journées d'entretien, y compris celles du dépenses, à 275,000 fr. et, pour les recettes, à 148,000 fr. cuisinier, est de 4,667; Il en résulte que le coût de la journée pour la nourriture est de. fc. C. 0 97.72 Et pour les frais relatifs à l'entretien, de . 0 10.56 Total de la journée de nourriture et d'entretien. 1 08.28 Enfin, le ménage spécial de la ferme a donné lieu aux dépenses suivantes : 4. Nourriture. fr. C. 2,424 19 2. Éclairage 70.00 • 3. Chauffage 35 00 4. Lessivage 246 18 5. Costume des ouvriers. 27 36 Total. 2,802 75 Le nombre des journées d'entretien est de 3,301; Il en résulte que le coût de la journée pour la nourriture est de. fr C. 0 75.43 Et pour les frais relatifs à l'entretien, de 0 11.47 Total de la journée de nourriture et d'entretien. 0 84.90 les Si l'on jette les yeux sur le rapport relatif à la situation de l'école de réforme, en 1849 (p. 16), on verra que données qui précèdent coïncident en tous points avec les pré- visions et les calculs faits au commencement de l'année der- nière. Si, dès 1850, il a été possible de réduire effectivement à 56 centimes le coût de la journée d'entretien du colon, il est permis d'espérer que ce taux pourra encore être abaissé lorsque la population aura été portée à son chiffre normal, et lorsque les frais généraux du personnel et de l'administration pourront être répartis sur un plus grand nombre de têtes. L'élévation des dépenses, pendant les premières années, résulte aussi de la nécessité où l'on s'est trouvé d'acheter sur les marchés et dans le commerce la plus grande partie des denrées, fourrages et engrais nécessaires à l'établisse- ment; la gestion de celui-ci ne pourra être organisée sur une base vraiment économique, que lorsqu'il aura été mis à même de pourvoir à ses besoins essentiels à l'aide des produits de sa culture et de scs ateliers. Pour atteindre ce but, il est, nous le répétons, indispensable d'étendre l'exploi- tation agricole et de la porter au moins à 200 hectares, soit, pour une population de 4,000 individus environ, une moyenne d'un hectare pour 5 individus. Hors de ces conditions, il sera bien difficile, pour ne pas dire impossible, de réduire les dépenses au taux des journées à rembourser par les communes, à plus forte raison d'abaisser ce taux à 20 ou 25 centimes, comme il en avait d'abord été question. 73. Budget des écoles de réforme pour 1851.- Le budget des écoles de réforme pour 1851 a été arrêté, pour les Il comprend les ressources nécessaires pour l'achèvement de quelques travaux de peu d'importance à l'école des garçons et pour l'érection de l'école des filles; ces ressources sont représentées par la somme de 452,032 francs, reliquat des 600,000 francs alloués par la loi du 3 avril 1848 pour la création des deux établissements. Les 122,968 francs restants seront amplement suffisants pour couvrir les dé- penses ordinaires, qui seront en grande partie compensées par les remboursements à effectuer par les administrations publiques. 74. Projet de budget pour l'exercice 1852. Enfin, le projet de budget pour l'exercice 1852 (voir appendice sub litt. E), qui vient d'être présenté à la Chambre des repré- sentants, présuppose la constitution de l'école des garçons dans son état normal et exonère le département de la justice de toute dépense nouvelle du chef de cet établissement. 75. Érection de l'école des filles. Quant à l'école des filles, son érection reste subordonnée à l'acquisition d'une propriété contiguë à celle qu'occupe aujourd'hui l'école des garçons; des ouvertures ont déjà été faites à ce sujet, et prochainement sans doute il y aura lieu de soumettre à la législature une demande de crédit spécial pour l'acquisition dont il s'agit. 76. Complément de la population de l'école des garçons. La population de l'école des garçons sera, comme nous l'avons dit, complétée dès le printemps prochain et portée à son maximum de 500 colons par la translation des enfants et des jeunes gens qui sont encore reclus dans les dépôts de mendicité. Dès ce moment ces derniers établissements resteront exclusivement réservés aux indigents et aux men- diants adultes, et provisoirement aux jeunes filles, en atten- dant qu'elles puissent être transférées à leur tour dans l'établissement qui leur est destiné. 77. Insuffisance de l'école de réforme; nécessité de la création d'une succursale. —D'après les états de population des dépôts de mendicité, le nombre des jeunes garçons de six à dix-huit ans reclus dans ces établissements, au 1er janvier 1848. s'élevait à 542. Depuis cette époque, il a subi une légère réduction, mais il n'est guère en dessous de 500, y compris les jeunes mendiants qui ont été transférés successivement des dépôts de Bruges et de la Cambre à l'établissement de Ruysselede. En outre, ce dernier établissement est destiné à recevoir certaines catégories d'enfants qui n'étaient pas auparavant envoyés dans les dépôts de mendicité. Si l'on considère enfin que le séjour des colons à Ruysselede dépas- sera généralement celui que les jeunes reclus faisaient d'ordinaire dans les dépôts, on peut affirmer, dès à présent, que l'école de réforme est tout à fait insuffisante pour con- tenir la population à laquelle elle a été affectée. 188 BELGIQUE. — ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. Ce résultat était facile à prévoir et il a été prévu avant même que le gouvernement eût acquis la propriété de Ruysselede. Aussi la loi du 3 avril 1848 ne dit-elle pas qu'il sera créé une école de réforme pour les garçons et une école de réforme pour les filles, mais, s'exprimant en termes généraux, elle stipule (art. 5) que « les dépôts de mendicité <«< actuels seront exclusivement affectés aux indigents, <«mendiants et vagabonds adultes, et qu'il sera créé des « établissements spéciaux pour les jeunes indigents, men- diants et vagabonds des deux sexes, âgés de moins de «dix-huit ans. » 78. CONCLUSION. Pour juger l'école de réforme de Ruysselede et apprécier les résultats obtenus jusqu'ici, il importe de ne pas perdre de vue la date de sa création et le court espace de temps qui nous sépare de l'entrée des premiers colons. L'expérience est à peine commencée; les bases sont posées, mais il reste à les soumettre à l'épreuve d'une pratique journalière. Si jusqu'ici les espérances du gouvernement ont été réalisées et même dépassées à certains égards, ce résultat doit être attribué, avant tout, au zèle et au dévouement du comité, du directeur et généralement des employés qui ont été appelés à concourir à l'œuvre entre- Pour remplir les prescriptions de la loi, il sera donc indis-prise; mais de là au succès définitif, la distance est grande, pensable de mettre les écoles de réforme en rapport avec les besoins reconnus. De là la nécessité de rattacher, dès à présent, à l'établissement de. Ruysselede une succursale où l'on puisse admettre 100 à 150 enfants. Nous parlons d'une succursale de l'école dont l'organi- sation est sur le point d'être complétée, et non de la création d'une seconde école de réforme semblable à l'établissement de Ruysselede. C'est que nous comprenons fort bien. que ce nouvel établissement exigerait une somme considérable, tandis que l'institution d'une succursale, érigée à l'instar des fermes détachées de Mettray, n'entraînerait qu'une dépense relativement modique. Cette succursale, située à une distance aussi rapprochée que possible de la colonie principale, serait administrée par celle-ci. Il suffirait d'ajouter à la forme que l'on prendrait à bail ou dont on ferait l'acquisition, un hangar assez spacieux disposé pour servir simultanément de dortoir, de chauffoir, de réfectoire et d'école, avec deux ou trois pièces pour les surveillants. Le ménage se ferait à la ferme. Les colons seraient assimilés aux habitants du village, en ce qui concerne l'accomplissement des devoirs religieux. Peut- ètre aussi pourrait-on s'entendre avec l'instituteur communal qui viendrait journellement leur donner une leçon. Avant d'être envoyés à la succursale, les colons séjourneraient un temps plus ou moins long à la colonie-mère où on les for- merait à la discipline et où ils seraient soumis à l'appren- tissage nécessaire. Tous les dimanches, si la distance n'était pas trop grande, ils viendraient passer la journée dans ce dernier établissement où ils participeraient aux exercices ordinaires. On voit que cette organisation est aussi simple qu'écono- mique; sous une bonne direction, avec un champ de culture d'une étendue suffisante (60 à 80 hectares), la succursale, loin d'occasionner de nouveaux frais, viendrait au contraire en aide, par ses produits et ses bénéfices, à la colonie principale. Le projet destiné à réaliser cette combinaison est à l'étude, et il pourra sans doute être soumis prochainement à la législature. En attendant, les jeunes indigents, mendiants et vagabonds qui ne pourraient, faute de place, être reçus à l'école de Ruysselede, devront forcément être admis dans l'un des dépôts de mendicité existants. Lorsque l'on aura fait choix de cet établissement, il y aura lieu de conclure une convention qui fixe le régime auquel il serait soumis. et pour la franchir sans mécompte il faudra une persévérance soutenue que rien ne puisse décourager, et la ferme volonté de surmonter les difficultés et les obstacles qui ne pourront manquer de se présenter. Bien que la culture soit déjà établie sur un pied assez convenable, il y aura lieu de l'étendre et de la perfectionner de manière à mettre, autant que possible, les produits en rapport avec les besoins de la population. L'étable, la laiterie, la porcherie, la basse-cour doivent devenir la source de profits assurés. En agriculture, l'économie est le premier moyen de succès; cette économie doit s'étendre aux fumiers, aux ensemencements, à l'alimentation des animaux; toute perte, tout gaspillage, sous ce rapport, se traduisent inévi- tablement en surcroît de dépense. On comprend que dans les commencements, lorsque l'établissement, ouvert de toutes parts, était encombré d'ouvriers, lorsque l'attention de la direction était absorbée par les soins variés et infinis d'une organisation toute nouvelle, lorsqu'elle devait s'étendre à la fois aux travaux de construction et d'appropriation, à l'ameublement, au personnel, à la discipline, à la culture, aux ateliers, il lui était pour ainsi dire impossible de s'arrêter minutieusement aux petits détails. L'absence de route et de moyens de transport convenables a nécessairement dû influer d'abord sur le prix de revient des engrais; faute de laiterie, les produits de l'étable n'ont pas été aussi considérables qu'on aurait pu le désirer; faute de clôture, les produits de la basse-cour ont été insignifiants; les poules allaient pondre dans les bois où les œufs étaient soustraits par les vagabonds du voisinage. D'une autre part, l'inexpérience des petits mendiants qui, de leur vie, n'avaient manié un outil, leur paresse qu'il a fallu vaincre à grand peine. leur constitution viciée et affaiblie qu'il a fallu ménager et refaire, ont été autant d'obstacles dont il importe de tenir compte. Mais aujourd'hui que ces embarras sont en grande partie écartés, que l'établissement et la ferme sont organisés sur un pied définitif, que la population a acquis, avec l'habitude de la discipline, un certain degré de force et d'aptitude, il est hors de doute d'aptitude, il est hors de doute que l'action de la direction et de la surveillance pourra se porter plus particulièrement vers l'économie et embrasser tous les détails forcément négligés jusqu'ici. Les ateliers qui sont en voie d'organisation contribueront BELGIQUE. ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. 189 aussi à alléger les charges de l'établissement. En combinant le travail industriel avec le travail agricole, on aura l'avan- tage de varier les occupations et de pouvoir les répartir d'après les aptitudes et les intérêts futurs des colons. Cha- cun de ceux-ci doit apprendre au moins un métier complet, et l'espèce de roulement introduit dès à présent dans les emplois de la ferme correspond aux exigences de ce mode d'apprentissage. L'enseignement doit être complété. Les enfants ne doi- vent exécuter aucun travail sans en avoir l'explication. Une occupation purement mécanique et toujours uniforme abru- tit l'ouvrier, tandis qu'un travail varié et intelligent entre- tient ses forces en élevant son esprit. Déjà, dès le printemps passé, le chef-jardinier a institué des conférences où il explique aux enfants placés sous sa direction la théorie des opérations qu'ils sont appelés à exécuter sur le terrain ; ces conférences pourront être étendues aux autres classes de travailleurs. Il y aura lieu aussi de constituer un cours permanent de dessin linéaire que fréquenteront spéciale- ment les menuisiers, serruriers, forgerons, charrons, etc. Tous les colons enfin seront initiés aux règles essentielles du calcul qui les mettront à même de se rendre compte du résultat de leurs travaux et de tenir la comptabilité, fort simple d'ailleurs, qui s'y rapporte. Après avoir pourvu aux exigences du présent, il importe de se préoccuper des besoins de l'avenir. L'extension des bienfaits du patronage aux enfants à leur sortie des écoles de réforme pourrait être utilement combinée avec leur mise en apprentissage ou l'engagement de leurs services sous certaines conditions déterminées. Parmi ces conditions, il y aurait lieu de stipuler, dans certains cas, le renvoi à l'école des enfants dont la conduite laisserait à désirer au dehors ou qui ne justifieraient pas des qualités voulues pour l'emploi ou le métier auquel ils auraient été destinés. Cette faculté aurait le double avantage de faciliter les pla- cements et de conserver sur les colons, après leur sortie, une autorité et une sorte de tutelle qui malheureusement font défaut aujourd'hui. Il conviendrait aussi que la direction eût le droit de placer les enfants lorsqu'elle en trouverait l'occasion, sans devoir attendre le terme assigné à leur sortie, de même que celui de prolonger leur séjour lorsque les moyens de placement feraient défaut. Plus tard, enfin, quand les écoles de réforme seront en plein exercice et auront acquis leur entier développement, on pourra aviser aux moyens de favoriser l'émigration de ceux des colons qu'aucun lien de famille n'attacherait au pays, et qui au- raient chance de trouver à l'étranger une perspective et des moyens d'occupation qui leur feraient défaut en Bel- gique. Nous rangeons spécialement dans cette catégorie les enfants trouvés et abandonnés, les orphelins, les fils de condamnés à des peines infamantes, etc. Mais il devrait être bien entendu que le patronage et la protection du gouver- nement accompagneraient les jeunes émigrants dans leur nouvelle patrie, et qu'ils auraient toujours la faculté du retour si les espérances conçues en leur faveur venaient à faillir. Les écoles de réforme deviendraient ainsi une sorte de pépinière où l'on trouverait d'utiles éléments pour la colonisation, tant à l'intérieur qu'à l'étranger. Préparée. poursuivie par des bras jeunes et vigoureux, stimulée par une pensée supérieure de dévouement, l'œuvre de la colo- nisation, qui échouerait certainement si elle était confiée à de pauvres artisans, à des hommes énervés, pour la plu- part, par les privations, la paresse et le vice, serait, nous en avons la conviction, couronnée d'un plein succès. Les colons sortis de nos écoles préparatoires accompliraient une mission analogue à celle de ces hardis pionniers qui ont jeté patiemment les fondements de la grandeur des États- Unis, en ouvrant aux populations accourues à leur suite des sources abondantes de travail et de profits. L'une des plus grandes difficultés de l'organisation des écoles de réforme est, sans contredit, celle de trouver des employés capables et dévoués qui consentent à s'associer à la réforme entreprise par le gouvernement. Pour surmonter cette difficulté, il avait d'abord été question, comme nous l'avons déjà dit, d'instituer à Ruysselede une école de contre- maîtres et de surveillants à l'instar des instituts de Mettray et de Horn et des écoles normales de la Suisse. Des con- sidérations d'économie ont fait ajourner l'exécution de ce plan, qui pourra être reprise prochainement, sans surcroît de dépense, à l'aide des éléments que renferme notre éta- blissement. Dès à présent, les chefs et les sous-chefs de section, les moniteurs des ateliers et des écoles forment déjà une espèce de classe préparatoire d'employés de tout ordre qui pourront être utilisés, tant pour l'école de Ruysselede elle-même que pour les succursales ou les établissements analogues qui pourront être créés par la suite. Pour encourager et faciliter cette institution, il y aurait lieu d'admettre les élèves les plus capables et les plus dignes à fréquenter, les uns, les cours des écoles normales, les autres ceux des écoles d'agriculture, d'arboriculture ou d'horticul ture, récemment érigées sous le patronage et avec le con- cours du gouvernement. Ce serait là un puissant moyen d'émulation et de récompense dont les écoles de réforme retireraient un grand fruit. Ce but assigné à une légitime ambition serait en quelque sorte le couronnement du système dont nous poursuivons l'application, système qui conduirait ainsi à la régénération et à la réhabilitation complète de cette population nombreuse de jeunes parias qui, naguère encore, n'avaient d'autre perspective que le dépôt de mendicité, la prison ou un trépas prématuré. Grâce à la prolongation du séjour des enfants dans les écoles de réforme, on parviendra sans doute, non-seule- ment à assurer leur avenir, mais encore à récupérer, par leur travail, une partie au moins des frais occasionnés par leur éducation et leur apprentissage. Il importe, en effet, que ces frais soient strictement limités de manière à ne pas dépasser le montant des pensions payées par les adminis- trations publiques. Nous avons vu que, dès 1852, le budget 190 BELGIQUE. — ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSElede. de l'école de réforme de Ruysselede avait été établi d'après cette base économique qui impose à l'administration de l'établissement l'obligation de couvrir ses dépenses à l'aide de ses ressources ordinaires. Si, comme nous l'espérons, cette obligation est remplie, le problème économique qui se rattache à la création des écoles de réforme pourra être considéré comme résolu. Dès lors, ces institutions seront étayées sur un fondement vraiment solide, et l'on n'hésitera pas à leur donner tout le développement dont elles sont susceptibles. 書 ​APPENDICE. A Tarif pour l'alimentation des colons. Régime suivi pendant l'exercice 1850. QUANTITÉS PRIX COUT SUBSTANCES. POUR 100 INDIVIDUS. DE L'UNITÉ. DES QUANTITÉS. PAR DISTRIBUTION. PAR SEMAINE. Viande de vache. Kil. Pommes de terre. >> 10 00 25 00 >> 70 00 07 00 7 00 00 00 1 75 00 Légumes >>> 5 00 >> 09 00 >> 45 00 SOUPE A LA VIANDE. (2 fois par semaine.) Riz.. >>> 6 00 8 >> 31 34 00 86 00 Sel.. >> 75 » 29 00 >>> 21 75 Poivre. >> >> 01 >> 98 00 >> >> 98 Farine de seigle 2 00 80 از 16 00 2 32 00 11 60 73 23 21 46 Pommes de terre. Riz.. . Kil. Légumes >> 25 00 7 00 10 00 » 07 00' 1 75 00 >> 34 00 2 17 00 >> 09 00 >> 90 00 SOUPE AUX LÉGUMES. (3 fois Beurre. 1 00 4 50 00 1.50 00 par semaine.) Sel. >> • » 75 Poivre. >> >> 04 223 >> 29 00 >> 21 75 >>> 98 00 » 98 Farine de seigle >> 2 00 » 46 00 16 >> 32 00 6 86 73 20 60 19 Pois ou haricots, . Kil. 20 00 » 20 00 4 00 00 Pommes de terre. Légumes >> 10 00 >> 07 00 » 70 00 འ 5 00 >>> 09 00 >>> 45 00 SOUPE AUX POIS OU AUX HARICOTS. } Beurre. བ 4 00 (2 fois par semaine.) Sel. Poivre. Farine de seigle • བ >> >>> 75 1 50 00 29 00 4 50 00 >>> 24 75 >> >>> 01 >>> 98 00 98 2 00 16 00 » 32 00 719 73 14 39 46 A REPORTER. 58 21 11 BELGIQUE. — ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. 191 SUBSTANCES. QUANTITÉS PRIX COUT POUK 400 INDIVIDUS. DE L'UNITÉ. DES QUANTITÉS. PAR DISTRIBUTION. PAR SEMAINE. REPORT. 58 21 11 Pommes de terre. Kil. 80 00 >> 07 00 5 60 00 Légumes >> 5 00 >> 09 00 >> 45 00 Beurre. >> 50 1 50 00 >> 75 00 RATATOUILLE (7 fois par semaine.) Sel.. >>> 75 >> 29 00 >> 21 75 Poivre >> >>> 01 >> 98 00 )) >> 98 Vinaigre 1 00 >> 15 00 » 4 00 7 17 73 50 24 24 11 Lait. Lit. 5 00 09 00 >> 45 00 BOISSON CHAUDE ET PAIN DE SEIGLE. (7 fois par semaine.) Chicorée Kil. 45 )) 19 00 >> 08 55 Pain de seigle.. >>> 60 00 >>> 13 00 7 80 00 8 33 55 58 34 34 85 ENSEMBLE. fr. 166 80 07 : B Comptabilité morale. La comptabilité morale de l'école de réforme se compose de trois modèles : 1. Le modèle A est une couverture ou chemise destinée à contenir les renseignements relatifs au colon. Il porte au dos les indications suivantes : No né à entré le sorti le DOSSIER de , province de 2. Le modèle B est une feuille destinée à consigner l'interrogatoire du colon lors de son admission. Il porte en marge les indications suivantes : 1. Interrogatoire lors de l'admission. 1. Quels sont vos nom et prénoms? 2. Quel est votre âge? 11. Connaissez-vous quelqu'un qui s'intéresse à vous? 12. Avez-vous été vacciné? 15. Vos parents vous ont-ils enseigné vos devoirs religieux, et les pratiquaient-ils eux-mêmes? 14. Êtes-vous allé à l'école? Pendant combien de temps? 15. Savez-vous lire, écrire, dire vos prières, le catéchisme? 16. Avez-vous fait votre première communion? Dans quel endroit ? 17. A quoi étiez-vous occupé? Combien gagniez-vous par jour ou par semaine? 18. Avez-vous été auparavant dans une prison ou un dépôt de men- dicité? combien de fois, pendant combien de temps et pour quels motifs? 19. Quelles sont les circonstances qui vous ont amené dans cet éta- blissement? II. Examen de l'aumônier. 1. Degré d'instruction religieuse ; 2. Prière; 3. Catéchisme et premières vérités de la religion. 3. Quel est le lieu de votre naissance? 4. Quel est le lieu de votre dernier domicile? 3. Combien de temps y avez-vous séjourné? 6. Avez-vous votre père et votre mère? où demeurent-ils et que font-ils ? 7. Sont-ils pauvres? Mendiaient-ils et vous envoyaient-ils mendier? 8. Étaient-ils bons pour vous? 9. Avez-vous des frères et des sœurs? quel est leur nombre, leur àge? que font-ils ? 10. Avez-vous des oncles et des tantes? où demeurent-ils et que font-ils ? 1. Tempérament; 2. Constitution; 3. Santé; 4. Vaccin. 1. Lecture; 2. Écriture; 3. Calcul; III. Examen du médecin. IV. Examen de l'instituteur. 4. Autres connaissances. } 192 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. BELGIQUE. OBSERVATIONS GÉNÉRALES. 3. Le modèle C se compose d'une double feuille portant une série de tableaux destinés à résumer toutes les indications relatives au colon avant et lors de son entrée, pendant son séjour à l'établisse- ment, lors de son départ et après sa sortie. Ces tableaux et ces indi- cations sont rangés dans l'ordre suivant : Nº de l'inscription : 1. Nom et prénoms. 2. Date et lieu de naissance. Age réel ou présumé. 3. Mode d'admission. Nature et date de l'acte ou de la pièce en vertu de laquelle elle a eu lieu. 4. Date de l'admission. 5. Date fixée pour la sortie. 6. Indication du domicile de secours ou de la caisse qui pourvoit à l'entretien. 7. Condition ou état exercé avant l'admission. 8. Degré de l'instruction à l'admission. 9. État sanitaire à l'admission. 10. Renseignements sur la famille, sur les antécédents du colon. 11. Observations. C Dépenses de l'exploitation agricole. (Exercice 1850. I. Personnel. 1. Salaire du chef de culture, du jardinier, du jardinier-adjoint et des ouvriers per- manents. 2. Nourriture, entretien et émoluments de ces agents. D fr. 2,399 99 2,802 73 1,873 58 7,076 30 3. Salaire des ouvriers engagés à titre pro- visoire Entretien et réparations . 11. Bâtiments. Résumé de l'enquète lors de l'admission. III. Matériel. Conduite et progrès pendant le séjour à l'établissement (8 colonnes). 1. Achal d'instruments, outils, ustensiles di- vers. 2. Entretien et réparations 708 23 1,758 46 Date du relevé. Conduite morale et religieuse. Instruction. Travail, nature des occupations. Caractère. 2,466 69 IV. Animaux. 1. Achat d'animaux. 3,760 62 Punitions. Récompenses. Observations. Élat au moment de la sortie et après la sortie. 1. Date de la sortie. 2. Age. 3. Durée du séjour à l'établissement. 4. Motif de la sortie. vertu de laquelle elle a eu lieu. 2. Nourriture fournie par l'administration. 7,757 31 Id. achetée au dehors. . 3. Harnais, ferrage, vétérinaire, médica- ments, frais divers. • 6,811 67 575 80 18,905 40 V. Culture. Nature et date de l'acte ou de la pièce en 1. Engrais fourni par ( l'exploitation. Engrais acheté au Solide: 905 voit. Liquide: 3,120 hect. Solide.. 3,620 00 936 00 5,212 51 Liquide. 7,325 36 id. achetées au dehors. 3. Plantations. Noms, prénoms et domicile des parents, 4. Frais divers Total des dépenses. 5. Aptitude à l'exercice de telle ou telle profession. 6. Degré d'instruction. 7. État sanitaire. 8. Mode de placement. tuteurs ou patrons. 9. Condition et conduite après la sortie. dehors. 2. Semences fournies par l'exploitation. 748 94 2,081 62 819 87 >> 20,744 30 fr. 49,192 69 BELGIQUE. 193 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. C2 Nature et valeur des produits de l'exploitation agricole. (Exercice 4850.) ÉTENDUE DÉSIGNATION DES RÉCOLTES. CULTIVÉE. QUANTITÉS PRIX DE L'UNITÉ d'après DES LES MERCURIALES des PRODUITS. PRIX COURANTS. VALEUR. TOTAL. I. Culture. H. A. C. 14 32 45 fr. c. fr. C. fr. Pommes de terre. .. kilogr. grain.. 33 38 98 Seigle . paille. >> 95,268 00 50,400 00 112,000 00 7 00 par 100 kilogr. 6,668 76 16 00 id. 8,064 00 2 75 id. 3,080 00 >> 45 00 Froment grain. paille.. 400 00 24 00 id. 96 00 · >> 800 00 3.00 id. 24 00 8 52 25 Avoine. { grain.. » 6,325 00 18 00 id. 1,138 50 paille. » 12,880 00 1 80 id. 231 84 grain.. >> 8,630 00 18 50 id. 1,596 55 8 63 65 Sarrasin. paille.. 9,860 00 1 00 id. 98 60 grain.. >> » 39 39 40 Orge. paille.. 500 00 1,500 00 20 00 id. 400 00 275 id. 41 23 2 03 50 Graine de colza. 3 24 35 Pois.. • hectol, kilogr. 30 25 20 00 l'hectolitre. 603 00 400 00 20 00 par 100 kilogr. 80 00 75 00 Haricots.. >> 840 00 49 37 id. 162 71 1 00 00 00 Vesces 4 55 15 Lin.. graine. voitures. bottes. hectol. 40 6 19 00 Trèfle vert. voitures. • 1 94 00 Carottes. • 2 86 30 Navets.. >>> Foin de trèfle kilogr. voitures. kilogr. >> Graine de vesces. → >> Graine de trèfle... )) 1,379 10 00 313 11,030 00 298 8,222 00 60 00 50 00 3 00 par voiture. 4 20 par botte. 20 00 l'hectolitre. 3 00 par voiture. 3 50 par 100 kilogr. 4 50 par voiture. 5 00 [par 100 kilogr. id. 13 87 120 00 1,654 80 200 00 939 00 100 le kilogramme. 386 75 1,341 00 411 10 8 32 50 00 27,098 18 » • >> Légumes. • Pois divers. Haricots divers. Graine de carottes rouges. >> Id. de panais.. >> Id. de chicorée.. II. Potager. . kilogr. 10,881 70 30 00 201 00 9 00 par 100 kilogr. divers divers 979 35 31 88 242 00 15 00 2 00 le kilogramme. 30 00 2 50 4.00 id. 40.00 >> 40 00 4 00 id. 40.00 A reporter. 4,333 23 27,098 48 20 194 BELGIQUE. — ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. ÉTENDUE QUANTITÉS PRIX DE L'UNITÉ d'après DÉSIGNATION DES RÉCOLTES. VALEUR. TOTAL. DBS CULTIVÉE. LES MERCURIALES des PRODUITS. PRIX COURANTS. H. C. A. >> Graine d'oignon. >> Id. de poireau, >>> Id. de navets Report. 1,333 23 27,098 18 >> 4 50 400 le kilogramme. 6 00 >> 1 75 4.00 id. 700 >> 28 50 1.00 id. 28 50 1,374 73 III. Plantations. >> Bois de construction.. >> Cerisiers vendus.. >> Genêt et branches de sapin. >>> >> pour 26 00 » 25 pièce. 3,000 00 6 50 >> pour 160 00 3,166 50 IV. Étable. >> Lait doux. litres. >> Lait battu. >> Beurre. kilogr. 16,798 50 12,881 00 519 72 9 00 par 100 litres. 200 id. 1,541 86 257 62 A Élèves gagnés dans l'année. têtes. 10 1 50 le kilogramme. divers. 779 58 436 00 >> Plus-value, au 31 décembre 1850, de neuf têtes de jeune bétail gagné antérieurement à 1850.. >> 390 00 >> Fumier. voitures. • * >} Purin. hectolit. 905 3,120 00 400 par voiture. » 30 par hectolitre. 3,620 00 936 00 7,931 06 = >> >> V. Porcherie. Élèves gagnés en 1850. Plus-value, au 31 décembre 1850, de neuf jeunes porcs gagnés antérieurement à 1850. • Porcs vendus. Porcs gras abattus. . . têtes. 13 divers. 264 00 >> 240 00 . têtes. 24 divers. 542 00 >>>> 10 1,069 06 2,115 06 VI. Bergerie. >> Élèves gagnés en 1850 . Plus-value d'un agneau gagné en 1849. . têtes. 3 20 00 pièce. 60 00 17 00 >> Laine. >> 16.00 93 00 VII. Basse-cour. >> OEufs. ་ • pièces. 324 2 50 par cent. 8 02 8 02 VIII. Produits autres que ceux mentionnés dans les chap. I à VII. Vente de purin à la maison de force de Gand, au profit de l'école de réforme. ཀ >> Vente de la peau d'un veau mort.. >>> >> pour 375 20 1) ༢ TOTAL.. 1 50 376 70 42,163 25 BELGIQUE. 495 ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME DE RUYSSELEDE. D E Compte d'emploi des crédits ouverts en 1848, 1849 et 1850 (1). KUVÉROS d'ordre. NATURE DES DÉPENSES. A. Dépenses de construction et de premier établissement. 4. Prix d'acquisition de la propriété, intérêts fram et honoraires du notaire. · 2. Matériaux de construction, salaires des ouvriers, Montant Total général des des DÉPENSES DÉPENSES. de 1848 1850 à fr. c. 461,476 47 de l'architecte et du surveillant des travaux. . 222,885 78 3. Four à briques . Projet de budget pour l'exercice 1852. A. Dépenses. 1. Personnel: traitements, émoluments et ménage des employés (2). 2. Entretien des colons (nourriture, habillement, coucher, chauf- fage, éclairage, blanchissage); 500 colons en movenne : 182,500 journées, à 35 centimes. 3. Matériel: bureau, infirmerie, exercice du culte, école, bibliothè- que, ateliers, frais de route des membres du comité, entretien et réparation des bâtiments et du mobilier. fr. 27,900 63,875 20,000 8,334 54 4. Construction de la route de l'établissement à la chaussée de Wynghene au pont Louise. 4. Fonds roulant pour l'exploitation agricole et l'achat de matières premières pour les ateliers. 5. Dépenses extraordinaires et imprévues • 20,000 3,225 • 15,450 00 5. Machine à vapeur et appareils accessoires. 13,984 00 6. Construction d'une citerne au bord du canal. 7. Gros mobilier, pompe à incendie, voiture, etc. 3,616 00 22,221 55 TOTAL. B. Recettes. 135,000 447,968 34 B. Frais d'installation en 1848. 8. Premiers travaux de défrichement et de culture, acquisition d'une partie du matériel de la ferme, etc. 4. Remboursement, par l'administration des prisons, des frais d'en- tretien de 200 enfants acquittés du chef de mendicité ou de vagabondage, mais retenus pour être élevés jusqu'à un âge déterminé : 73,000 journées, à 60 centimes. 43,800 14,500 00 14,500 00 2. Remboursement, par l'administration des prisons, de 75 trous- seaux, à 32 francs. 2,400 C. Dépenses de l'exploitation agricole. 9. Personnel, ouvriers. 3,959 01 10. Détachement d'artillerie. 457 80 14. Matériel, instruments aratoires, etc. 7,808 18 3. Remboursement, par les communes du domicile de secours, des frais d'entretien de 300 enfants indigents, admis à la suite de condamnation ou volontairement: 109,500 journées, à 38 cent. 4. Produits de la ferme et des ateliers; recettes diverses. 41,610 47,190 12. Achats d'animaux 8,073 78 13. Engrais solides et liquides.. 20,057 79 TOTAL 135,000 14. Semences. 2,577 06 15. Plantations 946 87 Balance. 16. Nourriture des animaux.. • 10,870 30 { Dépenses. Recettes. 135,000 135,000 54,750 79 D. Dépenses des ateliers. 17. Salaires et indemnités des instructeurs. 18. Matériel, métiers, outils et ustensiles . PERSONNEL EN 1852. 1. Traitements fixes. 92 00 2,430 85 2,522 85 E. Dépenses administratives et domestiques. 1 directeur. fr. 4,000 19. Traitements et salaires des employés. 20,573 55 4 aumônier. 20. Uniformes des surveillants et costume des ouvriers dé la ferme • 975 87 21. Nourriture des employés, des ouvriers de la ferme et des colons. • 22. Blanchissage. 15,334 47 1,829 63 1 id. 23. Combustible. 971 05 1 médecin. 1 préposé à la comptabilité. 1 commis adjoint . 4 surnuméraire. 2 instituteurs, à 600 francs 24. Éclairage. 1,892 76 4 chef de culture literies, linge, etc. 25. Menu mobilier : 4c des employés, y compris les 2º Des colons: literies. Trousseaux, vêtements 3º De l'établissement en général. 26. Matériel du bureau, fournitures, impressions. 4 surveillant en chef. • 3,401 43 2 surveillants, à 500 francs • 41,946 04 14,723 67 id. id. à 450 id. à 400 id. 5,191 82 19 561 70 27. École. • 1,135 24 1,200 600 1,200 600 500 200 1,200 600 600 1,000 900 4,600 TOTAL. 14,200 2. Salaires. 28. Exercice du culte. 428 78 4 chef jardinier. 600 29. Service médical et infirmerie. 144 28 30. Frais de transport et correspondance, frais de route et de séjour du directeur et des membres 1 cuisinier. • du comité, mission à l'étranger · 31. Bibliothèque des employés. 32. Dépenses diverses, 3,523 29 435 35 3,017 09 5 ouvriers respectivement préposés aux attelages, aux étables et à la culture, à 200 francs.. 1 meunier-boulanger et ménagère. 4 mécanicien-chauffeur pour la machine à vapeur, à 3 francs par 1,000 200 300 TOTAL. 82,758 02 602, 500 00 jour. 1,095 4 charron, à 2 francs par jour 1 forgeron, 730 · id. 730 • 1848. Allocation sur les fonds affectés aux établissements de bienfaisance fr. 4,000 44 TOTAL. 4,655 • (1) Ces crédits sont les suivants : 1848. Allocation accordée par la loi du 29 décembre 1848. 1849. Allocation au budget de l'exercice. • 171,500 (2) Traitements et salaires. • 193,000 Émoluments, costume, nourriture. 18,853 fr. 9,045 » 1850. Id. 232,000 27,900 >> TOTAL 602,500 (3) Jardinier, laboureur, tailleur, cordonnier, tisserand, menuisier. 196 PROJET D'ORGANISATION DES DÉPOTS (AGRICOLES. BELGIQUE. 3 3. Emoluments, nourriture, costume. Uniforme de 9 surveillants, à 50 francs. 450 200 6,570 1,825 9,045 Costume de 10 ouvriers, à 20 francs.. Id. Nourriture, etc., de 18 employés, à I franc par tête et par jour de 10 ouvriers, à 50 cent. ið. TOTAL. • RÉCAPITULATION: (14 id. ). TOTAL. 27,900 2. Salaires 1. Traitements fixes (19 employés). 3. Emoluments, nourriture, costume. F 14,200 4,633 9,045 Rapport de la commission chargée par M. le Ministre de la Justice d'émettre un avis sur l'organisation des dépôts de mendicité au point de vue agricole. (1847.) MONSIEUR LE MINISTRE, Par votre dépêche du 29 décembre dernier, vous avez jugé à propos de nous appeler à faire partie d'une commission (1) chargée d'examiner certaines questions relatives à l'organisation agricole des dépôts, dont la création fait l'objet du projet de loi présenté à la Chambre des représentants dans la séance du 17 novembre 1816 (²). Cette commission s'est réunie sous la présidence de l'un de ses membres, M. le vicomte du Bus de Ghisignies, les 4, 7 et 8 jan- vier 1847, et elle vient vous soumettre aujourd'hui le résultat de ses délibérations. Prenant pour guide les questions qui lui ont été communiquées, (1) La commission se composait de MM. le baron Coppens, propriétaire-cul- tivateur; comte d'Hane, sénateur; vicomte du Bus de Ghisignies; Eloy de Burdinne, représentant; Kervyn, représentant: Kümmer, ingenieur en chef; Orban, représentant; Fr. Vander Elst, fabricant-armateur; Éd. Ducpetiaux, inspecteur général des prisons et des établissements de bienfaisance, spécia- lement délégué par le Ministre pour remplir les fonctions de secrétaire. (2) Ce projet de loi était conçu en ces termes : น ART. 1er. Il sera créé, par le gouvernement, des établissements destinés à recevoir : 1º Les individus condamnés du chef de mendicité ou de vagabondage, à l'expiration de leur peine; a 2º Les individus, non condamnés, qui se présenteront volontairement, munis de l'autorisation : Soit du collége des bourgmestre et échevins du lieu de leur domicile de secours; "Soit du collége des bourgmestre et échevins de la localité où ils se trou- vent ou dans laquelle ils ont leur résidence; Les art. 14, 15, 146 et 17 de la loi du 18 février 1845 sont applicables à cette catégorie d'indigents; ས Soit de la députation permanente, ou, s'il y a urgence, du gouverneur de la province à laquelle ressortit le lieu de leur domicile de secours, celui de leur résidence, ou la localité dans laquelle ils se trouveul, en cas de refus non fondé de l'administration communale. a Toutefois, l'administration du lieu du domicile de secours des indigents pourra obtenir leur mise en liberté, en s'engageant à leur procurer du travail ou des secours suffisants. # S'ils sont étrangers, et s'il est reconnu qu'ils n'ont pas acquis domicile de secours en Belgique, ou qu'ils n'appartiennent pas à un pays avec lequel le gouvernement a conclu une convention pour le remboursement réciproque des frais de secours, ils seront reconduits à la frontière. ellé s'est, autant que possible, efforcée de ne pas dépasser les limites qu'elles, semblaient assigner à son examen. Elle n'a fait usage de la latitudes que vous lui avez accordée par une lettre subséquente du 5. janvier que pour compléter à certains égards les indications du propramm primitif de ses travaux. Floorganisation projetée embrasse deux séries bien distinctes d'établissements: les dépôts pour les mendiants et les indigents valides er ultes des deux sexes; les écoles de réforme pour les gar- çons et pour les nenes avoir successivement passé en revue les questions qui se rattachent à chacun de ces établissements en particulier, nous exposerons quelques vues sur l'ensemble de l'institution. I. Dépôt agricole de mendicité pour les hommes valides. Les questions relatives à l'organisation du dépôt agricole de mendicité pour les hommes valides peuvent se rapporter aux points suivants : Situation, étendue, locaux; Mode de culture, assolements; Moyens d'occupation, travaux divers ; Mode de rétribution; Mobilier agricole ; Comptabilité agricole ; Personnel, direction. 1. Situation, étendue, locaux. La question de la situation du dépôt des hommes est résolue dans l'exposé des motifs du projet de loi; en choisissant, à cet effet, les bruyères de la Campine, on aura le triple avantage d'éloigner des grands centres de population les agglomérations de mendiants et de vagabonds, de former ceux-ci par le travail agricole aux habitudes d'une vie nouvelle, en leur préparant des moyens d'existence pour l'avenir, et finalement de faciliter la mise en valeur des terres incultes. La création du dépôt pourra, en outre, contribuer à répandre les « ART. 2. Ces établissements seront, autant que possible, affectés, chacun. à une catégorie distincte d'indigents. a • Ils seront agricoles pour les hommes valides et pour les enfants du sexe masculin, et, en partie du moins, agricoles pour les femmes valides et les enfants du sexe féminin. « ART. 3. Un arrêté royal réglera, les députations permanentes, des conseils provinciaux entendues, l'organisation de ces établissements. « Il déterminera notamment : ( 4º A quelle catégorie d'indigents chaque établissement sera destiné; # 2º Le régime pour les diverses catégories de reclus; ( 3º La nature et le mode d'organisation du travail ; 40 Les salaires; " 5º Les bases qui serviront à établir le taux de la journée d'entretien; G 6º Les conditions de sortie. « Anr. 4. Les obligations des communes et des provinces et le mode de fixation du taux de la journée d'entretien demeurent réglés par les lois en vigueur. ART. 5. La destination et le mode d'administration des dépôts actuels sont provisoirement maintenus. Toutefois, un arrêté royal réglera les conditions d'entrée et de sortie. « ART. 6. A mesure de l'organisation des nouveaux établissements, les reclus des dépôts actuels y seront transférés. Le gouvernement indiquera les catégories d'indigents que les anciens dépôts pourront momentanément conti- nuer à recevoir, et prononcera la suppression de ceux dont l'existence sera devenue inutile. Toutefois, le gouvernement pourra s'entendre avec les autorités provin- ciales pour faire servir un ou plusieurs de ces dépôts à l'organisation nouvelle.» Ce projot, mis en discussion dans la session législative de 1847-1848, a subi des amendements assez considérables. L'établissement de dépôts agricoles pour les indigents et les mendiants adultes a été différé : on s'est borné à décréter, à titre d'essai, l'institution d'écoles de réforme pour les enfants et les jeunes gens des deux sexes, âgés de moins de dix-huit ans. (Foir la loi du 3 avril 1848.) BÉLGIQUE: 197 PROJET D'ORGANISATION DES DÉPOTS AGRICOLES. PREMIER MODE. année. Seigle et genêts. p Blidsomani fe che disque 66 Seigle et namets.f Te connaissances pratiques en matière de défrichements et servir en quelque sorte d'exploitation modèle pour la localité ou il sera situé, L'étendue du terrain.devra être, autant que possible, misele port avec le chiffre présumé de la population de rapport est en effet indispensable si l'on veut conces son caractère, pricole. Omtrent estimertin regle vénéra hectare mis en moyennement, fournir les principat la consommation de trois individus, Le choix du terrain est palement chop essentielle. La commission est d'avis que ce terrain devrait être susceptible de subvenir, dans un temps donné, à l'alimentation des colons. Cette condition serait, à plus forte raison, remplie si, dès l'origine, une partie au moins de la pro- priété était déjà mise en culture. Il importe, en tous cas, de procéder avec prudence, de maintenir une stricte proportion entre la population du nouvel établissement et la quantité de travail et de produits qu'il sera à même d'assurer aux colons, et de n'augmenter successivement le nombre de ceux-ci qu'à mesure de l'augmentation des défrichements et des moyens de subsistance. C'est en grande partie parce qu'elles ont été organisées d'abord sur une trop grande échelle, et parce qu'on a négligé ces voies de transi- tion et de développement successif que les anciennes colonies belges ont failli. On a voulu trop faire en trop peu de temps. La mise de fonds n'a pu être compensée par les produits; le déficit s'est dès lors incessamment accru, et l'on a pu prédire longtemps à l'avance l'époque où la Société directrice serait mise hors d'état de satisfaire aux engagements contractés, et par suite de prolonger l'existence de ses établissements. S'il Ꭹ a avantage à établir la colonie nouvelle sur un terrain déjà défriché en partie, il ne serait pas moins avantageux de pouvoir acquérir à prix réduit, en tout ou en partie, les bâtiments nécessaires à l'exploitation agricole et au logement des colons. La construction de ces bâtiments absorberait un capital assez considérable, et dès lors toute économie que l'on parviendrait à faire de ce chef contribuerait, en fin de compte, à réduire la dépense en accroissant d'autant le pro- duit net de l'exploitation. 2. Mode de culture, assolements. La commission pense qu'entre les divers modes de culture pour l'exploitation projetée, il convient de donner la préférence à la culture moyenne, celle qui est usitée dans les fermes flamandes d'une certaine étendue. Le premier défrichement doit se faire à la bêche, en pénétrant à une profondeur de 50 à 60 centimètres, d'après les meilleurs procédés suivis aujourd'hui en Campine, ou d'après tout autre mode qui pour- rait être indiqué par les circonstances locales et la nature du terrain. Le labour s'exécute à la charrue. Il convient au surplus d'utiliser les bras autant que possible, et de n'employer les instruments qui servent à économiser la main-d'œuvre que là où leur usage est abso- lument indispensable. Les assolements pourront être variés suivant la nature du sol, les indications locales et l'expérience du directeur de l'exploitation. Voici, pour les terres à défricher, un double mode d'assolement, dont deux des membres de la commission ont fait personnellement l'essai, et dont ils ont constaté les bons résultats en Campine. DEUXIÈME MODE. PREMIER MODE. Are année. Défrichement. 20 Labour, jachère à sillons Comme ci-contre. Idem. ouverts. 30 Pommes de terre. Idem. Genêts et laboár en août, et semis en seigle en octobre. DEUXIÈME MODE. * Avoine et trèfle. Trèfle. Seigle. Pommes de terre : la rotation recommence comme au пº Tdem. Seigle et navets. Pommes de terre : la rotation re- commence comme au nº 3. Un troisième membre a proposé un assolement qui diffère, à cer- tains égards, des précédents : Are année. Défrichement. Labour, jachère à sillons ouverts. Seigle. 20 3º 40 Pommes de terre. B Avoine et sarrasin. 6¢ Repos on jachère bien travaillée. Pommes de terre. 8 Seigle avec navets ou trèfle. ge Trèfle et avoine après les navets. 10¢ Repos ou jachère bien travaillée. Seigle. 12€ Genêts ou autres produits destinés à être enfouis en terre avant la fleuraison. Pommes de terre. 13c 14€ Seigle. 15e Repos ou jachère bien travaillée, etc. Il est entendu, au surplus, que l'assolement des terres défrichées serait analogue à celui des fermes flamandes, conformément au prin- cipe posé ci-dessus pour le mode de culture. La commission estime que la moitié environ du terrain cultivé devrait être affectée aux plantes fourragères, à la nourriture des bes- tiaux. C'est le seul moyen d'obtenir les engrais suffisants pour la cul- ture et l'extension des défrichements. Indépendamment des eugrais provenant des étables, on pourra employer la chaux, les cendres, les tourteaux, les composts végétaux, les mélanges de tourbes et de glaise, peut-être aussi le sulfate d'aminoniaque, etc. Il sera indispensable de recueillir l'engrais liquide dans des citernes. On peut évaluer le coût annuel des engrais nécessaires à la culture des terres déjà défrichées à 100 francs environ par hectare; la moitié de ces engrais pourra être produite sur les lieux, de sorte que la dépense à faire de ce chef sera réduite à 50 francs. Quant aux défri- chements, ils pourront nécessiter une dépense en engrais de 200 à 300 francs par hectare. L'achèvement du canal de la Campine et l'exécution du projet de canal de jonction de la Pulle et de la Marcke, qui, d'après le plan dressé par M. l'ingénieur en chef Kümmer, traverserait les propriétés des anciennes colonies, viendraient faciliter le transport des engrais en permettant d'étendre les irrigations qui ont déjà donné de si beaux résultats dans diverses communes de la Campine. L'extension de la culture et des défrichements doit dépendre, en grande partie, de la quantité d'engrais dont on pourra disposer. En admettant que l'exploitation régulière comprenne, dans les commencements, 100 hectares environ, on pourrait étendre annuelle- ment la culture à 10 hectares, tout en maintenant l'économie générale de l'exploitation. Les plantations pourraient être exécutées proportionnellement sur une échelle beaucoup plus vaste, mais il semble que 25 hectares par an seraient suffisants. Tout dépendra d'ailleurs à cet égard du nombre de bras dont il faudra trouver l'emploi. Le défrichement, la mise en culture et le boisement pourront être 198 BELGIQUE. PROJET D'ORGANISATION DES DÉPOTS AGRICOLES. が ​ activés ou ralentis suivant les circonstances et les besoins. Ils rec vraient un surcroît d'impulsion si le gouvernement jugeait convenable de cantonner une ou deux batteries d'artillerie sur le terrain de colonie. ་་ ་་ ་་ 3. Mode d'occupation, travaux divers. La commission n'hésite pas à répondre affirmativement à la question relative à la possibilité d'occuper utilement aux travaux agricoles les indigents valides des villes, aussi bien que ceux des campagnes. L'un de ses membres, M. l'ingénieur Kümmer, a invoqué sur ce point son expérience personnelle : « Tout homme valide, nous a-t-il dit, devient, en fort peu de temps, propre aux travaux agricoles comme à l'exécu- tion des terrassements. Nous avons, l'hiver dernier, employé à la construction du canal d'embranchement sur Turnhout 800 ouvriers appartenant à cette dernière localité et ayant exercé précédemment «toutes espèces de métiers sédentaires, des drapiers, des chapeliers, des tisserands, des tailleurs, des cordonniers, etc. Ces ouvriers <«< étaient employés à la tàche: pendant la première quinzaine, le salaire moyen, par journée, a été de 75 centimes; les quinzaines suivantes, il s'est élevé à 1 fr. 10 c., 1 fr. 50 c., 2 francs et jusque 2 fr. 50 c. Deux cents d'entre eux sont devenus d'excellents terrassiers; ils ont quitté Turnhout pendant toute la durée de l'été dernier, et ont été employés aux travaux publics, tant en France qu'en Belgique. »> " ་་ «< (< << Une expérience analogue a été faite avec un égal succès à la colonie agricole d'Ostwald, près de Strasbourg. Il suffira, pour s'en convain- cre, de lire les intéressants détails donnés à ce sujet dans le rapport adressé par M. Ducpetiaux à M. le Ministre de la Justice sur cet établissement. Le mème fait, enfin, a été prouvé à l'évidence dans les colonies agricoles hollandaises et dans les anciennes colonies de la Campine. L'exploitation des terres confiées aux mendiants reclus dans ces deux établissements a, sous une bonne direction, donné des résultats infini- ment plus satisfaisants que l'exploitation des fermes abandonnées aux indigents libres, bien que plusieurs de ceux-ci appartinssent à la population agricole. Ici se présentent quelques autres questions qui se rapportent égale- ment au mode d'occupation et aux quantités comparatives de travail susceptibles d'être exécutées, soit par des ouvriers libres et exercés, soit par des mendiants; pour les résoudre, nous avons de nouveau recours aux noles qui nous ont été communiquées par notre collègue M. Kümmer. PREMIÈRE QUESTION. Combien de journées faut-il à un bon ouvrier pour défricher, d'après le meilleur mode, un hectare de bruyère ou de lande, sans ou avec sous-sol à défoncer, et quel est le prix ou la valeur de la journée? RÉPONSE. En admettant que le sol soit bêché à 60 centimètres de profondeur, on aura les résultats suivants : 1º Sans défoncement de tuf, un bon ouvrier défrichera ou bêchera un are par jour; donc pour un hectare 100 journées ; 2° Avec défoncement de tuf sublonneux, il bêchera un hectare en 110 journées ; 3º Avec défoncement de tuf argileux ou ferrugineux, il emploiera à cette opération 130 journées. La journée de cet ouvrier sera de 1 fr. 50 c.; l'hectare, fouillé à 0m,60 de profondeur, aura donc coûté: Dans le fer cas. 20 id. 3¢ id. - .fr. 150 165 195 DEUXIÈME QUESTION. Quel peut être le rapport de la quantité de. défrichement fait en un jour par un bon ouvrier à la quantité de travail de même nature que ferait pendant le même temps un men- diant, soit de la campagne, soit de la ville? THEONORA Après un certain temps, le mendiant valide de la ville sera aussi jpté aux travaux de défrichemontque te mendiant valide de la campapher Les reclus qui nesse serontres hela mendicité que par manque de travail seront center, beaucoupe diligents que les vaga- bonds d'habitude. En prenant une moyenne entre les diverses catégo- ries de reclus, nous estimons que l'on pourra obtenir du reclus valide soixante centièmes du travail d'un bon ouvrier libre. Il faudra cepen- dant, pour obtenir ce résultat, stimuler le zèle du premier en lui abandonnant un tantième du produit de son travail. Dans le rapport qui précède, nous admettons quarante centièmes du travail de l'ouvrier libre pour le mendiant d'habitude, el quatre- vingts centièmes pour le mendiant réduit à cette fâcheuse extrémité défaut de travail. Les catégories sont évaluées en nombre égal. troisième question. par Quel nombre de journées de travail donne- ront les terrains défrichés, terme moyen, par hectare et par année, jusqu'à ce qu'ils soient mis en parfait état de culture? RÉPONSE. Pour le défrichement, d'après les données qui pré- cèdent (voir première question), nous aurons par hectare, moyenne- ment, 113 journées d'ouvrier libre, ce qui équivaut à 180 journées pour un reclus, en neuf mois de l'année, pour bêcher ou fouiller un hectare de bruyère à 0m,60 de profondeur, pour un seul homme. Restent alors à effectuer les travaux pour mettre cet hectare de bruyère défriché en parfait état de culture. On comprend que la durée de ces travaux dépendra d'une foule de circonstances, et qu'elle ne peut ici être évaluée, même approximativement. Quatrième QUESTION. Quel concours utile les reclus pourront-ils prêter, le cas échéant, à l'œuvre du défrichement en général? RÉPONSE. Les reclus pourront être très-utilement employés : A l'exécution des nombreux travaux publics, projetés ou en voie d'exécution, dans la Campine, tels que canaux et routes; A l'exécution des terrassements préalables aux irrigations destinées à transformer en prairies de nombreuses zones de bruyères. On trouverail, même parmi les reclus, des maçons, charpentiers et autres ouvriers pour la construction des ouvrages d'art appartenant au système adopté pour préparer ces bruyères à l'irrigation. Les reclus pourraient être, en outre, employés aux défrichements du sol à proximité de la colonie, et qui aurait été acquis par des pro- priétaires particuliers. L'importance de ces travaux à exécuter en Campine est telle, et elle deviendra si considérable pendant au moins vingt ans, que deux mille reclus qui appartiendraient à des dépôts situés à Merxplas et à Beverloo trouveraient constamment de l'occupation, indépendamment de celle que procureraient le défrichement et la culture des terrains annexés aux dépôts. Il pourrait être ainsi satisfait aux besoins de la population de ces établissements, jusqu'à ce que le produit de leur exploitation agricole fût mis en rapport avec ces mêmes besoins. Le mode d'occupation que nous venons d'indiquer, qui pourrait se prolonger pendant presque toute la durée de l'année, procurerait en moyenne à chaque colon, par journée de travail, un salaire qui sans aucun doute dépasserait un franc. Il aurait donc pour résultat de réduire considérablement les frais d'entretien, et nous oserions même dire de présenter des bénéfices pendant un certain nombre d'années. BELGIQUE. PROJET D'ORGANISATION DES DÉPOTS AGRICOLES. 199 1 Cette considération nous semble prépondérante en faveur de l'établissement, dans la Campine, de la colonie projetée. En résumé, la population de cette colonie pourrait, en ce qui concerne le mode d'occupation des colons, être divisée en deux catégories : Colons sédentaires employés à la culture et au défrichement des terres du dépôt; Colons employés aux travaux extérieurs. En évaluant à 100 hectares les terres mises en culture dès les com- mencements, on estime que leur exploitation régulière pourrait occuper utilement 100 individus environ; et en admettant le mode de défri- chement et de plantation successif dont il a été question plus haut, on trouverait à employer, de ce chef 55 individus. Total, 135 colons sédentaires. Ce chiffre pourrait être augmenté d'année en année, au fur et à mesure de l'extension des défrichements et des plantations, à raison d'un ouvrier par hectare cultivé et de 25 à 30 ouvriers pour 100 hec- tares de bois. Le surplus de la population devrait nécessairement être employé aux travaux de l'extérieur; en admettant les données fournies à cel égard par M. l'ingénieur en chef Kümmer, ces travaux ne feraient pas défaut; les colons qui seraient désignés pour leur exécution pourraient être répartis par brigades, sous la surveillance de gardiens, sur les divers points où leur concours serait jugé utile. Indépendammant des travaux de culture proprement dits, il serait utile d'organiser au sein de la colonie certaines occupations acces- soires susceptibles de venir en aide à l'établissement et qui rentrent dans la catégorie des industries rurales des fabriques de chicorée, d'amidon, une brasserie, divers ateliers auxiliaires de forge, de charronnerie, de menuiserie, la confection des sabots, des paniers, des étoffes nécessaires à l'habillement et au coucher des colons, etc. Ces diverses industries permettraient d'occuper utilement, pendant l'hiver. les colons qui ne pourraient être envoyés aux champs; elles vien- draient compléter leur apprentissage en augmentant les bénéfices de la colonie. Il n'est fait mention, dans la nomenclature qui précède, ni d'une féculerie, ni d'une distillerie; la commission pense, en effet, que la récolte des pommes de terre sera absorbée annuellement par les besoins de la consommation intérieure, et que l'érection d'une distillerie pour- rait présenter des inconvénients, sans que son utilité fût d'ailleurs bien démontrée. 40 Mode de rétribution. Les colons seront entretenus aux frais de l'établissement. Cet entre- tien équivalant à un certain salaire représentera le minimum néces- saire à l'existence. Mais, indépendamment de ce minimum, ne conviendrait-il pas de leur accorder une rétribution extraordinaire à litre d'encouragement et de récompense pour leur zèle, leur bonne conduite et leurs progrès? Deux modes divers de rétribution ont été soumis à l'examen de la commission : D'après le premier, une tâche équivalant à 5 heures du travail de l'ouvrier libre serait imposée journellement à chaque colon; ce n'est qu'après avoir accompli cette tâche qu'il recevrait une gratification qui augmenterait progressivement en raison de son activité. D'après le second mode, les colons seraient en quelque sorte asso- ciés à l'exploitation, en ce sens qu'indépendamment du minimum représenté par leur entretien, ils seraient admis à participer, dans une certaine mesure, aux bénéfices annuels de cette même exploitation, en vertu d'un classement déterminé par les bonnes ou mauvaises notes obtenues pendant l'année et de règles à poser ultérieurement. Dans la supposition où le gouvernement ferait l'acquisition des anciennes colonies pour y placer le siége de la colonie, nouvelle, on a aussi émis l'idée que l'on pourrait accorder, à titre de récompense, aux reclus qui se comporteraient le mieux la faculté d'occuper avec leurs familles les petites fermes de Wortel, sauf à continuer à être employés en qualité de journaliers à l'etablissement principal. La commission n'a pas cru devoir, pour le moment, se prononcer sur ces divers modes de rétribution et d'encouragement; elle se borne à les soumettre à l'appréciation de M. le Ministre de la Justice. 5º Mobilier agricole. La commission estime que pour 100 hectares mis en culture, il faudra : 30 vaches laitières, plus dix élèves. Ce chiffre pourra même être porté avec le temps à 70 el même au delà, en raison de l'établisse- ment de prairies artificielles; 8 bœufs pour le labour; 5 chevaux pour les charrois. La race de bétail qui paraît le mieux convenir aux exploitations rurales de la Campine est celle dite de la Mairie de Bois-le-Duc. La première mise de fonds, en admettant toujours qu'il y ait dès le commencement une culture de 100 hectares, pourra se borner aux objets suivants : 20 vaches à 250 francs.. 10 bœufs à 300 francs. 3 chevaux à 500 francs. 40 porcs à 40 francs. . 5 charrues à 100 francs · 12 charrettes à bascules à 150 francs. grandes à 250 francs.. 2 id. fr. 5,000 3,000 4,500 400 500 4,800 500 12,700 En ajoutant à ces articles les harnais pour les attelages, les herses, rouleaux, bêches et autres instruments aratoires, le mobilier des ateliers auxiliaires pour l'agriculture, on calcule que le mobilier agri- cole nécessiterait une dépense de 25,000 francs environ. Une somme équivalente devrait en outre être affectée, comme fonds de roulement, aux avances pour la nourriture du bétail, les engrais, les semences, etc. 6º Comptabilité agricole. Cette comptabilité doit être distincte de la comptabilité générale de l'établissement; il convient qu'elle soit tenue par un commis parfai- tement au courant de ce genre d'écritures. On pourrait, dans certains cas, adopter le système introduit à cet égard dans l'établissement agricole de Grignon. D'après ce système, la comptabilité se divise en deux catégories (¹): la première, comprenaut la caisse et tous les faits extérieurs ; la seconde, embrassant tous les virements et mettant en rapport entre eux tous les comptes de l'éta- blissement. Dans la première catégorie, les articles sont libellés tous les jours dans un journal, et de là reportés sur un grand-livre; dans la seconde, on fait usage des livres et des mains courantes ci-après désignés : a. Un journal des travaux, où le mouvement des faits est inscrit tous les soirs; les articles en sont reportés de suite sur un livre d'entrée et de sortie, et dépouillement des travaux; b. Un livre de paye pour les journaliers, où chaque ouvrier a son (1) VOIR la Notice sur l'école agricole de Grignon, à l'Appendice, p. 77 du projet de loi sur l'enseignement agricole, présenté à la Chambre des représen- tants, le 13 novembre 1846. 260 PROJET D'ORGANISATION DES DÉPOTS AGRICOLES. BELGIQUE. : compte ouvert pour la quinzaine et sur une seule ligne; article en est passé tous les quinze jours à la caisse; c. Un livre de consommation du ménage et des animaux; le résumé en est porté tous les mois au livre d'entrée et de sortie; d. Un livre de laiterie, qui constate l'entrée et la sortie du lait, ainsi que celle des produits fabriqués; e. Enfin un livre d'entrée et de sortie des magasins et dépouillement des travaux, qui représente le grand-livre des faits matériels, et dont les dispositions sont telles qu'il est facile d'établir, à la fin du mois, le compte de chaque spécialité. M: le baron Coppens nous a aussi communiqué des modèles de comp- tabilité à la fois simples et clairs, dont il se sert dans l'exploitation. agricole qu'il possède en Campine. Nous croyons faire chose utile en les joignant à ce rapport. 7. — Personnel, direction. Le personnel préposé à la colonie ne doit pas être considérable : ce sont les nombreux états-majors qui ruinent les entreprises. Suivant la commission, le personnel, en ce qui concerne la direction et la sur- veillance de l'exploitation agricole, pourrait être composé comme suit : Un sous-directeur spécialement chargé de la culture; Un chef et un sous-chef de labour; Un préposé aux étables; Un magasinier; Un commis chargé de la comptabilité agricole. Il importe, en outre, que le directeur possède des connaissances agricoles suffisantes pour imprimer à l'ensemble des travaux l'impul- sion et l'activité nécessaires. Le chef et le sous-chef de labour, le préposé aux étables, de même que les autres agents subalternes qui pourront être jugés nécessaires pour la direction et la surveillance des travaux, en raison de l'étendue de l'exploitation et du nombre de colons qui seront employés à celle-ci, ne doivent pas être nommés à titre d'employés, mais seulement être engagés comme ouvriers; il suffira, dès lors, de leur accorder une rétribution modérée, outre la nourriture et le logement. Il pourra en être de même des ouvriers préposés aux ateliers auxi- liaires. Ces ouvriers ne se bornerout pas à diriger et à surveiller les travaux, mais ils mettront eux-mêmes la main à l'œuvre, et prêcheront d'exemple aux colons. On trouvera des fils d'honnêtes fermiers pour remplir ces diverses fonctions, et plus tard, lorsque l'école de réforme pour les garçons aura été constituée sur un pied convenable, elle pourra fournir les contre-maîtres nécessaires au dépôt des adultes. La laiterie exige des soins particuliers. Il conviendra d'en confier la direction à la femme de l'un des employés ou ouvriers libres attachés à l'établissement. En admettant, comme nous le proposons plus loin, que le dépôt des femmes soit établi à proximité de celui des hommes, il conviendrait aussi d'attacher au service de la laiterie un certain nombre de recluses qui, dans ce cas, seraient logées dans une des dépendances de l'établissement, sous la surveillance spéciale de la femme préposée à cette branche de l'exploitation. AL. Dépôt de mendicité pour les femmes valides. Cet établissement, d'après les bases du projet formulé par le gou- vernement, aurait un caractère mixte. Les recluses qui seraient aples aux travaux agricoles y seraient occupées; les autres seraient employées à divers métiers, dont les produits seraient utilisés dans le dépôt el dans les autres établissements de même nature. Pour réaliser ce double but, il conviendrait, autant que possible, d'ériger le dépôt des femmes à proximité de celui des hommes, de manière que, tout en maintenant la stricte séparation des sexes, les deux établissements pussent néanmoins se prêter un mutuel appui. Grâce à cet arrangement, les recluses pourraient être chargées de la laiterie et de la basse-cour. A cet effet, comme nous l'avons déjà proposé, on pourrait détacher 20 à 25 femmes que l'on établirait, sous la surveillance de la laitière, dans l'une des fermes annexées au dépôt des hommes. Les recluses pourraient en outre exécuter les travaux attribués d'ordinaire aux femmes dans les campagnes : le sarclage, le binage, la récolte des foins, etc.; quelques-unes seraient aussi employées au potager du dépôt. Indépendamment des travaux agricoles, il serait facile de trouver pour les recluses d'autres occupations, telles que la filature et le tis- sage des étoffes pour les besoins des dépôts, la confection et le raccom- modage des vêtements et des objets de coucher, etc. Une buanderie commune pour les deux établissements serait également desservie par les femmes. Dans le même but d'économie, on pourrait disposer l'infirmerie commune dans le dépôt des femmes, sauf à maintenir entre les malades des deux sexes la séparation nécessaire. La proximité des deux dépôts permettrait d'en attribuer la direction à un seul chef; il suffirait d'une sous-directrice pour l'établissement des femmes, comme d'un sous-directeur pour celui des hommes. Au point de vue de l'exploitation, les terres dépendantes des deux établissements pourraient être réunies sous une commune gestion ; il n'y aurait, par suite, qu'une seule comptabilité agricole. Dans l'intérêt de l'occupation des recluses, et pour satisfaire, en outre, aux besoins de la consommation, il conviendrait de donner au jardin légumier une certaine extension, et d'y placer un bon jardinier. Quant à la question de savoir de quelle manière s'opérera la culture des terres qui pourront être annexées au dépôt des femmes, tout dé- pendra de la nature et de l'étendue de ces terres : si ce sont des prai- ries, elles ne nécessiteront presque pas de main-d'œuvre; si ce sont. au contraire, des terres labourées ou à défricher, ou pourra détacher du dépôt des hommes un certain nombre de reclus, pour exécuter les travaux de labour et de défrichement. D'après les indications qui précèdent, et en supposant que l'on admette la convenance de la proximité et de l'association des deux dépôts, on comprendra que les moyens d'occuper utilement les recluses dépendront en grande partie de l'importance de la colonie principale et du nombre de colons; on pourrait admettre, en moyenne, la propor- tion d'une femme pour deux hommes. Si le dépôt des femmes comp- tait 300 recluses, on estime que, dans les conditions énumérées ci-dessus, 100 environ pourraient être employées assez régulièrement aux travaux agricoles proprement dits. III. École agricole de réforme pour les enfants et les jeunes gens du sexe masculin, âgés de moins de dix-huit ans. Pour répondre au but de son institution, cette école devrait être établie sur un sol déjà mis en valeur et susceptible de se prêter à une certaine variété de culture. Le travail agricole pour les enfants doit présenter, autant que possible, de l'attrait; il faut leur inspirer le goût de l'agriculture et éviter, par conséquent, tout ce qui pourrait les détourner de la voie où on veut les faire entrer. L'établissement projeté, spécialement organisé pour l'enseignement agricole, participerait à la fois de la ferme modèle et de l'institut agro- nomique; l'étendue du domaine à y annexer, à cet effet, devrait être au moins de 100 à 120 hectares et, autant que possible, susceptible d'augmentations successives. On y ferait avant tout de la culture pratique, et on devrait s'y atta- BELGIQUE. 201 PROJET D'ORGANISATION DES DÉPOTS AGRICOLES. cher notamment à la culture maraîchère, l'une de celles qui rapportent le plus lorsqu'on a un débouché assuré, et dont le développement pourvoirait d'ailleurs aux besoins de l'établissement. Cette dernière culture pourrait être faite en grand, à l'instar des jardiniers labou- reurs aux environs de Londres; on donnerait ainsi l'exemple d'un mode d'exploitation précieux qui manque à la Belgique. Les jeunes colons seraient employés aux travaux de l'agriculture, du jardinage, de la culture et de la taille des arbres fruitiers et forestiers, de l'étable, des magasins, des engrais, et généralement aux diverses occupations qui se relient plus ou moins directement à l'exploitation du sol. Initiés à tous les détails pratiques des diverses branches de l'indus- trie rurale, on les formerait principalement aux professions suivantes : laboureurs, manœuvres-cultivateurs, ouvriers forestiers (planteurs- élagueurs), jardiniers, ouvriers maraîchers, bergers, etc., maréchaux ferrants, charrons, constructeurs d'instruments aratoires, bourreliers, vanniers, etc. Les enfants et les jeunes gens pourraient être occupés alternativement à plusieurs de ces travaux, en raison de leur âge, de leurs forces, de leurs goûts, de leurs aptitudes et de leurs convenances futures. On les formerait ainsi pour toutes les professions qui peuvent s'exercer dans les campagnes, en les mettant à même de parvenir ensuite, par leur zèle, leur intelligence et leur bonne conduite, des fonctions les plus humbles aux fonctions les plus élevées dans la sphère agricole. En rattachant de la sorte à l'exploitation du sol une population déshéritée qui, dans les villes et le travail des manufactures, se cor- rompt le plus souvent et finit tôt ou tard par tomber à la charge des communes, le gouvernement formerait une pépinière de bons ouvriers pour l'agriculture, qui seraient probablement très-recherchés, car ilst seraient initiés aux meilleurs procédés de culture. Les divers modes d'occupation que nous avons énumérés plus haut auraient en outre l'avantage de ne nuire à aucune industrie existante et d'empêcher toute concurrence nuisible aux ateliers particuliers. La terre est une nourricière généreuse qui n'exclut aucun de ses enfants, et qui répand sur tous également ses bienfaits. Là point d'encombre- ment funeste, point de crise meurtrière, l'œuvre de la production peut grandir et s'étendre sans jamais dépasser les limites de la consomma- tion. Sous ce rapport encore, on ne peut assez applaudir à la tendance qui se manifeste à substituer, pour les indigents et les mendiants, le travail agricole au travail manufacturier. C'est, en effet, dans le défri- chement et la mise en valeur de nos bruyères, dans la colonisation intelligente des parties encore inexploitées du sol du royaume, que l'on trouvera, du moins en partie, le remède au paupérisme qui a envahi plusieurs localités et qui menace sérieusement la moralité et l'existence d'une notable fraction de notre population ouvrière. Après avoir ainsi précisé le but de l'école de réforme et indiqué sommairement les bases qui devraient, suivant elle, présider à son organisation agricole, la commission, circonscrite dans le cercle des questions qui lui ont été soumises, croit pouvoir se référer sur plusieurs points aux indications qu'elle a données relativement à l'or- ganisation du dépôt pour les adultes, particulièrement en ce qui con- cerne l'aptitude des indigents et des mendiants des villes aux occupa- tions rurales, les travaux extérieurs, le mode de rétribution, l'inventaire, la comptabilité agricole, le personnel et la direction. La plupart des règles posées à cet égard sont également applicables, sauf quelques modifications de détail, à l'école de réforme. Il pourra aussi y avoir le même avantage à établir, à proximité de ce même établissement, l'école de réforme pour les jeunes filles. La population de l'établissement dont il s'agit doit dépendre nécessai- rement de l'étendue des locaux, de l'exploitation agricole et des moyens d'occupation. On estime qu'il serait possible d'employer utilement, en moyenne, par hectare de terre cultivée, quatre enfants de tout àge, de- puis quatre ans jusqu'à dix-huit. Ainsi, en admettant qu'elle possédat un domaine de 100 à 120 hectares, l'école pourrait donner asile à 400 ou 500 garçons. Peut-être est-il à désirer qu'on ne dépasse pas cette limite une population trop nombreuse compliquerait les rouages de l'administration, augmenterait les difficultés de la surveillance et met- trait le directeur dans l'impossibilité de remplir avec fruit sa bienfai- sante mission. Si le chiffre des jeunes reclus dépassait sensiblement le nombre de 400, il vaudrait mieux, à tous égards, les séparer dans deux établissements distincts que de les réunir dans un seul. Les résultats économiques seraient à peu près les mêmes, et l'ordre, la discipline et l'enseignement ne pourraient qu'y gagner. Quant à l'enseignement proprement dit, il devrait comprendre les matières qui sont enseignées dans les écoles primaires ordinaires, plus certaines notions indispensables à l'agriculteur. Pour organiser cel enseignement sur un pied convenable et étendre ses bienfaits aux populations environnantes, il conviendrait peut-être d'annexer à l'école de réforme l'une des écoles provinciales d'agriculture pratique dont l'institution est proposée dans le projet de loi présenté par M. le Ministre de l'Intérieur à la Chambre des représentants, dans la séance du 13 novembre 1846. Les détails donnés sur l'organisation de ces écoles dans le mémoire annexé au projet de loi dont il s'agit, sont assez complets pour que nous n'ayons rien à ajouter sur ce point. L'aunexe dont nous venons de parler faciliterait l'établissement, au siége de l'école de réforme, d'une école de contre-maîtres agricoles, analogue à celle qui a été instituée naguère à la colonie de Mettray: cet institut spécial formerait, du moins en partie, le personnel nécessaire à la surveillance et à la direction des travaux, non-seule- ment de l'école de réforme, mais encore du dépôt des adultes et des autres établissements de même espèce. IV. École de réforme pour les filles. Cet établissement pourrait être organisé à peu près sur les mêmes bases que le dépôt pour les femmes adultes. De même que ce dernier. il devrait être situé à proximité de l'école des garçons; il pourrait même sans inconvénient, el à certains égards avec avantage, être annexé à celui-ci, si l'étendue et la disposition des locaux permet- taient d'établir une séparation absolue et bien tranchée entre les enfants des deux sexes. Un même directeur suffirait, dans ce cas, pour les deux écoles, et la sous-directrice et les surveillantes de la division des filles donne- raient leurs soins aux plus jeunes garçons. Les filles participeraient aux travaux de l'exploitation commune el y rempliraient des fonctions analogues à celles qui seraient confiées aux femmes dans les dépôts d'adultes. Si la combinaison que nous proposons ne pouvait se réaliser, il est peu probable que l'on parviendrait à atteindre le but indiqué dans l'exposé des motifs du projet de loi sur la réforme des dépôts de mendicité, li faudrait se résigner, dans ce cas, à limiter le travail des jeunes filles à certaines occupations manuelles et sédentaires, semblables à celles qui sont déjà usitées aujourd'hui dans les quartiers qui leur sont réservés dans les dépôts existants. Considérations générales. Conclusion. En vous soumettant, M. le Ministre, les vues qui précèdent, la commission ne se dissimule pas tout ce qu'elles peuvent avoir de vague et d'incomplet. Pressée par le temps, elle se voit dans l'impos- sibilité de leur donner le développement nécessaire et d'invoquer les autorités et les exemples qu'elle aurait pu puiser dans l'étude et l'examen de l'organisation des établissements analogues de l'étranger. Pour préciser ses idées, la commission aurait aussi dù connaître les localités et les bâtiments sur lesquels le gouvernement a peut-être jeté les yeux pour l'érection des dépôts et des écoles projetées; il eût élé 26 202 PROJET D'ORGANISATION DES DÉPOTS AGRICOLES. BELGIQUE. possible alors d'établir, d'après des calculs positifs, le devis des dépen- ses de toute nature que pourrait nécessiter la création de ces établis- sements. Ces dépenses, en effet, varieront d'une manière notable, sui- vant la nature des terrains, leur degré de culture, leur situation; elles pourront être réduites dans une assez forte proportion, si l'on trouve des bâtiments susceptibles d'une appropriation convenable; elles seront beaucoup plus considérables, au contraire, si l'on se voit obligé de les ériger en tout ou en partie. Toutefois la question d'argent doit évidemment être subordonnée en tout ceci à la question d'utilité et de convenance. Mieux vaut se résigner à une dépense même considérable, mais propre à assurer l'obtention du but que l'on se propose, que de réaliser une économie en s'exposant à compro- mettre le succès de la réforme dont on aurait vainement alors posé le principe et démontré la nécessité. En ce qui concerne les frais d'exploitation et d'entretien, la com- mission, faute d'éléments positifs, a également dû se borner à quelques estimations, nécessairement fort incomplètes, relativement au mobilier agricole, au salaire des employés, au coût des engrais, etc. Cependant elle croit pouvoir avancer, sans crainte de se tromper, que l'entretien des mendiants et des indigents dans les établissements nouveaux, loin de dépasser le taux de ce même entretien dans les dépôts actuels, pourra, au contraire, être successivement réduit à mesure de l'extension des défrichements, du perfectionnement des cultures, et en raison des facilités offertes pour l'occupation des reclus valides aux travaux extérieurs pour compte des administrations publiques et des particuliers. Mais, pour que ce résultat puisse être obtenu, il est indispensable que le gouvernement ne comprenne pas, du moins dans les commen- cements, les dépenses de premier établissement et des améliorations foncières dans l'évaluation du taux des journées. Ce doit être là un compte à part qui pourra, avec le temps, être balancé par la plus-value que ne pourront manquer d'acquérir les terrains sous une bonne gestion agronomique. Les succès de cette gestion, il ne faut pas se le dissimuler, dépen- dront, sinon entièrement, du moins en grande partie, du zèle et des connaissances pratiques des employés préposés à la direction supé- rieuré des exploitations. Aussi convient-il de ne procéder au choix de ces employés qu'avec le plus grand soin et la plus grande circonspec- tion. Une erreur commise à cet égard serait peut-être irréparable et entraînerait en tout cas des pertes considérables. La nomination, sinon définitive, du moins provisoire, des directeurs, devrait précéder la création des établissements; il serait utile de faire visiter par ces fonctionnaires les principaux instituts agricoles de l'étranger, avant qu'ils présidassent eux-mêmes à l'organisation de ces mêmes instituts en Belgique. Enfin, pour stimuler leur zèle et récompenser leurs services, il conviendrait de leur attribuer, outre un traitement fixe, une part proportionnelle dans le produit de l'exploitation des terres annexées aux dépôts dont ils auraient respec- tivement la direction. Le même principe d'encouragement est posé dans le projet de loi sur l'enseignement agricole qui a été récemment présenté à la législature. En vous transmettant, M. le Ministre, le résultat de nos délibé- rations sur la série de questions qui nous a été communiquée de votre part, nous vous prions d'agréer l'assurance de notre haute considération. Bruxelles, le 10 janvier 1847. Pour la commission : Le Secrétaire, ÉD. DUCPETIAUX. Le Président. DU BUS DE GHISIGNIES. FIN. & • # LÉGENDE DES PLANS. PLANCHE I École agricole de réforme des garçons à Ruysselede. (Flandre occidentale.) Plan isométrique. ÉCOLE DE RÉFORME (ÉTAGE). 4. Logement du directeur. 2, 3. Logements de l'aumônier, des inspecteurs, visiteurs, etc. 5, 22, 23. Infirmerie des colons et dépendances. 6, 7, 15, 20. Dortoirs des colons et chambres des surveillants. 16, 17, 18. Lavoirs des colons. 40,41, 12, 13. Magasins de grains, farines, etc. 4, 8, 9, 14, 21, 24 à 29. Greniers. 3 PLANCHE II. Plan de l'école de réforme et de la ferme de Ruysselede. A. ÉCOLE DE RÉFORME (REZ-DE-CHAUSSÉE). 1. Habitation du directeur. 2. Concierge. 3. Bureaux. 4. Logement des employés. 5. Cuisine des employés et dépendances. 6. Réfectoire des employés. 7. Salle de réunion et bibliothèque des employés. 8. Magasins d'habillements, de literies, de denrées, 9. Boulangerie et panneterie. 10. Cuisine des colons et dépendances. * 14. Machine à vapeur, chaudière et dépendances. 12. Moulin à farine. etc. 13. Machine à battre le blé, hache-paille, coupe-racines. ! 14. Cuisine des animaux, cuves et agitateurs. 15. Réfectoire des colons. 16. Vestibule central. 47. Chambre du surveillant en chef. 18. Bibliothèque des colons et dépôt des instruments de musique, 19. Escaliers conduisant dans les souterrains et aux étages. 20. Salles d'école. 24. Pompe à incendie et appareils accessoires. 22. Plongeon et bassin de natation. 23. Bains des employés et des colons. 24. Buanderie provisoire. 25. Ateliers. 26. Forge. 27. Siéges d'aisances. 28. Lavoir. 29. Corps de garde et escaliers conduisant aux greniers. 30. Urinoirs. 34. Appareils gymnastiques. 32. Quartier cellulaire. 33. Chapelle et dépendances. a. Jardin du directeur. • B. FERME. 1. Habitation du chef de culture et des ouvriers agricoles - Laiterie. 2. Poulailler. 3. Étables surmontées de greniers. 4. Infirmerie des bestiaux. 5. Hangar pour le jeune bétail. 6. Écuries surmontées de greniers. 7. Poulains. 8. Bergerie. 9. Grange. 40. Petite porcherie supplémentaire. 11. Logements des préposés aux étables et aux écuries, petits magasins, harna- chements. 12. Fumiers clos et couverts. 13. Porcheries. 14. Hangar pour les chariots et instruments aratoires, surmonté de vastes magasins à fourrages. 15. Dépôts pour les ustensiles aratoires, bêches, pioches, râteaux, faux, etc. 46. Abreuvoir. 17. Emplacement pour les meules, bûchers, etc. 48. Clôture en palissade. N. B. Aux angles du grand bâtiment central, sous les siéges d'aisances, les étables et les écuries, se trouvent de vastes citernes destinées à recueillir les matières fécales et le purin. La distribution des eaux dans l'établissement s'opère au moyen de la ma- chine à vapeur, qui élève les eaux dans un vaste réservoir disposé dans les combles du bâtiment central. Le même bâtiment est chauffé au moyen de tuyaux alimentés par la chau- dière de la machine, qui fournit aussi la vapeur nécessaire à la cuisson des aliments des colons et des animaux de la ferme. PLANCHE III. Plan de l'école de réforme de Ruysselede. Détails. c. Cour de l'administration disposée en jardin, avec bassin et jet d'eau. 4. Façade du bâtiment central. 2. Distribution du premier étage du bâtiment central. des colons. b. Jardin des employés. d. Cour d'exercice des colons. e. Trottoir. f. Bancs et rangée de tilleuls. g. Chemin. h. Potager. i. Champs de culture. k. Verger. Dortoirs et lavoirs 3. Façade, vers la ferme, de l'habitation du chef de culture et des ouvriers agricoles. Laiterie. 4. Élévation des étables et des fumiers couverts. 5. Élévation des porcheries et du bangar pour les chariots et les instruments aratoires. 6. Coupe en longueur de toutes les constructions de la ferme. 1 204 LÉGENDE DES PLANS. } PLANCHE IV. Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray, près de Tours. (Indre-et-Loire.) PLANCHE VI Colonies agricoles de Hollande. J. Élévation principale. II. II. Plan (rez-de-chaussée). I. - Petite ferme des colonies libres. (Plan et élévation.) Ferme d'exploitation dans les colonies de répression. (Plan, coupes et élévation.) 4.1. Bâtiments de l'administration. (L'un de ces bâtiments est seul construit.) 2.2. Maisons de colons, divisés par familles. 3. Aumônerie. 4. Cellules de discipline. (Ce bâtiment est provisoirement occupé par les bureaux.) 5. Réfectoire des employés. 6. Classe. Au-dessus logements d'employés. 7. Église. 8. Quartier cellulaire (de punition). 9. Galerie d'exposition des produits de la colonie. (Non exécutée.) 40. Fermier. 11. Laiterie. 12.12. Écuries. (Il n'y en a qu'une de construite jusqu'ici.) 13.13. Vacheries. 14. Porcherie. 15. Dépendances. 16. Magasins. 17.17. Latrines. 48. Garde de nuit, (Id.) B. Colonie agricole du Neuhof, près de Strasbourg. (Bas-Rhin.) ]. Plan et élévation du bâtiment affecté à l'école des filles. (Maison suisse.) REZ-DE-CHAUSSÉE, 1. Corridor d'entrée du logement de la première famille. 2. Dortoir, id. 3. Lavoir. 4. Chambre de réunion. 5. Chambre de la surveillante. 6. Ouvroir commun pour les jeunes filles des deux familles. 7. Entrée et escalier conduisant à l'étage et au logemont de la deuxième famille. 8. Cuisine commune et partie postérieure du bâtiment principal. (Section des garçons.) II. PLANCHE V. (Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray.) I. Coupe générale. Plans, coupes et élévation d'une maison de colon représentant une famille. 12. Infirmerie. PREMIER ÉTAGE. 9. Escalier et palier. 10. Chambre de réunion de la deuxième famille. 11. Chambre de la surveillante 13. Chambre de la servante. 14. Dortoir de la deuxième famille. 15. Lavoir. id. 16. Chambre à repasser, à cylindrer le linge. 17. Lingerie. 1. Façade principale. 2. Coupe transversale. 3. Façade latérale. 4. Coupe longitudinale. 5. Plan du rez-de-chaussée. 6. Plan du premier étage. A. Rez de-chaussée divisé en ateliers. B. Hangar, dépôt des instruments aratoires pendant les heures de repos. C. Dortoir servant également de réfectoire et de salle d'école au moyen de tables mobiles fixées sur les poteaux isolés. D. Chambre du chef de famille. 4. Étable. 2.2. Remise et grange. 3. Porcherie. 4. Magasin. 5. Fosse à fumier. E. Cadre ou lit de surveillant. F. Hamacs ou couchettes des colons. II. Petite ferme. G. Détails en perspective d'une table mobile, divisée en deux parties, a et b, la partie a ferrée sur le poteau c, celle b sur le poteau correspondant le long du mur. II. Fils de fer servant à maintenir les modèles pour l'étude. I. Partie de table au repos dressée le long du poteau c. J. Poteau adossé le long du mur, recevant, d'une part, les barres fixes K pour supporter les hamacs au repos, de l'autre, les barres mobiles L et la partie de table b. K. Barres fixes et à demeure. L. Barres mobiles. M. Cases pour ranger les effets des colons. N. Détail d'assemblage des barres mobiles L dans les poteaux isolés, pour tendre les hamacs. 0. Détail d'assemblage des barres fixes K et des barres mobiles L au repos dans les poteaux adossés contre les murs. C. École de réforme du Rauhen-Haus (Rettungs-Anstalt) à Horn, près de Hambourg. Vue et plan d'une habitation de famille (Fischerhütte ). 4. Corridor d'entrée. 2. Chambre de réunion pour 12 jeunes garçons et leur surveillant. 3. Petite cuisine et laverie. 4. Dortoir. 5. Petite infirmerie. 6. Chambre de travail pour deux frères. 7. Chambre à coucher id. } 8. Escalier conduisant à l'étage où se trouvent encore des chambres pour plusieurs frères, où qui peuvent servir à tout autre usage. 1 ! PLANCHE VII. LÉGENDE DES PLANS. École rurale de district projetée en Angleterre pour 500 enfants pauvres des deux sexes. A. Élévation de la façade principale. B. Élévation latérale des bâtiments entre les cours. C. Plan général du rez-de-chaussée. 4. Vestibule d'entrée et musée. 2. Maître. 3. Salle de réunion de jour des garçons. 4. Lavoir. 5. Refuge; dépôt de chaussures. 6. Maître-adjoint. 7.7. Contre-maîtres. 8.8. Ateliers de tailleurs, cordonniers, menuisiers, étainiers. 9. Magasin. 10. Surveillant contre-maître. 11. Poêle-calorifère. 12. Cellule de punition. 13. Siéges d'aisances. 14. Maîtresse. 15. Salle de réunion de jour des filles. 16. Lavoir. 47. Cuisine. 48. Laverie, 19. Garde-manger. 20. Refuge, dépôt de chaussures. 24. Hangar ouvert. 22. Buanderie. 23. Lingerie. 24. Chambre à repasser. 25. Atelier de couture. 26. Magasin. 27. Maîtresse assistante. 28. Poêle-calorifère. 29. Cellule de punition. 30. Siéges d'aisances. 31. Salle du comité. 32. École gardienne, salle d'exercices et galerie. 33.33. Salles d'école. 34. Instituteur. 35. Institutrice. 36. Salle de réunion de jour des petits enfants. 37.39. Crèche pour les petits enfants. 38. Garde, petit magasin de la crèche. 40. Lavoir et bain. 41. Dépôt de charbon. 42. Cuisine. 43. Salle de réception des garçons. 44. 45. Bains. Id. des filles. 205 46, 47, 48, 49. Infirmerie des garçons. (Maladies contagieuses, gâle, teigne, etc.). 50, 51, 52, 53. Id. 54. Lavoir. 55. Dépôt de charbon. 56. Dépôt des morts. 57. Magasin. 58. Palier. des filles. (Id.) D. Premier étage du bâtiment principal (4). 59. Logement des maîtres. 60. Dortoir pour 60 garçons. 61. Magasin. 62. Palier. 63. Logement de la maîtresse. 64. Dortoir pour 60 filles. E. Deuxième étage du bâtiment principal (4). 65. Infirmerie des garçons. 6683 66. Id. des filles. 67. Infirmière. 68. Palier. 69. Logement du maître adjoint. 70. Dortoir pour 70 garçons. 71. Palier. 72. Logement de la maîtresse assistante. 73. Dortoir pour 70 filles. 74. Palier. F. — Étage du quartier des jeunes enfants. 75.75. Deux dortoirs, chacun pour 60 petits enfants. 76. Salle des malades. 77. Maître. 78. Magasin. G. Étage de l'infirmerie spéciale. 79. Salle des garçons. 80. Id. des filles. 81. Infirmière. 82. Chirurgien. H. — Élévation latérale de l'école. a. Préau des garçons. l. Id. des filles. C. I. — Profil d'une salle d'école. Id. des jeunes enfants. d. Id. de l'infirmerie des garçons. e. Id. id. des filles. f. Cour de réception des garçons. 9. Id. h. Plongeon. ii. Passages couverts. des filles. 1 TABLE DES MATIÈRES. Pages. Pages. I. SUISSE. RAPPORT à M. TESCH, Ministre de la Justice, sur les colonies agri- coles, les écoles rurales et les écoles de réforme pour les indi- gents, les mendiants et les vagabonds, et spécialement pour les enfants des deux sexes, en Suisse, en Allemagne, en France, en Angleterre, dans les Pays-Bas et en Belgique . Écoles rurales pour les orphelins, les enfunts pauvres, abandonnés, négligés et vicieux XXV. École de réforme de Freienstein pour les enfants pauvres et négligés. (Canton de Zurich.). 25 XXVI. École de pauvres de Kappel. (Canton de Zurich.). Montant des frais d'entretien dans les écoles rurales de la Suisse id. id. I à xx II. ALLEMAGNE. - Maisons de refuge et écoles de réforme (RETTUNGS- ANSTALTEN) pour les enfants pauvres, abandonnés, vicieux et moralement négligés . 26 I. I. — Établissement agricole d'Hofwyl 2 • Écoles de réforme (Rettungs-Anstalten) du royaume de Wur- temberg. 29 II. - Maison d'orphelins de Trogen, à Schurtanne. (Rhodes exté- rieures d'Appenzell.). . 1. Origine. id. 5 2. Surveillance et contrôle supérieur. id. III. Maison d'orphelins de Schönenbühl, près de Teufen. (Canton d'Appenzell.).. 3. Associations locales, comités administratifs 4. Inspection. . is. id. IV.. Maison d'orphelins de Vögelinseck, à Speicher. (Canton d'Ap- penzell.).. 5. Chefs de famille.. 30 id. 6. Personnel des employés.. irl. V. VII. École d'orphelins de Sainte-Marguerite. (Canton de Bâle.).. VI. — École libre de Beuggen pour les enfants pauvres et la forma- tion d'instituteurs ruraux. (Dépendante du canton de Bâle.). Écoles des pauvres fondées par la Société pour l'éducation chrétienne du peuple. (Canton de Berne.). 8 7. Conditions d'admission des enfants. id. 8. Nombre, désignation et population des écoles de réforme . 31 id. 9. Éducation religieuse et morale des enfants 32 40. Punitions. Récompenses 33 • 44 4. École pour les enfants pauvres à Bättwyl, près de Burgdorf. 2. École pour les enfants pauvres à Langnau, id. 42 11. Instruction intellectuelle 42. Instruction professionnelle. 43. Division de la journée. 34 35 id. • VIII. 3. École des enfants pauvres de la Rütte, près de Bremgarten. École de pauvres de Trachselwald. (Canton de Berne). 13 14. Régime physique. Nourriture. id. id. 45. Habillement. id. IX. École de pauvres de Biel. (Canton de Berne.). . id. 46. Coucher. 36 X. École de pauvres de la Grube. (Canton de Berne.) 14 17. Soins corporels. Mesures d'hygiène. id. XI. — École d'orphelins de Wangen. (Canton de Berne). XII. 15 18. Soins médicaux. ¿d. • • Écoles de pauvres de Rüggisberg et de Könitz. (Canton de Berne.). 19. Mesures prises pour préparer la sortie des enfants et assurer id. leur placement. 37 XIII. - École de pauvres de Grossaffoltern. (Canton de Berne.). XIV. — Ecoles de pauvres de Langdorf et de Neustadt. (Canton de Berne.). id. 20. Situation des établissements id. . 24. Nature des locaux. ¿d. id. 22. Ressources. Capitaux. Étendue des terrains. Bétail 38 XV. École de réforme (Rettungs-Anstalt) de Bâchtelen. (Canton de Berne.). id. 23. Dépenses. Frais de premier établissement et d'entretien annuel . . id. D • XVI. — École de réforme (Rettungs-Anstalt) de Saint-Gall. (Canton de Saint-Gall.) 17 24. Résultats généraux du système d'éducation suivi dans les écoles de réforme. id. XVII. — École rurale de Carra. (Canton de Genève.) XVIII. id. II. • 1 Colonie de la Linth, ou école des pauvres d'Eschersheim. (Can- ton de Glaris.). École de réforme (Rettungs-Anstalt) du Rauhen-Ilaus, à Horn, près de Hambourg. 39 20 III. XIX. Écoles de pauvres, d'orphelins et de réforme du canton des Écoles de réforme (Rettungs-Anstalten) de Düsselthal et d'Overdyck 47 Grisons 22 · 4. École de pauvres à Foral, près de Coire. 2. École de réforme de Schiers.. 3. Maison d'orphelins de Coire. ངོ་ ོ་ III. FRANCE. id. id. • abandonnés. XX. 4. École cantonale de pauvres de Pfankis, près de Coire École de réforme (Rettungs-Herberge) pour les enfants pauvres et négligés de Buch. (Canton de Schaffhouse.) id. I. id. • • XXI. XXII. • Maison d'orphelins de Soleure. (Canton de Soleure.). École rurale d'enfants pauvres de Bernrain. (Canton de Thur- govie.) 23 • Colonies agricoles pour les jeunes délinquants, les enfants pauvres, les orphelins, les enfants trouvés et Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray, près de Tours. (Indre-et-Loire.) A. Emploi du temps. B. Règlement de l'infirmerie. 50 55 65 id. 3 id. C. Règlement du chef de famille. نانا XXIII. École normale d'instituteurs ruraux à Kreutzlingen. (Canton de Thurgovie.). XXIV. Écoles agricoles d'Echichens et de Champe-de-Bois. (Canton de Vaud.). 25 II. - D. Règlement du sous-chef de famille E. Règlement du frère aîné. . F. Inventaire d'une des fermes détachées à Mettray. · Colonie agricole et horticole de Petit-Bourg. (Seine-et-Oise.}. Uor M id. 67 id. 68 : } 208 TABLE DES MATIÈRES. Pages. Pages. 111. IV. Colonie agricole du Val d'Yèvre, près de Bourges. (Cher.). Colonie agricole d'Ostwald. (Bas-Rhin.). 73 III. 77 V. VI. - Colonie du Petit-Quevilly, près de Rouen. (Seine-Inférieure.). Ferme-colonie de la maison centrale de Fontevrault. (Maine- et-Loire.).. 83 Situation, nombre, classement, population et étendue des colonies. IV. — Direction locale et administration intérieure 128 129 • V. 85 VII. VIII. IX. • Colonie agricole du Mesnil-Saint-Firmin. (Oise.). Asile-école-Fénélon, à Vaujours. (Seine-et-Oise.). X. — Établissement du Neuhof, près de Strasbourg. (Bas-Rhin.) Établissement de Saint-Nicolas, à Paris. . XI. Ferme colonie de la maison centrale de Gaillon. (Seine-Infé- rieure.). 87 VI. Conditions d'admission et de sortie des colons. Contrats con- clus de ce chef entre le gouvernement et l'administration de la Société de bienfaisance. Récidives. Colonies libres. 430 133 id. VII 93 Colonies de répression d'Ommerschans et de Veenhuizen, nos 2 et 3. 436 93 VIII. - Colonie d'orphelins et d'enfants abandonnés. (Veenhui- • 98 zen, nº 1.). 444 a IX. Colonie de Wateren. 145 • X. Situation agricole 146 a. ANGLETERRE. — Établissements industriels et agricoles pour les enfants pauvres, orphelins, abandonnés, mendiants, vaga- bonds et les jeunes condamnės . XI. Situation industrielle. 148 • XII. 403 . XIII. Situation financière. Recettes et dépenses annuelles. Em- prunts, dettes, subsides Conclusion 149. 151 ་ L. Pénitencier des jeunes délinquants, à Parkhurst (dans l'île de Wight). 107 II. — Ferme-école de Redhill (dans le comté de Surrey). Maison de refuge pour les jeunes délinquants et les jeunes libérés.. 109 • III. École d'industrie de Norwood, près de Londres. 412 • IV. École d'industrie de Kirkdale. (Yorkshire.) 445 D I. V. VI. VII. VIII. IX. X XI. XII. Ferme-école de Quatt. (Shropshire.). - École d'Ealing, près de Londres. • École agricole de Winkfield, près de Windsor École rurale de Baterbury, près de Chelmsford. Établissement agricole de Southam École fondée par M. Cropper, près de Liverpool • École d'industrie de Lindfield (dans le comté de Sussex) École d'Ockham (dans le comté de Surrey) id. " 148 II. 120 III. 121 id. APPENDICE. 122 id. • VI. BELGIQUE. Colonies agricoles, formes-hospices, écoles agri- coles de réforme pour les jeunes indigents, mendiants et vagabonds. - Colonies agricoles de Wortel et de Merxplas-Ryckevorsel. (Province d'Anvers.). Fermes-hospices des deux Flandres - École agricole de réforme de Ruysselede (Flandre occidentale) pour les jeunes indigents, mendiants et vagabonds. A. Tarif pour l'alimentation des colons. B. Comptabilité morale. 153 154 · 158 167 190 id. 194 423 XIII. - École rurale de Templemoyle. id. · XIV. Asile royal de Victoria (Royal Victoria Asylum), 424 • C1. Dépenses de l'exploitation agricole. (Exercice 1850.). C². Nature et valeur des produits de l'exploitation agricole. (Exercice 4850.). 192 • 193 XV. Ecole normale de Battersea, près de Londres 125 D. Compte d'emploi des crédits ouverts en 1848, 1849 et 1850. E. Projet de budget pour l'exercice 1852. 193 id. F. Rapport de la commission chargée par M. le Ministre de la Justice d'émettre un avis sur l'organisation des dépôts de mendicité au point de vue agricole V. PAYS-BAS. — Colonies agricoles pour les indigents, les mendiants et les orphelins. 127 1. Origine, but et destination des colonies. Sources d'information. II. — Société de bienfaisance. Organisation. Administration. id. Légende des PLANS. • 428 TABLE DES MATIÈRES. FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. 1 196 203 207 1 1 VUE ISOMÉTRIQUE DE L'ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME ET DE LA FERME DE RUYSSELEDE FLANDRE OCCIDENTALE.) KONEY دستان 11111 M ☐ ! ! ! 000 · M །བ་་ г Dessinée d'après les Plans, élevations et coupes, par J.P. Schmit, Professeur-agrégé à l'Université de Liége. Etabli: Latho de Heusch frères rue Gérardric à Liées. ན་ " ✔ 2 ነ 2 → A เ 24 i x R ་མ་བསམ་་ག་འ༴ ད འབར་ཁམབའ་འར་ཕན་ནུ་ཡོནས་དོ་ཆ 25 25 ↑ ર 24 A batho de Heusch trenes a Liege, ོ་བ-ས》བབn་ག་ཐོ• • • ¥° པ་་ཁསཔ་ལང་་ཐགོས----མ་ཙ 26 23 22 I A 44 21 Roule h ૧ h h PLAN DE L'ÉCOLE AGRICOLE DE RÉFORME ET DE LA FERME DE RUYSSELEDE, (FLANDRE OCCIDENTALE.) - REZ-DE-CHAUSSÉE. 25 2525 * 25 2.5 25 25 32 [III [II] b 20 3 ARING 3 2 • JABAR · 30 DORONO 20 120 .31 a 19 10 18 17| C A 30 * . + Echelle de o 00133 pour 1 Metro. 140 26 18 17 .3,3 25 15 14 ! 17 12 13 16 18 O 15 15 10 8 a о Boute ཁལ་-[6� 180 Mòtros › १ 12 C- LITH B T EX & a 18 CHF IF H HH TITITT H 12 9 10 18: ↑ A ار ? > ^ PL. II. 1 、 - : w ག་ ་ ་མཚན་ ས་ ་ ་ ་ ་ ་ ་ ་ ་ ་ www Pabb Lite de Heusch frorec a lige --- བཧ་བ ། - • 9 ÉCOLE DE REFORME ET FERMÈ ET FERMÉ DE RUYSSELEDE. PL. JIL Fig. 2. Façade de l'habitation du chef de culture et des ouvriers. Fig. 3. Elévation des étables et des fumiers couverts. Fig. 4. Hangar et Porcheries. 1 Dortoir Fig. 5. Coupe en longueur de toutes les constructions de la ferme. 000 ADD Fig. 6. Façade principale de l'Ecole de Réforme. Echelle des Fig. 2, 3, 4, 5, 6; de 002. o 20 Môtres. Fig. 1. Distribution du 1er étage du bâtiment central: dortoirs dortoirs et lavoirs des colons. 10000 1:0 Commun 72 Lavoirs Chambre de Chambre de Surveill! Surveill! } 0000 Dortoir 10 Echelle de la Fig.1., de o™,003. 40 Mòtres. Commun 000000 000 1000 Élévation Principale. PL.IV. 7 ПЛ ΠΠ Π 1,1. Baliments d'Administration. 2.2. Maisons de Colons, divisés Jamilles. 3. Aumônerie. 4. Cellules de discipline. par 5. Réfectoire des fonctionnaires. 6. Classe Au dessus logements des employés. 7. Eglise 8. Quartier de punition. Wat's 日 ​תיר *... -4441; - t 18. ---- • 1 • * ཨིནཾ ནུ ཀཏཾ ཨཝ ས་ མ་ Stahli Lithe, de Heusch Freres à biège. ། 16. ་ • 100 ལ་ חיד חיים I ΠΟΠ COLONIE AGRICOLE ET PÉNITENTIAIRE, À METTRAY, PRÈS DE TOURS. (INDRE ET LOIRE.) Plan Général à Rez-de-chausséc. 13. TWELJUDIMA Q 0 C C C C C C C C C C C C ނ IT 4. 2. 2. Echelle de L 13. 12. 12. PL . J 9. 6. L ༄༔རྡ་ you ར་ནི་མ་ལ་ DE མཚན་གཞནད་ ༡༠༩ ༈ ཆ་འང་ད་ལན་པ་ ཚས་པས་མ་འ་ར་ལ་ས་ག་་་་་་་་་་་ ནི་ན 08 اهو در gay me -- ple to ve ... المصري umm 14 20 10. 1 : JL. L 7.5 2. 41 Milli¼• ½ pº Mitre. 3. KO 1 UU 9. Galerie d'exposition der produits de la Colonie. 10. Fermier. 11. Laiteries. 1272: Écuries. 13,13 Facheries. 14. Porcherie. 13. Dépendances. 16. Mayusins. 1717. Latrines. 18. Garde de nuit. LEPIEEJÍRUSTLJS]] 14 F HIIIIII: [III: III TTTG ". .. . L П C COUPE GÉNÉRALE DE LA COLONIE AGRICOLE ET PÉNITENTIAIRE DE METTRAY. ་ Plans, Coupes et Elévation d'une maison de Colons représentant une Famille. Fig. 3. Fig. 1. 1 Echelle de la Coupe Générale,à 1 Milli¹? 1/2 p*Métre 2 3 4 5 6 7 8 g 準 ​Mech Franeat. 毕 ​20 J 0 L I L0 K K b M Sp M. ་ ་༥: @ Fig. 5 . A C KIL IIIIINZ F988890 Fig. 2. Echelle des Plans Coupes et Flévations. J 4 B 用 ​} to Hetres. jj j D Fig. 6. K L T Plan du Bez-de-Chaussée. Plan du 1 Etage. * A Fig. 4. 0 0 0 Echelle des détails. نكم 16. © 2 Mures, a L N @ L K K @ PL. V. Cop 02 C A Elévation sur A B A. Colonies Agricoles de Hollande, 1. Petite forme des Colonies libres. Plan P Chamore cul Chambre à coucher magasin à jourrages Stable Réduit 3,50 Grange A. Colonie Agricole de Hollande. Corredur Habitation 2,69 bil B PL.VI. A. Colonie Agricole de Hollande. Elevation sur C D. II. Ferme d'exploitation dans les Colonies de répression. Elévation sur DA. Elévation sur AB. 田 ​田 ​*** ! 00 Grange B: I. Colonie Agricole de Neuhof, près de Strasbourg. (Bas Rhin) Plan Elevation sur AB. h Henach Freres à Liebe 3 UL + B 2 6 8 7 זז: 13 14 12 L 11 10 9 17 16 Rez-de chaussée 1 Elage Echelle de voh pour 1 mètre. ++ TT 14 1 Plan Lils チ ​Laiterie Etable pour vaches Pores 4,00 Chambre Chambre Armoires D Corridor 9 Chevaux Etable pour vaches 1 Bauf 5.30 · 1.00 11,50 4,50 - Echelle de vous pour 1 Metre. 0,005 +-- } 31 E MANX Z 写 ​B-H. Colonie Agricole de Neuhol, près de Strasbourg ( Bas Rhin) Echelle de 53.9025 Echelle de 03, að pour un vélos . C.-Vue et Plan d'une habitation do Tamillo (Ficherhütte ) à l'Ecole de réforme (Rettungs-Anstalt ) de Rauhen-haus, à Horn, près Hambourg. Ja peter ? mitse. : RAA C.- Plan général du Rez-de-chausséc. 30 29 L 25 24 28 23 27 26 口 ​С זל b ÉCOLE RURALE DE DISTRICT, PROJETÉE EN ANGLETERRE, POUR 500 ENFANTS PAUVRES DES DEUX SEXES. اسلام F FT 41 40 76 ୨୦୦୦୦୦୦୦୦୯ REGU 77 78 39 38 37 42 44 45 43 も ​$3 36 34. 3,5 33 32 31 33 h d f $6 55 33 a. 22 14 2 21 19 18 17 16 15 1 3 22 59 63 61. D 62 E 72 66 57 I का 71 Echelle de 오 ​10 20 30 40 So 50 58 DULUAN i H LOOD ୦୦୦୦୦୦୦୦୦୦୦୦୦ =22 46 G 47 === 79 48 49 50 === 51. 62 52 === 81 82 80 Ꮐ $4 53 5 7 60 70 65 68 100 150 pieds anglais. EEN Ꮽ 8 7 I 8 7 12 10 F 11 Echelle de Le pied anglais (½ du yard) équivant à 3,047944g decimètres. H 10 30 30 50 田田​田 ​200 pieds anglais. 田 ​田 ​B - Elévation latérale des bâtiments entre les cours. D PL, 7. A.- Elévation de la façade principale. BOUND NOV 28 1944 UNIV OF MICH. LIBRARY ... ......