Cbe 'Untversitt of Cbtcago LES IDEES DIRECTRICES DE LA LOGIQUE GENETIQUE DES MATHEMATIQUES A DISSERTATION SUBMITTED TO THE FACULTY OF THE GRADUATE SCHOOL OF ARTS AND LITERATURE IN CANDIDACY FOR THE DEGREE OF DOCTOR OF PHILOSOPHY (DEPARTMENT OF MATHEMATICS) BY ARTHUR RICHARD SCHWEITZER CHICAGO I9I5 Zbe 'Universitp of Cbicago LES IDEES DIRECTRICES DE LA LOGIQUEE GENETIQUE DES MATHEMATIQUES A DISSERTATION SUBMITTED TO THE FACULTY OF THE GRADUATE SCHOOL OF ARTS AND LITERATURE IN CANDIDACY FOR THE DEGREE OF DOCTOR OF PHILOSOPHY (DEPARTMENT OF MATHEMATICS) BY ARTHUR RICHARD SCHWEITZER CHICAGO I915 LES IDEES DIRECTRICES DE LA LOGIQUE GENETIQUE DES MATHEMATIQUES Dans ses Principles of Mathematics, B. Russell' a d6fini les notions math6matiques exclusivement en fonction des idees d'implication, de variable, et des constantes logiques. Cette definition s'accorde tout a fait avec l'id6e que Russell se fait de l'inf6rence, qu'il veut identifier a la deduction2, alors qu'il regarde l'induction comme ~ une simple methode en vue de faire des conjectures plausibles o. L'attitude philosophique qui se d6couvre a travers ces interpr6tations se rapproche a coup sir de celle d'Aristote, qui est evidemment insuffisante au point de vue de la m6thode g6n6tique. Encore faudrait-il dire qu'Aristote reconnait3 - quoique imparfaitement - l'induction ou l'etude logique des methodes d'investigation comme distincte de la deduction ou logique de la demonstration. De rnmme, Russell se trouve en accord avec J. S. Mill4 dont la logique est essentiellement une simple methode d'analyse. Une conception plus comprehensive des math6matiques apparait dans la definition de C. S. Peirce'. Peirce d6finit les mathematiques comme ( l'6tude des constructions ideales (souvent applicables aux problemes reels) et consequemment comme la d6couverte des relations, encore inconnues, qui subsistent entre les 6lements de ces constructions ). Ainsi, a la difference de Russell, il tient compte 1. Loc. cit., p. 3. 2. Loc. cit., p. 11, note; voir aussi ~ 420. 3. Cf. par exemple: A. Riehl, Systematische Philosophie (1907), Teil I, abt. VI, p. 84. 4. A System of Logic, London, 1851. 5. Cf. J. B. Shaw, Bulletin of the American Mathematical Society, vol. XVIII, 1912, p. 389. SCHWEITZER. 1 2 a la fois de l'existence et de la genese, des math6matiques comme objet, et des mathematiques comme acte de l'esprit. Cette double conception de la mathematique que nous prenons comme base de notre discussion, nous la comprenons comme toute relative et nous reconnaissons le conflit comme faisant partie meme de la mathematique. En d'autres termes, nous nous reportons ici a l'aspect imparfait de la science math6matique, h l'espece d'evolution qui apparait en elle. La definition de Peirce peut, aussi bien que celle de Russell, etre critiquee en ce qu'elle ne rend pas exactement compte du nombre et de la quantite; mais il est difficile de pretendre que les mathematiques ne doivent s'occuper que de ces notions1. Le but du pr6sent article est en somme methodologique. Nous essaierons de d6crire g6neralement la position logique de la math6 -matique concue comme une science de d6couverte, d'etablir des paralleles entre certains auteurs math6matiques et certains philosophes, et enfin d'examiner des exemples d' ( activite ) math6matique. II Une idee directrice (( working hypothesis )) peut etre definie, ou plut6t decrite, comme un instrument2 employe dans la solution (ou dans l'essai de solution) d'un probleme3 apparaissant au moyen de termes qui sont en d6saccord4. Nous appellerons cette solution un mediateur entre les termes en d6saccord. On supposera que cette solution n'introduit pas elle-meme un desaccord ult6rieur, de sorte que le probleme est pose en sa forme derniere. En outre, le probleme pose par le desaccord des termes en presence, est seulerent un de ceux qui peuvent se presenter entre ces termes. L'univocit6 du probleme est assuree par le but que se propose l'individu, et ceci determine probablement aussi l'usage a quoi la solution peut etre 1. Cf. G. Boole, Laws of Ihought, London (1854), p. 12: I n'est pas de l'essence des math6inatiques de s'occuper uniquement des idees de nombre et de quantite. - Cf. Grassmann, Gesammelte Werke, vol. 1, part. 1, p. 23. 2. Cf. Bacon, Novum organum, part. I, aphorism. II. 3. Sur le d6saccord des termes conQu comme probleme, voir Schleiermacher, Gesammelte Werke, III, vol. IX, p. 202, Wie ist der zwiespalt zu l1sen, etc. 4. Aucune restriction sur le nombre des termes n'est ici faite; en particulier, un probleme petit naitre du desaccord d'un terme avec sa repetition. -3 employee. Le probleme, ainsi determine par rapport a un int6ret individuel, a seulement une solution; celle-ci peut etre une variable et, par consequent, avoir un domaine. Pour un probleme donn6, c'est par intuition que se fait le choix de lFid6e directrice employee, et l'on concoit qu'un certain nombre d'idees directrices puissent etre recherch6es avant qu'une solution soit obtenue. Par rapport au probleme, une idee directrice peut etre efficace ou inefficacel. Une idee directrice efficace est adaptee au probleme de telle sorte que: 10 le probletne donne lieu a un autre probleme qui se rapproche de la solut ion; ~2 le probleme conduit a un autre probleme qui est l'equivalent du premier ou contient dans sa solution la solution du premier. Une idee directrice inefficace est celle qui ne produit aucun changement dans le probleme, meme formellement, apres adaptation; ainsi, elle n'est adaptable en aucun sens du mot. En parliculier, une idee directrice n'est pas adaptable a un probleme dans lequel les termes en d6saccord sont tir6s d'une application de l'idee directrice ellc-meme. II ne faut pas oublier qu'une idee directrice, qui a e6t trouvec inefficace pour un certain probleme, peut pr6senter quelque valeur pour d'autres problemes. Toute idee directrice adaptable tombe, apres adaptation, dans l'une des trois2 categories: 1~ verit absolue ou relative; 2~ faussete; 30 inutilite3 (( irrelevancy ),). L'etude des idees directrices suggere maints problemes difficiles. Toute id6e directrice presente en general un double aspect: elles peuvent etre consid6r6es comme adaptees ou pas encore adaptees a un certain probleme; mieux encore, elles ont des domaines d'adaptation, d'efficacite et d'inefficacite; leurs domaines d'adaptation, au point de vue du contenu, peuvent etre analys6s en parties constituantes. Un exemple remarquable d'id6e directrice est la /bnction propositionnelle de Russell4 et le probleme de la classification des domaines d'adaptation, au double point de vue de l'extension et de 1. Nous avons employe ces termes: in Bullelin Amer. Math. Soc., vol. XIII (1906), p. 80, et in Transactions Am. Math. Soc., vol. X (1909), p. 312. 2. Peirce, Amer. Journal of Math., vol. VII, 1884-5, p. 187, distingue seulement deux categories; il confond les categories de verit6 et d'inutilite. 3. Sur 'inutilite et la consistance, voir nos remarques, Am. Jonrn. of Math., vol. XXIV, 1912, p. 174: Yet the latter axiom is consistent, etc. 4. Cf. Russell, Principles of Mathematics, ch. vii, p. 13; p. 20, ~ 23; Am. Journ. of Math., vol. XXX (1908), p. 228, 2i3: We assume, then, that every function is equivalent, for all its values, to some predicalive function of the same argument. This assumption seems to be the essence of the usual assumption of classes., -4 - la comprehension (( intension ~), nous conduirait a sa ( theorie des types ). Notre domaine d'adaptation est, en realite, correlatif du ( domaine de signification o de Russell et du (( domaine2 de possibilite, de Peirce, qui peut-6tre a suggere3 la conception de Russell. Les remarques prec6dentes appartiennent a la logique genetique ou inductive, la logique de la decouverte, plut6t qu'a la logique deductive. En realit6, les universaux servent de mediateurs entre des termes en desaccord, au moins au point de vue genetique. Pourtant notre position philosophique, malgre son caractere dynamique, subjectif, est, dans son ensemble, tres differente de l'attitude empirique de J.-S. Mill; elle se rapproche plutot de la position de James et Dewey4. Dans un admirable essai sur la Nature des jugements scientifiques, Dewey dit:,( De toutes les sciences, seule la mathematique s'occupe de propositions absolument generales; de la, la necessaire interpretation des mathematiques comme un instrument a l'usage de la technique et des autres sciences. ) On doit se garder de penser, dans cette citation, que la math6matique n'est qu'inductive dans la mesure ot elle est une science appliquee ou un simple instrument entre les mains des autres sciences. Une telle conception des mathematiques serait trop etroite. Dans une magistrale discussion6 des m6thodes scientifiques, l'interdependance de la deduction et de l'induction dans la mathematique pure est clairement exprimee par Hermann Grassmann: (( Die Ahnung scheint dem Gebiet der reinen Wissenschaft fremd zu sein und allermeisten dem Matematischen. Allein ohne sie ist es unmoglich irgend eine neue Wahrheit aufzufinden; durch blinde Kombination der gewonnen Resultate gelangt man nicht dazu; 1. Pour ces termes, voir, par exemple: E. E. C. Jones, Mind, N.-S., vol. XIX (1910), pp. 379-386; A new law of thought, etc., Camb. Univ. Press, 1911; B. Russell, Mind, 1905, p. 479; Am. J. of Math., vol. XXX (1908), p. 249. - Cf. aussi notre m6moire in Am. J. of Math., vol. XXXIV (1912), p. 175, note 2. 2. Am. J. of Math., vol. VlI (1884-5), p. 187. - Cf. Les remarques de Peirce, mmee Journal, vol. III (1880), p. 21:, The total of all that we consider possible is called the universe of discourse., 3. Voir note precedente et les propres remarques de Russell, Am. J. of Math., vol. XXX (1908), p. 233:, This seems to lead us to the traditional doctrine of the universe of discourse., - Cf. aussi Boole, loc. cit., pp. 42-43. 4. Cf. G. H. Mead, Philosophical Review, vol. IX (1900); A. W. Moore, Pragmatism and its Critics, Chicago (1910). 5. The Decennial Publications of the University of Chicago, First series, vol. IlI, p. 8 du memoire. 6. Gesammelte Werke, vol. I, part. 1, Einleitung. - 5 - sondern was man zu kombinieren hat und auf welche Weise muss durch die leitende Idee bestimmt sein... Daher ist die wissenschaftliche Darstellung ihrem Wesen nach ein Ineinandergreifen zweier Entwickelungsreihen von denen die eine mit Konsequenz von einer Wahrheiti zur andern ftihrt und den eigentlichen Inhalt bildet, die andere aber das Verfahren selbst beherrscht und die Form bestimmt. In der Mathematik treten diese beiden Entwickelungsreihen am scharfsten auseinander. ) La (( leitende2 Idee ) que Grassmann a sans doute empruntee t Schleiermacher, c'est essentiellement notre id6e directrice. Grassmann decrit l'idee directrice comme une espece d'analogie suppos6e avec les domaines de science connexes et deja connus3, ou, dans le cas le plus favorable, comme une anticipation directe de la verite cherchee. Au debut, suivant Grassmann, l'idee directrice est ( dunkles Vorgefilhl ); l'analyse critique ensuite les resultats de ce (( Vorgeftuhl, et la decouverte de la verite s'ensuit si l'idee directrice est juste". Assez semblables a la precedente citation de Grassmann sont les remarques de Klein5. La Mathematique, dit Klein, n'est en aucune facon epuisee par la deduction logique; I'intuition y conserve pleinement sa valeur 1. Grassmann, loc. cit., p. 22 (Cf. p. 16, ~ 1-2), congoit la verite dans la science pure comme une harmonie de la pensee avec l'Etre; mais ce dernier a son tour est pose par la pensee; c'est-a-dire que la v6rite est une harmonie entre actes de pensee. Sur la verite comme une harmonic, cf. Schiller, IIIe internationaler Kongress fur Philosophie, Heidelberg (1909), p. 7t2. Grassmann exprime une theorie de la pensde concue comme, copie, des choses, tandis que Dewey regarde ia pensee comme un instrument. D'apres les Logical Studies de Dewey, pp. 140-142, il sernble que la conception de la pens6e-copie ne soit pas compatible avec celle de la pensee-instrument. Cf. les remarques de A. W. Moore sur Platon dans Logical Studies, p. 345; Cf. aussi James, The Meaning of Iruth, pp. 78, 82, 84, 85, 97, 98, etc. 2. Cf. Peirce, Am. J. of Math., vol. III (1880), p. 16-17:, Leading principle,; James, loc. cit., p. 140-1; Dewey, Decennial Publication, p. 23:, Aim in view,,,, end involved in uppermost interest,; Boole, loc. cit., p. 11:, directive function of method,; p. 15, end in view ); p. 10: ( principles which are to guide us C. - Cf. aussi Plato, Meno, guiding principle. 3. Par exemple: la theorie des fonctions d'une variable complexe a 6t6 inspiree, dans son developpement, par l'analogie avec la th6orie de la physique. 4. Cf. Schleiermacher, Gesammelte WSerke, Dialektik, pp. 297-8; Stosch, Vierleljahrschrift fir Wissensch. Philos., vol. XXIX, conclusion. Le correlatif herbartien de l'anticipation ou presage (Ahnung) est sans doute l'imagination (Einbildung). 5. Gottinger Nachrichten, Geschiftliche Mitteilungen, 1895. - 6 - sp6cifique; en fait, la vie de la math6matique depend de l'interaction entre la deduction logique et l'intuition. III Un m6diateur entre des termes en d6saccord constitue une connaissance fondamentale. Pour les besoins de la discussion qui va suivre, nous trouvons bon de distinguer des m6diateurs typiques et non typiques. Choisir un certain mediateur comme typique dans une classe de m6diateurs possibles semble devoir s'expliquer difficilement comme le choix d'une serie de termes determines par une relation dans une classe d'associations. En fait, le dernier probleme enveloppe le premier'. Car, si nous examinons des exemples explicites de m6diateurs dans la litterature math6matique, nous trouvons que leur nouveaute reside dans l'accent que les savants ont appose sur certaines relations specifiques entre les termes en desaccord plut6t que dans les termes eux-memes. En regle g6nerale, ces derniers sont parfaitement connus au moins comme contenu2. Une recherche sur la nature de la relation nous semble done opportune. Commencons par examiner certaines descriptions, ant6 -rieurement donn6es, de la relation. Sur les caracteristiques d'une relation,. les auteurs qui ont 6crit sur la logique, symbolique ou non, ont jetl peu de lumiere. Ainsi Russell, dans Principles of Mathematics, p. 49, ~ 53, exprime simplement la difficult6 de determiner la nature de la relation. De meme, il dit, p. 172, ~ 160: ( Mere difference per se appears to be the bare minimum of a relation, being, in fact a precondition of almost all relations., Moins n6gatif que Russell, mais evidemment insuffisant, est aussi l'effort de De Morgan pour d6finir la relation. Dans les Cambridge Philosophical Transactions, 1864, p. 208, il dit: (( When two objects, qualities, classes or attributes, viewed together by the mind, are seen under some connection, that connection is called a relation,. Ici relation est simplement ramenee a connection. La definition de 1. Ailleurs, oil, employant le principe de comparaison, nous essayons de donner une genese d'un relatif binaire, en nous fondant sur la ressemblance entre une dyade ordonnee (ab) ct sa repetition; Cf. Am. Journ., vol. XXXI (1909), p. 375, oil nous avons pose que abR ab et aRb sont equivalents. 2. Tres souvent, il faut apporter certains changements formels aux termes en dcsaccord avant que le mediateur apparaisse comme possible. De Morgan est aussi tres interessante parce qu'elle contient l'expression (( viewing together by the mind, et le mot ( some, qui implique une selection r6flechie. De Morgan va jusqu'a dire (p. 209) que certaines relations appelees onymatiques l'emportent sur toutes les autres parce qu'elles sont present6es au moyen de la notion de o nommer,). Un exemple de relation onymatique est fourni par De Morgan dans le rapport du tout a la partie1. A propos de l'attitude d'Aristote sur la nature de la relation, De Morgan observe, p. 331: o Aristotle does not give this part [c'est-a-dire la th6orie de la relation] of logic a very hopeful look when (Categories, ch. v ou vII) he puts forward no belter phrase than zpds Tr to denote his abstract idea of relation. o Comme dans la d6finition de la relation de De Morgan, le mot ( some ) entre dans la d6finition de J. S. Mill2. Dans son System of Logic, partie I, ch. Ii, ~ 10, Mill3 dit: ( Whenever two things are said to be related there is some fact or series of facts into which they both enter; and... whenever any two things are involved in some one fact, or, series of facts, we may ascribe to those two things a mutual relation grounded on that fact. ~ Mill remarque ensuite que les cas de relation les plus simples sont ceux qui sont exprimes par les mots ( ant6c6dent ) et ( cons6quent ) et par le mot o simultan6e; de mlme ( ressemblance a et ( dissemblance ),, aussi bien que les relations pr6ecdentes, doivent Otre mises a part comme choses sui generis. Mill, par ce moyen, conqoit l'6galite4 comme (( un autre mot pour designer l'exacte ressemblance, commun6ment appelee identitd, subsistant entre les choses au point de vue de la quantit6 )). Une autre definition de la relation est donnee par Mill dans une note sur l'Analysis de James Mill (vol. II, p. 10); elle est moins critique, plus arbitraire que la premiere, etant fondee essentiellement sur le mot (( any a: ( Any objects, whether physical or mental, are related, or are in a relation to one another, in virtue of any complex state of conscious1. Cf. Russell, loc. cit., ch. xvi, et Grassmann, loc. cit., p. 108, ~ 4. 2. Contrairement a notre opinion, Mill fonderait probablement laspect, selectif,, de ( some,, sur la necessite. 3. Loc. cit., part. I, ch. ii, ~ 7. 4. Cf. Russell, loc. cil., ch. xx, ~~ 159-160; ch. xix, pp. 161-2, p. 173, ~ 1; ch. Iv, p. 51-2 (note); p. 171, note. Voir aussi Hobhouse ~ Theory of Knowledge,,, p. 171-181 (avec p. 173, comparer Russell, loc. cit., p. 224, ~ 3). -8 - ness into which they both enter; even if it be a no more complex state of consciousness than that of merely thinking them together., II est instructif de comparer la d6finition de Mill B certains passages de Grassmann1 (Ausdehnungslehre, 1844), specialement au point de vue de ( mere thinking together ). Grassmann dit (loc. cit., p. 24) que la forme discontinue, devient au moyen d'une double action de poser (Setzen) et associer (Verkniipfen), et que la fayon dont cette forme vient du donne est ( blosses Zusammendenken,. P. 102 (cf. p. 40, ~ 3), loc. cit., Grassmann mentionne que (( mere thinking together,), en tant qu'id6e generale, caracterise l'addition des formes abstraites, engendr6es dans le meme sens. De meme le ( viewing together by the mind ) de De Morgan a son correlatif, dans les ceuvres de Boole et Grassmann. Parlant de certaines definitions de la mesure de la probabilitY, Boole observe (in Lazws of Thought, p. 275 et 402): ( In a scientific view of the theory of probabilities it is essential that both principles should be viewed together in their mutual bearing and independence. ) Grassmann, dans son Ausdehnungslehre de 1844, a maints passages qui ont rapport au sujet que nous discutons. En particulier, nous appelons l'attenlion sur la description de l'idee directrice (loc. cit., p. 31), sur les remarques concernant une exposition scientifique ( von Anfang an ) (p. 17, ~ 2), sur la representation concrete d'une somme formelle (p. 108, ~ 51), sur la representation concrete du produit exterieur d'un nombre arbitraire de grandeurs elementaires du premier degr6 (p. 177, 179, ~~ 108, 109); sur la determination de la valeur d'un o eingwandtes Produkt )), qui n'est pas zero (p. 212, 213, ~ 129; cf. ~ 135 et p. 295, ~ 2). Dans ces passages, les termes de Grassmann correlatifs de ( viewing together ) sont ( Zusammenschauen,, et ( Ueberschauen,, Ineinanderschauen ), etc.; incidemment la plupart et peut-etre 1. F. Enriques, Encycl. des sciences math., t. III, vol. I, p. 71, remarque que, comme il est bien connu, la philosophie de Herbart a fortement influe sur le developpement des idees de Grassmann. Sans doute, Grassmann a-t-il aussi emprunte au systeme de Schleiermacher. Notons la similitude entre les titres de sections de 1', Einleitung, de l'Ethique, de Schleiermacher et ceux de l'Einleitung de l'Ausdehnungslehre de Grassmann. Le dernier ouvrage semble aussi avoir quelque relation avec les ouvrages mathematiques, influences par la philosophie hegelienne el traitant de I'Etre et dA Devenir. Cf. G. Bohlmann, Jahresber. der Deut. Math. Ver., 1899, p. 107. -9 -les plus essentiels des passages de l'Ausdehnungslehre sont fondes sur <( viewing together o. Nous revenons a la conception fondamentale qui domine les precedents passages, a savoir, la relation. Dans nos citations, aucune mention n'a 6te faite explicitement du facteur selection; ce dernier nous semble etre l'el1ment essentiel de la relation. Schroder, in Mathematische Annalen, vol. XLVI, p. 144, donne une genese d'un ( relalif binaire, fond6 sur la selection de ( dyades ordonn6es ) dans une classe de dyades ordonn6es. Schroder appelle une dyade ordonnee un ( Elemenlepaar ) ou un relatif binaire individuel3. La nature d'un relatif binaire est eclaircie par Schroder: ( Irgend zwei Elemente i und j lassen sich - etwa unter dem Gesichtspunkt einer gewissen von i zu j beslehenden Beziehung - in bestimmter Folge zu einern Elementepaar i:j zusammenstellen und bildet die Gesamntheit aller erdenklichen Elementepaare: 12 — yii j, einen zweiten aus dem urspriinglichen abgeleiteten Denkbereich der aus den Varialionen mit Wiederholungen zur zweiten Klasse von des letztern Elementen besteht... Es wird unler einem binaren Relative... nichts andres zu verstehen sein, als ein Inbegriff... von Elementenpaaren,.. irgendwiie hervorgehoben aus gennantem Bereiche. ) Le ((irgendwie de Schr6der contient essentiellement le probleme de la relation. Nous soupconnons qu'un examen de cet ( irgendwie montrerait que l'interet et l'anticipation sont les guides de la selection4. Comme Schrider, J. Mill, dans le second volume de son Analysis, tient compte de la selection dans la genese de la relation qu'il regarde comme ( une question de convenance r6solue par experience,. ( What is the reason that some pairs do, while many more do not, receive relative names? The cause is the same by which we are guided in imposing other names. As the various combi1. Pour la definition: cf. Grassmann, loc. cit., p. 111, note. 2. Cf. Am. Jour., vol. XXXI (1909), p. 370. 3. Cf. Peirce, Am. Jour., vol. IlI (1880), p. 44. 4. Interet designe ici le but propose. Anticipation nous reporte a imagination et a la representation sensible enveloppee dans celle-ci. Cf. aussi Platon, Sophiste, 264; Republique, 529. Sur la selection: cf. Boole, loc. cit., p. 43, ~ 2. SCHWEITZER. 2 - 10 - nations of ideas are far too numerous for naming and we are obliged to make a selection, we name those which we find it of most importance to have named, omitting the rest. ) Les remarques de Mill sur la relation suggerent une expression correlative en accord avec notre position logique generale et, ainsi modifiees, elles semblent etre le plus clair 6nonce du probleme que nous ayons pu trouver. Nous dirons des lors qu'une pure association de termes; bien qu'etant la condition necessaire d'une relation, n'est pas proprement une relation. Celle-ci resulte d'une classe d'associations, donnee par selection en conformite a un but propose. Nous avions recherch6 la nature de la relation afin d'obtenir une explication de l'idee de mediateur typique, avec laquelle, disionsnous, l'idee de relation (en tant qu'association typique) est en 6troite connexion. Le r6sultat de notre recherche semble etre que les m6diateurs typiques sont ceux qui ont ete selectionnes par le savant dans une classe de mediateurs possibles, sous la direction d'une idee1 ou pour remplir un but dans un certain domaine logique vise. Pour nous, celui-ci est avant tout la Logique symbolique, y compris 2 la mathematique. On peut donner d'un mediateur typique une expression explicite dans le langage technique des conceptions de la Logique symbolique; nous l'appelons formel et son oppose non-formel. Des exemples des deux categories seront donn6s dans une section suivante. IV Il existe une affinite entre un m6diateur conqu comme typique et un m6diateur concu comme valeur. Mettant a part des faits tels que l'approbation personnelle, la satisfaction, l'affection, etc., qui n'appartiennent pas a notre sujet, nous appelons valeur d'un objet l'identification de cet objet (comme faisant partie de l'experience3) avec une experience choisie dans un ensemble de faits d'experiences. Si une telle identification est possible, l'objet est dit avoir une valeur par rapport a l'exp6rience choisie. La 1. Cf. Dewey, Logical Studies, p. 129: Every idea is equally a function of reference and control, etc. 2. Cf. Grassmann, loc. cit., p. 23, note. 3. Cf. James, The Meaning of Truth, pp. 110-114, 268-270, 100, etc. - 11 - valeur est donc un m6diateur entre des termes en disaccord. Dans quelle mesure une valeur est individuelle ou universelle, actuelle ou potentielle? il est souvent difficile d'en decider avec quelque certitude. James' semble reconnaitre ce probleme, quand il dit: ( In some men, theory is a passion just as music is in others. The form of inner consistency is pursued far beyond the line at which collateral profits stop. Such men systematize and classify and schematize and make synoptical tables and invent ideal objects for the pure love of unifying. Too often the results, glowing with truth for the inventors, seem pathetically personal and artificial to bystanders.- Un tel probleme apparait, dans la mathematique pure, conque comme un tout, quand on la compare aux sciences appliquees; il apparait aussi dans les diverses branches de la math6matique pure, quand on les compare les unes aux autres, et finalement dans les resultats mathematiques, nouvellement trouves et dont la relation organique avec le systeme courant des math6matiques n'a pas encore ete reconnue2. On retrouve facilement dans le developpement de la math6matique des recherches qui semblerent 6minemment ( personnelles ) et ( artificielles ) aux contemporains quand elles apparurent pour la premiere fois, mais qui, depuis, se sontprofond6ment enracin6es dans la science. Un exemple c6elbre3 est naturellement l'Ausdehnungslehre de Grassmann; Gauss n'a pas publie ses recherches sur la g6om6trie non-euclidienne4 parce qu'il craignait ( les cris des B6otiens ); la th6orie des ensembles transfinis5 de Cantor n'a pas pleinement triomph6, meme a present, du scepticisme des mathematiciens. Le termne ( valeur ) et le terme ( importance ), qui semble etroitement parent du premier, sont frequemment employ6s par les mathematiciens sans qu'ils aient essaye de decrire clairement leur signification. GrassmannG suggere pourtant une interpretation: ( In der That ist es bei der Darstellung einer neuen Wissenschaft, damit ihre Stellung und ihre Bedeutung recht erkannt werde, 1. Loc. cit., p. 99. 2. Cf. Grassmann, loc. cit., p. 15, ~ 1; p. 16, ~ 3. 3. Cf. Grassmann, Ges. Wercke, vol. I, part. 2, p. 10; Engel, Jahresb. d. deut. Math. Verein., 1909, pp. 353-4; 1910, pp. 10-12. 4. Cf. Stackel u; Engel, Theorie der Parallellinien, p. 226. 5. Cf. Schoenflies, Jahresb. d. dent. Math. Ver., vol. VIII (1900), p. 2. 6. Ges. Werke, vol. I, part. 1, p. 15. - 12 unumganglich nothwendig, sogleich ihre Anwendung und ihre Beziehung zu verwandlen Gegenstlden zu zeigen... (( Durch diese Anwendungen auf die Physik glaubte ich besonders die Wichtigkeit ja die Unentbehrlichkeit der neuen Wissenschaft und der in ihr Gebotenen Analyse dargethan zu haben. Quelques auteurs ont tendance a d6precier le developpement formel et la generalisation en math6matiques'. Ainsi E. Study2 parle de ( banales g6enralisations ),. En ce qui concerne la ge6nralisation, nous tenons au coutraire que celle-ci (intensive ou extensive) constitue lessence du d6veloppement math6matique et que toute generalisation doit etre admise volontiers au sein des math6matiques 3. Discerner les g6n6ralisations grossieres des non grossi6res est difficile, puisque cela d6pend du point de vue de l'int6ret, etc. V Dans l'6tude de l'idee directrice dans la logique des math6matiques, trois facteurs essentiels interviennent. Ce sont les termes en d6saccord ou donn6es; 'instrument de la mediation, ou idee directrice; et, finalement, la m6diation elle-meme. Au point de vue de la determination, chacun de ces facteurs est susceptible de degres; les donn6es, par exemple, peuvent etre ou ne pas etre capables de reconnaissance explicite ou d'expression explicite; d'autre part, une expression explicite peut etre ou ne pas etre formelle4. I1 ne serait pas difficile de donner un exemple de caractere mixte: une partie des donnees admet une expression formelle, mais l'autre partie n'admet pas de reconnaissance explicite, etc. En dehors de ces pr6c6dentes distinctions, on pose que, pour qu'il y ait jugement, un conflit de termes est necessaire 5. En regle g6nerale, les mathbmaticiens ont ete peu dispos6s a 1. Cf. M. Bocher, Bull. of the Am. Math. Soc., vol. XVII (1910-1911), p. 136; vol. XVIII (1911-12), p. 17-18:, On formal developments,. - Cf. W. F. Meyer, Archiv. der Mathematik und Physik, series 3, vol. VIII (1904-5), p. 296, ~ 4. 2. Geometrie der Dynamen, p. 272. 3. Cf. Naville, Logique de l'hypothlse, p. 156; Russell, Principles of Mathematics, p. 7, ~ 8; Grassmann, Ges. Werke, vol. I, part. 1, p. 30, ~ 13; H. Dufumier, La g6enralisation math6matique, Revue de metaphysique et de morale, vol. XIX (1911), p. 723-758. 4. Cf. la d6enition d'un m6diateur formel donnee plus haut. 5. Cf. A.-W. Moore, Pragmatism and its Critics, p. 125. - 13 - admettre l'idee directrice dans la mathematique pure, a reconnaitre explicitement que la mathematique pure est, sous un certain aspect, science d'observation. En r6alite, les recherches mathematiques sont longtemps apparues comme purement deductives; les termes en d6saccord, intervenant au cours de la recherche, n'6taient pas explicitement reconnus, et meme peut-etre pas reconnus du tout; l'instrument de mediation employe etait dissimule; l'effort heuristique etait rarement mentionn6; le mediateur final seul apparait. Au milieu de cette uniformite, les expositions de Grassmann forment de remarquables exceptions. L'Ausdehnungslehre de 1844 est peut-etre unique dans la litterature mathematique, en ce sens qu'elle montre frequemment ct reconnait explicitement l'acte genetique de la decouverte. On demandera naturellement dans quelle mesure le proc6de heuristique est discernable en mathematique en general? De cette question nous nous occupons dans la suite de notre discussion, prenant pour base la position logique ginerale impliquee dans les precedentes remarques. Certains principes math6matiques ont ete soumis a la controverse, surtout parce que ces principes n'ont pas regu d'expression formelle, a contenu proprement mathematique. Il faut esperer que de telles controverses peuvent etre laissees de cote, en reconnaissant plus completement l'interdependance 1 du contenu des mathematiques et des instruments employes dans la determination de ce contenu, c'est-a-dire, des ides directrices. Des exemples de ces derniers sont le principe de comparaison, le principe de continuation, le principe d'economie de la pensee, et enfin le principe de speciale situation qui pourtant n'est r6ellement qu'une application de l'un des trois premiers. Ceux-ci, naturellement, ne sont pas mutuellement exclusifs. 1~ Le principe de comparaison. Le principe de comparaison est de beaucoup l'idee directrice la plus employee en math6matiques. Nous le definissons comme suit: L'existence de ressemblances entre des termes donnes implique l'existence d'un terme general qui existe sous les termes particuliers et les unifie du point de vue de leurs ressemblances. Cet enonc6 est la generalisation d'un principe math6matique 1. Sur l'impossibilite d'affranchir le contenu formel des math6matiques de son aspect heuristique, cf. Grassmann, Ges. Werke, vol. I, part. 1, p. 16, ~ 2. - 14 - exprime par E. H. Moore et d'un principe assez semblable, dc a Meinong2, qui pourlant avait en vue la logique plutot que les mathematiques. Nous n'avons pu decouvrir anterieurement d'enonces explicites, bien qu'il ait et6 constamment fait usage du principe de comparaison par les auteurs anciens et modernes. En particulier ce principe est clairement en evidence dans les dialogues de Platon 3; la procedure scientifique de Socrate est fondee sur lui; il joue aussi dans la theorie des Idees de Platon un role fondamental4. Une moderne application du merne principe se trouve dans la definition par abstraction. L'aspect pragmatique de ce genre de definition a ete note par G. Vailati 5. Peano G a donn6 nombre d'exemples de ce proc6d d'abstraction; ce dernier a ete l'objet d'une discussion critique de la part de Burali-Forti7, Russell, et autres. Comme exemples d' (( operations ) definissables par abstraction, BuraliForti mentionne9 la direction, la longueur, l'aire, le nombre ordinal et cardinal. Si lon cherche a appliquer le principe de comparaison, la consideration des analogies mathematiques est evidemment une premiere etape a marquer. De nombreux exemples de telles analogies sont cites par Poincare dans son article 0 ( L'avenir des mathematiques >, et par E. Study 11 dans sa (( Geometrie der Dynamen ). L'etude du principe de comparaison au sens large conduit aux problemes fondamentaux de la philosophie. Des theories speciales se rapportent, par exemple, a la signification ontologique du terme, a la nature analytique ou synthetique des ressemblances, a la selec1. The New Haven Mathematical Colloquium, p. 1: ( The existence of analogies between central features of various theories implies the existence of a general theory which underlies the particular theories and unifies them with respect to those central features., 2. Cf. Zeitschrift fur Psychologie und Physiologie der Sinnes organe, vol. XXIV (1900), p. 78:, Die Umfangscollective des Aehnlichen stellen Allgemeinheiten dar, an denen die Abstraction wenigstens unmittelbar keinen Anteil hat., Voir aussi Russell, Pr. of Math., p. 162, 171. 3. Cf. Phedre, 265-266; Lois, 12, 965; Symposium, 211; Menon, 72, 74; Protagoras, 331; Phedon, 74, 75, 101. 4. Cf. Les idees d'egalite et de dualite dans le Phedon, loc. cit. 5. Cf. Pragmatism and Mathematical Logic, Monist, vol. XVI (1906), p. 486-7. 6. Formulaire mathematique, 1903, p. 316. 7. L'Enseignement mathematique, vol. I (1899), p. 246; Bibl. du Cong. Int. Phil., vol. III (1901), p. 289. 8. Cf. Pr. of Math., ~ 108, p. 112; p. 114-115; p. 166, ~ 157; p. 167, note; p. 285, ~ 270; p. 305; p. 219-220, ~ 209-210; p. 226, ~ 216. 9. Bibl. du Congres, loc. cit., p. 295. 10. Bulletin des Sciences mathematiques, serie 2, vol. XXXII (1908), p. 184-186, etc. 11. Loc. cit., p. 168. Cf. index, Analogien,. - 15 - tion de ces ressemblances, a la relation du terme general aux particuliers, a l'interpretation moniste ou pluraliste du terme g6neral, etc. 20 Le principe de continuation. Un autre principe, employe dans les recherches math6matiques, est le principe de continuation: (( L'existence d'une classe d'eldments particuliers (ou ( operanda )), soumis a des operations particulieres, implique l'existence d'une classe d'elements generraux soumis a des operations generales. ) Comme applications sp6ciales 1 de ce principe, nous renvoyons a l'invariance de la classe d'lehments dans la generalisation des operations, et d'autre part a la persistance des propridtes des operations dans la generalisation des elements des opearations. Si nous prenons comme classe d'6elments particuliers les entiers absolus inluitifs, et comme classe correspondante d'operations particulieres, des lois formelles de l'arithmetique de ces nombres entiers, le principe de' continuation peut etre employe dans la construction d'un systeme de fractions, de nombres rationnels dirig6s et des nombres complexes, etc. A ce point de vue, le principe se confond essentiellement avec le "( principe de la permanence des lois formelles,) (Hankel) ou ( le principe de la permanence des formes equivalentes ) (Peacock). Ce dernier principe est aussi employe dans la determination des lois qui interviennent dans la th6orie des nombres transfinis. Un exemple important de l'application de ce principe est la definition de la classe g6nerale des s6ries de puissances obtenues a partir d'une serieprimaire et connues comme (( fonction analytique )) dans la thdorie des fonctions de Weierstrass 2. Un autre exemple est fourni par le principe de correspondance de E. Study 3 en vertu duquel, par un choix convenable de l'6elment spatial, la geom6trie elliptique reelle devient identique a la geometrie euclidienne des couples de points sur deux spheres congruentes. En general (( l'etablissement d'une correspondance entre deux ensembles et la recherche des pro1. Cf. l'interpr6tation de Kronecker de 'idee directrice en mathematiques; E. Netto, Ueber Leopold Kronecker, in Math. Memoire lu au Congres. intern. de math., New-York (1896), p. 245-6. 2. Cf. par exemple: Osgood, Lehrbuch des Functionen theorie (1907), p. 376, etc. 3. Am. J. of Math., vol. XXIX (1907), p. 117; cf. E. Salkowski, Jahrbsb. der deut. Math. Ver., vol. XXI, p. 27. - 16 — prietes qui sont mises en lumiere par la correspondance ) (ce qui, selon Clifford', est ( l'idee centrale des mathematiques modernes et se retrouve a travers tout le d6veloppement de la science pure et appliquee )) est essentiellement une application du principe de continuation. La preuve des meprises commises a propos de l'idee directrice en mathematiques se trouve dans la variete des opinions exprim6es par les mathematiciens sur le ( principe de permanence ) prec6 -demment mentionne. Aussi Russell l'appelle ( simplement une erreur ); Jourdain 3 le tient pour ( inutile,, tandis qu'il est defendu par Schoenflies4 et d'autres. 30 Le principe de l'economie de la pensee. Le principe de comparaison et le principe de continuation out pu etre discutes a la lumiere du principe d'economie de la pensee 5. Ce dernier, formul6 par E. Mach 6, requiert que toute fin scientifique soit atteinte avec la depense minima de pensee. Ce principe est done franchement pragmatique; il conduit ais6merit a la these de Dewey: la pensee est un instrument, penser c'est s'adapter a un but, et, pour atteindre ce but, il faut consid6rer l'economie et l'efficacite de l'effort 7. Comme relevant de ce principe, nous citerons, dans la recherche mathematique, les idees directrices de beautd 8 (edlgance), simplicite, harmonie, naturel. Les savants font parfois a tort appel a ces concepts, sans doute pour cacher une insuffisance theorique. I1 semble, par exemple, qu'il y ait un usage illegitime de l'idee de ( naturel, dans la ( Projective Geometrie der Ebene ) de H. E. Grassmann dans la derivation du produit regressif9; de mame, chez 1. Lectures and Essays, vol. I, p. 335; cf. la premiere these d'E. Miller dans sa dissertation, Konigsberg, 1898; et E. Miiller, Jahresh. d. deut. Math. Ver., vol. XXII (1913), p. 44-59. 2. Cf. Pr. of Math., p. 376-7, ~ 357. 3. Mind, N.-S., 1912, p. 448; Quarterly Journal of Pure and Applied Mathematics, vol. XLI (1909-10), dernier ~. 4. Jahresb. der deut. Math. Ver., vol. VIII (1900), p. 3. 5. Cf. E. Mach, Die Mechanik in ihrer Entwickelung, 4e ed., Leipzig (1901), p. 515-6; Pop. Wiss. Vorl., Leipzig (1903), p. 224-5. 6. Die Mechanik, etc., p. 519, ~ 6; Erkenntniss und Irrtum, Leipzig (1905), p. 174, ~ 11; p. 134, ~ 12. 7. Cf. Dewey, Logical Studies, p. 80. 8. Cf. H. Poincar6, Science et Methode, Paris (1909), p. 58. 9. Loc. cit., p. 28. -17 -E. Lasker, Proceedings of the London Mathematical Society, vol. XXVIII, p. 225, dans la derivation num6rique d'un point arbitraire d'une ligne a partir des points donnes de la ligne. L'idee de ( simplicite ) apparait tres fr6quemment dans l'Ausdehnungslehre de Grassmann. La remarque suivante de Grassmann est specialement interessante, Gesammelte Werke, vol. I, part. i, p. 142: < Interessant ist es noch zu bemerken, wie bei der rein geometrischen Darstellung wie auch in der abstrakten Wissenschaft, die Betrachtung vom Raume aus zur Ebene, und dann erst von dieser zur geraden Linie fuhrt, und dass somit die jenige Betrachtung, in welcher alles riumlich auseinander tritt, sich raumlich entfaltet, auch als die der Raumlehre eigenthiimliche und fiir sie als die einfachste erscheint 1, wenn die Gebilde in einander liegen, dann auch alles noch verhullt wahrend, erscheint, wie der Keim in der Knospe, und erst seine raumliche Bedeutung gewinnt wenn man das Ineinanderliegende in Beziehung setzt zu dem ratimlich Entfalteten. Natorp2 comprend ce passage comme se rapportant a l'association de l'espace a n dimensions au nombre complexe a n unites. Une autre illustration de la remarque de Grassmann, imprevue3 de l'auteur lui-meme, c'est notre generation de l'espace a n dimensions4. L'affirmation de Grassmann que la plus simple maniere de satisfaire a l'equation fonctionnelle f (p) f (- p) est f (p) p2 sera facilement admise. Au contraire, on sera plus tent6 de contredire a sa remarque 6 que certaines g6n6ralisations doivent etre faites s'il faut conserver la simplicit6 du calcul. Les idees directrices qui pr6cedent sont difficiles a decrire; en regle g6nerale, leur emploi est assez vague et reste plus ou moins incertain. Grassmann, 1. c., p. 16, juxtapose ( simplicit6e et ( v6rite ). Dans la Logique de l'hypothese, Naville pose, p. 145-6, que ( le simple est le signe du vrai ) et que la tache de la science est de rechercher la simplicite et l'harmonie. C. S. Peirce 7 essaie de donner un criterium de la simplicite en logique, en se fondant sur l'impli1. Les italiques sont de nous. 2. Cf. ses Die logischen Grundlagen der exacten Wissenschaften, p. 262. 3. Grassmann, loc. cit., p. 293, etablit avec precision que la ligne droite est la base de ses definitions. Cf. aussi l'Elementargrisse de Grassmann. 4. Cf. Amer. Jour. of Math., vol. XXXI (1909), p. 365-410. 5. Loc. cit., p. 345. 6. Loc. cit., p. 217, note. 7. Am. Jour. of Math., vol. III (1880), p. 21, note. - 18 - cation: si une conception A implique une conception B, mais non inversement, alors B est (( plus simple )) que A. F. Bernstein 1 considere une demonstration mathematique comme ( la plus simple ) si elle requiert l'application du minimum de principes fondamentaux. Aucune de ces definitions n'est adequate. La description de la ( simplicite ) est difficile en raison du caractlre relatif de cette notion 2. Peut-etre conviendrait-il de dire que le signe de la simplicite d'un concept, comme de sa verite, est dans son (( pouvoir d'action )) 40 Principe de speciale situation. Ce principe, dont l'expression est essentiellement math6matique, a regu un grand nombre d'enonces; quelques-uns de ceux-ci ont vise, sans succes ', a une expression formelle. L'histoire du principe remonte a Poncelet et Cauchy. Poncelet l'a appele le a principe de continuit )). Schubert le met en evidence dans son ( Kalkul der Abzahlenden Geometrie )) (Leipzig, 1879); il a ete largement employe par les math6maticiens. Schubert l'enonce 5 ainsi: ( Si une forme algebrique F est soumise & une condition Z, simple ou formee de c elenents, avec c constantes, il existe (en general) un nombre fini N d'elements spatiaux qui satisfont a la fois a la definition de la forme F et a la c-tuple condition Z. Si maintenant Z est une condition spatiale, c'est-d-dire, si certaines autres formes spatiales rF sont donnees, alors le nombre N (s'il reste fini) est invariant dans les changements relatifs de position des formes F' el a travers les applications particulieres des formes F' qui ne contredisent pas leur definition. ) Ce principe semble etre une particularisation du principe de continuation. Schubert a remarque qu'il 6tait une interpretation de ce qu'on appelle le theoreme fondamental de l'algebre: toute equation du ne degre a coefficients reels ou complexes a n racines 6. Le principe de speciale situation a ete le sujet d'une controverse, 1. Atti del IV. Cong. Int. dei Matematici, vol. III (1908), p. 392. 2. Cf. Grassmann, loc. cit., p. 332-3. 3. Cf. James, Pragmatism, p. 217. 4. Cf. D. Hilbert, Archiv. der Math. und Phys., ser. 3, vol. I (1901), p. 223; Zeuthen, Encyklopddie der Math. Wiss., Bd.III,, Heft 3, p. 257-312; notamment p. 275, ~ 1. 5. Loc. cit., ~ 4. 6. Cf. Zeuthen, loc. cit., p. 306-307, etc., et Study, Archiv. der Math. u. Phys., serie 3, vol. VIII (1904-1905), p. 275. - Cf. aussi Zeuthen, C. R. Congr. Stockholm, p. 32-42. - 19 - a laquelle ont pris part G. Kohn, R. Sturm 2, E. Study 3 et A. von Brill4. Kohn et Study ont pris une attitude plutot negative a le'gard de ce principe; la position de Sturm et de von Brill est plus favorable, et ce dernier fait apparaitre l'e16ment intuitifdans son emploi. Enfin Zeuthen3 insiste sur les connexions algebriques de ce principe, comme garantie de ses applications. Un champ apparemment illimite de recherches mathematiques apparait dans la determination du domaine de v6rite des priecdents principes. Cette remarque nous amene a citer des exemples d'idees directrices qui ont 6et remplacees par des principes mathematiques formels. Dans son iemoire sur les integrales definies, CauchyG donne cette citation de Laplace sur l'evaluation des integrales d6finies: (( On peut done considerer ces passages [du reel a l'imaginaire] comme des moyens de d6couvertes semblables a l'induction; mais ces moyens, quoique employ6s avec beaucoup de precaution et de reserve, laissent toujours desirer les demonstrations de leurs resultats. > Cette transition de l'imaginaire au reel, Cauchy a essaye de lui donner un fondement rigoureux en analyse. A propos du domaine de verite du principe de speciale situation, une contribution a 6et apportee par von Brill7 qui a donne la preuve alg6brique d'un principe de correspondance, employe inductivement par Cayley. Dans les Mathematische Annalen, vol. LIX (1904), p. 161, D. Hilbert a montr6 que l'existence d'une fonction minima dans la solution des problemes de valeur limite appartient au domaine de verite du principe de Dirichlet8. Recemment R. Courant' a d6couvert un 1. Archiv., etc., s. 3, vol. 1V (1903), p. 312. 2. Archiv., s. 3, vol. XII (1907), p. 113-116, ~ 2. 3. Archiv., s. 3, vol. VII (1904-5), p. 271. 4. Verh. des Dritten Intern. Math. Kong., Heidelberg (1904), p. 282. 5. Loc. cit., p. 271, ~ 9 et p. 306-7. 6. Cauchy, OEuvres, t. I (1882), p. 329-330. 7. Cf. Math. Ann., vol. VI (1873), VII (1874), XXXI (1888), XXXVI (1890). - Cf. aussi: A. Hurwitz, Leipziger Berichte, vol. XXXVIII (1886), p. 10; H.-G. Zeuthen, Math. Annalen, vol. XL (1892), p. 99; Atti del IV Congresso intern. dei mat., vol. II (1908), p. 227. 8. Cf. Jahresbericht d. deut. Malh. Ver., vol. VIII (1900), p. 184-8. Hilbert dit du principe de Dirichlet, loc. cit.: ( Dieses Prinzip kann als Leitstern zur Auffindung von strengen und einfachen Existenz beweisen [in der Variationsrechnung] dienen., Hilbert a reconnu aussi, l'importance des, desaccords > dans la recherche mathematique: Foundations of Geometry, p. 131, ~ 2. 9. Math. Ann., vol. LXXII (1912), p. 517. - 20 principe formel, suppose par le principe de Dirichlet et plus efficace que la methode de Hilbert'. D'autres exemples auraient pu etre fournis. VI II reste a faire brievement mention des mediateurs explicites dans les recherches mathematiques. Du point de vue technique, la forme specifique d' (( analyse generale ) discut6e par E. H. Moore2 est interessante. Moore fournit un m6diateur entre quatre theories mathematiques3 se rapportant respectivement a: 1~ un simple element; 20 un nombre fini d'elements; 3~ une infinite denumerable d'elements; 4o une infinite d'elements ayant le nombre cardinal du continu. Le memoire de Moore est peut-etre le premier4 a donner tout au long une explicite expression aux termes en conflit, a l'id'e directrice et a la mediation. L'idee directrice dont se sert Moore est essentiellement le principe de comparaison. 0. Bolza, fondant ses conceptions fondamentales sur 1' (( analyse generale ) de Moore, a fourni un m6diateur entre un theoreme de geom6trie analytique et un th6oreme du calcul des variations'. L'id6e directrice de Bolza est, en fait, le principe de comparaison. Historiquement, l'exemple le plus fameux de mediation est peutetre celui de Grassmann entre la geometrie et la mecanique par le moyen de l'Ausdehnungslehre. Les termes en desaccord sont imparfaitement donnes; il y a pourtant un effort pour les exprimer6. L'idee directrice est essentiellement l'analogie de l'Ausdehnungslehre avec la geometrie; c'est le principe de comparaison. A la suite de 1. Un exemple de probleme de valeur limite est discut6 par G. Kowalewski:, Die komplexen Veranderlichen,, etc., Leip7ig (1911), p. 224. Cf. Courant: Loc. cit., p. 520; Fejer, Math. Ann., vol. LVIII (1904), p. 51; Caratheodory, Math. Ann., vol. LXXII (1913), p. 305. 2., A Form of General Analysis ~, The New Haven Math. Colloquium (1910), p. I, etc. Cf. aussi (( On the Fundamental Functional Operation of a General Theory of Linear Integral Equations,, Proc. Inter. Cong. of Math., Cambridge (1913) vol. I, p. 230. 3. Loc. cit., p. 13. Cf. aussi:, On the Foundations of the Theory of Linear Integral Equations,, Bull. Am. JMath. Soc., vol. XVIII (1911-2), p. 334-362. 4. Notre mmnoire sur l'ordre projectif lineaire, Am. Jour. of Math., vol. XXXIV (1912), p. 169, appartient aussi a la categorie generale indiquee. Ce m6moire rend aussi compte d'une idee directrice perceptive. 5. Cf. Bull. Ann. Math. Soc., vol. XVI (1909), p. 402. 6. Cf. Ges. Werke, vol. I, part. 1, p. 63, etc.; vol. II, part. 2, p. 3, etc. - 21 - l'Ausdehnungslehre' de Grassmann apparaissent une multitude d'essais de mediation. Aussi Grassmann declare que son systeme general fournit un mediateur entre l'analyse et la synthesel, qu'un certain theoreme general2 de sa theorie comprend un groupe de theoremes dcf t Poncelet, etc. Grassmann a reconnu clairement que les theories mathematiques n'etaient que des instruments3; en realite, il alla meme jusqu'a croire que son calcul etait d'une absolue universalite4 en mathematiques. Cette croyance 6tait probablement erronee; Grassmann avait peut-etre en vue la possibility de loger la logique symbolique dans son systeme5. La remarque de Grassmann, que 1' ( inneres Produkt, de son calcul est prouve, quand il a developpe la ( mecanique analytique ) de Lagrange au moyen de certaines notions de son systeme6, indique explicitement sa conception de la theorie comme instrument et constitue un but valable pour la recherche math6matique. Les Laws of Thought de Boole expriment formellement un mediateur dont les principes fondamentaux ont ete adaptes h l'algebre de la logique, dans une certaine mesure, par des auteurs tels que Peirce et Schr6der. Les termes en d6saccord sont pour Boole le calcul des probabilites et la logique. La these generale de Boole est que le ( sujet des probabilites fait egalement partie de la science du nombre et de la logique,; que (( les lois dernieres de la logique sont mathematiques dans leur forme ); qu'une certaine e doctrine generale et methode de la logique forme aussi la base de la doctrine et de la methode correspondante des probabilites7 ),. Les lois de Boole8 xy=z... (1). xy yx... (2). xx- =x... (3). 1. Cf. Loc. cit., vol. I, part. 1, p. 300; p. 9, note. Un autre m6diateur entre l'analyse et la synthese est fourni par Cauchy, OEuvres (1), t. VII (1892), p. 382-423. 2. Loc. cit., vol. I, part. 1, p. 279, ~ 170. 3. Cf. Cauchy, Loc. cit. (1), t. IX (1896), p. 240-241, etc. 4. Cf. Loc. cit., vol. I, part. 2, p. 4: ~( Die Ausdehnungslehre bildet gewissermassen den Schlustein des Gesammten Gebaiides der Mathematik,. Cf. vol. I, part. 1, p. 405, dernier ~. 5. Loc. cit., p. 23, note. Cf. R. Grassmann, Die Ausdehnungslehre (Stettin, 1891), p. 15, etc. - Cf. aussi L. Couturat, La Logique de Leibniz, Paris, 1901, ch. IV, vIII, IX. 6. Loc. cit., vol. I, part. I, p. 12, ~ 1. 7. Loc. cit., p. 13, ~ 2; p. 11, ~ 2; p. 12, ~ 2; p. 401, Boole donne un resume de son ddveloppement. 8. Cf. Boole, loc. cit., ch. ii. - - 22 -expriment respectivement, dans notre terminologie, (1) que z est un mediateur entre x et y, (2) que le mediateur entre x et y est independant de l'ordre des symboles, (3) que le mediateur entre x et sa repetition est x. L'idee directrice de Boole n'est pas explicitement 6noncee; en fait, c'est le principe de comparaison. Les precedents m6diateurs sont tous formels: consid6rons maintenant quelques mediateurs qui ne soient pas formels. Dans les Gottinger Nachrichten (1895), Klein demande: (( Mathematische Entwickelungen welche der Anschauung entstammen durfen nicht eher als fester Besitz der Wissenschaft gelten, als sie nicht in strenge logische Form gebracht sind. Umgekehrt, kann uns die abstrakte Darlegung logischer Beziehungen nicht gentigen, so lange nicht deren Tragweite fir jede Art der Anschauung lebendig ausgestaltet ist. ) Ainsi Klein 6tablit une m6diation entre la deduction logique et l'intuition en mathematiques, au moyen de la finalite du developpement mathematique, pour ainsi parler. Dans Science et iMethode, Poincare maintient que, mmem si les principes de la logique sont admis, il est impossible de d6montrer toutes les verites math6matiques sans faire un nouvel appel a l'intuition. II fonde son opinion (p. 158-160) sur cette affirmation que le principe dit (( d'induction complete', est a la fois necessaire a la math6matique et irreductible a la logique. II appelle ce principe le raisonnement mathematique ( par excellence )). Bien qu'il ne veuille pas dire que tout raisonnement mathematique peut etre reduit a une application de ce principe, il place celui-ci dans la meme categorie generale que certains autres analogues, pr6sentant les memes caracteristiques et dont il ne differe que par sa certitude. II est evident que dans ce cas, Poincare vise le concept general d'induction et qu'au moyen du principe en question, il fournit une mediation entre la probabilite absolue et la probabilite relative2. I1 y a un paradoxe curieux dans cette attitude de Poincar6 qui nous rappelle un peu la contradiction de Richard3. La construction d'une cat6gorie generale de (tous) les principes inductifs sur le fondement de la ressemblance d6pend elle-meme de l'application d'un principe 1. La discussion la plus recente de ce principe semble etre celle de A. Padoa, Bull. Ann. Math. Soc., 1913, vol. XIX, p. 185. 2. Par probabilite absolue, nous entendons la certitude. 3. Cf. Revue generale des Sciences, juin 1905, vol. XVI. - 23 - inductif qui ne semble pas present dans la categorie1. Les principes auxquels se refere Poincare peuvent en outre etreconsideres comme des exemples du principe de comparaison, c'est-a-dire, comme des termes particuliers qui ressemblent l'un a lautre. Ainsi, il semble que toute classe g6n6rale de termes (qui r6sulte de ces termes particuliers) n'inclut pas dans son extension cette application du principe de comparaison, employe dans sa construction. D'un mot, ( comparer des comparaisons ) est contradictoire. VII Nous pouvons maintenant resumer les principales conclusions auxquelles tend notre etude. (1) Les idees directrices conceptuelles des mathematiques sont les memes que celles des disciplines non math6matiques; les id6es directrices ont pourtant un caractere particulierement mathematique, par suite des distinctions qui interviennent dans leur application. Ces distinctions sont inspir6es par des idees directrices perceptives, c'est-h-dire des reconstructions perceptives des conceptions mathematiques, des sentiments et des images2 qui ont souvent un caractere naif et primitif. (2) I1 n'y a essentiellement qu'une idee directrice conceptuelle en math6matiques, c'est le principe de comparaison3. A. R. SCHWEITZER. 1. Sur ce point, voir nos remarques, in sect. II de la prOsente discussion, sur l'adaptation de l'idee directrice. 2. Des preuves de lexistence de telles images dans les recherches mathematiques, sp6cialement en geometrie, peuvent probablement se trouver dans la terminologie; elles apparaissent aussi explicitement. Cf., par exemple, Koenigs, Lemons de Cinematique, p. 51, ~ 5. 3. Poincar6, Bull. Sc. Math. (2), 32 (1908), p. 174, d6finit les mathematiques comme 'art de donner le meme nom a des choses difflrentes. Cf. Platon, Lois, 12, 965; Grassmann, Werke, vol. I, part. I, p. 30, ~ 13. Coulommiers. - Imp. PAUL BRODARD.