LA STATISTIQUE ET DE L'HISTOIRE
DES E]TATS-UNIS,
TEXTE FRANfAIS ET ANGLAIS,
Par EMILE LEFRANC.
NOUVELLE-ORLANB:
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EN VENTE CHEZ LES PRINCIPAUX LIBRAIRES ET AU BUREAU DE L'IMPRIMERIE,
1861.
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TABLE DES MATIERES.
Ire Partie.-Correspondance de New York, servant dIntrdduction-Sur
les Americains. - La guerre civile, la presse,  le parti r(pu              blicain.- La libert6, le despotisme.
lie Partie.-Sur les dispositions respectives des deux sectibns en conflit.
Leur antagonisme.-Leurs forces.-Leurs  moyens.-L'espri t
qui les anime.-La  16galit6.-Consid6rations gon6rales sur
la cause.
IIle Partie. —Sur l'esclavage des nogres, leur nature primitive.-L'ori           tginedel Feselavage, sa philosophic raisonnee.-   Son applica
tion, ses resultats. - Harriett Beecher Stowe et son livre de
Fl'Oncle Tom. - Considerations generales sur Flesclavage.
Esquiss historique sur Haiti.
IVe Partie.-Sur labolitionisme. - Est-ce une erreur ou une fourberie
sociale? -  Sa speculation politique et industrielle.- Sa sin             cerite. - John Brown et son coup de  main  - Dispositions
des nogres a'6gard de la liberte. - Les esclaves blancs en
politique et en industrie. - Sur Flabolitionisme de: l'Angle             terre, la France, FAllemagne, la Russie, IFEspagne, la Tur             quie et de Voltaire.- Les nogres esclaves sont-ils abolitionis             tes.-Sur la Liberie.-Vues comparatives entre le pauporisme
d'Europe et l'esclavage en Am6rique.-Sur l'Afrique et sa po             pulation.-Echelonnement social.-Inforiorito  des espoces.
Sur la traite.-Sur Flidentification des races et l'extinction de
l'esclavage.
Ye Partie.-Sur le tystime politique et commercial do Fl'Union. - Son
origine, son orgnisation, sa Constitution.-Lettres de Washing             ton.-  Les patriotes de l'Indpendance et les Amnrioains
d'aujourd'hui. - M,ralito, probite.-Systome 6lectif. - Les
partis.-Rome et leslois agraires.-Dangers des r6publiques
-Autocratie sectionnelle.-  Donnoes statistiques: Etendue,
population, productions, fortune, importations, exportations et
dette du pays.- Lesmnmes, divisoes par  sections Sud et
Nord. -  Consid6rations gonerales sur l'economie  politique
et le libre-ochange. - Cause de la guerre. - Le tarif. - La
Douane de New-*York.-Abus et decadence.
Vie Partie. - Resume6 de l'Histoire des Colonies et des Etats-Unis. -
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La Virginie, la Nouvelle-Angleterre, difficultes avec Ia Metropole. - La  guerre. - Les hostelites. - Alliance avec la
France.-  Llindependance. - La paix. - Position des EtatsUnis. - La guerre tntre la Grande-Bretagne et la France. -
Politique des Etats-Unis. - Difficultas et violation de leur
traite avec la France. -Guerre  de 1812 avec F'Angleterre
-Developpement et accroissement rapides des Etats-Unis. -
Les partis sectionnels, les free-soilers. le parti republicain et le
parti democrate.-La division des conservateurs.-Le parti republicain triomphe avec la minorite des voix. - La Caroline
du Sud proclame la separation. - O10 Etats la suivent.Nouvelle Confederation.-  Nouvelle  guerre d'independance
du Sud contre le Nord.- Fin de l'Union.- Errata
FIN DE LA TABLE DES MATIERES.
NOTA. -Ce volume a et6 depose, conforme ment a la loi. -  L'auteur
declare reserver ses droits a l'egard de la reproduction en langue fransais,
et de la traduction en langues etrangeres.
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PAP. EMILE LEFRANC.
NOUVELKE - ORLEANS:
-IMPRIMERIEF'RANCO-AMERICAINE,
122, rue de- Chartres.
1861.
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PREMIERE PARTIE.
LETTRES D'UN NEGOCIANT DE NEW YORK
A UN FRANGAIS VOYAGEANT DANS LE SUD.
PREMIERE LETTRE.
New- York, Mai 1861.
Depuis votre ddpart, les 6vdnements out fait, hdlas! bien du
chemin vers Ia guerre que nous nous dtions flattds un moment de
pouvoir oviter.
Nous voilah donc en plein dans la guerre civile I le plus cruel
de tous les fl6aux, car il est le fait d'liomnes civilis6s et, par consdquent, tous les maux l'accompagnent. On est ici vraiment
plus inexcusable que partout ailleurs. La guerre n'a pas sa raison
d'etre parmi noun, dans un  ays  qui rdunit tous les avantages
possibles.
La position de notre continent nous met a l'abri do toute attaque venant de l'exterieur; 1l  forme de notre gouvernement devrait au moins nous prot6ger contre les r6volutions intdrieures.
La souverainetd du peuplp, en mettant le pouvoir aux mains de
+ous, le rend insaisissable a un seul; il n'y a done, ici, ni invasion,
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(4)
ni guerre de pretendant, ni ambitieux, ni despotisme possibles!
Le territoire des Etats-Uni's est le plus vaste et le plus fertile
du monde: la prosp6rit6 n'etait pas douteusc pour tout travailleur, et le paup6risme devait etre longtemps inconnu au peuple
amnricain. Notre nation est active, intelligente et remplie d'6nergie.  Les grandes entreprises sont le domaine naturel de sa
gloire et de son bien-etre.  Malgr6 tous ces avantages inouis ou
peut-etre a cause d'eux, les r6sultats ne repondent pas aux esp6rances que nous avions si naturellement fondees pour notre avenir.  Plus nous avan'ons, et plus cellcs-ci s'evanouissent, et plus
ceux-la nous sont contraires!
Nous nous trouvons, en fait, avoir beaucoup plus toutrnd sur
nous-memes qu'avanc6 dans la voie regeonratrice des libertds
politiques et des amcliorations sociales, que nous inons flattions
de pouvoir offrir aux peuples du vieux monde I
Apres avoir renu tous les bienfaits possibles et uniques sur la
terre, qu'a-t-il done manqu6 a notre jeune nation pour etre heureuse et forte chez elle? pour rester le berceau des libert6s civilisatrices?
Nature]lement d6gages des vieux prejug6s et des vieilles 5pines des temps passe6s et des peuples anciens, qui ou quoi done
a pu nous empecher de marcher en grandissant?
Nous sortons d'une souclhe qui, de la vieille Europe, nous a
donn6 son passe a etudier, ses vissicitudes sociales et politiques a
m6diter. Ce n'est donc pas l'exemple du bien qui nous a manqu6, ce n'est pas l'inconnu du mal qui nous a fait difaut. Nous
pouvions prendre les qualitas de l'Europe sans toucher z ses d6fauts; il nous 6tait facile de lui emprunter les bons c)te's de ses
systemes sans leurs inconv'nients, nious avions enfin de l'exp6rience
toute faite a puiser inifiniiuent. Voila comment tout nious poussait niaturellenieat devranit nous sans 6cucil a' craindre, sans bag,age inutile; nols nous soummes laiss6s aller, si bien que nous sommes
tombbs dans un gouffre ivec le courant.
Notre aveugle orgucil nous a cmpechls de le voir.-Trop privil]gids, nous nous sorrmes crus a' l'ahbri de tous les dangers, meme
celui de nous-meme.  Nous lious sommes crms infaillibles, et 
( 5 )
faits d'uue pdte suplriienre a' celle des ai.utres peluples que  nous
avons souvent considdres avec piti6 dii liaut de notre bonheur.
En nous riant de leurs deblats, cnilconitemrplant quelquefois leur
malheurs et leurs guerres, nous n'avons pas vu nos propres dangers; notes ne nous sommes  pas  aperqu que nous nous 6tioncr66dds tous les maux que lious II'avions pas et que nious ne devrions
pas avoir si nous avions 6t6 plus modestes.  Nous  voila bien
moins avances que l'Europe; elle ni'a pas de guerre intestine.  11
faut cependant aujourd'hui nous poser ces questions:Y avait-il ici
quelque chlose  anieliorer ou un pouvoir a renverser? Une rdvolution 6tait-elle necessaire?
A moins que le peuple souverain ne veuille se renverser, se
suicider!  Les nations  se donnent-elles jamais la mort, par
hasard? Si Ia guerre est une loi tristem(nrt comniuinc, comnre on
le dit, ce peuple se battrait donc liii-m6me faute d'ennemis r6els?
On lie sait vraiment pas sur quoi porter ses reflexions.  On
doute de tout, quand on voit de  pareilles choses au Nouveau
Monde. Chez un peuple qui, nd d'hier, entre en lutte aujourd'hui
avec lui-meme. Que seront douc son adolescence et son a'ge mur?
DEUXIEME LETTRE.
New-York, Mai 1861.
Ma derniere et premibre lettre vous parlait assez du pass6, parlons maintenant un peu de l'avenir.  Que -vont devenir nos libertds, nos institutions liberales, dont nous sommes si fiers? Comment
allons-nous sortir de l'impasse oui nous  soinmes si follement engages par les fureurs aveugles d'une faction? Deja so commettent
les deplorables exces qui tuent la libertd et la consideration d'un
peuple avant de le mener audlespotisme. Le gouvernement vient
d'entrer dans une voie d'illegalit6s qui sont les prdcurseurs do la
tyrannic. L'habeas corpus,  ce grand principe de la?nagna Charta
angl,aise, la sauvegarde de la lierte individuelle, vient d'etre suspendue. Les lettres sont ouvertes, les ddpeches teldgraphiques
sont a present saisies et in~erceptees, celles du pass5 sont compulsees pour faire des recherches rdtrogrades sur ]'opinion de lours
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auteuirs, les ariestations et les expulsions ont lieu tous les jours.
La populace regne a New-York:  elle vient de forcer divers
citoyens ah saluer son drapedu, elle a exig5e de plusieurs journaux
inddpendants d'adhe'rer a' son parti et de faire chorus a ses vocif6iations en arborant le drapeau de l'Union.
Les journaux republicains flattent cette meute, et soutiennent
le gouivernement par un debordement d'injul-es sans exemple contre
la partie saine du pays, celle qui ne veut pas la guerre. Les amis
de la paix sont real vus. Suspects aux premiers mots de paix, on
les expulse; s'ils persistent a ne pas etre de l'avis de ces guerriers
exterminateurs, on les arrete; s'ils professent leur sympathie pour
le Sud, on les fusille! Vous ne croyez peut-etre pas a tout cela?
Ecoutez: La Tribune dit: MIalheur a ceux qui parleront de paix
ou d'arrangement avec les rebelles! Nous voulons l'extermina.
tion des traltres sans compromis, sans piti6. C'est le sort qu'ils
mn6ritent. "  Le Times s'6crie de son cot6: " Pas de paix! Un
comit6 de salut public avec ses accessoires connus, pour surveiller
et punir les traitres de l'int6rieur."
Le Co0erier and Enquirer tonnle ce pen de mots:  "En haut la
hache! En bas les tetes! Que la terreur fasse taire les traitresI"
Le Herald, converti a la grace de l'Union par la pression de
l'6meute populaire, demande "que l'on d6chaine sur le Sud les
deux cents mille bandits du Nord."
Le Post ajoute: "Que l'on pende les traitres dont nous sommes entour6s! qu'on extermine les rebelles du Sud."
Voici le plus beau morceau de fureur: Le Worcester Democrat du
Massachusetts, pays des pieux puritains, s'exprime en ces termes:
" Les provinces du Sud sont riches, les femmes sont belles; Beaute
et butin seront le partage des conqu6rants. En avant donc, soldats! Que les rebelles soient pourchasse6s, noy6s, affam6s, 6gorg6s sans piti6, i merci!  Que les esclaves soient excitds a la r6volte et que les atrocit6s qui signalerent la r6volte des nbgres de
St. Domingue se renounellent, que.......................
C'est la seule maniere de vaincre et de punir les mis6rables dont
il faut nous d6faire une fois pour toute!" etc.
Voila ce que l'on fait de notre libert6 de la presse. Voilk ce qui
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(7)
amuse avec firnesie les gouts morbides du peuple.  Voila ce que
l'on voit et ce qui s'imprime dans la 61mre annde du 19bme sibcle
civilis6 de l'ere chrdtienne.
Oif allons-nous! Malheureux peuple! Malheureuse Union!
TROISIEME LETTRE.
Arrivons un peu aux faits'qui ont amend  cette malheureuse
guerre et a tout ce quo l'on dit ici.   Avec toute ma bonne vo lont6 pour esp6rer encore dans la possibility de replatrer l'Union,
je ne puis ajouter foi aux rapports extraordinaires que font les
journaux r6publicains.  A en croire la majorit5 de la presse du
Nord, les Etats scpares sont menes par une bande d'intrigants
issus de la minorit6 infime. Ces politiqueur-s n'auraient en vue
que leur intiret personnel. Se voyant exclus du pouvoir, ils auraient tout fait pour fabriquer un gouvernement de scecssion.
malgre6 la majorit6 du peuple, afin d'avoir des places et s'enrichir
des deniers publics, etc. Les journ,,ux affirment toujours, en
s'appuyant sur des correspondances, quo la sainc partie du Sud,
c'est-ah-dire presque toute la population, soupire apres le moment
de rentrer dans l'Union, mais qu'elle n'ose pas exprimer son opinion sous les menaces du pouvoir.  Enfin, elle attend les unionis
tes du Nord pour se prononcer, etc.  Toutes ces thbses ou lhypothbses sont rdp6tees, commentdes et servies sur tous les tons et
sous toutes les formes, comme nouvelles importantes, tous los jours.
A dire vrai, cela me parait suspect. C'est trop extraordinairo
pour que ce soit possible, et un pareil mouvement de onze Etats
qui se sdparent tour a tour et ind6pendamment, no pout pas s'accomplir par le fait d'une minorit6.
I1 me semble, enfin, qu'un peuple de 10 millions d'ames, no peut
faire un pareil mouvement, qW'au moyen d'une certaine unit6 de
sentiments et d'actions..
Je ne suis pas de ceux qui prennent leur opinion toute faite
dans les journaux, commoe on prend un habit confectionn6 chef le
marchand. Nous trouvant prives des nouvelles du Sud, veuillez,
jo vous pric, m'en donuner, et muc dire la veriLt  sur cc qui s'y
passe.
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( 8S )
I1 est ties iiiiportaint [)otLr nous tous, financiers, nogociants ou
idlustriels, do savoir quels peuvent etre les r6sultats qui vont
sortir de cette guerre d'invasion et de destruction au cceur du
pays.  Nons i'y voyons que la ruine de ceux qui possedent au
Nord, et par consdquent, quo la misere du peuple, la faim du travailletur.  Nous ne vroyons guere, de l'autre cot6, la portode ou le
but de ce conflit, ni ce qu'on peit en espdrer comme rdsultat
compensatoire t tous nos sacrifices, en dehors de celui de notre
honneur national.
En rdsume que vent-on? qu'espere-t-on?
Si l'on veut forcer le Sud a l'Union, c'est vouloir forcer une
chose qui n'existe plus du moment  qu'on y touche; car, enfin, il
il n'y a pas d'union possible la out elle est forcde: elle n'a plus
de nom: c'est la subjugation militaire! la tyrannie cosaque!
Si l'on vent, comme on le dit et le chante sur tons les tons, si
l'on veut dviter par cette guerre la ruine qui menace le Nord,
par labandon du Sud, ce ne peut etre par les combats.  Ils sont
plutot faits pour precipiter ce danger que pour le conjurer.
Nos manufactures sont en demi-ch6mage, nos plus fortes maisons de commerce tombent tous les jours sous les coups de la crise
guerriire; plusieurs de nos banques sont en ddsarroi; nos milliers de navires pourrissent dans les ports; toutes les proprietes
sont tombdes dans une ddpr6ciation de 50 010, et enfin nons
avons sur les bras plus de deux cent mille individus sans travail
et sans ressource. On craint leur insurrection; on n'ose pas les
armer!
L'excitation du peuple va croissante, comme la marde mone
tante, en raison du reflux de la misbre qui s'avance dans les
masses. L'envahissement des riches provinces du Sud pourrait
bien devenir un espoir de pillage, apris n'avoir dtd qu'un espoir
de parti. Pour finim d'exprimer franchement et sincirement ma
pensee, j'ajoutdrai que je ne vois, dans la populace et dans le parti
republicain au pouvoir, quli veulent la guerre a tout prix, qu'un
sentiment d'intdret personnel ou sectionnel, qui se drape d'un
sentiment d'honneur national absent!  Cet aveu m'est p6nible,
comme Amdricaim; mais, vous le savez,je suis inddpendant, avant 
(9)
tout, vis-a-vis de la v6rit6.  Quelque dure qu'elle soit a dire ou
a entendre, il faut s'y rEsigner.  C'est un service a rendre au
pays qui tombe dans l'aberration,* danis l'aveuglement.  Je me
flatte d'etre plus patriote que quiconque parmi ceux qui nous
prechent la guciere fratricide!
En rdsumcA, la position est terrible ici; mais les honnetes gens
qui mettent tout esprit de parti de cot6 pour ne songer qu'a la
nation, pensent ou'un arrangement qui ferait une division poli  tique, moyennant une union commerciale, serait une issue hliono rable pour tons, sans etre la ruine de personne. Les int6rets
sofnt comme les liquides, ils repronnent toujours leur niveau. Une
fois la paix 6tablie sur de bonnes bases, le Nord et le Sud retra fiqueront cornme par le passe6, en bons voisins, et selon les avan tages r6cip roques qu'ils sauront s'offrir. Le Sud n'est pas si mau vais diable qu'on le dit. I1 aura encore besoin do nous pour faire
ses affaires, conmme nous aurons besoin de lui pour nous en donner.
)'aillieurs, le commerce est un grand niveleurl, et un lien assez
sur pour maintenir la paix future, si l'on savait se servir de son
agence, en le prenant pour base rdciproque dans les relations.
Mais les gens passionnzs, intdress6s ou ignoran.ts dans la question, s'opposent avec violcnce -i la proposition d'aucua plan pacifique.
Nous en sommes done rdduits a penser tout bas cc que nous no
pouvons pas dire encore tout lhaut; mais lnous esperons qule lo
moment viendra oil la raison, la vdrit6 et la liberty Ile scront plus
6toufftes.
Les uns soutiennent, avec fureur, qu'il faut venier l'],.nc e:r
du drapeau, restalrer l'U"iioi, et, pUlin -os r, C,-    a l n?!.;
Si le drapeau avaiL,      "; atLi   rel"n le t;_;.a,-  son:r.-e,
et par des 6trangers, on com,, iindia[ ('o;i ndr': l   a' I e'st-I.
qu'une famille est d6shoiorde pairce ou'- de s,;ies a cdes
un meuble sur provocation?   C'est la gueI;ci  testinLe Liq,: l'on
fomente depuis si long-relaps, qi (fe6LdoltoIoic queqe ch'e, et ca
n'est que le caraetere americaini qui se trouve ddshlono,,!
Les autres, non moins violents, proclament que loccasion est
venue d'en finir avec l'esclavage, et qu'il faut quo le parti r6pu            2
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4 0 
(10 )
blicain s'excute dans son programme et ses doctrines, coute que
cofite, s'il ne veut pas etre renvers6 du pouvoir I C'est ici onu le
fanatisme est superbe, et cqla chez le peuple qui se pique d'etre
le plus 6clair6 du monde!
Voila comment on pr6tend pouvoir sauver le pays!
Mais ce qui console un peu, c'est que ceux a qui la guerre impose de ruineux sacrifices, ne sont pas d'uil avis favorable a tous
ces moyens de sauvetagc. C'est avec plaisir que je constate qu'ils
sont nombreux.
Ce n'est pas avec les grands mots sonores des pourfendeurs
que l'on palera les int6ress6s.- I1 n'y a d'ailleurs de vrai patriotisme que la oi preside l'int6ret de la patrie avant tout: or, un
pays no peutjamais trouver son intdret, ni son honneur, a d6truire une de ses parties essentielIes- la patrie  agricole, d'ou
dnrive son existence et sa prospSrit6. Son int6ret et son lonneur
sont de maintenir cette source intacte, dut-on faire le sacrifice,
d'un mot politique-"l'UnLion". Perisse l'Union, ct que le peuple
vive! Voila mon opinion.  Je ne puis la prociamer ici; jo vous
l'envoie.  Faites-on l'usage que vous voudrez.  Sl le Sud pouvait,
de son cot6, aider ses amis au Nord, en y mcttant un peu du sien,
on finirait pout-etre par trouver lc joint de la conciliation, dont
il doit avoir tout autant besoin que nous-meme ici.
QUATRIEME ET DERNIERE LETTRE.
New- York, Mai 1861.
Cette lettre terminera ce que j'ai sur le coeur a dire a propos
de notre malheur.
L'opinion publique ou les journaux, ce qui est Ia meme chose,
en sont arrives a faire une fusion de tous les griefs ge'ndraux, do
tous les maux et de tetes les causes diverses de m6contement du
peuple, pour en endre le Sud responsable!
II est cause do la misere, du discredit g6ndral et de la ruino
du Nord. Les 6lucubrations qui prouvent et les rdquisitoires qui
accusent n'en finissent plus!l
On reproche, en outre, au Sud, d'etre resto dans l'dtat de ba 
(11 )
barie, en conservant l'esclavage. Les ministres puritains l'excom munien t tous les jours. On le met hors la loi divine tous les diman ches I On crie sus, pour faire courir le peuple dessus. On encourage
ce dernier au moyen des Bibles que l'on met dans les havre-sacs
des soldats. On leur promet le ciel en recompense de leur croi sade contre les infideles que "la plus haute loi" a condamnds. On
fanatise enfin ce bon peuple souverain, dclaire, sachant si bien lire
et 6crire. On lui fait croire que l'esclavagoe est un contrat pass6
entre le Sud et l'enfer, et qu'il faut le ddtruire pour remplir son
devoir de bon chrdtien!  Bref; le mini.tre des saints Evangiles
leur donne des cartouches d'une main et des b6n~dictions de l'au tre!  ~ous connaissez ces lhonnlntes gens, ce sont les mmes!
Beecher, Cheever, Ting et compagnie I
Voila donc pour la fougue fanatique.  Les Greeley, les Gerrit
Smith et Cie., representant la fougue politique, sont derribre,
qui vociferent de(s hurrahs frne6tiques avec la populace I Voilk
le d6part des croises du Nord pour la Josuralem du Sud I
Les grandes parades et les speeches continuent, pour accuser
le Sud d'etre ingrat et traitre a l'Union, apros en avoir requ tous
les bienfaits; d'etre deloyal au gouvernement, aprbs avoir pris
part a son election, d'etre  enfin criminel envers le drapeau,
abattu par ses boulets a Sumpter, sans motif.  On lo diclare sacrilege, et on vent son extermination pour  le ramener dans le
giron de la r6publique. MAais il parait, d'aprbs ce que je vois,
que le Sud se pr6pare a r6pondre a tout cela par des coups de
canon, et qu'il ne vent pas du tout se laisser 4eraser, comme le
Nord se promet de le ftire.
Les pr6paratifs (ces Etats s~pards sont, dit-on, plus formidables
qu'on ne croyait. Cc qui prouverait assez que tout le mondo
y concourt.  I1 faut que lec St  ait bien confiance en lui-meme
pour accepter le d6fi du Nord, par une nouvelle guerre d'inddpendance contre lui, qui se dit si puissant. Je crains bien pour
ce dernier qu'il ne sera en fin de compte que le Georges III de
la Nouvelle ConfS,dration.  Le Nord va tout probablement perdre des Etats qu'il s'est plt un peu trop, avouons-le, a considdrer
conmme des colonies a ses ordres f~odaux.
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(12 )
Je ne puis cependant me permettre de juger absolument la
cause ot la nature du mouvement grave que le Sud vient de prendre avec tant d'energic ot S! peu de crainte. Jo trouve l'ensemble de la question asscz difficilc a saisir dans ses rapports avec le
pass4. Je ne connais guLroe le SLud, autroment  que'par oui-dire,
comme beaucoup ic; Joe n'y ai jamais dto.  Sos3 institutions, ses
meours et son caractere me sont donec bien inconnus.  C'est pour
cela que je viens " vouts, poutI' vcus prier do mne renseigner sur tout
ce!la, an moy,-,i L'un analyse ratsonnae.
Je vous ai  j. I,   pres, el tant bien quo mal, to ut ce qui se
passe i vei; veuiiiez m'en faire autaiut: 1'lendroit des Etats rdfiactaires ~ i'Union oil vous vous ti-ouvez eo cnux que vous avez visit s; vous pouvez ainsi etre utile aus deux sections, tout en m'obligeant. On nous appellera traltres et tout ceo que l'on voudra; la
v6rit6 n'a pas do pa.ti, disons-la sans crainte.  J'ai foi, vous lo
savez, cn la fcrnieo de votre conscience et cIn la solidit6 de votre
jugement; puis, vous.tes neutre et d(ssinte'ress6, en qualit6 de
FranDais, dans le sujet de Ia quereile. Vous pouvez donc, comme
dtranger, sainement juger la chose, et nous dire jusqu'oil peuvent
etre fondoes les royales colTres des rdpublicains!
REPONSE DU FRAN9AIS AU NEGOCIANT AMERICAIN
PREMI~ELE LET TRE.
N. 0. Mai 1861.
Comme vous et comme tout le monde, jo croyais a la paix
quand je suis parti de N. York. En effet, los envoye.s a Washington de la Nouvelle  Confdderation, AIMM. Crawford, Forsyth et
Roman, venaient d'arriver, et ils avaient dt6 reous d'une maniire
qui, quoique d'un ca ote'bre officieux, n'en laissait pas moins esp6rer un rosultat lfficiel p.our la paix.  i,es ministres du gouvernement la leur faisaient espt'rer, en admettant la possibilit6 d'un
arrangement pacifique witre los deux sections en  confiil.  C'est
devant le miroitenment h'abilement onnag6 de cette esprance que
ces honorables citovens sent resteds 5a Washington, pendant plusieurs semaines, employdes en entrevues pr6liminaires avec les 
( 1.) )
chefs du Cabinet, quli promettaient d'iiiier A une solution satisfaisante. On  avait 6t" jusqu'h pronettre l'6vacuatioa du fort
Sumpter. Mais, tout cela 6tait un i'urre d'plomatii lue, a la figon
yankee.   On s'occupl)t secretement des p'Saratifs de  guerre,
pour forcer le Sud a se sountettre  s i     cs;ditioe, ct, au lieu d'ordonner l'6vacuation du fort, on y envoyoait des reonforts.
Parti de New Yo.kl- au commernement d'avril, pour Savannah,
par steamer, j"ai pu voir on route les navires de guerre  qui so
dirigeaient vers'e port de C.:arleston, av-c des forces     pour l'attaque ou la dtlonse, bien moins quo pl)'e Ic ravitaillement pr6texts depuis.
Les envoyes, ayant d'couvert toutes  ces ruses  dc guerre, y
virent de la duplicitY; et, sur une e.,:plication provoqnie, le Cabinet ddcouvrit ses batteries  dune  mianiire assez claire pour ne
laisser aucun espoir de paix.  Les  porteurs des propositions do
Miontgomery n'eurent plus qu'a se retirer, apres vingt-trois jours,
devant le fatal  Iea jacta est.  Tons les moyens de conciliation
6tant epuises, la gucrre seule restait comme alternative inevitable.
DEUXIEME REPONSE DU MEME AU IFME.
Les exces que vous me signalez ne m'6tonnent pas de la part
de la presse et du peuple du Nord.  II  y a longtemps que leurs
licences en tons genres menacent la paix et l'honneur du pays,
Ils finiront par enterrer les libert6s am6ricaines, comme les factions de Rome ont enterre6 les libert4s romaines!
Ceux qui sont le plus portes pour la guerre intestine n'ont, en
gdndral, rien a y perdre, au contraire; d'ailleurs ils ne s'exposeront pas.  Tons cos guerriers borneront leur bravoure a faire de
la thiorie d'extermination dans la prudent,  s(curit6 de leurs bureaux, d'of ils enverront des milliers de nicessiteux et d'ignorants cr6dules se faire liuer, avec l'id6e qu'ils d(fendent la patrie,
dont ils sont eux-niemes, peut-etre, le premier 61mncut do danger!
Vous avez certainement raison de croire que le Sud ne s'est pas
retir6 de lUnion de gaito de*cceur. I1 a fallu que la mesure
ffit comble des ennuis qu'on lui cause depuis des ann(es.  La dernitre declaration de guerre' des rdpublicains, a Chicago, avec leur
4F 
( 14 )
artnement au pouvoir, ont fait ddborder cette mesure de patience
humaine.
Tout un pays, avec un peuple de dix millions d'ames, ne vient
pas, comme vous le dites, prendre une telle determination sans
motif, sans raison, car, il nua pas dte sans prevoir les graves consequences de son mouvement. En outre de la souffrance qu'd
prouve tout bon citoyen, par la rupture du lien national, il y a
encore les pertes, les ennuis et les sacrifices de tous genres k faire
individuellement, pour enfanter et dbfendre une nation et pour
former une bonne organisation nouvelle.
La vdrit6 et le bon sens disent assez, qu'aprbs avoir 6t6 harce14s, ennuyes et oppresse s par les hommes du Nord, les hommnes
du Sud ont du tomber dans Ic degout amner et la lassitude morale, qui font prdf6rer tout autre sorL a celui d'une association qii
ne donne que des luttes constantes avec des gens dont la malice
inventive n'amene quce des vexations ridicules et 1dshonorantes.
Puisque le Nord a touijours trait6 lc Sud en ennemi, pourquoi
ne s'en ddbarrasse-t-il pas, puisque l'occasion est venue oi celui-ci
veut se retirer?
Si le Nord trouve que les institutions  du Sud le ddshonorent,
qu'il s'en separe, et i1 n'y participera plus! Qu'il le renic, et il
n'en sera plus solidaire! C'est ce que le Sud lui demrande.
Les puritains ne veulent pas se damner en vivant du fruit de
l'esclavage, alors qu'ils fassent comme Pilate.  Les honimes du
Sud iront en enfer pour leur compte, et sans la compag,nie de ces
aimables gens.
Une fois que le Nord aura abandoinn  le Sud a son malheureux sort, il re sera pas plus responsable de ses actions qu'il ne
l'est de celles du Br,sil, de Porto Rico et d(e la Havane, dont les
peuples ot ie titre d'Aldricains tout aussi bien que les yankees.
Quelles sont doncies considdrations qui poussent le Nord a s'accrocher forcemerit aux barbares du Sud?
Celui-ci ne lui doit rieh au contraire, il a payd et au-delL, tout
ce que la caisse fid;rale avait dcbours6 pour lui.
Quant aux ilections, le Sud y a pris part a son honneur, car,
c'est bien la une dernimre preuve d'attachement a l'Union.  C'est 
(15)
son derniler effort de conciliation pacifique, en cherchant a ll{mfner des ennemis acharnds et d6clari6s tels d'avance. Avec un parti
national au pouvoir, le Sud sersit restd dans l'Union; avec un
parti sectionnel, c'6tait impossible.
Toutes les petites considJrations d'avocasseties ldgales dispa
raissent derant l'impdrieuse necessitd qui oblige l'honneur d'un
peuple a maintenir son repos et sa prospdrit6, en secouant le joug
de la tyrannic. Que ce soit le fait d'une  majorit6 hostile et bratale on d'un Georges III, on a raison de ne pas l'endurer. II faut
s'y soustraire si on ne peut le ddtruire.
Ce n'est pas celui qui se retire qui est coupable: c'est celui qui
attaque I
TROISIEME REPONSE DU MEME AU MEME.
A  0., Mlai 1q61.
Je ferai de mon mieux pourt rdpondre a vos ddsirs eyi vous don nant l'analyse raisonn6e que vous me demnandez sur les questions
qui s'agitent si vi;.olemment aux  Etats-UnAis.  Je justifierai cer
tainement votre confiance a l'endroit de la sincdrit6 impartiale;
mon travail aura, je l'espbre, le morite d'etre issu d'une conscier
ce inddpendante.
Je ne suis sous la pression d'aucune influence. J'ai fait mes
recherches dans l'isolement, j'ai pris mes observations en silence.
Je vous dirai donc la v6rit6, " rien quo ia v6rit6, " selon moi, du
moins.  Si je me trompe quelquefois, ce sera a vous de redresser
les ddviations iinvolontaires que mes hardiesses pourraient, a mon
insu, me faire commettre.
11 faut, en g6n6ral, une assez forte dose de  volont6 pour oser
affronter certains pr6jugds. II faut aussi une bonne dose de coura
ge pour s'aventurer a blessersertains int6rets, a lheurter certaines
opinions par lejet, souvent brutal, do la verit6. Cette entreprise
porte avec elle l'excuse de ses ddfectuosit6s.  Je commencerai
par jeter un coup d'oeil rapide sur les prdsertes dispositions respectives du Nord  et du Sud,' puis, j'aborderai les redoutables
questions de 1'esclavage, do l'abolitionisme, et la critique du systbme politique des Etats-tnis.
. t/,
"WI,
i, 
( 16 )
Dais l'uut d ces trois questions, on  trouvera les causee  priniordiale- d  la r upture d- l'Uniou, ou plutot de la non-existenc,
du fait de lUnioi amriciu!  Jeme  propose  d'appuyer mou
travail et,es raisonnemIIent3 sur l'histoire des Etats-Unis, dont je
donnerai proba'lemeinnt uile esquisse comme  dernitre partie do
cet ouvrafe,.
Que nous tombions d'aceord ou non sur ce que jo vais dire a
propos de votre pays, veuillez ne pas oublier que j'obeis d'abord
a votre priere. J'ai, ensuite, un fort ddsir de dire ce que je crois
etre la vrit(, au peuple amricaini, en reconnaissance de la bienveillante hospitalit6 qu'il me donne depQus pres de  dix ans.  Jo
serai vraiinent houreux de voir que co n'est pas tout a fait en
vain qunune;o:x anmie s'6!ve en favcur du droit et de la justice,
qui sont aujourd'hliui s; gravemeniLt att-ints par la maladie populaire, assez commune, du roste, aux jeunes nations libres. 
Je dois avotor aussi quc j'ai encore un autre obljet d'ambition
mele d'org'ueil.  C'~st d'essayer d'6clairer les detracteurs d'uno
des institutions du Sud, surtout ceux qui, en Europe, sont abolitionistes de confiance. Jo voudrais enfin pouvoir leur d6montrer
une v6rite6, c'est que l'esclavage n'est pas ce qu'uu " vain peuplo
pense  "'
FIN DE LA CORRESPONDANCE ET PREMIIERE PARTIE.
a
0 
DEUXIEME PARTIE.
SUR LES DISPOSITIONS RESPECTIVES DU NORD ET DU SUD.
I.
Les Etats du Nord sont dou6s de grands avantages naturels
qui, pour etre dans un autre ordre que les avantages du Sud,
n'en seraient pas moins heureux et prdcieux pour l'harmonie des
intdrets des deux sections, si les hommes ne cherchaient pas tou
jours a ddvier des voies naturelles et protectrices.
Les hommes du Nord se sont faits marchands, marins et manufac
turlers.  Cette dernitre profession est cause en partie de ce qui
arri'e aujourd'hui.
Puis, ils se sont faits sectaires aux mille doctrines contradictoires, d'ou naissent le fanatisme et l'intoldrance.
L'abolitionisme devait sortir de ce ddluge de religions diverses.
Mais, comme toujours, l'abolitionisme devait etre crd6 par l'int~ret et exploits par la politique. Tout pretait a ce double b6ndfloe; les interessds ne manqubrent pas. 
L'interet de l'abolitionisme se trouve d'abord chez les fabricants. C'est ce qui explique pourquoi son foyer principal est
Boston et toute la Nouvelle-Angleterre.
L'industrie manufacturibre et l'ennemie naturelle de l'industrie
agricole, vu que celle-ci aoit payer la protection que l'on donne
a celle-la. L'esclavage, etant la puissance de l'industrie agricole,
devient ainsi l'agent du libre dohanoge-ce que le maniufacturier
craint avant tout. L'esclavage est donc son ennemi progressif,
surtout s'il s'6tend sur les nouveaux territoires.  I1 6tait cependant de l'int~ret du Nord de le mneager, pour en tirer ses matibres
3
I/ 
( 18 )
premieres; mais le Sud agricole supportait avec impatience l'imw
pot inutile du tarif, et lui faisait naturellement la guerre;-le manufacturier, a son tour, lui reprochait, par contre, l'institution de
l'esclavage, et lui faisait egalement la guerre! Cependant, en raison de la faiblesse du Sud et de la peur que lui faisait l'abolitionisme du Nord, on a fait semblant de s'entendre pendant de longues
anrnes, au milieu des sourdes coleres de part et d'autre. C'ctait
une fausse transaction. L'abolitionisme n'est donc, en rialit6, que
le prdtexte d'une pression d'int6rets oppos6s: le Sud, en grandissant, devait arriver a secouer cette pression. 11 est reste agriculteur laborieux, conservateur paisible: il y a trouv6 la prosp6tit6 et la libert6; il ignore le paup6risme et il ne peut supporter
l'arbitraire.-Celui-ci 6tait difficile a 6viter avec un foyer d'antagonismes naturels et un systbme politique qui fait quc la ou se
trouve la masse se trouve aussi le pouvoir. L'Union ne pouvait
donc pas exister avec de tels 61dements, d6ja hdtdrogbnes, d'ailleurs, et a d'autres titres.
Le Sud, en se sbparant du Nord, rend peut-etre un grand service
a sa d6mocratie: il y r6tablit, par son absence, l'6quilibre des forces populaires qui seul fait l'essence democratique.-Si l'galit6 est
Ta base des droits politiques, c'est a condition que 1'egalite6 des
forces s'~tendra sur le pays par la repartition des influences,
autrement la democratic tomnbe dans l'autocratie populaire de
la force numdrique sur un point que rien, dans le systbme du
self-government, ne contrebalance. C'est ce qui est arriv6, et ce
qui arrivera encore probablement.-Ainsi, la section Nord, ayant
20 millions dhabitants, eut toujours fait la loi a la section Sud
qui n'en a que dix; ce n'est qu'en s'y soustrayant que celle-ci a
dchappd a la dictature interessde, arbitraire, de celle-1a.
I1 faut reconnaitre une vnrit4, c'est que Ia Constitution est un
habillement quen g'andissant, le peuple Ambricain fait craquer tous les jours.  I1 y a lieu de s'6tonner que los divers raccommodages dont on T'a Teplatr6e depuis Un demi-sibcle ait pu
durer si longtemps: il p a plus de trento ans que l'Union d6funte
6tait mortellement fel6e, dans une vie artificielle d'ailleurs.
En fin de coirnpe, la dsuL'nion sera probableiuent uin bienfait 
( l9)
pour le peuple Ain6ricain et tn avantage pour les populations
d'origine 6trangere.   Celles-ci y gagneiont Cn pesant davadtage
dans la balance I-olitique de lciirs' sections respectives. Leurs
droits n'en seront que moins mal respectds.
Les Americains sentiront la nicessit6 de marcher vers l'unit6
gouvernementale de leurs sphleres respectives.
Le peuple saura, peut-etre, apres cette 6preuve, comprendre que l'esprit de section tue les nations; il l'abandonnera,
pour se faire exclusivement national avant tout. La tache n'en
sera que plus aisle, quand chaque section r6unira dans son ensemble l'homogondit6 d'intdrets. C'est ce qui doit avoir lieu
dans la Nouvelle Confcd6ration du Sud.
Chaque peuple des deux ou trois gouvernenments distincts qui
vont surgir des Etats-Unis, rcntrera dans la voie qui lui est toute
tracde par la nature: c'est l'exploitation des ind-puisablcs et incomparables richesses du sol. Non seulement l'6conomie po]itique
bien entendue du continent devrait faire rechercher cette unit6
d'intdrets, group6s respectivement sans entraves, mais encore la
saime politique de la paix intdrieure et de la concentration des
libert6s publiques exige ce cantonnement.  Le peuple, en travaillant sur son enclos, sans la reserve du secours voisin, y dbpensera avec profit cette exhubErance de force qui, au lieu de contribuer a son bien-etre, a plut6t travailI6 jusqu'ici a ravaler sa consid6ration, a amoindrir ses avantages politiques et mat6riels, ea
troublant la paix, en compromettant l'avenir! Cette guerre est
en partie le fruit de son jeune feu, qui a 6t6 telement mal employ6 qu'il met aujourd'hui ses libertds civiles et politiques en
incendie.
Enfin, si le peuple ambricain ne met un frein a l'esprit de faction
qui le ronge, et qui vient de~entrainer dans l'anarchie, il tombera
de chute en chute au fond du despotisme, sans pouvoir en sortir.
Comme PRome, il verra un beau jqur au Capitole un "soldat heureux," arm6 d'un sabre et du titre de dictateur-imp6rator, sur le
front impnrieux duquel on pourra lire: Ci-git, la souverainete du
peuple! Et puis, sur une Oalle, sous ses pieds: Ici, repose la rgpublique, tuee par les republicains!
I - 
( 20 )
II.
Quoi qu'il y ait tout lieu de croire que la guerre sera courto et
peu ddsastreuse, il convient cependant de parler un peu des
chances respectives des deux parties belligrrantes. Le Nord est
certainement en force au point de vue numdrique, voire meme des
moyens de destruction. Les engins et la marine de guerre sont tout
prets entre ses mains, tandis que le Sud se les doit crder en grande
partie. Le gouvernement de Washington pourra peut-etre mettre
500,000 hommes, au besoin, sur pied; mais aux Etats-Unis, la
quantite ne fait pas la qualite des soldats, surtout dans uine
guerre de pays.  D'ailleurs, rien ne peut etre prdpare ni organis6
dans une nation naturellement peu guerribre. Tout y manque, except6 une administration foncibrement vicieuse et ddsordonnde,
sous tous les rapports, militaires et civils. La quantitd d'hommes
deviendra certainement une source de grands embarras pour l'action. C'est, de plus, une charge insupportable pour un tresor aux
abois, et pour une cause qui se discr6dite tous les jours a l'intdrieur comme a l'ext6rieur, surtout chez les financiers; car rien n'oblige le Nord a faire cette guerre au Sud, et rien de bon ne peut
en r6sulter.
On a tort de croire quo le pays est riche. En r6alit6, c'est une
des nations les plus pauvres du monde; son credit est tr~s limit6
chez elle-meme, comme chez les autres. Elle est toujours en dette:
elle no pourrait pas liquider sans se mettre en banqueroute. Son
numdraire s'6lve peut-etre a 250 millions de dollars dont au
moins 100 millions sont au Sud. Tout ce qui vient de la Californie appartient en majeure partie a l'Europe.-Du moment que le
mouvement des affaires et du crddit s'arretera, le pays ne pourra
pas marcher sans toiber dans une faillitte gdnerale, au dtriment
de l'Europe, ettde ceux qui possedent dans le pays. La guerre no
peut donc durer longtemps, car aussitot qu'il y aura assez d'int6rots l1sds, chacun voudra la paix, et cela ne peut tarder bien longtemps.-Cette guerre n'a plus le caractbre national, niles simples
cons6quences d'unc guerre avec l'6tranger; -  c'est le bras droit
qui se bat contie le bras gmuchac. Toutes los forces dtant employees 
( 21)
a/ la fois, rien  ne viendra les alimnenter  elles se neutriliseroit naturellement, en s'dpuisant d-un cot6 comme de l'autre. Le Sud a,
cependant, l'avantage d'etre sulr sot terrain, avec des ressources -!
puiser d'Europe, au moyen de ses produits agricoles, que rien
n'arrete: la culture ne souifre ni de la guerre, ni du blocus.
On s'est plui au Nord a compter sur plusieurs auxiliaires pour
r6duire et subjuguer les Etats sbparbs
On espbre sur l'efficacit6 du blocus pour mettre la famine dans
le pays et faire revolter les noirs.
On croit qu'une partie de la p)opulation ira au-devant des assaillants, pour les aider dans leur ceuvre d'envahissement. Puis,
on s'imagine que l'Europe est antipathique au Sud, et qu'elle prtf6rera sacrifler ses intdrets plutot que d'6tablir des relations commerciales avec les Etats a esclaves. Le gouvernement de Washington a, il est vrai, prevenu l'Angleterre et laFrance, pour qu'elles
aient a se tenir droites! sans contre-carrer ses desseins vis-a-vis
des rebelles!
Voici ce qui peut so r6pondre a ces calculs risques et a cetto
fibre attitude:
Un pays, essentiellement agricole, dont le sol fertile produit les
matibres les plus riches, telles que le coton, le tabac et le sucre
peut-il jamais etre st6rile de denres alimentaires?
I1 suffit de jeter les semences au vent pour faire des recoltes
en quelques mois, qui pourraient suffire au point d'en faire de
l'exportation. Et certes, rien ne peut manquer pour attendre ces
abondantes r6coltes: le Texas, lui seul, a des grains et des bestiaux en suffisance pour nourrir toute la Confederation, s'il n'y
avait d6jh pas les Carolines! Si, jusqu'ici, les Etats du Sud ont
fait des 4changes contre les denrdes alimentaires de l'Ouest, c'ost
que l'harmonie du commerce et leurs int6rots s'y trouva'ient satisfaits. Le Nord peut donc Acfalquer la famine et la rdvolte des
Noirs de ses charitables calculs, les negres sont, du reste, loin do
songer a les satisfaire, car plusiears regiments d'hommes do couleur sont months et prets a tiitr sur les abolitionistes, comme ils
ont deja tir6 sur les Anglais en 1815.
Quant aux produits ddstinds a l'Europe, il n'est pas probable
'k 
( 22 )
que cele-ci consentira a u moits de veptecmbre, a s'enl passer, pour
laisser ses nombreuses  )opulations indlustI'iellcs sans travail, et
Ia hausse se produire au detriment de ses peuples.-Le coton, le
tabac, le riz, lui sont absolument necessaires, et elle viendra probablement en cherclier couitre vents, nmar6es et blocus, et aussi
malgre la defense du cabinet de Washington.  Si l'Europe doit
etre antipathique a une institution amdricaine quelconque, ce n'est
pas a celle de l'esclavage, qui l'enrichit  et la fait vivre: c'est,
avant tout, a celle du tarif MAorrill, qui lui fait tort et qui pose si
fort sur son industrie!
Une nation bien ordonnde, comme le sont toutes celles de
l'Europe,marche sur quelques points principaux, dont les premiers
sont: L'intdret commercial, la politique d'amiti6, autant que
possible, avec les contrees lointaines; puis, l'humanit6 pratique
lui fait d'abord envisager le sort de son peuple, avant de s'occuper de celui des autres, noirs ou jaunes.
Quand il ni'y a pas de raisons morales trop fortes, c'est toujours
l'intdret mat6riel qui fait le pivot de l'humanit6.   On  verra
donc les sympathies de l'Europe la' o'k scront ses int6rets.-Le
Sud n'a rien qui puisse raisonnablement s'opposer a la sympathie
de l'Europe; au contraire, le premier pas do tout gouvernement
habile, d'une nation industrielle, est d'dtablir son influence dans
les pays agricoles, surtout quand cette nation professe le libre,change!
L'Angleterre nous a enseign6 cet art  depuis  longtemps
c'est a elle aussi qu'est due l'invention des theories humanitaires,
pour son exportation exclusive aux Etats-Unis, ses cousins.
Elle leur a conserv6, ainsi, une sorte d'affection de famille.
-C'est ce reste d'intdret pour ses anciens colons, qui lui a inspird l'heureuse idee de leur jeter l'abolitionismo dans les jambes.
On vit alors une chose rare!  Pour la premiire fois, on vit la
Nouvelle-Angleterre d'accord avec la vieille mere-patrie: c'6tait
pour faire de la discorde. Ils devaient s'entendre, mais dans un
but d'interets bien diffe'onts!
La Nouvelle-Angleterre croit peut-etre que les Anglais veulent
rdellement l'abolitiobn de l'esclavage! si elle comprenait combien 
( 23 )
le bruit de ses machines ldoine sur les neirfs d'Albion; si elle
sentait 1'effet de la concurrence commerciale et maritime que lui
fait cet effront6 Yankee, sous la piotection de son ddmocratique
tarif; la Nouvelle-Angleterre, enfin, si elle comprenait tout cela,
pourrait se rendre compte des vues politiques du cabinet de la
Grande-Bretagne.  Abolitioniste! Si l'Angleterre veut la l'abolition de quelque chose aux Etats-Unis, ce n'est certainement pas
celle de 1'esclavage; au contraire, le Nord s'en apercevra bientot.
I1 reste h faire justice de la plus absurde des erreurs du Nord,
c'est celle de croire que les populations du Sud vont dire: "nos
amis les ennemis," aux soldats envahisseurs, et les acclamer avec
joie comme des lib6rateurs.  La v6rit6 est, que la Confdd6ration
a deux cent mille hommes en activitc, et qu'elle en a trois cent
mille autres sur le pied de guerre repartis partout dans le pays,
et prets a marcher an premier appcl, pour ddfendre le sol et l'inddpendance, jusqu'a la derniire extrdmit6.- Los honmmes du Sud
sont des soldats, de fins tireurs, et non des mercenaires besogneux; et s'il dtait possible aux armdes du Nord de d6truire cette
solide armde, elles trouveraient encore derribre celle-ci une guerre
de rdsistance a mort, faite par los nombreuses rdserves civiques.
Plus, une guerre de chouans, faite par les vieillards, les femmes,
les enfants, et voire meme par les nbgres eux-memes! L'occupation militaire du Sud est impossible  les lhommes et le climat
le dofendent. L'unanimitd est complete pour defendre a tout
prix l'inddpendance, le sol, le foyer et la famille. Les armes, le3
dquipements et tout les moyens de dofese no manquent pas.
L'auteur n'exagore pas la v6rit6, comrne on ponrrait le croire.
Sur le long parcours qu'il a fait, en apportant beaucoup d'attention
sur l'attitude et les sentiments des populations des Etats sopards,
il a pu se convaincre que le sentiment le plus unanime et le plus
sincere r/gne partout en favtur de 1a cause commune.
Des villes et des campagnes abondent des e16gions de volontaires tous bien armds, bien dquis et bien organisds.   Ces soldats sont tous anime's d'un prfond  ddvouement et d'un grand
sentiment de patriotisme: ils out la conviction qu'ils vont rerna
plir un devoir sacr6, et T'aire un grand sacrifice national a la 
( 24 )
pt'trie.  Le Sud a fait ainsi la ddcouverte importante du degr6
de sa force I
En voyant marcher a la frontibre ces nombreux rdgiments de
vaillants hommes avec calme et dbterminatiou, un Frangais ne
peut s'emp6cher de reporter sa pensee vers les phalanges r6publicaines de 92, courant a la frontiere culbuter les envahisseurs
de la France, a Jemmapes, en chantant la Marseillaise et la victoire sur le champ de bataille I
La cause du Sud est juste; tout un peuple ne se trompe pas.
D'ailleurs, on l'attaque, il n'en faut pas davantage pour la justifier. Le succbs ne doit pas lui manquer.
Le Sud ne pouvait, ne devait pas se laisser lier par des ennemis
doclards, acharn6s, qui, otant au pouvoir, devaient le mettre hors
d'etat de faire valoir le moindre de ses droits. I1 faut connaitre
le sentiment du peuple au Nord, et la force de l'esprit de parti
chez les ropublicains pour se rendre bien compte de la position
des Etats sopares. Ils n'avaient pas d'autrc parti a prendre, et on
saura gre6 plus tard aux patriotes de l'avoir fait.
L'Union n'6tait pas possible entre les deux sections: elles
n'ont jamais 6to faites pour etre associoes, du moins, de la manibre
dont on avait fait leur association.-On se plait trop a trouver
des torts dans les details et les hommes, quand le point primordial qui fait le litige est, avant tout, dans la nature respective des
deux sections, ou du moins, dans la position que l'6conomie politique leur a faite. I1 est 6vident, que le Sud ne cherchait les territoires que pour y puiser4des renforts contre la guerre qu'on lui
faisait au Congr~s depuis si longtemps. Ce n'6tait pas pour accroitre sa richesse territoriale, vu qu'il n'arrive pas a exploiter
tout ce qu'il en a, a beaucoup prbs.-Si on ne lui avait pas impos6
de tarif, si on ne lui avait pas fait la guerre au Congrbs, dans ses
droits constitutionnelssi les lois locales n'6taient pas venues le
harceler, l'humili'r, et lui faire tort sous toutes formes et de toutes
les manieres, on ne verrait pas les consequences qui signalent aujourd'hui une scission iasvitable et irreparable, quelque soit les
r6sultats ddfinitifs de la guerre.
I 
TROISIEME PARTIE.
"Dixitque dominus deus: Benedictus Setn
sit, Chanaan servus ejus."
' Et le Seigneur a dit: Que Sern soit
beni, Chanaan sera son esclave."
(GEN}:SE1 Chap. Ix, verset 26.)
SUR L'ESCLAVAGEo
1.
Tout porte / croire qu'il n'y a jamais eu sur la terre qu'un
seul homme qui fut vraiment libre.-Ce fut le premier qui sortit
des mains du Crdateur. Du jour oii le deuxieme est arriv6, l'opposition commenqa: ils n'curent plus tous deux qu'une libert6
relative a la volont6 onu a la force de chacun. L'homme a dii
perdre de sa libert6 naturelle, en raison de l'accroissement de la
population qui a form6 la socidt6.-  Les hommes n'ont done aujourd'hui que des libertes.-Ils ont consenti ai faire l'abandon
d'une partie de leurs droits naturels, en dchange de certains
droits de convention, dits droits'protecteurs et l6gaux. C'est ainsi
que s'est dtayde la socit6t, et cela devait etre avec le progrbs de
la civilisation.
La liberte  n'cxiste doluc as dans l'int6grit6 de l'dteadue que
comporte son mot: ir n'y a que des libertds relatives a' l'intelligence, a la sagesse et aux lois des hommes,-La conservation de
la societ6 exiego cot dchelolnncnt, d'ailleurs ordonn6 par la nature.  Aujourd'hui, ireme, oh la sociotd est solidement assise, et
ou la civilisation est fortic-cnt etal3ie, on ne petut, sans danger,
I, 
( 26 )
donner a' l'liommie une trop grande dose de libert6.  On ne peat
ddpasser une certaine mesure de libre-arbitre, ni un certain degr6
de droits naturels ou politiques, sans qu'il en fasse un abus licencieux, et sans l'exposer a retomber dans la voie d'une demi-barbarie.
S'il en est ainsi chez l'homme christianis6, civilis6, intelligent
et de race supdrieure, que peut-il, que doit-il se passer chez les
peuplades sauvages, d'une race inintelligente, sans lumiere, sans
foi, sans genie? Qu'arrive-t-il, enfin, chez les Africains? On  ne
peut y voir que des scenes d'anthropoplhagie bestiale, que des
guerres destructives, que de feroces barbares, qu'on nomme des
humains.
Si ces malheureux etres font partie de la famille humaine, la
race des hommes supdrieurs, civilis6s et forts, n'a-t-elle pas pour
mission providentielle, et pour devoir naturel, de prendre cette
race arrierde sous sa tutelle? La civilisation n'ordonne-t-elle pas
d'amener ces creatures ddshdrites dans le giron de la religion
chrdtienne? De les admettre enfin dans le centre civilisateur qui
donne le bien-etre moral et matcriel?
La societ6 a compris son devoir envers l'hliumanit6, envers la
chretient6, commne envers elle-meme. Elle a retir6 ulne partie de
cette race, disgraci6e par la nature, d'un milieu de barbaric, pour
lui donner l'acces d'une position et d'une existence heureuses, comparativement a sa condition indigene. Eli retour des bienlfaits de
la race blanche, la race noire lui donne cc qu'elle peut donner, le
privilege de l'emploi de ses facultds physiques; elle lui donile son
travail compensateur. C'est unil echange oui les deux races trouvent
leur mutuel avantage, et leur b6ndfice commun. La morale et la
justice ont-elles reellement quclque chose a souffrir danls cette
transaction? Que le bon sens et la verit6, seuls, soient consultes
avant de ripondre. *
11.
0
Lorsque le v-ieirable et picux de Las Casas, secrdtaire du gouverncur de l'ile de St. Domingue, et pll.s taid e'veque de Chiapa, 
( 27 )
aau lexique, lorsque cet apotre de l'humanitd chrdtienne et pratique, introduisit, en 1503, le premier negre, a titre d'esclave, sur le
continent am6ricain, il le fit certainement moins dans un but d'int6rot materiel, que dans un but d'intdr6t moral pour le christianisme. - II obdissait d'ailleurs aux sinceres sentiments de philantropie, dont il a laissd taut de nobles preuves, tant do beaux
exemples.
Son projet et son but s'inspirbrent avant tout du catholicisme
civilisateur.  I1 est au moins penible de voir des philosophes,
dits humanitaires, vouloir bien consentir t excuser, a justifier la
conduite du St. Vincent-de-Paul des sauvages!
On a accus6, sans fondement, disent-ils, le grand philantrope
des Indiens, d'avoir, le premier, fait la traite des nbgres 1
C'est ainsi que la perversion dans le langage cherche perfidement' pervertir l'esprit d'une bonne action I
Le prljugd sur la traite, est aussi faux que fatal. On ddshonore
aujourd'hui avec ce minot, ce que l'on honorait, il y a trois si~cles,
cornme un acte d'humanit6, comme un moyen civilisateur. I1 est
triste, rovoltant meme, pour ceux qui connaissent la nature de
l'esclave, et l'application de l'esclavage dont il s'agit, d'entendre
les humanitaires ou int6ress6s, ou ignorants dans la question, crier
a l'abomination, et pousser ainsi a la destruction, a la souffrance,
des humains blancs, qui sont indignes, sans doute, de la meme sympathie qu'ils prodiguent aux humains noirsI Que l'on montre au
moins uno bonne fois le pr6tendu malheur de l'esclavage? On en a
donc bien souffert sur la terre? Les blancs et les noirs sont dono
bien malheureux, bien a plaindre dans le resultat I On voit aujourd'hui, en bdncfice net chez les noirs, plus de dix millions d'individus
qui, nes sauvages, sont relativiment civilis~s: on les a christianis6s,
relevds, et nourris morlement, aussi bien que mat6riellement. On
en a fait enfin des hommes rdels, de la ou ils n'6taient que des
hommes 6quivoques! Los lacunei de leurs facultds se comblent;
leur d6veloppement moral s'accroit tous les jours par le frottement
de la race sup6rieure, qui veut bien lui coramnuniquer les qualit~s
de l'homme digne de l'eltre. Peut-on nier la v(rit6 de ce rdsultat? 
( 28 )
Pent-on Tle d6naturer par les grands mots sonores de la fausse
philosophie?
Du cot6 des blancs, on voit aujourd'hui les deux continents
principaux, quii, par l'agence des produits du travail des nbgres,
ont pu 6tablir des &changes rdciproques, d'ou il ressort: l'harmonie
dii commerce, le bien-etre, et le progrbs des peuples, qui, ainsi
se rendent solidaires, pour marcher cnsemble vers les am6liorations communes du sort de toutes les races, de l'intelligence de
toutes les classes. L'Am6rique ne vit-elle pas en partie de l'Europe, et tice versa pour l'intelligence et la matiere?
Tout cela est done bien p6nible a voir, pour les philantropes?
I1 y a trois sicbeles, on consultait la raison, avant d'6couter les
faux principes: la traite des nbgres fut approuv6e et patronisle
par Charles-Quint, d'Espagne, par L6on X, de Rome, par la reine
Elisabeth, d'Angleterre, et par le roi Louis XIII, de France; de
Las Casas, le bienfaiteur de l'humanit6, y contribua en tout ce qu'il
put. La religion civilisatrice, y vit de nouveaux chrdtiens a faire;
la soci6t6 y trouva des travailleurs, poutr l'aider dans ses progrbs;
et les n/gres y rencontrerent leur d6livrance corporelle, avec la lumitre intellectuelle.-Leur intelligence sans genie, s'est 6chauff6e
par la friction de l'intelligence caucasienne, qui l'entralne forc6ment a sa remorque. Tout le monde en g6n6ral y a gagn6, jusqu'a
prdsent, a l'exception cependant des nombreuses families qui ont
dtd massacr6es a St. Domingue, par les noirs revenus a leur instinct
f6roce, sous la charitable instigation des amis de l'lhumanitd! Personne, autremnent, n'a a' souffrir de l'eselavage; toute l'humanit6 y
trouve son avantage reel, palpable, incontestable. 3Iais "perisses
l'uniters pluttof qu'un principe. " Mot creux et de fantaisie,
que l'on remplit, a vblont6, comme un ballon, avec le vent des
phrases bizarres, incorr6hensibles, et qu'on exp6die aux peuples
crddules et ignorants, qui l'acceptent comme quelque chose de
superbe pour leur )bonheur I Un jour viendra, cependant, ou ils
s'apercevront qu'on les fit tourner dans un  cercle vicicux, ces
bons peuples, qu'on les fait lutter contre eux-mernmes, en luttant
contre la nature et ia v:'rit6 pour la satisfhction do quclques d6 
( 29 )
molisseurs sociaux.  L'galitl, l'abolitionisime, le coiimuuisme, lo
droit au travail, c'est-a-dire et la prol2),ite(. etc., etc., sont des balIons empoisonnds, qui s'abattent sur les masses aveugles.  I1 est
grand temps d'en faire justice par les armes de la raison, du bonl
sens et de la vdrite. Tout homme quli tend ah la ddmolitiou radicalo
d'un ordre de choses stablies est dans le faux.  Tout homme qui
recherche l'amdlioration pratique en restant sur la base naturelle
du fait. est dans le vrai.  I1 ne se trompera que dans les formes,
s'il se trompe jamais. L'autre bouleverse sans pouvoir rebatir, il
fait du chaos, il detruit et perd tout a jamais.-Les massacres
de St. Domingue en sont la preuve chez les noirs, comme ceux de
1848 chez les blancs d'Europe.
Il.
Tout le monde sait que les nbgres sont adonnes dans leur pays
an fetichisme le plus grossier.-Ils vivent en sauvages, et ils s'entre-ddvorent par des luttes continuelles de tribus a tribus. Les
vaincus sont rotis et manges, ou bien vendus.  Aussi les acheteurs
sont-ils reous plutot en libdrateurs qu'en traitants par les tribus
enchaindes.
Cos peuplades sont polygames ot tres fecondes.  Elles seraient
excessivement nombreuses, si tous les enfants vivaient; mais, quoi
qu'6tant au milieu d'un des sols los plus fertiles, la paresso et
l'incurie des parents les laissent pdrir dans la plus hideuse ndgligence. —Cet 6tat d'apathie les mbne a l'idiotisme sauvage: ils
restent toute leur vie de grands enfants.  Ils nl'ont pris de notre
civilisation que ses vices: les pbres  vendent leurs enfants et
leurs femmes pour de la verroterie et du rhum. On les trouve
depuis des siecles dans le meme dtat de ddgradation; ils vivent et
vivront toujours la dans una bestiale paresse, ornec de la mal'
propret6 et de l'indigence des plus abjectes.
C'est sur tout le long du Niger,-que l'on voit les nbgres les plus
robustes, vivre dans cette pauret6 volontaire: ils restent laI nus,
couchds, sommeillants toute la journde. Ils ne se donnent de peine
que pour ne pas mourir de faim!
I 
( 30 )
Cette inertie ne les abanidoune jamais compltement, meme
parmi les civilis(s en Amdrique.   C'est ainsi que l'on a constat6
ax Etats-Unis, que la mortalit6 chez les negres libres est de
beaucoup plus considerable que chez les esclaves.-C'est l'ceuvre
de l'incurie.-Le noir libre ne travaille en g6n6ral que pour soutenir sa miscrable existence, au jour le jour, sans le moindre soucis du lendemain.  S'il en avait la facilit6, il demanderait a la
maraude de quoi vivre, afin de rester dans l'inaction le plus possible. Certains Etats du Nord out du prendre des mesures rigoureuses contre le danger de l'agglomdration des nbgres dans leur
milieu: il y a plusieurs de ces Etats oui le nbgre est repouss6;
le sol lui est interdit lgalement. Les Africains sont singulirement superstitieux, et naturellement fort peu sensibles h la douleur physique ou morale. Ils out des supplices atroces dans leurs
c6r6monies religieuses; ils font des sacrifices d'hommes a leurs fetichlies et au despotisme absolu qui les r6git: on massacre des tribus
entieres. Un chllef en mourant entraine la mort de plusieurs centaines de sujets, qui doivent l'accompagner et l'escorter dans l'autre monde. Le roi Dahliomey, consomme pour lui seul et sa famille,
des milliers d'hommes chlaque ann6e, que l'ou assomme pour marquer simplement le fait de son autorit6. Cependant, depuis que
ce despote sauvage et f6roce peut vendre ses sujets, il en tue
beaucoup moins.
Les anatomistes les plus cdlebres s'accordent a trouver chez le
noir une infdriorit6 physique et mentale, tres prononcde, relativement aux blancs. La race africaine a des tendances manifestes
vers la forme quadrumane. Les facultds intellectuelles des nbgres
restent a l'etat latent, tandis que leurs organes sc d6veloppent dans des proportions athldtiques. Ils sont supdrieurs en
force physique au bInc, en raison de leur infdrioritd mentale
vis-a-vis du menoe.  Ils ne ddpensent rien par le cerveau.- La
pensee y est trbs born6e et4'idde leur manque.
I1 faudrait donc en ctnclure que la famille humaine n'est pas
une? Dieu aurait donc cr6dd des indgalitds de races en crdant
I 
( atj
1'espace huinaine. coniime il a iuis des ine'galit6s d'iiitelligences
dans les catdgories?
La race caucasienne est donc la supdrieure de toutes les races
ce qui fait sans doute qu'elle en est aussi la domininatrice? Tout
vient a l'appui de l'affirmative. Mlalgrd toutes les thdories et tou tes les hypotheses qui veulent absolument faire une 6galit6 absente
dans la nature, on ne pent pas nier le fait patent et visible, il faut
s'y soumettre. La vdritd ne repose pas sur les sentiments humains,
quelques gdndreux quils peuvent a-re: elle ne peut pas sortir du
positivisme des faits naturels.  I1 est donc inutile de se cabrer
l'esprit contre une chose que personne ne penut changer, ce serait
se leurrer volontairement. Toutes les philosophies, tons les systimes qui n'ont pas la nature pour base, ne penvent qu'etre faux,
ne peuvent qu'6garer les esprits, et propager l'ignorance.-S'il ne
suffisait aux hommes que de vouloir etre genereux, pour pouvoir
dder6ter l'6galit6 universelle, il est tres probable que les 6galitaires protesteraient les premiers contre le dderet!
Personne, heureusement, n'a le pouvoir nile droit de contrecarrer les decrets du Createur: il faut accepter ses ceuvres,
telles qu'il les a donndes: la critique de l'homme n'y changera
rien. Ils penvent confectionner tons les systemes possibles, ils
peuvent inventer toutes les religions imag,inables, ils ne relnverserout pas le systeme de la nature immuable, ni la religion de la
v6rit6 eternelle.
La race noire est donc inf6rieure a la race blanche: elle est incomplete au morale, disgraciee au physique, mais elle est susceptible
d'une certaine mesure progressive d'am6lioration; ellq pent se civiliser et jouir des bdnefices de la race sup6rieure dans les proportions de ses faciLltds.-Ceci pose et admiis, il faut se faire cette
question: Cette race s'ameliorera-t-elle, se civilisera-t-elle toute
seule dans sa sauvage Afriqt,? Parmi ses concitoyens barbares,
anthlirophliages, cela n'est-pas possible; done, il faut que la race blanche remplisse sa mission; il faut qu'elle aille atteindre la race noire
dans ses forets, au milieu de saabarbarie; il faut qu'elle 1.a prenne
par la main, qu'elle l'amenie dans sa civilisation, qu'elle la nourrisse ct la transforne (de ianiire a la rendre dicgn(, de faire partie 
(:}.L, )
de ia  ra, de- taille civilis(e, en la faisant contribucr par le tiravail r6,gdnIrateur a la marchc de la societ6, qui veut le bien-etre
de tous:-c'est une loi naturelle, c'est tun devoir social.
On arrive a ce resultat par l'int6ret de chacun, qui fait pivoter
T'humanite  rii6rale de tous.  C'est avec le jeu de la nature humaine dce l'hliomme que cc travail s'opere, I1 importe tres peu au
fond, que cc soit l'int6ret particulier qui ait donne l'impulsion i
ce miouvement de civilisation: la somme du rdsultat g6ndral n'a
rien a voir dans les sommes d'int6rets partiels qui l'ont cr66e. I)u
moment que i'int6ret de tons y trouve son compte, l'opdration est
bonne pour cliacun: les individus sont les mold6cules du corps
social.-Celui-la satisfait, tous doivent l'etre.
Que vent-on faire? que peut-on vouloir de plus? Bien des personnes rdpondront a cettc question, que l'on devrait arriver aux
mnemes rdsultats a l'endroit des sauvages africains, sans les rendre
esclaves, sans les forcer au travail. Ce serait, ajouteront-ils, du
vrai ddsinteressement, de la v6ritable humanit6, marchant sur le
sentiment, au lieu de marcher sur l'int6ret.
Dans la theorie abstraite du sentimentalisme, ce serait vrai,
peut-etre; mais, dans l'application pratique, ce serait faux, vu que
le fait de cette application n'aurait jamais lieu. Cette theorie aurait certainement pour r6sultat d'entendre dire: plaignons les
nbgres dans leur barbaric, mais laissons-les crever dans leurs miseres; regrettons l'absence du progres que leur travail procurerait
a' la soci6t6, mais nous ne pouvons pas y supplier; nous ne sommes
pas.faits pour ce genre de travail.- Voila le rdsultat du sentimentalisme, le sort des th6ories qui ne satisfont pas les intdrots, c'est
de n'etre jamais appliqu6es. Aussi on ne risque rien d'en faire I
Et on ne s'en prive pas!
Combien  trouve,a-t-on  d'individus  assez  ddsint6ress6s,  qui
consentiront, entreprendre de faire par g6n6rosit6 ce que les in
ter6ts ont fait faire de progres, au moyen de l'esclavage seulement?
I1 n'y a quo les Apotres de l'Evangilo, -il n'y a que le christianisme qui ait fait precuve d'un d6vouement capable d'obtenir ce
r6sultat ddsintcressc' Miais sa puissance d'action n'dtait pas asqez 
( 33 )
forte, il'est adjoint la puissance des int6rets, et c'est ainsi que l'es clavage fut adopt6 comme seul et unique moyen pratique d'obtenir
les grands resultats, que l'on se plait trop a ne pas voir, que l'on
a l'ingratitude de m6connaitre, en Europe comme ici. I1 est d&
montr6 par les faits 6ternels de chaque instant, que l'amalgamo
des defauts et des qualitas de l'homme, est le plus sur instrument
pour r6ussir a r6aliser les grands b6ndfices civilisateurs.  On no
les obtiendrait certainement pas avec l'aide de ses qualitas isoldes
de leurs defauts, car ce serait probablement la ndgation de
l'action.
I1 faut donc se resigner a faire de l'humanit6 avec ce qui n'en est
pas, selon les abstractions chagrines, c'est-a-dire avec la nature
humaine telle qu'elle est. C'est l'6goisme de chacun qui fait qu'en
recherchant son bonheur particulier, il produit naturellement le
bien-tre de tous,-sans s'en douter peut-etre.  S'il en 6tait autrement, rien ne marcherait, il ne se produirait rien pour personne
au-dela du strict n6cessaire. Ce serait l'ltat du sauvage, qui maintient son existence'avec ce que la terre veut bien lui donner sans
ses efforts.
Jusqu'a ce qu'on ait trouv6 le moyen de faire une nonvelle
humanite6, la vieille restera touijours ce qu'elle est, et tout ce que
l'on fait ne l'empechera pas de marcher, quoi qu'a vrai dire elle
tourno beaucoup plus sur elle-meme qu'elle n'avance, grace, sans
doute, aux efforts des thdoriciens humanitaires!
IV.
Apres avoir trait6 la question de l'esclavage au point de vue
philosophique, il convient de l'envisager sous son caractere politique.  On ne peut gubre dofinir en quoi on trouve tant a so
plaindre de l'esclavage, quand il n'cn ressort que des avantages
pour le monde et le progrselgindral. En effet, il semble que la
nature ait mis des gradations de race, expres pour faire l'harmonie universelle des hommnes.  iais-en tout, et quand meme, l'hom
me trouve toujours a' faire de ];opposition.   C'est ce besoin d'op.
position et de luttes continuelles qui arrive a forger des divergences, non-seulement d'ominions, mais d'interets.
C'est cette divergence d'interets, (ui mene h tout.  Seulement
5 
( 34 )
dans la question de l'esclavage, c'est la lutte de l'inteiet sectionnel qui veut pr6valoir sur l'interet gdnlral, et cela sous divers
pretextes hypocrites.
L'Americain du Nord,  dont l'esprit d'absorption fut de tout
temps le fond du caractbre, a tout fait pour obtenir l'agrandissement des Etats-Unis vers les regions du Sud, dont la culture demande le travail des esclaves. Apres se tre adjoint la Louisiane,
la Floride, le Texas, le Nouveau-MIexique, et autres territoires
tres vastes, il lui prit la fantaisie d'interdire aux hommes du Sud
leur admission dans certains territoires, avec leurs propri6t6s,
malgre leurs droits constitutionnellement r6servds, comme a tous
Ies autres citoyens.
Les Etats du Nord pretextbrent l'immoralit6 de lesclavage,
qui, disaient-ils, dans une terre libre, deshonore l'huinanit6; ils
pr6tendent maintenant que les Etats-Unis et les territoires sont
faits avant tout pour les blancs, et que le contact des noirs leur
est odieux  donc, que les nouveaux territoires dov.vent etre interdits a l'admission des propridtaires, a cause de leurs esclaves.
Un faux principe entralne logiquement de fausses consequences;
ainsi, d'un cot6, les abolitionistes pr6teindent que le negre doit
etre exclu des territoires, et, de l'autre, que leurs sentiments
d'humanito  et de fraternity les poussent a vouloir l'affranchissement de ces frores odieux! Puis, viennent les lois locales,
qui empechaient les proprietaires de reprendre leurs esclaves
fugitifs! On peut se faire une idde des luttes parlementaires qui
durent surgir d'une pareille pretention, - d'une pareille com6die
de sentiments, d6mentis a chaque pas. Le Sud visait tooins aux
domaines territoriaux qu'a 6tablir et 5tendre son influentce politique dans certains territoires, afin qu'a leur admission dans
le sein des Etats-Unlis, il put y puiser des renforts parlemnentaires
en envoyant des reprce!entants d6vouds aux interets de la contrde.
Au point de vue politique et constitutionnel, le Sud dtait dans
son droit. La Const-itution est une pour tous; le negre y est reconnu comme proprietdinviolable.  Son maitre devait donc pouvoir l'emmeule,, oi otl ses droits de citoven l'autorisaient a' aller s'Ctablir  sauf a la lpopulatioii de l'Etat, dans ull temps donne, a
decidelr, par la souvecaiinet' du vote, si i'esclavage doit ftre on
non admuis. -e Nord prdtendit avoir le droit de dbtruire cette lati 
( 3s )
tude lJ.gale de la Co.)stitutioji tout conloue ses pretres qui, encourages par l'exempie, profitent de l'occasion pour faire de la th4ocratie. Ils pr6tendent aussi,,i leur tour, avoir le droit de d6truire
les latitudes des lois divines!  Ils confectioinnent des doctrines,
dclites les plus hautes lois, qui ordonnent aux clhr6tiens de courir
sus aux gens du Sud! ()n peut bien ponsor q'avTec ce systbme de
destruction, legal et dclivin, oni peut allet    t I'in incOt'2 la division
du monde.
C'est ainsi que s'explique l'inrtrusion de la religion dans la question politique et le suLces de l'abolitionisme. -  Les homnmes du
Nord l'ont prise commne auxiliaire pour servir leurs int6rbts, qui
sont comme il a te6 dit: le maintien absolu des tarifs cleves; l'absorption des territoires sous leur influence, afin de cerner et rapetisser le Sud de plus en plus, de manire a' ce que jamais le
libre-6change n'ait lieu. L'esclavage est le prdtexte humanitaire de
cet egoisme destructeur. Le tarif nouveau, dit de lorrill, est l'ceu vre la plus absurde du monde. I1 sera une source de troubles pour
le Nord lui-meme, apres la paix.-Ses d6fectuosit6s pratiques ra valent de beaucoup la valeur des hommes qui l'ont adopt6, et /
qui l'on prete la reputation d'etre des hommes d'affaires et d'E tat. I1 est vrai de dire que ce tarif a ete pay6 pour etre escamotd
a la hate sans examen.   Le Congres l'a vote en l'absence de tous
ceux qui s'y pouvaient opposer, et qui s'etaient retires avec la
s6ceession de plusieurs Etats.-Tant que le parti d6mocrate, qui
etait en fait le parti national, en raison de son 8tendue sur toute
la surface des Etats-Unis, tant que ce  parti est rest8 iu pouvoir,
toutes ces divergences d'interets ont pu rester attach6es, quoique
d'une maniere bien filandrouse..AIais cette fragile ressource de vait se heurter, se briser naturellement avec un parti sectionnel,
anti-constitutionnel, anti-national, tel que l'est le parti republicain.
En effet, comment comprefftra-t-on qu'une partie d'un pays aille
s'attaquer, s'acharner a la destruction de l'autre partie, qui, ce  pendant fait la richesse et la puissance du pays entier? I1 y a des
moments oui certains peuples  e vicient le jugement, ferment les
yeux a plaisir, et agissent comme s'ils 6taient frapp6s de folie. Le
Nord est dans une de ces crises fi6vreuses qui aveuglent ot font
commettre des crimes. II aura bien de la chance s'il en sort avec
tous ses membres et toutes ses libertds intacts I 
Si paupertateo vendiderit tibi se frater tuus, non
eum opprimes servitute fauulorum.'
" Si la pauvret6 reduit votre fr6re a so vendre
A vous, vous ne l'opprimerez point par la meme servitude que evos esclaves."
(LEVETIQUE, chap. xxv, verset 29.)
"Et de advenis qui peregrinantur apud vos, vel
qui ex his nati fuerint in terra vestra hos habebitis
famulos."
" Vous aturez aussi pour esclaves les etrangers
qui sent venus parmi vous, ou ceux qui sont nes d'eux
dans vos pays."               (Verset 45.)
" Et hereditario jure  transmittetis ad posteros
ac possedibitis in rternum."
" Vous les laisserez a votre posterite6, par droit
hereditaire, et vous en serez possesseurs pour toujours."
(LOIS DE MOISE.)
V.
La race amiricaine des peaux rouges est superieure a la race
africaine.  Elle est r6fractaire a la servitude; sa nature fi~re et
rude s'oppose a la domination civilisatrice du blanc.   A celle-la,
qui est relativement int6ressante, et qui sait dtfendre ses droits,
les coups de fusils et la chasse, comme betes fauves! Voila' ce que
les humanitaires lui donnent; mais pour le noir abruti, incapable,
les plaintes, les sermons et les coups de canon aux blancs! La
race rouge reste dans son 6tat originel. Elle vit isolde, et decroit
sensiblement dans sa population. Elle refuse l'identification; aussi
il est probable qu'clle disparaitra d'entre les peuples du globe;
elle s'6teindra en res?Ant en dehors du croisement et du mouvement g~ndral, (ui fait la vie des races comne celle des individus;
tandis que la race africaine se fusionnera, avec le temps, dans les
autres races. Dans un temps donn6, l'Afrique sera compl6tement
envahie, comme l'Am6rique l'a et6, par les blancs. La civilisation
cernera et 6touffera graduellement la barbarie, cn absorbant les
Afi-icains. 
( 3i )
La civilisation peut se repr,sentet  p)al cihaque individu qui
veut am~liorer son sort et recherche ainsi le bonheur.
F"  brise les barriares, broie les ob)stacles, p6trit toutes les difficult~s dans ses mille rouages, et se sert de tous les elments pour
arriver ai son but, qui est de cherchler i perfectionner ses progres, toujours et sans cesse.
C'est ainsi qu'elle retiLe des etres humains qui souffrent et
meurent dans l'anarchie sauvage, pour leur donner tons les grands
avantages qu'offre la socidt6, mais a la condition qu'ils lui garantiront leur travail. Le travail, chez le noir, n'est pas comme chez
le blanc, un besoin ou une satisfaction.-I,e centre d'inaction d'oiu
le nbgre sort a mis la paresse et l'indolence dans son acabit. On
ne peut corriger ces d6fauts qu'avec le temps, et par des transformations reg6ndratrices. En attendant, il faut le forcer au travail.
C'est ce qui a oblig6 l'emploi de l'esclavage comme moyen de
garantie. I1 n'y en avait pas d'autre, sans sortir de la logique. La
praticabilit6 de l'6change entre le civilisateur et l'etre a civiliser
l'exigeait. C'est le moyen transitoire, du reste, qui fait sortir le
nbgre du rbgne de l'instinct pour le faire entrer dans le rbgne de
l'intelligence, sans laquelle il ne peut pas etre un homme.
L'esclavage n'a en lui-meme qu'un vice reel: c'est son mot.
Ce mot est un 6pouvantail qui parait d'autant plus odieux, qu'on
est 6loignd du fait qu'il reprdsente.   C'est ce qui explique pour'
quoi les Europdens, en gendral, ne sont plus abolitionistes du moment qu'ils ont vu l'application de l'esclavage. C'est ce qui ex
plique, par cons6quent, pourquoi les Americains qui professent
l'abolitionisme, sont et ne peuvent qu'etre de faux abolitionistes
C'est un mot qu'ils exploitent comme tout le reste, sans avoir ni
le sentiment, ni la sinc6rit6 de leur doctrine. C'est pour eux
l'objet d'un calcul, san~ mettre en compte les consequences a d6falquer. Le mot esclavage produit une certaine sensation sur
l'ame, c'est qu'en effet, il apporte a la penske d'amers souvenirs.
I1 a le tort de rappeler les durts vicissitudes traditionnelles de la
race caucasienne. La, encore, nous trouvons que l'esclavage a du
prdcdder la civilisation.'I1 semble que la libert6 des races soit
une profession qui leur impose un apprentissage, comme l'6duca 
tioll pi6cide l'exereice d'un tat. -11 ifaut que la faiblesse soit
dlevde par la force, l'ignorance dclairde par la civilisation. Aussi,
en prenant la socit6 a' son berceau, on trouve que les serviteurs
d'Abiaham, les Ilebreux des Egyptiens, les Ilotes des Grecs et
les Servus des Rlomains etaient des esclaves de la race qui, aujourd'hui, domnine le monde.  L'esclavage a donc dtd une filiere civilisatrice.
Les Grecs et les Romains avaient fait de l'esclavage une institution politique. Les Athb6niens envoyaient des esclaves a la
guerre  la libertd etait la rdcompense de ceux qui s'y conduisaient bien.  L'Etat poss6dait un grand hombre d'esclaves; on
a eu a' Athenes jusqu'a  400 mille esclaves, sur 31,000 habitants
libres dont une partie n'e6tait que des allids. Les Romains avaient
organis6 l'esclavage sur une dchelle non moins extraordinaire.
Des citoyens Romains avaient jusqu'a 20 mille esclaves. Rome
et la Grece  appuyaient la moralit6 de l'esclavage des hommes Ade
leurs races, en disant qu'il dtait le prix 16gitime de la vie laissde
aux vaincus.   Ayant ainsi des ennernis 6gaux en courage ct en
intelligence, la discipline dtait difficile a' maintenir. Ils coururent
souvent de grands dangers.  Les lois sur l'organisation des esclaves etaient des plus sve'res, et les precautions 6taient prises a
l'extreme pour la s6curite de l'Etat et des citoyens. Aussi, pour
un Romain trouv6e mort-assassin6 dans sa maison, tons ses esclaves
devaient p6idir sans exception. Une minutieuse divisibilite dtait
6tablie dans les travaux des esclaves, afin d'6viter tout point de
contact et de reunion.   La mort d'un esclave a' Rome dtait une
chose insignifiante, et n'6tait meme pas consid6rde comme une
perte. Elle devenait meme l'objet d'un plaisir pour certains
Romains; ils faisaient quelquefois ddcapiter des esclaves ou en
faisaienrt jeter de vivits aux murenes de leur vivier. " Servus
homo giot est ":.Un esclave n'est pas un homme, disaient-ils.
Si tel 6tait l'esclavage chez les anciens civilis6s, il faut reconnaitre que le progrbs d nos jours n'est pas mince. L'esclavage
des noirs, race infdrieure, n'est plus rien devant l'esclavage des
blancs, race dgale, aux maitres d'alors. C'est done plus qu'un
progris, c'est un bonheur relatif pour les nigres d'aujourd'hui.
t
( 38 ) 
( 3',9   )
L'esclav'lge, chliez les ancieons, 6tait le fi'itit de la guerre.  II ]iai
vait rien de fixe, rien de d6gradanit chliez des  ations guoriilos
de memes races, qui s'absorbaient tour ~1 touti'.  I1 ne poulvait pas
etro de longue dur6e.: il n'avait pas sa raisonr d'i.tre, cornIIe u1e
cause ou un moyen de civilisatioii, au cointraire  la race caucasienne, Dieu merci, n'a jamais 6t6 sauvage.
On fait donc sortir, de nos jours, par l'esclavage les noiris do la
barbarie, tandis que les prisonnibrs blancs y entraiclnt, en sortant
de la libert6.
Le christianisme a trouv6 dans son te'nie, et ce sera sonI 6ternelre gloire, le moyen d'amdliorer le sort des deux races pal des
mdthodes oppos6es.  La race caucasienne lui doit sa ddlivranice;
il a bris6 ses fers et l'a rendue a sa dignit6 naturelle en liii rendant
sa libert6. La race africaine lui devra d'avoir trouv6 sa civili
sation, sa foi et son 61dlvation vers les etres sup~rieurs, en passant
par l'esclavage, filibre inevitable, mais tellement adoucie par les
moeurs chr6tiennes, qu'elle n'a plus aujourd'hui rien de dutr que
son nom! Le  mot seul est le vice de l'esclavage des noirs en
Am6rique.  On assimil/ a tort, sans s'cn douter, la race africaine,
avec sa propre race, avec sa propre nature, on l'a voit souffrir 1I
oi l'on souffrirait soi-menime.  C'est de la que vient l'erreur principale.  Les ames g6nireuses voient dans l'eselavage des noirs
les memes douleurs, la meme degradation, que les traditions rapportent de l'esclavage des. blancs. Ce premier sentiment est
honorable et clhrtien, sans doute, mais il n'en est pas mnoinms le
fruit du mirage, et d'une gdnlerosit6 mal employde. Les nbgres ne
souffrent pas, et ils ne sont nullemenet plus degrades, plus maltraitds, dans leur etat d'esclaves, que les ouvriers blancs dans l'e6tat de
proldtaires libres. L'imagination, qui toujours se plait a' transporter au loin les vapeurs de la sensibilite6, fait croire a des misqres
bien cruelles, bien areares. Cmez les noirs, ce sentiment vaporeut
augmente d'intensit6, souvent a notre insgu, dans la proportion du
carr6 de la distance qui nous s6pare de ces maux illusoires, et cela
d'autant plus que notre dducatioft premiere est fauss6e par des rapports exagfr6s sur la position des nigres. Ainsi, le coeur se soulbve
ai la penske que bien loin soat de mnalhoeureuses cr~atiires humaiines, 
( 40 )
eCllCleves a leur patrie, entrain6es en Amnrique, qui marehent d'un
pas chancelant au travail forc6, par les coups de fouet d'un homme
bien fbroce, bien impitoyable, qui se rit des pleurs amers et des
chairs pantelantes de l'esclave suppliant. Puis, on se reprdsente
en soupirant, uine mere alarmde, folle de douleurs de l'enlbvement
de son enfant, que l'on vient d'arracher de ses bras pour le vendre
et l'emmener pour toujours I On repait sa douleur a l'idde qu'une
jeune fille, timide. douce et belle peut-etre, est tout a coup ravie
aux caresses d'une mbre, a l'orgueil d'un pare! pour etre vendue
et devenir la proie du premier ench6risseur venu I
Le tableau d~chirant que l'on se fait ainsi, avec tant de complaisance, est en effet de nature a 6mouvoir les ames sensibles. Seulement, s'il arrive que l'on puisse un jour comparer la rdalit6 avec
cet effet de mirage, on trouve bient6t que tout cet 6chafaudage
de douleurs imaginaires est tout bonnement un leurre sentimental qui frise le ridicule. Car tout y est faux; on a 6td dupe de
fausses impressions; on a subi l'influenco de l'erreur mise en
charit4.
I1 est vrai que ce sentimentalisme larmoyant a pu etre bibliquement provoqu6 dans ces dernitres annres par Mme Harriet
Beecher Stowe, en livrant son ridicule martyr d'Oncle Tom en
pature a la fausse sensibilit4, a l'ignorance.  Cet ouvrage s'adressait d'ailleurs a un public pr6venu par des prbjugds ou des int6rets de parti pris.
I1 entre assez dans la nature humaine d'etre port6 a toujours
voir de grandes victimes d'un cot6, pour trouver de grands criminels do l'autre.-En dehors de la pauvret6 esth6tique de l'original
de cette ceuvre, on a tromp6 le monde et fauss6 l'opinion en leur
donnant conmme faits iun amas d'inventions plus ou moins absurdes.
Ce livre insulte a l'humanit6 et injurie le bon sens. I1 dds honore la Bible qului sert de manteau, et il ravale les saints
Evangiles a divers titres.  On a emmaillot6 le saint Oncle Tom
de toutes les vertus thlologales, au moyen desquelles on lui fait
calomnier les chrdtidhs du Sud, en voulant prouver qu'ils mar tyrisent lours esclaves. Voila sur quoi roulent les rapports conte nus dans ce livrt. Que la raison 6coute: Oncle Tom est unl vieil
idiot de n6gre qui chante les hymnes du Seigneur pendant que 
( 41 )
son fdroce cornac lui adminrlistre une volde de coups de fouet tons
les jours; et comme l'6vangolique patience de son nbgre l'offusque,
il applique des  acides  sur  les plaies saignantes du martyr
enchainu  qui chante toujour,, et quand rmem, les psaumes de David, ce qui fait juror le cornac comme un damn6 furibond.  Un
autre ange survient, c'est Evangelina, &g6e de 4 ans, qui, comme
le vieux, est frappde d'illuminisme, et ne parle plus que par des
chants ou des silences extatiques, dans le genre de sainte Th.r/se.
Son papa, qui n'a rien a refuser a' une enfant si extraordinaire,
qui ne fait que des r6v6lations priophltiques, delivre l'Oncle Tom,
en l'aclietant coute que coute. Apros avoir rempli sa mission et
fait maintes rdv6lations dans le genre des inspir6s et des trembleurs, l'ange retourne au ciel, d'oui elle avait bien voulu descendre un moment, en ce bas et m6cliant monde, pour lui dire son fait
et son avenir.  Alaintenant vient l'esclave fugitif Georges, qui a,
bien entendu, toutes les qualites humaines, comme son vieil oncle
a toutes les vertus divines. On a tu6 son chien, son seul ami, par
simple cruaut6; il s'en vengera; il s'en flatte d'abord. II a laiss6,
de plus, une femme belle et noble, comnme on n'en voit pas, et un
ils tout petit, mais chlri comme on en voit peu. Ce sont ces deux
etres que l'on met a la vente.-En raison de lears qualitas respectives, les encheres montent jusqu'a $5000.
Mais la femme se sauve aussi, et va rejoindre son mari, qui so
conduit en h6ros, en se battant contre les chliasseurs d'hommes.
Il est, du reste, en compagnie d'un senateur qui se vante d'avoir
vot6 pour le maintien de l'esclavagre, mais qui cependant se bat
pour le fugitif, et qui lui fournit tout ce qu'il lui faut pour se sauver, ce que le fuigitif s'empresse de faire sans sa femme, qui est
restee en arriere par accident. Miais celle-ci arrive, malgr6 tout,
au bord de l'Ohio gel6, et dont les glaces se d6tachent en roulant
avec fracas.  Rien ne l'arrte: elle s'6lance, et de  glajons en
gla;ons, sautillant avtc son enfant, elle aborde de l'autre cot6;
si bien qu'elle est sauvee.  On avait martyris6 l'Oncle Tom, on
n'a jamais pu savoir pourquoi; mais on avait pers6cut6 le
neveu Georges, parce qu'il avait une jolie femme, ce qui fait que
celle-ci valait $5000 pour sonI jaloux pro tendant, riche planteur.
Tout cela est orne de tols. les genres de soiffrances morales, en
6 
( 42 )
dehors des coups et des chaines, et de toutes les pfrip6ties de Is
chasse avec les chiens, et la passion du f6roce cornac, qui veut faire
souffrir quand meme tout ce qui est negre, pour s'abreuver de
vengeance. Toute l'affaire est saupoudrde d'uue pinc'e de toutes
les doctrines sectaires de la Nouvelle-Angleterre, avec tous les
plus grands mots possibles. Les hymnes, les versets, les proph6ties
n'en finissent plus dans l'original.- Heureusement pour l'auteur,
que les littdrateurs d'Europe ont d6shabille cette ceuvre des oripeaux bibliques dont elle 6tait empetrde.
On a pu ainsi rendre cette lecture moins indigeste, moins ridicule, sans cependant en rendre ]e sujet moins faux, surtout sur la
scene, oi les nbgres et les n~gresses d'emprunt peuvcnt, en bons
acteurs, surprendre l'opinion publique par l'illusion, qui laisse
croire que les sujets reprdsentds sont des hommes de la meme intelligence et ayant les memes sentiments, exprimds avec tant de sonorit6! I1 est dommage que tout cela soit aussi trompeur que
possible!
Les peuples d'Europe ont ainsi pu gouter avidement ces scenes
attendrissantes; ils pleuraient la-bas, tandis qu'on riait aux EtatsUnis du meme sujet, qui, du reste, est devenu naus6abond comme
goufit litteraire et scnique. Le malheur est que l'ignorance et la
mauvaise foi ont trouv6 leur compte dans l'effet produit par cet
ouvrage. On a cru, de confiance, bien entendu, a tout ce qu'il rapportait; on n'a certainement pas pris la peine de rdflichir, ni d'analyser le contenu de ce ballon, qui cependant derait crever au contact du bon sens et du raisonnement. En effet, il suffit pour cela dese poser quelques questions: Quel est le propridtaire qui cousentira
a d6molir sa maison de gaite de cceur? Qui donc va tuer son cheval
dans le simple but de le voir souffrir?  Quel homme enfin, viendra meurtrir son esclave et l'empoisonner par-dessus le march6, au
moyen du raffinemen  de cruaut6, en mettant des acides sur ses
plaies? A-t-on jamais vu un blanc avoir de la haine pour son esclave?  C'cst un honneur-dont le nbgre serait certainement trbs
heureux ct trbs flatt6! Ct ces $5000 pour cette ndgresse? I1 est
naif, peut-etre, de discuter ces questions de simple bon sens: c'est
faire tort a la rai-oti. Que 1'on fasse un roman avec des faits, si on en 
( 43 )
trouve, ou avec son imagination, si on en a, c'est le droit de tout
~crivain; mais que l'on invente dep monstruositds qui tendent a
deshonorer tout un peuple, ct a d6truire la paix et les institutions
d'un pays, c'est une conspiration: 9a devient par trop intolerable
pour les honnetes gens: ~a devient dangereux pour la soci6t6! On
ne le voit que trop aujourd'hui.
L'auteur de cet inique et cruel r6quisitoire a senti combien son
sujet 6tait dangereux, et combien le poison de la calomnie serait
difficile a faire prendre, si on ne l'introduisait pas au moyen de
la capsule d'un faux sentiment  d'humanit6, abrit6, en outre, du
manteau de la religion.  Aucun 6crivain, moral et consciencieux,
n'avait os6 encore exploiter un pareil sujet et d'une telle maniere;
il a fallu que ce fut le nom d'une femme qui couvrit cette ceuvre
mensongere, pour eviter les orages de la critique, et la vengeance
des parties lsees; car il faut dire qu'en Amerique, la femme peut
tout dire impunement: elle a toujours raison; elle est infaillible;
c'est ce qui explique le d6luge de bas-bleus dont les Etats-Unis
s'honorent, sauf les maris et les enfants qui n'y trouvent pas leur
compte.
Pour celui qui connalt le Sud et l'application de l'esclavage,
ainsi que le caractbre de la Nouvelle-Angleterre, le foyer sectaire
de l'abolitionisme, d'oi l'ouvrage en question est sorti, on verra
que ce livre d6note une ig,norance affectde du sujet. Ce n'est ni
l'imagination du cceur gen6reux, qui est sincere dans son erreur,
ni l'inddpendanco de l'esprit qui croit voir la vbrit6, et sent le
besoin de la dire pour le bien social, non, c'est le fanatisme puritain, haineux, qui sape son ennemi avec tous les moyens de Bazile. C'est l'antagonisme de l'inte6ret sectionnel qui inspire la
plume, comme c'est le parti-pris et la politique qui la soutiennent.
La passion populaire ainsi exloitee, fait le reste, et la guerre civile marche! L'aeuvre a pu tomber dans l'oubli, mais la fausse
impression est rest6e dans les esprits atteints par ce tissu d'ignorance et d'absurditds, surtout clez la classe d'hliommes qui ne rai.
sonnent pas, ou de ceux qui ne veulent pas raisonner, de peur de
perdre le prdtexte de faire une revolution et d'arriver a leur but.
La plume inconnue qui 6crit ces lignes-ci n'est, Dieu merci, a Ia 
( 44 )
solde de personne, elle s'est engag6e a dire la vsrit4jusqu'au bout,
elle la dira.
Entre le rapport d'une plume franqaise dbsintdress.e, et le rapport d'une plume de la Noiuveolle-Angleterre, ennemie naturelle
du Sud, le monde jugera laquelle des deux offre ]e plus de garanties a la vdrit6.
En admettant un moment qu'il so0t prouv6, quoique le bon
sens le repousse, que quelques monstruositds isoldes, pareilles a
celles qui sont rapport6es par l'auteur de l'Oncle Tom, aient ou
lieu, est-ce a dire que la chlose est g6ndrale? Serait-ce une raison
pour fldtrir toute uIne institution, pour ddshonorer touto unoe section
de pays? De quel droit, sur quelle raison viendra-t-on imputer plus
de crimes chez les hlommes du Sud, envers les nbgres qui sont leur
propri6t6, leur capital, que cliez los homrnmes libres, envers les tr —
vaillours blancs qui ne leo'r sont rien, qui ne reprosentent aucune
valeur pour leurs maitlres? Ne  voit-oni pas des monstruositds,
des crimes, des hontes, et des ignoininies plus nombreuses dans
les Etats libres, que dans les Etats a esclaves?  Que l'on prenne
la Police Gazette de New-York; quo l'on suivc les ainales judiciaires, et l'on verra qu'e?? proportion de la population, les Etats a
esclaves n'ont pas poutr leur compte la m?oitie de la somme de l'immoralitd qui appartient aux Etats-Unis. Ils n'ont pas la moitio des
prisonniers, ils n'ont pas la moiti6 des mendiants et des vagabonds,
ni des idiots qu'il y a au Nord. I1 y a meme, sur ce point, un fait
remarquable entre les n.gres du Nord et los nogres du Sud.-Les
Etats libres ont un no gre idiot sur 870 totes, tandis que les Etats
a esclaves n'cn ont pas davantage sur 1821 totes: on  ne trouve
au Sud qu'un seul idiot sur ce dernier nombre. La mortalit6 des
noirs libres au Nord suit les emems proportions que pour l'idiotisme h l'endroit deonogres du Sud.
Sur 10 mill nbgres, les Etats a escliaves fournissent 13 tetes
anx prisons; les Etats libres en fournissent 28 sur le meme nombre.
Ces chiffres sont officils.  En fait d'humnanit6, s'il le fallait. on
pourrait montrer, par des faits attestds et nombreux, les marques
de ddvouements ~rais, de la part des blanes. en faveur des noirs
qui, sonffrants, ne trouvent plus de distance pour etre soulag6s. On 
( 45 
confondrait aisenent les calomniateurs du cour des gens du Sud
qui, cependant, ne se vantent pas d'etre des philantropes, et ne r(clament pas le titre d'humanitaires, omme le font loes gens qui pous
sent a la destruction des blancs, sous le prctexte de soulager les
noirs; qui veulent d6truire ia liberte de lcurs dgaux, sous le pr&
texte de la donner a leurs infricurs; i cnsonge grossier, qui fomente la discorde et la guerre civi'e, pour saisiSfiire an cupide
interet mercantile des fabricants et des marchands,  qui mettent
leurs chiffres au-dessus de l'intedrt national;-fanatismie corrupteur, aveugle, qui, chez certains minisires protestants, cache le but
d'arriver a la theocratie! Une nation peut-elle etre plus asservie
que par les pretres? Peut-elle jamais etre r6gdndree par l'interet
de boutique?   Ces deux motifs agitent seuls la question, et font
faire la guerre intestine et religieuse, chez le peuple qui se donne
le titre d'etre le plus dclaird du monde!
Honnetement parlant, de quel droit vient-on forcer un peuple
de dix millions d'ames a se ruiner sous l'obligation imposde par
les puritains et les humanitaires, qui trouvent que le Sud les d6shonore et se damne, et que la loi divine ordonne de le reformer
par la force?'Ne dirait-on pas que nous sommes retournes aux
siecles oi le subterfuge et l'hypocrisie dtaient de raises pour faire
bruler tout vifs des etres humains, pour la plus grande gloire de
Dieu!
Comment l'Empereur de Russie trouverait-il le proce6d6, si on
allait lui forcer la main pour mettre ses serfs en libertd! Le Sud
vent en ce moment donner au Nord l'occasion de n'etre plus sous
le poids du prdtendu crime de l'esclavage; de quel autoritd ce
dernier lui fait-il violence pour maintenir leur association? Voila
la libert6, la constitution amdricaine;-voila l'bumanitd des coups
de canon! -  et la comrdie olitique!
6
4 
' Les guerves civiles detruisent tous les
sentiments genereux et toute idee de morale."
(BARBAROUX.)
La guerre, aux Etats-Unis, est une conta.
gion des dernitres guerres d'Europe.-L'interet
en fait naitre l'occasion, et la mauvaise foi en
fournit le pretexte.
VI
L'auteur de ce volume, qui defend l'esclavage, est aussi g4nareux de cmur, aussi liberal d'esprit que qui que ce soit.  C'est
peut-etre meme son affection pour la famille humaine, qui lui inspire l'amour de la v6rit6, et le courage de la dire, surtout a la
veille d'une catastrophe que des hommes criminels et aveugles s'a.
charnent a vouloir amener.  Mais, aures habent, oculos habent, et
non audient, et non videbunt!
11 a examin6 avec soin et avec une conscience inddpendante,
'application de l'esclavage des noirs aux Etats-Unis. I1 a vu et
observ6 attentivement la position des nbgres qui sont libres
au Nord, et celle des nbgres qui sont esclaves au Sud.
Eh bien! la vdrite est, qu'au fur et a mesure qu'il s'est avanc6
dans ses observations, dans ses recherches, il a du laisser tomber
ine a une toutes les idles philantropiques europ6ennes, qui composaient le bagage de son 6ducation a l'endroit de la race africaine.
I1 s'est prouv6, d'abord, la vnrit6 de l'inf~riorit6 de l'espbce; il
en a deduit, ensuite, que l'ingalit6 naturelle entraine logiquement
l'ingalit6 sociale, puisque deja, chez les blancs, l'inegalite6 des
intelligences entralne l'in6galit6 des conditions. I1 s'est ainsi convaincu d'une chose, c'et que l'6tat de l'esclavage, tel qu'il est appliqu6 aux Etats-Unis, pouvait seul am6liorer cet etre humain,
sans doute, mais certainement incomplet.  11 en a conclu, enfin,
que l'esclave nbgre est d&ns une condition aussi convenable que
possible a sa nature: son intelligence sans genie, s'y 4claire, sa
nature brute s'y d6grossit, et, de plus, sa race s'y melange et s'identifie, avec le temps, dans la race noble. De la, l'auteur s'est appli 
(4' )
qu6 a ddcouvrir si la fibre naturelle au cceur du: blanc, existe et
r6sonne chez le nigre, a l'endroit du sentiment, de la famnille et de
]a libert6. Point! Le sentiment dela dignit6, qui annonce l'exi~  tence de tous les autres, est absenit ehez l'Africain.  I1 ne souffre
ni de son 6tat, ni de celui des siens; il n'a pas le sentiment de sa
condition d'esclave: si les blancs malveillants ne l'instiguaicnt pas
il ne songerait jamais a ]a libertY, dont il n'eprouve d,'ailleurs
aucune jouissance rdelle. Son apathie et son illdifference naturelles
s'y opposent, en le suivant partout et dans toutes ses conditions;
enfin, le sentiment de la libert6 lui manque, et les affections du
cceur sont faibles.  La statistique raisonnee de la mortalit6 des
noirs en Amerique appuie cette assertion. Jamais un negre ne s'est
suicid6 par chagrin I Jamaisa il n'en est mort a la suite de ces tor tures de l'.ame qui font les poitrinaires! La chaleur de son sang
le fait user de la vie de bonne heure et vite. I1 s'use et vieillit, il
meurt naturellement: il finit, rien n'a 6t6 abr6ge dans le fil de son
existence.-Tandis que, chcz la race caucasienne; la moiti6 meurt
de privations et de chagrins, et l'autre moiti6 trouve encore de
quoi abriger sa vie par les ennuis et les excbs.
Ceci pos6, il reste a savoir si, par suite de son esclavage, il man.
que quelque chose dans le domaine du mat6rialisme, qui seul fait
le bonheur des no gres en general.
Tons ceux qui ont vu les nbgres libres du Nord, et les nkgres
esclaves du Sud, peuvent aflirmer que les esclaves sont de beaucoup les plus heureux sous tous les rapports. I1 est d'ailleurs evident, que celai qui a le moyen d'acheter un negre, a aussi le moyen
de le nourrir et de l'entretenir. Mais repondons d'abord aux faux
humanitaires, qui voient des chaines et des fonets, des miseres et
des douleurs partout, excepts la oi il y en a.  Les  travailleurs
negres, soit de la ville, soit 4 la caminpagne, vont librement a
leurs travaux, tout comwe les blancs de tousles pays: on les
voit aller aux champs tout comme nos paysans d'Europe, seulement ceux-ci accomplissent le double d'ouvrage, et mangent une
fois moins, travaillent plus longtemps, vont plus vite a la besogne,
et sont certainement moins bien nourris et moins heurecux.  Los
paysans d'Europe mangent'de la viarnde une fois par mois, et ils;
ne sout guore vetus que les jours dec grandes fetos, avec de la co 
( 48 )
tonuade suran'iie.  Les  nagres  ont de la viande au moins une
fois pair jour.  Ils ont du superflu en toutes choses; ils ne sont
rtionnts sur rien; ils travaillent dix heures par jour et a la
moitie6 de ieur force; ils ont un jour par semaine, au moins, de
repos ou de plaisir.  Ils sont endimanches d'habits et d'argent
de poche, comnme peu  de prolttaire3 le sonrt en Europe.   Que
veut-on de plus pour' etux?
On les voit, hommes et  femnies, gargons et filles, s'6battro le
dimanche et s'amnuser librement dans les villes ou les campagnes.
Ils dansent jnsqn'a extinction, ils festoyent jusqu'h la bombance,
ils se donnent des bals, des banquets, ct tout ce qui s'en suit. Ils
ont certainement plus d'argTent a dopenser que les ouvriers blanes
d'Amdrique. La gente africa,ne a son aristocratie, ses rangs, ses
considerations sociales dans la societe6 noire, comme dans la socidtd blanche. Les visites de bon ton, les presentations ne manquent pas: miss Picayune est prdsent6e a' miss Cherokee, le gentleman Congo est introduit aupres de lady MIacaque, etc.  Tout
est copid, singd avec une sincdritd sdrieuse, admirable, qui fait
tout leur bonlheur moral.  Les nbgres des Etats-Unis ont des
meetings, des speakers, et de la franc-maqonnerie; les nagres des
Antilles fran~aises ont des empereurs, une cour et des marquis,
et les nogres espagnols sont joueurs. On peut otre assur6 que ce
petit monde noir, vit et jouit de la vie, plus franchement, plus
naturellement que le granld monde blanc: leurs rires, leurs jeux,
leurs danses sont d'au.tnt plus sinceres et naturels, que les soucis
et les inquidtudes ne les empoisonnent pas.   L'existence et le
bien-etre du lendemain n'est jamiais chez eux a l'6tat de problame,
en ce qui concerne les besoins de la vie, comme chez nos prold taires. Leur providence est toute faite: le pain, le gite, et les
soins du mddecin i1i leur manquent jamais. En dehors de la
question d'infre~t, la sincere sympathie du coeur des blancs fait
rarement defaut au n/g: e, surtout, a qui il arrive mnalheur.  On
le console, on l'encounge, on oublie sa distance; c'est In oit bril lent le christianisme et la civilisation; c'est la  oit l'on voit les
sentiments d'humrnitd et d'affection des gens du Sud.  Les mau vais traitements, si complaisamment racontds et commentds, n'ont
lien que dans l'imagination des esprits faux et chagrins, ou dans 
( 49)
le parti-pris des gens intbress6s a fausser l'opinion publique.  II
'y a pour l'esclave qu'une discidline, ndcessaire et salutaire
pour tous, et appliqude d'une manire ad hoc a la nature et au
caractbre du negre.   On emploic toute la douceur et la raison
possible', avant d'avoir recours aux p~nalit6s physiques: c'est
l'iuteret moral et naturel du maitre, d'employer les moyens les
plus propices a amdliorer son esclave sans le d6tdriorer. La
discipline militaire en Europe est certainement plus dure que la
discipline des negres en Am6rique, relativement parlant, surtout
chez los Anglais, les Autrichieins et les Russcs, oui la peine de la
chlaguo est en vigueur.  D'ailleurs, los esclaves sont proteg6s
par des lois, qui sont fus 6quitablement appliqudes a propos des
noirs qu'a propos des blanes d6mocrates. La justice est la sauve garde de l'iistitution, et aucun eiccs de la part du maitre n'est
tol6r6; on l'interdirait; tandis que l'on considere l'inintelligenQo
'du negre, pour' lui faire bonne part.  L'intdret et l'amour-propre
du maitre sont, d'ailleurs, en jeu dans les pro,grs de son eselave;
car, en outre de l'honneur d'avoir de bons sujets, il en retire de
grands avantages, soit dans son service, sa culture, ou en donnant
a/ son esclave un emploi d'artisan, de cocher, de barbier, de cuisinier, etc.  11 le place chez des particuliers qui paient l'esclave
en location; dans cc cas, celui-ci n'a qu'une redevance a payer a
a son maitre, et il fait cc qu'il rveut de l'argent qu'il gagne en
surplus, et il en gagne toujours, et souvent beaucoup, de maniere a se faire un pocule grossissant, au moyen duquel il se rachute ou se donne des agr6ments. C'est ainsi que l'on voit des
hornmes de couleur devenir riches et ayant des csclaves a leur tour.
Le trafic est done dans la logique de l'esclavage: il est ainsi la
clef de la libert6 de ceux qui en sont devenus dignes, ct qui le
prouvent par leur aptitude a.1 gagnor le prix; c'est une s6curit6
de non carge pour lui et la societe. Dans los campagnes, les
esclaves ont, pour la plupart, une allocation de terrain, qu'ils
exploitent a leur corps d6fenda; ils out plusieurs heures par
jour, ct un jour au moins par semaine, pour s'occuper de leurs
champs particuliers; ils eD, vendent les produits, dont la valeur
vient grossir leur peculium ou leurs plaisirs.  Tout est bln6fice,
vu qu'ils n'ont aucun dobours d'entretien a lcur charge.
7 
( 50 )
Un esclave venant du Texas disait a l'auteur que nombre des
esclaves de cet Etat possedent de larges portions de terrains, avec
un nombre variant de 20 a 40 betes a comrnes chacun. Le mai tre n'a nul droit a ces proprint,s, bien entendu; ils se font
ainsi au moins de 2 a $300 de b6n~fice net par saison, tout en res tant completement a la charge et aux frais de leurs maitres. L'es clave qui racontait ce fait avait gagn6 lui-meme jusqu'a $50 par
mois a exercer divers services extra.
Un artisan esclave, pris au hasard, lui a affirm6, en outre, que
tous les travailleurs intelligents lou6s en ville, dans les ateliers,
surles bateaux, dans les hotels et autres dtablissements, pouvaient, en moyenne, se mettre $ 20 par mois de cot6, toute redevance payde. Cette Emulation de l'avantage personnel n'est pas
un des moindres agents civilisateurs du nbgre. On peut juger
ainsi si la somme gdndrale du bonheur chez les esclaves n'est pas
plus grande quo la,omme du bonheur chez les travailleurs libres
II faut, en vdrit6, que les hommes qui prechent l'abolitionisme,
sous le manteau de l'humanit6, soient ou bien ignorants, ou bien
fourbes sur la question. 11 faut etre bien insens6 et bien cruel,
pour faire tant de bruit et tant de mal, a propos d'une chose dont
personne n'a a se plaindre sdrieusement.
Voila quatre millions d'etres, qui sont aussi heureux qu'ils
doivent et peuvent l'etreo en ce monde, et on veut les ddplacer de
leur condition!-Les bouleverser de leur paisible existence! Mais
an nom de la veritable humanit6, que l'on dise au moins ce qu'ils
y gagneront eux, noirs? ce que nous y trouverons, nous, blancs?
Les vides et faux principes ne sont pas admis a r6pondre ici;
arribre, laissez passer la vrrit! il faut des faits positifs.- 11 est
avdr6 et reconnu, qu'6tant une fois libres, les negres nie travailleront plus: leur nature indolente et paresseuse le dit assez, en
_
outre des nombreux exemples que I'on a sous les yeux.-Ils n'auraient donc de la libert6 que juste ce qu'il en faut pour se faire
voleurs ou pour mourir dg faim. -  Les voila  donc devenus une
charg,e pour eux-memem, et un danger imminent potir la socidt6.
MIaintenant, que fera-t-on des 40 ou 50 millions d'individus
blancs, dont le travail, c'est-a-dire l'existence, se trouve enchainde
aux productions du coutinient amdricain? 
( 51)
Viendrez-vous, philantropes et plilantropomanes, prendre la
place des noirs, sous un soleil tropical, pour travailler ce sol et en
braver les fi~vres pernicieuses? Viendrez-vous cultiver, rdcolter,
emballer, et charger sur les navires, le coton, le tabac, le riz, le
sucre, les bois, et tous les autres produits m6ridionaux? Puisque
vous etes prets a ddmollir, vous devez au moins l'etre aussi pour
rebatir? Que ferez-vous?
Comment comptez-vous pouvoir supplier au chomage des mil lions d'armateurs, de marins, de n6gociants, de commis, d'iudus triels et d'ouvriers qui attendent ces produits pour travailler,
pour vivre?
Puis, derriere eux, la socidt6 n'a-t-elle pas besoin de leurs di vers produits, pour se nourrir, se vetir, et vivre enfin? Puisque
l'on a 4tablit ainsi le lien de l'existence et du commerce dans les
4changes des deux continents, comment peut-on le rompre sans
d6sastre? Comment comptez-vous pouvoir satisfaire toutes ces
exigences naturelles et pdremptoires? Comment comblerez-vous,
enfin, les immenses lacunes que causeront les criminelles perturbations que vous prechez, c'est-i-dire l'abolition du bien-etre et de
la tranquillit6 des Deux Mondes?  Est-ce que, par hasard, votre
amour pour vous-meme ou pour les Africains serait pouss6 au
point d'6touffer dans evos cceurs tout sentiment d'affection et do
justice en faveur des caucasiens, vos 6gaux? Est-ce que votre
pens6e philantropique ne s'est jamais reprdsentde les massacres,
les douleurs et les misbres des Frangais de Saint-Domingue?
Cette idee ne fait donc pas le contre-poids de votre ndgrophilisme? -  On ne sait que penser; on ne sait que dire derant de
pareilles aberrations I devant le d~lire des cerveaux humanispheres!
"Quand les hommes ont ute fois acquiesc6 a des opinions
fausses, et qu'ils les ont ehregistrdes dans leur esprit, il est tout
aussi impossible de leur parler intelligiblement, que d'6crire lisiblement sur un papier dOja brouill  d'encre."-THOMAS HOBBS,
Traiti de la Nature Humaine.
t 
Sin autem dominus dederit illi uxorem et
dederit filios et filias: mulier et liberi ejus erunt
domini sui, ipse vero exibit cum vestitu sue.
Mais si son maitre lui a donne une
epouse, et si elle lui a donne6 des fils et des flles,
la femme et les enfants appartiendront au
maitre.
(BIBLE, Exode, Chap. XXI.)
VII.
L'auteur ne se propose pas de prouver que i'esclavage est une
perfection ici-bas, ofi rien n'est parfait.-Cette institution a ses
ddsavantages. sos  inconvSnients,  son  dhtritus enfin, comme
toutes les institutions humaines; mais il pretend qu'ell apporte
au  monde  une  tr~s grande  somme  d'avantages  moraux  et
matnriels, en regard d'une tr~s faible somme d'inconv6nients
effectifs. I1 soutient, d'ailleurs, que l'esclavage est le fait d'une
transition n6cessaire pour le bonheur et l'avenir du nbgre, tout
en dtant une utilit6 et une nTcessit6 pour le bien-otre du blanc.
Tous deux doivent en otre satisfaits: il y a raison.  On se fait
donc la guerre a soi-meme, cornmme au nbgre, quand on preche
l'abolitionisme.  Le noir, en passant par l'6tat dlcsclave, passe
des tonobres ct do la sauvagerie dans ]a lmiore et l'aisance; le
blanc doveloppe ses progres, accroit ses richessses par le travail
de son intelligence, qui dirige le travail et la force de l'autre.G'est l'accouplement de l'idec avec le labeur;  c'cst l'association
de l'intellig(cnco avec ]a force.  I1 s'agit do savoir si le negre
n'achbte pas ses avantages par des souffrances infligoes on des
privations imposoes cn deoors de l'apport de son travail.
L'hommede race atcaine n'"prouve pas de  peines morales
d'une maniore soeeuse: il n'a pas le sentiment de cc genre de souffrances.  Son bien-otre ma-triel est tout ce quil lIni faut, tout ce
qn'il ddsire pour fhire sol bonheur: il n'en espore et n'en attend
pas d'autres, vT' qu'il ignore s'il existe iin autre  ordre  de Jonissauces.  Les ome s.catuses de satisfaction  et de  soiffrances mo 
(53 )
rales, qui rbgnent dans le cceur du blanc, n'ont presque pas d'ac
tion sur l'ame du noir. Son horizon, vers les perceptions et les
conceptions heureuses, se bornent a  la matibre; si celle-ci ne
manque pas, rien ne manque a sa f6licit6; qu'il soit dans son d6sert
ou parmi les blancs, libre ou esclave, sa nature est a peu I)ps la
meme A ce sujet: or, comme ses besoins sont faciles a satisfaire,
et qu'on les satisfait, le nbgre est une des plus heureuses creatures
de la crdation. Aussi, le voit-on toujours dans une tranquillite6
d'ame, dans une securit6 d'esprit - faire envie aux philosophes!
Son organisation mat6rielle en profite: tout chez lui reste dans
le d6maine physique. I1 n'6prouve 14 les chagrins amers, ni les
inqui6tudes d'esprit, qui brisent l'ame, qui rongent le cour, et tsent
lesfacultes du blanc.  Le nbgre est toujours dispos pour le plaisir
et la joie; jamais la penske n'absorbc ses dispositions naturelles
au mnaterialisme et au repos de l'inertie. C'est, en un mot, un
mollusque humain.
I1 souffre moins de son 6tat d'esclave durant toute sa vie, que
l'ouvrier blanc de son etat de prol6tairc pendant un jour.
La  race africaine doit cette heureuse disposition naturelle ct
philosoph.que a son manque dc genie: l'6tincelle lui a fait d6faut.
Elle y trouve des compensations par l'exemption des peises qui
sont inherentes aux natures supericures et d(licates. Le nbgrc
igaore l'existence des facultes elevees qui se creent des sentiments
et des besoins, clont la non satisfaciion cree, par suite, la souffrance
morale et la douleur de la privation.
Revenons maintenant aux  pr6tendues  misbres et aux traitemnents des n*res esclaves.
0
a
4 
Quod si dixerit servus, diligo dominum
meum et uxorem, ac liberos, non egrediar liber.
Offeret eum dominus diis ot applicabitur
od ostiam et postes, perforabitque aurem ejus
subula.
Si I'esclave dit:  "J'aime  mon  maitre
mon  epouse et mes enfants; je no voux point
sortir pour /tre libre".
Son mnaitre l'offrira aux dieux; et il sera
plac6 entre la porte et le poteau, et il lui percera
l'oreille avec une alone, et il sera esclave pour
un siecle.
(BIBL;, Exode, Chap. XXI.)
VIII.
La s6paration des families esclaves en ddprdcie la valeur d'une
manibre tellement considerable, qu'on ne les divise pas; si cela
arrive quelquefois, ce ne peut etre que par accident. Donc le 
mal n'est pas lia, car le maitre a tout intdr~t a tenir les families
unies, a les dlever et a en faire de bons sujets moralement et
physiquement.-En dehors de la valeur qu'elles en acquitrent, la
prospdritd de sa maison, la paix et l'ordre de son intdrieur lui
commandent assez d'amdliorer le sort et l'esprit de ses esclaves.
Les enfants nbgres sont 6levds avec ses propres enfants; ils
partagent leurs jeux et leur nourriture: ks,ares de ceux-la sont
les nourrices de ceux-ci. Les jeunes ndgresses intelligentes sont
attach6es au service de leurs maitresses et les jeunes nbgres a
celui de leurs maitres. On fait des unes des femmes de chambre
des cuisinimres, et des autres des valets, des cochers et des artisans pour les services divers de la maison.-Ceux qui sont moins
avancds en intelligencecontinuent les travaux dos champs. I1 y
a ainsi environ 4rois millions de nbgres qui font ce que les gareons de ferme, les labourenrs, les bouviers et les valets de charrue, ]ouds a l'annde, font'en Europe. - Entre les mercenaires
blancs et les esclaves noirs ra difference n'est pas si grande qu'on
Ie croit. Ils n'ont, Bn fait de libert6, que ce que leur caractkre,
leur nature et la ndcessit6 veulent bien leur laisser. 
' Qui percusserit servum nutim, vel ancil
lam virga, et morti fuerint in manibus ejus, crimxine reus erit".
'* Si quelqulun a frappe son esclave  ou sa
servante avec une verge, et s'ils sont morts dans
8es mains, il sera coupable de crime".
(BIBLE, Exode, Chap. XXI).
IX,
Comment peut-on admettre la possibilit6 que des mauvais
traitements, que de cruelles et injustes tortures soient appliqudes
sur des etres a qui l'on confie son existence de  chaque instant?'
Oiu serait donc la sdcurit6 des blancs, si ce n'6tait dans un certain attachement et dans l'espoir de quelques nouveaux bienfaits
qu'ont les esclaves vis-a-vis de leurs maitres?  Les noirs ne forment-ils pas la moitid de la population du Sud? Que ne pourraient-ils entreprendre?
A. cot6 de la question d'intdr~t et do s6curit6 personnels, les
sentiments humains et religieux n'existent donc pas dans le cceur
des hommnes du Sud aussi bien que chez les abolitionistes de Ia
Nouvelle-Angletere  ou  d'ailleurs?  Les planteurs sont donc
plus mchants et plus cruels que les n6grophiles,-les ministres
qui prachent le massacre de leurs familles et le pillage do leurs
proprints? Et la femme du Sud est-elle donc d6pourvue des
sentiments de bontd, de douceur et d'affection qui sont naturellement dans le cceur de toutes les femmes? Elles sont donc plus
capables de voir souffrir et plus cruelles que ]es femmes du Nord?
Que l'on vienne un peu voir quand les nbgres et les n6gresses sont
malades, dans les families, s'il leur manque quelque chose, si les
consolations, les encouragemelts et les soins de la part des blancs
leur font ddfaut?-Jamtis..On verra que le malheur fait dispa.
raltre la distance, on verra que la charit6 des blancs du Sud ne
s'arrete pas a la couleur quid le bien se pr6sente a faire.
Et cependant, si ce n'6tait leur ceur, rien no les empechent do
laisser les noirs malheureux ou souffrnts entre les mains des
leurs, sans interets I6ass.-Peut-on en montrer autant au Nord? 
( 56 )
Le nbgre valide y est repouss6 comrne un chien galeux, et on l'i gnore; quand on ne le voit plus on s'inquiete peu de son absence,
ou s'il souffre ou s'il meurt. On est meme heureux, en secret,
d'etre d6barrass6" de son odieuse pr6sence. I1 est la bete noire du
Yankee; on ne peut le sentir nulle part, ni dans l'6glise, ni dans
]'omnibus,-ni dans le th~atre, ni dans les ateliers. C'est un paria
pestif6r6; on ne lui permet de remplir aucune profession lucrative; on lui laisse a peine les plus infimes et les plus repugnants
travaux a faire.  On lui arrache des mains les vrais m6tiers, tels
que charpentiers, serruriers, cordonniers, peintres ou toutes anutres positions d'artisan. Un blanc ne consentira jamais a travailler dans le departement oui se trouve un nbgre: il y a une ligue
tacite entre tons les travailleurs a ce sujet; on les a vus ddserter
imm6diatement les etablissements a la premibre tendance de'introduction des' nbgres.-On li a laiss6. au noir, le dernier degr6
du proletariat indigent.-Le negre, dans l'age mur, est en g6ndral
ramoneur de chlieminees et blanchlisseur de murailles! Les plus
jeunes sont domestiques, ddcrotteurs, manouvriers chez les masons;
quclques-uns sont chiffonniers et porteurs publics, etc.  Ils sont
cantonnds a part, dans des quartiers oil ils n'ont pas de rapport
avec les blancs;-ceux-ci se croiraient dgshonor6s si on les voyait
parler amicalement ou donnier la main aux noirs.  En somme, les
negres sont tons tenus, au Nord, dans le dernier degr6, dans la lie
abjecte de la populace; aussi ils croupissent dans la misere, le vice
et les prisons.-La mortalite6 prdmatur6e, l'idiotisme; la justice et
la mendicit6 se partagent cette classe d'hommes libres, au milieu
des philantropes et des nigrophiles a tout prix, qui venlent absolument 6gorger les blancs pour le bonheur des noirs!
Pour tout honnete homme, qui connait la position de l'esclave
et celle du negre libroau Nord, le caractbre du Yankee et celui
de l'homme du Sud, il y a lieu de s'indigner quanid on entend dire
que cette guerre est une croisade humanitaire de la part de
l'homme g6n6reux du Nerd, - l'homme qui miprise le nbgre, qui
no connait que le gain, pour qui le principe est un mot, chez qui
le coeur et le patriotisme sont absents, l'homme enfin qui n'a, on fait
de patrie et de religion, que son office et le tout-puissant dollar! 
L'absence de tout sentiment national eb do
probite', est le plus terrible fleau d'un peuple
civilis6.
X.
On entend dire ~ chaque instant, et a tout propos, que l'esclavage des noirs est un fldau, mais on se borne a lacher ce grand
mot, sans que l'on puisse seulement le traduire par des faits s6rieux.
Un fldau cause des malheurs et fait des victimes. Eh bien! oui sont
done les malheurs et les victimes de l'esclavage des nbgres? Ils
sont heureux, mille fois plus heureux en etant esclaves, qu'en 6tant
libres! Libres de quoi apres tout? d'etre ddvords dans leur pays,
ou maltraitds et mdprisds dans les Etats du Nord, ou ils meurent
dans la ddgradante misere en toute libert6; dans la crasso ignorance, tout en payant des taxes! pour les dcoles publiques, onu ils
ne sont pas admis; pour la citoyennet6 publique, dont ils ne
jouissent pas.  Que l'on demande au premier esclave venu s'il
trouve qu'un fldau quelconque pese sur lui, il ne saura pas ce que
vous voulez lui dire; que l'on essaye de lui prouver qu'il est bien
malheureux, il vous r6pondra en dansant une jig. Si l'on s'apitoye un moment de plus, il chante Dixie, pour consoler les amateurs de filaux!
11 est vraiment pitoyable, ridicule meme, de vouloir prouver
la prdsence de fldaux et de misLres, Ia ou les sauvages trouvent
le bien-otre, la paix,,la civilisation et le christianisme; la out
l'homme civilis6 ddcuple ses progrbs, am6.liore le sort de tout ce
qui l'entoure et satisfait aux besoins urgents de la socidte.. Out
est done le fldau en question? C'est en vain que l'auteur le
cherche depuis dix ans parmi les nbgres; ce n'est pas la oiu est le
fidau de l'Amdrique.... En Erope, on n'a pas besoin de le chercher: la, le fi6au de l'humanitd vous saute a la gorge: a Londres,
a Manchester et dans les mines, on le voit a l'ceuvre, ainsi qu'a Lille,
Turcong, Mulhouse, Lyon, et' a Paris, ou il y a peut-etre 50 mille
individus, qui en se levant ont leur repas a l'd6tat de problimo
pour toute la journee, et ai New-York, Philadelphie et Boston, oi
les affam6s sont a la veille de faire main-basse sur la propri6t6 
8
0 
L'iinpitoyable vanite des humanitairm
-eut faire du bruit avant tout.  Les miseres presentes, Foffusquent; les maux imaginaires et
lointains seuls ont le privilege d'attirer son attention: il est si doux d'ouvrir son coeur et de
fermer sa bourse!
L'esclavage des noirs n'a de mal que son
nom; mais on veut en creer des malheurs.
XI.
Toutes les vraies et profondes miseres, chez les humains blancs,
sont inapergues par les philantropes occupds des humains noirs.
On meurt, de misere, de faim, de honte a leur porte; ils ne le
voient point; leur gdn6rosit6 veut d'abord la libert6 de ceux qui
n'ont besoin de rien; de ceux qui ont du pain et de la libert6
autant qu'il leur en faut!
Admettons et supprimons, un instant, la pr6sence de ce fl6au, absent en rdalite. Donnons la liberte aux 4 millions de nbgres qui sont
esclaves; qu'en fera-t-on alors? Qui les nourrira, les instruira, les
maintiendra dans les voies l1gales et civilisatrices, ou ils sont entres a peine? Qui pourra prot4ger la societ6 des d6sordres in6vitables qui seront caus6s par une telle agglomneration de parasites
inutiles, incapables de se gouverner, hors d'6tat de se mettre volontairement au travail? Que ne feront-ils pas, quand ils seront
en force? Seront-ils, heureux, seront-ils libres rtdellement, ces
demi-sauvages? Et le manque de production, comment le comblera-t-on pour les blancs? Quels sont, et on sont les travailleurs
qui voudront et qui pourront reinplacer les negres? Mais, en admettant qu'on les trouve, ces 4 millions de travailleurs, la premiere chose qu'ils feraient, serait d'cxterminer les noirs sur leur
chemin! Ceci est d'autant moins exag6r6, que les agriculteurs de
l'Ouest ne se cachent pas pour dire tout haut que la deportation ou
l'extermination des nirs est le but qu'ils se proposent, et pour 1 equel ils se battent aujourdhui: ils voient dans le negre un ennemi,
un obstacle aux riches territoires. Ce qu'on appelle l'abolition, sous
le nom de l'hum nit6, dest I'annrihilation, la suppression de la race
africaine que l'on veut: et; non pas son bonheur, et non pas sa libert6. On parle d'un fieaui qui n'existe pas pour en amener un certainement; et si l'aLf)olitionismle est prati(qu, on peut s'attendre a 
( 59 )
une salute Barthdlemy blanche et noire: l'uti d6feldia  sa propridt6, et l'autre l'exterminera, vu que ce moyen cofitera moins
que la deportation.
La population de couleur des Etats-Unis, est de 5,000,000 de
tetes, en chiffres ronds, sur lesquels il y a 1 million de libres qui,
par leur avancement dans la civilisation, et par leur dissemination
peuvent vivre sans etre un danger, ni une trop lourde charge
pour la societ6. - Les 4 millions qui sont esclaves, reprdsentent,
au moins, une valeur de 400 millions de dollars. C'est un capital
actif qui fructifie au profit de tout le monde; car s'il y avait le
double d'esclaves travailleurs, la production serait 4galement doubl6e, et l'abaissement du prix des marchandises et des matibres
premieres en ressortirait naturellement, ainsi que les bienfaits du
libre 6change. Tout le monde y gagnerait, a commencer par les
peuples des Etats-Unis, qui pourraient couvrir leurs ddpenses
d'importation, pour finir par les Europdens, qui essuieraient
moins les faillites provenant du deficit amdricain.- Ces esclaves ont produit, en 1860, 4,500,000 balles de coton, 80,000
tiergons de riz, et 130,000 boucauts de tabac pour le commerce
du monde. Par la raison qu'ils ddveloppent la prosp6rit6 g6ndrale, les n/gres en ont certainement leur part; qu'auront-ils
du moment oil ils ne produiront plus rien? Ils auront la mis6
rable et l'abjecte existence des nbgres de la Jamaique, oiu les
coolies viennent leur faire concurrence par l'habile subterfuge
des Anglais. On les verra s'entre-6gorger comme a Haiti, avec la
difference que la gdndrosite du sol des Antilles les nourrit a rien
faire, tandis qu'ici, oi il faut se mouvoir, ils manqueront de tout,
sans parler du conflit probable des deux races. N'est-ce pas bien
charitable, bien religieux, bien humanitaire, 4e mettre ces malheureux dans une telle positi*, et cela tout en ruinant, tout en
saccageant les blancs!' I1 ne manque rien aux negres, mais on
veut absolument leur retirer leur pain et les mettre sur la paille,
sous le prbtexte qu'ils sont  ralheureux; on  veut absolument
prouver au monde et a eux-memes qu'ils sont des martyrs a d6li
vrer I Encore une fois, ouhsera la rdforme, le b646fice, l'avantage
pour le monde blanc et noir? que l'on prouve avec des chiffres,
et non avec des mots vides et sonores. Franehement, qu'a-t-on besoin de forcer le sort naturel de cette race? S'ils sont des hommes 
( 60 )
comme noun, ils n'ont besoin de personne pour savoir ce qui leur
convient. Ces 4,000,000 d'esclaves sont entre les mains de 2 millions de proprintaires; ils sont donc en force, et n'ont besoin do
secours de personne pour demander leur libertY, s'ils en ont le
droit et s'ils en ont le d6sir et le courage. Si, au contraire, ils ne
sont pas des hommes comme nous, capables et dignes de jouir de
la liberte, il est absolument n6cessaire de les tenir en tutelle,
dans l'intdrot et pour la sdcurit6 de tous, et de ne donner lI
libert6, au fur et a mesure, qu'a ceux qui en sont dignes et qui
savent le prouver.  On a tort de nier los bienfaits gdn6raux de
I'esclavage; quand il n'y aurait que l'coeuvre de l'identification de
la race, ce serait dbja un progr/s: ainsi les mulatres sont d'un
huitibme sur le nombre des noirs; ils prouvent d~jk la supdriorite
que leur donne le sang caucasien; ils sont le double en nombre de
libres sur ies noirs non esclaves. Les n/gres libres, en Louisiane,
possbdent pour une valeur de $300,000, tandis que les mulatres
libres possedent une valeur de $ 4,000,000 en propridths.
Sur quatre millions d'esclaves, il yen a trois millions employ6s
aux travaux des champs et divisds ainsi: sur cent travailleurs, 2
sont au chanvre, 5 au riz, 6 au sucre, 14 au tabac, 3 aux divers pe
tits produits, et 70 au coton. Sur ces cent travailleurs, iln'ny a que
2 mulatres, vu que leur intelligence plus developp6e, leur nature
moins apathique, les font rechercher pour les travaux qui deman dent plus de capacitds. It y a donc, devant ces chiffres, une am6 Iioration et un acheminement incontestables, qui ressortent de
l'esclavage, pour l'extinction de la race noire. La fusion des raecs
et des intelligences fera l'extinction naturelle de l'esclavage; et,
en attendant ce rdsultat, les esclaves sont aussi heureux qu'il est
permis a leur nature de l'etre. Ils le sont sous tous les rapports,
rdp6tons-le encore,et en tout dtat de cause, plus que les prold
taires libres.. Ou est donc alors la grande calamito, le fl6au de
l'humanit6? ou voit-on les grands malht.urs qui d6rivent de ]'es clavage? On parle d'immoralit6.  Est-on plus moral en Europe
qu'aux Etats-Unis? tst-on plus moral au Nord qu'au Sud? Est
ce que la nature humaine n'est pas la meme partout? Qu'elle ait
des esclaves blancs ou noirs, changera-t-on l'humanit6, parce que
l'on aura fait disparaitre le mot et le nom de leur condition?
"L'ouvrier est un esclave a terme," a dit Aristote. 
La loi naturelle,'est-a-dire l'organisation de l'homme, est la source de l'inegalite
entre les hommes.
(J. J. RoussEAU.)
Quicumque sunt sub jugo servi, dominos
suos omni honore dignos arbitrentur ne nomen
domini et doctrina blasphematur.
Que ceux qui sont esclaves, sous 1le joug,
regardont leurs maitres dignes de tout honnour.
pour que le nom du Seigneur et sa doctrine ne
soient point blames.
(ST-PAUL, Ep. a Timothee, Chap. VI.)
XII.
Rdsumons-nous. L'esclavage des noirs est le fait du christianisme, de la civilisation et de la n6cessit6: il en ressort des bienfaits incontestables pour les deux races. On n'y rencontre d'inconvrnients que le d6tritus naturel de toute chose dans un monde
ou rien ne peut-etre parfait. Les vdritables sentiments d'une humanitd rdelle et efficace doivent se ddgager de tous les prdjugds
qui ne s'appuient que sur des mots et non sur des faits. Si l'on vent
s'6clairer sur la question, il suffit de se poser ces questions:Faut-il laisser pourrir cette race dans son ignorance miserable et
dans sa revoltante barbarie? Si elle fait partie de la race
humaine, faut-il souffrir qu'elle reste dans 1'dtat d'anthropophagie
bestiale qui deshonore reellement l'humanit6 et la civilisation du
siecle?
Ou bien faut-il retirer cette race de son malheur, pour la solgner, l'am6liorer et en faire une catdgorie rdellement humaine?
N'est-il pas ndcessaire alors,ue l'on mette ces etres a la place ou
dans la condition qui eur convient, pour que la socidt6 en tire le
parti ddsirable, dont ils seront eux-memes les premiers a profiter?
N'est-ce pas enfin le seul et unn'ue moyen de les rendre dignes du
nom d'hommes?-La moralit6, la justice et l'humanit6 ordonnent
certainement de prendre,ce dernier parti: il y a tout a gagner
pour le monde et pour la propagation du progr~s. 
( 62 )
On ne doit donc pas s'arreter a des pr6jug4s, ni sur des abstractions sans fondement; on ne doit pas reculer devant les vaines
considerations de principes, encore plus vains, qui portent a faux,
qui ne reposent sur rien que le ndant des mots, qui prechent'inaction et l'incons6quence. Oii sont les bases de ces abstractions
de principes? Montre-t-on des faits, des chiffres, de vrais rdsultats qui puissent ddmontrer la decadence du progrbs connu? On
peut montrer, au contraire, sa marche ascendante, morale et mat6rielle, et la part contribute par l'esclavage. - Que l'on prouve
une bonne fois ce qu'on perd en Fayant, et que l'on montre ce
qu'on gagnerait en ne l'ayant plus.-  Que le pr6tendu malheur
soit dbmontr6, que le pre6tendu ddshonneur de l'humanit6 soit
prouv6, et qu'enfin la pr6tendue riforme soit d6clar6e ndcessaire par d'autres autorites que celles des phrases.
a
I
0 
Si votre*frere a df se vendre a voUs,,oui
le traiterez comme un mercenaire et un colon,
et jusqu'a l'anne6e du jubile6 iL travaillera pour
vous.              (Levitique, Chap. XXV.)
La classe des travailleurs est la derniere'
dans le vocabulaire insense6 de l'orgueil. Ello
est la premiere aux yeux de la saine politique.
(BENTHAM).
Celui qui ne travaille pas est un malhonnete hoinme.                 (J. J. ROUssEAu).
XIII.
Nous sommes tous sur la terre pour y travailler.  Le' travail
est notre maitre absolu a tous.  I1 est le conservateur de la
socidt6 et de ses progrbs. I1 est le propagateur de l'intelligence,
il agrandit les idles, il d6veloppe le jugement, et accroit ainsi
les facultds humaines.
II n'est permis a aucun individu de rester oisif: une nation
he peut s'exempter de la loi commune, et aucun peuple ne peut rester en dehors du grand travail social. I1 faut que tout le monde
contribue au grand mouvement universel, d'autant plus que les
individus, les nations et les peuples qui s'avoisinent sont solidaires: ils s'enchainent dans le tournoi civilisateur. On a done
raison d'aller aider et forcer, au besoin, la race africaine a subir
la loi commune: il faut qu'elle remplisse sa mission pour prendre sa place au banquet de la vie civilisle. On l'6lve ainsi du
regne de la brute au rbgne de l'homme. Elle est la premiere a' y
trouver son bdn6fice, a tous les points de vue. C'est ainsi que
l'esclavage a pris sa source dans la ndcessit6 naturelle, comme
6tant le seul moyen transitoire de la transformation de cette
race.-On n'observe pas asiz qu'avant les lois humaines il y a
des lois naturelles qut gouvernent le monde.-Ce sont des lois
mystdrieuses qui, heureusenient, ne se discutent pas, qui ne se d6crbtent et ne s'imposent jarnjis comme un 6crit public.  On y
oblit sans s'en louter, en dapit de l'homrne orgueilleux qui n'y
peut rien changer.  I1 se debat en vain coetre la forme et Ie
nom de la chose; le fond est inubranlable colllloe Ift ii,:'.?' 
-( 64 )
la ndcessit6 naturelle, c'est la loi du travail, auxquelles nous sore
ines tous assujettis. —En Aririque, en Asie, en Afrique, en Russie, en Pologne, en Turquie, on nomme les travailleurs esclaves
ou serfs.; en Angleterre, en France et ailleurs, on les nomme ouvriers, domestiques, laboureurs, artisans.  La chaine n'en existe
pas moins; et si l'on considbre los facultds, les droits naturels et
l'intelligence du proletaire blanc, on verra que, comparativement,
il est plus esclave que le noir d'Amdrique. "En d'autres temps, en
"'d'autres pays, sans lui oter sa liberte, on a fait en sorte que le
"fruit de son travail revint presqu'en entier a ceux qui le tenaient
"sous sa dipendance.  Mieux efit valu pour lui un complet escla
"vage, car le maltre au moins nourrit, loge, vetit son esclave, le
"soigne dans ses maladies."-F. DE LAMENNAIS, Livre du Peuple.
Pour se donner le pretexte de  troubler l'ordre de  la socidt6,
on ne veut pas voir que I'organisation sociale, dont on trouve
tant a se plaindre, est le fait de l'organisation de l'homme: l'une,
est en grand ce que celui-ci est en petit.  On ne pout amhliorer
le tout qu'aitant que los datails mol1culeux de  ce corps le pernmettent par leur progression propice: solon la maturitd morale
des individus. C'est ce qui fait la lenteur des rdformes;-elles De
peuvent s'opdrer que lorsque le grand nombre est pret a r.ecevoir
l'action naturelle du progrds, qli  ne se peut brusquer impun&
ment.
Tant que l'esclavage aura  sa necessit6  naturelle, il aura sa
raison d'etre.  Du jour ou l'on pourra vivre aussi bien ou non
toins mal qu'aujourd'hui a ne rien faire, on pourra esp6rer de ne
plus voir d'esclavage noir ou blanc. Du jour oni l'action du
monde sera arretde, il n'y aura plus d'abus; tout sera parfait, et
l'6galit6 regnera. En attendant que cola vienne, il y aura toujours deux classes de travailleurs, l'une blanche et l'autre noire.
Le climat rdglgra leur position et leur place respectives. l,'intelligence rdglera leur condition sociale, et chacun recevra en
raison de ses propres mrittes. A chacun selon sos oeuvres.C'est la loi naturelle, el c'est la force motrice du progrbs universel.
Si le Nord a J'ug6 convenable de vendre sos esclaves, pour
n'employer que la main-d'oeuvre des blancs, c'est qu'il y a trouv6 
( 65 )
son avantage rdel, comme le Sud trouve encore, jusqu'a present, le
sien a employer la main-d'oeuvre ides nbgres. L'esclavage, au
Sud, a autant de droits et de raisons d'etre, que le travail libre
au Nord.-C'est l'int6ret du maitre qui fait pivoter le sort du
travailleur partout, et personne n'a le droit de s'6riger en r6formateur, aujourd'hui, d'une chose regue, admise et consacrde.  En
un mot, l'esclavage du noir n'a rien de plus extraordinaire que la
libert6 du blanc. Ils ont chacun, logiquement, ce qu'ils peuvent
avoir et ce qu'ils peuvent user, d'aprbs leur intelligence et leur
nature.-Toute disproportion de bien devilent aussi dangereuse
que le mal meme.
Les esclaves, rdpdtons-le, sont a tout prendre au moins aussi
bien partagds par le sort que les prol6taires blancs.- Que l'on
donne la liberte a ces 4,000,000 de tetes, et l'on verra, par l'usage qu'ils feront de cette libert6, si leur nouveau sort r6pondra
aux thdories humanitaires.  Par suite de leur nature et de l'agglomdration des noirs, il arrivera de deux choses l'une: ou leur
deportation, ou leur extermination en  masse du  milieu des
blancs!  N'est-ce pas ce qu'on a fait avec les Indiens, qui oepedant sont sup6rieurs en intelligence, et qui certainement ont les
sentiments de la dignit6 naturelle a l'homme libre.
En dernier rdsume, l'esclavage des noirs est un fait naturel: et
humain, que l'on a tort de d6plorer,-car c'est un bonheur pour
ceux que l'on place en victimes dans l'opinion, comme c'est un
bienfait pour ceux-la meme qui le ddtractent.
I1 n'appartient pas aux,faibles humains de contrecarret les
vues de la Providence. 11 leur est impossible d'entraver la marche du temps et de la nature, qui seuls sauront bien faire le n6cessaire pour la transformatioW et l'affranchissement du nbgre.-I
C'est encore a tort que l'on nie les avantages recueillis par les
Africains transportds sur le continent. Que l'on prenne les dix
millions de nbgres d'Am~rique, et qu'on les compare, au moral et
au physique, avec les dix autres millions de la Pdninsule, et que
l'on dise la v6ritd sur la,diffrence de ces deux masses d'etres
d'une meme souche.  I1 suffira de voir. ceux qui arrivent d'Afrique, pour s'assurer du fait que les esclavcs gagnent cinquanto
9
I 
( 66 )
pour cent d'amdlioration, sous tous les rapports, aprbs quelque
annres de contact avec les civilisds.
On verra, par l'esquisse de l'histoire de Hlaiti, que rien de bon
ne peut sortir de la violence dans cette grave question. On ne
peut sainement vouloir forcer la main a la nature: on ne peut
rdellement ddsirer le malheur des noirs avec la misbre des blancs.
L'abolitionisme est un jeu d'intdret sectionel et petit, une comddie politique! L'abolitionisme ne peut etre qu'une grande erreur
ou une fourberie sociale.
ESQUISSE SUR HAiTI.
I.
I1 est bon de donner ici un apergu du rbsuItat obtenu par les
philanthropes, a Haiti. Cette ile appartenait primitivement aux
Espagnols, qui en avaient detruit les insulaires caraibes,-auxquels ils faisaient exploiter les mines en leur imposant des traitements qui eurent pour effet d'en annihiler la race. Quelques
6tablissements frangais s'y 6tant form6s, dans la partie occidentale
de l'ile, la France se la fit c6der par le traite de Ryswick
(1697).
Cette portion de St-Domingue devint tr/s florissante et prit de
grands ddveloppements par le travail des n6gres, bien dirig~s
par les Frangais.
Dans le courant d'un sibcle, les melanges des deux races
avaient pris assez de ddveloppement pour former une classe de
mulatres qui, par une disposition naturelle, se trouvait placde
entre le noir et le blanc. Le mulatre ditestait la suprdmatie de
celui-ci, tout en m6prisant l'inf6rioritd de celui-]a. La revolution
frangaise de 1789 euses doctrines d'6galit6 leur donnbrent dc
l'enthousiasme.* Leur exaltation 6tait, d'ailleurs, nourrie par les
"Amis des Noirs", soci6t6 compose6c de Franqais et d'Anglais, en
faveur de l'6mancipatign et de la suppression de la traite des
,egres.
La revolution avait jete le ddsordre et la desunion parmi les
blanos de la colohie, qui pour la plupart se mirent en d6saccord 
( 67)
avec le gouverneur.  Les tergiversations de lFAssemblde Nationale, qui tantot accordait certains droits aux hommes de couleur
et qui tantot les retirait, ne contritubrent pas penu a provoquer
nu soulbvement.-La rdvolte des mulatres et des nbgres, dirig6o
par ces premiers, dclata le 23 aout 1791, dans les environs du
Cap Frangais. Les blancs, toujours divisds, ne purent ni lutter
ni obtenir du secours de la mbre patrie, avec laquelle ils s'6taient
mis en hostilit6 ouverte.-Cette imprudence assura meme aux
insurges la cooperation des repr6sentants du peuple, Polverel et
Santhonax, qui avaient 6t6 envoyes dans l'ile comme administrateurs. Avec leur appui, les nbgres se saisirent du Cap Franqais,
et, du 21 au 23 juin 1793, ils en dgorgbrent tons les habitants
blancs, mirent les proprintds au pillage; l'incendie vint completer
l'ceuvre de destruction et faire disparaitre les victimes avec les
traces de leurs atrocit6s, au fur et a mesure des horribles progr6s
de ces firoces vandales.
Presque tous les colons furent massacres! Trbs-peu rdussirent
a s'6chapper.-VYieillards, femmes et enfants, rien n'arretait la
fureur de ces forcends sauvages 1......
A la faveur des guerres de la rdpublique franqaise, l'Angleterre ne tarda pas, bien entendu, a attaquer la colonie. En
1793, de concert avec les Espagnols, elle vint pour s'emparer
de ces riches possessions d(vastdes et peu ddfendues par la France.
Cependant, le gdndral Lavaux arriva avec un corps d'armde, et
seconds par les nbgres insurgds, tournds a prdsent contre les Anglais leurs amis, il put empecher toute entreprise serieuse.
Pour reconnaitre les services de ces esclaves, le 4 f6vrier 1794,
la France proclama l'6mancipation g ndrale des noirs dans  lei
colonies, et leur accorda les m6mes droits qu'aux blancs! -Le
Directoire nomma en meme imps, le negre Toussaint-Louverture
pour gdndral en chef de toutes les troupes de l'ile. Mais bient6t
Toussaint voulut aussi se rendre inddpendant, et le premier consul
dut envoyer le gondral Leclerc,avec un corps d'armde de 25,000
hommes, pour le  r6duire a l'obdissance.  Toussaint essaya de
s'opposer   au ddbarquemen~ des troupes frangaises, mais il fut repouss dans l'int6rieur et dut bientot se soumettre. Arretd pour
t 
( 68 )
trahison, il fut envoys en France. Les nouveaux colons et ceux
qui avaient dchapp6 an  massacres, essaybrent de rdtablir l'esclavage, mais une nouvelle insurrection dclata, et ne permit pas de
renssir. -Les troupes frangaises, ddcim4es par les maladies,
dont Leclerc avait dt victime, durent se rembarquer en 180a;
avec leur depart, cessa la domination des blancs a St-Domingue.
Le hngre Dessalines se fit couronner empereur, sous le nom de
Jacques Ier I Mais bientot il fut tue dans une dmeuto provoqude
par ses barbaries.  Le nbgre Christophe lui succ6da, sous le nom
du roi Henri Ier, aprbs avoir dtd le chef de la conspiration, avec
le mulatre P6tion. De la date le renouvellement de l'ancienne
haine des deux castes, dont la rivalit6 est la cause premiere des
luttes intestines qui ddvorent ce pays. Bref, depuis ce momentjusqu'aujourd'hui, les nbgres de St-Dom'ingue ont dtd continuellement en guerre civile, et les divisions de  territoires en sont ]a
moindre consdquence.  Aprbs avoir goute de toutes les formes de
gouvernements, sous le nom de rdpublique Dominicaine et d'empire (Soulouque), ils sont tombds dans l'anarchie, et ils vont probablement se remettre de bonne volontd sous la tutello d'une
puissance europdenne.  Ils arriveront d'eux-memes a reconnaitre
leur incapacity de pouvoir marcher seuls; ils prefbreront au besoin reprendre l'esclavage aveo  le repos, que  Ia libert6 avec
l'anarchie, jusqu'au moment  ou  lour am6liora'tioh morale leur
permettra d'etre libres en rdalit6.  La d-dcadence commerciale a
suivie la ddcadence politique de l'ile; les mulatres, pas plus que
les nigres, n'ont satisfait aux esp6rances que leur dmancipation
avait fait concevoir; sous le rapport matdriel, comrme sous le rapportintellectuel, ils n'ont rien fait; ils sont toujours d'une paresse presque invincible, d'une incapaoitd native. Ils ne trouvent de
plaisir que dans les jouissances sensuelles; ils sont toimbds dans
une position pire qA  ce qu'ils 6taient sous l'esclavage.  Lag'riculture, l'industr'e, le commerce sont extraordinairement ddchus,
et une foule de cantons, autrefoig florissants, sont aujourdhui d6serts. En 1789, on compiait dans la partie franvaise, 813 plantations de sucre, t,117 de caf6, 3,151 d'indigo, 789 de coton et beaucoup d'autres. La voleur des exportations pour la France 6tait de 
( 69)
135,600,000 f. Cello des importations de I millions, et le conu merce de France y occupait T10 navires, montes par 18,466 mate lots.. L'ile, avant l'6mancipation, rapportait 141 millions de livres
de sucre, et 70 millions de livres de cafe. L'exportation du sucro
a presque cess6; celle du cafe n'est plus que de trois millions, et
le reste en proportion. La d6cadence est compltte; -la d~moralisation est croissante.
Les Haitiens s'en consolent en imitant les vanit6s et les mani&
ros des blancs: ils ont une cour oh l'on voit l'aristocratie nbgre
et mulatre; on y trouve tous les titres voulus, depuis le baron de
Cas,onnade jusqu'au duc de la Cafdiore!
Les blancs y sont rares; ils n'y jouissent d'aucun droitpolitique;
les Indiens et les Africains, seuls, sont citoyens! Les guerres intestines leur donnent des petits tyrans qui s'oppressent tour &
tour. Us vivent dans une anarchie qui ressemble un peu ai la barbarie de leur pays natal. n paraitrait d'ailleurs que ce doit etre
la le sort rdservd i toutes les rdpubliques du continent amdricain.:
elles sont toutes en guerre civile.
FIN DE LA TROISIiME PARTIE.
a
4 
QUATRIEME PARTIE.
SUR L'ABOLITIONISME.
"Superbus est nihil sciens, sed langueni
circum  questiones et pugnas verborum; ex
'"quibus oriuntur invidioe, contentiones, blasphe
"mie suspiciones malce."
C'est un orgueilleux qui ne sait rien; il
languit autour des questions et des combats de
paroles, desquels naissent lenvie, les contestations, les blasphemes et les mauvais soupvons.
(ST-PAuL, Ep. a Timothee, Verset 4).
1.
La fureur de se distinguer pousse souvent, en effet, l'liomme ab
ddtruire son semblable.  II sacrifie tout, jusqu'a  lui-meme, pour
donner satisfaction a son orgueil.
On voit des hommes de talent n'employer leurs capacit6s que
sur les sujets les plus propres a jeter de l'6clat autour de leur
nom aux yeux du vulgaire. I1 en est de meme de certains cceurs
g6n6reux, qui ne le sont que 1a ou ils peuvent se faire hautement
valoir. La pure moralit6, chez ceux-l1, et la vraie g6n6rosit6,
chez ceux-ci, sont des questions secondaires ou inconnues.
L'ostentation est, chez la plupart des hommes, le pivot moral,
comme l'intdrot est, en gdn6ral, leur pivot materiel.
Labolitionisme offre des exemples frappants, et malheureusement trop nombteux, te cette v6rit6.
Comment expliquer autrement cette affluence d'individus qui
font de l'abolitionisme en tout, sans avoir de raisons directes, ni
de motifs s6rieux, ni nme  les connaissances voulues du  sujet
qu'ils veulent d6truire ou rbformer?
Comment peut-oi raisonner autrement la conduite de ces pre'
tres et de ces magistrats, qui pre chent la subversion des principes 
( 71 )
reous, des lois consacrdes, des rbgles de la morale et de la religion, dont ils sont les premiers gardiens?
C'est pourtant chez le peuple quia  la r6putation d'etre le plus
religieux et le plus respectueux du monde pour les lois divines
et humaines, que l'on voit les premiers magistrats violer la Constitution, et les pretres souffler le feu de la guerre civile I Et
tout cela pour ob6ir a l'esprit de l'orgueil, qu'on nomme esprit de
parti, ou l'amour de soi.  La oi les passions excitdes devraient
rencontrer l'auxiliaire mddiateur, conciliant de la religion chr$
tienne, de la loi quitable, on trouve des 6nergumbnes, fanatiques,
qui, pour l'honneur de l'humanit6, vont exterminer une partie de
la famille humaine I qui, au nom du Dieu cr6ateur, vont massacrer
une partie de ses creatures! L'Eternel punira-t-il, au moins, les
crimes qui se commettent ainsi en son nom? L'humanit6 admettra-t-elle donc toujours qu'on l'honore en la d6truisant?
II.
Ceux qui connaissent et jugent impartialement l'Amdrique et
les Amdricains, souffriront plus que d'autres en voyant avec tristesse ce qui se passe ici.   Jamais comddie humaine, hypocrisie
sociale, ne furent plus tristement jou6es que dans la cause de
l'abo]ition de l'esclayage, qui en partie sert de pr~texte a la
guerre fratricide des Etats-Unis.
Dans un sujet pareil, contenant tant d'int6rets oppos6s, et par
consequent tant de passions diverses, les 6crivains abolitionistes
ont trouv6 de l'argent a gagner et une mine indpuisable a exploiter, en agitant sans cesse cette question pleine d'orages.
Les politiciens, de leur cot6, y ont trouv6 un beau motif de
parti.-Les sentiments humains furent mis a l'usage d'un marchepied tout fait pour monter * pouvoir, c'est-ai-dire aux places
lucratives. 
Les fabricants y ont vu, comme il a 6t6 dit, le moyen de maintenir leur protection douanibreo
Les discoureurs, et il y en a aux Etats-Unis, y ont trouvd des
sujets magnifiques pour pororer ad infinitum, et les pretres ont
saisi l'occasion d'arriver enfin a faire peser leur puissance the
t 
( 72 )
cratique dans la balance politique; puis sont venus les Don-Qui chottes humanitaires, et les p6cheurs en eau trouble. Ainsi s'est
form6 le cort6ge d'int6rets des abolitionistes qui devaient tuer
l'Union.
On est dupe, quand on croit aux sentiments g4ndreux des An glo-Saxons vis-a-vis de li'humanit6 noire.-I1 n'y a pas cinq abo litionistes sur cent, qui soient sinceres dans leur doctrine.-En
voici une des plus faibles preuves: aux derniries 6lections pour
la prdsidence, on soumit au vote, a cot6 du nom de M. Lincoln,
dans divers Etats du Nord, la question de  savoir si les hommes
de couleur seraient admis au vote, comme tout  autre citoyen.
Le rdsultat du scrutin a donn6 4 oui pour cent non I Et si l'on
considdre que cet essai fut fait dans le Massachusetts, le Connec ticut et le New-York, c'est-a-dire au milieu du foyer de l'aboli tionisme, on peut, sans peur de se tromper, affirmer que du nom bre des adheronts de Lincoln, il n'y a pas 2 pour 010 qui soient en
faveur de donner des droits politiques aux nbgres. Et celendant, 1e
parti rdpublicain preache l'abolition, l'6galit6, et il est en train de
mitrailler ceux qui ne sont pas de son avis! I1 a 6t6 dit ailleurs
quelle est la manibre dont-ils traitent les nbgres, et on peut etre
assure qu'il y en aurait bien plus long a dire sur les rigueurs et le
mdpris dont le nbgre libre est l'objet chez les professeurs d'aboli tionisme. On peut remarquer une chose, chez tous les partis vio lents, c'est qu'ils agissent toujours au contre-pied de la lettre de ce
qu'ils professent. Y a-t-il au monde des gens plus despotiques
que ceux qui professent le rdpublicanisme? N'est-ce pas chez les
thdoriciens 6galitaires que.I'on rencontre l'orgueil le plus tyran nique, la morgue la plus aristocratique? I1 est reconnu que tous
ces gens-la, avec leur aristocratie d'argent, sont des tyrans; tandis
que les gens du Sudpavec l'esclavage, sont des libdraux. Les
hommes du Ndrd veulent absolument renverser les lois, au nom
de la 1.galite, dont ils sont les premiers a abuser pour leur bdnd fice particulier.-Tousces d6mollisseurs ne sont pas, ne peuvent
pas etre sinceres a leur- doctrine d'6mancipation; autrement
ils precheraient d'exemples d'abord.-Y  a-til un exemple a
~ citer, chez les Yankees abolitionistes, d'avoir dound la libertd aux 
( 73 )
nbgres dont ils hdritent quelquefois do leurs parents du ~ud? lis
ies font:bien vite vendre, et ils en empochentrl'argqnt enqore plps
vrite.  N'est-ce pas la, du reste, ce cf'ils ont fait lorsqu'ils avauent
des esclaves? Ils les ont bel et bienL exploitds jusqu'au moment oit
l'immigration leur a apport6 le travail intelligent et a bon march6
des blancs. Alors ils ont vendu leurs nbgres aux Etats du, Sud,
auxquels ils foht aujourd'hui larguerre, au nom de l'honnteto, de
la moralite, etc.
La doctrine de l'abolitionisme est faite, cependant, pour rencontrer une certaine catogorie d'adeptes sinceres.-Les esprits pen
cdelairds, les cceurs trop gendreux, vifs et les tetes exaltdes, mais
sans raisonnement, s'enfiamment, en effet, a ces grands mots de
de6livrance, d'6galit6, de libertY, etc. C'est parmi cette classe d'enthousiastes illumines, que les meneurs puisent leurs instruments
pour exploiter leurs entreprises. Is ont ainsi fourni au monde un
fanatique plus insens6 et surtout plus brave que ses chefs: John
Brown, ce nouvel Erostrate, a pris la doctrine au sdrieux, et a
tent6 de s'en faire l'apotre sacrifi6, pour laisser son nom, d'une
maniere ou d'une autre, a la postdrit6.-Ce malheureux s'est jet6
a corps perdu dans la sotte cause d'une race stupide et lache, indigne d'une goutte du sang caucasien que l'on verse pour elle.
On a sanctifif, au Nord, la mort de John Brown; l'esprit de
parti en fait un martyr de l'humanit6.  I1 faut pourtant s'expliquer sur l'application de cet autre mot, quo l'on prodigue a tort
et i travers, ou selon les besoins de la cause.-On ne saura plus
bientot ce qu'il represente, excepte l'inverse de ce qu'il doit 6tre,
-C'est au nom de cette humanit6, que l'on tue aujourd'hui des
:blancs pour des noirs, - tout comme on emprisonne et fusille au
noa de la libert6.- Ces choses contradictoires peuvent, en effet,
avoir quelquefois leur raism d'etre, en faveur du grand nombre,
qui doivent en recueiir les effets. Mais, est-ce l~ le cas, chez le
noir, oiL;il n'y a rien a r6former que sa nature, ou la libert6 pr&
maturde sera un fardeau, sinin un malheur? L'apprdcie-t-il, la
liberte6? La ddsire-t-il? Saurait-il s'en rendre digne, comme les
blancs, par la conquete.?
Los, circonstances qui ont fait 6chouer le but de la conspiration
10
It 
( 74 )
de John Brown, sont tout Uni monde  d'exp6riences et do rdv6ations, a l'endroit de la nature et du cceur du nbgre.Que l'on en
juge.
Johnl Brown 6tait un abolitioniste pratique, dans le genre de
ce Montgomery, qui, dans les Etats du Sud-Ouest, a organis6 une
bande de guerillas, avec laquelle, depuis des anndea, il commet
des de6prddations et vole des nggres, dout il se fait des auxiliaires
pour ddvaster les propri6t6s. -On dit, cependant, que John
Brown faisait ce m6tier plutot par gout, par besoin de  satisfaire
son caractore aventureux, que par l'appat du lucre et du pillage.
Accordons le b6ndfice du doute a sa m6mroire.  Toujours est-il
qu'il dtit habile et routine6 dans l'art d'organiser un soul~vement.
Aussi, il avait choisi l'endroit le'plus propice, sous tous les rapports, pour etre le th6atre de ses exploits.
Harper's Ferry contient, comme on sait, un arsenal bien garni
d'armes et aussi bien real gard6 en temps de paix. I1 est, de plus,
situ6 sur la frontibre des Etats libres, et sur le sol des Etats h
eselaves, ou les nbgres dominent en nombre,- la Virginie et le
Maryland. En outre de ces avantages naturels, bien choisis par le
connaisseur flibustier, il avait encore l'avantage d'avoir affaire aux
nbgres les plus propres et les mieux prepares, d'entre tous les
esclaves, aux id6es de libert6,, vu ]cur contact constant avec los
noirs libres et les abolitionistes. C'cst dans ces dispositions favorables qu'il fit choix de 300 h 400 conjures noirs, organis6s et
disciplines parmi les nbgres d'6lite des environs; ils avaient chacun leur grade et leur poste.  Toutes les mesurcs 6taient donc
prises avec discernement; toutes ces combinaisons donnaient cr.
tainement plus des trois-quarts des chances au succes.-On devait
r~ussir, c'6tait infaillible: on s'emparait de l'arsenal; on armait
les ngrTes en gdndr,4 et au fioyen de lignes dtablies d'habitation
en habitation, on enveloppait les deux Etats dosarm6s, sans d6fense, d'un r6seau de bayonnettes; on massacrait tout venant;
on s'emparait des propridtds, et on dictait des lois; on renouvelait
enfin les 6v6nements de Saint-Domingue, et ici, comme la-bas, la
victoire 4tait gagn6e pour les negres et les abolitionistes. Qu'en
auraient-ils fait, c'est une question. Mais la victoire ne devait 
( 75 )
p)as venir.  J. Brown avait oubli6 le prhicipal, c'est qu'il avait
affaire a des demi-brutes.
Enfin, le grand jour arriva; rien e manquait, il n'y avait plus
qu'a s'avancer, aucune r6sistance sdrieuse ne devait s'opposer -
la prise de l'Arsenal; l'heure du moment de6cisif sonna: le signal
de la re'volte fut donue. La masse des conjur6s devait se montrer. Eh bien! il en vint 18 en tout, et ils s'enfuirent au premier
coup de fen! John Brown et ses deux on trois lieutenants blancs,
furent pris, en combattant, par les habitants. John s'6tait couvert
d'une triste gloire et de cruelles blessures. II fut jugd et pendu
avec ses acolytes, malgrd les cris irrdfl6chis d'un grand po6te fran;ais, en exil.
N'est-ce pas la. une pierre d'achoppement ddoisive sur la valeur
de cette race? N'est-ce pas tout un enseignement, tonte une preuve
irrd6fragable quc ces ~tres sont a leur place, et que ce serait un
malheur qLe de les en retirer avant qu'ils le sachent faire euxmemes? Pent-on soutenir que Dieu a fait les hommes dgaux et
libres en naissant? Si Dieu avait voulu la libertd et l'6galit6 des
negres, il leur aurait fourni les moyens de s'en rendre dignes; il
leur aurait donn6 les facnltds qu'il a donn6 aux blancs, qui surent
conqudrir leur libert6, et en faire un bon usage. Les blancs n'ont
jamais dte ni sauvages, ni laches, ni stupides: Dieu a done voulu
les douer d'une mani6ere manifeste. Sur quoi s'appuie-t-on pour
prouver que le Crdateur a faittous les humains dgaux indistinctement et ai son image? Que l'on rdponde avec des preuves patentes,
et non avec des sentiments, des abstractions, et des syst^mes d'imagination.- On ne peut pas meme invoquer les lois de Moiso;
elles reglent l'esclavage au nom du Seigneur. Dieu a done voulu
faire l'indgalite et l'assujettissement des infdrieurs aux supdrieurs.
N'est-il pas au moins orgueill~ux a l'homm deo se proclamer d'avoir dtd fait ai l'image dg Dieu? Cette image est done faite de
toutes les couleurs, animde de toutes s6rtes d'intelligences, encadrde et varioe a l'infini de toutes 16s ddfectuositds morales et physiques des crdatures humaines. Si le blanc s'adjuge a lui seul le
privildge d'avoir 6td fait a l'image de Dieu, il reconnait done par
ce fait les infdrioritds des espices disgrac6des, auxquelles il donne 
( 76 )
le"nom d&hommes? Rioen n'est donc plus faux oet plus inconseq'uent
de dire, que les hommes sont tous 6gaux, tandis' qite l'on gapproprie individuellement tous los titres possibles' de la' slpariorit;
Si le Crdateur avait jugs convenable de satisfaire les 6galitiires ai systbme, aurait-il fait cette gradatiofi de l'espbce humainey
qul commence par l'ourang-outang qui, d'aprbs le grand Linn6,
et une espece d'homme (homo troglodytes)? Cet homme sauvage
deg iles Moluques,' ressemble en tous points a l'homme noir Africaia; celui-i ressemble a l'Iomine rouge d'Amdrique;- ce dernier
ressemble a l'hlomme jaune d'Asie. qui, enfin, ressemble au blanc
d'Europe. Cette gradation  est dans l'6tat moral comme dans le
rbgne physique.-En supposant, avec les anciens, que les hommes
soienit issus primitivement d'une souchlie dgalement quadrumane
pour tous; pourquoi alors, Dieu aurait-il donn6 aux uns les fa.
cult6s de perfectionnement qu'il a refusd  aux autres, a ceux qui
sont restds en arriere? Ce serait encore de l'indgalit6 manifeste,
et les hornrmes ont du, en tous les cas, y baser, y calquer forcdmenDt
leur 0rganisation sociale. G'est done a tort que l'on veut prouvei
que les inmgalit6s sont le fait des. vices et. de la perversion dehommes; au contraire, ils out subi durement une loi naturelile
il ont obei aux vues harmoniques du grand artiste universal.
1I 6st bien  rgueilleux, bien tdmbraire l'homme, de crfoire qu"il a,
at% Sill'!r la tvt~e, Ats  tr, lassg~jti a auculip ioi r-a~t~uTPIII et
prdclitner qu'iI lul est permis de rdgler sa destinde selon sa fantaisiei; en ddtri-tant le reniversement du systbme divin, par lequ'e
..
il est Si invinciblement r6gi avant tout.
Li plu'part des liommnes ne sont malheureux q4,ie parce' qi'ils
pdiibit fanx; cons'quemnment, la plupart des igalheurs n'arrivent
qu'6 a'r-ee  uie les actions des hommes portent a faux.
En effbt,'in voit-n pas encore; 6hez les Amdricains, un nouvn.
et fri st6 e:e? Voila un p'eaple jeune; intelligent, dnergiqte,
qui gspille son temps, s,6  libei-tgs, son lonneur et s'on sana, i
propos des principes leo plus fabx du ionde.  ii e,t vrai de dire
qui;e thez la plunpart doe ces ombattants. c6eSt le jeou do 1a sp6ctcieltion: le principe est absent; ii n'y a qu'un prttexte.-Mis
en' i-il tmoins pitoyable de Voir ainsi'rifier n'r  pre  dperte  
( 7 )
sang noble, de l'intelligence et dua courage, ei fav-eur d'une irac
sans ime, sans dignit6, sans caractbre, tandis que nous avons tant
de nobles cceurs, tant de vaillants hommes, tant de frieres enfin
qui sont dignes de la libert6 et qui ne l'ont pas!  Quo fait-on do
cette noble' Pologne?  On la rabat a coups do ba;ionnette, quand
elle l6-Ve un genou vers la libert! on 6touffe son cri de detresse
par la voix du canon, qui la mitraille; on y fauche les totes qui
revent la r6surection nationale; on noie ainsi la pens6e de libert6
dans le sang.-Les chevaux et les lances cosaques pie,tinent et
4ventrent le peuple, qui veut etre libre!
Pour aider le courage de la Pologne, de la iHongrie et de Venise, pas de John Brown, pas de Greeley, par de Gerrit Smith
pas de ministres protestants, pas d'humanitaires am6ricains ni
anglais. Mais pour la race africaine, incapable d'otre autre chose
qu'esclave, pour celle-la. le carnage, la ruine et le malheur des
blancs.  Voila ce que, de nos jours, on appelle faire de  l'humanitO.  L'esclava.ge des noirs ddshonore  l'humanit6, dit-onI
Alors, que font donc le servage et le meurtre des blancs?
III.
L'ignorance dans laquelle sont rest6s la plupart des Europ6ens, sur la nature du negre, n'est pas un des moindres agents
de 1'abolitionisme.  Ainsi, on entend dire snrieusement, en Europe, que les Africains se lveront un jour, et qu'ils auront'leur
page' dans l'histoire des nations civilis6es!
On ne demanderait pas mieux que cola fut possible; personne
n'aurait i objecter d'admettre que les Africainrs sont exactement
des hommoS 6gaux aux blancs, ou memc seulement des gens capables de se gouverner librement, sans danger pour personne; mais
t6us les systmine de la m6t physique, tous les sentiments gdn6reui et toutes led analses ce l'iddologie du monde ne pourront
pai  Chnge'r la *drit6.  Malgrr la bonne  volont6 de tout le
mnnde blanc, le monde noir n'n  sera pas moins  un  monde
disgracid, infdrieur en tous points aux autres races, —et par constquent ineapable d'avoir'et de jouir des privilges rdserv6s aux
blancs, jusq'k eeo que lqdentifibatioh ot 1a rgg6ndration soient
accomplies.
4 
( 48 )
Un  cri vain a fait paraltre, derniriement,  I Paris, un pamnphlet
intitul6: " Un grand peuple qui se relive", a propos de la guerre
civile des Amdricains qui, selon l'auteur, aurait pour but I'aboli tion de l'esclavage.
D'abord, le peuple  americain'd6tait-nullement tombs, ni
abaiss6, en quoi que ce soit, avant cette guerre, au contraire; il
n'avait donc pas a sc relever.
Un pouple libre ne se releve pas en se ddtruisant; et loin de
s'dlever, en se faisant la guerre, en mnsusant de sa Constitution
et de ses libertes, il se ravale, il se d6slhonore, il se rapetisso,
quand toutefois il ne s'annihile pas, comme les Grecs et les Romains!  Une nation ddmocratique, qui est tombde dans l'esprit
de faction, qui a substitu6 la force a la justice, une nation, enfin,
dont le Nord veut drvorer le Sud, n'est plus un peuple libre,
n'est plus un grand peuple; et loin de se relever, il s'engloutit
dans l'immense tombeau des rdpubliques anciennes et modernes!
L'auteur du pamphlet en question s'est diamdtralement tromp6.
Le peuple amdricain n'avait rien a diviser, rien a ddtruire, rien.
renverser; au contraire, il avait tons les avantages possibles rdunis dans scs mains pour d6velopper les ressources de son immense
territoire et de ses belles institutions. Jamais peuple ne fut plus
heureusement dou6, sous tous les rapports, que le peuple amnricain; mais la fortune retire ses faveurs a ceux qui ne la respec.
tent pas.
Si l'auteur en question a cru voir un nouveau bonheur ai accu.
muanler pour le pays, dans l'abolition de l'esclavage, il s'est laissd
entrainer dans l'erreur du mirage.-Ce serait l'abolition du pen
de bonheur qu'ont les blancs et les noirs, sur le continent, et rien
de plus. Ce serait, en revanche. de nouvelles scissions et de
nouvelles discordes infinies.-Les Etats-Unis en deviendraient ce
qu'est le Mexique depuR pris d'un demi-siecle: ils tomberaient
dans une guerre civile inddfinie; et cependant, les Mexicains n'ont
pas la question de l'esclavage pour les diviser.-Ils out derdt6
l'abolition de l'esclavage *n se rendant inddpendants de'Espagne  en sont-ils plus heureux?  Y a-t-il an monde un  pays
plus riche, et un peuple plus misdrable, plus abatardi? 
( 79 )
Pense-t-on, serieusement, que l'annihilation politique de I'escla
rage des noirs l'abolira de fait?  Pense-ton que les n~gres, une
fois libres, tout le monde en sera plus heureux, l'humanit6 plus
honorde et le peuple am6ricain plus grand? En quoi ces rdsultats
pourraient-ils se produire?  Sur quoi base t-on cetto hypothseo?
Sur le changement d'un mot. d'un nom! Peut-on, sincbrement, logi quement croire, proposer la suppression d'un malheur reel, effectif,
par la suppression de l'esclavage? Peut-on, enfin, d6montrer les
avantages et le bonheur, qui prendront la place de ce pr6tendu
m,lheur de l'humanit6?-On abuse d'une strange manibre du lan gage; on pervertit a volont6 le bon sens, la raison, par des mots
. effet et des theories a systbme, et cependant, on ne peut pas
prouver le premier point important, qui est de savoir si, en rcalit6, l'esclavage des noirs est un plus grand mal que l'abus de la
libert6 des blancs. —L'esclavage des noirs est une cons(quence
naturelle, avant d'etre un malheur, —s'il en est un.' I1 est inh6
rent a la nature, comme les souffrances le sont a l'existence de
l'homme.  Peut-on supprimer les souffrances naturelles de l'hom
me? Peut-on supprimer les inegalites lumainles? Eli bien, la',
comme dans l'esclavage des nioirs, on peut tout au plus en changer le nom, mais on u'en supprimera jamais le fait, avant que la
nature ne l'ait ordonne.-Tout ce qu'on pent ct doit faire sur la
terre, c'est d'am6liorer la oil il y a lieu; c'est d'aider ceux qui
demandent a etre aides, et d'abolir enfin les vrais maux, qui
santent aux yeux, avant d'abolir cc qui est relativement bien, ou
du moins ce dont le mal n'est pas prouve.
Pour en finir avec le pamphlet d'Un gravid peuple qui se relive,
nous lui demanderons ce que l'on penserait d'un Americain qui
irait ddclarer que l'institution de l'armbe frangaise est un deshonneur pour lhumanit6, et qu  l'empire qui s'eln sert cormme instru
ment destructeur est ut peuple immoral et abaiss6?
Le peup]e fran~ais serait-il plus grand qu'il ne l'est, en reinversant ses institutions? Se relb6erait-il, en detruisant le gouvernement qui l'a fait plus grand qu'il ne l'a jamais ( t?
Eh bien, l'institution dp l'esclavage, chez le peuple ainmricain,
a et6 an instrument de grandeur et de prosperite' pour los EtatsUnis, dans un ordrc qui est, certes, non mooims appr6ciablc que 
( so )
l'institution de l'armne et.de l'empire pour la France.-Et cepen.
dant, dans ces deux points de comparaison, il y a certainement
dles abus, d'un cot6 comnme de l'autre, qui, d'aprbs les abstractions
id6ologiques, ne devraient pas exister sur la terre. -A ceopoint
de vue-la, l'homnme serait le premier a etre supprim6 du globe,.car
il en est le premier flau.
Les-Am6rica;.ins abolitionistes qui se posent si fort, aujourdihui,
en Don-Quichottes pour la li)berte6 des noirs, qu'ont-ils fait de la
libert6 et de la propri6et6 des Peaux-Rouges?  Les Indiens n'ont
pas voulu se laisser enchalner dans l'esclavage; Dieu leur avait
donne un sentiment de dignite d'homines, que l'on ne trouve pas
chez les noirs, et cependant, malgr6 leur mdrite int~ressant,'les
Indiens n'en sont pas moins pourchass6s et ddcimds a coups de
fusil, comme betes fauves, et leurs propriltes n'en sont pas moins
-prises et partagees par les blanes avides. - Quel enseignement
ne peut-on pas tirer de la conduite pass6e des. eavahisseurs?  Ne
serait-ce pas, aujourd'hui, une attaque nouvelle a la propridt6 des
riches planteurs du Sud, que cette guerre d'invasion? Cette que relle de noirs, ne serait-ee pas l'idde de faire aux maitre3 d'esela ves ce que l'on a fait avec les Indiens Peaux-Rouges?-I1 est.per mis de faire toutes les plus tristes rdflexions sur ]es assaillants
d'un pays qui ne demande quo sa libert6 et son. isolemnent, a part
de ses antagonistes declar6s. 
Le lib6ralismec des ablolitionistes americains, pour la libert6 des
.hommes, peut encore se peser par l'histoire du pass6, vis-a-vis du
Vieux-Monde.   Ont-ils jamais fait quelque chose pour aider a, la
liber t6 des blanes d'Europe, d'ou ils ont tir6 la lear?  Ont-ils
aid6 a l'affranchissement de la Grace? Ont-ils seulemeut dt..sym pathiques aux defenseurs de la Turquie, en Crimee? N'ont-ils pas
encore dt6 opposeaux armes libratrices de l'Italie?  N'at-on
pas lu, en tots temps, leurs ridicules prophdties stratdgiqu, ti roes de leurs sentiments -de jalousie contre les allies?  N'a-t-on
pas senti leur mecoyentement, leur depit du succds des Frangais
et des Pidmontais sur le Mincio comme a S6bastopole? N'ont-ils
pas, enfin, toujqurs 6t6 en faveur de la Russie et do l'Autriche?
Pas merveille doune s'ils sont aujourd'hui Autrich.iens. et. Cosaqnes
vis-a-vis de leur propre pays! 
( s81 )
IV.
II est ais6 a l'Europe d'~tre abolitioniste et de crier a l'horreut
sur l'esclavagoe, dont elle ne connait l'application que par ouidire; il lui est facile d'y o.tre opposde, car elle n'en sent pas la
ndcessito, ni meme les bicufaits, dont cependant elle jouit plus que
toute autre, peut-atre sans s'en rendre compte. En effet, elle recueille tons los avantages de l'esclavage, sans en  6prouver ni les
inconv6nients, ni les risques, ni la responsabilit6.  Ce n'est pas
une petite tache, que d'avoir une telle race sous sa tutelle.-C'est
pourtant en raisoni de l'esclavage, qui d6veloppe les richesses du
pays, que l'Europe fait un commeirce Si immense avec l'Amdrique.
-C'est avoc le Nouveat-Monde que l'Europe emploie et fait vivre
la moiti6 de sa population, surtout la France, demunie de ressources coloniales. Sans l'esclavage, que serait l'Am6rique? Quo
ferait-on avec ces immienses  territoires incultes?  Que l'on consulte la statistique Ci-jointe plus loin.
Que dcviendrait, en Europe, cotte population croissante, industrielle, encombree d'elle-meme et de ses produits, si elle n'avait
pas le continent am6ricain pour 6couler non-seulement ses produits presque forces, mais encore pour dipenser cette force qui
serait un danger sans l'emploi qu'en fait l'industrie?  Que feraitelle, sans los matibres premieres d'Amdrique, qui complbtent ses
moyens d'existence, par un va et vient d'absorption et d'impulsion?  Elle ne pourrait pas plus vivre sans ce mouvement d'echanges, quo sans l'action d'aspirer et de respirer.-I1 y a quatre
si~cles, avant la d6couverte de l'Am6rique, l'Europe pouvait peutetre vivre, en partie, sur elle-meme; mais maintenant, elle ne 1e
pourrait plus. L'agglomdration de sa population et les 4changes
~tablis ont crY6 des liens et dW besoins de solidarit6 avec les pays
d'outre-mer, qu'elle ne pourrait pas briser,-ou bien alors si les
ddbouchb6s d'Amdrique venaient a manquer a l'Europe, le courant
des intdrets europdens aurait a,se rejeter, comme un reflux naturel, sur les Indes, trop monopolisies par l'Angleterre.  I1 n'est
donc pas trop de l'interot de celle-ci de fomenter los troubles qui
pourraient d6tourner ce conrant, en amenant une dicadence pa.
11 
( 82 )
reille a celle des Egyptiens, des Grecs et des Romains, au Nouveau-Monde.
Quant a la question humauitaire, il n'y a pas lieu, rdpdtons-le
encore, de l'invoquer a' l'endroit de la race africaine. Jamais
sentiments d'humanit6 ne furent placds plus mal a' propos, ni ne
furent portds plus a faux que sur les nugres d'Amdrique.  L'Eu.
rope ne se rend pas plus compte de co qu'est et comment est
cette race dans l'esclavage, que des avantages qu'elle en retire en
le conservant, ni de ceux qu'elle perdrait en le d6truisant.-Jamais la vyrit6, la rationality n'ont 6t6 plus violentdes, que dans
cette malencontreuse doctrine do l'abolitionisme.-Si toute l'E1urope pouvait se transporter en Am6rique, elle serait esclavagiste
apres huit jours; il n'y a que l'ignorance, la speculation et la
mauvaise foi qui, seules, peuvent arriver a pervertir le bon ses
a ce point chez les peuples lointains; et cependant, il n'y a pas
deux Frangais sur cent qui, apres avoir vu et observ6 l'application de l'esclavage, ne s'en retournent parfaitemnent, sincerement
convaincus que la chose a sa raison d'etro et qu'elle doit etre
pour le bien de tous.-Les Frangais sont cites ici, parce que ce
sont ceux qui n'y mettent ni parti-pris, ni mauvaise foi; parce
que le libdralisme et la lumiere ne leur font pas dif[ut.-  Tous
les autres peuples ont leurs raisons particulibres pour etre plus ou
moins abolitionistes,-selon leurs intdrets et leurs vues politi
ques.
Que manque-t-il, pour faire provaloir la viritd? De connaitre
les negres, de voir l'application de l'esclavage, et de citer des
exemples en fait d'expdriences d'6mancipation. Quo ceux qui le
peuv.ent viennent voir l'esclave et l'esclavage; ils y gagneront.
Quc ceux qui no le peuvent pas veuillent, au moins, examiner 4la
position des affranchis do la Jamaique, de Haiti et du Mexique,
et que l'on dis2 si, reeliement, la moralit6 et l'humanit6 y ont
gagn6 quelque chose, sans parler des progros mat6riels dont le
monde se trouvo priv6, a commencer par ces etres d6voyds, d.
sceuvr6s, sans valour et sans utilit6 sur la terre, du jour ou la
tutelle du blanc leur manque.
a 
Les abus qui dotruisent les bonnes institutions ont le fatal privilege de faire subsister lose
mauvaises.                     (LEMoNTEY.)
V.
Quant aux r'eformateurs d'Europe et ailleurs, qui veulent absolument exercer leur charitable imagination en faveur des nbgres
d'Ambrique, ne feraient-ils pas mieux de prendre a partie le mal
a sa racine, et d'aller civiliser les nigrcs en Afrique? Ils verront
la des maux rdels, des horreurs completes; ils pourront peut-etre
arriver a faire comprendre aux noirs qu'ils doivent travailler a
cultiver la terre en bon pbre de famille, pour nourrir leurs en
fants et leurs femmes, au lieu de les vendre et de les laisser pnrir;
qu'ils doivent se faire bons chr6tiens et paisibles citoyens, au
lieu de faire la guerre a leurs voisins et de manger les vaincus,
lorsqu'ils sont invendables!  Ils r6ussiront peut-etre a flechir la
~froce barbarie des petits despotes sauvages, tels que celui de
Dahomey, dont le palais est orn6 de milliers de cranes humains.
Sur leurs exhortations, ceux - ci consentiront sans doute a ne plus
faire d'hdcatombes de negres, pour montrer et faire craindre leur
puissance. - n est probable meme qu'ils donneront des  nbgres
pour rien, afin d'en faire des mercenaires, des d6crotteurs, etc.,
pour rapporter la civilisation d'Europe en Afrique.
Si les humanitaires trouvent que la rdussite est trop incertaine,
et les difficultcs trop dures, ils n'ont pas besoin d'aller si loin pour
exercer leur philantropie; Londres est un theatre immense, oles misbres et les ddpravations los plus hideuses sont sans fond.
Los mines de la Grande-Bretagne, avec les villes manufacturiores
telles que, Manchester, Biringham, etc., leur fourniront de la
besogne indpuisable. Ils y.verront des millions d'hommes blancs
dans l'esclavage de l'industrie, qui mangent a la moiti6 de leur
besoin; qui boivent du gin pour assouvir leur faim, et pour publier leurs maux dans l'abrutissement. Ils vivent de dix a quinze
ans de moins que la mofenne de l'existence de l'homme partout
ailleurs. - Le travail le plus opiniatre et los fatigues los plus 
( 84 )
destructives ne pouvait lenir fournir les inoyens de subvenir aux
besoins d'une demi-existence; perdant tout espoir de  pouvoir
jamais amdliorer leur sort quielque jour, ces proldtaircs se laissent
aller au docouragement, a l'ivrogneric, aux vices les plus immondes, trop heureux d'otre emport6s, bien vite, du milieu d'une
lbpre sociale, dont ils sont a' la fois sujets et victimes. L'Angleterre est le pays oi les extremes de la misbre et de la richesse,
sont le plus scandaleusement accouples. Sa richesso territoriale
est entre les mains do quelques-uns; la richesse mercantile entre
les mains d'un nombre moyen;  mais la majorit6 est entre les
griffes de la misere. Le paup6risme de l'Angleterre est le plus
grand, le plus grossier, et le plus immoral de toute l'Europe. La
mendicit6 y est passde a l'6tat de profession, d'oit une certaine
classe d'individus ne peut pas sortir. C'est hdrdditaire.-Ainsi,
ceux qui vivent exclusivement de l'aumone, dans les trois Royaumes-Unis, est de un individu sur six, c'est-a-dire que le sixibme
de la population de l'Angleterre est dans le dernier decgrd de l'indigence.
Le paupdrisme en France et en Allemagne, est de un individu
sur vingt; dans les Pays-Bas, de un sur sept; en Suisse, de un
sur dix; en Autriche et en Danemark, de un sur vingt-cinq, et
en Russie, de un sur cent. Le nombre total des individus qui
vivent de la mendicit6, en Europe, reprdsente la vingt-et-unibme
partie de la population. Ces chiffres sont puisds dans l'Economie
politique chretiene, de  1. de Villeneuve de Bargemont, et dans
les essais de P. Schmidt, sur la Population, les Salaires  et le
Pauperisme d'Europe.
Si les Anglais sont aussi philantropes qu'ils le proclament, en
faveur des noirs, on doit s'6tonner de ne pas les voir donner un
peu de cette sollicitule a ceux de leurs nationaux, qui sont abrutis
par la misere et les vices; et cependant, la grndreuse Angleterre
paralt penser plus au bonheur des autres quia celui de ses propres
enfants. Elle ne veui pas que les Am6ricains se ddshonorent
plus longtemps par leur institution de l'esclavage; elle ne peut
pas soufrir que ls Frangais se ruinent dans leur folle entreprise,
en pergant l'isthme de Suez   par bienveillance pour ses amis, 
( 85 )
elle empechle ainsi l'ceuvre la plus grandiose des siecles, comnme elle
a empech6 naguere encore la r6'ussite de l'6tablisseiment projet(
sur l'unit6 des poids, mesures et {aleurs monetaires, et cela au
moyen d'une sortie sarcastique que lord Brougham a cru etre trbs
spirituelle et bien placee, en faisant la remarqtie aux deldgues
americains, MM. Dallas et Longstreet, que la, parmi eux, a ce
Congres international, sidgeait aussi un nbgre d6ldgud par son
pays. Devant cette remarque, trouv6e insultante, les Reprdsentants des Etats-Unis se sont retires, et le Congres international
fut rompu. Est-il bien permis a une nation, dont le sixiome de sa
population meurt de faim, d'aller faire de la fausse philantropie
chez des voisins ou la mendicit6 et la faim sont inconnues?  Que
fait-elle avec les coolies, les Indiens et les Irlandais, l'Angleterre? sinon des esclaves.
Les coolies sont des Hindous d'une caste infbrieure, dont les Anglais proclament eux-memes l'infmriorit6 et l'in6galit6. En cons6quence, ils ont des agents recruteurs dans los Indes orientales, qui
cmbauchent les coolies par contrat, et par tout autre moyen, pour
les transporter, la plupart sans femmes, sans families, au travail
forc6 des possessions de Ia Grande-Bretagne.  Ces coolies remplacent avec tout avantage les nbgres; aux iles St-Maurice, ancienne'
Ile de France, de la Trinit6 et do la Jamamque, ils travaillent, 10
heures par jour, au salaire de 8 sous au maximum. S'il arrive
qu'ils ne travaillent pas, on les met a l'amende de cinq shelings,
et comme g~ndralement ils ne peuvent pas payer cette amende,
on les met en prison.
La transportation des coolies a remplac6 la traite des nbgres;
le travail forcd a remplac6 l'esclavage, et tout cela se pratique
sur une trbs vaste echelle, seulement tout se fait a petit bruit, afin
de ne pas 6veiller l'humanitsque d'ailleurs on tient occup6e aux
Etats-Unis, pour bien 4'autres raisons.
I resulte de cc ddguisement, qiue le negre  est suppjant6 aux
lIndes occidentales. Aussi y pgurrit-il dans sa crasso misore et
sa paresse naturelle.
L'Angleterre a trouv6'autant plus son avantage dans l'abolition de l'esclavage des noirs de ses iles, que les coolies travaillent 
( s6  )
mtieux et h meilleur mnarlch6, sans laisser la moindre responsabilt6
peser sur leurs maitres.-Les Anglais philantropes ont ainsi d6
couvert le moyen d'avoir lp bienfaits de l'esclavage, sans y rencontrer ses inconvenients.   S'il s'agissait de faire un relevd des
souffrances, des causes et des genres de mort chez les coolies des
Antilles anglaises, on y verrait de curieux d6tails a mettre en
opposition a la condition des noirs esclaves des Etats-Unis, I
commencer par le genre de suicide des mangeurs de terre.
Si les humanitaires sont rdellement humains, a cot6 de tout cela,
que ne s'occupent-ils d'abord de la classe non moins int6ressante,
sans doute, des populations laborieuses d'Europe qui, plus elles
travaillent, plus elles sont malheureuses, vu que leur d6gradation
et leur misere augmentent en raison directe des progrbs de leur
industrie. On peut v6rifier ce fait par le spectacle qu'offre tous
les grands centres manufacturiers.  I1 y a longtemps que l'6conomiste Malthus l'a ddmontr6 a son pays.-Voici, d'ailleurs, ce
que dit a ce sujet M. de Villeneuve de Bargemont, dans son
Economic politique.
Le ddveloppement de l'extreme indigence au sein des po -
" lations les plus nombreuses et des Etats les plus avanc6s dans
" les voies de l'industrie et de la civilisation moderne, et lIinqui& tude qui tourmente les classes ouvribres, sont des faits qu'il n'est
4n'est plus possible de contester; ils sont la plaie la plus dange reuse de la prande famille europdenne; ils sont dgalement les
phdnombnes les plus remarquables de l'epoque actuelle, car leur
apparition remonte a l'6re des progres que la philosophie, la
"politique et l'dconomie politique so vantent d'avoir obtenus au
profit de la civilisation.  Depuis un quart de sibcle seulement,
on aviit commentd a soup onner son existence; aujourd'ni
"le paupdrisuie mom  a nu ses colossales et hideuses propor"tions." "
0 
Le  fadatismo aveugle d'un sot,  n6me
honnute homme, peut cauler plus do maux que
les efforts de vingt fripons.     (GRIMM).
"Point de fanatisme plus dangereux qu(
celui de lhypocrisie."'
VI.
Platon, qui lui-mne fut accidentellement esclave, dit, avec
Ariutote, que l'esclavage, de leur temps, dtait une ndcessitd politique. De nos jours, celui des ngres est une n6cessit6 sociale pour
les blancs, et une.nessit6 civilisatrice pour les noirs. Et encore,
cette necessitd n'a-t-elle rien de dur, rien de cruel.  Les rdsultats
qu'on en obtient sont rdellement obtenus a bon march6 pour la
morale et l'humanit6 qui, certes, ne rencontrent pas, dans l'esclavage, la centibme partie des atteintes qu'elles regoivent dans ie
proldtariat libre.-Les proldtaires blancs et les esclaves noirs
sont, a tout prendre, comme le dit S6n/que, a propos des esclaves
romains, des mercenaires a perp6tuit6. 
On fait rdellement beaucoup de bruit pour rien, pour un mot.
Le nom de l'esclav-,ge, chez les noirs, en est le seul ddsagr6ment. Pour peu que l'on veuille se donner la peine d'examiner
serieusement la question, on verra qu'il en est ainsi, et que l'on a
6t6 dupe de ces courants de fausses opinions et de ces inexplicables prdjugds, qui masquent le vrai, qui ddtruisent le bien dans
l'intdret partiel de quelque politique prddominante sadhant exploiter l'erreur. Certes, il n'y a pas d6ja trop de bien sur la terre,
pour qu'on se le cache ou qu'on se le rende odieux, en s'appuyant
sur des ddtails. I1 y a bien assez de maux rdels, chez les blancs,
sans en chercher d'imaginairo chez les noirs.
C'est a tort que l'Eutope croit que la guerre civile des EtatsUnis a pour cause primordiale l'esclavage: il en est tout au plus
le pretexte. Son abolition peut dsulter de cette guerre, mais ce
no sera que d'une fagon accidentelle, comme. bien d'autres dvdne-'
ments qui surgiront, sans doute, de ce conflit d'iddes, d'intdr6ts,
d'opinions et de passions formant une confusion tellement ddrai 
( ss )
sonnab!le et emlobrouillde qu'on ne pett y voir qu'un immense arnas
de sottises hliumainies, accumul6es depuis pres d'un siecle.-Dans
un pays oil la populationuest eomipos6e de toutes sortes d'dld6ments,
avec des lois sans force et un pouvoir sans unit6. d'action, on pourait bien pr-voir ce clioc, sans qu'il y ait pour cela l'esclavage
pour motif.  Les peuples, comme les individus, savent bien trouver
des sujets de querelles, quand une fois la fievre des combats leur a
tournid la t6te; et cela d'autant plus, en Amerique, que l'Amdricain
est sous l'enopire d'un extrme bI)esoin de lutte. I1 lui faut de l'opposition quand mneme.-Aprbs avoir succomb6 dans ses tentatives
d'acces aux positions administratives, ou aprbs avoir dtd ddfait dans
ses luttes parlementaires, il inventc do nouveaux systbLmes, il confectionnc de nouveaux principes, comme il fait une machine a sa
convenance.  C'est ainsi quo los nouveaux partis se sont batis,depuis le parti de la tempdrance, qui vent qu'on ne boive que de
l'eau, jusqu'au parti du know-nothingisme, qui veut balayer les
droits politiques des populations d'origine dtrang/,re, sinon ellesmmems. De ces divers partis, l'abolitionismo a survdcu. I1 est compose des esprits los plus remnants du pays, des homme qui aprouvent, a' divers titres, le plus le besoim  de faire de l'antagonisme en
tout, mais principalement contr3 le Sud. Le Sud, adversaire rmal-'
grd lui, a voulu s'dchapper du terrain; mais le Nord, antagoniste,
vient de lui courir sus, et ne vent pas le lacher. De ce qui n'6tait
qu'une opposition parlemcntaire, on en a fait ainsi une guerre a
outrance.
C'est dans la longue lutte congressionnelle, graduellement grossie des exc6s prdcnrseurs de cette guerre, que l'on a pu juger de
l'incompdtence du systemue politique des Etats-Unis pour maintenir
l'Union.-L'Union, sans l'unit6, atait. elle possible? Pourait-on la
gudrir de ses premieres blessures? Pouvait-on la sauver des dernires atteiptes? Non; aucnne puissance humaine ne reconstituera
une chose qui est anti-naturelle dans son organisation.-I1 a
manqu6 a l'Union, entre antres choses, une soupape de suret6 et
un cheval de fougue, qnu? pussent operer la d6perdition salutaire
des forces de ce jeune peujile, malade de trop de santd, gatd de
trop de bonheur.' 
( 89 )
Cette maladie a pdndtr6 partout. Des masses populaires, elle
sest glisse dans le corps politique, puis dans le corps religieux,
pour retomber sur le corps social.-Le renversement, le desordre,
la demolition des lois, la subversion des principes, sont dans tout
et partout.-Ne voit-on pas des ministres do la religion du
Christ transformer leur chaire dvangelique en tribune politique?
Ne sont-ils pas les tribuns du peuple, les chauffeurs de la guerre
civile?
Depuis des anndes, on a pu entendre, dans les dglises, les 6lucubrations les plus anti-religieuses, les plus rdvolutionnaires possibles.  Non-seulement le fanatisme interprate a sa fagon et a sa
convenance les lois de la Bible; non-seulement ce qui avait dt6
considdr6 jusque-la  comme les vues de la Providence est touta-coup doclar6 blamable, hais encore, apres toutes les abrogations possibles des lois reoues, ces nouveaux ldgislateurs confectionnent et ddcrbtent, au nom de la theologie, les plus hautes lois
divines, leosois supremes, qui ddsormais domineront toutes les
lois humaines, en genrral, et la Constitution des Etats-Unis en
particulier.
L'histoire religieuse raconte comment on a bruld, dans le temps,
des hommes tout vifs, pour avoir voulu prouver l'illdgalitd de ces
sortes d'exces thdocratiques. L'iistoire politique rapporte qu'un
monarque a paye de sa tete de moindres atteintes portdes a la
Constitution anglaise, que celles de M.  Lincoln et Cie A la
Constitution des Etats-Unis.
C'est dans les cruelles epreuves de ces crises populaires, qu'en
fait de religion on peut juger le bon grain d'avec l'ivraie: on
voit d'oui vient l'exercice pratique des maximes dvangdliques de
la charite et de la conciliation, que le christianisme enseigne."Les plus grands maux vienent  souvent de  l'abus des plus
grands biens: la religign et la liberte", a dit un philosophe.
On est arrived a pervertir tant de choses, en Amorique, que les
lois religieuses sont, comme les kutres rogles, appliqudes a& l'usage
et a la convenance des partis.-Le parti du Nord veut attaquer et
forcer le Sud a rester son associd; il trouve dans la Constitution
le droit de tout faire a ce sujet, et d'otre approuvd par la populace.
12 
( 90 )
Les preatres de l'abolitionisme veulent la destruction de Ia pro
priet6 du SuLd;  ils trouvent une maniere d'interpr6ter la Bible7
qui leur permettra de tout commettre, en tout repos do conscience.
La Constitution n'est plus, ainsi, qu'un grand acte d'iniquit6
et d'iilelgalit6, oil chacun puise des  atrmes a sa taille; la Bible
n'est plus qu'un codex a prescriptions diverses pour gudrir d'avance tons loes maux de la perversion, pour absoudre toutes les hdr6sies, ct, enfin, les grandcls et illustres patriotes, ah commencer par
Washington, ne sont plus que des faiseurs, qui n'ont fait qu'une
Constitution qui tourne a tons les vents. Ils ne sont plus que des
grands criminuels, vu qu'ils out eu des esclaves! crime  prevu ot
condamnd par la plus haute loi des puritains de la Nouvelle-Angleterre, poumiwoycurs et aumoniers de  arr6ode des abolitionlistes.
I1 est bon de citer ici un des I)receptes des lois de Moise, qui
fait la base des 6ldgislations divines et hunmaines:
Non cozlcupitces domumrn  proximi  tui, nec cesider(is uxorem
eyus non servum, non ancillamn, non bovtem, non asinum, nec omnia
quo illius sunt.
Tu n'envieras pas la maison de ton prochain; tu ne ddsireras
pas sa femme, ni son esclave, ni sa servante, ni son bceuf, ni son
ane, ni rien de ce qui lui appartient.       (EXODE, Chap. 20).
Qui ergo solverit unum de mandatis istis minimis, et docuerit sic
homines minimus vocabitur in regno colorum, etc.
Celui qui violera un de cos moindres commandements, et quli
apprendra aux homrnmes a los violer, scra le dernier dans le
royaume des cieux, etc.              (ST-IMATHIEU, Chap. ~).
D'oii les pratres abolitionistes prennent-ils leur autorit6 pour
faire les plus hautes lois? C'est en faisant venir le vieux Satan
sur la terre, dais loeud; c'est 1l, qu'avec les hommes, il a fait
un contrat, par lequel l'enfer permettrait l'institution de l'escla.
vage, mais en y conservantla plus hlaute juridiction. I1 fallait done
faire les plus liautes loil, pour renverser lc contrat pass6 entre le
Sud et l'enfer!
Los 6lucubrations les plus renvcrsantcs roulent ainsi dans los 
(91)
cglises, au grand 6bahissement des fiddles, sur le "' Covenant
withI hell!
I faut dire aussi, pour l'intelligence du sujet, que les grands
pretres ne montent en chaire sur cc grand point, que moyennant
une redevance de 25 cents d'entrie! Le jour de ces grandes
seances s'annonce, a son de trompe, par la voie des journaux
abolitionistes, et les masses d'Irlandais, d'ignorants et d'affamds,
de toutes sortes, accourent se rassasier de la parole du Seigneur,
dans sa maison, a 25 sous le cachet! Cette nouvelle industrie est
trbs-fiorissante a New-York. La Compagnie Beecher et consorts,
qui l'exploite, est dans une position prospere; elle a fonds des
succursales dans les autres villes du Nord.  Les speakers  des
premiers roles y font des tourndes trbs profitables;-le prix est
le meme partout. Les th4atres ne sont pas contents; ils vont r6clamer.  Mais le bon peuple est sous le charme; il portera quand
meme ses 25 sous aux dloquents revolutionnaires thdologiens, qui
font la guerre a l'enfer.
Servi, subditi estote in omni timorg dominis, etc.
Esclaves, soyez soumis, avec toutes sortes de craintes, a vos
maitres, etc.                               (ST-PIERRE.)
e
a
t 
Les jalousies de famille,'envie des richesses, la haine du passe, les convoitises des
contrees fertiles, font les Cains modernes.
VII.
L'esclavage des noirs en Amnrique, r6pdtons-le, est non-seulement le fruit de la civilisation et du christianisme, mais il en est
aussi un des plus puissants agents propagateurs. En effet, le travail fait sortir une partie des in6puisables richesses du sol amnricain; ces produits 6tablissent des courants d'echanges avec les
contrdes lointaines; ce commerce rapproche les peuples,-croise
et identifie les iddes,-fait mouvoir les masses; il fait enfin connaitre et fusionner les races de la grande famille humaine. C'est
ainsi que le commerce, ddvelopp6 par l'agence de l'esclavage,
contribue puissamment au grand mouvement qui fait marcher
le monde vers l'unit6 et l'identification universelle de tous les
peuples. Et tout cela, en leur apportant le bien-etre des produits
de la telrre, et les bienfaits de la civilisation et de la foi.
A quoi les Americains doivent-ils d'avoir ces milliers de navires, qui circulent sur tous les points du globe, avec un tonnage
de plus de cinq millions de tonnes? N'est-ce pas~ au d6veloppement et a la prospdritd de leur agriculture?  L'agriculture n'estelle pas la source de tous les autres ddveloppements, de tous les
autres genres de prospdrit6?
Que peut-on raisonnablement demander de plus? Que pouvaientils ddsirer encore, les Americains? L'homme a des facultds si
faibles, que la plupart de ses actions portent a faux; mais il a aussi
un orgueil si grand, qu'il faut qu'il fasse la guerre a quelque chose,
a quelqu'un, a la natue, a son bonheur, a lui-meme enfin. II n'a de
respect pour rien; il n'6pargne personne: c'est un casse-cou. Encore un pas, et le peuple am ricain sera rdtrograd6 derriere sos
insulaires primitifs; et Gependant, il se dit le plus civilis6! il se
proclame le plus 6clair6 des peuples du monde!  I l'imprime sur
ses cartes de gdogrphliie, a l'endroit de l'ethnographie I
Quand une fois les sophismes et l'esprit de parti se sont empards 
( 93 )
du temperament d'un peuple, on peut s'attendre a. toutes les sub versions; le mal devient le bien; le faux, le vrai; la libert4, le
despotisme. Les Americains du Nord ne parlent plus que d'em'
prisonnement et de pendaison da)is leurs discours, dans la presse,
et jusque en plein Congres! Encore un moment, et l'inquisition
et la torture seront r6tablis. Et cela, parce que des Etats indd pendants et l6galement souverains ne veulent plus vivre dans leur
compagnie!
Le peuple qui se faisait passer pour le plus respectueux obser vateur des lois religieuses et de la Constitution, est le premier qui
donne l'exemple des plus iniques et des plus flagrantes violations
en tous genres.-La Constitution n'a jamais permis ni autoris6 le
President a faire la guerre, ni a decreter les blocus, ni a lever
des troupes, et encore moins a op6rer l'invasion arm6e d'aucun
des Etats qui veulent se retirer paisiblement, sans rivolte, sans
attaque contre qui ou quoi que ce soit.  En outre du grand prinu
cipe qui 6tablit que les gouvernements ne tirent leur autorit6
legitime que du consentement des gouvernds, la Constitution
a encore pr6vu le cas 6ventuel de la separation; elle s'opposo
explicitement a ce qu'aucune mesure de coercition ne soit appliqu6e aux Etats qui se soustrairaient a l'autorit6 f~ddrale qui,
comme on le sait, n'est qu'une autoritd des plus relativeslet simplement de pure forme, quant aux questions d'intdrieur. En effet,
le Congrbs ou l'Executif qui, vis-a-vis des puissances 6trangbres,
peut envoyer des ambassadeurs, contracter des emprunts, conclure
des trait6s de paix et de commerce, et d6clarer la guerre, ce meme pouvoir, vis-a-vis de l'intrieur, ne peut rien ordonner au gouverneur d'un Etat, ni meme au maire d'une ville; il est absolument
sans pouvoir sur les gouvernements respectifs des Etats: il les reprdsente, mais il ne les commode pas. Ainsi est organisle la dS
mocratie am6ricaine, qu se rdsume dans un seul mot: "self-government", le gouvernement de soi-mraec, c'est-a-dire la division en
principe. Pourquoi se plainire, alors, de son application
pratique? 
Servus et ancilla sint vobis de nationibus
q,;e in circuitu vestro sunt.
Ayez des esclaves et des servantes pris
parmi les nations qui sont autour de vous.
([LrvETIQUC, Chap. XXV).
Le terrorisme promit l 6galit6 de fait, et
ia donna dans lo comnmun esclavage.
(FERGUSsoN).
I1 n'y a qu'ino seule egalite qui d6pende
de Fhornmme: c'est celle des vertus.
(DE MALESHIERBES).
VIII.
Si la nature avait crY6 tons les liommes libres et 6gaux, pourquoi aurait-ellc donn6 aux Lnns tout ce qu'il faut pour etre libres
et sup6rieuLrs, et aux autres tout ce qui est ndcessaire pour etre
infdrieurs et esclaves?  Peut-on voir une preuve plus manifeste
de cette difference, qu'cntre un noir et un blanc?-Les traditions
et les lois les plLis ancienncs niontrelt que l'indgalit6 et l'esclavago ont exists de tous temps. —Moise et les patriarches ont eu
des esclaves, les Grecs et les Romains, St-Pierre et St-Paul out
eu des esclaves blancs, leurs pairs, et cependant ce n'est pas cette
institution que l'on reproche aux temps et aux civilisateurs anciens.- Et de nos jours, est-ce meme, a propos des noirs, une
faute, en comparaisonl des crimes et des infamies qui se commettent ailleurs, sous d'autres noms? Si l'esclavage est un abus, c'est
un des moindres que le monde supporte; c'est un de ceux qui ne
font de Aial a personne, qu'a ceux qui veulent bien s'en faire, par
la jalousie et la cupidft6. Sur cent individus qui font partie de l'esclavage, il n'y en a lias deux qui en souffrent de fait. Mais admettons un iomnent,-pour faire la partie belle,-que Ia nmoitid des
csclaves solt mialicuret; leutr libdration los rendra-t-elle plus
heureux?  Qli pourra venir garantir co fait, et prendre cette
responsabilite'?  A-t-on bien le droit de bouleverser l'existence,
assurde et rdguli~re, des gens, sons le prdtexte  qu'il se peut 
( 95 )
qu'ils soient malheureux, pour les jeter dans l'inconnu, sans lenr
donner garantics que ce changement sera une amelioration rdelle?
Se plaignent-ils, demandent-ils qiwlque chose?  Certainemeut,
non; ils no craignent qu'une chose, par instinct, et ils ne se trom pent pas, c'est que toutes ces perturbations, de la part des blancs,
ne viennent, en fin de compte, les rendre miserables et persecut6s,
1a' oii ils sont heureux et tranquilles.
I1 est bien probable que le noir sera l'ane de la fable, si toutefois
l'affection des humanitaires n'arrive pas jusqua' l'exterminer.L'artiste de New-York qui a repr6sent6 le parti rdpublicain par
unbtucheron qui fend l'Union, avec une tete de negre pour maillet,
ne s'est pas trompe.
La traite est encore un mot dot on a fait un prijuge et ua
epouvantail, par toutes sortes d'expressions bizarres et boursoufles.  C'est un honteux trafic, en quoi?  11 y en a de bien plus
honteux a. dtruire dans la socidt6, on devrait bien commencer
par ceux-la. On a appele6 les negriers marchands de chair humaine; le besoin de faire des mots a effet pour faire passer des
abstractions est pouss6 jusqu'a  oublier tout esprit de logique
dans l'expression.  Ainsi on ne peut appeler chair, que celle qui,
inanimde, saignante, cst destinde en g6n6ral a etre mang6e; or,
loin que les n6griers en soient les marchands, ils en sont, au contraire, les lib6rateurs, vu quo les Afiicains se mettent en chair
eux-memes pour s'entre-d6vorer. Le christianisme et l'humanit6
d'il y a trois sibcles, n'y voyaient pas toutes ces finesses de l'abstraction; plus 6clair6s et plus honnetes qu'aujourd'hui, ils n'obdissaicnt pas alors a la politique d'un seul pays ou d'un parti sectionnel, les hommes ne s'arretaient pas devant les grandes phrases,
plus ou moins creuses, pour remplir leur devoir de chrdtiens et de
civilisateurs.  On n'a pas alors rencontre les haines, les jalousies,
l'egoisme qui seuls font moumir la question aujourd'hui. On s'est
dit, avec raison, que si res noirs etaient des hommes, ils ne devaient
pas vivre comrne des betes, et que  si les civilises 6taient des
chretiens, ils n'avaient pas  le droit de laisser des cr6atures huimaines vivre et perir dans la barbarie et l'anthliropophagie.
Mais ce qui etait alors un devoir, est devenu un crime aujourd'hui,
car les sentiments chanTenit avec les interets.
0
6 
( 96 )
On s'autorise de la philosophie pour pervertir l'action et le rdsultat de la traite. Eh bien, qu'on lise cette lettre de Voltaire.
Le philosophe de Ferney  6rivait a M. Michaud, armateur de
Nantes, a propos d'un intdrot de cinq mille livres, que celui-ci lui
donnai~ dans l'expddition d'un navire ndgrier, le Congo.
"Je me filicite avec vous du succs du navire le Congo, qui
est arriv6 fort a propos sur la cote d'Afrique, pour soustraire a
la mort tous ces malheureux noirs. Je sais d'ailleurs que les nbgres
embarqu6s sur vos batiments sont traitds avec autant de douceoir
que d'humanit6, et dans cette circonstance, j'ai k me rejouir d'avoir
fait une bonne affaire, en meme temps qu'une bonne action."
Voltaire ajoute, ailleurs, que l'esclavage est aussi ancien que
la guerre, et la guerre aussl ancienne que la nature humaine.
Le philosophe est, avec raison, oppos6 a l'esclavage des blancs
mais il est loin de s'opposer en rien contre l'esclavage des noirs.
La traite des noirs est l'abolition de leur barbarice; l'abolition
violente do leur esclavage transitoire serait l'rextinction de leur
bien-otre et de leur civilisation, tout en entrainant de grands ddsastres pour les blaucs. Tous auraient a souffrir et a perdre dans
la revolutiou de l'etat actuel des choses, sans que personne au
monde n'en retire le moindre avantage. I1 faut bien croire que les
Etats du Nord ont beaucoup de gens qui sont pour cet avis, d'alimenter l'esclavage, puisque tout ce qui se fait de traite pour lo
continent americain. s'opbre en grande partie par les soins de certains armateurs de la Nouvelle-Angleterre, de New-York et de
Philadelphie, dont les fins voilier3 et les habiles marins reussissent
mieux que quiconque, a mettre en d6faut la surveillance des croiseurs anglais sur la cote d'Afrique. Les Etats-Unis ont une trentaine de navires ndgriers, dont la plupart sortent rdgulibrement
des ports du Nord,pour aller desservir le Sud, l'ile de Cube,
Porto-Rico et le Brezil. A cot6 de la question d'humanit6, ces
armateurs et ces marins du Nord, ont encore, au moins, le bdn6ficee net de cinquante mile dollars, en moyenne, sur chaque voyage
raussi. Ces details raccourcis proviennent d'un capitaine frandais, n6grier, fait prisonnier et acquitt6 moyennant finance, il n'y
a pas long-temps.
0 
( 97 )
Les mots de traite et d'esclavage offusquent, il est vrai, de
manibre a ce que l'institution ddplaise. I1 suffit alors de rayer ces
mots du dictionnaire, et dire avec l1s Anglais a propos des coolies,
que ce n'est plus que la transportation des travailleurs et le travail force par contrat. L'abolitionisme et la Grande-Bretagne
trouvent toujours les bons tioyens pour sauver les apparences
qui choquent, et pour conserver le fond qui donne le bdn6fice reel.
Quand elle percevait un droit de 10 ~ sterling par chaque tete
de negre qui entrait dans ses colonies, qui sont aujourd'hui les
Etats-Unis, la philantropie britannique n'avait pas encore mis le
mot abolitionisme dans le dictionnaire de sa politique. Ce n'est
qu'apres avoir perdu les colonies et la taxe en question, qu'elle a
trouve le mot a l'aide duquel elle a contribu6 depuis a mettre le
fou chez ses cousins et amis d'Amdrique.
Le nigrophilisme de l'Angleterre a cn effet plus fait pour amenor la division des Etats-Unis, que les Amnricains eux-memes.
Elle a, depuis leur independance, conserv6 une dent contre eux
et des vues politiques sur leurs territoires. Les Etats-Unis et
r'Angleterre n'ont jamais 6t6 frauchement amis depuis leur ancienne rupture. La diplomatie anglaise, qui cherche plutot a diviser pour r6gner, qu'a unir et voir la prospdrit4 de ses voisins,,
vient enfin d'obtenir, pour ses efforts et ses desseins, une sorte do
satisfaction. Tous les potentats et les monarques d'Europe,
peuvent, a d'autres titres, se frotter les mains avec joie devoir les
r esultats de la ddmocratie rdpublicaine; mais l'Angleterre cherchera, sans doute, a tirer un parti pIus palpable de ces 6vdnements,
On en voit dnja remuer les symptomes; elle fait des speechs ad
hoc; elle concentre ses forces au Canada; elle surveille quelquo
chose qui pourrait bien-etre le monopole du coton des Etats du
Sud qui, peut-etre, a ce qu'lle espbre, viendront se mettre sous
sa protection, si la d6resse arrive; et puis, on ne sait pas, le hasard est si grand I Dans tous les cas, il est probable que l'Angleterre n'est plus abolitioniste ak l'heure qu'il est.   On ne fait parade de ces doctrines que jusqu'a la frontibre de l'int6ret. Quand
elle avait les colonies, elle n'6tait pas abolitioniste; ses navires
ne faisaient pas la guerre aux n6griers.  Donc, au moment oi un
13 
( 98 )'
rayon d'espoir colonial parait a l'hlorizon, on rengaine l'arme' de
la discorde.  N'a-ton pas deja entendu un noble lord s'amender,
en ddclarant dans un discouis que, toute rdflexion faite, les Americains du Sud ne pouvaicnt pas etre responsables de la qualit6,
ni de la nature de leur hlritage; que leurs pbres seuls dtaient les
ddlinquants envers ]cs lois de l'humanit6, et que vu l'absence de
ces derniers, ils se trouvaient exondrds, de fait, par les humains
survivants  N'a-t-on pas lu les correspondances de Russell au
Times, annon~ant que les Carolines comptent sur la Grande-Bretagne pour leur fournir un nonarque tout fait! C'est dnja un commencement qui prepare le revirement du public sur l'humanit6
britannique. On la connait, cette philanthropie, on l'a vue sur ses
affreux pontons faire mourir h petit feu les soldats et les marins
frangais, on l'a entendue mitrailler les iHindous, li4s par centaines
i la gueule des canons. L'Irlande peut en dire quelque chose de
l'humanitd anglaise, ainsi que les Indiens qu'elle tient dans les
fers sous les 200,000 bayonnettes des cypayes-cosaques. Peut-on
dire que le peuple indien est comme le nbgre, indigne de la libertd et de sa nationality?  Qu'6tait done cette dernibre r6volte
si ce n'est un cri de libert6, un supreme effort de resurrection que
l'Angleterre a 6touff6 et noy6 dans lc sang asiatique? On ne dira
pas que des abolitionistes quelconques avaient foment6, instigu6
cette revolte contre le despotisme anglais. N'est-ce pas encore a
force d'intrigantcs divisions semdes par elle qu'clle domine les
Indes?
N'est-il pas ddrisoire de voir une nation qui, soi-disant libdrale, va faire partout de la philantropic r6volutionnaire, quand
l'Irlande et l'Asie g6missent sous son oppression, quand elle dguise l'esclavage sous un autre nom, une autre couleur; quand
le 6bme de sa popultion mendie et meurt de degradation, et
quand elle fait.tout cnfin pour empecher l'accomplissement de
cette ceuvre immense  de progrbs,-  qui est le percement de
l'isthme de Suez.  Puisque l'Angleterre se proclame si humaine
et si libdrale, pourquoi ne le prouve-t-elle pas alors auprbs de la
Porte Ottomane q ui n'a rien a lui refuser pour empocher l'affaire
de Suez?-Pourquoi donc la clIlrtienne Angleterre n'use-t-elle pas 
( 99)
un peu de cette influence pour faire abolir Ta, en Turquie, ou elle
est comme chez elle, l'esclavage inutile, non-seulement des nigres,
mais celui des blancs, des Caucasiens sortant du berceau des peupies civiliss? Puis, il y a encore mieux a faiire pour la g6ndreuse
Angleterre: Pourquoi n'empeche-t-elle pas aussi la mutilation
honteuse de l'humanitd? Pourquoi donc enfin, ne fait-elle rien pour
mettre un terme a la castration! Certes, l'abolition de cette barbare pratique, qui,fait mutiler des hommes pour faire la sdcuritd
des plaisirs de la polygamie; l'abolition de cette accumulation de
hontes vaudrait aux yeux de l'humanit6, certainement, mieux
qua de faire massacrer des blancs pour le prdtendu bonheur des
noirs. Mais la charitable Angleterre n'y trouve rien ~ gagner;
a toutes ces rdformes, eIle fait comme les Yankees: elle porte
ses maximes humanitaires 1a ou il peut lci en revenir quelque
chose.
i
iill
;, 71,
i
I.
a
4 
Le despotisme democratique est le plus
insupportable. II tait pulluler les tyrans:
La democratie est le despotisme de la
populace. (VOLTAIRE.)
IX.
On pourrait croire, en Europe, que la d6nomination du parti r&
publicain indique le soutien d'une doctrine de rdpublicanisme,
comme on pourrait s'imaginer que le parti d6mocrate se compose
d'opinions et d'iddes democratiques.
On a raison de s'tonner, en effet, que dans une rdpublique ddmocratique, que personne ne songe a renverser, il y ait des partis
rdpublicains en opposition a des partis democrates, ayant tous une
base commune et acceptde telle. C'est qu'aux Etats-Unis, les
mots en politique, comme en bien d'autres choses, sont loin d'avoir
la valeur universellement reconnue des dictionnaires. On leur
donne ici une valeur et une convention locales auxquelles il faut
etre bien initie pour en saisir l'esprit.
Le parti democrate est, en fait, le parti conservateur; c'est le
parti national, tandis que le parti r6publicain. son antagoniste, est
le parti r6volutionnaire. C'est le parti sectionnel, issu et compos6
exclusivement d'hommes du Nord. Le parti rbpublicain, est une
ligue; son programme ou sa plateforme, c'est le mot, pour mon
ter au pouvoir avait pour but, avant les elections, de rallier tous
les interets de section, toutes les passions religicuses, tous les d6sirs d'ermplois, toutes les convoitises, toutes les speculations possibles.  It ei a fait un faisceau et a montr6 le pouvoir aux uns,
et les provinces du Sud aux autres comme e'tant la terre-promise.
Coest le ddcha^nemen# de la section Nord, voulant rdduire la sect,ionSud, sous l'absolutisme de ses iftirets passionnds, inexorables:
les tarifs olevos, la supr6matie des territoires, le monopole des
produits et du commerce meridionaux, la repulsion des nbgres,
la dictature des lois fbd6rales, ]'exclusion des hornmes politiques
du Sud, et enfin, l'annihliilation de son influence, afin d'en faire des
colonies, maclhines produisant et reproduisant avec docilitY, tous 
( 101 )
les avantages du Nord dictateur, et se soumettant humblement A
la merci de l'autocratie populo-rdpublicaine.
Le parti ddmocrate, au Nord, avat malhourcusement prot6 le
flanc, depuis longtemps, a son ennemi; apres avoir rdgnu si longtemps et si puissamment, il s'6tait ddmoralis6, us6, d6shonor6, par
uine longue suite d'abus de toutes sortes, 6tant au pouvoir.-Les
honnotes gens n'en voulaient plus; chacun demandait un changement, non de politique, mais d'administration; tout le monde
sentait l'extreme besoin d'une reforme radicale dans le corps politique, d'une r6gondration dans le corps social. La corruption
(tait partout;-on oprouvait instinctivement un profond ddgofit
a l'aspect de cette brutale populace de boxeurs, de speculateurs, de
meneurs salaries, l'effroi des honnotes gens, sur laq(uelle ce parti
soutenait, en dernier lieu, sa caducite. Cet 6tat de choses donna
de l'appui au parti r4publicain, qui sut s'en prdvaloir avec trop
de raison dans ses promesses d'avenir.  I1 vit donc ses rangs se
grossir des honnetes rdformistes: c'est ce qui lui a assur6 le succbs. Mais cette victoire devait coufiter chore au pays. Le peuple
ambricain est, aujourd'hui, bien moins puni pour s'etre jets dans
les bras d'un parti r6volutionnaire, que pour s'otre mis, par ses
excbs, dans la necessite absolue d'avoir besoin de rdformes.-La
punition est qu'il nie peut sortir de l'ipipasse rdvolutionnaire sans
la guerre, et qu'il ne trouvera son salut que par le sacrifice de
l'Union.-La separation seule peut encore assainir lc pays et retremper la nationalit6, dfit-elle otre meme divisdc en autant de
sections qu'il y a do partis: de deux maux il faut prendre le
moindre.   La guerre civile prend certainement moins s a source
dans l'esclavage, que dans la perversion des institutions et dans
l'abaissement du peuple. I1 y a bion loin, entre le peuple d'aujourd'hui et celui de Washingon et de Jefferson.-Le peuple des
patriotes otait compos6.d'hommes: c'est, aujourd'hui, un peuple
enfant, auquel i; faudrait l'autorite d'un pouvoir solide par l'unit6,
par la centralisation.  De  l'unit6 seule, peut sortir une autorit6
paternelle et ferme, qui sache faire pr6valoir ses grandes qualit6s
sur ses gros ddfauts. Sa jeunesse, sa turbulence, sa composition,
demandent l'application'un frein salutaire.  II lui faut une 
( 102 )
rigeneratio'i morale  pa' l'nergique application de la justice
et des lois de probit6. - Tout ce qui fait l'lionneur et la forco
d'une nation s'6teint a vue'ceil, depuis dix ans, aux Etats-Unis.
-Les lois ne pr~viennent et ne r6primcnt pas, et, par suite, le
relachement moral en est arriv6 a n'avoir plus de point d'arr6t.
-L'honnetet6 est aussi m6ritoire qu'elle est rare, car rien n'oblige et ne stimule la probit; - au contraire,-  l'argent obtenu
4' any how ", n'importe comment, tient lieu de toute moralith
intime, de toute consideration sociale.
Un honnete homme, aux Etats-Unis, peut se vanter qu'il en vaut
quatre en Europe, car il faut qu'il le soit bien foncierement pour
r4sister a la profitable facilit (le ne plus l'etre.-Aux Etats-Unis,
on met tous les jours son criancier au ddfi de se faire payer, et le
fait est que, du moment qu'un debiteur ne veut pas s'exdcuter, aucune puissance lihumaine ne l'y pourra forcer.-L'avocat le plus retors est mis en d6faut; lejuge le plus intbgre, le plus courageux, est
rdduit a l'impuissance devant les rbgles aussi complexes que contradictoires de la l6galit6 amdricaine.  Ce n'est pas les honnetes
gens que les lois protbgent aux Etats-Unis,-ce sont leurs adversaires. Que ceux qui trouveraient du paradoxe ou de l'exagdration -dans cette assertion, veuillent bien consulter les innombrables
jugements recordds dans les quatre principales villes de l'Union,
et ils verront que les executions efficaces ne rdalisent pas 10 pour
100.-La justice est peut-etre rendue assez 6quitablement par les
Cours, en fait d'arrets, mais l'exscution judiciaire de ces ddcrets
rencontre sur le chemin des hommes et des lois si complaisants
en faveur du d6biteur, que jamais on ne peut l'atteindre.
En gdndral, la magistrature est laissie ai la decision 6lective du
peuple. Que pent-on attendre dejuges nommds par la classe qui
f(urnit le plus ai jugr?
Quo doit-onespdrer de magistrats qui rel/vent do ceux contro
lesquels ils ont ai svir? Nous ne toucherons pas aux abus do la
justice criminelle, il y en aurait trop long a dire.
La modification du suffrage universel, la restriction de cortaines prerogatives populaires, la sage direction des masses dans
une voie de libertls un peu moins licencieuses, ot autres contr6les 
( 103 )
salutaires, sont des reformes que les honnetes gens demandent
tout bas; pourquoi ne pas le dire tout haut?  Chacun sent le
besoin de l'unit6 administrative etcentralisde, qui fusionne les
int6rets et fait prdvaloir les bons 6lments sur les mauvais.
On ne pent pas nier un grand fait dans ce qui se passe aujourd'hui: c'est que c'est en partie l'ouvrage da laisser-aller a la
grace de Dieu.  Chacun pour soi; c'est la doctrine du sdf-government, superbe, il est vrai, en thiorie, mais qui prodait des effets
ddsastreux en pratique.
C'est le principe de la division, de la desob,issance; pourquoi
donc s'6tonner, si la dissolution est sur tous les points de
l'Union?
Le pouvoir est partout et nulle part.-L'Ezscutif est tellemnent
divis6, quo son action s'amortit sur le but. Le peuple se croit
tellement souverain, qu'il se met au-dessus de la souverainet6 des
lois qu'il fait.-C'est dans le corps social comme dans le corps
politique!  Y a-t-il un chef, dans les families, qui reprdsente le
principe de l'autorit4?  Y rbgne-t-il les liens do l'attachement
moral et l'homogeneit6 des intorets communs? Cela se voit, par
exception, mais en gdn6ral, c'est le contraire: on y voit le divorce et la division complete des intdrets, et pas la moindre soumission envers les pbres et mires.  On entend dire, comme ul axio
me dominant: " Every one must look f.obr himselt ".-Que chacun
s'occupe de soi.  Chaque individu est une rdpublique inddpendante, et ne relevant que de soi-meme.  Puis viennent les nonbreuses religions, les infinitds de sectes et les doctrines diverses.
C'est le self-government, tout est la.  Que ne doit-il pas produire?
Il ne nous appartient pas de d6clarer que le systeme est mauvais,
vu qu'on le trouve bon; mais puisque nous cherchons les causes
de division qui d6chirent le plys, apr0s avoir tu6 l'Unlion, il faut
bien que nous prenions en petit la base de ce qui se passe en grand
dans le mouvement actuel.
Ajoutons que la vdnalit6 et l;d6moralisation, salns exemple, de
la grande partie de la presse, n'ont pas pen contribu6 a jetbr 1I
pays dans le gouffre oi il,st tombs. 
( 104 )
X.
Le peuple de la section Stid, principalement des Etats du Golfe,
parait n'avoir pas eu le temps de s'imprdgncr tout-a-fait l'esprit de ces maximes, plus ou moins malfaisintes, pour la socidt6
et pour la democratie. II est issu, d'ailleurs, d'une souche qui
n'est gubre anglo-saxonne; son origine est de cette race galloromaine, au cceur vif et plein de clhaleur, et aux idles tant soit
peu aristocratiques. En effet, on sait que ce fut des 1535, que les
Frangais et les Espagnols coloniserent presque toute la partie Sud
de la Virginie et des Carolines.  Les premiers dtablissements furent fondos par des Frangais venus du Canada, d'ou partirent les
diverses expeditions des pores AMarquet, Hennequin et autres, qui
reconiurent le MIississippi, ainsi que l'exp6dition de Lassalle, qui
vint pnrir en cherchant l'embouchure de ce flenve.-Ce ne fut cependant qu'en 1688, que AI. Morin d'Iberville y pdn6tra. Il y
prit alors, en le remontant, possession de toutes les terres, au
nom de Louis XIV, en l'honneur de qui ces magniqufies territoires
furent nommds Louisiane.  C'est des cette 6poque, que le hardi
projet d'unir la Louisiane au Canada, fut counu par les Franqais
et empech6 par les Anglais. Le faible gouvernement de Louis XV
coda les vastes possessions franqaises du Canada a l'Angleterre,
en disant que ces quelques arpents de neige ne valaient pas la
peine d'une dispute. Il se debarrassa bient6t aussi, sans doute
sous les momes raisons, des immenses et riches controes do la
Louisiane, en faveur de l'Espagne. Le systdmo de Law, qui consistait en partie a escompter l'avenir de ces colonies, ne se trompait que d'6poque.- La grandeur coloniale de la France de
Louis XIV ne put se soutenir longtemps, apres ces deux gaspillageS; l'6mancipat~n des negres, a Haiti, vint, bientot apres
completer sa aocadence, objet des soins assidus de l'Angleterre.
En 1803, Napolion se fit rendre la Louisiane par l'Espagne, pour
la donner presqu'aussitotfaux Etats-Unis, moyennant $15,000,000.
Les hominoes du Sut sont donc, pour la plupart, sortis d'une
souche franco-espagnole, sur laquelle les Anglo-Saxons se
sont venus greoer.  Les mceurs et le caractere des premiers ont
t 
(105)
ddteint sur ceux-ci, de maniore a former un contraste frappant
entre la categ(orie du Nord et celle ju Sud. Quoique rdunis sous
le meme gouvernement, ils ne se sont jamais bien identifids, ni par
Ia similarit6 dans les goufits, ni par la sympathie dans les id6es. La
disparit6 do leur nature et l'opposition de leurs intdrets n'diaient.
pas choses faites pour les faire rester dternellement unis. Leur sd paration, r6ptons-le, peut avoir un trbs heureux effet dans chaque
section: c'est un grand pas vers la centralisation, qui reprend ses
droits. et force la porte; elle veut rentrer 1a oh on l'a micon
nue comme loi naturelle et dominante. On peut done espdrer d'en
voir sortir l'autonomie sectionbre, qui commencera a donner de
la force aux gouvernants, afin de procurer la sdcurit6 et la
prospirit6 aux gouvernes. Du jour ou un peuplo ddmocratique
se met a 6tablir des partis et des points cardinaux dans la politique de son pays, on peut bien s'attendre a voir surgir des gouvernements du Nord, du Sud, de l'Ouest et de l'Est.
L'esclavag,,e n'est done, a tous les points de vine, qu'une des
causes les plus secondaires des 6vinements qui s'accomplissent
actuellement.  Disons-le encore: a ddfaut de ce prdtexte, on en
aurait trouv6 un autre: la cause de la guerre n'est donc pas lI.
A-pres avoir expliqu( les quelques motifs du ndrophilisme do
l'Ang,leterre, ils convient de passer une l6gere revue sur la nature
de l'abolitionisme des autres contr6es d'Europe.
La France nest pas abolitioniste-negrophile; sa philos6phii
est 6clectique;  son liumanite6 ne donne pas une prdf~rence de
parti-pris aux nbgres; au contraire, elle sait porter d'abord son
attention sur les classes et les peuples qui l'entourent et qui sount
dignes de son appui. La France, g6n6reuse (#chevaleresque, pense,
avec raison, que la race noble et civilisee est la premiere a mettre
cn libert; son 6pde est toujoul au service des nobles et granides
causes qui savent s'annoafber et montrer leur merite: les nations
opprimees dont la delivrance 6tait possible, n'ont jamais en vain
frapp6 a sa porte.               I
L'abolitionismc do l'Al!emagne, prend sa souree d'abord dans
l'education m(taphysiquc dos Allemands.  Lour ideologie, pleine
d'abstractions, putise des principcs d'egalit6 dans l'infini et le
14 
( 106 )
ndant. Ils sont tellement nuageux ou profonds, qu'on ne peut pltm
les suivre ni les comprendre; on ne peut pas les atteindre sans
s'engouffrer avec eux, au point de ne plus revoir la lumibre. Aussi,
comme il leur est impossible d'4tablir ces principes d'6galit6 dans
Thur  pays, ils 6migrent, et viennent chercher en Am6rique  une,
nationality absente chez eux.
La classe allemande, aux Etats-Unis, est respectable, parce
qu'elle est laborieuse, mais elle est jalouse et envahissante comme
tous les peuples du Nord. L'Allemand fait assez d'honnieur au
nigre pour le ddtester, et voir en lui un ennemi, un obstacle;
l'esclave lui est odieux, parce qu'il est travailleur' il y rencontre
un concurrent et une barribre aux r6gions du Sud.  Les Allemands ont bien les r6gions non moins pr6cieuses de l'Ouest a
exploiter, mais leur naturel saxon est d'envier tout ce qui n'est
pas entre leurs mains; s'ils revent l'abolitionisme, c'est qu'ils
en espbrent la suppression du nbgre.
La Russie n'est pas abolitioniste, elle est progressiste avec lenteur, mais avec la mesure que ndcessite la nature de son peuple,
et de ses institutions.-L'affranchissement des serfs ne peut pas
se comparer avec l'abolition del'esclavage. D'abord, les serfs sont
dignes de la libert6, comme tout homme de la race caucasienne;
ils travailleront tout aussi bien, sinon mieux, apres leur liberation
qu'avant; le contingent de leurs produits sera fourni en tout dtat
de cause. Le pays n'a donc rien a redouter, ni de la nature du
serf libre, puisqu'il est civilisd et courageux, ni d'aucune perturbation dans les fortunes, vu que cet affranchissement s'opbre avec
graduation et prudence.
L'institution du servage des paysans russes n'est d'ailleurs pas
plus a comparer aveclesclavage des nbgres, que la couleur et le
caractkre de ces deux races de sujets. La ouh cette reforme est
un bienfait pour la lssie avec les serfs, elle serait un desastre
poiur l'Amirique avec les noirs; et ceux-la gagnent tout ce quo
ceux-ci perdraient par l'affranchissement.
C'est ainsi que les institutions qui n'ont plus leur raison d'6tre
tombent d'elles-memes, sads secousse soc,ale, sans revolution politique, sans causer aucun mal.
i
i
i44 
( 107 )
L'Espagne d6fend, naturellement, le principe de l'esclavage des
hoirs: c'est une puissance essentiellement catholique; si l'escla vage de ses noirs dtait un crime damtable, elle ne le commettrait
probablement pas. Porto-Rico, la Havane et le Br6sil sont tous
probablement de cet avis
Terminons ce chapitre, en r6petant que si l'esclavage des noirs
6tait un vice rdel, ce ne serait jamais qu'un vice naturel.  C'est
donc a tort, que l'on accuse l'ordre social de l'avoir crd; l'organisation sociale subit elle-meme, plus qu'on ne pense, le joug de
la nature, dont les lois sont dominantes, invincibles avant tout,
et atel point, qu'on ne peut sans danger, ne pas los prendre pour
base dans toutes les lois, dans toutes les actions humaines. L'abolitionisme est tellement anti-naturel, que s'il rdussit a donner la libert6 a ces 4 millions de noirs, il se trouvera dans la position de
celui qui devint l'acqudreur d'un 616phant chez un encanteur:
apres s'etre longtemps disput6 pour l'avoir a tout prix, il ne savait plus qu'en faire.- -I dut le lacher, et la bete, dans sa libert4,
commit des ddpradations de telle sorte, qu'on dut la pourchasser,
et finalement la tuer pour s'en d6barrasser. La masse des nigres
serait certainement dans la position de l' 61phant, si jamais l'abolitionisme s'en emparait.
L'esclavage est un levier qui a 6t6 pret6 A la race blanche par
la Providence comme seul moyen de mon6tiser un capital brut dans
le ereuset de la civilisation: ce capital brut est la race noire.
0
0
0
0 
Si, AUllh t'a fait escl,vQ. ou eunluUO 4
subiry ton, sort en silence,' a- devait arriver.
-(:CORAN.)''
XI.
La Turquio est le seul paysoi l'abolitionisme aurait r;llement
sa raison d'etre appliqu6 pour l'honneur du sibcle: et pour relever..
celui de l'humanit, que, l'on. troyve si avili, en Amnrique, par;l'esn
clava,e des neugres.  Ace point de vuQ. la, en Turquie,, tou e st,
abolir,',  bouleyersqr, et cependant on n'y.fait pas attention. En,
'effet, on entend bien les clameurs, sans frein ni nesure, des ngro.  phijes en courroux. contre l'qsclavag,e des noirs; on voit bien le:
lhumaniitaires en chagrin, accablds de douleurs, pousser les plus gros.,
soupirs, en frissonnant de pittiS,  propos de leurs pauvres chers
nbgres,. objets des.lucu.br'artio,np  les plus absurdes, des sermons,
les plus faux, des sima,grees le plus hypocrites et. lsc.  plus, r4di,
cules du monde; mais on n'entend pas  la plus petite; voix.
s'4lever  en faveur des esclaves blancs du  Caucase, qupo l':oA,,
enchain'e dans'I'esclavagr oriental I  On  ne rencont'.  pas.. la'
moindre sympathie pour ces belles circassiennes que l'on enleve,.
que l'on vole du berceau de la race noble, pour les vendre et al menter la polygamie des Turcs! A toutes ces ignomiaes infiig 4s
a nos  gqaux, l'humanitt. ne dit mot; h toutes ces immorales, init
quit4,s, clle fait la sourde oreille, l'humanit6; elle se dit sans
doute, que tout est bien en Turquie, puisque l'Angleterre philan trope y preside! Ainsi les pirates de terre et de mer volent et
vendent les blancs en Orient; les hommes sont esclaves, et les
femmes sont vendues pour faire l'ornement des harems si elles
sont belles, si elles ne le sont pas, elles sont vendues comme des
nIgresses; puis, apres tout cela, Ies  I'aahom6tans trouvent encore
le moyen de faire pdrioiquement des hdcatombes "de chiens de
chretiens", pour la plus grande gloire d'Allah, et l'humanit6 ne
trouve rien d'extraordinaire a' tous ces faits. Elle n'est pas
abolitioniste en Turquie, tien loin de la, elle fait micux que de
n'y rien voir, l'humanit, elle se cache la-vue quand on fait des
eunuques! Des eunuqaes avec des blancs ou des noirs, peu importe,
avec des hommes capables1 intelligents, choisis expr~s ainsi, afin
t 
( 109 )
qu'ils sachent bien surveiller, et sans danger, les femmes du sdrail,
an de satisfaire la jalouse sdcurit6 de la polygamie des Orientaux.
On confectionne ainsi un sexe neuttc, on mutile la nature' pour
le service de l'immoralitY, et cepcndant, a toutes ces mutilations
morales, humaines et chretiennes, la moralit6, l'humanit6 et la
philantropie ne trouvent pas grand chose a dire; elles ne se ri-vol  tent pas du tout; leur abolitionisme est absorb6 dans ]a question
autrement importante des noirs d'Am6rique; Iaa, ils n'ont besoin de
rien les ngres, c'est vrai, et c'est justement pour cela qu'on s'oc  cupe d'eux; tandis qu'en Orient, oi l'esclavage des noirs est- une
inatilit6, oii l'esclavage des blancs' est une honte, on nc sait pas
seulement ce que le mot aboltionisme vent dire: l'Angleterre
n'a pas encore jug6 a propos de le jeter dans les jambes des Tures,,
comm fichez les Ame6ricains Cela se comprend, la Turquie est un
pays misdrable oiu il n'y a rien a gagn(r; que pourrait donc y faire
l'hlumanit britannique,elle n'y gagnerait que de l'eau claire, tandis
qu'aux Etat-Unis il y a de quoi... I1 y a des raisons politiques,,
industr.ielles, etc.-; on ne serait pas fache. de ruiner un peu. ses,
cousins comp6titeurs, tout en mettant la main dessus  le coton,
tout en faisant predom.ner les produits anglais.  Et puis, on.
a des::tablissements sur la cote d'Afrique, on ne peut gu~re
voir, sans d6plaisir, les Africains porter leur travail ailleurs'; sa,
d6peuple, et la prosp6rih1 desdits 6tablissements peut en souffrir.
On serait oblig6 alors dy faire venir a grands frais des esclaves.
jaunes: de l'Asie.  Devaut de pareilles raisons, p6risse I'humanit6
en Turquie, et qu'elle fasse du bruit en Amdrique.-Diviser pour
rdgner, faireodu bruit, jeter de la poudre aux yeux, pour  qu'on
ne,Fentende pas marcher, pour qu'ou ne la voie pas agir, tel est
le.fon  de la politique en question.
Ainsi va le monde et l'humane', sur cet 6ternel pivot que l'on
nomme l'intdret ~ aux horeurs turques, commises sur les humains,
il y a tout auwplus quelques faibles cris de disapprobation; mais
propos de la civailisation des noirs en Amdrique, d'oi il ne sort
que la richesse et du bien pour tous, c'est un haro de mauvais
mots et d'in~ectives a perte d  vue-C'est une honte!-C'est une
infami l-C'est odieux!-C'est une horreur, etc.; et ainsi bat la
grosse caisse de l'humanitd! 
L'un des caractdres de la bigoterie est
de violer les droits les plus sacr6s et les plue
1egitimes.                          (MOLIERE.)
XII.
L'esclavage des noirs n'est que transitoire, rdp6tons-le; il tire
sa raison d'etre dans leur nature et leur caractbre, qui s'y pretent
comme d'une mani/re providentielle.  I rend des avantages matdriels et moraux a la soci6t6, sans aucune souffrance extraordinaire, chez les nbgres, a endurer.  I est vraiment extraordinaire
que l'on veuille absolument voir des calamites la oui il n'y en a pas,
tandis que l'on ferme les yeux sur celles qui existent en rdalit6.
n y a tout 3 croire que l'humanit6 serait bien plus heureuse, sous
tousles rapports, si les gdndreux philantropes voulaient la laisser
tranquille fine bonne fois: elle saura bien faire son chemin toute
seule.-On viendra ripondre que personne n'a le droit de mettre
des sauvages, quelque barbares qu'ils soient, en esclavage, et cela
en raison de leurs droits naturels, et que c'est un d6shonneur, etc.
A  cela, nous rdpondronsque lessocidt4s civilis6es n'ont plus de
dr-oits naturels de ce genre-la: la civilisation n'en permet plus. D'un
autre c)t6, si on accorde 1e droit aux Africains d'accomplir leurs
propres actes de barbarie, on pout bien aussi allouer autant de
liberte inverse aux civilis6s, qui commettent l'action civilisatrice
de les empchier. Chacun est responsable de ses actes. I1 est au
moins  trange que, dansune nation libre, on veuilleimposeri
tout un pays une nouvelle manibre de voir et de faire ses affaires,
quand celle qu'il emploie n'offre que des bdndfices au monde,
et aprbs avoir 6t6 spctionnde par les sibcles, les lois et les cout umes. 
La v6rit6 dit, en rdsum6, que si l'abolioni.mne n'offrait pas quelques appats d'intdrets, il n'y aurait pas d'abolitionistes.-Les pecheurs en eau trouble, les pom6diens politiques, les chercheurs de
position, sont, en g6ndral, ceux qui jouent les grands foles dans
ce qui se passe ici; seulement, cette comddie finit par se changer 
( 111 )
en drame; les dramaturges commencent a d6clamer leur role et a
le mettre en action. Que l'hliumanite veuille encore dcouter un pe tit chef-d'oeuvre, nouveau tdmoignag8 de la bont6 des pieux philan tropes des gdndreux rdformateurs de la Nouvelle-Angleterre. Le
journal intitul6: Le Pin et le Palmier, r6dige par des frbres pre cheurs. 3 Boston, s'exprime ainsi, a propos de la guerre contre le
Sud:  "Si la libert6 ne peut prdvaloir que par l'agence de la
"vengeance, qu'il en soit ainsi.  Si le temple de la libertd ne
"peut se tenir d'une fagon sure que sur les cadavres des proprid "taires d'esclaves, qu'il en soit ainsi.  Que la race blanche soit
"plutot balay6e de la surface de la terre, plutot que de souffrir
"la perpdtuit6 de la servitude des nbgres. Nous n'hdsiterons
"devant aucune atrocit6 concevable. Nous u'dpargnerons nile
salon, ni le berceau, ni l'age, nile sexe, si nous croyons qu'il
"faut qu'ils pdrissent, afin que -'esclavage pdrisse avec eux. "Ceci s'imprime a Boston, qui se proclame la Nouvelle-Athbnes,
pour la civilisation, et le foyer rdgdndrateur pour le  christianis
me.-Que l'on dise encore que l'hommc n'est pas le plus fdroce
des animaux I
Un certain autre rdvdrend, Granville Moody, de Milwaukie,
s'exprime ainsi dans un de ses derniers sermons:
"Nous sommes accus6s d'avoir amen6 la lutte actuelle.  Je
"ddsire que cela soit vrai. Je crois qu'il est vrai que nous en
"avons dtd la cause, et je m'en glorifie, car c'est une couronne de
"gloire autour de notre front."
Pourquoi done le monde  a-t-il plus d'une tote a offrir a ces
honnotes gens! Ou est done N6ron?
I1 est un fait caractdristique a noter: c'est qu'en fait de guerre
les r6publicains et les protres ne connaissent que l'extermination.
-Heureusement que ces geni-la, quoique les plus m6chants, ne
sont pas les plus forts.-n attendant les rdsultats, les Etats-Unis
peuvent se vanter d'avoir mis leurs libert6s et leur religion entre
bonnes mains.
Madame  de Puisieux a dit, quelque part, que la libert6 et la
religion, mises a la merci des peuples corrompus, sont deux vierges livr6es a des libertins.' 
"La nature et le temps sont les deux seult
grands maitres qui puissent faire, en politique,
des changements solides."         (FEgPRASD.)
Les institutions qui sont reeliement mau'
vaises s'abolissent dlelles-mAmes; la violence 1l
perp6tue, en provoquant la r6sistanoe.
XIII.
Le nigre, lui-meme, est-il abolitioniste?  Non; le tiOr v6iut
conserveF sa tranquillit6: il sent, d'instinct, que l'abolitionisbe
est un grand danger pour lui; il ne comprend pas que l'on fasse
tant de bruit pour son compte. Le fait est que les nbgres ont
bien sujet de craindre un peu la folie, la sottise des biancs, qu'o6
leur peint conrmme si intelligents, si grands et si bons I
Le nbgre' est loin d'avoir confiance aux abolitionistes, et il est
tout pret- a suivre son maltre, pour se ddfendre contre les enoi,.
hisseurs. I1 sent bien que cette libert6, dont il se soucie trbs peuf
d'ailleurs, est un leurre; il n'est pas sans savoir ce qu'on a fait
des Indiens, et il craint, avec raison, de trouver le memeo s6rt, ou
bien la ddportation, cc qui l'effraie le plus encore,- car le negre
a horreur de son pays natal: on fait peur a I'Africain en lui
parlant de l'envoyc- en Afrique.  I1 ne veut pas meme entendre
parler de la liberte6, moyenuant quitter le pays,-les nbgres hl'bres
eux-mimes refusent d,'"nigrer.  Cette r(pulsion naturelle du sol
natal est la pour de l'isolemelit; il sent qu'il ne peut se passer
de la tutelle du blanc; il ne veut pas le quitter.  I1 pr6fere rester
esclave aupres de lui, que libre dans l'abandon.
Ce fait est d'autauntlus vrli, que, malgr6 les efforts des socitds d'iemigration pour peupier la Liberie, ils n'ont pas reussi, depuis un dnemi-siecle, ah y expdier la centiome partie des hlommes de
couleur libres aux EtatsoUiis. Sur environ un million d'affranchis,
il n'y a pas eu dix mille emigrants pour la Lib6ric depuis la fonda
tion de cette colonie.-On pretend que cot insucces est dfi a l'acto
impolitique, disent los negrophiles, qui diclare que, ne pouvant 
( 113 )
en aucun cas jotlir d'aucun droit d. citoyennet6 aux Etats-Unis,
lts noirs libres doivent aller se faire une patrie ailleurs. Dans
le fait, on veut se dobarrasser de cette'progressive agglomeration
d'individus qui, libres, d(,plaisent, et qui, esclaves, sont l'innlocente cause des grandes sottises de la part des politiquelurs et
des rdvolutionnaires, arrives enfin a metire leur pays en guerre
civile.
Quoi qu'il en soit, les hommes de couleur ne veulent pas s'en
aller, ni en Lib~rie, ni ailleurs, ct ce n'est nullement parce qu'ils
se trouvent humili-s de ce qu'on leur refuse des droits politiques,
dount ils se soucient fort peu, du reste, ni parce qui'on veut les
ecouler du pays, mais biein parce qu'ils craigneot l'isolement, parce
que la faiblesse a peur d'elle-mome.
Si les hommes de couleur etaient abolitionistes, ils auraient
certainement beaujeu maintenant pour pratiquer l'abolitiopisme;
eh bien, il arrive tout le contraire; ils font les travaux duii theatre de la guerre; ils ont fourni entre eux plusieurs r6giments de
volontaires dans le Sud, et ils se sont mis sous les ordres d'officiers blancs. On voit aussi les esclaves travailler a la defense
commune, et tout prets a faire feu sur leurs prdtendus lib6ra'
teurs.
Ces faits, de pure vorit6, quoiqu'on en puisse dire, ne sont
ils pas plus eloquents que tout ce qu'on pourrait ajouter pour
prouver que les noirs ne sont ni malheul-eux, en fait d'existence, ni a plaindre, en fait de libert6? Ils ne demandent en
aucune maniore a changer leur sort; au contraire, ils le ddfen
dront contre les perturbateurs.  Qu'on laisse donc les esclaves et
l'esclavage tranquilles.  lRien n'est plus ridicule, pour ccuix qui
connaissent cette institution, que d'entendre l'etalage d'un pr6tendu lib6ralisme en leur ffaeur.  Si ceux qui font toutes  ces
6lucubrations, a grandsjenforts de mots boursoufles, savalent combien ils sont a cot6 du vrai et du rationel, ils porteraient leur
gin6rosit6 silleurs, sur los vrais- maux des blancs, et ils lais
seraient les noirs suivre la void naturelle de leur sort, dont l'am6lioration est seule du ressort de la nature et du temlups, (ue rien
ne peut, que personne no'doit forcer.
)5 
( 114)
La pes6e qui a pr6sid6 a la formation de Ia Lib6rie est cer
tainement saine, en politiqe comme en morale, et c.est sur ce
point de vue quo Caldwell et Henri Clay ont fonde Ie comit6 de
1'6migration des noirs, pour leur faire counstituer un pays et un
gouvernement a eux, aprbs avoir 6t6 trempos dans le bain clvilisateur de la societ6 des blancs.
Apres avoir pass6 par la filiore indispensable de la servitude,
on pouvait, en effet, esp6rer qu'ils porteraient la eivilisation et
l'industrie laborieuse des Americains sur la P6ninsale, parmi les
peuplades sauvagcs qui environnent la Libdrie, vaste et fertile
territoire achete' a dessein, d'un chef negre, pour fonder le refuge
en question.-Tout est des plus favorables pour le succs de cet
6tablissement, situ6 our la cote Poivre de la IHaute-Guin6e, ail
milieu d'une v64g6tation luxuriante et d'un climat privilcgid.Les membres du comite firent tous les frais; ils fournirent a chaque colon qu'ils y envoybrent le passage gratuit, une maison, 30
acres de terreo et tous les instruments  aratoires nbcessaires a
1'exploitation d'une culture deja rendue facile par la nature: le!
sol est richement dou6.  On  peut y cultiver le caff, la canne a
sucre, le coton, la cassave et tous les tubercules, Wgumes et
cdrdales possibles.
On peut y produire l'huile de palmue, la poudre d'or, l'ivoire,
les bois de teinture, la cire et les cuirs de toutes sortes. En bien,
avec toutes ces richesses, la R6publique de Liberie ne fait pas
grand chose: la population y est miserable.   Les colons qui
ont gofiut de la civilisation retombent dans leur 6tat d'apathie et.
d'indolence naturelles; ils se prevalent, cependant, de  leur pen
de supe'riorit6 pour faire des esclaves avec les insulaires. Malgr6
toute la perspective de ces avantages exploitables, les afiranchis
d'Am.rique ne veulenipas emigrer en Lib6rie, quoique l'on fasse.
-Reconnaisson,, cependant, que le pcu qui y sont allis, par exception, y vivent tranquillement et heureusement, san. etre ni ua
danger, ni une charge lwur personne, car le negre est heureux
partout ou il pout soutenir son existence mat6rielle. Reconnaissons
donc un certain degr6 de prores dans la marche de la rdpubliquer
liberienne, qui ticnt hchz elle un certain nombre d'insulaires, et
I, 
(115 )
admettons qnu7il y a rdellement un mouvement ascendant de
civilisation. Eh bien, a qui et a quoi doit-on ce peu de progris
chez cette race, si ce n'est a l'es,avage, si ce n'est aux blancs,
chez lesquels les nigres sont venus prendre des jalons civilisateurs.  Les avantages recueillis par les nbgres ne peuvent provenir que de l'esclavage; donc, celui-ci a sa raison d'etre encore
de ce cot6.
Cependant, comme nous l'avons dnja dit, ce n'est pas, a notre
avis, dans l'autonomie de cette race que l'on verra son amdlioration: ce sera dans sa fusion g6ndrale avec les autres races; car il
est manifeste qu'elle est providentiellement destinde a disparaitre
dans l'ocdan du monde civilisd, qui a pour mission d'effacer la tache
de son infdriorid naturelle, et de la relever de la ma16diction qui
semble, en effet, avoir frapp6 cette famille a son berceau.-  Ce
n'est ni la violence, ni les palliatifs, qui feront avancer ce grand
rdsultat naturel. Les nombreux essais que l'on a tentes ddmontrent
assez l'inutilitd des efforts humains pour vaincre la loi naturelle.
-I1 faut que cette race fasse son dtape, et elle le sent tellement,
qu'elle est loin de s'y opposer; elle recherche d'instinct ses lib,roteurs, se3 rddempteurs naturels, dont les progres seront surement la source des siens.-C'est l'ouvrage du temps.-Rien n'est
bon, rien ne dure, que ce qu'il consacre progressivement. - La
violence, pour avancer l'am6lioration des nbgres, est aussi insensde que d'infliger des coups a une plante pour la faire pousser
plus vite. Terminons ce chapitre en disant, avec Bacon, que
l'orgueil avec la faiblesse de l'intelligence de l'homme l'empechent
seuls de saisir les progressions secretes de la nature.
a
II
a
l; 
Si I'esclavage des noirs leur 6tait aussi
odieux qu'aux negrophiles. les eselaves sauraient
bien Flabolir eux-m,mes.
XIV.
On accusera peut-etre l'auteur de vouloir l'esclavage 6ternel. Ce serait une erreur; car il est convaincu que l'esciavage
aura une fin; mais une fin naturelle et satisfaisante pour tons.
11 reconnait que Dieu n'a donnd cet auxiliaire d'utilit6 aux civilisds
que pour.faire faire la marche transitoire de la race qn'il a disgracide, et dont la redemption appartient ati christianisme,' la
marche invincible du progres des blancs. L'extinction de l'esclavage a commenced dn jour onu le premier Africain fut affranchi sur
le sol Amdricain. La redemption de la race noire a dit son premier mot, lors de la naissance du premier mulatre; l'abolition de
l'esclavage marchera de pair avec l'assimilation de la race.
On compte aujourd'hui, en chiffres ronds, cinq millions de totes
africaines aux Etats-Unis, dont un million environ sont libres,
c'est-a-dire que la cinquimce partie des etres vouds a la barbaric en
Afrique, ou A l'esclavage chez le monde civilisateur, se trouvent
affranchis, civilisds et capables de vivre en libert6. On compte
dans ces cinq millions, un huitieme d'individus qui ont du sang
caucasien, c'est-a-dire que non-seulement ils s'6l1vent vers la race
noble du cot6 intellectuol, mais encore du cot6 plhysique; obtiendrait-on ces rdsultats sans l'esclavage? En prenant pour base la
proportion progressive de cettc aml'ioration, de cot affranchissement et de cette identification, durant ce dernier siecle, on pent
aisoment compter quo dans quelqucs siecles. Ics quatre millions
d'eselaves actuols on leurs descendants, setout libres et;i moiti6
identifids.  Ils auront ainsi pass6 par la voie regdndratrice et
libdratrice en meme t(ips;  il est vrai que ces eselaves afranchis se trouveront gradueLlement remplac6s par de nouveaux arrivages, pris dans le grand stock de  la pdni'isule; mais la,, en
core, il y aura une fin, (qui est peut-ctre pllus rapprocli6e qu'on ne 
( 117)
pense.  I1 sort de l'Afrique-n,g,re, cent mille individus chaque
ann~e, pour etre disperses de par le monde. Los luttes intestines
et les sacrifices des potentats en txterminent peut-etre, avec la
decroissance qui en r6sulte, cinquante mille par annde, on peut
donc 8e rendre compte que dans un temps donnd, cette population
noire aura disparu de son pays natal. Quoique rien ne soit bien
pr6cis sur les donndes statistiques d'oii ces faits sont tires, il
paraitrait que la race noire a ddja diminue6 de moiti6 depuis
les premieres notions recueillies sar l'Afrique. On pr6tend qu'il
neresterait plus qu'une dizaine de millions d'habitants dans les ca
t6gories a esclaves, chez les Congos, loes Caffres, les Nogres los
Hottentots, les Aschantis, etc., qui forment les diffreonts royaumes des Guinees et de la S6ndgambie.  Les plus grandes capitales n'ont guore au-dela de 20,000 habitants, et les divers Etats
de quelqu'importance sont peut-etre d'une dizaine en tout.
En dehors de l'Egypte et de toute la cote baign6e par la Mcditerranee, l'Afrique n'a pas d'hliistoire grindrale. Los Grecs n'avaient
que des donnoes tres imparfaites sur le continent oriental, qu'ils
nommaient la Libye et l'Ethiopie. Ils croyaicnt que los Colonnes
d'flercule (le D6troit de Gilbraltar), dtaierit los limites du monde.
Les Carthaginois sont les premiers qui ont pdndtr6 assez avant
pour exploiter la Cote-d'Or. Les Romains, apres la chute de Car
thage, furent les premiers strangers qui pendtrirent jusqu'au Niger. Des Franqais de Dieppe, commencorent, en 1364, a y fonder
les premiers dtablissements europions vers la Co6te-d'Or.  Les
modernes ne connurent le contour de l'Afrique qu'en 1497, apr~
la circumnavigation de Vasco de Gama, qui doubla le Cap de
Bonne-Espdrance;  ce ne fut qu'en 1588, que les Europdens pOnetrerent  dans  l'interieur de  la pdninsule.   On  estima dbs
lors la population de l'Afirue a 75,000,000, composde de  types
divers, dont  les plusmombreux sont les Arabes, qui, comme les
anciens Egyptiens, ont tous los caractbres de la race caucasienne.
Le second type africain indubitablement originaire de cette contrie, est la race dite nigre, aa  cheveux crepus, aux grosses lvres, aux pommettes saillantes, au nez 6pat6, an front dtroit, au
crfine trs pais et tr~s dur, aux pieds longs et aux doigts 6pais;
t 
( 118 )
quant au teint, il varie depuis le noir le plls  fonec jusqu'au
cuivr6.  I1 est meme a reniarquer que ce ne sont pas les plus
noirs qui offrent les formes et la face les plus rapprochdes
du singe chimpanz6: ainsi, le Moutchicongo, dont le teint est
peu fonc6, a le nez presque plat et les lvres dnormes, tandis
que le Jolof, le plus noir de tous les nbgres, est celui qui a le
nez le moins dpatd et les levres les moins grosses.   Cette
race se distingue par une grande perfection dans tout ce qui a
rapport aux fonctions animales; on y rencoutre moins de diffor'
mit6s que dans toutes les autres races humaines; elle est tr~s robuste; on y voit beaucoup d'individus d'une haute taille, et il est
frdquent d'y trouver des hommes d'un age tr~s avanc6. La race
nbgre est composde d'esp~ces particulibres: les Peuls, les Cafres,
les Hottentots, etc., sont des varietds; l'angle facial est encore plus
ddprim6 chez ces derniers que chez les autres; leur taille est plus
petite et leur figure parfois hideuse,, leur intelligence est aussi des
plus inferieures. La femme Hottentote accouche avec la pls
grande facilit6; sa structure naturelle diffbre d'une manimre remarquable d'avec celle des autres races; elle se rapproche sensible
ment vers Ia forme quadrumane. Entre la race arabe et la race
negore,, se place celle des Berberes, qui se donnent le nom d'Amazigs (nobles);-elle se compose des Coptes, au teint jaune fonc6,
au nez court et droit, au visage bouffi, des Abyssiniens et des, Nubiens, au teint noir, au nez presque aquilin, ils offrent un certain
degr6 de supdriorit6 sur le nigre. En gdndral, la race njgre indigene est r6tive au progr~s de la civilisation et du christianisme; les
religions sent pour ello un culte dont elle n'a aucune intelligence
des pr6ceptes et des dogmes. Le f6tichisme et la polygamie sont
seuls compr~hensibles a sa nature.  Elle vit en peuplades, dirigdes
pour la plupart par une sorte de syst~me foodal; l'anarhie
entre les iudig~es dsole continuelleiuent I'?Afrique.
Cet 4tat de guerre'et de cannibalisme,; tient lIs Africains dans
une sorte de f,rocit6, qui efn fait moins des hommes q,ue dakbts.
11 ne peut gubre n ea tr  autrement, la oii les connaiances uti
les et l'~tudo d'aucune science, ne viennent pas faire le ontre-poids moral a'ces dispositions naturellement furieuses chez 
( 119 )
tous les sauvages, soit d'Afrique ou d'Amdrique.  La plhysiologi4e,
assez dclairee aujourd'llui sur sur les fonctions de l'organe cdrdbral, nous apprend que 1'dtat sauvage ou inculte laisse atrophier
le cerveau des peuples barbares, et fait tomber les lobes c6rdbraux au point de les abaisser jusqu'au niveau de ceux des brutes
C'est l'absence de l'exercice mental qui ddtermine l'aspect de ~es
fronts ddprim6s et aplatis.
La vie civilisde, perfectionnde, au contraire, par une lo)gue dducation, dis l'enfance, fait divelopper et agrandir les lobes crdbhraux, surtout vers les parties du cerveau, qui sont essentielle
ment chargdes des facultds intellectuelles.-Chacun sait et peut
voir, par l'aspect des hommes d'dtudes, que ces organes grossissent
et se fortifient sous l'influence d'un exercice continuel, en raison de
I'action vitale, qui produit un afflux de sang plus considerable, me
nutrition plus abondante vers ces organes; l'absence de cet exercice fait que les nbgres ne sont pas plus expos6s a!'apoplexie
qu'aux affections phtisiques; c'est qu'il n'y a guere chez eux plus do
stimulation c6r6brale que d'exces d'affection sentimentale: tandis que l'on voit le contraire chez les peuples civilis6s, et surtout
parmi les classes les plus dclairdes de la societ6. II est dvident
qu'ue existence aussi inculte, aussi d6pourvue de toute instruction
chez les sauvages, surtout ceux qui restent sous le jeu des passions ardentes de la guerre et de la chasse, doit allumer un instinct sanguinaire et une duret6 morale qui doivent conduire ai
l'insensibilitd pour soi-meme on autrui.  La barbarie bestiale des
Africains a des consequences pea counues non moins  t6voltantes
pour'hiumanit6 que celles que l'On connait ddja;!ainsi, plusieurs
m6decins cdlebres prdtendent que l'origine de  la maladie Vten6
rienne, est due a l'anthropophagie des  cannibales d'Afrique O
des Caraibes d'Am6rique. lbur opinion est, que tout etre qui se
nourrit de la chair de & propre race, finit par corrompre sa iature et empoisonner les sources do la gdndration; l'intensit de
la siphilis des negres viendraitpjusqu'a un certain point, appuyer
cette singuliere tiidorie.
Pour terminer nos obervations sur l'Afrilue,'joutons que
l'Europe y possede, comme on sait, des dtablissements coloniau; 
( 120 )
tonsid6rables, et qui s'dtendent de plus en plus vers l'int6rieur,
Les civilisos ayant ainsi attaque ce pays, ils s'empareront graduellemenrt des meilleures parties du sol africain; l'Angleterre y a ddji
la plus grande: elle y possbcde le Cap de Bonne-Esperance, la SierraLeone, los iles de Stc-H6l1ne, de l'Ascension, de Fernando-Po, do
Maurice, dont d6pend l'archipel des Seychelles; elle a auss'
plusieurs 6tablissements sur la Cote-d'Or et la Cote des Esclaves,
Ne peut-on pas se demander, avec quelque raison, si le n6grophilisme de la Grande-Bretagne n'est pas, comrne on dit, une priere
pour son saint? En cherchan t bien, on trouverait peut-etre que ces
grands frais de croisiores pour empocher la traite, n'ont ni plus ni
moins que. le but d'~viter un d6peuplement de negres travailleurs,
contraire a la prosp6rit, de ses possessions et de son monopole
commercial, car non-seulement on accapare ainsi, chez soi, la main
d'ceuvre productrice, mais on empoche le ddvoloppement colonial des autres nations; aprbs s'etre empar6 de l'empire des mers.
On a tout fait pour abattre la grandeur coloniale de la France, et
l'on fait encore tout pour l'empecher de se relever.-L'abolitionis
me anglais a aboli, a son profit, nos ressources d'outre-mer, comme
il est en train d'abolir la fortune et la prospirit6 des Etats-Unis.
Bien crddule, bione insons6, qui croira a la r6alit6 des sentiments
g6n6reux des successeurs de Pitt.   Co grand tam-tam  humanitaire, de  liberalisme,  d'abolitionisme  ctd'autres ismes, n'a
pour  but quo, de masquer le jeu d'une intraitable politique
d'6goisme et d'empietements de tous genres.  En veut-on des
preuves? L'histoire en fournit ad infinitumn: En Europe, Malte,
Heligoland et les iles Ioniennes; en Am6rique, l'Acadie, les Canadas, les Lucayes, les Bermudes, les Malouines et autres iles: plus,
une grande partie des Antilles et de la Guyane; en Afrique,
Bathurst, Sierra-Leoo, le Cap, l'ile de France, Rodrigue, les
Seychelles, Socotora, les iles de Loses, de l'Ascension, etc.; ea
Asie   Aden,  Ceylan, Singapoor, une partie de  Sumatra  de
Malacca, etc.; dans l'O&oaiie: l'Australie, la Tasmanie, les iles
Norfolk, la Nouvelle-Cal6donie, la Nouvelle-Ze,lande, les iles
Sandwich, Taiti, etc. Tout cela est pass6, depuis environ un sicle,
des mains de diverses nations plus faibles entre les mains de
I 
( 121 )
la Grande-Bretagne, qui reche la philantropie et la libert4 des
peuples. Aprbs s'etre ainsi empar6e, par toute espbce demoyens, de
pres d'un quart du globe, de tous les pays d'outre-mer sans ddfense
et plus faibles qu'elle, l'Angleterre, apres toutes ces absorptions,
trouve a redire, a jeter les hauts cris a propos d'un lopin de terre,
d'une ile, dont on veut faire cadeau a une autre nation, qui a plus
fait en dix ans, pour l'humanit6 et la libert6 des peuples, que la
Grande-Bretagne durant toute sa vie, employee, du reste, a faire
tout le contraire. En effet, n'est-ce pas dans le pr6sent comme
par le pass6? Qu'a-t-elle fait pour l'Italie? Des speechs! A-telle aide reellement, a l'affranchissement, a la resurrection nationale d'un peuple quelconque? Elle a parfois suivi la France,
mais c'~tait pour la surveiller plus que pour autre chose, ou pour
s'emparer de quelque avantage. Etait-elle abolitioniste, demandons-le encore, quand elle percevait 10 ~ sterlings par chaque
tete de negre que ses colons importaient en Amerique? Avait-elle
un croiseur pour empecher la traite alors?  Non, cela n'a commenc6 que pour atteindre la prospnrit6 des Etats-Unis et des
autres colonies rivales. L'intdret seul fut, de tout temps, l'4ternel
pivot de la liberale Angleterre. 11 y a longtemps que la fine politique anglaise s'est aperque que le monde n'est compos6, en grande
partie, que de dupeurs et de dupes; elle ne s'exposera jamris, par
g6ndrosit6, a etre de ces derniers.
Reconnaissons cependant avec justice,'en dehors de la politique, plusieurs points capitaux dignes d'admiration chez le peuple
anglais: sa probite, sa constitution, ses libert6s et la maniere
dont il les pratique.
0
16
a
11
0 
lRsumons-nous.   L'esclavage n'est que transitoire, et il ne
peut etre un abus, du moment qu'il est une ndcessit6. Cette ncessit6 est naturelle; elle prend sa source dans la nature et le
caractbre du negre qui, a son avantage, devient un auxiliaire prd
cieux pour le blanc, dont la force physique ne permet pas le travail ouvert sous certains climats.-La race noire y gagne, elle suit
sa pente naturelle; c'est une plante parasite, qui gravite antour de
la race blanche; depuis la creation du monde, elle a demandd la
tutelle du blanc, au prix de sa libert6; l'instinct l'y pousse; l'identification des noirs frappe ainsi a la porte de l'humanit6 des
blancs.- PFatalement voude a l'esclavage, des sa naissance, cette
race a etd esclave en tout temps: les Lybiens, les Abyssiniens,
les Nubiens et les Ethiopiens furent les esclaves des anciens,
comme les Cafres et les Hottentots, les Congos et les Peuls sont
les esclaves des modernes; mais tant que cette race restera dans
l'Orient, son absorption par les civilis6s sera lente; il lui faut les
races blanches de l'Occident pour l'identifier; elle le sent bien, et
son instinct lui dit que la seulement elle trouvera sa ddlivrance,
son 6ldvation et sa r6gendration completes.
On a tort de nier l'indgalitd manifeste dans les races humaines.
Elle existe de fait a l'etat de nature, dans tout ce qui sort de
la crdation, soit dans le rbgne animal ou le rbgne vdgdtal.  Le
simple fait de la gravitation terrestre etablit forcdment les inf&rioritds; les atomes font les mol6cules qui font ]es corps, ceux-ci
marchent en gravitant vers le centre commun, et cela par l'ordre
de la stratification unierselle. Les categories animales gradudes
en couches vivaftes; ainsi sont les categories de l'esp~ce humaine;
l'ordre social suit invariablement la loi de la gravitation, et tout
ce qui y rdsiste est fatalwient voud a' la destruction.
Tous les systbmes a niveau 6galitaire sont autant d'erreurs;
toutes ces hdresies naturelles n'ont que des effets rdtrogrades
dans leur application, car elles sont posies au rebours du chemin
XV. 
( 123 )
de la nature, qui finit par les renverser en marchant. Tout systdme
qui fait rdsider son action dans la circonfdrence an lieu du ecutre
est anti-naturel, et ne saurait longtehps subsister. L'dgalit6 n'existe
pas dans la creation, car elle ne s'harmonise quo par les contrastes,
elle ne s'agite que par les oppositions. II faut donc se rdsigoner
A rester a la merci de la nature. Avant tout, elle nous place, elle
nons enchaine a notre mission, comme elle place un arbre a& cot6
d'un plus grand ou d'un plus petit. Rien ne se ressemble; donc,
rien n'est dgal.- Ainsi sont les races, ainsi est la race qui nous
occupe.
L'organisation sociale n'est pas  cause de sa disgrace; mais
elle peut la faire disparaltre.-C'est un devoir. On parle do
honte et dhorreur a propos de la traite.  Eh bien, au point de
vue naturel, philosophique et humain, la traite, que nous nomme'
rons la transplantation d'une souclhe ddshlritde, devrait etre nonseulement permise, mais meme  ordonnde a  toutes les natibns
civilisdes.-L'humanite6 pratique commande, en fait, que chaque
peuple s'empare de son lot et travaille, en proportion de sa population, a amdliorer, civiliser et fusionner la race noire; la, serait
la vdritable abolition de l'esclavage, et mieux encore, ce serait le
rachat, la rddemption de  la disgrace de ces malheureux etres
maudits par une loi de rigueur qu'on ne pent juger.
Bien loin d'empecher la traite, notre avis est qu'on devrait la
laisser passer aussi librement que possible; elle tomberait bientot d'elle-meme, et l'on ne forcerait pas ainsi la contrebande i
faire souffrir ces malheureux transportds, entassds sur les navires
pour dchappcr a la surveillance d'unc police dtroite et dgoiste.
On a donnd ainsi de l'impulsion a ce commerce en le d6clarant
illicite; on l'a rendu clandestin et cruel, en lui infligeant une ddsapprobation odieuse, par des Qpressions ridicules et ddplacdes; on a
ainsi donnd une valeuraux nugres, qui rendra leur affranchissement
d'autant plus lent et plus difficile, qu'il faudra de plus grands sacrifices de la part de leurs d6enteurs. Il est dvident quo du jour
ou' ce commerce redeviendra libre, la valeur de l'esclave tombera
et facilitera, par contre, sa liberation, soit par ses soins, soit par
ceux de la g4ndrosit6 des blancs, qui naturellement se mesure a& 
( 124 )
l'importance du sacrifice a faire. L'6puisement de l'Afrique  seia
la fin de l'esclavage.
Nous avons donc la conviotion sincere que la traite libre serait
un moyen d'affranchissement pour cette race, comme l'esclavage
en est le moyen de civilisation. C'est sur cette conviction que
nous avons prech6 l'extinction de l'esclavage, en combattant
I'abolitionisme destructeur, inhumain, qui se cache sous le nom
de I'humanit6, tandis que l'esclavage obtient de fait les resultats
inverses, quoique sous un nom rendu odieux par l'inte6ret et l'ignorance.
Qui est-ce qui n'est pas assujetti a quelqu'un ou a quelque
chose sur la terre? Depuis le laboureur esclave, qui doit gagner
son pain / la sueur de son front, jusqu'au potentat absolu, qui
doit ob6ir a la politique, il y a assuj6tissement.  La chaine est la
d'une manibre ou d'une autre; il faut la porter. Quand il n'y
aurait que celle de vivre avec les hommes, ce serait d6ja un
grand travail, une sorte d'esclavage.
Quel est celui qui n'a pas son existence enchalnde a celle d'un
autre. c'est-a-dire aux caprices, aux liumeurs, aux tyrannies, aux
lachet6s et aux mdchancet6s humaines?
Reconnaissons donc, une bonne fois, notre dchelonnement naturel, et, par contre, nos in6galit6s sociales. Admettons que tous,
petits et grands, nous pouvons amiliorer les conditions plus ou
moins pdnibles des categories inferieures, a l'aide du discernement 6clair6 qu'il faut appliquer sur les aptitudes et les intelligences qui les composent, qu'il faut stimuler avec mesure, mais
non pas en ddcrdtant un nivellement destructeur du moteur et
des raisons actives du progres, qui ne peut trouver sa force que
dans le ddsir personnel de chacun vers sa propre 6lvation.
C'est ainsi que la nature a mis le remede a, cot6 du mal.-L'esclave a les facultds et les sentiments proportionn6s a sa condition,
de manibre a n'en pas souffrir: il y a compensation dans tout.
Terminons, en disant que la doctrine abolitioniste est un fidau, et
la servitude des noirs un bienfait; celui-la fait detruire les humains
sans faire faire un pas a l'humnanit6, car il faudra toujours en revenir au point de'd6part, apres toutes les destructions possibles
tandis que l'esclavage fait le contraire: il produit et fait vivre; 
( 125 )
il s'ambliore et s'6tcint, de fait, par l'6dIvation graduelle) des es
claves vers le degr6 de r6gdnoration, qui seule peut les rendre a
la libert6, en restant utiles a la socid6.
La violence, apres bien des ddsastres et des malheurs, ne peut,
en fin de compte, obtenir que la vaine satisfaction du changement
de nom et de la forme. Un homme n'est vraiment libre, que du jour
oui il a acquis les sentiments qui font 1'homme libre dans toutes los
conditions. Que l'on dd6crte la libert6 de ces quatre millions d'esclaves, ils n'en auront pas, pour cela, un pouce de libertd de plus;
au contraire, le negre sera 1'esclave de sa faiblesse et de son
abandon, et c'est le pire des esclavages; ce serait le plus grand
malheur qui puisse lui arriver, comme ce serait la plus grande
perte que les Amdricains puissent faire, sans parler de celle des
Europdens.  Les faits du pass6 sont la comme preuve de cette
v6rit6.
Voila  ce que nous avions a dire sur cette grave et delicate
question. On nous reprochera tout ce que l'on voudra; nous
resterons fermement convaincus que, taut bien que  mal, nous
avons ddfendu, dans ce livre, la cause des noirs comme celle des
blancs, en general.
Nous avons au moins la satisfaction intime de n'avoir obdi qu'au
simple ddsir de dire la vorito pour le bien social. Nous souhaitons aux Amdricains qu'ils puissent en dire autant de tons leurs
publicistes.
Si nous nons sommes trompds quelquefois, nous pouvons avoir
rachet6, d'ailleurs, toute ddviation par quelques vdritds utiles, et
nous estimons que notre devoir a dte honnetement rempli envers
le pays, envers l'humanit6.  N'eussions-nous  sauv6 qu'un seul
homme de l'erreur et de cette guerre impie, que ce serait encore
l'acquittement de ce que nois devons an pays, ce serait notre
obole payde a l'hulmaniti qui, moins exigeante que les humanitaires, sera satisfaite sans aucun doute.  Que chaque homme, sur la
terre, en fasse autant, qu'il sauve son homme de l'erreur, et il n'y
aura plus de guerre civile possile.
FIN DE LyABOLITIONISME ET DE LA QUATRIEME PARTIE. 
CINQUIEME PARTIE.
SUR LE SYSTEME POLITIQUE ET COMMEIRCOIAL DES  TATS-US.
I.
L'Union, pour laquelle on fait aujourd'hui tant de bruit, tant db
mal, comme  question pendante A celle de Iesclavage, l'union des
divers Etats a-t-elle jamais exist6 de fait?
A-t-elle jamais rencontrd l'identification rdello de to'as ses
in-embres dans son tout; les 6lments d'homogdnditd, de cohdsion,
ont-ils pr6valu sur les 6lements contraires?
Que la faute en soit au systeme de l'organisation fdddrative ou
au systeme d'6conomie politique appliqu6 au pays, il n'en est pas
moins vrai que l'union n'a jamais eu lieu de fait.
Les causes de son ddmembrement actuel remontent a la guerro
de  l'inddpendance des colonies.  Le  champ de  la divisionest
rest6 ouvert dbs la formation de l'Union, qui n'a jamais 6t6 scel16e, ni consacrie, par la nature et le temps; au contraire, nde de
l'accident de la guerre, fruit d'une ndcessit6 d'action pour la dfense commune, l'Union n'avait plus sa raison d'etre apres 1le
danger pass6.  On a forc6 son role, en le prolongeant  sur les
memes bases.-La nature des choses, la vyritd des intdrets et les
passions humainesi'ont pas 6t6 assez consult6es dans cette foondation; et l1, oui ces trois points ne president pas comrnme bases
fondamentales. rien ne dure, rien ne saurait durer longtemps. Ces
trois principes vienvent aujourd'hui rdclamer impdrieusement
leurs droits, en ddtronant violemment le theories qu'on lear avait
substitutes.,
0
I 
( 127 )
Ls grands patriotes, fondateurs de l'Union, semblent avoir
pris. tiche de s'6loigner du champ des vdrits pratiques, pour
rter ntibrement dans le domaine de la philosophie id6ologiqueHIonntes et sages, patriotes et ddsintbressds, ils ont cru, sans
doute, que leurs descendants ne pourraient que leur ressembler,
en suivant la voie toute trac6e, toute fray6e qu'ils leur laisseraient
en h6ritage.
Ils ne reprirent de l'Angleterre que le droit de  souverainetd
mais sans vouloir lui emprunter les moyens de l'appliquer.Chacun, en effet, voulut bien arracher a la m6tropole son pouvoir
sur les colonies, mais aucun ne voulut consentir a se laisser administrer.-Les colonies, jalouses de leurs droits administratifs
ne purent se resigner a en abandonner la somme d'autorit6 necessaire pour faire un gouvernement solide par la centralisation: de
lI vint le systhme fiddral, qui ne pouvait etre qu'un gouvernement de transition, car il est dvident qu'avec l'accroissement des
territoires, de la population et des interots, ce gouvernement ne
pouvait longtemps rester en 6tat de couvrir de sa faible autorit6
une grande 4tendue de regions diverses, contenant un peuple
nombreux compos6 d'614lments et d'interets non moins divers.
L'Union etait donc fatalement vou6e, dbs sa naissance, au d6membrement, et les patriotes s'en sont eux-momes bientot apergus
avec tristesse. Au milieu des obstacles dans les choses, et des
oppositions dans les partis, los trahisons. les haines et les inimiti~s, laiss6es a lcur libre essort, vinrent bient6t se heurter contre
-le systme et montrer aux fondatenrs ce qu'ils pouvaient espdrer
do la sagesso des hommes pour savoir se gouverner.  Voici ce
qu'6crivait le grand, l'immortel Washington: -" Je ne puis
croire que le bon sons du peuple no prdvaudra pas, a la fin, sur
ses prjugs......  Je ne sjprais penser que la Providence a
tant fait pour rien. Le grand Souverain de l'Univers nous a
conduit trop longtemps, et trop loin, sur la route du bonheur et
do la gloire, pour nous abandonner-au milieu. —Par notre folio et
notre mauvaise conduite, nous pouvons, de temps a autre, nous
6garer; mais, j'ai cette confiance, qu'il reste en noQUs assez de bon
sons et do vertu pour que nous rentrions dans le droit chemin,
avant d'etre entibrement perdus." 
( 128 )
La licence, fille du gouvernement de soi-meme, a-t-elle respectS
le Pbre de la Patrie? Qu'on lise les journaux de l'epoque oi il
6tait Pr6sident, que l'on observe les tendances des passions populaires dbs ce temps ct ce qui arrive aujourd'hui ne surprendra
que d'un cot6, c'est que ce soit arriv6 si tard.
L'administration du president Washington fut denoncde, accusde avec fureur, dans les rdunions comme dans les feuilles publi
ques. L'histoire nous dit que lc parti democrate ne mit gubre
plus de mesure alors, dans son antagonisme contre le parti f~d.ra
liste, que le parti r6publicain n'en met aujourd'hui, contre le parti
d6mocrate. Lors de la politique nationale adoptde par Washinfton, en proclamant la neutralite des Etats-Unis dans les affai.
res europdennes, les partis opposes ne connurent plus de bornes;
de toutes parts, tous los matins, 6clataient, contre Washington,
les adresses de blame, les lettres anonymes, les invectives, les
menaces et les calomnies les plus passionn~es. Washington, toujours impassible, 6crivait cependant a Jefferson: "Je ne croyais
pas, je ne pouvais pas imaginer, jusqu'a ces derniers temps, qu'il
fut, je ne dis pas probable, mais possible que, pendant que je me
livrais aux plus p6nibles efforts pour 6tablir une politique natio
nale, une politique a nous, et pour prdvenir le pays des horreurs
de la guerre, tons les actes de mon administration seraient torturds, dofigur6s, de la fagon a la fois la plus grossibre et la plus
insidieuse, et en termcs si exag6r6s, si indecents, qu'& peine
pourrait-on les appliquer a un N6ron, a un malfaiteur notoire, ou
emme' un filou vulgaire. Mlais en voila bien assez l J'ai dnja
6t6 plus loin que je no voulais dans l'expression do mes sentiments."
Voila ce que disait Washington, le hdros de la patience, le
modele des hommesnod6rds, pour peindro l'esprit de ses contemporains.               I
Que l'on ne vienne donc pas dire, aujourd'hui, comme on s'y
complait trop, que ce vnt les'6trangers immigr6s qui troublent le
pays.  Apros avoir cit6 le jugement de Washington sur l'esprit
de son 6poque, si,l'on veut connaitre son opinion sur la dofectuositd du systome f~d6ral, il suffit de se rappeler combien le Congres 
( 129 )
avait peu de pouvoir pour fournir des troupes, des vivres, des
equipements et des munitions au g6n6ral en chef. On sait qu'a
part les d6fections et les trahisops, les soldats de l'ind~pen dance se mutinerent en plusieurs occasions, et qu'ils mirent
plus d'une fois en question le succes de l'entreprise. Voici
ce qu'a  ce sujet dcrivait le g6n6ral Washington,  en 1780:
J'ai la conviction que notre cause est perdue, si le Cougres
ne prend un langage plus ferme, si les Etats ne l'investissent
pas de pouvoirs plus en harmonie avec nos grands plans de campagne, ou s'il ne s'en empare pus comme lui appartenant de droit.
Nous ne pouvons plus nous trainer dans la vieille orniere.  Les
ddlais ficheux mis a l'adoption, puis a l'exdcution des mesures, et
peut-etre d'incomprdhensibles jalousies, ont rendu inutiles d'6normes ddpenses.  Un Etat obtempore aux ordres du Congres, un
autre ndglige de le faire, un troisibme ne le fait qu'a moiti6.....
Je vois une tete se diviser peu a peu en treize; je vois une armde
se fractionner en treize armdes qui, au lieu do regarder le Congrbs
comme le pouvoir supreme des Etats-Unis, se considerent comme
ddpendantes de leurs Etats respectifs.-Le Congres a, peu a peu,
rendu ou donn6 aux Etats l'exercice des pouvoirs qu'il avait rdclamds et exercds d'abord dans toute leur ttendue, si bien qu'il
lui en reste a peine un seul."
Peut-on s'dtonner, si un pareil systeme, ddpeint ainsi par'le Pbre
de la Patrie, s'deroule aujourd'hui de toutes parts? Ce qui n'6tonne
pas le moins, rd6pdtons-le, c'est que ses divers rapsodages aient
durd si longtemps.  Le  systeme f6ddral n'6tait-il pas min6 d'avance par les dl6ments memes de son existence? Citons encore le
fondateur de la Redpublique, qui s'est toujours dlev6, avec raison,
contre la politique de localit6, c'est-u-dire, contre le principe de
division qui germait; voici ce qu'il dcrivait en 1778
Le travail que font les elats, en redigeant individuellement
des constitutions, en preparant des lois, en confiant leurs emplois
a leurs hommes los plus habiles, n'aboutira pus a grand chose,
si le grand ensemble est mal ditige; il n'y a aucun avantage do
maintenir les petites ronues en bon dtat, si on ndglige la grande
roue, qui est le point d'appti et le premier moteur de la machine."
Je ne puis m'empecher, dcrivait-il encore, ailleurs, de d6plorer
17 
( 130 )
cette politique fatale, commune a un trop grand nombre d'Etats, et
qui consiste a donner des places honorables et lucratives a leurs
citoyens les plus habiles, avant que le grand int,eret national soit
assis sur une base solide.
Ainsi, que manque-t-il, pour prouver la dbfectuosit6 du systeme
de ia Conf6deration; ne voit-on pas dnja, a son aurore, que la
centralisation lui manque, que les hommes a places 1'encombrent,
et que le principe d'autorit6 est absent.
Washington ne fut pas le seul, a precher la centralisation.
llamilton,cet homme d'Etat pratique et clairvoyant, s'opposa 4galement a la thl6orie du self-gotvernment. Il en d6montra les inconvenients et les abus; il prddit la ruine de l'Union, comme cons~quence naturelle, inevitable; il sentait le besoin de faire de l'Am6rique du Nord une grande nation, sous l'unit6 d'un gouvernement solide et ferme, ayant une tete pour concevoir, et des bras
pour ex6cuter: il visait a faire un corps de tous ces membres 6pars.
L'independance et l'isolement des Etats comme autant de r6publiques, ne convenaient pas a son esprit pratique; il voulait que tout
fut centralise, nationalist dans un seul Etat, reprdsent6 par une
seule republique, agissant sous une nieme loi, et proc~dant de maniere a voir agir la souverainet6 du peuple; sans parti du Sud ni
parti du Nord, vu que les int6rets eussent 6te reunis, group~s en
un faisceau commun, d'oui l'on aurait fait prevaloir les 6lrments
de coh6sion sur les causes de division, au moyen des con]binaisons
compensatives que fournit toujours la saine 6conomie politique.
AIalgr6 la sagesse de cette doctrine, elle ne "pr6ivalut point.
L'6loquent Jefferson, r6ussit a faire prdvaloir la doctrine du gouvernement de soi-ieme, du laisser-aller, qui, bien entendu, devait
plaire aux masses. Le grand chef du parti ddmocrate et sa doctrine, ont pu paraitre avoir raison pour un temps, mais les r6sur                     0
tats disent asse, aujourd'hui, combien on s'est leurr; les convulsions, l'agonie du nom seul de l'Union, prouvent combien le mal
s'est inv6t6r6 dans cette 6c-ole; car, en se battant pour l'Union, on
se bat aujourd'hui pourun fantome, et il est etrange de voir combien il y a d'honnetes gens qui persistent a croire a la possibilitY
de l'Union, aprbs line telle expdrience et avec de pareils dldments.
La vnrit6 est, que c'est une thdorie que l'histoire condamue d6 
( 131 )
sormais, a titre d'utopie. C'est encore une cyp6rience de plus,
qui fait amnrement d6compter la ddmocratie des peuples pour
resserrer les liens de leur assujettis~ement, et donner credit au
despotisme, qui finira par etre reconnu ndcessaire a la sottise
humaine! I Les esprits se sont si peu pdn6trds du sentiment de
l'Union, et ont de tout temps 6t6 tellement portds ak la r6cusation de l'autorit6 feddrale, que peu de temps avant la constitution de 1787, plusieurs Etats congurent le dessein de se sbparer.
La province du Vermont se ddclare inddpendante, et le NewYork menace la rdpublique naissante, tandis que la NouvelleAngleterre lui dicte des lois.
On voulait rester colons indipendants, et cependant etre bien
g,ouvernds; 6tait-ce possible? On avait a peine mis le pied dans
la Confdd6ration, que l'on songeait a l'en retirer, de peur d'etre
tenu a reconnaltre l'autorit6 f~ddrale, qui semblait d.ja une usurpation pour le peu de pouvoir qu'on lui donnait; l'unit6 rdpugnait;
pouvait-il y avoir' de l'union? L'esprit de localit4 a, de tout
temps, domino l'esprit de corps, c'est-a-dire le caractbre national;
on se fit Ouest, Sud, Nord ou Est, avanrt do se faire national: donc
devait perir la nation.  La Nouvelle-Angleterre, aujourd'hui si
courrouceo contre les Etats-sipares, fut la premibre qui prononga
le mot de sdparation. Apres la constitution de 1787, le Massachusetts fit, dbs 1800, des tlhd6ories sparatistes; et des ddmarches
officielles furent faites dans un temps, auprbs du gouvernement
de Washington, a l'effet de so retirer de l'Uuion; ce fait eut lieu
durant la guerre des Etats-Unis avec l'Angleterre qui, dit-on, ne
fut pas 6trange;ire a ce mouvement. Ce premier pas vers le schisme,
put cependant etre annull6 par quelques satisfactions donn6es a ce
turbulent Etat; mais son fatal exemple fut suivi par les Carolines.
Trente ans plus tard, la Caroline du Sud, ldsde, leva l'6tendard de
la separation et du libre-change; mais on parvint a la calmer, par
la promesse de rdduire le tarif, promesse que l'on ne tint pas, bien
entendu; aussi le mouvemenr devait se renouveler pour de bon,
apres une autre pdriode de trente ans, par 11 Etats du Sud. La secession commencde en 18,60 est un fait que rien n'empeAchera de
s'accomplir, ni de constituer un nouveau gouvernement, sans
compter ceux qui viendront apres. 
(132 )
La prediction d'Hamilton a commence ah sc re'aliser, oi s'arrete
ra-t-elle? Tous les Etats agricoles ont les memes int(rets, et ces
interets sont naturellement opposds a ceux du Nord; or, l'Ouest,
aussi agricole que le Sud, va se trouver dans la mene position
que ce dernier, vis-a-vis du Nord, avant la gtierre. On peut done
s'attendre, si l'Ouest ne joint pas le Sud, a ce qu'il se rende inddpendant aussi, et forme a son tour un gouvernement autonome.
C'est ainsi que le systbme politique de l'Union s'est trouv6
rempli d'evdnements orageux, que le temps n'a fait que rendre de
plus en plus dangereux, en crdant la ndcessitd de briser ces liens,
par le seul moyen de la lutte entre les 6ldments les plus intdress6s,
les plus contraires, qui se sont accrus ainsi par pros d'un siiele
d'erreurs.
La statistique, que l'on verra plus loin, ddmontre assez sur
quelle nature reposent ces int6rets, accumulds par le temps et les
reactions: le malhour des choses fausses est d'engendrer des
malheurs a venir.
Le rdpublicanisme peut subsister chez les nations agricoles;
mais le commerce et l'industrie le changent bientot en ]'indvitable
aristocratie de fait et d'argent: c'est la plus insupportable.
La nature a fait les Etats-Unis agricoles au Sud et a l'Ouest; marins, mineurs et marchands au Nord. Ces trois sections, dans leurs
positions respectives, dtaicnt providentiellement faites pour s'unir
et s'harmoniser d'une manibre miraculeuse, par le fait de la diversit6
naturelle de leurs produits.   En effet, tandis que les 15 Etats a
esclaves produisent le coton, le tabac, le riz, le sucre, les bois, etc.,
]es 10 Etats de l'Ouest produisent le mais, le bl6, les bestiaux, les
salaisons de viande, etc., et les Etats du Nord peuvent exploiter
leurs indpuisables mines de houille, de fer et d'autres mdtaux, ainsi
que leurs superbes catibres de marbre. de granit, d'ardoise, etc.;
leurs ports magnifiques. avec leurs milliers de navire, les font naturellemenit les armateurs ct les agents-banqu iers des affaires du Sud,
en dehors de leur indutrie miniere, dont les riclisses ne demandent qu'a voir le jour.  La Californie vient vivifier cet immense
entrepot commercial par ses flots d'or, au p)oint de faire le change
du commerce gdn6ral. Ainsi, voila 25 Etats essentiellement producteurs, agricoles, qui vienuent alimenter  les affaires de neuf 
( 133 )
Etats; a' ceux-ci, la mer, les mines et les comptoirs; a ceux-l1a, la
plaine  et les forets des r6gions fertiles; tout cela occupe 32 millions d'individus, sur un territoire qui est 15 fois grand comme la
France.  Que manque-t-il a ce pays pour faire la satisfaction de
tous?  La nature l'a doud, Dien l'a dots; il ne peut donc rien y
manquer, au contraire; mais les hommes ont voulu y ajouter quelque chose: ils lui ont fait cadeau d'une nouvelle boite de Pandore, que l'on nomme le tarif, vraie pomme de discorde, entre les
mains de quelques-uns, qui l'exploitent a leur profit, an ddtriment
doe tout le pays, dont les bienfaits uniques, tournent ainsi contre
le peuple.  Les dconomistes ont cru et dit, lors de l'admission du
'premier tarif, qa'il n'avait pour but transitoire que d'amortir la
dette f6ddrale, les 30 ou 40 millions rsultant de la guerre de'inddpendance; mais apres cette dette liquidde, il est arrivd que des
intrets locaux avaient pris racine d'une telle maniere, que l'economie politique n'eut ni la force, ni les aptitudes voulues, pour
redresser i temps la tendance qui devait ddtruire l'Union. II devait
en etre ainsi dans l'esprit des sections manufacturieres qui, dbs le
commencement, ont voud le systeme fded6ral a la destruction. Aprbs
les dons uniques dont une prodigue Providence a accabld r'Am6rique, comment comprendra-t-on qu'un pays qui a tant requ de la nature, aille encore demander un surcroit d'avoir ak la manufacture?
N'6tait-ce pas se rendre ingrat et indigne de taut de bienfaits?
Les EtatS du Norld, toujours pour satisfaire leurs 6troites jalousies
contre l'industrie de l'Europe, ont ainsi substitud la production
artificielle a la richesse naturelle de leur pays; ils out gaspilld
leur temps et leur capital, a donner des produits d'une valeur
relative, tandis qu'ils n'avaient qu'a se baisser pour  ramasser a
foison les valeurs positives de la terre, qui leur auraient permis
de  couvrir leurs ddpenseqen  leur 6vitant les crises commerciales et politiques eui,.aujolird'hui, vont finir par ruiner leur
credit et leur pays. II est dvident qu'en cherchant leurs nouveaux procddds pour faire 4es niches a l'industrie europ6enne,
a l'abri du tarif, ils ont perdu ou ndglig6 le plus beau fieuron do
leur couronne, qui est l'qxploitation agricole et minibre. La statistique ddnote d'une maniere  bien,claire, que le deficit de l'exportation polur convrir l1importation, provient uniq uement de la 
( 134 )
section du Nord.  Ce tarif devait avoir, h divers titres, les d sastreuves consdquences d'une grave inconsdquence ddmocratique;
en effet, comment admettre qu'une ddmocratie permette le monopole do l'industrie chez quelques-uns  aux ddpens de tons?  La
ou l'on a une libert6 qui est du laisser-aller, il y a une exception,
et c'est justement pour ce qui demande le plus a otre libre: le
commerce. Rien n'est protdg6, except6 ce qui n'a pas besoin de
l'etre dans un pays agricole: l'industrie.
La d6mocratie ne pent exister que par la repartition,gale de
l'imp6t, des forces et des influences. Eh bien, la protection douani/re a eu pour rdsultat de produire l'effet contraire et les Etats
industriels se sont, de plus, fait couvrir leurs drpenses par les Etats
agricoles. Une autre, et non moins grave consdquence anti-d~moc,'atique, c'est l'abus de la force num6rique substitute a la justioe,
a l'intdrot de la nation, par l'agglomdration des masses popula.ires,
armdes du vote dans les districts manufacturiers.  Aint, i l'$iL e
de l'ignorance et avec de l'argent, on pent aujourd'bhi dominer
et faire de l'autocratie r6publicaine!  Et tout deta, contre  la
plus saine partie du pays, qui est certainemelnt, ici conme ailleurs,
la partie agricole. - Si le systeme f6dd6ratif portait en, lui-meme
le principe de la desunion, le tarif a lui seul n'en est pas motis la
cause primordiale deo la guerre actuelle, et des maux qui aocablent et accableront le pays. - Les districts manufacturiers sont
tenus de consentir a la division qu'ils ont amende, ou a une longue guerre civile contre  tons les Etats agricoles, Ouest comme
Sud. Ils sont soud6s d'une maniore naturelle par les int6rets qui,
tot on tard, se rapprocheront toujours, comme les liquides, ou bien
formeront deux confiddrations analogues a cot6 du Nord.'
C'est a tort que la proQperite des Etats-Unirs a dt6 attribuce a
leurs institutions.  Ben au contraire, ces institutions ne se sont
maintenues si ldhgtemps qu'en raison de la prosp6ritd du peuple.
On n'a pas cherch6 la riohesse, pour fonder la liberte; on a
foud6 la libert6 pour olevenir riche, pour avoir le droit de tout
faire.  Or, du jour oUi on se sent appauvri,, on d6truit la libert,
dans l'espoir de vessaisir la richesse qui s'6chappe: tout est la.'
C'est ce qui explique l'acharnement du Nord a vouloir substituer la
force a la justice, pour subjuguer le Sud, c'east-a-dire pour couserver 
( 135 )
le monopole, le domaine des sources de la fortune du pays. C'est
ane question de dollars, et pas autre chose.  Du jour oi le pau p6risme, d'un cot6, et la cupidit, de  l'autre, s'emparent des
masses ddmocratiques, armies comme elles le  sont du pouvoir
4lectif, les institutions, r6publicaines et fed6rales, sont en grand
danger!  Ces institutions tombent en lambeaux,.sous la pres
sion du besoin et des inquibtudes qui agitent los classes labo rieuses, dont l'agglomn6ration offre  des oppositions  tellement
graves, que le pouvoir devient insuffisant i en conjurer le dan ger. On peut certainement avancer, vu la marche du paupnrisme
et Iaccroissement des basses classes dans une section dominante
du pays; on peut, dirons-nous sans crainte, prddire dleux choses,
que l'histoire autorise d'ailleurs a' admettrc comme possibles c'est
que, dans un temps donn6, la populace, avec le pouvoir qu'on lui
donne, pourra a sa guise d6cr6ter les lois agraires, et, par contre,
entrainer la chute de la republique am6ricaine, comme cela est
arriv6 a Rome, par. le causes analogues.- Il y eut, a Rome, trois
espoces de lois agraires:
lo. Celles qui eurent pour objet le partagoc entre les plbe'iens
des terres dclar6es usurp6es par les grands;
2o. Celles qui eurent pour objet de coloniliser les terres du domaine de l'Etat, telles que les contr6.es conquises par les phalanges
romaines:
83o.; Enfin, dans.les derniers temps de la rdpublique, sous Ma'rius, Sylla; Pompde, Cdsar, Antoine, et meme Octave, durant les
trohbles CigvilS prk-urseurs de la chute du rigne populaire, la loi
agraire eut pour but de recompenser les lgions, les soldats et les
gbneraux qui avaient combattu et triomph6 dans les guerres
civiles.
Les usurpations violentes i lIa propridtd publique tt particuliere vinrent ainsi distribuer des terres a la populace avilie, qui
vendait son vote aux tribuns, et ai la soldatesque turbulente, qui
soutenait le despotisme du plus fort.
Ce qui se passait chez les Latins, en l'an de Rome 675, n'offro
t-il pas quelque similaritd avec ce que l'on voit en l'an de grace1861 chez les Americains? La rdpublique romaine a eu aussi
ion genre d'abolition pour l'agiter et la d6truire: ce fut l'aboli 
( 136 )
tionisme des dettes! d6cret qui, avec les lois agraires, vint
soutenir la plebe et les d~biteurs. I1 n'y a pas bien longtemps,
que les Americains ont eu ausbi leurs lois abolissant les dettes.
"L'Exemption law" consistait, pour tout ddbiteur, a' dclarer tout
simplement qu'il se trouvait insolvable, en affirmant le fait et ea
lejurant sur la Bible, comme garantie de la v6rit6! Cos sortes de
serments et de garantics ne manquerent pas, et ce petit partage
de biens eut lieu a la grande joie des communistes et des filous.
Une partie de la population, qui possddait alors, paya les dettes
de celle qui ne poss~dait rien et qui se trouva, de fait, en possession de quelque chose. Ces changements de mains pouvaient
n'6tre que demi-mal, s'ils n'avaient eu lieu que d'Amoricain a Am6ricain; mais l'Europe eut a subir les honnotes consequences de
cette loi, comme de toutes les crises am6ricaines.  C'est ainsi
que nous pouvons dire que plus de la moitid de la propridt6 personnelle du peuple des Etats-Unis, appartient de fait aux Europdens, au ddtriment desquels co pays  s'enrichit depuis les troisquarts d'un siocle. (Voir la Statistique).
Cette guerre d'invasion n'offre-t-elle pas aussi une similarit6
frappanle avec la guerre civile de Rome? N'entend-t-on pas, au
Congros, agiter la question de la confiscation des biens des S4cessionistes? La presse du Nord n'a-t-elle pas d6ja fait la part, aux
soldats et aux pldb6iens, des terres et des ddpouilles qui seront
conquises sur le Sud?  Les factions, l'ostracisme et les tribuns
manquent-ils? N'est-ce pas l'6poque de Marius et SyUlla? Et poour
continuer le digne pendant, qui peut dire si, bientot, on ne verra
pas un Tibore?
Pour tout juge impartial, comme peut l'otre un dtranger sincere,
qu'aucun intdret, qu'aucun esprit de parti n'aveugle, quel spectacle la d6mocratie am.ricaine offre-t-elle, surtout depuis ces dernimres annres?o Comment et sur quoi se soutient-elle? N'a-t-on
pas vu les fraudes les plus ohont6es, les violences les plus r6voltantes se commettre, aux temps des Elections? A San Francisco,
c'est un scrutin a tiroi~ patent pour faire glisser les votes, selon
les besoins de la cause; a'la Nlle-Orl6ans, Louisville, Baltimore,
c'est une meute dd boxcurs, d'assommeurs, salaries pour empocher 
( 137 )
les partis contraires et les strangers de voter.-On a vu le van dalisme et le meurtre a l'ordre du jour, et tout cela commis avec
d'autant plus de lachetd que l'imputit6 en dtait assurde d'avance.
La justice, impuissante ou complaisante, a laissd cet dtat de choses arriver a un tel point que les honnetes genus, a la fin rdvoltds,
ont di prendre eux-memes leurs causes en mains, en instituant les
comitds de vigilance. Peut-on nier ces faits ou dire qu'ils sont
exagr&s? lls le sont d'autant moins qu'ils auront probablement
lieu encore, car la haine ridicule qu'inspirent les strangers aux
chercheurs de place ne demande qu'a se faire jour, du moment
que l'occasion et la force le permettront. A-t-on jamais vu une
Constitution, 6gale pour tous, etre violde plus outrageusement,
que dans cette repulsion absurde de la part des gens qui se prdtendent los natifs? Mais changez-la bien vite, votre Constitution;
faites-la ~ votre fantaisie; eh! pour Dieu, laissez lesforeigners en
repos, quand ils ne vous apportent, en g6ndral, que l'exemple du
travail et des bonnes moceurs, quand ils viennent ddvelopper votre
pays par les durs travaux de l'agriculture et de l'industrie. Que
serait donc l'Amdrique sans cette arm6e de travailleurs accourus
d'Europe? Ils ne vous ont pas demnand6, pour cqndition, d'avoir
le droit de voter; ils usent des droits constitutionnels 6gaux pour
tous. Si votre Constitution donne matibre a des abus, r~visez-la
lgalement, faites-la pour vous seul si bon vous semble; mais co
n'est pas avec le revolver et I'assonmmoir, que vous trouverez le
remede aux vices de votre organisation politique. Ce n'est pas en
mbprisant et en chassant la classe 6trangbre, que vous empecherez
votre pays de tomber dans le chaos d'une ingrate d6mocratie qui
s'est arrog6 toutes sortes de libertds licencieuses, pour arriver, A,
force d'exces, au bord du gouffre d'oi los rbpubliques d'Athones
et de Rome ne sont jamais r,venues!
s18
I
0
0
0. 
Pour revenir an Wstme 6Iectoral, pratiqu6, de fait, au  contr?
pied de sa thborie, nous signalerons New-York, comrne la metro
pole des grandes entreprises en tous genres; la, se trouvent des
associations  d'entrepreneurs  d'6lections  qui, moyennant  une
somme et l'engagement de donner certains emplois, assurent contre les risques de la ddfaitc.
II y a, d'ailleurs, une institution qui, dans ce genre-la, est
devenue une vraie puissance, un veritable Etat dans  l'EtatLa douane de New-York, h elle soule, a, pour un temps, domin6
une grande partie des Etats du Nord, en fait d'infiuence (lectorale. La fameuse Tammany Hall 6tait son quarticr-g6n6ral, et Ic
parti ddmocrate a lon,temps pivots sur cette souchbe extraordi, airement puissante.  C'est a propos de corruption  d'argent et
d'abus de pouvoir, que nous devons bien une mention honorable a,
la douane de New-York! Pour nous, qui la connaissons particulierement, cette respectable administration n'est, ni plus ni
moins, que l'organisation d'une bande de..... tros-hounntes gens7
disciplines, et nous en avons cent preuves pour une a fournir a qui
voudra les voir. Cette grande batisse, cc beau monument, receblc
le chantage organis6 s'exergant sur les honnetes gens, et principalement sur les negociants, parmi lesquels bon nombre de maisons fran~aises pourraient appuyer nos assertions du spectacle de
leut ruine, provenant du fait do cette caverle.  I1 faut dire que
cette administration a des pouvoirs et des privileges qui donient
lieu au despotisme le plus revoltant. Aucun des potentats absolus
d'Europe n'oserait faise ce que cette, douane fait pour pressurer,
pour extorquer de l'argent au commerce; ne pas confondre avec
le commerce amnricain; celui-la on en a pcur, on n'y touche pas.
C'est aux Franuais et aix Allemands que l'on s'en prend.  Leurs
plaintes ne sont jamais 6coutoes: ce sont des foreigners. D'ailleurs, a quoi bon ua procbs avec la douane? c'est s'attaquer aux
droits feodaux; elle ne perd jamais, de fait, la douane; la loi lui
II. 
(139 )
donnera peut-6tre tort, mnais, en attendant, elle vous aura ruinu
z.fond, sans la moindre compensation a recouvrer.
I rdsulte des privileges et de l'iifluence de cette administration, que les actes les plus odieux  d'exactions et d'arbitraires,
sont tous les jours commis au d6triment des importateurs et au
profit de quelques individus, car les trois principaux officiers ont
le tiers ou la moitie6 des d6epouilles a se partager.-Le chef le plus
actif de la bande est Un nomm6d "Israel", le plus fieff6, le plus roud
des Yankees, greff6s sur juif. - Cet honnete fonctionnaire s'est
amass6 ainsi, en quatre arnndes, un petit pecule de quelquo chose
comrnme $200,000, dont pas un sou qui ne sente la concussion d'une
lieue. Ce democrate est devenu tout-a-coup rdpublicain, pour
conserver sa place; cela se comprend. Du reste, le parti rdpublicain a besoin d'argent, et personne, mieux qu'Israel, ne connait
l'art d'en faire suer.
Voici un des nombreux moyens qulemploie cet intbgre maistrat: il a des espions dressds de longue-main, qui s'introduisent
dans les maisons de commerce, et qui prennent connaissance des
licux et des cases aux papiers d'affaires.-Dans un temps donnd,
et sous un pretexte bati ad hoc, une partie de l'dtat-major de la
bande arrive arrogamnment vous intimider en se declarant autorisee par la loi a faire une perquisition dans vos affaires.  I est
rare qu'on ne se trouble point. C'est alors que les espions en
question se glissent dans les bureaux et's' emparent des papiers
ou des livres voulus, a la faveur du trouble entretenu a dessein
par le chef des volcurs. Du rcste, celui-ci ne se prive pas de faire
main-basse sur l1s lettres, et, quand le coulp cst fait, on fait semblant de dire q-'ion s'est p3ut-etre tronilep, et qu'il ne vous sera
rien fait.  Les lilous s'en vont; mais, bientot, arrivent les garnissaires, qui saisissent a leur totr votre avoir et votre personne, et
vous etes jusqu'au cou dans le traquenard.  II faut donner des
cautions a n'en plus finir; la chose s'ebruite; votre credit est
perdu, car chacun sait que les griffSes des vautours ne se d6tacherout que bien pleines de votre fortune.
Un procbs avec la douane, e'est la ruine assurde.  On le fait
durer des annees, et vous  tes, en attendant, sous le poids de
k 
( 140 )
cautions plus ou moins difficiles a trouver et plus ou moins pe santes, a cotd des inquidtudes de toute nature qui vous accablent.
Les chefs en question savent bien tout cela, et ils y ajoutent le
plus possible. Ils ont la presse, bien entendu, en leur faveur, et
quelques articles bien nourris de calomnie viennent vous mitrail ler le coeur, en tuant votre credit, en assurant votre ruine. Que
faire? Un affid6, diplomate de la douane, tros habile, bien dress'e,
et a qui la douane donne un intdret dans l'operation, vient vous le
souffier, ce qu'il faut faire: un compromis, une somme qui repr sen terait, par exemple, 25 pour 100 de l'avoir saisi, pourrait peut-etre
arranger, 6touffer l'affaire.-C'est une lueur d'espoir, on commence
a/ respirer; bref, on soulage bientot son esprit et sa bourse, en su bissant le joug;-on sacrifie tout pour payer le prix de la ranqon
aux pirates de la douane de New-York.-On est a' peu prbs ruins
en avoir et en credit, mais on est sorti de leurs griffs: c'est le
bonheur du malheur. Alors on vous remet les papiers ou les livres
vol6s; mais, pour ne pas se compromettre, on les renvoie d'une
maniire indirecte; ainsi, par exemple, on les mettra dans votre
~bolte, a la poste, ou bien vous trouverez les livrcs chez vous, audessous de votre porte, et le tour' est jou6. C'est ainsi que nlombre
de victimes ont ddcouvcrt quo rien, apres tout, ne les incriniuiaiten
r6alit'.  Quant a la transaction, on n'en voit jamais trace; on a
soin d'en faire disparaitre toutes les preuves, ct on clhercherait en
vain dans le rapport des recettes du ministre des finances; on
n'y voit pas figurer les sommes ainsi extorqut6es.-L'inventeur de
cette methode a la tire, l'appelle lui-meme l'industrie de la pour,
et se fait des gorges-chaudes dans les orgies que votre argent lui
procure.  Nous avons a notre connaissance plus de vingt maisons
fran~aises ou allemandes, qui, dans cos dernieres aunnes, ort e6t6
ruindes ainsi; mais elles ne s'en vantent pas, bien entendu. Ajoutons, pour etre fioanc jusqu'au bolit, que le commerce de NewYork est le courtisan, le valet de la douane, qui fait semblant do
lui accorder quelques faveurs pour mieux le voler, pour mieux le
pressurer. -  Combien plssent-ils de caisses sans qu'il y manque
quelque chose? Quels sont'ceux qui ne subissent pas l'etrille de
cette association dettrafiqueurs!
Il est a remarquer que les saisies de ces derniers temps ont eu 
( 141 )
lieu, principalement, sur les marchandises firanqaises manufacttu roes, qui font le plus de concurnr nce au pays, telles que les veaux
cir6s par exemple. Les malveillants ont voulu y voir que les in dustriels americains payaient les gens de la douane pour pers6 cuter principalement cette partie d'importations; rien n'est inm probable a ce sujet. Qu'est-ce que l'int6ret ne fait pas faire dans
ce pays, a ce peuple honnete et souverain?
Quels sont les maux et les abus que n'amene pas le tarif?
Sur les quinze districts douaniers d'importation, aux Etats-Unis,
celui de New-York offre, a lui seo,l, pour 1859, la somme de
$114,169 61 de saisies diverses faisant l'objet d'un proces, tandis
que les autres districts rdunis, n'ont, en fait de saisies. que $39,970
15 c.  C'est-a-dire, que, sur un mouvement de commerce de
1,476,270 tonnes de marchandises, ce district opore plus de saisies
quo tous les autres ensemble, qui operent sur un mouvement de
4,877,598 tonneaux. I1 est bien entendu que les compromis dont
nous avons d~montr6 le systbme ne figurent nullement dans ce
chiffre a procedure de $114,169 61.-  On pout les estimer dans
une proportion que le bon sens inldique d'avance, car peu de personnes sont disposdes a entrer en lutte avec cette puissance sans
controle, sans contre-poids, qu'on appelle la douane du district de
New-York, qui avec son arm6o d'un millier d'individus h faire
agir, cofite annuellement au tresor federal la somme de $1,235,768
89 c., sur les $3,313,059 93, quo coute l'administration g6n6rale
des douanes aux Etats-Unis.
Pour en revenir aux extorsions r{voltantes dont nous avons
signald sans crainte l'odieux systeme, nous ajouterons que nous
tenons en mains des preuves nombreuses et des tdmoins irr6cusables, au Sud comme au Nord, car les voyageurs n'6chappent pas
toujours la rangon, tdmoignag  comme quoi nous sommes rest6s
au-dessous de la vdrit6, plutot que de l'avoir outre-pass6e.  Il y
a meme des choses plus fortes k dire a ce suiet, mnais que l'on ne
croirait pas si on les 4erivait.!ous n'irons donc pas plus loin. 
III.
Resumons ce que nous avions a dire sur I7Union. Tout homme
impartial, peut voir combien elle 6tait vou6e a la destruction par
les homres et les chlioses.  Un peuple qui s'est laiss6 eutralner a
ne plus se mouvoir quo pour de l'argent, est un peuple d6g6ne'r;
il doit fatalemeut se creer sa propre punition; il y est arriv6.
Voici un dernier fait, inoui parmi les civilis6s; un fait qui vaut
a/ lui seul des volumes pour peindre ce peuple et ses moeurs.
En ce moment rmem, a New-York, on montre un assassin pour
de l'argent!
Un corsaire du Sud prit, dernibrement, un petit navire dans
ses courses.  11 y mit a bord cinq hommes, dbtachis pour mener la prise a terre. Un mulatre s'y trouvait comme cuisinier
qui, "outr6,"' dit-il, de voir le drapeau de l'ZUnion remplac6 par
celui de la Confederations, r6solut de le venger; a cet effet, il s'arma d'une hache, descendit la nuit dans la cabine  de  trois ds
cinq hommes, et il los massacra tous trois pendapt leur sommeil,
puis forga les deux autres a virer de bord et faire voile sur NewYork qui le regut en hlros, bien entendu; voila l'histoire que ce
hdros raconte au public, chez Barnum,  qui l'exhibe, lui,  sa
hache et l'habit ensanglant6 de l'une des victimes, et tout cela
avec la complaisante permission de la justice, qui fait sortir ledit
meurtrier de la prison ou il est garde a titre de t6moin, aux heures voulues, pour la repr6sentation publique!
n y a bien loin du joulr et du peuple oil le g6ndral Washiington
6erivait au Conrtres, a propos des',500 par mois que ce dernier
venait de lui voter: - "Jo demande au Congrbs la permission de
l'assurer que, conime aucune compensation pe6cuuiaire n'aurait pn
m'engager a accepter ce poste difficile, aux depens de mon repos
et de mon bonheur domestique, je ne veux en tirer aucun profit.
Je tiendrai un compte exact de mes dbpenses, et je ne doute pas
qu'on ne les acquitte; c'est tout co que je desire."  Quelle vie
pure, quel beau caractere, mais aussi, quel contraste! Los en 
( 143 )
fants du Pere de la Patrie, capables d'en faire autant, sont bien
rares!  Aujourd'hui, on voit le pillage des deniers publics, par les
guerriers-politiciens, et une arme't de besogneux-miercenaires,
pay6e par les fabricants, vient se jeter sur la plus riclhe partie du
pays comtne sur une proie; les uns pour se la partager, les autres
pour conserver un tarif qui les enrichit; un tarif qui, seul, est
ddja le ver rongee' et la plaie de leur pays, et ils viennent encore
d'e l'augmenter!
Nous le rdpdtons, le tarif scul, est la cause primordiale de la
guerre civile, commne seul il sera la cause du Laup6rismine du peuple
du Nord qui, prochainement, comme la populace romaine, exigcra
le partage de la. propri,t; "l a le pouvoir de faire la loi agraire,
et il l'a fera trds probablement. Le pillag,e, ldgal ou armnd, est au
fond du suffrage universel Ia out les masses s'agg,lonbrcnt. Jamais
pays n'a et6 mis dans une plus fausse vole que celui-ci; la iichesse
estpartout, mais lamesquine jalousie contre l'Europe, l'avidit6 sans
pareille de la Nouvelle-Angleterre, font de ce peuple un Midas
industriel.  Comment comprendre qu'un peuple, qui n'a qu'h se
baisser pour ramasser de la valeur positive, aille gaspiller son
temps a chercher le moyen de-donner de la valour relative et
artificielle ai la matiere premiere, que son voisin offre d'acheter
comptant, pour la perfectionner' bien mineillcur march6.  N'estce pas s'amuser a& chercher de nouveaux proc6d6s pour faire desepingles, tandis que la terre offre son scin pour y puiser de l'or?
C'est ainsi que peut s'expliquer le ddficit de l'exportation sur
l'importation; le Nord ne couvre pas ses d6penses ai beaucoup
pros,  comme  on  le  verra par les rclev6s de  statistiques,
On  dit que l'industrie est un moyen de progres pour  um
pays: c'est un malheur, et pus autre chose, du jour out on l'a
protegde au d6triment du  grand nombre.   L'industrie manufacturinre amdliore; pe  - etre la matibre, mais elle n'en produit pus. Elle ne peut done convenir qu'aux peuples qui n'ont
ni mines, ni agriculture, ni marie en suffisance; est-ce le cas ici?
Avec les millions d'indigens qui saccrochent  aux machines du
Nord, on exploiterait la terre de ces plaiues inmmenses, ou  100;
millionsde travailleurs peuvcnt prendre place; de manibre a co que 
( 144 )
l'aisance pour eux-memes, la prosp6ritd rdelle pour tous, et enfin
la securit6 de l'Etat en soient les premiers  b6ndfices; car un
Etat ne peut etre en sufiret6 au milieu de la plbbe qui tient a la
main l'arme lgale de la revolution. II faut donc, dans l'int~ret
de la ddmocratie et du pays, qu'elle soit dispersbe; autrement
c'est une faction turbulente qui se met a 1'encan, et qui devient
ainsi le politiquet des politiqueurs. Rome est un dternel exemple,
une preuve irrecusable de cette vdrit6. II est p6nible pour la
dignit6 et l'intelligence de l'hiomme, de voir ceux qui se sont
tant vantds, a propos d'6conomie politique, et de l'art de savoir
se gouverner, n'avoir seulement pus su tirer parti des bienfaits
uniques prodigu6s autour d'eux par une partiale Providence;
c'est d'autant plus penible et ravalant pour tout homme libre,
que c'est ainsi que l'on donne raison aa despotisme, dont on fait
follement une nicessit6.
L'art de gouverner consiste, dit-on, a savoir grouper en faisceaux, tous les 6l6ments, mat6riels et moraux, et de faire pr6valoir les causes d'union sur les causes de division. Eh bien! on ne
s'est jamais moins occup6 de cet art qu'aux Etats-Unis. Que l'on
prenne la Constitution de 1787, on y trouvera certainement un
chef-d'ceuvre de raison, un monument de philosophie pure, mais
c'est en vain qu'on y chercherait la praticabilit6 qui s'adapte aux
d6fectuositIs comme aux qualitas de la nature humaine.  On ne
clierche nullement los moyens de faire prevaloir le bon sur le mauvais, vu qu'on n'y admet pus qu'il y ait des vices sur la terre parmi les hommes. Cette Constitution a'6t6 faite par et pour des
sages; les sages de 1787 se sont trompds sur la nature et l'esprit
des hommes en gdndral, et de leurs descendants en particulier.
a
I
a 
DONNEES STATISTIQUES PUISEES AX SOURCES OFFICIELLES.
I.
Les Etats-Unis so composent actuellement de trente-quatre
Etats, habitds par 31,500,000 ames, et de sept territoires par
500,000, soit une population totale de 32,000,000 d'&mes pour les
Etats et les ddpendances de l'Union.
Cette immense contr6e  peut se ddnommer'par  trois sections
distinctes de nature et de position: Lo Nord, se compose des
Etats du Maine, New-Hampshire, Vermont, Massachusetts, RhodeIsland, Connecticut, New-York, New-Jersey et de la Pennsylvanie qui, des bords de l'Atlantique, s'avancent du Nord et de l'Est,
en longeant le Canada jusqu'a l'Ohio, d'ou nous prendrons la
section de l'Ouest, se composant des Etats de l'Ohio, l'Indiana, le
Michigan, l'Illinois, le Wisconsin, l'Iowa, le Minnesota, le Kansas,
la Californie et l'Oregon, s'6tendant ainsi jusqu'au-delak des Montagnes Rocheuses, avec les territoires vers les possessions britanniques de la baie de Hudson et les possessions russes, jusqu'au D&
troit deBerhing, qui relie presque l'Amerique a l'Europe. En revenant a la base Ouest de l'Ohio, et prenant le Potomac pour base, la
section Sud, longeant a l'Est les cotes de l'Atlantique et du golfe
du Mexique, se compose du Delaware, du Maryland, de la Virginie,
du Kentucky, du Tennessee, de la Caroline du Nord, de la Caroline du Sud, de la Georgie, de la Floride, de l'Alabama, du Missouri, du Mississipi, de la Louisiane, du Texas et de I'Arkansas.
Les territoires se placent en faisant suite aux Etats du Sud et de
l'Ouest; ainsi sont corpris ou contigus aux Etats du Sud, le
District de Colombie, contenant la capitale, les territoires du
New-Mexico, et de l'Arizona; suiant les Etats de l'Ouest, sont:
l'Utah, le Nebraska, le Dacotat et le Washington.  L'Union se
compose donc de 7 territoires non-initids dans son giron, de  10
Etats dits de l'Ouest, de 9 du Nord, et de 15 du Sud ou Etats
a esclaves.                                          19 
( 146 )
La ligne frontire du Nord-ouest de lurnion jusqu'aux possesions- anglaises et Russes est do 33,000 milles, distance plus
grande que l'espace de l'Ocfan qui sdpare le contine nt amdricain
et l'Europe.
La lipgne de c&tes, en comprenant les ports et les ddcoupures, est
de 12,600 milles, dont 6,800 sur l'Atlantique, 3,400 sur le golfe
du Mexique, et 2,400 sur le Pacifique.
La suoperficie des Etats-IJnis, sans compter les r6ions, presque
inhabite, des territoires, est de 1,462,600 milles carrds. Ce vaste
territoire offre une valeur de biens-fondsa, en exploitation, estim6e
a douze milliards de dollars qui, avec l'6valuatio de 4 milliards de
propridts personnelles, feraient une richesse publique de seize minil liards, sur lesquels on s'occupe actuellement de baser l'impot direct.
La rdpartition de cette fortune sur la population est donc de
$500 par tete.
La production gdndrale est, depuis 1847, en moyenne annuelle,
te $1,60,Q00,000 ou de $57,75 c. per capita, sur une population
moyenne de 27,706,000.  Lo rapport serait ainsi'd'enviroun 11
pqur 010 sur la valeur g~nmrale do la propri6t6 fonciore et du
capital publics.
La marine marchande des Etats-Unis a fait sortir des ports- do
l'Union, durant l'annoe fiscale finissantau 30 juin 1859, 12.277
navires, jaugeant 5,145,038 tonneaux, et mont6s par  158,000
hommes d'4quipages.
10,427 navires strangers, mesurant 2,618,388 tonneaux, et mon tes par 110,294 marins, sont entr6s et sortis des ports des Etats tUnis, dans le meme laps de temps.
Le  mouvement g~ndral du tounnage, en 1859, a done 6td de
7,915,755 tonneaux par 22,704 navires.
Les principales rpartitions de ce commerce  so sont plaies
dans les ports et proportions qui suivent
New-York,             1,476,.70 tonn.,dont; 550,751  irs
-.ouyllHOr0da,n,;,.,  80$,248   "            166,438     "
Boston Ct Charlestown,,642,023   "           358~682
$.-FranLo,.  354,406    "        557
Mobil#,                 206,039   "            57,474    "
Baltimore,              171,446   "            55,555    " 
( 147 )
Charleston,              161,665 tonn., dont  49,835 strangers.
Portland et Falmouth,   130,906   "            29,544    "
Philadelphie,            125,657'                      /t,57 / 
Le reste du tonnage g4ndral est aff6rent au commerce interne
des petits ports.
Numgraire frappe, importe et exporteS, par les Etats- Unis, depuis
le comnmencenment de leur existence, jusqu'au 30 Juin 1860.
Esplces sorties de la Monnaie: En or
~"    "    "      ~En argent
Importation gdndrale, en espbces et lingots
TOTAL
Exportation gdndrale, en especes et lingots
Balance en numdraire et lingots aux E.-Unis     $364,715,282,07
Les banques aux Etats-Unis, en janvier 1860, dtaient au nombre de 1392, ayant 170 succursales. Accusant un capital g6n6ral
de $421,880,095; leur chiffre d'espbces 4tait de $83,594,437; ies
ddpots de $253,802,129, et la circulation de $207,10J,447.
Recettes et Depenses generales du gouvernement, depuis le commence           ment de son istence jusqu'au 30.in 1860:'    -:
Recettes:
- r1 I",
Provenant des douanes
... "  ventes de terres publiques
Emprunts et bons du Trdsor 
.       P -.
T.OTAL des revenus gdndraux
TOTAL des ddpenses g~nesales
.Balance, au credit de la caisse fdd6rale,
~                   D~~ ~~~~.1  -
$1,535,570,454,28
174,947,302,66
473,575,509,32
$2,184,093,266,26
2,151,098,327,14
$$2,994,939,12 
( 148 )
Rapport du Mtnitre des finanes sur le Budget
finissani le 30 juin 1860:
Recettes:
La balance trouvo en caisse, le br juillet
$4,339,275,54
53,187,511,87
1,778,557,71
1,010,764,31
19,395,200,00
1,380,000,00
$81,091,309,43
Revenus des douanes
" ", ventes de  terres publiques
De-sources diverses
De Bons issus du Trdsor
D'Emprunt
TOTAL de l'avoir
Depenses:
Exeuhfjudieiairo et lgis1atif $6,148,655,41
D6part. des affairos trangres    1,163,207,15
Dotto publique (amortissement) 17,613,628,36
-$81,091,309,43
de juillet 1860,
La dette publique des Etats-Unis, au  mois
4tait de ce qui suit:
Emprunt de 1842
" 1846
1847 
" "1848
"    "1858  ~
Dette du Texas
Endemnites du Texas 
Ancienne dette          *
avant l'acte de 1857
apres l'acte de 1857
TOTAL de la dette
de rann,e fiscale,
$2,883,364,11
1,000,00
9,415,250,00
8,908,341,80
20,000,000,00
191,016,99
3,461,000,00
114.118,54
105,111,64
19,690,500,00
$64,769,703,08 
( 149 )
TOTAL des valeurs de toute nature impor                     t4es de 1790 a 1860
TOTAL des valeurs de toute nature expor                      tdes de 1790 a 1860
Ddficit gdndral au debit du commerce des
Etats-Unis en faveur du commerce Europden,    $2,169,140,805
dormnnant sur la population actuelle, une dette de $68,10 par tete.
L'exportation gdn6rale, en marchandises et especes des EtatsUnis, pour l'ann'ee 1860, a 6td d'un total de $373,189,274, compos6 des valeurs suivantes:
Produits de la mer
"    des forets
"    de I'agriculture
"    en tabac
"    en coton
"    des manufactures
Divers produits a l1'tat cru,
'  En especes et lingots
Les Etats a esclaves ont fourni, a ces
valeur de 
Et les Etats libres, la balance, soit
$228,213,102
144,976,172
$373,189,274
La population des Etats ak esclaves est de  12,240,047 habitants.
Celle des Etats libres et territoires est de  19,487,440    "
Ce qui donne la repartition d'une valeur respective contribude par chaque section, dL:
$7 30 par tete, sur la population des Etats libres,
et 18 06       "                L         Etats a esclaves.
a
L'importation gdndrale des marchandises et especes, aux EtatsUnis, en 1860, a 6t6 de 4362,163,941, ou de $11 41 par t6te; ce
qui donne un deficit de $4 llc. par tete sur la population des Etats
libres, et un b6ndfice de $6 65 par tete au peuple du Sud.
$8,641,976,758
6,472,835,953
$4156,480
13,738,559
48,4517894
15,906,547
191,806,555
39,803,080
2,379,308
56,946,851
chiffres, une 
( 15,) )
La proportion r6partie des produits e'trangers, import4s en
1860, sur la base d'une consommation ogale par chaque individu,
donne:
Aux Etats libres, une depense totale de $222,445,858
Aux Etats a esclaves,    "        "         139,718,083
Autrement dire, une economie de $88,495,019 pour la section
du Sud, vu qu'elle produit plus qu'elle ne ddpense,-et un deficit
de $77,469,689 pour la section du Nord; qui ne couvre ses d~pen.
ses que par une dette de $4 11 c. par tete. C'est dans ces chiffres
qu'il faut rechercher la cause des deux faits principaux qui dchirent ce pays:-Les crises commerciales et l'antagonisme du Nord
contre le Sud.
Valeurs des Importations et des Ex!ortations gdndrales, en 1860.
Importations.    Exportations.
Sorties et entroes aux ports suivan
"  "      Grande-Bretagne
"'  "    de France
'"  "    Indes-Orientales
~"  "    Iles Philippines
;  "   ~Ile do Cuba
"  "     Porto-Rico
";  "    Les Deux-Siciles
"- "     Haiti
"  "     Nile-Grenade
"  "     Venezuela
";  "    Brdsil
"  "      Chine
"  ".  D'autres pays
Totaux des imp. et.exp.
nI est. a noter que cest 1le transit d'une grande partie des pro,duits franqais,,importds par la marine anglaise, qui grossit le
cliffre do la Grande-Bretagne, vu que la douane applique la provenaneo a la nationalitd du transport..
$138,695,626
43,21.8-094
10,692,342
2,886,166
34,032,277
4,512,188
2,384,577
2,062,723
3,843,868
.2,883,464
21,214,803
13,566,5-87
,,82,271-7226
. i.....'
$362,163,941
$196,260,756
58,048,231
.1,111,697
. 368,209
11,747,913
1,517,8137
484,1O
2,441,905
1,642,800
I.,05,6i2&0
5 945,235
.7i 170,784
85,393,467
. i3,73,189,274 
( 1 )
Les produits dits de l'agriculture, figurant dans l'exportation
pour une somme de $48,451,894, se composent des objets dont ls
ddnomination suit: Provenance animale,- boeuf, suif, peaux, be.tes a cornes, beurre, fromage, porc sal6, jambons et saindoux,
laine brute, pores, chevaux, mules et brebis.  Provenance vdg6tale:- b16 farine, mais, mais indien, riz, seigte; avoine et autres
petites graines, biscuit de mer, pommes et pommes de terre,.
oignons, etc. 
Provenance maritime, figurant pour $4,155,480:- poisson~
frais, sal6s et fum6s, sperma-ceti et matiires ai ohandelles, c6tes
et huile de baleine, etc.
Provenance forestigre, figurant pour $I3,738,550:- potasses
et cendres, fourrures et sauvagined, rdsine et thdrdbentine, poix
et goudron, objets en bois bruts, barques, chaloupes, etc.; 6corce
a tan et autres bois de teinture, planches, bois de charpente et de
construction; mats, lattes, douves et bardeaux, etc.
Coton, figurant pour $191,086,655:- 3,812,345 balles, pesant
1,767,686,338 livres, valant en moyenne 10 851100 par livre.
Tabac, figurant pour $15,906,547:-17,817  balles, 15,03S
caisses', 167,274 boucauts.
Riz, compris dans l'agriculture pour $2,567,396:    11,837 brils, 84,163 tiersons.
$45,000,000 de bld, mais et farine, figurent dans le chiffre de
l"agriculture, dont une partie est fournie par la section Sud.
a
0 
(152 )
Provenances mranuyacturieres, figurant a' l'exportation des
Etats-Unis pour $39,803,080.
Cire
Sucre rafin6
Chocolat
Alcool de graines
Alcool de mblasse
Alcool de diverses natures
M6lasses 
Vinaigre
Biere, ale et cidre
Huile de lin et tdr6benthir
Hluile de lard
Meubles divers
Voitures
Chapellerie
Sellerie
Chandelles et mati/res a& c
Tabac en poudre et autres
Cuirs, bottes et souliers
Cordages
Poudre a canon
Sel
Plomb
Fer en saumons, barres et
Cuivre     "            "1
Drogues
Coton tiss6, imprimn6, etc.
Coton en divers articles
Lin, sous diveses formes
Faience.et poterie
Peignes et boutons
Brosses et balais             -
Billards et accessoires
$131,803
301,674
2,593
311,598
930,644
219,199
35,292
311,368
53,573
ae              943,088
55,783
1,079,114
816,973
211,602
71,332
handelles      1,203,104
3,383,428
1,456,834
246,572
467,772
129,717
50,466
divers objets 5,703,342
"'    "     1,664,122
1,115,455
5,142,144
5,792,759
553,990
65,086
23,345
61,377
15,979
REPORT      $32,551,128 
( 153 )
Parapluies et ombrelles
Objets en caoutchouc                       4
Peaux et maroccains
Pompes a incendie et accessoires
Presses a imprimer et tvpes
Instruments de musique
Livres et mappemondes
Papier et articles de bureaux
Couleurs et vernis
Verre a glaces
Objets en 6tain
Objets en plomb
Objets en marbre et ea pierre
Objets en or, argent, feuilles d'or et d'arg.
Vif-argent
Fleurs artificielles et bijouterie
Malles et valises
Briques et chaux
Huiles diverses                          ]
Articles divers, non 6num6r3s5
$39,803,080
(Note de l'auteur.)-Cet 6tat d'exportation est plac6 ici, principalement pour indiquer aux manufacturiers d'Europe quels sont les
articles les plus repoussds du marcb6'amdricain, afin de leur faire
dviter les envois ddfavorables, qui n'ont lieu que trop souvent.
Valeurs declardes t la  Douane, des  principales  marchandises
impor,es en 1860.
Articles manufactterds en laine           $34,344,267
"         "     "4 coton                32,458,116
",' isieries etsoie 6crue 30,872,444
1"        "      " ] ]in                13,839,182
REPORT      $111,514,009
20
7551,128
4,862
240,841
19,011
9,948
157,124
129,653
278,268
285,798
.223,809
277,948
34,064
46,081
176,239
240,187
258,682
24.866
50)184
l4,045
1,609,228
,031,116 
( 154 )
$I11,514,009
4,007,675
2.542,523
2,101,958
2,082,643
1,603,237
2,240,905
21,526,594
7,646,284
1,662,630
3,000,123
2,172,893
2,982,138
9,524,706
166,284
z.    1,543,429
551,605
4,570.018
1,212,039
1,669,622
3,338,99-7
41,345,812
5,214,321
1,920,66&
36,294,316
4,997,894
1,129,937
1,100,057
1,639.345
2,541,286
6,079,909
1,820,137
1,431,140
299,670
REPORT
Broderies, passementeries et dentelles
Tapis d'Aubusson, Saxe et Bruxelles
Hlabillements et toilettes
Toiles a sac et emballage
Articles en paille
Coutellerie
Divers articles, en fer et en acier
i"      "    cuivre, 6tain, plomb et zin
6"      "    en or et en argent
Horlogerie, montres et mat6riel
Verreries et cristaux
Cuirs et peaux tannds et finis
Cuirs bruts et peaux non-ouvrdes
Bottes et souliers
Ganterie de chevreau, environ 300,000 d
diverse
Porcelaines et poteries
Meubles et bois d'6bdnisterie
Caoutchouc, ouvr6 et non-ouvr6
Vins en bariques et en bouteilles
Champagne
Spiritueux
Huiles diverses et essentielles
Sucre, sirop et molasses
Fruits
Epices
Salpetre
Indigo et pastel
Carbon. et sel deoude
Cigares et tabac
Chaavre de Manille
Sel
Sardines
REPORT      225,474,801 
( 155 )
REPORT     225,474,801
Instruments de musique                        489,952
Livres et imprim6s           f               926,991
Papiers peints, papeteries et articles en papier  520,272
Armes a feu et poudre a canon                 387,993
Fourrures                                    512,179
Divers, non 6numdrds                       51,560,139
TOTAL, payant droit,       $279,872,327
enfranchise en 1860.
$4,450,658
1,235,976
2,360,671
1,540,244
2,753,411
21,768,939
8,803,771
1,441,665
8,550,125
29,386,154
t,       $82,291,614
Laines brutes
Soie brute et cocons
Etain et metaux bruts
Chiffons
Graine de lin
Caf2
The
Animaux de reproduction
Espbces et lingots
Divers, a l'6tat cru, non 6numdr6s
Les Etats-Unis et dependances offrent pres d'un milliard
d'acres de terre au prix moyen de $1 25 c. l'acre.
D'aprs le dernier recensement, l'6tendue du territoire des
Etats a esclaves est de 851,448 milles carr6s, la population do
12,240,047 habitans, et la richesse publique de $5,500,000 en proprit6s fonci~res, plus, 2 milliards en valeurs personnelles, chiffres
ronds, sur lesquels le gouveoement de Washington vient de baser la taxe de l'impot.'
La fortune du Sud, per capt, est done d'environ $625, ou pros
de $1000, Si on d4duit la popukation esclave. 
II.
Les chiffres que nous venous de citer sont puis6s dans les documents officiels des ministbres des finances et du commerce de
Washington, pour la fin de l'annde fiscale 1860.  Nous devons,
cependant, faire remarquer une lacune. Dans le rapport du ministre des finances, a l'article des recettes et ddpenses grndrales,
nous trouvons une balance de $32,994,939 12, comme devant
exister en caisse au 30 juin 1860, et, cependant, le rapport des
ddpenses et recettes de l'annde n'accuse, au ler juillet 1860,
qu'une balance en caisse de $3,629,206,71 tout comme celle du ler
juillet 1859 qui n'est ddclarde prdsente que pour $4,339,275 54.
I1 y a dvidemment une erreur, ou un vide, de $29,365,722 41,
que le rapport n'explique pas aux contribuables. (Consultez lo
livre des rapport du ministre des finances pour l'annie 1860,
page 394).
En fait de statistique, nous pourrions pousser nos recherches
sur le commerce, la production et la consommation internes du
pays; mais notre but doit se borner, pour le moment, ai mettre
en 6vidence les principaux points d'opbrations qui peuvent etre
utiles, comme renseignements, surtout au commerce d'Europe, et
cela, d'autant plus que nous ne pouvons gucre esperer d'avoir, a
l'avenir, les documents officiels de l'Union a consulter. Ces renseiguements peuvent donc, dans une certaine mesure, fournir une
base aux operations a venir avec cette partie de l'Ambrique.  La
consommation et la production suivront, probablement, les memes
proportions que par le pass6. On peut voir aussi, par ces chiffres,
la vraie position du 1ys, et se rendre compte des causes qui ont
amen6 les disatres, qui grossissent tous les jours, pour finir on
ne sait oi ni comment, si personne n'intervient.
I1 est evident que le fatal systbme douanier des Americains a
amend l'esprit de section et l'6goisme inexorable, qui ont conduit
le peuple dans Il'abime des guerres civiles. Chaque section en
,tant arriv'ee, par cet esprit, a faire valoir ses productions et
ses valeurs respectives, le Sud n'a pas tard6 a ddcouvrir qu'il
f
0 
( 157 )
supportait le fardeat d'une partie majeuire des chargres du pays.
I1 se rendit compte, enfin. qu'il enrichissait b4ndvolement les
gens du Nord, qui, en retour, le traltaient en vassal et en ennemi.
Comment expliquera-t-on q(ue le Nord en soit venu a chercher
querelle a ses associds, et a conspirer contre l'existeince des Etats
du Sud, d'ou et de qui il tirait son existence, son commerce ct son
6lvation nationale? On no peut se rendre compte d'une telle folie, que par la fable de la poule aux oeufs d'or. I1 ne pouvait pas
en etre autrement, chez un peuple que l'appat du gain et l'amour de
la personnalitd font agir, exclusivement de tout autre sentiment.
Quand une nation en est arrivde a n'avoir plus rien en vue
que dans le cadre de l'intdret personnel, il ne pent lui arriver
que des malheurs mdritds.
Tel gouvernement, tel peuple; telle administration, telle
socidt6; et cela est d'autant plus vrai ici, que gouvernement et
peuple, administration et socidt6, sont tout un. Eh bien, quel
spectacle le Congrbs offre-t-il au monde, depuis ces dernibres anndes? et les Idgislatures, done? Quels sont les excbs qui ne s'y
sont pas commis,-depuis les coups de poing, les coups de canne
jusqu'a l'encan des voix et des conscience, a l'endroit des lobbies et
des places? Et aujourd'hui, qu'y trouve-t-on encore, qu'y voit-on,.
au moment oi les r6publicains poussent le pays dans la ruine?....
Quelques hommes seulement ont eu le courage de jeter un cri
d'honneur national; quelques patriotes courageux, dloquents, sublimes au milieu des colTres de l'anarchlie, out os6 demander oil
l'on conduisait le pays, "dont la chute est aussi indvitable que
celle des eaux du Niagara, avec des liommes conmme voUs!" s'est
icrid l'honorable Vallandinghlam, de l'Ohio; de l'Ohio, dtat abolitioniste! C'est que, pour los honnetes gens, il doit y avoir, avant
tout, un pays, une nation. ahauvecgarder avant les sections!  Eh
bien, ces trois vaillanta patriotes, Breckinridge, Vallandingham
et Burnett, que l'histoire couronnera, ont dt6 mis a l'index par les
rdpublicains, comme traitres a lapatrie!
In est done vrai que, comme Saturne, les r~publiques d6ivorent
leurs enfants! Ce qu'il y a de suir, c'est que la rdpublique amelricaine connait l'art d'userles siens.  C'est avec la plus grande 
( 158 )
fatigue, le plus profond dgfrout, que les honnetes fonctionnaires
se retirent gendralement du pouvoir. Aussi n'y reste-t-il que des
hommes m6diocres, pour 1l plupart, en admettant que le peuple sut en envoyer d'autres. Sans citer les paroles des hommes
d'Etat 6minents qui ont souvent manifest6 cette lassitude morale,
le president Buchanan l'a prouv6 encore une fois par ces paroles: "Si M. Lincoln est aussi satisfait d'entrer au pouvoir que
je le suis d'en sortir, il doit etre bien heureux."
Ce n'est pas le peuple qui est souverain, ni les fonctionnaires
qui gouvernent; ce sont les partis, les factions, qui dominent et
tiraillent ces derniers en tous sens, qui les usent et les 6crasent
par leur pression, leur volont~, autrement despotiques que celles
d'un homme.
a
f
0
e 
III.,
11 est un fait inapervu, petit-etre, sous l'6talage d'une pros-pdrit6
factice: c'est que les EtatsUnis doivent plus de la moiti6 de
leur fortune publique a 1'Europe.-Les valeurs personnelles sont
estimdes a quatre milliards par le ministre des finances. et l'Europe a une balance, a son crddit, de $2,169,140,805.
Comme on l'a vu, d'aprs les chiffres officiels des importations'
et exportations, le peuple des Etats-Unis se trouve rdellement
ddbiteur envers l'Europe seule,-car ses affaires avec les autres
pays se font sand ddcoiivert,-de cette somme qui fait environ 25
pour 100 de se importations, ou pros de 11 milliards de francs,
c'est-a-dire que plus de la moiti6 de sa fortune personnelle ne lui
appartient pas.
I1 est -rai que, tons les dix ans, le commerce am6ricain  d&
pose son bilan, de maniore qu'il ne paie, en rdalit6, que 75 pour
100 sur tout ce qu'il achbte d'Europe au prix coutant, c'est-a-dire
au prix de douane, formant le chiffre des oparations citdes. Londres, Manchester, Paris et Lyon, pourraient certainement revendiquer leur grande part, contribude forcdment, dans cette fortune
publique, car il est dvident que ce que l'on appelle perte en Europe, devient profit en Amd6rique: ce n'est qu'un ddplacement de
propridt6; c'est une partie de la richesse europ6enne qui se trouve attire ici pour n'en plus sortir.  Non-seulemeut le commerce,
iadustriel d'Europe est victime, mais encore les agents interm&diaires de ce transit forec sont pour la plupart ruinds. Les reaisons europ6ennes qui rdussissent a gagner et sauver une fortune
du cbaos am6ricain sont de plus en plus rares.
On ne peut pas admettre q''un peuple qu'on dit etre si actif et
qui, par chaque individu, reprdsente $500 de fortune, ne puisse
pas payer les $11 41 de marchandises par tete qu'il importe par
annode: le Nord est un interm~diaire, parasite, absorbant entre
le Sud et l'Europe.
La vdrit6 dit d-'ailleurs, que nous retrouvons naturellement en
gros ce qui se passe en ddtail: mauvaise foi, manvaise administration, mais tros-profitables a quelqu'un: tout est la. 
( 160 )
En resume, cette pra6tenidue prosp6rite des Etats-lnis est celle
de l'Europe, principalement de l'Angleterre et de la France.- Si
l'Europe et le Sud pouvaient reprendre au Nord ce qui leur appartient de fait, celui-ci n'aurait plus rien: il serait ruin6.
On pcut cependant se consoler d'une chose: c'est que les crises
et les faillites commerciales n'auront plus leur raison d'etre, avec
le Sud, qui, du reste, vis-a-vis du Nord comme de l'Europe, s'est
toujours maintenu au-dessus de ses affaires: en tout temps, et
durant les crises les plus violentes, telles que celle de'1857, la
section Sud a g6ndralement couvert partout son passif a fond. I1
est donc certain que les crises l'atteindront bien moins encore,
quand son commerce travaillera a son corps d(fendant; c'est-a-dire
que desormais, il aura dans sa caisse, a la fin de chaque annie,
une 6conomie qui peut se baser sur les $88,495;019, formant le
surplus de son avoir sur sa consommation 6trangbre de 1860,
sans parler des avantages du commerce intbrieur que lui enlive
dgalement le monopole du Nord. Les contrees agricoles, telles
que le Sud, sont naturellement destinies et intdressdes aux avantages du libre-4change, et il est probable qu'avec l'aide de l'Europe le Sud y arrivera.
L'Europe a done tout avantage a d6gager le Sud des 6treintes
du Nord; elle assurera par la l'augmentation et la s6curit6 de
son commerce a venir; elle pourra resserrer, par la meme cause,
son cr6dit au Nord, qui n'aura plus a faire tant valoir la s6curit6
des produits du Sud, securit6 qui devenait fictive, vu que le Nord
se faisait toujours la part du lion, dans les crises, avant de faire
celle de ses cr6anciers. -Les honnetes gens des deux pays doivent voir avec satisfaction une ddsunion qui leur permettra d'esparer que le fruit de leur travail cessera, enfin, d'enrichir un pays
rapace, qui toute sa vie n'a donnd que des esp6rances, esp6rances auprls desluelles tant de fortunes laborieusement et honn -
tement acquises sont venues sombrer!
I1 s'agit, pour les puissances europdennes, d'acqudrir assez de
certitudes que la Nouvelle Conf~d6ration est et peut continuer
d'etre un gouvernement de fait: ce fait est ddsormais accompli
et consolid6 par la victoire. Un peuple de dix millions d'ames, 
( 161 )
animd de la consciencieuse justice de son droit, vaut le triple de
celui qui ne l'est que par la raison inverse, de celui qui n'agit qu'avec l'arme de l'iniquit6 et du calctl d'interet personnel, qui ne
fait enfin qu'une guerre civile d'argent.
L'Europe, en reconnaissant la Nouvelle Conf6ddration, fera un
acte dejustice envers le Sud et un pas vers le libre-6change: elle
a tout a gagner avec les Etats agricoles; d'ailleurs, le coton est la,
et il lui en faut absolument. Elle n'ira pas considdrer sdrieusement,
un blocus qui n'a jamais rien eu d'effectif, vu que des navires le
forcent ou l'dchappent tous les jours. D'un autre cot6, ne serait-il
pas du devoir et du droit des parties intdressdes d'intervenir,
dans le different, surtout pour les puissances dont les int6r~ts
sont les plus forternent engages aux Etats-Unis? Les Americains
ont-ils le droit de dbtruire les productions du Sud ou d'empocher
le transport d'une marchandise  qui appartient de fait a ceux qui
doivent y trouver le recouvrement de leur avoir, de leur cr6ance?:
Qu'ils paient d'abord leurs dettes, et qu'ils se detruisent aprbs si"
bon leur semble!
Nous avons fini de dire ce que nous croyons etre la vdrit6' sur
l'Union.  Nous l'avons dit avec conscience et sans crainte; nouS
n'avons avanc6 aucun fait dont nous n'ayons en mains les preuvesinco-ntestables, en dehors de la notorint6 publique, a laquelle, du
reste, nous n'avons rien appris, attendu qu'elle en sait et en dit
plus long que nous.
Aussi, nos affirmations sur le ddfaut du point d'honneur et d6
la probit6 passeront-elles parfois pour naives, surtout au Nord
ou la chose est passbe dans les moeurs.
L'avenir se juge par le pass6: nous donnons le rdsum6 eo 1'his'
toire des Etats-Unis.
Fif DI-'LA ViR[T9 SUR L' ESCLAVAG  Et L'UMNION AUX E.-U. D"AbmIIQUOz
21
a
a 
SIXIEME PARTIE.
tSQUIISSE SUR LLHISTOIRE DES ETATS-UNI9,
LA VIRGINIE.
I.
Laddcouverte de l'Amnrique, par Christophe C'olomb, en 1492,
fut longtemps stdrile. Ce n'est qu'en 1535 que les premiers 6tablissements coloniaux y furent fondes, par Jacques Cartier, dans
la partie Nord du continent (que l'italien Verrazani avait dbjh
reconnu et nommr6 la Nouvelle France, au nom de Frangois Ier.~
La Nouvelle France passa plus tard aux Anglais, et, est aujourd'hui le Canada.
Au commencement du rbgne de la rcine Elisabethli, quelques
Anglais prirent possession de la cote Nord-Ouest, qui, en l'lionneur de cette ieiie vierge, fut appelde la Virginie.  La fondation de plusieurs 6tablissements y fut tentde sans succ8s sous
son regne.
En 1606, son successeur, Jacques Ier, favorisa de nouvelles expeditions, dans le double but de se procurer del'argent, des colonies et de se ddbarrasser de quelques individus dont l'esprit turbulent le genait. I1 fit deux parts egales de l'6tendue des c6tes
comprises entre le 34*et le 46Q degre de latitude septentrionale,
et il en fit la concession a deux Compagnies de commerce qui se
chargerent d'exploiter et de coloniser ces vastes territoires; la partie mdridionale conserve la denomination de Virginie, et l'autre
partie fut nommde, en r'honteur du prince de Galles, la NouvelleAngleterre. On avait pen de renseignements sur la valeur et la
nature de ces regions conc6ddes, leur' dtendue m6me dtait incon
I
i
4
I 
( 163 )
nue.  Elles etaient couvertes d'6paisses forets et habitdes par des
indiens errants.  - Les compagnies  avaient engag6 des colons,
et pour faciliter les travaux, le, libre-4change leur fut garanti
pour sept ans, c'est-a-dire qu'aucune espece de taxe ne serait
imposee sur les objets qu'ils feraient venir d'Angleterre. Its
avaient a se d6fendre eux-memes contre les attaques des indiens
ou autres enneminis, et pouvaient commercer avec toutes les nations
6trange6res. Quand au syst6me politique des colonies, il appartenait'ia la legislation anglaise qui suivait les colons, mais la
direction supreme, le d6cret des lois de circonstance, appartenaient a un conseil sidgeant a Londres.  La couronne nommait
aussi les fonctionnaires charg6s de l'administration int6rieure des
colonies.
En decembre 1606, la compagnie de Londres expddia un pre
miew envoi en Virgrinie, de 500 6migrants, qui arriv6rent dans la
baie de Cheasapeake. Ils fond6rent la ville de Jamestown, sur la
riviere de James.  Divers autres transports d','irants arriverent bientot, mais la colonie naissante eut beaucoup a souffrir
d'abord, et faillit souvent p6rir, par suite des discordes intestines
et des luttes a soutenir contre les indiens et contre la famine.Au lieu de cultiver la terre, les colons s'obstinaient ak la recherche des m6taux pr6cieux.
'En 1609, le roi Jacques octroya des privilTges plus 6tendus
pour encourager l'esprit d'6migr'at.ioi.-Les  membres du grand
conseil furent pris par voie d'61ection, dans Tn scin de la compagnie; mais un gouverneur fut nomm6 par le roi, pour exercer
la puissance ex6cutive dans la colonie.
La compagnie fut impos6e a verser dans la caisse de la couronne, le cinquimme de tous les m6taux precieux qu'elle trouverait en Virginie, et chaque colon eut a reconnaitre, par serment,
la suprematie du roi, et a fire acte d'adh6sion a l'6glise 6piscopale.-Ces modifications furent appuy6es par un grand nombre
de personnages riches et distingu6s. De nouveaux et nombreux
envois d'6migrants eur ent lies.
L'anarchie suivit bientot les ddveloppements de la colonie, et en
1611, le gouverneur, sir Thomas Dale, dut demander l'autorisation 
( 164 )
d'appliquer la loi martiale: il l'obtint, et la sagesse avec laquelle il
en usa fit que la colonie coimenoa at prosp6rer. 1Mais il s'en servit
aussi pour gucrroyer contre les indiens, et ravager los 6tablissenents des Fran~ais, au Canada, et des Hollandais sur l'Hudson.
Les colons cultivaient la terre en comnimunaut.6 de biens pour le
compte de la compagnie: ce systbme mnontra bientot ses graves
inconv6nients.  Le  gouverneur y remddia en obtenant de  la
compagnie que chaque colon aurait une certaine 6tendue de terre
en toute propridt6.-Cette  amelioration  dans le sort de chacun
changea, comme par anchantement, l'6tat precaire de la colonie.
L'ardeur de tous au travail fit disparaitre la pauvret6 par l'abondance des produits et des objets n6cessaires a la vie.-La culture
du tabac prit de l'extension et le commerce en fut depuis tres important avec la metropole.
En 1619, sir Thomas Dale, le gouverneur, mourut; son svccesseur, sir George Yardley  arriva, suivi d'un transport de jeunes
filles pauvres, mais de bonnes mceurs.  La vie de famille s'iiitroduisit dans la colonie et en adoutcit les meurs: c'est de ces
femmes que descendent, en partie, la population actuelle de la
Virginie.
En 1621, sur les instances des colons, la compagnie leur permit
de faire une  Constitution nouvelle: c'est de la que commeina
l'existence de l'assemblde coloniale. D'apres cette Constitution,
la puissance executive 6tait exercde par dix-neuf planteurs notables, nomm6s  par la compagnie; ils comnposaienit une  sorte
de conseil d'Etat, prdsid6 par le gou erneur.  Les lois delib6re6es par cc conseil, devaient etre coufirm6es par le conseil
sidgoant a  Londres.  C'6tait un  commenrement de  libertds
politiques. La population de la colonie se montait a 20,000
ames. La culture, celle du tabac surtout, prenait une extension considdrable; mais le commerce en ftilt un moment empechd par le roi, qui se ddclara contre  l'usage de fumer et de priser. Cette hostilite ameia;tuelques mdsinteliigences entre lui et
la compagnie.
Les colons s'attiraient souvent des luttes acharndes contrie les
indiens sur les terrains r6dservs desquels ils eipi,,dtaient  jour 
( 1T;'5 )
nellement.   Ceux-ci formerent le projet d'cxtermniner tons lei
envahisseurs. et, le 22 mai 1622, ils ma-ssacr rent a' l'iimproviste
13,000 colons de tout age et de tout sexe.  C'est de ce jour n6faste, que la guerre d'extermination futit r6solue par les Anglais
contre les indigenes. A cette epoque, la nation anglaise se trouvait en desaccord avec son roi, et parrmi les inembres de la comnpagnie de Londres, il se  trouvait un grand nombre d'hommes
puissants qui faisaient opposition a la cour. Jacques Ier, attribuant  a  la compagnie les d6sastres de la  colonie,  supprirna
la constitution et soumit la gestion de la colonie a une enquote
judiciaire. Un arret do la cour du banc du roi prononga la dissolution de la compagniesans inde.rnnit, malgrr  les 150,000 livres
sterlings depensbs par la compagnie en faveur des colons.
Cette circonistance fint favorable a la colonie, qui se trouva ainsi
ddgag~e de lespice de feodalit6 qui pesait sur ielle.  Jacques Ier
mouruten 1625, avant qu'il fut pourvu a -in nouvel ordre de
choses dans la colonie. Charles Ier. son successeur, doclara la Virginie province royale, soumise a son autorit6 imcnSdiate.  I confirma les droits et los possessions des colons, mais il mit le corn
merce du tabac au nomnbre des droits de la couronne. Cette mesu.
re lui permit de fixer arbitrairemnent les prix de co produit et d'en
tirer de trbs grands avantag.es d'argent en Europe.  La politique
despotique des Stuarts se fit aussi sentir k la colonie virginienne,
d'autant plus que le liberal gouverneur Yardeley fut remplac6
par sir John Harvey, tout dispos6 a oppresscr les colons.
En 1629, Geoorges Calvert, lord Baltimore, converti au catholicisme, resolut d'offrir un asile a sos eo-religionnraires opprim6s
en Angleterre; a cet effet, il vi.ita le territoire situn au Nord da
Potomac, et sollicita du roi la concession de ce district. La
dissolution de la soci6to de Londies permottait au roi de dbtacher
cette portion de la Virginia; la demande fut accord6e.  Lord
Baltimore, en 1632, obtint les lettres-patentes qui lui conc6daient
4 titre de propri6t6 hri6ditaire, teute la partie septentrionale de
la Virginie, situ6e au Nord du +otomiac, et l'investiture du droit
de souveraiiiet6 sur les populations futures de la province, qu'il
noremna Maryland, en l'honneur de la reine.-Par contre, lord
Baltimore 6tait tenu de reconnaitre tons les ans Ia suzerainetd de 
( 166 )
l'Angleterre, et de verser au trdsor royal le einquibme des m6taux prdcieux que l'on trouverait dans ce territoire. Il devait administrer le pays dans l'esprit de la constitution anglaise et ne
faire de lois, ni lever d'impots qu'avec le consentement d'une
assemblde coloniale prise parmi les intdresse(s. Tons les arrangements 6tant ainsi arretds, le frbre de lord Baltimore, Leonard
Calvert, arriva avec 200 colons catholiques dans le Maryland.
Ils y fon(lerent la ville de St. Mary,  sur les bords de la baie de
Cheasapeak2. La colonie s'augmenta et prosplra rapidement, sous
la paternelle administration du chef. La Virginie 6tait loin d'etre
heureuse sous le despotisme de Harvey qui, enfin, fut rappele et
remplac6 par Berkley, en 1641. Celui-ci s'appliqua a gouvernen
la Virginie a l'instar du gouvernement du Maryland. Elle progressa, et malgr6 les ddsastres qui avaient ddcimd sa population,
elle compta bient6t 20,000 ames, aprbs quelques anndes de la sage
administration du nouveau gouverneur.
Cependant, le long parlement battait fortement en brcbehe le
pouvoir de Charles Ier. Apres quelques ann6es delutte, il fut d6trone, d6capite, et la mbre-patrie transformee en r6publique. Mais
lord Baltimore et lord Berkley rdussirent a conserver leurs colonies a la cause royale.  C'est a cette occasion que commenebrent
les violents dissentiments eltre les puritains, venus rdeemment se
fixer dans les colonies, et les catholiques attaches a la monarchie.
Le protecteur Cromwell finit par interdire toute relation avec
les colonies rebelles et par y envoyer une forte escadre, sous les
ordres de lord Ayscue, pour les forcer a se soumettre a la rdpublique. La Virginie se soumit aussitot, et livra ses armes, moyennant indemnitY.  Elle eut a renoncer a la liturgie 6piscopale et
a tout ce qui rappelait la royaut6. En retour de cette soumission,
sa constitution, ses d,oits et ses proprietds lui furent garanties.Le Maryland, dlchir6 par des partis interieurs, dut finir par reconnaitre aussi la r'publique, mais les querelles ne cessant pas,
Cromwell retira, en 1654, le droit de propri6t4 do lord Baltimore, petit fils du fonaateur, dbfunt, de la colonie.
L'acte de navigation, rendu par Cromwell dans le but de d6truire le commeoce hollandais, vint mettre des entraves dans les 
( 167 )
arairesdes colons.  Cet acte consistait a imposer que tous lea
produits coloniaux fussent exportds SOUs pavillon anglais. Les
colonies avaient peu de navires et elles se trouvaient ainsi a la
merci des marchands et des navigateurs de la Grande-Breta,gn(.,
La Virginie nc put longternps souffrir cet abus: en 1659, elle
secoua le joug de la republique, et rdtablit, de sa propre autorit6,
lord Berkley  dans ses fonctions de gouverneui.  La restauration vint heureusement sauver les Virginiens des consdquences de
ce coup d'6tat audacieux. Le Maryland comptait 16,000 habitants.
I1 fut restitu6 a lord Baltimore, comme sa propridt6 particuliere,
par Charles II, en 1660.  Ce prince fut moins reconnaissant a.
l'6gard de la colonie Virginienne. En 1663, il concdda a lord
Clarendon et sept autres seigneurs un tiers du territoire qui composait la Virginie, pour y fonder une nouvelle colonie. La r6publique venait de garantir l'int6gritd de ce territoire, et d'ailleurs le roi n'avait aucune espbce de dIroit a la souverainet6 de la
region situde au Sud jusqu'au 31w. En effet, toute cette cote avait
et6 decouverte par les Espagnols en 1512.   L'amiral franiais
Coligny y avait fondd uluc colonie, en 1562, pour servir de
refuge a ses coreligionnaires persecut6s en France. I1 lui avait
donn6 le nom de  Caroline, en l'honneur de Charles IX.  Miais
des 1565, elle fut envalie par une bande d'Espagiols, qui mnassa
crcrent les FranDais comme he'etiques et prirent possession du
pays. II est vrai que peu de temps apres, les Fran;ais lear rendirent la pareille. C'est cette meme rdgion que Charles II prit
sur lui de joindre a ce qu'il prenait a la Virginie.  Lord Claren.
don et ses co-associbs, grace aux guerres qui avaient lieu entre les
Espagnols et les Frangais, purent prendre possession sans obstacle
deces contrdes ddsertes: ils s'y dtablirent en maitres absolus aveec
la permission du roi. A parer de 1669, l'emigration fut ouverte
aux catholiques et aux puritains, pour former la nouvelle colonio
Carolinienne.-La compagnie de lord Clarendon y dtablit une
constitution, faite par le c6lebre philosophe Locke.  La noblesse
h6r~ditaire, les palatins, lea magnats et autres formes d'une aristocratie surannde, faisaient le fond de cette constitution, qui fit
de la Caroline le th~atre de l'oppression la plus cruelle et des 
( 168 )
sceines souvent sanglantes. Le parlement et la cour crurent pou voir tirer plus d'avantoages des colonies en remettant en vigueur,
l'acte de navigation de Cromwell, et en y ajoutant l'ordre d'impor ter toutes les marchandises ndcessaires aux colonies  d'Angle terre, enfin tous les prodnits coloniaux exportds pass/rent exclu sivement par la mdtropole, pour de la., aller a destination.  La
prosperitd de la Virginie en souffrit singulihrement. La d&
prdciation gdnerale des produits s'en suivit, ainsi que la d6mora lisation qu'ame'na la contrebande dans les affaires. I1 en r~sultat
une rdvolution de la part de la Virginie qui, sons les ordres d'un
nomm6 Bacon, fit d'assez grands ravages. On riussit ak la compri mer, mais on s'attira l'aversion des colonies pour la mere-patrie.
II.
NOUVELLE-ANGLETERRE.
A l'epoque oii avait commencd la colonisation de la Virginie,
lacompagnie de Plymouth avait dgalement pris possession et
commenc6 l'exploitation du territoire s'6tendant entre le 40Q et le
60Q, sous le nom de la Nouvelle-Angleterre. Mais le manque de capitaux et l'hostilit6 des indiens la firent 6chouer dans ses efforts
de colonisation; de telle sorte, qu'a partir de 1620, la compagnie
s'dtait bornde an commerce des pelleteries et de la peche. Cependant, une colonie de puritains, dmigr6s d'abord d'Angleterre en
ilollande, vint fonder un etablissement fixe dans le Nord.  Cette
communaut6, poussde par le souffle des dissensions religieuses
a chercher un asile en Amerique, partit de Southampton, pour
la Virginie, en 1620, mais, soit mdprise, soit trahison, elle arri
va le 11 novembre au cap Cod, situd dans le territoire de la compagnie de Plymouth. On debarqua cependant, et on s'6tablit
dans le Massaclusetts, h un endroit qu'on nomma New Plymouth.
Les nouveaux colons furent bientot en proie aux plus cruelles
privations et eurent a soutenir une lutte incessante contre les indiens.  Ils fondbrent, halgrd tout, une colonie ind6pendante qui
aavait la pretention de reLsembler a la premisre commune chr6tionne do J6rusaldm. Ils vdcurent sous la communautd de. biens;
mais la misere et'la famine les contraignirent bientot a adopter 
(169)
le principe de la propridt6 individuelle.  En 1620, Jacqu es0r
avait forms une compagnie nouvelle qui fut d~clar6de propri6taire
de toute la cote Nord de l'Amnrique, depuis le 40Q jusqu'au 48Q
de latitude septentrionale.  Cette compagnie confirma aux puritains de New Plymouth la propri6t6 du territoire dont ils 6taient
en possession.
En 1626, une autre association de puritains acheta a la compagnie une certaine 4tendue de territoire, ou elle fonda la ville de
Salem, sur un promontoire de la baie du Massachusetts. MIalgr6
sa r6pugnance pour les puritains, Charles Ier consentit, en 1628,
a accorder aux colons de Salem des lettres-patentes contenant
l'octroi des droits accoutum6s, sauf la libert6 religieuse.  Malgr6
cette restriction, les puritains 6tablirent l'6glise de la Perfection;
mais la morgue clericale, le fanatisme religieux et la tyrannie
thiologique, cr6erent bientot de violentes discordes parmi les
colons.  Les troubles politiques de la meNre-patrie amen6rent
nombre de nouveaux colons parmi eux.  Ce n'6tait plus seulement des mdcontents religieux, mais aussi des mdcontents po]itiques de toute espece qui venaient en masses chercher k s'y
refugier: ils fondbrent Boston. En 1634, la colonie fut assqz
consid6rable pour former une assemblde coloniale qui, d'accord
avec le gouverneur royal, exerga la puissance legislative. Le
partage des terres eut lieu et la province regut le nom de Massachusetts.  La  colonie s'6tait rendue independante  vis-a-vis du
conseil de Londres et avait rdussi a s'affranchir des droits f:odaux de l'ancienne compagnie.
Les querelles thiologiques 6claterent de nouveau, et il en r6sultat une scission. D)'autres colonies se forrnmrent du sein de ]a
premiere: un  pretre de Salem, Roger William, qui ne voulait
prier que pour ceux qui se trouvaient dnja en 6tat de grace,
partit avec ses adherents, en  1635, pour  aller fonder un nouvel 6tablissement, sOus le nom de Plantation-Providence.   Une
autre dissidence  dans l'6glise du  Massachusetts  donna  lieu
a la fondation du Connectidt.   La  visionnaire  Hutcheson
fut expulsde du Massachusetts avee ses pros6lytes, et vint fonder
le Rhode-Island, que lui vendirent los indiens, sous le nom de'ile
Aquidreck.  La  sage direction de  William  Coddington la fit
22 
( 17o )
prospdrer, et en 1644, une decision du  parlement la riunit a
Providence. -  Le roi Charles Ier ne voyait pas avec plaisir la
foule d'hommes politiques et religicux qui se d6robaient a son
autorit6 despotique, en s'expatriant, pour aller fonder des Etats
dans les deserts d'Amdrique. En 1637, il prohiba l''migration, et
pour son malheur, Pyne, Hampden et Cromwell furent contraints
de rester en Angleterre. Malgr6 ses defenses, 3000 puritains quitterent l'Angleterre, en 1638, pour renforcer les colonies du Connec ticut, et fonder celles du Maine et du New-Hampshire.-A la chute
de Charles Ier, par suite du triomnphe de la revolution, l'6migration cessa, et la Nouvelle-Angleterre, qui se trouvait alors forte
de 21,000 habitants, dut marcher de ses propres forces. Les colons du Massachusetts, plus nombreux que les autres, se firent remarquer par leur jalousie et leur esprit d'absorption. Ils for?6rent plusieurs colonies, plus faibles, a se mettre sous leur juridic tion, et firent decamper les Hiollandais etablis dans ces parages
Toutes les colonies de la Nouvelle-Angleterre, en 1643, finirent
enfin par s'entendre pour former une ligue sous le nom de Colonies-Unies, sous le pretexte de se d6fendre contre Ies indiens, les
Hlollandais et les Frangais; mais une separation d'avec la merepatrie en 6tait la secrete pensee. Elle eut un Co-nre's gdn6ral
avec un pr6sident, elle conclut des alliances, mit sur pied une milice consid6rable, et finit meme par frapper une monnaie. en
1652. Le Rhode-Island seul fut exclut de la ligue sur l'opposition
des puritains.-La mdtropole, au milieu de ses propres embarras, n'avait pas le loisir de s'occuper de ses colonies, et d'y faire
maintenir ses droits mdconnus; d'ailleurs, le r6publicain Cromwell ne pouvait logiquement se plaindre des institutions rdpublicaines que la Nouveille-Angleterre tendait a se donner: il exigea
cependant, pour maitenir les apparences, que les colonies regussent un gouverleur-g,n6ral des mains de la mbre-patrie.
A l'exception de quelques luttes avec les indiens, des querelles
thdologiques, des persecutions contre les quakers, et des procis
faits a des sorcibres, les colonies de la Nouvelle-Angleterre prospbrkent en paix sous le protectorat de Cromwell.
L'acte de navigation leur 6tait peu nuisible; aussi elles ne se 
( 171 )
joignirent point a leurs sceurs du Sud pour faire opposition & Ia
waise en vigueur de cet acte. Celles-ci, d'ailleurs, dtaient, comme il
a 6t6 dit, restees devouees a la cause royale, tandis que la Nouvelle-Angleterre etait foncibrement rdpublicaine.
La restauration des Stuarts surprit a l'improviste la ligue des
petites colonies du Nord. Elles eurent a souffrir les punitions
vexatoires du pouvoir royal, qui leur inspira moins le sentiment
de la crainte que celui de la haine. Les colonies du Rhode-Island,
du Maine et du New-tIampshire, l6s~es par celle du Massachusetts,
reconnurent l'autorit6 royale, mais cependant cette derrnire refusa
de se soumettre a Charles II. Elle protesta meme contre la clause
de tol6rance relative a l'eglise 6piscopale dans les anciennes
lettres-patentes. Devant cette attitude rebelle, le roi et le parlement se d6ciderent a envoyer une forte escadre avec des commissaires pour intimider les r4calcitrants de la Nouvelle-Angleterre; mais on n'osa rien entreprendre contre eux.  Le  Massachusetts devint de.plus en plus puissant. En 1667, pour se garantir de l'autorit6 royale, le Maine se plaga sous la protection
de cette province.
Une pdriode de tranquilles d6veloppements suivit de nouveau
cev orages.  En 1672, les habitants de la Nouvelle-Angleterre se
montaient a 72,000 ames, dont la moiti6 5tait au Massachusetts.
Elle avait une milice forte de 8,000 hommes, et des 6tablissements divers pour linstruction populaire. Les mceurs s6veres de
la religion protestante, de la temperance et du travail rdgnbrent
dans ces colonies, dominnes d'ailleurs par le fanatisme religieux
et lours chefs theocrates.
Charles II avait a coeur d'affaiblir le Massachusetts. 11 en ddtacha le New-Hampshlire quifut declar6 province royale sans
autre formne de proces, et i~ envoya dans le Massachusetts le
gouverneur Randolph, qui maltraita fort cette colonie. Il en r6sulta un conflit, a la. suite duquel la charte particuliere de l'Etat
lui fut retir6e. Jusqu'a la mort do Charles II, le Massachusetts
demeura dans un 6tat complet ae sujdtion.
Jacques Ier avait eu beau conceder toute la cote de l'Amdrique
du Nord a ses compagnies, toutes les nations europdennes avaient 
( 172 )
autant de (iroits de s'y dtablir que les Anglais. En raison meme
de l'immense 6tendue de ces coutrdes, chacun y await droit, pourvu qu'on y prit possession idelle. Henri lHudson, au service des
Hlollandais, explora le fieuve qui porte son nom, en 1609, et les
Hollandais s'empressbrent d'acheter aux indiens tout le territoire
qu'il baigne et d'en prendre possession.
Ils batirent un fort dans l'ile Mahados, et fondbrent sur la cote
des dtablissements pour le commerce de pelleteries. En 1628, une
compagnie suddoise acheta dgalement des inldiens tout le tenitoire arrosd par la Deiaware jusqu'a Long Island; elle y fit des
constructions diverses et y dtablit des factoreries qui furent
nomm6es la Nouvelle-Subde. En 1655, les Hollandais s'empar6rent de ces dtablissements, et en declarbrent les habitants sujets
hollandais.  Les possessions hollandaises revurent le nom de
Nouveaux-Pays-Bas. Mais les Anglais virent un danger dans ce
voisinage, qu'ils jugbrent ill6gitime, en raison de l'acte'de concession du roi Jacques Ier. La guerre ayant dclat6 plus taid entre
la Hollande et le roi Charles II, il ne fut pas difficile aux Anglais
d'en profiter, en s'emparant de tout le territoire compris sous la
ddnomination de Nouveaux-Pays-Bas. A la paix de Brdda, la
Hlollande abandonna ces possessions a l'Angleterre, et Charles II
en fit don a son frtre, le duc d'York.  Le duc donna a sa possession le nom de New York, aprbs en avoir d6tach6 1'6tendue occupee par les Suddois et les Hiollandais, entre la Delaware et l'Hudson, qu'il vendit aux lords Berkley et Cartent. Ce territoire
re.ut le nom de New Jersey, duquel le duc se rdserva quelques
rapports de feodalit6, mais cot Etat cut un gouvernement ind6pendant. La province ducale de New York prosp6ra rapidehiment, en raison des avantages qu'elle offrait aux colons, tels que:
sa position commercile, la modicite6 de la redevance foncibre a
payer au duc, les facilit6s de traiter avec les indiens et les Fran~ais du Canada. Tout y attirait d'ailleurs un grand nombre d'.
inigrants d'Europe. *
Mais la nature despotique ds Stuarts se fit bientot sentir, avec
le snccs, par le duc d'York: il opprima les planteurs et jeta de
llihartitude sur la proprialt6.  DIs lors la colonisation s'arrta. 
( 173 )
Par suite de la reprise des hostilit6s entre la Hollande et l'Angleterre, les Hollandais mirent, en 1673, la main sur la province
de New York.   Mais la paix de Londres vint l'annee suivante
la leur faire restituer a l'Angleterre.-Le duc d'York se fit confirmer sa souverainet6 absolue sur la province, et il n'en fut que
plus despote: il traita la province en pays conquis. Le gouverneur Andross, qu'il lui donna, 6puisa les colons par des taxes
6crasantes, et rdprima sdvbrement toute manifestation demandant
une administration moins dure. Ce tyran fut remplac6 enfin par
lord Dougan, qui octroya a la colounie une constitution et un consel' colonial.
Les Franpais du Canada, sur ces entrefaites, prospdraient ra
pidement et projetaient d'6tablir une communication avec leurs
6tablissements du Mississippi, en cotoyant les possessions anglaises par une ligtne de forts, qui, de l'Ohio, remontait jusqu'aux
lacs.-Le gouverneur Dougan appela l'attention du gouvernement
anglais sur ce projet. 11 fut r6solu qu'on s'opposerait a son exscution. Le gouverneur conclut donc, en 1684, un traits avec les cinq
nations indiennes conf6ddrdes qui se pr6tendaient, avec raison,
propri6taires de tout le lerritoire situ6 entre les sources de l'Ohio,
des lacs Erie et Cliamplain.-Ces indiens, pouss6s par les Anglais,
empecherent, en effet, la realisation d'un projet qui aurait fait la
puissance coloniale de la France en Ambrique.
Un autre 6venemcnt important ~i cette 6poque fut la fondation
de la Pennsylvanie, par le quaker Penn.  Son intention  fut d'offrir un asile a ses coreligionnaires pers6cut6s dans la mere patrie
et non tol6res dans les autres colonies.-Moyennant la charge de
payer a pcrp6tuit6 une rente annuelle a la couronne d'Angleterre,
il obtint de Charles II la concession du territoire encore convert
de forets et situ6 entre le MAaryland et le New Jersey. ll s'engagea
administrer la nouvelle coltnie dans  1'esprit de la constitution
anglaise, et d'en appeIer au besoin a lajuridiction supreme de la
couronne. I1 6tait autoris6 a faire des lois, d'accord avec un conseil
colonial; il pouvait au besoin, Sever des droits de douane, et proclamer la loi martiale. Penn fonda ainsi, en 1682, avec une centaine
de quakers, la ville de Philadelphie. Tous les peuples et toutes 
( 174 )
les religions furent admises indistinctement dans la colonie. Ello
prosp6ra rapidement.  Les Emigrations d'Allemands furent nombreuses. Pastorius de Wendsheim et un parti d'Allemands, fondsrent la ville de Germantown. En 1684, la nouvelle colonie
comptait d~ja, vingt centres de population.
III.
En 1685, le duc d'York succda a son frere, Charles II, sous le
nom de Jacques II. Les colonies n'eurent rien de bon a espdrer de
celui qui les avait dnja tyrannis6es. En effect, elles gprouverent de
nouvelles  rigueurs.   Les lois sur la navigation furent plus
rigoureuses, et le New York se vit enlever l'acte de confirmation
de sa constitution, qui repoussait les privileges. Bienolt une fiotte
arriva de nouveau a Boston, avec le gouverneur Andross qui, a la
terreur du Massachusetts, s'annonga comme gouverneur-gdndral,
commandant des forces britanniques, contre la Nouvelle-Angleterre. Son premier acte fut de declarer le Massachusetts et le New
York provinces royales; il attaqua les titres de possession des
planteurs et leur en revendit la confirmation a beaux deniers comptant. Pour satisfaire aux exigences de la cour, il 6tablit toutes
sortes de taxes et d'impots, et recourut aux plus honteuses
manceuvres pour enlever au Connecticut et au Rhode-Island
l'acte de confirmation de leurs constitutions, afin de  les traiter
comme les autres Etats: les besoins d'argent poussaient la cour a
toutes sortes de moyens pour pressurer les colonies. Celles-ci,
toutes disposes a l'hostilite, protesterent souvent; aussi quand, en
1689, on recut la nouvelle de la chute de Jacques II et de l'av6nement au trone de Guillaume II, les colonies y applaudirent vivement. En vain Andross voulut contraindre le peuple a faire
acte d'attachement a'  cause des Stuarts; dans le Massachusetts
et le New York. le peuple se souleva, et se diclara en faveur du
nouveau roi, non sans commettre de graves exces de vengeance.
Partout les colons remirent leurs anciennes libertes et leur constitution en vigueur. En f692, le Massachusetts obtint une nouvelle
charte, par laquelle la colonie de New Plymouth et le district
royal d'Acadie. ou ~ouvelle Ecosse, y 6taient incorpor6s.
ol 
(175 )
Malgr6 la bonne intelligence qui existait entre les colonies et le
couronne, les temps des rudes 6preuves se pr6paraient pour celle-ci.
Les guerres de Louis XIV et de Gtorges II 6clatbrent et prdpa rbrent l'6mancipation des colonties. Une fois la lutte engagae, les
Francais du Canada attaquerent le New York, dont l'extension
jusqu'aux lacs 6tait la clef du Canada. Le MIassachusetts, le New
York et le Connecticut se liguerent a diverses reprises pour r6 sister et faire des irruptions sur les possessions ifrangaises; mais ils
s'6puisbrent bientot p6cuiiiairemnent par ces exp6ditions, a tel point,
qu'ils se vireut reduits a crier un papier-monnaie.  La paix de
Riswick, en 1696, vint mettre un terme a leur detresse, sans avoir
ni gagno ni perdu en territoire. Le New  York  ne voulant plus
renouveler ces luttes, lors de la reprise des hostilitds, a la guerre
de la succession d;Espagne, conclut, avec la France, un trait6
de neutralit6, en 1702, qui eut pour consdquence de faire retomber
sur le Massachusetts tout le poids de la guerre. Ces circonstances firent que le New Jersey vint se mettre sous la neutrality du
New York et que l'Acadie retourna a la couronne.
En 1702, les planteurs de la Caroline s'emparbrent de la ville
de St. Augustin, dans la Floride; mais, en 1706, ils eurent a repousser les reprdsailles d'une attaque tentde par les Espagnoils
contre leur ville de Charlestown. Ces 6vdnements, joints a la d6vastation caus6e par les indiens et les nogres marrons, qui 6taient
fournis d'armes par l'Espagne, forcbrent la Caroline a ~mettre
aussi un papier-monnaie. La paix d'Utrecht, en 1713, rendit enfin
la paix aux colonies, dont elles avaient tant besoin.
L'emploi des esclaves, dans la Caroline et la Virginie, con
tribua extraordinairement aux d~veloppements agricoles de ces
riches contr6es. La couronne d'Angleterre, qui voulait avoir
le monopole de ces productifts, trouva le moyen de s'emparer
de ces colonies. En 1729, les colons lui c~ddrent leurs droits et
privileges, moyennant 22,500 livxes sterling.  La Caroline fut
declarde province royale, et sos territoire fut divis6 en deux parties, sous Ia denomination de la Caroline du Nord et la Caroline
du Sud.                   p 
( 176 )
Les Frangais du Canada nourrissaient toujours le projet de former une communication suffisante pour relier leurs 6tablissemeDts a
ceux des Franqais du Missi~sipi, qui, de leur cot6, esp6raient pouvoir s'emparer des vastes territoires d6serts, situds entre les fieuves Savannah et Alabama. Cctte combinaison formait, en partie,
la base du fameux systeme  de Law,  qui consistait a  escompter
d'avance ces possessions a venir, au moyei  d'actions donnant
part de ces terres et de leurs produits. Toujours dans le but
de contre-carrer ces dispositions  d'6largissement, l'Angleterre,
alors sous le ministbre Walpole, cr6a une nouvelle expedlition de
particuliers qui vinrent s'emparer du territoire situ6 entre la
Floride espagnole et la Caroline. Ils fonderent, sous la direction
d'Oglethorpe, une colonie que l'on nommna la Georgie, en l'honneur du roi Georges, et batirent la ville de Savannah. Des Ecossais et des Suisses protestants vinrent se joindre a cette colonie,
qui, dos ce moment, devint florissante.
La guerre de la succession d'Autriche, en 1739, et la lutte qui
en dclata dans les Indes Occidentales, entre l'Espagne et l'Angleterre, entrainerent aussi les colonies du Sud dais des luttes avec
leurs jaloux voisins.  En 1732, O,glethorpe, apres avoir inutile
ment tents une attaque contre la Floride, cut a repousser. les Espagnols, entrbs en Georgie, au nominbre de 2,000, suivis de hordes
d'esclaves d6serteurs; ces troubles incessants arreterent les progrbs des colonies.
En 1744, lors de la nouvelle guerre entre l'Angleterre et la
France. les colonies de la Nouvelle-Angleterre y virent avec joie
une nouvelle occasion de se mesurer avec leurs constants ennemis
du Canada. Elles firent donc cause commune avec les petits
ddtachements de troupes envoybes par le gouvernement pour la
dbfense de l'Acadie. Le Massachusetts, le Connecticut et le New
Hampshire s'uhirent de nouveau, et, avec l'aide d'une flotte royale,
commandee par Pepperel, its attaqubrent et firent capituler
Louisbourg, forteresse fifanaise,  batie sur le cap Breton,  et
dont les fortifications'avaient cofiutd immensdment d'argent a la
France. La prise de ce boulevard de la puissance franlgaise en
Am6rique exaltal'amour-propre et l'esprit guerrier des popula 
( 177 )
tions de la Nouvelle-Angleterre.   Elles assi6gbrent successive ment les diff6rents forts fianeais de la frontibre du Canada.   Ce pendant la nouvelle de l'arrivee d'ue flotte frangaise, command6e
par lc duc d'Anville, vint ri6pandre une alarme generale dans les
colonies. MIais des accidents de mer empecherent cette expedition
d'aborder; les Frangais se tinrent sur la d6fensive jusqu'a la paix
d'Aix-la-Chapelle, en 1748; le traite rendit Louisbourg a' la France
et laissa iind6cise la delimitation de la fronitibrc du Canada,  au
grand d6sappointen'ent des colons de la Nouvelle-Angleterre. Les
Franvais pouvaient done donner suite au plan vaste et har(ii d'unir
la Louisiane au Canada a travers les lacs. Cettc immense region
du  golfe St. Laurent au golfe du Miexiquc, forme un cercle
dont les monts Allelghanies solt la fiontiere naturellc du bassin
qui s'6tend du Nord au Midi.  La France amnricaine prdtendait
avoir le droit de limiter les colonies anglaises en dehors de ces
monts et de la vallde de l'Olhio, bordee par la ligtne des forts et
souteinuc par l'infliecce et l'amniti6 de quclques tribus indiennes.
Les colons soutenaient, de leur cote, qu'ils avaient des droits,
par la concession royale, sur cette valldc, qui, en fait. n'appartenait qu'aux indicns ou a ceux a qui ceux-ci voulaicnt la donner
la contestation resta en suspens.
Les colonies s'apergurent biento6t que leur cause n'6tait pas
cello de la m6tropole, et quelles avaient jusqu'alors sacrifie leur
sang et leur argent a des interets qui leur 6taient strangers. Le
Massachusetts etait chlargec d'un papicr-monnaic 6mis jusqu'au
cbiffre de 2,200,000 livers sterling qui, en cc moment, perdait
considerablemei't do sa valeur nominale. ce qui cntravait fort les
affaires. Le parlement lui accorda cependant une indemnit6 qui
lui permit de retirer une partie de cc papier de la circulation.
Les colonies du Sud obtinrent egalement quelques secours d'argent pour les indemniser des pertes occasionn6es par la guerre.
La Georgie etait devenue le theatre de d6plorables conflits int6ricurs; la couronne lui retira sos lettres-patentes et la ddclara
province royale.               *
23 
lv.
En 1754, les colonies sentirent le ddsir de faire la guerre,
pour.leur compte, aux Franqais et aux Indiens rdunis qui s'avan~aient toujours vers le Sud: pour la premiere fois, on songea a
une Conf6deration des Colonies. Franklin proposa un plan d'union qui fut acceptd par toutes les colonies, sauf trois des plus
mnridionales, au Congrbs gdndral tenu, a cet effet, a Albany.
Ce projet consistait a confier le gouvernement de l'Union a un
president nomm6 et pays par la couronne. La supreme direction
en 6tait'remise a un grand-conseil choisi par les representants du
peuple aux diverses assembldes coloniales.
Ce simple plan d'organisation propre a la defense commune,
fut la base dont on se servit, vingt ans plus tard, pour former
l'Union des Etats-Unis dmancipbs.
Le ministere anglais trouva ce plan par trop d6mocratique: il
le cassa. I1 craignit que les colons ne devinssent trop belliqueux
et n'apprissent a se passer de la protection mdtropolitaine en
s'occupant de leur propre ddfense. I1 leur proposa un plan qui
devait leur donner un gouvernement central, et un president
sous l'autorit6 de la couronne. Mais les colons y virent un accroissem ant de l'autoritd royale, et un achemninement a se trouver
a la merci du Parlement dans le d6cret des impots, etc.
11 leur rdpugnait de sentir le pouvoir d'une administration
centrale, qui serait supdrieure a chacune des colonies, en les repr6sentant toutes.-Cette meme opposition, a ce plan d'organisation commune, devait se renouveler vingt ans plus tard, contre
les fiddralistes, et donner ainsi naissance au parti ddmocrate.
Les colonies refufrent donc d'adhdrer a ce nouveau systeme.
-Le ministere anglais, dissout alors leur Congres, annula leur
resolution et cassa les grades donnas a la milice; puis il y envoya
le g6ndral Braddock, ovec quelques regiments, pour entreprendre,
conjointement avec les milices coloniales, sous ses ordres, une expedition contre la ligue des forts frangais Duquesne, Niagara,
Crown-Point, etc. 
( 179 )
Le g6n,ral Braddock d6barqua en Virginie, franchit les monts
Alleghanies et la rivibre Monongahela, pour attaquer le fort Duquesne; mais s'4tant laiss6 surprendr6 par les Frangais, il ne put
refuser le combat, et fut defait.  Lui et 26 de ses officiers rests
rent sur le champ de bataille.
Le colonel de milice, Geo. Washington, parut alors pour la premiere fois: il prit le commandement, et fit une prudente et habile
retraite avec les debris des troupes repoussees.
C'est durant cette guerre que le germe de la revolution prit
naissance. Une jalousie profonde s'6tablit peu a peu entre les
troupes de la ailice coloniale et celles de la m6tropole, par suite
des privileges de solde et de la prfSerence des grades accordds a
celles-ci par le gouvernement anglais. Cette in6galite, augmentde
de l'orgueil et de l'incapacit6 des officiers anglais, battus a Duquesne, et qui mdprisaient fort les officiers coloniaux, crea des
haines dangereuses.
Les assemblies coloniales commencerent a faire de l'opposition
pour voter les fonds necessaires a cette guerre; malgr6 l'irritation du gouverneur Dinwiddie, qui denonga, enfin, au ministbre anglais, les sentiments rdpublicains de certains membres des
assembl6es —Tel 6tait l' tat des choses et des esprits, en 1754,se preparant a la revolution de 1774.
En 1756, la mdtropole ayant formellement d6clar6 la guerre a
la France, les colonies, toujours a la remorque du Massachusetts,
accueillirent et)core cette nouvelle avec joie. Leur jalousie contre les 6tablissements frangais se fit jour de nouveau par l'ardeur
apportde aux dispositions d'attaque: William Pitt, lord Chattam,
avait pris la direction des affaires au cabinet anglais. On rdsolut
de reprendre Louisbourg. A cet effet, une fiotte considerable fut
rdunie dans le port d'Halifax,,ec un corps de debarquement de
11,000 hommes, ainsi qu'-ne nombreuse artillerie: on projeta de
faire attaquer les forts frangais du cotd des lacs, comme diversion
combinde avec l'envahissement.
Le 24 juillet 1758, la forteresse de Louisbourg fut riduite A capituter, tandis que 16,000 hommes de troupes anglaises et coloniales attaquaient les Frangais sans pouvoir les ddloger de leurs re 
I
( 180 )
tranchements.   Cette campoagne so terminia pa la     possession des
forts Frontenac et Duquesne, 6vacud6s volontairemcnt.
En 1759, les milices coloniales, command(es  par 10 g(n6ral
Amherst, s'emparercnt des forts plus importants de Ticonderoga
et de Crown-Point, et, sous les ordres du g6neral Joliiston, du
fort Niagara. Le gen6ral Wolf, k la tete d'un corps mixte, envahit
le Canada, et le 18 septembre il contraignit Qunbec a cap)ituler.
En  1760, aucun renfort ne  venant  de France,  Amherst  et
Miurray acheverent ia conquete de tout le Canada, en s'cnparant
de Montreal et des autres points occupds par les Fran,ais.
La paix conclue a Paris, le 10 fdvriier 17)63, assura aux Anl,ais
la posssession de l'Acadie, du Canlada et du  cap  Breton.  Ce
fut aitsi que  le dobile gouvernement de Louis XV  sc ]aissa
insoucicusement prendre ces belles pos.sessions, que ]'csprit de
systeme de l'epoque, avec Voltaire, ap)pelait "quclques arpernts de
neige". 11 coda, l'annec suiiante, la Louii(slne a T'TEspagne, et perdit ainsi l'empire du St. Laurent et du Alississipi.-Il fut sti pl.,
dans le traits de paix, que le Thalweg du iMississipi forw-crait d6sormais la ligne de d6mareation aux possessions franchiscs, et que
la navigation de ce flcuve resterait librc pour les deux nations.
L'Angleterre obtint aussi, de I'Espagne, toute la Floride, enr
6change de la restitution de la HIavane.  La Graude-Bretagne
dut, en partie, tous ces 6normes accroissements de territoire aux
sacrifices que los colonies s'6taient imiposaes' mais celles-ci ne devaient pas y perdre, en l]es reprcnaut, sauf le Canada, quelques
annees plus tard, avec leur emancipation.
Les habitants se Imoritaieont, a pr6sent, a $1,300,000 nmeso  leur
marine dtait dothl)T'e, et de grands  d'bouche6s vei-crs lc Sud et
l'Ouest leur dtaient ouverts par suite de ces dernieres acquisitions. L'agriculture., xploit(e par les csclaves, faisai t la premiere
source de leur;ichesse.  La production de l'indigo, du coton, du
tabac, voire meme de la soic, en G6oroie, formait la base de leurs
dchanges.  Leur indnstriese bornait a la pratique des mdtiers
indispensables.   On possc'dait Cn grande al)oldance de tout ce
qui est ndcessaire. la vie, et la prospdrit(' suivait uno nomrbreuse
croisqante populatoi.. 
L'Angleterre, 6p)uise par les ddpcnses de la guerre, voulut en
faire payer une partie par les colonies; n;ais celles-ci, dont l'esprit d'inddpendance grandissait, n'y voulurent point consentir.Le Parlemient crut pouvoir les y forcer, mais elles se prdparbrent
ra rQsister, tout en faisaut des remontrances sur l'illdgalite des
nouvelles taxes qu'on lour impsaipt.
Les Anglais jouissaient, dans toute l'etendue de l'empire britannique, des garanities politiques et civiles consacrees par la
grande charte.  La surete des persoinens, la libert6 de la pensee,
la possession prote6ge des biens, le vote discut6d de l'impot, le
jugemenrt par jury, etc., e6taient des droits que les colons anglais
tenaielnt de leur naissance, et qu'ils devaient aux institutions de
leur pays. Ils avaient transporto sur le continent amoricain tous
les droits reconnus aux Anglais, et ils y dtaient attaches coinme
a la premib~c condition de leur bonheur et de leur bien-etre.
Cependant les colonies, quoiqu'avec les institutions fondamentales de 1'Angleterre, ni'avaient pas la mnane administration pu,
blique, ni la meme composition sociale.  Elies diff'raieit entre
elles par la nature do leur population et des produits de leur
culture.  Les colonies du Sud  avaient une organisation territoriale diff6erente, et des mceurs plus aristocratiques que l'organisation et les mceurs des colonies du Nord.
Au Sud, los piroprietaires poss(daient de plus vastes domnaines
qui, par la nature du climat et le mnanque de travailleurs, se cultivaienlt par les nogres-esclaves, que les Espagnols avaieut introduits sur le continent.-  Nin-seuleneniit la composition, mais le
gouvernement des colonies du Sud n'6taient pas los m6mes:
ainsi, d'apr6s les chartes de leur fondation, elles se gouvernaient
par un homme, tel que William Penn, ou; un 6tablissement organis6, se trouvant a peine sousl'inspection de la couronne, tandis
que les colonies du NoJ   o trouvaient plus directeinent sous
i'autorit6 de, la more-patrlie qui y envoyait des gouverineurs roya;x,
v. 1, 
( 182 )
Une seule assomnblce fg6nirale, annuellement nommce, dtait cornmne le Parlement des colonies: elle exercait la souverainet6 dans
chacune d'elles, sous lc controte et la sanction du gouvernement.
Elles avaient, juisqu'alors, exerc6 le droit de se taxer elles-memes, en votant librement les subsides qui dtaient n6cessaires a la
mere-patrie, representce par les gouverneurs.
Outre les sommes extraordinaiies que les colons accordaient
ils payaient encore des impots directs sur letors biens, et, au be
soin, des taxes proportionndes a leur genre et chiffrc d'affaires.
Ils acqiittaient, en plus, un droit sur les vins et les spiritueux, et
ils versaient au fi.sc anglais 10 livres sterling par chaque tete
de n/gres introduits dans les colonies.
Ces revenus considdrables, que la couronne percevait, correspondaient au profit non moins grand que faisait la nation anglaise en exerqant le monopole du commerce et de la navigation
dans l'Amdrique du Nord.
L'Angleterre fournissait aux colonies tout ce qu'elles consom -
maient en marchandises manufacturees et en matiires premieres,
ndcessaires aux colons qui, ainsi, importaient d'Angleterre plus de
la moitid de ce que celle-ci produisait alors pour son exportation
gdndrale.'
V.
LA REVOLUTION.
La richesse s'accroissait rapidement avec la population des
colonies. —Des villes industrieuses, de riches cultures, couvraient
une cote que l'on voyait naguere encore ddserte et couvertes de
forets.  Quelques centaines de colons, en moins  d'un  si/cle,
avaient transforms lc pays, et formr un peuple de trois millions
d'habitants.          ~
L'Angleterre eompromit tous ces immenses avantages, par son
orgueilleuse avidit4 et son esprit jaloux de domination.
Le cabinet anglais, engrande p6nurie d'argent, visant a faire
constater, en toute occasion, sa souverainet6 sur les colonies,
commenqa, en 1764, la surie des actes arbitraires qui devaient
amener la revolution prddite par Walpole. - Lord Grenville 
( 183 )
transporta au Parlement britannique le droit d'imposcr de non yelles taxes, ce qui jusqu'alors avait etd du ressort des asserm blees coloniales.- Les colonies,n'6tant pas representees a la
Chambre des Communes d'Angleterre, elles ne pouvaient pas
etre lgalement soumises a des mesures qu'elles n'avaient pas
consenties.-Vint l'acte du timnbre, qui frappait d'un droit toutes
les affaires (les colons, et faisait (lue toute transaction par 6crit
n'dtait valable que sur du papier marque par la couronne.
D6ja mecontentes des autres d6cisions prises par le Parlement
anglais pour grever de taxes le commerce g6ndral, pour empe cher les transactions avec les Antilles Frangaises, pour exiger
le paiement des revenus en especes, alors si rares, les colonies, a
ces dernitres exigences, ne se continrent plus.  Elles virent un
commencement de servitude, si elles les souffraient. Les delibera tions et les mouvements populaires comnmencerent par denoncer,
ce qu'on appelait alors, la folie de l'Angleterre et la ruine
des colonies.
Les assemblees ordonn~rent la resistance; elles d6fendirent de
se soumettre a ces ordonnances. Un Congrbs de d6putbs se rbunit
en octobre 1765, a New-York, et dans une p6tition 6nergique, ce
corps se declara resolu a ddfendre les libert6s coloniales.
Les Anglo-Am6ricains s'engagberent mutuellement a se passer
des marchandises venant d'Angleterre, opposant ainsi son int6ret a son ambition.
Une ligue de non importation fut conclue, et, qui plus est, observee. La rupture commerciale entre les colonies et la metropole fut complete.
Ces fortes manifestations firent c6der le gouvernement anglais
et tomber le ministere. L'acte du timbre fut revoqu6, sur les
representations du sag,e FrWiklin, porteur de la petition; mais
le Parlement ne se d6ista pas sur le principe du droit qu'il s'6tait arrog6 dans cet acte.-Il pretendait que le pouvoir l6gislatif
du Parlement s',tendait sur toutds les possessions et sur tous les
sujets britainiques.  Ces restrictions firent que la conciliation
fut incomplete; la concession n'6tait qu'une demi-mesure, elle ne
devait pas profiter longtoemps aux Anglais. 
( 184 )
Le 22 f~vrier 1766,-avec la revocation de l'acte du timbre,parut un bill 6tablissant que le gouvernement anglais avait lc
droit de faire des statuts oligatoires pour les colonies. -  Cette
dangereuse doctrine rebut bientot une nouvelle application. En
1769, le gouveruement anglais, croyant qu'une taxe indirecte serait plus facilement supp)ortde par les colonies, il greva d'un
droit certaines marchandises, telles que la verrerie, le papier, le
cuir, les couleurs et le thd. La lutte recommenga, et, cette fois, elle
devait aboutir a l'indcpendance des colonies.   On rdsista avec la
memoe  nergie a l'impot des marchandises qu'a la taxe du timbre.
Le MIassaclhusetts, la plus populeuse des colonies, donna le signal
de l'opposition, en provoquant de nouveau le renouvelIement
de la ligue des colons contre l'importation des produits anglais:
il convoqua nme    une convention.  La ligue fut signde par les
treize colonies. Le peuple s'imposa des privations: on ne prit plus
de th6. on se vetit d'etoffcs g(rossibres fabriqudes dans le pays
on rejeta tout ce qui venait d'Angleterre.  On ne consomma que
des produits coloniaux ou fabriquis par les colons dont les fabriques naissantes furent montdes par des contributions volontaires
et proterge'es par le systeme de non-imnportation.  Durant cet etat
de choses, les troupes de la mdtropole arrivaient pour soumettre
les colons. La prdsence des soldats ne parvint pas a les intimider.
A Boston, oil furent etablis les premiers bureaux de'douane, il
eclata, a cette occasion, de sanglanlts conflits entre les citoyens
et les employcs ang')lais.  Les autoritds locales, d'accord avec le
peuple, refuserlent de loger les troupes arrivdes dans leur ville. Le gouverneur ayant prohib6 les seances du Congr/s Colonial,
les membres de cette assemblee n'en tinrent pas moins des reu nions particulieres, dans lesquclles s'organisa la resistance contre
les usurpations anglqes.
Les pertes tqujours croissantes du commerce anglais, l'attitude
ferme et rdsolue des Americains, et l'extension effrayante de la
contrebande, dicidbrent le gouvernement anglais a revenir un
moment sur ses mesures:le ministere parut vouloir recourir i
une politique plus cbnciliatrice.
Lord North, successeur de Townshlend au minist-re, supprima, 
( 185 )
en 1770, les taxes etablies sur toutes les marchandises, excepted
sur le th6. La querelle resta ind6cise. La rdconciliation ne fut
pas plus entiere que la mesure pour  A paix n'avait e.t6 complete.
Le droit sur le thi, de trois pences par livre, fut donc maintenu; mais la defiance se maintint aussi.  On s'etait attendu a une
solution sur la question de droits, et non point a des echappatoires.
On rdsolut d'opposer a l'astuce l'opiniatrete6, et la force au besoin.
Ndanmoins, la lutte resta sourde pendant quelque temps, pour
dclater de nouveau, en 1772, lorsque le gouvernement anglais
rdsolut d'assurer l'exdcution de ses lois, en niettant des magistrats
sous-la ddpendance unique de la couronne.
Le Massachusetts fut le point ot elle etendit le plus ses usur
pations, ou elIe fit le plus peser son autorite.  Le  d6saccord
reparaissait donc sous diverses formes.  Les besoins de l'Angleterre la poussaient, ndcessairement, a exiger des colonies plus
qu'elles ne pouvaient ou voulaient lui donner, en dehors des conventions etablies.  Cette continuelle opposition d'int6rets devait
naturellement amener a la fin une rupture derluitive.  Frankliin
Jay, Jolhn Adamnis, Geo. Washlington, Thomas Jefferson, et autres
patriotes, la previrent et, apres s'en etre bien entendus, ils prdpar~rent de longue-main l'esprit public et les moyens propres a rendre
cette rupture effective, par l'inddpendance absolue des colonies.
Franklin avait d6ja employc, en vain, tous les moyens de conciliation possibles aupres du gouverneinent de la Grande-Bretagne, mais ses representations avaient etd dddaigndes.  II publia
de nombreux cderits, pour eclairer ses concitoyens sur leur position. et l'Angleterre sur les fautes et les injustices qu'elle commettait. 11 exposa, d'une maniere claire, les privild6ges et les
griefs des colonies. Un des premiers ouvrages qu'il fit, a ce
sujet, fut intituld  "Les flots ne se soutlevent que lorsque le vent
sous6e";  puis les conseils, ~ous forme ironique: "Moyen de
faire Un petit Etat d'un grand Peuple. " II fit aussi paraitre un
6dit supposd du roi de Prusse, qui 6tablissait une taxe Lur les
Anglais, comme descendants des migrds prussiens.
Mais, commne cela arrive toujours aux gouvernements aveuglds
p        ar l'orgueil            et l'intdret,  lo sages avis et les courageuses remon                                                     24 
( 186 )
trances de Franklin n'eurent d'autre resultat que d'irriter le
ministres anglais contre les colonies.  Franklin, qui 6tait alors
maitre-de-poste, fut destitu& de ses fonctions.   Ce fut le premier
tribut patriotique qu'il paya a la haine du roi Georges et du. ministire anglais, courrouc6s de son courage et son bon sens a
dire la ve'rit6.
Ils chercherent, de plus, a le perdre par la diffamation.  Voici
comment  Quelques colons infideles, appuyds du gouverneur Hutchinson et de son secrdtaire Olivier, avaient 6crit a, la metropole
pour d6noncer les projets des Americains et pour provoquer la r6vocation de la charte du Massachusetts, ainsi que pour demander
l'rmploi de la coercition contre les colonies rebelles.-Ces lettres
tomberent entre les mains de Franklin, qui se trouvait en Angleterre. II en fit part aux colons, qu'il re6pr6sentait a Londres.
L'indignation fut grande  parmi  les Americains.   On  porta
plainte contre les auteurs de cette correspondance, comme voulant pousser la mere-patrie a faire la guerre a ses colonies, en
commmengant par celle du Massachusetts,-et cornme ayant suggird l'introduction d'une force militaire parmi les colons.Franklin fut charge6 de la poursuite: il porta l'accusation devant
le conseil priv6 de la couronne. La malice anglaise crut avoir
trouv6 l'occasion belle de perdre le v6n6rable patriote, en le diffamant dans les ddbats.  I1 s'y vit en but aux injures insolentes,
sarcastiques de l'avocat Wedderburn, homme vunal, choisi a dessein par les ministres pour dbfendre les accuses. Ii traita Franklin
avec le dernier m6pris! il le traita de voleur de lettres!  I1 demanda a ce qu'il fut marqu6 du sceau de l'infamie! L'ame du sage
resta peut-etre impassible, mais le coeur de l'homme fut froiss6.
"Voila, dit Franklin, un discours 6loquent, que l'acheteur paiera
tres chlier!" En effet, quatre ans plus tard, le 6 f6vrier 1778, Franklin reprit l'habit demelours qu'il portait le jour ou il fut si cruellement offense. C'6tait pour aller chez le pldnipotentiaire du roi
de France, signer le traits d'alliance qui devait assurer l'ind6pendance de son payset le venger de l'Angleterre! -  L'insulte
etait lav6e. 
LA GUERRE.
La Compagnie des lndes se trouvait menacee de faire faillite,
par l'4norme accumulation de ses this et autres marchandises.,es
batiments furetit tout-a-coup repousses des ports par les Am6ricains, en vertu d'ordres 6mands des autorites locales.-Ils ne purent entrer qu'a Boston, sous la protection des navires de guerre
anglais; les villes de New-York et de  Philadelphie avaient
interdit l'entree de leurs ports. Les habitants de Boston, n'ayant
pu parvenir a en faire autant, firent mieux encore. Le 18 ddcembre 1773, dix-huit individus, ddguisds en Indiens, assaillirent le
Darmonwuth, batiment chargd de th4, defoncerent les caisses contenant la precieuse marchandise, et jeterent solennellement a la
mer une valeur de 18,000 livres sterling.  Le go,uverneur Hutchinson, depeignit cet incident a la cour, sous les couleurs les
plus rembrunies. Ce procede violent excita la colere des An
glais: le despotisme irrite du gouvernement se fit jour. En
mars 1774, lord North demanda au Parlement anglais de l'autoriser a prendre les mesures suivantes: le blocus (1e Boston; la
nomination, par la couronne, de tons les magistrats et de tous les
employes dans la province du Massachusetts; l'interdiction des
colons dans les affaires et l'administration de la colonie: la facult6 de faire juger les 6meutiers hors du territoire, jusqu'en
Angleterre; et, enfin, l'autorisation de  faire loger de force les
soldats par les habitants. Ces diverses series de mesures coercitives furent votes, et les bills rendus immddiatement obligatoires.
Les autres colonies eurent aussi leur part a souffrir. Le gouvernement anglais en empidtant s* leurs territoires, ordonna que la
possession du Canada s'otendrait, d~sormais, depuis les lacs jusqu'au Mississipi. On voit que I'Angleterre, prdvoyant une partie
de l'avenir, voulait se r6server Is vastes territoires des 6tablissements naguire encore franqais et mettre elle-meme a execution
les plans roves par ceux-ci, mais qu'elle avait fait 6chouer.
La m~re-patrie avait ainsi dlc]ar6 la guerre aux colons. 
( 188 )
Tandis qu'el]e levait des forces plus consid-rables pour  4eraser
les colonies, si elles s'opposaient a l'extcution de ces mesures rigoureuses, le gdn6ral Gage'recevait et ex6cutait l'ordre de bloquer Boston avec sa flotte et son arm6e. L'indignation fut g6nurale chez les colons contre les nouveaux actes du parlement. Boston se pr6para pour resister avec vigueur, et toutes les colonies
ddclarbrent qu'elles soutiendraient avec courage la province opprimde qui devait etre l'asile ou le tombeau de la libert6 americaine.
La brave Virginie donna l'exemple de la resistance, en convoquant son assemblde; mais celle-ci fut cassee par le gouvernement anglais. La milice virginienne fut cependant la premiere a
marcher, en disant que faire injure a une colonie, c'6tait la faire a
toutes. La ligue de non-importation fiut resserrde par celle de la
non-exportation des produits amdricains. Les colons s'engagbrent
de nouveau a ne plus rion importer ni exporter avec l'Angleterre.
Les nouveaux magistrats nommds par la couronne pour le A[assachusetts refuserent de servir, les anciens se retirerent. II n'y eut
plus de justice; l'6tat de guerre prit place partout; on lova des
troupes; l'instruction militaire fut promptement appliqune, et, en
pen de temps une armee fut prte to  s'opposer aux entreprises du
g6nbral Gage, qui avait pris position pros de Boston, avec six r6giments de ligne et de l'artillerie, en reliant sa ligne d'opdrations
a celle des navires de guerre, qui, du cot( de la met, bloquaient le
port. L'attitude et la position des forces anglaises 6tait donc des
plps menaqantes pour la province.
Les colonies furent d6clar6es en danger. Un Congres gdn6ral
fut convoqu6, et se rdunit a Philadelphllie, le 5 septeoubre 1774.
I1 6tait compos6 de 55 membres, choisis parmi les lhonmes les plus
honorables et les p!  habiles des treize colonies, tels quo Peyton,
Randolph, Geo. Washingtoni, Patrick Henri, John Adams, Livingston, Jay, Rutledg,e I)ickinson, Lee, Mifflin et autres grands
patriotes des plus res./ect6s. Ce Congres des fondateurs de l'indopendance americaine, donna 1'exeinple d'une unanimit6 de sentiments et d'une anito d'actions bien rares; il fit le naeessaire po:ir
yenir au secours du Mlassachusetts: il leva des homrnes, dcerita
des contributions. I r6digea en meme temps une declaration des 
( 189 )
droits et des privileges appartenant aux colonies britanniques,
d'apr~s les lois de la nature et de la constitution anglaise. Une
p6tition, contenant leur rdclamation fut adressde au roi ainsi
qu'une adresse au peuple anglais.
Washington, et la plupart des  membres du  Congrbs, ne
croyaient pas encore a la possibi]ity d'une r6volution prononc6e.
Franklin fut de nouveau envoys aupres de la couronne, pour tacher
d'obtenir une satisfaction paisible Qu un arrangement amiable avec
des garanties pour l'avenir. Les sages avis, les representations
dloquentes de Franklin ne prevalurent pas. La petition du Congr?s americain au roi de la Grande-Bretagne fut dedaign6e. Les
adresses au peuple anglais furent reques avec indifference. Tous
les moyens de conciliation furent vainrement employes; les instances, la voix g6ndreuse des Wilkes, des Burke, voire meme du
grand Chatham ne furent point dcoutes.
Le ministere avait resolu qu'il ne fallait ramener les colonies
qu'au moyen des armes. Les habitants de la colonie du Massachusetts furent declards rebelles, et Franklin fut traits comme
ayant fomeut6 la rebellion.  Il cut a se soustraire aux dangers
d'une arrestation a Londres par son depart clandestin. Le patrioto
conciliateur ne pouvait plus etre qu'uu opiniatre ennemi pour
l'intraitable Angleterre.  L'dvidcnte impossibilitd de la reconciliation 6tant ainsi ddmontrdce il n'cut plus, dLs ce moment, qu'a pdndtrer l'esprit des colons du fait quc la resistancc forte et c6uragense pouvait scule les sauver. Ce but devint ddsormais l'objet de
la politique du philosophec.  I1 arriva avec ces nouvelles, en avril
1775, a Philadelphie. Les populations le rceurent partout avec
les temoignages de la plus grande affection. II anno'iia au pays
que la guerre dtait inevitable.  Le peuple rdpondit qu'il dtait
pret a l'accepter et la soutir ai tout prix, pour arriver a uno
victorieuse inddpendance.
LES HOTILITES.
Les colonies avaient un corps de 12,000 hommes sur pied, au
Massachusetts, compos, en grande partie de milices, et un comit6
de sfiret6 g6n6rale, qui avait rduni une grande quantit6 d'armes et
de munitions, et cela au moyen de moulins a poudre qu'il construiaMt,
a 
(190 )
de la saisie qu'il fit des arsenaux, des fournitures, et (de la contre   bande qu'il favorisa. Le 9 f6'ricr, le Massachusetts fut d6clar6 en
stat de revolte et hors la loi. Tout commerce avec les antres co  lonies lui fut intefdit. Le commencement des hostilit6s suivit de
pres cette declaration; le 18 avril 1775, Gage fit d6truire par un
fort d6tachemenrt l'approvisionnement de munitions rnuiies a Con   cord. Mais, en se repliant, le corps expeditionnaire eut a soute  -nir, a Lexington, un premier combat sanglant avec les milices
du Massachusetts.  Toutes les colonies irrit6es de cette premibre
attaque, d~pecherent immediatement leur contingent sur Boston,
I)loqu6e. Le corps d'arram6e se monta ainsi a 20,000 hommes, avec
lequel on entreprit le si6ge de cette ville, pour la d6bloquer.
En meme temps, le Comite  faisait partir l'audacieux colonel
Arnold, a la tete d'un petit corps, pour les frontieres du Canada,
oui. par diversion, il prit au mois de mai, sous les ordres du com   mandant Ethan Allen, les forts de Ticonderoga et de Crown  Point, ainsi que les petits batiments de  guerre  anglais, en
station sur le lac Champlain.  Cet heureux coup-de-main mettait
les clefs du Canada aux mains des insurg6s americains. Le 15
juin, le Congr~s ddcida que toutes les colonies-unies seraient
mises en 6tat de d6fense; il ddcerna a l'unanimit6 le commande  ment en chef des forces continentales au g6ndral George Wa  shington; et lui adjoignit Montgomery, Gates, Ward et Putnam,
pour commqndants en second. I1 ordonna la formation d'une
escadre, qui rendit d'abord de grands services, mais qui fut
d6truite plus tard par les fiottes anglaises, et il pourvut enfin
a l'6quipement de l'armee, en cr6ant pour trois millions de
papier - monnaie.  Pour donner satisfaction aux scrupules  des
nombreux colons qui s'effarouchaient d'une scission avec l'Angle terre, le Congrbs rediga une dernibre adresse au roi, dans la  quelle les colonies iroposaient encore de se soumettre, moyennant
la garantie de leurs droits. I faut dire ici, par une petite di  gression, qu'a la mort de,Charles II, son frbre lui avait succed6,
le 6 ffvrier 1685, sous le noma de Jacques II, et que ce prince,
avait embrass6 le ca;holicisme.  En arrivant l6gitimement au
trone, il apportait donc un grand sujet de  d6fiance a la nation
protestante; malgr6 ses promesses solennelles de respecter la liber
I 
( 191)
t6 religieuse et politique du pays; celles-ci avaient 6t4 cependait
gravement entamdes par un systbme de partialit6 manifeste, qu'il
ne prit meme pas la peine de dissimuler, surtout apres le succbs
qu'il obtint contre ]e duc de Monmouth.  Ce duc 6tait le fils na turel de Charles II, et, en cette qualit6, il d6barqua, comme pre tendant, le 11 juin 1685, avec une centaine d'hIommes qui se joi gnirent a des partisans. I1 forma ainsi un corps de 2000 combat tants; mais d6fait par le comte de Feversham, il pdrit sur l'6cha faud avec les plus compromnis de ses adherents.  Le despotisme
relig,ieux de Jacques II ne fut toldr6 que parce que, n'ayant pas
d?enfant male, ni probabilite6 den avoir, sa fille Anne, qui 6tait pro testante, devait lui succeder: le peuple prenait donc patience. Cependant, on annon;a tout a coup, ern 1688, a la grande terreur de
l'opposition, que la reine venait d'accoucher d'un enfant male, apres
14 ans de st6rilit6, a la grande joie des papistes.-On soupqonna
cet 6v6nement d'etre le fait d'une fraude politique. Alors les
chefs influents du parti populaire tournerent leurs regards vers le
prince d'Orange, 6poux de la princesse Marie, autre fille du roi.
Au mois de novembre 1688, le prince d'Orange ddbarqua en Angleterre et marcha contre le roi, son beau-pere, qui, se voyant
abandonne6  de tous, s'enfuit en France a l'approche du nouveau pretendant. Louis XIV l'accueillit en roi et lui assigna
pour r6sidence le chateau de St. Germain.  Le 22 janvier 1689, le
parlement prononqa la decheance de Jacques II, et offrit Ia couronne au prince d'Orange, sous le nom de Guillaume III. Le roi
Jacques fit en vain quelques tentatives pour reconqu6rir son trone.
I1 fut le dernier rdgnant male des Stuarts. Son fils, Jacques III,
n'eut pas plus de succes dans ses essais de restauration, d'ailleurs,
la France, qui le soutenait, dut reconnaitre la succession protestante au trone de la Grande-Bretagne par le traits de la paix
d'Utrecht, conclu en 1713, sous le regne de la reine Anne, qui
avait succdde a son beau-frere, Guillaume III, et a sa sceur Marie,
nmorts sans h6ritier.  Cette reine, dernier rejeton des Stuarts au
trone d'Angleterre, etant morte sans enfant, ce fut le fils de l'6lec
trice Sophie, du Hanovre, petite-fille du roi Jacques Ier, qui lui
succeda, en vertu de l'atte de la succession protestante du parle 
(192 )
ment de 1701 L'6lecteur fut donc procla.m6, en 1714, sous le orIom
de Georges cTer, roi d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, pays out il
n'avait jamais m's les pieds. I y r6gna 13 ans, sans avoir jamais
pu s'habituer aux meeurs anglaises, ni meme pu parler la langue
de ses sujets.
A sa mort (1727), son fils, le prince de Galles, lui succida, sons
le nom de    Georges II., I1 rdgna jusqu'en 1760.  Le fils de ce
dernier, Fr6derick, prince de Galles, 6tant mort, ce fut le fils de
celui-ci, c'est-a-dire le petit-fils de Georges II, qui lui succdda au
trone, sous le nom de Georges III. Ce fut avec ce roi que les colonies eurent tant a guerroyer, a partir de 1775 jusqu'a la canquete de leur independance.
Ce fut donc au roi Georges III que la pdtition des Am6ricains
se pr6senta de.nouveau; mais ce prince s'cst en tout temps fait
remarquer par cette excessive opiniatrete6 qui a ddteiiit, par un
regne de 60 ans, sur le caractere anglais, et qlii lui attira tant
de guerres. I1 i:refusa obstindment d'acccpter un pareil compromis,
et il rencontra les me6mes dispositions dans le parti tory, sur lequel il appuyait son gouvernement.
Les colonies qui connaissaient lcurs forces et qui calculaient
avec justesse que la mdtropole s'dpuiserait infailliblement et inutilement dans cette guerre lointaine, les colonies comprirent que
le sort en 6tait jete, et des lors elles se mirent en devoir de poursuivre leur but, en d6ployant d'abord une constance, une fermet6
et une activitd toutcs particulibres.
Deux jours apres la nouvelle de ce nouveau refas de la paix
par les Anglais, euti lieu l'affaire de Bunker-Hill. Ces hauteurs
6taient occupies par les troupes coloniales, qui, dans cette position, pouvaient dominer Boston. Le gdndral Gage voulut les deloger; il fit donner ses tioupes d'6lite, et le 10juin 1776 le combat
s'engagea.  II ft sanglant, les Amdricains ddfendirent la position avec opiniatrete', mais ils durent cependant coder au poids
du nombre.
Les troupes coloniales, apris un temps d'arret qui permit leur
ralliement, se replierent en bon ordre sur les hauteurs de Dorchester, d'oi elles'canonnerent Boston, que Gage se vit coettaint 
( 193 )
d'6vacuer avec son corps d'arm6e, r6duit a 3000 hommes de troupes anglaises et a 1,500 loyalistes, ou individus d6vouds a la cause
royale. II se retira a Halifax. aprbs avoir abandonn6 son artillerie et ses munitions, et c6da le commandement a lord Howe.-A
la meme epoque, le Conugrbs et Washington d6pechbrent des troupes etdes milices au Canada, sous les ordres du g4ndral Montgomery, qui se rendit maitre des forts de la frontibre et s'empara de
Montr6al; mais il fut tud sous les murs de Quebec, et son armoe,
repoussbe, 6puisee par la faim, le froid et la fatigue, se replia sur
les forts. Washington, de son cot6, surveillait de pros les troupes
anglaises.
Le parlement britannique mit les colonies hors la loi; le Congras y rdpondit par la memorable declaration de l'Ind6pendance
des troize colonies, constitutes en treize Etats, sous le nom
d'Etats-Unis d'Amdrique. C'est dans cette declaration qu'entre
autres grandes vnrit6s, on trouve celle-ci: Les gouvernements
ne peuvent tirer leur 16gitime autorit6 quo du consentement des
gouvernds. Ainsi fut proclamde l'Ind6pendance americaine.
VI.
Peu de temps apres la Ddclaration de l'Inddpendance des
Etats-Unis, lord Howe arriva avec un corps d'arme ~ompos6
d'Allemands que le gouvernement anglais avait achetes aux petits
princes allemands qui vendaient leurs sujets pour porter les armes contre les colonies.-Le'61ecteur de Hesse-Cassel gagna a lui
seul, durant cette guerre, 80 millions de francs dans ce commerce
de chair humaine avec l'Angleterre. Le g6n6ral iHowe, renforc6
de 15,000 hormmes, avec une fiotte considerable, commandde par
son frere, l'amiral Howe, fit des propositions aux colons rebelles,
,v&nt de les attaquer, en les invitant a rentrer dans l'ob6issance
et en leur offrant le pardon dI roi. Franklin fut charg6 de lui
r6pondre, et il le fit de maniere a faire entendre au g6neral anglais, qu?en fait de pardon, il serait plus a propos pour la
~ouroune d'en demander que &en  offrir; que les liens daffection des colons lpour la more-patrie 6taient a jamais bris6s,
et  que, d'ailleurs, l'acte dinddpendance ayanrt 4t4- accepts et
25 
( 194 )
signd par les treize colonies, il ne serait plus possible.de nraiter
avec l'Angleterre que de peuple a peuple libre. Ces fieres rdsolutions furent confirmees par le Congrbs, le 17 septembre 1776.
II fallait maintenant les faire prevaloir les armes a' la main et
les consacrer par la victoire.  La victoire ne fut guere favorable
d'abord aux braves patriotes; la guerre jusque-lak n'avait pas dt6
heureuse pour les Americains.
Le plan da gdnd6ral Howe consistait a attaquer les Americains
sur trois points: Clinton fut charg6 de s'emparer des colonies du
Sud, Burgoyne d'occuper le Canada, et Howe lui-meme, a la tete
de 30,000 homnmes, sc proposait d'occuper la Nouvelle-Angleterre, l'Etat de New York, ct d'opd6rer sa jonction avec Burgoyne
en s'emparant de la Pennsylvanie. Le plan de Washington collsistait a faire remonter l'EIudson et traverser les forets du Maine
par le colonel Arnold, pour couper les Anglais du Canada et opdrer sa jonction a Quebec avec le gdndral Montgomery, qui, apres
avoir penetr6 par les lacs, s'6tait saisi de Montreal pour- venir bientot mourirau milieu de sa d6faite, devant Qunbec. Arnold prit alors
le commandement, rendit Montrdal, et il retraita vers la frontibre,
press6 d'ailleurs par le gdndral Burgoyne. Washington avait du
se borner a rester sur la defensive; mais le plan de d6fense a.
l'int6rieur ne fut pas plus heureux que le plan d'attaque a l'extdrieur.
Le gdn6ral Howe avait quitt6 le terrain de la Nouvelle-Angleterre comme etant peu propice a sesplans. En mars, 1776, a la tute
de 24,000 hommes de bonnes troupes, il descendit sur New York.
Washington vint avec 13,000 hommes lui barrer le passage dans
la Longue-Ile; il y fut battii et perdit 2000 hommes. Les Anglais
purent marcher sur New York, qu'ils occupbrent sans coup f6rir;
les postes americains!'avaient 6vacude.  Washington, apres sa
d6faite, avait du trrerser l'EIudson, et retraiter dans le New
Jersey, avec son armee en d6sarroi.  Les Anglais purent done
remonter ce fleuve, et s'emparer des forts Washington  ct Lee,
qui en commandent le tours; puis ils se mirent a la suite de
Washington,  et le forcerent encore  a  quitter Trenton,  sa
derniere position'dans cet Etat. Son grand courage ne lui fit 
(195 )
pas ddfaut dans ce pdril; il vint couvrir Philadelphie, ou si6gait le Congrbs, dont la position, comme celle du gdndra], 6tait
loin d'etre brillante.  Leurs moyent 6taient r6duits; ils n'avaient
plus d'argcnt, plus d'armee, et pas d'autorit6. Le papier-monnaie
se montait dnja a 24 millions etperdait chaque jour de sa valeur,
en prdsence de la misere gind6rale et en l'absence de tout commerce. Les engagemrnents, faits a trop courts termes, expiraient
tous lesjours, et les hommes ne voulaient plus se reengager; leurs
mis~res 6taient extremes; sans vetements, sans vivres, sans discipline, ils dtaient plutot dispos6s a l'insurrection contre leur pays
qu'a la guerre contre l'ennemi.  Plusieurs soulevements eurent
lieu et furent difficilement calmes. Le corps d'armne de Washington 6tait rdduit a 4,000 hommes. Les ordres du Congrls 6taient
mal eacut6s par les Etats, non moins indiscipiin6s que les hommes. Lcs troupes et les contributions ne se levaient pas; ils opposaient meme souvent leur a'utorit6 a celle du  Congrbs qui, du
reste, par le systbme organique, avait conserve6 peu de pouvoir
effectif sur les Etats.'
L'invasion anglaise s'avangait, et les loyalistes levaient la tete,
en raison des ddfaites et me6comptes des confdddr6s. L'esprit
public s'affaiblissait a vue d'ceil, la cause de l'ind6pendance,
marchait vers l'agonie, une seule nation au monde pouvait la
sauver en aidant le peuple amdricain a continuer son euvre. La
France fut cette nation, qui, quoique monarchique, preta son
gdnereux appui a la rdpublique naissante.
L'esprit de sa politique contre l'Angleterre la poussa moins
que l'entrainement du peuple frangais, toujours pret a se passionner pour les grandes causes. Les sympathies de la nation so trouvaient, cette fois, d'accord avec la politique de son gouvernement.
Franklin, envoy6 auprbs dqoi, fut le sujet d'une ovation d'enthousiasme autant pour la cause qu'il venait repr6senter que pour
sa r6putation comme sage, philosophe e savant. II obtint d'abord
des secours particuliers, puis des secours secrets du cabinet de
Versailles, en attendant qu'on put ouvertement adopter la politique suggerde par le Congrbs et appuyde par M. de Maurepas et -
~M.  de Vergemes. 
( 196 )
Les fermiers gdndraux furent autoris6s a traiter avec les commissaires am6ricains pour la vente des tabacs du Maryland et de
la Virginie; les navires americains furent requs dans les ports
franqais, et les enrolements d'officiers, sous le drapeau de l'ind4pendance am6ricaine, furent toldris; les prises faites par les corsaires americains fuirent accueillics et achctdes par la France.
L'Angleterre ne put rien empecher de cette hostilit6 couverte;
mais elle en garda une rancune contre la France, qui s'est fait sentir en toute occasion depuis.
La resistance patientc et calme de Washington, avec l'habilet6
de ses manoeuvres, lui avaient fait gagner du temps, tout en coutrant Philadelphie.  Le gen6ral Howe cherchait a l'acculer entre
'armie et la fiotte anglaises au bas de Ia Delaware, afin de lui faire
mettre bas les armes. Washington sut faire 6chouer ce plan, en se
d~robant aux atteintes de l'ennemi; puis, par un retour audacieux,
il retraversa la Delaware sur Ia glace, le 25 ddcembre 1776, et
s'adjoignant le g6ndral Sullivan, il vint tomber sur le camp des
Anglais, qu'il surprit a Trenton: il fit prisonniers trois r(giments
allemands, en reprenant cc poste important. Les dchelonnemnents
anglais sur le cours de la Delaware durent se replier. Lord Cornwallis vint avec des forces supdrieures pour faire un retour offesif st la position de Trenton, mais Washington l'esquiva, et per
ute heureuse tactique, comme ai Trenton, il le prit en flanc - Princeton, ltui fit subir un grave dchee, le 3 janvier 1777. Ces heuretux
faits d'armes firent un effet moral d'autant plus favorables qu'ils
ftient inattendus.
]5am'ide dinvasion abandonna 1] New-Jersey apres oe  dft
&tiecs. Washington s'6tablit a Morristown, dloi il put hatceler
Its ddtachements arridr6s de l'ennemi.-L'esprit du peuple se reltva par ce petites ectoires, d'autant- plUs- qu'un grand' ombr e
de volbntaires trangers arrivaient de France pour renforeer tirm~e. Les' progrs de linasion dirent s'arrer un isetut-, Au
printemps de 1776, l.g6nralHlowe. changea de, taetique.  I1
eonut le projet d'attaquer li P6eneylvanie,  on, y p4hntntt
pt le1 Marylnud', I- se dirigea vers la baie de  CGhagapeake, avec la fiotte anglaise a ses ordres.  I1 d'barqua, et, marcha sur Philadelphie.  Washington  avait heureusement, regu
l, 
( 197 )
des renforts en hommes, en argent et en armes, de France.
Le gdndral Lafayette dtait accourt, gindreusement, mettre sonl
6p6e et sa fortune au service de la libert6 amdricaine. 24,000
fusils, 6 millions de francs, et de nombreux amis et volontaires,
au  nombre desquels dtaient Kosciusko, Steuben et Pulawski,
formaient des renforts solides et inspiraient une nouvelle confiance aux Americains.  Washington prit position sur la Brandywine, au passage des Anglais.  Il y fut ddfait et ne put proteger
Philadelphie, ou le: Anglais entr6rent triomphants, le 11 septembre I777.  Le Congr~s avait quitt6 la capitale: il s'6tait transf6r6 sur Lancaster, puis a Baltimore. Washington, toujours grand
par son heroique patience, quoique toujours num6riquement
faible, serra de pres et harcela les Anglais avec opini&tret6.Le 4 octobre, il les attaqua a Germantown, la victoire resta inddcise a cause du brouillard; mais ne pas etre defait, c'6tait
etre presque victorieux dans sa position. Les Anglais prirent leurs quartiers d'hiver a Philadelphie, et Washington
dut se replier, avec les d6bris de son armee, dans la contrde
ddserte de Valley - Forge, d'oh il tint l'ennemni en vue. - Du
cot6 du Canada, les affaires n'allaient gubre mieux. Le gen6ral Burgoyne, en s'emparant des lacs Champlain et Georges;
avait repris les forts Crown-Point et Ticonderago sur lea troupes
retraitdes du Canada, aprbs l'insucces de Qudbee. Apres ces
conqutes, le g6n6ral Burgoyne songea h donner la main A l'ar  oentrale de New-York.  A cet effet, il s'avan~a vers l'HudsiR dans l'intention de s'emparer d'Albany; mais il fut arretd
das sa mache par le gdn6ral Gates qui, d'accord avec Putnam
et Arnold, avait recu un corps de 15,000 hommes  de milice.SaItoga, noA  loin d'Albany, fut le terrain de la rencontre.  L,es
Aglaiss frent battus le 7*)ctobre 1777, et les moyens de retraite' let furent co4s pBar Gates. -  Apr)s un mois de luttes
l6t  oreibe le pasoge, Burgoyne, boujorws cerin6 dans Saratoga
d  a"(itIler. II] se rindit av#c 4,000 homnmes  4~ pieces de ca5, ~,000 ftls, o tm 1I, bagage. On renvoya; les p~iinniers
a Europe,, soig 1  a    oio, qu'il  ne sersiient plus durant
cette guerre. La France aplrit 1 touvelle d-ce6te viotoire ave 
joie, et le roi Louis XVI,'cdant au vceu gdn6ral de la nation,
signa le trait6 d'alliance avec les Etats-Unis, le 6 f6vrier 1778.
La reconnaissance de la souverainet6 de la nation amrricaine
par la France, entraina celle de l'Espagne. Les Etats-Unis s'engageaient, par ce traits, a ne jamais conclure de paix separee avec
l'Angleterre, avec qui la France se trouva en guerre imm6diatement.  Cet acte assura le succes de la cause am6ricaine qui, sans
cela, allait succomber sous la puissante 6treinte de la GrandeBretagne.  L'heureux ambassadeur, Franklin, revint dans son
pays, dont il venait d'assurer le salut, apres avoir dt l'objet des
ovations les plus flatteuses, a la cour comme a la ville.  I eut,
avant de partir, une entrevus avec Voltaire, qui lui-meme venait
d'etre porte en triomphe a son entree dans Paris.
( 198 ),
PROPOSITIONS DE PAIX PAR L'ANGLETERRE.-LA GUERRE AVEC LA
FRANCE..
Apres la ddfaite de Burgoyne sur les bords de l'Hudson, l'armee americaine du Nord put songer a reprendre l'offensive vers
le Sud envahi.
Le general Howe, tenu en respect sur la Delaware par Washington, demandait au ministre anglais de le remplacer. Le ministire 6tait en butte alors aux incessantes attaques de l'opposition,
qui l'accusait hautement de la d6tresse financiere et commerciale
qui pesait sur le peuple anglais, avec l'imminence d'une autre
guerre sur les bras avec la France et l'Espagne. Lord North,
tout en faisant de vastes pr6paratifs, pour faire face a ces nouveaux dangers, s'adressa secretement a Franklin, pour lui proposer une reconciliation  avec  les Etats-Unis.   L'ambassadeur
amdricain posa des conditions: il dernandait, d'abord, l'abandon
par l'Angleterre de lute pr6tention a les gouverner; plus, la
disgrace des royalistes, des ministres, des gdndraux et de tons
ceux qui avaient contribud a amener et a leur faire la guerre.
La Grande-Bretagne n& garderait, tout au plus, que le Canada,
la Nouvelle-Ecosse et les Elorides.-Le cabinet britannique, comnme on devait bien,s'y attendre, rejeta ces conditions, pour les aceepter, d'ailleurs, forcdment, plus tard.
, l 
( 199 )
Lord North ne votlait pas sortir de la question  de paix
pure et simple, au moyen des bills conciliatoires, qui se bornaient
b rappeler les lois dont les colons tvaient fait leurs griefs, et qui
remettaient les Etats-lJnis sous la dependanlce de l'Angleterre.
On 6tait bien loin de compte. Frauklin reponldit a David Hartley, porteur des propositions du cabinet anglais, en ces termes
L'Am6rique 8tait une fille vertueuse, attach6e a ses devoirs;
mais sa maratre de mere l'a maise a la porte palr de mauvais
traitements, et en la diffamant.  Cette innocente elifant s'cst
jetde dans les bras de la France, et elle s'y est honorablemnent
" tari6e.  On espere qu'elle sera heureuse femme, comme elle a
"td honnete fille."
L'Angleterre'voyant que la paix 6tait au prix de l'inde6pe'idance de ses anciennes colonies, chercha a 6branler l'allianlce
fran;aise.  Elle ne put y r6ussir; Franklin avait hoinietement
tenu la cour au courant des men6es anglaises, tendanit a jeter Ia
division entre la France et les Etats-Unis.
Le Congres et Washington furent en tous points d'accord avec
leur ministre a Paris. Le cabinet britannique ne pouvant leur d6tacher la France par la politique, il tacha de le faire par les armes.
Le duc de Choiseul, ministre de Louis XVI, avait pre6vu cette.
alternative: tout etait prpar6 pour la guerre; la marine et les
troupes 6taient en bon 6tat.
D'Orvilliers, d'Estaing, de Grasse, Guichen, Lamotte-Piquet,
Suffren, et antres vaillants marins, furent lanc6~ avec des flottes
contre les Anglais dans la Mediterran6e, sur l'Oc6an, la per des
Indes et les cotes d'!mirique.-La France maritime balanga la
puissance (le la fiere Angleterre.
Howe, le g6n6ral, avait c6d6 le commanrdemant a Clinton, vers
le commencement de la campagne de 1778. Le comte d'Estaing,
commandant 12 vaisseaix detigne et 4 fregates, vint pour bloquer
Clinton dans Philadelphie; qui restait occupee depuis sa prise
par le gendral Howe, frere de l'amiral. Prive du secours de la flotille anglaise, qui avait du se porter sur les Florides menacees,
et par suite de la bataille navale d'Ouessant, gagnde sur l'amiral Keppel par le comte d'Orvilliers, Clinton, presse d'ailleurs par
l'escadre frangaise du cot6 de l'eau, et par Washington du cot6 du 
( 200 )
New Jersey, dut 6vacuer Philadelphie avec 12,000 hommes. Washington vint l'attaquer dans son mouvement retrograde, en se jetant sur ses derrieres, il le joignit a Monmouth, le 29 juillet,
lui fit subir un 6chec; mais il ne put  r6ussir a l'arreter dans
sa retraite sur New York. Apres avoir 6t6 harcel6 par Washington. le g6neral anglais arriva a New York, y retrouva le comte
d'Estaing pour 10 serrer de nouveau, ainsi que la fiotte anglaise
on station. Les Anglais avait ainsi perdu dans cette campagne, ce
qu'ils avaient gagn6 dans la pr6c6dente. La fortune redevenait
favorable aux Americains; Washington ordonna cependant au
comte d'Estaing d'abandonner le blocus de New York, pour
aller avec ses 12 vaisseaux, appuyer par mer, le g9ndral Silliman,
dans son entreprise contre un corps  d'arm6e ennemie, rduni a
New Haven. L'amiral Hlowe suivit la flotille franqaise, mais assailli en route par une forte tempete, force lui fut de rentrer ah New
York, tandis que d'Estaing, non moins maltrait6 par cette meme
tempete, dut se rendre a Boston, pour r6parer ses avaries. ( On
s'explique difficilement sur quoi put se baser l'exasperation des
Amdricains contre d'Estaing, leur alli6, a propos de cette d6viation forc6e, que l'Qn qualifia gratuitement de pr6texte. 1 y
a eu 6videmment de l'injustice dans l'opinion d'alors, comme dans
celle des historiens qui out rapport6 le fait de  ce relachement,
sans en expliquer la cause, cause et effet dont l'amiral Howe luimmem  ne fut pas exempt.)-(Note de l'auteur.)
D'Estaing transfera de Boston, le thdatre de ses operations dans
les Antilles frangaises, menac6es par les inavires anglais, et de son
c-t~, Clinton r solut de transporter la guerre dans les colonies du
Sud, out il comptait rencontrer moins de resistance, et plus d'abondance de provisions pour faire passer l'hiver a ses troupes, dont le
bien-etre 6tait, d'ailleurs, assur6 par l'appui des loyalistes tris nombreux dans cette co/tr6e. Le 17 d6cembre 1778, le gdnural Campbell d6barqua avec un corps d'armoe a Savannah, oil il trouva diverses bandes de loyalistos qui sejoignirent a lui. I1 put ainsi p6nitrer dans les Carolives, sans rencontrer d'obstacle s6rieux. Le
gdntral Lincoln fut exp6di~ pour l'arreter; mais il rdussit a peine
a sauver Charlestown. Washington, Opuis6, et dans le plus g-ria
d6anuemont, 4ut so bo'ar u  qr intei r es. positin);, il pasa l'aa
4~ 
( 201 )
tde de 1779 a' West Point; sur ces entrefaites, une  heureuse di
version pour les Etats-Unis survint bien a propos.  L'Espagne
n'ayant pas r6ussi dans son role de lddiatrice, encouragde par le
succ/s des Vrangais dans les Indes, elle sejoignit a la France contre
I'Angleterre, et fut bientot suivie par la Hollande. La Suede, la
Russie et le Danemark conclurent un traitd de neutrality.' L'Angleterre ainsi isolde eut a disperser ses forces sur tous les points
du globe.  Dans la M6diterrande, elle eut a ddfendre Minorque,
Gibraltar et ses 6tablissements du Sdndgal; dans la mer des Indes,
Pondich6ry, Chandernagor et Gondelon, contre le brave Bailli
de Suflren; en Am6rique, elle eut a prot6ger Tabago, la Dominique, St. Vincent, la Grenade et autres possessions des Antilles,
que les Frangais conquirent apres en avoir dt6 ddpouillds. Les Es
pagnolss'emparorent imm6diatement de Mobile, avec Pensacola
et la Floride de l'Ouest.
L'dnergie de la nation anglaise fit cependant bonne contenance
devant tous ces dangers, et n'en persista pas moins dans lintention do punir les colonies r6voltdes.
VII.
En l'automne do 1779, apres avoir commis les plus afreuses
devastations sur les cotes de la Virginie et de la Caroline, peut
etre dans le but de ddterminer Washington a abandonner ses positions, qui tenaient Clinton en dchec au Nord, les Anglais rdsolurent d'ope6rer la jonction de l'armde du Nord avec l'arm6e du
Sud, pour continuer et pour transporter la guerre dans cette derniore partie du territoire. Clinton dvacua donc New York, le 26
ddcembre, en y laissant 6,000 hommes, et vint donner la main au
gdn6ral Campbell, en Georgie.
En 1780, il commenga la campagne, en achevant l'occupation
du Sud, apres avoir contraint Charlestown a capituler, a la suito
d'un sidge opiniatre.-les nombreux loyalistes du Sud ne furent
pas ttrangers a ce succos des armes anglaises.
La flotte du comte d'Estaing avait dufi suivre et surveiller celle
de l'amiral Howe qui, comnme ila dtd dit, s'etait portde sur les Antilles franqaises et les Florides. L'appui de la marine manquant
aux Am6ricains, ils redevdnaient de plus en plus faibles. La                                                       26 
( Z02 )
fayette qui avait d4ja bravement guerroy6 avec Washington, re
tourna en France pour y solliciter l'envoi d'une nouvelle flotte. II
revint bientot avec uine fliatille mnont6e par du Tournay et un corps
d'armde, commands par le comte de Rochambeau. Pendant ce
temps-la1, Clinton etait revenu a New York, en laissant l'armde du
Sud aux ordres de Cornwallis qui y continuait ses ravages, apr
avoir battu le gdn6ral Gates a  Camdem.  Le Congrbs se retrouva a la suite de ces d6sastres,. dans  la plus grando d6tresse, moins, pent-etre, a  cause de l'6puisement, des  forces
amnricaines, que par le defaut d'au:torit6 pour faire executer ses
ordres. Washimgton 6tait dans la plus grande pdnurie: les; troupes, degrad6es par la misbre et les privations, en vinrent plusieurs
fois a se mutiner ouvertement.  La moiti6 de ses hommes abandonnaient le drapeau, en se fondant sur l'expiration de leur
temps de services.  Les traitres, qui se disaient loyalistes, intri.guaient dans le Congres, et trahissaient sur tons les points du
territoire.-La desertion et la dbfection 6taient partout.-Les laches et les intrigants, qui s'acharnent toujours aux vaincus, ne
tarissaient pas en ddelamations haineuses et jalouses eontre le-gc
naralissime: les g6neraux Gates et Conway complotaient.- Le
gen6ral Lee, soupconn6 de defection, etait traduit devant un conseil de guerre, et Arnold, d,ja' condamnn  comme concussionnaire,
trahissait sa patrie, en se vendant pour $30,000 aux Anglais,-parmi lesquels il sut se distinguer par ses cruaut6s envers ses compatriotes. La dictature fut remise a Washington: le temps des enrolements fixe a trois ans, et plusieurs executions militaires vinrent cependant rendre un peu de calme dans l'esprit de son armde abattue, qui, pour un moment, fut rdduite a 3,000 hommes! La cause,
de linddpendance semblait ddsesperee. —Heureusement que l'ennemi ignorait le vrai fond de cet 6tat de choses, et qu'il li6hsita
longtemps avant d6*rien entreprendre de s6]ieux.  Le moindre
effort eat suffi~ au gdndral Hlowe pour forcer 1 es debris du corps
d'armde de Washington-a mettre bas les armes, et terminer la
guerre d'un seul coup, surtout lors d la retraite de Washington
et du Congres de Philadelphie.
C'est dans ce moment de supremo ddtresse qt~arriva, le ler juillet 1780, a Rhode Island, une escadre de 27 vaisseaux de guen-r
v 
( 203 )
franqais, avec les 6,000 hommes de troupes auxiliaires de Rocliam  beau. La France avait, en outre, en renvoyant Lafayette, consen ti a preter seize millions, a l'aide desquels secours il fut possible
de remettre l'armee amtericaine en 6tat de tenir la campagne.
Tandis que Lafayette, a la tote d'un corps separ6, s'efforgait de
mettre obstacle aux ddvastations de Cornwallis, dans les Carolines
et la Virginie, l'amiial de Grasse arriva de son cot6, apres avoir
forc6 la flotte  anglaise avec 3,200 hommnes  qu'il  mit a terre;
il vint bloquer New York avec 28 batiments de guerre.- Ces se cours inattendus remonterent le moral des Ambricains: l'arm6e
fut promptement r6organis6e. Rochambeau avait d6barque dans
le Rhode Island avec son corps exp6ditionnaire, mais il fut tenu
un moment inactif a New Port, par la flotte ennemie, en meilleure
position que celle de du Tournay qui l'avait amen6. Cependant,
Washington lui donna l'ordre d-abandonner sa position et de le
suivre, comme il abandonnait lui-meme celle qu'il occupait a New
Windsor.  Puis, il d6pecha Lafayette pour tenir tote au  traitre
Arnold, et Greene contre Cornwallis qui avait pris pied dans les
Carolines,.afin de rompre la ligne d'invasion. Lui-mime se mit en
devoir d'empecher que cetie ligne ne s'appuya sur la flotte anglaise, ni ne s't-endit jnsqn'a l'armde du Nord, qui s'avaneait en mas se pour op6rer sajonction et completer l'envahissement du Sud.
I1 fit, de plus, partir de Grasse pour les cotes de la Virginie. Ses
dispositions etant ainsi prises, il fit croire, par unI feinte manceuvre,
a Clinton que son intention 6tait d'attaquer New York, conjointement avec Rocliambeau, mais il se d6tourna tout-a-coup et passa
vivement en Vi-goinie, en se dissimulant a Clinton. Washington
op6ra ainsi sa jonction avec Lafayette, et laissa Greene maintenir
Arnold en respect. 11 attaqua promnptement de toutes ses forces,
en s'appuyant sur la flotte frawaise, la ville de Yorktown, on se
trouvait le centre de l'arWe anglaise.  Bloqu6e par de Grasse,
assibg6e par Washington, l'armi6e ennemie se vit dans une maiu
,aise position. Les postes et les recroutes furent brillamment on
levis d'assaut, et les Anglais fureont forc6s de capituler, le 19 octobre 1781. Lord Cornwallis et 7,000 soldats se rendirent prisonniers de guerre, en abandonnant toute l'artillerie et les magasins.
r' 
( 204 )
Cette grande victoire etait le pendant de celle remportde A Soratoga, durant la prdcddente campagne: la premiere avait ddcid6
l'alliance des Franqais, cette derniere assura l'inddpendance des
Americains et mit fin a la guerre.
Pour la premiere fois, les Amdricains purent s'abandonner a
une joie sans borne a l1occasion de cette 6tonnante victoire.  Les
Anglais, qui avaient fini par s'6puiser, peu a peu, par suite de la
tactique de temporisation adoptde par Washington, se trouvaient
maintenant hors d'etat de rien entreprendre. Washington ne put
songer encore a reprendre Charlestown; il se retira donc vers
l'Hudson, a l'effet d'y attendre le moment favorable pour attaquer
Clinton au passage. MNais les d6sastres essuyds, taut sur mer quo
sur terre, par les forces britanniques, donnerent une telle prdponderance au parti de la paix, que le minist6re North fut renvers6
et remplac6 par Rockingham, Shelburn et Fox. L'Angleterre, accablde ainsi par la lutte a l'ext6rieur; l'opposition politique avec
la ruine commerciale a l'intdrieur, fut enfin rdduite a demander la
paix. Malgrd les intrigues du cabinet britannique pour traiter
separdment avec les Am6ricains, afin de tenir la France a' partie,
les ndgociations n'en furent pas moins conduites, par les EtatsUnis, de concert avec le cabinet de Versailles.
L'inddpendance des Etats-Unis fut prise comme base preliminaire, et les traitds de paix furent signes, a' Versailles, le 30 septembre 1783, ou Franklin repr6sentait son pays depuis le commencement de la guerre. En outre de leur inddpendance, les
Etats-Unis furent assures de  leu  possessions naturelles et du
droit de peche dans les eaux d'Amdrique. La France conserva
Tabago et Ste-Lucie, dans les Antilles; elle fut rdcup6rde de l'Ile
de Gorde, sur la cote d'Afrique, et rentra en possession de Chandernagor, de Pondioedry et de Mah6, dans les Indes. L'Espagne
garda Minorqfle, sur la M6dit6rannoe, et les Florides, en Amdrique.-Ainsi se termina cette autre guerre de  sept ans, sur lo
continent am6ricain, dent le rdsultat fut la creation d'une nou.
velle et forte nation libre. II fut prouv6, une fois de plus, que
la subjugation d;un peuple, qui veut rdelleoent sa libert6, est
impossible. 
POSITION DES ETATS-UNIS A LA PAIX.
Des le mois d'octobre, le corps d'auxiliaires franvais avait
quitt6 les Etats-Unis pour se rendre aux Antilles.
L'arm~e, mdcontente de ce qu'on ne faisait rien pour elle,
mena;ait de se mutiner de nouveau.   Quelques detachements
marcherent meme sur Philadelphie, et s'emparbrent de la salle du
Congres. Des propositions de coup-d'Etat, ayant pour but la
fondation d'une monarchie, furent rditer6es a Washington, qui les
repoussa avec indignation. Le g6n6ral calma les officiers et les
soldats, par sa noble conduite et l'admirable lettre qu'il adressa,
en leur faveur, a l'assemblde.
Washington remit ses pouvoirs au Congres et se retira de
l'armbe, a laquelle il fit ses adieux, au milieu des pleurs et des
acclamations du. peuple et des soldats qui le nommaient IQ Pere
de la Patrie, et qui nagubre encore le d6criaient!
En passant a Philadelphie, le gindralissime remit l'6tat de ses
depenses, 6crit tout entier de sa main, appuy6 des pieces justifica
tives.
Les dgpenses secretes de toute la guerre ne s'elevaient, en tout
qu'a 1,982 livres sterling. La seule recompense qu'il requt de
-on pays, fut la franchise du timbre pour sa correspondance. II
aida a la fondation de l'ordre hdrdditaire do Cincinnatus, destin6
a rdcompenser les officiers; mais la dgmocratie y vit une  tendance aristocratique. Washington fit abolir l'h6rdditd, et cet or.dre tomba en de.sutude.-II fallait pourtantpourvoir au sort de
l'arme avant de la licencier. On ne- vit pas, sans prgoccupation, arriver le moment de son licenciement. Le Congrbs so
sentait tris embarrass6, $u que les divers Etats se tro'ivaient
hors de condition a pouvoir s'oouper du sort des soldats, quoique
ceux-ci aient 6t6 enrol6s sous la promesse que l'on pourvoierait
a leur position apres la guefe.  Apres de longues n6gociations,
on finit par ddcider que les officiers recevraient une indemnit6
.quivalente a cinq annes de solde.  Quant aux simples soldats,
on les indemnisa cn leur distribuant des terres. Les cinq nations 
( 206 )
indiennes quli s'taient tenules avec les Anglais, fiurent admises
.,ous la protection des Etats-Unis, et les loyalistes firent un compromnis avec leurs concitoyens pour oublier le passd; ces arrangements pris, l'cvacuation du territoire fut effecture, par les Anglais, le 25 novembre.
La guerre, qmi assura l'inddpendance de l'Amnrique du Nord et
d6truisit la menasante suprdmatie exercee jusqu'alors par'An.
gleterre dans les mers et au Nouveau-Monde, stait terminoe.
Mais les Etats-Unis, parvenus an comble de leur vceux, dtaient
pent etre moins libres, et surtout moins heureux,qu'on ne s'y tait
attendu. La guerre avait coufitd 135 millions de dollars, sans par.
ler de la masse de propridtds particulieres ddtruites on ddvast6s;
elle avait, en outre, ddvor6 70000 hommes! Le Congrbs se retirait
en laissant une dette publique de 43 millions, inddpendamment
des emprunts conclus avec la Hollande et garantis par la France.
Cette dette consistait en un papier-monnaie completement ddprdci6, qui rendait les transactions commerciales de toute difficeult
La r6publique stait sans crddit, sans autoritd, sans constitution. La lutte des deux partis, entre lesquels so divisent encore
aujourd'hui l'opinion publique et le pays, rendait des plus difficiles la construction d'un 6difice social de quelque solidite.
Les ddmocrates, on r6publicains purs, voulaient que la puissance politique fut partagde entre tous les Etats; les f6ddralistes, an
contraire, insistaient pour que l'on fondat une f6dd6ration avec une
gouvernement central et fort. Ni l'un, ni l'autre de ces deux partis
n'atteignit complotement son hut, alors; mais le parti democrate
devait l'emporter, plus tard, et faire admettre le principe du.slfgovernent, a la tote de son chef, Thomas Jefferson. I)Ddja, pendant la guerre, plusieurs Etats avaient tach6 d'adapter letrs
vieilles constitutions respectives aux circonstances. sans paraitre
dispos6s a changer.
Enfin, en mars 1787; le Cong'convoqua, ah Philadelphie, nune
r~union g6n6rale des ddput6s des divers Etats, qui r6dig~rent
ensemble la Constitution4 f6dorale des Etats-Unis.  Cette Cons
titution fut acceptbe, a la suite de  ndgociations partioutibres
suivies avec chaque' Etat; le Rhode-Island n'acceda a l'Union
qu'en 1789. 
( o207 )
Wa,ingtou ayant 6t6 6lu a la prdsidence, le ler f6vrier 1789,
il convoqua aussit~t le Congrbs, organisa l'administration, et mit
de l'ordre dans toutes les branches du gouvernement.
I1 s'occupa, ensuite, de r6gulariser la dette publique, et d'en
assurer l'amortissement par de leg,ers droits de douane; mais
non sans rencontrer de vives oppositions dans la mise a executioni
de ces diff6rentes mesures.  I1 crda le revenu regulier par l'assesement d'un impot, sur l'industrie et la propridt6, et, enfin, il
fonda une banque nationale: l'impulsion dtait donnee.
En I791, l'Etat du Vermont se ddtachlia de New-York, dont it
await, jusque-la, fait partie; il fut admis dans la Confdd6ration,
qui se trouva ainsi  de  quatorze Etats.  En 1792, le Kentucky
qui, jusque-la, avait fait partie de la Virginie, devint le quinziemd,
La revolution franvaise vint bientot fournir a  l'Angletterre
l'occasion de se venger et de faire sentir sa rancune a la France.
Le ministre anglais, Pitt, notre dternel ennemi, ne contribua pas
pour peu a fomenter les troubles qui conduisirent Louis XVI ai
1'6chafaud.
Apres avoir repoussd les propositions de la Prusse et de l'Autrichle, coalis6es en  1791, qui lui demandaient de s'unir a  elles
pour sauver cette'nfortune roi, l'Angleterre consentit a cette coa
lition, aprs sa mort, contre la rdpublique frangaise. Elle eut pew
de succes contre les troupes rbpublicaines: la coalition fut disperse par les victoires de la rdpublique, qui d'attaquee, devint conqdrante jusqu'a la paix glorieuse de Campo  Formio, en 1797
Quelques milliers de Franqais vinrent, par diversion, debarquer
en Irlande et le pays de Galles, pour les soulever, vu qu'ils semr
blaient sympathiser avec la France. Quelques troubles parmi le&
marins, la misere du peuple anglais, et le dessarroi de la banque,
vinrent aussi donner a la Grnde-Bretagne assez a faire, chez eller
pendant quelque tcmls. Cependant, le cabinet britannique r6iussit
a former une nouvelle coalition, en 1799, contre la France, aver
l'enteute de la Russie et de la Turquie; mais quoiqu'ayant toute
l'Europe pour alli6e, elle'n'eut guere plus de succes que la premiere. Les troupes franvaises furent partout victorieuses, jusqu'k
la paix de LundviHle, en 1801. L'Angleterre fut ainsi l'amc de six
coalitions europdennes pour'abattre la France, de 1799 ai 1815~ 
( 208 )
Le Congr~s americain  avait rdsolu de rester neutre dans le
conflits europbens, en ne s'occupant qu'a trouver des ddbouch6s
avantageux pour ses prodnits, au moyen de simples trait4s
de commerce, conclus avec les puissances d'Europe, quand eclata
la guerre generale contre la France rbvolutionnaire.  Washington crda, maintint une politique nationale: il publia, le 22 avril
1793, une declaration de neutrality suivant laquelle les vaisseau~
portant le pavillon de l'Union ne pouvaient etre aretds ou visitds qu'en cas de contrebande. Une partie de la nation, le parti
ddmocrate surtout, vit dans cette neutralit6, uI acte d'ingratitude a l'egard de la France menacde, et un indice des secretes
sympathies du president pour l'Angleterre. En effet, les actives
relations commerciales qui s'etablirent dbs lors entre les EtatsUnis et la Grande-Bretagne, ddterminbrent Washington & conclure avec le cabinet de Londres, le 19 novembre 1794f un trait6
de commerce et d'amiti6 I
L'Union trouva, il est vrai, dans ce traits de grands avantages
de trafic, puisqu'il ouvrait a son commerce les ports des  Indes
Orientales et Occidentales; mais cette politique d'interet n'en ex
cita pas moims un vif mecontentement, parce qu'elle rendait impossible toute participation d'appui a la guerre soutenue par la
France contre le gouvernement britaunique, nagubre encore l'ennemi commun des Frangais et des Americains alli6s.
C'6tait d'ailleurs, et avant tout autre consideration, une infraction a la neutralite melme proclamde par Washington. C'6tait encore une violation du traitd conclu avec la France, en 1778, qui
avait assure l'independance des colonies.   Ces reproches 6taient
d'autant plus fondds, que le traitd coinelu entre les Americains et
les Anglais, autorisait ces derniers a recherchler les propridt6s
franqaises qui pouvaient se trouver a bord des batiments amdricains. D'energiques protestations arriverent de tons les points de
l'Union contre la politique du gouvernement fXddral.  Washing
ton, deux fois dlu, ddposa ~es pouvoirs, en 1796, au milieu des
violentes discussions provoquees par ces questions de pQlitique
extdrieure. Quoique le parti fiddraliste fat fort affaibli par la po litique suivie par le president, on 6lut pour son successeur Jolm
Adams, issu de ce parti et ami de Washington.
I 
( 209 )
La France r6pondit au traits de commerce et d'amiti6 conclu
entre les Etats-Unis et l'Angleterre, par une loi contre le com merce des neutres; conmme elle avait d6ja' prohib6 l'introduction
des marchandises anglaises sur son territoire, le commerce am6 ricain se trouva tres gene, vu qu'il avait compt, pouvoir faire les
transports maritimes. Le directoire suspendit aussi ses relations
avec l'Union Am6ricaine, devenue l'amie de l'Angletelre.
Tout cela 6quivalait a une declaration de guerre contre les
Etats-Unis.  En consequence, on mit les cotes en etat de d6fense;
on arma une flotte, et onIt reunlit meme une arrnme, dont Washing ton prit le cominandement. L'Angleterre allait donc arriver a
son but, en mettant la France et l'Union aux prises; mais la situation dans laquelle se trouva le directoire, empecha la guerro
d'6clater de suite, et le 18 brumaire vint changer la face des choses: le nuage se dissipa si bien, que le premier consul, Bonaparte,
conclut en 1805, avec l'Union, un trait6 de commerce qui effaqait
un peu la tache de l'espece d'alliance amdricaine avec l'Angleterre;
le principle quc le pavillon couvre les inarchandises filt de nouveau
reconnu.  Le parti fid6raliste touchait a la fin de son influence,
accus6 d'ingratitude envers la France et d'amitie envers 1'Angleterre, il avait perdu sa popularitY.  Un grand changement avait
eu lieu en 1801, dans l'Union, le parti d6mocrate 6tait sorti victorieux de la lutte electorale  Jefferson avait 6t6 port a. la prosidence.  Le premier president issu du parti dbmocrate ddbuta
par chatier le dey de Tripoli, puis, ii dirigea son attention sur la
Louisiane, que l'Espagne avait secretement cde6e a la France, en
1800, au grand diplaisir des Americains.
En vertn du traite de St. Ildefonse, Bonaparte s'6tant fait r6troceder la Louisiane par 1'Espagne; il avait tenu cette ritrocession secrete pendant plusurs annres. I1 voulait d'abord faire
une reserve de la re,ource de ce riche territoire, et il nourrissait le projet de redonner a la France son ancienne grandeur
coloniale; mais apres avoir e6ou6 dans ses tentatives, pour reconstituer la prosperit6 de St. Domingue, n'y pouvant pas r6tablir
la soumission des negres,,il vit bien que, sans 1'appui de cette ile,
I'influence des Franiais serait trop faible en Amdrique pour con                                                      27 
( 210 )
server avantageusement la Louisiane. I1 vendit donc cette superbe rdgion qui, du Golfe du Mexique, forme un vaqte bassin, contenant les valldes du Mississipi et du Missouri, et s7Ytend jusqu'aux
lacs qui longent le Canada, en comprenant ainsi les Arkansas, les
Illinois et des territoires;- ce carr6 a dbja donn6 quatre Etats
a l'Union. Les Anglais convoitaient depuis longtemps cette position pour la relier a leur possession du Canada, d'aprbs le
plan que les Frangais avaient anciennement conqu.   C'estlIa,
sans doute, la raison qui fit que le premier consul tint cette restitution espagnole secrete jusqu'au moment oi, ayent besoin d'argent, et voyant l'impossibilitd de la garder, il la coda aux EtatsUnis, pour 15 millions de dollars. Apres la declaration de l'indpendance, l'acquisition de la Louisiane est le plus grand dvdneminent de l'histoire des Etats-Unis. Ce fut alors seulement que
l'Union eut une riche et solide frontibre, et qu'elle put commercer librement et avantageusement avec l'intdrieur du continent.
Le commerce des Amdricains avait beaucoup gagn6 des guerres
europdennes: le trafic colonial des Frangais et des Hollandais
tait pass6 entre leurs mains comme puissance neutre. Mais la
jalouse Angleterre ne put longtemps souffrir cette rapide prospdrit6: le parti f~ddraliste 6tant tomb6 du pouvoir, et n'ayant plus
qu'une influence prdcaire dans le pays, Jefferson penchant pour
la France, et ayant dt6 r6lu, en 1805, elle n'eut plus de mdnagements a garder; en consequence, elle supprima les tolerances exceptionnelles dont les batiments americains avaient 6t6 gratifies
jusqu'alors. Le gouvernement anglais les soumit au droit de visite, les ddclara de bonne prise a l'occasion, et se permit meme jusqu'ai faire la presse a leur bord pour recruter ses matelots. Le
Congrbs rdpondit a ces actes vexatoires, par sa resolution, do
1806, qui apportait di notables restrictions dans.l'importation des
marchandises anglaises, tout en n'dlevant aucune rdclamation
contre les consequences du blocus continental, lance par Napol6on.
L'Angleterre se montrent de plus en plus arrogante et hostile, Jefferson ordonna, le 2 juillet 1807,1a fermeture des ports americains
pour tous les navifes anglais, puis,apr6s avoir dt6 deux fois dlu president, il remit la prdsidence au nouvel dlu ddmocrate, Madisoa. 
( 211 )
Cependant l'Angleterre continuait a dominer despotiquement
les mers; elle avait ordonne  que toutes les nations  commer gantes auraient a relacher a Londres ou a' Malte, pour  y payer
tribut, se charger de marchandises anglaises et recevoir le droit
de navigation. Elle continuait, de plus, a s'arroger le droit do
visite a bord des navires neutres, et a y saisir les marchandises
frangaises. Les Amdricains eurent a souffrir de ces abus plus que
toutes les autres nations, en raison du fructueux emploi de leur
marine sans concurrence alors, i cause des guerres d'Europe.
Plusieurs fridgates anglaises en 6taient arrivdes a commettre leurs
abusjusque dans les baies du Cheasapeake et de la Delaware,
devant les populations indigndes.
Nombre de matelots'americains furent ainsi enlev6s h leur
nation avec d'autant plus d'impunit6 que la difficult6 6tait grande
pour prouver ldgalement lear origine, tout en se rcdelamant de
leur pavilion.
Ces faits furent considdrds comme r6voltants pour le droit' des
gens, et comme un outrage au pavillon national; d'ailleurs, les
saisies de marchandises, confides aux vaisseaux americains, atteignaient les intdrets du pays a cot6 do son honneur.
La guerro contre l'Angleterre devenait donc une ndcessit6 et
an devoir pour la nation amdricaine. Cette prompte diversion efiut'
,t6, en outre, un service a rendre a la France; mais la diversit6
des opinions et la division des partis, affaiblissaient comme toujours, le pouvoir ex&utif.
Les Etats du Nord, composds de marchands, traficant avec les
produits anglais, trouvaient leur intdret a' mettre leur sympathie
du  otd de l'Angleterre, et par contre, leur ingratitude du c6t6 de
la France.
Ils soutenaient donc l'inflexible politique do lord Castloreagh,
l'ex6cuteur de la haine politique de Pitt, d6c6d6.
Les Etats du Sud, composds de riches planteurs, aux iddes lib&
rales, avaient conservd pour la Frailce toute la bienveillance du
souvenir des obligds. 
Lears voux dtaient ouvertement en faveur de la guerre, qui
devait les venger d'une nation'ennemie, et leur donner l'occasion 
( 212 )
d'etre reconnaissants envers une nation amie qui, d'ailleurs, favorisait le placement d'une grande partie de leurs produits.
Le president Madison aurait bien voulu recueillir le triple b4ndfice du monopole maritime, de l'6coulement des produits am6ricains et de la neutralit6, mais l'Angleterre ne lui laissa pas
cette attrayante latitude; il regardait donc la guerre comme inevitable; voulant, cependant, satisfaire aux exigences de la position, sans se d6populariser, afin de ne pas manquer sa r66lection,
il dut attendre l'entrainement de l'opinion pour l'autoriser a declarer la guerre, sans se trop compromettre vis-a-vis des partis a
m-nager.  Ces lenteurs ne plaisaient guere a la France, qui esp6rait trouver lc soulagement des forces et de l'attention de I'Angleterre emVloybes sur l'Amdrique: Napoleon comptait un peu aussi
sur cette diversion pour favoriser ses plans sur la Russie.
En raison de l'indecision du gouvernemelat americain, les corsaires et les fi:6gates de guerre frangais, ne se genaient pas pour
donner la chasse aux b/itimuen.ts am6ricains, portant des  bl(s a
Lisbonne, Cadix, et sutr ceux qui essayaient d'entrer dens la
Tamise pour se soumettre aux ordonnances anglaises.
Les amis de l'Angleterre, en  Am6rique, trouvaient ainsi une
base pour ddfendre le gouvernement angilais, en faisant ressortir
les mefaits commis par les navires franvais: ils prdtendaient qu'ils
fallait declarer la guerre aux deux puissances ensemble ou ne pas
le faire du tout,-ce qu'ils d6siraient.
Mais a ces observations, l'Empereur rdpondait que du moment
que la guerre serait dcelaree par l'Union a l'Angleterre, la France
lverait toute espece d'entrave au commerce  americain, et que,
d'ailleurs, la course des corsaires franeais 6tait la cons'quence
naturelle de l'acte americain, du  no7-intercourse, qui etait considdre par Napoleon commrne 5tant, au fond, contre la France, du
moment que l'Anglettre faisait lettre-morte de la neutialit6 des
Etats-Unis, en saisissant les marclhandises francaises sur leurs batiments. Quant on connut on Amerique les bonnes dispositions de
]a France, l'opinion pulique fut pour la guerire imtnmediate, d'autant plus que les fede'ralistes venaient d'e'prouver un grave ~chec
ruoral, per suite de certaines revelations publiques, qui faisaient
~ 
( 213 )
fortement soupqonner leurs chefs de s'entendre avec l'A nrleterre,
au moyen de relations condamnables entre le parti et cettc puissance.   Le prdsident Madison avyit au fond de sa politiquc une
raison qui vint, d'ailleurs, pr6cipiter la guerre. I1 voulait s'emparer de la Floride espagnole, qu'il pr6tendait faire partie do la
Louisiane. Les Amniericains, d'un autre cot6, la r6clamaient pour
rocupdrer certaines cr6ances soi-disant dues par le gouvernement
espagnol. Mais l'Angleterre s'6tant apervu de ce nouveau projet
d'agrandissement aux Etats-Unis, s'y opposa vivement.
Apres la Caroline. le Tennessee et l'Ohio, la Louisiane venait
de-ormer le 18eme Etat de l'Union.
LA GUERRE DE 1812.
A la suite de longues et inutiles n6gociations, les relations entre
les cabinets de la Grande-Bretagne et de Washington furent roim.
pues. La guerre contre l'Angleterre fut votee a la majorit6 de
79 voix contre 37, dans la chambre des representants, et de 19
contre 13, dans le s6nat. La d6claration de guerre officielle fut
dat,e du 19 juin 1812.
A cette nouvelle, le cabinet anglais s'empressa de r6voquer
des ordres du conseil; ce qui formait les griefs concernant les
Am6ricains, et Mr. Forster, le ministre anglais, en fit part de suite
au pr6sident Madison. Mais les partisans de la guerre s'6taient
empress,s de commencer les hostilit6s, en allant fomenter l'insur
rection chez les Canadiens, que l'on espdrait pouvoir amener a
faire partie des Etats-Unis.
Le g6n6ral Hull, a la tote de 3,000 hommes de troupes, s'6tant
hat6 de franchir la fronti6re du Canada, pr6s de D6troit, fut pris
entre los lacs Erie et Huron, et r6duit a mettre bas les armes par
les troupes anglaises.  Mais, tandis que cet 6heic avait lieu, le
frere du gon6ral, le capitainLHull],qui montait la fi-6gate la Constituttion, ayant renconlrd la fr6gate anglaise la Guerriere, ili
l'avait d6mat6e et oblig,ee a se rendre avec 300 hommes, apr/s
trente minutes de combat.-Lemsuccs de ce coup hardi contriblua
a/ contrebalancer l'effet do la d6faite de la petite armee de terre.
L'amiral Hope effectua le'blocus des Etats-Unis avec une flotte, 
( 214 )
nombreuse, a laquelle les Am6ricains ne purent opposer que peu
de navires de guerre; mais leurs corsaires firent des prodiges. En
deux ans, ils s'emparbrent de 218 batiments de commerce an glais, portant 574 canons, mont4s par plus de  5,000 hommes, et
chargds de masses dnormes de marchandises.
La campagne de 1813 ddbuta par l'envahissement du Canada,
avec un corps d'armde de 42,000 hommes de bonnes troupes, sous
les ordres du gendral Harrisson; mais, soit a cause de son inca
pacit4, ou de l'indiscipline de ses soldats, il ne fit rien et fut battu
en detail. Le gbndral Dearborne rdussit seul i s'emparer d'un
point important, le 6 avril, do la ville d'York, chef-lieu du Haut Canada, oui se trouvaient de nombreux ipprovisionnements.
Le 10 septembre, le commodore Perry captura la flotille anglaise sur le lac Erie. Le Canada 4tant depourvu de la protection de la marine anglaise, Harrisson y reprit quelques avantages,
surtout contre les-hordes indiennes que les Aniglais avaient continu6 a s'attacher comme auxiliaires.  Mais ces avantages furent
annul~s par le succbs des Anglais au fort Niagara, dont ils s'empar~rent. Ce poste important dtait la cld du territoire de l'Union.
Le Congrbs supprima ses actes de non-intercourse et d'embargo,
pour soulager les affaires; mais les ports restant bloqus, ces
mesures furent d'un effet nul.  Au printemps de 1814, les vieilles
troupes anglaises qui s'4taient trempdes dans les guerres du Portugal et de l'Espagne contre les Frangais, arrivbrent d'Angleterre pour commencer une nouvelle et dernibre campagne: aprbs
avoir ddbarqun sur plusieurs points, ces vsterans, enlevsrent le
fort Oswego, et le 12 juillet, au nombre de 12,000, ils mirent l'arm6e amdricaine en ddroute, auprbs des chutes du Niagara; puis,
operant leur jonction au fort, ils purent dominer l'entrde des
Etats-Unis.
L'amiral Cochrane tccomplit alors, avec le gdndral Ross, un
grand acte de vandalisme. S'dtant avanc6 dans le Potomac,
l'amiral fit une feinte attaque sur Baltimore, conjointement avec
-le gdndral Gordon, tout'en d6truisant les forts Warburton et
Alexandria; puis, Ross rebrbussa brusquement vers Washington;
et surprit la capitate: il y entra a la tote de 6,000 hommes de
troupes, le 24 aouft, et y incendia le Capitole, le Palais do la Pr6 
( 215 )
aidence, le arsenaux, les chantiers et toutes les proprietds publiques. De lIa, les Anglais retournbrent sur Baltimore, d'oui ils
furent vigoureusement repoussds. uIls battirent en retraite, d'autant plus que l'amiral Cochrane n'avait pu pdne6trer pour les
protdger dans la Patapsco, obstrude.
Les armies anglaises se retirerent dans les Etats du Nord, et
'stemparbrent du Maine, tandis que le gouverneur Prevost, du
Canada, envahissait l'Etat de New-York, avec 14,000 hommes;
mais, ayant perdu l'appui de la flotte anglaise, les Americains le
ddfirent au lac Champlain. II dut se replier.
Les 15,000 honmmes de troupes anglaises, laiss6s au fort Niagara, 6taient parvenus cependant a passer aux E.-Unis par les lacs
et le golfe: ils s'avangaient en bon ordre sur la Nouvelle-Orldaus,
ai travers des mardcages et des terres tremblantes, impraticables
pour tout autres que des vieux soldats dprouv6s par les guerres
d'Europe. Le gdndral Packenham, dgalement exp6riment6, les
commandait.
Le gdneral Jackson, qui venait de soumettre quelques tribus indiennes, accourut pour couvrir la ville, avec 6000 hommes de milice. II ddconcerta et arr6ta les Anglais par une attaque d'avantgarde, le 23 ddcembre 1814: cet avantage lui permit d'dtablir ses
retranchements, i la hate, a deux lieues de la Nouvelle-Orlans,
entre les marcages et le fleuve. Apr6s avoir pris les mesures
les plus rigoureuses pour le maintien de l'ordre et de la scurite
de la ville en dmoi, il rdunit tout ce qu'il put d'hommes valides,
et vint attendre l'ennemi de pied ferme, derriere ses retranchements, defendus par l'artillerie de quelques habiles officiers de la
milice, et appuyds de quelques navires du fleuve.
Le 8 janvier 1815, la bataille s'engagea. Les vdt6rans anglais
vinrent plusieurs fois se bsurter a l'assaut des lignes amdricaines, mais, malgr6 leur bravoure extraordinaire, ils ne purent
franchir les obstacles. Leurs rangs furent trout par la mitraille
qui, jointe au feu de tirailleurs a l'eil sur, au coup infaillible,
semait la destruction chez l'ennemi.  Les gi6raux Packenham,
Gibbs et Kearn furent tuds, ainsi que la plupart des officiers sup6rieurs; I'armde, ddcimde et ddcourag6e par la perte de ses chefs 
( 216 )
dut retimiiter, en laissant 2,000 hommes sur le champ de bataille.
I,a lo'i:iiane fut ainsi sauv6e. Le Congr~s d4cerna une m6daille
d'hi,,nneur au gendrail Jacksdn, dont la victoire venait de termi ner la lutte.
La paix avait ete signee a Gand, le 24 decembre 1814, c'est-k dire avant (qu  ceftte derniere bataille n'eut lieu.
D'apres le traits de paix, ratifi6 le 15 juillet 1815, et di ah la
mediation de la Russie, l'Angleterre abandonnait ses prdtentions.
On se restitua, de part et d'autre, les conquetes faites; mais,
1'Angleterre se fit promettre par les Americains de ne plus tol6rer
la traite des negres, et de coop6rer a 1'abolition de ce trafic. Ces
deux puissances eurent, depuis, des droits 6gaux a 1'empire des
mers, sauf le droit dce visite que l'Angleterre s'est reserv6, soidisant pour empecher la traite.
La paix extbrieure contribua beaucoup a consolider la paix
intdrieure des Etats-Unis.  Le Congrbs s'appliqua a fonder une
bonne marine militaire, et, a partir de 1815, la population se jeta
avec ardeur dans les voies de l'industrie. 
En 1816, le commodore Decatur eut a faire une drnmonstration
~nergique, aupres du Dey d'Alger, pour faire cesser les pirateries
des dcumeurs algeriens vis-a-vis du pavillon ambricain.
L'Indiana, issu de la Virginie, vint, a cette 6poque, se faire admettre dans le giron de l'Union. La population de cet Etat voulait avoir l'esclavage, ma,is les intrigues du Nord l'en empechrent.
L'Union, des lors, commneiqSa le developpement rapide de sa prospdrite. croissante.
En 18t7, Madison eut pour successeur le president Monroe,
qui, comme ses predecesseurs, fut plus tard r6dlu; il remplit ses
fonctions jusqu'en 1824. Sous son administration, vinrent se grbuper dans l'Union les teritoires du Mississipi, de l'Illinois, de l'Alabama, du Mainj. Les irruptions des Indienrs des Florides vinrent
donner l'occasion aux Etats-Unis de reprendre l'exscution de leur
ancien projet sur ce territoire. Le gdndral Jackson alla occuper
arbitrairement la ville de Pensacola, et un nouveau conflit fut en
question entre les Etats-Unis et l'Espagne. Les Amdricains
pr6tendaient toujou'rs que la Floride devait faire partie de la
Louisiane, achetde a la France.  Cette terre avait td ddcou 
( 217 )
verte, en 1512, par Ponce de Ldon, et conquise en 1539, sur les
Indiens, par Hernandez de Soto, au norm des Espagnols, qui y
fonderent en 1539, Pensacola, et l'itablissement St. Augustin, en
1564.-  L'Espagne, en 1762, avait c~d6-cette province a l'Angleterre; mais le traits de paix, conclu en 1783, l'avait retir6e
de cette puissance pour la remettre a l'Espagne, elle put donc,
avec raison, contester l'occupation des Am6ricains. Cependant,
Ferdinand VII consentit a la cession de la Floride, moyennant
cinq millions de dollars. Ce nouveau territoire fut incorpor6 dans
l'Union le 21 mars 1822. Le territoire du Missouri se prononga
pour entrer dans l'Union, mais a la condition de conserver l'esclavage.
Ce fut le sujet de longs et violents ddbats au Congrbs. Le Nord,
dnja plus fort que le Sud, montrait un grand antagonisme, contre
celui-ci et ses institutions. Cependant, onfinit par s'entendre a l'aide
d'un compromis, qui, ne devant pas durer, devait avoir de facheux
r6sultats. On convint que ddsormais l'esclavage resterait cantonnd dans la partie Sud du 30e degre et demi de latitude: au Nord
duquel l'esclavage'serait prohib6           pour tou s les Etats a  venir; mais
les missouriens protesterent contre cette decision, et pour la contrecarrer, ils armerent leur legislature du pouvoir d'interdire les
gens de couleur libres de se fixer dans l'Etat. Cependant, le Sud,
dnja en faiblesse au Congres, dut nbcessairement se soumettre
a ce compromis, qui devait l'affaiblir de plus en plus, en l'entou rant de l'infuluence du Nord, son adversaire ddclar6.-I1 est vrai,
qu'en retour, on lui accorda que les taxes directes reposeraient
sur le chiffre de la population et non sur l'dtendue des territoires,
ni des productions. Mais le tarif progressif      des douanes vint
tourner la question, et faire peser sur les produits du Sud, mono polisis  par le Nord, la maaure partie du       budget. Le tarif qui
d    eva            i    t dcroitre prop,ortionnellement,  prit l e  chemin    inverse, en
faveur des intdrets du Nord, faisant loi par sa majoritY. II en
r6sulta que -s bdnnfices                du compromis n'e xistrrent jamais pour
les Etats a esclaves, et il en %dvint que le Sud, pour rdconqudrir
quelque influence ddfensive, tourn le contrat aussi, afin d'y trou yer de nouveaux territdores pour y puiser des renforts parlemen                                                           28 
( 218: )'
taires. Cet dvrnement vint, avec l'opposition  du Sud au tariT,
grossir les nuages int6rieurs qui d6ja pesaient sur l'Union. On
entendit pour la premiere fos le Nord, notamment le MassachuSetts, proclamer que l'esclavage, quoique l6gal, 6tait un crime contre l'humanit6, une infamie, etc. Le parti abolitioniste se declara,
i! grossit ses rangs, et fit de l'oppositioti meme au gouvernement
tfe'd6ral: ce fut une coalition.-Les lois constitutionnelles furent
d6nonc6es, m6.pris6es dans certains Etats, en passant des lois oppos6es. La loi sur les esclaves fugitifs fut annull6e dans son ex6cution par certaines autorit6s locales qui decr6tirent des formalit6s
interminables, des amendes et l'emprisonnement contre tous ceux
qui ex6cuteraient la loi f6ddrale, en reprenant ou aidant a reprendre les fugitifs. Les propri6taires d'esclaves eurent de gran
des perte3 a supporter et des mauvais traitements a& subir, en recherchant leurs esclaves dans les Etats du Nord et de l'Ouest,
par le fait de la populace instigu6e.- On en virit jusqu'a d6clarer
que le sentiment public avait le pouvoir de doininer les lois!
Ce sentiment public n'a fait qu'augmenter  depuis, en faisant
perdre une valeur d'esclaves considerable chaque annee, dans ces
d'erniers temps, et en mettant l'Union a sa derniere 6prcuve.
VIII.
Avec la paix, les finances de l'Union prirent un tel essor que
lon put supprimer toutes les taxes f6ddrales de l'int6rieur. La f6d6ration, en 1820, se composait de 24 Etats, dornant une population de 9,638,000 ames, dontl 1,538,000 esclaves. Quelques clifficult6d commerciales qui survinrent avec la France fuirent applanies,
et un nouveau tralt6 de commerce fut conclu, en 1822, ainsi qu'avec la Russie, en 1824; mais les principes de la Ste-Alliance furent repouss6s par Monroe; il fit proclamer la doctrine qu'aucune
puissance eUrop6enne ne serait admise a intervenir dans les affaires politiques du continent. Quincy Adams, fils de l'ancien pr6sideiit, succdda au pr6sident Monroe, en 1825. Issu du parti f6d6raliste, son administtration fut peu favorable aux Etats agricocoles. Malgrd l'espritde tous les trait6s de commerce conclus par
les8 Etats-Unis aVec les puissances dEurope, il fit introduire un
..
nouveaun tarif de douane qui m6contenta l'Angleterre et provoqua de violentes discussions dans l'Union. 
( 219 )
Les Etats du Sud et de l'Ouest voyaient dans ce taxif une partiale protection pour l'industrie du Nord a leurs depes.  Ils iasist/rent d'autant plus vivement sr la suppression des droits do
douane, quc la dette publique, presqu'6teinte, n'exigeait aucu
mesure financibre de cette nature. Le gdndral Jackson arriva i la
prdsidence, en 1828, au milieu de violentes discussions d'intcrets
et de grandes divisions de partis. La Caroline du Sud prononda
la premiere le mot de desunion: sous le nom de nullification, ell!
menaqait de se rctirer de la Conf6deration, pour se rendre inddpendante avec un commerce libre.  Elle d6clara nuls les actes dR
Congrbs ah l'endroit du tarif, et se tint prete a r6sister,'a toute
coercition I Les autres Etats du Sud 6taient d'autant plus disposes a ]'appuyer, que les divers Etats du Nord qui avaient conserv6 leurs esclaves, venaient, depuis 1827, de les vendre, en raison de ce que la main-d'ceuvre des 6migrants leur etait plus profitable que celle des esclaves. Le Sud vit une conspiration contre
ses intorets dans les ddcrets relatifs a la douane, a la traite, aini
que dans toutes les manifestations abolitionistes.
Cependant, Jackson ouvrit les d6libdrations sur une nouvello
loi de douane, qu'il fit proposer. Calhoun, ddmocrate, et Henry
Clay, whig, s'y distinguerent comme orateurs des plus remarquables; enfin la question fut vidde en faveur du Sud; la nouvelle loi de douane fut ddfinitivement votbe le 26 fbvrier 1833.
Aux termes de cette loi,une certaine catbgorie de marchandiss
fut imm6diatement affranchie de  tous droits, et un abaissement
successif devait operer de maniere a ce qu'en 1842, le tarif eut
subi une diminution de 20 o1o.  Ainsi se termina cette crise into
rieure, par la puissance conciliatrice du parti democrate; mais
elle devait se renouveler 30 ans plus tard, sous un autre nom, sqr
le meme sujet, et pour un tout autre rbsultat.
La politique du gouverldment, dbs ce moment, se porta sur
l'expulsion des indien's, qui, isolds, insoumis, restaient dans les
Etats de la Georgie, de l'Alabama et de l'Illinois. Ceux des Florides, sous le nom de S6minolts, rdsistbrent longtemps; on ne put
s'en defaire qu'au moyen de promesses et de seductions prodiguds
en faveur des chefs. 
I 
( 220 )
Les ddmocrates s'appliqubrent aussi a liquider la Banque na
tionale, considdrde comme dtant un foyer d'influence d'argent,
anti-ddmocratique. Jackson'qui venait d'etre rddl6u, en supprima
brusquement la charte par son veto; mais cette secousse crda de
graves embarras financiers et de grandes faillites dans le pays.
Jackson termina, en 1835, au milieu de la crise financibre, le
long diffdrent pendant entre la France et les Etats-Unis, a propos.
d'une indemnit6 rdclam6e par ceux-ci, pour pertes causdes au commerce amdricain durant les guerres de l'Empire. La France consentit a payer les 25 millions de francs r6clamds.-( Cette somme
fait encore aujourd'hui l'objet de r6clamations de la part des int6ressds particuliers, auprbs du gouvernement de l'Union qui' ne
les a pas encore satisfaits. Cette question pendante reste toujours ddsignde sous la denomination, au moins insolite, de
"French spohlation claim! " )
En 1836, les territoires d'Arkansas et de Michigan vinrent former les 25eme et 26bme Etats de l'Union. En 1837, Martin Yan
Buren, d6mocrate, succeda a la prdsidence de Jackson. Il continua la meme politique que son pr6dd6cesseur, a l'extdrieur comme
a l'intdrieur.  I1 termina pacifiquement quelques diffdrents survenus avec l'Angleterre, a propos du Carolina, batimenit a vapeur,
brfild par des Anglais, a Buffalo, et de la ddlimitation des frontibres du Canada, ainsi que de la question du droit de visite, sur
lequel droit insistait l'Angleterre, dans son peu de confiance an
sujet de la traite, qui se continuait en contrebande par les Amndricains.
Depuis 1834, la dette de l'Union dtait compldtement amortie:
il fallut, cependant, recourir a un emprunt de 12 millions pour
continuer la guerre des Seminoles et aussi pour couvrir les ddficits
causes par suite des d4rniires crises financieres.
En 1841, Van,Buren remit le pouvoir au gendral Henri Harrison, issu du parti whig, qui mourut un mois apres son entrde en
fonctions.
Conformdment a la constitution, le vice-prdsident Tyler prit la
prdsidenee et continua la politique de Van Buren quii 6tait de m6nager l'Angleterre: celle-ci continuait ah lever des pr6tentions sur 
( 221)
le territoire de l'Oregon; on lui en donna la moiti6 ponr avoir la
paix; c'est cette partie que l'on appelle la Nouvelle Calddonie,
vers les possessions russes. On redouvela le traits relativement ai
la suppression de la iraite. On en conclut un autre pour la regularisation des fronti/res et pour l'extradition rbciproque des malfaiteurs. Mais on ne lui coda rien sur la question du Texas. Ce
vaste territoire faisait partie du Mexique: se trouvant peupl6 par
des Amdricains, ils profitbrent de l'ddit de Santa-Anna, pr6sident
de la Confederation Mexicaine, qui la transformait en r~publique
centrale, pour se declarer ind,pendants, en 1836.  Santa-Anna
marcha contre eux, a la tete d'une armde, pour les soumettre;
mais soutenus par le gouvernement des Etats-Unis, ils acceptSrent la lutte, sous le commandement du gdndral Houston. SintaAnna fut battu et fait prisonnier dans les plaines de San Jacinto,
apris un combat sanglant. L'ind6pendance du nouvel Etat fut en-'
fin rconnue, malgr6 l'Angleterre qui s'y opposait d'abord.
En 1845, le Texas se r6unit aux Etats-UTnis, encore contre les
efforts de l'Angleterre, qui voyait d'un mauvais rail l'agrandissement rapide do ses anciens colons.
Les Etats de la Floride et de l'Iowa vinrent cette meme annde
former les 28e et 29e Etats. de l'Uni on.
Polk, 6galement ddmocrate, succ6da au pr6sident Tyler.-Le
pouvoir excutif dut envoyer une armde d'observation au Texas,
pour surveiller les Mexicains, qui s'opposaient a l'incorporation
de leur ancien territoire dans l'Union, et voulaient avancer leur
frontiore jusqu'aux bords du Rio-Nueces, situ6 beaucoup plus au
Nord, tandis que les Americains soutenaient que leur frontibre naturelle, au Texas, 6tait le Rio-Grande del Norte. M. Slidell fut envoy6 par le cabinet de Washington, afin d'arranger pacifiquement
la difficult6. Mais apres d& longs pourparlers infructueux, cet
agent dut repartir de Mexico, pour annoncer a son gouvernement
que les Mexicains, d'ailleurs mdcontents des E.-U., 4taient prets a
accepter la guerre. Le 16 juillet, elle fut d6clarde formellement.
Les troupes mexicaines se concentrbrent sur leur frontibre du RioNueces.  Le g,ndral Taylor s'avan;a, avec son corps d'observation, pour occuper la petite ville de  San-Isabel; puis il vint 
( 222 )
joindre, avec 3,000 homrnes  et 12 pibces aie canon, l'arm4e
ennemie, forte do 7,000 hoimoes, sous le gendral Arista, a  PaloAlto; celle-ci fut battue, et perdit 1,400 hommes.  Une seconde
affaire eut lieu a Reseca de la Palma, peu de jours apres,
oui les'Mexicains furent encore plus maltraitds.  Ils Jurent enfin
repasser le Rio-Grande, apres avoir abandonn6 leur artillerie et
plusicurs centaines d'hommes sur le terrain. Arista suivi de pro,
futrbieitot forc6 d'dvacuer MIatamoras, avec 4,000 hommes.  ie
cette ville, Taylor mnarcha sur Monterey.  Dans l'6td de 1846, le
gdneral Scott vint pr'endre le commandement en chef.  L'arm4e
ainericaine marcha, battant, de succbs en succis, jusqu'/ la capitale
et l'invasion complete du Mexique.  Les  Mexicains avaient fait
preove de plus de forfanterie que de capacitds.
Apres trois campagnes, les Arnemricains furent maitres du pays
entier; mais ils n'abtisbrent pas de leur victoire.  Le but de
cette guerre etait, au fond, la possession da Nouveau-Mexique qt
de la Californie, que los Etats-Unis retinrent pour s'indemniser
des frais de la guerre! Cette prise de possession, avec le RioGrande pour fiontiere, fat consaer6e par le traitd de paix con lu
entre les deux pays, le 2 fdvrier 1848. Les pouvoirs du prdsident
Tyler expiriei ent en 1849.
Le gdndral Taylor, devenu populaire par ses exploits dans cette
dernibre guerre, fut port6, 6lu a la prdsidence.-Le succbs de cette
candidature prit sa source dans l'intervention d'un tiers-parti quti,
souis la denomination dcefree-soilers, venait de surgir entre les deux
partis existants pour se ranger plus tard sous la bannibre des whigs.
Lesfree-soilers avaient pour doctrine d'arreter l'extension de l'os -
clavage, en le frappant d'interdit devant les territoires. Le  prd.ident Taylor n'eut guore le temps de realiser les pensees politiques
qui l'avaient pouss6 au pouvoir; il mourut dbs la seconde annde de
ses fonctions, 1l 9 aout 1850. Le vice-prdsidenc, Millard Fillmore,
remplit les fonctions du ddfunt; il se montra digne de la pl#e
que le hasard lui accordant. Son administration, ferme et sgo,
servit le d~veloppement rapide de la prospdritd de l'Union, d4t
19 population  6tait maintenant de  23 mllions  d'am    Ge
fuat  cette epoqueoque l'idde de s'emparer de Cuba vint' 1'eit
t
I 
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a,ide des Am6ricains, 6norgueillis par leurs faciles succes sur les
Mexicains.  Mais l'Espagine tint une attitude si ferme, et fut si
prudente, qu'aucun pr6texte ne put rdussir a provoquer une querelle dans le genre de celle qni avait amene  la guerre du  Mexiqie. La- politique de Fillmore se retourna vers les relations lointaines: on fit l'exp6dition dans les mers du  Japon, d'une escadre, sous le commodore Perry, a l'effet de conclure un traits de
commerce avec cet dtrange empire. Le traits fut conclu, et il
y a tout lieu de croire que, bientot. le commerce amdricain se fera
ine dchelle de relations suivies entre la Californie, la Chine et le
Japon.
A I'expiration des pouvoirs de Fillmore, le g'ndral Scott se
mit sur les rangs, pour la presidence, avec le g6ndral Pierce, inconnu jusque-la comme honomme politique, ce a quoi il dut sa nomination. Les partis s'dtant divis6s, ce dernier fut nomm6, et enitra
en fonctions en 1853.
La politique de Pierce tendit a mettre un frein aux ddsirs
d'accroissements qui agitaient le pays.  I  rdpudia d'avance les
flibustiers contre Cuba, ou tout aatre contrde, en se doclarant
I'adversaire absolu de tout agrandissement ill6gal.  Les finances'
arriverent dans l'otat le plus floriosant sous son administration;
il eut, pour un moment, au-dela de 30 millions de r6serve, sans
savoir qu'en faire; et cependant la taxe des douanes existait tonjourset le commerce  6tait toujours en dettes vis-a-vis de l'Europe. II est vrai que'l'industrie ambricaine se ddveloppait rapidement. —  malheureusement peut-etre, pour l'Union, sous cette
protection douaniere.-La population s'accroissait a vue d'ceil
du torrent: d'migrants qui arrivaient de toutes les parties du
monde, mais principalement d'Europe.  L'Allemagne et l'Irlande
s- d6p,euplaient sensiblemei,' pour-venir peupler l'Ainrique. 28
millions d'ames formaient la population, a la fin' de la prsidenec
de Piece.
Le parti des free-solers, ou al5olitionistes, se fortifiait toujours
ax xd~pend-duparti d<mocrate ou conservateur. En 1856, i} prit
la denomination de parti rdpublicain. Le colonel Fr6mont fut son
cda at a la pr~8idene'e; Millard Fillmore  reprenta le  patti, 
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whig, et Buchanan le parti d6mocrate, dans la lutte dlectorale.
Ce dernier fut dlu: ce devait etre la dernimre victoire du parti
d6mocrate.
La manie de vouloir tout r6publicaniser possddait toujours le$
esprits, encourag4s, d'ailleurs, par Buchanan et le  fameux manifeste d'Ostcndc. L'Espagne maintint cependant la fermet6 de sa
politique; elle refusa de preter l'oreille aux ouvertures de cession
de l'ile de Cube, que l'ambassadeur Soul6 fut charg6 de lui faire:
a aucun prix elle ne voulut la vendre, et ne donna aux Americains aucune chance de querelle a guerre. Cette ile est le dernier
joyau de sa couronne coloniale, et il est assez naturel qu'elle
le ddfende a tout prix. Cette acquisition serait, d'ailleurs, une
nouvelle cause de discorde chez les Amdricains.
Cependant, l'esprit d'agraudissemcnt ne se tint pas pour battu;
on eut recours au flibustierisme. Le gdn6ral Walker vint, a diverses reprises, attaquer les petites nations de l'Amerique Centrale, telles que la Nouvelle-Grenade. Quoique secretement
encourago par le gouvernement, et soutenu par ses compatriotes,
il guerroya sans succbs pendant plusieurs ann6es; apres plusieurs
coups de main plus ou moins heureux, mais toujours infructueux,
il fut pris et fusill6 par ceux qu'il attaquait avec un acharnement
que rien ne peut justifier.
L'Angleterre fut, de nouveau, sur le point d'avoir maille a
partir avec ses cousins, a propos da recrutement de ses soldats
sur le sol am6ricain, lors de la guerre de Crim6e.   L'opinion
et les sympathies des americains 6taient plus russes qu'anglaises,
a l'endroit  de cette guerre; aussi, leurs procdds ne furent-ils
pas toujours trbs parlementaires dans le cours de cette difficultd.
Mais l'Angleterre eut la sagesse d'6viter tout motif, de querelle pouvant provoguer une rupture, que l'esprit inquiet,
frondeur, des Aaricains, rendait ddja si facile, et cela d'autant
plus que depuis la guerre de 1812,- dont les rdsultats n'avaient
pas satisfait la nation, - deux-ci ne manquaient pas l'occasion
de faire sentir, en termes un peu rudes, leur rancune envers
l'Angleterre.
L'dv6nement le plus grave qui eut lieu i la fin de la prdsidenco
t,
0 
( 225 )
de Buchanan, fut la tentative, heureusement infructueuse, de John
Brown, pour soulever les nioirs.  L'insurrection 6choua, et les
fauteurs furet condamnds et executes. La double visite du prin ce de Galles et des princes japonnais vint faire diversion un mo ment a l'inqui6tude instinctive de l'avenir, gros d'orages.
Les ambassadeurs japonais 6taient Venus pour ratifier un trait6
de commerce entre les deux nations. La presence du prince de
Galles n'avait rien d'officielle. Ces princes, si diffdrents, furent
l'objet des plus grandes ovations sur tous les points de la rdpu blique ou ils passerent.
Le parti r6publicain s'6tait considerablement renforc6 et discipline, dans ces dernieres anu6es, au detriment du parti d6mocrate.
Celui-ci, autrefois si puissant, touchait a sa chute; la ddmoralisation et la corruption de son administration avaient nocessairement
amen6 la division et la defection dans ses rangs: le parti republicain avait gagn6 tout ce qu'il avait perdu. Moiti6 whig, moiti6
abolitioniste, celui-ci promettait des r6formes sectionnelles aux
uns et de la moralite administrative aux autres.
Les republicains, en presentant pour candidat Abraham Lincoln, langirent un manifeste dont l'esprit sectionnel et abolitioniste devait plaire au Nord industriel, et, par contre, tout faire
craindre au Sud agricole. La section du Sud, se voyant ainsi en
butte aux projets rdvolutionnaires de ses puissants adversaires,
ddclara qu'a leur triomphe elle se retirerait de l'Union. Le
Nord n'en crut rien. Les partis conservateurs, disposes a lutter
contre le parti rdpublicain, ne purent s'entendre assez pour se former en faisceau, en faveur de la dofense commune; ils se divis6rent, et mirent trois candidats sur les rangs contre Lincoln. Cette
division assura la victoire a ce dernier: quoique n'ayant remport6 que la minoritd des voixil n'en fut pas moins 6lu a la prd
sidence. En effet, sur 4,669,392 votants:
Lincoln recueillit                     1,858,128 voix
Ses adversaires rdunirent,-  -. -  2,81 1,264 voix
Soit une majorit6 anti-r6publicaine de 953-136
Ce fut ainsi que l'Union rebut son coup de grace.
Le Sud  tint sa parole: la Caroline donna de suite, apirs
I 
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le rdsultat des 6lections, le signal de la sdparation  officielle;
les autres Etats, jusqu'au nombre de  10, la suivirent, et l'ann6e
1861 s'ouvrit avec la scission complete de l'Union.
Le parti'rbpublicain au pouvoir n'ayant pas voulu prendre  la
chose au s6rieux; il repoussa toute espece de compromis, et menasa d'6craser le Sud
Le nouveau president ne voulut rien entendre, que la rentr~e
pure et simple, sans conditions, des "rebelles," de grd ou do
force; mais ceux-ci rdpondirent a ces menaces par l'6tablissement
d'un  gouvernement  constitue  en confbd.ration, dont Jefferson
Davis fut nomme prdsident.
Les Inesures de ddfense furent prises au Sud avec activitY: on se
saisit des arsenaux et des forts, on s'arma unaninement de tous
c~)ts, et enfin les 11 Etats, viennent de former  une nouvelle
Union,  qui,  avec non moins  de justice de cause, r6clame son
inddpendance les armes a. ]a main, comme jadis les 13 colonies. Le
gouvernement de Washington, s'6tant autorise6 a user de la coercition, les deux sections en sont actuellement aux prises: La
constitution est lettre-morte; la guerre civile est sur le tgrritoird
de l'Union, d6funte apres une existence de 85 ans.
Ici finit notre tache; il ne nous appartient pas de nous appeo
sanfir, a prdsent, sur ces derniers 6v6neme-nts; nmais nous espdrons,
si les circonstances le permetteit, pouvoir, en temps et lieu, reprendre en sous-oeuvre cette dernibre phase historique, avec les
faits des deux gouvernements, pour en faire le sujet d'un nouveau
voLume, qui fera naturellement suite a celui-ci.
FIN DF LA SIXIlIME ET DE-N-IERFE PARTIE.
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ERRATA.
28e ligne, perisses, lisez perisse.
5O   "    les Servus, lisez les Servi.
32e  "      bien ameres. Chez les noirs, lisez bien ameres ches
les noirs
"    devoir, lisez devant.
1    sectiontre, lisez sectionnelle.
ils, lisez il.
"     d'entendre, lisez de voir.
cadeau, lisez cession.
"    graduees, lisez sont graduees.
en restant utiles, lisez en les faisant rester utilee.
et 12e ligne, serait, lisez sera.
ligne, 1,60,000,000, lisez 1,600,000,000.
"     lisez Report $253,474,802.
Divers, enumeres, lisez 23,560,138.
resultat, lisez resulta.
une ligne de forts, lisez la ligne de forts.
"  1776, lisez 1777.
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