BIlBLIOtHEQUE DU MESSAGER FRANCO-AMERICAIN. LES PROPOS DE L A B I E N US LA CRITIQUE HISTORIQUE SOUS AUGUSTE. - a r IA:. lA. Eogeardi. QUATRIEME EDITION.' NEW-YORK 0E1.M.AE 1 EEL 3I0I X 1, M DZ X I3 Tf: 1865. K.!~~~~~~~~1. - E: BIBLIDTHEQUE DU MESSAGER FRANCO-AMERICAIN. LSS PROPOS DE LAB IENUS LA CRITIQUE HISTORIQUE,SOUS AUGUSTE. qUATRIETRIE EDITION. NEW YORK Et:n D, X9 mR Z: I Is 30y I D 9; v T18 $6. I S65. LES PROPOS DE LABIENUS. (LA CORITIQUE IIISTORIQUE SOUS AUGUSTE.) Par lI.. A. ROGEARD. Ceci se passait l'an VII apres J.-C., la trente-huitieme ann6e du regne d'Auguste, sept ans avant sa mort; on e6tait en plein principat, le peuple avait' un malitre. Lentement sorti doe cette vapeur de sang:quniavait empourpre son aurore, l'astle d eJules montait et versait une douce lumiere sur. le forum silencieux. C'6tait un.beau. momlen!t:t La cuie 6etait m.uette et les- lois seo faisaient; plus de comnicescuriates ou centuriates, plus de rogations, plus de provocatWo8s, plus de secessions, plus de pletbiscites, plus d['lections, plus de de'sordre; plus d'artne de la r6publiqole, nulIajpublica arma, partout la paix romaine, conquise sur les Romains': un seul tribun, Auguste; une seule arm6e, l'arm6e d'Auguste; une seule volonte, la sienne -; un seul consul, luii; un seul censeur, lui encore; un seul preteur, lui,:toujours lui. L'6loquence proscrite allait mourir dans l'ombre des ecoles; la litt6rature expirait sous la protection de Mecene; Tite Live cessait d'6crire; Labeon, de parler; la lecture de Ciceron etait defendue, Ia; soci6te etait sauvee. Pour de la gloire, on en avait sans doute, corume il convient a un empire qui se respecte; on avait ferraille un peu partout; on avait battu les gens, au nord, au sud, L droite, a gauche, suffisamment; on avait des noms a mettre au coin des rues et sur les arcs de triomphe; on avait des peuples vaincus a enchainer en bas-reliefs; on avait les Dalmates, on avait les Cantabres, les Aquitains, et les Pannoniens; on avait les Illyriens, les Rhltiens, les Vindeliciens, les Salasses et les Daces, et les lUbiens, et les Sicambres, et les Parthes, r've do Cesar, sans compter les Romntains des guerres civiles, dont Auguste eut l'audace (le triompher contre la coutume, mais a cheval.sculement, par modestie. I1 y eut mime une de ces guerres ou -4 — ]'enmperetr commanda et fut b-lesse en personne, ce qui estle co'm ble de lt gloire pour une grande nation. Cependant les sesterces pleuvaient sur la plCte; le prince inultipliait les distributions, on eiit dit que cela ne lui couitait lien il distribuait, distribuait, distribuait; il 6t4ait si bon, qu'il donnait meneme aux petits enfants au-dessous de onze ans, contrairement,la I oi. II est beau de violet' la loi, quand on est mueilleur qu'elle. On n'avait que l'embarras du choix: jefix du thilAtre, jeux de gladiateurs, jeux du forum, jeux de l'amphitheatre, jeux du cirque, jeux des coinices, jeux nautiques etjeux troyens, sans compter les courses, les chasses et les luttes d'athlketcs, et sans preijudice des exhibitions de rhinoceros, de tigres et de serpeonts de cinquanlt coudlles. Jamais le peuple remain ne s'etait tault amus(& Ajoutez quo le prince passait fricquemment la revue dces cheva — liers et qu'il aimnait ra enouveler souvent la ctirnmonie du defil&e spectacle majestueux, sinon varie; et qu'il serait inljuste d'oulettre dans l'Anum6ration des plaisirs qu'il prodignait aux mnatltes du monde. Quant a lui, ses plaisirs 6taient sim lls, et, si cen'est qu'il donna peut-etre trop souvent la place I gititle (le Scribonie ou de Livie, soit a Drusula, soit A Tertulla, soit'a Terentilla, soit'a Rufilla, soit A~ Salvia Titiscenia, soit a (l'autros, et qu'il out le irauvais rgout, en pleine ftamine, de banqueter trop joyeusement, d(cguisei en dieu, avec onze comperes, dt(ifi6s comnle Jiii et qu'il aima un peu trop passionnement les beaux meubles et les beaux vases de Corinthe, au point quelquefois, de trer le nIaitre pour avoir le vase, et qu'il furt joueur comnnie les des, et qu'il fut toujours un peu enclin au vice de son oncle, et que dans sa vieillesse, son gofit rtant devenu plus delicat, il ne voulait plus admettre'L l'honneur de son intimi;te quo des vierges, et que le soin de lui amener les dites vierges 6etait confie par lui a sa femme Livia, qui, dul reste, s'acquittait avec un grand zele de ce petit emploi; si ce n'est cela et quelques menus suff-rages, qui ne1 valent pas m6mne la peine d'etre mentionnes, Suetone assure (lu'en tout le reste sa vie fitt tres reglee et L l'abri de tout reproehe. Done c'etait une heureuse 6poque que cette ere julienne, c'etait un granrd siecle quoe le siocle d'Auguste, et cc n'est pas sans raison que Virgile, un pen exproprie dl'abord, inlemnnise ensuite s'ecrie que c'est le regne do Saturne qui revient. l1 ylavpit bien ga et 1A quelque ombre au tableau; il y avai - 5eu une dixaine de complots, autant de sbditions, et cela g'ite un regne; c'etaient les republicains qui revenaient. On en avait ttu le plus qu'on avait pu, a Pharsale, a Thapsus, a Mundla, a Philippes, a Actiurn, a Alexandria, en Sicile; car la libert6 romaine avait la vie dure, il n'avait pas fallu mnoins de sept tueries en masse, sept ~gforgements, pour la imettre hors de combat; les ldgions sernblaient sortir de terre suivant le vcou de Pompee; on avait done tue' consciencielsement ces r6publicains toujours renaissants; matis combien? Trois cent mille, peut —tre, tout auplus; c'6tatit bien, cc n'ettait pas assez; il y en avxait encore. De 1.a quelques petites contrarie6ts dans la vie du grand horn me. Au senat, ii lui fallait porter nae cuirasse ct une 6pae sous sa robe,. ce qui est genant, surtout dans les pays chauds; et se faire entourer de dix robustes gailiards, qu'il appelait ses amis, et quil n'eon 6taient pas moins pour lai une conllipagn'ie fdcheuse. 11 y avait c:ussi ces trois colhortes qci trainaient derrilreo lui. leur ferraille, dans cette mUme ville oh, soixante anst aparavant, il n'dtait pas permis d'entrer avec un petit couteau; cela pouvait faire naltre quelques doutes sur la popularite cldu Pe1re de la pcatrie. 11 y avait' ensuite Agrippa qui dernolissait trop); mais ii fallait bien fakire una tombllleu (ldo narbre pour ce grand peuple qul voulait mourir. I1 y avaLit eIncore le prei'ot de Lyon, Licinius, qui pressurait trop sa; province; it ne savait tpas tondre la bVte sans la faire crier: c-'tait u1I adlrinistrateur ignrorant et lrossier qiu[ se contentait de predre Fal'rgent ohu il 6tait,'est-h-dire d.lans les poches, proc(ddallt satns faton,. inanquant (le glSnit dans l'execu.tion; c'est lui qui imag1u1ini;l dfl'ajotaer doux inois au calendrier, pour faire payer deux fois de plus, par an, l'ipl:l)ot inolnsuel'a sla bonne ville. Drl resto, il fLut reconnaltre qu'il partagreaitc e qu'tablement avcc son mailtre le, produit do son administiation. Les bon nes gen.s de Lyon, ne sachlant comment s'arracher cette s~angsue de ]a l)eal1, eulent 1a simnpl)icit' de demander a C6sar ie rapel (de leur prfet;, qui fi.tt maintenn. II y avait encore certaine expcdition lointaine dont on. n'avait pas lieu d'itre absolumtent fier le mnlaiheuietlx Varus- avait 6dtC b1tement se faire dcraser avec trois 16gions, la-bas, par dela le Rhlin, au fond de la forbt Hercyaienne. Cela fit mnauvais e-ffet. Lat guerre est comlme toutes les bonnes choses, it ne faut pas cl. abuser. Elle a Ie rnerite d''tre un spectacle absorbant, la plus puissante des diversions,:je le velsx bienr nlais c'est une rci-our: - 6ce qu'il faut m6nager.; iI nle faut pas jouer trop facilement cc jeu insolent et terrible, qui peut toulrner con tre celui:qui le joue; et qualnd on est un sauveur,:,il ne convient 1pas d'envoyer trop tgIrrement, la boucherie les gens qu'on a sauvs.; voila ce qu'on pouvait dire; mais qui donc y pensait? 2 peine vingt mille mdres, et qu'est-ce que cela, dans un grand empire? On sait bien que la gloire ne donne pas ses faveurs, et Rome etait assez riche de sang etd'argent pour les payer. Auguste en fut quitte pour se cogner tout doucement la tete contre les portes, et pour faire Une plosopopee qui, du reste, est devenue classique. 11 y avait enfin Lollius qui avait perdu une aigle; on pouvait s'en passer; et, quant aux finances, une ere nouvelle venait de s'ouvrlir', la grande administration ktait inventee, ]e monde allai-t 6tre administre. Le monstre-enmlire a cent millions de mains et un ventre, l'unite est fondee! Je travaillerai avec vos mains et vous diogrerez avec mon estomac, voila qui est clair, et liene6nius avait raison, et je n'ai que faire de l'avis du paysan du Danube. Si ce systeine entrainait quelques abus, s'il y avait de temps en temps quelque famine, cc n'Ctait 1a' qu'un nuage dans le rayonnement de la joie universelle, une note discordante qui se perdait: dans le concert de la reconnaissance publique, et tonlls ces petits malheurs, qui d'aventure ridllient la slrface de l'empire, n'etaient a vrai dire que d'heureux contrastes et de piquantes diversions inenagfees a un peuple heureux par sa bonne fortune, pour se reposer de son bonheur et lui donner le temps dcl respirer; c'etait comme l'assaisonnement du rlgal, juste assez pour rompre la monotonie du succes, temperer l'allegresse et prfvenir la satiet6. On ktouffait de prospelite; il y a des bienfaits qui accablent et des bonheurs qui font mourir. Qui donc, en cet agoe d'or, qui donc pouvait se plaindlre? Tacite dit queo, sept ans plus tard, a ]a mort d'Auguste, ii ne restait que peu de citoyens qui eussent vu Ia r epublique; il en restait encoroe moins de ceux qui l'avaient servie; ils avaient et6 emportes. par les guerres civiles, ou par les proscriptions, ou par les executions sommaires, ou par l'assassinat, ou par la prison, oil par l'exil, ou par'la muisere, ou par eI d(sespoir; le temps avait fait le reste; it restait quelques esprits chagrins, quelques vieillards moroses, et quant a ceux qui etaient venus au monde depuis Actium, ils etaient ttous nes avec une image de l'empe reur dans l'eil, et ils n'en voyaient pas plus clair; on avait lieu d'esperer-du moins qu'ils seraient disposes a trouver belle la nouvelle face des choses, et meme la plus belle de toutes, n'en ayant jamais vu d'autre. Donc la tourbe de R6mus etait contente, et tout etait au mieux dans le meilleur des empires. En ce temps-la vivait Labi"nus. Connaissez-vous Labienus? C'etait un homme ktrange -et d'humeur singuliere. Figurezvous qu'il s'obstinait a rester citoyen' dans une ville ou il n'y avait plus que des sujets. Comprend-on cela? Civis romanus sum, disait-il; impossible de le faire sortir de 1a. II voulait conime Ciceron, mourir libre dans sa patrie libre; imagine-t-on pareille extravagance? citoyen et libre, l'insens6! sans doute, il disait cela comme plus tard Polyeucte disait: Je suis chretien! sans trop savoir ce qu'il disait. Le vrai, c'est que sa pauvre tete 6tait malade; il etait atteint d'une dangereuse affection diu cerveau; du mtoins c'etait l'avis du m6decin d'Auguste, le celebre Antonius, qui appelait ce genre de folie: une mono-' imanie raisonneuse, et qui avait ordonne de traiter le malade par la prison. Labienus n'avait pas suivi l'ordonnance; aussi n'tait-il pas gueri, comrnIe vous allez voir, quand je vous P'aurai fait nmieux connaltre. Titus Labienus portait un nom honor6e deja deux fois par de bons citoyens. Le premier Labienus, lieutenant de Cesar, l'avaitf qquitte lors du passage du Rubicon, pour ne pas etre complice (le son attentat; le second avait mieux aime servir les Parthes que les triumvirs; notre heros etait le troisieme. Une ligne de Seneque, le rheteur, suffit d6jac pour nous faire entrevoir cette grande figure, car nous y trouvons cette fibre parole de Labi6nus: Je sais que ce que j'cris ne peut dtre lu quz'apres mna mnort. Orateur et historien de premnier ordre, parvenu a 1a gloire i trave-rs mnille obstacles, on disait de lui qu'il avait acrrache plunt6t qu'obtenu l'admiration. I1 ecrivait alors une histoire dont il lisait parfois, portes closes, quelques pages a des amis stirs. C'est a( propos de ceote histoire qiue la condamnation des livres au feu fut appliqule pour ]a premiere fois, sur la motion d'un senateur, qui fut lui-mneme firappe, quelque temups apres de la peine qu'il avait iavente; et Labienus eut ainsi, le premier'a Rome, l'hlonneur, (levenu commun plus tard, d'un s natus-consulte incendiaire. C'est ce que 3i. Egger appelle juclicieusement ". les difficultes nouvelles que le irginle imperial fit naitre pour l'his toire. " Le pauvre historien brii16, no pouvant survivre tt son ceuvwe, alla s'enfermer dans le tombeau de ses ancetres, pour n'en plus sortir. I1 croyait son ceuvrole Laneantie, elle ne l'etait pas. Cassius la savait par coeur, et Cassius, proteg6 par l'exil, etait, comnre il le disait lui-mceme, une edition vivante du livre de son ami, une edition qu'on ne brtlerait pas. Sans doute la mort de Labi6nus futr aussi folle que sa vie; un livre brll6, Ia belle affaire! est-ce qu'on se tue pour cela? Le Senat lno voulait pas la mort du coupable, ii ne voulait que lui donner un avertissement; il fallait cn profiter mais cet homline prenait tout it robours, et entendait tonjours de travers, quaLncl il entendait. It 6tait bien digne de figuler dans ce long defil do suicides stoiciens qui venait de commencer, et parmi tons cos helroiques niais, tonus ces opposants syste'matiques et absolus, enra6es et absurdes, qui faisaicnt de leur mort minene un cdrnier acte cl'op)osition, et s'im-aginaient, en s'oIvrant les veines, faire un tour. l'empereul. Anuctns nmdme se tulieant uniquement plour faire enrager le prince, qui en riait dlans sa moustache, et n'Wen ktait que plus persuade de l'excelleltce de sa politique, on voyant que sa besogne se faisait toute segle. Labienus 6tait dce ceus-lQ; nous voyez bien que c'Gtait un itnbecile; tel est i'lhomlme (lollt nous-voulons vons redire les propoS, et vous verrez cjue dans ses propos, comme dclans sa.vi, ct dans sa mort, il fct tonjollrs lo mnl1me, c'est-A-dire u1r i1corri,;i> l' C't ta;it un hoillmtle clu vieux parti, puisque la repul)lique etlit passSoe: uUn relctionnali e, -puisqlle la rdepublique etait une cllose dlu teolnps jadclis; un ci-dlevantt de l'Fancien regime, tuisqlle el gotuvrneMenli des lois dtrait le regime d'autrefois: en ut mLoat c'tait mne ganac:he. Ii detait de ces nechanl ts qui tlvoiveit trembler sons un goulv(rnemnent fort, pour que les bons se nrassurenlt, ot quae 1a soiei6t clbrlanllde, jusque dans ses fotdletne-elts, puissoe so rasseoir stur s0 bases. Ce n'est pas tout, Labidtulus 6ta.tit ingrat;: en plein c6sarisme, en pleine gloire, an milieu'dle cetto surnbonlance i dol f~licite publique et de cette f6te immense d1i gotl1re humnaii, il 1md6connaissait les bienfaits que r6pancdait'a pleines mains le second fondateur de Rome, le pacificateur du muonde; il avait.i la fois les passions aveugles et les passions ennemies qui font les homroes dangereux et les citoyens funestes. AIais vous -e lo connaissez pas encore. Sa passion manquant d'air et cl'espnce, dans l'dtouffement du principat, ne ponuvait plus ni parler, ni 6crire, -9ni agir, ni se mouvoir, il passait des heures entieles,, sur le pont Sublicius, a voir couler le Tibre, immobile et muet, mais le regaald furieux, le geste menagant, la poitrine gonlflde de l'esprit des anciens jours, comlme une statue do Malrs vengeur, comme untribun pdtrifie. II est cloux de dormir, disait M'lichel-Ange, ou d'etre de pierre, tant que durent la misrle et la honte. Labienus ne dormait pas, nmais il'tait de pierre, plls dur que le roc du Capitole (immobile saxitm). La tyrannici n'arvait pas prise sur lii, et l'empiir n'y pouvait mordre; c'6tait un EIomain de lL vieille roche, que rien ne pouvait entamer. Seul, (lebout, comme Cocles, entre uine armde et un precip)ice, il d(efiait l'une et l'autre; il d3efiait Anguste ot souriait'1 la mort. Dans tout cela, il y avait du bon, si vous voulez; rmais i cot6e, quel caractiere dftestable et quel esprit enal fait! Octave avait eu beau fi'apper une superbe mecdaille, avec les tlois llins entrelacees des triumvirls et cette sublime lgoencle: Le sacut dlu gyenre humain, cela encore lui deplaisait; il pr6tendait qu'on l'avait sauvC malgrd lui, et ii citait le vers d'HIorace: Qualnd cli'tre ainsi sauve, je n'ai pas le desseil, Au: diable le saneour, qui n'est qu'un assaisin! Le vieux Labi6nus ktait de ceux qui avaient vui lt Reptnl,lique; il avait la sottise de s'en souveni,', l' ietaite lec mld. It voyait nmaintenant un grand roegne, et ii n'etait lp(s content. 11 y a des gens qui ne le sent jamais. I1 se croyait toUtjours au leiidemain de Phalrsale; quarante ans (le gloire lui crl lient les yeux, sans les ouvrir; ii avait l'aih d'nn homine qui fait uU Inauvais r6ve, etl a realitd ponut lui n'etait cqt'une infernale visioIn. 11 avait des ktonnements naifs; ii ne voulait pua.s croire que c'Ytait arriv&. Epim6enicle (qui dormrit cent ans), qumld ii se revcil]a, 6tait moins dtonn&l. Trriste dans la joie untiverselle, sombre au milieu dce l'orgie romaine, comme les delx phlilosophes dIu tableau de Couture, il etait lat et semblait vivrle ailleurs; c'etait nun spectre dtlns une f6te; vous eussiez dit un nIort O'chappe6 des tomnbeaux de Philippes, une omlbre curieuse qui vient voir. Quelquefois un f.mi le t)laignait; lui, plaignait son ami. Le pills souvent, tout seul, ii grondait d;lns son coin; il regardait passer l'empire. I1 n'etait guuere possible de fiire entendre raison ait ur pareil honrine: il etait d'un autile ge, exil cl dans l'Sge nouveau; il avait la nostalgie diu passe; il n'avait rien appris ni rien ou - 10 - blie. il ne comprenait rien a l'6poque presente; il avait tous les prejuges de Brutus; il etait infect6 d'opinions grecques qui n'etaient plus de raise a Rome depuis longtemps. I1 avait l'air vieux comme les Douze Tables; il pensait encore comrnme on pensait du temnps des Fabricius Iou des Camille chevelus. Et puis des idles fantasques et d'incroyables manies; surtout un gout bizarre, inexplicable, ktrange: ii aimait la libert6! Evidemment T. Labienus n'avait pas le sens comnmun. Aimer Ia liberte! Comprenez-vous cela? C'6tait une opinion r6trograde puisque la liberte 6tait chose ancienne; les hoinmes nouveaux alimaient le regime nouveau. II n'avait pas le sentiment des nuances, ni la notion-du temps, ni l'intelligence des transitions. Le temps avait mnarch,, les idees aussi; lui, restait plante 1a' comme un terme; il croyait encore'a la justice, aux lois, a' la science et fa la con4science; 6videmment ii radotait. I1 parlait du p-arti des honnates gens, comume Ciceron; il parlait du Senat, de tribuns, de cornices, et ne voyait pas que tout cela 6tait fonldu comme neige, dans le cloaque imna ense, et qu'il 6tait presque seul sur le boerd. Il comptait encore les anni6es par les consuls, car Auguste avait laisse le nom pour faire croire'a la chose, et lui esperait ressusciter la chose en conservatnt le norm. I1 preparait des discours au peuple, comme s1il y avait un peuple; il invoquait les lois, comirne s'il y avait des lois le principat n'etait pour lui qu'une parenthese de l'histoire, une page honteuse des annales roinaines; ii avait hte de tourner la page ou do la d6chiler; ii disait toujours que cela allait finir, et il le croyait; ]es gens le croyaient fou, et ii l'Ptait, cournae vous voyez. An demneurant, bon honuine; entete plutot que mechant; incapable de t.uer un poulet et de souhaiter le moindre maTa un hormn e, si ce n'est a Auguste, et encore. I1 &tait si doux, qu'il etait d'avis do ne l'envoyer qu'au bagne, tourner la meule, contrairemlent'[ l'opinion pluts commuae de ceux qui voulaient le mettre en croix. Il pensait d'a'ileurs, avec les stoiciens, que le chaatimecnt est-un-bien pour le coupable; il est done vrai de dire qu'il soulhaitait A Auguste le seul bonheur qui put lui arriver: l'cxj)iation. Un jour qu'il se promenait sous le portique d'Agrippa, ii rencontra Gallion. Junius Gallion 6tait un jeune sage, cornmme Labienus tait un vieiux fou. C'tait un jeune hoinmme srieiux et doux, instruit et elegant, poli, circonspect et prudent, uil s5 oicien moder6; espagnol et ronmain, citoyen ct stijet, honlleo de deux 5poques et de deux pays, sang mele' opinion croise, un peu ceci et un peu cela; tournant parfois comme Horace, ses regards attendris sur le tonibeau de la liberte, et les reportant,, non moins attendris, sur le berceau de l'empire; donnant une larme a Caton, un sourire a Cesar; caractere bienveillant, aimant un peu tout le mnonde, menrie Labienus. I1 etait frwre de Se6nque, qui n'osa pas vivre, et oncle de Lucain, qui ne sut pas mourir; on n'avait plus que des moities d'heroisme et des tron9ons de grandeur; peuple en ruines, avant -ses temples; a et e, cncore-quelques demi-Romains. Gallion faisait des vers pour Ie favori de Mec≠ les critiques l'appelaient l'ing nieus Gallion. Enfin, il avait de l'esprit, car il fat proconsul. C'est deo lui qln'on t norlome galliolnistes les indiff'rents en inati re religieuse; i[ aurait )U ctrle un peu patron, du iim1me genre, en matiere politique. C'est ce que lui reprochait Labi6nus. Et jo c1rois que Ie solmbre prome neur allait passer sans se soucier de le reconnaitre, cIr Labifenus n'etait pas aitnable; il n'etait gu'-re plus affable que ces faimeutx s6rnaateurs qui, finrement assis au milieu du fol'um, recurent un jour si froidement les G-aulois. Aulssi Gallion ne se serait plas as ard6 2 lai.caresser laL barb; mais le jeune homule etait si content, si 61m1u, avait si grand besoin de trouver quelqu'un.a qui dire la,grande nouvelle, qu'il venait d'apprendre, ii 6tait si curieux d'en voir l'effet siur Labienus, qu'il l'aborda. -Bonjour, Titus! quid agis, dulcissime rerum, comnment te portes-tu! -- Mial, si l'empire se porte bien. - C'est bon, on sait bien que tu es toujours de mauvaise hiumneur; mais j'ai une nouvelle a t'apprendre. -- I1 n'y a pas de nouvelle pour moi,.tant qu'Auguste regne encore. Allons, je sais que.tu es en colere depuis trente ans, et que tu n'as pas ri une fois depuis le triumvirat; mais voici ma nouvelle: les imnoires d'Auguste viennent de paraitre. -- Et depuis quand les brigands font-ils des livres? — Depuis que les honnetes gens font des empereurs. He- las! - Ainsi, mon cher Titus, ti ne liras pas ces Mlmoi~res? - Je les lirai, Gallion, je les lirai, en pleurant de llonte. - Et tu vas y repondre, les critiquer, faire un anti-Cesar, cornme Cesar a fait un anti-Caton? -- 12 — — Non, Gallion, je ne veux rien publier sur ce sujet, je nle discute pas avec celui qui a trente legions; dans un pays qui n'est pas ibre, on doit s'interdire de toucher a l'histoire conitemporaine, et la critique, en, pareille matiere, est impossible. - Tu ne veux pas eclai'er le public? - Je ne veux pas contribuer' le troanper, cal par le temps qui court, sur de tels sujets, rien tie ce qui parat no peout tlre bon, rien de ce qui est bon ne peut paraltre. Je continuerai mon histoire secrete, dont j'enverrai lesfteuillets ci Sevsrius, en lieu sUr; je sauverai la verite en l'exilant. - Mais on assure que la critiqcue sera libre; Ia tyrannic donnerait huit jours de conge i' la litt6lrature. - Ils ne pourront donner ql'une fausse libert6,l une liberte de decemibre, c'est-a-dire une lib. rt6 de carnaval, libertas decembris, comme dit Horace; je ne veux pas en user. Je noe veux p:as en 6c5rivanlt contre le livro, me tronver place entre la vengeance d'Octave et ]a clemence d'Auguste, sans avoir mreme le choix. Je no veux pas cornme Cinna, donner aun dr6le l'occasion de f:Lile le mulananime, et Ltre x6ecute par unte grlce. Quant't loUer le livre, je neo le puis qlie s'il est bon, auquel cas je craindcrais dl'6te Lconfondu avec ceux qui le louent pour d'latres motifs. I1 im'est done aussi impossible de louer quot de bIl1mer. t d'ail!eurs le livre n'est pas bon et no pouvait p)as l'Ltre. Quand un homme est assez coupable pour soe faire roi, et assez sot lour soe faire dieu, je pense qu'il ne saurai t avoir toutes los quali~tcs requises pour 6crinre l'histoire. Vous etes sir de6j qu'il n'a ni bon sens, ni bonne foi; alors qn'est-ce qlui lui reste? II noe pout n!i savoir 1a vdrit6, ni la dire, s'il la savait; alors de quoi so mele co r portc-scoptre! Et pouirquoi s'avise-t-il d'ecrire? Un roi-historien doit commnencer par abdiquer. I1 ne l'a pas fIt:it; mauvais signe! Et puis j'oen ai lt ties passages. Iljustifie des J)rosCriptions et fait l'apologie (le l'Psurpation. Coela devait itre. Et tun veux, Gallion, que je fasse Ia critique de cette ceuvre d'ignorance et de mensonge, roevtue (le l'approbation de deux mille centuirions et reconmmandeo aux lecteurs par les veterans. La critique! c'est le siergeo que tu devais dire. Et tu no voispas, mon bon petit Gallion, que c'est li un mds meilleurs touIs que le fils du banquier ait jou's all fils (1e hil0suve, qui, h6las i ne savent plus mordre, commtleleur aYeule..lhi*iI,:;llon, nous somines d6:gle'his, nous sommes es o mains de d(ecadence, tombas de Cesar dans Auguste, et de Charybdoe dans Scylla; de la force dans la ruse, et de l'oncle dans lec neveu! Pouah! Non, je ne veux pas tonober dans ce guet-apens litteraire, ni donner dans le panneau, ni surtout y faire tomber les autres; non, je n'ecrirai:pas sur les MJeUmoires d'.Auguste. Le silence du peuple est Ia legon des rois. Labimnus la donner a a Aungustc. Sois tranquille, d'ailleurs; si tu veux de la critique stir ce petit morceau de litterature imperiale, si tu veux de fines aplpreciations, on t'en donnera; si tu veuxdcle savantes dissertations, ii cn pleuvra; si tu veux d'ingrnieuses et piquantes observations, dlcs:.a)erqus pleins de nouveaut6, des discussions 6elgantes et conrtoises soutenues d'un tonr exquis par des gens du mneilleur lnonde, ttl en:auras: si tu veux de la controverse'a genoux ct de ]a rh6torique -i plat-ventre, et des dpigrammes a surprise dont ]a pointe chatouille au lieu de piquer, et:des morsures qui sont de.s caresses, et des reproches sanglants qui font plaisir, et d'adorables gentillesses adroitement:glissees sous l'apparence d'un jugoemeint severe, et de jolis petits mots tout aimables delicatemient enveloppe's dans les plis d'une phrase feroce et rebarbative, et des bouquets de fleurs de latinite, et des flots d'6locquence n ellifilue, et des arguments offerts sur des coussins et des objections prosent('es sur un plateau d'argent, comme une lettre par unI domestique; rien de tout cela ne toe manquera, mon cher Gallion: nous allons voir danser le clceur des Muses d'Etat, et c'est MV[6cene qui conduira le ballet. Les clhastes smuts ont quitte le Pinde pour le mont Palatin, et Apollon s'est mis dans la police. Done Auguste est, assur6 d'avoir un public, des lecteurs, des juges, des critiques, des copistes et des commentateurs;il se trouvetra dls gens pour cette besogne. Qui a fait des Virgiles pent faire des Aristarques; ii lui en frint, ii en aura Dej'l toute la littedrature est en liesse: Varius plelire de joie; Flavus tr6pigne de tendresse; Rabirius pr16pare ses tablettes; HatPerius fera une lecture, et Tarpa urie dclamat.ion; Pompeius M'arcer declare qne c'est un beau jour pour la morale, et colmmandle trois exelplaires de luxe pour les trois bibliotheques publiques qu'il vietit d'organiser; Fenestella va ajouter uni volume i son Histoire littdeaire; MeI'tellus, qui fait si bien les discouvrs. du prince, comptera les beautes oratoires doe son livre, et Verril, le graalmariien, les beauts gramlllnnaticales; Marathus, " i r'ht:.niit 1 ]4 - gra'ihe, donnera une analyse dans le journal de la cour, et Athlln-odore, le p)r.Ote(ge d'Octavie, redigrera lne paral)hrase pour les darmes et des notules explicatives a la p)ort;ee des princesses. -En' voila dix, j'en connais mnille; tous ces gens-l. i vont defiler le~'ant l'elpereur, en criant'a tit-tete, cornme les chevalies' la parade:'lui cependant aura une attitude pleiue de modestie et do majeste; son geste dira: Assez t son sourire dira' Encore!etla cohue s'egosillera de plus belle. Comnme il a eu, pour applaudir ses actes, la poputlace des sept collines, ii aura, pour louer son livre, la populace des auteurs; les applandissenments sont siirs, mais ils ne peuvent venir que. d'un c6t; c'est mnme la une cons6quence assez grotesque de sa situation litteraire unique. L'infortun& ne l'a peut-etre pas preuej mais je inm'en moque; il reussira par ordie, c'est dur, nlais je n'y peux rien. La toutepuissance a des inconvenients pour un auteur; tout n'est pas roses dans le inbtier: d'kcrivain courolnn. La place n'est pas tenable, et Virgile y aurait )erdu son latin.' Maliis il faut subir- la loi qu'on s7est faitoe; et quand Ia hotnte est vers'e, ii f'att la boire. Attention done, mon cher Gallion; Ia fte va s'ouvtir, elle.Sera bruyante et nombreuse; dej'a les musiciens sont a leurs places, accordent leurs instruments et preiudent au' concert; regarde done et ecoute, si c'est ton got; j'avoue que le spectacle ne laissera pas dj'tre assez r.jouissant pour ceux qui peuvent rile encolre. Je sais que l'ouvrage colomprendra la derniere guerre civile, et mmnle la derniere- annee de Jules Cesar. En bonne foi. mon cher Gallion, peux-tu prendre cela au serieux? Auguste publiant un livre sur la revolution qu'il a faite! Que dire, selo n toi, d'un criminel qui public l'apologie de son crime? A mon sens, il commet un second attentat, plus difficile, il est vrai, que le preinier (car il est plus facile de cornmettre un crime que de le justifier) mais ce second attentat, s'il est plus difficile, est aussi plus coupable et plus funeste, car les victimes sont plus nombrenses, les consequences plus durables. Le premier s'attaque: / la vie des hommes, l'autre a leur conscience; l'un tue le corps. l'autre l'esprit; l'un opprime le present, l'autre l'avenir. C'est le coup d'Etat dans la niorale, la creation du desordre, l'injustice systienatisee, l'organisation. du mal, la promulgation du honidroit, la Iproscription de la verit6, la defaite definitive de la fzii d''ipublique, la deroute generale des. idees, une bataille - i& - d'Actium intellectuelle. C'est le vrai couro.nement (d'un &dlifice de sc61eratesge et l'infamie, cest aussi le seul iossile. Le livrle d'Auguste, c'est sa vie erigee en exenple, c'est son ambition innocent6e, c'est sa volont6 formulee en loiVc'est le code: des malfaiteurs, la Bible des coquins; et c'est 7n pareil livle que vous voulez critiquer publiquement, sous le regime de son bon plaisir f Vous voulez faire a Auguste une opposition litteraire? Allohns done! I de la critique contre Octave 1 quelle derision! il n'a pass fait de critique contre ice6ron; il l'a tue6 Quoi! le miserabie qui. vous assassine vousfait un sermon surlFassassinat, et., arvart tde vous achever, il vous demande votre avis sur sa petite colmposition, mais votre avis, a1, bien sincere, sur le fond et slrulhi orine, votre avis politique et litteraire; car il est artiste et bon eitnant., et il veut savoir votre opinion sur'son ceuvre et vous, b0onnllemeont, vous irez la lui dire, et, le couteau sur la goLrge, Vous allez gentiment confabuler avec le bounreau i Gallion, mnon ami, vous n'y pensez pas! Que direz-vous de Yerres faisant un livre sur'la propri6t6! Est-ce que vous discuteriez avec lui? Les IM noires d;'Octave sont-ils donc autre choses? N'est-ce pas la t'ilorie de l'usurpation, ecrite par un usurpateur? C'est urne cole de conspiration ouverte par un conspirateur impuni. L'auteur n'y peut dire, apres tout, que ce qu'il sait:" il sait piller une ville, 6egorger un senat, forcer un tresor dans un temple et voler Jupiter; il sait faire de fausses clefs, de faux serments et de faux testaments; il sait mentir au Forum et'i la Curie, corrompre les electeurs, ou s'en passer; tuer ses collecgues bless6s, comme a Modene, proscrire en masse, et autres jeux des princes; il sait, suivant la methode du premier Cesar, comment on emprunte aux uns pour preter aux autres, et se faire d amis des deux c6tes; il salt, d'un vigoureux elan, franchir toutes les barrieres et tous les Rubicons, puis d'un bond supreme, s'enlevant au-dessus des lois divines et hlumaines, faire le saut perilleux, cabrioler et tomber roi. I1 sait tout cola, mais il ne sait pas un mot d'histoire, ni de politique, ni de morale, si ce n'est de la grande, c'est-a-dire de la morale des grands qui s'enseignait dans sa famille. On ne trouve done rien dans son livre de ce qu'on a besoin de savoir, et on y trouve,' profusion, de ce qu'il est dangereux d'apprendre. I1 aime les vieux mots, les vieilles monnaies et les vieux casques, mais il n'aime pas les vie'; -, - 16 - mncwurs. Allez-vous discuter avec lui quelques points de gramInaire, d'archeologie ou de nurnismatique? Sot, qui lui ferait cet honneur. Vous voyez bien que ce selait lti tomber dans son lpiege et jouer son jeu. Les gens de sa sorte se sentent, quoiqu'ils fitssent, au ban de la societ6; ils en sont sortis violeminent par un crime, ils veulent y rentrer doucement par la ruse. Ils n'ont plus qu'une ambition, se fatufiler parmi les honnetes gens. Pour cela, ils prennent tous les deguisements; ils vent cherchant partout lenr pauvre honneur perdu; onles voit, mendiants couronnes, qu'ter l'estime g toutes les portes; c'est la seule aum6ne qu'on ne puisse pas leur faire. Auguste en est 1a: ce buveur de sang n'a plus qu'une soif, celle des louanges; ce volour de l'em.pire du monde ne veut plus voler qu'une chose: sa rehabilitation. Miais il tente l'impossi:ble. L'effort impuissant et dcsesper6 qu'il fait pour sanver quelques ddbris de sa reputation naufragee, cet effort supreme pour raccrocher son honneur'a une dernihere branche qui va casser, cette derniere lutte de Cesar avec l'opinion qui l'6crase, a je ne sais quoi de lugubre et de comique comme la derniere grimace d'un perdu, ou comme le sourire du gladiateur qui veut mourir avec grace. Le livre de Cesar, c'est la toilette du condamne, c'est le salut du supplicie' la foule en marchant au supplice. C'est la coquetterie du dernier jour. Cesar etait si sale, que le bourreau n'en euit pas voulu; ii so debarbouille un peu pour embrasser la moirt. Et il demande des lecteurspour Cesar!'a quoi bon? I1 ose dans une pr6face, adresser des questions aux lecteurs; mais c'est le licteur qui repondra. -En attendant cette reponse, je vais lire les AfWnzoires d'Auguste. — Et moi, repondit Labi'nus, je vais relire les hibelles de Cassius. MNIERIE DU MESSAGER FRIANCO-AM2IRICAIN LIBERTY EIT Y STRET, NEW YORK.