TIlE PROGRESSIVE FRENCH READER; SUITED TO THE GRADUAL ADVANCEMENT OF LEARNERS GENERALLY, AND ESPECIALLY ADAPTED TO THE NEW METHOD, WITH Notes anb a ecXifon. BY NORMAN PINNEY, A. M. NEW YORK: HUNTINGTON AND SAVAGE, 216 PEARL STREET. CINCINNATI:-H. W. DERBY AND COMPANY. 1850. ENTERED, according to Act of Congress, in the year 1849, By F. H. BROOKS, in the Clerk's office of the District Court of Connecticut. Stdrdotyp9 par RICHARD H. HOBBS, HARTFORD, CONN. iv PREFACE. beginning of each lesson in the Reader, show what lesson of the Teacher it is designed to follow, and when read in that connection, the learner will all along find himself prepared with grammatical knowledge for his lesson in reading. When the feminine gender has been introduced in the Teacher, it will be found also in the Reader; where a past tense is admitted in the former, it will be also in the latter, and so with all the grammar. In this way, the learner is prepared to understand fully what he reads, his course is gradual and easy, while his reading may serve to exercise and confirm his knowledge of principles. The following work, although adapted particularly to the Practical French Teacher, can be employed, also, with any grammar on the New Method; and, indeed, its gradual, progressive character, gives it a value, it is believed, for learners generally, whatever may be the grammatical system with which it is studied. N. B.-The references in the notes are to the lessons and pages of the Practical French Grammar. TABLE DES MATItRES. Page. Preface,..................... 3 Table des matieres,................. 5 Le cheval,................... 9 Le chien,..................... 10 Bossuet,.................. 11 Peches du nord................. 12 I es v6g6taux,................... 13 Particularit6s relatives aux Arabes............ 14 Autres particularites relatives aux Arabes,....... 15 Mine de Salscbritz,................. 16 L' aigle royal,................... 17 Prdface testamentaire de M. de Chateaubriand..... 18 Le r6gime vge6tal,................. 20 Dialogue entre un pr6cepteur et son lve,........ 21 Grotte merveilleuse d' Antiparos,.......... 22 Le mangle et le manioc,................ 23 Le serpent a sonnette............... 24 Le Tage................. 25 Le printemps sous le beau ciel de la Grace...... 26 Description du climat du Labrador,......... 27 V1 TAi3LE DES MATIERES. Page. Le ldzard gris................. 29 De la gait.................. 30 Eruption du Vsuve,................. 30 Le serin et le rossignol............... 31 I' oiseau-mouche,................. 33 Une legon de g6ographie,............. 35 Le Mississippi,................. 38 Les voyages pied,................ 40 La mort est le terme de toutes les grandeurs humaines,.... 41 Lever du soleil,................... 42 Le papillon,.................. 43 De 1' esprit de conversation.............. 43 Henri de Guise................. 45 Les ruines de Palmyre,............... 46 Flore......................47 Les prisons,.................... 48 A Philomle,................... 49 Vue du Liban,.................. 50 L' Apollon du Belveddre.............. 52 Racine et Voltaire,.................53 La vie champtre................. 54 L' aspect des pyramides d' Egypte,......... 56 L' honngte matelot,................ 58 Toilette de bal,................. 59 Le chien d; Aubry de Mont-Didier,........... 61 La'g6nerosit................... 62 Une belle nuit dans les d6serts du Nouveau-Monde,..... 64 Caractbre des Franais............ 65 Bonheur des families dans 1' Am6rique septentrionale,.... 66 Charles XII................ 68 TABLE DES MATIERES. Vii Page. Le singe..................... 69 Reflexions morales,................ 70 Pierre-le-grand,....71 Les deux amis,.............. 72 Charles XII.,.................. 73 Beau trait de dlesint6ressement,............. 74 Le fant6ime,.................... 74 Le besoin d' aimer,.................. 75 UIn homme heureux,................. 78 Milton composant le Paradis Perdu,............ 79 Le bonheur,................... 80 Le songe,..................... 82 Une nuit sur une montagne dans 1' Afrique m6ridionale,... 84 Orage d'te,.................... 87 La feuille,..................... 88 L' ab6naki,.................... 89 A. M. de Coulanges,................. 91 Le chien (de Brisquet,................. 92 Les chateaux en Espagne,............... 95 Dieu et sa puissance................. 98 La Gascon industrieux,...............98 L' arabe et son cheval,............... 100 Ma maison, et mes amis, les plaisirs a la campagne si j' 6tais riche, 102 Esprit et bon sens,................ 104 Le blanc et le noir................ 107 De la sensibilitY et de la bont6,............ 120 Ilymne de 1' enfant a son resveil,...... 124 La princesse de Babylone............. 126 Le souhait,.................. 136 Ies souvenirs.................. 141 Viii TABLE DES MATIERES. Page. Paul et Virginie,.............. 143 La Fleur.................. 160 Paul et Virginie............ 161 L' automne..................169 Voltaire....................170 Une lutte au bord d' un precipice,........... 172 Le Rhne et la Sane............... 175 Le plre de Bellini,................ 177 La prilre,................... 180 Le prix de la vie,................ 183 Les fantbmes,............. 195 Napoleon et Lucien,................ 199 La Sainte-alliance des peuples............ 205 Dictionnaire,.................. 209 LECTEUR FRANqAIS PROGRESSIF. LE CHEVAL. 26.* LE cheval est de tous' les grands animaux2 celui q'ui a le plus de proportion et d' el6gance dans les parties de son corps. Quand nous lui comparons les animaux qui sont imm6diatement au-dessus et au-dessous, nous voyons que 1' &ne est mal fait, que le bceuf a les jambes trop minces et hors de proportion a son corps, que le chameau est difforme, et que les plus gros animaux, le rhinoc6ros et 1' 6elphant, ne sont que des masses informes. Le cheval a les yeux3 vifs et bien ouverts, et le bel ornement qui flotte le long de4 son cou, lui donne un air de force et de fierte. On juge assez bien du naturel et de 1' 6tat actuel de 1' animal par le mouvement des oreilles. I1 doit lorsqu'il marche les avoir en avant; ceux qui sont coleres et malins les portent separ6ment et alternativement en avant et en arriere. Les chevaux5 arabes sont les plus beaux6 en Europe. Les barbes sont les plus communs. Ceux d' Espagne tiennent le second rang apres les barbes; on les pre6fre7 a tous les autres chevaux du monde, pour le service militaire et pour le manege. 1. Tous, plural of tout. 5. Chevaux, plu. of cheval. See Less. 36. 2. Animaux, plural of animal. 6. Beaux, plu. of beau. See Less. 36. See Less. 36. 7. Prefdre, for the grave accent, see 3. Yeux, plural of ceil. Less. 103. 4. Le long de, along. *The numbers at the beginning of the paragraphs denote the lessons in the PRACTICAL FRENCH TEACHER, which the portions of this Reader are designed to follow. See Preface. 10 LE CHIEN. 27. Les chevaux arabes viennent des chevaux sauvages des deserts d' Arabie. Ils sont si legers que quelques-uns d' entre eux devancent les autruches. Les Arabes du desert, et les peuples de Libye, elevent' beaucoup de ces chevaux. Ils conservent avec grand soin et depuis tres-long-temps, les races de leur chevaux; ils en connaissent les generations, les alliances, et la gen6alogie. Les chevaux arabes sont les premiers chevaux du monde; c' est d' eux que 1' on2 tire soit immediatement soit mediatement, par le moyen des barbes, les plus beaux chevaux de 1' Europe, de 1' Afrique, et de 1' Asie. Le climat de l'Arabie est done peut-etre le vrai climat des chevaux. Le cheval dort3 beaucoup moins que 1' homme; il ne demeure guere que deux ou trois heures de suite couche; il se releve ensuite pour manger. Suivant les diff6rents pays et selon les diff6rents usages auxquels on destine les chevaux, on les nourrit diff6remment. Ceux de race arabe dont on veut faire de bons coureurs, en Arabie et en Barbarie, ne mangent que rarement de 1' herbe et du grain; on ne les. nourrit ordinairement que de dattes et de lait de chameau qu' on leur donne le soir et le matin. En Islande ou le froid est excessif, et ou souvent on ne les nourrit que de poissons dess6ches,4 ils sont tres-vigoureux, quoique petits; il y en5 a meme de si petits qu' ils ne peuvent6 servir de monture qu' a des enfants. LE CHIEN. 28. LE chien a par excellence7 tout ce qu' il fauts pour lui attirer les regards de l'homme. Un naturel ardent, colere, meme f6roce et sanguinaire, rend le chien sauvage redoutable 1. Elevent, from elever, for the second verb, agree like adjectives with accent, See Less. 86. their nouns or pronouns. 2. L' on for on; 1 is inserted merely 5. n y en a, (literally, it there of them for better sound. See Less. 146. has,) there are some. See Less. 46. 3. Dort, an irregular verb, from dor- 6. Peuvent, frompouvoir. See Less. 35. mir. See Less. 41. 7. Par excellence, in the l-lighest degree. 4. Dessdchds agrees with poissons, past 8. n faut, it is necessary; an inp erparticiples, not forming part of a sonal verb. See [,ess. 81. BOSSUET. 11 & tous les animaux et cede dans le chien domestique aux sentiments les plus doux, au plaisir de s' attacher et au cldsir de plaire. I1 vient en rampant1 mettre aux pieds de son maitre son courage, ses talents; il attend ses ordres pour en faire usage,2 il le consulte, ii 1' interroge, il le supplie; un coup d' ceil3 suffit,4 il entend au moindre signe. Plus sensible au souvenir des bienfaits qu' a celui des outrages, il ne se rebute pas par les mauvais traitements, il les subit et les oublie; loin de s' irriter ou de fuir, il s' expose de lui-meme a de nouveaux outrages. Plus docile que l'homme, plus souple qu' aucun des autres animaux, non seulement le chien s' instruit en peu de temps, mais meme il se conforme aux mouvements, aux manieres, aux habitudes de ceux quiui i commandent. Toujours empresse pour son maitre et prevenant pour ses amis, il ne fait pas attention aux gens indiff6rents, et se declare contre ceux qui par etat ne sont faits que pour importuner; il les connait aux vetements,5 ta leur voix, a leurs gestes, et les empeche d' approcher. Lorsqu' on lui confie le logis a garder, il devient plus fier, et quelquefois f6roce; il veille, il sent de loin les 6trangers, il donne 1' alarme, avertit et combat; aussi furieux contre les voleurs que contre les animnaux carnassiers, il se precipite sur eux, les blesse, les dechire, leur ote ce qu' ils veulent enlever; mais content de6 vaincre, il se repose sur les d6pouilles, n' y touche pas, meme pour satisfaire son appetit, et donne en meme temps des exemples de courage, de temperance, et de fiidelite. BOSSUET. 29. BOSSUET se presente a 1' imagination comme un de ces hommes prodigieux qu' il est facile d' admirer, et qu' il est difficile de montrer aussi. grands qu' ils sont. C' est dans son dis1. En rampant, creeping. 4. Suffit, from sufire, varied like dire. 2. En faire usage, to make use of See Less. 26. them. 5. Auxvditements. by their dress. 3. Un coup d' oil, a glance of the eye. 6, For de before infinitive, se l,cs;:, 39. 12 PECHES DU NORD. cours sur 1' histoire que 1' on peut admirer 1' influence du g6nie dii Christianisme sur le genie de 1' histoire. Politique comme Thucydide, moral comme Xenophon, eloquent comme TiteLive, aussi profond et aussi grand peintre que Tacite, 1' 6veque de Meaux a de plus1 un style grave, et un tour2 sublime, dont on ne trouve ailleurs aucun exemple, hors3 dans 1' admirable debut du livre des Machabees. Bossuet est plus qu' un historien, c' est4 un pere de 1' 6glise, c' est un preitre inspire qui souvent a le rayon de feu sur le front, comme le legislateur des Helbreux. Son genie le place au premier rang des hommes qui honorent le plus 1' esprit humain dans le siecle le plus 6claire. Ses ouvrages revelent 1' etendue de ses connaissances dans les genres les plus divers. Dans un 6tat ordinaire, il se place sans effort et sans orgueil a c6t6 de tous les grands du monde. Instituteur de 1'h6ritier du trone, il apprend a tous les rois a regner; il soumet5 les peuples au frein des lois, et il fait trembler les puissances au nom d' un Dieu vengeur des lois. I1 a des adversaires, et il n' a point6 d' ennemis; il combat les ennemis de 1' 6glise, et il conquiert7 1' estime des Protestants eux-memes. Le grand homme d' un grand siecle, il prevoit et denonce les malheurs du sikcle qui doit8 le suivre. PRCHES DU NORD. 30. ON tire des rivieres et des lacs du Nord un nombre infini de poissons. Jean Schoefer, historien exact de Laponie, dit qu' on prend, chaque annee a Torneo, jusqu' a treize cents barques de saumon, qu' on y trouve des brochets aussi long 1. De plus, furthermore. 6. Point, a stronger negative than pas. 2. Tour, expression. See Less. 145. 3. Hors, except. 7. Conquiert, from conquirir, an irreg4. C' est, he is. ular verb, varied like acquzrir. See 5. Soumet, from soumettre, varied like Less. 88. mnettre. See Less. 26. S. Doit le suivre, is to follow, LES VEGETAUX. 13 qu' un homme, et qu' on en sale chaque annee de quoil nourrir quatre royaumes du Nord. Mais ces peches inimenses n' approchent pas encore des peches de ses mers.2 C' est dans leur sein qu' on prend ces enormes baleines, qui ont, pour 1' ordinaire soixante pieds de longueur, vingt pieds de largeur au corps, dix-huit pieds de hauteur, et qui donnent jusqu' a cent trente barriques d' huile. Leur lard a deux pieds d' epaisseur, et on l& d6coupe avec des couteaux3 de six pieds de long. Un nombre prodigieux de poissons, qui enrichissent tous les pecheurs de 1' Europe, sort tous les ans4 des mers du Nord; tels sont les morues, les anchois, les esturgeons, les maquereaux,5 les sardines, les harengs, les marsouins, les poissons a scie, etc. Le pole austral n'est pas moins poissonneux que le pole septentrional. Les peuples qui 1' avoisinent sont ichthyophages et n' exercent pas 1' agriculture. Le veridique Chevalier Narbrught dit dans son journal, que le Port Desire, qui est par le 47~0 48' de latitude sud, est si rempli de pingouins, de veaux6 marins et de lions marins, que tout vaissau qui y touche y trouve des provisions en abondance; tous ces animaux qui y sont fort gras, ne vivent que de poissons. LES VEGETAUX. 31. Nous devons presque tous les v6getaux7 qui enrichissent nos champs aux Egyptiens, aux Grecs, aux Romains, aux Amtricains, a des peuples sauvages. Le lin8 vient des bords du Nil, la vigne de 1' Archipel, le bl6 de la Sicile, le noyer de la Crete, la pomme de terre8 de 1' Am6rique, le cerisier du royaume de Pont, etc. Quelle ravissante harmonie forme aujourd' hui 1' ensemble de ces vegetaux 6trangers, au milieu de nos 1. De quoi, wherewith. 6. Veaux,, plu. of veau. 2. De ses mers, of his (Schaefer's) seas. 7. Vegetaux, plu. of vegetal. 3. Couteaux, pl. of couteau. See Less. 36. 8. Lin. flax. 4. Tous les ans. every year. 9. Pomme (lde terre, potato. 5. Maquereaux, plu. of maquereau. 2 134 LES ARABES. campagnes francaises! On y distingue diff6rents ordres, comme parmi des citoyens. Ici sont les humbles graminees, qui semblables aux paysans, portent les utiles moissons; de leur sein s' elevent des arbres fruitiers, dont les fruits, moins necessaires sont plus agreables, mais qui exigent des greffes et une education plus soignee comme les bourgeois. Sur les hauteurs sont les chienes, qui, comme la noblesse, mettent les plaines i 1' abri des vents, ou comme le clerge, s' 61event vers le ciel pour en attirer les rosees. Dans le coin d' un vallon sont des pepinieres comme des ecoles ofu on eleve la jeunesse des vergers et des bois. Aucun de ces vegetaux ne nuit & 1' autre; tous jouissent du sol et du soleil; tous s' entr' aident,2 et se pretent des graces mutuelles; les plus faibles servent d' ornement aux plus robustes, et les plus robustes d'appui aux plus faibles. Le lierre, toujours vert, tapisse 1' ecorce raboteuse du chene, le gui dore brille dans le sombre feuillage de 1' aune; le trone nu de 1' erable s' entoure des guirlandes du chevre-feuille, et le peuplier pyramidal de 1' Italie le8ve vers le ciel les pampres empourprees de la vigne. PARTICULARITES RELATIVES3 AUX ARABES. 32. LES Arabes sont en general d'une petite taille, et d'une constitution robuste. Ils ont le corps maigre, le teint basan6, ]es yeux noirs et pleins de feu, le poil brun, la physionomie plus spirituelle qu' agreable, la voix grele et faible, comme celle des femmes. Ils laissent croltre leur barbe, et croient qu' il est honteux de la couper. L' habillement, dans les conditions distinguees,4 consiste en un caleqon de toile fine, qui couvre la ceinture, ]es cuisses et les jambes, et par-dessus lequel on met une chemise de soie, qui embrasse tout le corps, 1. Literally, put the plains to shelter 3. Relatives, fem. pl. of relatlf. See from the wind, i. e. shelter the plains Less. 37. from the winds. See Less. 44. 4. Distingudes. fem. plural. Participles 2. S' entr' aident, help each other. form their feminine like adjectives. LES ARABES. 15 et qui descend encore plus bas que le calecon. On ajoute a cela un caftan, ou robe de soie a larges manches,' laquelle tombe un peu au dessous des genoux.2 Dans les lieux ou l'hiver est un peu rigoureux, on met dans cette saison par dessus le caftan, une longue robe de drap garnie de fourrure, & laquelle on joint3 quelquefois une autre robe sans manches. Ils ont autour des reins une large ceinture de cuir bordee d' or ou d' argent, dans laquelle ils passent un couteau d' un pied de long, enferme dans un fourreau, avec un petit poignard qui a aussi sa gaine. L'habit des dames est plus riche que celui des hommes. Leur caftan descend jusqu' aux talons. Ses manches sont etroites et cpurtes; mais celles de la chemise sont si longues qu' elles pendent quelquefois jusqu' a terre. Elles n' out point de souliers ni de pantoufles dans leurs maisons, mais lorsqu' elles sortent, ellks mettent de petites bottines. Au lieu de turban qui est la coiffure des hommes, elles portent une petite toque de drap d' or ou d' argent, autour de laquelle elles roulent une bande de mousseline ornee d' une riche broderie. AUTRES PARTICULARITtS RELATIVES AUX ARABES. 33. LES maisons des Arabes ne sont baties que de terre battue reduite en mortier, et mel6e d' un peu de paille. Les toits sont en terrasse. Les meubles se reduisent'4 a quelques coussins, a des coifres couverts de chagrin ou d& poil de chameau, a des nattes et des tapis, qui servent de si6ges et de tables, et a des matelas fort minces sur lesquels ils coucheut. Ils ne connaissent pas 1' usage des fourchettes ni des couteaux; mais chacun a une cuiller de bois pour prendre les closes liquides. Quand ils prennent leurs repas chacun a devant lui 1. A larges manches, with wide sleeves. 3. Joint, from joindre, varied like plainSee Less. 77, page 139. dre. See Less. 24. 2. Genoux, plu. of genou. 4. Se ridutisent d, reduce themsealves to, i, e. amount to. 16 MINE DE SALSEBRITZ. une petite assiette sur laquelle il pose les viandes qu' il prend au plat' avec la main. Chacun a la liberte de se retirer2 quand il ne mange plus, et & mesure que les convives se 16vent,3 il en succede de nouveaux. Les domestiques prennent ensuite la place des maltres. Les femmes mangent dans un lieu s6pare. Au sortir4 du repas, ils passent dans une salle, oii on leur presente des fruits, du caf6, de 1' opium, du sorbet et des pipes. On y brule dans des cassolettes, de 1' encens, de la myrrhe, et d' autres parfums, dont les convives reqoivent la fumee dans leurs habits, sur lesquels on jette aussi de l'eau de rose. Toutes ces choses se pratiquent,5 non seulement dans les repas de ceremonie, mais dans les visites. Quant aux. qualites morales des Arabes, les 6crivains ne sont pas d' accord dans le jugement qu'ils en portent,6 peut-etre parce que chacun ne parle que de ceux dont il a plus particulierement 6tudie les moeurs. On convient7 neanmoins assez generalement que les Arabes qui vivent dans les villes ont les manieres plus polies, et le caractere plus sociable. MINE DE SALSEBRITZ. 3z1. LA mine d' argent de Salsebritz en Suede presente un des plus beaux spectacles. On descend dans cette mine par trois larges bouches semblables a des puits dont on ne voit point le fond. La moitie d'un tonneau soutenu d'un cable serts d'escalier pour descendre dans ces abimes, au moyen d' une machine que 1' eau fait mouvoir. On n' est qu' a moitie dans un tonneau oui 1' on ne porte9 que sur une jambe. On a pour compagnon un satellite noir comme nos forgerons, qui 1. Au plat, from the dish. 6. Portent, put forward, express. 2. Se retirer, to withdraw himself, to 7. Convient, from convenir, to agree, retire. varied like venir, Less. 20. 3. Se l6vent, rise. 8. Sert, from servir, varied like sortir. 4. Au sortir, on going out. See Less. 29. 5. Se pratiquzent, practice th, mselves, 9. Porte, rests. i. e. are practic:ed. L'AIGLE ROYAL. 17 entonne tristement une chanson lugubre, et qui tient un flambeau a la main. Quand on est au milieu de la descente, on commence a sentir un grand froid; on entend les torrents qui tombent de toutes parts; enfin apres une demi-heure, on arrive au fond d'un gouffre; alors la crainte se dissipe,' on n' apergoit plus iien d' affreux; au contraire, tout brille. dans ces regions souterraines. On entre dans une espece de grand salon soutenu par deux colonnes de mines d' argent. Quatre galeries spacieuses viennent y aboutir. Les feux2 qui servent a eclairer les travailleurs se re6ptent3 sur 1' argent des vouftes et sur un ruisseau qui coule au milieu de la mine. On voit la des gens de toutes nations; les uns tireut des chariots, les autres roulent des pierres. Tout le monde4 a son emploi; c' est une ville souterraine; on y voit des cabarets, des maisons, des ecuries, des chevaux; mais ce qui est le plus singulier, c' est un moulin a vent5 mis en mouvement par un courant d' air. Le moulin va continuellement dans cette caverne et sert'a 6lever les eaux6 qui incommodent les mineurs. L'AIGLE ROYAL. 35. C' EST le plus grand de tous les aigles; la femelle a jusqu' a trois pieds et demi de longueur depuis le bout du bee jusqu' a 1' extremite des pieds, et plus de huit pieds et demi de vol ou d' envergure; elle pese seize et meime dix-huit livres. Le male est plus petit, et ne pese guere7 que douze livres. Tous deux ont le bee tres-fort et assez semblable a de la come bleuatre, les ongles noirs et pointus, dont le plus grand, qui est celui de derriere, a quelquefois jusqu' a cinq pouces de longueur. Cet oiseau est gras, surtout en hiver; sa graisse est 1. Se dissipe, (dispels itself) is dispelled. 4. Tout le monde, every body. 2. Feux, plu. offeu. 5. Moulin d vent, wind-mill. 3. Se rdpdtent, (repeat themselves) are 6. Eaux, plu. of eau. multiplied. 7. Ne guBre, hardly ever. 2 * 18 PREFACE TESTAMENTAIRE blanche, et sa chair, quoique dure et fibreuse, ne sent pas comme celle des autres oiseaux' de proie. L' aigle a plusieurs convenances physiques et morales avec le lion; la force et par consequent 1' empire sur les autres oiseaux, comme le lion sur les quadrupedes; la magnanimite; ils dedaignent egalement les petits animaux et meprisent leurs insultes; la temperance; 1' aigle ne mange presque jamais son gibier en entier.2 II ne se jette jamais sur les cadavres; il est encore solitaire comme le lion. L' aigle a de plus les yeux ktincelants, et a peu pres3 de la meme couleur que ceux du lion, les ongles de la meme forme, le cri egalement effrayant. Ne's tous les deux pour le combat et la proie, ils sont egalement f6roces, egalement fiers et difficiles a reduire;4 on ne peut les apprivoiser qu' en les prenant tout petits.5 PRVIFACE TESTAMENTAIRE DE M. D. CHATEAUBRIAND. 36. LES memoires a la tete desquels on lit cette preface embrassent le cours entier de ma vie; ils ont ete commences des 1' annee 1811, et continues jusqu' a ce jour. Je raconte dans ce qui est achev6, mon enfance, mon 6ducation, ma jeunesse, mon entree au service, mon arrivee a Paris, ma presentation a Louis XVI., les premieres scenes de la revolution, mes voyages en Amerique, mon retour en Europe, mon emigration en Allemagne et en Angleterre, ma rentree en France sous le consulat, mes occupations et mes ouvrages sous 1' empire, ma course a Jerusalem, mes occupations et mes ouvrages sous la restoration, enfin 1' histoire complete de cette restoration et de sa chute. J' ai rencontre presque. tous les hommes qui ont joue6 de 1. Oiseaux, plu. of oiseau. 5. Tout petits, quite small. 2 En entier, entirely. 6. Ontjou, —— have played in my time 3. A peu pros, nearly. a part. 4. Rdduire, to subjugate. DE M. DE CHATEAUBRIAND. 19 mon temps un ro1e grand ou petit a 1' etranger1 et dans ma patrie, depuis Washington jusqu''a Napoleon, depuis Louis XVIII. jusqu' a Alexandre, depuis Pie VII. jusqu' a Gregoire VI., depuis Fox, Burke, Pitt, Sheridan, Londonderry, Capo d' Istrias, jusqu' a Malesherbes, Mirabeau, etc. 37. J' ai explore les mers de 1' ancien et du nouveau monde, et fouli le sol des quatre parties de la terre. Apres avoir campe sous la hutte de 1' Iroquois et sous la tente de 1' Arabe, dans les wigwams des Hurons, dans les debris2 d' Athenes, de Jerusalem, de Memphis, de Carthage, de Grenade, chez3 le Grec, le Turc, et le Maure, parmi les forets et les ruines; apres avoir revetu le casque4 de peau d' ours du sauvage et le cafetan de soie du Mameluck; apres avoir subi la pauvrete, la faim, la soif, et 1' exil, je nhfe suis assis,5 ministre et ambassadeur, brode d' or, bariol6e d' insignes et de rubans, a la table des rois, aux f6tes des princes et des princesses, pour retomber dans 1' indigence et essayer de la prison. J' ai 6t6 en relation7 avec une foule de personnages c6lebres, dans les armes, 1' 6glise, la politique, la magistrature, les sciences et les arts. J'ai porte le mousquet du soldat, le baton du voyageur, le bourdon8 du pelerin; navigateur, mes destinees ont eu 1' inconstance de ma voile; alcyon, j' ai fait mon nid sur les flots. Je me suis meile de paix et de guerre; j' ai signe des trait6s, des protocoles, et publi6 chemin faisant9 de nombreux ouvrages. J'ai 6te initie6 a des secrets de partis, de cour et d' etat; j' ai vu de pres les plus rares malheurs, les plus hautes fortunes, les plus grandes renommees. J' ai assist6 a des si6ges, a des congres, a des conclaves, a la reedificationl~ et a la demolition des tr6nes. 1. A 1' etranger, abroad. 6. Bariold, spangled. 2. Debris, the ruins. 7. En relation, acquainted. 3. Chez, with. 8. Bourdon, etc., staff of the pilgrim. 4. Revetu le casque, etc., put on the 9. Chemin faisant, travelling. bearskin casque. 10. R6ddification, rebuilding. 5. Je me suis assis, I have sat down; from s' asseoir. 20 LA REGIME VEGETAL. Je n' ai plus autour de moi que quatre ou cinq contemporains d' une longue renommee. Alfiere, Canove et Monti ont disparu; les talents de la patrie de Dante sont condamnes au silence, ou forces de languir en terre etrangere. Lord Byron et M. Canning sont morts' jeunes; Walter Scott nous a laisses; Goethe nous a quitt6s rempli de gloire et d' annees. LA R-GIME VaGIETAL. 38. LEs peuples qui vivent de vegetaux sont, de tous les hommes, les plus beaux, les plus robustes, les moins exposes aux maladies et aux passions, et ceux dont la vie2 dure plus long-temps. Tels sont en Europe une grande partie des Suisses. La plupart des paysans, qui sont par tout pays3 la portion du peuple la plus saine et la plus vigoureuse, mangent fort peu4 de viande. Les Russes ont des careimes et des jours d' abstinence multiplies, dont leurs soldats mpmes ne s' exemptent pas,5 et cependant ils resistent a toutes sortes de fatigues. Les negres qui supportent, dans les colonies, tant de travaux, ne vivent que de6 manioc, de patates et de mais. Les Brames des Indes qui vivent frequemment au-dela d' un siecle, ne mangent que des veg6taux. C' est de la secte Pythagorique que sont sortis7 Epaminondas si c61lebre par ses vertus, Archytas par son genie pour les mecaniques, Milon de Crotone par sa force, et Pythagore lui-meme le plus bel homme de son temps, et sans contredit le plus 6clair6, puisqu' on lui donne le titre de peire de la philosophic chez les Grecs. Le regime veg6tal comporte avec lui plusieurs vertus et n' en excluts aucune; il influe heureusement sur la beaute du corps et sur la tranquillite de 1' &me. Ce regime prolonge 1' enfance et par consequent 1. Sont morts, died. 6. Ne vivent que de, live only on. 2. Doent la vie, whose life. 7. Sont sortis, have come forth. 3. Par toutpays, in every country. 8. Exclut, from exclure, varied like con. 4. Fort peu, very little. clure. See Less. 78. 5. Ne s' exemptent pas, are not exempt. DIALOGUE. 21 la vie humaine. I1 ne convient pas moins' une nation guerri~re qu'' une nation agricole. DIALOGUE ENTRE UN PRICEPTEUR ET SON ELEYE. 39. P. JE vais vous montrer les points cardinaux sur une carte de g6ographiet. Voyez-vous cette carte? Le cot6 qui est tout en haut,2 on appelle le nord ou le septentrion; celui qui est tout en bas,3 on appelle le sud on le midi; celui qui est & votre main droite, on appelle 1' est ou l' orient; et celui qui est a votre main gauche, on appelle l' ouest ou I' occident. E. Pourquoi, mon precepteur, cette carte est-elle de quatre couleurs. P. Pour marquer ce qui est terre d' avec ce qui est eau, et pour distinguer les quatre principales parties du monde, qu' on appelle 1' Europe, 1' Asie, 1' Afrique et l'Amerique. L' Europe est au nord, 1' Asie est a 1' est, 1' Afrique est au sud, et 1' Am6rque est a 1' ouest. E. Je. crois que cela est fort joli de connaitre les cartes. Voulez-vous bien4 me la laisser encore regarder, et me dire ce que toute cette 6criture et ces lignes signifient? P. Volontiers, mon ami. On'appelle 1' 6tude de la carte la GeJographie. Vous voyez cette grande 6tendue d' eau, c' est la mer. Tous ces petits morceaux de terre qui sont environnes d' eau de tous c6t6s, on appelle des les. Ce grand morceau qui ne touche a 1' eau que par un c6t6 est un continent. On nomme cet autre morceau qui, environn6 par la mer, touche au continent par un petit morceau, presqu' ile; cette pointe qui s' avance dans 1' eau, nous appellons un cap. Comprenez-vous bien cela, mon ami? E. A merveille,5 Monsieur. Une ile est une terre absolu1. Carte de gdographie, map. 4. Voulez-vous hien, wvill you please. 2. Tout en hoat, at the top. 5. A merveille, admirably well. 3. Toot en bas, at the bottom. 22 GROTTE MERVEILLEUSX D'ANTIPAROS. ment environnee d' eau; une presqu' ile a un petit coin hors de l' eau, et elle tient' par ce petit morceau de terre & cette autre grande terre que vous appelez continent. GROTTE IERVEILLEUSE D'ANTIPAROS. 40. ANTIPAROS, ainsi nomm6e parce qu' elle est a' opposite2 de Paros, n' a que cinq lieues de circonftrence; le pays est assez bien cultive, mais le vin et le coton sont presque ses seules richesses. On y voit une fameuse grotte qu' on regarde comme une des plus grandes merveilles de la nature. Une caverne rustique lui sert d' entree. Cette caverne est partagde naturellement en deux caves par quelques masses de pierre semblables a des tours, sur la plus grosse desquelles on lit une inscription grecque3 fort antique. On descend de cette caverne, avec des echelles ou avec des cordes, dans plusieurs precipices qui ont cent cinquante brasses de profondeur, et apres cela on arrive a la grotte dont la hauteur est d' environ quarante brasses, et la largeur de cinquante. La route est couverte en plusieurs endroits de masses en relief, les unes herissees de pointes, ]es autres arrondies regulierement, d' ou pendent des grappes, des festons et des especes de lances d' une longueur extraordinaire. Les c6tes de la grotte paraissent ornes de rideaux transparents, qui s' etendent dans tous les sens,4 et qui laissent quelques vides en forme de tours creuses et cannelees, qui semblent etre autant de cabinets pratiques5 autour de cette salle. Toutes ces merveilleuses congelations sont de marbre blanc et transparent qui casse comme le crystal, et qui rend un son clair lorsqu'on frappe dessus. Vers 1' entree de la grotte, sur la crete d' une petite roche, on voit quelque colonnes semblables a des troncs d' arbres. L' objet le plus frappant est une pyramide isolte, 1. Tient, (holds) joins on. 4. Sens, directions. 2. A l' opposite, opposite. 5. Pratiquzs, wrought. 3. Grecque, fem. of Grec. LE MANGLE ET LE MANIOC. 23 haute de vingt-quatre pieds' cannelee, dans toute sa longueur, et chargee d' ornements en forme de gros bouquets d' une blancheur 6blouissante, bouquets aussi beaux et aussi finis que ceux qui sortent des mains de 1' ouvrier. LE MANGLE ET LE MANIOC.2 41. LE mangle ou manglier est un arbre qui croit dans les Indes occidentales, principalement aux les Antilles, vers 1' embouchure des rivieires. 1)e ses rameaux flexibles, dit M. de Bomaire, partent des paquets de filaments qui descendent jusqu' a terre, y prennent racine, et croissent3 de nouveau en arbres aussi gros que celui d' ou ils sortent. Ceux-ci se multiplient de la meme maniere. Un seul arbre peut devenir la souche4 d' une foret entiiere. Dans 1' ile de Cayenne, les marais sont couverts de mangles. Les hultres s' attachent aul pied et aux branches pendantes de cet arbre. Des huitres y deposent leur frai5; la posterite y adhere aussi, grossit, et dans le flux et reflux se trouve alternativement dans 1' eau ou suspendue aux branches dans 1' air. On trouve aussi en Amerique un arbrisseau dont la racine produit un poison tres-subtil. Cet arbrisseau est le manioc. I1 a de trois pieds jusqu' & huit & neuf de hauteur. Sa racine mangee crue est un poison mortel; mais lorsqu' elle est dessech6e et preparee, on en retire une farine avec laquelle on fait une sorte de pain appele cassave. L' essentiel6 est d' enlever a cette racine un lait qui est un veritable poison. Ce lait a la blancheur et 1' odeur du lait d' amande. En le laissant deposer7 on obtient une substance blanche et nourrissante, que 1' on trouve au fond du vase et qu' on lave plusieurs fois avec de 1. Haut de vingt-quatre pieds, (high by 3. Croissent, from croitre, p. 783. twenty-four feet) twenty-four feet 4. La souche, the stock. high. 5. Frai, spawn. 2. Le mangle et le manioc, the man- 6. L' essentiel, the mgrove-tree and the manioc. 7. Ddposer, to deposit 24 LE SERPEN'T A SONNETTE. 1' eau. Cette fecule a 1' apparence de 1' amidon le plus blanc. On 1' appelle moussache. LE SERPENT A SONNETTE1. 42. LE serpent a sonnette parvient2 quelquefois a la longueur de six pieds, et sa circonf6rence est alors de dix-huit pouces. Sa tete aplatie est couverte, aupres du museau, de six ecailles plus grandes que leurs voisines.3 Les yeux paraissent etincelants et luisent meme dans les tenebres; ils sont garnis d' une membrane clignotante.4 La gueule presente une grande ouverture. La langue est noire, deliee,5 partagee en *deux, et presque toujours l'animal 1' tend et l'agite avec vitesse. Les deux os qui forment les deux c6tes de la machoire inf6rieure ne sont pas reunis par devant, mais s6par6s par un intervalle assez considerable, que le serpent peut agrandir lorsqu'il etend la peau de sa bouche pour avaler une proie volumineuse. Sa queue est terminee par un assemblage d' 6cailles sonores qui s' emboitent6 les unes dans les autres, et qui composent la sonnette. Les parties des cette sonnette etant tres-seches, posees les unes sur les autres et ayant assez7 de jeu pour se frotter mutuellement lorsqu' elles sont secouees, iil n' est pas surprenant qu'elles produisent un bruit assez sensible; ce bruit qui ressemble a celui du parchemin qu' on froisse, peut etre entendu a plus de soixante pieds de distance. Ce serpent est d' autant plus8 a craindre que ses mouvements sont souvent tres-rapides; en un clin d' ceil il se replie en cercle, s' appuie sur sa queue, se pr6cipite comme un ressort qui se debande,9 tombe sur sa proie, la blesse, et se retire pour 6chaper a la vengeance de son ennemi. Ce funeste reptile habite presque toutes les contrees du Nouveau-Monde. 1. Le serpent d sonnette, (the serpent 6.' emnboitent, fit. with a rattle) the rattle snake. 7. Assez, etc., sufficient play to strike 2. Parvient, attains. each other. 3. Voisines, neighbors (i. e. neighboring 8. D' autant plus, etc., so much the more scales.) to be feared. 4. Cliinotante, winkig. 9. Se dgbalde. extends itself. 5. DeliOe, slendler. LE TAGE. 25 LE TAGE.' 43. Au nom de ce fleuve tant celebre par les poetes, 1' imagination se retrace les plus riants tableaux; elle se figure des rives enchanteresses2 form6es par de longues prairies 6maillees3 des fleurs les plus odorantes;.elle erre d6licieusement exaltee sous 1' ombrage aromatique d' arbres epais dont les rameaux, enlac6s a ceux du laurier d' Apollon, se courbent sous le poids de leurs pommes d' or. L' haleine de vents tempe6rs, plus doux que le zephir meme, y caresse un 6ternel feuillage, et la mobile surface d' une onde cristalline, qui roule dans ses molles4 sinuosit6s les paillettes d' or pur qui en forment 1' arene. Au murmure suave de ce nouveau Pactole se mele encore 1' harmonieux concert que forment mille brillants oiseaux par6s du plus riche plumage. De gracieuses bergeres, d' heureux bergers conduisent dans cet heureux sejour d' eblouissants troupeaux, dont on n' exige que le lait superflu ou 1' abondante toison en dedommagement5 des soins qu' on leur donne, et qui n' ont a craindre ni le couteau du boucher, ni la dent cruelle des loujps dcevorants. Les animaux f6roces sont inconnus dans ces lieux paisibles; leur approche n' appelle jamais au combat le chien fidele, qui ne veille a la garde des moutons et des brebis que6 pour donner a son maitre le temps de chanter de constantes amours, auxquelles ne se mele jamais P inquietude ou la jalousie. Mais que la realite est loin7 de la pompeuse reputation que, depuis les Romains jusqu' a nos jours, on se plait a donner au plus triste des fleuves! Des bords arides, un lit generalement torrentueux, embarrasse et retreci,8 des eaux jaunatres presque continuelleme nt bourbeuses, voila ce qui caracterise v6ritablement ce Tage, qui par1. Tage, Tagus. 5. En dddonmmnage ment, in compensation. 2. Enchanteresses, enchanting. 6. Ne que, watches only. 3. Emaillees, enamelled, 7. Que loin, how far. 4. MAllee, fem. of mou. 8. Rdtrici. contracted. 26 LE PRINTEMPS DE LA GRECE. court une campagne ordinairement depouille6e, seche, abandonnee. Le vautour seul, entre les oiseaux carnassiers habitants de 1' austere vall6e, y dominc les airs, en menacant des bandes maljlropres de m&rinos, guid6es par des patres1 plus malpropres encore, malheureux et grossiers compagnons des animaux qu' ils d6fendent, non-seulement contre les loups, mais encore contre les nombreux lynx dont les monts de Gredos et les monts Lusitaniques sont tout remplis. Nulle partie de 1' Espagne n' est plus sauvage ni plus pauvre que celle qu' on feint etre la plus riante et la plus riche, et quelques points un peu moins d6sherites2 de la nature, qu' on rencontre qa et la le long du fleuve, ne peuvent lui meriter ce nom de Tage dore et cette celebrite qu' on lui donne, quand on adlopte comme des verit6s les exag6rations des poetes. LE PRINTEMPS SOUS LE BEAU CIEL DE LA GRItPCE, 44. DANS 1' heureux climat que j' habite le printemps est comme 1' aurore d' un beau jour; on y jouit des biens qu' il amene, et de ceux qu' ii promet. Les feux du soleil ne sont plus obscurcis par des vapeurs grossieres, ils ne sont pas encore irrit6s par l' aspect ardent de la -canicule.3 C' est une lumiere pure, inalterable, qui se repose4 doucement sur tous les objets; c' est la lumiere dont les dieux sont environnes dans 1' Olympe. Quand elle se montre a 1' horizon, les arbres agitent leurs feuilles naissantes, les bords de 1' Ilisus retentissent du chant des oiseaux, et les echos du mont Hymette,6 du son des chalumeaux rustiques. Quand elle est pres de s' eteindre, le ciel se couvre de voiles etincelants, et les nymphes de l'Attique vont d' un pas timide essayer sur le gazon des danses 16geres: mais bientBt elle se hate d' eclore; et alors 1. P&tres, (pasturers) shepherds. 4. S'e repose, rests. 2. Ddshdritds, (disinherited) abandoned. 5. Olym)e, Olympus. 3. La canicule, the dog-star. 6. Hymette, Hymettus. DESCRIPTION DU CLIMAT DU LABRADOR. 27 on ne regrette ni la firalcheur de la nuit qu' on vient de perdre,' ni la splendeur du jour prcedlent; il semble qu' un nouveau soleil s' el6ve sur un nouvel univers, et qu' il apporte de 1' orient des couleurs inconnues aux mortels. Chaque instant ajoute un nouveau trait aux beautes de la nature; a chaque instant le grand ouvrage du d6veloppement des etres avance vers sa perfection. O jours brillants! o nuits delicieuses! quelles 6motions excite dans mon ame cette suite2 de tableaux que vous offiez3 a tous mes sens! O dieu des plaisirs! 6 printemps! je vous vois cette annee dans toute votre gloire; vous parcourez en4 vainqueur les campagnes de la Gr6ce, et vous detachez de votre tiete les fleurs qui les embellissent; vous paraissez dans les val16es, elles se changent en prairies riantes; vous paraissez sur les montagnes, le serpolet et le thym exhalent mille parfums; vous vous elevez dans les airs, et vous y repandez la s6renite de vos regards. Les amours empresses accourent5 a votre voix; ils lancent6 de toutes parts des traits enflammes; la terre en est embrasee. Tout renait pour s' embellir; tout s' embellit pour plaire. DESCRIPTION DU CLIMAT DU LABRADOR. 45. LE froid est si excessif dans ce climat pendant 1' hiver que 1' eau-de-vie, m6me 1' esprit de vin gelent; mais cette derniere liqueur ne prend qu' une consistance semblable a 1' huile. Lorsqu' on pose la main sur quelque surface unie et solide elle s' y attache7 aussit6t. Si en buvant on n' evite pas de toucher au vase avec les levres, la peau y reste attach6e. Ce froid excessif dure depuis le mois de Septembre jusqu' au mois de 1. Vient de perdre, has just lost. See 5. Les amours empressds accourent, the Less. 69. eager loves hasten. 2. Suite, succession. 6. Ils lancent, etc., they send fr,m all 3. Offrez, from ffrir, varied like ouvrir. parts their inflamed darts. See I,ess. 39. 7. S' y attache, (attaches itself) becomes 4. En, as. See less. 88. attached to it. 28 DESCRIPTION DU CLIMAT DU LABRADOR. Juin. I1 fait fendre les montagnes, detache de leur sommet des rochers enormes qui roulent au bas avec un fracas terrible, et entrainent avec eux des glaqons' encore plus gros. Cet horrible pays offie aux yeux de ceux qui ont la hardiesse d' y aller le spectacle le plus terrible, et en meme temps le plus majestueux; des montagnes d' une hauteur prodigieuse, toutes couvertes de glaces; des rochers d' une enorme grosseur, couverts de glaqons suspendus les uns2 aux autres, et tout prets a crouler;3 d' autres d6tach6s des montagnes, et arretes au milieu; enfin la terre couverte par une multitude de ces rochers qui sont entass6s4 les uns sur les autres; de toutes parts on voit les d6bris de la nature. On voit assez souvent des parhelies,5 ou faux soleils autour du soleil mrore, aussi bien que de la lune. Ils sont quelquefois environnes de cercles tres-lumineux qui ont toutes les couleurs de 1' arc-en-ciel. Le soleil forme presque tous les jours au-dessus de lui un grand cone d' une lumiiere jaune. Aussitot que cet astre disparalt, une aurore boreale repand sur 1' atmosphere une multitude de lumieres de diverses couleurs; elles sont si eclatantes qu' elles couvrent6 celle de la lune lors meme qu' elle est dans son plein. On lit treis-facilement a la clarte de ces aurores. Sonvent on voit tout-a-coup7 au milieu de la nuit, dans le temps le plus serein, des nuages d' une blancheur admirable, et, m6me quand ii ne fait aucun vent, ils volent avec tant d' agilit6 qu' ils prennent dans 1' instant toutes sortes de figures. I1 parait au travers de ces nuages une lumiere tres-6eclatante. Ils s' 6tendent, se ramassent et disparaissent a 1' instant; plus les nuits sont obscures, plus les effets de cette de lumieire sont admirables. 1. Glagons, masses of ice. 5. Parhdlies, mock suns. 2. Les uns, etc., to each other. 6. Couvrent, overspread. 3. Crouler, to give way. 7. Tout-d-coup, all on a sudden. 4. Entasses, heaped. See Less. 84. LE LEZARD GRIS. 29 LE LItZARD GRIS. 46. LE 1lzard gris parait etre le plus doux, le plus innocent, et 1' un des plus utiles des lezards. Ce joli petit animal, si commun dans le pays oui nous ecrivons, et avec lequel tant de personnes ont joue dans leur enfance, n'a pas requ de la nature un vetement aussi eclatant que plusieurs autres quiadrupedes ovipares; mais elle lui a donne une parure 616gante; sa petite taille' est svelte, son mouvement agile, sa course si prompte qu' il echappe2 1' ceil aussi rapidement que 1' oiseau qui vole. II aime h recevoir la chaleur du soleil; ayant besoin d' une temp6rature douce, il cherche les abris, et lorsque, dans un beau jour de printemps, une lumiiere pure eclaire vivement un gazon en pente3 ou une muraille qui augmente la chaleur en la r6fi6chissant, on le voit s' 6tendre sur. ce mur ou sur 1' herbe nouvelle, avec une espece de volupte. I1 se pe6netre4 avec delices de cette chaleur bienfaisante, ii marque son plaisir par de molles ondulations de sa queue d6eliie; il fait briller ses yeux vifs et anim6es; il se precipite comme un trait pour saisir une petite proie et pour trouver un abri plus commode. Bien5 loin de s' enfuir a 1' approche de 1' homme, il parait le regarder avec complaisance; mais au moindre bruit qui' effraye, a la chute seule d' une feuille, il se roule, tombe, et demeure pendant quelques instants comme etourdi par sa chute; ou bien6 il s' elance, disparait encore, et d6crit en un instant plusieurs circuits tortueux que P ceil a de la peine7 a suivre, se replie plusieturs fois sur lui-meme, et se retire enfin dans quelque asile, jusqu''a ce que sa crainte se dissipe 1. Taille, etc., his little form is slender. 6. Ou bien, or perhaps. 2. Echappe dl'ceil, escapes from the eye. 7. A de la peine, (has trouble) can 3. En pente, (on a slope) sloping. hardly. 4. 1n se pnd!?re. he is penetrated. 8. Se replie, folds himself up. 5,. Bien loin de s'enfauir, far from flying. 3* 30 DE LA GAITE. DE LA GAITT. 47. LA gaite est le don le plus heureux de la nature; c' est la maniere la plus agr6able d? exister pour les autres et pour soi; elle tient lieu'd' esprit dans la societe et de compagnie dans la solitude. Elle est le premier charme de la jeunesse, et le seul charme de 1' age avance. Elle est oppos6e a la tristesse, comme la joie 1' est au chagrin. La joie et le chagrin sont. des situations, la tristesse et la gaite sont des caracteres; et c' es t ainsi qu'il arrive a 1' homme gai d' etre accable de chagrin. On trouve rarement la galt6 ofu n'est pas la sant6. La veritable galte semble circuler dans les veines avec le sang et le vie. Elle a souvent pour compagnes 1' innocence et la liberte. Celle qui n' est qu'exterieure est une fleur artificielle qui n' est faite que2 pour tromper les yeux. La gaite doit presider aux plaisirs de la table, mais il suffit,3 souvent de 1' appeler pour la faire fuir. On la promet partout, on 1' invite a tous les soupers, et c' est ordinairement 1' ennui qui vient. Le monde est plein de mauvais plaisants, de froids bouffons, qui se croient gais parcequ' ils font rire. Si je dois peindre en un seul mot la gaite, la raison, la vertu et la volupte r6unies, il faut les appller philosophie. ERUPTION DU VESUVE. 48. LE feu du torrent est d'une couleur funebre; neanmoins quand il brule les vignes ou les arbres, on en voit sortir une flamme claire et brillante; mais la lave meme4 est sombre, telle qu' on se represente un fleuve de 1' enfer; elle roule lentement comme un sable noir de jour et rouge la nuit.5 On 1. Elle tient lieu de, it holds the place of. call her is sufficient to make her 2. Qui n' estfaite que, which is made fly. only. 4. La lave meme, the lava itself. 3. Mais il sufit, etc., but frequently to 5. La nuit, in the night. ERUPTION DU VESUVE. 31 entend, quand elle approche, un petit bruit d' 6tincellesl qui fait d'autant plus de peur qu'il est l6ger, et que la ruse2 semble se joindre a la force: le tigre royal arrive ainsi secretement a pas comptes. Cette lave avance, avance sans jamais se hater et sans perdre un instant; si elle rencontre un mur 61eve, un edifice quelconque qui s' oppose a son pas.age, elle s' arrete, elle anmoncelle3 devant 1' obstacle ses torrents noirs et bitumineux, et 1' ensevelit enfin sous ses vagues brfulantes. Samarche n' est point rapide, et les hommnes peuvent fuir devant elle; mais elle atteint,4 comme le temps, les imprudents et les vieillards qui, la voyant venir lourdement et silencieusement, s' imaginent qu' ii est aise de lui 6chapper. Son eclat est si ardent.que pour la premiere fois la terre se reflechit dans le ciel, et lui donne 1l'apparence d'un eclair continuel:5 ce ciel a son tour, repete dans la mer, et la nature est embrasee par cette triple image du feu. Le vent se fait entendre et se fait voir par des tourbillons de flammes dans les gouffres6 d' ou sort la lave. On a peur de ce qui se passe au sein de la terre, et 1' on sent que d' 6tranges fureurs la font trembler sous nos pas. Les rochers qui entourent la source de la lave sont couverts de soufre, de bitume dont les couleurs ont quelque chose d'infernal. Tout ce qui entoure le volcan rappelle 1' enier, et les descriptions de poetes sont sans doute emprunt6es de ces lieux. LE SERIN ET LE ROSSIGNOL. 49. Si le rossignol est le chantre des bois, le serin est le musicien de la chambre; le premier tient tout de la nature, le second participe a nos arts: avec moins de force d'org'ane, moins d' etendue dans la voix, moins de varie6t dans les sons, le 1. D' dtincelles, of sparks. 4. Elle atteint, it overtakes. 2. Que la ruse, etc., as stratagem seems 5. Eclair continuel, continual lightning. to be joined to force. 6. Gouffres, abysses. 3. Elle anzoncelle, it heaps up. 32 LE ROSSIGNOL. serin a plus d'oreielle, plus de facilite d' imitation, plus de memoire et, comme la diff6rence du caractere, surtout dans ces animaux, tient de tres-presl a celle qui se trouve entre leurs sens, le serin, dont 1' ouie est plus attentive, plus susceptible de recevoir et de conserver les impressions 6trangeres,2 devient aussi plus social, plus doux et plus familier. I1 est capable de connaissance et meime d' attachement; ses caresses sont aimables, ses petits depits innocents, et sa colere ne blesse ni n' offense. Ses habitudes naturelles le rapprochent3 encore de nous: il se nourrit de graines, comme nos autres oiseaux domestiques; on 1' eleve plus ais6ment que le rossignol, qui ne. vit que de chair ou d' insectes, et qu' on ne peut nourrir que de mets prepares. Son education plus facile est aussi plus heureuse. On 1' le5ve avec plaisir, parce qu'on l'instruit avec succes; il quitte la melodie de son chant naturel pour se pr'ter a 1' harmonie de nos voix et de nos instruments; il applaudit, il accompnagne, et nous rend4 au-dela de ce qu' on peut lui donner. Le rossignol plus fier de son talent semble vouloir le conserver dans toute sa purete; au moins parait-il faire assez peu de cas5 des n6tres, ce n' est qu' avec peine qu' on lui apprend a repeter quelques-unes de nos chansons. Le serin peut parler et siffler; le rossignol meprise la parole autant que le sifflet, et revient sans cesse a son brillant ramage. Son gosier6 toujours nouveau est un chef-d' ceuvre7 de la nature auquel 1' art humain ne pent rien changer ni ajouter; celui du serin est un module de graces, cl'une trempe8 moins ferme, que nous pouvons modifier. L'un a donc bien plus de part9 que l'autre aux agrements de la societe. Le serin chante en tout temps; il nous recree dans les jours les plus sombres; il contribue mime 1. Tient de tri7s-prs, is very similar. 6. Son gosier, his pipe. 2. Etrangdres, foreign. 7. Chef-d' euvre, master-piece. 3. Le rapprochent, bring him near. 8. Trempe, temper. 4. Nous rend, etc., gives back to us be- 9. Bien plus de part, a much greater yond what we can give him. part. 5. Faire assez peu de cas, to make sufficiently light. L'OISEAU-MOUCHE. 33 a notre bonheur, cal il fait 1' amusement de toutes les jeunes personnes et charme les ames innocentes et captives. L'0I SEAU-MOUCHE.1 50. DE tous les Btres animes, voici2 le plus elegant pour la forme, et le plus brillant pour les couleurs. Les pierres et les m6taux polis par notre art, ne sont pas comparables a ce bijou de la nature; elle 1' a place dans 1' ordre des oiseaux au dernier degr6 de 1' echelle3 de grandeur; son chef-d' euvre est le petit oiseau-mouche; elle l'a combl6 de tous les dons qu' elle4 n' a fait que partager aux autres oiseaux; 16gerete, rapidite, prestesse, grace et riche parure, tout appartient a ce petit favori. L' Bmeraude, le rubis, la topaze brillent sur ses habits; il ne les souille jamais de la poussiere de la terre, et dauns sa vie tout a6rienne, on le voit a peine toucher le gazon par instants; il est toujours en 1' air, volant de fleurs en fleurs; il a leur fraicheur comme il a leur 6clat; il vit de leur nectar, et n' habite que les climats ofu sans cesse elles se renouvellent. C' est dans les contrees les plus chaudes du Nouveau-Monde que se trouvent toutes les especes d' oiseaux-mouches; elles sont assez nombreuses, et paraissent confinees entre les deux tropiques, car ceux qui s' avancent en ete dans les zones temp6rees n'y font qu'un court sejour: ils semblent suivre le soleil, s' avancer, se retirer avec lui, et voler sur 1' aile des zephyrs a la suite5 d' un printemps 6ternel. Les Indiens, frapp6s de 1' 6clat et du feu que rendent les couleurs de ces brillants oiseaux, leur avaient donne les noms de rayols, ou cheveux du soleil. Les petites especes de ces oiseaux sont au-dessous de la grande mouche-asyle6 (le taon) pour la grandeur, et du bourdon7 pour la grosseur. Leur bee 1. L' oiseau-mouche, the humming-bird. 5. A la suite, in the retinue. 2. Voici, this is. 6. Mouche-.asyle, ox-fly. 3. De 1' &ehelle, etc., of the scale of size. 7. Bourdon, etc., the drone-bee in thick. 4. Qu' elle, etc., which she has only had ness. distributed. 34 3L OISE AU-MOUCHE. est une aiguille fine, et leur langue un fil delie; leurs petits yeux noirs ne paraissent que deux points brillants; les plumes de leurs ailes sont si delicates qu' elles en' paraissent transparentes. A peine aperqoit-on leurs pieds, tant ils sont courts et menus;2 ils en font peu d' usage, ils ne se posent que pour passer la nuit, et, se laissent pendant le jour emporter dans 1' air; leur vol est continu, bourdonnant et rapide: on compare le bruit de leurs ailes a celui d' un rouet. Leur battement3 est si vif que 1' oiseau s'arretant dans les airs parait non seulement immobile, mais tout-a-fait sans action; on le voit s' arrfter ainsi quelques instants devant une fleur, et partir comme un trait pour aller a une autre; il les visite toutes, plongeant sa petite langue dans leur sein, les flattant de ses ailes, sans jamais s' y fixer, mais aussi sans les quitter jamais. 51. I1 ne presse ses inconstances que pour mieux suivre ses amours et multiplier ses jouissances innocentes, car cet amant leger des fleurs vit a leur depens sans les fl6trir, il ne fait que pomper leur miel, et c' est a cet usage que sa langue *parait uniquement destin6e; elle est compos6e de deux fibres creuses, formant un petit canal, divis6 au bout4 en deux filets; elle a la forme d' une trompe dont elle fait les fonctions: 1' oiseau la darde hors de son bee, et la plonge jusqu' au foTld du calice des fleurs pour en tirer les sues. Rien n'. gale la vivacite de ces petits oiseaux, si ce n' est leur courage ou plut6t leur audace. On les voit poursuivre avec fuirie des oiseaux vingt fois plus gros qu' eux, s' attacher a leui' corps, et se laissant emporter par leur vol, les becqueter'5 coups redoubles. L'impatience parait. etre leur ame: s'ils s' approchent d'une fleur, et qu'il la trouvent fanee, ils lui arrachent les petales avec une precipitation qui marque leur depit. Le nid qu'ils construisent repond a la d6licatesse de leur corps; il est fait d' un coton fin ou d' une bourre soyeuse6, 1. Qu' elles en, etc., that they appear 4. Au bout, at the end. transparent from it, i. e. from their 5. Les becqueter, etc., to peck them with delicacy. repeated blows. 2. Tant, they are so short-and small. 6. Bourre soyeiuse, silken hair. 3. Batternent, clapping. UNE LECON DE GEOGRAPHIE. 35 recueillie sur des fleurs; ce nid est fortement tissu et de la consistance d' une peau douce et epaisse; la femelle se charge de 1' ouvrage, et laisse an male le soin d' apporter les materiaux; on la voit empressee a ce travail cheri, chercher, choisir, employer brin a brin' les fibres propres a former le tissu de ce doux berceau de sa progeniture: elle en polit les bords avec sa gorge, le dedans avec sa queue; elle le revet2 i 1' ext6rieur de petits morceaux d' ecorce de gommiers, qu' elle colle alentour,3 pour le d6fendre des injures de 1' air autant que pour le rendre plus solide; le tout est attach6'a deux feuilles ou'a un seul brin d'oranger, de citronnier, ou quelquefois'a un f6tu qui pend de la couverture de quelque case. Ce nid n' est pas plus gros que la moiti6 d' un abricot, et fait de meme en demicoupe;4 on y trouve deux ceufs tout blancs et pas plus gros que de petits pois; le male et la femelle les couvent tour-a-tour5 pendant douze jours; Ies petits eclosent' au treizieme jour, et ne sont alors pas plus gros que des mouches. "Je n' ai jamais pu remarquer," dit le P. Dutertre, " quelle sorte de becquee la mere leur apporte, sinon qu' elle leur donne A sucer la langue encore toute emmielle6e du suc tir6e des fleurs." UNE LE0ON DE GEOGRAPHIE. 52. LA France est, a tout prendre,j le plus beau pays de 1' Europe; car il est tres-grand, tres-riche, et tres-fertile; le climat est admirable, et il n' y fait jamais trop chaud, comme en Italie et en Espagne, ni trop fioid, comme en Suede et en Danemarc. Ce royaume est borne au nord par la mer qui s' appelle la Manche;7 au sud par la mer Mediteranneie. La France n' est separee de 1' Italie que par les Alpes, qui sont de grandes montagnes, couvertes de. neige la plus grande partie 1. Brin d brisn, blade by blade. 5. Tour-d-tour, by turns. 2. Le revet, etc., she coats it on the out- 6. A tout prendre, all things considered. side. 7. Manche, the British Channel, (called 3. Colle alentour, glues around. in French The Sleeve.) 4. Demi-cowpe, half Ulo. UN E IECON DE GEOGRAAFIIE, de 1'ann6e; et les monts Plyrenees, qui sent encore de grandes montagnes, la separent de 1' Espagne. Les Franqais, en ge6nral, ont beaucoup d' esprit; ils sent aussi tres-braves. La Picardie est une des provinces septentrionales de la France; c' est un pays ouvert qui ne produit presque que des bles. Sa capitale est Amiens. I1 y a encore Abbeville, ville considerable a cause de' la manufacture de draps qui y est 6tablie; et Calais, assez bonne ville et port de mer. Quand on va d' Angleterre en France, c' est la que 1' on d6cbarque ordinairement. La Normandie est jointe a la Picardie; ses plus grandes villes sent Rouen et Caen. I1 y croit2 une infinite de pommes dont on fait du cidre: car pour du vin,3 on n' y en fait guere, non plus qu' en Picardie; parce qu' 6tant trop au nord, les raisins ne deviennent pas assez mnirs. Les Normands sent fameux pour les proces et la chicane. Ils ne r6pondent jamais directement a ce qu' on leur demancde; de sorte qu' il4 est passe en proverbe, quand un h!omme ne repond pas directement, de dire, qu' il r6pond en5 normand. Paris, la capitale de tout le royaurne, est dans 1'Ile-deFrance; elle est situ6e sur la riviere de la Seine. C' est une grande ville, mais pas si grande que Londres. Reims est la principale ville de la Champagne, et c'est dans cette ville que les rois de France sent couronnes. Cette province fournit le mleilleur vin du royaume, le vin de Champagne. La Bretagne est partag6e en Haute et Basse. Dans la Haute se trouve la ville de Nantes, ou 1' on fait d' excellente eau-de-vie; et la ville de St.-Malo qui est un bon port de mer. 53. II y a dans 1' Orleannais plusieurs grandes et belles villes. Orleans, fameuse a. cause de Jeanne d' Arc. I1 y a encore6 la ville de Blois, dont la situation est charmante. 1. A cause de, on account of. 4. De sorte que, so that. 2. Croit, from croTtre, to grow. 5. En, as. 3. Car pour du vin, etc.,for as to wine, 6. 11 y a encore, there is also (still.) they make hardly any of it there. UNE LECON DE GEOGRAPHIE. 37 Pres d' ici commence cette riante contree de la Touraine que les Anglais, grands connaisseurs en beautes pittoresques et en climats sains, ont baptis6 le jardin de la France. La Guienne contient plusieurs villes consid6rables, comme Bordeaux, ville tres-grande et tres-riche. Le plupart du vin qu' on boit a Londres, et qu' on appelle en anglais claret vient de Ia. On y fait grande et bonne chere,1 les ortolans et les perdrix rouges y abondent. I1 y a la ville de P6rigueux, oui i' on fait des pates d6licieux de percirix rouges et de truffes;2 celle de Bayonne, d' ot 1' on tire des jambons excellents. Les Gascons sont un peu fanfarons;3 de sorte qu' on dit d'un hoinme qui se. vante et qui est presomptueux, C' est un gascon. Le Languedoc est la province la plus meridionale de la France, et par consequent celle ouf il fait le plus chaud. Elle renferme un grand nombre de belles villes; entre autres Narbonne, fameuse par 1' excellent miel qu' on y recueille; Nimes, c6lbre a cause d' un ancien amphitheatre romain, qui y subsiste encore; Montpellier, dont 1' air est si pur, et le climat si beau, qu' on y envoie souvent les malades, meme d'Angleterre, pour se retablir. Grenoble est la ville capitale du Dauphin&. Le fils aine du roi de France, qui s'appelle toujours le Dauphin, prend le titre de cette province. La Provence est un tres-beau pays et tres-fertile. On y fait la meilleure huile, et elle en fournit a tous les autres pays. La campagne est remplie d' orangers, de citronniers, et d' oliviers. La capitale s' appelle Aix. I1 y a aussi Marseille, tresgrande et tres-belle ville, et port ce6lebre de la rner Mediterranee; c' est la que 1' on tient les galires du roi de France: les galetres sont de grands vaisseaux a rames,4 et les rameurs sont des gens condamnis pour quelcque crime a y ramer. 1. On yfait gra7de et bonne chdre, (they 2. Truffes, truffles (a kind of plant.) make there abundant and good 3. Fanfarons, boastful. cheer,) they fare richly and deli- 4. A rames, with oars. Sec Less. 77. cately. 4 38 LE MISSISSIPI. LE MISSISSIPI. 541. CE fleuve, clans un cours de mille lieues, arrose une d6licieuse contree, que les habitants des Etats-Unis appellent le nouvel Eden, et a laquelle les Frangais ont laisse le doux nom de Louisiane. Mille autres fleuves tributaires du Mississipi, le Missouri, 1' Illinois, 1' Arkanzas, 1' Ohio, le Wabache, le Tennessee; 1' engraissent de leur limon et la fertilisent de leurs eaux. Quand tous ces fleuves se sont gonflesl des deluges de 1' hiver, quand les tempetes ont abattu des pans2 entierds de forets, le Temps assemble sur toutes les sources les arbres deracines; il les unit avec des lianes,3 il les cimente avec des vases,4 il y plante de jeunes arbrisseaux, et lance son ouvrage sur les ondes. Charries5 par les vagues 6cumantes, ces radeaux descendent de toutes parts au Mississipi. Le vieux fleuve s' en empare, et les pousse a son embouchure pour y former une nouvelle branche. Par intervalles il 6leve sa grande voix; en passant sous les monts, il r6pand ses eaux debordees autour des colonnades des forets et des pyramides des tombeaux indiens; c'est le Nil des deserts. Mais la grace est toujours unie'a la magnificence dans les scenes de la nature; et, tancdis que le courant du milieu entraine vers la mer les cadavres des pins et des cheines, on voit, sur les deux courants lat6raux, remonter le long des rivages, des iles flottantes, dont les roses jeunes s' elevent comme de petits pavilions. Des serpents verts, des herons bleus, des flamants6 roses, de jeunes crocodiles, s' embarquent passagers sur cesvaisseaux de fleurs, et la colonie, deployant au vent ses voiles d'or va aborder, endormie, dans quelque anse7 retir6e du fleuve. 1. Se sont gonfigs, (have swelled them- 3. Lianes,,vines. selves,) have become swelled. Re- 4. Vases, slime. flective verbs always take 6tre for 5. Charrids, drifted. their auxiliary. See Les. 85. 6. Flamants, flamingoes. 2. Pans, skirts. 7. Anse, cove. LE MISSISSIPI. 39 Les deux rives du Mississipi presentent le tableau le plus extraordinaire. Sur le bord occidental, des savanes se deroulent a perte de vue; leurs flots de v.erdure en s' eloignant, semblent monter dans l' azur du ciel ou ils s' evanouissent. On voit dans ces prairies sans bornes, errer a 1' aventure2 des troupeaux de trois ou quatre mille buffles sauvages. Quelquefois un bison charge d' annees, fendant les flots a la nage,3 se vient coucher parmi les hautes herbes, dans une ile du Mississipi. A son front orn6 de deux croissants4, a sa barbe antique et limoneuse, il semble le dieu mugissant du fleuve, qui jette5 un regard satisfait sur la grandeur de ses ondes et la sauvage abondance de ses rives. 55. Telle est la scene sur le bord occidental; mais elle change tout-a-coup sur la rive opposee, et forme avec la premiere un admirable contraste. Suspendus sur le cours des ondles, groupes sur les rochers et sur les montagnes, disperses dans les vallees, des arbres de toutes les -formes, de toutes les couleurs, de tous les parfums, se melent, croissent6 ensemble, montent dans les airs a des hauteurs qui fatiguent les regards. Une multitude d' animaux, places dans ces belles retraites par la main du Createur, y repandent 1' enchantement et la vie. De l' extremite des avenues on aperqoit des ours enivres de raisins, qui chancellent7 sur les branches des ormeaux;8 des troupes de cariboux9 se baignent dans un lac; des ecureuils noirs se jouent dans 1' epaisseur des feuillages;- des oiseaux moqueurs,'0 des colombes virginiennesl' de la grosseur d' un passereau, descendent sur les gazons rougis par les fraises; des perroquets verts & tete jaune,12 des piverts empour1. A perte de vue, out of sight. 7. Chancellent, reel, from chanceler, I is 2. A I'aventure, at random. doubled. See Les. 63. 3. A la nage, by swimming. 8. Ormeaux, elms. 4. Croissants, crescents. 9. Cariboux, deer. 5. Jette, from jeter, t is doubled. See 10. Oiseaiex 7noqeiteurs, mocking-birds. Ies. 63. ]1. Colombes virginiennes, virginia 6. Croissent, from crottre, varied like doves. connatire. See Les. 24. 12. A telejaune, with yellow heads. -40 LES VOYAGES A PIED. pres, des cardinaux1 de feu grimpent en circulant au haut des cypres; des colibris etincellent sur le jasmin des Florides, et des serpents oiseleurs2 sifflent susplendus aux d6mes des bois, en s' y balanqant comme des lianes. Si tout est silence et repos dans les savanes, de 1' autre cot6 du fleuve, tout ici, au contraire, est mouvement et murmure; des coups de bec contre le tronc des chenes, des froissements d' animaux qui marchent, broutent ou broient3 entre leurs dents les noyaux des fruits, des bruissements d' ondes, de faibles mugissements, de sourds meuglements, de doux roucoulements, remplissent ces deserts d'une tendre et sauvage harmonie. Mais quand une brise vient a animer toutes ces solitudes, a balancer tous ces corps flottants, il se passe de telles choses aux yeux, que je ne peux pas decrire a ceux qui n' ont point parcouru ces champs primitifs de la nature. LES VOYAGES A PIED. 56. JE ne connais qu' une maniere de voyager plus agreable que d'aller a cheval, c' est d' aller a pied. On part a son moment, on s' arrete'a sa volonte, on fait tant et si peu d' exercice qu' on veut. On observe tout le pays; on se detourne a droite, a gauche; on examine tout ce qui nous flatte; on s' arrete a tous les points de vue. Aperqois-je une riviere, je la cbtoie;4 un bois touffu, je vais sous son ombre; une grotte, je la visite; une carriere,5 j' examine les min6raux. Partout ouf je me plais, j' y reste. A 1' instant ofu je m' ennuie, je m' en vais. Je ne depends ni des chevaux ni du postillon. Je n' ai pas besoin de choisir des clemins tout faits, des routes comnmodes; je passe partout ofu on homme peut passer; je vois tout ce qu' un homme peut voir; et ne dependant5 que de 1. Cardinauxr, cardinals, (a kind of from cstoyer, y becomes i. See Les. bird.) 79. 2. Oiseleurs, bird-catchers, 5. Carridre, a quarry. 3 Broyer, to grind. 6, Ne dipe.ndant, etc., depending only 4..Je lcO8toie, I go by its Aide: c8toie, on myself. LES VOYAGES A PIED. 41 moi-meime, je jouis de toute la liberte dont un homme peut jouir. Voyager a pied, c' est voyager comme Thales, Platon et Pythagore. J' ai peinel' comprendre commeht un philosophe peut se r6soudre' voyager autrement, et s' arracher a 1' examen des riclhesses qu' il foule aux pieds et que la terre prodigue a sa vue. Combien de plaisirs diff6rents on rassemble par cette agreable maniere de voyager! Sans compter la sante qui s' affermit, 1' humeur qui s' 6gaie2. LA MORT EST LE TERME DE TOUTES LES GRANDEURS HUMAINES. La mort est le terme ou finissent les titres les plus sp6cieux, la gloire la plus 6clataite, la vie la plus delicieuse; et je rappelle ici a mon esprit 1' action m6morable d'un prince, idolatre a la verit6, mais plus sage que beaucoup de chretiens; je parle du grand Saladin. Apres avoir asservi3 1'Egypte, aprts avoir passe 1' Euphrate et conquis des villes sans nombre, apres avoir repris Jerusalemn et fait des actions au-dessus de l'homme,4 dans ces guerres que les chretiens avaient entreprises pour le recouvrement des lieux saints, il finit sa vie par une action qui merite d' etre transmise' la posterit 5 la plus reculee. Un moment avant de rendre le dernier soupir, il appelle le heraut6 qui a coutume de porter la banniere devant lufi dans toutes les batailles; il lui commandle' attacher au bout d' une lance un morceau de ce drap dans lequel on doit bientbt I' ensevelir,7 et de crier en le deployant: "Voila, voila tout ce que le grand Saladin, vainqueur et maitre de 1' empire, emporte de toute sa gloire!" Chrtetiens, je fais 1. J' aipeine, etc., I find it difficult to 5. La posteritd, etc., the remotest pos. comprehend. terity. 2. S' 6gaie, is enlivened, y becomes i as 6. Hdraut, etc., herald who is accusabove. See les. 79. tomed. 3. Asservi, subjected. 7. Ensevelir, to shroud. 4. Au-dessus de 1' homanne, (above man, 8. Le ddployant, displaying it. i. e.) more than huiman, 42 LEVER DU SOLEIL. aujourd' hui la fonction de ce h6raut; j' attache aujourd'hui au bout d' une lance les volupt6s, les richesses, les plaisirs, les dignit6s; je vous produis tout cela, r6duit a cette piece de toile dans laquelle on doit bientot vous ensevelir; je deploie a vos yeux cet etendard de la mort, et je vous crie: "Voila, voila tous les avantages que vous pouvez emporter avec vous; voila tout ce qui peut vous rester de ce que vous pref6rez au salut de votre ame!" LEVER DU SOLEIL. 57. ON le voit s' annoncer de loin par des traits1 de feu qu'il lance au-clevant de lui. L'incendie augmente, l'orient paralt tout en flammes; a leur eclat, on attend 1' astre longtemps avant qu' il se montre; a chaque instant on croit le voir paraltre: on le voit enfin. Un point brillant part2 comme un eclair,3 et remplit aussit6t tout 1' espace; le voile des t6nebres s' efiace et tombe; l'homme reconnait4 son s jour et le trouve embelli. La verdure a pris durant la nuit une vigueur nouvelle; le jour naissant qui 1' 6claire, les premiers rayons qui la dorent, la montrent couverte d'un brillant r6seau5 de ros6e, qui r6flechit a 1' ceil la lumieire. Les oiseaux en chceur se reunissent et saluent de concert le pe.re de la vie; en ce moment pas un seul ne se tait. Leur gazouillement, faible encore, est plus lent et plus doux que dans le reste de la journee; il se sent6 de la langueur d' un paisible reveil. Le concours de tous ces objets porte aux sens une impression de fraicheur qui semble pen6trer jusqu' a 1' ame. I1 y a la une demi-heure d'enchantement auquel nul homme ne resiste: un spectacle si grand, si beau, si delicieux, l' en laisse aucun de sangfioid.7 1. Traits, shafts. 5. Rdseau, network. 2. Part, comes forth. 6. 11 se sent, it feels the effect. 3. Eclair, lightning. 7. N' en iaisse aucun de sang;froid, 4 Reconnait, knows again, leaves no one unmoved. DE L'ESPRIT DE CONVERSATION. 43 LE PAPILLON. Naitre avec le printemps, mourir comme les roses, Sur 1' aile des Zephyrs nager dans un ciel pur, Balancer sur le sein des fleurs a peine 6closes,' S' enivrer de parfums, de lumiere et d' azur, Secouant, jeune encor,2 la poudre de ses ailes, S' envoler comrne un souffle aux vofites eternelles, Voila3 du papillon le destin enchante; I1 ressemble au desir, qui jamais ne se pose, Et, sans se satisfaire, effleurant4 toute chose, Retourne enfin au ciel chercher la volupte. THE IMPERFECr TENSE in French is formed by changing ez of the second person of the indicative present into the fbllowing terminations: AIS, AIS, AIT, IONS, IEZ, AIENT, as, r J' aitmais, il amait, vous aimiez, AIME; [ I loved, he loved, you loved, tu aintais, nous aimions, ils aintaient, [ thou lovedst, we loved, they loved. Failes, however, makes faisais, etc., and ditns, disais, etc. For more on this tense, see Less. 120. DE L'ESPRIT DE CONVERSATION. 58. EN Orient quand on n' a rien a se dire,5 on fume du tabac de rose ensemble, et de temps en temps on se salue,6 les bras croises sur la poitrine, pour se donner un tdmoignage d' amitie; mais dans 1' Occident on a voulu se parler7 tout le jour, et le foyers de 1' ame s' est souvent dissipe dans ces en1. A peine closes, hardly blown. 5. On n' a rien d se dire, they have 2. Encor, poetic for encore. nothing to say to each other. 3. Voild, etc., that is the enchanted des- 6. Se salue, salute each other. tiny, etc. 7. Se parler, to speak. 4. EYfeurant, touching upon. 8. Lefoyer, the fire. 44 DE L'ESPRIT DE CONVERSATION. tretiens oi 1' amour-propre est sans cesse en mouvement pour faire effet tout de suite, et selon le gout du moment et du cercle oA 1' on se trouve. I1 me semble reconnul que Paris est la ville du monde oA 1' esprit et le gout de la conversation sont le plus gen6ralement r6pandus; et ce qu' on appelle le mal du pays,2 ce regret ind6finissable de la patrie, qui est independant des amis mremes qu' on y a laisses, s' applique3 particulierement a ce plaisir de causer, que les Franqais ne retrouvent nulle part au mesme degre que chez eux. Volney raconte que les Franqais emigr6s voulaient pendant la revolution, etablir une colonie et d6fricher les terres en Am6rique; mais de temps en temps ils quittaient toutes leurs occupations pour aller, disaient-ils, causer a la ville; et cette ville la Nouvelle-Orleans, etait a six cents lieues de leur demeure. Dans toutes les classes en France on sent le besoin de causer; la parole4 n' y est pas seulement, comme ailleurs, un moyen de se communiquer ses idees, ses sentiments et ses affaires, mals c' est un instrument dont on aime a jouer et qui ranime les esprits, comme la musique chez quelques peuples, et les liqueurs fortes chez quelques autres. Le genre de bien-etre5 que fait 6prouver une conversation anim6e ne consiste pas precis6ment dans le sujet de cette conversation; les idees ni les connaissances qu' on y peut developper n' en sont pas le principal inte6rt; c' est une certaine maniere d' agir les uns sur les autres, de se faire plaisir6 r6ciproquemnent et avec rapidite, de parler aussitot qu' on pense, de jouir a 1' instant de soi-meme,7 d' etre applaudi sans travail, de inanifester son esprit dans toutes les nuancess par 1' accent, le geste, le regard; enfin de produire a volonte, comme9 une sorte d' electricite qui fait jaillir des 6tincelles, 1. Reconnu, acknowledged. 6. De se faire plaisir, of pleasing each 2. Le mnal du pays, (the sickness for other. one's country,) home sickness. 7. De soi-nz0rne, with one's self. 3. S' applique, applies. 8. Dans toutes les 2nuances, in all its 4. Laparcole, speechl. shades. 5. B'en~ d!re, (weli-being,) enjoyment. i9, (!'olw,, as it were, HENRI DE GUISE. 45 soulage les uns' de 1' exces meme de leur vivacite, et r6veilie les autres d' une apathie penible. HENRI DE GUISE. 59. TOUT ce que Henri de Guise avait de brillantes qualit6s, et meme de vices, concourait a en2 faire un chef de parti. Sa taille etait haute, sa demarche aussi aisee qu'imposante, ses traits3 reguliers brillaient, des sa premiere jeunesse, d' une beaute virile; il deployait autant de vigueur que d'adresse dans tous les exercises. Quoique consomme dans l'art de feindre, ses yeux pleins de feu semblaient declarer avec franchise ou la haine, ou 1' amiti6; lors meme qu' il excitait des discordes, il avait le maintien d' un conciliateur, la superiorit6 d' un arbitre. I1 faisait pardonner4 son orgueil par un enjouements plein de grace. En s' 6tablissant6 le vengeur de la religion, il affectait de ne montrer que celie d' un soldat, d' un chevalier; il s' avouait vindicatif, et pr6econisait7 la vengeance comme 1' attribut des belles ames. Ce meurtrier de Coligny portait legerement le poids de son crime; il n' 6tait plus de sommeil pour celui qui avait offense le due de Guise; sa m6moire paraissait aussi grande pour les services que pour les injures. Ses dons quoique semes par une ambition savante, paraissaient toujours verses par une bonte facile; son elocution avait de 1' eclat et de la force; la profondeur de ses passions, la vivacite de ses pensees, lui faisaient rejeter, soit8 les ornements pedantesques, soit9 les puerils jeux d' esprit qui corrompaient alors toute eloquence. I1 ecoutait bien, et cependant ne prenait jamais conseil que de lui-meme. 1. Les uns, some. 6. En s' dtablissant, in establishing 2. En, of him. himself. 3. Traits. lineaments. 7. Priconisait, extolled. 4. Ilfaisait pardonner, he caused (one) 8. Soit, whether it were. to pardon. 9. Soit, or. 5. Enjouement, playfulness. 46 LES RUINES DE PALMYRE. LES RUINES DE PALMYRE. 60. LE soleil venait de se coucher;. un bandeau rougeAtre marquait encore sa trace a 1' horizon lointain des monts de la Syrie: la pleine lune, a 1' orient, s' elevait2 sur un fond bleuatre3 aux planes'rives de 1'Euphrate; le ciel elait pur, 1' air calme et serein; 1' eclat mourant du jour temp6rait 1' horreur des tenebres; la fralcheur naissante de la nuit calmait les feux de la terre embrassee; les patres avaient retire4 leurs chameaux; l'ceil n'apercevait plus aucun mouvement sur la plaine monotone et grisatre; un vaste silence regnait sur le -desert; seulement, a de longs intervalles, l'on entl;endait les lugubres cris de quelques oiseaux de nuit et de quelques chacals. L'ombre croissait, et deja, dans le crepuscule, mes regards ne distinguaient plus que les fantomes blanchhtres des colonnes et des murs. Cette Syrie, me disais-je, aujourd'hui presque depeuplee, comptait autrefois cent villes puissantes. Ses campagnes etaient couvertes de villages, de bourgs et de hameaux. De toutes parts 1' on ne voyait que champs cultives, que chemins frequentes, qu' habitations pressees. Ah! que sont devenus5 ces ages d' abondance et de vie? Que sont devenues tant de brillantes creations de la main de 1' homme? Oiu sont-ils ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persepolis, ces temples de Balbek et de Jerusalem? Ou sont ces flottes de Tyr, ces chantiers d' Anrad, ces ateliers de Sidon, et cette multitude de matelots, de pilotes, de marchands, de soldats, et ces laboureurs, et ces moissons, et ces troupeaux, et toute cette creation d' etres vivants dont s' enorgueillissait6 la surface de la terre? H1las! je 1' ai parcourue, cette terre 1. Venait de se coucher, had just set. THE PLUPERFECT is formed in See Les. 137. French as in English. See Les. 125. 2. S' i!evait, was rising. 5. Que sont dtezenies, what has become 3. Un fond bleuetre, a bluish ground- of. See Les. 65. work. 6.,S enorgueillissait (prided itself,) was 4. Avaient re.iri, had withdrawn. proud. FLORE. 47 ravagee! j' ai visite ces lieux, le theatre de tant de splendeur, et je n' ai vu qu' abandon et que solitude. J' ai cherche les anciens peuples et leurs ouvrages, et je n' en ai vu que la trace, semblable a celle que le pied du passant laisse sur la poussiere. Les temples se sont ecroules,j les palais sont renvers6s, les ports sont combles, les villes sont dletruites, et la terre, nue d' habitants, n' est plus qu' un lieu d6sole de sepulcres. F L0R E. 61, PRESIDEZ aUX jeux de nos enfants, charmante fille de 1' Aurore, aimable Flore; c' est vous qui couvrez de roses les champs, vous versez les fleurs a pleine corbeille2 dans nos valIons et sur nos for6ts; le Zephyr amoureux suit, haletant apr~es vous, et vous poussant de son3 haleine chaude et humide. Deja on aperqoit sur la terre les traces de votre passage dans les cieux;'a travers les rais lointains de la pluie, les landes apparaissent toutes jaunes de genets4 fleuris; les prairies brumeuses de bassinets5 dores, et les corniches des vieilles tours, de giroflees6 safranees. Au milieu du jour le plus nebuleux, on croit que les rayons du soleil luisent au loin sur les croupes7 des collines, au fond des vallees, au sommet des antiques monuments; des lisieress de violettes et de primeveres9 parfument les haies, et le lilaslo couvre de ses grappesll pourprees les murs du chateau lointain. Aimables enfants, sortez dans les campagnes, Flore vous appelle au sein des prairies; tout vous y invite, les bois, les eaux, les roes arides; chaque site vous pr6sente ses plantes, et chaque plante ses fleurs. Jouissez du 1. Se sont dcroules, have fallen to noth- 6. Giro.fies, gillyflowers. ing. 7. Les croupes, the tops. 2. A pleine corbeille, with full basket. 8. Lisidres, borders. 3. Son for sa, before a silent h. See 9. Primeveres, primroses. Less. 68. 10. Lilas, lilacs. 4. Gentts, broom. 11. Grappes, clusters. 5. Bassinets, buttercups. 48 LES PRISON'S. mlois' qui vous les donne; Avril est votre frere, il est a 1' a1rore2 de l'annee, comme vous a celle de la vie; connaissez ses dons riants comme votre age. Les prairies seront votre dcole;-les fleurs vos alphabets, et Flore votre institutrice. LES PRISON S. 62. JETEZ les yeux sur ces tristes murailles ouf la libert6 humaine est renferm6e et chargee de fers, ou quelquefois 1' innocence est confondue avec le crime, et ou 1' on fait 1' essai de tous les supplices avant le dernier: approchez, et si le bruit horrible des fers, si des tenebres effrayantes, des g6missements sourds3 et lointains, en vous glaqant le cceur, ne vous font reculer d' effroi, entrez dans le s6jour de la douleur, osez descendre un moment dans ces noirs cachots ofu la lumiere du jour ne penetre jamais; et sous des traits d6figures contemplez vos semblables, meurtris4 de leurs fers, a demi couverts de quelques lambeaux,5 infect6s d' un air qui ne se renouvelle jamais et semble s' imbiber du venin du crime; ronges vivants des memes insectes qui devorent les cadavres dans leurs tombeaux, nourris a peine de quelques substances grossieres distribu6es avec epargne;6 sans cesse consternes des maux de leurs malheureux compagnons, et des menaces d'un impitoyable gardien;7 moins effrayes du supplice que tourmentes de son attente,s dans ce long martyre de tous leurs sens, ils appellent a leur secours une mort plus douce que leur vie infortunee. Si ces hommes sont coupables, ils sont encore dignes de piti6, et le magistrat qui differe leur jugement est manifestement injuste a leur 6gard. Mais si ces hommes sont innocents, 6 douleur! o pitie! & cette idee, 1' humanite pousse' du fond 1. Jouissez du mois. enjoy the month. 5. Lambeaux, rags. 2. A I' aurore, in the morning. 6. Avec dpargne, with parsimony. 3. Des gnmissements sourds, hollow 7. Gardien, keeper. groans. 8. Attente, expectation. 4. Meurtris, bruised. A PHILO MELE. 49 du coeur un cri terrible et tendre. Quoi! cet homme ne libre ge6mit sous le poids des fers! Cet homme, a qui la lumiere et 1' air du ciel etaient destines, respire a peine dans un cachot; ce pe'e de famille est arrach6 avec violence des bras de son 6pouse et de ses enfants! Le deuil,' le d6sespoir et la faim se sont empar6s de sa tranquille habitation; ces bras si n6cessaires a 1' 6tat sont indignement lies; un cceur pur et sans reproche est dans des lieux souilles de remords; 1' innocence, en un mot, est dans le sejour du crime; c' est la qu' on ne peut s' empecher de ge6mir profondement sur les malheurs de 1' humaine condition; c' est la qu' en jetant les yeux vers la Providence, on dit avec autant cl'amertume que d'e tonnement; 0 homme! quelle est ta destinee! souffrir et mourir, voill done les deux grands termes de ta carriere! A PHILOMELE. 63. POURQUOI, plaintive Philomele, Songer2 encore a vos malheurs, Quand pour apaiser vos douleurs Toute cherche a vous marquer son zele? L' univers, a votre retour, Semble renaitre pour vous plaire. Les Dryades a votre amour Pretent leur ombre solitaire. Loin de vous 1' Aquilon fougueux Souffle sa piquante froidure; La terre reprend sa verdure; Le ciel brille de ses plus beaux feux. 1. Le deuil, mourning. something understood, as (do you 2. Songer; this infinitive depends on continue) to think 7 50 VUE DE LIBAN. Pour vous 1' amante de Cephale' Enrichit Flore de ses pleurs;2 Le Zephyr cueille sur les fleurs Les parfums que la terre exhale. Pour entencre vos doux accents Les oiseaux cessent leur ramage, Et le chasseur le plus sauvage Respecte vos jours innocents. Cependant votre hme attendrie Par un douloureux souvenir, Des malheurs d' une sceur ch6rie Semble toujours s' entretenir.3 H61as! que rnes tristes pensees M' offrent des maux bien plus cuisants! Vous pleurez des peines passees, Je pletue des ennuis presents! Et, quand la nature attentive Cherche a calmer vos cldplaisirs,4 I1 faut mreme que je me prive De la douceur de mes soupirs. VUE DU LIBAN. 64. LE Liban dont le nom doit s' etendre a toute le chalne du Kesraouan et du pays des Druses presente tout le spectacle des grandes montagnes. On y trouve a chaque pas ces scenes ofu la nature deploie5 tantot de 1' agr6ment ou de la grandeur, tantot de la bizarrerie, toujours de la variBt6. Arrive-t-on par 1. The lover of Cephalus was Aurora.. 4. Deplaisirs, sorrows. 2. Her tears are the morning dews. 5. Dgploie, displays; (inf, ddployer.) 3. S' entretenir, to dwell upon. See Less. 79. VUE DE LIBAN. 51 la mer, descend-on sur le rivage, la hauteur et la rapidite' de ce rampart qui semble fermer la terre, le gigantesque2 des masses qui s' elancent dans les nues, inspirent 1' 6tonnement et le respect. Si 1' observateur curieux se transporte ensuite jusqu' a ces sommets qui bornent la vue, 1' immensit6 de 1' espace qu' il decouvre devient un autre sujet de son admiration. Mais, pour jouir entierement de la majeste de ce spectacle, il faut se placer sur la cime3 meme du Liban ou du Sannin. La de toutes parts, s' 6tend un horizon sans bornes; l1, par4' un temps clair, la vue s' 6gare5 et sur le desert qui-confine au golfe Persique, et sur la mer qui baigne 1' Europe, 1' ame croit embrasser le monde. Tant6t les regards, errant sur la chaine successive des montagnes, portent l'esprit en un clin d'ceil d'Antioche a J6rusalem; tant6t se rapprochant6 de tout ce qui les environne, ils sondent la lointaine profondeur du rivage; enfin 1' attention, fixee par des objets distincts, observe avec d6tail les rochers, les bois, les torrents, les coteaux, les villages et les villes. On prend un plaisir secret & trouver petits ces objets qu' on a vu si grands. On regarde avec complaisance la vallee couverte de nuees orageuses, et 1' on sourit d' entendre sous ses pas ce tonnerre qu' on a entendu si long-temps sur sa tete; on aime a voir a ses pieds ces sommets jadis menacants, devenus dans leur abaissement semblables aux sillons d'un champ, ou aux gradins7 d'un amphith6etre; l'on est flatte d' etre devenu le point le plus eleve de tant de choses, et 1' orgueil les fait regarder avec plus de complaisance. Lorsque le voyaoeur parcourt 1' interieur de ces montagnes, 1' asperite des chemins, la rapidite des pentes, la profondeur des precipices commencent par 1' effrayer. Bient6t l'adresse des mulets qui le portent le rassure, et il examine a son aise les incidents pittoresques qui se succedents pour le distraire. La, comme dans les Alpes, il marche des journees entieres pour arriver dans un lieu qui des le d6part est en vue. 1. RapiditM, steepness. 5. S' egare, wanders. 2. Gigantesque, gigantic size. 6. Se rapprochlant, drawing nearer. 3. Cime, summit. 7. Gradins, seats. 4. Par, during. 8. Se succedent, succeed each other. 52 L'APOLLON DU BELVEDERE. En plusieurs lieux les eaux, trouvant des couches inclinees, ont mine la terre intermediaire,t et ont forme des cavernes; ailleurs, elles ont pratique des cours souterrains, oh coulent des ruisseaux pendaht une partie de 1' ann6e. Quelquefois ces incidents pittoresques deviennent tragiques; on a vu par des degels et des tremblements de terre,2 des rochers perdre leur equilibre, se renverser sur les maisons voisines et en ecraser les habitants. L'APOLION DU BELVYDtRE.S 65. DE toutes les statues antiques qui ont 6chappe a la fureur des barbares et a la puissance du temps, celle d' Apolion est sans contredit la plus sublime. L' artiste a compose cet ouvrage sur 1' ideal et n' a employe de4 matiere que ce qu' il lui en a fallu pour executer et representer son idee. Autant la description qu'Homere a donn6e d'Apollon surpasse les descriptions, qu' en ont faites apres lui les autres poetes, autant cette figure 1' emporte5 sur toutes les figures de ce m6me dieu. Sa taille est au-dessus de celle de 1' homme et son attitude respire la majeste. Un eternel printemps, tel que celui qui regne dans les champs fortun6s de 1' Elysee, revet6 son beau corps d' une aimable jeunesse, et brille avec douceur sur la fine structure de ses membres. Pour sentir tout le m6rite de ce chef-d' ceuvre de 1' art, il faut tacher de penetrer dans 1' empire des beautes incorporelles, et devenir pour ainsi dire cr6ateur d' une nature c6leste, car on ne trouve rien ici de mortel. Ce corps n' est ni 6chauff6 par des veines ni agite par des nerfs; un esprit celeste circule comme une douce vapeur dans tous les contours7 de cette figure admirable. Ce dieu a poursuivi Py1. Intermediaire, intermediate. only the material which (there has 2. Par des d6gels, etc., by thaws and been necessary to him of it) was earthquakes. necessary. 3. L' Apollon du Belvddre, the Apollo 5. L' emporte, has the superlority. Belvidere. 6. Rev.et, inf. reVttir. See page 378. 4. N' a e?7sployd de, etc., has employed 7. Contours, outlines. RACINE ET VOLTAIRE. 53 thon, contre lequel il a tendu pour la premiere fois son arc redoutable; dans sa course rapide il l'a atteint,L et lui a porte le coup mortel.2 De la hauteur de sa joie son auguste regard p6netre comme clans 1' infini et s' etend bien au-dela de la victoire. Le d6dain siege3 sur ses l8vres, 1' indignation qu' il respire gonfle ses narines, et monte jusqu' a ses sourcils; mais une paix fternelle, inalterable, est empreinte sur son front et son ceil est plein de douceur RACINE ET VOLTAIRE. 66. Tous deux ont posse6d ce m6rite si rare de 1' elegance continue et de i' harmonie, sans lequel, dans une langue form6e il n' y a point d' icrivain; mais 1' elegance de Racine est plus egale; celle de Voltaire est plus brillante. L' un plait davantage au gofit, 1' autre a 1' imagination. Dans 1' un le travail sans se faire sentir, a efface jusqu' aux imperfections les plus l6gieres; dans 1' autre, la facilite se fait apercevoir a la fois et dans les beautes et dans les fautes. Le premier a corrig6 son style sans en refroidir 1' int6ret; 1' autre y a laisse des taches, sans en obscurcir 1' 6clat. Ici, les effets tiennent4 plus souvent & la phrase po6tique; la, ils appartiennent plus a un trait iso16,5 a un vers saillant.6 L'art de Racine consiste plus dans le rapprochement7 nouveau des expressions; celui de Voltaire, dans de nouveaux rapports8 d' id6es. L' un ne se permet rien de ce qui peut nuire & la perfection, 1' autre ne se refuse rien de ce qui peut ajouter a 1' ornement. Racine a 1' exemple de Despreaux a etudie tous les effets de l'harmonie, toutes les formes du vers, toutes les manieres de le varier. Voltaire. sensible surtout i cet accord si necessaire entre le rythme et la 1. Atteint, hit. 5. Un trait isole, an isolated trait. 2. A porte le coup mortel, has given the 6. Un vers saillant, a prominent verse. mortal blow. 7. Rapprochement, combination. 3. Siige, sits. See Less. 103. 8. Rapports, relations. 4. Tiennent d, depend upon. 5* 54 LA VIE CHAMPETRE. pensee, semble regarder le reste comme un art subordonne qu'il rencontre plutot qu'il ne le cherche.1 L' un s' attache plus a finir le tissu2 de son style, l'autre a en relever3 les couleurs. Dans 1' un, le dialogue est plus lie; dans 1' autre, il est plus rapide. Dans Racine, il y a plus de justesse; dans Voltaire, plus de mouvements. Le premier 1' emporte pour4 la profondeur de la verite, le second pour la vehemence et 1' energie. Ici les beautes sont plus severes, plus irreprochables; la, elles sont plus variees, plus seduisantes. On admire dans Racine cette perfection toujours plus etonnante a mesure5 qu' elle est plus examinee; on adore dans Voltaire cette magie qui donne de 1' attrait6 meme a ses defauts. LA VIE CHAMPETRE. 67. Nous avons tous un gouft naturel pour la vie champbtre. Loin du fracas des villes et des jouissances factices que leur vaine et tumultueuse socie6t peut offrir, avec quel plaisir vivement ressenti7 nous allons y respirer 1' air de la sante, de la liberte, de la paix! Une scene se prepare plus int6ressante mille fois que toutes celles que 1' art invente a grands frais pour vous amuser ou vous distraire. Le silence de la nuit n' est encore interrompu ques par le chant plaintif et tendre du rossignol, ou le zephyr leger qui murmure dans le feuillage, ou le bruit confus du ruisseau qui roule dans la prairie ses eaux 6tincelantes. Voyezvous ces collines se d6pouiller9 par degres du voile de pourpre qui les recele, ces moissons mollement agitees se balancer au loin sous des nuances incertaines, ces chateaux, ces bois, ces chaumieres, bizarrement group6s, s' elever du sein des vapeurs, 1. Qu' il rencontre, etc., which he hits 6. Attrait, attraction. upon rather than seeks. 7. Vivement ressenti, vividly felt. 2. Le tissu, etc., the web of his style. 8. N' est encore, etc., is as yet inter. 3. Relever, to relieve. rupted only. 4. L' emporte pour, excels in. 9. Se depouiller, disrobe themselves. 6. A ve:slure, in proportion. LA VIE CHAMPETRE. 55 ou se dessinerl en traits ondoyants dans le vague azure des airs? Nous ne remarquons pas assez 1' influence prodigieus6 que la nature conserve encore sur nos ames, malgr6 1' etonnante variete de nos gouts, et la profonde depravation de nos penchants. Je ne sais,2 mais il me semble qu' a la campagne notre sensibilite devient et3 moins orgueilleuse et plus vive; que nous y aimons nos amis avec plus de franchise, nos femmes avec plus de tencldresse; que les jeux de nos enfants nous y int6ressent davantage; que nous y parlons de nos ennemis avec moins d' aigreur,4 de la fortune avec plus d' indiff6rence. Estce en respirant la vapeur embaum6e5 du soir, en se promenant6 a la lueur tranquille et douce de 1' astre des nuits, qu' on peut' ourdir une trame7 perfide, ou mediter de tristes vengeances? Ce berceau que vos mains ont plante, o5i le chevre feuille, le jasmin et la rose entrelacent leurs tiges odorantes, ne 1' avezvous orne avec tant de soin que pour vous y livrer aux reves p6nibles de 1' ambition? Dans cette solitude champetre qu' out habitee vos peres, dans cet asile des mceurs, de la confiance et de la paix, que vous importents les vains discours des hommes, et leurs laches intrigues, et leur haine impuissante, et leurs promesses trompeuses? Quelle impression peut encore faire sur votre ame le r6cit importun de leurs erreurs on de leurs crimes? Au declin d' un jour orageux, ainsi gronde ia foudre dans le nuage flottant sur les bords enflammnes de 1' horizon, ainsi retentit le torrent qui ravage au loin une terre agreste et sauvage. 1. Se dessiner, mark themselves out. 5. Emzbaumde, balmy. 2. Savoir may take for negative ne, 6. Se promenant, walking. without pas. See Less. 101. 7. Ourdir une tranme. form a plot. 3. Et, both. 8. Que vous importent, what signify to 4. Aigreur, acrimony. you. 56 L7 ASPECT DES PYRAMIDES D7 EGYPTE. L'ASPECT. —DES PYRAMIDES D'EGYPTE. 68. LA main du temps, et plus encore celle des hommes qui ont ravage tous les monuments de 1' antiquite n' ont rien pul jusqu' ici contre les pyramides. La solidite de leur construction, et 1' enormite de leur masse les ont garanties de toute atteinte, et semblent leur assurer une duree eternelle. Les voyageurs en parlent tous avec enthousiasme, et cet enthousiasme n' est point exagere; l' on commence a voir ces montagnes factices2 dix-huit lieues avant d'y arriver. Elles semblent s' eloigner'a mesure qu' on s' en approche; on en est encore a une lieue, et deja elles dominent3 tel]ement sur la tete, qu' on croit etre a leur pied; enfin, 1' on y touche, et rien ne peut exprimer la variete des sensations qu' on y eprouve; la hauteur de leur sommet, la rapidite de leur pente, 1' ampleur de leur surface, le poids de leur assiette, ]a memoire des temps qu' elles rappellent, le calcul du travail qu' elles ont cofte, 1' idde que ces immenses rochers sont 1' ouvrage de 1' homme, si petit et si faible, qui ramnpe' leur pied, tout saisit a la fois le cceur et 1' esprit d' 6tonnenlent, de terreur, d' humiliation, d' admiration, de respect. Mais, il faut avouer, un antre sentiment succ6dea ce premier transport; apres avoir pris une si grande opinion de la puissance de 1' homme, quand on vient a mediter 1' objet de son emploi, on ne jette plus qu' un ceil de regret4 sur son ouvrage; on s' afflige de penser que, pour construire un vain tombeau, il a fallu tourmenter vingt ans une nation entiere; on gemit sur la foule d' injustices et de vexations qu' ont du couter5 les corvees6 onereuses et du transport, et de la coupe, et de P' entassement7 de tant de mat6riaux. On s'indigne contre l'extravagance des despotes qui ont commande ces barbares ouvrages; ce sentiment revient plus 1. N2' ont rien pu, have had no power. 5. Ont dit coftter, must have cost. 2. Factices, artificial. 6. Les corvyes, (statute service) tasks 3; Dominent, rise up. 7. De la coupe, etc., of the cutting and 4. Qu'un wil, etc., only an eye of re- heaping. gret. L ASPECT DES PYRAMIDES D EGYPTE. 57 d'une fois en parcourant les monuments de 1' Egypte; ces labyrinthes, ces temples, ces pyramides, dans leur massive structure, attestent bien moins le genie d' un peuple opulent et ami des arts, que la servitude d' une nation tourmentee par la caprice de ses maltres. THE SIMPLE PERFECT may be formed in French from the past participle,* by changing, In the first conjugation,t E final into AI, A, AMES, ATES, ERENT. In the second and fourth, I and u final, as also, is and IT final of all past participles, into IS, IT, lMES, ITES, IRENT. In the third, u final into US, UT, UMES, UTES, URENT, as, PAST PART. SIMPLE PERFECT. ParlI, Je paorlai, il parla, nous parltmes, Spoken, I spoke, he spoke, we spoke, vous palldtes, ils parlerent, you spoke, they spoke. Fini, Je finis, it finit, nous finimes, Finished, I finished, he finished, we finished, vous finites, ils finirent, you finished, they finished. Vendu, Je vendis, il vendit, nous vendimes, Sold, I sold, he sold, we sold, vous vendites, ils vendirent, you sold, they sold. Mis, Je mis, il mit, noss mimes, vous mites, ils mirent, Put, I put, he put, we put, you put, they put. Verbs ending in aine, eindre, dreoindre, and uire, form this tense by'The past participles may be found in the Dictionary at the end of the volume. They may also be formed as in Less. 62. tVerbs whose infinitive end in er, are of the first conjugation; in ir, second; in oir, third; in re, fourth. L58 HONNETE MATELOT. dropping ez of the second person indicative present, and making the verb terminate in is, it, etc., as, Vous traduisez, Je traduisis, il traduisit, nous traduisimes, You translate, I translated, he translated, we translated, Vous traduisites, ils traduisirent, You translated, they translated. For more on this tense, see Lessons 133 and 134. L'HONNETE MATELOT. 69. UN marchand turc avait perdu sa bourse, qui contenait deux cents pieces d' or. I1 s' adressal au crieur public, a qui il ordonna de declarer qu' ii voulait donner la moitie de la somme a celui qui 1' avait trouvee. Elle etait tombee entre les mains d' un matelot, qui aima mieux faire un gain legitime, en se bornant au salaire propose, que de se rendre coupable de vol; car, par un article du coran, celui qui conserve une chose perdue et cri6e publiquement est d6clar6e voleur. I1 confesse done au crieur qu' il a trouv6 la bourse, et ffire a la rendre en recevant la moitie de qu' elle contenait. Le marchand parut2 aussitot, mais charmn6 de retrouver son argent, il souhaitait se d6gager de sa promesse. Ne pouvant le faire sans quelque pretexte, il eut recours au mensonge. Avec les deux cents pieces d' or, il pr6tendait qu'il y avait dans la bourse une tres-belle emeraude, qu' il redemanda au matelot, qui prit3 le ciel et le prophete a temoin qu' il n' avait point trouve d' emeraude. Cependant il fut4 conduit devant le cadi, avec une accusation de vol. Soit injustice ou negligence, 1. S'adressa, simp. perf. from s' adres- 3. Prit, simp. perf. of prendre, fourth ser. conjugation-part. pris, je pris, il 2. Parut, simp. perf. from paraotre; prit, etc. all verbs in aitre, otfre, have this 4. Fut, simp. perf. of tfre. irregular,je perlect like the third conjugation- fits, ilfut, noues fimes, vousffttes, part. paru, je parus, il parut, etc. ilsfurent. See Less. 136. See Less. 138. TOILETTE DE BAL. 59 le juge de'chargeal' la verit82 le matelot du crime de vol; mais, lui reprochant d' avoir perdu par sa n6gligence un bijou pr6cieux, il le forca de rendre les deux cents pieces d' or au mnarchand, sans en retirer la r6compense promise. Une sentence si dure ruinant tout h-la-fois3 l' esperance et l'honneur du pauvre matelot, il en porta sa plainte au visir, qui la jugea digne de son attention. Toutes les parties furent assignees devant lui. Aprets avoir entendu le marchand. il decmanda au crieur ce qu' il avait requ ordre de publier. Celui-ci ayant declare qu' on ne lui avait parle que de deux cents pieces d' or, le marchand se h&ta d' ajouter, que, s'il n' avait pas nomme 1' 6meraude, c' etait dans la crainte de faire connaitre la valeur de ce bijou. D'un autre cot6, le matelot fit4 serment qu'il n' avait trouve dans la bourse que les deux cents pieces d' or. Enfin, le visir rendit cette sentence: "Puisque le marchand a perdu une emeraude avec deux cents pieces d' or, et que le matelot jure que dans la bourse qu' il a trouvee il n' y avait point d' emeraude, il est manifeste que la bourse et 1' or que le matelot a trouves le sont point ce que le marchand a perdu: c' est un autre'qui a fait cette perte. Le marchand peut continuer done a faire crier son or et son 6meraude. Quant au matelot, il gardera' pendant quarante jours i' or qu' ii a trouve; et si celui qui 1' a perdu ne se presente pas dans cet espace, il en peut jouir legitimement, comme d' un bien qui est & 1Ui.5 TOILETTE DE BAL. 70. LE premier jour de mon arriv6e a Paris on m' arrae'ha deux dents; le lendemain on me mit deux mille papillotes;6 et le huitieme.... Ah! ce fut la le vrai supplice... on me mena au bal. J' 6tais charm6e d' aller au bal. H6las.! je ne 1. DMchargea, for e before the final a, 4. Fit, simp. perf. of faire, fourth con. see Less. 88. See Less, 136. 2. A la veritd, it is true. 5. Est d lui, belongs to him. 3. Touet d-la:fois, all at once. 6. Papillotes, papers (for the hair.) a Future ofgarder; see Less. 89, page 168. 60 TOILETTE DE BAL le connaissais pas: on m' avait seulement parle de danses et de collations, et j' attendais le jour du bal avec impatience. Enfin il arrive, et 1' on me dit que 1' on va m' habiller en' bergere. L' habit 6tait bien choisi; il me paraissait commode pour danser. Mais ils ont & Paris une drdle d' idcle2 des bergeres; vous allez voir. D' abord on commence par m' etablir sur la tete une enorme toque; puis on attache cette toque avec des 6pingles longues comme le bras, ensuite on met la-dessus un grand chapeau et par-dessus le chapeau de la gaze3 et des rubans, et par-dessus les rubans une demi-douzaine de plumes dont la plus petite avait au moins deux pieds de hauteur. J' etais accablee sous le faix; je ne pouvais ni remuer ni tourner la tete. Ensuite on me para d' un habit tout couvert de guirlandes, et 1' on me dit: "Prenezgarde4 d' 0ter votre rouge, de vous decoiffer et de chiffonner votre habit, et divertissezvous bien." Je pouvais a peine marcher. On m' etablit sur une banquette, ou j' attendis long-temps. J' avais 1' air si triste que personne ne s' avisait de me prier. A la fin pourtant je fus pribe, mais la place etait prise, et je revins5 a ma banquette. Au bal les demoiselles qui courent le Inieux sont celles qui dansent le plus. J' ai trouve la des demoiselles qui etaient bien pis6 (u' impolies; elles etaient cruelles; elles me regardaient de la tete aux pieds avec une mine... une vilaine mine, je vous assure, et puis elles riaient entre elles et aux grands eclats7... J' 6tais sans doute ridicule, mais j' avais 1' air timide et mal'a mon aise. Ne valait-il pas mieux8 me plaindre et m' excuser? La place 6tait toujours prise, et bientot je fus entierement delaissee par tous les danseurs. I1 faisait clans la salle un chaud si insupportable, que, quoique immobile sur ma banquette, j' etais en nage. Et voila ce qu' ils appellent un grand plaisir, une f6te. 1. En, (in character of) as. a'int, nous revinmes, votes rernles, 2. Une dr6le d' idde, a droll idea. ils revinrent. See Iess. 136. 3. De la gaze, some gauze. 6. Bien pis, much worse. 4. Prenez garde de, beware of 7. Aulx grands kclats, with great bursts. 6. Perf. of Revenir, is Je revins, it re- 8. Ne valait, etc., was it not better. LE CHIEN D AUBRY DE MONT DIDIER. 61 LE CHIEN D'AUBRY DE MONT DIDIER. 71. Sous le regne de Charles cinq roi de France, un nomme Aubry de Mont-Didier, passant seul dans la foriet de Bondy, fut assassin8 et enterre au pied d' un arbre. Son chien resta plusieurs jours sur sa fosse et ne la quitta que presse' par la faim: il vient a Paris chez un ami intime de son malheureux maitre, et par ses tristes hurlements semble lui annoncer la perte qu' il a faite. Apres avoir mang6 il recommence ses cris, va a la porte, tourne la tete pour voir si on le suit) revient a cet ami de son maitre, le tire par 1' habit, comme pour lui marquer de venir avec lui. La singularite des mouvements de ce chien, sa venue sans son maitre qu' il ne quittait jamais, ce maitre qui tout d'un coup a disparu, tout cela fit qu' on suivit ce chien. Des qu' on fut au pied de 1' arbre, il redoubla ses cris en grattant la terre, comme pour faire signe de chercher en cet endroit, on y fouilla et on y trouva le corps de cet infortun6 Aubry. Quelque temps apres, ce chien aperqut2 par hasard 1' assassin, que tous les hist-riens nomment le chevalier Macaire; il lui saute a la gorge, et on a bien de la peine a lui faire Iacher prise:3 chaque fois qu' il le rencontre, il 1' attaque et le poursuit avec fureur; 1' acharnement de ce chlien, qui n' en veut qu' a4 cet homme, commence a paraltre extraordinaire. On se rappelle 1' affection qu' il avait marquee pour son maitre, et en meme temps plusieurs occasions oui ce chevalier Macaire avait donne des preuves de haine et d' envie contre Aubry de Mont-Didier: quelques circonstances augmenterent les soupqons. Le roi instruit de tous les discours qu' on tenait, fait venir ce chien, qui parait tranquille jusqu' au moment qu' apercevant Macaire, au milieu d'une vingtaine de courtisans, il aboie et cherche a se jeter sur lui. 1. Quepress6, etc. only when pressed. 3. L&cherprise, loose his hold. 2. Aperfut, simp. perf. of apercevoir, 4. N' en veut que, las a grudge only. third con.-part. apergu, j' apergus, See Less. 123, p. 260. il ap1erfllt, etc. 62 LA GC; Ft O SIT E. Dans ce temps-la on ordonnait' un duel entre 1' accusateur et 1' accus6, lorsque les preuves n' 6taient pas convaincantes: on nommait ces sortes de combats jugement de Dieu, parce qu' on etait persuade que le ciel fait plut6t un miracle que de laisser succomber 1'innocence. Le roi, fiappe de tous les indices qui se reunissaient contre Macaire, ordonna le duel entre le chevalier et le chien. Le champ clos2 fut marque dans l' ile Notre-Dame, qui n' ctait alors qu' un terrain vide et inhabite. Macaire etait arme d' un gros baton, le chien avait un tonneau pour sa retraite et les relancements. On le lache, aussit6t ii court, tourne autour de son adversaire, evite les coups, le menace tantbt d' un cBte, tantot d' un autre, le fatigue, et enfin s' elance, le saisit a la gorge et 1' oblige, par la douleur des morsures, a faire l'-aveu de son crime en presence du roi et de toute sa cour. THE SECOND PERSON SINGULAR of French verbs, with tu, thot, for the subject, is formed in all the moods and tenses, by adding an s to the third person singular when it ends in a vowel, and when it ends in a consonant, by dropping that consonant and making it end in s. Except that in the imperfect of the subjunctive, it is formed by adding an s to the first person singular; and in the imperative, it is the same as the first person singular of the indicative present. But when the imperative ends in e, and is followed by en or y for its object, it takes an s after the e. As, Thosu hast, tu as. Thoue art, tu es. Thou speakest, t parles, etc. For more on this tense, see Less. 144. LA GENEROSITt. 72. UN honnete pere de famille, charge de biens et d' annees, voulut r6gler d' avance3 sa succession entre ses trois fils, et leur partager ses biens, le fruit de ses travaux et de son industrie. Apres en avoir fait trois portions 6gales, et avoir 1. Ordonnait, used to order. 3. D' avance, beforehand. 2. Clos, (past part. of clore,) inclosed. LA GENEROSITE. 63 assigne6 chacun son lot: " I me reste," ajouta-t-il, "un diamant de grand prix; je le destine a celui de vous qui saura mieux le meriter par quelque action noble et ge6nreuse, et je vous donne trois mois pour vous mettre en 6tat de 1' obtenir." AussitBt les trois fils se dispersent, mais ils se rassemblent au temps prescrit. Ils se pr6sentent devant leur juge, et voici ce que raconte 1' alne: "Mon pere, durant mon absence, un ktranger s' est trouve6 danls des circonstances qui 1' ont oblieQ de me confier toute sa fortune; il n'avait de moi aucune sfirete par ecrit, et n' etait en etat de produire aucune preuve du depbt; mais je le lui ai remis fidelement. Cette fildlit6 n' est-elle pas quelque chose de louable?" "Tu as fait, mon fils," lui repondit le vieillard, "ce que tu devais faire. Ton action est une action de justice, ce n' est point une action de generosit6." Le second fils plaida sa cause a son tour, a pen pres2 en ces termes: "Je me suis trouv: pendant mon voyage sur le bord d' un lac; un enfant venait imprudemment de s' y laisser tomber; il allait se noyer;3 je 1' en4 ai tire et lui ai sauve la vie, aux yeux des habitants du village que baignent les eaux de ce lac; ils peuvent attester la verite du fait." "A ia bonne heure," interrompit le pere, " mais il n' y a point encore de noblesse dans cette action; il n' y a que5 de 1' humanite." Enfin, le dernier des trois frires prit la parole. "Mon pere," dit-il, j' ai trouve mon ennemi mortel, qui, s' etant egare66 la nuit, s' 6tait endormi, sans le savoir, sur le penchant d' un abime; le moindre mouvement, au moment de son r6veil, ne pouvait manquer de le precipiter; sa vie etait entre mes mains; j'ai pris soin de 1' 6veiller avec les precautions convenables, et l'ai tire de cet endroit fatal." "Ah! mon fils, s' ecria 4e bon pere avec transport, et en i' embrassant tendrement, " c' est & toi, sans contredit7, que le diamant est dft." 1. S' est trouv, found himself, comp. 4. En, from it. perf. of trouver, reflective v-erbs al- 5. 11 n'y a que, etc., there is only huways have etre for their auxiliary. manity. See Less. 85. 6. S' etant 6gard, etc., having lost his 2. A peu pris, nearly. way in the night, had fallen asleep. 3. Allait se noyer, was going to be 7. Sans con.tredit, (without controdrowned. versy,) undoubtedly. 64 UNE BELLE NUIT. UNE BELLE NUIT DANS LES DESERTS DU NOUVEAU MONDE. 73. UNE heure apres le coucher du soleil, la lune se montra au-dessus des arbres; l' horizon oppose, une brise embaumee qu' elle amenait de 1' orient avec elle, semblait la preceder, comme sa fraiche haleine, dans les forets. La reine de la nuit monta peu-a-peu dans le ciel: tant6t elle suivait paisiblement sa course azuree, tantot elle reposait sur des groupes de nues, qui ressemblaient a la cime des hautes montagnes couronn6es de neige. Ces nues ployant' et idployant leur voiles, se deroulaient en zones diaphanes2 de satin blanc, se dispersaient en legers flocons d' ecume, ou formaient dans les cieux des bancs d'une ouate eblouissante, si doux a 1' ceil, qu' on croyait ressentir leur mollesse et leur elasticite. La sceine sur la terre n' 6tait pas moins ravissante; le jour bleuatre et veloute3 de la lune descendait dans les intervalles des arbres, et poussait des gerbes4 de lumie-re jusque dans 1' epaisseur des plus profondes tetnebres. La rivitere qui coulait a mes pieds, tour-a-tour5 se perdait dans le bois, tour-a-tour reparaissait toute brillante des constellations de la nuit, qu' elle repetait dans son sein. Dans une vaste prairie, de l' autre cote de cette rivietre, la clarte de la lune dormait sans mouvement sur les gazons. Des bouleaux6 agites par les brises, et disperses qa et 1l dans la savanne, formaient des les d' ombres flottantes, sur une mer immobile de lumiere. Apres, tout etait silence et repos, hors la chute de quelques feuilles, le passage brusque d' un vent subit, les gemissements rares et interrompus de la hulotte; mais au loin, par intervalles, on entendait les roulements solemnels de la cataracte de Niagara qui, 1. Ployant, etc. folding and unfolding. 4. Gerbes, etc. (sheaves) pencils of rays. 2. Diaphanes, transparent. 5. Tour-d-tour, by turns. 3. Velo(Ntd, velvet-like. 6. Bouleaux, birches. CARACTERE DES FRANCAIS. 65 dans le calme de la nuit, se prolongeaient' de d6sert en desert, et expiraient a travers2 les forkts solitaires. La grandeur, 1' etonnante melancolie de ce tableau, ne peuvent s' exprimer dans les langues humaines: les plus belles nuits en Europe ne peuvent en donner une id6e. En vain, dans nos champs cultives, 1' imagination cherche a s' etendre; elle rencontre de toutes parts les habitations des hommes; mais dans ces pays deserts, 1' ame se plait a s' enfoncer dans un ocean de forkts, a errer aux bords3 des lacs immenses, a planer4 sur le gouffre des cataractes, et pour ainsi dire, a se trouver seule devant Dieu. CARACT]RE DES FRAN$AIS. 74. DE tous les peuples le Frangais est celui dont le caractere a dans tous les temps eprouve le mloins d' alteration. On retrouve les Franqais d' aujourd' hui dans ceux des croisades, et en remontant5 jusqu' aux Gaulois on y remarque encore beaucoup de ressemblance. Cette nation a toujours 6te vive, gaie, brave, genereuse, sincere, presomptueuse, inconstante, avantageuse6, inconsideree. Ses vertus partent du cceur, ses vices ne tiennent qu' a7 P esprit, et ses bonnes qualit6s corrigeant ou balanqant les mauvaises, toutes concourent peut-etre 6galenient a rendre le Franqais de tous les peuples le plus sociable. Le grand d6faut du Franqais est d' etre toujours jeune, et presque jamais homme; par la il est souvent plus aimable, et rarement str;8 il n' a presque point d''age muir, et passe de la jeunesse a la caducite. Nos talents s' annoncent de bonne heure; on les neglige long-temps par dissipation, et a peine commence-t-on a vouloir en faire usage, que leur temps est 1. Seproloengeaint, (prolonged them 5. En remontant, (in reascending,) on selves,) were prolonged. going back. 2. A travers, across. 6. Avantageuse, assuming. 3. Aux bords, by the side. 7. Ne tiennent que, belong only. 4. A planer, to float. 8. S r, to be depentded on. 6* 66 BONHEUR DES FAMILLES. passe; il y a peu d' hommes parmi eux qui puissent s' appuyer de 1' experience. I1 est le seul peuple dont les mceurs peuvent se d6praver, sans que le cceur se corrompe et que le courage s' alt.re; qui allie les qualites heroiques avec le plaisir, le luxe, et la mollesse; ses -vertus ont peu de consistance, ses vices n' ont point de racine. Le caractere d' Alcibiade n' est pas rare en France. Le dereglement2 des mceurs et de 1' imagination ne donne point atteinte3 a la firanchise et a la bonte naturelle du Franqais. L' amour-propre4 contribue a le rendre aimable: plus il croit plaire, plus il a de penchant a aimer. La frivolite qui nuit au developpement de ses talents et de ses vertus, le preserve en -mme temps des crimes noirs et reflechis:5 la perfidie lui est etrangere, et il est emprunt66 dans 1' intrigue. Si 1' on a quelque fois vu chez lui des crimes odieux, ils ont disparu plut6t par le caractere national que par la severit6 des lois. BONHEUR DES FAMILLES DANS L AMERIQUE SEPTENTRIONALE. 75. LES mceurs sont ce qu' elles doivent etre chez un peuple nouveau, chez un peuple cultivateur,7 chez un peuple qui n' est ni poli ni corrompu par le s6jour des grandes cites. I1 regne generalement de 1' economie, de la proprete, du bon ordre dans les familles.'La galanterie et le jeu, ces passions de l'opulence oisive, alterents rarement cette heureuse tranquillit. Les... femmes soent encore ce qu' elles doivent etre, douces, modestes, compatissantes, et secourables; elles ont ces vertus qui perpetuent 1' empire de leurs charmes. Les hommes sont occupes de leurs premiers devoirs, du soin et du progres 1. S' altdre, (alters for the worse,) de- 5. Rdefichis, deliberate. generating. 6. Empruntd, (borrowed,) out of char2. Le dcreglement, the disorder. acter. 3. Atteinte, (assault.) detriment. 7. Cultivateur, agricultural. 4. L' amozr-propre, self-love. 8. Altdrent, corrupt. BONHEUR DES FAMILLES. 67 de leurs plantations, qui seront le soutien de leur post6rite. Un sentiment de bienveillance: unit toutes les families. Rien ne contribue a cette union, comme une certaine egalite d' aisance,2 comme la securite qui nait3 de la propriete, colllme 1' espirance et la facilite communes d' augmenter ces possessioIns, comme 1' independance reciproque ou tous les hommes sont pour leurs besoins, jointe au besoin mutuel de soci6te pour leurs plaisirs. A la place du luxe qui traine la misere a sa suite, au lieu de ce contraste affligeant et hideux, un bienetre4 universel, reparti sagement par la premieire distribution des terres, par le cours de l'industrie, a mis dans tous les cceurs le dclsir de se plaire5 muituellement; d6sir plus satisfaisant, sans doute, que la secrete envie de nuire, qui est ins6parable d' une extreame inegalite dans les fortunes et dans les conditions. On ne s' y voit jamais6 sans plaisir, quand on n' est, ni dans un etat d' eloignement reciproque qui conduit a 1' indiff6rence, ni dans un etat de rivalite, qui est pres de la haine. On se rapproche, en se rassemble; on mene enfin dans les colonies cette vie champetre, qui fut la premiere destination de 1' homme, la plus convenable a la sante, a la f6condite. On y jouit peut-etre de tout le bonheur compatible avec la fragilite de la condition humaine. On n'y voit pas ces graces, ces talents, ces jouissances recherch6es7, dont 1' apprAt et les frais usent et fatiguent tous les ressortss de 1' ame, amnenent les vapeurs de la melancolie apres les soupirs de la volupte; mais les plaisirs domnestiques, 1' attachement r6ciproque des parents et des enfants, 1' amour conjugal, cet amour si pur, si delicieux pour qui sait le gofter et mepriser les autres amours. C'est Ia9 le spectacle enchanteur qu'offre partout 1' Ameirique septentrionale; c' est dans les bois de la Floride et de la Virginie, c'est dans les forets mame du Canada, 1. Bienveillance, goodwill. 6. On ne, etc., people never see each 2. Aisance, competency. other. 3. Nait, etc., springs from property. 7. Recherchdes, far soughlt. 4. Bien-etre, well-bein,. 8. Ressorts, (springs,) energies. 5. Se plaire, to please each other. 9. C' est 1d, etc., that is the enchanting spectacle. 68 CHARLES XII. qu' on peut aimer toute sa vie ce qu' on aima pour la premiere fois, 1' innocence et la vertu, qui ne laissentL jamais perir la beaute toute entiere. CHARLES XII. 76. CIARLES douze, roi de Suede, eprouva ce que la prosperite a de plus grand, et ce que 1' adversite a de plus cruel, sans avoir ete amolli par 1'une, ni 6branle un moment par l'autre. Presque toutes ses actions, jusqu' k celles de sa vie privee et unie,2 ont 6t6 bien loin au-dela du vraisemblable3. I1 a porte toutes les vertus des heros a un exces oui elles sont aussi dangereuses que les vices oppos6s. Sa fermete, devenue opiniatrete, fit ses malheurs dans 1' Ukraine, et le retint4 cinq ans en Turquie; sa liberalite, degenerant en profusion, a ruine la Suede: son courage, pousse jusqu' a la t6merit6, a cause sa mort: sa justice a ete quelquefois jusqu' a la cruaute: et, dans les dernieres ann6es, le maintien de son autorite approchait de la tyrannie. Ses grandes qualites ont fait le malheur de son pays. I1 n' attaqua jamais personne; mais il ne fut pas aussi prudent qu' implacable dans ses vengeances. I1 a e6t le premier qui ait5 eu 1' ambition d' etre conquerant sans avoir 1' envie d' agrandir ses etats; il voulait gagner des empires pour les donner. Sa passion pour la gloire, pour la guerre, et pour la vengeance, 1' empecha d' etre bon politique, qualite sans laquelle on n'a jamais vu de conquerant. Avant la bataille, et apres la victoire, il n' avait que de la modestie; apres la defaite, que de la fermete; dur pour les autres comme pour lui-meme, comptant pour rien la peine et la vie de ses sujets, aussi bien que la sienne: homme unique 1. Ne laissent, etc., do not let beauty 4. Retint; simp. perf. of retenir. See ever perish entirely. Less. 136, page 296. 2. Unie, uniform. 5. Ait, the subjunctive is here used, be3. Au-deld du vrai'semblable, above the cause preceded by premier, and a probable. relative. See Less. 91, page 174. LE SINGE. 69 plutbt que grand homme, admirable plutot qu' a imiter.' Sa vie doit apprendre aux rois combien un gouvernement pacifique et heureux est au-dessus de tant de gloire. LE SINGE. 77. UN vieux singe malin etant mort, son ombre descendit dans la sombre demeure de Pluton, ou elle demanda a retourner parmi les vivants. Pluton voulait la renvoyer dans le corps d' un ane pesant et stupide, pour lui 6ter sa souplesse, sa vivacit6 et sa malice; mais elle fit tant de tours plaisants et badins,2 que 1' inflexible roi des enfers ne put s' empbcher de rire, et lui laissa le choix d' une condition. Elle demanda a entrer dans le corps d' un perroquet.3 " Au moins, disait-elle, je conserverais par la quelque ressemblance avec les hommes que j' ai si long-temps imites. Etant singe, je faisais des gestes comme eux, et 6tant perroquet, je parleraib avec eux dans les plus agreables conversations. A peine 1' ame du singe fut-elle introduite dans ce nouveau corps, qu' une vieille femme causeuse4 1' acheta. I1 fit ses d6lices; elle le mit dans une belle cage. I1 faisait bonne clhre, et discourait toute la journ6e avec la vieille radoteuse,5 qui ne parlait pas plus sensement que lui. Ii joignait a son nouveau talent d' etourdir tout le monde, je ne sais quoi de son ancienne profession. II remuait sa tete ridiculement, il faisait craquer6 son bec, il agitait ses ailes de cent faqons, et faisait de ses pattes plusieurs tours qui sentaient7 encore les grimaces de Fagotin. La vieille prenait a toute heure ses lunettes pour 1' admirer; elle etait bien fachee d' etre un peu sourde, et de perdre quelquefois des paroles de son perroquet, a qui elle trouvait plus d' esprit qu' a personne. Ce perroquet gh't6 devint bavard,8 1. A imiter, (to imitate,) to be imitated. 6. Ilfaisait craquer, he chattered. 2. Badins, waggish. 7. Qui sentaient., etc., which still savor3. Perroquet, a parrot. ed of the grimaces of Pug. 4. Causeue, talkative. 8. Bavard, etc., prating, tiresome and 5. Radoteuse, dotard. senseless. ^ Future of consere-r: Less. 89. b Future of parler; Less. 89. 70 t-E LEX10 NS MORALES. importun et fou. Il se tourmenta si fort dans sa cage, et but' tant de vin avec la vieille, qu' il en mourut: Le voila revenu devant Pluton, qui voulut cette fois le faire passer dans le corps d' un poisson, pour le rendre muet. Mais il fit encore une farce devant le roi des ombres, et les princes ne resistent guere2 aux demandes des mauvais p]aisants3 qui les flattent. II alla done dans le corps d'un homme: mais comme le dieu eut honte4 de 1' envoyer dans le corps d' un homme sage et vertueux, il le destina au corps d' un harangueur ennuyeux et importun, qui mentait, qui se vantait sans cesse, qui faisait des gestes ridicules, qui se moquait5 de tout le monde, qui interrompait les conversations les plus polies et les plus solides, pour dire des riens, ou les sottises6 les plus grossieres. Mercure, qui le reconnut en ce nouvel etat, lui dit en riant: "Ho! ho! je te reconnais; tu n' es qu' un compose7 du singe.et du perroquet que j' ai vus autrefois. D' un joli singe et d' un bon perroquet, on ne fait qu' un sot homme." RZPFLEXIONS MORALES. 7S. IL semble que la nature, qui a si sagement dispose les organes de notre corps pour nous rendre heureux, nous aitr aussi donne 1' orgueil pour nous 6pargner la douleur de connaitre nos imperfections. Bien ecouter et bien riepondre est une des plus grandes perfections qu' on puisse avoir dans la conversation. Les hommes seront toujours ce qu' il plairaaaux femmes; si vous voulez done qu'ils deviennent grands et vertueux, apprenez aux femmes ce que c' est que9 grandeur d' Ame et vertu. Quelque difficile qu' il soit de discerner les limites qui sepa1. But, perf. of boire. 6. Sottises, silliness. 2. Ne gu4re, seldom. 7. Composd, compound. 3. Plaisants, jesters. 8. Ait, sllbjunctive after il semnble. See 4. Eut honte, was ashamed. page 353. 5. Se rnoquait, ridiculed. 9. Ce que c' est quze, what is. a Future ofpl1aire; Lees. 89. PIERRE LE GRAND. 71 rent 1' empire de la foi de celui de la raison, le philosophe n' en confond pas les objets. I1 y a, peu d' 6crivains pour qui 1' on n' ait a rougir; il n' y a presque pas un livre oA ii n' y ait des mensonges a effacer. La majeste des Ecritures m' etonne; la saintete de 1' Evangile parle a mon coeur. Se peut-ill qu' un livre, a la fois si sublime et si sage, soit 1' ouvrage des hommes! Se peut-ill que celui dont il fait 1' histoire ne soit2 qu' un homme lui-meme? Puisque nous ne pouvons pas r6pondre du temps qui suit, nous devons re'gler tellement le present que nons n' ayons pas besoin de 1' avenir pour le reparer. PIERRE LE GRAND. 79. PIERRE-LE-GRAND fut regrette en Russie de tous ceux qu' il avait formes; et la g6n6ration qui suivit celle des partisans des anciennes mceurs, le regarda bient6t comme son pere. Quand les dtrangers ont vu que tous ses etablissements etaient durables, ilt, ont eu pour lui une admiration constante, et ils ont avoue qu' il avait ete inspire plutot par une sagesse extraordinaire, que par 1' envie de faire des choses etonnantes. L' Europe a reconnu qu' il avait aim6 la gloire, mais qu' il 1' avait mise3SA faire du bien; que ses defauts n'avaient jamais affaibli ses grandes qualit6s; qu' en lui 1' homme eut ses taches,4 et que le monarque fut toujours grand. I1 a force la nature en tout, dans ses sujets, dans lui-meme, et sur la terre et sur les eaux; mais il 1' a forcee pour 1' embellir. Les arts, qu' il a transplantes de ses mains dans des pays dont plusieurs5 alors 6taient sauvages, ont, en fructifiant, rendu temoignage a son genie et eternise sa memoire; ils paraissent aujourd' hui originaires des pays memes ou il les a portes. Loi, police, politique, discipline mili1. Se peut-il, can it be. 4. Taches, (blemishes) defects. 2. Ne soit que, can be only. 5. Dont plusieurs, many of which were 3. 1n 1 avait mise, he had placed it (i. e. theni savage. glory) in doing good. '72 LES DEUX AMIS. taire, marine, commerce, manufacture, sciences, beaux-arts, tout s' est perfectionnl' selonn es vues; et par une singularite dont ii n' est point d' exemple, ce sont quatre femmes, montees apres lui sur le trone, qui ont maintenu tout ce qu' il acheva, et ont perfectionne tout ce qu' il entreprit. C' est aux historiens nationaux d' entrer dans tous les d6tails des fondations, des lois, des guerres, et des entreprises de Pierrele-grand. I1 suffit a un etranger d' avoir essaye de montrer ce que fut le grand homme qui apprit de Charles XII a le vaincre, qui sortit deux fois de ses etats pour les mieux gouverner, qui travailla de ses mains a presque tous les arts necessaires, pour en donner 1' exemple2 a son peuple, et qui fut le fondateur et le pere de son empire. LES DEUX AMIS. 80. LES deux classes de l'ecole de Westminster ne sont separees que par un rideau, qu' un 6colier dechira un jour par hasard. Comme cet'enfant etait d'un naturel doux3 et timide, il tremblait de la tete aux pieds, dans la crainte d' etre chhti6, parce que son maitre etait rigide. Un de ses camarades le tranquillisa, en lui promettant de se charger de la faute et de suibir la punition, ce que r6ellement il fit. Les deux amis, qui etaient devenus4 hommes, lorsque la guerre civile d' Angleterre 6clata,5 embrasserent des inte6rts opposes: 1' un suivit le parti du parlement, et 1' autre le parti du roi, avec cette diffSrence, que celui qui avait dechire le rideau tacha de s' avancer dans les emplois civils, let celui qui en avait subi la peine, dans les militaires. Apres des succes et des malheurs varies, les republicains remporterent un avantage decisif dans le nord de 1' Angleterre, firent prisonniers tous les officiers considerables de 1' armee de 1. S'est pefectionnd, has been per- 3. Naturel doux, a gentle nature. fecled. 4. Etaient devenus, had become. 2. Pour en donner, etc., to give an ex- 5. Eclacta, broke out. amrp'e of iero to his people. CHARLES XII. 73 Charles, et nommerent peu apres des juges pour faire le procs' a ces rebelles, ainsi qu' on les appelait alors. L' 6colier timide, qui est un de ces magistrats, entend prononcer parmi les noms des criminels celui de son gen6ereux ami, qu' ii n'a pas vu depuis le college; ii le considbre avec toute 1' attention possible, croit le reconnaltre, s' assure par des questions sages qu' ii ne se trompe pas, et sans se decouvrir lui-m~me, prend avec un grand empressement2 le chemin de Londres. Il y employa si heureusement son cr6dit auprs de Cromwell, 3 qu' il pr6serva son ami du triste sort qu' eprouvbrent4 ses infortun6s complices. CHARLES XII. UN jour que Charles XII dictait des lettres pour la Suede' un secritaire, une bombe tomba sur la maison, perqa le toit, et vint 6clater pros de la chambre meme du roi; la m"ti' du plancher tomba en pieces; le cabinet oi\ le roi dictait 6tant pratiqu6 en partie dans une grosse muraille, ne souffrit point de 1' 6branlement, et, par un bonheur 6tonnant, nul des 6clats5 qui sautaient en 1' air n' entra dans ce cabinet dont la porte 6tait ouverte. Au bruit de la bombe et an fracas de la maison qui semblait tomber, la plume e 6cbappa des mains du secr6taire: "Qu' y a-t-il done6?" lui dit le roi d' un air tranquille; "pourquoi n' 6crivez-vous pas?l" Celui-ei ne put repondre que ces mots: "Eh. sire, la bombe!" He bien! "reprit le roi, qu' a de commun7 la bomibe avec la lettre que je vous dicte? Continuez." 1. Faire le proces, to conduct the trial. 5 Eclats, fragments. 2. Avec une grand enpressement, with 6. Q' y a-t-il donc, (what is there then) great haste. what is the matter? 3. Auprls de Cronmwell, with Cromwell. 7. Qu' a de commun, what in common 4. EprouvM'ent, experienced. has, etc. 7 14 LE FANTOME. BEAU TRAIT DE DISINTIRESSEADIENT. S1. DANS la derniere guerre d'Allemagne un capitaine de cavalerie est commandce pour aller au fourrage. I1 part a la t6te de sa compagnie, et se rend dans le quartier qui lui 6tait assign6. C' etait un vallon solitaire, ou 1' on ne voyait guere que des bois. I1 y aperqoit une pauvre cabane; il y frappe; il en sort' un vieux Hernouten a barbe blanche.2 Mon pere, lui dit i' officier, montrez-moi un champ oui je puisse faire fourrager3 mes cavaliers. Tout-a-l' heure,4 reprit 1' Hernouten. Ce bon homme se met'a leur tete, et remonte avec eux Ic vallon. Apr's un quart d'heure de marche, ils trouvent un beau champ d' orge: Voila ce qu' il nous faut, dit le capitaine. Attendez un moment, lui dit son conducteur, vous serez content. Ils continuent a marcher, et ils arrivent a un quart de lieue plus loin, a un autre champ d' orge. La troupe aussitbt met pied a terre, fauche5 le grain, le met en trousse6, et reimonte a cheval. L' officier de cavalerie dit alors a son guide: Mon pere, vous nous avez fait aller trop loin sans necessite; le premier champ valait mieux que celui-ci. Cela est vrai, monsieur, reprit le bon vieillard, mais il n' 6tait pas -a moi.7 LE FANTOME. UNE dame etant all6e voir une de ses amies'a la campagne, on lui dit qu' un fant6me avait coutume de se promener toutes les nuits dans 1' un des appartements du chateau, et que depuis bien du temps, personne n' osait y habiter. Comme elle n' etait 1. Il en sort, there comes out of it. 5. Fauche, reap. 2. A barbe blancse. See Less. 77, page 6. En trousse, on the croup. 139. 7. Ndtait pas d moi, was not mine. See 3. Fourrager, to forage. les. 126, pagre 268. 4. Tout-d-l' h eure. prselntly. LE BESOIN DA'IMER. 75 ni superstitieuse, ni cr6dule, elle eut la curiosite de s' en convaincre par elle-meme, et voulut absolument coucher dans cet appartment. Au milieu de la nuit, elle entendit ouvrir sa porte, elle parla, mais le spectre ne lui repondit rien. I1 marchait pesamment et s' avanGait en poussantl des gemissements. Une table qui etait au pied du lit fut renvers6e, et ses rideaux s' entr' ouvrirent avec bruit. Un instant apres, le gu6ridon2 qui etait dans la ruelle,3 fut culbute,4 et le fant6me s' approcha de la dame; elle de son c6t6, peu troublee, allongeait les deux mains pour sentir s' il avait une forme palpable. En tatonnant5 ainsi, elle lui saisit les deux oreilles. Les oreilles etaient longues et velues6; ce qui lui donnait beaucoup a penser. Elle n' osait retirer une de ses mains pour toucher le reste du. corps, de peur de le laisser s'6chapper, et elle persista jusqu' a 1' aurore dans cette penible attitude. Enfin, au point du jour, elle reconnut 1' auteur de tant d' alarmes pour un gros chien assez pacifique, qui n' aimant point a coucher k l'air, avait coutume de venir chercher de 1' abri dans ce lieu, dont la serrure ne fermait pas. LE BESOIN D'AIMER. S2. LE visir Azamet avait plu dans sa jeunesse au sultan Mahmoud qui 1' eleva aux premieres dignites de 1' empire: des qu' Azamet fut en place7 il voulut reformer les abus; mais les grands et les imanss le perdirent3 dans 1' esprit du prince, et meme du peuple. Au moment de sa disgrace, il entendit s' elever coontre lui le cri de la haine universelle. Prive de ses biens, et sans amis, Azamet se retira dans les rochers du Khorazan: la il vivait seul dans une jolie cabane 1. En poussant, uttering some moan- 5. En tctonnant, infeeling. ings. 6. Velu.es, hairy. 2. Legueridon, stand. 7. En place, in office. 3. Ruelle, (the space between the bed 8. Imnans, priests (of Mahomet.) and the wall) bed-side. 9. Le perdirent, ruined him. 4. Culbuld, upset. '76 LE BESOIN D AIMER. qu' il avait construite, et il cultivait un petit terrain au bord d'un ruisseau. I1 y avait deux ans qu' il vivait dans cette solitude, lorsque le sage Usbeck decouvrit sa retraite. Les conseils vertueux d' Usbeck n' avaient pas peu contribue6 la perte du visir. Le sage, qui n' avait point oublie son ami dans sa disgrace, partit pour le Khorazan. Usbeck n' 6tait plus qu' &a une parasange de la cabane du ministre, lorsqu' il le rencontra: ils se reconnurent, ils s' embrasserent: le sage versait des larmes; le visage d'Azamet 6tait riant, son front etait serein, et la joie 6tait dans ses yeux: B6ni soit le prophete qui donne de la force aux malheureux, dit Usbeck; celui qui poss6dait une belle maison dans les riches plaines de Ghilem est content d' habiter une cabane dans les rochers du Khorazan; o Azamet! ta vertu t' a suivi dans ces deserts, mais a-t-elle pu te consoler de vivre seul? il faut des compagnons a ceux memes qui n' ont point d' amis; quelle solitude n' est pas un tombeau? Ils approchaient cependant de la cabane d' Azamet, ofu il n' etait pas rentr6 depuis le matin: ils entendirent le hennissement d' un jeune cheval qui venait en bondissant a leur rencontre2; quand il fut aupres du visir, il le caressa et marcha devant lui en sautant et en hennissant. S3. Usbeck vit3 accourir d' une prairie voisine deux belles g6nisses,4 qui passerent et repasserent devant Azamet, et semblaient lui offrir leur lait, et presenter leurs tetes a son joug. Elles se mirent a sa suite. A quelques pas de la, deux chevres suivies de deux chevreaux descendirent d' un rocher: elles t6moignerent par leurs cabrioles5, la joie de revoir leur maitre, qu' elles accompagnerent en badinant autour de lui. Bient6t, du fond d' un petit verger couvert de jeunes arbres, sortirent quatre ou cinq moutons; ils belaient, ils bondclsaient 1. N' etait plus qu' d, etc., was only 3. Vii, saw, simp. perf. of voir. See within a parasang. Less. 136. 2. A leur rencontre, (to their meeting) to 4. Genisses, heifers. meet them. 5. Cabrioles, capers. LE BESOIN DIAIMER. V7 et lechaient les mains d' Azamet qui les leur tendait en souriant: en meme temps, quelques pigeons vinrentt se poser sur sa tete et sur ses epauies: il entrait dans le petit jardin qui environnait sa cabane, lorsqu' un coq, en chaltant, et plusieurs poules en caquetant accoururent2 augmenter son cortege.3 Mais les denmonstrations de joie et d' amour dans tous ces animaux n' 6galaient point celles de deux jeunes chiens blancs qui attendaient Azamet a sa porte; ils ne venaient point au devant de lui, et semblaient vouloir lui montrer qu' ils gardaient fidblement sa demeure qu' il leur avait confi6e; mais au moment qu' ii entrait, ils 1' accablerent des plus vives caresses; ils rampaient autour de lui, il se jetaient a ses pieds, ils' les lechaient: leur regards etaient passionnes, le langage de leur passion etait un murmure doux et tendre: a la moindre caresse que leur rendait leur maitre, ils s' 6lanqaient,4 ils faisaient de longs circuits autour de la cabane, en courant et en aboyant de toute leur force; 1' exces du plaisir leur donnait de la folie, ils revenaient bien vite en haletant et en suffoquant, s' 6tendre encore aux pieds d' Azamet. Usbeck souriait a ce spectacle: eh bien! lui dit le visir, tu me vois tel que j' ai ete dbes mon enfance, l' ami des etres sensibles: j' ai voulu faire le bonheur des hommes, ils se sont opposes5 a rmes desseins, je rends ces animaux heureux, et je jouis de6 ]leur reconnaissance; tu vois qu' enferme dans les rochers du Khorazan, j' ai des compagnons, et que ma solitude n' est pas un tombeau: je vis encore, j' aime, et je suis aime. 1. TYinrent, perf. ofvenir. See Less. 136. 5. lls se sont opposes, etc., they opposed 2. Accoururent, perf. of accourir. my designs. See Less. 85. 3. Cortdge, train. 6. Je jouis de, etc., I enjoy their grati4. ns s' 9lanaient, they darted forward. tude. 7* 78 UN HIOMME HEUREUX. UN HOMME HEUREUX. 84. AUGUSTE, de retourl de ses voyages, est rentre2 dans sa vall6e natale. I1 a borne ses desirs: il a pris une compagne simple et modeste parmi les filles de cette vall6e; ses vceux ne s' etendent pas au-dela de 1' Ilfis et de 1' Emma, qui baignent la contr6e. Les premiers rayons du soleil naissant viennent embellir sa demeure; les soins de 1' agriculture et ceux de 1' education des enfants pauvres du village, occupent ses instants et sont le but de sa vie. Toute sa philosophie est dans sa moderation et dans sa simplicite. I1 fait le bien,3 il vit obscur, ii est heureux. L' agitation inquiete des hommes qui ont vecu dans la sphere des cours, dans le tourbillon politique, dans la licence des camps, lui est etrangere. I1 ni' egare point4 son esprit dans de vastes projets; il n' entretient pas des relations lointaines. I1 ne rattache5 point ses craintes ou ses esperances aux recits souvent infidlees, traces par des plumes venales dans les lieux ouf dominent 1' intrigue, l' ambition et tous les vices. Peu lui importent les crimes des ininistres des rois et des puissants de la terre; il ne daigne pas s' informer ou ils existent; leurs noms memes, lui sont inconnus; jamais il n' a dfu courber6 en leur presence un front humilie. I1 embrasse d' un seul coup-d' ceil son petit domaine, qui suffit a ses besoins. La colline sur laquelle est baotie son humble cabane, produit le ble qui nourrit sa famille. Au bas de la colline est le temple ofi il remercie le Pere commun de tous les biens qu' il en a regus. Dans la maison du pasteur du lieu, il goufte les plaisirs d' une societe douce et innocente. Aupres du temple et du presbytere7 est le gazon touffu sous lequel reposent les cendres de ses peres, qui attendent les siennes. Aucune impression douloureuse ne vient troubler la paix profonde dlont il jouit. Son 1. De retour, on his return. 4. n n' dgare point, he does not lead his 2. Est rentrd, entered again. R2entrer spirit astray. takes etre for its auxiliary. See 5. Rattache, attach. Less. 110, page 223. 6. N' a dit,, has not been obliged. 3. Fait le bien, he does good. 7. Presbytdre, parsonage, MILTON COMPOSANT LE PARADIS PERDU. 79 oceur est calme comme la surface d' un beau lac argente dont' le souffle d' aucun vent n' agite les eaux. MILTON COMIPOSANT LE PARADIS PERDU. S5. MILTON, libre et oublie, poursuivit avec ardeur la composition de son sublime ouvrage. I1 avait alors cinqjuante-sixans; il etait aveugle, et tourmente de la goutte. Une vie etroite et pauvre, de nombreux ennemis, le sentiment amer de ses illusions dementies,2 le poids humiliant de la disgrtace publique, la tristesse de 1' Ime et les souffrances du corps, tout accablait Milton; mais un genie sublime habitait en lui. Dans ses journees rarement interrompues, dans les longues veilles de ses nuits, ii melditait des vers sur un sujet depuis si longtemps d6pose dans son anme, et qn' avaient muri,3 pour ainsi dire, tous les 6v~enements et toutes les passions de sa vie. Separe de la terre par la perte du jour4 et par la haine des hommes, ii n' appartenait plus qu' a ce monde myst6rieux dont il racontait les merveilles. "Donne5 des yeux a mon ame," disait-il'i sa muse. I1 voyait en lui-meme, dans le vaste champ de ses souvenirs et de ses pensees. Les fureurs du fanatisme, l'enthousiasme de la revolte, les tristes joies des partis vainqueurs, les haines profondes de la guerre civile, avaient de toutes parts assailli et exerce son genie. Les chaires des eglises d' Angleterre, les salles de Westminster, toutes pleines de seditions et de bruyantes menaces,6 lui avaient fait entendre ce cri de guerre contre la puissance, qu' il aimait a r6p6ter dans ses chants, et dont il armait l'enfer eontre la monarchic du Ciel. La religion independante des Puritains, leurs extases mystiques, leur ardente piete sans foi positive, 1. Deont, etc, of which the breath of no 4. Perte du jour, loss of sight. wind agitates the waters, 5. Donne, imperative, second person 2. Ddmenties, disappointed, singular. 3. Qu' avaient mnfri, etc., which all the 6. Bruyantes menaces, noisy threats. events and all the passions of his life had matured. 80 LE BONHEUIJR. leurs interpretations arbitraires de 1' Ecriture, avaient acheve d' oter tout frein a son imagination, et lui donnaient quelque chose d' impetueux et d' illimite, comme les raeves du fanatisme. A tant de sources d' originalit6 il faut joindre cette feconde imitation de la poesie antique, qui nourrissait la verve' de Milton. Heomere apres la Bible, avait toujours 6t6 sa premiere lecture; il le savait presque par cceur, et 1' 6tudiait sans cesse. Aveugle et solitaire, ses heures etaient partage'es entre la composition poetique et le ressouvenir toujours entretenu2 des grandes beautes d' Isaie, d' Heomere, de Platon, d' Euripide. I1 avait3 fait apprendre a ses filles a lire le grec et 1' hebreu, et 1' on sait que 1' une d' elles, long-temps apres recitait de memoire des vers d' Homere qu' elle avait ainsi retenus sans les comprendre. Chaque jour, Milton en se levant, se faisait4 lire un chapitre de la Bible hebraique; puis il travaillait a son poeme, dont il dictait les vers a sa femme, ou quelquefois a un ami, a un etranger qui le visitait. La musique etait une de ses distractions5; il touchait6 de 1' orgue, et chantait avec gout. Au milieu de cette vie simple et occupee, le Paradis Perdu, si long-temps mndite, s' acheva promptement. LE BONHEUR. 86. LES gens du monde placent d'ordinaire le bonheur dans les richesses et dans la vie tumultueuse des villes; les sages, au contraire, se sont accordes7 dans tous les temps et dans tous les pays & ne trouver la veritable f6licite que dans la mediocrite et le s6jour de la campagne. Quels motifs assez puissants ont pu determiner cette derniere opinion si souvent dementie8 par les propos9 de la societe, et lui donner un credit 1. Verve, rapture. 6. Tozuchait, etc., he played on the or2. Entretenu, kept up. gan. 3. n avait, etc., he had made his daugh- 7. Se sont accord/s, have agreed. ters learn. 8. Ddmentie, contradicted. 4. Sefaisait lire, had read to him. 9. Propos, discourse. 5. Distractions, diversions. . E B ON tIEUR 81 assez grand pour contrebalancer les prejuge6s de la mode ou les frivoles impressions du jeune age? Je vois deja 1' observateur superficiel traiter ces motifs de' chimere par la seule raison qu'ils -chappent a ses regards distraits. Combien2 pourtant ils sont reels et dignes d' etreo apprecies par un cceur tendre et un esprit donu de quelque solidite! Approchez, incr6edules, et pour revenir 3 de vos futiles preventions, faites un moment la comparaison du riche citadin avec 1' homme des champs qui borne ses voeux a la jouissance paisible de son modique h6ritage, tandis que tous les moments de 1' opulence sont remplis par des occupations qui ne lui laissent ni repos ni vrais plaisirs. La meidiocritei, exempte des embarras du luxe, a 1' abri4 de 1' envie; permet au coeur de se livrer a tous ses louables penlchants, a 1' esprit de cultiver toutes ses facult6s. La bienfaisance, qui s' exerce5 a si peu de frais, laisse au fond de 1' ame des jouissances bien pref6rables a celles de la fortune. La flatterie ne dresse6 pas autour de la demeure de 1' homme des champs les embfuches7 dont elle environne les palais. La mediocritei jouit surtout de ce rare privilege de pouvoir choisir le genre de vie le plus conforme a ses gouts, sans craindre les importuns ou les censeurs. Malgre tous ces avantages, il.est peu de personnes qui sachent joUir de la meidiocritei; le m6rite seul peut s'y plaires; le vulgaire aime bien mieux dissiper dans les villes son patrimoine, ruiner sa sante', comprormettre son avenir, et puiser9 a la source des plaisirs frivoles une satieitie prematuree, que de se preparer des jouissances paisibles et impeirissables, par 1' etude et la reflexion. Quel etrange aveuglement! Commentl~ ne cesse-t-il pas au seul aspect d' une riante campagne? Qui ne sent sous un beau ciel son cceur s' 6panouir,'1 son esprit s' eilever, tout 1. Traiter-de, call. 7. Embfrches, stratagems. 2. Combien, etc., how real are they. 8. S' yplaire, please itself therein. 3. Revenir, etc., to recover from your- 9. Puiser, etc., to drain at the source of shallow prejudices. frivolous pleasures. 4. A 1' abri, (in shelter) sheltered. 10 Comment, why. 5. S' exerce, is exercised. 11. "' dpanotsir, to become expanded. 6. Dresse, (set tup) prepare. 82 LE SONGEI. son 6tre anim6 d' une vie nouvelle? La jeunesse y trou-e les objets en-harmonie avec la na'ivete de ses sentiments, et la vieillesse s' y repose des peines inseparables d' une longue carriere. Ce n' est enfin qu' a la campagne et au sein de la mediocrite, que 1' on jouit du pr'sent, et que 1' on peut contenmpler 1' avenir sans crainte, et le passe sans regret. LE SONGE. 87. UN jour je me retirais chez moi, 1' esprit rempli d' observations chagrines; et apres avoir fait la satire de tous les 6tats, de toutes les conditions et de moi-meme, je tombai dans un sommeil profond; j' eus un songe. Je me crus2 transporte dans ma solitude, et loin des defauts qui m' avaient blesse; je me promenais avec une joie tranquille dans la foret qui protege ma cabane contre les vents d' Arabie, je me derobais3 sous ses ombrages aux folies des hommes. Le soleil venait de4 s' elever sur 1' horizon, ses rayons doraient la verdure interposee entre lui et moi, et donnaient de la transparence au feuillage. J'entendais les chants d'une, multitude d' oiseaux; j' etais attentif a tous leurs accents; j' en observais la diversite, ainsi que celle5 de leurs formes, de leur vols, et de leurs plumages. Le rossignol, le merle, le corbeau, la fauvette,6 le geai,7 1' alouette,s 1' aigle, la tourterelle, chantaient, sifflaient, croussaient, criaient, roucoulaient, sautaient, voltigeaient, volaient, ou planaient. Le ciel me donna tout-a-coup l' intelligence de leurs diff6rents langages; j' entendais 1' aigle qui raillait le hibou sur la vue; la tourterelle parlait fort mal des mteurs de 1' 6pervier, qui n' avait que du mepris pour sa faiblesse; le merle faisait 1. Chagrines, gloomy.. 4. Venait de, etc., had just arisen. See 2. Crus, believed; perf. of croire. Less. 137. 3. Je me dirobais, etc., I stole away be- 5. Ainsi que celle, as well as that. neath its shade, from the follies of 6. Lafauvette, the linnet. men. 7. Le geai, the jay. S. L' l2ouette, tlhe lark. LE SONGE. 83 des plaisanteries sur le cri de 1' aigle; le geai et la pie disaient des injures; ils reprochaient au corbeau sa mine triste, et trouvaient au moineau 1' air commun. Je vis descendre du ciel une figure fort extraordinaire; c' etait un jeunle holnme dont le corps avait la couleur d' une neige, parsemie de fcuilles de roses; il avait de grandes ailes bleues dont les extr6mit6s etaient dorees; ses cheveux etaient noirs comme 1' ebene; ses yeux etaient de la couleur de ses cheveux. I se posa sur un platane qui s' elevait au-dessus des cedres de la foret; il appela par leurs noms les diff6rentes especes d' oiseaux que je vis s' abattre autour de lui sur les rameaux des cedres; il leur ordonna le silence, et il leur dit. Ecoutez ce que j' ai a vous reveler de la part du Grand-Etre. Vous etes tous 6gaux en m6rite, vous 6tes diff6rents en qualit6 parce que vous etes destines a des fonctions diff6rentes. L' aigle est nue pour la guerre; son cri, expression de la force, ne pout avoir de 1' harmonie; pour donner au rossignol et a la fauvette leur voix douce et le6gre, il a fallu2 leur donner des organes d6licats; la tourterelle, n6e pour I' amour, se tient sous les ombrages, ou rien n' interrompt en elle le plaisir d' aimer. Restez ce que vous etes, sans regrets, et sans orgueil, cedez differemment3 aux impulsions de la nature, et voyez dans vos especes des diff6rences et non des defauts. A ces mots, je vis les oiseaux se disperser dans la foret, et le g6nie s' 6lever aux cieux, en jetant sur moi un regard plein d' expression. Je m' 6veillai, et je me dis: Je ne dois jamais plus exiger dans le cadi la douceur du courtisan, dans 1' iman la franchise du guerrier, dans le marchand le desinteressement du sage, dans le sage 1' activite de 1' ambitieux! c' est moi que tu es venu instruire, 6 c6leste g6nie i tes leoons seront' jamais gravees dans mon cceur, et par mes levres elles seront rpe6tees aux hommes. O mes freres! nous partons ensemble pour voyager, les uns 1. Disaient des injures, uttered abuses. 3. Cedez diffremment, yield in differ2. 1t a fatllu. It has been necessary. ent ways. 84 UNE NUIT SUR UNE MONTAGNE. au nord, les autres au midi; il ne nous faut nil les memes vetements, ni les memes provisions. Nous vivons clans une famille dont le chef nous a donne des biens de diffrente nature. A quoi servent2 a celui qui taille les arbres du verger, les instruments du labourage? UNE NUIT SUR UNE MONTAGNE DANS L'AFRIQUE MIERID ION ALE. 88. IL faut que je vous raconte une de mes excursions. J' etais sorti de grand matin,3 et j' avais ete me promener4 dans des montagnes a seize milles du cap. Mon cheval et moi nous commencions a ju(ger qu' il etait temps de retourner au logis, lorsque le brouillard nous enveloppa completement. Je ne sais si vous avez jamais eu 1' occasion de remarquer les effets que produit le brouillard, soit en changeant les formes des montagnes, soit en grossissant le volume des objets, ou en les cachant entierement, soit en les laissant entrevoir5 sous les apparences les plus bizarres et les plus fantastiques, tellement que le voyageur, trompe a chaque instant, perd toute confiance dans le rapport de ses sens. Je me trouvais sur le sommet d' une colline dont les flancs etaient raides et escarpes. I1 n' y avait pour descendre qu' un sentier tres-rapide, qui etait mon unique ressource. Je le cherchai aussi long-temps que je pus voir ma boussole,6 et, quoique souvent trompe, je ne continual pas moins mon chemin par-dessus les rochers et a travers les marecages,7 jusqu' au coucher du soleil, qui dans ce pays-ci, est bientot suivi de 1' obscurite. Pendant quelques instants, les nuages entr'ouverts 1. n ne nousfaut ni, (there is necessary nifies to go (in any way)for exercise to us,) we need neither. or amusement. 2. A quoi servent, (to what serve,) of 5. Les laissant entrevoir, letting them what use. be seen in part. 3. J' etais sorti de grand matin, I had 6. Boussole, compass. gone out early in the morning. 7. A travers les mardcag es, across the 4. 1Me promener, to ride; this verb sig- swamps. UNE NUIT SUR UNE MONTAGNE. 85 laissaient apercevoir les derniers rayons du-soleil, et c' est de cc c6t6 que se dirigea mon cheval; il semblait avoir quelque espoir, et galopait avec ardeur. Enfin, arrive sur le plateau des falaises' qui bordaient la plaine, il s' arreta tout-a-coup, et son esperance et la mienne s' 6vanouirent en mneme temps. Nous n' avi.ons pas d' autre perspective que de passer la nuit sur la montagne. Fatigue et mouill6, et de plus affamne (je n' avais rien pris depuis mon dWjeuner,) je descendis de cheval au pied d' un rocher qui m' abrita de la pluie. I1 n' y avait2 pas long-temps que j' occupais ce poste, lorsque j' entendis le cri sauvage et prolonge du chacal et le court hurlement du loup. UIs avaient senti mon cheval, et s' approchaient toujours.3 Je n' avais point cl' armes; je ramassai quelques cailloux, j' en frottai continuellement deux 1' un contre 1' autre pour produire du feu, et je criai de toutes mes forces. Trois ou quatre'loups vinrent tout pres de moi; mais je crois que la faim la plus pressante n' etouffe jamais, chez ces animaux, la crainte que leur inspire la voix de 1' homme. C' est en cela que mon cheval semblait placer toute sa confiance; il se serrait4 contre moi, portant le nez au vent; il sentait les betes f6roces a quelques pas, et il semblait me regarder comme son compagnon d' infortune; il me mordait in. main, frottait son museau glace contre mon visage; ce qui du moins m' empecha de m' endormir. 89. J' entendais le bruit sourd et monotone de la mer qui battait au pied des enormes falaises; les brouillards m' envirronnaient de toutes parts, et la lune, perqant un moment leur 6paisseur, me fit voir une scene dont je ne peux pas oublier 1' aspect sauvage et desole. L' explosion lointaine du canon de la retraite5 m' avait annonce neuf heures. Chaque fois que les brouillards semblaient s' 6claircir, je fixais mes yeux sur le point de 1' horizon ou devaient se montrer les premieres lueurs 1. Seur le plateau des falaises, on the 3. 5' approchaient toejoeurs. were contable-ground of the cliffs. stantly approaching. 2. 11 n' y avait, etc., I had not long oc- 4. Se serrait, pressed. cupied that post. 5. Canon de la retraite, cannon (a signal) of retiring. 8 UIN NUyIT SUR UN E T0ONI A N E. du jour; mais mon attente fut souvent d6eue.l La lune, qui paraissait emportee sur les nuages comme un frele esquif, tant6t suspendu au sommet de la vague, tant6t entraine au fond de 1' abime, repandait une clarte pale et hideuse sur les rochers grisatres 6pars alentour. Quelquefois un voile 6pais de nuages la cachait a mes yeux, et de nouveau plonge dans 1' obscurite, j' ecoutais le battement sourd et monotone du ressac.2 Le hurlement du loup et le cri perqant du chacal m' annoncerent que la nuit allait3 bient6t finir; car les animaux sauvages, apres avoir rode' dans le voisinage des habitations, regagnaient leurs retraites. Enfin j' entendis le canon du matin, et jamais aucun son ne fut plus agrbable a mon oreille. Les nuages s' 6claircirent, le soleil se leva, les gouttes de pluie brillerent. comme des diamants sur les buissons et les fleurs, et la scene, auparavant sombre et diesolee devint4 en un moment resplendissante de lumieire et de beaute. Je montai a cheval, et gravissant5 un des sonmmets les plus eleves, je reconnus que j' etais loin du point que j' avais cherche. Mais maintenant, il 6tait jour; les brouillards, suspendus en voiles legers sur les flancs des montagnes, ne m' en clerobaient plus la vue, mais ajoutaient a leur beaut. Ils couvraient le fond de la vallee comme un lac paisible dont la surface semblait reflechir la vou'te du ciel. Est-il etonnant, pensai-je alors, que l'on ait adore le soleil! Cette derniere aventure n'etait pas precisement agreable, mais j' ai du plaisir a ces promenades solitaires. Les fleurs des champs, les vertes bruyeres6 avec leurs bouquets de pourpre, les oiseaux au7 plumage 6clatant, les 16zards craintifs et diversement nuances qui se glissent entre les fentes des rochers; le cam1leon noir dans 1' ombre, mais qui reflete la verdure brillante du buisson out il grimpe lentement; tous ces objets sont pour moi une societe delicieuse. La vague ecumante qui' se 1. Mon attente, etc., my expectation was 5. Gravissant, climbing. many times deceived. 6. Les vertes bruydres, etc., the green 2. Du ressac, of the surf. heath, with its clusters of purple. 3. Allait, etc., was going to end soon. 7. Les oiseaux, eto., the birds with bril4. Devint, beeame; perf. of devsenr. liant plumage. ORAGE D' ETE. 87 brise a mes pieds, les masses de nuages qui volent au-dessus de ma tete, ont pour moi un langage muet, mais eloquent. Vauines' reveries que tout cela, dites-vous; mais il y a des moments ofu je fuis la societe pour m' abandonner a ces songes, pour rappeler les vives impressions de mon enfance, dont le souvenir est encore plus reel pour moi que les choses du present. C' est la scene du matin avec sa lumiere brillante et ses ombres2 fortetnent dessinees, aupres de laquelle tout ce qui suit parait efface, terne3 et sans vie. ORAGE D'PTE. 90. ON voit a 1' horizon de deux points opposes Des nuages imonter dans les airs embrases;4 On les voit s' 6paissir, s' l61ever et s' 6tendre. D' un tonnerre eloigne le bruit s' est fait entendre; Les flots en ont fremi,5 1' air en est ebranle, Et le long du vallon le feuillage a trembl6. Les monts ont prolonge le lugubre murmure Dont le son lent6 et sourd attriste la nature. 11 succede a ce bruit un calme plein d' horreur, Et la terre en silence attend dans la terreur; Des monts et des rochers le vaste amphitheatre Disparait tout-h-coup sous un voile grisatre; Le nuage elargi ]es couvre de ses flancs; I1 peise sur les airs tranquilles et brulants. Mais des traits enflammes ont sillonnie la nue, Et la foudre, en grondant,7 roule dans 1' itendue; Elle redouble, vole, iclate dans les airs; Leur nuit est plus profonde, et de vastes 6clairs 1. Vaines, etc., vain reveries all that 4. Les airs embrasis, the burning. you say. 5. Frdmi, trembled. 2, Et ses ombres, and its strongly 6. Lent, slow. marked shadows. 7. En grondalt, muttering. 3 Terne, dull. 88 1IA FEUILLE. En' font sortir sans cesse un jour pale et livide. Du couchant2 ten6breux s' 6lance un vent rapide Qui tourne sur la plaine, et rasant3 les sillons, Enleve un sable noir qu' ii roule en tourbillons. Helas! d' un ciel en feu les globules glaces Ecrasent, en tombant, les epis renverses; Le tonnerre et les vents d6chirent les nuages; Le fermier de ses champs contemple les ravages, Et presse dans ses bras ses enfants effrayes. La foudre eclate, tombe, et des monts foudroyes4 Descendent a grand bruit5 les graviers et les ondes. Qui courent en torrent sur les plaines f6condes. O recolte! o moisson! tout perit sans retour: L' ouvrage de 1' ann6e est detruit dans un jour. LA FEUILLE. DE ta tige detachee, Pauvre feuille dessechee, Oui vas-tu?-Je n' en sais rien. L' orage a bris6 le chene, Qui seul 6tait mon soutien. De son inconstante haleine Le zephyr ou 1' aquilon Depuis ce jour me promene6 De la foret a la plaine, De la montagne au vallon. Je vais ou le vent Ine mene, Sans me plaindre ou m' effrayer; Je vais ofu va toute chose, Ouf va la feuille de rose Et la feuille de laurier. 1. En, from it, (i. e. the night.) 4. Foudroyds, thunderstruck. 2. Couchant, the west. 5. A greand bruit, xvith great noise. 3. Rasant. smoothing. 6. Me pro;nndle, takes me about. L ABENAKI. 89 L'ABENAKI. 91. PENDANT les dernieres guerres de 1' Amerique, une troupe de sauvages Ab6nakis defit' un detachement anglais; les vaincus ne purent2 6chapper a des ennemis plus 16gers qu' eux a la course, et acharn6s3 a les.poursuivre; ils furent traites avec une barbarie dont il y a peu d' exemples, mlume dans ces contrees. Un jeune officier anglais, presse par deux sauvages qui 1' abordaient4 la hache lev6e, n' esperait plus se d6rober a la mort. I1 songea seulement i vendre cherement sa vie. Dans le meme temps, un vieux sauvage, arme d' un arc, s' approche de lui et se dispose a le percer d'une fleche; mais apres 1' avoir ajust6, tout d' un coup il abaisse son are, et court se jeter entre le jeune officier et les deux barbares qui allaient5 le massacrer; ceux-ei se retirerent avec respect. Le vieillard prit 1' anglais par la main, le rassura par ses caresses, et le conduisit a sa cabane, ofu il le traita toujours avec une douceur qui ne se dementit jamais;6 ii en fit moins son esclave que son compagnon; il lui apprit la langue des Ab6nakis, et les arts grossiers en usage chez ces peuples. Ils vivaient fort contents 1' un de 1' autre.7 Une seule chose donnait de 1' inquietude au jeune anglais: quelquefois le vieillard fixait les yeux sur lui, et apres 1' avoir regarde, il laissait tomber des larmes. Cependant, au retour du printemps, les sauvages reprirent8 les armes, et se mirent en campagne. Le vieillard qui 6tait encore assez robuste pour supporter les fatigues de la guerre, partit avec eux, accompagn6 de son prisonnier. 1. Defit, perf. of defaire. 5. Allaient, were going. 2. Purent, perf. of pouvoir. 6. Ne se denzentitjarmais, never failed. 3. Acharnes, relentless. 7. L' un de 1' autre. with each other. 4. L'abordaient, etc., were approach- 8. Reprirent, from reprendre. ing him with lifted hatchet. 8* 90 LI ABENAKI. Les Abenakis firent une marche de plus de deux cents lieues a travers les forets; enfin, ils arriverent a une plaine ou ils decouvrirent un camp c' anglais. Le vieux sauvage le fit voirl au jeune homme en observant sa contenance. Voilo2 tes frieres, lui dit-il, les voila qui nous attendent pour nous combattre. Ecoute; je t ai sauve la vie, je t' ai appris a faire un canot, un arc, des fleches, a surprendre 1' orignal3 dans la foret, a manier la hache et a enlever la chevelure a 1' ennemi. Qu' etais-tu, lorsqiue je t' ai conduit dans ma cabane? tes mains 6taient celles d' un enfant, elles ne servaient ni a te nourrir, ni a te d6fendre; ton ame etait dans la nuit, tu ne savais rien; tu me clois tout; seras-tu assez ingrat pour te r6unir a tes freres et pour lever la hache contre nous? 92. L' anglais protesta qu'il aimait mieux perdre mille fois la vie, que de verser le sang d' un Abenaki. Le sauvage mit les deux mains sur son visage en baissant la tete; et apres avoir 6et quelque temps dans cette attitude, il regarda le jeune anglais, et lui dit d' un ton me16 de tendresse; As-tu un pere? I1 vivait encore,4 dit le jeune homme, lorsque j' ai quitte ma patrie. Oh! qu'il est5 matheureux! s' ecrie le sauvage; et, apres un moment de silence, il ajouta; Sais-tu que j' ai ete pere? Je ne le suis plus.6 J' ai vu mon fils tomber dans le combat, il etait a mon c6te, je 1' ai vu mourir en homme;7 il etait couvert de blessures quand il est tombe.8 Mais je l' ai veng6! I1 prononqa ces mots avec force. Tout son corps tremblait. I1 etait presque 6touff6 des g6missements qu'il ne voulait pas laisser 6ichapper. Ses yeux 6taient egares,9 ses larmes ne coulaient pas. I1 se calma peu a peu, et se tournant vers 1' orient out le soleil allaitl~ se lever, il dit an jeune anglais: Vois-tu ce beau ciel resplendis1. Lelfit voir, etc., (made see it to the 6. Je ne le suis plus, I am (it) so no young man,) pointed it out to the more. young man. 7. En? homsne, as a man. 2. Voild, etc., there are thy brethren, 8. Est to?nmb, fell; tomzber commonly said he, there are they, etc. takes etre for its auxiliary. 3. L' orignal, the elk. 9. Egares, wandering. 4. II vivait encere, he was still living. — 10. Allait, etc., was going to rise. 5. Qau' il est. etc., how inlhappy he is! A. M. DE COULANGES. 91 sant de lumiere? As-tu du plaisir a le regarderl Oui, dit 1' anglais, j' ai du plaisir a regarder ce beau ciel. Eh bien!je n' en ai plus, dit le sauvage, en versant un torrent de larmes. Un moment apres, il montre au jeune homme un manglier qui 6tait en fleurs. Vois-tu ce bel arbre, lui clit-il? as-tu du plaisir a le regarder? Oui, j' ai du plaisir a le regarder. Je n' en ai plus, reprit le sauvage avec precipitation; et il ajouta tout de suite. Pars,l va2 dans ton pays, afin que ton p'ere ait encore du plaisir a voir le soleil qui se 1eve, et les fleurs du printemps. A. M. DE COULANGES. 93. JE n' en vais vous mander3 la chose la plus 6tonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus etourdissante, la plus inouie, la plus singuliere, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprevue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus eclatante, la plus secrete jusqu'aujourd' hui, la plus digne d' envie; enfin une chose dont on ne trouve qu' un exemple dans les siecles pass6s, encore cet exemple n' est-il pas juste;4 une chose que nous ne pouvons croire a Paris, comment la peut-on croire a Lyons? une chose qui fait crier misericorde a tout le monde; une chose qui comble de joie madame de Rohan et madame de Hauteville; une chose enfin qui se fera5 dimanche; oui ceux qui la verront croiront avoir la berlue;6 une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut-etre pas faite lundi. Je ne puis me resoudre a vous la dire, devinez-la; je vous la donne en trois,7 Jetezvous votre langue aux chiens? 1. Pars, imperative ofpartir. 6. Avoir la berlue, that they have dim2. Va, imperative of aller. ness of' sight. 3. Nous mander, to write you. 7. Je vous le donne en trois, (I give it to 4. N' est-ilpasjuste, is not exact. you in three,) I give you three 6. Sefera, will take place. guEesses. 92 LE CHIEN DE BRISQUET. Hei bien! il faut done vous le dire: M. de Lauzun e6pouse dimanche au Louvre, devinez qui. Je vous le donne en quatre, je vous le donne en dix, je vous le donne en cent. Madame de Coulanges dit: Voila qui est bien difficile a deviner! c'est madame de la Valliere. Point du tout, vous etes bien provinciale! Ah, vraiment nous sommes bien betes! dites vous, c' est mademoiselle Colbert-Encore moins. C' est assurement mademoiselle de Cr6qui. Vous n'y etes pas. I1 faut done a la fin vous le dire. Il epouse dimanche, au Louvre, avec la permission du roi, mademoiselle... mademoiselle... de, devinez le nom; il epouse dimanche Mademoiselle, fille de feu' Monsieur; Mademoiselle, petite-fille de Henri IV.; mademoiselle d'Eu, malemoiselle de Dombes, mademoiselle de Montpensier; mademoiselle d'Orleans; Mademoiselle cousine germaine du roi; Mademoiselle, destin6e au trone; Mademoiselle le seul parti de France,2 digne de Monsieur. Voila un beau sujet de discourir. Si vous criez, si vous btes hors de vous-memes, si vous dites que nous avons menti, que cela est faux, qu' on se moque de vous, que voila une belle raillerie,3 que cela est bien fade a imnaginer; si enfin vous nous dites des injures, nous trouverons que vous avez raison; nous en avons fait autant que vous; adieu. Les lettres qui seront port6es par cet ordinaire,4 vous feront voir si nous disons vrai ou non. LE CHIEN DE BRISQUET. 94. LE chien de Brisquet?... Helas! ce n' est qu' un chien; mais c' est un chien, un v6ritable chien, dont 1' histoire ne contient ni descriptions inutiles, ni discours aux p6riodes 1. Defesu, of the late. 3. Voild une.belle raillerie, that is a fine 2. Le seulparti, the only match. jest. 4. Ordinaire, mail. LE CHIEN DE BRISQUET. 93 sonores, ni comlbinaisons dramatiques, ni artifices de mots; son histoire, c' est tout bonnement 1' histoire du chien de Brisquet, -et cette histoirle,-la voici.2 Monseigneur,-en notre foret de Lyons, vers le hameau de la Goupilliere, tout pres d'un grand puits-fontaine, il y avait un bonhomme, bufcheron3 de son etat, qui s' appelait Brisquet, ou autrement le fendeur a la bonne hache,4 et qui vivait pauvrement du produit de ses fagots, avec sa femme qui s'appelait Brisquette. Le bon Dieu leur avait donne deux jolis petits enfants, un garqon de sept ans qui etait brun, et qui s' appelait Biscotin, et une blondine5 de six ans, qui s' appelait Biscotine. Outre cela, ils avaient un chien a poil frise, noir partout le corps, si ce n' est6 au museau qu' il avait couleur de feu; et c' etait bien le meilleur chien du pays pour son attachement a ses maitres. On 1' appelait la Bichonne, peut-etre parce que c' 6tait une chienne. Vous souvenez-vous du temps ofu il vint tant de loups dans la foret de Lyons? C' tait dans 1' annle des grandes neiges, que les pauvres gens eurent si grand' peine7 a vivre. Ce fut une terrible desolation dans le pays. Brisquet qui allait toujours a sa besogne, et qui ne craignait pas les loups, a cause de sa bonne hache, dit un matin a Brisquette; "Femme, je vous prie de ne laisser sortir ni Biscotin, ni Biscotine, taut que M. le grand-louvetier9 ne sera pas venu. Ils ont assez de quoi1~ marcher entre la butte et 1' etang, depuis que j' ai plant6 des piquets le long de 1' 6tang pour les pr6server d' accident. Je vous prie aussi, Brisquette, de ne pas laisser sortir la Bichonne, qui ne demande qu' a trotter." Brisquet disait tons les matins la menme chose a Brisquette. Un soir, il n'arriva pas l' heure ordinaire. Brisquette venait sur le pas de la 1. Auxpdriodes sonores, with sounding 6. Si ce n' est, etc., except at the snout. periods. 7. Grande sometimes omits the final e 2. La voici, this is it. before a consonant. 3. Bftcheron, wood-cutter. 8. Besogne, work. 4. A la bonne hache, with the good ax. 9. Louvetier, (public,) wolf-hunter. 5. BlondAle, one of fair complexion. 10. Assez de quoi, sufficient space. 94 LE CIIIEN DE BRISQUET. porte, rentrait, ressortait, et disait en se croisant les mains: "Mon Dieu, qu' il est attard6!"... Et puis elle sortait encore, en criant; "Eh! Brisquet!" Et la Bichonne lui sautait jusqu'aux 6paules, comme pour lui dire: N' irai-je pas? Paix! lui dit Brisquette. "Ecoute, Biscotine, va jusqu' la butte, pour voir si ton peire ne revient pas. Et toi, Biscotin, suis' le chemin le long de 1' etang; en prenant bien garde2 s' ii n' y a pas de piquets qui manquent, et crie fort: Brisquet! Brisquet!... Paix! la Bichonne!" Les enfants allerent, allerent, et quand ils se furent rejoints3 a 1' endroit ofu le sentier de 1' 6tang vient couper celui de la butte; "Mordienne, dit Biscotin, je retrouverai notre pauvre pere, ou les loups m' y mangeront." " Pardienne," dit Biscotine, "ils m'y mangeront bien aussi." 95. Pendant ce temps-la, Brisquet 6tait revenu par le grand chemin de Puchay, en passant a la Croix-aux-Anes, sur 1' abbaye de Mortemer, parce qu' il avait une hott6e de cotrets4 a fournir chez Jean Paquier. "As-tu vu nos enfants?" lui dit Brisquette. " Nos enfants?" dit Brisquet, "nos enfants? Mon Dieu! sont-ils sortis?" "Je les ai envoyes a ta rencontre,5 jusqu' a la butte et a 1' 8tang, mais tu as pris par un autre chemin." Brisquet ne posa pas6 sa bonne hache. I1 se mit a courir du c6te de la butte. La Bichonne 6tait deja. bien loin. Elle etait si loin, que Brisquet la perdit bientot de vue. Et il avait beau7 crier: "Biscotin, Biscotine!" on ne lui repondait pas. Alors, il se prit5 a pleurer, parce qu' il s' imagina que ses enfants etaient perdus. Apr s avoir couru long-temps, long-temps, il lui sembla reconnaitre la voix de la Bichonne. I1 marcha droit dans le fourr,'9 a 1' endroit oui il l'avait entendue, et il y entra sa bonne hache levee. La 1. Suis, imperative of suivre. 5. A ta rencontre, (to thy meeting,) to 2. En prenant bien garde, taking good meet thee. care. 6. Ne posapas, did not put away. 3. Sefurent rejoints, had rejoined each 7. 11 avait beau crier, it was in vain for other. him to cry. See Less. 136, p. 297. 4. Hottde de cotrets, a basket-full of 8. Se prit. etc., he began to weep. fagots. 9. Fou rr, th-icket. LES CHATEAUX EN ESPAGNE. 95 Bichonne etait arrivee la, au moment ou Biseotin et Biscotine allaient etre devores par un gros loup. Elle s' etait jet6e' devant en aboyanttpour que ses abois avertissent Brisquet. Brisquet, d' un coup de sa bonne hache, renversa le loup roide mort,2 mais il etait trop tard potr la Bichonne: elle ne vivait d6ja plus. Brisquet, Biscotin et Biscotine rejoignirent Brisquette. C' etait une grande joie, et cependant tout le monde pleura. Brisquet enterra le Bichonne au fond de son petit enclos sous une grosse pierre, sur laquelle le maitre d' ecole 6crivit en latin: C' est ici qu' est la Bichonne, Le pauvre chien de Brisquet. Et c' est depuis ce temps-la qu' on dit en commun proverbe; Malheureux comme le chien a Brisquet, qui n' alla qu' une fois au bois, et que le loup mangea. LES CHATEAUX EN ESPAGNE,3 96. ALNASCAR a Ila mort de son pere, se trouva possesseur de cent dragmes d' argent. I se consulta long-temps lui-meme sur l' usage qu' il devait en faire4; il se determina enfin a les employer en verres, en bouteilles et autres pieces de verrerie, qu' il alla chercher chez un marchand en gros.5 Il1 mit le tout dans un panier, et choisit une fort petite boutique, ofu il s' assit,6 le panier devant lui, et le dos appuye contre le mur, il attendit des acheteurs. Dans cette attitude, les yeux attaches sur son panier, il se mit a rever, et dans sa reverie, il prononqa tout haut les paroles suivantes: "Ce panier me coute cent dragmes, et c' est tout ce que j' ai au monde. J' en ferai bien deux cents 1. S' dtait jete, had cast herself. 4. Devait enfaire, should make of them. 2. Roide mort, (stiff dead,) stone dead. 5. Marchand en gros. a wholesale mer-. 3. Les chateau.v en Espagne, castles in chant. Spain, (equivalent to the English) 6. S' assit, perf. of s' asaseoir. castles in the air. 96 - LES CHATEAUX EN ESPAGNE. dragmes en le vendant en detail,1 et de ces deux cents dragmes que j' emploierai encore en verrerie, j' en ferai quatre cents. Ainsi j' amasserai, par la suite du temps,2 quatre mille dragmes. De quatre mille dragmes j' irai aisement jusqu' a huit. Quand j' en aurai dix mille, je laisserai aussit6t la verrerie pour me faire joaillier. Je ferai commerce de diamants, de perles, et de toutes sortes de pierreries. Possedant alors des richesses a souhait,3 j' acheterai une belle maison, de grandes terres, des esclaves, des chiens, des chevaux; je ferai bonne chere,4 et du bruit dans le monde. Je ferai venir chez moi tout ce qui se trouvera dans la ville de joueurs d' instruments, de chanteurs, et de danseurs. Je n' en demeurerai pas l,5 et j' amasserai, s' il plait a Dieu, jusqu? a cent mille dragmes; Lorsque je me verrai riche de cent mille dragmes, je m' estimerai autant qu' un prince, et j' enverrai demander en mariage la fille du grand-visir, en faisant representer a ce ministre que j' aurai entendu dire des merveilles de la beaute, de la sagesse, de 1' esprit, et de toutes les autres qualites de sa fille; et enfin que je lui donnerai mille pieces d' or le jour de notre mariage. Des que j' aurai epouse la fille du grand-visir, je lui acheterai dix beaux esclaves noirs. Je m' habillerai coimne un prince; et montfe sur un beau- cheval, je marcherai par la ville, accompagne d' esclaves devant et derriere moi, et me rendrai'a 1' hotel du visir aux yeux des grands et des petits qui me feront de profondes r6verences. 97. En descendant chez le visir au pied de son escalier, je monterai au milieu de mes gens ranges en deux files a droite et a gauche; et le grand-visir, en me recevant comme son gendre, me cedera sa place, et se mettra au-dessous de moi pour me faire plus d'honneur. Si cela arrive, comme je 1' espere, deux de mes gens auront chacun une bourse de mille pieces d' or que je leur aurai fait apporter. J' en prendrai une, et la 1. En dtfail, at retail. 4..eferai bonne chdre, (good cheer) I 2. Par la suite, etc., in process of will fare well. time. 5 re i'z en derineurerci?as Id, I will 3. A soiuhait. according to my wishes. not stop l here. LES CHATEAUX EN ESPAGNE. 97 lui pr'sentant: " Voila," lui dirai-je, les mille pijces d' or que j'ai promises." En lui offrant l' atre: Tenez," ajouterai-je, "je vous en donne encore autant, pour vous marquer que je suis hoinme de parole,l et que je donne plus que je ne pronlets."2 Apres une action comme celle-la, on ne parlera dans le monde que de ma gn6erosit6. Je reviendrai chez moi avec la mrnme pompe. En-fin, il n' y aura pas de maison mieux r6g16e que la mienne. Lorsque je serai chez moi avec ma femme, je serai assis a la place d' honneur, ouf j' affecterai un air grave, sans tourner la tete a droite ou a gauche. Je parlerai peu; et pendant que ma femme, belle comme la pleine lune, demeurera debout devant moi avec tous ses atours, je ne ferai semblant de la voir. Ses femmes qui seront autour d' elle, me diront: Notre cher seigneur et maitre, voila votre epouse; elle est bien mortifiee de cc que3 vous ne daignez pas seulement la regarder; elle est fatiguee cd' tre si long-temps debout; dites-lui au moins de s? asseoir." Je ne r6pondrai rien a ce discours, ce qui augmentera leur surprise et leur douleur. Elles se jetteront a mes pieds, et alors fatigue de leurs prieres, je leur lancerai un regard terrible, en les repoussant du pied si vigoureusement, qu' elles iront tomber bien loin au-delia du sofa. Alnascar etait tellement absorb6 dans ses visions chime6riques, qu' il repr6senta 1' action avec son pied, comme si elle eftt 6et reelle, et par malheur il en frappa4 si rudement son panier plein de verrerie, qu' il le jeta du haut de sa boutique dans la rue, de maniere que toute la verrerie fut bris6e en mille morceaux. 1. Je suis hnmmne de parole. I am (a man 3. De ce que, etc.. that you do not deign of my word) as good as my word. even to look at her. 2. Plus queje ize ne promets, more than 4. 11 enfrappa, he struck with if, (i. e., I promise; for the use of ne see with his foot.) Less. 45. 9l 98 LE GASCON INDUSTRIEUX. DIEU ET SA PUISSANCE. C' EST Dieu qui du neant a tire 1' univers; C' est lui qui sur la terre a repandu les mers; Qui de 1' air etendit les humides contrees; Qui sema de brillants les voudtes azurees, Qui fit naltre la guerre5 entre les el6ments, Et qui r6gla des cieux3 les divers mouvements. La terre a son pouvoir rend un muet hommage; Les rois sont ses sujets, le monde est son partage Si 1' onde est agitee, il la peut affermir; S' il querelle les vents, ils n' osent plus frermir; S' il commancde au soleil, il arrete sa course; Il est maitre de tout, comine ii en est la source. LE GASCON IN-DUSTRIEUX. 98. UN gascon se trouvait au port de la Brille, pret a s' embarquer dans un paquebot qui allait partir pour 1' Angleterre. II y mit sa valise, qui n' 6tait pas des plus pesantes, et entra dans un cabaret4 pour se rafraichir. I1 s' y arreta un peu trop, car le paquebot partit sans lui par un vent favorable. Ce ne fut qu' une clemi-heure apres qu'il apprit son depart. Mais ayant fait de grands projets de fortune, qui devaient s' executer5 en Angleterre, il loua le canot d' un patron du port, qui a force de voiles lui promit d' atteindre le paquebot. A peine notre gascon fut-il en pleine mer, qu' une violente averse survint qui le perpa jusqu' aux os. I1 essuya6 la tempete avec une con1. Hu-mides contrees, moist regions. 5. Qui devaient s' exicuter. which were 2. Fit naitre laguerre, made wars arise. (to execute themselves) to be exe3. Des cieux, etc., the various move- cuted. ments of the heavens. 6. II essuya, he endured. 4. Cabaret, tavern. LE GASCON INDUSTRIEUX. 99 stance plus que stoique. Enfin il atteignit le paquebot. Semblable a un ecureuil il grimpa 1' 6chelle de corde. I1 faisait une nuit noire et la barque disparut dans 1' ombre. Voici le compliment que fit le gascon en entrant dans la cahute; " Dieu vous garde, Messieurs; cad6dis,L il faut fetre bon nageur pour vous atteindre; mais vous ne pouviez m' 6chapper, et je nageais dans cette confiance-la." La hardiesse du gascon tout trempfe d' eau en imposa2 a 1' equipage, et 1' on admira l'habilete et le courage d' un tel nageur. Un lord surtout, qui etait parmi les voyageurs, se r6cria sur son talent. Il se proposa de faire 1' acquisition du personnage, pour le mnettre aux prises3 avec le more4 d' un autre lord, qui passait pour le premier nageur du monde, et qui avait vaincu tous ceux qui avaient voulu lui disputer cette gloire. 99. Ces sortes de divertissements donnent lieu en Angleterre a beaucoup de paris. A peine notre lord fut-il arrive' a Londres, qu' il defia5 le lord, maitre du more nageur. I1 fit un pari de mille guinees en faveur du gascon nageur, qui n' avait jamais mis le pied dans 1' eau, pas meme pour se baigner. Le jour est pris pour cette expedition. Le gascon est luimeme le trompette de la victoire qu' il se flatte de remnporter. D6ja le more et lui se trouvaient6 sur le bord de la Tamise, 1' un et 1' autre dans un 6quipage leste,r prets a se jeter dans 1' eau, et une foule de spectateurs oisifs s' 6taient assembles, qui pariaient en particulier, les uns pour le more, les au.tres pour le gascon. Le gascon avait a co6t de lui une caisse de liege8 qu'il attacha sur son dos. Le more lui demanda Pl'usage qu' il en pretendait faire. Sandis,9 reprit-il, je n'y ai mis que quelques bouteilles de vin, une demi-douzaine de saucissons et une miche de pain. J' allais vous demander ouf vous portiez vos vivres. Car pour moi je vais nager tout droit par la Ta1 Cadddis, a Gascon exclamation. 6. Se trouvaient, (found themselves) 2. En imposa, imposed. were. 3. Le mettre aux prises, to put him in 7. Leste, light. strife. 8: Liege, cork. 4. More, a Moor. 9. Sandis, (a Gascon exclamation.) 5. Dafia, challenged. 100 L'ARABE ET SON CHEVAL. mise dans la mer, et a travers le canal dans 1' Ocean jusqu' a Cadiz, et, selon moi, on ne s' arretera point en route, parce qu' apres-demain je dois etre de retour a Brille. Mais demain en arrivant au cheval blanc' ha Cadiz, je vais commander un bon repas, qui sera prbt a votre arriv6e. Le more le regarda avec des yeux oAi se peignaient 1' 6tonnement et la surprise, et le gascon parlant d' un ton tres-resolu, qui semblait promettre, qu' il pouvait tenir plus qu'il ne disait, 6pouvantait totalement le more. Je ne veux point me commettre avec cet homme-l&, dit-il a son maitre, pour aller me perdre infailliblement. Ainsi ii laissa perdre le pari a son maitre, et ne voulut point nager avec le gascon, nonobstant les reproches dont on l'accabla. L'ARABE ET SON CHEVAL. 100. UN arabe et sa tribu avaient attaqu6 dans le desert la caravane de Damas; la victoire etait complete, et les Arabes etaient de6j occup6s a charger leur riche butin, quand les cavaliers du pacha d' Acre, qui venaient a la rencontre2 de cette caravane, fondirent l'iapnlroviste3 sur les Arabes victorieux, en tuerent un grand nombre, firent les autres prisonniers, et, les ayant attach6s avec des cordes, les emmenerent a Acre pour en faire present au pacha. Abou-el-Marsch, c' est le nom de cet arabe, avait regu une balle dans le bras pendant le combat; comme sa blessure n' 6tait pas mortelle, les Turcs 1' avaient attach6 sur un chameau, et s' etant empar6s4 du cheval, emmenaient le cheval et le cavalier. Le soir du jour ou ils devaient entrer a Acre, ils camperent avec leurs prisonniers dans les montagnes de Jaffa; 1' arabe bless6 avait les jambes liees ensemble par une courroie de cuir, et etait 6tendu 1. Au cheval blanc, at the (sign of the) 3. A 1' improviste, on a surlden. white horse. 4. S' dtanl emparas, havilng possessed 2. A la rencontre, (to the meeting) to themselves. meet. LARaB E 1 T SO N C E V L. 101 pres de la tente ofu couchaient les Turcs. Pendant la nuit, tenu eveille' par la douleur de sa blessure, il entenclit hennir son cheval parmilles autres chevaux entraves2 autour des tentes, selon 1' usage des Orientaux; il reconnut sa voix, et ne pouvant resister au d6sir d' aller parlet encore une fois au compagnon de sa vie, il se traina peniblement sur la terre, & 1' aide de ses mains et de ses genoux, et parvint' jusqu' a son coursier. " Pauvre ami, lui dit-il, que feras-tu parmi les Turcs? Tu seras emprisonnei sous les votites d' un kan avec les chevaux d' un aga ou d' un pacha; les femmes et les enfants ne t' apporteront plus le lait du chameau, 1' orge ou le doura dans.le creux de la main4; tu ne courras plus libre dans le d6sert, comme le vent d' Egypte, tu ne fendras plus du poitrail 1' eau du Jourdain qui rafraichissait ton poil aussi blanc que ton ecume; qu' au moins, si je suis esclave, tu restes5 libre! Tiens, va, retourne a la tente que tu connais; va dire a ma femme qu' Abou-el-Marsch ne reviendra plus, et passe ta tete entre les rideaux de la tente pour ltcher la main de mes petits enfants." En parlant ainsi, Abou-el-Marsch avait ronge avec ses dents la corde de poil de chevre qui sert d'entraves aux chevaux arabes, et 1' animal etait libre; mais voyant son maitre blesse et enchailne ses pieds, le iidele et intelligent coursier comprit, avec son instinct, ce qu' aucune langue ne pouvait lui expliquer; il baissa la tete, flaira son maitre, et le saisissant avec les dents par la ceinture de cuir qu' il avait autour du corps, il partit au galop, et 1' emporta jusqu' a ses tentes. En arrivant et en jetant son maitre sur le sable aux pieds de sa femme et de ses enfants, le cheval expira de fatigue. Toute la tribu 1' a pleure; les poetes 1' ont chant6, et son nomr est constamment dans la bouche des Arabes de Jericho. 1. Tenu eveille, kept awake. 4. Le creux de la main, in the hollow of 2. Entravis, fettered. the hand. 3. Pacrvint, perf. of parvenir. 5. Que-tu Testes, may you remain. 9* 102 MA MAISON, MES AMIS, ETC. THE CONDITIONAL MOOD is translated with shouldl or would in English, and is formed by changing RAI of the first person singular ot the future into the following terminations. RAIS, RAIT, RIONS, RIEZ, RAIENT. Thus, j' aurai, I shall have, makes j' aurais, tu airais, il aurait, I should have, thou shouldst have, he should have, nous aurions, vous auriez, ils auraient, we should have, you should have, they should have. je serai, I shall be, makes je serais, tu serais, il serait, I should be, thou shouldst be, he should be,'nous serions, vous seriez, ils ser'aient, we should be, you should be, they should be. j' irai, I shall go, makes j' irais, tu irais, il irait, I would go, thou wouldst go, he would go,'nous irions, vvous iriez, ils iraient, we would go, you would go, they would go. je trouverai, I shall find, makes je trouverais, tu trouverais, il trouverait, I should find, thou wouldst find, he would find,'nous trouverions, vous trouveriez, ils trouveraient, we should find, you would find, they would find. MA MAISON, MIES AMIS, MES PLAISIRS A LA CAMPAGNE SI J ETAIS RICHE. 101. JE n' irais pas me batir une ville a la campagne, et mettre au fond d' une province les Tuileries devant mon appartement. Sur le penchant de quelque colline bien ombragee, j' aurais une petite maison rustique, une maison blanche avec des contrevents verts; et quoiqu' une couverture de chaume soit en toute saison la meilleure, je prefererais magnifiquement,' non la triste ardoise, mais la tuile, parce qu' elle a 1' air luls 1 Magnifiquenmint, (magnificently,) for ehtgance. MA MAISON, MES AMIS, ETC. 103 propre et plus gai que le chaume, qu' ont ne couvre pas autrement les maisons dans mon pays, et que cela me rappellerait un peu 1' heureux temps de ma jeunesse. J' aurais pour cour une basse-cour, et pour ecurie un etable avec des vaches, pour avoir du laitage que j' aime beaucoup. J' aurais un potager pour jardin, et pour parc un joli verger. Les fruits, a la discr6tion des promeneurs, ne seraient ni compt's2 ni cueillis par mon jardinier, et mon avare magnificence n' etalerait point aux yeux des espaliers strperbes auquels a peinie on oserait toucher. Or, cette petite prodigalit8 serait peu cofuteuse, parce que j' aurais choisi mon asile dans quelque province 6loignee ofu regnent 1' abondance et la pauvrete. La je rassemblerais une societe plus choisie que nombreuse. L' exercice et la vie active nous feraient un nouvel estomac et de nouveaux gouts. Tous nos repas seraient des festins, ofu 1' abondance plairait plus que la dclicatesse. La gaiete, les travaux rustiques, les folatres jeux,3 sont les premiers cuisiniers du monde, et les ragofits fins sont bien ridicules a des gens en haleine4 depuis le lever du soleil. Le service n' aurait pas plus d' ordre que d' elegance; la salle a manger5 serait partout, dans le jardin, dans un bateau, sous un arbre, quelquefois au loin, pres d' une source vive, sur 1' herbe verdoyante et fraiche, sous des touffes d' aunes et de coudriers; une longue procession de gais convives porterait en chantant 1' appret du festin; on aurait le gazon pour table et pour chaises; les bords de la fontaine serviraient de buffet,6 et le dessert pendrait aux arbres. Point d' importuns laquais epiant nos discours, critiquant tout bas7 nos maintiens, comptant nos morceaux d' un ceil avide, s' amusant a nous faire attendre a boire, et murmurant d' un trop long diner. Nous serions nos valets, pour Atre nos maitres; chacun serait servi par tons; le temps passerait sans le compter, le repas serait le repos et durerait autant 1. Qu' on, because they, etc. 4. En haleine, (in breath) in exercise. 2. Ni comptds, neither counted nor 5. Salle d manger, dining-room. gathered. 6. Buffet, side-board. 3. Les travaux rustiques, les fol&tres 7. Tout bas, (softly) unheard. jetex, rural labors, sportive ganmes. 104 ESPRIT ET BO30N S:EN. que 1' ardeur du jour. S' il passait pres de nous quelque paysan retournant au travail, ses outils sur 1' 6paule, je lui rejouirais le cceur par quelques bons propos, par quelques coups' de bon vin qui lui ferai6nt porter plus gaiement sa misere; et moi j' aurais aussi le plaisir de me sentir'6mouvoir un peu les entrailles,2 et de me dire en secret: " Je suis encorle hornmc." Si quelque fbte champetre rassemblait los habitants du lieu, j' y serais des premiers avec ma troupe. Si quelques marinages, plus benis du ciel qie ceux des villes, se faisaient a mon voisinage, on saurait que j' aiime la joie, et j'y serais invite. Je porterais a ces bonnes gens quelques dons simples comme eux, qui contribueraient a la f6te, et j' y trouverais en &change des biens d' un prix inestimable, des biens si peu connus de mes egaux, la franchise et le vrai plaisir. Je souperais gaiement au bout de leur longue table; j' y ferais chorus au refrain3 d' une vieille chanson rustique, et je danserais dans leur grange de mielleur coeur qu' au bal de 1' Opera. ESPRIT ET BON SENS. 102. LE pr6sident de?Mfontesquieu et lord Chesterfield se rencontrarent faisant 1' un et I' autre le voyag'e d' Italie. Ces hommes etaient faits pour se lier4 promptement; aussi la liaison entre eux fut-elle bient(Ct faite. Ils allaient toujours disputant sur les prerogatives des deux nations. Le lord accordait au president que les Frantcais ont plus cl' esprit que les Anglais, mais qu' en revanchee ils n' ont pas le sens commun. Le pr6sident convenait du fait; seulenment, se!lon lui il n' y avait pas comlparaison B faire entre 1' esprit et le bon seens. I1 y avait dc'j plusiours jours que la dispute durait; ils 6taient' Venise. 1. Caups, draughts. 4. Se hier. to b' come attachrted to each 2. Entrailles, feelings. other. 3. Au refrain, etc., to the btirden of an 5. _En rea~.elhe., in rr-turn. ancient rural song. ES CPIT E:," [ O: N S,N: S. 105 Le president se repandait' beaucoup, allait partout, voyait tout, interrogeait, causait, et le soir tenait r6gistre des observations qu'il avait faites. I1 y avait une heure ou deux qu'il etait rentre et qu'il 6tait a son occupation ordinaire, lorsqu' un inconnu se fit annoncer. C' etait un francais assez mal vetu, qui lui dit: Monsieur, je suis votre compatriote. I1 y a vingt ans que je vis i1i2; nmais j' ai toujours garde de 1' amitie pour les Franqais et je me suis cru quelquefois trop heureux de trouver 1' occasion de les servir, comrne je 1' ai aujourd' hui avec vous. On peut tout faire dans ce pays, excepte se meler des affaires d'Etat. Un mot inconsider6 sur le gouvernement cofite la tete, et vous en avez dj'a dit plus de mille. Les inquisiteurs d' etat ont les yeux ouverts sur votre conduite; on vous epie, on suit tous vos pas, on tient note de tons vos projets; on ne doute point que vous n' ecriviez.3 Je sais de source certaine qu' on doit peut-etre aujourd'hui, peut-etre domain faire chez vous une visite. Voyez, Monsieur, si en effet vous avez &erit, et songez qu' une ligne innocente mal interprWt6e, vous cofterait la vie. Voila tout ce que j' ai a vous dire, j' ai i' honneur de vous saltuer. Si vous me rencontrez dans les rues, je vous demande, pour toute recompense d'un service que je crois de quelque importance, de ne pas me reconnaitre, et si par hasard il etait trop tard pour vous sauver, de ne pas me denoncer.4" " Cela dit, mon homme disparut et laissa le pr6sident de MAontesquieu dans la plus grande consternation. 103. Son premier moiuvement fut d' aller bien vite h son secretaire, de prendre les papiers et de les jeter dans le feu. A peine cela fut-il fait que lord Chesterfield rentra. I1 n' eut pas de peine a reconnaitre le trouble terrible de son alni; il s' informa de ce qui pouvait lui etre arriv6. Le president lui rend compte de 1' ordre qu' il avait donne de tenir prete sa 1. Serdpandait, went much into soci- writing; for the use of ne, see ety. I,ess. 91. 2. 11 y a vin7gt ans quee je vis ici, I have 4. De nle pas me ddnoncer, not to inform lived here twenty years. See Less. against me; for ne and pas before 61. the verb, see Less. 74, page 132. 3. Que Vws n' dcriviez, that -you are 106 ESPRIT ET BON SENS. chaise de poste pour trois heures du matin; car son dessein etait de s' eloigner sans delai d' un s6jour ou, un moment de plus ou de moins pouvait lui etre si funeste. Lord Chesterfield 1' ecouta tranquillement, et lui dit; "Voila qui est bien,l mon cher president; mais remettons-nous2 pour un instant, et exanlinons ensemble votre aventure a teite reposee.3 Vous vous moquez, lui dit le pr6sident. I1 est impossible que ma tete se repose ou elle ne tient qu' a un fil. Mais qu' est-ce que cet homme qui vient si gen6reusement s' exposer au plus grand peril, pour vous en garantir? Cela n' est pas naturel. Fran-.ais taut qu' il vous plaira,4 1' amour de la patrie ne fait point faire de ces demarches perilleuses, et surtout en faveur d' un inconnu. Cet homme n' est pas votre ami? Non. I1 6tait mal vetu? Oui, fort mal. Vous a-t-il demande de 1' argent, un petit ecu pour prix de son avis? Oh! pas une obole. Cela est encore plus extraordinaire; mais d' ofu sait-il tout ce qu' il vous a dit? Ma foi, je n' en sais rien. Des inquisiteurs, d' eux-memes. Outre que ce conseil est le plus- secret qu' il y ait au monde, cet honmme n' est pas fait pour en approcher. Mais c' est peut-etre un des espions qu' ils emploient. A d' autres! On prendra pour espion un etranger, et cet espion sera vetu comme un gueux, en faisant une profession assez vile pour 6tre bien payee, et cet espion trahira ses maitres pour vous, au hasard d' etre 6trangle si 1' on vous prend et que vous le denonciez, si vous v6us sauvez et que 1' on soupqonne qu' il vous ait averti! Chanson que tout cela,5 mon arni. Mais qu' est-ce done que ce peut etre? Je le cherche, mais inutilement." 104. Apres avoir 1' un et 1' autre epuise toutes les conjectures possibles, et le president persistant a dc'loger au plus vite, et cela pour le plus sftr, lord Chesterfield, apres s' etre un peu promene, s' etre frott6 le front comme un homme a qui il vient une pensee profonde, s' arreta tout court et dit: " Pr6si1. Voild qui est bien, that is well. 4. Franrais etc., Frenchman as much 2. Renmettons-nous, let us sit dlown. as you please. 3. A t6te reposse, (with quiet head) 5. Chansonque tout cela, (asong allthat) calmly. that is all nothing. LE BLANC ET LE NOIR. 107 dent, attendez, mon ami; il me vient une id6e, mais.... si.... par hasardcl.... cet hominme... Eh bien! cet homme? Si cet homme... oui, cela pourrait bien etre, cela est meme,' je n' en doute plus. Mais qu' est-ce que cet homme? Si vous le savez, depechez-vous vite de me l' apprendre. Si je le sais! Oh! oui, je crois le savoir a present... Si cet homme vous avait ete envoy6 par... Epargnez, s'il vous plait! Par un homme qui est malin quelquefois, par un certain lord Chesterfield, qui aurait voulu vous prouver par experience, qu' une once de sens commun vaut mieux2 que cent livres d' esprit, car avec du sens commun... Ah! scele6rat, s' ecria le pr6sident, quel tour3 vous m' avez joue! Et mon manuscrit I! mon manuscrit que j' ai brulel!" Le president ne put jamais pardonner au lord cette plaisanterie. I1 avait ordonne de tenir sa chaise prete, il monta dedans et partit la nuit meme, sans dire adieu a son compagnon de voyage. Moi, je me serais jet' k son cou, je 1' aurais embrasse cent fois, et je lui aurais dit. Ah! mon ami, vous m' avez prouve qu' il y a en Angleterre des gens d' esprit, et je trouverai peut-etre 1' occasion une autre fois de vous convaincre, qu' il y a en France des gens de bon sens. LE BLANC ET LE NOIR. 1,OSj. TOUT le monde, dans la province du Candahar, connalt 1' aventure du jeune Rustan. I1 etait fils unique d' un mirza du pays; c' est comme qui dirait marquis parmi nous, ou baron chez les Allemands. Le mirza son pere avait un bien honnete.4 On devait marier le jeune Rustan a une demoiselle, ou mirzasse de sa sorte. Les deux families le desiraient passionn6ment. I devait faire la consolation de ses parents, rendre sa femme heureuse et 1' etre5 avec elle. 1. Cela est mgme, that is the very thing. 4. Un bien honn'te, a handsome prop2. Vaut mieux, is worth more. erty. 3. Que! tour. what a triek. 5. I' Atre, to be so. 108 I,iF BLANC ET LE N'OIR. Mais par malheur, il avait vu la princesse de Cachemire' la foire de Cabul, qui est la foire la plus considlrable du monde, et incomparablement plus fr6quent6e que celle de B3assola et d' Astracan; et voici pourquoil le vieux prince de Cachemire etait venu a la foire avec sa fille. I1 avait perdu les deux plus rares pi ces de son tresor; 1' une 6tait un diamant gros commn e le pouce, suLr lequel sa fille etait grav6e par un art que les Indiens possdclaient alors, et qui s' est perdu depuis. L' autre etait un javelot qui allait oif 1' on voulait; ce qui n'est pas une chose bien extraorclinaire parmi nous, mais qui 1' etait a Cachemnire. Un faquir2 de son altesse lui vola ces deux bijoux; il les porta a la princesse. Gardez soigneusement ces deux pieces, lui dit-il, votre destin6e en d6pend. I1 partit alors, et on ne le revit3 plus. Le duc de Cachemiroe au desespoir, re-solut d' aller voir a la foire de Cabul, si parmi tous les marchands qui s'y rendent des quatres coins du monde, il ne trouverait pas son diamlant et son arme. I1 menait sa fille avec lui dans tous ses voyages. Elle porta son diamant bien enferlnm dans sa ceinture, mais pour le javelot qu' elle ne pouvait si bien cacher, elle 1' avait enferml8 soigneusement a Cachelmire, dans son grand coifre de la Chine. Rustan et elle se virent4 a Cabul; ils s' aimelrent avec toute la bonne foi de leur age, et toute la tendresse de leur pays. La princesse, pour gage de son amour, lui donna son diamant, et Rustan lui promit & son depart de 1' aller voir secretement a Cachemire. Le jeune mirza avait cleux favoris qui lui servaient de secretaires, d' ccuyers, de maitres d' hotel" et de valets de chambre. L' un s' appelait Topaze; il etait beau, bien fait, blanc comme une circassienne, doux et serviable comme un arme6nien, sage comme de Guebre. L' autre se nommait Ebene; c' -tait un negre fort joli, plus empresse, plus industrieux que Topaze et 1. Et voici pourquoi, and this is why. 3. Revit, perf. of revoir.. 2. Unfaquir, (a Persian monk.) a der- 4`e virent saw each other. vise. 5. M2aitre. d' t,i,'iel. stewards. LE BLANC ETl' LE NOIR. 109 qui ne trouvait rien de difficile. II leur communiqua le projet de son voyage. Topaze thicha de 1' en d6tourner avec le zele circonspect d' un serviteur qui ne voulait pas lui d6plaie; il lui representa tout ce qu' il hasardait. Comment laisser1 deux familles au d6sespoir? Comment mettre le couteau dans le coeur de ses parents? I1 ebranla Rustan; mais Ebene le raffermit et leva tous ses scrupules.2 I16D. Le jeune homme manquait d' argent pour un si long voyage. Le sage Topaze ne lui en aurait pas fait preter; Ebene y pourvut.3 I1 prit adroitement le diamant de son maitre, en fit faire un faux4 tout semblable qu' il remit a sa place, et donna le v6ritable en gage a un armenien pour quelques milliers de roupies. Quand le marquis cut ses roupies, tout fut pret pour le depart. On chargea un elephant de son bagage, on monta' cheval. Topaze dit a son maitre: J' ai pris la libert6 de vous faire des remontrances sur votre entreprise; mais, apres avoir remontr6, il faut obeir. Je suis'a vous,5 je vous aime, je vous suivrai jusqu' au bout du monde; mais consultons en chemin 1' oracle qui est a deux parasanges d' ici. Rustan y consentit. L' oracle repondit: Si ttu vas'a 1' Orient, tu seras a 1' Occident. Rustan ne comprit rien'a cette r6ponse. Topaze soutin; qu' elle ne contcnait rien de bon. Ebene, toujours complaisant, lui persuada qu' elle e-tait tres-favorable. II y avait encore un autre oracle dans Cabul; ils y allerent. L' oracle de Cabul r6pondit en ces mots: Si tu possides, tu ne possecderas 2pas; si tU es vainqueur, tu ne vaincras pas; si tu es Rulstan, tu ne le seras pas. Cet oracle parut encore plus inintelligible que 1' autre. Prenlez garde a vous,6 clisait To_ paze. Ne redoutez rien, disait Ebene, et ce ministre, comnme 1. ComvnPnt laisser, etc., how could he 4. En fit faire unfauz, had a count;erleave; laisser depends on some verb feit one made. udiderstood. 5. Je suis d vous, I belong to you. 2. Et leva tons ses scrupules, and re- 6. Prenez garde d youns, take heed to move al! his sc-ruples. yourself. 3. Potrsut, provided; perf. ofpourvoir. See page 381. 11]0i LE BLANC ET LE NOIR. on peut le croire, avait toujours raison aupres de son maitre, dont ii encourageait la passion et 1' esperance. Au sortir de Cabul, on marcha par une grande foret, on s' assit sur 1' herbe pour manger, on laissa les chevaux paitre. On se pr6parait & d6charger 1' 6lephant qui portait le diner et le service, lorsqu' on apernut que Topaze et Ebene n' 6taient plus avec nla petite caravane. On les appelle; la foret retentit des noms d' Ebene et de Topaze. Les valets les cherchent de tons c6t s, et remplissent la forbt de leurs ents; ils reviennent sans avoir rien' vu, sans qu' on leur ait r6pondu. Nous n' avons trouv6, dirent-ils & Rustan, qu' un vautour2 qui se battait avec un aigle, et qui lui 6tait toutes ses plumes. Le r'cit de ce combat piqua la curiosit6 de Rustan; ii alla' pied sur le lieu; ii n' apercut ni vautour ni aigle, mais ii vit son 616phant, encore tout charge de son bagage qui &tait assailli par un gros rhinoceros,' un frappait de sa come, l' autre de sa trompe. Le rhinoceros Iacha prise3 & la vue de Rustan; on ramena son 6eiphant, mais on ne trouva plus les chevaux. I1 arrive d' etranges choses dans les for6ts quand on voyage, s' cria Rustan. Les valets 6taient constern6s, et le maitre au desespoir d' avoir perdu & la fois ses chevaux, son cher negre, et le sage Topaze, pour lequel ii avait toujours eu de 1' amitie, quoiqu' ii ne fcit jamais de son avis. 107. L' esp6rance d' tre bientbt aux pieds de la belie princesse de Cachemire, le consolait, quand on rencontra un grand ane ray6,4 & qui'un rustre vigoureux et terrible donnait cent coups de baton. Riena n' est si beau, ni si rare, ni si 16ger'a la course que les hnes de cette espece. Celui-ci r6pondait aux coups redoubl6s du vilain par des ruades5 qui auraient pu d6raciner un chbne. Le jeune mirza prit, commre de raison,5 le parti de 1' ane, qui etait une cr6ature charmante. Le rustre s' enfuit en disant & P' Ane, tu me le paieras.7 L' ane remercia 1. Rien, any thing. 4. Rayd, striped. 2. Qs' un vautour, etc., only a vulture 5. Ruades, kicks. which was fighting, etc. 6. Conome de raison, as was right. 3. L&cha prise, (let go his hold,) ceased 7. Paisras, firom piayer. from the fight. LE BLANC ET LE NOIR. 111. son lib6rateur en son langage, s' approcha, se laissa caresser et caressa. Rustan monte dessus apres avoir dln6, et prend le chemin de Cachemire, avec ses domestiques, qui suivent les uns a pied, les autres montes sur 1' 6lephant. A peine etait-il sur son'ne que cet animal tourne vers Cabul, au lieu de suivre la route de Cachemire. Son maitre a beau tourner la bride,' donner des saccades, serrer les genoux,2 appuyer des 6perons, rendre la bride, tirer a lui, fouetter a droite et a gauche, 1' animal opiniatre courait toujours vers Cabul. Rustan suait, se d6menait, se desesp6rait, quand il rencontre un marchand de chameaux qui lui dit: Malitre, vous avez la un ane bien malin qui vous mene ofu vous ne voulez pas aller. Si vous voulez me le ceder, je vous donnerai quatre de ines chameaux a choisir. Rustan remercia la providence de lui avoir procur6 un si bon march6; Topaze avait grand tort,3 dit-il, de me dire que mon voyage serait malheureux. I1 monte sur le plus beau chameau, les trois autres suivent; il rejoint sa caravane, et se voit dans le chemin de son bonheur. 1@S. A peine a-t-il marche quatre parasanges, qu'il est arr6te par un torrent profond, large et imp6tueux, qui roulait des rochers4 blanchis d' 6cume. Les deux rivages 6taient des pr6cipices affreux, qui eblouissaient la vue et glaqaient le courage; nul moyen de passer, nul d' aller a droite ou a gauche. Je commence a craindre, dit Rustan, que Topaze n' ait eu raison de blamer mon voyage, et moi grand tort de 1' entreprendre; encore s' il 6tait ici, il me pourrait donner quelques bons avis. Si j' avais Ebene, il me consolerait, et il trouverait dces exp6dients; mais tout me manque. Son embarras 6tait augmente par la consternation de sa troupe; la nuit eitait noire, on la passa a se lamenter. Enfin la fatigue et 1' abattement endormirent 1' amoureux voyageur. I1 se r6veille au point du 1. Son sma'tre a beau tolurner la bride, i. e., to press them close to the ani. it is in vain for his master to turn mal's sides. the bridle. 3. Avait grand tort. was very wrong. 2. Serrer lesgenotx, to brace his knees; 4. Des rochers, from the rocks. 112 LE BLANC ET LE NOIR. jour, et volt un beau pont de marbre 61leve sur le torrent d' une rive a 1' autre. Ce furent des exclamations, des cris d' etonnement et de joie. Est-il possible? Est-ce un songe? Quel prodige! quel enchantement! oserons-nous passer? Toute la troupe se mettait a genoux, se relevait, allait au pont, baisait la terre, regardait le ciel, etendait les mains, posait le pied en tremblant, allait, revenait, etait en extase; et Rustan disait: Pour le coup' le ciel me favorise; Topaze ne savait ce qu' il disait; les oracles etaient en ma faveur; Ebene avait raison; mais pourquoi n' estil pas ici? A peine la troupe fut-elle au-dela du torrent, que voila le pont qui s' abime2 dans 1' eau avec un fracas 6pouvantable. Taut mieux! Taut mieux! s' ecria- Rustan; Dieu soit loue, le Ciel soit beni! I1 ne veut pas que je retourne dans moon pays, ot je n' aurais 6t6 qu' un simple gentilhomme, il veut que j' epouse ce que j' ailme. Je serai prince de Cachemire; c' est ainsi qu' en possedant ma maitresse je ne possederai pas mon petit marquisat a Candahar. Je serai Rustan, et je ne le serai pas, puisque je deviendrai un grand prince. Yoila une grande partie de 1' oracle expliquee nettement en ma favour, le reste s' expliquera de meme.3 Je suis trop heureux; mais pourquoi Ebene n' est-il pas aupres de moi? Je le regrette mille fois plus que Topaze. 109. 11 avanca encore quelques parasanges avec la plus grande all6gresse; lmais sur la fin du jour une enceinte dcle montagnes, plus raides qu' une contrescarpe,4 et plus hautes que' aullrait ete la tour de Babel, si elle avait 6t6 achevee, balra entierement la caravane saisie de crainte. Tout le monde5 s' 6cria; Dieu veut que nous perissions ici; il n' a brise le pont que pour nous oter tout espoir de retour; il I' a eleve la montagne que pour nous priver de tout mnoven 1. Pour le coup, for this time. 4. Plus raides qu' unze contrescarpe, 2. Que voild le pont qui s' abime, when steeper than a counterscarp. behold the bridge sinks down. 5. Tout le,noonde, they all. 3,S" expliquera de mnone, will be explla}.cd in the saime mannaMi. LE BLANC ET LE NOIR.. 113 d'avancer. 0 Rustan, 6 malheureux marquis! nous ne verrons jamais Caclemire, nous ne rentrerons jamais dans la terre de Candahar. La plus cuisante douleur, 1' abattement le plus accablant suecedaient dans 1' ame de Rustan a la joie immod6ree qu' il avait ressentie, aux esperances dont il s' 6tait enivre. 11 eitait bien loin d'interpreter les propneties a son avantaoe. O ciel! dieu paternel! faut-il que j' aie perdu' mon ami Topaze! Comme il prononrait ces paroles en poussant de profonds soupirs, et en versant des larmes au milieu de ses suivants desesperes, voila la base de- la montagne qui s'ouvre; une longue galerie en vofite ~clair6e de cent mille flamebeaux se presente aux yeux eiblouis; et Rustan de s' 6crier,2 et ses gens de se jeter a genoux, et de tomber d' 6tonnement'a la renverse,3 et de crier miracie et dc dire: Rustan est le favori de Vitsnou, le bien aime de Bransa; il sera le maitre du Ionde. lRustan le croyait, il etait hors de'lui, 61eve au-dessus de lui-meme. Ah! Ebene, mon cher Ebene! oii 6tes-vous? que n' ktes-vous te'moin de toutes ces merveilles i Comment vous ai-je perdu? belle princesse de Cachemire, quand reverrai-je yes charmes? I1 avance avec ses domestiques, son elephant, ses chameaux sous la voute de la montagne, au bout de laquelle il entre dans une prairie emaillee de fleurs et bord6e de ruisseaux; au bout de la prairie ce sont des allees d' arbres a perte de vue; et au bout de ces allees, une riviere, le long de laquelle sont mille maisons de plaisance, avec des jardins delicieux. I1 entend partout des concerts de voix. et d'instruments; il voit des danses; il se hate de passer un des ponts de la riviere; il demande au premier homine qu'il rencontre quel est ce beau pays. 110. Celui auquel ii s' adressait lui r6pondit: Vous. tes dans la province de Cachemire; vous voyez les habitants dans la joie et clans les plaisirs; nous ce16brons les noces de notre 1. Faut-il que j' a.e perdut, must it be 2. Et Rustan de s' crier, (began) to cry that I have lost, out. 3. A la renerse, backward. l.: 114 LE BLANC ET LE NOIR. belle princesse, qui va se marier avec le seigneur Barbabou a qui son pere 1' a promise; que Dieu perp6tue' leur f6licite! A ces paroles Rustan tomba evanoui, et le seigneur cachemirien crut qu' il 6tait sujet a 1' 6pilepsie; il le fit porter2 dans sa maison, ou il fut long-teins sans connaissance. On alla chercher les deux plus habiles medecins du canton; ils tatetrent le pouls du malade qui, ayant repris un peu ses esprits, poussait des sanglots, roulait les yeux, et s' ecriait de temps en temps; Topaze, Topaze, vous aviez bien raison.3 L' un des m6decins dit au seigneur cachemirien: Je vois a son accent que c' est un jeune honmme de Candahar, a qui 1' air de ce pays ne vaut rien;4 il faut le renvoyer chez lui; je vois a ses yeux qu' il est devenu fou; confiez-le-moi, je le remetnerai dans sa patrie, et je le gu6rirai. L' autre medecin assura qu' il n' 6tait malade que de chagrin, qu' il fallait le mener aux noces de la princesse, et le faire danser. Pendant qu' ils consultaient, le malade reprit ses forces; les deux medecins furent conge6dies, et Rustan demeura tete-a-tete5 avec son h6te. Seigneur, lui dit-il, je vous demande pardon de m' etre evanoui devant vous, je sais que cela n' est pas poli; je vous supplie de vouloir bien6 accepter mon elephant, en reconnaissance des bontes dont vous m' avez honore. I1 lui conta ensuite toutes ses aventures, en se gardant bien7 de lui parler de 1' objet de son voyage. Mais, au nom de Vitsnou et de Brama, lui dit-il, apprenez-moi quel est cet heureux Barbabou qui epouse la princesse de Cachemire, pourquoi son pere 1' a choisi pour gendre, et pourquoi la princesse l'a accepte pour son epoux. 111. Seigneur, lui dit le cachemirien, la princesse n' a point du tout accepte Barbabou: au contraire, elle est dans les pleurs, tandis que toute la province ce~lebre avec joie son mariage; elle 1. Que Dieu peerpefue, may God make 4. Ne vaut ricl, (is good for nothing,) perpetuate. is not good. 2. ltle fit porter, he (made carry him,) 5. Tete-d-tete, in private conversation. had him carried. 6. De vouloir bien, to be pleased. 3. Vozus aviez bien raison, you were 7. En se gardant bien, etc., taking good very right. care not to speak to him, etc. LE BLANC ET LE NOIR. 115 s' est enfermee dans la tour de son palais; elle ne veut voir aucune des rejouissances qu' on fait pour elle. Rustan en entendant ces paroles, se sentit renaltrel; 1' eclat de ses couleurs, que la douleur avait fletries, reparut sur son visage. Ditesmoi, je vous prie, continua-t-il, pourquoi le prince de Cachemire s' obstine2 a donner sa fille a un Barbabou dont elle ne veut pas. Voici le fait, repondit le cachemirien. Savez-vous que notre auguste prince avait perdu un gros diamant et un javelot qui lui tenaient fort au cceur? Ah! je le sais tres bien, dit Rustan. Apprenez done, dit 1' hte, que notre prince, au desespoir de n' avoir point de nouvelles de ses bijoux, apreis les avoir fait long-temps chercher par toute la terre, a promis sa fille- a quiconque lui rapporterait l'un ou l'autre. Il est venu un seigneur Barbabou qui etait muni4 du diamant, et il epouse demain la princesse. Rustan palit, begaya5 un compliment, prit conge de son h6te, et courut6 sur son dromadaire a la ville capitale ou se devait faire la ce6rmonie. II arrive au palais du prince, il dit qu' il a des choses importantes a lui communiquer; il demande une audience, on lui repond que le prince est occupe des preparatifs de la noce: c' est pour cela meme, dit-il, que je veux lui parler. I1 presse tant qu' il est introduit. Monseigneur, dit-il, que Dieu couronne7 tous vos jours de gloire et de magnificence! votre gendre est un fripon. Comment un fripon! qu' osez-vous dire! Est-ce ainsi qu' on parle a un duc de Cachemire du gendre qu' il a choisi? Oui, un ftipon, reprit Rustan; et pour le prouver a votre altesse, c' est que voici votre diamant que je vous rapporte. 112. Le duc tout etonne confronta les deux diamants, et 1. Se sentit renaitre, felt himself revive. 4. Muni, furnished with. 2. S' obstine, persists. 5. Begaya, stammered out. 3. Qui lui tenaientfort au coeur, which 6. Courut, perf. of courir. See Less. 138 were very near to his heart. 7. Que dieu couronne, may God crown. ]16 LE BLANC ET LE NOIR. comme il ne s' y connaissait guere,' il ne put dire quel etait le veritable. Voila deux diamants, dit-il, et je n' ai qu' une fille; me voila dans un etrange embarras. I1 fit venir Barbabou, et lui demanda s' ii ne 1' avait point tromp6. Barbabou jura qu'il avait achete son diamant d' un armenien; 1' autre ne disait pas de qui il tenait le sien, mais il proposa un expedient, ce fut de le faire combattre contre son rival. Ce n' est pas assez que votre gendre donne un diamant, disait-il, il faut qu'il donne des preuves de valeur; ne trouvez-vous pas bon que celui qui tuera 1' autre, epouse la princesse? Tres-bon, repondit le prince, ce sera un fort beau spectacle pour la cour; battez-vous vite tous deux;2 le vainqueur prendra les armes du vaincu, selon 1' usage de Cachemire, et il 6pousera ma fille. Les pr6tnmdants descendent aussitot dans la cour. I1 y avait sur 1' escalier une pie et un corbeau. Le corbeau criait, battezvous, battez-vous; la pie, ne vous battez pas. Cela fit fire le prince: les deux rivaux y prirent garde & peine:3 ils commencent le combat; tous les courtisans faisaient un cercle autour d' eux. La princesse, se tenant toujours renferm6e dans sa tour, ne voulut point assister a ce spectacle; elle etait bien loin de s' attendre a trouver son amant a Cachenmire, et elle avait taut d' horreur pour' Barbabo qu' ell" ne vouiait rien voir. Le combat se passa le mieux du monde; Barbabou fut tue raide4, et le peuple en fut charme palrce qu' il etait laid, et que Rustan etait fort joli: c' est toujours co qui d6cide de la faveur publique! Le vainqueur revetit la cotte de mailles, 1' echarpe et le casque du vaincu, et vint suivi de toute la cour, au son des fanfares, se presenter sous les fenetres de sa maltresse. Tout le monde criit: Belle princesse, venez voi'r votre beau marl qui a tu6 son vilain rival. Ses femmes r6petaient ces paroles. La prin1. Comme il ne s' y connaissail gudre, 3. Yprirent garde d peine, hardly reas he was little of a judge in them, garded it. (i. e., in diamonds.) 4. Fut tug raide (was killed'stiff) was 2. Tous deux, both of you. struck dead. 5. Tenez? oir, come..-ad see. LE BLANC ET LE NOIR. 117 cesse mit par malheur la tete a la fenetre, et, voyant 1' armure d' un horinme qu' elle abhorrait, elle courut en desesperee a son coifre de la Chine, et tira le javelot fatal qui alla percer son ehet Rustan au defaut' de la cuirasse; il jeta un grand cri, et a ce cri la princesse crut2 reconnaitre la voix de son malheureux amant. 113. Elle descend echevele, la mort dans les yeux et dans le cceur. Rustan 6tait deja tomb6 tout sanglant dans les bras de son pere. Elle le voit: o moment! o vue! 6 reconnaissance dont on ne peut exprimer ni la douleur, ni la tendresse, ni l'horreur! Elle se jette sur lui, elle l'embrasse: Tu reqois, lui dit-elle, les premiers et les dclerniers baisers de ton amante et de ta meurtriere. Elle retire le dard de sa plaie, 1' enfonce dans son cceur, et meurt sur 1' amant qu' elle adore. Le pere epouvante, eperdu, pret a mourir comme elle, tache en vain de la rappeler a la vie; elle n' etait plus. I1 maudit ce dard fatal, le brise en morceaux, jette au loin:5 ses deux diamants funestes; et tandis qu' on pr6pare les funerailles de sa fille, au lieu de son mariage, il fait transporter dans son palais Rustan ensanglante qui avait encore un reste de vie. On le porte dans un lit; la premiere chose qu' il voit aux deux c6t6s de ce lit de mort, c' est Topaze et Ebene. Sa surprise lui rendit un peu de force. Ah l cruels, dit-il, pourquoi m' avez-vous abaldonne? Peut-etre la princesse vivrait encore, si vous aviez 6t6 pr6s du malheureux Rustan. Je ne vous ai pas abandonne un seul moment, dit Topaze. J' ai toujours 6t6 pres de vous, dit Ebene. Ah i que dites-vous? pourquoi insulter4 a mes derniers moments? reponclit Rustan d' une voix languissante, vous pouvez m' en croire,5 dit Topaze; vous savez que je n'approuvai jamais ce fatal voyage dont je prevoyais les horribles suites: c' est moi qui 6tais 1' aigle qui a combattu contre le vautour, 1. Ate defaut, for want of. 4. Pourquoi insulter, why (will you) in. 2. Crut, perf. of croire. sult? 3. Au loin, far (from him.) 5. Vous pouvle m' eni croire, you may believe me (in it.) 118 LE BLANC ET LE N'OIR. et qu' il a deplume; j' 6tais 1' 6lephant qui emportait le bagage, pour vous forcer a retourner dans votre patrie; j'e tais 1' ane raye qui vous ramenait malgre vous chez votre pere: c' est mnoi qui ai egare vos chevaux; c' est moi qui ai forme le torrent qui vous empechait de passer; c' est moi qui ai 6leve la montagne qui vous fermait un chemin si funeste; j' 6tais le m6decin qui vous conseillait 1' air natal; j' 6tais la pie qui vous criait de ne point combattre. 11:4. Et moi, dit Ebene, j' 6tais le vautour qui a deplume 1' aigle, le rhinoceros qui donnait cent coups de comes l1' 616phant, le vilain qui battait 1' ane ray6, le marchand qui vous donnait des chameaux pour courir a votre perte; j' ai bati le pont sur lequel vous avez passe; j' ai creuse la caverne que vous avez travers6e; je suis le m6decin qui vous encourageait a marcher, le corbeau qui vous criait de vous battre. H6las! souviens-toil des oracles, dit Topaze: Si tu vas a 1' orient, tu seras l'a occident. Oui, dit Ebene, on ensevelit ici les morts2 le visage tourne6 l' occident. L'oracle 6tait clair, que ne 1' as-tu compris? Tu aspossede, et tu ne possedais pas: car tu avais le diamant, mais il etait faux, et tu n'en savais rien. Tu es vainqueur, et tu meurs: tu es Rustan, et tu cesses de 1' etre: tout a ete accompli. Comme il parlait ainsi, quatre ailes blanches couvrirent le corps de Topaze, et quatre ailes noires celui d'Ebene. Que vois-je? s' ecria Rustan; Topaze et Ebene repondirent ensemble: Tu vois tes deux genies. Eh! Messieurs, leur dit le malheureux Rustan, de quoi3 vous meliez-vous? et pourquoi deux genies pour un pauvre homme? C' est la loi, dit Topaze; chaque homme a ses deux genies, c' est Platon qui l'a dit le premier, et d' autres l' ont re6pte ensuite; tu vois que riec n'est plus veritable: moi qui te parle, je suis ton bon g6nie, et ma charge 6tait de veiller aupres de toi jusqu' au dernier moment de ta vie; je m' en suis fidelement acquitte. 1. Souviens-toi, remember thou. 3. De quoi, etc., wherefore did you in2. On ensevelit ici les morts, etc., they termeddle? bury here the dead with the face turned to the vest. LE BLANC ET LE NOIR. 119 Mais, dit le mourant, si ton emploi etait de me servir, je suis done d'un nature fort sup6rieure a la tienne: et puis, comment oses-tu dire que tu es mon bon genie,'quand tu rm'as laiss6 tromper dans tout ce que j' ai entrepris, et quet tu me laisses mourir moi et ma maitresse miserablement? Hel1as! c' etait ta destinee, dit Topaze, et toi, Ebene, avec tes quatre ailes noires, tu es apparemment mon mauvais genie? Vous 1' avez dit,2 repondit Ebdene. Mais tu 6tais done aussi le mauvais genie de ma princesse? Non, elle avait le sien, et je 1' ai parfaitement seconde. 11P5. I1 se reveille en sursaut,3 tout en sueur, tout egare; il se tate, il appelle, il crie, il sonne. Son valet de chambre Topaze accourut en bonnet de nuit,4 et tout en baillant. Suisje mort, suis-je en vie s' 6cria Rustan; la belle prinecesse de Cachemire en rechappera-t-elle?.... Monseigneur reve-t-il? repondit froidement Topaze. Ah i s' 6cria Rustan, qu' est done devenu ce barbare Ebene avec ses quatre ailes noires? c' est lui qui me fait mourir d' une mort si cruelle. Monseigneur, je 1' ai laisse la-haut qui ronfle;5 voulez-vous qu' on le fasse descendre? Le scelerat! il y a six mois entiers qu' il me persecute; c' est lui qui me mena a cette fatale foire de Cabul; c' est lui qui m' escamota le diamant que m' avait donne la princesse; il est seul la cause de mon voyage, de la mort de ma princesse, et du coup de javelot dont je meurs & la fleur de mon age. Rassurez-vous, dit Topaze, vous n' avez jamais ete a Cabul; il n' y a point de princesse de Cachemire; son pere n' a jamais eu que deux gargons qui sont actuellement au college. Vous n' avez jamais eu de diamant, la princesse ne peut etre morte, puisqu' elle n' est pas nee; et vous vous portez a merveille.6 1. Et que, and when; que is here used 3. n se rdveille en sursaut, he (wakes instead of a repetition of the quand, with a start.) starts from his sleep. which begins the preceding clause. 4. En bonnet de nuit, in his night-cap. It is sometimes used, also, instead of 5. Je 1' ai laiss6, etc., I left him snoring comme, and si in the same way. above. 2. Vous I' avez dit, you have it (right.) 6. Vous vous portez d onerveille, you are admirably well. 120 DE LA SE-NSIBILITE ET DE LA DONTE. Comment, il n' est pas vrai que tu m' assistais a la mort' dans le lit du prince de Cachemire? Ne m'as-tu pas avoue quej pour me garantir de tant de malheurs, tu avais e8t aigle, 616phant, ane raye, mfedecin et pie? Monseigneur vous avez rev8 tout cela; nos idcles ne dependent pas plus de nous dans le sommeil que dans la veille. Dieu a voulu que cette file d' id6es vous ait passe par la tete, pour vous donner apparemment quelque instruction dont vous ferez votre profit. Tu te moques de moi, reprit Rustan; combien de temps aije dormi? Monseigneur, vous n'avez encore dormi qu'une heure. Eh maudit raisonneur, comment veux-tu qu' en une heure de temps j' aie ete a la foire de Cabul il y a six mois, que j' en sois revenu, que j' aie fait le voyage de Cachemire, et que nous soyons morts, Barbabou, la princesse et moi? aMonseigneur, il n' y a rien de plus aisfe et de plus ordinaire, et vous auriez pu reellement faire le tour du monde, et avoir beaucoup plus d' aventures en bien moins de temps. DE LA SENSIBILITE ET DE LA BONTE. I1I6. ON parle sans cesse, dans notre siecle, de sensibilite; c' est un grand mot; et je souponine qu' on ne le r6pe1te si souvent, que parce qu' on ne 1' entend pas. La bonte, au contraire, s' entendcl aisement;2 c' est un sentiment tres-naturel; et voila sans doute pourquoi il n' est point a la mode3 comme 1' autre. Tout le monde veut etre sensible; mais personle ne se soucie d' fetre -bon. C' est ce qui m' a fait naitre 1' idee de faire un parall8le entre la bonte et la sensibilite; ces discussions morales peuvent avoir leur agrement4 et leur prix, comme les discussions litteraires. Le cceur humain est aussi un livre classique qu' on ne saurait etudier5 avec trop de discernement; et 1. Ml' assistais d la mort, was present 3. A la mode, in fashion. at my death. 4. Agrb7uent, enjoyment. 2. S'entend aisbuent, is easily under- 5. Nie saurait etll'uer. canrnot study. stood. DE LA SENSIBILITE ET DE LA BONTE. 121 peut-6tre est-il aussi utile de savoir si un sentiment est pr6f6rable a un autre, que de savoir si Corneille est au-dessus de Racine, ou Virgile au-dessus d' Homere. Je consulte les oracles du siecle dernier, et ils me repondent que la sensibilit6 n' est autre chose que la faculte de sentir. Je ne suis pas beaucoup plus avance;I car cette faculte s' etend a tout le riegne animal, et m6me au genre vegetal. L' homme et 1' insecte qui rampe sons ses pieds, ont la faculte de sentir. D' apres cette definition, la sensibilite est dans les plantes, et la sensitive en est le plus parfait modle. C' est en vain que j' ai recours aux anciens; les anciens n' ont clans leurs langues aucun mot qui r6ponde au mot sensibilit6; c' est une invention moderne, et je vois meme, que ce mot n' a ete adopte parmi nous que depuis qu' on s' est mis a expliquer les sentiments par les sensations. Ii faudra done nous en rapporter2 aux plus sages des sages de notre temps, pour la definition de ce mot nouveau. La sensibilit6, disent-ils, est une disposition de 1' ame, qui la rend facile a 6tre 6mue, a etre touch6e. J' aime beaucoup mieux cette explication; elle fait au moins sortir 1' homme3 du regne vegetal; elle 1' abaisse moins a ses propres yeux. 117. La bont6, disent les moralistes, consiste en deux points: le premier, ne pas faire de mal a nos semblables; le second, leur faire du bien. Cette d6finition n' est pas tres-precise, mais elle est propre cependant a faire naltre4 des idees justes. On voit d6ja qu' il y a quelque chose de plus reel dans la bonte que dans la sensibilitei; 1' une est vertu, et 1' autre n' est qu' une disposition a la vertu. La sensibilitei est la facultei d' etre emu; mais comme on peut etre emu en bien ou en mal, la sensibilit6 peut devenir une disposition genetreuse; mais elle peut devenir aussi une disposition dangereuse et nuisible. L' homme sensible peut etre bon; mais il est possible qu' il ne le soit pas toujours; 1' homme que la nature a 1. Je ne suis pas beaucoup plus avanc6, 3 Elle fait sortir I' homme, (it makes I am not much better off. to bring out man,) it takes out man. 2. Nous en rapporter, etc., to refer to 4. Propre d faire naotre, (proper to the most wise, etc. make arise,) fitted to give. 11 122 DE LA SENSIBILITE ET DE LA BONTE. fait bon, le sera dans toutes les situations de la vie. L' homme sensible, pour faire le bien, a besoin d' etre averti pas une 6motion ge6nreuse; 1' homme bon n' a qu' & se laisser faire;1 il ne s' egare jamais2 en suivant son penchant. La sensibilite peut dclvelopper toutes les qualites morales; mais elle peut aussi reveiller toutes les passions; l'homme, doue de sensibilit6 sentira plus vivement les images de la vertu; mais il sera subjugue plus facilement par les images du vice; par la raison qu' il est plus accessible a 1' amour, il sera plus accessible & la haine; il peut etre le meilleur des hommes, mais il peut en devenir le plus mechant. Avec la sensibilite on pent faire des heureux; on peut aussi faire verser des larmes; 1' h-ornmme qui est n6e bon, fera le bonheur de ceux qui 1' entourent, sans faire jamais le malheur de personne. C' est le genie de la- bonte qui a dicte aux hommes cette maxime chretienne; ne faites point aux autres ce que vous ne voulez pas qu' on vous fasse. Elle lui a dit plus encore; faites a autrui le bien que vous voulez qu' on vous fasse' vous-menme. La sensibilite, il est vrai, peut faire naitre3 des affections plus vives que la bonte, mais lorsque ces affections se fixent sur'un objet, elles deviennent souvent un sentiment exclusif. Tu seras pour moi 1' univers, dit 1' homnme sensible a la femme qu' il adore, et ii ne voit plus rien autre sur la terre. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble qu' ii y a dans la sensibilite quelque chose qui tient dce4 1' egoisme; il n'en est pas de meme de la bout6, qui fait naitre des affections- plus douces, et pour qui rien n' est 6tranger; elle s' etend a tous les etres; elle se montre partout ou on a besoin d' elle; elle resselmble en cela a la Providence, qui embrasse tout de son regard bienfaisant, qui visite 1' homme dans sa douleur, et qui donne la p&ture aux petits des oiseaux; aussi on n' a jamais dit de Dieu qu' il etait sensible; et pour 1' honorer dignement, les hommes 1' ont surnomm6 1' etre souverainement bon. 1. S'e laisserfaire (to let himself act) to 3. Faire naitre, (make to spring up) act without care. produce. 2. 11 ne s' dgare juozais, he never goes 4. Tient de, partakes of. astray. DE LA SENSIBILITE -ET DE LA BONTE. 123 11S. La sensibilite n' est pas toujours la meme; elle suit les diff6rentes p6riodes de la vie humaine; dans la jeunesse, elle est plus vive; sa vivacite se ralentit' dans 1' age mur; elle s' eteint dans la vieillesse; 1' inalterable bonte ne change point; toujours la umme, elle accompagne 1' homme depuis le berceau jusqu' au cercueil,2 cherchant toujours a essuyer les larmes, et semant les bienfaits sur son passage. La sensibilit6 tient de fort prbs3 aux passions, et elle a quelque chose du caractere qui les distingue; elle est quelquefois vive et brusque comme la colere, aveugle et capricieuse comme 1' amour; elle se nourrit souvent de visions et de chimenres'; les sentiments qu' elle fait naitre sont quelquefois incertains et changeants; plus ils sont violents,4 moins is sont durables. I1 y a six mois5 que je rencontrai un hommle tres-sensible, qui venait de perdre6 sa femme; il me serait impossible de peindre sa douleur. I1 avait fait tendre tous ses appartements en noir; il avait a c6te de son lit le cocur de sa defunte, dans une urne funebre; on ne pouvait 1' arracher a ce triste spectacle, et tous ses amis etaient persuad6s qu' une douleur si vive ne manquerait pas de le conduire au cercueil. I1 s' est console comme la matrone d' Ephbse, il vient d' 6pouser7 une seconde femme qui lui a fait oublier la premiBre, et tous ses appartements, vetus jadis de la couleur des tombeaux, sont aujourd' hui couleur de rose. La bont6 ne met point tant d' ostentation a ses pleurs; elle n' a pas des chagrinss d' appareil, et des douleurs de theatre; ses sentiments sont plus vrais, et son deuil dure beaucoup plus long-tems. 119. On peut ais6ment contrefaire le langage de la sensibilite; l'affection se prend quelquefois9 pour le sentiment; 1. Se ralentit, it abates. 6. Venait de perdre, had just lost. 2. Depuis le bercean jusqu' au cercueil, 7. 11 vient d' apouser, he has just esfrom the cradle to the coffin. poused. 3. Tient de fort pres, is very nearly 8. Chagrins, etc., stately sorrows and akin. theatrical griefs. 4. Plus ils sont violents, the more vio- 9. Se prend quelquefois, is sometimes lent they are. taken. 5. 2i y a si nmois, (it is six months) six months ago. 124 H YMNE. quelque formules de discours, quelques scenes adroitement preparees, peuvent en imposer aI la multitude. Quelqu' un a dit qu' avec de 1' esprit on pouvait faire2 de la sensibilite: on en fait m6me sans esprit. On ne rencontre que des gens qui affectent des sentiments qu' ils n' ont pas, et la sensiblomanie3 doit faire tort a la sensibilite. I1 n' est pas aussi facile d' imiter la bonte, qui a un langage plus simple, qui ne vise point a 1' effet, et qui se montre plus encore dans les actions que dans de vaines paroles. Pour paraitre sensible, il suffira quelquefois de faire de beaux discours; pour paraltre bon, il faut 1' eitre reellement; la sensibilit6 est une vertu passionn6e qui n' agit que par boutade;4 il'suffit de se contraindre un moment pour la contrefaire; la bonte est un etat habituel; il faudrait se contraindre toute la vie. On m' accusera peut-etre de severit6; je ne me permets cependant aucune censure directe; je ne fais qu'exprimer un sentiment de pref6rence. Je dirai meme que la sensibilite est a la bonte, ce que le g6nie est au sens commun; mais, comme le gtenie tout seul peut s' egarer, je lui pref6re5 la simple raison, qui ne s' egare point, et qui est d' un usage plus habituel. La reunion de ces deux qualites serait, sans doute, le chefd'ceuvre de la vertu. Si la providence daignait 6couter ma priere, je les lui6 demanderais toutes les deux; mais, s'il me fallait choisir, je choisirais la bonte. HYMNE DE L'ENFANT A SON R]VEIL. 120. 0 PERE qu! adore mon peire!7 Toi qu' on ne nomme qu' a genoux, Toi dont le nom terrible et doux Fait courber le front de ma mere; 1. Peuvent en imposer d, can impose 4. Par boutade, by caprice. on. 5. Je lui pref re, I prefer to it. 2. Pouvait faire, could (make) i. e. 6. Je les lui, etc., I would ask him for feign. them both. 3. Sensiblomanie, etc., the sensibility 7. Qu' adoremon peie,whom myfather mania must injure sensibility. adores. HYMNE. 125 On dit que ce brillant soleil N' est qu' un jouet de ta puissance, Que sous tes pieds il se balance Comme une lampe de vermeil. On dit que c' est toi qui fais naltre Les petits oiseaux dans les champs, Et qui donne' aux petits enfants Une Ame aussi pour te connmaitre. On dit que c' est toi qui produis Les fleurs dont le jardin se pare; Et que sans toi, toujours avare,2 Le verger n' aurait point de fruits. Aux dons3 que ta bonte mesure Tout l' univers est convie; Nul insecte n' est oublie A ce festin de la nature. L' agneau broute le serpolet; La chevre s' attache au cytise; La mouche, au bord du vase, puise Les blanches gouttes de mon lait; L' alouette a la graine amere Que laisse4 envoler le glaneur, Le passereau suit le vanneur, Et 1' enfant s' attache a sa mere. Et pour obtenir chaque don Que chaque jour tu fais eclore, A midi, le soir, a 1' aurore, Que faut-il? prononcer ton nom. 1. Donne, etc., givest to little children 3. Auxv dons, etc., to the gifts which thy also a soul. * goodness measures out is, etc. 2. Toujours avare, etc., the orchard for 4. Que laisse, etc., which the gleaner ever penurious. leaves. 11: e 126 LA PRINCESSE DE BABYLONE. O Dieu! ma bouche balbutiel Ce nom des anges redout6. Un enfant meme est ecout6, Dans le choeur qui te glorifie! Ah! puisqu' il entend de si loin Les vceux que notre bouche adresse, Je veux2 lui demander sans cesse Ce dont les autres ont besoin. Mon Dieu, donne 1' onde aux fontaines, Donne la plume aux passereaux, Et la laine aux petits agneaux, Et 1' ombre et la rosee aux plaines. Donne aux malades la sant6, Au mendiant le pain qu' il pleure,3 A 1' orphelin une demeure, Au prisonnier ia liberte. Donne une famille nombreuse Au pere qui craint le Seigneur, Donne a moi sagesse et bonheur, Pour que ma mere soit heureuse! LA PRINCESSE DE BABYLONE. 121. LE vieux Belus, roi de Babylone, se croyait le premier homme de la terre, car tous ses courtisans le lui disaient,4 et ses historiographes le lui prouvaient. Ce qui pouvait excuser en lui ce ridicule,5 c' est qu'"en effet ses prd6ecesseurs 1. Balbutie, etc., stammers that name 3. Qu' il pleure, that he weeps for. feared by angels. 4. Le lui' disaient, told him so. 2. Je veux, etc., I will ask him unceas- 5. Ce ridicule, this ridiculous notion. ingly for that of which others have need. LA PRINCESSE DE BABYLONE. 127 avaient bati Babylone, plus de trente mille ans avant lui, et qu'il l'avait embellie. On sait que son palais et son parc, situes a quelques parasanges de Babylone, s' 6tendaient entre l' Euphrate et le Tigre, qui baignaient ces rivag'es enchantes. Sa vaste maison de trois milles pas de faqade,' s' elevait jusqu' aux nues. La plate-forme2 etait entouree d'une balustrade de marbre blanc, de cinquante pieds de hauteur, qui portait les statues colossales de tous les rois et de tous les grands hommes de l' empire. Cette plate-forme, coinpos6e de deux rangs de briques, couvertes d'une epaisse surface de plomb, d'une extr6mite k 1' autre, etait charg6e de douze pieds de terre;3 et sur cette terre, on avait l1eve des forets d' oliviers, d' orangers, de citronniers, de palmiers, de girofliers, de cocotiers, de canneliers, qui formaient des allees inlmpentrables aux rayons du soleil. Les eaux de 1' Euphrate, elev6es par des pompes dans cent colonnes creusees,4 venaient dans ces jardins remplir de vastes bassins de marbre, et, retombant ensuite par d' autres canaux, allaient former dans le parc des cascades de six mille pields de longueur, et cent mille jets.d' eau dont la hauteur pouvait a peine etre apereue; elles retournaient ensuite dans 1' Euphrate dont elles etaient parties.5 Les jardins de Siemiramnis, qui ktonnerent 1' Asie plusieurs siecles apres, n' etaient qu' une faible imitation de ces antiques merveilles; car, du temps de Semiramis, tout commenaait i deg'enerer chez5 les hommes et chez les felnmes. Mais ce qu' il y avait7 de plus admirable a Babylone, ce qui eclipsait tout le reste, etait la fille unique du roi, nomm6e Formosante. Aussi Belus 6tait plus fier de sa fille que de son royaume. Elle avait dix-huit ans; il lui fallaitr un epoux 1. De f cade, of front. 5. Dont elles dlaient parties, fromn which 2. La plate-forme, the flat roof. they had gone out. 3. De douze pieds de terre, (with twelve 6. Chez, amonl. feet of earth) with earth to the 7. Ce qu'il y avait, etc., what there was depth of' twelve feet. more admirable. 4. Cent colonnes creusaes, a hundred S. 11 lui fallait, there was necessary for hollow columns. her. 128 LA PRINCESS DE BABYLONE. digne d' elle; mais ofu le trouver? Un ancien oracle avait ordonne que Formosante ne pourrait appartenir' qu' a celui qui tendrait 1' arc de Nimrod. Ce Nimrod, le fort chasseur devant le Seigneur, avait laisse un arc de sept pieds babyloniques de haut, d' un bois- d' ebene plus dur que le fer du Mont Caucase, qu' on travaille dans les forges de Derbent; et nul mortel, depuis Nimrod, n' avait pu bander cet arc merveilleux. 122. I1 etait dit encore, que le bras qui aurait tendu2 cet arc, tuerait le lion le plus terrible et le plus dangereux qui serait lache3 dans le cirque de Babylone. Ce n' etait pas tout; le bandeur de 1' arc, le vainqueur du lion devait terrasser tous ses rivaux; mais il devait surtout avoir beaucoup d' esprit, etre le plus magnifique des hommes, le plus vertueux, et posseder la chose la. plus rare de 1' univers entier. I1 se presenta trois rois qui oserent disputer4 Formosante; le pharaon d'Egypte, le sha des Indes et le grand kan des Scythes. B61us assigna le jour, et le lieu du combat l' extremite de son parc, dans le vaste espace borde par les eaux de 1' Euphrate et du Tigre reunis. On dressa autour de la lice5 un amphithe6tre de marbre qui pouvait contenir cinq cent mille spectateurs. Vis-a-vis 1' amphitheatre 6tait le trone du roi, qui devait paraitre6 avec Formosante accompagn6e de toute la cour; et a droite et a gauche, entre le tr6ne et 1' am, phitheatre, 6taient d' autres trones et d' autres sieges pour les trois rois et pour tous les autres souverains qui seraient curieux de voir cette auguste cer6monie. Le roi d' Egypte arriva le premier, monte sur le boeuf Apis, et tenant en main le sistre7 d' Isis. II etait suivi de deux mille pretres vetus de robes de lin plus blanches que la neige, de deux mille magiciens et de deux mille guerriers. Le roi des Indes arriva bientot apres dans un char traln6 1. Ne pourrait appartenir, could belong 5. Autour de la lice, around the list. only. 6. Qui devait paraitre, who was going 2. Qui aurait tendu, which should have to appear. bent. 7. Le sistre, the sistrum; a musical in3. Serait l&ch. should be let loose. strument used by the Egyptians in 4. Distpucter, to compete for. war and in religion. LA PRIINCESSE DE BABYLONE,. 129 par douze ele6phants. Ii avait une suite encore plus nombreuse et plus brillante que le pharaon d' Egypte. Le dernier qui parut' 6tait le roi des Scythes. I1 n'avait aupres de lui que des guerriers choisis, armes d' arcs et de fliches. Sa monture etait2 un tigre superbe qu' il avait dompte, et qui 6tait aussi haut que les plus beaux chevaux de Perse. La taille de ce monarque, imposante et majestueuse, effagait3 celle de ses rivaux; ses bras nus, aussi nerveux que blancs, semblaient deja tendre 1' arc de Nimrod. Les trois rois se prosterneirent devant Belus et Formosante. Le roi d' Egypte offrit a la princesse les deux plus beaux crobodiles du Nil, deux hippopotames, deux zebres, deux rats d' Egypte et deux momies, avec les livres du grand Hermes4 qu' il croyait etre ce qu' il y avait de plus rare sur la terre. 123. Le roi des Indes lui offrit cent elephants qui portaient chbacun une tour de bois dore, et mit a ses pieds le Veidam, ecrit de la main de Xaca lui-meme. Le roi des Scythes, qui ne savait ni lire ni 6crire, pr6senta cent chevaux de bataille5 couverts de housses et de peaux de renards noirs. La princesse baissa les yeux6 devant ses amants, et s' inclina avec des graces aussi modestes que nobles. B6lus fit conduire ces monarques sur les trones qui leur 6taient prepares. Que n' ai-je trois filles!7 leur dit-il, je rendrais aujourd' hui six personnes heureuses. Ensuite il fit tirer au sort a qui essaierait le premier 1' arce de Nimrod. On mit dans un casque d' or les noms des trois pr6tendants. Celui de roi d' Egypte sortit le premier, ensuite parut le nom du roi des Indes. Le roi scythe, en regardant 1' arc et ses rivaux ne se plaignit point8 d' etre le troisieme. Tandis qu' on pr6parait ces brillantes 6preuves, vingt mille 1. Parut, perf of parattre. 5. Chevaux de bataille. war-horses. 2. Sa monture etait, (his riding animal 6. Baissa les yeux, cast down her eyes. was) he was mounted on. 7. Que n' ai-je trois filles, why have I 3. Effagait. eclipsed. not three dauohters. 4. Hcrmds, THermes, (an Egyptian phi- 8. Ne se plaignsit point, did not comonsrophor. plain, 130 LA PRINCESSE DE BABYLONE. pages et vingt mille jeunes. filles distribuaient sans confusion des rafraichissements aux spectateurs entre les rangs des sieges. Tout le monde avouait que les dieux n' avaient 6tablil les rois que pour donner tous les jours des f6tes, que la vie est trop courte pour en user autrement; que les proces, les intrigues, la guerre, qui consument la vie humaine, sont des choses absurdes et horribles; que 1' homme n' est n6 que pour2 la joie; qu' il n' aimerait pas les plaisirs passionn6ment et continuellement, s'il n' etait pas forln6 pour eux; que 1' essence de la nature humaine est de se rejouir, et que tout le reste est folie. Cette excellente morale n' a jamais 6et d6mentie que3 par les faits. Comme on allait commencer ces essais qui devaient decider de la destinke de Formosante, un jeune inconnu monte sur une licorne, accompagne de son valet, monte de meme et portant sur le poing un gros oiseau se pr6sente a la barriere.4 Les gardes furent surpris de voir en cet equipage une figure qui avait 1' air de la divinite. C' etail, comme on 1' a dit depuis, le visage d'Adonis sur le corps d'Hercule! c'e tait la majeste avec les gr&ces. Ses sourcils noirs et ses longs cheveux blonds, melange5 de beautes inconnu a Babylone, charmerent 1' assemblee; tout 1' amphitheatre se leva pour le regardcer; toutes les femmes de la cour fixernt sur lui des regards etonnes; Formosante elle-meme, qui baissait toujours. les yeux, les releva et rougit; les trois rois phlirent: tous les spectateurs, en comparant Formosante avec 1' inconnu, s' ecrierent; il n' y a6 dans le monde que ce jeune homme qui soit aussi beau que la princesse. 12o4. Les huissiers, saisis d' ktonnement, lui demanderent s' il etait ruoi. L' 6tranger repondit qu' il n' avait pas cet honneur, mais qu' il etait venu de fort loin par curiosite pour voir 1. N' avaient Otabli, etc., had established 5. Mdlange de beautd, mixture of beaukings only to give, etc. ties. 2. N' est nd que pour, is born only for. 6. 11 n' y a, etc.. there is in the world 3. N' ajanais ete dinenzetie que, has nev- only this young man who is as beauer-been denied except. tiful, etc.: for the use of the sub4. Barridre, the gate. jllntiv.lois. Fe, ILess. 124. p1ag, 29fi2. LA PRINCESSE DE BABYLONE. 131 s' il y avait des rois dignes de Formosante. On 1' introduisit dans le premSer rang de 1' amphithe6'tre, lui, son valet, ses deux licornes et son oiseau. I1 salua- profond6ment B6lus, sa fille, les trois rois et toute 1' assemblee; puis il prit place en rougissant. Ses deux licornes se couchelrent a ses pieds, son oiseau se percha sur son epaule, et son valet, qui portait un petit sac, se mit a co6t de lui. Les 6preuves coinmencerent. On tira de son etui' d' or I' arc de Nimrod. Le grand maitre des ceremonies, suivi de cinquante pages, et prec6d6 de vingt trompettes, le presenta au roi d' Egypte, qui le fit b6nir2 par ses pretres; et 1' aant pose sur la tete du bceuf Apis, il ne douta pas de remporter cette premiere victoire. Il descend au milieu de 1' arene, ii essaie, il 6puise ses forces, il fait des contorsions qui excitent le rire de 1' amphithe6tre, qui font mreme sourire Formosante. Son grand aum6nier3 s' approcha de lui: Que votre majest6,4 lui dit-il, renonce a ce vain honneur qui n' est que celui des muscles et des nerfs; vous triompherez dans tout le reste: vous vaincrez le lion puisque vous avez le sabre d' Osiris. La princesse doit appartenir au prince qui a le plus d' esprit, et vons avez devine des 6nigmes; elle doit epouser le plus vertueux, vous 1' etes,5 puisque vous avez 6te eleve par les pretres d'Egypte, le plus g6nereux doit 1' emporter, et vous avez donne les deux plus beaux crocodiles et les deux plus beaux rats qui soient dans le Delta; vous possedez le bceuf Apis, et les livres d' Hermes qui sont la chose la plus rare de 1' univers, personne ne peut vous disputer6 Formosante. Vous avez raison, dit le roi c' Egypte, et il se remit sur son tr6ne. 125. On alla mettre 1' arc entre les mains du roi des Indes. I1 en eut7 des ampoules pour quinze jours, et se consola en 1. Etui, case. 5. Vous 1' etes, you are so. 2. Lefit benir, had it blessed. 6. Peut vous disputer, cal compete with 3. Son grand aunmOier, his grand al, you for Formosante, moner. 7. 11 en eut, etc., he had blisters from it 4. Que votre nIzjestd, etc., let your maj- for fifteen days. esty renounce this vain honor, which is only that. 132 LA PRINCESSE DE BABYLON-E. pr6sumant que le roi des Scythes ne serait pas plus heureux que lui. Le scythe mania 1' arc a son tour. I1 joignit 1' adresse a la force; 1' arc parut prendre quelque elasticite entre ses mains; il le fit un peu plier, mais jamais il ne put venir a bout de le tendre.1 L' amphith6etre a qui la bonne mine de ce prince inspirait des inclinations favorables, gemit de son peu de succ&s, et jugea que la belle princesse ne serait jamais mariee. Alors le jeune inconnu descendit. d' un saut dans 1' arene, et s' adressant au roi des Scythes: Que votre majest6,2 lui dit-il, ne s' etonne point de n' avoir pas entierement reussi. Ces arcs d' 6bene se font3 dans mon pays; il n' y a qu' un certain tour a donner; vous avez beaucoup plus de merite a 1' avoir fait plier que je n' en peux avoir a le tendre. Aussitot il prit une fliche, 1' ajusta sur ]a corde, tendit 1' are de Nimrod, et fit voler la fleche bien au-dela des barrieres. Un million de mains applaudirent a ce prodige, et Babylone retentit d' acclamations. I1 tira ensuite de sa poche une petite lame d' ivoire,4 ecrivit sur cette lame avec une aiguille d' or, attacha la tablette d' ivoire a 1' arc, et presenta le tout a la princesse avec une grace qui ravissait tous les assistants. Puis il alla modestement se remettre a sa place, entre son oiseau et son valet. Babylone entiere etait dans la surprise; les trois rois etaient confondus, et 1' inconnu ne paraissait pas s' en apercevoir.5 Cependant Belus, ayant consulte ses mages, declara qu' aucun des trois rois n' ayant pu bander 1' arc de Nimrod, il n' en fallait pas moins6 marier sa fille, et qu' elle appartiendrait a celui qui viendrait a bout7 d' abattre le grand lion qu' on nourrissait expres dans sa menagerie. Le roi d'Egypte, qui avait ete eleve dans toute la sagesse de son pays, trouve qu' il 6tait fort 1. Venir d bout de le tendre, to succeed 5. S' en apercevoir, to perceive it. in bending it. 6. I n' en fallait pas tmoins, it was no 2. Que votre miajestY, etc., let not your less necessary for that. majesty, said he, be astonished. 7. Viendrait d bout, should succeed. 3. Se font, are made. 4. Une petite lame d' isoire, a little ivory plate. LA PRINCESSE DE BABYLONE. 133 ridicule d' exposer un roi aux betes pour le marier. I1 avouait1 que la possession de Formosante etait d' un grand prix; mais il pretendait2 que si le lion 1' etranglait, il ne pourrait jamais epouser cette belle babylonienne. Le roi des Indes entra dans les sentiments de 1' Egyptien; tous deux conclurent3 que le roi de Babylone se moquait d' eux; qu' il fallaitr faire venir des armees pour le punir; qu'ils avaient assez de sujets qui se tiendraient fort honores de mourir au service de leurs maltres; qu' ils detroneraient aisement le roi de Babylone, et qu' ensuite ils tireraient au sort5 la belle Formosante. Cet accord etant fait, les deux rois d6pecherent, chacun dans leur pays, un ordre expres d'assembler une armee de trois cent mille hornmes pour enlever Formosante. 126. Cependant le roi des Scythes descendit seul dans 1' arene, le cimeterre a la main. I1 n' 6tait pas 6perdument epris6 des charmes de Formosante; la gloire avait 6et jusque la sa seule passion; elle 1' avait conduit'a Babylone. I1 voulait faire voir que si les rois de 1' Inde et de 1' Egypte etaient assez prudents pour ne pas se compromettre7 avec des lions, il etait assez courageux pour ne pas dedaigpner ce combat, et qu'il r6parerait 1' honneur du diademe. Sa rare valeur ne lui permit pas seulement de se servirs du secours de son tigre. I1 s' avance seul, legerement arme, convert d'un casque d' acier garni9 d' or, ombrage de trois queues blanches comme la neige. On lache contre lui le plus enorme lion qui ait jamais et6 nourri dans les nmontagnes de 1' Anti-Liban. Ses terribles griffes semblaient capables de d6chirer les trois rois a la fois, et sa vaste gueule de les devorer. Ses affreux rugissements faisaient retentir 1' amphith6etre. Les deux fiers champions se precipitent 1' un contre 1' autre d' une course rapide. Le coura1. Avouait, confessed. 6. Eperdumeent epris, desperately smit2. Prtendclait, maintained. ten. 3. Conclurent, perf. of conclure. See 7. Se compromettre, to expose themLess. 138, page 302, obs. 2. selves. 4. I fallait, etc., it was necessary to S. Seu!ement de se servir, even to avail have some armies come. himself. 5. Tiraient acL sort, they would draw 9. Garni, ornamented. lots for. 12 134 LA PRINCESSE DE BABYLONE. geux scythe enfonce son e6pe dans le gosier du lion; mais la pointe rencontrant une de ces epaisses dents que rien ne peut percer, se brise en eclats,' et le monstre des for~ts, furieux de sa blessure, imprimait deja ses ongles dans les flancs du montique. Le jeune inconnu, touche du p6ril d' un si brave prince, se jctte dans 1' arene plus prompt qu' un eclair; il coupe la tate du lion avec la mime dext6rite qu' on a vu depuis dans nos carrousels de jeunes chevaliers adroits enlever des tetes de maures,2 ou des bagues. Puis tirant une petite bolte, il la presente au roi scythe, en lui disant: Votre majeste trouvera dans cette petite boite le v6ritable dictame qui croit dans mon pays. Vos glorieuses blessures seront gueries en un moment. Le hasard seul3 vous a empeche de triompher du lion; votre valeur n' en est pas4 moins admirable. Le roi scythe, plus sensible a la reconnaissance qu' a la jalousie, remercia son lib6rateur; et apres 1' avoir tendrement embrasse, rentra dans son quartier pour appliquer le dictame sur ses blessures. L' inconnu donna la tete du lion a son valet: celui-ci, apres 1' avoir lav6e a la grande fontaine qui etait au-dessous de 1' amphithe6tre, et en avoir5 fait ecouler tout le sang, tira un fer de son petit sac, arracha les quarante dents du lion, et mit & leur place quarante diamants d' une 6gale grosseur. 127. Son maitre, avec sa modestie ordinaire, se mit a sa place; il donna la tete du lion a son oiseau: Bel oiseau, dit-il, allez porter aux pieds de Formosante ce faible hommage. L' oiseau part, tenant dans une de ses serres le terrible troph6e. I1 le presente a la princesse en baissant6 humblement le cou, et en s' aplatissant devant elle. Les quarante brillants eblouirent 1. Se brise en eclcts, breaks to shivers. 5. En avoir, etc.,- having made flow 2. Des tefes de maures, moors' heads or from it. rings. 6. En baissant, etc., bowing humbly the 3. Le hasard sezel, chance alone. neck and spreading himself ou; 4. N' en est pas, is not for that less ad- prostrate before her. mirable. LA PRINCESSE DE BABYLONE. 135 tons les yeux. On ne connaissait pas encore' cette magnificence dans la superbe Babylone; 1' 6meraude, la topaze, le saphir, et le pyrope etaient regardes encore comme les plus pr6cieux ornements. Belus et toute la cour etaient saisis d' admiration. L' oiseau qui offrait ce present les surprit encore davantage. I1 etait de la taille d' un aigle, mais ses yeux etaient aussi doux2 et aussi tendres que ceux de 1' aigle sont fiers et menagants. Son bec etait couleur de rose, et semblait tenir quelque chose de la belle bouche de Formnosante. Son cou rassemblait toutes les couleurs de 1' iris, mais plus vives et plus brillantes. L' or en mille nuances3. eclatait sur son plumage. Ses pieds paraissaient un m6lange d'argent et de pourpre; et la queue des beaux oiseaux, qu' on attela depuis au char de Junon n' approchait pas de la sienne. L' attention, la curiosite, 1' 6tonnement, 1' extase de toute la cour se pastageaient4 entre les quarante diamnants et 1' oiseau. I1 s' 6tait perch65 sur la balustrade entre Belus et sa fille Formosante; elle le flattait, le caressait, le baisait. I1 semblait recevoir ses caresses avec un plaisir mele de respect. Quand la princesse lui donnait des baisers, il les rendait, et la regardait ensuite avec les yeux attendris. I1 recevait d' elle des biscuits et des pistaches' qu' il prenait de sa patte purpurine et argent6e,- et.qu' il portait & son bec avec des graces inexprimables. B13lus qui avait consider& les diamants avec attention, jugeait qu' une de ses provinces pouvait a peine payer7 un pr6sent si riche. I1 ordonna de preparer pour 1' inconnu des dons encore plus nmagnifiques que ceux qui etaient destines aux tLois monarques. Ce jeune homme, clisait-il, est sans doute le fils du roi de la Chine, ou de cette partie du monde que 1' on nommoe 1. On ne connaissait pas encore, they 4. Se partageaient, was divided. were not yet acquainted with. 5. S' dtait perche, he had alighted. 2. Aussi dotux, etc., as mild and as ten- 6. Pistaches, pistachios. der as those of the eagle are proud 7. Payer, to pay for. and. threatening. 3. En 77ille nuances, in a thousand stades. 136. LE SOUHAIT. 1' Europe, dont j' al entendu parler, ou de 1'Afrique, qui est, dit-on, voisine du royaume d' Egypte. I1 envoya sur-le-champ son grand ecuyer complimenter 1' inconnu, et lui demander s' il 6tait souverain d' un de ces empires, et pourquoi, possedant de si 6tonnants trlesors, il etait venut avec un valet et un petit sac. Tandis que le grand ecuyer s' avangait vers 1' amphithe6tre pour s'acquitter de sa commission, arriva un valet sur une licorne. Ce valet, adressant la parole au jeune homme, lui dit: Ormar, votre peire touche a2 1' extremite de sa vie, et je suis venu vous en avertir.3 L' inconnu leva les yeux au ciel, versa des larmes, et ne repondit que par ce mot: " partons." LE SOUHAIT..12S. CE n' est ni 1' abondance que je desire, ni de regner sur mes semblables, ni que mon nom soit repete chez les nations eloignees. Oh! que ne puis-je4 inconnu, tranquille, vivre loin du fracas de la ville, ou les cceurs droits marchent environnes de mille pieges in6vitables, oui les mccurs et les usages ennoblissent mille extravagances! Que ne puis-je, au sein d' une campagne solitaire couler5 mes jours paisibles sous un toit rustique, aupres d' un jardin champetre, 6galement h 1' abri de P1 envie et de la cel1brite! Des noyers cintr6s en berceaux6 couvriraient de leur ombrage ma maison solitaire. Sous leurs feuillages verts habiteraient devant ma fenetre, le doux zephyr, 1' aimable fralcheur, et le repos tranquille. Devant 1' entree, dans une petite enceinte fermree par une haie vive, une source limpide murmurerait, sous un treillage de pampre.7 Dans le courant de cette onde pure, 1. Pn tait venu, he had come. 6. Cintrds en berceaux, arched into 2. Touche d, has reached. vaults. 3. Vous en avertir, to inform you of it. 7. Treillage de pampre, a treillage of 4, Que ne puis-je, why can I not. vines.. ConI?'er, pass smoot.hly away. LE SOUHAIT. 137 la canel se jouerait avec ses petits. Les douces colombes descendraient de leur toit ombrage, pour s' y desalterer;2 elles se promeneraient sur le gazon en redressant leur cou nuance de mille couleurs: tandis que le coq majestueux assemblerait autour de lui dans la cour, ses poules glapissantes. Tous ensemble accourraient au son de ma voix et viendraient en foule demander d' un air caressant la phiture a leur maitre. Les oiseaux, dont la liberte ne serait jamais troublee habiteraient le feuillage touffu des arbres voisins et s' appelleraient familierement d' un arbre a 1' autre par leurs chants. Dans un coin de la petite cour seraient rangees les ruches3 de mes abeilles. Leur r6publique forme un spectacle aussi agr6able qu' utile. Elles aimeraient le sejour de mon verger, s' il est vrai, comme le disent les habitants de la'campagne, qu' elles ne se fixent que dans les lieux ou regnent la paix et le repos. Derriere la maison, serait place mon jardin spacieux ou I' art simple se preterait avec docilit6 a seconder les agreables caprices de la nature. On ne le verrait point se revolter contre elle, regarder ses productions comme une matiere servile, et les plier'a des formes bizarres et grotesques. Un mur de noisetiers4 fermerait ce jardin; a chacun des coins il y aurait une tonnelle5 de vigne sauvage. L&, souvent je me deroberais aux rayons brulants du soleil; et je verrais le jardinier hale retourner ia terre des planches6 pour semer des legumes savoureux. Souvent excite par son ardeur au travail, je prendrais de ses mains la beche7 pour travailler moi-meme, tandis que debout a mes c6tes, il rirait de mon peu de force. Quelquefois je 1' aiderais, tantot a lier contre des banquettes8 les tiges pench6es des plantes, tantot a prendre soin des rosiers, des eillets, et des lys disperses. 129. Hors du jardin un clair ruisseau arroserait mes pres couverts d' une herbe epaisse; de la, il serpenterait9 a 1' ombre 1. La cane, the duck. 5. Une tonnelle, an arbor. 2. S' y desaltdrer, to quench there their 6. Des planches, from the boards thirst. 7. La btche, the spade. 3. Les ruches, the hives. 8. Contre des banquettes, against the rods. 4. Noisetiers, nut-trees. 9. Serpenterait, would wind. 1 - 138 LE SOUHAIT. d' un bocage d' arbres fruitiers, entremle's de tendres rejetons que je cultiverais moi-meme avec soin. Vers le milieu, je rassemble;ais ses eaux pour former un petit 6tang dans lequel je menagerais une petite ile; et sur cette ile j' 6leverais un berceau de verdure. Oh! si je pouvais voir encore un petit coteau de vigne s' 6tendre le long de la plaine; si je possedais encore un petit champ couvert d' 6pis ondoyants, le plus riche des rois pourrait-il me paraitre digae d' envie? J' aurais pour voisin le bon villageois dans sa chaumiere enfumine; les secours d' une bienveillance reciproque, les conseils sinceres de 1' amiti6 nous feraient sourire tendrement en bons voisins' a la rencontre' 1' un de l'autre. Qu' y a-t-il en effet de plus doux que cd' etre aime? Qu' y a-t-il de plus agreable que d' etre aborde d' un air content par un hornme auquel on a fait du bien? Lorsque le fracas tumultueux arrache au sommeil 1' habitant des villes; lorsque le mur voisin le dtrobe2 aux regards bienfaisants du soleil levant; lorsque le spectacle admirable de 1' anrore est interdit3 a sa vue emprisonnee; alors, r6veill6 par le vent fiais du matin et par le doux concert des oiseaux, je sortirais des bras4 du repos pour voler au-clevant de 1' aurore, ou dans les prairies 6maillees, ou sur le penchant du coteau voisin. Du haut des collines, j' exprimerais mon ravissement par des chants de joie. Quoi de plus ravissant en effet que la belle nature, lorsque ses beautes diversifiees a 1' infini5 se confondent dans un m lange plein d' harmonie? Souvent, aux douces clartes de la lune je me promenerais, plonge dans des meditations profondes sur 1' harmonie du systeme de 1' univers, tandis que des mondes et des soleils sans nombre brilleraient au-dessus de ma tete. Quelquefois aussi, je suivrais le laboureur, lorsqu' il chante derritere sa charrue'en traqant un sillon penible; ou j' irais 1. En bhols voisins, as goodl neighbors. 4. Des bras, etc., from the arms of re2 Le d6'obe. deprives him. pose. 3. Est interdit, is forbidden to his im- 5. Diversifides, etc., diversified to infin prisoned view. ity. LE SOUHAIT. 139 voir la troupe de moissonneurs ranges en file. J' 6couterais leurs chansons rustiques, et leurs historiettes naYves, et leurs propos' joyeux. Ou bien,2 lorsque 1' automne de retour teint nos arbres de couleurs bigarroes, lorsque le chant des vendangeurs fait retentir les coteaux, je me rendrais parmi eux. Lorsque les tresors de 1' automne sont recueillis, ils marchent en poussant des cris d' allegresse vers la maison ou le bruit du pressoir retentit au loin. Ils se rasselmblent sous le chaume3 oh un repas joyeux les attend. 130. Mais lorsque des jours sombres et pluvieux, lorsque la rigueur de 1' hiver et 1' ardeur brldante de 1' ete, m' interdiraient la promenade, je m' enfermerais dans un cabinet solitaire ou je jouirais des doux entretiens de la plus illustre societe, des entretiens de ces grands g6nies, 1' honneur et la gloire de chaque siecle, qui ont verse, dans des ouvrages instructifs, les tr6sors de leur sagesse. Soci6t6 vraiment noble! qui 6leve notre ame et la r6etablit dans sa dignite naturelle. L' un me d6velopperait4 les moeurs des nations etrangeres, et les merveilles de la nature dans les nations les plus 6loignees; un autre me developperait les mysteres de la nature, et m' introduirait dans son laboratoire secret.5 Celui-ci m' instruirait de la constitution int6rieure des nations, et de leur histoire, la honte, tout a-la-fois,6 et la gloire de la race humaine. Celui-la me ferait connaitre la grandeur et la destination de notre ame, et les charmes de la vertu. Autour de moi seraient ranges les sages et les poetes de 1' antiquite. Quelquefois, interrompu tout-a-coup, j' entendrais frapper7 a ma porte. Quelle joie! si, au moment quelle s' ouvrirait, un arni volait dans mes bras etendus pour le recevoir. Souvent aussi, au retour de la promenade, en approchant de ma cabane solitaire, je verrais mes amis, tantot separ6s, tantot r6unis en 1. Propos, discourses. 5. Dans son laboratoire secret, in his 2. Ou bien, etc., or else, when autumn secret laboratory. returning paints our trees. 6. Tout d-lafois, etc., at once the shame 3. ousot le chaumnze, beneath the thatch. and the glory, etc. 4. L' un me divelopperait, one would 7. J' entendraisfrapper, I should hear unfold to me. (to knock) a knocking. 140 LE SOUHAIT. troupe, me saluer en s' avancant a ma rencontre.1 Alors nous irions tous ensemble parcourir les campagnes d' alentour. La, sans chagrin, sans humeur, nos entretiens graves, entremerles d' une plaisanterie douce, feraient couler pour nous les heures avec rapidite. L' appetit assaisonnerait les mets que nous fourniraient mon jardin, mon vivier,2 et ma nombreuse bassecour. A notre retour, nous trouverions la table servie sous une treille, ou sous une cabane de verdure, au milieu du jardin. D' autres fois, assis sous la feuillee, au clair de la lune, nous firions et nous causerions, ou bien nous ecouterions en silence les chants melancoliques du rossignol. Mais quel vain songe m' occupe! Ah! depuis trop longtemps mon imagination s' egare a ta poursuite, fantome mensonger! Chimerique souhait, je ne te verrai jamais accompli! Toujours 1' homme est m6content; nos yeux3 contemplent sans cesse 1' image du bonheur dans des campagnes lointaines, dont nous somnles separes par des labyrinthes impenetrables qui nous en ferment l'acces. Alors, nous nous 6puisons4 en soupirs, et nous oublions de remarquer le bien qui etait destin6 a chacun de nous, sur la route de notre vie. La vertu est notre vrai bonheur. Celui-la est sage, celui-la est heureux, qui remplit sans murmurer, la place que lui a destinee5 1' architecte 6ternel, qui a conpu le plan de tout. Oui, divine vertu, c' est toi qui fais notre bonheur; c' est toi qui verses la joie et la f6licite sur toutes les situations de notre vie. Qui pourraisje envier,6 quand le moment sera venu de terminer des jours dont tu auras fait le bonheur? Alors, je mourrai satisfait, pleure des ames nobles qui m' auront aime pour 1' amour de toi; pleur6 de vous, o mes amis. Lorsque vos pas vous conduiront'aupres de la colline ouf sera mon tombeau, serrez-vous7 1. A ma rencontre, (to my meeting) to 5.'Que luti a destinde, etc., which the meet me. eternal Architect has destined for 2. Mon vivier, etc., my fish-pond and him. my numerous poultry-yard. 6. Qui pourrais-je envier, whom could 3. Nos yeux, etc., our eyes contemplate I envy. unceasingly the image of happiness 7. Serrez-vous, etc., press each other's in far-off countries. hands, and embrace. 4. Nous ndis ipuisons, we exhaust ourselves. LES SOUVENIRS. 141 la main, embrassez-vous, mes chers amis. C' est ici, vous direz-. vous, que repose sa cendre; son coeur fut droit; Dieu r6compense aujourd' hui ses efforts, par un bonheur qui n' aura pas de fin. Bientot notre cendre reposera pres de la sienne, et nous jouirons alors avec lui d' une f6licit6 6ternelle. LES SOUVENIRS. 131. PouRQuo I devant mes yeux revenez-vous sans cesse, O jours de mon enfance et de mon allegresse? Qui done toujours vous rouvre en nos cceurs presque 6teints, O lumineuse fleur des souvenirs lointains? Oh! que j' 6tais heureux!1 oh! que j' 6tais candide! En classe, un bane de chene, use, lustre, splendide,2 Une table, un pupitre, un lourd encrier noir, Une lampe,3 humble scour de 1' etoile du soir, M' accueillaient gravement et doucement; mon maitre, Comme je vous 1' ai dit souvent, etait un pretre A 1' accent4 calme et bon, au regard rechauffant, Naif comme un savant, malin comme un enfant, Qui m' embrassait, disant, car un 6loge excite: " Quoiqu' il n' ait qune neuf ans, il explique Tacite." Puis, pres d' Eug~ene,5 esprit qu' helas! Dieu submergea, Je travaillais dans 1' ombre, (et je songeais deja Tandis que j' ecrivais,) sans peur, mais sans systeme, Versant le barbarisme a grands flots6 sur le theme, Inventant7 aux auteurs des sens inattendus, Le dos courb6, le front touchant presque au Gradus,s 1. Que j' itais heureux! how happy I 5. Eugene, (his brother.) was! 6. A grands flots. (in great tides) with 2. Usd, lustre, splendide, worn, pol- great copiousness. ished, shining. 7. Inventant, etc., inventing for the au3. Une lanmre, etc., a lamp, humble sis- thor's unlooked for meanings. ter of the btar, etc. 8. Gradus, my gradus, (dictionary of 4. A 1' accent, etc., of calm accent. prosody.) 142 LES SOUVENIRS. Je croyais, car toujours 1' esprit de 1' enfant veille, OuYr confus6ment, tout pres' de mon oreille, Les mots grecs et latins, bavards2 et familiers, Barbouillbs d' encre, et gais comme des 6coliers, Chuchoter,3 comme font les oiseaux dans une aire, Entre les noirs feuillets du lourd dictionnaire, Bruits plus doux que le bruit d' un essaim4 qui s' enfuit,'Souffles5 plus 6touff6s qu' un soupir de la nuit, Qui faisaient, par instants, sous les fermoirs6 de cuivre, Frissonner7 vaguement les pages du vieux livre! Le devoir fait, legers comme de jeunes daims, Nous fuyions a travers les immenses jardins, Eclatants a la fois en cent propos contraires, Moi, d' un pas in6gal je suivais mes grands freres; Et les mouches volaient dans 1' air silencieux, Et le doux rossignol, chantant dans 1' ombre obscure, Enseignait la musique a toute la nature; Tandis qu' enfant jaseur, aux gestes 6tourdis, Jetant partout mes yeux ing6nus et hardis, D' ofu jaillissait la joie en vives 6tincelles, Je portais sous mon bras, nou6s par trois ficelles, Horace et les festins, Virgile et les forets, Tout 1' Olympe, These6e, Hercule, et toi C6res, La cruelle Junon, Lerne et 1' hydre enflammeie, Et le vaste lion de la roche Nemee. 1. Tout pros, etc.. quite near to my 5. Sou2fles, etc., breathings more stifled. ear. 6. Les fermoirs, the clasps. 2. Bavards, babbling. 7. Frissonner, to shiver. 3. Chuchoter, to whisper. 8. Eclatant, etc., breaking forth at once 4. D' un essaim, etc., of a swarm which in a hundred contrary purposes. is flying away. PAUL ET VIRGINIE. 143 PAUL ET VIRGINIE. 132. SUR le cote8 oriental de la montagne qui s' eleve derriere le Port-Louis de 1' le de France, on voit, dans un terrain jadis cultive, les ruines de deux cabanes. Elles sont situ6es presque au milieu d' un bassin, forme par de grands rochers, qui n' a qu' une seule ouverture tournee au nord. On apereoit a gauche la montagne appelee le Morne de la Decouverte,l d' ou 1' on signale2 les vaisseaux qui abordent dans 1' ile, et, au bas de cette montagne, la ville nomnm6e le Port-Louis; a droite, le chemin qui mene du Port-Louis au quartier des Pamplemousses; ensuite,3 1' eglise de ce nom, qui s' ele8ve avec ses avenues de bambous4 au milieu d' une grande plaine; et, plus loin, une foret qui s' etend jusqu' aux extremites de i' lie. On distingue devant soi, sur les bords de la mer, la baie du Tombeau; un peu sur la droite, le cap -Malieureux; et audela, la pleine mer, oui paraissent a fleur5 d' eau quelques ilots inhabites, entre autres le coin de Mire,6 qui ressemble a un bastion au milieu des flots. A 1' entree de ce bassin, d' ofu 1' on decouvre tant d' objets, les- 6chos de la montagne repetent sans cesse le bruit des vents qui agitent les forets voisines, et le fracas des vagues qui se brisent au loin sur les recifs; mais au pied meme des cabanes on n' entend plus aucun bruit, et on ne voit plus autour de soi que de grands rochers escarpes comme des murailles. Des bouquets d' arbres croissent & leurs bases, dans leurs fentes,7 et jusque sur leurs cimes, ou s' arrettent les nuages. Les pluies, que leurs pitons attirent, peignent8 souvent les couleurs de 1. Morne de la Ddcouverte, Discovery 4. Banbous, bamboos. Bluff. Morne is a name given in 5. A Jeur de, on a level with. America, and some other parts, to 6. Le coin de Mire, aiming wedge, small mountains situated upon the (name of an island.) sea. 7. Fentes, clefts. 2. Signale, gives signal of. 8. Peignent, from peindre. 3. Ensuite, then. 14-4 PAUL ET VIRGINI-E. 1' arc-en-ciel sur leurs flancs verts et bruns, et entretiennent' a leur pied les sources dont se forme la petite riviere des Lataniers. Un grand silence regne dans leur enceinte, ofu tout est paisible, 1' air, les eaux et la lumiere. A peine 1' echo y repete le murmure des palmistes2 qui croissent sur leurs plateaux elev6s, et dont on voit les longues fleches3 toujours balancees par les vents. Un jour doux eclaire le fond de ce bassin, ou le soleil ne luit qu' a midi; mais des 1' aurore ses rayons en frappent le couronnement,4 dont les pics, s' elevant au-dessus des ombres de la montagne, paraissent d' or et de pourpre sur 1' azur des cieux. J' aimais a me rendre dans ce lieu, oui 1' on jouit a la fois d' une vue immense et d' une solitude profonde; et ici, un jour que j' etais assis au pied de ces cabanes, un vieillard du voisinage me raconta 1' histoire de leurs habitants. Ces deux petites cabanes, me dit-il, je les ai fait batir pour deux femmes solitaires, separ6es par le malheur de 1'Europe, et depourvues de tons leurs anciens amis. Chacune d' elles avait un seul nourrisson. J' 6tais le parrain5 de tons les deux enfants. Celui de Marguerite s' appelait Paul, et celle de Madame de la Tour portait le nom de Virginie. 133. Ces deux petites habitations etaient de quelque rapport6 a 1' aide des soins que j' y donnais de temps en temps, mais surtout, par les travaux assidus de leurs deux esclaves. Celui de Marguerite appele Domingue etait un noir iolof,7 encore robuste, quoique deja sur 1' age.8 I1 avait de 1' experience et un bon sens naturel. I1 cultivait indiffremmnent9 sur les deux habitations les terrains qui lui semblaient les plus fertiles, et il y mettait les semences qui leur convenaient le mieux. I1 semait du petit mill' et du mais dans les endroits mediocres, un peu de froment dans les bonnes terres, du riz dans les fonds 1. Entretiennent, support. 6. De quelque rapport, of some profit. 2. Palmistes, palm-trees. 7. lolof, Iolof, (a negro from Senegal.) 3. Fl6ches, shoots. 8. Sur l' age, advanced in age. 4. Couronnemrent, top. 9. Indiffremment, without distinction. 5. Patrrain, godfather. 10. Mil, millet. PAUL ET VIRGINIE. 145 marecageux; et au pied des roches, des giraumonts,t des courges et des concombres, qui se plaisent a y grimper. I1 plantait dans les lieux sees des patates, qui y viennent tres-sucrees, des cotonniers sur les hauteurs, des cannes a sucre2 dans les terres fortes, des pieds de cafe3 sur les collines, ou' le grain est petit mais excellent; le long de la riviere et autour des cases,4 des bananiers, qui donnent toute 1' ann6e de longs regimes5 de fruits avec un bel ombrage, et enfin, quelques plantes de tabac pour charmer ses soucis et ceux de ses bonnes maltresses. I1 allait couper du bois a brhler dans la montague, et casser des roches qa et l&, dans les habitations, pour en aplanir les chemins. II faisait tous ces ouvrages avec intelligence et activite, paree qu' il les faisait avec zele. I1 etait fort attach6 a Marguerite, et il ne 1' 6tait guereo moins a madame de la Tour, dont il avait epouse la negresse a la naissance de Virginie. I1 aimait passionnement sa femme, qui s' appelait Marie. Elle 6tait nee a Madagascar, d' ou elle avait apporte quelque industrie,6 surtout celle de faire des paniers et des etoffes appelees pagnes avec des herbes qui croissent dans les bois. Elle etait adroite, propre et tres-fidele. Elle avait soin de preparer a manger, d''lever quelques poules, et d'aller de temps en temps vendie au Port-Louis le superflu de ces deux habitations, qui 6tait bien peu considerable. Si vous y joignez deux cheivres 61evees pres des enfants, et un gros chien qui veillait la nuit au dehors, vous aurez une idee de tout le revenii et de tout le domestique7 de ces deux petites metairies. Pour ces deux amies, elles filaient du matin au soir du coton. Ce travail suffisait a leur entretien et a celui de leurs families; mais d' ailleurs, elles etaient si d6pourvues de commodites 6trangeres, qu' elles marchaient nu-pieds dans leur habitation et ne portaient de souliers que pour aller, le di1. Giraumonts, etc., pumpkin, gourds, 4. Autour des cases, around the cotand cucumbers. tages. 2. Cannes d sucre, sugar-cane. 5. Rggimes, bunches. 3. Des aieds de cqEft, coffee-plants. 6. Industrie, mechanical skill. 7. Le domestiqte, thle family 13 146 PAUL ET VIRGINIE. manchel de grand matin,2 ~ la messe a 1' eglise des Pamplemousses, que vous voyez la-bas. I1 y a cependant bien plus loin qu' au Port-Louis; mais elles se rendaient rarement a la ville, de peur d' y etre meprisees, parce qu' elles etaient vetues de grosse toile bleue du Bengal, comme des esclaves. 134. Apres tout, la consideration publique vaut-elle le bonheur domestique? Si ces dames avaient un peu a souffiir au dehors, elles rentraient chez elles3 avec d' autant plus de plaisir. A peine Marie et Domingue les apercevaient de cette hauteur sur le chemin des Pamplemousses, qu' ils accouraient jusqu' au bas de la montagne, pour les aider a la remonter. Elles lisaient dans les yeux de leurs esclaves la joie qu'ils avaient de les revoir. Elles trouvaient chez elles la proprete, la libert6, des biens qu'elles ne devaient qu' a leurs propres travaux, et des serviteurs pleins de zele et d' affection. Ellesmemes, unies par les mernes besoins, ayant eprouve des maux presque semblables, se donnant les doux noms d'amie, de compagne et de soeur, n' avaient qu' une volont6, qu' un interet, qu' une table. Tout entre elles etait commun. Seulement, si d' anciens feux plus vifs que ceux de 1' amitie se r6veillaient dans leur ame, une religion pure, aidce par des moeurs chastes, les dirigeait vers une autre vie, comme la flamme qui s' envole4 vers le ciel lorsqu' elle n' a plus d' aliment sur la terre. Les devoirs de la nature ajoutaient encore au bonheur de leur societe. Leur amitie mutuelle redoublait & la vue de leurs enfants. Elles prenaient plaisir a les mettre ensemble dans le meme bain, et a les coucher dans le mieme berceau. Souvent elles les changeaient de lait. "Mon amnie, disait madame de la Tour, chacune de nous aura deux enfants, et chacun de nos enfants aura deux meres." Comme deux bourgeons5 qui restent sur deux arbres de la mieme espece, deont la tempete a brisb toutes les branches, viennent a produire des fruit-s plus doux, si clhacun d' eux, detach8 du tronc maternel, est 1. Le dimanche, Sundays. See Less. 3. Chez elles, their homes. 43. 4. S envole, flies away. 2. De grand matin, early in the morn- 5. Bozrgeons, buds. ing. PAUL ET VIRGINIE. 147 greff61 sur le trone voisin; ainsi ces deux petits enfants, prives de tous leurs parents, se remplissaient de sentiments plus tendres que ceux de fils et de fille, de frere et de sceur, quand ils venaient a 6tre changes de mamelles par les deux amies qui leur avaient donne le jour. Deija leurs merres parlaient de leur mariage sur2 leurs berceaux, et cette perspective de fdlicite conjugale, dont elles charmaient leurs propres peines, finissait bien souvent par les faire pleurer. Mais elles se consolaient en pensant qu'un jour leurs enfants plus heureux, jouiraient & la fois, loin des cruels prejuges de 1' Europe, des plaisirs de 1' amour et du bonheur de 1' 6galite. Rien en effet n' etait comparable a 1' attachement qu' ils se temoignaient deja. Si Paul venait & se plaindre,3 on lui montfait Virginie; a sa vue il souriait et s' apaisait. Si Virginie souffrait, on en etait averti par les cris de Paul; mais cette aimable fille dissimulait aussitot son mal, pour ne pas lui causer de chagrin. Je n' arrivais point de fois4 ici, sans que je les visse tous deux, pouvant a peine marcher, se tenant ensemble par ies mains et sous les bras, comme on represente la constellation des Genmeaux. La nuit meme ne pouvait les s6parer; elle les surprenait souvent couches dans le mieme berceau, joue contre joke, poitrine contre poitrine, les mains passees mutuellement autour de leurs cous, et endormis dans les bras 1' un de 1' autre.5 135. Lorsqu' ils surent parler, les premiers noms qu'ils apprirent'a se donner etaient ceux de frere et de sceur. L'enfance, qui connait des caresses plus tendres, ne connait point de plus doux noms. Leur education ne faisait que6 redoubler leur amitie, en la dirigeant vers leurs besoins reciproques.7 Bientat, tout ce qui regarde 1' econornie, la proprete, le soin de preparer un repas champietre, appartenait aux occupations de Virginie, et ses travaux etaient toujours suivis des 1. Greff6, grafted. 4. Point de fois, never once. 2. Sur, over. 5. L' un de 1' autre, of each other. 3. Venait d se plaindre, chanced to 6. Ne faisait que, served only. complain. 7. Riciproques, mutual. 148 PAUL ET VIRGINIE. louanges et des baisers de son frere. Pour lui, sans cesse en action, il bechait le jardin avec Domingue, ou, une petite hache a la main, il le suivait dans les bois; et si, dans ces courses, une belle fleur, un bon fruit, ou un nid d' oiseaux se presentaient a lui, il escaladait m6me les plus hauts arbres pour les saisir et les apporter a sa sceur. Toute leur etude 6tait de se complaire et de s' entr' aider.1 Au reste ils 6taient ignorants comme des creoles, et ne savaient ni lire ni ecrire. Ils ne s'inquietaient pas de ce qui s' 6tait passe dans des temps recules et loin d' eux; leur curiosit6 ne s' etendait pas au-dela de cette montagne. Ils croyaient que le monde finissait o5u finissait leur ile, et ils n' imaginaient rien d' aimable ou ils n' etaient pas. Leur affection mutuelle et celle de leurs meres occupaient toute 1' activite de leurs ames. Jamais des sciences inutiles n' avaient fait couler leurs larmes; jamais les leqons d' une triste morale ne les avaient remplis d' ennui. Ils ne savaient pas qu' il ne faut pas 6tre intemperant, ayant a discretion des mets simples; ni menteur, n' ayant aucune verite a dissimuler. On ne les avait jamais effrayes, en leur disant que Dieu reserve des punitions terribles aux er,fants ingrats; chez eux 1' amitie filiale etait nee de 1' amitie maternelle. On ne leur avait appris de 1 religion que ce qui la fait aimer; et s' ils n' offraient pas a 1' 6glise de longues prieres, partout o02 ils etaient, dans la maison, dans les champs, dans les bois, ils levaient vers le ciel des mains innocentes et un cceur plein de 1' amour de leurs parents. 1136. Ainsi se passait leur premiere enfance, comme une belle aube3 qui annonce un plus beau jour. Deja' ils partageaint avec leurs meres tous les soins du menage. Des que4 le chant du coq annonqait le retour de 1' aurore, Virginie se levait, allait puiser de 1' eau a la source voisine, et rentrait a la maison pour preparer le dejeuner. Bient6t apres, quand le soleil dorait les pitons de cette enceinte, Marguerite et son fils se rendaient chez madame de la Tour: alors ils commen1. S' entr' aider, to aid each other. 3. Aube, dawn. 2. Partouet oua, wheresoever. 4. Dds que, as soan as. PAUL ET VIRGINIE. 149 Oaient tous ensemble une priere suivie du premier repas; souvent ils le prenaient devant la porte, assis sur 1' herbe, sous un berceau' de bananiers, qui leur fournissaient, a la fois, des mets tout pr6pares dans leurs fruits substantiels, et du linge de table2 dans leurs feuilles larges, longues et lustrees. Une nourriture saine et abondante developpait rapidement les corps de ces deux jeunes gens, et une education douce peignait dans leur physionomie la puret6 et le contentement de leur ame. Virginie n' avait que douze ans;3 deja sa taille etait plus qu' a demi formee; de grands cheveux blonds ombrageaient sa tete; ses yeux bleus et ses levres de corail brillaient du plus tendre eclat sur la fralcheur de. son visage; ils souriaient toujours de concert quand elle parlait; mais quand elle gardait le silence, leur obliquite naturelle vers le ciel leur donnait une expression d' une sensibilite extreme, et meme celle d' une legeire melancolie. Pour Paul, on voyait d6ja se d6velopper en lui le caractere. d' un homme au milieu des graces de 1' adolescence. Sa taille 6tait plus elevee que celle de Virginie, son teint plus rembruni, son nez plus aquilin et ses yeux, qui etaient noirs montraient un peu de fierte, mais les longs cils qui rayonnaient autour, diminuaient ce trait de hauteur, et donnaient de la ser6nit6 a sa figure. Quoiqu' il 6tait toujours en mouvement, des que4 sa scour paraissait, il devenait tranquille, et allait s' asseoir aupres d' elle. Souvent leur repas se passait sans qu' ils se dissent un mot. A5 leur silence, a la naivete de leurs attitudes, a la beaut6 de leurs pieds nus, on croyait voir un groupe antique de marbre blanc, representant quelques-uns des enfants de Niobe; mais a leurs regards, qui cherchaient a se rencontrer, h leurs sourires rendus par6 de plus doux sourires, on croyait voir ces enfants du ciel, dont la nature est de s' aimer,7 et qui n' ont pas besoin de rendre le sentiment par des pensees, et 1' amitie par des paroles. 1. Berceau, arbor. 4. Dds que, as soon as. 2. Linge de table, table-linen. 5. A, by. 3. N' avait que douze ans, (had only 6. Rendus par, returned by. twelve years,) was only twelve 7. Dont la nature estde s'ainmer, whose years old. See Less. 55. nature is to love each other. 13* 150 PAUL ET VIRGINIE. -137. Le bon naturel de ces enfants se developpait'de jour en jour. Un dimanche, au lever de 1' aurore, leurs meres etant allees a la premiere messe a 1' 6glise des Pamplemousses, une negresse marronne' se presenta sous les bananiers qui entouraient leur habitation. Elle etait2 decharnee comme un squelette, et n' avait pour vetement qu' un lambeau3 de serpilliere autour des reins. Elle se jeta aux pieds de Virginie, qui preparait le dejefuner de la famille, et lui dit: " Ma jeune demoiselle, ayez pitie d'une esclave fugitive; il y a un mois que j' erre4 dans ces montagnes demi morte de faim, souvent poursuivie par des chasseurs et par leurs chiens. Je fuis mon maitre qui est un riche habitant de la Riviere-Noire; et il m' a trait~e comme vous le voyez." En meme temps elle lui montra son corps sillonnB de cicatrices profondes par les coups de fouet qu' elle en avait regus. Elle ajouta: "Je voulais aller me noyer; mais, sachant que vous demeuriez ici, j'ai dit: Puisqu' il y a encore de bons blancs dans ce pays, il ne faut pas encore mourir." Virginie tout 6mue, lui repondit: " Rassurezvous,5 infortunee creature! Voila quelque chose a manger;" et elle lui donna le dejeuner de la maison, qu' elle avait apprete. L' esclave en peu de moments le d6vora tout entier. Virginie, la voyant rassasiSe, lui dit: "Pauvre miserable! j' ai envie d' aller demander votre gra'ce6 a votre maitre; en vous voyant ii sera touche de pitie. Voulez-vous me conduire chez lui? Ange de Dieu! repartit la negresse, je suis prete & vous suivre partout." Virginie appela son frere et le pria de l'accompagner. L' esclave marronne les conduisit par des sentiers, au milieu des bois, a travers de hautes montagnes qu' ils grimperent avec bien de la peine, et de larges rivieres qu' ils passerent a gue.7 Enfin, vers le milieu du jour, ils arriverent au bas d' un m.orne sur les bords de la Riviere-Noire. Ils aper1. Marronne, fugitive. 4. P y a un mois quej' erre. I have been 2. Elle etait, etc., she was emaciated as wandering a month. See Less. 61. a skeleton. 5. Rassurez.vous, take courage. 3. Un lambeau, etc., a rag of packing- 6. Densander votre grace, to ask for cloth. your pardon. 7. A gu4, by fording. PAUL ET VXIRGINIE. 151 qurent 1 une maison bien batie, des plantations considerabies, et un grand nombre d'esclaves occup6s a toutes sortes de travaux. Leur maitre se promenait' au milieu d' eux, une pipe a la bouche et un rotin a la main. C' etait un grand homme sec, olivattre, aux yeux enfonc6s2 et aux sourcils noirs et joints. 138. Virginie, tout emue, tenant Paul par le bras, s' approcha de 1' habitant et le pria, pour 1' amour de Dieu, de pardonner & son esclave qui etait a quelques pas de la, derriere eux. D'abord l'habitant ne fit pas grand compte3 de ces deux enfants pauvrement vetus; nmais quanid il eut remarqu6 la taille 6legante de Virginie, sa belle tete blonde sous une capote bleue, et 4qu'il eut entendu le doux son de sa voix, qui tremblait ainsi que tout son corps en lui demandant grace, il ota sa pipe de sa bouche, et, levant son rotin vers le ciel, il jura par un affreux serment qu' il pardonnait a son esclave, non pas pour 1' amour de Dieu, mais pour l'amour d'elle. Virginie aussitot fit signe i 1' esclave de s' avancer vers son maitre; puis elle s' enfuit, et Paul courut5 apres elle. Ils remonterent ensemble le revers du morne par ou ils etaient descendus, et, parvenus au sommet, ils s' assirent sous un arbre, accables de lassitude, de faim et de soif. Ils avaient fait a jeun6 plus de cinq lieues depuis le lever du soleil. Paul dit a Virginie: "Ma sceur, il est plus de midi, tu as faim et soif, nous ne trouverons point ici a diner, redescendons le morne, et allons demander a manger au maitre de 1' esclave. Oh non, reprit Virginie, il m' a fait trop de peur. Souviens-toi7 de ce que dit quelquefois maman: Le pain du mnechant remplit la bouche de gravier. Comment faire8 done? dit Paul; ces arbres ne produisent que de mauvais fruits; il n'y a pas seulement 1. Se promrenait, was walking. 5. Co urut, perf. of courir. See Less. 2. Aux yeux enfoncds, etc., with eyes 1.38. sunk, and eyebrows black and 6. Ils avaient fait d jeun, they had joined. walked without breakfast. 3. Ne fit pas grand compte, did not 7. Souviens-toi, remember thou; immuch regard. perative of souvenir. 4. Et que, and when; que is used for 8. Comment faire donc? what (must quand. we) do then? 152 p, t; 1. J:'L' VI R ( IN'., ici un tamarin ou un citron pour le rafraichir. Dieu a pitie de toutes ses cr6atures, reprit Virginie; il exauce m6me la voix des petits oiseaux qui lui demandent de la nourriture." A peine avait-elle dit ces mots qu' ils entendirent le bruit d' une source qui tombait d' un rocher voisin. Ils y coururent, et, apres s' etre d6salter6s avec ses eaux plus claires que le cristal, ils cueillirent et mangerent un peu de cresson qui croissait sur ses bords. Comme ils regardaient de ct6e et d' autret pour trouver quelque nourriture plus solide, Virginie aperqut parmi les arbres de la foret un jeune palmiste. Le chou que la cime de cet arbre renferme au milieu de ses feuilles est un fort bon manger. Sa tige n' 6tait pas plus grosse que la jambe, mais elle avait plus de soixante pieds de hauteur. A la verit6,2 le bois de cet arbre n' est forme que d' un paquet de filaments; mais son aubier3 est si dur qu' il fait rebrousser les meilleures haches, et Paul n' avait pas meme un couteau. L' id6e lui vint de mettre le'feu au pied de cc palmiste: autre embarras; il n' avait point de briquet,4 et d' ailleurs, dans cette ile si couverte de rochers, on ne pouvait pas trouver une seule pierre a fusil.5 139. La necessite donne de 1' industrie,6 et souvent les decouvertes ont ete dues aux hommes les plus miserables. Paul resolut d' allumer du feu a la manibere des noirs: avec 1' angle d' une pierre il fit un petit trou sur une branche d' arbre bien seche qu'il- assuj6tit sous ses pieds, puis, avec le tranchant7 de cette pierre, il fit une pointe a un autre morceau de branche 6galement seche, mais d' une espece de bois diffirent; il posa ensuite ce morceau de bois pointu dans le petit trou de la branche qui 6tait sous ses pieds, et le faisant rouler rapidement entre ses mains comme on roule un moulinet8 dont on veut faire mousser9 du chocolat, en peu de moments il vit sortir du point de contact de la fumee et des 6tincelles. II ramassa des herbes seches et d' autres branches d' arbres, et mit le feu 1. De cate et d' autre, from side to side. 6. La nicessite donne de 1' industrie, ne2. A la vdrite, in truth. cessity imparts skill. 3. Son aubier, rind. 7. Tranchant, edge. 4. Briquet, steel. 8. Moulinet, mill. 5. Pierre dfusil, flint. 9. Mousser, to foam. PAUL ET VIRGINIE. 153 au pied du palmiste, qui, bient6t apres, tomba avec un grand fracas. Le feu lui servit encore a depouiller le chou de 1' enveloppe de ses longues feuilles ligneuses et piquantes. Virginie et lui mangerent une partie de ce chou crue, et 1' autre cuite sous la cendre, et ils les trouverent egalement savoureuses. Ils firent ce repas frugal, remplis de joie par le souvenir de la bonne action qu' ils avaient faite le matin. Apres diner ils se trouverent bien embarrasses, car ils n' avaient plus de guide pour les reconduire chez eux. Paul, qui ne s' etonnait de rien,' dit h Virginie. "Notre case est vers le soleil du milieu du jour; il faut passer, comme ce matin, pardessus cette montagne que tu vois la-bas avec ses trois pitons.2 Allons, marchons, mon amie i" Ils descendirent done le morne de la Riviere-Noire du c6te du nord, et arriverent apres une heure de marche sur les bords d' une large riviere qui barrait leur chemin. Cette grande partie de 1' lle, toute couverte de forets, est si peu connue, meme aujourd'hui, que plusieurs de ses rivieres et de ses montagnes n' y ont pas encore de nom. La riviere sur le bord de laquelle ils etaient, coule en bouillonnant3 sur un lit de roches. Le bruit de ses eaux effraya Virginie; elle n' osa y mettre les pieds pour la passer a gue. Paul alors prit Virginie sur son dos, et passa ainsi charge sur les roches glissantes de la riviere, malgr6 le tumulte de ses eaux. " N' aie pas peur,4 lui disait-il; je me sens bien fort avec toi." 140. Quand Paul fut sur le rivage, il voulut continuer sa route, chargi de sa sceur, et il se flattait de monter ainsi la montagne qu' ii voyait devant lui a une demi-lieue de la; mais bientot les forces lui manquerent, et il fut oblige de la mettre a terre et de se reposer aupres d' elle. Virginie lui dit alors; Mon frere le jour baisse;5 tu as encore des forces, et les miennes me manquent; laisse-moi ici6 et retourne seul a notre case pour tranquilliser nos meres. Oh! non, dit Paul, je ne veux point 1. Ne s' tonnzait de rien, was daunted at perative of avoir. See Less. 144, nothing. page 322. 2. Pitons, peaks. 5. Lejour baisse, the day declines. 3. Coule en bouillonnant, flows boiling. 6. Laisse-moi ici, leave me here. 4. N' aiepas peur, do not fear: Alie, ill 154 PAUL ET VIRGINIE. te quitter. Cependant Virginie s' etant un peu reposee cueillit sur le tronc d' un vieux arbre penche sur le bord de la riviere de longues feuilles de scolopendre qui pendaient de son tronc; elle en fit des especes de brodequins1 dont elle s' entoura les pieds, que les pierres des chemins avaient mis en sang; car, dans 1' empressement d' etre utile, elle avait oublie-de se chausser.2 Se sentant soulag6e par la fralcheur de ces feuilles, elle rompit une branche de bambou, et se mit en marche3 en s' appuyant d' une main sur ce roseau, et de 1' autre sur son frere. Ils cheminaient ainsi doucement a travers les bois; mais la hauteur des arbres et l'epaisseur de leurs feuillages leur firent bientbt perdre de vue la montagne sur laquelle ils se dirigaient, et m~me le soleil, qui etait deja pres de se coucher. Au bout de quelque temps, ils quitterent sans s' en apercevoir4 le sentier fraye5 dans lequel ils avaiernt marche jusqu' alors, et ils se trouverent. dans un labyrinthe d' arbres, de bancs et de rochers, qui n' avait plus d' issue.6 Paul fit asseoir Virginie, et se mit a courir qa et l&, tout hors de lui, pour chercher un chemin hors de ce fourre epais;7 mais il se fatigua en vain. I1 monta au haut d' un grand arbre pour decouvrir au moins la montagne; mais il n' aperqut autour de lui que les cimes des arbres, dont quelques-unes etaient 6clairees par les derniers rayons du soleil couchant. Cependant 1' onmbre des montagnes couvrait d6ja les forets dans les vallees; le vent se calmait, comme ii arrives au coucher du soleil; un profond silence regnait dans ces solitudes, et on n' y entendait d' autre bruit que le bramement9 des cerfs, qui venaient chercher leurs gitesl~ dans ces lieux ecartes. Paul, esperant d'e tre entendu par quelque chasseur, cria alors de toute sa force. "Venez, venez au secours de Virginie!" Mais les seuls echos de la foret re1. Brodequins, socks. 6. Issue, outlet. 2. Se chausser, to put on her shoes. 7. Fourrd dpais, crowded thicket. 3. Se mit en marche, began walking. 8. Comm.e il arrive, as it happens. 4. Sans s' en apercevoir,'without per- 9. Bramement, crying. ceiving it. 10. Gites, resting-places. 5. Frayd, worn. PAUL ET VIRGINIE. 155 pondirent a sa voix, et repeterent a plusiers reprises:1 "Virginie! Virginie!" 141. Paul descendit alors de 1' arbre, accable de fatigue et de chagrin: il chercha les moyens de passeir la nuit dans ce lieu; mais il n'y avait ni fontaine, ni palmiste, ni meme de branches de bois sec propre a allumer du feu. I1 sentit alors par son experience toute la faiblesse de ses ressources, et il se mit a pleurer.2 Virginie lui dit: "Ne pleure point, mon ami si tu ne veux m' accabler de chagrin. C' est moi qui suis ]a cause. de toutes tes peines et de celles qu' eprouvent maintenant nos meres. I1 ne faut rien faire,3 pas meme le bien, sans consulter ses parents. Oh! j' ai ete bien imprudente!" Et elle se prit4 a verser des larmes. Cependant elle dit a Paul:."Prions Dieu, mon frere, d'avoir pitie de nous." A peine avaient-ils acheve leur priere, qu' ils entendirent un chien aboyer. " C' est, dit Paul, le chien de quelque chasseur qui vient, le soir, tuer des cerfs a 1' affftt."5 Peu apres, les aboiements du chien redoublerent. "I1 me semble, dit Virginie;, que c' est Fidele, le chien de notre case; oui, je reconnais sa voix." En effet, un moment apres, Fiddle 6tait a leurs pieds, aboyant, hurlant, g6missant,6 et les accablant de caresses. Comme ils ne pouvaient revenir de leur surprise, ils aperqurent Domingue qui accourait a eux. A 1' arrivee de ce bon noir, qui pleurait de joie, ils se mirent aussi a pleurer, sans pouvoir lui dire un mot. Quand Domingue eut repris ses sens: O mes jeunes maltres, leur dit-il, que vos meres ont d' inquietude,7 comme elles ont ete etonnees quand elles ne vous ont plus retrouves au retour8 de la messe, oiu je les accompagnais! Marie, qui travaillait dans un coin de 1' habitation, n' a su nous dire ofu vous etiez alles. J' allais, je venais autour de 1' habitation, ne sachant moi-mneme de quel c6te vous chercher. Enfin, j' ai pris vos vieux habits a 1. A plusieurs reprises, with many repe- 5. A I' afft, by lying in wait. titions. 6. Gimissant, moaning. 2. Ilse mit, etc.,he began to weep. 7. Qtue vos 7mnres ont d'inquietude, 3. n ne faut rien faire, we must do what anxiety your mothers have. nothing. 8. Au retour, on their return. 4. Elle se prit, etc,, she began to bhed tear's. 156 BPAUL ET VIRG1NIE. 1' un et a 1' autre,' je les ai fait2 flairer a Fideile; et sur-le-champ, il s' est mis' queter3 sur vos pas; il m' a conduit, toujours en remuant la queue jusqu' a la Riviere-Noire. C' est la qne j' ai appris d' un habitant que vous lui aviez ramene une n16gresse marronne, et qu' il vous avait accorde sa grace. De la, Fidele toujours quetant, m' a men6 sur le morne de la Riviere-Noire, oui il s' est arret6 encore en aboyant de toute sa force; c' 6tait sur le bord d' une source, aupres d' un palmier abattu, et pres du feu qui fumait encore. Enfin il m'a conduit ici: nous sommes au pied de la montagne, et il y a encore quatre bonnes lieues jusque chez nous. Allons, mangez, et prenez des forces." I1 presenta aussitbt un gateau, des fruits, et une grande calebasse4 remplie d' une liqueur compos6e d' eau, de vin, de jus de citron, de sucre et de muscade, que leurs meares avaient prepar6e pour les fortifier et les rafraichir. 142. Virginie soupira au souvenir des inquietudes de leurs meres. Elle repeta plusieurs fois: " Oh! qu' il est difficile5 de faire le bien!" Pendant que Paul et elle se rafraichissaient, Domingue alluma du feu, et ayant cherche dans les rochers un bois tortu qu' on appelle bois de ronde, et qui brule tout vert en jettant une grande flamme, il en fit un flambeau, qu' il alluma; car il etait d6ja nuit. Mais il 6prouva un embarras bien plus grand quand il fallut se mettre en route:6 Paul et Virginie ne pouvaient plus marcher; leurs pieds etaient enfles et tout rouges. Domingue ne savait s' il devait aller bien loin de la leur chercher du secours, ou passer dans ce lieu la nuit avec eux. " OA est le temps, leur disait-il, oiU je vous portais tous deux a la fois dans mes bras? Mais maintenant vous etes grands et je suis vieux." Comme il etait dans cette perplexite, une troupe de noirs marrons se fit voir7 a vingt pas de l1. Le chef de cette troupe s' approchant de Paul et de Virginie leur dit: 1. A I' un et d I' autre, of both. 5. Qu' il est di ficile, how difficult it is. 2. -Les ai fait, etc., made Fidele scent 6. Quand il fallut se meltre en route, them. when it was necessary to begin theirs 3. Quzeter, to seek. walk. 4. Calebasse, calabash. 7. Sefit voir, appeared. PAUL E1' VIRGINIE. 1.57 "Bons petits blancs, n' ayez pas peur;' nous vous avons vus passer ce matin avec une ndgresse de la Riviere-Noire; vous alliez2 demander sa grace a son mauvais maitre. En reconnaissance, nous sommes venus pour vous reporter chez vous sur nos epaules." Alors il fit un signe, et quatre noirs marrons des plus robustes firent aussitbt un brancard avec des branches d' arbres et des lianes, y placerent Paul et Virginie, les mirent sur leurs epaules; et Domingue marchant devant eux avec son flambeau, ils se mirent en route aux cris de joie de toute la troupe, qui les comblait de bfene'dictions. Virginie attendrie disait a Paul: " O mon ami! jamais Dieu ne laisse un bienfait sans recompense." Ils arriverent vers le milieu de la nuit au pied de leur montagne, dont les croupes 6taient kclairees de plusieurs feux. A peine ils la montaient, qu' ils entendirent des voix qui criaient "Est-ce vous mes enfants?" Ils repondirent avec les noirs: "Oui, c' est nous. Et bient6t ils aperpurent leurs meres et Marie, qui venaient au-devant d' eux avec des tisons flambants.4 " Malheureux enfants, dit madame de la Tour, d' oui venez-vous? dans quelles angoisses vous nous avez jet6es!" "Nous venons," dit Virginie "de la Riviere-Noire, demander la grace d' une pauvre esclave marronne, a qui j' ai donne ce matin le dcjeuner de la maison, parce qu' elle mourait de faim; et voila que les noirs marrons nous ont ramenes." Madame de la Tour embrassa sa fille sans pouvoir parler; et Virginie, qui sentit son visage mouille des larmes de sa mere, lui dit: "Vous me payez de tout le mal que j' ai souffert!" Marguerite, ravie de joie, serrait Paul dans ses bras, et lui disait: "Et toi aussi, mon fils, tu as fait une bonne action." Quand elles furent arrivees dans leu-rs cases avec leurs enfants, elles donnarent bien a manger5 aux noirs marrons, qui s' en retournerent dans leurs bois en leur souhlaitant toute sorte de prosperite. 1. N' ayez pas peur, be not afraid. 4. Tisonsf ambants flaming brands. 2. Vous vous alliez, you were going. 5. Elles donndrent bien d manger, they 3. Brancard, a litter. gave plenty to eat. 14 158 PAUL ET VIRGINIE. 143. Chaque jour etait pour ces families un jour de bonheur et de paix. Ni 1' envie, ni 1' ambition ne les tourmnentaient. Elles ne desiraient point au dehorsI une vaine reputation que donne2 1' intrigue et qu' ote la calomnie; il leur suffisait d' etre a elles-memnes leurs t6moins et leurs juges. Dans cette ile oii, comme dans toutes les colonies europeennes, on n' est curieux que d' anecdotes malignes, leurs vertus et mSme leurs nomns etaient ignor6s; seulement, quand un passant demandait sur le chemin des Pamplemousses, a quelques habitants de la plaine: "Qui est-ce qui demeure la-haut dans ces petites cases?" ceux-ci repondaient sans les connaitre: "Ce sont de bonnes gens." Ainsi des violettes sous des buissons epineux,3 exhalent au loin leurs doux parfums, quoiqu' on ne les voie pas. Aimables enfants, vous passiez ainsi dans- 1' innocence vos premiers jours en vous exerqant aux bienfaits! Combien de fois, dans ce lieu, vos meres, vous serrant dans leurs bras, b6nis saient le Ciel de la consolation que vous prepariez a leur vieillesse, et de vous voir entrer dans la vie sous de si heureux auspices I Combien de fois, a 1' ombre de ces rochers, ai-je partage avec elles vos repas champetres qui n' avaient cofite la vie i aucun animal! Des calebasses pleines de lait, des ceufs frais, des gateaux de riz sur des feuilles de bananier, des corbeilles charg6es de patates, de mangues,4 d'oranges, de grenades,5 de bananes, de dattes, d' ananas,6 offraient a la fois les mets les plus sains, les couleurs les plus gaies, et les sues les plus agr6ables. La conversation etait aussi douce et aussi innocente que ces festins. Paul y parlait souvent des travaux du jour et de ceux du lendemain. I1 m6ditait toujours quelque chose d' utile pour la sociSt6. Ici, les sentiers n' etaient pas commodes; la, on 1. Au dehors, abroad. 4. Mangues, mangoes. 2. Que donne, etc., which intrigue gives 5. Grenades, pomegranates. and which calumny takes away. 6. Ananas, pine-apples. 3. Sous des buissons 6pineutx, beneath thorny shrubs. PAUL ET VIRGINIE. 159 6tait mal assis; ces jeunes berceaux ne donnaient pas assez d' ombrage. Dans la saison pluvieuse, ils passaient le jour tous ensemble dans la case, maltres et serviteurs, occupes a faire des nattes d' herbes et des paniers de bambou. On voyait ranges dans le plus grand ordre, aux paroist de la muraille, des rateaux, des haches, des beches;2 et aupries de ces instruments de 1' agriculture les productions qui en 6taient les fruits, des sacs de riz, des gerbes3 de bl1 et des regimes de bananes. La delicatesse s'y joignait toujours a 1' abondance. Virginie, instruite par Marguerite et par sa mere, y preparait des sorbets et des cordiaux avec le jus des cannes & sucre, des citrons et des ce'drats. La nuit venue, ils soupaient a la lueur d' une lampe; ensuite madame de La Tour ou Marguerite racontait quelques histoires de voyageurs egares la nuit4 dans les bois de 1' Europe infestes de voleurs, ou le naufrage de quelque vaisseau jete par la tempete sur les rochers d' une ile deserte. A ces r6cits les ames sensibles5 de leur enfants s' enflammaient; ils priaient le ciel de leur faire la grace6 d' exercer quelque jour 1' hospitalite envers de semblables malheureux. tB-I. Cependant les deux families se separaient pour aller prendre du repos, dans 1' impatience de se revoir7 le lendemain. Quelquefois elles s' endormaient au bruit de la pluie qui tombait par torrents sur la couverture de leurs cases, ou a celui des vents qui leur apportaient le murmure lointain des flots qui se brisaient sur le rivage. Elles benissaient Dieu de leur s6curite personnelle, dont le sentiment redoublait par celui du danger eloigne. De temps en temps madame de La Tour lisait publiquement quelque histoire touchante de 1' ancien et du nouveau Testament. Ils raisonnaient peu sur ces livres sacr6es; car leur theologie 6tait toute en sentiment, comme celle de la nature, et 1. Aux paTois. etc., on the sides of the 5. Les &mes sensibles, the feeling souls. wall. 6. De leur faire la gr&ce, to allow them 2. Des b6ches, spades. the favor. 3. Des gerbes, some sheaves. 7. De se revoir, to see each other again. 4..Eg-aras la nuit. lost at night. 160 LA FLEUR. leur morale toute en action, comme celle de 1' Svalgile. Ils n' avaient point de jours destines aux plaisirs, et d autres a la tristesse. Chaque jour 6tait pour eux un jo-rr de fte, et tout ce qui' les environnait, un temple divin, ouf ils admiraient sans cesse une Intelligence infinie, toute puissante, et amie de hommes; ce sentiment de confiance, dans le pouvoir suprNme les remplissait de consolation pour le passe, de courage pour le present et d'esperance pour 1' avenir. Voila comme ces femmes, forcees par le malheur de rentrer dans la nature, avaient d6veloppe en elles-memes et dans leurs enfants, ces sentiments que donne la nature2 pour nous emp6cher de tomber dans le malheur. LA FLEUR. FLEUR mourante et solitaire, Qui fut 1' honneur du vallon, Tes debris jonchent la terre,3 Disperses par 1' aquilon. La meme faux nous moissonne, Nous cedons au meme dieu; Une feuille t' abandonne, Un plaisir nous dit adieu. Chaque jour le temps nous vole5 Un gouft, une passion; Et chaque instant qui s' envole Emporte une illusion. 1. Tout ce que, etc., all that surrounded 3. Tes debris, etc., thy remains strew them. the earth. 2. Que donne la nature, which nature 4. Chaque, etc., every day time steals gives. from us. PAUL ET VIRGINIE. 1.61 L' homme perdant sa chimere, Se demande avec douleur Quelle est la plus 6ph6mere De la vie' ou de la fleur? PAUL ET VIRGINIE. 145. UN matin, au point du jour, (c' 6tait le 24 Decembre 1744,) et depuis quelques annees Virginie avait et6 en Europe, Paul, en se levant, aperqut un pavilion blanc arbore2 sur la montagne de la Decouverte. Ce pavilion etait le signalement3 d' un vaisseau qu' on voyait en mer. Paul courut a la ville pour savoir s' il n' apportait pas des nouvelles de Virginie. Il y resta jusqu' au retour du pilote du port, qui s' 6tait embarque pour aller le reconnaltre, suivant l' usage. Cette homme ne revint que le soir. I1 rapporta au gouverneur que le vaisseau signal6 6tait le Saint-Geran, du port de sept cents tonneaux, commande par un capitaine nomme6 M. Aubin; qu'ili 6tait a quatre lieues au large,4 et qu' il ne pouvait mouiller au Port-Louis que le lendemain dans 1' apres-midi, si le vent etait favorable. Il n' en faisait' point du tout alors. Le pilote remit au gouverneur les lettres que ce vaisseau apportait de France. I y en avait une pour madame de la Tour, de 1' 6criture de Virginie. Paul s' en saisit aussitot, la baisa avec transport, la mit dans son sein, et courut & l' habitation. Du plus loin qu' il aperqut la famille, qui attendait son retour sur le rocher des Adieux, il eleva la lettre en 1' air, sans pouvoir parler; et aussit6t tout le monde se rassembla chez madame de la Tour pour en entendre la lecture. Virginie mandait6 a sa metre qu' elle avait 6prouve beaucoup de mau1. De la vie, life 5. 1 n' en faisait, there was none at 2. Arbore, hoisted up. all. 3. Signalerment, designating. 6. Mandait, wrote information. 4. Au large, at sea. 14* 1(12 PAUL ET VIRGTNIE. vais proced6s' de la part de sa grand' tante, qui 1' avait voulu marier malgr6 elle, ensuite d6sheritee, et enfin renvoyee dans un temps qui ne lui permettait d' arriver a 1' Ile-de-France que dans la saison des ouragans; qu' elle avait essaye en vain de la flechir, en lui representant ce qu' elle devait a sa mere, et aux habitudes du premier age; qu' elle en avait e6t traitee de2 fille insensee, dont la tete 6tait gatee par les romans; qu' elle n' 6tait maintenant sensible qu' au bonheur de revoir et d' embrasser sa chere famille, qu' elle voulait satisfaire cet ardent d6sir des le jour meme,3 mais que le capitaine ne lui avait pas permis de s' embarquer dans la chaloupe du pilote, a cause de 1' 6loignement de la terre. A peine cette lettre fut lue, que toute la famille transport6e de joie, s' ecria: Virginie est arrivee! Maitres et serviteurs, tous s' embrasserent. Madame de la Tour dit a Paul: "Mon fils, allez prevenir4 notre voisin de 1' arrivee de Virginie." Aussitot Domingue alluma un flambeau de bois de ronde, et Paul et lui s' acheminerent vers mon habitation. Il pouvait etre dix heures du soir. Je venais5 d' 6teindre ma lampe et de me coucher, lorsque j' aperqus a travers les palissades de ma cabane une lumiere dans les bois. Bientot apres j' entendis la voix de Paul, qui m' appelait. Je me leve, et a peine j' 6tais habille, que Paul, hors de lui et tout essoufl6, me saute au cou en me disant: "Allons, allons, Virginie est arrivee. Allons au port, le vaisseau y mouillera au point du jour." Sur-le-champ nous nous mettons en route. Comme nous traversions les bois de la Montagne-longue, et que6 nous 6tions d6ja sur le chemin qui mene des Painplemousses au port, j' entendis marcher quelqu' un derriere nous. C' etait un noir qui s' avangait a grands pas. DBs qu' il nous eut atteints, je lui demandai d' oui il venait, et ouf il allait en si grande hate. I1 1. Procidds, treatment. 5. Je venais de, etc., I had just extin2. Traitee de, been called. guished my lamp and lain down. 3. Des le jour mame, on that same day. 6. Que. when; (used instead of a repe4. Prgvenir, to inform. tition of comme.) PAUIL ET VIRGINTE. 163 me repondit: " Je viens du quartier de 1' le appel6 la Poudred' or; on m' envoie au port avertir le gouverneur qu' un vaisseau de France est mouille sous 1' le d'Ambre. II tire du canon pour demander du secours, car la mer est bien mauvaise." Cet homme ayant parle ainsi, continua sa route sans s' arreter davantage. 1146. Je dis alors a Paul: " Allons vers le quartier de la Poudre-cl' or, au devant de Virginie, il n' y a que trois lieues d' ici." Nous nous mimes donc en route vers le nord de 1' ile. I1 faisait une chaleur etouffante. La lune etait levee; on voyait autour d' elle trois grands cercles noirs. Le ciel etait d' une obscurit6 affreuse. On distinguait, a la lueur frequente des 6clairs, de longues files de nuages 6pais, sombres, peu eleves, qui s' entassaient' vers le milieu de 1' lle, et venaient de la mer avec une grande vitesse, quoiqu' on ne sentit pas le moindre vent a terre. Chemin faisant2 nous crumes entendre rouler le tonnerre; mais ayant pre6t 1' oreille attentivement, nous reconnumes que c' etaient des coups de canon rep6t6s par les 6chos. Ces coups de canon lointains, joints & 1' aspect d' un ciel orageux, me firent fremir. Ils 6taient, sans doute, les signaux de d6tresse d' un vaisseau en perdition.3 Une demi-heure apres, nous n' entendimes plus tirer du tout, et ce silence me parut encore plus effrayant que le bruit lugubre qui 1' avait pr6c6de. Nous nous hations d' avancer sans dire un mot, et sans oser nous communiquer nos inquietudes. Vers minuit nous arrivames tout en nage4 sur le bord de la mer, au quartier de la Poudre-d' or. Les flots s' y brisaient avec un bruit epouvantable; ils en couvraient les rochers et les greves d' 6cume d' un blanc 6blouissant et d' 6tincelles de feu. Malgr6 les tenebres, nous distinguames a ces lueurs phosphoriques, les pirogues des. pecheurs, qu' on avait tirees bien avant sur le sable. A quelque distance de la nous vimes, a 1' entree d' un bois, 1. S' entassaient, heaped themselves up. 3. En perdition, in danger of being 2. Cheminfaisant, on our way. wrecked. 4. Tout en nage, all in a sweat. 164 PAUL ET VIRGINIE. un feu autour duquel plusieurs habitants s' 6taient rassembles. Nous restames ia jusqu' au petit point du jour;1 mais il faisait trop peu de clart6 au ciel, et on ne pouvait distinguer aucun objet sur la mer, qui d' ailleurs etait couverte de brume. Vers les neuf heures du matin, on entendit du c6bt de la mer des bruits 6pouvantables, comme si des torrents d'eau, meles a des tonnerres, roulaient du haut des montagnes. Tout le monde s' 6cria: Voila 1' ouragan! et dans l'instant un tourbilion affreux de vent enleva la brume qui couvrait 1' ile d' Ambre et son canal. Le Saint-Geran parut alors a decouvert2 avec son pont charge de monde, ses vergues et ses mats de hune3 amen6s sur le tillac, son pavilion en berne,4 quatre cables sur son avant, et un de retenue sur son arriere. I1 etait mouille entre 1' ile d' Ambre et la terre, en deqk5 de la ceinture de r6cifs qui entoure 1' Ile-de-France, et qu' il avait franchie par un endroit ou jamais vaisseau n' avait passe avant lui. II presentait son avant aux flots qui venaient de ]a pleine mer, et a chaque lame d' eau qui s' engageait dans le canal, sa proue se soulevait toute entiere, de sorte qu' on voyait la carene en 1' air, mais, dans ce mouvement, sa poupe, venant a plonger, disparaissait6 a la vue jusqu' au couronnement. Dans les balancements du vaisseau, ce qu' on craignait arriva. Les cables de son avant rompirent; et comme il n' etait plus retenu que par une soule ausiere, il fut jete sur les rochers a une demi-encablure7 du rivage. Ce ne fut qu' un cri de douleur parmi nous. Paul allait s' elancer a la mer, lorsque je le saisis par le bras: "Mon fils, lui dis-je, voulez-vous perir?" Je veux aller a son secours, s' 6cria-t-il, ou je veux mourir avec elle!" Comme le desespoir lui 6tait la raison, Domingue et moi nous lui attachames a la ceinture une longue corde, dont 1. Petit point du jour, early break of 5. En del;d on this side. day. 6. Disparaissait, etc., disappeared from 2. A decouvert, in open view. view even to the tafferel, 3. Mats de hune. top-masts, 7. Demi-encablure, a half cable's length. 4. Pavillon en berne, flag, rolled up, (denoting distress.) PAUL ET VIRGINIE. 165 nous saisimes 1' une des extrdmites. Paul alors s' avanqa vers le Saint-Geran, tantot nageant, tant6t marchant sur les recifs. Quelquefois il avait 1' espoir de l'aborder; car la mer, dans ses mouvements irreguliers, laissait le vaisseau presque a sec;1 mais bientbt apres, revenant sur ses pas avec une nouvelle furie, elle le couvrait d' enormes voutes d' eau qui soulevaient tout I' avant de sa carene, et rejetaient bien loin sur le rivage le malheureux Paul, les jambes en sang, la poitrine meurtrie,2 et a demi noye. A peine ce jeune homme avait-il repris 1' usage de ses sens, qu'il se relevait et retournait avec une nouvelle ardeur vers le vaisseau, que la mer cependant entr' ouvait par d' horribles secousses. Tout 1' equipage, desesperant alors de son salut, se precipitait en foule3 a la mer, sur des vergues, des planches, des cages a poules, des tables et des tonneaux. On vit alors un objet digne d' une 6ternelle pitie: une jeune demoiselle parut dans la galerie de la poupe du Saint-Geran, tendant les bras vers celui qui faisait taut d' efforts pour la joindre. C' etait Virginie; elle avait reconnu son amant a son intrepidite. La vue de cette aimable personne, exposee a un si terrible danger, nous remplit de douleur et de desespoir. Pour Virginie, d' un port noble et assure, elle nous faisait signe de la main, comme nous disant un eternel adieu. Tous les matelots s' etaient jetes a la mer; et il n' en restait plus qu' un seul sur le pont. On entendit aussitot ces cris redoubles des spectateurs: "Sauvez-la, ne la quittez pas!" Mais dans ce moment une montagne d' eau d' une effroyable grandeur, s' engouffra4 entre 1' lie d' Ambre et la c6te, et s' avanpa en rugissant vers le vaisseau, qu' elle menacait de ses flancs noirs et de ses sommets ecumants. A cette terrible vue, Virginie, voyant la mort inevitable, posa une main sur ses habits, 1' autre sur son cceur, et, levant en haut des yeux sereins, parut un ange qui prend son vol vers les cieux. Domingue et moi, nous retirames des flots le malheureux Paul sans connaissance, rendant le sang 1. A sec, on dry ground. 3. En foule, in crowds. 2. Meurtrie, bruised. 4. S' engouffra, ingulfs, (all.) 166 PAUL ET VIRGINIE. par la bouche et par les oreilles. Le gouverneur le fit mettre' entre les mains des chirurgiens, et nous cherchames de notre c6t6, le long du rivage, le corps de Virginie; mais le vent ayant tourne subitement, comme il arrive dans les ouragans, nous eumes le chagrin de penser que nous ne pourrions pas meme rendre a cette fille infortunee les devoirs de la sepulture. Nous nous eloignames de ce lieu, accables de consternation, tons 1' esprit frappe d' une seule perte, dans un naufrage ouf un grand nombre de personnes avaient peri, la plupart doutant, d'apres une fin aussi funeste d'une fille si vertueuse, qu'il existat une providence; car il y a des maux si terribles et si peu merites, que 1' esperance meme du sage en est ebranlee.2 Cependant on avait mis Paul, qui commenqait h reprendre ses sens, dans une maison voisine, jusqu' a ce qu' il fit en 6tat d' etre transporte a son habitation. Pour moi, je m' en revins avec Domingue, afin de pr6parer la meire de Virginie et son amie a ce desastreux evenement. Quand nous ffmes a l'entree du vallon de la riviere de Lataniers, des noirs nous dirent que la mer jetait beaucoup de debris du vaisseau dans la baie vis-a-vis. Nous y descendimes; et 1' un des premiers objets que j' aperqus sur le rivage, fut le corps de Virginie. Elle 6tait couverte a moitie de sable, dans' attitude oft nous 1' avions vue perir. Ses traits n' etaient point sensiblement alteres. Ses yeux 6taient fermes; mais la s6renite 6tait encore sur son front: seulement les pales iolettes de la mort se confondaient3 sur ses jones avec les roses de la pudeur. Une de ses mains etait sur ses habits, et 1' autre, qu' elle appuyait sur son coeur, etait fortement fermee et roidie. J'en d6gageai avec peine une petite boite, mais quelle fut ma surprise lorsque je vis que c' etait le portrait de Paul, qu' elle lui avait promis de ne jamais abandonner tant qu' elle vivrait! A cette derniere marque de la constance et de 1' amour de cette fille infortunee, je pleurai amerement. Pour Domingue, il se frappait la poitrine, et per1. Lefit mettre, had him put. 3. Se confondaient, were mingled. 2. En est ebranlee, is shaken by them. PAUL ET VIRGINIE. 167 9ait 1' air de ses cris douloureux. Nous portames le corps de Virginie dans une cabane de pecheurs, ou nous le donnames a garder.a de pauvres femmes malabres, qui prirent soin de le laver. Paul mourut deux mois apres la mort de sa chere Virginie, dont il pronongait sans cesse le nom. Marguerite vit venir sa fin, huit jours apres celle de son fils, avec une joie qu' il n' est donne qu' a la vertu d' 6prouver. Elle fit les plus tendres adieux a madame de la Tour," dans 1' esperance, lui dit elle, d' une douce et 6ternelle reunion. La mort est le plus grand des biens, ajouta-t-elle, on doit la d6sirer. Si la vie est une punition et une 6preuve, on doit en souhaiter la fin." Le gouvernement prit soin de Domingue et de Marie, qui n' etaient plus en etat de servir, et qui ne survecurent pas' long-temps a leurs maitresses. Pour le pauvre Fidele, il 6tait mort de langueur a peu pres dans le meue temps que son maitre. J' amenai chez moi madame de la Tour, qui se soutenait au nmilieu de si grandes pertes avec une grandeur d' ame incroyable. Elle avait console Paul et Marguerite jusqu' au dernier instant, comme si elle n' avait eu que leur malheur a supporter. Quand elle ne les vit plus, elle m' en parlait chaque jour comme d' amis cheris qui etaient dans le voisinage. Cependant elle ne leur survecut que d' un mois. Quant a sa tante, loin de lui reprocher ses maux, elle priait Dieu de les lui pardonner, et d' apaiser2 les troubles affreux d'esprit ou3 nous apprimes qu' elle etait tombee immediatement apres qu' elle eut renvoye Virginie avec tant d' inhumanite. On a mis aupres de Virginie, au pied des memes roseaux,4 son ami Paul, et autour d' eux leurs tendres nmeres et leurs fidleles serviteurs. On n' a point eleve de marbres sur leurs humbles tertres,5 ni grave d' inscriptions a leurs vertus; mais leur memoire est restee ineffaqable dans le coeur de ceux qu' ils ont obliges. Leurs ombres n' ont pas besoin de 1' eclat qu' ils 1. Ne survdcurent pas, did not survive; 3. 0', into which. survecurent, from survivre. 4. Roseaux, reeds. 2. Apaiser, to soothe. 5. Tertres, mounds. 168 PAUL ET VIRGINIE. ont fui pendant leur vie; maie si elles s'int6ressent encore a ce qui ce passe sur la terre, sans doute elles aiment a errer sous les toits de chaume qu' habite la vertu laborieuse, a consoler la pauvrete, mecontente de son sort, a nourrir dans les jeunes amants une flamme durable, le gofut des biens naturels, 1' amour du travail, et la crainte des richesses. La voix du peuple qui se tait sur les monuments eleves a la gloire des rois, a donne a quelques parties de cette ile des noms qui eterniseront la perte de Virginie. On voit pres de 1' ile d' Ambre, au milieu des ecueils, un lieu appele La Passe du Saint-Geran, du nom de ce vaisseau qui y perit en la ramenantl d' Europe. L' extremit6 de cette longue pointe de terre que vous apercevez a trois lieues d'ici, a demi couverte des flots de la mer, que le Saint-Geran ne put doubler la veille de2' ouragan, pour entrer dans le port, s' appelle le Cap Malheureux; et voici devant nous, au bout de ce vallon la baie du Tombeau, oht Virginie fut trouvee ensevelie dans le sable, comme si la mer euit voulu rapporter son corps a sa famille, et rendre les derniers devoirs a sa pudeur sur les memes rivages qu' elle avait honores de son innocence. Jeunes gens si tendrement unis! meres infortunees! chere famille! ces bois qui vous donnaient leurs ombrages, ces fontaines qui coulaient pour vous, ces coteaux ou0 vous reposiez ensemble, de6plorent' encore votre perte. Nul, depuis vous, n'a ose cultiver cette terre d6solee, ni relever ces humbles cabanes. Vos chevres son devenues sauvages; vos vergers sont detruits; vos oiseaux se sont enfuis, et on n' entend plus que les cris des 6perviers3 qui volent en rond au haut de ce bassin de rochers. Pour moi, depuis que je ne vous vois plus, je suis comme un ami qui n' a plus d' amis, comme un pere qui n' a plus d' enfants, comme un voyageur qui erre sur la terre, ou je suis reste seul. 1. En la, etc., in bringing her back from 3. Eperviers, etc., the hawks which fly Europe. in circles. 2. La veille de, the evening before. L' AUTOMNE. 169 En disant ces mots, ce bon vieillard s' eloigna en versant des larmes; et les miennes avaient coule plus d' une fois pendant ce funeste recit. L'AUTOMNE. SALUT, bois couronnes d' un reste de verdure! Feuillages jaunissants sur les gazons epars! Salut, derniers beaux jours! le deuill de la nature Convient a ma douleur et plait a mes regards. Je suis2 d' un pas reveur le sentier solitaire; J' aime a revoir encor3 pour la derniere fois, Ce soleil phlissant dont la faible lumiere Perce a peine'a res pieds 1' obscurit6 des bois. Oui, dans ces jours d' automne ofu la nature expire, A ses regards voiles4 je trouve plus d' attraits; C' est' adieu d' un ami, c' est le dernier sourire Des levres que la mort va fermer pour jamais. Ainsi, pr6t a quitter 1' horizon de la vie, Pleurant de mes longs jours 1' espoir evanoui,5 Je me retourne encore, et d' un regard d' envie Je contemple ces biens dont je n' ai pas joui. Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau! L' air est si parfume! la lumiere est si pure! Aux regards d' un mourant le soleil est si beau! 1. Le deuil, etc., the mourning of nature 4. A ses regards voilds, in her veiled suits with my sorrow. aspect. 2. Je suis, etc., I follow with a pensive 5. Pleurant de, etc., deploring the vanstep. ished hope of my long days. 3. Encor, poetic for encore. 1.q 170 V OLTAIRE. Je voudrais maintenant vider jusqu' a la lie Ce calice m6le de nectar et de fiel: Au fond de cette coupe ou je buvais la vie, Peut-etre restait-il une goutte de miel! Peut-etre 1' avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont 1' espoir est perdu! Peut-etre dans la foule une ame que j' ignore Aurait comprist mon hme et m'aurait repondu! La fleur tombe en livrant ses parfums au zephyre; A la vie,2 au soleil, ce sont l1 ses adieux; Moi je meurs: et mon ame, au moment qu' elle expire, S' exhale comme un son triste et me6lodieux. VOLTAIRE. IL n' attaqua jamais en face, ni'a visage decouvert,3 pour ne pas mettre les lois contre lui et pour eviter le bicher de Servet.4 Esope moderne, il attaqua sous des noms supposes la tyrannie qu'il voulait detruire. I1 cacha sa haine dans le drame, dans la po6sie l6gere, dans le roman, dans 1' histoire et jusque dans les fac6ties. Son genie fut une perpetuelle allusion comprise de tout son siecle, mais insaisissable5 ia ses ennemis. I1 frappait en cachant la main. Mais ce combat d' un honmme contre un sacerdoce, d' un individu contre une institution, d' une vie contre dix-huit siecles, ne fut pourtant pas sans courage. I1 y a une incalculable puissance de conviction et de devouement6 a l' idee, dans cette audace d' un seul contre tous. Braver ia la fois, sans autre parti que sa raison individuelle, sans autre 1. Aurait compris, etc., might have 4. Le btcher de Servet, the funeral-pile comprehended my spirit and re- of Servetus. Servetus was burnt sponded to me. for his religious opinions, in 1553. 2. A la vie, etc., they are her adieus to 5. lnsaisissable d ses ennernis, not to be life. laid hold of by his enemies. 3. A visage decouvert, without disguise. 6. D-vouement, devotedness. VOLTAIRE. - 171 appui que sa conscience, le respect humain, cette lachete' de 1' esprit d6guis6e en respect de l' erreur: affronter les haines de la terre et les anathiemes du ciel, c' est 1' heroisme de 1' ecrivain. Voltaire ne fut pas martyrise2 dans ses membres, mais il consentit & 1' etre dans son nom. II le d6voua, et pendant sa vie et apres sa mort; il condamna sa propre cendre a etre jetee aux vents et a n' avoir pas mrme 1' asile d' une tombe. 11 se riesigna & de longs exils en echange de la liberte de combattre. I1 se sequestra volontairement des hommes pour que leur pression ne genat pas3 en lui sa pensee. A quatre-vingts ans, infirme et se sentant mourir, il fit plusieurs fois ses preparatifs a la hate, pour aller combattre encore et expirer loin du toit de sa vieillesse. La verve4 intarissable de son esprit ne se glaca pas un seul moment. I1 porta la gaietfe jusqu' au genie, et, sous cette plaisanterie de toute sa vie, on sent une puissance serieuse de perseverance et de conviction. Ce fut le caractere de ce grand homme. La serednite lumineuse de sa penseie a trop cache la profondeur du dessein. Sous la plaisanterie et sous le rire on n' a pas assez reconnu la constance. I1 souffiait en riant et voulait souffrir dans 1' absence de sa patrie, dans ses amitifes perdues, dans sa gloire niee, dans son nom fletri,5 dans sa memoire maudite. II accepta tout en vue du triomphe de 1' independance de la raison humnaine. Le devouement ne change point de valeur en changeant de cause; ce fut la sa vertu devant la posterite. I1 ne fut pas la v6rite, mais il fut son precurseur, et marcha devant elle. Une chose lui man-. qua: ce fut 1' amour d' un Dieu. Ii le voyait par 1' esprit, il haissait les fantlomes que les'ages de t6nebres avaient pris pour lui et adoraient a sa place. Ils d6chirait avec colere les nuages qui empechaient 1' idee divine de rayonner6 pure sur les hommes, mais son culte etait plutot de la haine contre 1' erreur 1. Cette l&chetM, etc.,.that disguised 4. La verve, etc., the inexhaustible weakness. (warmth) fire of his spirit never 2. Martyrise, made to suffer martyr- (cooled) sank a moment. dom. 5. Son nom Jfitri, his tarnished name. 3. Ye gEn&t pas, etc., might not ob- 6. Rayonner, to shine. struct the freedom of. 172 UNE LUTTE. que de la foi dans la divinit6. Le sentiment religieux, ce resumie sublime de la pensee humaine, cette raison qui s' allume par 1' enthousiasme pour monter a Dieu comme une fiamme, et pour se reunir a lui dans 1' unite de la creation avec le cr6ateur, du rayon avec le foyer, Voltaire ne le nourrissait pas dans son ame. De la2 les resultats de sa philosophie. Elle ne cre a ni morale, ni culte, ni charitei; elle ne fit que:' decomposer et d6truire. Negation froide,4 corrosive et railleuse, elle agissait ia la faton du poison, elle glagait, elle tuait; elle ne vivifiait pas. Aussi ne produisit-elle pas, meime contre ces erreurs, qui n' 6taient que 1' alliage humain5 d' une pensee divine, tout 1' effet qu' elle devait produire. Elle fit des sceptiques au lieu de faire des croyants. La reaction theiocratique fut prompte et gen6rale. I1 en devait etre ainsi. L'impiete vide 1' Ame de ses erreurs sacrees, mais elle ne remplit pas le cceur de 1' homme. Jamais 1' impietie seule ne ruinera un culte humain. I1 faut une foi pour remplacer une foi. I1 n' est pas donne a 1' irreligion de detruire une religion sur la terre. II n'y a qu' une religion plus lumineuse qui puisse v6ritablement triompher d' une religion alteree d' ombre en la remplapant. La terre ne peut pas rester sans autel, et Dieu seul est assez fort contre Dieu. UNE LUTTE AU BORD D' UN PRfCIPICE. JE ne saurais6 vous dire a quel point etait lamentable cet accent de terreur et de souffrance! J' oubliai tout. Ce n' etait plus un ennemi, un traltre, un assassin, c' etait un malheureux qu' un leger effort de ma part pouvait arracher a une mort affreuse. I1 m' implorait si pitoyablement! Toute parole, tout 1. Rdsumd, summary. 5. L' alliage humain, the human alloy2. De ci, etc., hence the results. age. 3. Elle ne fit que, it served only. 6. Je ne saurais. etc., I cannot tell you 4. Froide, etc., cold, corrosive, and scoff- how lamentable. ing, it acted in the manner of poison. UNE LUTTE. 173 reproche euft 6t6 inutile et ridicule; le besoin d' aide paraissait urgent. Je me baissai, et m' agenouillant' le long du bord, 1' une de mes mains appuyee sur le trone de 1' arbre dont la racine soutenait 1' infortun6 Habibrah, je lui tendis 1' autre.... Des qu' elle fut a sa port6e,2 il la saisit de ses deux mains avec une force prodigieuse, et, loin de se preter au mouvement d' ascension que je voulais lui donner, je le sentis qui cherchait a m' entralner avec lui dans 1' abime. Si le tronc de l arbre ne m' efit pas prete un aussi solide appui, j' aurais 6t6 infailliblement arrache du bord, par la secousse violente et inattendue que me donna le miserable. Sce'16rat! m' 6criai-je, que fais-tu Je me venge! repondit-il avec un rire 6clatant et infernal. Ah! je te tiens enfin. Imbecile! tu t' es livre toi-m6me!3 Je te tiens! Tu 6tais sauve, j' 6tais perdu, et c' est toi qui rentres volontaiirement dans la gueule du caiman,4 parce qu' elle a g6mi apres avoir rugi! Me voila console, puisque ma mort est une vengeance! Tu es pris au piege, et j' aurai un compagnon humain chez les poissons du lac. Ah, traitre! disais-je en me raidissant, voila comme tu me r6compenses d' avoir voulu te tirer du peril! Oui, reprenait-il, je sais que j' aurais pu me sauver avec toi, mais j' aime mieux que tu perisses avec moi; j' aime mieux ta mort que ma vie! Viens! En meme temps ses deux mains bronzees et calleuses se crispaient sur la mienne avec des efforts inouis; ses yeux flamboyaient, sa bouche ecumait; ses forces, dont il deplorait si douloureusement 1' abandon un moment auparavant, lui 6taient revenues, exalt6es par la rage et la vengeance; ses pieds s' appuyaient ainsi que deux leviers aux parois5 perpendiculaires du rocher, et il bondissait comme un tigre sur la racine qui ml16e' ses vetements, le soutenait malgr6 lui; car il efit voulu la briser afin de peser de tout son poids sur moi et de m' en1..1' agenouillant le long, etc., kneel- 3. Tu t' es livrd toi-meme, thou hast de. ing down by the edge. livered thyself 2. A la portde, within reach. 4. D2e caimnan, of the cayman. 5. Parois, surface. 15 * 1'74 UNE LUTTE. trainer plus vite. I1 interrompait quelquefois le rire 6pouvantable que m' offrait son visage, pour mordre cette racine avec fureur. On eut ditt 1' horrible demon de cette caverne cherchant a attirer une proie dans son palais d' abimes et de tenebres. Un de mes genoux s' etait heureusement arrete dans une anfractuosite du rocher; mon bras s'etait en quelque sorte noue a 1' arbre qui m' appuyait, et je luttais contre les efforts du nain avec toute 1' energie que le sentiment de la conservation pent donner dans un semblable moment. De temps en temps je soulevais peniblement ma poitrine, et j' appelais de toutes mes forces, Bug-Jargal! Mais le fracas de la cascade et 1' eloignement me laissaient bien peu d' espoir qu' il put entendre ma voix. Cependant le nain qui ne s' 6tait pas attendu a tant de r6sistance, redoublait ses furieuses secousses. Je commenqais a perdre mes forces, bien que cette lutte eft dure bien moins de temps qu' il ne m' en faut2 pour vous la raconter. Un tiraillement3 insupportable paralysait presque mon bras; ma vue se troublait; des lueurs livides et confuses se croisaient devant mes yeux; des tintements remplissaient mes oreilles; j' entendais crier4 la racine prite a se rompre, rire le monstre pret a tomber, et il me semblait que le gouffre hurlant se rapprochait de moi. Avant de tout abandonner a 1' 6puisement et au desespoir, je tentai un dernier appel: je rassemblai mes forces eteintes, et je criai encore une fois, Bug-Jargal! Un aboiement me r6pondit.... j' avais reconnu Rask, je tournai les yeux. BugJargal et son chien etaient au bord de la crevasse. Je ne sais s'il avait entendu ma voix ou si quelque inquietude 1' avait ramene. I1 vit mon danger. Tiens bon! me cria-t-il. Halibrah craignant mon salut, me criait de son c6te en ecumant 1. On efit dit. one would have said (that 3. Tiraillement, pulling. it was) supply, que c' tefait. 4. Crier, to creak. 2. Qu' il ne m' en faut, than is necessary to me. J.E RHI,-ONE ET LA SAONE. 175 de fureur: Viens done! viens! Et il ramassait pour en finir le reste de sa vigueur surnaturelle. En ce moment, mon bras fatigue se detacha de 1' arbre. C' en etait fait de moi!' quand je me sentis saisir par cIerriere; c' etait Rask. A un signe de son maitre il avait saute de la crevasse sur la plate-forme, et sa gueule me retenait puissamment par les basques de mon habit. Ce secours inattendu me sauva. ltabibrah avait consume toute sa force dans son dernier effort; je rappelai la mienne pour lui arracher ma main. Ses doigts engourdis et raides furent enfin contraints de lacher; la racine, si long-temps tourment6e, se brisa sous son poids; et, tandis que Rask me retirait violemment en arriere, le miserable nain s' engloutit2 dans 1' 6cume de la sombre cascade, en me jetant une mal6diction que je n' entendis pas, et qui retomba avec lui dans 1' abime. LE RHONE ET LA SAONE. ILS partirent done ensemble, le veillard et Christophe; ils descendirent ensemble le versant3 de la montagne de Fourvieres, 1' Un appuye sur 1' autre et causant falnilierement comme de vieux amis. Arrive au bas de la montagne, le veillard se tournant vers le jeune homme avec un doux sourire: Je sais bien oui vous porte votre instinct, lui dit-il: Cette ville est moitie Sabne et moitie Rh6ne, et vous, enfant du Rhone, vous ne demandez pas mieux que de porter vos pas sur ce bruyant4 rivage dont vous avez entendu le doux murmure a votre berceau. Cependant, si vous voulez y mettre un peu de bont6, nous laisserons ce soir cette eau fougueuse5 pour cette eau limpide qui est la-bas, et qui a nom la Saone. Pour moi, qui suis vieux, je pre6fre au flot qui gronde toujours,6 cette onde 1. C' en draitfait de moi, it was all over 4. Bruyantf, noisy. with me. 5. Fougueuse, impetuous. 2. 2' engloutit, was swallowed up. 6. Qui gronde toujolwrs, which is al3. Le versant, the declivity. ways growling. 176 LE E-LIIONE El' LA SAON:E. toujours calme et transparente. J' airne cette lenteur, j' ainle ces longs circuits, j' aime tout ce rivage si tranquille. C' est la tout-a-fait la promenade d' un vieillard et d' un sage. Laissons le Rhone, le bruit, le flot violent a la jeunesse violente et bruyante. Cette eau qui court en bouillonnant, c' est la jeunesse. Cette onde qui s' en va doucement,l et par le plus long chemin, a son but, c' est la vieillesse. Venez done sur mon rivage, mon enfant, et marchez sur mon sable; et d' aillelurs ce Rhone que vous regrettez, il faudra le perdre demain. Je sais de6j pour quels rivages vous partirez demain. Dites adieu a votre RhBne, adieu aussi a la Saone tranquille, vous trouverez la-bas une riviere non moins tranquille, qu' on appelle la Seine. Donc il n' est pas inutile que vous assistiez2 vous-mbme a 1' etrange spectacle d' un fleuve qui coule lentement au milieu des plus vives et des plus violentes passions des hommes. Plus d' une fois, quand vous serez a Paris, vous demanderez pourquoi done ce n' est pas 1' impetuosite du Rh6ne qui eveille ces masses si remplies de passions de tous genres, de miseres et d' ambitions de toutes sortes? Certes, a un pareil amas d' opinions et d' immondices, ce n' ktait pas trop d' un fleuve comme le Rhone pour les balayer chaque matin. Le sort ne 1' a pas voulu. I1 a place dans les llurs les plus souleyvs les fleuves les plus tranquilles; il a fait naltre le Rhone dans le silence d' un glacier. La Providence a voulu sans doute que dans les villes les plus populeuses quelque chose rappelat aux hommes que la paix et le calme sont les vrais biens de 1' ame. Ainsi done, venez avec moi saluer3 mon fleuve et mon rivage, et profitons des derniers rayons du soleil. Les rives de la Saone sont en effet d' un doux aspect et d' une grande simplicit6. Vous voyez cette onde qui s' en va doucement, a 1' instant meme ouf vous venez d' entendre4 mugir le flot qui 1' appelle. En meme temps vous c6toyez les plus belles 1. Qui s' en va doucement, which goes 3. Venez avec moi salter, come viith me gently away. and salute. 2. Que vous assistiez, that you should 4. Oil vous venez d' entendre, when you be present at. have just ceased to hear, LE PERE DE BELLINI. 177 campagnes. De vieux arbres s' 61levent a votre droite, chaque rocher de la rive porte & son flane dompte une maison blanche entouree de verdure et de silence; sur le fleuve mille petites barques glissent lentement, on les prendrait de loin pour des gondoles v6nitiennes, n' 6tait' leur blancheur et leur le6geret6. Mille barques se croisent: c' est une famille qui quitte la ville et qui va chercher le repos, la-haut; femmes, enfants, jeunesse riante, vieillesse conteuse,2 le present, 1' avenir, le passe de la famille sont partis par le meme flot. Ce sont des barques qui descendent charg6es de fruits et de fleurs, vous les voyez qui marchent.3 On dirait qu' a cette heure toute la ville quitte le Rhone indomptable pour f6ter 1' autre fleuve. Ainsi chaque fleuve a son lot. Le Rhone, c' est l' orgueil de la ville; la Saone, c' est son bonheur; le Rho6ne, c' est son cheval de course on de guerre, son clheval de parade ou de bataille; la Saone, c' est son cheval de voiture ou de labour; le Rh6ne, c' est le bracelet d' or de cette ville superbe; la Saone, c' est sa robe nuptiale; le Rh6ne, c' est la bruit, c' est la fbte! la Saone, c' est le silence, c' est le travail, c' est aussi le repos. Demandez a la ville lequel de ses deux fleuves elle voudrait perdre? Elle dira adieu en pleurant a son Rhone: adieu mon orgueil, adieu ma beaute, adieu ma parure, adieu ma jeunesse; mais enfin la ville, si elle est une ville d' affaires, comme elle l'est en effet, dira adieu a son Rhone, et la ville aura raison. LE PiRE DE BELLINI. JE demandai a mon guide s' il connaissait M. Bellini pere. A cette demande il se retourna vivement, et me montrant un vieillard qui passait dans une petite voiture attelee d' un cheval:-Tenez, me dit-il, le voila qui va a la campagne.4 1. NI' tait, were it not for. 4. Tenez, me dit-il. le voild qui va d la 2. Conteuse, (narrating) garrulous. campagne, see, said he to me, there 3. Vous les voyez qui marchent, you see he is, going to the country. them moving along. 178 LE PERE DE BELLINI. Je courus a la voiture que j' arretai, pensant qu' on n' est jamais indiscret quand on parle a un pere de son fils, et d' un fils comme celui-l& surtout. En effet, au premier mot que je lui en dis, le vieillard me prit les mains en me demandant s' il etait bien vrai que je le connusse. Alors je tirai de mon porte-feuille une lettre de recommendation qu' au moment de mon depart de Paris, Bellini m' avait donnee pour la duchesse de Noya, et je lui demandai s' il connaissait cette ecriture. Le pauvre pere ne me repondit qu' en me la prenant des mains et en baisant 1' adresse, puis, se retournant de mon c6te: Oh! c' est que vous ne savez pas, dit-il, comme il est bon pour moi! Nous ne sommes pas riches: eh bien! a chaque succes, je vois arriver un souvenir de lui, et chaque souvenir a pour but de donner un peu d' aisance' et de bonheur a ma vieillesse. Si vous veniez chez moi, je vous montrerais une foule de choses que je dois a sa piete.2 Chacun de ses succes traverse les mers et m' apporte un bien-etre nouveau. Cette montre, c' est de Norma; cette petite voiture et ce cheval, c' est une partie du produit des Puritains. Dans chaque lettre qu' il m' 6crit, il me dit toujours qu' il viendra; mais il y a si loin de Paris a Catane, que je ne crois pas a cette promesse, et que j'ai bien peur3 de mourir sans le revoir. Vous le reverrez, vous. Mais oui,4 repondis-je, car je croyais le revoir; et si vous avez quelque commission pour lui....... Non; que lui enverrai-je moi? ma b6nediction? Pauvre enfant! je la lui donne le matin et le soir. Vous lui direz que vous m' avez fait passer un jour heureux en me parlant de lui; puis, que je vous ai embrasse comme un vieil ami. Le vieillard m' embrassa. Mais vous ne lui direz pas que j' ai pleur6. D' ailleurs, ajouta-t-il en riant, c' est de joie que je pleure. Et c' est done vrai qu' il a de la reputation, mon fils? 1. Aisance, ease. 3. J'ai bien peur, I am very much 2. Piete filial affection. afraid. 4. Mais, oui, yes, certainly. LE PERE DE BELLINI. 179 Mais une tres-grande, je vous assure. Quelle etrange chose! Et qui m' aurait dit cela quand je le grondai de ce qu' au lieu de travailler, il 6tait la, battant la mesure avec son pied et faisant chanter a sa soeur tous nos vieux airs siciliens? Enfin tout cela est 6crit la-haut. C' est egal, je voudrais bien le revoir avant de mourir. Est-ce que votre ami le connait aussi, mon fils 8 Certainement. Personnellement? Personnellement. Mon ami est lui-meme le fils d' un musicien distingue. Appelez-le done alors, je veux lui serrer la main aussi, a lui. J'appelai Jadin, qui vint. Ce fut son tour alors d' ietre choye6 et caresse par le pauvre vieillard, qui voulait nous ramener chez lui et voulait passer la journ6e avec nous. Mais c' 6tait chose impossible; il allait a la campagne, et 1' emploi de notre journ6e 6tait arr'te.2 Nous lui promines d' aller le voir si nous repassions a Catane; puis il nous serra la main et partit. A peine eut-il fait quelques pas, qu' il me rappela. Je courus a lui. Votre nom, me dit-il; j' ai oublie de vous demander votre nom. Je le lui dis, mais ce nom n' eveilla en lui aucun souvenir. Ce qu' il connaissait de son enfant meme, ce n' etait pas 1' artiste, c' 6tait le bon fils. Alexandre Dumas, Alexandre Dumas, r6peta-t-il deux ou trois fois. Bon, je me rappellerai3 que celui qui portait ce nom-la m' a donne de bonnes nouvelles de mon... Alexandre Dumas, adieu, adieu! Je me rappellerai votre nom; adieu! Pauvre vieillard! je suis sfur qu' il ne 1' a pas oublie, car les nouvelles que je lui donnais, c' etaient les dernieres qu' il devait recevoir!4 1. Choye, fondled. 3. Je e e appellerai, etc., I will remem. 2. Etait arrete, was (before) determined ber that he who bore that name. on. 4. Qu' il devait recevoir, which he was to receive., 180 iLA PRIERE, LA PRIIRE. LE roi brillant du jour, se couchant dans sa gloire, Descend avec lenteur de son char de victoire Le nuage eclatant qui le cache a nos yeux Conserve en sillons d' or sa trace dans les cieux, Et d' un refiet de pourpre inonde 1' 6tendue. Comme une lampe d' or dans 1' azur suspendue, La lune se balance au bords de 1' horizon; Ses rayons affaiblis dorment sur le gazon, Et le voile des nuits sur le monts se deplie: C' est 1' heure ouf la nature, un moment recueillie,! Entre la nuit qui tombe et le jour qui s' enfuit, S' 61eve au createur du jour et de la nuit, Et semble offrir a Dieu, dans son brillant langage, De la creation le magnifique hommage. Voila le sacrifice immense, universel! L' univers est le temple, et la terre est 1' autel; Les cieux en sont le d6me; et ces astres sans nombre, Ces feux demi-voil6s, pale ornement de 1' ombre, Dans la vofute d' azur avec ordre semes, Sont les sacres flambeaux pour ce temple allumes, Et ces nuages purs qu' un jour mourant colore, Et qu' un souffle le6ger, du couchant a 1' aurore, Dans les plaines de 1' air repliant mollement,2 Roule en flocons de pourpre3 aux bords du firmament, Sont les flots de 1' encens qui monte et s' evapore, Jusqu' au trone de Dieu que la nature adore. Mais ce temple est sans voix. Ouf sont les saints concerts? D' oft s' elevera 1' hymne au roi de 1' univers? 1. Un mom ent recueillie, collected for a 3. En flocons de pourpre, in fleeces of moment. purple. 2. Repliant mnolTement, softly foldilg. l. [t, I EaE. 181. Tout se tait: mon cceur seul parle dans ce silence. La voix de 1' univers, c' est mon intelligence. Sur les rayons du soir, sur les ailes du vent, Elle s' eleve a Dieu comme un parfum vivant; Et, donnant un langage a toute cr6ature, Prete, pour 1' adorer, mon ame a la nature. Seul, invoquant ici son regard paternel, Je remplis le desert du nom de 1' Eternel; Et celui qui, du sein de sa gloire infinie, Des spheres qu' il ordonne ecoute 1' harmonie,1 Ecoute aussi la voix de mon humble raison, Qui contemple sa gloire et murmure son nom. Salut,2 principe et fin de toi-mnme et du monde! Toi qui rends3 d' un regard 1' immensite f6conde. Ame de 1' univers, I)ieu, pere, createur, Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur! Et, sans avoir besoin d' entendre ta parole, Je lis au front des cieux mon glorieux symbole. L' 6tendue a mes yeux revele ta grandeur; La terre, ta bonte; les astres, ta splendeur. Tu t' es produit toi-meme4 en ton brillant ouvrage! L' univers tout entier reflechit 1' univers. Ma pens6e, embrassant tes attributs divers, Partout autour de toi te decouvre et t' adore, Se contemple soi-meme, t t' y decouvre encore: Ainsi 1' astre du jour eclate clans les cieux, Se r6flechit dans 1' onde, et se peint a mes yeux. C' est peu de croire en toi, bontd, beaute suprime! Je te cherche partout, j' aspire a toi, je t' aime! Mon ame est un rayon de lumieire et d' anour, Qui, du foyer divin dletache pour un jour, 1. Ecoute l'harmonie, etc., hears the 3. Rends, etc., renderest immensity harmony of the spheres fruitful. 2. Salut, hail. 4. Tu t' es produit toi-mOme, thou hast produced thyself. 16 1]82 LA PRIER:E. De desirs devorants loin de toi consumee, Bruile de remonter a sa source enflammee. Je respire, je sens, je pense, j' aime en toi! Ce monde qui te cache est transparent pour moi; C' est toi que je d6couvre au fond de la nature,. C' est toi que je benis dans toute creature. Pour m' approcher de toi, j' ai fui dans ces deserts; La, quand 1' aube, agitant son voile dans les airs, Entr' ouvre 1' horizon qu' un jour naissant colore, Et seme sur les monts les perles de 1' aurore, Pour moi c' est ton regard qui, du divin sejour,1 S' entr' ouvre sur le monde et lui r6pand le jour; Quand 1' astre a son midi, suspendant sa carrietre, M' inonde de chaleur, de vie et de lumiere, Dans ses puissants rayons, qui raniment mes sens; Seigneur, c' est ta vertu, ton souffle, que je sens; Et quand la nuit, guidant son cortege2 d' etoiles, Sur le monde endormi jette ses sombres voiles, Seul, au sein du desert et de 1' obscurite, Metditant de la nuit la douce majeste, Enveloppe de calme, et d' ombre et de silence, Mon ame de plus pres adore ta presence, D' un jour interieur3 je me sens 6clairer, Et j' entends une voix qui me dit d' esperer. Oui, j' espere, Seigneur, en ta magnificence: Partout a pleines mains prodiguant 1' existence, Tu n' auras pas borne le nombre de mes jours A ces jours d' ici-bas, si troubles et si courts, Je te vois en tous lieux conserver et produire, Celui qui penut creer dedaigne de detruire. Temoin de ta puissance, et suir de ta bonte, J' attends le jour sans fin4 de 1' immortalite. 1. Du divin sejour, etc., from the divine 3. D' un jour intf&iesur, etc., I feel my. abode half-opens upon the world, self enlightened by an interior day. and spreads for it the day. 4. Le jour sans fin, etc., the endless 2. Co(rtge. retinue. day nf immortalitv. LE PRIX DE LA VIE. 183 La mort m' entoure en vain de ses ombres funebres, Ma raison voit le jour a travers ses tenebres; C' est le dernier degre qui m' approche de toi, C' est le voile qui tombe entre ta face et moi. lHate pour moi, Seigneur, ce moment que j' implore, Ou, si dans tes secrets tu le retiens encore, Entends du haut du ciel le cri de mes besoins: L' atome et 1' univers sont 1' objet de tes soins; Des dons de ta bonte soutiens mon indigence, Nourris mon corps de pain, mon ame d' esperance; Rechauffe d' un regard de tes yeux tout-puissants Mon esprit 6clipse par 1' ombre de mes sens; Et, comme le soleil aspire' la ros6e, Dans ton sein a jamais absorbe ma pens6e! LE PRIX DE LA VIE. JOSEPH ouvrant la porte du salon, vint nous dire que la chaise de poste2 6tait prete. Ma mere et ma sceur se jeterent dans mes bras. "I1 en est temps encore, me disaient-elles, renonce a ce voyage, reste avec nous. Ma meare, je suis gentilhomme, j' ai vingt ans, il faut qu' on parle de moi dans le pays! que je fasse mon chemin, soit a 1' armie, soit a la cour! Et quand tu seras parti, Bernard, que deviendrai-je a3 Vous serez heureuse et fiere en apprenant les succes de votre fils. Et si tu es tue dans quelque bataille? Qu' importe! qu' est-ce que la vie?4 est-ce qu'on y songe? On ne songe qu' a la gloire quand on a vingt ans et qu' on est gentilhomnme. Et me voyez-vous, ma mere, revenir pres de vous, dans quelques ann6es, colonel ou mariechal-de-camp, ou bien avec une belle charge a Versailles? 1. Aspire, draws up. 4. Qu' est-ce que la vie? etc., what is 2. Chaise de poste, the post-chaise. life. does one think of that? 3. Que deviendrai-je, what will become of me? 184 LvE PRIX DE LA VIE. "Eh bien qu' en arrivera-t-il? I1 arrivera que je serai ici respecte et consider6. Et apres? Que chacun m' otera son chapeau. Et apres? Que j' epouserai ma cousine Henriette, que je marierai mes jeunes sceurs et que nous vivrons tous avec vous, tranquilles et heureux dans mes terres de Bretagne. Et qui t' empeche de commencer des aujourd' hui? Ton pere ne nous a-t-il pas laisse la plus belle fortune du pays? Y a-t-il, a dix lieues a la ronde un plus riche edomaine et un plus beau chateau que celui de la Roche-Bernard? N' y es-tu pas consid6re de tes vassaux? Un seul manque-t-il, quand tu traverses le village, a t' 6ter son chapeau? Ne nous quitte pas, mon fils; reste pres de tes amis, pres de tes sceurs, pres de ta vieille mere, qu' au retour peut-etre tu ne retrouveras plus. Ne va pas depenser en vaine gloire ou abreger, par des soucis et des tourments de toute espece, des jours qui deja s' kcoulent si vite: la vie est une douce chose, mon fils, et le soleil de Bretagne est si beau?" En me disant cela, elle me montrait par les fenetres du salon les belles allees de mon pare, les vieux marronniers2 en fleurs, le lilas, les chevrefeuilles dont le parfum embaumait les airs et dont la verdure etincelait au soleil. Dans 1' antichambre se tenait3 le jardinier avec toute sa famille. Tristes et silencieux, eux aussi semblaient me dire: ne partez pas, notre jeune maitre, ne partez pas! iHortense, ma soeur ain6e, me serrait dans ses bras, et Amelie, ma petite sceur, qui etait dans un coin du salon, occup6e a regarder les gravures des fables de la Fontaine, s' 6tait approchee4 de moi en me presentant le livre. Lisez, lisez, nlon frere, me disaitelle en pleurant..." C' etait la fable des Deux Pigeons!... Je me levai brusquement, je les repoussai tous. "J' ai vingt ans, je suis gentilhomme; il me faut de l'honneur, de la gloire... laissez-moi partir." Et je m' elangai dans la cour. J' allais monter dans la chaise de poste, lorsqu' une femme parut sur le perron5 de 1' escalier. C' 6tait Henriette! elle ne pleurait 1. Qu' en arrivera-t-il? what will re- 3. Se tenait, was remaining. suit from that? 4. S'etait approchd, had approached me. 2. i7artonnrier.s cheslut-trese. 5. Perron, steps. LE PRIX DE LA VIE. 185 pas, elle ne pronongait pas une seule parole; mais pale et tremblante, elle se soutenait a peine. De son mouchoir blanc, qu' elle tenait a la main, elle me fit un dernier signe d' adieu; puis tomba sans connaissance. Je courus a elle, je la relevai, je la serrai dans mes bras, je lui jurai amour pour la vie; et au moment ou elle revenait a elle, la laissant aux soins de ma mere et de ma soeur, je courus a ma voiture sans m' arreter, sans retourner la tete. Si j' avois regarde ilenriette, je ne serais point parti. Quelques minutes apres, la chaise de poste roulait sur la grande route. Pendant long-temps je ne pensai qu' a ienriette, a mes soeurs, a ma mere et a tout le bonheur que je laissais derriere moi, mais ces idees s' effanaient a mesure que' les tourelles de la Roche-Bernard se derobaient a ma vue, et bientot des reves d'ambition et de gloire s' emparerent seuls de mon esprit. Que de projets! que de chateaux en Espagne! que de belles actions je me cr'ais dans ma chaise de poste!2 Richesses, honneurs, dignites, succes en tous genres, je ne me refusais riel; je m6ritais et je m'accordais tout; enfin, m' 6levant en grade a mesure que j' avanqais en route, j' etais due et pair, gouverneur de province et marechal de France, quand j' arrivai le soir a mon auberge. La voix de mon domestique, qui m' appelait modestement M. le chevalier, me forea seule de revenir a moi et.d' abdiquer.3 Le lendemain et les jours suivants, memes reves, car mon voyage 6tait long. Je me rendais aux environs de Sedan, chez le due de C, ancien ami de mon pere et protecteur de ma famille. Il devait in' emmener avec lui a Paris, ouh il etait attendu prochainement; il devait me presenter a Versailles et me faire obtenir une compagnie de dragons. J' arrivai le soir a Sedan, et ne pouvant pas, a 1' heure qu' il etait, me rendre au clateau de mon protecteur, je remis ma visite au lendemain et 1. A m.esure que, etc., in proportion as 3. De revenir d vtoi et d' abdiquer. to the turrets of Roche Bernard faded return to myself and to abdicate away from my sight. (the throne of my dreams.) 2. Chaise de poste, the post-chaise. I6* ] 8S LE PRIX D-E IA VIE. j' allai loger aux Armes-de-France, le plult bel hbtel de la ville et le rendez-vous ordinaire de tous les officiers, car Sedan est une ville de garnison,' une place forte; les rues ont un aspect guerrier, et les bourgeois meomes ont une tournure martiale qui semble dire aux 6trangers: Nous sommes compatriotes du grand Turenne. Je soupai a table d' hBte,2 et je demandai le chemin qu' il fallait suivre pour me rendre le lendemain au chateau du duc de C, situe a trois lieues de la ville. Tout le monde vous 1' indiquera, me dit-on; il est assez connu dans le pays. C' est dans le chateau qu' est mort un grand guerrier, un homme ce6lbre, le marechal Fabert. Et la conversation tomba sur le marechal Fabert: entre jeunes militaires, c' etait tout naturel. On parla de ses batailles, de ses exploits, de sa modestie qui lui fit refuser les lettres de noblesse et le collier3 de ses ordres que lui offiait Louis XIV. On parla surtout de l'inconcevable bonheur qui, de simple soldat, 1' avait fait parvenir au rang de marechal de France, lui homme de rien et fils d' un imprimeur. C' 6tait le seul exemple qu' on pouvait citer alors d' une pareille fortune qui, du vivant4 meme de Fabert, avait paru si extraordinaire que le vulgaire n' avait pas craint d' assigner a son 61evation des causes surnaturelles. On disait qu' il s' etait occupe des son enfance de magie, de sorcellerie, qu' il avait fait un pacte avec le diable. Et notre aubergiste qui, a la betise d' un champenois, joignait la credulite de nos paysans bretons, nous attesta avec un grand sang-froid5 qu' au chateau du duc de C-, ou Fabert 6tait mort, on avait vu un homme noir que personne ne connaissait, penetrer dans sa chambre et disparaitre, emportant avec lui 1' ame du marechal qu' il avait autrefois achetee et qui lui appartenait; et que meme maintenant encore, dans le mois de mai, epoque de la mort de Fabert, on voyait apparaitre le soir une petite lumiere portee par 1' homme noir. Ce recit 6gaya6 notre dessert, et nous bfumes une bouteille de 1. Ville de garnison, a garrisoned city. 4. Du vivant, during the life. 2. A table d' hIte, at the common table. 5. Saongfroid, composure. 3. Collier, collar. 6. Egaya, enlivened. LE PRIX DE LA VIE. 187 vin de Champagne au demon familier de Fabert, en le priant de vouloir bien' aussi nous prendre sous sa protection et nous faire gagner quelques batailles comme celles de Collioure et de La Marf6e. Le lendemain je me levai de bonne heure, et je me rendis au chateau du due de C-, immense et gothique manoir, qu' en tout autre moment je n' aurais peut-etre pas remarqu6, mais que je regardais, j' en conviens,2 avec une curiosit6 m616e d' emotion, en me rappelant le recit que nous avait fait la veille3 1' aubergiste des Armes-de-France. Le valet a qui je m' adressai me repondit qu'il ignorait si son maitre etait visible et surtout s' il pouvait recevoir.4 Je lui donnai mon nom, et il sortit en me laissant seul dans une espece de salle d' armes,5 dcl6cor6e d' attributs de chasse et de portraits de famille. J' attendis quelque temps et 1' on ne venait pas. Cette carriere de gloire et d' honneur que j' avait reivee commence done par l' antichambre! me disais-je; et, solliciteur mecontent, 1' impatience me gagnait.6 J' avais deja compt6 deux ou trois fois tous les portraits de famille et toutes les poutres du plafond, lorsque j' entendis un leger bruit dans la boiserie.7 C' 6tait une porte mal fermee que le vent venait d' entr' ouvrir. Je regardai et j' aperqus un fort joli boudoir eclaire par deux grandes croisees et une porte vitree qui donnaient surs un parc magnifique. Je fis quelques pas dans cet appartement et je m' arretai' la vue d'un spectacle qui d' abord n' avait point frappe mes yeux. Un homme, le dos tourne6 la porte par laquelle je venais d' entrer, etait couche sur un canap6. II se leva et, sans m' apercevoir, courut brusquement a la croisee. Des larmes sillonnaient ses joues, un profond d6sespoir paraissait empreint dans tous ses traits. Ii resta quelque temps 1. De vouloir bien, to be pleased. 6. Me gagnait, got the better of me. 2. J' en conviens, I acknowledge (it.) 7. Boiserie. the wainscot. 3. La veille, the evening before. 8. Qui donnaient sur, which com4. Recevoir, to admit (any one.) manded a view of. 6. Salle d' armes, armory. 188 LE PRIX DE LA VIE. immobile et la tete cachee dans ses mains; puis il commeinra a se promener a grands pas dans 1' appartement. J' etais alors pres de lui; il m' aperput et tressaillit. Moi-meme, desole et tout etourdi de mon indiscretion, je voulais me retirer en balbutiant quelques mots d' excuse. Qui etes-vous? que voulezvous? me dit-il d' une voix forte et me retenant par le bras. Je suis le chevalier Bernard de -la Roche-Bernard, et j' arrive de Bretagne. Je sais, je sais, me dit-il. Et il se jeta dans mes bras, me fit asseoir a c6te de lui, me parla vivement de mon pere et de toute ma famille, qu' il connaissait si bien que je ne doutai point que ce ne fuit le maitre du chateau. Vous etes M. C-, lui dis-je. I1 se leva, et me regardant avec exaltation, il me repondit: Je 1' etais, je ne le suis plus! Et voyant mon etonnement, il s' ecria: Pas un mot de plus, jeune homme, ne m' interrogez pas. Si, monsieur, j' ai 8te temoin sans le vouloir, de votre chagrin et de votre douleur, et si mon d6vouement et mon amitie peuvent y apporter quelque adoucissement. Oui, oui, vous avez raison; non que vous puissiez rien changer a mon sort, mais vous recevrez du moins mes dernieres volontes et mes derniers voeux: c' est le seul service que j' attends de vous. Il alla fermer la porte et revint s' asseoir pres de moi qui emu et tremblant attendais ses paroles; elles avaient quelque chose de grave et de solennel; sa physionomie surtout avait une expression que je n' avais encore' vue a personne. Co front que j' examinais attentivement semblait marque par la fatalite. Sa figure etait pale; ses yeux noirs lanqaient des eclairs et de temps en temps ses traits, quoique alteres par la souffrance, se contractaient par un sourire ironique et infernal. "Ce que je vais vous apprendre, me dit-il, va confondre votre raison. Vous douterez, nous ne croirez pas; moi-meme bien souvent je doute encore, je le voudrais du moins; mais les preuves sont lt,2 et il y a dans tout ce qui nous entoure, dans notre organization meme, bien d'autres mysteres que nous 1, Q2je je n' Wavais encore, which I had 2. Ld. (serves only to give force to the i:ev~: yvet. phrase,) but tthe pli'ro:s aire at bland. LE PRIX DE LA VIE. i139 sommes obliges de subir sans pouvoir les comprendre." I1 s' arreta un instant comme pour recueillir ses idees, passa la main sur son front et continua. "Je suis ne dans ce chateau. J' avais deux freres, mes aines,'t qui devaient revenir les biens et les honneurs de notre maison. Je n' avais rien a attendre que le manteau d' abbe et le petit collet, et cependant des pensees d' ambition et de gloire fermentaient dans ma tete, et faisaient battre mon cceur. Malheureux de mon obscurit6, avide de renommee, je ne revais qu' aux moyens d' en acqu6rir, et cette idee me rendait insensible a tous les plaisirs et a toutes les douceurs de la vie. Le present ne m' 6tait rien, je n' existais que dans 1' avenir, et cet avenir se presentait a moi sous 1' aspect le plus sombre. J' avais pres de trente ans et je n' etais rien encore; alors, et de tous c6tes, s' elevaient dans la capitale des reputations litteraires dont 1' 6clat retentissait jusqu'en notre province. Ah! me disais-je souvent, si je pouvais du moins me faire un nom dans la cartieire des lettres! ce serait toujours2 de la renomm6e, et c' est la seulement qu' est le bonheur. J' avais pour confident de mes chagrins un ancien domestique, un vieux negre, qui 6tait dans ce chateau bien avant ma4 naissance; c' etait a coup sur3 le plus age de la maison, car personne ne se rappelait 1' y avoir vu entrer; les gens du pays pretendent me.me qu' il a connu le marechal Fabert et assist6 a sa mort." En ce moment mon interlocuteur me vit faire un geste de surprise, il s' arrta et me demanda ce que j' avais.4 Rien, lui dis-je. Mais malgre moi je pensai & l'homme noir dont nous avait parle la veille notre aubergiste. M. de C. continua: "Un jour, devant Tago (c' etait le nom du negre,) je me laissai aller5 a mon d6sespoir sur mon obscurite et sur 1' inutilite de mes jours, et je m' ecriai: Je donnerais dix annees de 1. Mes an7ts, my seniors. 4. Ce que j' avatis, what was the matter 2. Toujours, at least. with me. 3. A coup? s'r, to a certainty. 5. Je me laissai aller, I abandoned myself. 190 LE PRIX DE LA VIE. ma vie pour etre place6 au premier rang de nos auteurs. Dix ans, me dit il froidement, c' est beaucoup; c' est payer bien cherl peu de chose; n'importe, j'accepte vos dix ans, je les prends; rappelez-vous vos promesses, je tiendrai les miennes. Je ne vous peindrai pas ma surprise en 1' entendant parler ainsi; je crus que les annees avaient affaibli sa raison; je haussai les epaules en souriant, et, quelques jours apres, je quittai ce chateau pour faire un voyage a Paris. La je me trouvai lance dans la societ6 des gens de lettres; leur exemple m' encouragea, et je publiai plutsieurs ouvrages dont je ne vous raconterai p.as ici le succes. Tout Paris s' empressa de les voir; les journaux retentirent de mes louanges; le nouveau nom que j' avais pris devint c61ebre et hier encore, jeune homme, vous 1' admiriez..." Ici un nouveau geste de surprise interrompit ce recit: "Vous n' Rtes done pas le due de C?" m' ecriai-je. "Non, repondit-il froidement." Et je me dis en moi-me6me: Un homme de lettres celebre... Est-ce Marmontel? est-ce d' Alembert? Est-ce Voltaire? Mon inconnu soupira; un sourire de regret et de m6pris vint effleurer ses levres et il reprit son r6eit. "'Cette reputation litteraire que j' avais enviee fut bient6t insuffisante pour une ame aussi ardente que la mienne; j' aspirais a de plus nobles succes, et je disais a Tago, qui m' avait suivi a Paris et qui ne me quittait plus: il n' y a de gloire r6elle, il n'y a de veritable renommee que celle que 1' on acquiert dans la carriere des armes. Qu' est-ce qu' un2 homme de lettres, un poete?.tien. Parlez-moi d' un graud capitaine, d' un general d' armie; voila le destin que j' envie et pour une grande reputation militaire je donnerais dix des ann6es qui me r-.stant. Je les accepte, me repondit Tago; je les prends, elles ti' appartiennient; ne 1' oubliez pas. A cet endroit de son recit 1' inconnu s' arreta encore, et voyant 1' espece de trouble et d'hesitation qui se paignait dans 1. Payer bien cher,'to pay very dear for. 2. Qu' est-ce que, etc., what is a man of letters? LE PRIX DE LA VIE,. 191 tous mes traits: "Je vous 1' avais bien dit, jeune nomme, cela vous semble un reve, une chimere!... a moi aussi... et cependant les grades, les honneurs que j' ai obtenus n' etaient point une illusion: ces soldats que j' ai conduits au feu,I ces redoutes enlevees, ces drapeaux, ces victoires dont la France a retenti; tout cela fut mon ouvrage; toute cette gloire m' a appartenu." Pendait qu'il marchait a grands pas et qu'il parlait ainsi avec chaleur, avec enthousiasme la surprise avait glace tous mes sens, et je me disais: Qui est done la pres de moi? Est-ce Coigny? est-ce Richelieu? est:ce le marechal de Saxe? De cet etat d'exaltation nmon inconnu 6tait retombe dans l'abattement, et s' approchant de moi, il me dit d'un air sombre. "Tago avait dit vrai; et quand plus tard, d6goufit de cette vaine fum6e de gloire militaire, j' aspirais a ce qu' il y a seulement de reel et de positif dans ce monde; quand, au prix de sinq ou six annees d' existence, je desirai i' or et les richesses, ii me les accorda encore... Oui jeune hommne, oui, j'ai vu la fortune, seconder, surpasser tous mes vceux: des terres, des forets, des chateaux... Ce matin encore tout cela etait en mon pouvoir, et si vous doutez, de moi, si vous doutez d' Tago, attendez, attendez, il va venir, et vous allez voir par vous m6me, par vos yeux, que ce qui confond votre raison et la mienne n' est malheureussement que trop reel."' L' inconnu s' approcha alors'de la chemn6ee, regarda la pendule, fit un geste d' effroi, et me dit a voix basse. " C matin, au point du jour, je me sentis si abattu et si faible que je pouvais a peine me soulever: je sonnai2 mon valet de chambre; ce fut Tago qui parut. Qu' est-ce done que j' eprouve,3 lui dis-je? Maitre, rien que de4 tres-naturel: l'heure approche, le moment arrive. Et lequel? lui dis-je. Ne le devinez-vous pas? Le ciel vous avait destine soixante ans a vivre; vous en aviez trente quand j' ai commence a vous 1. Au feu, (to the fire of battle,) to the 3. Qa' est-ce donc que j' dprovue? what combat. is it that I feel. 2. Je sonnai, I rung for. 4. Rien que de, etc., nothing except what is very natural. 192 LE PRIX DE LA VIE. ob6ir. Tago, lui dis-je avec effroi, parles-tu serieusement? Oui, maitre, en cinq ans vous avez d6pens6 en gloire vingt-cinq annees d' existence, vous me les avez donnees, elles m' appartiennent; et ces jours dont vous vous 6tes prive seront maintenant ajoutes aux miens. Quoi! c' etait la le prix de tes services? D' autres les ont payes' plus cher; temoin Fabert que je prot6geais aussi. Tais-toi, tais-toi, lui dis-je; ce n' est pas possible, ce n' est pas vrai. A la bonne heure; mais preparezvous, car il ne vous reste plus qu' une demi-heure a vivre. Tu te joues de moi, tu me trompes. En aucune fagon; calculez vous-meme: trente-cinq ans oui vous avez v6cu re-ellement et vingt-cinq que vous avez perdus; total, soixante. C' est votre compte, cllhacun le sien. Et il voulait sortir; et je sentais mes forces diminuer; je sentais la vie m' 6chapper. Tago! Tago! m' ecriai-je, donne-moi quelques heures, quelques heures encore! Non, non, r6pondit-il, ce serait maintenant les retrancher de mon compte, et je connais mieux que vous le prix de la vie: il n'y a pas de tr6sor qui puisse payer deux heures d' existence. Et je pouvais a peine parler; mes yeux se voilaient, le froid de la mort glagait mres veines. Eh bien! lui dis-je en faisant un effort, reprends ces biens pour lesquels j' ai tout sacrifie. Quatre heures encore, et je renonce a mon or, a mes richesses, a cette opulence, que j' ai taut desires. Soit,2 tu as et6 bon maitre, et je veux faire quelque chose pour toi; j' y consens.3 "Je sentis mes forces se ranimer, et je m' ecriai: Quatre heures! c' est si peu de chose!.... Tago! Tago! quatre autres encore, et je renonce a ma gloire litteraire, a tous mes ouvrages, a ce qui m' avait place si haut dans 1' estime du monde! Quatre heures pour cela! s' 6cria le negre avec dedain, c' est beaucoup; n'importe, je ne t' aurai point refuse ta derniere grace. Non pas la derniere, lui dis-je en joignant les mains. Tago! Tago! je t' en supplie, donne-moi jusqu' a ce soir, les douze heures, la journ6e entiere, et que mes exploits, 1. Les ont payes, have paid for them 2. Soit, be it so. more dearly. 3. J' y consens, I agree to it. LE PRIX DE LA VIE. 193 ma victoire, que ma renominee militaire, que tout soit effacel a jamais de la memoire des hommes; qu' ii n' en reste plus rien sur la terre. Ce jour, Tago, ce jour tout entier, et je serai trop content. Tu abuses de ma bonte, me dit-il, et je fais un nmarch de dupe. N'importe encore, je te donne jusqu'au coucher du soleil: apres cela ne me demande plus rien, et ce soir done, je viendrai te prendre. Et ii est parti, poursuivit 1'inconnu avec d6sespoir, et ce jour ou' je vous parle est le dernier qui me reste!" Puis s' approchant de la porte vitre qui etait ouverte et qui donnait sur2 le parc, ii s' ecria: "Je ne verrai plus ce beau ciel, ces verts gazons, ces eaux jaillissantes: je ne respirerai plus 1' air embaume du printemps. Insense que j' 6tais! ces biens que Dieu donne a tous, ces biens auxquels j' etais insensible et dont maintenant seulement *je comprends la douceur, pendant vingt-cinq ans encore je pouvais en jouir! Et j' ai use mes jours, je les ai sacrifies pour une gloire sterile qui ne m'a pas rendu heureux et qui est morte avec moi.... Tenez, tenez,3 me dit-il en me montrant des paysans qui traversaient le parc et se rendaient a 1' ouvrage en chantant, que ne donnerais-je pas maintenant pour partager leurs travaux et leur misere! Mais je n' ai plus rien a donner ni rien a esp6rer ici bas, pas meme le malheur i" En ce moment, un rayon de soleil, un soleil du mois de mai, vint 6clairer ses traits pales et egares. I1 me saisit le bras avec une espiece de d6lire et me dit: "Voyez, voyez donc! que c' est beau le soleil!4 et il faut quitter tout cela!...... Ah! -que du moins j' en jouisse encore!5 Que je savoure en entier ce jour si pur et si beau qui pour moi n' aura pas de lendemain!.. " 11 s' elanqa en courant dans le parc, et au detour d' une allee, il disparut avant que j' eusse pu le retenir. A vrai dire je' nen 1. Que mes exploits, etc.-que tout soit 4. Que c' est beau le soleil! how beautiefface, let my exploits, etc.-let all ful is the sun! be effaced. 5. Que du onoins j' en jouisse encore, 2. Qui donnait sur, which commanlded etc., let me at least enjoy it yet; let a view of. me relish entire this day 3. Tenez, leoez, see, see. 194 LE PRIX DE LA VIE. avais pas la force; j' etais retombe sur le canape, etourdi, aneanti' de tout ce que je venais de voir et d' entendre. Je me levai, je marchai pour bien me convaincre que j' etais eveille, que je n' etais pas sous l'influence d' un songe. En ce moment la porte du boudoir s' ouvrit, et un domestique me dit: "Voici mon maitre le duc de C." Un homme d' une soixantaine d' annees et d' une physionomie distinguee s' avanqa et, me tendant la main, me demanda pardon de m' avoir fait attendre aussi long-temps. "Je n' etais pas au chateau, me ditiil, je viens de la ville ofu j' ai ete consulter pour la sante du comte de C., mon frere cadet. Ses jours seraient-ils en dahger? m' ecriai-je. Non, monsieur, grace au ciel, me repondit le due: mais dans sa jeunesse des idees d' ambition et de gloire avaient exalte son imagination, et une maladie fort grave qu' il a faite2 dernieirement, et o-u il a pense perir,3 lui a laisse an cerveau une espece de d6lire et d' alienation qui lui persuade toujours qu' il n' a plus qu' un jour a vivre. C' est la sa folie."4 Tout me fut explique. " Maintenant, poursuivit le due, venons a vous, jeune homme, et voyons ce que nous pouvons faire pour votre avancement. Nous partirons a la fin du mois pour Versailles; je vous presenterai. Je connais vos bontes pour moi, monsieur le due, et je viens vous en remercier. Quoi! auriez-vous renonce6 a la cour et aux a vantages que vous pouvez y attendre? Oui, monsieur. Mais songez done que grace a moi5 vous y ferez un chemin rapide, et qu' avec un peu d' assiduite et de patience vous pouvez d' ici i une dizaine d' ann6es.... Dix annees de perdues!6 m' criai-je. Eh bien! reprit-il avec etonnement, est-ce payer trop cher la gloire, la fortune, les honneurs?.... Allons, jeune homme, nous partirons pour Versailles. Non, monsieur le due, je repars pour la Bretagne et vous prie de recevoir tous mes remerciments et ceux de ma famille." 1. Etourdi, stunned. Andanti, (anni- 4. Sa folie, his insanity. hilated) confounded. 5. Gr&ce d moi, (thanks to me) by my 2. Qu' il afaite, which he has had. assistance. 3. Oil il a pense pgrir, in which he 6. Dix arnnes de perdues, ten years came near dying. lost. LES FANT6OMES. 195 "C' est de la folie!" s' ecria le due. Et moi, pensant a ce que je venais d' entendre, je me dis: c' est de la raison. Le lendemain j'etais en route, et avec quelles d6lices je revis mon beau chateau de la Roche-Bernard, les vieux arbres de mon pare, le soleil de la Bretagne! J' avais retrouv6 mes vassaux, mes sceurs, ma mere, et le bonheur!.... qui depuis ne m' a plus quitte, car huit jours apres j' epousai ienriette. LES FANT5OMES. HELAS! que j' en ai vu mourir,l de jeunes filles! C' est le destin. I1 faut une proie au tr6pas. 11 faut que 1' herbe tombe au tranchant des faucilles; I1 faut que dans le bal les folatres quadrilles Foulent des roses sous leurs pas. I1 faut que 1' eau s' epuise a courir les vallees; I1 faut que 1' eclair brille, et brille peu d' instants; I1 faut qu' Avril jaloux brufle de ses gelees2 Le beau pommier, trop fier de ses fleurs etoilees, Neige odorante du printemps. Oui, c' est la vie. AprBs le jour, la nuit livide; Apres tout, le reveil infernal ou divin. Autour du grand banquet siege une foule avide; Mais bien des convies laissent leur place vide, Et se levent avant la fin. Que j' en ai vu mourir! 1' une etait rose et blanche; L' autre semblait ouYr de celestes accords; L' autre, faible, appuyait d' un bras son front qui penche, Et comme en s' envolant 1' oiseau courbe sa branche, Son hme avait brise son corps. 1. Quej' en ai tn mounrir, etc.,how ma- 2. Bri'ele de ses gelefs, (burn) wither ny yoir,, girls I have seen die. with his frosts. 19i; LES FANTOMES. Une, phle, 6garee, en proie au noir d6lire, Disait tout bas' un nom dont nul ne se souvient; Une s' 6vanouit, comme un chant sur la lyre; Une autre en expirant avait le doux sourire D' un jeune ange qui s' en revient.2 Toutes fragiles fleurs, sitot mortes que nees, Alcyons engloutis avec leurs nids flottants! Colombes, que le ciel an monde avait donnees! Qui, de grace, et'd' enfance, et d' amour couronnees, Comptaient leurs ans par leurs printemps. Une surtout: un ange, une jeune espagnole! Blanches mains, sein gonfle de soupirs innocents, Un ceil noir, ouf luisaient des regards de cr6ole, Et ce charme inconnu, cette fraiche aur6ole Qui couronne un front de quinze ans! Elle aimait trop le bal, c' est ce qui 1' a tuee. Le bal eblouissant! le bal d6elicieux! Sa cendre encor fr6mit, doucement remuee, Quand dans la nuit sereine une blanche nu6e Danse autour du croissant des cieux. Elle aimait trop le bal! Quand venait une f6te, Elle y pensait trois jours, trois nuits elle en revait; Et femmes, musiciens, danseurs que rien n' arrete, Venaient, dans son sommeil, troublant sa jeune tete, Rire et bruire a son chevet. Puis c' etaient des bijoux, des colliers, des merveilles. Des ceintures de moire aux ondoyants reflets; Des tissus plus legers que des ailes d' abeilles; Des festons, des rubans, a remplir des corbeilles; Des fleurs a paver un palais! 1. Tout bas, in a low voice. 2. Qui s' en revient, who is returning. LES FANTOMES. 197 La fete commenc6e, avec ses soeurs rieuses Elle accourait, froissant 1' eventail sous ses doigts; Puis s' asseyait parmi les echarpes soyeuses, Et son coeurl' 6clatait en fanfares joyeuses, Avec 1' orchestre aux mille voix. C' etait plaisir de voir danser la jeune fille! Sa basquine agitait ses paillettes2 d' azur; Ses grands yeux noirs brillaient sous la noire mantille: Telle une double etoile au front des nuits scintille Sous les plis d' un nuage obscur. Tout en elle etait danse, et rire, et folle joie.3 Enfant! nous 1' admirions dans nos tristes loisirs: Car ce n' est point au bal que le cceur se deploie: La cendre4 y vole autour des tuniques de soie, L' ennui sombre autour de plaisirs. Mais elle,5 par la valse ou la ronde emportee, Volait, et revenait, et ne respirait pas, Et s' enivrait des sons de la flfute vantee, Des fleurs, des lustres d' or, de la fete enchant6e, Du bruit des voix, du bruit des pas. Mais, h6las! il fallait, quand 1' aube etait venue, Partir, attendre au seuil6 le manteau de satin' C' est alors que souvent la danseuse ing6nue Sentit,7 en frissonnant, sur son 6paule nue, Glisser le souffle du matin. 1. Et son caur, etc., and her heart burst 5. Mais elle, etc., but she borne away forth in joyous peals of mirth. by the waltz. 2. Ses paillettes, its spangles. 6. Attendre au seuil, to wait at the door. 3. Follejoie, giddy joy. 7. Sentit, felt shivering the breath of 4. La cendre, the ashes (of the tomb.) the morning glide over her naked shoulder. 1i7 198 LES FANTOMES. Quels tristes lendemains laisse le bal folatre! Adieu, parure, et danse, et rires enfantins i Aux chansons succedait la toux opini&tre, Au plaisir rose et frais, la fievre au teint bleu&tre, Aux yeux brillants des yeux eteints. Elle est morte a quinze ans, belle, heureuse, adoree! Morte au sortir d' un bal qui nous mit tous en deuil, Morte, helas! et des bras d' une mere 6gar6e La mort aux froides mains la prit toute paree, Pour 1' endormir dans le cercueil. Pour danser d' autres bals elle etait encor prete: Tant la mort fut presseel a prendre un corps si beau! Et ces roses d' un jour qui couronnaient sa tete, Qui s' epanouissaient la veille en une f6te, Se fanerent dans un tombeau. Sa pauvre mere, helas! de son sort ignorante, Avait mis tant d' amour sur ce frile roseau, Et si long-temps veille son enfance souffrante; Et passe tant de nuits a 1' endormir pleurante, Toute petite en son berceau! Vous toutes qu' a ses jeux2 le bal riant convie, Pensez a 1' espagnole eteinte sans retour, Jeunes filles! Joyeuse et d' une main ravie, Elle allait moissonnant les roses de la vie, Beaute, plaisir, jeunesse, amour i La pauvre enfant; de fite en fate promenee, De ce bouquet charmant arrangeait les couleurs, Mais qu' elle a passe vite; h6las! infortun6e! Ainsi qu' Ophelia par le fleuve entraln6e, Elle est morte en cueillant des fleurs! 1. Tant-pressde, so much in haste. 2. A sesjeuz, to sports like hers. NAPOLEON ET LUCIEN. 199 NAPOLEON ET LUCIEN. SI vous voulez me suivre maintenant dans les rues tortueuses de Milan, nous nous arreterons un instant en face1 de son Dome miraculeux; mais comme nous le reverrons plus tard, et en detail, je vous inviterai a prendre promptement a gauche, car une de ces scenes qui se passent dans une chambre et qui retentissent dans un monde, est prete a s' accomplir. Entrons done au Palais-Royal, montons le grand escalier, traversons quelques-uns de ces appartements qui viennent d' etre si splendidement d'cor6s par le pinceau d' Appiani; nous nous arrbterons devant ces fresques2 qui reprysentent les quatre parties du monde, et devant le plafond ofu s' accomplit le triomphe d' Auguste; mais a cette heure, ce sont des tableaux vivants qui nous attendent, c' est de 1' histoire moderne que nous allons ecrire. Entre-bhillons3 doucement la porte de ce cabinet, afin de voir sans etre vus. C' est bien: vous apercevez un homme, n' estce pas? et vous le reconnaissez'a la simplicite de son uniforme vert, a son pantalon collant de cachemire blanc, a ses bottes assouplies et montant jusqu' au genou. Voyez sa tete modelee comme un marbre antique; cette etroite mreche de cheveux4 noirs qui va s' amincissant5 sur son large front; ces yeux bleus dont le regard s' use ta percer le voile de 1' avenir; ces levres pressees, qui recouvrent deux rangees de perles dont une femme serait jalouse. Quel calme!-c' est la conscience de la force, c' est la se6rnite du lion. Quand cette bouche s' ouvre, les peuples ecoutent; quand cet ceil s' allume, les plainesc d' Austerlitz jettent des flammes comme un volcan; quand ce sourcil se fronce,6 les rois tremblent. A cette heure, cet homme com1. Enfaoce, in front. 5. S' amincissant, etc., (growing thin2. Fresques, fresco painting. ner,) which terminates thinly. 3. Entre-bMillons, let us set ajar. 6. Sefronce, contracts. 4. Meche de cheveux, lock of hair. 200 NAPOLEON ET LUCTEN. mande a cen)vingt millions d' hommes, dix peuples chantent en chceurt I' hosanna de sa gloire en dix langues diff6rentes; car cet homme c' est plus que Cesar; c' est autant que Charlemagne;-c' est Napoleon-lerGrand, le Jupiter Tonnant de la France. Apres un instant d'attente calme, ii fixe ses yeux sur une porte qui s' ouvre; elle donne entr6e a un homme vetu d' un habit bleu, d' un pantalon gris collant, au-dessous du genou duquel montent, en s' 6chancrant en cceur,2 des bottes a la hussarde.3 En jetant les yeux sur lui, nous lui trouverons une ressemblance primitive avec celui qui paralt 1' attendre. Cependant il est plus grand,4 plus maigre, plus brun: celui-la c' est Lucien, le vrai romain, le republicain des jours antiques, la barre de fer5 de la famille. Ces deux hommes, qui ne s' 6taient pas revus6 depuis Austerlitz, jeterent 1' un sur 1' autre un de ces regards qui vont fouiller les ames;7 car Lucien etait le seul -qui eut dans les yeux la meme puissance que Napoleon. Il s' arreta apres avoir fait trois pas dans la chambre. Napoleon marcha vers lui et lui tendit la main. Mon frere! s' eceria Lucien en jetant les bras autour du cou de son aln6s-mon frere! que suis heureux de vous revoir! Laissez-nous seuls, messieurs, dit 1' empereur, faisant signe de la main & un groupe. Les trois hommes qui le formaient s' inclinerent et sortirent sans murmurer une parole, sans r6pondre un mot. Cependant ces trois hommes qui obeissaient a un geste, c' 6taient Duroc, Eugene et Murat: un marechal, un prince, un roi. Je vous ai fait mander,9 Lucien, dit Napoleon lorsqu' il se vit seul avec son frere. Et vous voyez que je suis empresse de vous obeir comme a mon aine, repondit Lucien. 1. En choeur, in chorus. 6. Ne s' etaient pas revus, had not seen 2. En s' dchancrant, scolloped in form each other. of a heart. 7. Fouiller les ames, to search hearts. 3. A la hussarde, like the hussards. 8. Son aind, his elder (brother.) 4. Plus grand, taller., 9. Je vous ai fait mander, I have had 5. La barre de fer,(the bar of iron) the you sent for. inflexible one. NAPOLEON -ET LUCIEN. 201 Napoleon fronga imperceptiblement le sourcil. N' importe! vous etes venu, et c' est ce que je desirais, car j' ai besoin de vous parler. J' ecoute, r6pondit Lucien en s'inclinant. Napoleon prit avee 1' index et le pouce un des boutons de 1' habit de Lucien, et le regardant fixement: Quels sont vos projets? dit-il. Mes projets a moil! reprit Lucien etonne: les projets d' un homme qui vit retir6, loin du bruit, dans la solitude; mes projets sont d' achever tranquillement si je le puis, un poeme que j' ai commence. Oui, oui, dit ironiquement Napoleon, vous 6tes le poete de la famille, vous faites des vers tandis que je gagne des batailles: quand -je serai mort, vous me chanterez; j' aurai ceet avantage sur Alexandre d' avoir mon Hombere. Quel est le plus heureux de nous deux? Vous, certes vous, dit Napoleon en l&chant avec un geste d' humeur le bouton qu" il tenait; car vous n' avez pas le chagrin de voir dans votre famille des indiff6rents, et peut-etre des rebelles. Lucien laissa tomber ses bras, et regarda 1' empereur avec tristesse. Des indiff6rents!... Rappelez-vous le 18 brumaire.... Des rebelles! et oui jamais m' avez-vous vu evoquer la rebellion. C' est une rebellion que de ne point me servir;2 celui qui n' est point avec moi est contre moi. Voyons, Lucien; tu sais que tu es parmi tous mes freres celui que j' aime le mieux!il lui prit la main,-le seul qui puisse continuer mon ceuvre; veux-tu renoncer a 1' opposition tacite que tu fais a... Quand tous les rois de 1' Europe sont a genoux,3 te croirais-tu humilie de baisser la tete au milieu du cortege de flatteurs qui accompagnent mon char de triomphe? Sera-ce done toujours la voix de mon frere qui me criera: Cesar, n' oublie pas que tu dois mourir! Voyons, Lucien, veux-tu marcher dans ma route? 1. Mes projets d moi? my projects, 2. Que nepoint meservir, not to serve mine 7 me. 3. A genoux on their knees. ,202 N'APOLEON ET LUCIEN. Comment votre majeste 1P entend-elle? repondit Lucien en jetant sur Napoleon un regard de defiance. L' empereur marcha en silence vers une table ronde qui masquaitl le milieu de la chambre, et, en posant ses deux doigts sur le coin d' une grande carte roulke il se retourna vers Lucien et dit: Je suis au faite2 de ma fortune, Lucien, j' ai conquis 1' Europe, il me reste a la tailler3 a ma fantaisie; je suis aussi victorieux qu' Alexandre, aussi puissant qu' Augustec; aussi grand que Charlemagne; je veux et je puis. Eh bien!... il prit le coin de la carte, et la deroula sur la table avec un geste gracieux et nonchalant-choisissez le royaume qui vous plaira le mieux, mon frere, et je vous engage ma parole d' empereur, que.-du moment ofu vous me 1' aurez montre du bout du doigt, ce royaume est a vous. Et pourquoi cette proposition.a moi, plut6t qu' a tout autre de nos freres? Parce que toi seul es selon mon esprit, Lucien. Comment cela se penut-il, puisque je ne suis pas selon vos principes? J' esp6rais que tu avais change depuis quatre ans que je ne t' ai vu. Et vous vous Rtes trompe, mon frere: je suis toujours le meme4 qu' en 99: je ne troquerai pas ma chaise curule contre un trone. Niais et insense! dit Napoleon en se mettant a marcher et en se parlant a lui-mme, insense et aveugle, qui ne voit pas que je suis envoye par le destin pour enrayer ce tombereau5 de la guillotine qu' ils ont pris pour un char republicain! Puis s' arretant tout-a-coup et marchant a son frere: Mais laisse-moi done t' enlever sur la montagne, et te montrer les royaumes de la terre: lequel est mfr pour ton reive sublime? Voyons, est-ce le corps germanique, ohu il n' y a de vivant6 que ses uni versites, espece de pouls r6publicain qui bat dans un corps 1. Qui masquait, which covered. 5. Pour enrayer, etc., to lock the wheels 2. Au fatte, at the summit. of that tumbrel of the guillotine. 3. A la tailler, etc., (to carve) to divide 6. 11 n' y a de vivant there is nothin!' it out to my liking. living. 4. Toujours le m~nme, still the same. NAPOLEON ET LUCIEN. 203 monarchique? Est-ce 1' Espagne, catholique depuis le treizieme siecle seulement, et chez laquelle la v6ritable interpr6tation de la parole du Christ germe a peine? est-ce la Russie, dont la tete pense peut-etre, mais doent le corps galvanise un instant' par le czar Pierre, est retombe dans sa paralysie polaire? Non, Lucien, non, les temps ne sont pas venus; renonce ta tes folles utopies; donne-moi ia main comme frire et comme allie, et demain je te fais chef d'un grand peuple, je reconnais ta femme pour ma sceur et je te rends toute mon amitie. C' est cela,2 dit Lucien, vous dclsespeorez de me convaincre, et vous voulez mn' acheter. L'empereur fit un mouvement.'Laissez-moi dire a mon tour, car ce moment est solennel, et 1n' aura pas son pareil dans le cours de notre vie; je ne vous en veux pas3 de m' avoir mal jug6; vous avez rendu tant d'hommes muets et sourds en leur coulant de 1, or dans la bouche et dans les oreilles, que vous avez cru qu' il en serait de moi ainsi que des autres. Vous voulez me faire roi, dites-vous? Eh bien! j' accepte, si vous me promettez que mon royaume ne sera point une pr6fecture. Vous me donnez un peuple: je le prends, peu m'importe lequel, mais a la condition que je le gouvernerai selon mes idees et selon ses besoins; je veux etre son peire et non son tyran; je veux qu' il m' aiine, et non qu' il me craigne: du jour ofi j' aurai mis la couronne d' Espagne, de Suede, de Wurtemberg ou de Hollande sur ma tete, je ne serai plus franqais, mais espagnol, allemand ou hollandais; mon nouveau peuple sera ma seule famille. Songez-y bien alors, nous ne serons plus freres selon le sang, mais selon le rang, vos volontes seront consignees4 a mes frontieres; si vous marchez contre moi, je vous attendrai debout:5 vous me vaincrez sans doute, car vous etes un grand capitaine, et le Dieu des armees n' est pas tou1. Galvanise un instant, galvanized for 4. Seront consignies, will be forbidden a moment. to pass. 2. C' est cela, that is it. 5 Je vous attendrai debout, I shall await 3. Je ne vous en veux pas, I have no ill you (standing) prepared. will against you. See Gr. Less. 123, page 260. 204 NAPOLEON ET LUCIEN. jours celui de la justice; alors je serai un roi detr6ne, mon peuple sera un peuple conquis, et libre a vous' de donner ma couronne et mon peuple a quelque autre plus soumis ou plus reconnaissant. J' ai dit. Toujours le meme, toujours le meome, murmura Napoleon; puis tout-a-coup frappant du pied: Lucien vous oubliez que vous devez m' obeir, comme a votre pere, comme a votre roi. Tu es mon aine, non mon pere; tu es mon frere, non mon roi; jamais je ne courberai la tete sous ton joug de fer, jamais! jamais! Napoleon devint affreusement pale, ses yeux prirent une expression terrible, ses levres tremblerent. Reflichissez a ce que je vous ai dit, Lucien. ReJflechis & ce que je vais te dire, Napoleon; tu as mal tue la republique, car tu 1' as frappee sans -la regarder en face; 1' esprit de liberte que tu crois ktouff6 sous ton despotisme, grandit, se repand, se propage; tu crois le pousser devant toi, il te suit par derriere; tant que tu seras victorieux, il sera muet, mnais vienne2 le jour des revers, et tu verras si tu peux t' appuyer sur cette France que tu auras faite grande mais esclave. Tout empire 61eve par la force doit tomber par la violence et la force. Et toi, toi, Napoleon, qui tomberas du faite de cet empire, tu seras brise —prenant sa montre et 1' 6crasant contre terre,-bris6, vois-tu, comme je brise cette montre, tandis que nous, morceaux et debris de ta fortune, nous serons disperses sur la surface de la terre, parce que nous serons de ta famille, et maudits parce que nous porterons ton nom. Adieu, sire! Lucien sortit. Napoleon resta immobile, les yeux fixes; an bout de cinq plinutes, on entendit le roulement d' une voiture qui sortait des cours du palais; Napoleon sonna. Quel est ce bruit? dit-il & 1' huissier3 qui entr' ouvrit Ia porte. 1. Et libre d vous, and you at liberty. 3. A 1' lhuissier, to the door-keeper. 2. Mais vienne, etc., but let the day of reverses come. LA SAINTE-ALLIANCE DES PEUPLES. 205 C' est celui de la voiture du frere de votre majeste qui repart pour Rome. C' est bien, dit Napoleon, et sa figure reprit ce calme impassible et glacial sous lequel il cachait, comme sous un masque, les 6motions les plus vives. Dix ans etaient a peine ecoul6s que cette prediction de Lucien s' etait accomplie. L' empire eleve par la force avait e6t renverse par la force, Napoleon 6etait bris6, et cette famille d'aigles, dont 1' aire etait aux Tuileries, s' 6tait eparpillee,' fugitive, proscrite et battant des ailes2 sur le monde. Madame mere, cette Niobe imp6riale, qui avait donne le jour3 a un empereur, a trois rois, a deux archiduchesses, s' etait retiree a Rome, Lucien dans sa principaute de Canine, Louis a Florence, Joseph aux Etats-Unis, Jerbme en Wurtemberg, la princesse Elisa a Baden, madame Borghese a Piombine, et la reine de Hollande au chateau d' Arenemberg. LA SAINTE-ALLIANCE DES PEUPLES. J' AI VU la paix descendre sur la terre, Semant de 1' or, des fleurs et des epis. L' air 6tait calme, et du dieu de la guerre, Elle etouffait les foudres assoupis.4 "Ah! disait-elle, egaux par la vaillance, Francais, Anglais, Belge, Russe ou Germain, Peuples, formez une sainte alliance, Et donnez-vous5 la main. "Pauvres mortels, tant de haine vous lasse! Vous ne gofutez qu' un p6nible sommeil, D' un globe etroit divisez mieux 1' espace; Chacun de vous aura place au soleil. 1. S' tauit eparpille, had become dis- 3. Le jour, birth. persed. 4. Assoupis, lulled to sleep. 2. Battant des ailes, moving with 5. Donnez-vous, (give to each other,) wounded wings. join your hands. 1 8 206 LA SAINTE-ALLIANCE DES PEUPLES. Tous attel6s au char de la puissance, Du vrai bonheur vous quittez le chemin. Peuples, formez une sainte alliance, Et donnez-vous la main. "Chez vos voisins vous portez 1' incendie: L' Aquilon souffle, et vos toits sont brufl6s; Et quand la terre est enfin refroidie, Le soc' languit sous des bras mutil6s, Aucun epi n' est pur de sang humain. Peuples, formez une sainte alliance, Et donnez-vous la main. "Des potentats, dans vos cites en flammes, Osent du bout de leur sceptre insolent Marquer, compter et recompter les ames Que leur adjuge2 un triomphe sanglant. Faibles troupeaux, vous passez sans defence D' un joug pesant sous un joug inhumain. Peuples, formez une sainte alliance, Et donnez-vous la main. " Que Mars3 en vain n' arrete point sa course, Fondez les lois dans vos pays souffrants: De votre sang ne livrez plus la source Aux rois ingrats, aux vastes conquerants. Des astres faux conjurez4 1' influence; Effroi d' un jour,5 ils paliront demain. Peuples, formez une sainte alliance, Et donnez-vous la main. 1. Le soc, the share. 4. Conjurez, etc., exorcise the influence 2. Que leur adjuge, etc., which a bloody of false stars. triumph adjudges to them. 5. E.froi d' snjour, the terror of a day. 3. Que Mars, etc., let not Mars arrest his course in vain. LA SAINTE-ALLIANCE DES PEUPLES. 207 " Oui, libre enfin, que le monde respire; Sur le passe jetez un voile 6pais. Semez vos champs aux accords de la lyre; L' encens des arts doit bruler pour la paix; L' espoir riant, au sein de 1' abondance, Accueillera les doux fruits de 1' hymen. Peuples, formez une sainte alliance, Et donnez-vous la main." Ainsi parlait cette vierge ador6e, Et plus d' un roi repetait ses discours. Comme au printemps la terre etait paree; L' automne en fleurs rappelait les amours. Pour 1' etranger coulez, bons vins de France; De sa frontiere il reprend le chemin. Peuples, formons une sainte alliance. Et donnons-nous la main. DICTIONARY. EXPLANATION OF ABBREVIATIONS. adj. adjective. int. interjection. pron. pronoun. adv. adverb. m. masculine. rel. relative. art. article. num. numeral. s. substantive. conj. conjunction. part. participle. v. a. verb active. dem. demonstrative. pl. plural. v. n. verb. neuter. f. feminine.! prep. preposition. v. r. verb reflective. imp. impersonal. I pres. present. Letters placed after nouns, adjectives, and participles, show that the feminine is formed by adding those letters. Some words which are the same in both languages have been omitted. A, prep. to, at, in, by, with. Abhorrer, v. a. to abhor. Abaissement, s. m. abasement. Abime, s. m. abyss. Abaisser, v. a. to lower. s' Abimer, v. r. to sink down. Abandon, s. m. abandonment. Aboiement, s. m. barking. Abandonn6, e, past part. forsaken. Abondance, s. f. abut)daence. Abandonner, v: a. to abanzdon. Abondant, e. adj. abundant. Abattement, s. m. dejection. Abonder, v. n. to abound Abattre, v. a. to throw down, to d' Abord, adv. atfirst. knock down, to fell. Aborder, v. a. & n. to arrive at, to s'Abattre, v. r. to stoop down, to comze to, to approach..fall. Aboutir, v. n. to meet, to join. Abattu, e. past. part. beaten down, Aboyant, part. pres. barking. prostrated, felled. Aboyer, v. n. to bark. Abbaye, s. f. abbey. Abri, s. m. shelter, a 1F abri, in shelAbbe, s. m. abbot. ter. Abdiquer, v. a. to abdicate. Abricot, s. m. apricot. Abeille, s. f. bee. Abriter, v. a. to shelter. Ab6naki, s. m. Abenaki. Absolument, adv. quite, entirely. 18* 21 0 DICTIONARY. Absorb6, e. part. past. absorbed. Activite, s. f: activity. Absorber, v. a. to absorb. Actuel, le. adj actual,, Abus, s. m. abuse. Actuellement, adv. at present, now. Abuser, v. a. & n. to abuse. Adherer, v. n. to adhere. Accablant, part. pres. and adj. Adieu, adv. adieu. loading, heavy, oppressive. Adieu, s. m. adieu, farewell. Accabl6, e. part. past. loaded Adjuger, v. a. to adjudge, to adown. ward. Accabler, v. a. to load down, to op- Admirer, v. a. to admire. press. Adolescence, s. f. youth, adolesAccepter, v. a. to accept. cence. Acces, s. m. access. Adonis, s. m. adonis. Accompagn6, e. part. past. ac- Adopter, v. a. to adopt. companied. Adorer, v. a. to adore. Accompagner, v. a. to accompany. Adoucissement, s. m. alleviation. Accompli, e. part. past. accom- Adressant, part. pres. addressing plished. Adresse, s. f. address, skill. s' Accomplir, v. r. to be accom- Adresser, v. a. to addres. plished. s' Adresser, v. r. to address one's Accord, s. m. agreement, harmony, self d' accord, agrced. Adroit, e. adj. skillful. Accorder, v. a. to grant, to bestow. Adroitement, adv. skilfully. s'Accorder, v. r. to agree, to con- Adversaire, s. m. adversary. cur. Adversite, s. f. adversity. Accourir, v. n. to r'un to, to hasten Aerien, ne. adj. cerial. to. Affaibli, e. part. past. enfeebled. Accusateur, s. m. accuser. Affaire, s. f. aftir, matter, pl. buAccus6, e, part. past. accused. siness. Accueillir, v. a. to receive, to wel- Affame, e. adj. famished, hungry. come. Affecter, v. a. to affect. Acharnement, s. m. ferocity, rab- Affermir, v. a. to strengthen, to idness. make firmn. Acharne, e. part. past. maddened, Affligeant, e. adj. grievous. tenacious, intent on. s' Affliger, v. r. to grieve. s'Acheminer, v. r. to set forward. Affreusement, adv. fr.ightfuilly. Acheter, v. a. to buy. I Affreux, m. affreuse, f. adj. dreadAcheteur, s. m. buyer, purchaser. ful, frightful. Acheve, e. part. past. finished. I Affronter, v. a. to encounter. Achever, v. a. tofinis/h. Affit, s. m. watching place, a 1' s' Achever, v. r. to befinished. I affhit, on the watch. Acier. s. m. steel. I Afin, conj. in order to, afin que, in Acquhrir, v. a. to acquire. order that, so that. s' Acquiter, v. r. to perform one's' Afrique, s. f. Africa. duty, to acquit ane's self. ]Aga, s. m. Aga. DICTIONARY. 211 AgB, e. adj. aged. Alcibiade, s. m. Alcibiades. s' Agenouiller, v. r. to kneel, to Alcyon, s. m. halcyon. kneel down. Alentour, adv. around, round Agile, adj. agile, nimble. about. Agilit6, s. f. agility, swiftness. Alexandre, s. m. Alexander. Agir, v. n. to act. Aliment, s. m. nourishment. Agiter, v. a. to agitate, move. Allech6, e, part. past, allured. Agneau, s. m, lamb. Allee, s. fi passage, alley. Agrandir, v. a. to enlarge. All6gresse, s. f. gladness. Agreable, adj. agreeable. Allemagne, s. f Germany. Agr6ment, s. m. agreeableness, en- Allemand, e, adj. German. joymrent. Aller, v. n. to go. Agreste, adj. wild, rustic. s' en Aller, v. r. to go away, to set Agricole, adj. agricultural. out. Ah, int. all! Alliage, s. m. alloyage. Aide, s. f. aid, help..Alli6, s. m. and f. kinsman, kin, Aider, v. a. to aid, to help. ally. s' entr' Aider, v. r. to help one an- 1 Allier, v. a. to unite, to ally. other. Allonger, v. a. to extend, to lengthen. Aigle, s. m. eagle. 1 Allumer, v. a. to kindle, to light. Aigreur, s. f. sourness, harshness. i s' Allumer, v. r. to be lighted. Aiguille, s. f. needle.. Alors, adv. then, at that time. Aile, s. f. wing. Alouette, s. f. lark. Ailleurs, adv. elsewhere, otherwise. Alpes, s. f. pl. Alps. d'Ailleurs, conj. besides. Alt6re, past. part. altered. Aimable, adj. amiable, lovely. AltBr6, e, adj. thii-sty. Aimant, part. pres. loving, liking. Alterer, v. a. to alter. Aimer, v. a. to love, to like. Alternativement, adv. alternativeAin6, e, adj. elder, eldest. ly. Ain6, s. m. eldest. Altesse, s. f. highness. Ainsi, adv. thus, so, in this manner, Amande, s. f. almond. ainsi que, as well as. Amant, s. m. lover. Air, s. m. air, look. Amante, s. f. lover. Aire, s. f. barn-floor, threshing-floor, Amas, s. m. mass, heap. aerie, nest, (of a bird of prey.) Amasser, v. a. to amass, to heap up. Aisance, s. f. ease, comforts of life. I Ambassadeur, s. m. embassador. Aise, s. f. satisfaction, ease, a son, Ame, s. f. soul, mind. aise, at his ease, h mon aise, at Ambitieux, m. ambitieuse, f. adj. my ease. I ambitious. Aisb, e, a'dj. easy. Ambitieux, s. m. an ambitious perAisbment, adv. easily. son. Ajouter, v. a. to add. Amener, v. a: to bring, to lead. Ajust6, e, part. pres. fitted. Amer, e. adj. bitter. Alarme, s. f. alarm. Amerement, adv. bitterly. 21 2 DIC TIONARY. Am6ricain, s. m. American. Antique, adj. anczent. Am6rique, s. f. America. AntiquitY, s. f. antiquity. Amertume, s. f. bitterness. Apaiser, v. a. to appease. Ami, s. m. friend. s' Apaiser, v. r. to be appeased. Amie, s. f. friend. Apathie, s. f apathy. Amidon, s. m. starch. Apercevant, part. pres. perceiving. s'Amincir, v. r. to become thinner. Apercevoir, v. a. to perceive. AmitiB6, s. f. friendship. Aperqu, e. part. past. perceived. Amolli, e. part, past, enervated, soft- Apis, s. m. Apis. ened. Aplanir, v. a. to level. Amonceler, v. a. to heap up. Aplati, e. part past. flattened. Amour, s. m. love. s'Aplatissant, part. pres. flattenAmour-propre, s. m. self-love. ing one's self Amoureux, m. amoureuse, f. adj. Apollon, s. m. Apollo. amorous. Apparaitre, v. n. to appear. AmphithBatre, s. m. amphitheater. Appareil, s. m. equipage, apparatus. Ampleur, s. f. amplitude. Apparemment, adv. apparently Ampoule, s. f. blister. Apparence, s.f. appearance. Amusant, part. pres. amusing. Appartement, s. m. apartment. Amuser, v. a. to amuse. Appartenir, v. n. to belong. An, s. m. year. Appel, s. m. call, appecal. Ananas, s. m. pine-apple. Appel6, e. part. past. called. Anathbme, s. m. anathema. Appeler, v. a. tocall, to appeal. Anchois, s. m. anchovy. s'Appeler, v. r. to be called, to be Ancien, ne, adj. ancient, old. named. Ancien, s. m. ancient, senior. Appbtit, s. m. appetite. Ane, s. m. ass. Applaudi, part. past. applauded. An6anti, e. part. past. annihilated. Applaudir, v. a. and n. to applaud. Anfractuosit6, s. f. crook, turning. s' Appliquer, v. r. to apply, to apply Ange, s. m. angel. one's self Anglais, e. adj. English, Apporter, v. a. to bring. Anglais, s.m. English, Englishman. Apricier, v. a. to appreciate, to esAngleterre, s. f. England. teem. Angoisse, s. f. anguish, pain. Apprendre. v. a. to leiarn; to teach, Animal, s. m. (pl. animaux) an- to acquaint with. imal. Appr6t, s. m. preparation. Animer, v. a. to animate. Apprdt6, part. past. prepared.' AnnBe, s f. year. Appris, e. part. past. learned, Annoncer, v. a. to announce. taught. s'Annoncer, v. r. to announce one's Apprivoiser, v. a. to tame. self. s' Approchant, part. pres. apAnse, s. f. creek, cove. proaching. Antichambre, s. f. antechamber. Approche, s. f. approach. Antioche, s. f. Antioch. Approcher, v. a. to approach. DICTIONARY. 213 s' Approcher, v. r. to approach. s' Arracher, v. r. tof Jrce one's self Approuver, v. a. to approve. away. Appui, s. m. support, prop. Arranger, v. a. to arrange. s' Appuyant, part. pres. supporting Arretant, part. pres. stopping. one's self. ArretB, e. past part. arrested, stops'Appuyer, v. r. to support one's ped. self, to lean. s' Arreter, v. r. to stop. Appuyer, v. a. to support, to hold Arriere, s. m. stern. up. en Arriere, adv. backward. Apres, prep. after. Arrivant, part. pres. arriving. Aquilin, adj. aquiline. Arriv6e, s. f. arrival. Aquilon, s. m. the north wind. Arriver, v. n. to arrive, to happen. Arabe, s. m. an Arab, Arrondi, e. part. past, rounded. Arabe, adj. Arabian. Arroser, v. a. to water. Arabie, s. f: Arabia. Artifice, s. m. art, artifice. Arbitraire, adj. arbitrary. Artificiel, le. adj. artificial. Arbitre, s. m. arbiter. Artiste, s.m. artist. Arbre, s.m. tree. Asie, s.f. Asia. Arbor6, e. part. past, hoisted up. Asile, s. m. asylum. Arbrisseau, s. m. shrub, small tree. Asp6rit6, s. f. roughness. Arc-en-ciel, s. m. rainbow. Aspirer, v. a. to aspire, to draw up. Arc, s. m. bow, arch. Assailli, e. part. past. assailed. Archiduchesse, s. f. archduchess. Assaisonner, v. a. to season. Archipel, s.m. archipelago. Assassin, s.m. assassin. Architecte, s. m. architect. Assassinb, e. part. past, assassinArdent, e. adj. hot, glowing, ardent. ated. Ardeur, s. t: ardor. Assembl6e, s. f. assembly Ardoise, s. f. slate. Assembler, v. a. to collect, to bring Ardne, s. f: sand, arena. together. Argent, s. m. silvei, money. Asseoir, v. a. to set down, to seat. Argente, e. part. past, silvered. s' Asseoir, v. r. to sit, to sit down. Aride, adj. arid, dry. Assevrir, v. a. to subject. Arme, s. f. arm, weapon. Assez, adv. enough, sufficiently. Arme, e. part. past, armed. Assidu, e. adj. assiduous, constant. Armee, s. f.'army. Assiduit6, s.f. assiduity.'Armenien, ne adj. Armenian. Assiette, s. f. plate, seat. Armenien, s. Armenian. Assigne, e. part. past, summoned, Armer, v. a. to arm. assigned. Armure, s. f. armor. Assigner, v. a. to assign. Aromatique, adj. aromatic, spicy. Assis, e. part. past, (of asseoir,) Arrachb, e. part. past, torn away, seated, set down. forced away. Assistant, s. m. bystander. Arracher, v. a. to pull out, to force Assist6, e. part. past, been present, away. assisted. 214 DIC TIONARY. Assister, v. n.- to be present, to as- Au, to the, as to the, (contracted for sist. & le.) Assoupi, e. part. past, drowsy, Aube, s. f. dawn. heavy. Auberge, s. f. inn, tavern. Assoupli, e. part. past, supple, ren- Aubergiste, s. m. tavern-keeper. dered flexible. Aubier, s. m. outer formation, (of Assfijettir, v.a. to put down, to a tree,) the sap-wood. subdue. Aucun, adj. any, (with ne,) no, Assurb, e. adj. assured, trusty. none, not any. Assurbment, adv. surely. Audace, s. f. audacity, presumption. Assurer, v. a. to assure. Au-del&, prep. and adv. beyond. Astre, s. m. star, planet. Au-dessous, adv. below, qnder. Asyle, s.m. asylum. Au-dessus, adv. above, upwards. Atelier, s. m. workshop. Audience, s. f. audience. Atome, s.m. atom. Augmenter, v..a. to increase, to Atours, s.m. pl. ornaments. augment. Attachb, e. part. past, attached. Auguste, adj. dugust. Attachement, s. m. attachment. Auguste, s. Augustus. Attacher, v. a. to attach, to fasten. Aujourd'hui, adv. to-day, now-as' Attacher, v. r. to take hold, to days. become attac/ed, to apply one's self. Aum6nier, s. m. almoner. Attaquer, v. a. to attack. Aune, s. m. alder-tree. Attarder, v. a. to delay. Auparavant, adv. before. Atteindre, v. a. to hit, to reach, to Aupres, prep. near, with. come to. Auquel, rel. pron. to which, to Atteint, e. part. past, come to. whom. Atteinte, s. f. blow, attack, harm. Aureole, s. f. glory, aureola. Atteler, v. a. to tackle. to attach. Aurore, s. f. morning, dawn, auAttendre, v. a. and n. to wait for, ro'a, east. to wait. Aurore boreale, s. f. aurora boreas' Attendre, v. r. to expect. lis. Attendri, e. part. past, ajflcted, Auspice, s. m. auspice. moved. Aussi, adv. also, so; as, Attendu, e. part. past, expected. Aussiere, s. f. hawser, small cable. Attente, s. f. expectation, waiting. Aussit6t; adv. immediately. Attentif, m. attentive, f. adj. at- Aussit6t que, as soon as. tentive. Austere, adj. austere, stern. Attentivement, adv. attentively. Austral, le. adj. south, southern. Attester, v. a. to attest. ~Autant, adv. as much, as many, so Attique, s. f. Attica. much. Attirer, v. a. to attract, to draw. d' Autant, adv. so much. Attrait, s. m. attraction, charm. Autel, s. m. altar. Attribut, s. m. attribute. Auteur, s. m. author. Attrister, v. a. to sadden. Automne, s. m. and f. autumn. DICTIONA RY. 215 Autour de, prep. around. Avril, s.m. April. Autre, adj. and pron. other. Ayant, part. pres. having. 1' un et 1' autre, both. Azur, s.m. azure, blue. Autrefois, adv. formerly. Azurb, e. adj. azure. Autrement, adv. otherwise, in another way. Autruche, s. f. ostrich. B. Autrui, others, other people. Aux, (for a les,) to the, in the, by Babylone, s. f. Babylon. the. Babylonien, ne. s. and adj. BabyloAvaler, v. a. toswallowi. nien. s' Avangant, part. pres. advancing. Babylonique, adj. Babylonian. Avance, s.f. advance. Badin, e. adj.?waggish, roguish. d' Avance, beforeha/nd. Badinant, part. pres. playing, dalAvance, e. part. pres. advanced. lying. Avancement, s. im. advancement. Bagage, s. m. baggage, luggage. s' Avancer, v. r. to advance. Bague, s. f. ring. Avant, prep. before. Baguette, s. f. rod. Avant, s. m. prow. Baie, s. f. bay, gulf. Avant que, conj. before. Baigner, v. a. to bathe,'to wash. en Avant, adv. forward. se' Baigner, v. r. to bathe. Avantage, s. m. advantage. Baillant, part. pres. yawning.. Avantageux, m. avantageuse, f. Bain, s. m. bath. adj. advantageous, assuming. Baiser, s. m. kiss. Avare, adj. avaricious, sparing. Baissant, part. pres. lowering. Avec, prep. with. Baisser, v. n. to decline, to bend Avenir, s. m. fiututre. down, tofall. v. a. to cast down, Aventure, s. f. chance, luck, adven- to lower. ture. Bal, s.m. ball. Avenue, s. f. avenue. Balangant, part. pres. balancing. Averse, s. f. violent shower. Balancement, s. m. swinkging. Avertir, v. a. to warn, to notify, to Balancer, v. a. & n. to balance, caution. to swing. Aveu, s. m. confession. Balayer, v. a. to sweep. Aveugle, adj. blind. Balbutier, v. n. to lisp, to stammer. Aveuglement, s. m. blindness. Baleine, s. f whale. Avide, adj. greedy. Balle, s. f. ball. Avis, s. m. opinion, information, Balustrade, s. f. balustrade. advice. Bambou, s. m. bamboo. s' Aviser, v. r. to think of, to take it Banane, s. f. banana. into one's head. Bananier, s. m. banana-tree. Avoir, v. a. to have. Banc, s. m. bench, bank. Avoisiner, v. a to border upon. Bande, s. f. band, company, flock. Avouer, s. a. to confess. Bandeau, s. m. bandage, wreath. 216 DI CT I O-NARY. Bander, v. a. to tighten, to bend. tiful. avoir beau, to try in Bandeur, s. m. bender, binder. vain. Bannibre, s. f. banner. standard. ] Beaucoup, adv. much, very much, Banquette, s. f. bench, settee. many. Baptiser, v. a. to baptise, to name. Beaute, s. f. beauty. Barbare, s. in. barbarian. Bee, s. m. bill, beak. Barbarie, s. f. Barbary, barbaritby. Beche, s. f. spade. Barbarisme, s. m. barbarism. Becher, v. a. to dig. Barbe, s. f. beard. Becqube, s. f. bill-full. Barbe, s. m. barb, Barbary-horse. Becqueter, v. a. to peck. BarbouillB, e. part. past. daubed. B6gayer, v. a. to stammer out. Bariolb, e. part. past. variegated, Bel, (for beau before a vowel or a spangled. silent h.) belle, f: fine, beautiful, Barque, sr. f. bark, boat. handsome. Barre, s. f. bar. Beler, to bleat. Barrer, v. a. to bar. Belge, adj. Belgian. Barriere, s. f. bar, rail, barrier. Belge, s. m. & f. Belgian. Barrique, s. f. cask. Belvedbre, s. m. Belvidere. Bas, se. adj. low. la bas. there, Bengale, s. m. Bengal. below. en bas, adv. down, at the BBnir, v. a. to bless. bottom. Berceau, s. m. arbor, cradle. Bas, s. m. bottom. Berger, s. m. shepherd. BasanB, e. adj. tawny, swarthy. Bergbre, s. f. shepherdess. Base, s. f. base,foundation. Berlue, s. f. avoir la berlue, to be Basque, s. f. skirt. dinL-sighted. Basquine, s. f. dress worn by Span- en' Berne, adv. as a waft. son paish women. villon en berne, its ensign denoBasse-cour, s. f. poultry-yard. ting distress. Bassin, s. m. basin. Besogne, s. f. work, business. Bassinet, s. m. crow-foot, butter- Besoin, s. m. need, want. cup. BBte, s. f. beast, brute. adj. stupid. Bastion, s. m. bastion. Betise, s. f. stzupidity. Bataille, s. f. battle. Bien, adv. well, very, much, indeed, Bateau, s. m. boat. surely. Bati, e. part. past. built. Bien, s. m. good. Batir, v. a. to build. Bien-Btre, s. m. well-being. Baton, s. m. stick, staff. Bien que, conj. although. Battement, s. m. clapping, flutter- Bienfaisance, s. f. beneficence. ing, beating. Bienfaisant, e. adj. beneficient. Battre, v. a. to beat. Bienfait, s. m. benefit, advantage. se' Battre, v. r. tofight. Bient6t, adv. soon. Battu, e. part. past. beaten, beat. Bienveillance, s. f. benevolence. Bavard, e. adj. babbling, prating. Bigarre, e. part. past. lmotley-color. Beau, (pl. beaux). adj. fine, beau- ed. DICTIO NARY. 21 7 Bijou, s. m. jewel. Borne. s. f. limit, bound. Bitume, s. m. bitumen. Borne, e, part. past. bounded, limBitumineux, mi. bitumineuse, f. I ited. adj. bituminous. Borner, v. a. to bound, to limit. Bizarre, adj. fantastic, strange. i Bossuet, s. m. Bossuet, (a French Bizarrement, adv. oddly, fantastic- bishop.) ally. Botte, s. f. boot. Bizarrerie, s. f. caprice, singulari- Bottine, s. f. thin boot, buskin. ty. Bouche, s. f mouth. Blimer, v. a. to blame. Boucher, s. m. butcher. Blanc, m. blanche. f. adj. white, Boudoir, s. m. private room. s. white person. Bouffant, e, adj. pqeufd up, swelled. Blanchatre, adj. whitish. Bouffon, s. m. buffoon. Blancheur, s. f. whiteness. Bouillonnant, part. pres. boiling Ble, s. m. corn. up. Blesser, v. a. to wound. Bouillonner, v. n. to bubble up, to Blessure, s. f. wound. boil. Bleu, e. adj. blue. Bouleau, s. m. birch, birch-tree. Bleuktre, adj. bluish, somewhat blue. Bouquet, s. m. nosegay, bouquet, Blond, e. adj. fair, flaxen, light. cluster. Blondine, s. f. ajfcir-complexioned Bourbeux, m. bourbeuse, f. adj. one. zmuddy. Bocage, s. m. grove. Bourdon, s. m. staff; crook, droneBmuf, s. m. ox, beef. bee. Boire, v. a. to drink Bourdonnant, adj. humming. Bois, s. m. wood. Bourg, s. m. borough, town. Boiserie, s. f. wainscot. Bourgeois, s. m. burgess, citizen. Boite, s. f. box. Bourgeon, s. m. bud. Bombe, s. f. bomb. Bourre, s. f. hair. Bon, m. bonne. f. adj. good Bourse, s. f. purse. Bondir, v. n. to bound, to skip. Boussole; s. f. mariner's compass, diBondissant, part. pres. bondeing. reclion. Bonheur, s. m. happiness, prosper- Bout, s. m. end. venir & bout, to ity. succeed. Bonhomme, s. m. worthy man. Boutade, s. f. whim, stabrt, caprice. Bonnement, adv. plainly, honestly. Bouteille, s. f. bottle. Bonnet, s. m. cap. bonnet de nuit, Boutique, s. f. shop. night cap. Bouton, s. m. button. Bontb, s. f. goodness, favor. Brame, s. m. Bramin. Bord, s. m. bank, border, side. Bramement, s. m. crying, bleating. Borde, e. part. past. bordered. Brancard, s. m. a litter. Border, v. a. to border, to bound. Branche, s. f. branch, arm. se' Bornant, part. pres. limitiaig Bras, s. m. arm. one's self. I Brasse, s. f. fathomn. 19 2 1 8 DICTIONARY. Brebis, s. f. ewe. But, s. m. mark, aim, object, end. Bretagne, s. f. Brittany. Butin, s. m. booty. Breton, ne, s. & adj. of Brittany, Butte, s. f. bank, hillock. native of Brittany. Buvant, part. pres. drinking. Bride, s. f. bridlle. Brillant, e. adj. bright, brilliant. Brillant, s. m. diamond, brilliant. C. Briller, v. n. to shine, to glitter. Brin, s. in. slip, straw, brin a brin, C'. for ce, which see. blade by blade. (Qa, adv. here, hither. Brique, s. f. brick. Cabane, s. f. hut, cottage. Briquet, s. in. steel. Cabaret, s. m. wine-shop. Brise, s. f. breeze. Cabinet, s. m. closet, small 9roosm, Briser, v. a. to break, to dash. cabinet. se Briser, v. r. to break, to dash. Cabriole, s. f. caper. Brochet, s. m. pike, (a fish.) Cachant, part. pres. concealing. Brodequin, s. m. sock. Cachemire, s. Cashmere, cashmere. Broderie, s.f. embroidery. Cachemirien, ne, adj. of Cashmere. BronzB, e, part. past. bronzed, Cachemirien, s. inhabitant of Cashbrowned. m qere. Brouillard, s. m. fog. Cacher, v. a. to conceal, to hide. Brouter, v. a. &. n. to browze. Cachot, s. m. dungeon. Broyer, v. a. to grind, to masticate. Cadavre, s. m. dead body. Bruire, v. n. to rustle, to sound con- Cadet, te, adj. younger. fvsedly. Cadi, s. m. cadi. (Turkish officer.) Bruissement, s. m. roaring. Cadiz, s. Cadiz. Bruit, s. m. noise. Caducit6, s. f decay of age. Brillant, e. adj. burning. Caf6, s. m. cofee, pied de caf6, Bruler, v. a. to burn, to sear. coffee-lant. Brumaire, s. rn. second montlb of the Caftan, or Cafetan, s. m. caftan,(a republican, calendar'. Turkish vest.) Brume, s. f. fog. Cage, s.f. cage, cage h poulis, hen Brumeux, in. brumeuse, f. adj. coop. hazy, fbggy. Cahute, s. f. cabin. Brun, adj. brown. Caillou, s. m. flint, flint-stone. Brusque, adj. abrupt, sudde~n. Caiman, s. m. caymran, alligator. Brusquement, adv. abruptly. Caisse, s. f. box. Bruyant, e. adj. noisy, blustering. Calcul, s. m. calculation. Bruybre, s. f. heath. Calculer, v. a. to calculate. Bfcher, s. mn. funeral pile. Calebasse, s. f. calabash, gourd. Bucheron, s. m. wood-cutter. Caledon, s. m. drawers. Buffet, s. m. side-board. Calice, s. m. chalice, cup. Buffle, s. m. bufflo. Calleux, m. calleuse, f. adj. calBuisson, s. m. bush, thicket. Ious. DICTIO NARY. 219 Calme, adj. calm. Caribou, s. m. cariboo, (a kind of Calmer, v. a. to calm, to allay. deer. Calornnie, s. f. calu7mnny. Carnassier, adj. carnivorous. Camarade, s. m. & f. comrade. CarriBre, s. f: course, quarry, career. Cam6lBon, s. m. charmelion. Carousel, s.'m. carrousal. Camp, s. m. camp. Carte, s. f. card, map. Campagne, s. f. country, fields, cam- Cas, s. m. case, faire peu de cas, to paign, se mettre en campagne, think lightly of. to take the field. Case, s. f: cottage. Campe, e, part. past. encamped. Casque, s. m. helmet, casque, Camper, v. n. to encamp. Cassave, s. f. cassava. Canal, s. m. channel. Casser. v. a. to break. Canapb, s. m. sofa. Cassolette, s, f. perfumery-vessel, Candide, adj. candid. censer. Cane, s. f. duck. Cataracte, s. f. cataract. Canicule, s. f. dog-star. Catholique, adj. catholic. Canne, s. f. cane. canne a sucre, I Caucase, s. m. Caucasus. sugar cane. Cause, s. f. cause, a cause de, on Cannele, e, part. past. fluted, chan- account of, because of. neled. Causer, v. a. to cause. Cannelier, s. in. cinnamo.-tree. Causer, v. n. to converse, to chat, to Canon, s. m. cannon. talk. Canot, s. m. boat. Causeur, m. causeuse, f. adj. talkCanton, s. m. canton, district. ative. Cap, s. m. cape. Cavalerie, s. f. cavalry. Capitaine, s. in. captain. Cavalier, s.m. horseman. Capital, adj. capital, chieJ. Caverne, s. f. cavern. Capitale, s. f. capital city. Ce, adj. this, that, it, ce que, what. Capote, s. f. capote. CBdrat. s. m. (a kind of,) lernon. Caprice, s. m. caprice, whim. CBdre, s. m. cedar. Captif, captive, adj. captive. Ceinture, s. f. waist, girdle. Caquetant, part. pres. cackling. Cela, pron. dem. that. Car, conj. for, because. C6lEbre, adj. celebrated. Caracttre, s. m. disposition, char- Celbhrer, v. a. to celebrate. acter. C16bbrite, s. f. celebrity. Caract6riser, v. a. to character- CBleste, adj. celestial. ize. Celle, dem. adj. the one, that, she. Caravane, s. f. caravan. Celui, (pl. ceux.) dem. adj. the one, Car6me, s. m. lent. that, he, him, celui-ci, this one CarBne, s. f. keel. I Cendre, s. f. ashes. Caressant, e, adj. caressing, win- Censeur, s. m. censor, critic. ninrg. | Cent, num. adj. hundred. Caresse, s. f. caress. Cependant, adv. in the mean Caresser, v. a. to caress. time. 220 DICTIO N AR Y. Cependant. conj. and yet, notwtth- Chanter, v. a. to sing, to celebrate. sta7nding. Chanteur, s. m. singer. C6phale, s. m. Cephalus, Chantier, s. m. dockyard. Cercle, s. m. circle. Chantre, s.m. singer Cercueil, s. m. cojln. Chapeau, s. m. hat. C6remonie, s. f. ceremony. Chapitre, s. m. chapter. Cerf. s. m. stag. Chaque, adj. every, each. Cerisier, cherry-tr'ee. Char, s. m. car, chariot. Certain, e, adj. certain. Charg6, e. part. past. loaded, laden. Certainement, adv. certainly. Charger, v. a. to load, to charge. Certes, adv. indeed, surely. Chariot, s. m. wagon. Cerveau, s. m. brain. Charite, s. f. charitdy. Ces, adj. (pl. of ce.) these, those. Charmant, e, adj. charming. Cesse, s. f. ceasing, intermission. Charme, s. m. charm. Cesser, v. a. to cease. Charm6, e, part. past. charmed. Cet, m. cette, f. demn. adj. this, that Charmer, v. a. to charm. it. CharriB, e, part. past. drifted Ceux, (pl. of celui.) those. Charrue, s. f. plow. Chacal, s. in. jackall. Chasse, s. f: hun7t. Chacun, e, adj. each. Chasseur, s. m. hunter. Chagrin, s. m. sorrow, grief. hateau;s. m. castle, chateaux en Chagrin, e, adj. gloomy. - Espagne, castles isn the air. Chaine, s. f. chai;n. Chatier, v. a. to chastise, to flog. Chair, s. f. flesh. Chaud, s. m. heat. Chaire, s. f pqlpit. Chaud, e, adj. hot, warm, burning. Chaise, s. f. chair, chaise de Chaume, s.m. stutbble, thatch. poste, post-chaise. Chaumihre, s. f. thatched house, Chaleur, s. f. heat, warmzth. cotlage. Chaloupe, s. f. losngboat. Chausser, v. a. to put on shoes, to Chalumeau, s. m. pipe. shoe. Chambre, s. f. apartment, chamber, Chef, s. m. chief, head, chef-d'r'oom. j uvre, masterpiece. Chameau, s. m. camel. Chemin, s.m. way, path, chemin Champ, s. m. field, sur-le-champ, faisant, traveling, by the way. adv. immediately. Cheminer, v. n. to swalk, to go. Champetre, adj. r'ural. Chemise, s. f. shirt. Champion, s. m. combattant. Ch6ne, s. m. oak. Chanceler, v n. to reel, to stagger. Cher, m. chbre, f. adj. dear'. Changeant, part. pres. changing. Cherchant, part. pres. seeking. Changer, v. a. to change. Chercher, v. a. to seek, to look for. Chanson, s. f. song. Chere, s. f. cheer, fare. Chant, s. m. singing, crowing. Chbrement, adv. dearly. Chantant, part. pres. singing, Cheri, e, part. past. beloved. crowing. Cheval, s.m. horse, a cheval, on DICTIONARY. 221 horseback, cheval de course, race- CirconspeCt, e, adj. circumspect. horse. Circonstance, s. f. circumstance. Chevalier, s. m. knight. Circuit, s. m. circuit. Chevelure, s. f. hair, scalp. Circulant, part. pres. circulating, Chevet, s. in. pillow. passing about. Cheveu, s. m. hair, tress. Circuler, v. n. to circulate. Chbvre, s. f. goat. Cirque, s. m. circus. Chevreau, s. m. kid. Citadin, s. m. citizen. Chevre-feuille, s. m. honeysuckle. Cite, s. f. city. Chez, prep. at the house of, with. Citer, v. a. to cite, to name. Chicane, s. f. chicane, cavil. Citoyen, s. m. citizen. Chien, s. m. dog. Citronnier, s. m. citron-tree, lemonChienne, s. f. bitch. tree. Chiffoner, v. a. to rumple. Civil, e, adj. civil. Chimere, s. f. chimera. Clair, e, adj. clear, s. m. light, Chim6rique, adj. chimerical. shzning. Chine, s. f. China. Clart6, s. f. light, clearness. Chirurgien, s. m. surgeon. Classe, s. f. class, rank. Chceur, s. m. choir. Classique, adj. classic. Choisi, e. part. past. chosen. Clerg6, s. m. clergy. Choisir, v. a. to choose. Clignotant, e, adj. winking. Clioix, s. in. choice. Climat, s. mn. climate. Chorus, s. m. chorus. Clin-d' ceil, s. in. twinkling of an Chose, s. f. thing. eye. Chou, s. m. cabbage. Clos, e, part. past. inclosed. Choye, e. part. past, fondled. Cocotier, s. m. cocoa-tree. Chretien, s. in. Christian. ~ Ceur, s. m. heart. Chretien, ne, adj. Christian. Coffre, s. m. chest. Christianisme, s.m. Christianity. Coiffure, s. f. head-dress. Chuchoter, v. a. & n. to whisper. I Coin, s. m. corner, wedge. Chute, s. f. fall. Colere, s. f: anger. Cicatrice, s. f. scar, cicatr'ice. Colere, adj. choleric, bad-tempered. Cidre, s. m. cider. Colibri, s. m. humming-bird. Ciel, s. m. heaven, (cieux, pl.) Collation, s. f. collation. Cil. s. m. eyelashes. Coller, v. a. to glue. Cime, s. f. top, summit. Collier, s.m.,necklace, collar. Cimenter, v. a. to cement. Colline, s. f. hill. Cimeterre, s. m. cimeter. Colombe, s.f. dove. Cinq, num. adj. five. Colonie, s. f. colony. Cinquante, num. adj. fifty. Colonne, s. f. column. Cintra, e, part. past. arched. Colorer, v. a. to color. Circassien, ne, s. in. and f. Circas- Colossal, e, adj. colossal, giantsian. like. Circonf6rence, s. f circlumference. Combat, s. m. combat. 19* '222 DI CTIONARY. Combattre, v. a. to figAt. Comprendre, v. a. to understand. Combattu, e, part. past, fought. Compris, e, part. past, inclusive. Comble, e, part. past, filled up, Compromettre, v. a. to compsromise. loaded. Comptant, part. pres. counting. Combler, v. a. to load, to heap up. Compte, s. m. account. Commander. v. a. to command. Comrpter, v. a. to count, a pas Comme, adv. as, as it were. comptes, with measured steps. Commence, e, part. past, begun. Concert, s. m. conceret, de concert, Commencer, v. a. to begin, to com- in concert. mence. Concevoir, v. a. to conceive. Comment, adv. how. Conciliateur, s. m. conciliator. Commettre, v. a. to commit, to Conclure, v. a. to conclude. strive. Concombre, s. m. cucumber. Commode, adj. convenient, com- Concourir, v.n. to concur. mrodious. Concours, s. m. concourse, concert. Commodit6, s. f. convenience. Conpu, e, past. past, conceived. Commun, e, adj. common. Condamn6, e, part. past, conCommuniquer, v. a. to communi- demnted. cate. Conducteur, s. m. conductor. Compagne, s, f. companion. Conduire, v. a. to conduct, to drive. Compagnie, s. f. company. Conduit, e, part. past, conducted. Compagnon, s. m. companion. Conduite, s. f. conduct. Compagnies, flocks, companies. Confesser, v. a. to confess. Comparaison, s. f. comparison. Confiance, s. f. confidence. Comparant, part. pres. cormparing. Confident, s. m. confident. Comparer, v. a. to compare. Confier, v. a. to intrust. Compatissant, e, adj. compassion- Confiner, v. n. to border upon, to ate. confine. Compatriote, s. m. fellow-country- Confondre, v. a. to confound, to man. mixz, to blend. se' Complaire, v. r. to please each Confondu, e, part. past, conother. founzded. Complaisance, s. f. complacency. Conforme, adj. conformable. Complaisant, e, adj. complaisant, se Conformer, v. r. to conform civil. one's self. Complet, m. complete, f. adj. Confronter, v. a. to confront. complete. Confus, e, adj. confutsed. Compl6tement, adv. completely. Confusement, adv. confusedly. Complice, s. mn. and f. accomplice. Cong6, s. m. leave, dismission. Complimenter, v. a. to compliment. Congedie, e, part. past, dismissed. Comporter, v. a. to favor, allow. Congrbs, s. m. conegress. Composant, part. pres. composing. Conjugal, e, adj. conjugal. Compos6, s. m. compound. Conjurer, v. a. to conjure, to exorComposer, v. a. to compose, to for'm. cise. DICTIONARY. 223 Connaissance, s. f. knowledge, ac- Contempler, v. a. to contemplate. quaintance. Contemporaire, s. m. contemporary. Connaisseur, s. m. connoisseur, Contenance, s. f. countenance. judge. Contenir, v. a. to contain. Connaitre, v. a. to know, to ac- Content, e, adj. conteated, satisfied. knowledge. Contentement, s. m. contentment. se Connaitre, v. r. to knosw one's Conter, v. a. to tell, to relate. self, se connaitre a, or, en quel- Conteur, s. m. conteuse, f. storyque chose, to be skilled ii. teller, narrator. Connu, e, part. past, known. Continu, e, adj. continuous. Conqu6rant, s. m. conqueror. Continu6, e, part. past, continued. Conqu6rir, v. a. to conquer. Continuel, le, adj. continual. Conquis, e, past. past, conquered. Continuellement, adj. continually. Conscience, s. f. consciousness, Continuer, v. a. & n. to continue. conscience. Contour, s. m. contour, outline. Conseil, s. m'. counsel. se Contracter, v. r. to contract. Conseiller, v. a. to counsel, to ad- se Contraindre, v. r. to constrain vise. one's self. Consentir, v. n. to consentj to Contraint, e. adj. constrained, agree. forced. par Cons6quent, adv. consequently. Contraire, s. m. contrary. Conservation, s. f. preservation. au Contraire, adv. on t.e contrary. Conserver, v. a. to preserve, to Contraste, s. m. contrast. keep. Contre, prep. against, in exchange Considirer, v. a. to consider. for. Consigner, v. a. to order a sentinel, Contrebalancer, v. a. to counterseront consignBs, will be jiO'- balance. bidden to pass. Contr6e, s. f. country. Consistance, s. f. consistence,fJilm- sans Contredit, adv. undoubtedly. ness. Contrefaire, v. a. to counterfeit. Consister, v. n. to consist. Contrescarpe, s. f. counterscarp. Consoler, v. a. to console. Contrevent, s. m. outside-shutters. Consomm6, e, part. past, perfect, Contribuer, v. a. to contribute. consunmmated. Convaincant, e. adj. convincing. Constamment, adv. constantly. Convaincre, v. a. to convince. Constance, s. f. constancy, firm- se Convaincre, v. r. to convince ness. one's self. Constant, e, adj. constant. Convenable, adj. suitable, proper. Constern6, e, part. past, dismayed. Convenance, s. f. conformity. Construire, v. a. to construct. Convenir, v. n. to own, to suit. Construit, e, part. past, consfructed. Counvier, v. a. to invite. Consulat, s. m. consulate. Convive, s. in. guest. Consulter, v. a. to consult. Coq, s. in. cock. Consumer, v. a. to consume. Coquille, s. f. shell. 224 D I'C TI O NA R Y. Corail, s. m. coral. Coupe, s. f. cutting, cup, demiCoran, s.. Koran, alcoran. coupe, half-czup. Corbeau, s. m. raven. Couper, v. a. to cut. Corbeille, s. f. basket. Cour, s. f. court. Corde, s. f. corde, rope. Courage, s. mn. courage. Cordial, s. m. cordial. Courant, s. m. current. Comrne, s. f. horn. Courant, part. pres. rulnning. Corniche, s. f. cornice. Courber, v. a. and n. to bend. Corps, s. m. body. Coureur, s. inm. runner, racer. Corrigeant, part. pres. correcting. Courge, s. f. gourd. Corriger, v. a. to correct. Couril, v. n. to run, to run along. Corrompre, v. a. to corrupt. - Couronne, s.f. crown. Corrompu, e, part. past. corrupted, CouronnB, e, part. past, crowned. corruipt. Couronnement, s. m. top, tajfbrel. Corrosif; m. corrosive, f. adj. cor- Couronner, v. a. to crown. rosive, corroding. Courroie, s. f. strap. Cortege, s. m. train, retinue. Cours, s. m. course. Corvbe, s. f. statute-labor, service. Course, s. f. course, career. Co6t, s. m. side, way. Coursier, s. m. steed. Coteau, s. m. declivity. Court, e, adj. short. Coton, s. m. cotton. Courlisan, s. m. courtier. Cotonnier, s. m. cotton-tree. Couru, e, part. past, qrun. Cotoyer, v. a. to g'o by the side of. Cousin, s. m. cousine, f. cousin. Cotte de mailles, s. f. coat of mail. Coussin, s. m. cushion. Cotret, s. m. fagot. Couteau, s. m. knife. Cou, s. m. neck. Cofiter, v. n. to cost. Couchant, adj. setting. Couteux, m. coAteuse, f. adj. exCouchant, s. m. west. pensive, costly. Couche, s. f. bed. Coutume, s. f. custom, avoir couCouche, e, part. past, lying. tume, to be acczustomed. Coucher, v. a. and n. to lay down, Couver, v. a. to sit (on eggs.) to put to bed, to lie, to sleep. Couvert, e, part. past, covered se Coucher, v. r. to lie down, to go Couverture, s. f: covering. to bed. C ouvrir, v. a. to cover. Coucher, s. m. lying down, set- Craindre, v. a. tofear. ting. Crainte, s. f. fear. Coudrier, s. m. hazel-tree. Craintif, m. craintive, f. adj. fearCouler, v. a. and n. to flow, to ful, timid. glide, to pass away. Craquerj v. n. to creak, to crackle, Couleur, s. f color. to crack. Coup, s. m. blow, report, enterprise, Criateur, s. mn. Creator. tout d' un coup, suddenly, coup Creature, s. f. creature. d' eil, a glance, look. C rBdule, adj. credulous. Coupable, adj. culpable, gutilty. Credulit6, s. f. credulity. DICTIONARY. 225 Cr6er, v. a. to create. Cuit, e, part. past, cooked. Crbole, s. m. and f: creole. Culbutb, e, part. past, overthrown, Crepuscule, s. m. twilight. upset. Cresson, s. m. cresses. Culte, s. m. worship. Crbte, s. f. Crete. Cultivateur, m. cultivatrice, f. adj. Crete, s. f. crest, ridge. agricultural. Creuser, v. a. to hollow, to dig. Cultive, e, part. past. cultivated. Creux, m. creuse, f: adj. hollow. Cultiver, v. a. to cultivate. Creux, s. m. hollow. Curieux, m. curieuse, f. adj. cur/Crevasse, s. f. crevice, gap. ous. Cri, s. m. cry. Curiosite, s. f. curiosity. Criant, part. pres. crying. Curule, adj. curule. Crier, v. a. and n. to cry, to cry CyprEs, s. m. cypress. out, to creak. Cytise, s. m. cytisus. Crieur, s. m. crier. Czar, s. m. czar, emperor of Russia. Criminel, s. m. criminal. Crisper, v. a. to contract. Cristal, s. m. crystal. Cristallin, e, adj. crystalline. Critiquant, part. pres. criticisin g. Croasser, v. n. to croak. D' (before a vowel or silent h,) Crocodile, s. m. crocodile. for de, which see. Croire, v. a. to believe. Daigner, v. n. to deign. Croisade, s. f. crusade. Daim, s. m. deer. Croisant, part. pres. crossing. Dame, s. f. lady. Croisee, s. f. window. Danemarc, s. m. Denmark. Croiser, v. a. to cross. Dangereux, m. dangereuse, f. adj. se Croiser, v. r. to cross each other. dangerous. Croissant, s. m. crescent. Dans, prep. in, within. Croitre, v. n. to grow. Danse, s. f. dancing, dance. Crotone. s. f Crotona. Danser, v. n. to dance. Crouler, v. n. to sink, to give Danseur, s. m. danseuse, s. f. way. dancer. Croupe, s. f. brow, top, ridge. Dard, s. m. dart. Croyant, s. m. believesr. Darder, v. a. to dart. Cru, e, part. past. believed. Davantage, adv. more. Cru, e, adj. raw, not cooked. Datte, s. f. date. Cruel, le, adj. cruel. De, prep. of, from, some, for, than, Cueillir, v. a. to gather. de ce que, conj. because. Cuiller, s. f. spoon. se Debander, v. r. to slacken, to exCuir, s. m. leather. tend one's self. Cuirasse, s. f. cuirass. Dbbarquer, v. a. and n. to land, to Cuisant, e, adj. sharp, cutting. disembark. Cuisse, s. f. thigh. DBbord6, part. past. oveqflowed. 226 DICTIONARY. Debout, adv. upright, standing in Degel, s. m. thaw. readiness. Degenerant, part. pres. degeneratD6bris, s. m. remains, wreck, ruins. ing. D6but, s. m. beginning. Degenerer, v. n. to degenerate. en-Degq, adv. on this side. Degouti, e, part. past, disgusted. D6charger, v. a. to discharge, to Degr6, s m. degree. unload. Dguis6, e, part. past, disguised. D6charn6, e, part. past, emaciated. Dehors, adv. and prep. out of Dechirer, v. a. to tear'. doors, out of, au dehors, abroad. Decider, v. a. to decide. Deja, adv. already. DBcisif, m. dicisive, f. adj. de- Dejeuner, s. m. breakfast. cisive Dela, au-dela, prep. and adv. beDeclarer, v. a. to declare. yond. Declin, s. m. decline. Delai, s. m. delay. DMcoiffer, v. a. to uncoif, to take Delaiss6, e, part. past, abandoned. off the head dress. Delicat, e, adj. delicate. Decomposer, v. a. to decompose. D6licatesse, s. f. delicacy. Decorer, v. a. to decorate. Delice, s. m. delight. DBcouper, v. a. to carve, to cut up. D1licieusement, adv. deliciously, Decouvert, e, part. past, uncovered. delightfully. A Decouvert, adv. in open air, Delicieux, m. dblicieuse, f. adj. plainly. delicious. Decouverte, s. f. discovery. D6li6, e, adj. slender, unconfined. Dicouvrir, v. a. to discover. Delire, s. m. delirium, frenzy. Ddcrire, v. a. to describe. Deloger, v. a. and n. to iemove, DBgu, e, part. past, deceived. to go away. DBdaigner, v. a. to disdain, to Delta, s. m. Delta (of Egypt.) scorn. I)emain, adv. to-morrow, apresLedain, s. m. disdain. demain, the day after to-morrow. Dedans, s. m. inside. Demandant: part. pres. asking. D6dommagement, s. m. compen- Demande, s. f. reqruest. sation. Demander, v. a. and n. to ask, to Defaire, v. a. to undo, to defeat..-demand, to require, to need. Defaite, s. f. defeat. Demarche, s. f. gait, step. DMfaut, s. m. defect, au defaut de, se Demener, v. r. to struggle, to -for want of. strive. D6fendre, v. a. to defend. Demnenti, e, part. past, failed, disD6fier, v.a. to challenge, to dare. appointed, falsified. Defigurb, e, part. past, -disfigured. se Dementir, v. r. to fail. Defricher, v. a. to clear. Demeure, s. f. abode, dqwelling. DBfunt, e, adj. deceased. bemeurer, v. n. to remain, to live, Degager, v. a. to disengage. to stop. se DBgager, v.r. to dise7ngage one's Demi, e, adj. laf:, demi-heure, sef. - k (f-hAl?'. DICTIONARY. 227 A Demi, adv. half, by halves. I Dbrober, v. a. to rob, to take away. Demi-Voi6, e, half-veiled. se D6rober, v. a. to steal away, to Demoiselle, s. f. young lady. X disappear. Demon, s. in. demon, fiend. j D6rouler, v. a. to utbroll, to spread ]?noncer, v. a. to denounce. out. Denrre, s. f. provisions. se Ddrouler, v. r. to spread out, to Dent, s. f. tooth. uiroll. Depart, s. m. departure IDertigre, prep. de derribre, adv. DBp6cher, v. a. to dispatch. back of, behind, par derriere, se D6pbcher, v. r. to make haste. adv. behind. DBpendant, adj. dependent. Des, (contracted for, de les) of the, DBpendre, v. n. to depend on. frnom the, some. Depens, s. m. pl. expense. DBs, prep. from, since, at. dbs DBpeuplb, e, part. past, depopu- que. as soon as. lated. se Dsalt6rer, v. r. to quench thirst. Dbpit, s. m. vexation, pet. DMsastreux, m, dbsastreuse, adj. Diplaire, v. n. to displease. disastrouis. D6plaisir, s. m. grief, pain. Descendant, part. pres. descendDOplier, v. a. to unfold. ing. D6plorer, v. a. to deplore. Descendre, v. n. to descend. DBployant, part. pres. spreading, Descente, s. f. descent, going down. unfolding, displaying. Desert, e, adj. desert. DBployer, v. a. to display. D6sert, s. m. desert. DBplum6, e, part. past, stripped Ddsespdrant, part. pres. despairing. of feathers. Ddsespere, e, part. past. in deDepos6, e, part. past, laid down, spair. deposited. en D6sespbr6, as a mad person. D6poser, v. a. to deposit, to lay DisespBrer, v. n. to despair. down, to settle. se Dbsesp6rer, v. r. to despair. DBp6t, s. m. deposit. D6sespoir, s. m. despair; au ddsesDepouill1, e, past, part. stript, poir, in despair. bare. DBshirit6, e, past. part. disinherDepouiller, v. a. to str'ip, to divest. ited. DBpouilles, s. f pl. spoils. Dbsintbressement, s. m. disinterDepourvu, e, part. past, deprived. estedness. Ddpravation, s.f. depravity. DBsir, s. m. desire. se DBpraver, v. r. to become de- Desirer, v. a. to desire. praved. DBso1e, e, past. part. desolated. Depuis, adv. & prep. since, fr'om. Dhsolb, e, a/lj. desolate, sad, disDBracin6, past part. uprooted. tressed. D6raciner, v. a. to uproot. Despote, s. m. despot. Dir6glement. s.m. disorder, de- Despotisme, s. m. despotism. pravity. Desquelles, pl. of duquel. of Dernier, m. demibre, f. adj. last. which. 228 DICT IO NA RY. Desshchb, part. past. dried. Devoir, v. a. to owe, ought, shosdd, DessBcher, v. a. to dry. to be about to. Dessein, s. m. design. DBvorant, e, adj. devouring, rayDessert, s. m. dessert. enous. Dessiner, v. a. to draw, to sketch. D6vorer, v. a. to devour. au-Dessous prep. below, under. l1i Devotiement, s. m. devotion. dessous, adv. there on. Dhvouer, v. a. to devote. Dessus, adv. on it, therein; au- DextBrite, s. f. dexterity. dessus, above. Diable, s. m. devil. par-Dessus, prep. over, above. DiadBme, s. m. crown, diadem. Destin, s. m. destiny, fate. Diamant, s. m. diamond. D~stinee, s. f. destiny, fate. Diaphane, adj. transparent. Destiner, v. a. to destine, to intend. Dictame, s. m. dittany. (a plant.) DBtachement, s. m. detachment. Dieter, v. a. to dictate. Detacher, v. a. to detach, to un- Dictionnairet s. m. dictionary. bind. Dieu, s. m. God. Detail, s. m. retail; en detail, by? Differemment, adv. differently. retail. DitlTrer, v. a. to defer, postpone. Dterrniner, v. a. to determine. Difficile, adj. difficult. Dktour, s. m. turn, winding. Difforme, adj. deformed. Detourner, v. a. to turn away. Digne, adj. worthy, deserving. se DBtourner, v. r. to tur'n aside. Dignement, adv. worthily. DBtresse, s. f. distress. Dignite, s. f. dignity. DtirBner, v. a. to dethrone. Dimanche, s. ni. sunday. Ddtruire, v. a. to destroy. Diminuer, v. a. & n. to diminish. Detruit, e, part. past. destroyed. Diner, v. n. to dine. Deuil, s. m. mourning. Diner, s. m. dinner. Deux, adj. two; tous deux both. Dire, v. a. to say, to tell. Devancer, v. a. to precede, to out Directement, adv. directly. strip. Dirigeant, part. pres. directing.Devant, prep. before; par-devant, Diriger, v. a. to direct. adv. before; au-devant de, be- Disant, part. pres. saying. fore. Discernement, s. m. discernment. Developpement, s. m. unfolding, Discerner, v. a. to distinguish. developemenet. Discorde, s. f. discord. D6velopper, v. a. to develope. Discourir, v. n. to discourse. se Developper, v. r. to become de- Discours, s. m. discourse. veloped Discr6tion, s. f. discretion; i disDevenir,. v. n. to became, to become eretion, at will. of. Disgrace, s. f. disfrace. Devenu, e, past. part. become, be- Disparaitre, v. n. to disappear. come of. Disparu, e, part. past. disatppeared. Deviner, v. a. to divine, to guess. I Dispenser, v. a. to dispense with. Devoir, s. m. duLtty. Disperse, e. scattered, dispersed. DI CT IO N A V. 229 Disperser, v. a. to separate, to dis- Dominer, v. a. to rule, to govern, perse. to rise'up. Dispos6, e, part. past, disposed. Domingue, s. m. Domingo. se Disposer, v. r. to prepare. Dompter, v. a. to subdue, to tame, Disputant, part. pres. disputing. to cultivate. Disputer, v. a. and n. to dispute, to Don, s. m. gift. contend for. Done, conj. then, therefore. Dissimuler, v. a. to dissemble. Donnant, part. pres. giving. se Dissiper, v. r. to be dissipated, Donner, v. a. to give; donner sur, to be dispersed. | to overlook. Dissiper, v. a. to dissipate. se Donner, v. r. to give each other.'Distingu6, e, part. past, distin- Dont, pron. rel. of which, of whom, guished. whose, with whom, with which, Distinguer, v. a. to distingduish. from iWhich. Distraction, s. f. diversion. Dor6, e, part. past. gilded, gilt, Distraire, v. a. to divert, to dis- golden. tract. Dorer, v. a. to gild. Distrait, e, adj. distr'acted. Dormir, v. n. to sleep. Distribu6, e, part. past, distributed. Dos, s. m. back. Distribuer, v. a. to distribute. I)ouce, adj. (fem. of doux,) sweet, Dit, e, part. past, said, spoken, told. gentle. Divers, e, adj. variolus..Doucenment, adv. softly, gently. Diversement, adv. variously. Douceur, s. f. sweetness. Diversifie, e, part. past, diversified. Dou6, e, part. past, endowed. Diversit6, s. I: diversily. Douleur, s. f. pain, grief. se Divertir, v. r. to (divert one's self Douloureusement, adv. grievously. Divertissement, s. m. diversion. Douloureux, m. douloureuse, f. Divin, e, adj. divine. adj. painful, sad. Divinite, s. f. divinity. Doura, s. m. doura. Divism, e, part. past, divided. I Doutant, part. pres. doubting. Diviser, v. a. to divide. I Doute, s. m. doubt; sans doute, Dix, num. adj. ten. advr. no doubt. Dix-huit, num. adj. eighteen. Douter, v. n. to doubt. Dixaine, s. f. ten, half a score. Doux, m. douce, f. adj. sweet, mild, Docilite, s. f. docility. soft, gentle. Doigt, s. m. finger. Douzaine, s. f. dozen; demi-douDoit, ought, (from devoir.) zaine, half dozen. Domaine, s. m. domzain. Douze, num. adj. twelve. Dbme, s. m. dome, clupola. Dragme, s. f. dram. Domestique, s. mn. facmily, house- Dragon, s. m. drogon. hold. Dramatique, adj. dramatic. Domestique, s. m. and I: servant, Drame, s. m. drama. domestic. Drap, s. m. cloth. Domestique, adj. tame, domestic. Drapeau, s. m. flag, colors. 20 2,J0 DICTIONARY. Dresser, v. a. to set up, to set, to lay. s' Eclaircir, v. r. to clear. Droit, e, adj. right, straight; tout Eclair6, e, adj. enlightened, light. droit, directly. Eclairer, v. a. & n. to light, to give Droite, s. f. right hand; a droite, light. on the right. Eclat, s. m. splinter, splendor, glitDr6le, adj. droll, strange, drble ter, burst of laughter. d' idle, droll idea. Eclatant, e, adj. bright, glittering. Dromadaire, s. m. dromedaryy. Eclatant, part. pres. burstingforth. Dryade, s. f. dryad. Eclater, v. n. to break out, to burst, Du, (contracted for de le,) of the, to glitter. friom the, some. Eclipser, v. a. to eclipse. Dfi, e, part. past, owed, been obliged. Eclore, v. n. to' dawn: to open, to Due, s. m. duke. hatch. Duchesse, s. f. duchess. Eclos, e, part. past. opened. Duquel, pron. rel. of which, which. Ecole, s. f. school. Dur, e, adj. hard. Ecolier, s. m. scholar. Durant, prep. during. Economie, s. f. economie. Durde, s. f. duration. Ecorce, s. f. bark. Durer, v. n. to last, endure. Ecouler, v. n. toflow. Ecouter, v. a. & n. to listen. Ecraser v. a. to crush. E. 1 s' E crier, v. r. to cry out, to cry, to exclaim. Eau, s. f. water; eau-de-vie, brandy. Ecrire, v. a. & n. to write. Ebene, s. f. ebony. LEcrit, e, part. past. written. Eblouir, v. a. to dazzle. ]crit, s. m. writing. Eblouissant, e. adj. dazzling. Ecriture, s. f. writing, scripture. Ebranle, e. part past. shaken. Ecritures, scriptures. Ebranlement, s. m. shock. Ecrivain, s. m. writer. Ebranler, v. a. to shake, to move. s' Ecrouler, v. r. to fall down, to. be Ecaille, s. f. scale. - fallen dowzn. Ecarte, e, adj. separated. Ecueil, s. m. reef, rock. s' Echancrer, v. r. to scollop, to cuqt Ecumant, e, adj. foaming. in circularly. Ecume, s. f. foam. Echange, s. m. excharnge.. Ecumer, v. n. to foam. Echapper, v. a. to escape. Ecureuil, s. m. squirrel. Echarpe, s. f. scarf, dress. Ecurie, s. f. stable. EchauffR, e. part. past. gwarmed. Ecuyer, s. m. squire. Echelle, s. f. ladder, scale. Effacer, v. a. to efface. Echevelb, e. adj. dishevelled, with s' Effacer, v. r. to become effaced. dishlevelled hair. Effet, s: m. effect; en effet, in echo, s. m. echo, echoing. fact. Eclair, s. ir. Izghtning, flash of Effleurant, part. pres. touching uyiiglhning'. on. DICTIONARY. 231 Effleurer, v. a. to pass lightly over, Eloignement, s. m. distance, esto graze. trangement. Effrayant, e, adj. fearful, frighfful. s' Elloigner, v. r. to withdraw, to go Effraye, e, part. past. affrighted, farther off. aghast. Elysee, s. m. Elysium. Effrayer, v. a. to a'fright, to terrify. Emaill6, e, adj. enamelled. s' Effrayer, v. r. to be frightened. s' Embarquer, v. r. to embark. Effroi, s. m. fi-ight. Embarras, s. inm. embarrassment. E'froyable, adj. frightf6ul. EmbarrassB, e, part. past, obstructlgal, e, adj. equal. ed. Egalement, adv. equally. Embaume, e, part. past, embalmed. Egaler, v. a. to equal. Erlbelli, e, part. past, embellished. Egalit6, s. f. equality. Embellir, v. a. to embellish, to beauEgard, s. m. regard, respect. tifi. lEgare, e, part. past. wandering, s' Emboiter, v. r. to joint, to fit. lost, distracted. Embouchure, s. f. mouth, (of a Earer, v. a. to lead astray. river,) confux. s' Egarer, v. r. to wander, to err, to Embras6, e, part. past, set on fire, stray away, to become lost. inflamed. Egayer, v. a. to enliven, to make Ermbrassant, part. past, embracing. gay. Embrasser, v. a. to embrace. Eglise, s. f. church. Embuche, s. f. ambush. E oisme, s. m. egotism. Emeraude, s. f. emerald. Egypte, s. f. Egypt. Einigre, e, adj. and s. emnigrant. Egyptien, s. m. Egyptian. Emmener, v. a. to carsry away. Eh, int. oh! Emmielle, e, part. past, honeyed. s' Elancer, v. r. to spring, to shoot Emouvoir, v. a. to vmove, to stir uZp. up, todart. s'Emparer, v. r. to possess one's Elargi, e; adj. dilated, enlarged. self of. Elasticit6, s. f. elasticity. Empecher, v. a. to prevenbt, to AinElectricite, s. f. electricity. der. Elegance, s. f. elegance. Empire, s. m. emnpire. Elegant, e, adj. elegant. Emploi, s. m. enmployment, office, s' Elevant, part. pres. r'ising. euse. EMleve, s. m. and f. pupil, scholar. Employ6, e, part. past, employed. Elev6, e, part. past, elevated, raised. Employer, v. a. to employ. Elever, v. a. to bring up, to raise. Emporter, v. a. to carry awvay; s' Elever, v. r. to arise, to rise. 1' emporter, to excel. Elisa, s. f. Eliza. Empourpre, e, adj. purple, ermpurFloge, s. m. eulogy, praise. pled. s' Eloignant, part. pres. going Empreint, e, part. past, imprinted. away, becoming distant. Empresse, e, adj. eager, bus'ling. Eloignb, e, part. past, removed, re- Empressement, s. m. eagerness, mote. hast. 232 DI CCT I O N A RY. s' Empresser, v. r. to be eager for. Enfoncer, v. a. to plunge. Emprisonn6, e, part. past, impris- s' Enfoncer, v. r. to plunge down. oned. s' Enfuir, v. r. to run away, to fly. Empruntb, e, part. past, borrowed, Enfunmd, e, part. past, smoked, assumned. smoky. Enlu, e, part. past, moved, afclted. Engager, v. a. to engage. En, prep. in, as, like. s' Engager, v. r. to become engaged, En, pron. of it, of them, from it, to enter. froim them. Engloutir, v. a. to swallow up. Encablure, s. f. cable-length. s' Engloutir, v.. to be swallowed Enceinte, s. m. inclosure, circuit. up. Encens, s. m. incense. s' Engouffrer, v. r. to run in, to be Enchaine, e, part. past, chained. ingulfed. Enchantement, s. m. enec/antraent. Engourdi, e, adj. torpid, benumbed. Enchanter, v. a. to enchant. Engraisser, v. a. to fatten, to make Enchanteur, m. enchanteresse, f. fat. adj. enichanting. Enigme, s. f. enigma, riddle. Enclos, s. m. inclosure. Enivr6, e, adj. intoxicated. Enclos, e, part. past, inclosed. s' Enivrer, v. r. to become intoxicaEncore, (also) encor, adv. yet, ted. again, still, besides. Enjouement, s. m. playfulness. Encourager, v. a. to encourage. Enlace, e, part. past, entwined, inEncre, s. f. inek. terlaced. Encrier, s. m. inkstand. Enlever, v. a. to carry off, to take Endormi, e, part. past, at rest, away. asleep. Ennemi, s. m. enemy. Endormir, v. a. to cause to sleep. Ennoblir, v. a. to ennoble. s' Endormir, v. r. to fall to sleep, to Ennui, s. m. weariness, sorrow. sleep. s' Ennuyer, v; r. to be tired, to be Endroit, s. m. place. weary. Energie, s. f. energy. Ennuyeux, m. ennuyeuse, f. adj. Enfance, s. f. childhood, infancy. tiresome, wearisome. Enfant, s. m. and f. child. s' Enorgueiller, v. r. to be proud. Enfantin, e, adj. childish. Enorme, adj. enormous, huge. Enfer, s. m. hell, infernal regions. I EnormitB, s. f. vastness. Enferm6, e, part. past, shut up, in- I Enrayer, v. a. and n. to lock the closed. woheels of. Enfermer, v. a. to shut up. Enrichir, v. a. to enrich. Enfin, adv. finally, at last. Enseigner, v. a. to teach. Enflamm6, e, part. past, fiery, on Ensanglantb, e, part. past, bloody, fire. made bloody. s' Enflammer, v. r. to be inflamed. Ensemble, adv. together. Enfle, e, swcelled. Ensemble. s. mn. the wthole. Enfonce, e, part. past, svlnk. Ensevelir, v. a. to shroud, to bur,y. DI T I ON AR Y. 233 Ensuite, adv. then, afterwards. s' Entretenir, v. r. to keep, to conEntass6, e, part. past, crowded, verse with. heaped. Entretenu, e, part. past, mainEntassenen t, s. m. heap, piling zup. tained. Entasser, v. a. to heap, to pile up. Entretien, s. m. conversation, mainEntendant, part. pres. hearing. tenance. Entendre, v. a. to zunderstand, to Entrevoir, v.: a. to see partly, to hear. have a glimpse of. s' Entendre, v. r. to be understood. Entr' ouvert, e, part. past, opened Entendu, e, part. past, heard. in part. Enterre, e, part. past, buried. Entr' ouvrir, v. a. to open in part. Enterrer, v. a. to bury. Enveloppe, s. f. envelope. Enthousiasme, s. in. enthusiasm. Envelopp6, e, part. past, enveloped. Entier, m. entidre, f. adj. entire. Envelopper, v. a. to envelope. en Entier, adv. entirely. Envergure, s. f. spread of wings. Entihrement, adv. entirely, wholly. Envers, prep. towards. Entonner, v. a. to begin singing, to Envic, s. f. envy, desire. I sing. Envier, v. a. to envy. 1' Entour, adv. rouqed about. I Environ, prep. about. Entourer, v. a. to suLrroLund. Environn6, e, part past, surrounds' Entourer, v. r. to surround one's ed. self..Environner, v. a. to surround. Entrailles, s. f. bowels, tender feel- ] Environs, s. in. pl. environs. ings. s' Envoler, v. r. to fly away. Entrainer, v. a. to carry away, to i Envoyer, v. a. to send. draw along. 1Epais, se, adj. thick. Entrant, part. pres. entering. Epais, s. in. thicket. Entrav6, e, part. past, feltered. Epaisseur, s. f: thickness, denseness. Entraves, s. f. pl. fetters. Epaissir, v. a. to thicken. Entre, d' Entre, prep. among, be- s' Epanouir, v. r. to bloom, to gladtween. den. s' Entr'-aider, v. r. to aid each other. Elparne, s. f. parsimony, savings. Entre-bailler, v. a. to half-open, to Epargner, v. a. to save, to spare. set ajar. Eparpiller, v. a. to scatter. Entr6e, s. f. entr'ance, entry. IEpars, e, adj. scattered. Entrelacer, v. a. to interlace. Epaule, s. f. shoulder. Entremel6, e, part. past, intermin- Epee, s. f.'sword. gled. Eperdu, e, adj. distracted. Entreprendre, v. a. to undertake. Eperdument, adv. desperately. Entrepris, e, part. past, quldertaken. Eperon, s. m. sp-ur. Entreprise, g. f. enterprise. Epervier, s. m. hawk. Vntrer, v. n. to enter, to g(o in. EphminBre, adj. ephemeral. Entretenir; v. a. to m7aintaint, to I Ephhse. s. f. Eiphesuqs. keep u,p, to entertain. Epi. s. inm. ear of corn. 20* 234 DICTIONARY. Epiant, part. pres. spying.'Essaim, s. m. swarm. Epier, v. a. to watch, to spy out. Essayer, v. a. to try, to experience. Epilepsie, s. f. epilepsy. Essence, s. f. essence. Epingle, s.f. pin. Essentiel, s. m. essential, mailn Epouse, s. f: spouse, bride. point. Epous6, e, part. past, espoused. Essoufl6, e, part. past. out of breath. Epouser, v. a. to espouse. Essuyer, v. a. to endur'e, to wipe Epouvantable, adj. frightful. away. Epouvanter, v. a. to frighten, to Est, s. m.. east. terrify. Estime, s. f. esteem, respect. Epoux, s. m. spouse, husband. Estimer, v. a. to estimate, to esteem. Epreuve, s. f: trial. Estomac, s. m. stomach. Epris, e, adj. inflamed, smitten. Esturgeon, s. m. sturgeon. Eprouver, v. a. to prove, to ex- Et, conj. and. perience. Etable, s. f. stable. Epuisement, s. m. exhaustion. lEtabli, e, part. past, established. Epuiser, v. a. to exhaust. Etablir, v. a. to establish, tofix. Equilibre, s. n. balance. s' Etablissant, part. pres. establishEquipage, s. m. crew, habiliment. ing. Erable, s. m. maple. Etablissement, s. m. establishment. Errant, e, adj. & part. wandering. Etaler, v. a. to display. Errer, v. n. to wander, to rove, to E tang, s. m. pond. err. Etant, part. pres. being. Erreur, s. f. error. Etat, s.m. state, condition, profesEscalader, v. a. to scale, to climb. sion. Escalier, s. m. stair-case, steps, -tats-Unis, United States. stair. s. Et, m. summer. Escamoter, v. a. to pilfer away. Eteindre, v. a. to extinguish, to Escarp6, e, adj. steep, cragged. put ou0t. Esclave, s. m. & f. slave. - s' Eteindre, v. r. to be extinguished. Esope, s. m. Esop. Eteint, e, part. past, extinguished. Espagne, s. f. Spain. Etendard, s. m. standard. Espace, s. m. space. s' Etendre, v. r. to extend. Espalier, s. m. espalier. Etendu, e, extended. EspBce, s. f. kind. Etendue, s. f. extent. Esperance, s.f. hope. Eternel, le, adj. eternal, perpetual. Esp6rant, part. pres. hoping. Eterniser, v. a. to immortalize. Esperer, v. a. to hope. Etincelant, e, adj. sparkling. Espion, s. m. spy.' tinceler, v. n. to sparkle. Espoir, s. m. hope. Etincelle, s. f. spark. Esprit, s. m. mind, spirit, wit. es- Etoffe, s. f: stuz/; cloth. prit-de-vin, spirit of wine. Etoile, s. f. sta'r. Esquif, s. m. skiff: Etoile, e, adj. sta'rl. Essai, s.m. trial. 1Etonnant, e, adj. astonishing. D I CTI O NA RY. 2'5. EItonnement, s. m. astonishment. f Eviter, v. a. to avoid. Etonner, v. a. to astonish. Evoquer, v. a. to raise up. s' WEonner, v. r. to be astonished, to Exag6rer, v. a. to exaggerate. b(e concerned, to wonder. Exaltation, s. f. exaltation, pride. Etouffant, e, adj. sultry. Exalte, e, part. past, exalted. Etouffe, e, part. past, stifled, choked, Examiner, v. a. to examine. svuppressed. Exaucer, v. a. to hearken to, to Etouffer, v. a. to stifle, to suppress. hear. ELtourdi, e, past. past, stunned, Excellence, s. f. excellence, par giddy, confounded. excellence, adv. above all. Etourdir, v. a. to stun, to deafen. Exceplb, prep. except. Etourdissant, e, adj. stunninqg, as- Exces, s. m. excess. tounding. Excessif, m. excessive, f. adj. exEtrange, adj. strange. cessive. Etranger, s. m. stranger. Exciter, v. a. to excite. Etranger, m. etrangere, f. adj. Exclure, v. a. to erclude. foreigon, unknown. Exclusif; m. exclusive, f. adj. exEtranl6, e, part. past, strangled. clusive. Etrarigler, v. a. to strangle, to Excuser, v. a. to excuse. choke. Ex6cuter, v. a. to execute. Etre, v. n., to be. Exemple, s. m. example; a l' exEtre, s. m. being. emple, after the example. Etroit, e, adj. close, narrow. Exempt, e, adj. exempt. Etude, s. f: study. s' Exempter, v. r. to be exempt. Etudier, v. a. to study. Exer.ant, part. pres. exercising. Etudie, e, part. past,, studied. Exercer, v. a. to exercise. Etui, s. m. case. s' Exercer, v. r. to be exercised, to Eu, e, part. past, (of avoir) had. practice. Euphrate, s. m. Euphrates. Exhaler, v. a. to exhale, to breathe. Euripide, s. m. Euripides. Exiger, v. a. to demand, to reEuropeen, ne, adj. EuLropean. qruir e. Eux; pron. them, they, eux-mbmes, Exil, s. m. exile. themselves. Exister, v. n. to exist. 1Evangile, s. m. gospel. Expedient, s.m. expedient. Evanoui, e, part. past, in a swoon, Expirer, v. n. to expire. vanished away. Expliquer, v. a. to explain. s' Fvanouir, v. r. to vanish away. Explore, e, part. past, examined, s' Evaporer, v. r. to evaporate. explored. Eveille, e, part. past, awake, awak- Explorer, v. a. to examine, to ex. ened. plore. Eveiller, v. a. to awaken. ExposB, e, part. past, exposed. Evinement, s. m. event. Exposer, v. a. to expose. Eventail, s. m. fan. s' Exposer, v. r. to expose one's Eveque, s. mn. bisho p. self. 236 DI T IO NA R Y. ExprBs, adv. purposely, for the Fameux, m. fameuse, f. adj. faputrpose. Mous.'Exprimer, v. a. to express. Familier, m. familiere, f. adj. Extase, s. f. ecstacy. familiar. Exterieur, e, adj. exterior, out- Familierement, adv. familiarly. ward. Famille, s. f. family. Ext6rieur, s. m. exterior, outside. Fanatisme, s. m. fanaticism. Extraordinaire, adj. extraordinary. Fan6, e, adj. & part. withered. Extrbmit6, s. f. extremity. se Faner, v. r. to wither, to fade. Faneur, m. faneuse, f. s. haymaker. Fanfare,; s. f. flourish of a trumpet. Fanfaron, ne, adj. boastful. F. Fantaisie, s. f. fancy, humor. Fantastique, adj. fantastic. Fant6me, s. m. phantom. Fagade, s. f. front. Faquir, s. m. fakir, dervise. Face, s. f. face, en face, in front. Farce, s. f. farce. Facetie, s. f. facetiousness, hugmor. Farine, s. f. flour. Fach6, e, adj. displeased, sorry. Fatalit6, s. f fatality. Facile, adj. easy. Fatiguer, v. a. to fatigue, to tire. Facilement, adv. easily. Fatigue, s. f. fatigue. Facilit6, s. f. facility, ease. Faucher, v. a. to reap. Fapon, s. f. form, fashlion, way, A Faucille, s. f. sickle. la faton, in the manner. I1 Faut, v. imp. it is necessary, Factice. adj. factitious. must. Facult6, s. f. faculty. Faute, s. f. fault, error. Fade, adj. insipid, dull. Fauteuil, s. m. arm-chair. Fagot, s. m. fagot. Fauvette, s. f. linnet. Fagotin,'s. m. pug, monkey. i Faux, m. fausse, f. adj. false, ficFaible, adj.. weak, feeble. titious, counteqfeit. Faiblesse, s. f. weakness. Faux, s. f. scythe. Faim, s. f. hunger. Faveur, s. f. favor. Faire, v. a. to do, to make. Favorable, adj. favorable. se Faire, v. r. to take place, to be Favori, s. m. favorite. made. Favoriser, v. a. to favor. Faisant, part. pres. making. FBcond, e, adj. fruitful. Fait, s. m. deed, fact. Fecondite, s. f: fru'itfulness. Fait, e, part. past, made, done, Fceule, s. f. sedimenqt, flour, starch. formed. Feindre, v. a. to pretend, to feign. Faite, s. m. top, summit. FilicitB, s. f. felicity. Faix, s. m. burden. Femelle, s. f. female. Falaise, s. f. cli.t. Femme, s. f. woman, wife. Falloir, v. imp. to be necessary. Fendant, part. pres. cleaving. Fallu, c, part. 1-ast, been necessary. Fendre, v.'a. & n. to spllit, to cleave. DI CT IO N ARY. 237 Fendeur, s. m. cleaver. Fils, s. m. son, child. Fenetre, s.f. window. Fin, e, adj. fine. Fente, s. f. cleft, crevice. Fin, s. f. end, I la fin, at last. Fer, s. m. iron. Fini, e, part. past, finished. Ferme, adj. firm. Finir, v. a. to finish, to end. Fermenter, v. n. toferrmet. Fixe, adj. fixed. Fermer, v. a. to shbut, to inclose. Fix6, e, part. past, fixed. Fermet, s. f. firmness. Fixer, v. a. to fiz. Fermier, s. m. farmer. Flairer, v. a. to smell. Fermoir, s. mn. clasp. Flamant, s. m. flamingo. F6roce, adj. ferocious,fierce, cruel. i Flambant, e, adj. blazing. Fertiliser, v. a. to fertilize. Flambeau, s. m. JEambeau, taper. Festin, s. m. feast. Flamboyer, v. n. to shine. Feston, s. m. festoon. Flamme, s. f. flame. FBte, s. f. festival, feast. Flanc, s. m. flank, side. Feter, v. a. to celebrate with holi- Flattant, part. pres. flattering, day, to feast. fawning upon. Fetu. s. m. straw. i Flatter, v. a. toflatter. Feu, s. m. fire. Flatterie, s. f. jlattery. Feuillage, s. m. foliage. Flatteur, s. m. flatterer. Feuille, s. f. leaf. FlBche, s. f. shoot, sprout, arrow. Feuillbe, s. f. bower.. Flbchir, v. a. to bend, Feuillet, s. m. leaf. Fletri, e, part. past, faded, tarFibre, s. f. fiber. nished. Fibreux, m. fibreuse, f. adj. fi- Flbtrir, v. a. to tarnish. brous. Fleur, s. f. flower, ia fleur de, -even Ficelle, s. f. pack thread. with, a fleur de 1' eau, on a level Fidele, adj. faithful. with the water. Fidblement, adj. faithfqlly. Fleuri, e, part. past, flowery. FidBlit6, s. f. fidelity. Fleuve, s. m. a river. Fiel, s. m. gall. Flocon, s. m. flake,flock. Fier, m. fibre, f. adj. proud, bold. Flore, s. f. Flora. FiertB, s. f. pride, haughtiness. Floride, s. f. Florida.. Fibvre, s. f. fever. Flot, s. m. wave. Figure, s. f. figure, face. Flottant, e, adj. floating. Figurer, v. a. to figure, represent. Flotte, s. f, fleet. Fil, s. m. thread. Flotter, v. n. tofloat. Filament, s. m. filament, thread. Flux, s. m. flow,flowing,flux. File, s. f. row,/file, train. Foi, s. f. faith. Filer, v. a. to spiyn. Foire, s. f. fair,.market. Filet, s. m. small thread. Fois, s. f time, a la fois, at Filial, e, adj. filial. once, Fille, s. f: daughter, girl, petite- Folatre, adj. playful. fille, gralnd-dayghter. Folie, s. f: folly, foolishness, frenzy. 238 DICT IO N ARY. Folle, (fern. of fou;) mad, senseless, Fourrb, s. m. thicket, woods. foolish. Fourr6, e, past part. crowded, Fonction, s. f. duty, ofice,jfunction. dense. Fond, s. m. bottom, groundwork. Fourreau, s. in. scabbard, case. Fondateur, s. m. founder. Fourrure, s. f. fur, fur-lining. Fonder, v. a. to found. Foyer, s. m. hearth,fire. Fondre, v.n. to fall upon,. Fracas, s. in. crash, noise. Fontaine, s. f. fountain. Fragilit6, s. f. fJailty. Force, s. f. strength, A force, by Frai, s. m. spawn. means. Fraicheur, s. f. freshness, coolness. Fore6, e, part. past, forced. Frais, rn. fraiche, f. adj. fresh. Forcer, v. a. toforce. Frais, s. m. pl. expenses, cost. Fordt, s. f forest. Fraise, s. f. strawberry. Forge, s. f. forge. Franfais, s.m. Frenchman. Forgeron, s. m. blacksmith. Franqais, adj. French. Formant, part. pres. formisng. Franchir, v. a. to get over, to pass. Form6, e, part. past, formed. Franchise, s.f. frankness, fr'eedom. Forme, s. f. form. Frapper, v. a. to strike, to knock. Former, v. a. to form, se Former, FrayB, e, part. past, opened, markv. r. to beformed. ed. Formule, s. f. form, formula. Frein, s. m. bit, bridle, check. Fort, adv. very, very much. Frble, adj. frail. Fort, e, adj. strong. Fr6mir, v. n. to shudder, to murFortement, adv. strongly. Mur. Fortifier, v, a. to strengthen. FrBquemment, adv. frequently, Fortun6, e, adj. fortunate, happy. often. Fosse, s. f. hole, ditch, grave. Frequent, e, adj. frequent. Fou, m. folle, f. adj. mad, sense- FrBquentS, e, part. past, frequentless,foolish. ed. Foudre, s. m. & f thunder. Frhre, s.m. brother. Foudroyer, v. a. to thunderstrike. Fresque, s. f. fresco-painting. Fougueux, m. fougueuse, f adj. Fripon, s. m. rogue, cheat. fiery, unruly. Frisk, e, part. past, curlMd. Fouiller, v. a. to excavate, to dig, Frissonner, v. n. to shiver. to pry into. Frivole, adj. firivolous. Foule, adj. multitude. Frivolit6, s. f. frivolity. FoulS, e, part. past, trodden, trod. Froid, s. m. cold, adj. cold. Fouler, v. a. to tread. Froidement, adv. coldly. Fouet, s. m. whip. Froidure, s. f. cold. Fouetter, v. a. to whip. Froissement, s. m. rustling. Fourchette, s. f. fork. Froisser, v. a. to rumple, to bruise. Fournir, v. a. to furnish. Fromage, s. m. cleese. Fourrage, s. m. fodder, forage. Froment, s. m. w!,eat. Fourrager, v. a. toforage. Froncer, v. a. to ~'-owe,~,, to contract. DICTIONARY. 239 Front, s. m. forchead, brow, face. Garde, s; m. guard, keeper. FrontiBre, s. f. frontier. Carde, s. f. guard, care; prendre Frotter, v. a. to rub. garde, to. take care, to take se Frotter, v. r. to rub each other, heed. to strike. Garder, v. a. to guard, to keep. Fructifiant, part. pres. being fruit- Gardien, s. m. guardialn. Jul. Garni, e, part. past, furnished. Fruit, s. m. f'uit. Garnison, s. f. garrison. Fruitier, s. m. fruit-tree. Gascon, s. m. Gascon. Fugitif, m. fugitive, f. adj. figitive. Gaite, e, part. past, spoiled, deFuir, v. n. to fly. pravyed. Futmer, v. a. & n. to smoke. Gateau, s. m. cake. Fumrne, s. f. smoke. Gauche, adj. left, awkward; h FunBbre, adj. funereal, dismal.. gauche, adv. on the left, to the Funbrailles, s. f p!. funeral rites. left. Funeste, adj. fatal, sad. Gaulois, s. m. Gaul. Fureur, s. f. fury. Gaze, s. f: gauze. Furie, s. f. fury. Gazon, s. m. green tuif, grass. Furieux, m. furieuse, f. adj. fur- Gazouillement, s. m. warbling. ious. Geai, s. m. jay. Futile, adj. fiutile, frivolous. Geler, v. a. r n. to freeze. GBmeaux, s. m. pl. Gemini, twins. G6mir, v. n. to groan. G. G6missant, part. past, groaning. G6missement, s. m. groan. Gage, s. m. pledge. Gendre, s. m. son7-in-law. Gagner, v. a. to gain, to come over. GBnbalogie, s. f. genealogy, pediGai, e, adj. gay, lively. gree. Gaiete, s. f. gaiety, mirth. Gener, v. a. to obstruct, to reGain, s. m. gain, profit. strain. Gaine, s. f. sheath, scabbard. Gn6bralement, adv. generally. Gait6, s. f. gaiety, good humor. - Gnreusement, adv. generously. Galanterie, s. f. gallantry. Ggnbreux, m. genereuse, f. adj. GalBre, s. f. galley. generous. Galerie, s. f. gallery. Generosite, s. f. generosity. Galop, s. m. gallop. Genet, s. m. broom, furze. Galoper, v. n. to gallop. Gdnie, s. m. genius. Galvaniser, v. a. to galvanize. Genisse, s. f. heifer. Garanti, e, part. past, secured, Genou, s. m. knee. guaranteed. Genre., s. m. kind, species. Garantir, v. a. to guarantee, to Gens, s. in. people. secure. Gentilhomme, s. m. gentleman. se Gardant, part. pres. guarding GBographie, s. m. geography. against. Gerbe, s. f. sheaf 240 D ICT IO ARY. Germain, e, adj. cousin germain, Gofit, s. m. taste. first cousin. Gofiter, v. a. to taste. Germain. e, adj. & s. German. Goutte, s. f. gout, drop. Germanique, adj. German, GeGe- CGouvernement, s. m. government. manic. G(ouverner, v. a. to rule, to govern. Germer, v. n. to germinate, to bud. Gouverneur, s. m. governor. Geste, s. m. gesture, actioni. Grace, s. f. favor, pardon, grace, Gibier, s. m. game. thanzks. Gigantesque, adj gigantic, s. m. Gracieux, m. gracieuse, f. adv. gigantic size. graceful, gracious. Giraumont, s. m. pumpkin. Grade, s. m. rank, degree. Giroflbe, s. f. gilly-flower. Gradins, s. m. pl. rising seats. Giroflier, s. m. clove-tree. Gradus, s. m. gradus, dictionary Gite, s. m. lair, lodging. of prosody. Glagant, part. pres. freezing. Grain, s. m. corn, grain, kernel. Glace, s. f. ice. Graine, s. f. seed. Glac6, e, icy, chilling,frozen. Graisse, s. f: fat, grease. Glacer, v. a. to freeze. Gramin6es, s. f. pl. grasses. Glacial, adj. frozer, icy. Grand, e, adj. great, large, tall, Glacier, s. m. glacier. a.bundant. Gla9on, s. m. piece of ice, mass of Grandeur, s. f. greatness, granice. deour, length. Glaneur, s. m. gleaner. Granldir, v. n. lo grow, to increase. Glapissant, e, adj. yelping, cack- Grange, s. f. barn. ling. Grappe, s. f. bunch of grapes, clusGlissant, e, hdj. slippery. ter. Glisser, v. n. to glide. Gras, se, adj. fat. Globule, s. m. globule. Gratant, part. pres. scratching. Gloire, s. f. glory. Gravement, adv. gravely. Glorieux, m. glorieuse, f. adj. Graver, v. a. to engrave. g'lorious. Gravier, s. m. gravel. Glorifier, v. a. to glorify. Gravissant, part. pres. climbing. Gluau, s.m. lime-twig. Gravure, s. f. eengraving, cut. Golfe, s. m. gulf. Grec, s.m. Greek. Gommier, s. m. resinous plant. Grec, m. grecque, f. adj. Greek. Gondole, s. f. gondola. Grece, s. f. Greece. Gonfler, v. n. to swell. Greffe, s. f. graft. se Gonfler, v. r. to swell, to be Greffb, e, part. past, grafted. swollen. Grele, adj. slender, thin. Gorge, s. f. throat. Grenade, s. f. pomegranate. Gosier, s. m. throat, windpipe, Greve, s. s. f. strand strain. Griffe, s. f claw, fang. Gothique, adj. gothic. Grimace, s. f. grimace. Gouffre, s. m. abyss. Grimper, v. n. to climb, T ( r I O ARY. 241 Gris, e, adj. gray. Habit, s. m. dress, coat. Grisatre, adj. grayish. Habitant, s. m. inhabitant. Grondant, part. pres. muttering, Habiter, v. a. to inhabit. growling. Habitude; s. f. habit. Gronder, v. n. & a. to growl, to Habituel, le, adj. habitual. muttler, to scold. Hache, s. f. hatchet, axe. Gros, m. grosse, f. adj. big, large, Haie, s. f. hedge. en gros, by wholesale. Haine, s. f. hate, hatred. Grosseur, s. f. bigness, size. Hair, v. a. to hate. Grossier, m. grossi6re, f. adj. HIald, part. past, tanned, swarthy. coarse, clunsy. Haleine, s.f. breath, en haleine, Grossir, v. n. & a. to grow bigger, in breathing from exercise. to increase. Haletant, adj. and part. pres. Grossissant, part. pres. enlarging. panting. Grotesque, adj. grotesque. Hameau, s. m. hamlet. Grotte, s. f. grotto, cave. Harangueur, s. m. speaker, harGroupe, s. m. group. anguer. Groupe, e, part. past, grouped. HIardi, e, adj. bold, hardy. Gu.; s. m. ford, a gu6, by fording. Hardiesse, s. f. boldness, hardiGuBbre, s. m. Gueber, (fire wor- hood. shipper.) Hareng, s. m. herring. GuBre, adv. but little, seldom. Harmonie, s. f. harmony. G-u6ridon, s. m. stand. Harmonieux, m. harmonieuse, f. Guerir, v. a. to cure. adj. harmonious. Guerre, s. f. war. Hasard, s. m. chance, par hasard, Guerrier, m. guerriere, i: adj. war- accidentally. like. Hasarder, v. a. to risk, to hazard. Guerrier, s. m. warrior. Hate, s. f. haste, a la hate, in Gueule, s. f. mouth, jaws. haste. Gueux, s. m. begg0ar. se Hater, v. r. to make haste. Guide, s. m. guide. Hausser, v. a. to r'aise, to shrutg. Guid,'e, part. past, conducted. Haut, e, high, tall. Guider, v. a. to guide, to conduct. Haut, s. m. top, height. Guillotine, s. f. guillotine. en Haut, adv. above, up stairs, at Guinbe, s. f. guinea. the top. Guirlande, s. f. garland. la-Haut, above; tout haut, aloud. Hauteur, s. f. height; pride. He, int. ho! ah! H. HIbraique, adj. Hebrew. Hbbreu, s. m. Hebrew. Habile, adj. able. Hebreux, s. m. pl. Hebrewvs. Hahilet6, s. f skill. HElas! int. alas! Habillement, s. m. clothing. Hennir, v. n. to neigh. Habiler, v. a. to dress. Hennisant, part. pres. neighiisg. 21 242 DI CT IO N A RY. Hennissement, s. m. neighing. Huissier,. m. door-keeper. Henri, s. m. Henry. Huit, num. adj. eigkht. H16aut s. in. her(dl. FHuitibme, adj. eighth. Herbe, s. f. herb gross. Huitre, s. f. oyster. Hercu]e, s. m. Hercules. Hulotte, s. f. owl. H6risse, e, part. and adj. bristled, Humain, e, adj. humeane, Lhuman. rough. Humanit6, s. f. humanity. HBritage, s. m. heritage. H umblement, adv. humbly. H1ritier, s. m. heir. Hrumeur, s. f. humor, ill-huqmor. H6ro, s. m. hero. Humide, adj. humid, moist. H6roique, adj. heroic. Humiliant, e, adj. humiliating. Heure, s. f. hour, o'clock. Humilie, e, part. past, hurnmiliated. de bonne heure, early. Hune, s. f. top, (of a mast.) tout a 1' heure, presently. Hurlant, part. pres. howling. Heureusemient, adv. happily. Hlurlement, s. m. houl, howling. Heureux, m. heureuse, f. adj. a la Hussarde, adv. like the hessars. happy. Hutte, s. f. hut. Hibou, s. m. owl. Hydre, s. f. hydra. Hideux, m. hideuse, f. adj. hideous. Hymen, s. m. Hymen, marriage. Hippopotame, s. in. hippopotamus. Hymne, s. m. and f. hymn. Histoire, s. f. history, story. Historien, s. m. historian. Historiette, s. f. little story. Historiographe, s. m. writer qf his- Ichthyophage, s. m. fish-eater. tory. Ici, adv. here. Hiver, s. m. winter. Ideal, e, ideal. Homnre, s. m. Homer. IcIde, s. f. idea. Hommage, s. m. homage. Idol&tre, s. m. and f. idolater. -Homme, s. m. mran. Ignorant, e, s. ignorant one, ignoHIonn6te, adj. honest. ranz us. Honneur, s. m. hoeor. IgnorB, e, adj. senknown. Honorer, v. a. to honor. Ignorer, v. a. to be ignorant of. Honte, s. f. shamne. 11, pron. he, it. Honteux, m. honteuse, f: adj. Ile, s. f. isle, island. shamefeld, ashamed. Illimit6, e, adj. unlimited. Horreur, s. f. horror. Illustre, adj. illustrious. Hors, prep. out, except. Ilot, s. m. islet, small island. Hospitalite, s. f. hospitality. Ils, pron. they. H6te, s. m. host, gouest, tenant. Imaginer, v. a. to imagine. Hotel, s. m. mansion; maitre Iman, s. m. Iman, (a Mahometan d' h6tel, steward, major-domo. priest.) Hottee, s. f. basket-full. Imbecile, adj. and s. imbecile, fool. Housse, s. f: housing. s' Imbiber, v. r. to imbibe. Huile, S. f. oil. Imiter, v. a. to imitate. DICTIONARY. 243 Immediatement, adv. immediately. Incomparablement, adv. incomImmense, adj. immense. parably. Immensite, s. f. immensity. Inconcevable, adj. inconceivable. Immobile, adj. imzmoveable. Inconnu, e, adj. mnknown. ImmoderB, adj. immoderate. Inconsidbr6, e, adj. inconsiderate. Immondices, s. f. pl. impurities, Inconstance, s. f. change, inconfilth. stancy. Impassible, adj. impassive, insen- Inconstant, e, adj. inconstant,fickle. sible. Incorporel, le, adj. incorporeal. Imp6netrable, adj. impenetrable. Incr6dule, adj. incredulous. imperceptiblement, adv. impercep- In croyable, adj. incredible. tibly. Inde, s. f. India; Indes-OccidenImp6rial, e, adj. imperial. tales, West Indies. Imperissable, adj. imperishable. Ind6finissable, adj. indefinable. Imp6tueux, m. impetueuse, f. isa- Ind6pendance, s. f: independence. petnous. Ind6pendant, e, adj. independent. Imp6tuosit6, s. f impetuosity. Index, s: m. index, fore-finger. ImpiBt6, s. f. impiety. Indice, s. m. indication. Impitoyable, adj. unmerciful. i Indien, ne, adj. Indian. Implorer, v. a. to implore.' Indien, s. m. Indian. Inpoli, e, adj. impolite. iIndifflremment, adv. indiscrimiImporter, v. n. to import, to vmat- nately. ter. Indifferent, e, adj. and s. indi'erImportun, s. m. tiresome person. ent. Importun, e, adj. tiresome. Indignement, adv. unworlhtily. Importuner, v. a. to incommode, to s' Indigner, v. r. to be indignant. importune. Indiquer, v, a. to indicate, to show. Imposant, e, adj. imiposing. Indiscret, m. indiscrete, f. adj. inen Imposer, v. n. to impose on. discreet. Imprevu, e, adj. unfioreseen. Individu, s. m. individ.ual. Imprimer, v. a. to impress, to im- Indomptable, adj. untameable. print. Industrie, s. f. skill, indtstry, art. Imprimeur, s. m. printer. Industrieux, m. industrieuse, f. a 1' Improviste, adv. on a sudden. adj. industrious. Imprudemment, adv. imprudently. Ineffagable, adj. indelible. Imprudent, e, adj. impriudent. In-gal, e, adj. unequal. Impuissant, e, adj. impotent, weak. In6galit6, s. f. inequality. Inalt6rable, adj. unchangzeable. InBvitable, adj. inevitable, unavoidInattendu, e, adj. uneaxpected. able. Incendie, s. m. fire, bur'ning. Inexprimable, adj. inexpressible. Incertain, e, adj. unncertain. Infailliblement, adv. infallibly. Incline, e, adj. inclined. Infect6, e, part. past, infected. Incliner, v. a. to incline. Inferieur, e, adj. inferior, lower. Incommoder, v. a. to incommode. Infestb, e, part. past, infested. 244 DICTIONARY. Infidele, adj. faithless, false. s' Instruire, v. r. to learn, to instruct Infini, e, adj. infinite; a 1' infini, one's self. infin'itely. Instruit, e, part. past, informed. Infinitl, s. f. infinity, vast-deal. Insuffisant, e, adj. insufficient. Infirme, adj. infirm. Insulte, s. f. insult. Inflexible, adj. inflexible, ha/ri- Insulter, v. a. to insult. hearted. Intarissable, adj. inexhaustible. Influer, v. n. to influence, to have IntempBrant, e, adj. intemperate. an inflruence. Interdire, v. a. to prohibit. Informe, adj. unformed, misshapen. Interdit, e, part. past, prohibited. Informer, v. a. to inform. IntBressant, e, adj. interesting. Infortunb, e, adj. unffortunate. Intbresser, v. a. to interest. Infortune, s. f. misfortune. Interet, s. m. interest. IngD nu, e, adj. frank, ingenuous. Intirieur, e, adj. interior, inner Ingrat, e, adj. ungrateful. -part. Inhabite, e, adj. uninhabited. Interlocuteur, s. m. interlocutor. Inhumain, e, adj. inhuman. Intermediaire, adj. intermediate. Inhumanit6, s. f. inhumanity. Interpos6, e, part. past, interposed. Inintelligible, adj. unintelligible. Interpret6, e, part. past, interpreted. Initie, e, part. past, initiated. Interroger, v. a.. to interrogate. Injure, s. f. injury, insult, abuse. Interrompre, v. a. to interrupt. Injuste, adj. unjust. Interrompu, e, part. past, interInjustice, s. f. injustice, wrong. rupted. Innocent, e, adj. innzocent. Intervalle, s. m. interval. Inonder, v. a. to overflown, to deluge. Intime, adj. intimate. Inoui, e, adj. unheard of. Intrepidite, s. f. intrepidity. Inquiet, m. inquiete, f. adj. rest- Introduire, v. a. to introduce. less, unquiet. Introduit, e, part. past, introduced. Inquieter, v. a. to disquiet. Inutile, adj. useless. Inquibtude, s. f: anxiety. Inutilite, s. f. uqselessness. Inquisiteur, s. m. inquisitor. Inventant, part. pres. inventing. Insaisissable, adj. Lunbseizable, im- Inventer, v. a. to invent. perceptible. Inviter, v. a. to invite. Insecte, s. m. insect. Invoquer, v. a. to invoke. Insense, e, adj. se7nseless, mad. Iolof, s. m. lolof, negro of Senegal. Insigne, s. m. ensign. Iris, s. f. iris, rainbouw. Inspirb, e, part. past, inspired. Ironique, adj. ironical. Inspirer, v. a. to inspire. Ironiquement, adv. ironically Instant, s. m. moment, instant. Irregulier, m. irreguliBre, f. adj. Instituteur, s. m. tutor, teacher. irregular. Institutrice, s. f. inst'ructress. IrrBprochable, adj. irreproachable. Instructif, m. instructive, Lf adj. Irrite, e, part. past, irritated. instructive. Irriter, v. r. to become irritated. Instruire, v. a. -to instruct. Isaie, s. m. Isaiah. DICTIONARY. 245 Isis, s. Isis. Joncher, v. a. to strew. Islande, s. f. Iceland. Joue, s. f. cheek. Isold, e, adj. and part. past, soli- Jou6, e, part. past, played. tary, isolated. se Jouer, v. r. to sport, to play. Issue, s. f. outlet, egress. Jouet, s. m. toy, plaything. Italie, s. f. Italy. Joueur, s. m. player. Ivoire, s. m. ivory. Joug, s. m. yoke. Jouir, v. n. to enjoy, to possess. Jouissance, s. f. enjoyment. |.our, s. m. day, light, life. ~J. ]Journal, s. m. journal. Journee, s. f. day. Jadis, adv. of old, formerly. Juge, s. m. judge. Jaillir, v. a. to burst out, to gush Jugement, s. im. judgement. out. Juger, v. a. and n. to jtdge. Jalousie, s. f. jealousy, envy. Juin, s. m. June. Jaloux, m. jalouse,: adj. jealous, Junon, s. f..7Juno. Jamais, adv. ne jamais, never. Jupon, s. m. petticoat, dress. N jamais, forever. Jurer, v. a. and n. to swear. Jambe, s. f. leg. Jus, s. m. juice. Jardin, s. m. garden. Jusque, prep. till, until, to. Jardinier, s. m. gardener. jusqu' ici, until now, hitherto. Jaseur, nm. jaseuse, f. chatterer. jusqu'a ce que, until. Jasmin, s. m. jessamine. Juste, adj. rust. Jaunatre, adj. yellowish. Justesse, s. f. justness, correctness. Jaune, adj. yellow. Jaunissant, e, adj. turning yellow. Javelot, s. m. dart, javelin. Je, pron. I. Jean, s. m. John. Jeanne, s. f. Joanna. Khan, s. m. Khan. Jet, s. m. spout, jet.,Jetant, part. pres. casting. Jeter, v. a. to throw, to cast. L. Jeu, s. m. play, game, gaming. h Jeun, adv. fasting, without eat- L' for le or la, which see. inmg. La, adv. there, thither; lb-bas, there Jeune, adj. young. below; par 1a, by that. Jeunesse, s. f. youth. La. art. fern. the; pron. her, it. Joailler, s. m. jeweller. Laboratoire, s. m. laboratory. Joie, s. f. joy. Laborieux, m. adj. laborieuse, f. Joindre, v. a. to join. laborious. Joint, e, part. past, joined. Labour, s. m. plowing. Joli, e, adj. pretty. Labourage, s. m. tillage. 21* 246 DICTI ONARY. Labourer, v. a. to plow. Lave, s. f. lava. Laboureur, s. m. plowman. | Laver, v. a. to wash. Labyrinthe, s. m. labyrinth. Le, art. mas. the; pron. him, it. Lac, s. m. lake. Lecher, v. a. to lick. Lache, adj. base, loose. Leqon, s. f. lesson. Lacher, v. a. to loose, to let loose. Lecture, s. f. reading. Lachet6, s. f. cowardice, baseness. Leger, m. legere, f. adj. light, Laine, s. f. wool. slight. Laissant, part. pres. letting, hav- LBg-rement, adv. lightly. ing. LBgerete, s. f. lightness. Laiss6, part. past, left. Lgislateur, s. m. legislator, lawLaisser, v. a. to let, to leave, to al- giver. low. Legitime, adj. legitimate. Lait, s. m. milk. LBgitemement, adv. lawfully. Laitage, s. m. milk-food. LBgume, s. m. legume, greens, vegLambeau, s. m. rag, fragment. etables. Lame, s. f. thin plate, surge. Lendemain, s. m. next day, morLamenter, v. a. n. or r. to lament. row. se Lamenter, v. r. to lament. Lent, e, adj. slow. Lampe, s. f. lamp. Lentement, adv. slowly. Lance, s. f. lance. Lenteur, s. f. slowness. Lancer, v. a. to dart, to throw. Lequel, pron. rel. which, which one, Lande, s. f. uncultivated land. whom. Langage, s. m. language. 1 Lerne, s. f. Lerna. Langue, s. f. tongue, language. Les, art. pl. the; pron. them. Langueur, s. f. languor. Leste, adj. light, nimble. Languir, v. n. to languish. Lettre, s. f: letter. Languissant, e, adj. languishing. Leur, them, their, to them, from Laponie, s. f. Lapland. thene. Laquais, s. m. lackey, footman. Levant, part. pres. raising up. Lard, s. m. fat, blubber (of whales.) Lever, v. a. to raise, to remove. Laquelle, pron. rel. which. se Lever, v. r. to rise, to get up. Large, adj. wide. Lever, s. m. rising. Large, s. m. high sea; au large, Levier, s. m. lever. out at sea. LBvre, s. f. lip. Largeur, s. f. breadth. LBzard, s. m. lizard. Larme, s. f. tear. Liaison, s. f. joining, intimacy. Lasser, v. a. to weary, to tire. Liane, s. f. weed, vine. Lassitude, s. f. lassitude, weariness. Libbralit6, s. f. liberality. Latanier, s. m. macair-tree, latan- I Liberateur, s. m. liberator. ier. Libert6, s. f. liberty Lat6ral. e, adj. lateral, side. I Libre, adj. free. Latin, adj. Latin. Libye, a country of Africa, Libia. Laurier, s. m. laurel. Lice, s. f. list, field. DICTIONARY. 247 Licence, s. f. license, licentiousness. Lord, s. m. lord. Licorne, s. f. unicorn. Lors meme que, even when. Lie, e, part. past, bound, bound to- Lorsque, conj. when. gether. Lot, s. m. lot, portion. Ligge, s. m. cork. Louable, adj. laudable. Lier, v. a. to bind. Louange, s. f. praise. se Lier, v. r. to become attached. Louer, v. a. to hire, to let. Lierre, s. m. ivy. Loner, v. a. to praise. Lieu, s. m. place. Loup; s. m. wolf. Lieue, s. f. league. Lourd, e, adj. heavy. Ligne, s. f. line. Lourdement, adv. heavily. Ligneux, m. ligneuse, f. adj. woody. Louvetier, s. m. (public) wolfLilas, s. m. lilac. huenter. Limite, s. f. limit. Louvre, s. m. the Louvre. Limon, s. m. slime, noze. Lu, e, part. past, read. Limoneux, m. limoneuse, f. mud- Lueur, s. f glimmer, light. dy/. Lugubre, adj. doleful. Limpide, adj. clear, limpid. Lui,-pron. he, him, to him, to her, to Lin, s. m. flax, lint, linen. it; lui-mdme, himself. Linge, s. m. linen. Luire, v. n. to shine, to gleam, to Lion, s. m. lion. glitter. Liqueur, s. f. liquor. Lumiere, s. f. light. Lire, v. a. to read. - Lumineux, m. lumineuse, f. adj. Lisieres, s. f. pl. borders. luminous. Lit, s. m. bed. Lundi, s. m. Monday. Litt6raire, adj. literary. Lune, s. f. moon. Livide, adj. livid, black. Lunettes, s. f. pl. spectacles. Livre, s. m. book. Lusitanique, adj. Port guese. Livre, s. f. pound. Lustr6, e, part. past, glossy. Livrer, v. a. to deliver. Lustre, s. m. lustre, splendor. Loger, v. n. to lodge. Lutte, s. f. struggle, wrestling. Logis, s. m. house, lodging. Lutter, v. n. to struggle, to wrestle. Loi, s. f. law. Luxe, s. in. li.xury. Loin, adv. far; au loin, far o7ff Lys, also lis, s. m. lily. Lointain, e, adj. distant, far off Loisir, s. mn. leisure. Londres, s. m. London. Long, ue, adj. long. M. Long, s. m. length. le long de, prep. along. M., contracted for Monsieu;r. au long, along. Machoire, s. f. jaw. Long-temps, adv. long, for a long Madame, s. f. madam. time. i Mademoiselle, s. f. miss. Longueur, s. f. length. I Mages, s. m. pl. magi, wise men. 248 D I T I O N A R-Y. Magicien, s. m. magician. Maimelle, s. f. breast, teat. Magie, s. f. magic. Mameluk, s. m. iarnmeluke. Magistrat, s. m. magistrate. Manche, s. f. sleeve, Britislh ChanMagistrature, s. ft magistracy. nel. Magnanimit6, s. f. magnanimity. Mander, v. a. to write word, to Magnifique, adj. magnificent. wite, to send for. Magnifiquement, adv. Magnifi- I Man6ge, s. m. horsemanship. cently.'Manger, v. a. to eat. Mai, s. m. May. Manger, s. m. food. Maigre, adj. lean, thin. Mangle, s. m. manglier, mangroveMain, s. f. hand; a la main, in tree. hand. Mangue, s. f. mango. Maintenant, adv. now. Manier, v. a. to handle, to manage. Maintenu, e, part. past. main- Maniere, s. f. manner, way. tained. de maniere, in sucA a way. Maintien, s. m. deportment, sup- Manifeste, adj. manifest. port. Manifestement, adv. manifestly. Mais, s. m. Indian-corn, maize. Manifester, v. a. to nanifest. Mais, conj. but. Manioc, s. m. manioc. Maison, s. f. house. Manoir, s. m. manor, mansion. Maitre,-s. m. master. Manquer, v. n. to fail. Maitresse, s. f. mistress, Manteau, s. m. cloak. Maitriser, v. a. to masler. Mantille, s. f. a woman's mantle. *MajestY, s. f. majesty. Manuscrit, s. m. manuscript. Majestueux, m. majestueuse, f.i Maquereau, s. m. mackerel. adj. majestic. Marais, s. m. marsh. Mal, adv. badly, ill. Marbre, s. m. nmarble. Mal, s. m. evil, disease; pl. maux, Marchand, s. m. merchant; marMalabar, e, adj. of Malabar. chand en gros, wholesale dealer. Malade, adj. and s. sick, sick per- Marchant, part. pres. walking. son. Marche, s. f. walk, walking, march. Male, s. m. male. le. Marchb, s. m. market, bargain. Malgr6, prep. in spite of, notwith- Marcher, v. n. to walk, to go. standing. i Marceage, s. m. swamp, fen. Maheur, s. m. misfortune, evil. Marecageux, m. marecageuse, f: Malheureux, m. malheureuse, f. adj. marshy, fenny. adj. unhappy. Marechal. s. m. marshal; mareMalheureux, s. m. wretcA, uqnfortu- chal-de-camp, lieutenant-general. nate one. Marguerite, s. f. M]argaret. Malice, s. f. malice. Mari, s. in. husband. Malin, m. maligne, f. adj. mali- i Mariage, s. m. marriage. cious, roguish, teasing. Marie, s. f. Mary. Malpropre, adj. slovenly, uqnclean. Marier, v. a. to marry. Maman, s. f: mama, mamma. se Marier, v. r. to be married. DI CTI O NARY. 249 Marin, e, adj. marine, of the sea. Mediter, v. a. and n. to meditate, Marine, s. f. sea affairs, navy. to consider. Marque, s. f. mark. MBditerrannee, adj. inland, lledMarquer, v. a. to mark, to show. iterranean. Marquis, s. m. marquis. Meilleur, e, adj. better, (with art,) Marquisat, s. m. marquisate. best. Marron, ne, adj. fugitive, run- M61ancolie, s. m. melancholy. away. | Melancolique, adj. melancholy. Marronnier, s. m. chestnut-tree, (of| Melange, s. m. mixture. a large kind of fruit.) Melodie, s. f. melody. Marsouin, s. m. porpoise, sea-hog. MBlodieux, m. m6lodieuse, f. adj. Martial, e, adj. martial. melodious. Martyre, s. m. martyrdom. MeblB, e, part. past, mixed, minMartyrise, e, part. past, made to gled; se meler, v. r. to mingle, sitfefr martyrdom. | to become mingled. Masque, s. m. mask. M6me, same, self, even; de meme, Masquer, v. a. to mask, to conceal, in the same manner. to cover. MBmoire, s. m. memorial; pl. meMassacrer, v. a. to massacre. moirs. Masse, s. f. mass, lump. Memoire, s. f. memory. Mat, s. m. mast; mat de hune, top- Menaqant, e, adj. threatening. mast. Menace, s. f. threat. Matelas, s. m. mattress. Menacer, v. a. to threaten. Matelot, s. m. sailor. MBnage, s. m. housekeeping. Matbriaux, s. m. pl. materials. MBnager, v. a. to husband. Maternel, le, adj. maternal. Menagerie, s. f. menagerie. MatiBre, s. f. material. Mendiant, s. m. beggar. Matin, s. m. morning; le matin, Mener, v. a.' to conduct, to lead, to in the motrning. bring. Matrone, s. f. matron. Mensonge, s. m. falsehood, lie. Maudire, v. a. to curse. Mensonger, m. mensongere, f. adj. Maudit, e, adj. cur'sed. deceitfitd. Maure, s. m. Moor. Menteur, m. menteuse, f. adj. false, Mauvais, e, adj. bad. lying. Maux, pl. (of mal) evils. Mentir, v. n. to lie. Maxime, s. f. maxim. Menu, e, adj, small, minute. MWcanique, s. f. mechanics. Mepris, s. mn. contempt. Mlchant, e, adj. wcicked. M6priser, v. a. to despise. MBche de cheveux, lock of hair. Mer, s. f. the sea. MBcontent, e, adj. dissatisfied. Mercure, s. m. Mercury. MBdecin, s. at. physician. MBre, s. f. mother. MBdiatement, adv. mediately. Mridional, e, adj. southern. MBdiocre, adj. middlilng, ordinary. Merinos, s. m. Spanish sheep. MBdiocrite, s. f. mediocrity. MWrite, s.- m. merit. 250 DICTIONARY. Meriter, v. a. to merit. Ministre, s. m. minister, servant. Merle, s. m. black-bird. Miracle, s. m. miracle. Merveille, s. f. wonder; I mer- Miraculeux, m. miraculeuse, f. veille, admirably. adj. miraculous. Merveilleux, m. merveilleuse, f. Mire, s. f. aim, coin de mire, adj. wonderful. aiming-wedge. Mes, adj. (plu. of mon) my. Mirza, s. m. mirza. Messe, s. f. mass. Mirzasse, s. f. afemale of the rank Messieurs, s. m. plu. gentlemen, of a mirza. sirs. Mis, e, part. past, (of mettre,) put, Mesure, s. f. measure; h mesure set. que, in proportion as. Mis6rable, adj. miserable. Mesurer, v. a. to measure. Miserable, s. m. wretch. M6tairie, s. f. establishment, farm. Mis6rablement, adv. miserably. Mvtal, s. m. metal. Misbre, s. f. misery. Mets, s. m. dish. Mis6ricorde, s. f. mercy. Mettre, v. a. to put, to place, to put Mobile, adj. movable, changing. on. Mode, s. f. fashion, mode; A la Meuble, s. m. furniture. mode, in thefashion. Meuglement, s. m. bellowing. Modble, s. m. model. Meurtri, e, part. past, bruised. Modeler, v. a. to model. Meurtrier, s. m. murderer. Moderne, e, adj. modern. MeurtriBre, s. f. murderess. Modeste, adj. modest. Miche, s. f. loaf. Modestement, adv. modestly. Midi, s. m. south, noon, mid-day. Modestie, s. f. modesty. Miel, s. m. honey. Modifier, v. a. to modify. Mieux, adv. better; le mieux, the Modique, adj. moderate. best. i Meurs, s. m. pl. manners, morals. Mil, s. m. millet. Moi, pron. 1, me, tome; moi-meme, Milieu, s. m. middle, midst; au, myself milieu, in the midst. Moindre, adj. less; le moindre, Militaire, adj. and s. military, sol- i the least. dier. Moineau, s. m. sparrow. Mille, num. adj. a thousand. Moins, adv. less, au moins, at Millier, s. m. thousand. least, a moins que, unless. Million, s. m. million. Moire, s. f. changeable, colored Milon, s. m. Milo. stuff. Mince, adj. slender, thin. Mois, s. m. month Mine, s. fi: mine, ore, look; mine Moisson, s. f. harvest. d' argent, silver ore. Moissonner, v. a. to mow, to Miner, v. a. to mine. reap. Min6ral, s. m. mineral. Moissonneur, s. m. m2ower, reaper. Mineur, s. m. miner. Moitie, s. f.' half, A moiti6, in Minuit, s. m. midnight. part. DICTIONARY. 251 Molle, adj. (fem. of mou,) soft, Mot, s. m. wor'd. gentle. Motif, s. m. motive. Mollement, adv. softly, gently. Mou, m. molle, f. adj. soft, gentle. Mollesse, s. f. softness. Mouche, s. f. fly. 1lomie, s. f. mummy. Mouche-asyle, s. f. ox-fly. Monarchie, s. I: monarchy. Mouille, e, part. past, wet. Monarchique, adj. monarchical. Mouiller, v. n. to come to anchor. Monarque, s. m. monarch. Moulin, s. m. mill. Monde, s. m. world, people. Moulinet, s. rm. windlass, stick for Monotone, adj. mono onous. chocolate. Monseigneur, s. in. my lord. Mourant, e, adj. dying,fading. Monsieur, s. m. sir, gentleman, Mourant, s. m. dying man. mister. Mourir, v. n. to die. Monstre, s. m. monster. Mousquet, s. m. musket. Mont, s. m. mountains. Moussache, s. f. mnoussache. Montagne, s. f. mountairn. Mousseline, s. f. muslin. Mont6, e, part. past, mounted. Mousser, v. n. to froth. Monter, v. a. & n. to go up, to Mouton, s. m. wether, sheep. mount. Mouvement, s. m. motion, moveMontre, s. f. watch. ment. Montrer, v. a. to show, to exhibit. Mouvoir, v. a. to move. Monture, s. f. saddle-horse, mount- Moyen, s. m. means, way; au moing. yen, by means. se Moquer, v. a; to mock, to ridi- Muet, te, adj. mute. cule, to jest. Mugir, v. n. to bellow, to roar. Moqueur, m. moqueuse, f. adj. i Mugissant, e, adj. roaring. mocking. Miulet, s. m. mule. Moral, e, adj. moral. Multipli, e, part. past, multiplied. Morale, s. f. morality. Multiplier, v. a. to multiply. Moraliste, s. m. moralist. Muni, e, part. past, furnished Morceau, s. m. piece, bit. with. Mordienne, a la mordienne, adv. Mur, s. m. wall. frankly, bluntly. I Mur, e, adj. mature, ripe. Mordre, v. a. to bite. Muraille, s. f. wall. More, s. m. moor, negro. MAlri, e, part. past, matured. Morne, s. m. bluff, mount. Murmurant, part. pres. mur'murMorsure, s. f. biting, bite. ing. Mort, s. f. death. Murmure, s. m. murn'mur. Mort, e, part. past, died, dead. Murmurer, v. n. to murmur. Mort, s. m. dead body. Mluscade, s. f. nutmeg. Mortel, e, adj. & s. mortal, deadly. MTuscle, s. m. nuscle. Mortier, s. m. mortar. Muse, s. f. muse. Mortifier, v. a. to mortify. Museau, s. m. muzzle, snout, Morue, s. f. cod, codfish. mouth. 252 D I CTI O ARY. Musicien, s. m. musician. N6buleux, m. nebuleuse, f. adj. Musique, s. f. music. cloudy. Mutilb, e, adj. mutilated. N6cessaire, adj. necessary. Mutuel, le, adlj. mutual. N6cessit6, s. f. necessity. Mutuellement, adv. mutually. Nectar, s. am. nectar. Myrrhe, s. m. myrrh. N6gliger, v. a. to neglect, Mystbre, s. m. mystery. NBgre, s. m. negro. Myst6rieux, m. myst6rieuse, f Negresse, s. f. black woman, neadj. mysterious. gress. Mystique, adj. mystic. Neige, s. f. snow. N6me, e, adj. Nemean. Nerf, s. m. nerve. N. Nerveux, m. nerveuse, f. adj. nervous. Nage, s. f. swimming; a la nage, Nettement, adv. clearly. by swimming; en nage, in a Neuf, num. adj. nine. sweat. Nez, s. m. nose. Nageant, part. pres. swimming. Ni, conj. nor, neither. Nager, v. n. to swim, to float. -Niais, e, adj. silly. Nageur, s. m. swimmer.,Nid, s. in. nest. Naif; n. naive, f. adj. artless. Nier, v. a. to deny. Nain, e, s. m. & f. dzoarf. Nil, s. m. Nile. Naissance, s. f. birth. Ninive, s. f. Ninetah. Naissant, e, adj. newly-born, ri- Noble, adj. noble. sing, budding. Noblesse, s. i: nobility. Naitre, v. n. to be born, to spring Noce, noces, s. f. wedding, nup-.up. tials. Naivete, s. f. simplicity. Noir, e, adj. black, s. m. black. Narine, s. f. nostril. Noisetier, s. m. hazel-tree. Natal, e, adj. natal, native. Nom, s. m. name. National, e, adj. national.:Nombre, s. m. number. Natte, s. f. mat. Nombreux, m. nombreuse, f. adj. Naturel, s. m. disposition, temper. nu merous. Naturel, le, adj. natural. N Nomme, e, part. past, named. Naturellement, adv. naturally. Nonimer, v. a. to name, to call. Naufrage, s. m. shipwreck. se Nommer, v. r. to be named. Navette, s. f. wild tqurnip, shuttle. Non, adv. no, not. Navigateur, s. m. navigator. Nonchalant, e, adj. careless, negNe, adv. (with pas or point,) no, ligent. not, (with qlte after the verb,) Nord, s. m. north. but, only. Normandie, s. f. Normandy. N6, e, part. past, of naitre, born. Nos, poss. adj. (pl. of notre,) our. NTanmois, conj. nevertheless. Note. s. f. note, notice, remark. N6ant, s. m. nothing. Noini, e, part. past, tied,fastened. DICTIONARY. 263 Nourri, e, past. past, owurished, Observateur, s. m. observer. 1:..'. I s' Obstiner, v. r. to be obstinate, to Nourrir, v. a. to nourish. I insist on. Nourrissant. e, adj. nourishing. Obtenir, v. a. to obtain, to get. Nourrisson, s. m. nursling, child Occident, s. m. occident, west. at the breast. Occidental, e, adj. western. 1Nqourriture, s. f. nourishment, food. Occuper, v. a. to occupy. zNous, pron. pers. we, us, to us. Odeur, s. f. odor, fragrance. Nouveau, m. nouvelle, f. adj. Odieux, m. odieuse, f. adj. odious. new. i Odorant, e, adj. fragrant. de Nouveau, adv. anew, again. (Eil, s. m. (pl. yeux,) eye. Nouvelle, s. f. news. - illet, s. n. carnation, pink. Noyau, s. m. fruit-stone. (Euf, s. m. egg. Noyer, v. a. to drown. ZEuvre, s. f. & m. work. Noyer, s. m. walnut-tree. Offens6, e, part. pres. oyfnded. Nu, e, adj. naked, destitute; nu- i Ofenser, v. a. to oqend, to hurt. pieds, barefoot.! Officier, s.m. officer. Nuage, s. m. cloud, mist. Offrant, part. pres. oftering. Nuance, s. f. shade.! Ofiir, v. a. to ofB'r. Nuance, e, part. past, shaded. i.Oiseau, s. m. bird. Nue, s. f. cloud. Oiseau-mouche, s.. hummingNube, s. f. cloud. bird. Nuire, v. n. to hzurt. Oiseleur, s. m. bird-catch/er, fowler. Nuisible, adj. hurtful. Oisif, m. oisive, f. adj. idle. Nuit, s. f. night; la nuit, in the Olivatre, adj. olive-colored. night. Olivier, s. m. olive-tree. Nul, le, adj. no, not any; nulle Olympe, s. m. Olympus. part, nowhere. Ombrage, s. m. shade, shadow. Nuptial, e, adj. nuptial. Ombrager, v. a. to shade. Ombre, s. f. shade, spirit. )n, pron. one, they, people, we. 0. I Once, s. f. ounce. Onde, s. f. wave, water. Obbir, v. n. to obey. O)ndee, s. f. shower. Objet, s. m. object. Ondoyant, e, adj. waving. Obliger, v. a. to oblige, to compel. Ondulation, s. f. undulation, wavObliquit6, s. f. obliquity. ing. Obole, s. f. obolus, (a coin.) Onereux, m. on6reuse, f. adj. burObscur, e, adj. obscuire. densome. Obscurci, e, part. past. obscured, Ongle, s. m. nail, claw, talon. dimmed. Opiniatre, adj. obstinate. Obscurcir, v. a. to obscure. Opiniatrete, s. f. obstinacy. Obscurit6, s. f. obscurity, darkness. Oppose, e, adj. opposite. Observant, part. pres. observing. Opposer, v. a. to oppose. 254 D ICTIONARY. h 1' Opposite, adv. opposite. Ouate, s. f. wadding, fine cotton. Or, s.m. gold. i Oublier, v. a. toforget. O)rage, s. m. storm.. Ouest, s. m. west. Orageux, m. orageuse, f. adj. Ouie, s. f. hearing. stormy. Ouir, v. a. to hear. Oranger, s. m. orange-tree. Ouragan, s. m. hurricane. Orchestre, s. m. orchestra. Ourdir, v. a. to warp, to plot. Ordinaire, s. m. mail. Ours, s. m. bear. Ordinaire, adj. ordinary, common; Outil, s. m. tool. pour 1' ordinaire, most corn- Outre, prep. beyond, out, of. monly; d' ordinaire, commonly. Outre que conj. besides that. Ordinairement, adv. generally, Ouvert, e, part. past, (of ouvrir,) commonly. opened, open. Ordonner, v. a. to order, to com- Ouvertement, adv. openly. mand, to arrange. Ouverture, s. f. opening. Ordre, s. m. order. Ouvrage, s. m. work, business. Oreille, s. f: the ear. Ouvrier, s. m. workman. Organe, s. m. orzg',. Ouvrir, v. a. to open. Orge, s. f. barley. s' Ouvir, v. r. to open. Orgue, s. m. o'gan. Ovipare, adj. oviparous. Orgueil; s. m. pride. Orgueilleux, m. orgueilleuse, f. adj; proud. P. Orient, s. m. orient, east. Oriental, e, adj. oriental, eastern. Pacha, s. m. pacha. Oriental, s. m. oriental, pl. orien- Pacifique, adj. pacific, peaceable. tals. Pacte, s. m. compact. Originaire, adj. native. Pactole, s. m. Pactolus. Orignal, s. m. elk. Page, s. m. page. Originalit6, s. f. originality. Pagne, s. m. a sort of cotton drawOrmeau, s. m. elm. ers. Orn6, e, part. past, adorned. Paille, s. f. straw. Orner, v. a. to adorn. Paillette, s. f. particle, spangle. Ornement, s. m. ornament. Pain, s. m. bread, loaf. Orphelin, e. a. orphan. Pair, s. m. peer. Ortolan, s. m. ortolan, (a bird.) Paisible, adj. peaceable. Os, s. m. bone. Paisiblement, adv. peacefully. Oser, v. a. & n. to dare. Paitre, v. a. to graze. Oter, v. a. to take away, to take Paix, s.f. peace. 0ff: | Palais, s. m. palace. Ou, conj. or, either. I Pale, adj. pale. Oh, adv. where, pron. rel. in Palir, v. n. to become pale. which; d' ou, whence, from which; Palissade, s. f. palisade. par-oul, by which way. Palrnier, s. m. palm-tree. DICTIONARY. 255 Palmiste, s. m. palm-tree. Parlement, s. m. parliament. Palpable, adj. palpable. Parler, v. n. to speak, to talk. Pampre, s. m. vine-branch. | Parmi, prep. among. Pan, s. m. flap, face, fri-ont. Paroi, s. f. partition, side. Panier, s. m. basket. Parole, s. f. word, speech; homme Pantalon, s. m. pantaloons. de parole, man of his word. Pantoufle, s. f. slipper. Parrain, s. m. sponsor, godfather. Papier, s. m. paper. Parseme, part. past, strown, covPapillon, s. m. butterfly. ered. Papillote, s. f. curl-paper (for the Part, s. f. part. hair.) Partage, s. m. share, lot. Paquebot, s. m. packet-boat. Partage, e, part. past, parted, diPaquet, s. m. bundle, parcel. vided. Par, prep. by, at, in. Partager, v. a. to divide, to share. Paradis, s. m. paradise. Parti, s. m. party, match. Paraitre, v. n. to seem, to appear. Participer, v. n. to partake, to parParallble, s. f. parallel. ticipate. Paralyser, v. a. to paralyse. Particularit6, s. f. particulars, peParalysie, s. f. palsy, paralysis. culiarity. Parapluie, s. m. umbrelZa. Particulier, m. particuliBre, f. adj. Parasange, s. f. parasang. particular; en particulier, by Parc, s. m. park. one's self. Parce que, conj. because. Particuli6rement, adv. particuParchemin, s. m. parchment.. larly. Parcourant, part. pres, surveying, Partie, s. f. part, party; en partie, passing over. in part. Parcourir, v. a. to run over, to Partir, v. n. to set out, to depart, to pass through. go forth. Parcouru, e, part. past, gone over, Partisan, s. m. partisan. run over. Partout, adv. every where. Pardienne! int. myfaith! Parure, s. f. dress, attire. Pardon.-er, v. a. to pardon. Parvenir, v. n. to arrive, to attain, Par6, e, part. past, adorned, set to reach. off. Parvenu, e, part. past,' arrived, bePareil, le, adj. like. ing come. Parent. e. s. m. & f. relatio~n. Pas, adv. not. Parer, v. a. to adorn, to attire. Pas, s. m. step. Parfait, e, adj. perfect. Passage, s. m. passage, passing. Parfuium s. m. perfume. Passager, s. m. passenger. Parfumer, v. a. to perfume. Passant, pr. part. passing. ParhBlie, s. in. mock-sun. Passant, s. m. passenger. Pari, s. m. bet, wager. Passe, e, past part. passed. Parier, v. a. & n. to bet. Passb, s. in. past. Parlant, part. pres. speaking. Passer, v. a. to pass. 266 DICTIONARY. se Passer, v. r. to take place, to P6n6trer, v. a. and n. to penetrate. happen. P6nible, adj. painful, toilsome. Passereau, s. m. sparrow. PNniblement, adv. painfully. Passionnb, e, adj. impassioned. Pensant, part. pres. thinking. Passionn6ment, adv. passionately. Pens6e, s. f. thought. Pasteur, s.-m. pastor, minister. Penser, v. n. to think. Patate, s. 1f potato. Pente, s. f. declivity, slope. Pate, s. m. pie, pastry. Ppinibre, s. f. nursery. Paternel, le, adj. paternal. Perrant, part. pres. piercing. PAtre, s. m. shepherd. Pergant, e, adj. shrill, sharp. Patrie, s. f. native land. Percer, v. a. to pierce. Patrimoine, s. mr. patrimony. Perche, e, part. past, perched. Patron, s. m. patron, commander. Percher, v. a. to perch. Patte, s. f: claw. Perdant, part. pres. losing. Pature, s. f. food. Perdition, s. f. destruction, wreck, Pauvre, adj. poor. going to wreck. Pauvrement, adt. poorly. Perdr'e, v. a. to lose, to destroy. Pauvrete, s. f. poverty. Perdrix, s. f: partridge. Paver, v. a. to pave. Perdu, e, part. past, lost. Pavilion, s. mn. pavilion, ensign, Pere, s. m. father. canopy, flag; pavilion en berne, IPerfectionner, v. a. to improve. ensign denoting distress. j Perfide, adj. perfidious. Payer, v. a. to pay, to pay for. Perfidie, s. f. p'efidy, treachery. Pays, s. m. country.. Peril, s. m. peril, danger. Paysan, s. m. peasant, country- P6rilleux, m. p6rilleuse, f. adj. man. | perilous. Peau, s. f. skin. Periode, s. f. period. Peche, s. f. peach,.fishery.. Perir, v. n. to perish. Pecheur, s. m. fisherman. Perle, s. f. pearl. PBdantesque, adj. pedantic. Permettre, v. a. to permit. Peindre, v. a. to paint. se Permettre, v. r. to take liberties, Peine, s. f. pain, troluble; D peine, to allow one's self. adv. hardly. Permis, e, part. pastj permitted. Peintre, s. m. painter. I Perpendiculaire, adj. perpendicuP61rin, s. m. pilgrim. lar. Penchant, s. m. inclination, de- PerpBtuer, v. a. to perpetuate. clivity. Perplexit6, s. f. perplexity. Penche, e, part. past, bent. Perron, s. m. raised steps. Pencher, v. n. and a. to lean, to bend. Perroquet, s. m. par'rot. Pendant, prep. during; pendant Perse, s. f. Persia. que, conj. awhile. Persbcuter, v. a. to perseczute. Pendant, e, adj. hanging, pendu- Persique, adj. Persian. Iobus. Persistant, part. pres. persisting. Pendre, v. n. and a. to hang. Persister, v. n. to persist. DICTI ONARY. N257 Personnage, s. m. personage, char- Pin, s. m. pine. acter. Pinceau, s. m. pencil. Personne, s. f: any person; with a I Pingouin, s. m. penguin, (a seanegative, nobody. ~ fowl.) Personnel, le, adj. personal. Piquant, e, adj. stinging, keen. Personnellement, adv. personally. Piquer, v. a. to prick, to excite. Perspective, s. f. perspective, pros- Piquet, s. m. picket, pole. pect. Pirogue, s. f. pirogue. Persuad6, e, part. past, persuaded. Pis, adv. worse. Perte, s. f. loss, ruin, fall. Pistache, s. f. pistachio. Pesamment, adv. heavily. Piston, s. m. piston. Pesant, e, adj. heavy. Pitie, s. f. pity. Peser, v. n. and a. to weigh. Piton, s. m. peak. PBtale, s. f: petal. Pitoyablement, adv. piteously. Petit, e, adj. small, little; s. little Pittoresque, adj. picturesque. one. Pivert, s. m. woodpecker. Peu, adv. little, few; peu a peu, Place, e, part. past, placed. little by little. Place, s. f. place, office. Peuple, s. in. people, nation. Placer, v. a. to place. Peuplier, s. m. poplar. Plafond, s. m. ceiling. Peur, s.. f fear; de peur de, for Plaider, v. a. and n. to plead. fear of. Plaie, s. f. wound. Peut-btre, adv. perhaps. Plaindre, v. a. to pity. Pharaon, s. m. Pharaoh. se Plaindre, v. r. to complain. Ph6nix, s. m. phanix. Plaine, s. f. plain. Philomble, s. f. Philomela. Plainte, s. f. complaint. Philosophe, s. m. philosopher. Plaintif, m. plaintive, f. adj. plainPhilosophie, s. f. philosophy. tive. Phosphorique, adj. phosphoric. Plaire, v. n. to please. Physionomie, s. f. countenance. Plaisance, s. f. maison de plaisPhysique, adj. physical. ance, pleasure-house. Pie, s; m. peak. Plaisant, e, adj. pleasant. Picardie, s. f Picardy. Plaisant, s. m. jester. Pie, s. f. magpie. Plaisanterie, s. f. pleasantry, jestPiece, s. f. piece, bit. ing. Pied, s. m. foot; a pied, on foot; Plaisir, s. m. pleasure. mettre pied D terre, to alight. il Plait, v. imp. it pleases. Pibge, s. m. snare. Plan, s. m. plan. Pierre, s. f: stone; pierre a fusil, Planche, s. f. plank, board, bed, flint. border. Pierre, s. m. Peter. Plancher, s. m. floor, ceiling. Pierreries, s. f. pl. jewels. Plane, adj. level. PiWt), s. f: piety. IPlaner, v. n. to float, to hover, to Pilote, s. m. pilot. sail. 22* 258 DI CTI O NA RY. Plante, s. f. plant. Poisson, s. m. fish. Planter, v. a. to plant. Poissonneux, m. poissonneuse, f. Plat, s. m. dish. adj. abounding in fish. Platane, s. m. plane-tree. ~ Poitrail, s. m. breast. Plateau, s. m. table-land, fiat.! Poitrine, s. f. breast. Plate-forme, s. f. platform, flat roof. I Polaire, a'dj. polar. Platon, s. m. Plato. Poll, e, part. past, (of polir,) pol Plein, e, adj. and s. m. full. ished. Pleurer, v. a. and n. to weep, de- Police, s. f. police. plore. Polir, v. a. to polish. Pleurs, s. m. pl. tears. Politique, s. m. politician, statesPli, s. m. fold. mal,. Plier, v. n. and a. to bend, to fold. Politique, adj. politic, of politics. Plomb, s. m. lead. Politique, s. f. policy, politics. Plongeant, part. pres. plunging. Pomme, s. f. apple. Plonger, v. a. and n. to plunge, to Pomme de terre, s. f. potato. divze. Pommier, s. m. apple-tree. Ployant, part. pres. folding, bend- Pompe, s. f. pomp, pump. ing. Pomper, v. a. and n. to pump. Plu, e, part. past, pleased. Pompeux, m. pompeuse, f. adj. Pluie, s. f. ain. ain. pompous, stately. Plume, s. f. feather, pen, plumage. Pont, s. m. Pontus. Plupart, s. f. most, greatest part. Pont, s. m. bridge, deck. Plus, adv. more; le plus, themost; Populeux, m. populeuse, f. adj. de plus, furthermore. populous. Plusieurs, adj. several, many. Port, s. m. port, burden, bearing. Pluton, s. m. Pluto. Portant, part. pres. carrying. Plutot, adv. rather, sooner. Porte, s. f. door. Pluvieux, m. pluvieuse, f. adj. Port6, e, part. past. carried. rainy. I Portee, s. f. reach. Poeme, s. m. poem. i Porte-feuille, s. m. portfolio, pockPoesie, s. f. poesy, poetry. et-book. Poete, s. m. and f. poet. Porter, v. a. to carry, to wear, to Poetique, adj. poetic. bear. Poids, s. m. weight. Pose, e, part. past, placed, set. Poignard, s. m. poniard, dagger. Poser, v. a. to place, to set, to put, Poil, s. m. hair. to put down. Poing, s. m. fist. se Poser, v. r. to alight, tofix one's Point, s. m. point; point du jour, self. break of day. Positif, m. positive, f. adj. iPoint, adv. no, not. f Posse:lant: part. pres. posses Pointe, s. f. point. Poss6der, v. a. to possess. Pointu, e, adj. pointed, sharp. Possesseur, s. m. possessor. P ois, s. m. pea Poste, s. m. post. DICTIONARY. 259 Post6rit6, s. f. ofspring, posterity. Prbdecesseur, s. n1. predecessor. Postillion, s. m. postilion. Prbfecture, s. f. prefectship. Potager, s. m. kitchen-garden. Pref6rable, adj. preferable. Potentat, s. m. potentate. se PrefIrant, part. pres. preferring Pouce, s. m. inch, thumb. himself. Poudre, s. f. dulst, powder. Pr6f6rer, v. a. to prefer. Poule, s. f. hen. Prdjugb, s. m. prejudice. Pouls, s. in. pulse. Prematur6, e, adj. premature. Poupe, s. f. poop, stern. Premier, m. premiere, f. adj. first, Pour, prep. for, to, in order to, as for. former. Pourpre, s. m. purple. Prenant, part. pres. taking. Pourpre, e, adj. pvurple. Prendre, v. a. to take, to catch hold; Pourquoi, adv. why. prendre garde, to beware of; Poursuite, s. f. pursuit. prendre la parole, to begin to Poursuivi, e, part. past, pursued. speak. Poursuivre, v. a. to pursue. se Prendre, v. r. to set about, to bePourtant, conj. however. i gin to be taken. Pourvoir, v. a. to provide, to fur'- Preparatif, s. m. preparation. nish. PrBpar6, e, part. past, prepared. Poussant, part. pres. pushing, ut- Pr6parer, v. a. to prepare. tering. Pres, prep. near; a peu prbs, adv. Pousser, v. a. to push, to drive, to nearly. utter. PresbytBre, s. m. parsonage. PoussiBre, s. f. dust. Prescrit, e, part. past. prescribed. Poutre, s. f. beam. Prbsent, s. m. present. Pouvant, part. pres. being able. Presentant, part. pres. presentPouvoir, v. n. and a. to be able, can. ing. Prairie, s. f. meadow. Presenter, v. a. to present, to ofer. Pratique, e, part. past, practiced, Preserver, v. a. to preserve. wrou'ght out. Presider, v. n. and a. to preside. se Pratiquer, v. r. to be practiced. Prisomptueux, m. prbsomptueuse, Prb, s. m. meadow. f. adj. presumptuous. Precedent, e, adj. preceding. Presque, adv. almost. Prec6der, v. a. to pr'ecede. Presqu' ile, s. f. peninsula. Prbcepteur, s. m. preceptor, teacher. Pressant, e, adj. pressing. Precieux, m. prbcieuse, f. adj. pre- Presse, e, part. past, crowded, ciozes. pressed. Pr6cipice, s. m. precipice. PresSer, v. a. to hasten, to press. Prdcipiter, v. a. to precipitate. Pression, s. f. pressure. Prbcis, e, adj. precise, exact. Pressoir, s. m. press, wine-press. Precisement, adv. precisely. Prestesse, s. f. quLickness. Preconiser, v. a. to extol. PrBsumant, part. pres. presuming. Precurseur, s. m. forerunner, pre- Pret, e, adj. ready, prepared. cur'sor. Pretendant, s. m. candidate, suitor. 260 DICTI NARY. Pretendre, v. a. to claim, to pre- Profond, e, adj. deep, profound. tend, to maintain, to intend. Profond6ment, adv. profoundly, Preter, v. a. to lend. deeply. se Prater, v. r. to lend each other, to Profondeur, s. f. depth. afford one another. Prog6niture, s. f. ospr'ing. Pretexte, s. m. pretext. Progres, s. m. progress. Pr6tre, s. m. priest. Proie, s. f. prey. Preuve, s. f. proof. Projet, s. m. project. Prevenant, e, adj. anticipating, Prolonger, v. a. to lengthen, to obliging. prolong. Prevenir, v. a. to anticipate, to i~n- Promenade, s. f. promenade, trip, form. excursion, walk. Prevention, s. f. prejudice. se Promnenant, part. pres. walking. Prevoir, v. a. toforesee. I Promener, v. a. to lead about, to Prier, v. a. to ask, to beg, to pray. carry about. Prihre, s. f: prayer. se Promener, v. r. to go to walk, Primevere, s. f. primrose. to ride. Primitif, m. primitive, f. adj. Promeneur, s. m. walker, stroller. primritive, original. Promesse, s. f: promise. Princesse, s. f. princess. i Promettant, part. pres. promising. Principalement, adv. principally. Promettre, v. a. to promise. Principaute, s. f. principality. Promis, e, past. part, promised. Principe, s. m. principle, source, Prompt, e, adj. prompt, quick. beoinning. Promptement, adv. quickly. Printemps, s. m. spring. Prononcer, v. a. to pronounce. Pris, e, part. past, taken. se Propager, v. r. to be propagated. Prise, s. f. taking, hold, strife. Prophete, s. m. prophet. Prisonnier, s. m. prisonei. Prophetie, s. f: prophecy. Priv6, e, adj. private. Propos, s. m. talk, design. Priver, v. a. to deprive. Propose, e, part. pres. proposed. Prix, s. m. price, value. Proposer, v. a. to propose. Proced6, s. m. behavior, treatment. Propre, adj. neat, clean, own, ProeBs, s. m. law-suit, ligitation, proper; amour-propre, self-love. trial. Propret6, s. f. neatness. Prochainement, adv. shortly. Propri6t6, s. f. property. Procurer, v. a. to procure. Proscrit, e, part. past, proscribed. Prodigalit6, s. f. prodigality. iProsperite, s. f. prosperity. Prodige, s. m. prodigy, wonder. se Prosterner, v. r. to prostrate Prodigieux, m. prodigieuse, f. adj. one's self. prodigious. I Protecteur, s. m. protector. Prodiguer, v. a. to lavish. Protbger, v. a. to protect. Produire, v. a. to produce. Protester, v. n. to protest. Produit, s. m. produce. Protocole, s. m. protocol. Profiter; v. n. to profit. Proue, s. f. f. prow. DICTIONARY. 261 Prouver, v. a. to prove. Q.uatre, num. adj. four. Proverbe, s. m. proverb. QCuatre-vingts, num. adj. eighty, Province, s. f province. fourscore. Provincial, e, adj. provincial. O Que, pro. which, that, whom, what. Pu, e, part. past, been able. QLue, conj. that, as; after a verb Public, m. publique, f. adj. public. with ne before it, only, but; than Publi6, e, part. past, published. hoi, why. Publiquement, adv. publicly. Quel, m. quelle, f.:adj. what, Ptideur, s. f. shame, modesty. which. Pu6ril, e, adj. puerile. Quelconque, adj. whatever, whatPuis- adv. then, afler that. soever. Puiser, v. a. and n. to draw, to Q Cuelque, adv. however. fetch. Q Quelque, adj. some, a few; quelPuisque, conj. since. que part, somewhere, anywhere. Puissamment, adv. powerfully.'Quelque chose, something. Puissance, s. f. power. Quelquefois, adv. sometimes. Puissant, e, adj. powesful. GQuelques-uns, pro. m. pl. some, any. Punir, v. a. to punish. Quereller, v. n. to quarrel. Puits, s. m. well. Quetant, part. pres. hunting, seekPunition, s. f. punishment. ing. Pur, e, adj. puyre. QuBter, v. a. and n. to hunt, to Pur6te, s. f. purity. search. Puritain, e, s. puritan. (.ueue, s. f. tail. Purpurin, e, adj. purplish. I Qui, pron. rel. who, that, which, Pupitre, s. m. desk. whom? Pyramide, s. f. pyramid. Q uiconque, pron. wqhoever. Pyrope, s. m. pyrope, (a mineral.) QuittB, e, part. past, left. Pythagore, s. m. Pythagoras. Quitter, v. a. to leave, to quit. Pythagorique, adj. Pythagorean. Quoi, what, which; de quoi, wherewith. Q.uoique, conj. althougth. Q. Quadrille, s. m. quadrille. Quadrupede, s. m. quadruped. Qualit6, s. f. quality. Quand, adv. when. Raboteux, m. raboteuse, f. adj. Quant a, prep. as to. rugged, srough. Quarante, num. adj. forty. Race, s. f. race. Quart, s. m. quarter; quart d'- Racine, s. f. root. heure, a quarter of an hour; Raconter, v. a. to relate, to tell. quart de-lieue, quarter of a Radeau, s. m. raft. league. Radoteur, radoteuse, s. m. and f. Quartier, s. m. qutarter, past. dotard. 262 DICrTION ARY. Raffermir, v. a. to harden, to con- Rappeler, v. a. to recall, to call to firm. mind. Rafraichir, v. a. to refresh. Rapport, s. m. report, affinity, se Rafraichir, v. n. to take refresh- profit, benefit. ment, to refresh one's self. Rapporter, v. a. to bring back, to Rafraichissement, s. m. refresh- report, to refer. mentl. se Rapporter, v. r. to agree, to corRagout, s. m. rabgout, highly seasow respond. ed dish. se Rapprochant, part. pres. drawRaide, adj. stiff; steep. ing near. se Raidir, v. r. to resist, to strive Rapprochement, s. m. drawing utnder. near, joining. Rais, s. m. pl. rays. Rapprocher, v. a. to draw near. Raisin, s. m. grapes, bunch of Rare, adj. rare, unfrequent. grapes. Rarement, adv. seldom, rarely. Railler, v. a. to rally, to scof at. Rasant, part. pres. shaving, smoothRaillerie, s. f. raillery. ing. Railleur, m. railleuse, f: adj. scoff- RassasiM, e, part. past, satisfied, ing. satiated. Raisonner, v. n. to reason. Rassembler, v. a. to collect. Raisonneur, s. m. reasoner. se Rassembler, v. r. to assemble, Ralentir, v. a. to abate. to come together. Ramage, s. m. warbling. Rassurer, v. a. to encourage, to reRamasser, v. a. to gather, to pick assure. up. Rateau, s. m. rake. se Ramasser, v. r. to gather to- Rattacher, v. a. to attach, tofasten gether, to assemble. again. Rame, s. f. oar. Ravage, s. m. ravage, damage. Rameau, s. m. branch. Ravagb,,e, part. past, ravaged. Ramenant, part. pres. bringing Ravager, v. a. to ravage. back. Ravi, e, part. past, transported. Ramener, v. a. to bring back. Ravir, v. a. to transport, to delight. Ramer, v. n. to row. Ravissant, e, adj. admirable. Rameur, s. m. rower. Ravissement, s. m. rapture. Rampant, part. pres. creeping. RayB, e, adj. striped. Ramper, v. n. to creep. Rayon, s. m. beam, ray (of light.) Rang, s. m. rank, row. Rayonner, v. n. to radiate, to Range, e, part. past, arranged. spread, to circle. Rangbe, s. f. row, rank. RdalitB, s. f. reality. Ranimer, v. a. to reanimate, to en- Rebelle, s. m. and f. rebel. liven. Rebrousser, v. a. to turn back, to Rapide, adj. rapid, swift, steep. rebound. Rapidement, adv. rapidly. se Rebuter, v. r. to be discouraged. RapiditY, s. f. rapidity, steepness. Recler, v. a. to conceal. DI CT I O ARY. 263 Recevant, part. pres. receiving. Redoubler, v. a. to redouble. Recevoir, v. a. to receive, to admit Redoutable, adj. formidable. compnany. Redoute, s. f. redoubt. Rechapper, v. n. to escape. Redouter, v. a. tofear, to dread. Rechauffant, part. pres. warming, Redressant, part. pres, holding up, reanimating. elevating. RBchauffer, v. a. to warm, to re- Reduire, v. a. to reduce, subdue. animlate. se Rdduire, v. r. to amount to. Recherche, e, part. past soeght Rdduit, e, part. past, soeduced. for,?rare. Re6dification, s. f. r ebuilding. RBcif, s. m. reef, ridge of rocks. RWel, le, adj. real. Reciproque, adj. reciprocal. Reellement, adv. really, infact. R6ciproquement, adv. reciprocally. Reechi,e, adj. deliberate. Recit, s. m. recital. Rfl6chir, v. n. to reflect. RBciter, v. a. to recite, to repeat. Reflichissant, part. pres, reflectR6colte, s. f. crop. ing. Recommencer, v. a. to recommence. Reflet, s. m. reflection. R6compense, s. f. reward, recom- Refleter, v. a. to reflect. pense. Reflexion, s. f. reflection. Recompenser, v. a. recompensate. Reflux, s. m. reflux, ebb. Recompter, v. a. to recount, to R1former, v. a. to reform. count again. Refrain, s. m. burden, strain. Reconduire, v. a. to condtect back. Refroidir, v. a. to cool, to chill. Reconnaissance, s. f. gratitude, Refuser, v. a. to refuse. recognition. Regagner, v. a. to regain. Reconnaissant, e, adj. grateful. Regard, s. m. look, regard. Reconnaitre, v. a. to recognize, to Regardant, part. pres. regarding. find. PRegarder, v. a. to look at, to reReconnu, e, part. past, acknow- gard. ledged, recognized. RBgime, s. m. diet, bunch (of Recours, s. in. recourse. fruits.) Recouvrement, s. m. recovery. Regiment, s. m..regiment, multiRecouvrir, v. a. to cover again, to tude. cover. Registre, s. m. register, record. Recr6er, v. a. to delight. RBg]6, e, part. past, reg-ulated. Requ, e, part. past, received. Regler, v. a. to regulate. Recueillir, v. a. to gather, to col- Rggne, s. m. reign, kingdom. lect. RBgner, v. n. to reign. Recule, e, part. past, dr'awn back, Regret, s. m. regret. distant. Regretter, v. a. to regret, to miss. Reculer, v. n. and a. to draw back. Regulier, m. r6gulibre, f. adj. regRedemander, v. a. to demand back. ular. Redescendre, v. n. to descend RWguli6rement, adv. regularly. again. Reims, s. m. Rheims. 26'~~ D ICTION A Y, Reins, s. m. pi. loins. Remuant, part. pres. moving. Rejeter, v. a. to reject, to throw Remuer. v. a. to move. bac/k. Renaitre, v. n. to be born again, Rejeton, s. m. sprout. to revive, to reappear. Rejoindre, v. a. to rejoin. Renard, s. m. fox. Rejoint, part. past, rejoined. Rencontrant, part. pres. meeting. RBjouir, v. a. to rejoice, togladden. Rencontre, s. f. meeting. se Rdjouir, v. r. to rejoice. Rencontr6, e, part. past, met. Rbjouissance, s. f. rejoicing. Rencontrer, v. a. to meet with. Relancement, s. iu. resally, going se Rencontrer, v. r. to meet each out again. other. Relatif, m. relative, f. adj. rela- I Rendant, part. pres. giving back, tive. rendering. Relever, v. a. to lift up again, to Rendez-vous, s. m. rendezvous. repair, to relieve. Rendre, v. a. to render, to give se Relever, v. r. to rise, to get up. back, to return. Relief, s. m. relief, embossed work. se Rendre, v. r. to go, to betake Remarquer, v. a. to remark, to dis- one's self to, to make return. tinguish. Rendu, e, part. past, returned. Rembruni, e, part. and adj. brown, Renfermer, v. a. to include, to conbrowned. taim, to shut up. Remener, v. a. to lead again, to take Renommbe, s. f. fame, renown. again. Renoncer, v. n. to renounce, to give Remercier, v. a. to thank. f up. Remerciment, s. m. thanks. se Renouveler, v. r. to be renewed. Remettre, v. a. to send back, to put Rentree, s. f. re-entrance, return. back, to put off, to deliver. Rentrer, v. n. to re-enter, to return. se Remettre, v. r. to put, to seat a la Renverse, adv. backuward. one's self. Renvers6, part. past, overthrown. Remis, e, part. past, put back, re- se Renverser, v. r. to fall down. stored. Renverser, v. a. to overthrow. Remontant, e, part. pres. reascend- I Renvoy6, e, part. past, sent back. ing. I Renvoyer, v. a. to send back. Remonter, v. a. to go up again, to Rpandre, v. a. to spread, to shed. reascend. |Rpandu, e, part. past, spread, Remontrance, s. f. remo~nstrance. diffused. Remontrer, v. a. to remonstrate. Reparaitre, v. n. to reappear. Remords, s. m. remorse. Rparer, v. a. to repair. Remplacer, v. a. to replace, to take R6parti, e, part. past, divided. the place. Repartir, v. a. to reply. Rempli, e, adj. full, filled. Repartir, v. n. to go back again, to Remplir, v. a. tofill. set out again. se Remplir, v. r. to becomefull. Repas, s. m. meal, repast. Remporter, v. a. to carry back. | Repasser, v. n. and a. to repass. DICTIONARY. 265 RWpiter, v. a. to repeat, to reflect. Respirer, v. n. and a. to breathe, se RWpter, v. r. to be repeated. to respire. se Replier, v. r. to wind one's self, Resplendissant, e, adj. bright, reto coil. splendent. Replier, v. a. to fold, to wind. Ressac, s. m. turf. R6pondre, v. n. to answer. Ressemblance, s. f. resemblance. RBponse, s. f. answer. Ressembler, v. n. to resemble. Reporter, v. a. to carry back. Ressenti, e, part. past, felt. Repos, s. m. repose. Ressentir, v. a. to feel. Repos6, e, part. past, reposed, rest- Ressort, s. m. spring. ed. Ressortir, v. n. to go out again. se Reposer, v. r. to repose one's Ressource, s. f.: resource. self. Ressouvenir, s. m. remembrance. Reposer, v. n. to repose, to rest. Reste, s. m. rest, remainder. Repoussant, part. pres. repelling. Rester, v. n. to remain. Repousser, v. a. to repel. Rsultat, s. m. result. Reprendre, v. a. to take again, to Resum6, s. m. summing up, recaresume. pitulation. Reprbsentant, part. pres. represent- R6tablir, v. a. to restore, to re-estabing. lish. Repr6senter, v. a. to represent. se Rktablir, v. r. to recover. se Reprbsenter, v. s. to fancy, to I Retenir, v. a. to retain. imagine. ] Retentir, v. n. to resound. Repris, e, part. past, retaken, re- Retenu, e, part. past, retained, covered. held back. Reprise, s. f. repetition, renew- Retenue, s.f. restraint, moderation. ing. Retire, e, part. past, retired, withReprochant, part. pres. reproach- drawn. ing. I Retirer, v. a.. to extract, to obtain, Reproche, s. m. reproach. to pull back, to withdraw. Reprocher, v. a. to reproach. Retombant, part. pres. falling Rbpublicain, e, adj. republican. again. R6publicain, s. m. republican. Retomber, v. n. to fall again, to RBpublique, s. f. republic. relapse, to fall back. RBseau, s. m. net, net-work. Retour, s. m. return; etre de reR6server, v. a. to reserve. tour, to be back again. se Rdsigner, v. r. to resign one's Retournant, part. pres. returning. self, to submit. Retourner, v. n. to return. RBsister, v. n. to resist. s' en Retourner, v. r. to go back RWsolu, e, adj. resolute. again, to turn around. Rlsoudre, v. a. and n. to resolve. Retracer, v. a. to retrace, to represe RBsoudre, v. r. to resolve. sent again. Respecter, v. a. to respect. Retraite, s. f. retreat, refuge, retirRespirant, part. pres. breathing. ing. 23 266 DI C TI O NA RY. Retyancher, v. a. to retrench, to Rieur, m. rieuse, s. f. laugher. take away. Rigide, adj. r'igid, severe. Retreci, e, part. past, contracted, Rigoureux, m. rigoureuse, f. adj. narrow. rigorous, cold. Retrouver, v. a. tofind again. Rigueur, s. f. rigor. R6uni, e, part. past, re-united, Rire, v. n. to laugh. urited. Rire, s. m. laugh. R6unir, v. a. to re-unite. Rivage, s. m. shore, bank. R6union, s. f. re-union, union. Rival, e, adj. and s. rival. R6ussir, v. n. to succeed. Rivalite, s. f. rivalry. en Revanche, in return, for re- Rive, s. f. bank. quital. Rivibre, s. f. river. Reve, s. m. dream. Riz, s. m. rice. RBveil, s. m. awaking. Robuste, adj. robust. R6veiller, v. a. to awake. Roc, s. m. rock. se Reveiller, v. r. to awake. Roche, s. f. rock. R6v6ler, v. a. to discover, to reveal. Rocher, s. m. rock. Revenant, part. pres. returning. i R6der, v. n. to prowl, to roam. Revenir, v. n. to come back, to re- j Roi, s. m. kinzg. turn. j Roidi, e, part. past, stiffened. Revenu, e, part. past, returned. Roide, adj. stifl Revenu, s. m. income. R6le, s. m. part, roll. Rever, v. a. and n. to dream. Romain, s. m. and adj. Roman. R6verence, s. f. reverence. Roman, s. m. romance. Reverie, s. f. revery. Rompre, v. a. to break. Revers, s. m. reverse, back. Rond, s. m. round, ring; en rond, Revetir, v. a. to clothe, to put on. around, in a circle. Revetu, e, part. past, put on, Ronde, s. f. round, rounds. clothed. Ronfler, v. n. to snore. Reveur, m. reveuse, f. adj. thought- Ronge, e, part. past, bitten, gnawful, pensive. ed. Revoir, v. a. to see again. Rose, adj. rosy, rose-colored. R6volte, s. f. revolt. Roseau, s. m. reed, cane. se RBvolter, v. r. to revolt. Rosee, s. f. dew. Riant, e, adj. and part. pres. smil- Rosier, s. m. rose-tree. ing. Rossignol, s. m. nightingale. Riant, part. pres. laughing. Rotin, s. m. rattan, cane. Riche, adj. rich, wealthy. Roucoulement, s. m. cooing. Richesse, s, f. riches, wealth. Roucouler, v. n. to coo. Rideau, s. m. curtain. Rouet, s..m. spinning-wheel. Ridicule, adj. ridiculous. Rouge, adj. red; s. m. red. Ridicule, s. m. ridicule. Rougeatre, adj. reddish. Ridiculement, adv. ridiculously. Rougi, e, past part. made red. Rien, s. m. nothing, anything. Rougir, v. n. and a. to blush. DICTIONARY. 267 Rougissant, part. pres. blushing. Safrane, e, adj. safroned, saffron. Roulement, s. m. rolling. Sage, adj. wise; s. sage, wise man. Rouler, v. a. to roll, to whirl. Sagement, adv. wisely. Roupie, s. f. rupee (Eastern coins.) Sagesse, s. f. wisdom. Route, s. f~ way, jour'ney, road; en Saillant, e, adj. projecting, strikroute, on the way. ing. Rouvrir, v. a. to re-open. Sain, e, adj. sound, healthful. Royal, e, adj. royal. Saint, e, adj. holy. Royaunme, s. m. kingdom. Saintet6, s. f. holiness. Ruade, s. m. kicking, jerking. Saisi, e, part. past, seized. Ruban, s. m. riblon. Saisir, v. a. to seize; se saisir de,'Rubis, s. m. ruby. to seize eupon. Ruche, s. f: hive. Saisissant, part. pres. seizing. Rudement, adv. rudely. Saison, s. f. season. Rue, s. f. street. Salaire, s. m. wages. Ruelle, s. f. bedside, space between Saler, v. a. to salt. the bed and the wall. Salle, s. f. hall, room. Rugir, v. n. to roar. Salon, s. m. drawing-room. Rugissant, part. pres. roaring. Saluer, v. a. to salute. Rugissement, s. m. roaring. Salut, s. m. safety, salvation, hail. Ruinant, part. pres. ruining. Sang, s. m. blood; de sang-froid, Ruine, s. f. ruin. in cool blood. Ruiner, v. a. to ruin. Sang-froid, s. m. composure, cold Ruisseau, s. m. brook, stream. I blood. Ruse, s. f. cunning. Sanglant, e, adj. bloody. Russe, s. m. Russian. Sanglot, s. m. sob. Russie, s. f. RuLssia. Sanguinaire, adj. sanguqinary, Rustique, adj. rural. blood thirsty. Rustre, s. m. boor. Sans, prep. without. Rythme, s. m. rythm. Sant6, s. f. health. Saphir, s. m. sapphire. Sardine, s. f. sardine, pilchard. Satiet6, s. f. satiety. Satire, s. f. satire. Satisfaire, v. a. to satisfy. Sa, dem. adj. his, her, its. Satisfaisant, e, adj. satisfactory. Sable, s. m. sand. Satisfait, e, adj. satisfied, con.. Sabre, s. m. saber. tented. Sac, s. m. bag, sack. Saucisson, s. m. sausage. Saccade, s. f. jerk, (with a bridle.) Saumon, s m. salmon. Sacerdoce, s. m. priesthood. Sautant, part. pres. leaping. Sachant, part. pres. knowing. Sauter, v. n. & a. to leap, to spring. Sacr6, e, adj. sacred. Sauvage, adj. wild, savage. Sacrifier, v. a. to sacrifice. Sauvage, s. m. savage. 268 DICTIONARY. Sauver, v. a. to save. Semence, s. f. seed. Savane, s. f. savanna, open meadow. Semer, v. a. to sow. Savant, e, adj. and s. learned, wise. Sens, s. m. sense, direction, side. Savoir, v. a. to know, to know how. Sensement, adv. sensibly. Savourer, v. a. to relish, to taste. Sensibilit6, s. f. sensibility. Savoureux, m. savoureuse, f. adj. Sensible, adj. feeling, sensible. savoury. Sensiblement, adv. sensibly. Saxe, s. f. Saxony. Sentant, part. pres. feeling. ScelBrat, e. s. rascal, villain. Sentier, s. m. path, foot-path. Sceptique, s. m. sceptic. Sentiment, s. m. feeling. Sceptre, s. m. scepter. Sentir, v. a. tofeel, to savor of, to Scie, s. f. saw; poisson a scie, be sensible of, to smell, to taste. saw-fish. S6pare, part. past, separated, sepaScintiller, v. n. to sparkle. rate. Scolopendre, s. f. hart's-tongue. Separbment, adv. apart, separately. Scrupule, s. m. scrquple. SBparer, v. a. to separate. Scythe, s. and adj. Scythian. Sept, adj. num. seven. Se, pron. himself, herself, itself, Septembre, s. m. September. themselves, one's self. Septentrion, s. m. the north. See, m. seche, f. adj. dry. Septentrional, e, adj.. north, northSeconder, v. a. to second. ern. Secouant, part. pres. shaking. Sbpulere, s. m. sepulchre. Secou6, e, part. past, shaken. se S6questrer, v. r. to separate one's Secourable, adj. helpful. self, to sequester one's self. Secours, s. m. succor, help. Serein, e, adj. serene. Secousse, s. f. shake, shock. S6renit6, s. f. serenity, clearness. Secret, e, adj. secret. Serin, s. m, canary-bird. Secr6taire, s. m. secretary. Serment, s. m. oath. Secretement, adv. secretly. Serpenter, v. n. to meander, to Secte, s. f. sect. wind. Securit6, s. f. security. Serpillibre, s. f. packing-cloth. S6duisant, e, adj. seducing. Serpolet, s. m. wild-thyme, serppil.Seigneur, s. m. lord, nobleman. luem. Sein, s. m. bosom.. Serrant, part. pres. clasping. Seize, num. adj. sixteen. Serre, s. f: claw. S6jour, s. m. abode, sojourn. Serrer, v. a. to clasp, to press. Selon, prep. according to. Serrure, s. f. lock. Semant, part. pres. sowing. Serviable, adj. obliging, ready to Semblable, adj. like; s. m. fellow- serve. creature. Service, s. m. service, set of plates, Semblant, s. m. pretence. dishes, etc. Sembler, v. n. to seem, appear. Servile, adj. servile. Semb, e, part. past, sown, bestowed, Servir, v. n. to serve; v. r. to use. dijused. I Serviteur, s. m. servant. DICTIONARY. 269 Ses, (pl. of son,) his, her, its, one's. Soi-meme, pro. one's self; soi, one's Seuil, s. m. door-sill, threshold. self, one. Seul, e, adj. sole, only, single. Soif, s. f. thirst. Seulement, adv. only, even. Soie, s. f. silk. S6vdre, adj. severe. Soignb, e, part. past, attended to, Sev6rit6, s. f. severity. cared for. Sha, s. m. shah, (Persian king.) Soigneusement, adv. carefully. Si, conj. and adv. if, so. Soin, s. m. care. Sicile, s. f Sicily. Soir, s. m. evening; le soir, in the Sicilien, ne, adj. Sicilian. evening. Siecle, s. m. centur'y, age. Soit, adv. let it be so. Siege, s. m. siege, seat. Soit, conj. either, or. Si6ger, v. n. to sit. Soixantaine, s. f. sixty, three score. Sien, sienne, its, hers, his. Soixante, adj. num. sixty. Siffler, v. n. and a.* to hiss, whistle. Sol, s. m. soil. Siffiet, s. m. whistle, whistling. Soldat, s. m. soldier. Signal, s. m. signal. Soleil, s. m. sun. Signalement, s. m. description, Solemnel, and solennel, le, adj. mark. solemn, awful. Signaler, v. a. to give signal of. Solide, adj. solid. Signe, s. m. sign, signal. Solidite, s. f. solidity. Sign6, e, part. past, signed. Solitaire, adj. solitary, lonely. Signifier, v. a. to signify, to mean. Soiliciteur, s. m. solicitor. Silencieusement, adv. silently. Sombre, adj. melancholy, dark. Silencieux, m. silencieuse, f. adj. Somme, s. f. sum, quantity. silent. Sommet, s. m. summit. Sillon, s. m. fu'rrow, ridge. Sommeil, s. m. sleep. Sillonne, adj. fqrrowed. Son, adj. pos. his, her, its. Sillonner, v. a. to fufrrow. Son, s. m. sound. Simplicite, s. f. simplicity. Sonder, v. a. to sound, to fathom. Singe, s. m. ape, mnonkey. Songe, s. m. dream. Singularite, s. f. singularity. Songer, v. n. to dream, to think. Singulier, m. singulihre, f. adj. Sonner, v. a. to ring, to ring for. singular, peculiar. Sonnette, s. f. little bell, rattle. Sinon, conj. if not. Sonore, adj. sonorous, sounding. Sinuosit6, s. f. winding. Sorbet, s. m. sherbet. Sistre, s. m. sistrum. Sorcellerie, s. f. sorcery, witchSite, s. m. situation. craft. Sitot, conj. as soon as. Sort, s. m. fate, lot, fortune; tirer SituS, e, past part, sitquated. au sort, to draw lots for. Six, adj. num. six. Sorte, s. f. sort, kind, condition, Societe, s. f. society. way; de sorte que, so that. Soc, s m. pm. loughshare. Sorti, e, part. past, gone out, issued, Sce-ar, s. f. sister. spr'ung. 23 2710 DIaTIODICTTONARY. Sortir, v. n. and a. to go out, come Sous, prep. under, beneath. forth: au sortir, adv. and prep. Soutenir, v. a. to sustain, to maingoing out. tain. Sot, te, adj. silly, foolish. Soutenu, e, part. past of soutenir, Sottise, s. f. folly, silliness supported. Subitement, adv. suddenly. Souterrain, e, adj. subterraneous. Souche, s. f. stock, stump. Soutien, s. m. support. Souci, s. m. care, anxiety. Souvenir, s. m. remembrance, memse Soucier, v. r. to care, to have re- ory. gard. se Souvenir, v. r. to recollect. Souffert, e, part. past, sufered. Souvent, adv. often, frequently. Souffle, s. m. breath, blowing. Souverain, s. m. sovereign. Souffler, v. n. to breathe, to blow. Souverainement, adv. supremely. Souffrance, s. f. suffering, pain. Soyeux, m. soyeuse, f. adj. soft, Souffrant, e, adj. suffering. silken. Soufre, s. m. sulphur. Spacieux, m. spacieuse, f. adj. Souffrir, v. a. and n. to sufeir. spacious. Souhait, s. m. wish, desire: a sou- Specieux, m. sp6cieuse, f. adj. hait, according to one's desire. specious. Souhaitant, part. pres. wishing. Spectacle, s. m. spectacle. Souhaiter, v. a. to desire. Spectateur, s. m. spectator. SouillB, e, part. past, soiled, defiled.: Spectre, s. m. spectre. Souiller, v. a. to soil, to blemish. Sphere, s. f. sphere. Soulager, v. a. to relieve, to console. Spirituel, le, adj. spiritual. Soulever, v. a. to raise. Splendeur, s.f. splendor. Soulier, s. m. shoe. Splendide, adj. splendid. Soumettre, v. a. to subdue, subject. Squelette, s. m. skeleton. Soumis, e, adj. and part. past, sub- Sterile, adj. sterile, barren. missive. Stoique, adj. stoic. Soupfon, s. m. suspicion. Stupide, adj. stupid. Soupqonner, v. a. to suspect. Style, s. m. style. Souper, v. n. to sup. Su, e, part. past, known. Souper, s. m. supper, repast. Suave, adj. sweet. Soupir, s. m. sigh. Subi, e, part. past, suflred. Soupirer, v. n. to sigh. Subir, v. a. suffer, submit to. Souple, adj. supple, pliant. Subit, e, adj. sudden. Souplesse, s. f. suppleness. Submerger, v. a. to submerge, to Source, s. f. spring, fountain, drown. source. Subjuguer, v. a. to subjugate. Sourcil, s. m. eyebrow. Subordonne, part. past, subordiSourd, e, adj. hollow, deep, dull, deaf. nate. Souriant, part. pres. smiling. Subsister, v. n. to slubsist, to exist. Sourire, s. m. smile. Substantiel, le, adj. substantial, Sourire, v. n. to smile. juicy. DICTIONARY. 271 Subtil, e, adj. subtle, keen. Sur, prep. upon, on, over, by. Suc, s. m. juice. Suir, e, adj. sure, certain; a coup Succeder, v. n. to succeed. sar, adv. certainly. Successif, m. successive, f. adj. ISu'rete, s. f. security. successive. Surface, s. f. surface. Sucer, v. a. to suck. Surnaturel, le, adj. supernatural. Succes, s. m. suLccess. Surnonimer, v. a. to surname. Succomber, v. n. to fall. Surpasser, v. a. to surpass. Sucre, s. m. sulgar. Surprenant, e, adj. surprising. Sucre, e, part. past, sweet, sugared. Surprendre, v. a. to surprise. Sud, s. m. soulth. Surpris, e, part. past, surprised. Suede, s. f. Sweden. Surprise, s. f. surprise. Suer, v. n. to sweat. Sursaut, s. m. suq2rpise, start. Sueur, s. m. sweat. Surtout, adv. especially, above all. Suffire, v. n. to suffice. Survenir, v. n. to come on sudSuffoquant, part. pres. being out of denly. breath, suflocating. Survivre, v. n. to survive. Suisse, s. m. Swiss. Suspendre, v. a. to suspend. Suite, s. f. train, succession, conse- Suspendu, e, part. past, suspended. quence: a la suite, in tew reti- Svelte, adj. light, slender. nue: de suite, together, in suc- Symbole, s. m. symbol. cession. Syrie, s. f. Syria. Suivant, prep. according to. Systime, s. m. system. Suivant, e, adj. following: s. m. follower. Suivant, part. pres. following. Suivi, e, part. past, followed. T. Suivre, v. a. to follow. Sujet, te, adj. subject. Ta, poss. adj. thy. Sujet, s. m. subject. Tabac, s. m. tobacco. Superbe, adj. superb, protud. Table d' hte, an, ordinary, comSuperficiel, le, adj. sulpe:ficial. mon table. Superflu, e, adj. supefluous. Tableau, s. m. picture. Superflu, s. m. superfluity. Tablette, s. f. tablet. SupBrieur. e, adj. superior. Tache, s. f. blemish,'spot. Supbriorite, s. f. superiority. I Tacher, v. n. to try. Superstitieux, m. superstitieuse, f. Tacite, s. m. Tacitus. adj. superstitious. Tacite, adj. implied, tacit. Supplice, s. m. pubnishment, (cor- Tage, s. m. Tagus, (a river.) poreal.) Taille, s. f. stature. Supplier, v. a. to supplicate, to eql- Tailler, v. a. to cut treat. se Taire, v. r. to be silent. Supporter, v. a. to support. T Ialon, s.m. heel. Supposb, e, part. past, pretended. Tamise, s. f. 7ammes. 272 D I CT IO NARY. Tandis que, adv. while. T6n6breux, m. tbn6breuse, f. adj. Tant, adv. so much, so many; tant dark, gloomy. que, as long as. Tenir, v. a. to hold, to keep, to take; Tante, s. f. aunt. tenir de, to partake of, to be relaTantbt, adv. one while, another ted to. while, sometimes. Tente, -s. f. tent. Taon, s. m. ox-fly. Tenter, v. a. to try, to attempt. Tapis, s. m. carpet. Tenu, e, part. past, held, kept. Tapisser, v. a. to hang, to furnish Terme, s. m. term, bound. with hangings. Termine, e, part past, terminated. Tard, adv. late. Terminer, v. a. to terminate. Tater, v. a. to feel; v. r. to exam- Terne, adj. dim, dull. ine one's self. Terrain, s. m. spot of ground. Tatonnant, part. pres. feeling, Terrasse, s. f. terrace, flat roof. gro i4tg. j Terre, s. f. earth, land, ground: a Te, pron. thee. terre, on land. Teint, s. m. complexion. Terreur, s. f. terror. Tel, le, adj. such. Tertre, s. m. knoll, mound. Tellement, adv. so, in such a man- Tes, (plu. of ton,) thy. ner. Testamentaire, adj. belonging to a TUmbrit6, s. f. rashness. will. T6moignage, s. f. testimony. Tte, s. f. head, person: tete-a-tete, Temoigner, v. a. and n. to testify. adv. in private conversation. Temoin, s. m. witness. Theatre, s. m. theatre. Temp6r6, adj. moderate, tempered. Theme, s. m. exercise, theme. Temperer, v. a. to temper, to mod- Thbocratique, adj. theocratical. erate. Theologie, s. f. theology. Temp6rance, s. f. temperance. Th6s6e, s. m. Theseus. Tempete. s. f. tempest. Thym, s. m. thyme. Temple, s. m. temple, chutrch. Tien, ne, pron. thine. Temps, s. m. time; de temps en Tige, s. f. trunk, stem. temps, from time to time. Tigre, s. m. tiger, Tigris, (river.) se Tenant, part. pres. holding each Tillac, s. m. deck. other, holding one's self. Timide, adj. timid. Tenant, part. pres. holding. Tintement, s. m. tinkling, buzTendant, part. pres. extending. zing. Tendre, v. a. to extend, to stretch, Tiraillement, s. m. putting. to hang, to bend. Tirant, part. pres. drawing, taking Tendre, adj. tender. out. Tendrement, adv. tenderly. Tirer, v. a. to get, to draw, to pull, Tendresse, s. f. tenderness. to fire. Tendu, e, part. past, bent. Tison, s. m. brand. T6nebres, s. f. pl. darkness, the Tissu, e, part. past, woven. dark. Tissu, s. m. tissue. DICTIONARY. 273 Tite Live, s. m. Titus Livius. Tournant, part. pres. turning. Titre, s. m. title. Tourner, v. a. to turn. Toi, pron. thou, thee, thyself: toi- Tournure, s. f. turn. meme, thyself. Tourterelle, s. f. turtle, turtle-dove. Toile, s. f. linen cloth. Tout, (pl. tous,) all, every, every Toilette, s. f. toilet. thing: du tout, at all. Toison, s. f. fleece. Tout, adv. quite all: tout I la fois, Toit, s. m. roof, covert. at once, all at once. Tombant, part. pres. falling. Tout-a-coup, all on a sudden. Tombe, s. f tomb. Tout de suite, all at once. Tombeau, s. f. tomb. Tout-h-fait, entirely, quite. Tomber, v. n. to fall. Tout pres de, very near. Tombereau, s. m. tumbrel. Tout-puissant, adj. all-powerful. Ton, s. m. tone. Toux, s. f. cough. Tonnant, e, adj. thundering. Tragant, part. pres. tracing, drawTonneau, s. m. cask, ton. ing. Tonnelle, s. f. arbor. Trace, s. f. track, trace. Tonnerre, s. m. thunder. Trac6, e, part. past, traced. Topaze, s. f: topaz. Tragique, adj. tragic. Toque, s. f. cap. Trahir, v. a. to betray. Torrent, s. m. torrent. Trainer, v. a. to draw, to drag. Torrentueux, m. torrentueuse, f. Trait, s. m. arrow, dart, stroke, adj. torrent-like. trait, feature. Tortu, e, adj. crooked, twisted. TraitS, s. m. treaty. Tortueux, m. tortueuse, f. adj. TraitS, part. past, treated. tortuous, winding. Traitement, s. m. treatment, usage. Total, s. m. the whole. Traiter, v. a. to treat: traiter de, Totalement, adv. totally, entirely. to call. Touchant, e, adj. affecting, touch- Traitre, s. and adj. false, traitor. ing.. Trame, s. f. woof, plot: ourdir une Toucher, v. a. to touch, to play. trame, to contrive a plot. Touffe, s. f. thicket. Tranchant, s. m. edge. Touffu, e, adj. bushy, thick. Tranquille, adj. tranquil. Toujours, adv. always, still. Tranquilliser, v. a. to tranquilTour, s. f. tower. ize. Tour. s. m. turn, trick. Tranquillite, s. f. tranquillity. Tour-a-tour, by turns. Transmis, past part. transmitted. Tourbillon, s. mr. whirlwind. Transparence, s. f. transparency. Tourelle, s. f turret. Transparent, adj. transparent. Tourment, s. m. torment Transplanter, v. a. to transplant. Tourmente, e, part. past, tor- Transport, s. m. transportation. mented. Transporter, v. a. to transport. Tourmenter, v. a. to torment, to Travail, s. m. labor, work. trozble. Travailler, v. n. and a. to work. 274 DICTIONARY. Travailleur, s. m. workman, -la- Trop, adv. too, too much, extremely. borer. Trophee, s. m. trophy. au Travers de, prep. through, Tropique,s. m. tropic. across. Troquer, v. a. to barter, to exa Travers; prep. across. change. Traverser, v. a. to cross, to pass Trotter, v. n. to trot. through. Trou, s. m. hole. Treillage, s. m. treillage. Trouble, e, part. past, troubled. Treille, s. f. arbor, vine-arbor. se Troubler, v. r. to be confused. Treize, adj. num. thirteen. Troubler, v. a. to trouble. Treizieme, adj. num. thirteenth. Troupe, s. f: troop, hlerd, train. Tremblant, part. pres. trembling. Troupeau, s. m. herd. Tremblement, s. m. trembling; Trousse, s. f. truss, bundle; en tremblement de terre, earth- trousse, on the croup. quake. i Trouvant, part. pres. finding. Trembler, v. n. to tremble. Trouver, v. a. to find. Trempe, s. f. temper, stamp.! se Trouver, v. r. to be found; trouTrempb, e, part. past, soaked. ver bon, to like. Trente, adj. num. thirty. Truffe, s. f. trlffle. Trepas, s. m. decay, death. -Tu, pron. thou. Tres, adv. very.'! Tuer, v. a. to kill. Trbsor, s. rm. treasure. Tuile, s. f. tile. Tressaillir, v. n. to start, to shud- Tuileries, s. f. Tuileries. der. | Tumulte, s. m. tumult. Tribu, s. f tribe. Tumultueux, m. tumultueuse, f. Tributaire, adj. and s. tributary. adj, tumultuous. Triomphant, e, adj. triumphant. Tunique, s. f. tunic. Triomphe, s. m. triumph. Turc, m. turque, f. adj. Turkish. Triompher, v. n. to triumph. Turquie, s. f. Turkey. Triple, adj. triple, threefold. Tyrannie, s. f. tyranny. Triste, adj. sad. Tristement, adv. sadly, sorrowfully. Tristesse, s. f. sadness. U. Trois, adj. num. three. TroisiBme, adj. num. third. Un, (fem. une,) art. a, an; adj. Trompe, s. f. trumpet, trunk, pro- one; les uns, some, the ones; 1' un boscis. et 1' autre, both. Tromper, v. a. to deceive. *Uni, e, adj. smooth, even. Trompette, s. m. trumpeter. Uni, e, part. past, united. Trompeur, m. trompeuse, f. adj. Uniforme, s. m. uniform. deceitful, deceiver. Unique, adj. singular, only. Tronc, s. m. trunk, stem. Uniquement, adv. solely. Tr6ne, s. m. throne. Unir, v. a. to unite. DICTIONARY. 2f75 (Univers, s. m. world, universe. Veau, s. m. calf, veal. Universel, le, adj. universal. VBcu, e, part. past, lived. Universitb, s. f. university. Vegetal, s. m. vegetable. Urne, s. i: urn. WV-gtal, e, adj. vegetable. Usage, s. m. use, usage. Vidame, s. m. Vida. User, v. a. to use, to employ, to con- Veille, s. f. watch, night before, eve, sume. being awake. Utile, adj. useful. Veiller, v. a. and n. to watch, to be Utopie, s. f. Utopia. awake. Veine, s. f. vein. Veloutb, e, adj. velvet. Velu, e, adj. hairy. V. V6nal, e, adj. venal. Venant, part. pres. coming. Vache, s. f. cow. Vendangeur, s. m. vintager. Vague, s. f. wave, swell. Vendant, part. pres. selling. Vaguement, adv. vaguely. Vendre, v. a. to sell. Vaillance, s. f. valor, bravery. Venitien, ne, adj. venitian. Vain, e, adj. vain; en vain, in Venge, e, part. past, avenged. vain. Vengeance, s. f. vengeance. Vaincre, v. a. to vanquish, to con- Venger, v. a. to revenge. quer. Vengeur, s. m. avenger. Vaincu, e, part. past, vanquished. Venin, s. m. venom, poison. Vainqueur, s. m. conqueror, van- Venir, v. n. to come: venir a, to quisher. happen: venir h bout, to succeed. Vaisseau, s. m. vessel, ship. Vent, s. m. wind. Valet, s. m. servantman, valet. Venu, e, part. past, come, being Valeur, s. f: valor, value. come. Valise, s. f. valise. Venue, s. f. coming. Vallee, s. f. valley, vale. Verdoyant, e, adj. verdant. Vallon, s. m. dale, little valley. Verger, s. m. orchard. Valoir, v. n. and a. to be worth: Vergue, s. f. yard, sail-yard. valoir mieux, to be better. VBridique, adj. veracious. Valse, s. f. waltz. VWritable, adj. true, real, pure. Vanneur, s. m. winnower. ~Vritablement, adv. truly, really. se Vanter, v. r. to boast. Veritb, s. f. truth; a la v6rit6, it Vapeur, s. f. vapor. is true, in truth. Varier, v. a. to vary. Vermeil, s. m. gilt, silver-gilded. Variete, s. f. variety. Verre, s. m. glass. Vase, s. m. vessel. Verrerie, s. f. glass-ware. Vase, s. m. slime, mud. Vers, s. m. verse. Vassal, s. m. vassal. Vers, prep. touards. Vaste, adj. vast. Versant, part. pres. shedding, Vautour, s. m. vulture. pouring out. 276 D I CT IO N A Y. Versant, s. m. declivity. I Violemment, adv. violently. Vers6, e, part. past, shed, bestowed. I Violent, e, adj. violent. Verser, v. a. to spread, to shed, to Violette, s. t: violet. pour out. Virgile, s. m. Virgil. Vert, adj. green. Virginie, s. f. Virginia. Vertu, s. f. virtue. Virginien, ne, adj. of Virginia. Vertueux, m. vertueuse, f. adj. Viril, e, adj. manly, male. virtuous. Visage, s. m. face. Verve, s. f. rapture, fancy, ardor. Vis-a-vis, prep. and adj. opposite. VBsuve, s. m. Vesuvius. Viser, v. n. to aim, to look to. Vetement, s. m. clothing. Visir, s. m. vizier, grand-visir, V etu, e, part. past, clothed, clad. grand-vizier. Viande, s. f. fiesh, meat. Visite, s. f. visit. Victoire, s. f: victory. Visit6, e, part. past, visited. Victorieux, m. victorieuse, f. adj. Visiter, v. a. to visit. victorious. Vite, adv. quick, quickly. Vide, s. m. void, emptiness. Vitesse, s. f: quickness, swiftness. Vide, adj. empty. Vitr6, e, glazed, of glass. Vider, v. a. to empty. Vitsnou, s. m. Vishnu, Hindoo Vie, s. f. life. deity. Vieil, le, adj. old, ancient. Vivacit6, s. f. vivacity. Vieillard, s. m. old man. Vivant, e, adj. living. Vieille, s. f. old woman. Vive, f. vif, m. lively. Vieillesse, s. f. old age. Vivement, adv. lively, keenly, Vierge, s. f. virgin, maid. brightly. Vieux, m. vieille, f. adj. old, an- Vivier, s. m. pond, fish-pond. cient. Vivifier, v. a. to vivify. Vif, m. vive, f. adj. lively, alive. Vivre, v. n. to live. Vigne, s. f. vine. Vivre, s. m. food, provisions. Vigoureusement, adv. vigorously. Vceu, s. m. vow; vceux, wishes. Vigoureux, m. vigoureuse, f. adj. Voici, this is, these are, there is, vigorous. here are, lo! Vigueur, s. f. vigor. Voila, there is, there are, lo! behold. Vilain, e, adj. vile, ugly. Voile, s. m. veil; s. f. sail. Vilain, s. m. villain. Voiler, v. a. to veil, to cover. Village, s. m. village. Voir, v. a. to see. Villageois, s. m. villager, country I Voisin, e, adj. neighboring. person. Voisinage, s. m. neighborhood. Ville, s. f. city. Voisine, s. f. neighbor. Vin, s. f: wine. Voiture, s. f. carriage. Vindicatif, m. vindicative, f. adj. I Voix, s. f voice. vindicative. Vol, s. m. Jlight, extent of wing, Vingt, adj. num. twenty. theft. Vingtaine, s. f. score, twenty. Volant, part. pres. flying. DICTIONARY. 2T7 Volcan, s. m. volcano. Voler, v. 11. to fly. W. Voler, v. a. to steal. Voleur, s. m. thief. Wabache, s. Wabash. Volontairement, adv. voluntarily. Volont6, s. f. will. Volontiers, adv. willingly. X. Voltiger, v. n. to flutter. Volume, s. m. size, volume. Xaca, s. m. Xacca (an Indian Volumineux, m. volumineuse, f. philosopher.) adj. voluminous, bulky. Volupt6, s. f. pleasure. Vouloir, v. a. to be willing, to fur- Y. nish; en vouloir a, to have a spite against. I Y. adv. there; pron. rel. to it, to Voulu, e, part. past, wished, been her, to him, to them, to that. willing. Yeux, s. m. (pl. of aeil,) eyes. Vofite, s. f. vault, covering. Voyage, s. m. journey. Voyager, v. n. to travel, to voyage. Z. Voyageur, s. m. traveller. Voyant, part. pres. seeing. ZBbre, s. m. zebra. Vrai, e, adj. true; adv. true. ZBle, s. m. zeal. Vraiment, truly, indeed. ZBphir, or ZBphyr, s. m. zephyr, Vraisemblable, adj. probable. west-wind. Vu, e, part. past, (of voir,) seen. ZBphire, or Z6phyre, s. m. westVue, s. f. sight, view. wind. Vulgaire, s. m. vulgar. Z6ne, s. f. zone. 24 HUNTINGTON & SAVAGE, PUBLISHERS AND BOOKSELLERS, 216 PEARL STREET, NEW YORK, Publish the following wvors by Professor Pinney: Pinney's First Book in french. 1 VOL., 18MO. THIS BOOK IS MORE SIMPLE AND EASY FOR BEGINNERS THAN ANY HERETOFORE PUBLISHED IN TIIE NEW METHOD, AND IS DESIGNED TO PRECEDE MR. PINNEY S LARGE WORK. Pinney's First Book in French, WITH A KEY. The Practical French Teacher; OR, A NEW METHOD OF LEARINING TO READ, WRITE, AND SPEAK THE FRENCH. BY NORMAN PINNEY, A. M. 1 VOL., 12MO. NEW AND IMPROVED EDITION, JUST PUBLISHED. Zey to the Practical French Teacher. ALSO, JUST PUBLISHED, Pinney's Progressive french Reader, WITH A LEXICON. 1 VOL., 12MO. ADAPTED TO, AND INTENDED TO ACCOMPANY THE TEACHER. The leading peculiarity in these works is, that they exercise the student throughout in the constant practice of speaking. The preparation of every lesson is a preparation for speaking the language, and every lesson is an actual conversation in it. These conversations, too. are progressive and systematic; commencing with the simplest elements of the language, and advancing one by one, through all the parts of speech, till the rudiments are thoroughly learned. The whole has been prepared with a view to overcome the difficulties which an American meets in acquiring a knowledge of that so necessary part of a finished education. The plan is the same as that of Manesca, and adopted by Ollendorff, but much more thorough and complete in its application to, and development of the syntax of the language, than the latter. Both forms of the first book are alike, except the addition of the Key. These books have been received with unexampled favor, having taken the place of almost all other books of the same grade wherever they have become known. In proof of this, the publishers respectfully ask the attention of teachers and all interested in the study of the French language, to the following testimonials:CAMBRIDGE, Sept. 26, 1849. I have examined Mr. Pinney's Practical French Teacher, and it strikes me as an improvement on the works of a similar nature which have been recently compiled. Mr. Pinney's presents, I think. several advantages over those which have been heretofore published on this plan. It is certainly more methodically arranged, and contains a larger number of rules. The short grammar which the author has 3 placed at the end of it, will recommend it strongly to every teacher who has adopted the Ollendorff system, and must have felt the want of something of this sort ill the works already written on this plan. ROBERT WHEATON, Instructor in Frenclh in Harvard University. Messieurs Huntington and Savage a New York: Je m' empresse a vous dire que j' ai examin6 attentivement 1' ouvrage intitul ",c The Practical French Teacher; or, a new method of learning to read, write, and speak the French language, by Norman Pinney, A. M.," et que je me suis d6cid6 a le substituer, dans les 5coles ou j' enseigne le franeais, au livre de M. Ollendorff, dont je me suis servi jusqu' a present. Je dirai a 1' egard des raisons qui m' ont determin6 a faire ce changement, que Mr. Pinney a donn6 beaucoup plus de developpement aux difficult6s que pr6sente 1' emploi du subjonctif'' et des temps passes; que les exemples introduits dans ses le9ons sont expliqu6s par des rEgles claires et precises; et enfin, que l' auteur est entre plus avant dans les difficult6s de la langue. J' ajouterai encore que' arrangement du livre de Mr. Pinney ne parait plus judicieux, et que le resum6 des'rgles a la fin de l'ouvrage est un excellent traite, bien calcul6 a en faciliter l' usage. J' ai 1' honneur d' etre, Messieurs, avec consideration, JEAN GUSTAVE KEETELS, Professeur de langues. BROOKLYN, le 9 Oct., 1849. MOBILE, March 5, 1849. I have used Professor Pinney's Grammar in my school since its first publication, and find it alike admirable in its method and its detail. The ease and rapidity with which the pupil learns to write and speak French with this book is quite surprising. E. GEORGE, Principal of the Female Academy. 4 After full experience in the use of the principal French grammars now before the public, including Manesca, Ollendorff, and Levizac's, I am confident the learner will acquire a more perfect knowledge of the French language, and with greater ease, with the aid of Mr. Pinney's grammar, than with any other. Its simplicity and clearness adapt it admirably to the capacity of young learners. LoUIs FISCHER, Teacher of French and German. New Orleans. Feb. 20, 1849. I have examined the Practical French Teacher, and find that it contains many advantages over other works of a similar plan. I therefore recommend it to French teachers, and all who desire to learn, not merely to read, but to write and speak the French language. P. A. GOLLIER, Professor of Modern Languages. CLEVELAND, Aug. 23, 1849. I have examined Pinney's Practical French Teacher. The plan is similar to Ollendorff's, and in many respects superior. I intend to make use of it as a text book for my pupils in French. J, WODZENSKI.L NEW YORK, Aug. 2, 1849. I consider this a very superior work. I have made use of it for my pupils from the time the first edition was published, and recommend it to teachers and learners as a work of great value. H. C. SPARKS. HARTFORD, June 3, 1849. From Professor Le Feber, of New York. I have no hesitation in expressing a decidedly favorable opinion of Mr. Pinney's Practical French Teacher. The lessons, commencing as they do, with the simplest principles, and advancing step by step in an easy and regular order, together with the exercises attached to the lessons, are well calculated to secure a rapid knowledge in speaking and writing the French language. I have adopted it in the schools in which I am engaged, and also in my private instruction. C. LE FEBER. NEW YORK, Nov. 22, 1848. PHILADELPHIA, Oct. 11, 1849. I feel it a duty, as a teacher, to express my opinion in regard to the superiority of the " New Method of learning the French Language," by Mr. Pinney, on the same plan as Ollendorff. " The Practical French Teacher" presents a series of exercises admirably combined, and better calculated than any other manual to impart rapidly to the student a knowledge of the French language, both written and spoken. I also recommend, particularly, " The First Book in French," by the same author, as excellent to prepare pupils of an early age for the study of the New Method. F. DROUIN. Having used for two years Prof. Pinney's "Practical French Grammar," I am able to state that it answers well the purpose for which it is written; 1 therefore take pleasure in recommending it favorably to the attention of both teachers and students of the French language. F. A. BREGG, Prof. of the French and Spanish Languages in the Central High School, Philadelphia. From Rev. Hubbard Winslow, Teacher of Young Ladies' Select School, Bowdoin Place, Boston.* I have used the French Grammar of Prof. Pinney in my school from the commencement of this academic year, and give it the decided Seventy pupils are now using the Grammar in Mr. Winslow's School, and it is also used in most of the important schools in Boston. 6 preference to any other which I have used. I am confident that no teacher will use this Grammar without feeling grateful to its author for doing so valuable a service for all who wish to acquire a practical knowledge of the French language. H. WINSLOW. BOSTON, Dec. 4, 1848. MESSRS. HUNTINGTON AND SAVAVE: Gentlemen-Professor " PINNEY'S PRACTICAL FRENCH GRAMMAR" has lately been adopted for the use of the classes in the French language in this Academy. My impressions of its value, above any other work of the kind which we have used, are most decisive. S. B. WOOLWORTH, Prin. Cortland Academy. HOMER, CORTLAND COUNTY, May 16, 1849. When "PINNEY'S PRACTICAL FRENCH GRAMMAR" was first issued, I examined it with care, and I became satisfied that it was the best work of the kind with which I was acquainted. It was immediately introduced into the Institute, and its use has fully confirmed the high opinion I had previously formed of its merits. Without referring in detail to all its peculiar excellencies, the manner in which the subjunctive mood is treated, constitutes a merit obvious to all teachers who examine it. Its other valuable features will be discovered by both the instructor and the pupil. The introductory work, " PINNEY'S FIRST BOOK IN FRENCH," is admirably adapted to the use of the younger pupils in the language. N. W. BENEDICT, A. M., Prin. Rochester Collegiate Institute and Prof. Languages. ROCHESTER, July 21, 1849. "PINNEY'S PRACTICAL FRENCH GRAMMAR" has been in use in this institution during the past year, and has given entire satisfaction. It is what it claims to be-" a practical introduction to the French language," happily combining the principles and forms of the less practical grammars with the oral system-a combination so desirable in a work, the object of which is to facilitate the acquisition of a living language. In short, it bears well the test of use, which is the highest of all commendatory testimonials in its favor. EDWARD G. TYLER, Prin. Ontario Female Seminary. CANANDAIGUA, July 23, 1849. MESSRS. HUNTINGTON AND SAVAGE: Gentlemen-Having employed Manesca's Oral System for several years immediately on its first appearance, with much satisfaction to myself, and, as I believe, with no small benefit to large classes of pupils, I was rejoiced to find his labors at length acknowledged, his merits appreciated, and his defects-generally unavoidable in striking out a new path-remedied by. Mr. Pinney. Mr. Manesca was entirely oral, and though excellent, imposed upon the teacher a labor which few are willing to perform, and required of the learner an amount of time which he could ill spare. Mr. Pinney avoids these defects by putting his grammar as a book of exercises into the hands of the scholar, and by bringing the analogies of the language into closer proximity. However, on employing Mr. Pinney's Grammar in the instruction of my own children, I found it going too fast for them. This defect I am glad to find entirely removed by his " First Book in French," which has also the further merit and important advantage of constituting the easiest possible introduction to the reading of the language. Finally, I do not hesitate to say that the two books of Mr. Pinney's, elucidated by the " Keys," when they are required by the teacher, are the best aids for thorough grammatical study of the French, as it is spoken, read, and written, with which I am acquainted. Respectfully, GEORGE C. WHITLOCK, Prof. Math. and Experimental Science. GENESEE WESLEYAN SEMINARY, Lima, July 10, 1849. 8 J' ai introduit dans mes classes primaires le Premier livre de Mr. Norman Pinney avec beaucoup de succes. Combinant en miniature les avantages, et 6vitant quelques erreurs d' Ollendorff et de Manesca, i] est de la plus grande utilit6 aux commencants, qui, souvent se rebutent I la vue d' un ouvrage volumineux. Je le recommande avec beaucoup de plaisir aux professeurs des Etats-Unis. HENRY DE LAPLACE, Professeur de langues modernes des Smninaires d' Ithaque, d' Owego, et de Bingharnton. *** THE SERIES IS NOW USED IN ALL THE PRINCIPAL SCHOOLS THROUGHOUT THE COUNTRY.