THE LIBRARY OF THE UNIVERSITY OF CALIFORNIA LOS ANGELES SYS T M E MARITIME ET POLITIQUE D ES PENDANT LE DIX-HUITIEME SIECLE. SYSTEM E MARITIME ET POLITIQUE D E S PENDANT LE DIX-HUITIEME SIECLEj F O N D E SUK LEtJRS TRAITfiS DE PA1X, DE COMMERCE. ET DE NAVIGATION. PAR le citoyen ARNOULD, chef du Bureau du Commerce, et de la Balance du Commerce. La confluence ( de ee syttemt^eft tie montrer a TEurope , la marine anglai.te roinmc un colossc mena9ant ct red on table par sa propre force , qui merae , sans sccours conti- ncntaux, peut triompher d tnute confederation inaritinic, i haine (Stcrncllc i sa tyrannic, n'cst un.inimement jinc.s fvc tuutes Ics nations iiitercssces i la Iihert6 dcs mci>. Chapitre XIX , page 2j4. A P A R IS, DE L'lMPRIMEHlE D'ANTOINE BAILLEUL. AN V DE LA REPUBLIQUE FRAN9AISE. ( I 797 , Y. St. ) a < Se vend chez LARAN, libraire , palais Egalite, galerie du c6t de la rue des Bons-Enfans , n. 181. - Et chez ANT. BAILLEUL, imprimeur, au Bureau du Journal du Commerce , rue Neuye Augustin , n. 742. D A -766 J^* A V E R T I S S E M E N T. A marine , ce double mobile de fortune et le puissance, chez les nations modernes, est ?arvenue au plus haut degre de force et d'e- bndue. Les grandes rivalries qu'elle a fait nai- t*e , et qui nous ont valu quelques jouissances e de si nombreuses calamites , 6taient incon- nies des anciens. Les peuples meme les plus cdebres, s'adonnaient a la navigation et au conmerce exterieur, en conquerans et en Sy- barites, plutot qu'en politiques et en negocians. Les historiens, justement estimes, qui ont trace les divers tableaux du commerce mari- time chez les modernes, sont trop generale- ment repandus , pour qu'il soit besoin de rap- pele: ici les voyages audacieux du quinzieme siecle,les decouvertes productives du seizieme, et les etablissemens fixes et lointains du dix- septieme. Dans le dix-huitieme siecle, trois evenemens inajeurs ont contribue aux ddveloppemens des a 666541 ij AVERTISSEMENT. fucultes maritimes des Europeens. i . La guerre de la succession d'Espagne , au commencement de cette periode , mil en jeu loules les ambitions des priiuipulcs puissances maritimes, parPes-i poir de recueillir quclques lambeaux de I'lie-* rituge colonial du Mexique ct du Perou. Lea puissances des second et troisieme ordres, ref c.urent , par contact , la meme impulsion. 2j. L 'indepcndance des Americains , dans la dc7- niere partie du meme siecle, vint redouhler 1'aclivite generate, en oflrant aux plus habiips des concurrens, la forte part d'un grand com- merce, le seulafFranchidanslenouveauinonde. 5. La memorable revolution franchise , a Fex- piration de la meme periode seculaire , serrple se combiner avec Pindependance du pcuple americain , pour imprimer , dans le dix-neu- vieme , un nouveau mouvement aux liaisons des peuples des deux mondes. ^r.ib UL. -:;:>-);:* ^ : ) 2i Jj.j ; / A : j Le developpement de cesnouveaux rouages des socieles modernes , fait Fobjet du present Iraite, ^ous le litre de SYSTEME MARITIME ET A V E R T I S S IT M E N T. ifj. f OLITIQUE DES EuROPEENS, PENDANT LE DIX- rtUiTiEME siECLE ? etc. Cette theorie n'a encore el6 exposee nulle part : elle esl pour le plus irrand nombre des homines meme instruits. ce o qu'ietait, dans le dix-septieme siecle , la doc- trine Dfi LA BALANCE DU COMMERCE, soigneu- sement discutee et eclaircie dans le dix-hui- lieme , par des ecrivains experimentes , tant en France cju'en Angleterre. Pour se convain- cre de 1'insuffisance de toute notion ecrite jus- qu'a ce jour, sur le SYSTEME MARITIME MO- DERNE, il suffit de consulter le Dictionnaire universel des sciences morale , economique , pclitique et diplomatique ; ou Bibliotheque de Vhomme d'etat et du citoyen (*). L'editeur y passe en revue, au mot SYSTEME, ces combi- i i .'.'<' '. \ ft >'' i '>.* i > liaisons de polilique exterieure qui , d'age en age chez les differens peuples , ont signale leur EXISTENCE RELATIVE. Systeme d'agran- dissement ; systeme guerrier ; systeme paciji- (*) Londres 1783. 3avol. in~4. mis en ordrc et public par jkobinet. iv AVERTISSEMENT. que ; sy steme des nations commercantes; sys- teme d'abaissement des puissances formida- bles. De ces cinq especes , Le sy steme des na- tions commercantes est le seul qui ait rapport a notre sujet : mais on ne trouve pas plus de vingt lignes consacrees a son analyse , dans la Bibliotheque de I'homme d'etat ; et clles ont et6 copiecs litteraleinent, en 1788, dans la partie diplomatique de la nouvelle Edition de 1'Encyclopedie. D'un autre cote, au nombre des divisions etablies a ce sujet dans 1'Encyclopedie, par ordre de matieres , sont deux sections pririci- pales; 1. la science de la marine; 2. la cons- titution oa le regime de la marine : mais on y a omis la potitique de la marine. Seulement , 1'auteur du discours preliminaire mis en tete de cette partie de V Encyclopedic methodique, fait une remarque. II est aussi indispensable, dit-il, que les marins entendent \& potitique; ils sont souvent dans le cas de se trouver au milieu des nations etrangeres , et de trailer AVERTISSEMENT. V avec elles . C'est cette lacune dans la doc- trine navale, prise ici dans le sens metaphysi- que , que nous essayons de remplir par ce trai- te , dont la contexture a pour base , la concor- dance , la correlation et le but politique dcs actes diplomatiques , sur le commerce et la navigation des Europeens dans le dix-huitieme siecle. Cette collection choisie,composee de pieces commentees et extraites des archives des na- tions, pendant le siecle present, et des elemens de leur histoire economique, formerait plus de six volumes in-quarto. Le terns n'est pas pro- pice pour les livrer aujourd'hui a Pimpression : les frais d'une pareille entreprise seraient de difficile rentree. D'uncote,Pactivite nationale qui a tant a reparer, et de 1'autre , les succes hatifsqu'on se contentegeneralement de pour- suivre a la tribune chez les penples nouvelle- ment promusala libcrte,retarderont Pepoque ou toute etude serieuse et de longue haleine , servira de litre pour s'elever aux fonctions publiques. T) AVERT ISSEWBNT. D'aillcurs, Ic moment presse pour signaler clairement aux Europeens les usurpations du gouverncment anglais, qui a combine sa force et sa prosperite dans la creation de son syste- me maritime et politique, de maniere a para- lyser ou a engloutir tous prin^pes d'industrie chez les autres peoples. (*) Le plan de cet ouvrage est simple. ' 3 ' ' ^ .' ' '',' 'Y'- 1 1 ' ' if). : Chaque nation maritime de PEurope y pa- rait successivement , avec uri precis cle son histoire politique , anterieure au dix-huitieme siecle. Elle olTre ensuite des developpemens sur les moyens mis en ccuvre pendant cette periode , par les gouvernemens respectifs , pour creer, soutenir ou etendre leur systeme ma- ritime et politique. (*) Cet cuvrage etait termine avant 1'ouverture des dcl-hie- res negociations. On y verra que les vuesariibitieiises de 1'An- gleterre se manifestent par la seule exposition raisonnee de ses actes publics. Nos preuves sont etrangeres a cet esprit de de- Mdrriation , et meme de diffanlatioii , dirige centre la nation francaise, dans les nouvelles lettres D'EDMOND feuRKE , sur les negociations de paix onvertes avec le directoire. AVERTISS E.M E N T. L'EsPAGNE , comme fondalrice du sy'steme colonial chez les modernes , devait former le sujet du premier chapitre. Les puissances du midi et celles du nord , font successivement la matiered'autantd'analyses separees. La Fran - ce et 1'Angleterpe composent les deux derniers chapitres, et ferment en quelque sorte la mar- che de ce congres europeen, devantlequel les litres sont apportes, les projets discutes, les moyens analyses, les succes apprecies, et tou- tes les usurpations denoncees aux contempo- rains et a la posterite. Un semblable plan exigeait que ce qui est relatif a la France et a TAngleterre , fut traite pour ainsi dire de front, afin de faciliter les rapprochemens dans les circonstances actuel- les, et d'en faire jaillir les consequences d'une maniere plus frappantes. Nous osons nous flat- ter que ce voile sera dechire, qui derobe encore a des regards peu exerc6s, les funestes efTcls qui rcsultcraient incessamment pour les Euro- pecns, de 1'csprit d'cnvahissemcnt manifesto, Viij AVERTISSEMENT* sous tant de rapport, par Ic cabinet britan- nique. Puis.sions-nous done obtenir, de la publi- cation de notre travail , ce triple avantage , 1. que tousles cabinets se coalisentenfin, una- nimement, centre celui de Londres; 2. que tous les peuples soient convaincus qu'ils ont un meme interet avec la France; 3. et que celle-ci , dans Phistoire des erreurs de son an- cienne administration, ypuise des lemons d'ex- perience pour la conduite future de son syste- jne maritime et politique ! CHAPITRE PREMIER. L'Espagne. est la puissance de 1'Europe qui rappellele mieuxle souvenir de la splendeurnavale des anciens, en meme temps qu'elle montre le berceau du sj r steme maritime et politique des modernes. La destinee maritime de 1'Espagne embrasse trois epoques bien distinctes. La premiere comprendles temps les plusrecules, j usqu'ala ruine de sa marine militaire,sous Philippe II, a la fin du 1 6 e . siecle. La seconde renferme 1'existence de cette marine, pendant le 1 7". siecle. La troisieme serapporte a sa situation dansle dix- huilieme, apres la paix d^Utrecht,, en 1715. On ne retracera que les traits caracleristiques des deux premieres epoques, en reservant les develop- pemens pour la derniere. Les Pheniciens , les anciens Marseillais et les Grecs fonderenl successivement des colonies commer^antes en Espagne. Leur celebrite ne le ceda qu^a la fortune maritime de ces Carthaginois qui, apres avoir do- mine dans cette conlree, disparurent eux-inemes devant les conquerans du monde. L'Espaigne, du joug des Remains, passa, vers le milieu du 5 e . siecle, sousla domination desroisGolhs. Les Mauxes s'j .etant ctablis au coininejicenieul du A !2 SYS, T M E MARITIME 8 e . su'cle, releguerent Irs anciens lial)itans, les uns vers les uionlagnes des Asturies, dans la Galice cl dans la Biscaye, les aulres dans Irs Pyrenees, enlSavarre el dans 1'Arragon. Celte situation polilique dc 1'Es- pagne ainena lapuissanee des Mauris, appeles aussi Sarrazins ou ^4rabcs. Us occuperent la pru tie meri- dionale et marilime, tandis que les parlies seplen- trionales se reunirt ril sous 1'aiitorite de deuxj)i inees gollis, pour ibrmcr les roj'aumes de Castille et d'Arragon. Les Maures qui propagerent en Espagne , avec toules les sciences, les nialliematiquesell'aslronoiiiie, ne negl igerenl ni la navigation , ni le commerce qu'ils exergaient avec sueces dans loutl'Orient. L'esprit des combinaisons maritimes et commerciales se commu- niquasanS doute dans la suite aux aneienshabitans restes sous la domination des comtes de Casiille. On salt, en effet, que FR>pagne conclut avec les villes anseatiques, son plus ancien traile de commerce qui a servi de type a ceux des Anglais, des Hollandais et des Francais. On trouve egalement dans le corps universe I di- plomatique , un traite de i55i , enlre Edouard III, roi d'Angleterre, et les deputes des villas maritimes du royaume de Castil!e et du comle de Bisca^ye, pour le biendu commerce reciproque. Ce traite est suivi d ? un autre de 1'annee i! x 53, ayant le meme objet, entre les habitans de Bayonne etles deputes des villes maritimes de Casiille. Ces deux actes, a^sez ancienspour 1'Europe com* ETPOLITIQUE. 5 mercanle, prouvent I'importance que les princes de la couronne de Casliile attachaienl a la navigation, etl'on ne doitpasetreetonnesi., plusd'unsiecleapres, lorsque le genie des voyages et des deeouvertes raa- rilimes lourmentait les En ropeens ,lsabelle de Casliile favorisa les projets de Chrisloplie Colomb , en faisant equiper , en i4g2 , la ilolte qui le conduiait dans le nouveau monde. La reunion des maisons de Castille et d'Arragon, entraina la mine de la domination des Maures, en Espagne, consommee par la prise de Grenade, en i4g4. Des alliances successives contraclees vers le milieu du i6 c . siecle , avec la maison d'Aulriche, furentles principes de la puissance colossale de 1'Es- pagne, qui, des-lors, s'etendit en Europe, soit par les conqueles, soit paries droils d'heredile, sur une partie de VJtalie, sur le Portugal, sur les dix-sept provinces des Pays-Bas, sur le comte de Bourgogne, et sur une immense terriloire en Amerique. C'est veritablemcnt au i6 e . siecle qu'il faut rap- porter Pepoque de la fondation du sysleme maritime etpolilique des modernes dans I'elablissementdeleura colonies lointaines.Des que TEspagne eut decouVert un autre hemisphere, elle imagina un S3 r steme in- connuauxpeuples de Pantiquite. Lenom decolonie, chez les anciens, rappelait Pidee des sentimens de fraternite, d'hospitalite et de commnnaute de biens, de lumieres et de forces. De pareilles aflec lions ne pouvaient se trouver dans Fame des dominateurs , qui , devenus maitres des mines du A a 4 S Y S T M E MARITIME Mcxiquc et clu Perou , avaient des tn'sorsa conserver, et dcs avcnturicrs a surveillcr. Le cabim-l e.spngnol crut devoir ^'assurer de loulcs les productions de ses colonies ct de leur approvisionnement, afin d'cn micux maitriscr les habitans : d'aillcurs, dans le choix des moyens a emploj r er pour la conservation de leurs domaincs eloignes, les modernes durent adopter le scnl sysleme de gouverncmcnt connu dcpuis long- temps en Europe, celui de la. force militaire. Peut-elre la rigueur de ce systeme se serail-elle adoucie , a mesure que 1'experitnce en aurait prouve les inconveniens, si, dans le moment ou la fortune dc 1'Espagne s'ctendait par des decouverles et des conquetes en Amcrique,ses alliances surle continent europccn ne 1'avaient jetlee dans une carricre d'am- bition qui ne permit plus de suivre avec disceme- ment les afiaires des Indes occidenlales. La reunion, sur la tcte de Charles -Quint, de la couronne d'Espagne , avec sa qualite de chef de 1'Empire, fit avorter, pour la premiere puissance, tout sjsteme raisonne de politique maritime. En effet, Fesprit de domination ajant totalement subjugue ce prince, toules ses conceptions adminis- tratives furent employees a combiner ses tresors d'Amerique et ses nombreuses recrues d^Allemagne, avec ses ressources industrieusesdesPays-Bas, pour se faire des moyens d'altaque contre tous les souvc- rains de son temps. Definitivement il n'obtint de tant d'efforts , qu*une sterile , repuisement de ses etats et Tennui ETPOLITIQUE. 5 de sa propre existence. Philippe II, fidele a ce meme sysleme d'aggrandissement , joignit aux ressorls ex- tremement tendus par son predecesseur,r*esprit de brouillerie et de corruption dont ii empoisonna tous les cabinets de 1'Europe. La durete de son gouvernement ayant fait revolter les provinces des Pays-Bas , soutenues dans leur de- fection, par PAngleterre qui voulait deja rivaliser de puissance maritime avec FEspagne , Philippe II s'en irrita , rassembla toutes ses forces dans les trois armemens de i588, 1596611697, an nombre des- quels se trouva la flotle surnom.mee I' Invincible; mais elles echouerent contre la fortune maritime naissante de FAngleterre. Philippe II, un an avant de mourir , vit s'aneantir la marine espagnole, et detacher de sa monarchic, par la revolte des Pays-Bas, des provinces etendues et fertiles , peuplees dessujels les plus laborieux et en meme temps les plus industrieux de sa domination. L'esprit de vertige qui s'empara de Charles-Quint el de Philippe line leur permit done pas <]e rectifier les principes sur lesquels ils avaient base leur^sysleme colonial 5 et 1' ascendant de 1'imitation ayant fait adopter les memes vues par les aulres peuples de 1'Europe, a mesure de leursconquetes, il en estresulte une foule d'erreurs et de consequences funesles a la prosperite des nations modernes. La source en est toule entiere dans cette fausee politique qui naquit des passions exaltees de Charles-Quint, etdes idees tenebreuses de sou fils. A3 6 S Y S T ' M E MARITIME Ainsi,l'Espague qui, dans les temps anciens , avail i a gloire ct sa prosperite cles colonies 11 or isy an les clc^ Phcnicienscl de.-; (irccs, fill, dans les temps pos- tc'-i ieurs, la propagalricc d'un syslcmc lout oppose clans la fondation des colonies moderncsjet c'est une nouvellc prcuve qne 1'cxperience eclaire bicn rarc- ment les gouvcrnnncns dans leurs delerminalions. Le rcsultat d ? aussi mauvaises combinaisons lut pres- que I'ancantissement, avantla fin du 16*; siecle, de tonic lamarine osp;ignolc,nu 7 unelbu]e d'evc-nemens heiircux cl extraordinaircsavaitconcoiiru a former, etmt'me a rent 1 . re ilorissante vcrs le commencement de la mcme epoqne. ' v' Ce ful a la suite de scs pertes , que s'ouvrit , pour PEspdghe,le 17*. siecle. L*impulsion qu'avaient donnee a sa politique cx- terieure, le caractere ardent de Charles-Quint, et 1'lmmeur sombre de Philippe II, influa sur la con- duile du cabinet de Madrid dans le siecle suivant. 11 ne fut occupe que du soin de recouvrcr les Pays-Bas, qu'il acTscva de pcrdre ; de conserver ie Portugal, qui secoita 4pn autorile, et d'agiter la France, en ali- meutant.de son or, nos troubles, domestiques. Pendant ce temps , FAngleterre, fiere d'avoir e'^te 1'ecueil ou s'elaienl brises les armemens giganlesques de 1'Espagne, seniit des-lors plus vivemenl a quelle destin^e pouvait Tappeler sa situation geographique, ets'efforca, dans le \j e . siecle, a nourrir sa marine des profits que son commerce interlope enlevaitfur- tivcmenl dans les colonies espagnoles. E T P O L I T I Q U' E. 7 La possession de la baio de Campeche, en appa- aence pour la coupe des bois de leintiire, et dans le \rai, pourservir la conlrebande anglaise y fut un objet in terminable de discussions enlre 1'Angleterre etTEs" pagne, jusqu'a ce qu'enfm, par le traile de Breda, en 1667, les Anglais oblinrenlie droit, confirme par les trailes subsequens, de former des etablissemtns a Campeche. La vacance du trone d'Espagne , par la mort d& Charles II, en 1700, et les dispositions faites par le testament de Charles, en faveur d'un prince de la maison de Bourbon, firent passer une grande partie du commercede I'Amerique espagnoleenlreles mains des Francais , en vertu. du traite conclu en 1 70 1 , pour V^/fssiento , ou privilege de la fournilure des noirs dans les colonies occidentals de 1'Espagne. Par cet nrle, el conformement a d j aulres articles convenus en 1 70^ , afin de faciliter le commerce entre les swjets respectiis , les cotes dc Chili et du Perou , et i,ous les ports de la mer du sud furent ouverts aux bcitimen* frnncai.sj ils en rapporlerent des soinmes si conside- rables en piastres, qu'en 1709, epoque f'ameuse des calamiles de la France, les negocians de St. Mala rerserent dans les hotels des mommies, pour trente millions de piastres. La paix d'Ufrecht, en 1713, ferma aux Francais, com me aux autres nations, la mer dusud etsesporte, ainsi que le porle une declaration du conseil de France , du mois de Janvier 1716 , qui leur en defend A 4 8 SYSTEM E MARITIME le commerce el la navigation. C ''e.->t alors que 1'affcr- inis.M'inent de la monarchic espagnolc xur la tele d'uji prince de la maison de Bourbon , commenca cette troisii'nie epoque du systeme maritime el polilique de J'Espagnc. Le resullat de la guerre de treizo annees qui onvrit le i8 c . siecle, fut, pour cclte puissance, le dcmembre- menl de sa riclie succession , par la perle de Gibral- tar, de Tile Minorque el de la .Sicile $ ma is nn preju- dice encore plus sensible qui en i'ut la consequence , a ele le changement de dynaslie, qui rendil la mar- chede son gouvernementincerUiiiieetdebilejetdes- lors il devint incapable de reparer des forces epuisees par de si longucs calamiles. Philippe V, ami du repos, esclave de sa femme et de son confesseur, signala son Jong regne par les brouilleriesque ses minislres , Alberoni etliipperda, tous deux de race etrangere, lui suscilerent en Eu- rope.Leur administration inlerieure ful remarquable paries exactions des Italiens, qui exploilaient alors FEspagne , comme ils avaient travaillela France dans le \j e . siecle , en y entrant a. la suite des Medicis. Dans celte position , le cabinet de Madrid fut par- liculiciement occupe, pendant la moitie du i8 e . sie- cle , a fonder , pour les rejeitons du trone , des etablis- semens enlialie. II en dut resulter necessairement de la tiedeur dans la poursuile d'un bon sj^steme de po- lilique maritime. D'ailleurs,les etrangcrs qui eurent la plus grande part dans les affaires, apres la paix d'Ulreckl, neulraliserent Fespril nadoual espagnol, ETPOLITIQUE. 9 etetoufferentpeut-e Ire des conceptions heureusesqui eussent profile a son commerce et a sa marine. Quoiqir'il ensoit, cet ordre de choses ne fut guere avanlageux qu'a FAngleterre, qui fit des-lors farmer a la France les mers du sud. Elle y fut subslituee a celte derniere puissance par le nouveau traite de r^4.ssiento , qui assura aux armaleurs anglais la fournilure des noirs dans les colonies espagnoles. Ce marche d'hommes dura 5o annees, depuis le i cr . raai i/iS, jusqu'a pareil jour de 1J43. Un aulre avantage de laGrande-Bretagne, fut de se menager, par ce meme pacle, des mojens surs de perpeluer son commerce interlope, par la stipulation d'un vais- seau , d'abord de 5oo tonneaux, ensuilc de 85o, par la convention de 1717, ctaumoinsde 1000 par abus. Ce vaisseau admis a Tapprovisionnement de Porto- Bcllo , etait alimenle sans cesse de marchandises anglaises, par une paiache a son service, etrendait ainsi les cargaisons versees dans les colonies e.spa- gnoles , egales a celles qu'aurait porlees une flotte enticre. Toutes ces concessions oblenues ou extor quees, furent le resultat des Iraites de paix et de com- merce de 1713, de conventions particulieres expli- cativcs ou restric lives de 1716, de 17210! dei728, en Ire 1'Angleterre et FEspagne. Comme elles prejudiciaient non -sculement au commerce de FEspagnej mais encore a celui dc toutes les nations de FEurope qui fournissaient a Cadix des marchandises de Icurs crus et de leurs fa- Lriqucs, pour y elre embarquecs a la destination du 10 SYSTEMS MARITIME golpliedu Mexique, dies furentsouvcnt ^occasion de rigueurscxerceesparlegouvernementespagnol con- tre les marchands anglais, dans les colonies jrigueurs qui, devenant, eft 1 7^y^le principe d'une guerre ma- ritime, furent encore lalalcs a la marine espagnole, ruinee par les Anglais, qni, a ceflcepoquc, oblinrent le succes le plus decide. Ces demeles donnerent lieu , des 1738, a des explications qui furent suivies, aa commencement de i/Sg, de hull diplomes entre les deux nations: mais tonics ces luttes polemiqnes n'em- peclierent pas la guerre d'eclater avant la fin dc la taeme anneej guerre funeste a FEspagne ! On con- naitles succes de Pamiral Vernon, qui ruina Por(<^- BellojetecliouacependantdevantCartliagene. L'his- loire a tra"nsmis le recit des riches prises faites par Vamiral Anson sur Ic-s Espagnols, ainsi que le triom- plie de son equipage, rentre a Londres , charge de trophces, apres avoir laitle tonr du monde. La paix d' \ix-la-Chnpelle, de 1 748, confirma , en faveurdes Anglais le traite de V^Lssiento , de 171 3, ainsi que Particle relalif au vaisseauannnel, pour les 4 anriees pendant lesquelles la joni.ssance en avait eU- interrompue.Maisparun Iraited'accomrnodement conclu aBuen-Retiro, le 5 oclobre 1760,8 M. Brit, renonca entierement a lous ces privileges, et oblint tnechange, des moderations de droils sur les mar- chandises importecs dans les porls de la domination espagnole en Europe, ct une diminution de taxes sur les laines qu'cllc ferait enlrer ct corlir d y E.->pagne r par tcrre. ETPOLITIQUE. 11 Quant a la position dc celle-ci vis-a-vis les autres puissances dans cesieclr,lavoici:l'Espagne avait ac- corde,en I7i3,nn traite de commerce a la Hollande , et un semblable a i'empcreur des Romains , en 1 726. Enlrainee alors par la polilique.generale de 1'Europe, autantque conduile par son pvopre interet, elle avait pris part aux deraeles relalils a la compagnie d'Os- tende (*), qui se prolongcrent de 1724 11728, et se . terminerent en 17.^1 , parle traite de Vervins, entre Fempereur, la Grande-Bretagne et FEspagne, traite porlant suppression de la compagnie d'Oflende. La pacification de 1748, assura a lamaison d'Espa- gne,en la personne de DomCarlos, les Deux -Siciles ; el Parme , Plaisance et Guastalle demeurerent a 1'infant Dom Philippe. Les evenemens qui avaient porte un prince de France au trone d'Espagne , determinerent la poli- liqne de son cabinet a i'egard du Portugal. Cette dcrnitTe puissance, enlivrant, en 1703, son com- merce entier a FAngletcrre, s'assura une protection contre les anciennes preventions del'Espagne, alors fortifiee de son union avec la malson de Bourbon. Les negociationsd'Utreciit amenerent, en 1716, un traite de paix entre les nations espagnole et portu- gaise , par lequel elles iixerent'lcs limiles de leurs possessions, de leur commerce et de leur naviga- tion dans les Indes occidenlales; elles s'attacherent a regler particulicremcnt ce qui avait rapport a la (*) Ces demeles stir la compagnie d'Oslend.'. , sont deve- loppes au chapitre XII , qui traite de la mawon d?Autriche. 12 S Y s T M E MARITIME rolonieporlugaiseduSt.Sacrement,situecsurlcbord ional dc la Plala , prc.squc vis-a-vis Buenos- Ayres ; mais de nouveaux denieles sur celle posses- sion ,s j etantelcvesenlrelesdeux couronnesen 1777, les limitesrespeclives furent reglces par un Iraile du i cr . oclobre dela memo annec. 11 lut suivi, en 1778 , d'lin a ulre de garanlie de commerce eld'amilie cnlre" les deux puissances. Depuis le commencement jusque vcrs le milieu de ce siecle , 1'Espagne avail pi u lot afTaibli son systeme maritime, qu'elle ne Pavail elendu el fortifie : 1'An- ^U icrre avail fatigue singulierement la marine espa- gnole dans la guerre de 1739, occasionnee par les di'-meles de son commerce inlcrlope sur les cotes du. Mexique,dont le Iraitc de V^ssicnlo favorisail puis- samment Fexercice. On vient de voir comment, en i75o,l'Anglelerre consenlit a echanger les profils de la fourniture des noirs dans les colonies espagnoles, centre d'autres avantages commerciaux , tant en Amerique qu'en Europej etce ful encore un coup de politique dc la part du cabinet britannique j car il sul bie.nlpl, par d'ullerieures stipulations , s'assurer de nouveaux moyens d'interlope dans les memes possessions es- pagnoles, el perpetuer . ainsi des causes de rupture dont. Tissue amenait toujours quelques concessions favorables au commerce anglais. En eflel,la posilion respective des deux peuples en Amerique , a clonne lieu a Irois poinls principaux dc discussions entre eux : ET POLITIQUE. l3 1. Les anciens etablissemens des Anglais dans la baye de Campcche , pour la coupe des bois de lein- ture ; 2. Lcs privileges de l'^4ssiento, oblenusen 171^, etannullesen 17605 5. Les nouveaux elablissemens anglais dans le golphe de Honduras, oblenus par 1'Aijglelerrc, par le traite de Paris en i ^63. Les etablissemens anglais dans la baj r ede Campe- ,che interessent moins le commerce deFEspagnejles Anglais n'y peuvent couper que du bois. Le seul avantage qu'ils en tirent pourl'interlope, c'esl d'avoir un entrepot de navires et de marchahdises pour la corilrebande qu'ils exercent deja dans le golphe du INIcxique, et principalement sur les coles de File de Cuba, d'oii ces marchandises peijelrent par difle- rcntes voies, jusqu'a la Havanne. jVIais cette contre- bande exige une assez grande traversee, et ceux qui la font n'ayantpas d^etablissemenl ni de pretexte pour en former sur les coles de Cuba, ils ont l^eaucoup plus de frais, de difficultes et de dangers a essuyer, que dans la partie de Honduras, oil 1'interlope se fait, pour ainsi dire, de plein pied avec le Mexique. Des Irois principaux etablissemens fixes des An- glais dans le golphe de Honduras, celui de Jl'los- quitos est le plus important pour 1'Angleterre, et le plus dangereux pour FEspagnej non-seulement les Anglais, sous le pretexte des bois de teintnre, font impunement et a main armee la contrebande sur to u tea les cotes du golphe du Mexique, des iles adja- i4 S Y s T M E MARITIME centes, et de la baye de Honduras; mais ils onl en- core, comme moyen auxiliaire, la chasse el les ela* biisseineris qu'elle aulorise pour la preparation des cuirs. Sous ces divers prelextes , des hangards qui se Iransporlaient jadis a mesure que la chasse ou la coupe des bois etaient cpuises dans chaque canton, furent par eux lran.sfornies en elablissemens fixes, et en magasins reinplis el vuides sans cesse par Fin- terlope. II resulta , de cetle nouvelle cession, plusieurs inconveniens graves pour T>spagne : 1. Ce grand commerce interlope dont on vient de parler. 2. Des nids de corsaires , ou meme de pirates, qui, en temps de guerre, renouvellent, sur ces cotes, les - brigandages et les ravages affreux des anciens fli- buslicrs. 3. En temps de paix, de nouveaux empietemen.s favorises par lavenale condescendance des prepose.s espagnols. De-la, nouvelles discussions el nouveaux sujets de rupture. On doit penser que toules ces considerations n'ont pas ecliappe au cabinet de Madrid; mais qu'en acce- dant a de nouvelles concessions, lors de la paix de 1765, il a cru trouver dans 1'alliance elroite qu'il venaitde contracter avec la France, par le pacle de farnille, une balance de force assezefficace pour con- lenir on repousser les empielemens ou les aggression* des Anglais. ETPOLITIQUE. l5 Celte circonslance du pacte de famille , celle de Pavenement , en 1709, de Dom Carlos, ont eu , ainsi qu'on va le voir, une influence assez remarquable dans la derniere parlie de ce siecle, sur differens poinls principaux d'amelioration dans la polilique de 1'Espagne. On s'appercut bientol, dit Mirabeau, que cette )> succession , qui avail coute tarit de sang, n'assurait pas encore lereposdesdeux nalionsjlesroiselaient D parens, les penples n'elaicnl pas unis , les minislres etaient rivanxj el 1'Angleterre profilanl de leurs divisions pour les affaiblir, s'emparail impunement )> du sceptre des mers et du commerce du monde. 5* La guerre eclale en 1 766. Ce ftit apres que la )) nation francaise cut perdu ses vaisseaux, ses ri- )) chesses el se.s pi us belles colonies, quenosmalheurs fournirent au caractere espagnol une occasion glo- )> ricuse de se deploy er , tel que depuis lors il n'a w cessed'e Ire- pour nous. Ce peuple genereux, dont la bonne foi a passe en proverbe , nous reconnut )> pour ses amis, quand il nous vit pres de succom- ber. II vinl par lager nos infortunes , relever nos esperances, afiaiblir nos rivauxj et ses ministres signerenl , en 1 76 1 , un traile d'allianne avee nous , )) sur les troncons brises de nos armes , sur la mine )> de noire credit et sur les debris de noire marine. Quel fut le fruit de celte union? Seize arineesde paipc et de Iranquillile, qui n'auraienl pas encore * eprouved'inlerruplion,sil\\ngleterreeutrespecle )) dana ses colonies les principes sacres qu'elle a lore iG S Y s T M E MARITIME cliczelle, etsi lesFrancais,protecteursdela liberto des autres , avant d'avoir su la conquerir pour eux- )) memes,n'avaienl presse le roi dc defendre les Ame- )> ricains . C'est , en eflVl , avec PEspagnol quc nous acquimcs 1'imrnortel honncur d'avoir fbndc la liberle chcz un peupledigne de la posseder. Le traitc de 1761, entre la France etl'Espagne, fut suivi, 1. D'une convention du 2 Janvier 1 768, interpre- tative de 1'article 24 du pacte de famille. Ellc fut long- tcmps secrete entre les deux cours, et observee en France avant de Pctrc en Espagne j publiee enfin dans les ports de cette puissance, elle a rendu plus ulile au commerce des deux peuples, le traite fondamen- lal de leur alliance (*). (*) Cette convention del 768 contient 21 articles; voici 1'ana- lyse des principaux. L'art. i er . etend aux parties contractantes tous les privileges dont jouissent dans les etats respectifs les nations les plus favo- risees, quoique ces privileges ne soient pas exprimes daus 1'art. s4 du pacte de famille. L'art. 2 porte , que tous avantages commerciaux accordes posterieurement a quelque nation que ce soit, deviendront communs aux habitans des deux puissances; etque lafranchise, quant a la navigation, sera la meme pour les batimensfrancais etespagnols dans leurs ports respectifs. L'art. 3 etablit que les pe~ches sur les cotes de France et de 1'Espagne s'exerceront . egalement par les deux nations, en se conformant aux lois et reglemeas en usage dans les deux etats. ETPOLITIQUE. IJ 2. D'une autre convention du i3mars 1769, re- lative aux fonctionsdes consuls et vice-consuls dans les ports respectifsj 5. D'une convention fiscalestipulee en 1774 pour Pinleret des douanes francaises et espagnoles , con- vention en partie abrogee par celle qui suit : 4. Enfin, de la convention de 1786, par La fauguyon , d'une part , et Florida - Blanco, de 1'autre j conveniion qui devait etre enregistree au conseil de Castille, et qui ne 1'a point encor e ete$ raais qui sert de titre a la plupart des plaintes de nos navi- gateurs commercans. L/exactilude historique place naturellement ici le souvenir de nos brouilleries recentes , causees par le faux appercu de Finfluence de notre revolution sur les interets de nos alliesj mais les coeurs francais et espagnols doiven t tressaillir d'esperance pour laspJen- deur future des deux nations , en relisant le traile du 22 juillet 1796, conclu par le bon esprit du cabinet de Madrid , comme base de la paix et gage de noire bonne intelligence. L'art. 4 regie le mode de la visite des batimens dans les douanes, d'apres les traites de 1767 et de 1713, entre 1'Espagne et 1'Angleterre. Les 16 articles suivans developpent ceux qui precedent, pour mieux assurer la liberte et le succes des relations ruari- times entre les deuxpeuples. Enfm , I'art. 21 et tterniercontient la clause expresse de tenir la presente convention secrete, CA prenant des mesures adiui- nistrativeg pour son execution. B i8 SYSTEMS MARITIME La cour d'E.spagne n'a pas etc long-temps sans s'appercevoir des funesles effete des nouvelles con- cessions faites en 1763 a 1'Aogleterre. Elle fut ibrcee, en 1771 , de reconnaitre les d roils de celle puissance sur les iles de Falklan ; et en i 790 , 1'Espagne , aidee de ^intervention etde la mediation de la France, re- gla , par une convenlion avec le cabinet brilannique , son commerce sur les co(es de IVLosq uilos y des griefs respeclifs elaient sur le poinl d'allumer la guerre dans toutes les parlies du globe. Le cabinet ^'Espagne, toujours interesse a repri- mer les atteintes porlees a la liberle de la navigation, accedaen 1780 auxdeclaralions de neutralile ai-mee proposee aux puissances marilimes par les cours de Danemarck et de Russie. Egalement alien lif a as- surer, depuis la paix de 1783, la liberle de son pa- vilion sur la Medilcrranee , il negocia et oblintenfin en 178'^ un traite de paix et de commerce de la Porte. Les possessions des Turcs en Europe, menaceespar la Russie, disposenl an jonrd'hui le divan a s'u nir avec toutes les puissances inleressees a la liberle de la Me- diterranee. Ce traile fut un acheminemenl a la con- clusion, en 1784, d'un Iraile de paix avec Tripoli, et en 1786., d'un autred'amilieavecAlger. La bonne intelligence seretablilverslememetempsavecMaroc. Tons ces developpemens prouventquela conduile du sysleme maritime etpolilique del'Espagne, dans le i8 e . siecle, a ete plus ou moins favorise ou con- traric, soil par 1'effet des concessions anterieures a ce siecle, au profit de la Grande-Bretagne, soil par ET POLITIQUE. 19 laposilion europeenne el coloniale deFEspagne, soit enfin par la pression que la fortune navale loujours croissanle de 1'Anglelerre , pendant celte periode, SL exercee sur loutes les puissances raarilimes, et en. particulier sur la marine espagnole. Dans les temps anlerieurs, la fureur des decou- vcrtes, Fesprit de domination el de conquetes, et la haute fortune de la monarchic espagnole, ont du imprimer au caraclere de celte nation fiere aujour- d'llui de ses anciens succes, une sorte de gravite qui porte acluellement les descendans a jouir avec di~ gnite ( comme disait Mirabcau ) de leurs ricliesses acquires, et de la renommee d'ancetres illnstres. De-la aussi un premier obstacle a Factivile indispen- sable pour mailriser les evenemens nouveaux qui minenl les anciens elemens de prosperite. Si , d'apres celte disposition de Fesprit espagnol porte pour ainsi dire a la contemplation de sa bonne fortune, on ap- precie ce qu'il faudrait de courage et de moyens pour suffire a Fexploilation de tous'les elemens de sa puis- sance, on verra quelle diificulte FRspagne, par sa seule position, doit Irouver a soutenir le poids d'un. si grand role. 11 est une consideration qui, sans doute, n'a pas echappe aux observateurs,mais qui naitsur-toutdes fails que nous venons d'esquisser; c'estque FKspagne est la .seule nation dont les membres se procurent en mcmc temps leur subsislance par to.us les genres de travaux oui marqucnt les diilerens degres de la civi- lisation. B 2 20 SYSTEMS MARITIME I/Espagne, considered sous les rapports dc son existence collective dans les diflerentes parties du globe, presenle le tableau unique et varie cVhabitans chasseurs pres le theatre de carnage des anciens ili- bustiers j pasteurs errans dans les conlrces des deux Castillesj agriculteurs dans les belles plaines de 1'Andalousiej manujacturiers sous le beau ciel du royaume de Valence j rentiers par le tribut annuel de leurs mines du Mexique et du Perou j et marins transportant d'un pole a Fautre , sur 1'immensite des mers, la richesse et I'induslric des deux mondes. De cctte variete de moyens qui procurent la sub- sistance a des millions d'hommes, naissent les obs- tacles considerables que doit eprouver le gouverne- ment espagnol pour cenlraliser Fopinion publique, et fafre marcher toules les volontes vers Ic? genre d'amelioration que peut exiger la mobilite des cir- constances. L'etat de prosperite de 1'Espagne, dans la pre- miere partie du i8 e . siecle, a ele retrograde. II est devenustationnaire dans laseconde par tie jmais dans ces derniers temps , il a une tendance marquee vers 1'amelioration, tant par le progres des vues saines qu'a manifestoes le conseil de Madrid, queparl'es- prit public qu'il a su propager avec le secours des societes patriotiques ou des amis du pays. II faut encore le remarquer : 1'Espagne possede tous les elemens des richesses reelles et convention- nelles. C'est de leur adroite combinaison que peut resulter , pour ses habitaus, la plus grande masse, de ETPOLITIQUF. 21 jouissances. Mais cette sagesse distributive ne suffit pas, s'ils ne parviennent a Fentiere securite de leur existence europeenne et coloniale, en tenant perpe- tuellement en arret, par la bonne reputation de leur sysleme maritime, la convoitise anglicane. C'est done la le point capital de la politiquc mari- time de FEspagne. Elle ne doit cesser de reveiller les qualiles belliqueuses dans Fame des Espagnols, pour les porter a se tenir sur la defensive , etdans certains cas meme , sur V offensive , conti'e Fesprit d'envaliis- sement de la Grande-Bretagnc. Le gouvernemenla plus deressor Is qu'onne pour- rait le croire pour diriger dans ce sens Fesprit natio- nal , quoique Madrid, la capitale, bien loin d'etre une ville maritime, ne soit pas meme riveraine , le Manganares qui y coule , n'etant qu'un^z^/ d'eau. L'exislence de ses habitans est assuree par le$ emolumens que dislribue le gouvernement pour la direction generale des colonies orientales etccciden- tales; et par les salaires resullans des depcnses des colons, grands proprielaires. Ajoulons que FEspa- gnol est naturellement sedentaire et pen expansif chez les autres nations j que d'un autre cote , les re- gards des habitans de Madrid demeurent continuel- lement frappes de la representation majestueuse qui s'y deploie, comme au centre de Fautorile nationale dans les deux Indes. Toutes ces circonslances con- courent a la formation de Fesprit public, et le di.s- posent aux grandes entreprises pour le maintien des possessions nalionales dans les diverse* parlies du B 6 23 S Y S T T & itf E M A R I T I M E globe. L'cxperience juslifie cette opinion. On se rappelle quelle faveur obtinrenl la banque de Saint- Charles et la compagnie des Philippines, apre.s la pacification de 178^5 mais unfailbien plus decisif, c'est que la communaute des marchands de Madrid, associes sons le nom de Gremios , a fait plusieurs fois des armemens pour les iles Philippines, situees aubout du nionde. Madrid estavance, a celegard, de plus d'un siecle par rapporl a Paris. Qu'on y pro- po.se nux ci-devant raarchands des six corps une semblable association qui place des capitaux pour en e*perer la rentree, avec les risques de la mer , a deux annees de date, et vous les verrez Beetle pro- position, mettre une serrure de plus a leur colFre- fort. Pour les marchands parisiens , toutes colonies , toutes speculations raaritimes equivalent jusqu'ici, a des operations de commerce dans une autre plancle. La capilale de 1'Espagne, souveraine dans les deux mondes , n'a pas des idees aussi relrecies. Elle sait sur-lout qu'elle ne parviendra a ecarter toutes chan- ces desastreuses pour sa monarchic, qu'en unissant ses moyens naturels et acquis , avec ceux que mul- tipliera bientot en France 1'activile republicaine. Qu'elle forme un faisceau de sa puissance avec la notre , et Pindependance des possessions espagnoles sera assuree centre les tentatives toujours renaissan- les de la devorante marine anglaise. Les forces raaritimes de I'Espagne, au moment de la revolution francaise, etaient estimees a 72 vais- seaux de lignc de 1 1 1 a 58 canons, 4 1 fregates et 109 ETPOLITIQUE. 23 aufres bat im ens de toute grandeur, le tout arme de 10,000 canons. Les regislres des classes des trois de- partemcns du Frioul , de Carthagene et de Cadix , lui donnaient plus de 5o mille matelots. En deux mots, le systeme maritime et politique de PEspagne , par sa nature , est defensif contre le vues hostiles des Anglais ^passif dans ses relations commerciales avec les autres Europeens f actifdans les liaisons avec ses colonies 5 enfin auxiliaire dans une communaute d'efForts avec la France, pour s'op- poser aux usurpations de Fennemi coramun. B4 ai S Y s T i- M E MARITIME CHAPITRE II. Le Portugal. O i les Europeans pouvaicnt un jour effaccr les for- faits dont ils se sont souilles apres la decouverle df;s deux Indesj si les douceurs d'une communication fraternelle , fondee sur des besoins reciproques , pouvaient jamais elre les seuls liens qui unissent les habilans de Pancien et du nouveau monde , alors les generations futures , frappees d'etonnemenl au sou- venir des conceptions hardies de leurs ancetres , eleveraient un monument au genie de la navigation. Ce genie presenlerail en altributs , au prince Henri de Portugal, un globe et une boussole, tandis que 1'Indien, instiluleur des peuples, FAfricain degage de ses fers, et le Peruvien echappe du trepas , s'in- clineraient devant PEuropeen , dont la puissance au- rait enfin reuni leurs embrassemens de toutes les extremites du globe. Le spectateur d'un semblable monument serait peut-elre moins frappe de ce qu^il offrirait d^impo- sant, que du contraste que lui presenterait le Porlu- gais qui en serait le heros , avec ceux d'aujourd'hui , et de Petal de nullite ou cetle nation est enfin reduile dans la carricre de la navigation. Le Portugais des seizieme, dix-septieme el dix- huitieme siecles presente un grand objet de medita- ETPOLITIQUE. 25 tion a Pobservateur qui parcourt les vicissitudes de Pexistence des peuples. Le Portugal ou Fancienne Lusitanie, passa de la domination des Pheniciens et des Carthaginois, sous celle des Remains. Les Alains et les Visigoths s'en rendirent maitres successivement dans le 5 e . et dans le 6 e . siecle. LesMaures et Sarrazins y lirent une in- vasion dans lehuitieme. Us en furent repousses j mais ce ne fut qu'en i i5g s\tf ^4 Iphonse Henriquez, fils d'un comte de Portugal, remporta une victoire si- gnalee sur les Maures, et se lit reconnaitre roi de cette con tree. Sous le regne de Jean F r , son successeur, et des la fin du 1 4 e . siecle , les Portugais formerent des eta- blissemens en Afrique, et decouvrirent les Azores. Son pelit-fils Jean II accueillil les Juifs dans ses etats, et s'occupa beaucoup a perfectionner la navigation et a faire de nouvelles decouverles. Ces decouvertes amenerent un premier traile avec le roi d'Espagne, Ferdinand-le-Catholique , en 1^92 , et un second en i4g4, par lequel le monarque portugais cedait a Ferdinand toutes les lerres situees a Fouest du Cap- Verd ct des Azores, a la distance de 370 millesj il se reserva to us les pays qu'on decouvrirait vei^s TOrient. On voit qu'avant le seizierae siecle, le genie dc la navigation faisait taire le demon de la superstition chez les Portugais, qui, d'un cote donnaient 1'hospi- talile aux Juits, et de 1'autre marchaieut, sous la di- rection d'un heritierde la couronne, a ladecouveiie dc pays habilca par les iniidcles. 26 S Y S T M E MARITIME Cetle impulsion donnee par le.s rechcrches assi- dues, les combinaisons savantes et les decouvertes heureuses du prince Henri, lit aux Porlugais du 16*. siecle, la destinec la plus brillante qu'ail jamais ob- tenue aucun peuple. Danscetleperiode, audacieuxsousVascodcGama, inlrepide sous Americ Vespuce, prudent et brave sous Albuquerque, courageux et negociateur sous Ata'ide, le Portugais etendit d'abord sa domination sur 1* Asie , PAfrique et PAmerique , conserva ensuite, par des qualiles rcelles et une bonne administration, les pays immenses qu'il avait conquis , et suspendit la chute de son vaste empire , en dissipant la ligwe de tous les princes indicns que son autorite, devenue rexatoire , avait armes conlre le Portugal. L'empire asiatique devait etre demembre par 1'ef- fet d'evenemens dont la cause se trouvait dansFEu- rope, foyer unique cliez les modernes, de touies les vicissitudes qui arrivent dans les diverses parlies du globe. Vers le commencement du 17*. siecle, le defaut d'heritier au royaume de Portugal, par la mort du cardinal Henri , procura cette couronne aux rois d'Espagne 5 etpar une fatalileremarquable, pendant que Philippe II acqucrait pour ainsi dire par droit de succession les trois autres parties du monde, de malheureux pccheurs, habitant quelques marais dans un coin de 1'Europe, les Hollandais en un mot, se- couaienl son odieuse domination. Devenus conque- rans par la necessite d'une juste defense, ils atlaque- ETTOLITIQUE. 1J rent avec sncces les riches etablissernens cles Porlu- gais en A.sie et en Amerique. D'un aulre cote , les 'Anglais et les Francais , attires successivement par Fexemple de la bonne fortune des Hollandais , et de- vennsbelligerans conlrel'Espagne , et auxiliaires des peuples qui s'insurgeaient contre son despolisme, prirent part dans 1'Inde au riclie bulin que ne defen- dait plus la stupeur porttigais-e sous la domination espagnole. Vers le milieu de ce meme siecle, en i64o, les Por'ugais secouant le Jong espagnol, elurent pour roi le due de Bragance. Le Portugal redevint alors naitre du Bresil, mais perdit Pile de Cejlan, et ne recouvra aucune de ses possessions dans 1'Inde. II conclut enfin, en 1688, avec PEspagne, une paix qui le fit reconnailre roj'aume independant, et lui rendit en Europe et surles cotes, son ancienne eten- due, si l ? on excepte la ville de Ceuta en Afrique, qui demeura aux Espagnols. Le tableau que nous venons d'esquisser, presente le Portugaistour-a-tourguerrier sousAlphonse,leur premier roi ; porte a Fheroisme sous Sebastien j navi- gateur sous Emmanuel, et militaire sous le due de Bragance. Nous n'avons plus guere a le considerer, pendant pres d'un siecle, que comme 1'esclave de cetle nation brelonne, si enlreprenante et si heureuse dans ses combinaisons , pour obtenir le sceptre des mers , en combatlant les puissans, inlimidanlles fai- bles et neutialisant les indolens. Nous le verrons en- *uile, dans la derniere parlic du i8 e . siecle , sous le 28 S Y S T fc M E MARITIME minislerc plus que vigourcux du marquis dePombal, rompre quelqucs anneaux dc la chainc polilique dont ]e tcnail garotte depuis si long-temps, la cupide An- gleterre. La Grande-Bretagne n'avait pas atlcndu ccs der- niers temps pour s'emparer de la puissance pecu- niaire et maritime du Portugal. Ce roj'aume , en se- couantlejougdel'Espagne,avaiteubesoindesecours elrangers, pour Faidcr a resistor anx forces dc soa enncmi, beaucoup pi us considerables que lessiennes. Le cabinet de Londres, dirige par la prevoyance de Cromwel , gucttait des-lors les moyens d'offrir et de fa ire payer yes services. Ce profond genie senlait bien que pour suppleeralafaiblessedela population de son pays, il fallait oblenir les moj^ens de sou- doyer des recrues en Allemagne, centre les ennemis ou les rivaux, sur le continent, de sa puissance maritime. Le Portugal, dans ce sens, et par la possession des mines du Bresil , etait un riche do- inaine a exploiter j aussi conclul-il, en iG42 , un Iraitc de commerce avec le Portugal , quesonsucces- 8eur, Charles II , renouvela : exemple remarquable de la politique d ? une nation quisuitson but avec une perseverance egale sous les usurpateurs ou les princes legi times , lorsqu'ils donnentlesuns et les autres une impulsion favorable a la prosperitepublique ! Cependant , malgre les concessions failes alor par le Portugal a TAngleterre, la conduite de la France envers la premiere de ces puissances, influa davantage sur ^exclusion donnee aux manufactures ETPOLITIQUE. 29 franchises , en faveur de celles d' Angle lerre. Void comment: L'admini^tration de Colbert, remarqae judicieu- sement un ecrivain moderne , en embrassant les moyens de faire fmctifier toutes les branches da commerce francais , crut necessaire , pour ameliorer nos possessions d'Amerique , deprohiber, en iG64, Fentree en France des sucres et tabacs du Bresil. La cour de Lisbonne, aigrie, comme elle devait i'etre , parcetle prohibition, defendit, de son cote, 1'entree des objets de manufactures f ranc.aises ; et c'ciaicnt lesseuls qui eussent, a cette epoque,de la faveur dansle Portugal. Genes s'empara aussi-tot dcs soie- ries qu'elle a toujours conservees depuis ; FAngleterre s'appropria les eloffes delaine , mais avec unsucccs jnoins soutenu. Les Portugais , diriges par des ou- rriers appcles de toutes parts, commencerent, en 1681 , aineltre eux-memes en oeuvre les loisons de leurs troupeaux 5 et les progres do celte Industrie furent assez rapides , pour qu'en i684 on put pros- crire plusieurs especes de draps etrangers , et bientot apres ceux de toute especei La Grande-Bretagne vit cet elat de choses avec chagrin. Elle s'occupa long-temps et vivement du projct de se r'ouvrir la communicnlion qui lui rivait 6te fermee. Ses soins lui promcllaient quelquefois une issue favorable j mais i'inbtajit d' apres, il fallait renoncer aux esperances qu'on avait crules inieux fondees. On ne pouvait prevoir oil tant de mouveniens abouliraient,lorsc|u'ilse fit, 3o S Y 5 T M E MARITIME de 1'Europe, un changement qui bouleversa toutes les idees. Un pelit-fils de Louis XIV fat appele au trone de IMLspagne. Toutes les nations furent effrayees de 1'a- grandissement d'une maison qu'on trouvait dej-a trop redoutable. Le Portugal en particulier, qui n'avait vu jusqu'alors qu'un appui dans la France , n'y voululplus voir qu'un ennemi qui de.sirerait ne- cessairemenl 1'opprimer , et qui peut-etre 1'entre- prendrait. Celte inquietude le preeipita dans les bras de 1'Anglelerre, qui, accoutumee a faire tourner tous les evenejnens a Tavanlage de son commerce , ne pouvait manquer de saisir avec chaleur une oc- casion si favorable a ses interets. Le Portugal avail d'abord reconnu Philippe V : bientot , cedant aux instigations perfides de.s Hollandais et des Anglais, il cntra dans la ligue qu'ils formerent pour le ren- verserdu trone. Cesderniers mirentle sceau a cette alliance, par le fameux traitede commerce de 170.1 L'ambassadeur Mcthnen , negociateur profond et delie, signa le Qy decembre ce traite, par lequella cour de Lisbonne s'engageail a permellre Penlree de toutes les etoffes delaine de la Grande-Bretagne , sur le meme pied qu'avant leur prohibition , a con- dition que les vins de Portugal paieraient un tiers de moins que ceux de France aux douanes d'An- gleterre. La pacification d'Utrecht, en 1713, vint calmer les inquietudes du Portugal , en Fassurant des bonnes intentions de la France a son cgard j et ce ETPOLITIQUE. 3l royaume obtint pareille securite de la part de I'Es- pagne , par le traite de 1716, qui reconnut 1'inde- pendance du Portugal en ralifianl le pacte de 1668. La puissance portugaise, delivree ainsi de tous soins exterieurs , son roi , Jean V , s'endormit pres de quaranle ans sous Pespece de proteclorat qu'il laissa exercer a milord Tirawley. Get anglais etait appuj r e du credit de la reine , nee autrichienne , et favorise par Pinsignifiant ministere d'un frere Gas- pard , recollet. Tirawley ne manqua pas d'inculquer au roi la plus haute estime pour la nation anglaise, et de lui inspirer du mepris pour la sienne. Gaspard ne vit pas meme un peuple dans les Portugais : il gouverna le royaume comme un couvent de moines. Pendant celte longue periode , il ne fut pas lire un seul coup de canon j aussi, aucun elan de ce pa- triotisme, que fait naitre le besoin d'une juste defense, ne fut communique, aux Portugais, presque oublies du reste de 1'Europe , tant etait profonde leur inac- tion! Les Anglais travaillerent aloisir , pendant cet ancantissement politique et econoraique , a leur forger deschaines qu'ils nc pussent rompre de long- temps. Leur servitude fut telle a. cette epoqne , que meme les vaisseaux qui allaient au Bresil sorlaient des chantiers d'Anglelerre , ainsi que toutcs ic mu- nitions de guerre el de bouche. L'Anglelerre navi- guail alors pour ce royaume , fuisait son commerce des Indcs, de la Chine, du Japon, de PAfrique. Plus de 800 vaisseaux etrangers elaient employes aux diifcrenles branch.es du sa navigation. 32 S Y s T M E MARITIME Un seul homme s'indigna pour toute sa nation de ce honleux assujetissement. Ccl homme fut, pour Thonncur meme du Portugal, le lusitanien Carvallio , depui.s comte d'Oe3 r ras , ct successivement marquis dc Pombal , d'abord minislre plenipotentiaire a. Londres , sousla fin du rcgne de Jean V. C'est au sein dcl'Anglelerre,ditrhLslorien deson administration, qu'il apprita detester le joug britannique 5 il puisa dans 1'ctude de ses livres econoraiques , les mojens de briser les chaines de son pa} r s , et d'illustrer son fntur ministere, en sapant enfin par ses fondemens la puissance maritime et coramerciale delaGrande- Bretagne dans le ro3 r aume de Portugal. L'occasion se presenta bientot pour Carvallio de commencer a. realiser ses projets a cet egard j il devint premier Ininistre en 1760 , lors de I'avenement de Joseph l" r . au trone. Soil que le caraclere bouillantdu marquis dcPom- ';al 1'ait porte a entreprendre sans menagement la regeneration subite du Portugal , soit que les obsta- cles innombrables a vaincre aient redouble son ar- cleur a les surmonter , ou qu'une sorte d'enthou- siasme , pour le bien de sa nation , lui ait fait com- battre a ou trance les causes de la degradation de sa patriS , soit enfin que toutes ces circonstances sepa- rees ou reunies aient agi sur 1'ame forte du premier ministrejtoujours est-il vrai qu'il existe pen d'exem- ples de la hardiesse de ses mesures pour ravir aux Anglais le sceptre maritime et commercial qu'iLs avaient ETPOLITIQUE. 33 avaientusurpe sur les Portugais , a force de ruses et d'obsessions ,sous le regne precedent. Pendant les vingt-six annees que dura le minis- tore du marquis de Pombal,ilfit de nombreuxchan- gemens dans ^administration. Plusieurs f urent essen- tiellement utiles j quelques-uns durent echouer , parce qu'ils elaient outres : mais presque toutes les mesures qu'il prit furent dirigees centre le commerce anglais, et Ton verra que ces coiitinuelles atlaques influerent par la suite, et meme apres la mort du marquis de Pombal, surle sjsteme maritime adoplti depuis par la courde Lisbonne. Sans nous arreter a toutes les ameliorations pro- . voquees parle ministre portugais dans cetteseconde parlie du dix-liuitieme siecle y nous dirons qu'il pi-o- mulgua Tedit d'etablissement d'une compagnie des Indes et de la Chine , une autre des vins de Porto. Celte derniere occasionna une revoke memorable , dans laquelle le cabinet britannique ne joua pas sans doute le dernier role. Nousrapelleronsaussil'erection d'une autre compagnie du Maragnan et du Grand- Para , en Amerique , la construction du canal d'Oey- ras , la permission accordee a cliaque arinateur d^n- voyer en tout temps ses vaisseaux et ses marchan- dises , soil dans les ports de I' Amerique, soil dans tons ceux de la domination portugaise , en Europe. II fallait auparavant altendre quelquefois deux ans le depart des flottes. Plusieurs de ccs disposi- tions considerees sous le point de vue rigoureux des principes economiques , peuvent eprouver des C 34 S Y S T ft H E MARITIME critiques ion dees ; mais elles avaienl essenlielleraent pour but polilique d'aflaiblir la coalition des capita- lisles anglais, en reunissant les ressources pecu- maires des nationaux, et lesmeltant ainsi a portee de se livreravec avanlage aux difle rentes branches du commerce des deux hides porlugaises. Le marquis de Pombal, dans toutc son adminis- tration, parait done avoir ele constamment guide parle desir de miner Finlluence des capitalistes an- glais en Portugal. C'est dans celte vue qu'il pro mi; 1- gua un edit qui ordonna d'arracherle tiers de.s vignesj inoyen de haine , sans doulc , plulot que de sagesse , 'mais dont 1'objetelait dediminuerla recoltedesvins en Portugal , livres au nionopole de 1'Anglelerre , par le traite de Methuen , et d'y substiluer la culture des grains que cetle puissance lui fournissait, pour le tenir mieux dans sa dependance. C'est dans le meme esprit que ce minislre proliiba la sortie du numeraire; ordonna que tous les inar- chands delailleurs fermassent leurs boutitjues, s'ils ne jusliliaientquelamoiliedescapitaux de leur com- merce leur appartenaitj prescrivit a lous les An- glais, grands magasiniers de grains, de les vendre publiquement sur les places; lit briiler diverses mar- chandises etrangeres dont il avail defend u Penlree et 1'usage , pour favorLer celles du pays. 11 n'y eut aucune de ces mesures qui n'altirat les reclamations de la cour de Londres par ses ambassadeurs, et elles ne furent pas ecoulees. llii'eiit pas iauiile de faire une remarque qui don- ETPOLIT1QU. E. 55 liera la mesure du caractere du marquis cle Pombal j c'est que mylord Tirawley , qui avail joui d'une si grande preponderance sur 1'esprit du precedent roi, Jean V, ful envoye .specialement, mais inulilement j en ambassade a Lisbonne , pour solliciter la suspen- sion de Fedil de prohibition de la sortie du nume- raire. Get edit fut main ten u. Voici un aulre fait encore plus important. Dans la guerre de 1757, 1'Angleterre usant de sou autorite arbilraire sur les mers, avail brulesurla cole de Lagos, plusieurs vais.-seaux francais. Celle violence elan I con Iraire au droit des gens , le marquis de Poin- bal en demanda satisfaction a la cour de Londres. 11 en exigca une proportionnee a la grandeur de 1'of- fcnse. Comme on refusa de la lui faire lelle qu'il la desirait, il insisla avec une fermele inusilee jusqu'a lui. Voici la tcneur de trois depeclies du ministrc porlugais au cabinet brilannique. La derniere sur- lout est precieuse. Le tableau de la puissance de sa nation et de celle de 1'Angleterre, a differentes epo- ques, est propre a fixer les idees sur les efforts qu'a fails le Portugal pour secouer la servitude brilan- nique. Jesais,ecrivait, vers i76o,Pombal, auminislre des alfaires elrangeres ( a Londres) dans unepre- )> micre depechc , que votre cabinet a pris un empire sur le notrc; mais je sais aussi qu'il est temps de le )) iinir. Si mespredecesseurs onleula faiblesse de vou.s v accorder toujours tout ce que vous vouliez, je ne C 2 36 S Y S T M K MARITIME vous accorderai jamais que ce que je vous dois. C'est mon dernier mol : reglez-vous la-dessus . Dans unc an Ire , Irouvant encore de la resistance a la satisfaction qu'il demandait, il s'exprimail ainsi : Je prie votre excellence de ne point me faire rcs- souvenir des condescendances que notre gouver- nement a cues pour le votre. Ellessont lelles, que jc ne sache pas qu'aucunc puissance en ait jamais accorde de semblables a une aulre. 11 est juste que cet ascendant finisse une fois, et que nous fassions voir a tou le 1'Europe que nous avons secoue le joug )) d'une domination etrangere. Nous ne pouvons D mieuxle prouver , qu'cn exigeant de volre gouver- nement une satisfaction qu'il n'est pas en droit de nous refuser. La France nous regarderait comme )> dans un elat d'impuissance, si nous ne pouvions pas nous faire rendre raison de Poflcnse que vous nous avez faite , de venir bruler dans nos parages, des vaisseaux qui devaient j etre en toute surete . La troisieme depeche etait plus etendue et conte- nait des details qui n'etaient pas dans les deux pre- mieres. II s'j exprimait ainsi : Vous comptiez pour peu en Europe , lorsque nous comptions pour beaucoup : votre ile ne for- mait qu'un point sur la carte geographique, tandis que le Portugal la remplissait de son nom ; nous dominions en Asie, en Afrique et en Amerique, tandis que vous ne dominiez que dans une petite )) ile de 1'Europe. Votre puissance etait du nombre de J> celles qui ne peuvent aspirer qu'au second rang : ETTOLITIQUE. 7 par les moyens que nous vous avons donnes, vous )> vousetes cleves au premier. Cette impuissance phy- sique vous mettait hors d'etat d'etendre votre do- )) mination au-dela de volre ilej car pour faire des conqueles, il vous fallait une grande armee:or t )) pour avoir une grande armee,il faut avoir le moyen de la payer, et vous ne 1'aviez pas. Le numeraire vous manquait. Ceux qui ont caleule vos facultes r lors de la grande revolution de PEurope , onl trouve que vous n'aviez pas de quoi entretenir six regi- mens. La mer , qu'on peut regarder comme votre element, ne vous offrait pas de plus grandes res- sources j a peine pouviez-vous equiper vingt vais- )) seaux de guerre. )> Depuis cinquante ans, vous avez tire du Portu- gal plus de quinze cents millions, somme enorme dont 1'hisloire ne dit point que nation en ait jamais )> enrichi aucune d'une pareille. La maniere d'ac- querir ces tresors vous a ele encore plus favorable que le tresor lui-meme : c'est par les arts que FAn- glelerre s'est rendue maitreese de nos mines ; elle )> nous depouille regulierement tous les ans de leur produit. Un mois apres que la flotte du Bresil est arrivee, il n'en reslepas une seule monnaie d'or en )) Portugal. La lotalite passe en Angleterrej ce qui conlribue continuellementa augmenlersa richesse numeraire. La plupart des paiemens en banque se )) font avec notre or. Par une stupidite qui n'a point d^exemple dans 1'histoire universelle du monde economique, nous C 3 38 S Y S T fe M E MARITIME )) vous pcrmcttons dc nous habiller et de nous four- nirtous les objets dc notre luxe, qui n'est pas peu considerable. Nous donnons a vivre a cinq cents mille artistes, sujets du roi Georges : population )) qui subsiste a nos depcns dans la capilale de 1'An- )> glelerrc. Ce sont vos champs qui nousnourrissent. Vous avezsubstitue vos laboureurs aux notresj au )) lieu qu'aulrefois nousvous fournissionsdes grains, anjourd'hui vous nous en fournissez.Vous avczde- )) friche vos (erres , et nous avons laisse lomber les )) nolres en friche, etc. etc. )> Mais si nons vous avons eleves au faite des gran- )) deurs , il ne tient qa ? a nous de vous precipiter dans )> le neant dont nous vous avons tires. Nous pouvons 0) mie'ux nous passer de vous, que vous ne pouvcz vous passer de nous. Une seule loi peul renverser >) votre puissance, ou du raoins affaiblir volre em- D) pire. Nous n'avons qu'a deiendre la sortie de noire or, sous peine de la vie, pour qu'il n'en sorte plus. }> Vous repondrez sans doute a cela, que malgre la *) prohibition , il en sorlira loujours, com me il en est ' toujours sorli , parce que vos vaisseaux de guerre 3> ont le privilege de n'elre pas visiles a leur depart, 7> et qu'a la faveur de celui-ci , ils enleveront toujours >> notre numeraire. Mais ne vous y Irompez pas : ) J ai )) fait rompre le due d'Ayeiro, parce qu'il avail at- 5) tenle a la vie du roi j je pourrai bien fa ire pendre )> un de vos capitaines, parce qu'il aurait enleve son )i efligie malgre la loi. II y a des temps dans la mo- narchie ou un seul homme peut beaucoup. Vous ETPOLITIQUE. 3$ savrz que Oorrr.vel , en qualite dc protecteur cle la republique d'Angleterre, fit executer le frere de )> Fambassadeur du roi Ircs-fidelc (*), parce qu'il )) s'etait prele a une emolicn publiqiic. Sans elre Ooimvel,j erne sens en elal de suivre son exemple, )) en qualite deminislreprolecteur duPortugal.Faitea done ee que vous devez, el je ne ferai pas ee que je puis. )) Que deviendrailla Grande-Brctagne , si unc fois )> on lui coupait la source des riehesses de FAmeri- que? Comment paierait-ellecellencmbreuse troupe )> de terre, el celle grande ariree dc mer? Comment )) donncrail-elle a son souverain les moj'ens de vivre )> avec Teclat d'un grand roi? D'oii tirerail-elle ces )) subsides qu'elle paie aux puissances elrangeres, )> pour clay er la sienne? Comment vivraitun million )) de siijels anglai.s, si la main-d'ceuvre d'ou iis tircnt )> leur subsistance , ne subsislait plus ? Dans quel elat )) dc pauvrele ne to.nberait pasle roj-aume, si celte )) premiere ressource de ricliesses lui inanquait ? Le )) Portugal n'a qu ? a refuser ses grains, c'est-a-dire, )> son pain , pour qv.e la moilie de I'Anglelcrre meure )) de faim. Vous direz pcut-etre qu'on ne change pas )> ninsi I'ordre des choses, et qu'un sysleme elabli )) depui.s long-lemps ne se change pas dans un mo- )> ment. Yous direz bien 5 mais moi jc dirai mieux. }> C'cslqu'en attendant le lempsqui peul amener celte )> reforme, j'etablirai un plan prcliminairc d'econo- )> inie qui lendra an meme objel. Dt-pui^ long-lempa (*) Get ambassadcur etait Pantaon de Sa. C4 4o SYSTEMS MARITIME )) la France nous tend les bras pour que nous rece- vions ses manufactures de lainej il ne ticnt qu'a )> nous d'accepler ses o fires, ce qui aneantirait les votres. La Barbaric, qui abonde en grains, nous en fournirait aumeme prix,ol peut-elre ameilleur )) marche que vous : alors vous verriez avec une ex- )) treme douleur une des plus grandes branches de volre marine s'eteindre cntierement j car vous eles trop verse dansle ministerc,pour ignorer que c'est )> une pepinicre d'ofiiciers et de matelots dont la ma- rine royale se sert en temps de guerre : et c'est avec celle-ci que vous avez eleve votre puissance. La satisfaction que je vous demande est confor- 5) me au droit des gens. II arrive tous les jours que des officiers de mer ou de terre font par zele ou par inconsideration, ce qu'ils ne devraicnt pas faire; )) c'est au gouvernement a les punir , ct a en faire la reparation a Tetat quails ont offense. II ne faut pas croireque ces sorles de reparations le rendent me- )> prisable. On a meilleure opinion d'une nation qui se prele a ce qui est juste : et c'est toujours dc 1'opi- )) nion que depend la puissance d^un elai . Soit que le ministere anglais cut egard a de si pnis- santes raisonsj soit qu'i! fut intimide par ces menaces, ouque d'autres causes que 1'on vavoir, Py eussent de- termine, leroi d'Angleterre envoya un ambassadcur extraordinaire a Lisbonne, pour donner la satisfac- tion qu'on demandait. Myjord Quinoul fut charge de cette commission , et s'en acquitta comme le mar- quis de Pombal 1'exigeail. Ce lord declara hautemcn t, ETPOLITIQUE. 4l en pleine audience, composee de rainistres elrangers, que les officiers anglais qui avaient brule les vais- seaux frangais sur la cole de Lagos, etaient repre- heosibles j et qu/en consequence , le roi son maitre Penvoyait a Lisbonne pour temoigner qu'il n'y avait aucunepart, et que c'etait contre ses ordres quails avaient commis cet acte d'hoslilite dont il faisait re- paration. Si la cour de Londres faiblit dans celte circons- tance , c'est qu'elle y f u t forcee par les evenemens ma- jeurs qui changeaient alors la politique de PEurope. Le cabinet de Vienne se delachait sensiblement de celui de Lisbonne , el parce que la reine douairiere, fille d'une archiduchesse , etait morte , et par 1'effet du traile de Vienne de 1766 , qui avait mis la France sous lagriffe de Faigle autricliiennej d'oule Portugal commen^ait a sortir. D'nn autre cole, le pacle de famille allait faire decider 1'Espagne en faveur de la PYance, accablee par la marine anglaise^ et le Por- tugal elait vivement sollicite par ces deux branches de la maison de Bourbon , de se joindre a elles. La cour de Londres , pour empecher cette defection, fut obligee de donner satisfaclion au Portugal. Au surplus, les cabinets de Versailles et de Ma- drid , ( dit Favier dans ses memoires politiques) n'a- vaient pas apparemment espere beau coup de succos de celle proposition faite au Portugal de s'unir avec la France et 1'Espagne , puisqu'on Faccompagna dc ioutos lesder^onslralionsles plus hostilcs , et qu'cllc ful suivie d'une autre aussi offensantc dans la forme, 4$ S Y S T E M E >T A R I T I M E qu'elle elair, dans le ibiul , deplacee et inexecutablr. Ce fut que le roi de Portugal remit ses porLs, ses places, ses troupes, sa marine et lui-raeme , a la dis- cretion des deux eouronnes. Celte prevention inouic fut articulee dans uneespece de cartel qu'on cnvoya au roi tres-fidele . 11 le fut a son honncur, a sa dignile, a ses de- voirs j il proiita du temps que lui donna la lenleur espagnole j il en avail besoin Jamai.s peut-etrc il n'jr a eu d'exemple d'un elat militaire tel qu'etail alors celui du Portugal j il etait au meine point qu'apres la revolution de i64o . Cependanlcelle situation n'en- traina pas sa ruine. Ce fut encore la Foouvre magiqne du marquis de Pombal , qui gagna du temps , el I'Anglelerre secou- rut le Portugal. La paix de 1763, a laquelle cetle puissance accc- da, retablit 1' union en tr'elle et 1'Espagnejelle fut de nouveau troubleepar des demeles qui prirent nais- sance, vers 1776, en Amerique. Les prelenlions res- pectives furent regiecs par le trailedes hmilesde 1777, par lequel la colonie duSaint-Sacremcnt fut restituee au Portugal. Ce rapprochement fut suivi, en 1778, d ? un traite d'amilie , de garanlie et de commerce avec i'Espagne. Celte circonstanceesl a noter, d'un traite de com- merce contracte par cette puissanc^tivcc une aulre que FAngleterre, la seule qui en cut obtenu du Por- tugal depuis environ trois siecles. Telle etait deja Fin- fluence de la poiilique , leguee en quclque torte au E T P O L 1 T I Q U E. 43 cabinet de L,isbonnc par le marquis dePombal , qui, depuis deux ans , avail quille le ministere sous le nouveau regne. lA'ilicacile des soins de ce meme cabinet pour faire reprendre au Portugal sa place dans le systcme general marilime de 1'Europe , se manifesla dans la participation que pritcette puissance a la neulraliie armee,par une convention maritime conclue , en 1 78-2 , avec la Russie. C'e^t particuiicrement vis-a-vis cetle couronne du Kordqu'elle a lout-a-fait rompu les liens de servi- tude quelui avail impose PAnglelerre. Le commerce direct de la Russie inleressait parti- culieremenl le Portugal , par les productions qu'il esl oblige d'en tirer pour ses baliiTH-iis,sesarsenaux, el prur ses chanticrs. D'unautre cole, la Russie elait elle-meme jalouse d'obtenir une ample portion de 1'or du Bresil , qui soldait les immenses achats du Portugal j car on fait monler a 80 millions les boi.s f fers et aulre.s materiaux que le port de Lisbonne seul a tires du Nord, dans les trois premieres annecs aprcs le trcmblement de terre de i j55 , sans compter loulce qui concerne lesarsenaux el la marine. L'Anglelerre , de son cole , qui exploile egalement a son profit les commerces exterieurs cl inlerieurs du Portugal et de la Russie , s'etait oppose constamment aux tenlalives faites par ces deux puissances , pour fonder des liaisons directeset reciproques. 11 y avait euentr'clles pour cela quelques propositions faites en 1760, el une espece de ne^ocialion ronipue en 44 S Y S T M E MARITIME 1767. Les Anglais la iirent echouer alors j mais lea deux cours , micux eclairees sur leurs verilables in- tercts , se rapprocherent en 1 788 , ct conclurent un traite de commerce avantageux aux deux nations jportogaise et russe. On se rappelle que cette periode, apres la paix de J783,fulFepoque oil les negocialions commerciales, sur un nouveau pied, devinrent extraordinairement actives enlre les divers cabinets de PEurope. La Russie fit , pour la premiere ibis , apres un siecle et dcmi de tentatives, un traite de commerce avec la France, et refusa alors de renouveller celui de j 768 avec 1'Angleterre. D'un aulre cote , la Grande- Brelagne en conclut un particulier avec nous en 1786 , et ce traite attaquant les bases de celui ////'- mite de 1 70^ , avec le Portugal , elle sollicila , et ob- tint la confirmation de ce dernier 5 mais les condi- tions en sont demeurees secretes, soit que le cabi- net de Londres ait craint d'exciter la jalousie de la Russie y ou les reclamations de la France sur cer- taines stipulations , ou la critique des Portugais cclaires sur leurs verilables interets , paries lumieres qu'avaitfait nailre ^administration and brilannique du marquis de Pombal. Nous avons place sous le plus grand jour les prin- cipales dispositions diplomatiques eteconomiques de ce ministre , afin de faire appercevoir quela durele deson administration adu etre produite, moins par son penchant au despotisme , que par de justes mou- vemens d'indignation centre les manoeuvres plus ou ETPOLITIQUE. 45 moinssecreltes , mais bien reelles , du cabinet britan- nique , qui cherchait opinialrement a faire echouer dans ce pays tout nouveau moyen d'amelioralion. Au reste , leurs succes , quoiquepeu sensibles, ne son t pas equivoques; le Talisman est brise , etle Por- tugal apprecie, depuis plusieurs annees , ses verita- bles interets, quoique ses mesures soient encore Irop faibles pour secouer tout joug elranger dans la car- riere dt la navigation. Deja trois cenls vaisseaux por- tugaiset six cents marins sont employes conlinuel- lement a faire le commerce du Portugal et du'Bresil : resultat sans doute de Feconomie du ministre qui laissa a 1'etat, lors de sa relraite , en fonds disponi- bles, 78 millions de cruzades ( environ 25o millions tournois. ) Cependanl sa navigation en Europe, et son cabotage sur ses propres cotes , sont encore pres- que nuls, quoique son traile de 1772, avec Maroc, lui procure quelque securilepour son pavilion dans la Mediterranee. II resulte de la presente analyse , que le Portu- gal semble faire, sur la fin du i8 e . siecle, quelques efforts pour sorlir de cet etat lethargique ou esl de- meure , depuis pres de deux siecles , son systeme maritime et polilique. Los forces de mer du Portugal, au moment de la revolution francaise, etaienteslimees a 10 vaisseaux de ligne de 80 a 58 canons, outre i4 fregates de 44 a '60 canons , et 20 aulres balimens de diflerentes grandeurs 5 le tout arme de i5oo a 2000 canons. Le nombre des malelots monte a peine a 1000 homines, 46 S Y S T M E MARITIME a cause dc la faiblesse de son cabotage et dc sa navi- gation exterieure. Pour resumer la sitnalion presente du Portugal, nous dcvons considerer son systeme maritime com mo servile , eu egard a ^influence protectorate de 1'An- gleterre; com me entitlement passif &i\ns les rela- tions commerciales des Portugais, tant avec les au- tres Europeens , que d'un port a 1'aulre, dans toute Petendue de leurs coles : enlin, ce sysleme est seule- ment semi actif dans les liaisons de ce royaume avec ses colonies, puiaque la main-d'ceuvre des construc- tions et de-s munitions navales n'apparlient pas en- core enlicrement a 1'industrie porlugaise. I! T 1 O L I T I Q U E. 7 C H A P I T R E III. lues Etats du roi de Sardaigne. (*) V>OMMEXT le due de Savoj r e etle prince dePiemont peuvenl-ils ligurer dans le sysleme marilime el po- lilique des Europeens du i8 e . siecle ? L'ile de Surdaigne, le comle de Nice etla princi- paule d'Oneilieprocurent , a la verite , quelques com- munications maritimes auxhabilans de ces differen- tes contreesj maissont-elles dignes d'aucun examen? Unobservaleur,Piemonlaislui-meme(' )l ' |C ),cra3 r onne d'un trait la situation maritime de ce rojaume : u 11 )) y a, dit-il, quelques ports en Sardaigne dont on pourrait sans doute lirer parti; si Von ne le fait pas, )> c'esl apparemment parce que la cour de Turin n'a pas de gout pour la marine. C'est a tort, ajoute- t-il, qu^on 1'accuse dansun journal, d'avoir des fre- gates: elle entretient, liabille etnourrit des oiliciers ); de marine j cela , je pense , doit sullire. )> !Ne pourrait-on pas aussi demander, continue- t-il , a la cour de Turin, ce qu'elle fait de ces con- )> sulsqu'elle tient a Calais, a J\lessi?ic^ ti (*) Cette analyse etait tcrminte avant Touverture en Italie dc la cainpa^ne de 1796 ( vicux style. ) (**) L'auleur anonyme de TEtat moral , physique et poli- lique de laSavoye , qu'il aiinonce etre sa patrie, dans plusieurs tndroit* de sou ouyrage. 48 SYSTEMS MARITIME a Trieste et ailleurs? Esl-ce pour veillcr a la surcle de son commerce maritime ? Est-ce pour fa ire respecter son pavilion dans toutes les cours du )> monde ? L'Europe sail bien que la Sardaigne est )) une ile, et que Nice est un port de mer j mais elle sait aussi que les rois de Savoyc n'ont point de )) marine. Personne n'ignore que le cabinet de Turin n'a rien a faire avec 1'empereur de Maroc . Quant au systeme polilique de la cour de Turin , il n'est pas aujourd'hui compliquej il a donne lieu, en 1760 et 1763, a differens traites et conventions avec la France et avec FEspagne. D'un autre cole, les troubles de Genes en 1782, out amene, a cette epoque,deux actes de garantie et de neutralile enlre les deux cabinets de Versailles et de Turin. Enfin, le roi dc Sardaigne a conclu, en 1784, avec le roi de Danemarck, un traile de com- merce. II porle en substance, que le droit de mer, appele villa franca, auquel etait assujetti le pavilion danois , est entierement aboli. Ce traite a ele conclu entre les deux cours , le 4 fevrier 1784 , et ratilie , de part et d'autre, les 26 juillet et 24 septembre, meme annee. Ce droit, dit villa franca, se percoit en vertu de Pcditdu 12 mai 1766, a raison de 2 pour cent de la valeur des cargaisons des balimens de toutes nations qui paraissent dans les rners de Nice, Villefranche et St. Hospice ; qu'ils viennent du levant pour aller au couchant , ou qu'ils partent du couchant pour aller au levant. L'article 1 4 dc ce reglement porle exemption ETPOLITIQUE. 4g exemption de ce droit en faveiir des Franc. ais , et Fart. ! 5 en faveur des Anglais , en vertu des traites parliculiers de la cour de Turin , tanl avec la France qu'avec 1'Angleterre. Les pavilions danois, fran^ais et anglais sont done les seuls dont la navigation , dans le inicii do PEurope, se trouve afFr.incliie d'un peage percu dans la Medi- lerranee, au profit du roi de Sarduigne, peage a peu- pres semblable a celui que recoit le Danemarck au passage du Sund, dans la Baltique. Si 1'on promene un oeil observaleur .snr totite 1'Eu- rope pour chercher a assigner au cabinet de Turin, sa veritable place dans eetle grande association^ on trouvera qu'en definilif, la puissance sarde et la puis- sance prussienne offrcnt des points de similitude qui rendent encore plus frappant le contraste que pre- senle le resullat de leur fortune polilique. Toutes deux ont vu , dans cette periode, le litre de roi defere a des princes qui, par leurs propres ex- ploits ou par ceux de leurs ai'eux, avaient ete pre- pares, dans le siecle precedent, a rccevoir celle dis- tinction si long-temps desiree. Toutes deux possedaient les principanx elemens de prosperite, savoir : des cotes marilimes et une population de 5 millions d'liommes. A ccs ressemblances , opposons les conlrasles suivans. Les possessions du roi de Prusse ont double de population sous Frederic, et malgre vingt annees de guerre, un tresor a etc forme des economies d'une D 5o SYSTLME MARITIME bonne administration. Les elals du roi deSardaigne n'onl rien gagnc quc dcs impels et une deltc qu'on ^valuait a Go millions , il y a Ircs-peu d'annees , mal- gre la paix profondc dont jouit la maison de Savoy e dcpuis un dcmi-sicclc. Enlln la Prusse obticnl unc preponderance politi- que en Europe, et conduit avec habilelo sonsyslcine maritime vers les bornes d j une prosperile toujours progressive. Lc roi de Sardaignc, an conlraire, scm- blc tenir cngourdissous lamagiedesonsceptrcroyal, les seulselemcnsde puissance mari lime commerciale que la nature a pu conficr au sol et aux habitans de sa. domination. ET POLITIQUE. 5l CHAPITRE IV. Le Duche de Toscane. (*) C _LjE raeilleur litre que les modernes puissenl invo- quer pour dispuler aux anciens la preeminence dans la carriere du commerce , c'est Pexemple des Floi en- tins oblenant en Europe, dans les i5 e . et i6 e . siecles, une consideration meritee, en unissanl les specula- tions hardies et heureuses d'un commerce lointain , tres-produclif , aux combinaisons d'une polilique profonde, et a la culture glorieuse des letlres et des beaux-arls. Les Florentins offrent le premier, et je crois , le seul exemple d'un peuple que les calculs de 1'interet commercial n'onl pas abruti au point de ne voir les borncs de la patrie que dans celles de son magasin , ou que des gains excessifs n'ontpas bouffi d'orgueil jusqu'a mepriser assezle genre humain pour faire de ses semblables des betes de sommes deslinees a enri- chir une seule nation , ne respirant que conquetes , que colonies, que balance de commerce, que pre- ponderance maritime, en se consliluant la domina- trice des mers. Paris el Londres, que vous etes loin. de meriler, chacun dans votre position , ce Iribut d'eloges decerne par la poslerile, aux ancelresde ce3 (*) Cette analyse etait terminee avant 1'ouverture en Italic de la campagne de 1796 ( \ieux stvle. ) 5s SYSTEMS MARITIME Florentine, qui ne prcsenlent plus aujourd'liui que Ics debris d'une brillanle fortune commerciale. La Toscanc qui, .sous le rcgne des Medicis, avait une marine redou table , n'a, dans le 1 8 e . siecle , pour Unite force navale, que cinq fregates, dont trois lui appartiennent reellcment 5 ies deux aulres ont etc cedees al'empereur pour proleger leLitlorale,l'iinc des provinces de la maison d'Autriche. L'cmpcrour qui songeait a former quclques malelots, b'engagea en 1791? a fournir, pendant 20 ans, ces deux in - gates de malelols el d'olliciers allemands, qui eludi- raient 1'arl de la marine, sous les ordres de la Tos- caiie, el a payer tous les ans une somme considerable pour leur entrelien. Unvoj-ngeur moderne (Gorani) dit que dans ccs derniers temps, il n'y avail a Livourne que deux fregales desannees , dont Tune, par inlerralle , scrt a la garde des cotes ; mais qu'il y avail dix ans qu'elles n'avaienl etc armees loutes deux en meme temps. Au surplus, observe-l-il, depuis que le cabinet de Flo- rence a fait la paix avoc les puissances barbaresques, et specialement avec Maroc , par son Iraile de 1 778 , les vaisseaux de guerre lui sont devenus inu tiles. L'elat de tranquillite dont jouitla Toscanc depuis un demi-siecle, el qu'elle doit a sa position, lui pro- cure le^ moyens de culliver paisiblement le com- merce , la navigation, les arts et manufactures. La franchise absolue du port dc Livourne a beau- e:>up contribue a en faire un des entrepots le plus considerable de Fllalie. Son elal progressif de proa- ETPO-LITIQUB. 53 pcrile ne paraitra pas equivoque, si Fon considcre que la population, qui, en 1767, nesemontait qu r a 3o niille habilans, s'elevait a plus de 58 mille en 1 78 1 f en ne comprenant dans ce nombre que les seuTs nalifs ou habitues. Les families juives parliculierement ne formaient, en 1784, que 7 mille individus, et en 17(10, ils excedaient 18 mille. Eniin, le systeme maritime et commercial de Tos- cane est le seul qui soit aussi judicieusement adapte, tant a sa position particuliere , qu'a 1'action que ce duche recoil des differens syslemns economiques eft vigueur dans les aulres etats europeens. Jl 5 54 SYSTEMS MARITIME CHAPITRE V. Le Royawne de Naples. ( * ) IJE royaume de Naples, borne tVun seul cole, par Felat ecclesiastique , et environne de tous le.s a litres, par la Meditcrrance etla mer Adrialique, est un des mieux situes en Europe , pour obtenir les plus grands succes maritimcs. Le plus beau ciel, 1'activile dcs habitans , leur sobriele , 1'abondance des vivres , sont les premiers elemcns de richesses et de bonheur qu'un, systeme bien combine d'economie publique peut y faire fruclifier. II n'est point, en Europe, d'etat qui puisse four- nir avec plus d'abondance etd'assorliment, leschoses necessaires a la vie, et celles de luxe. La nature y a rassemble toutes les productions des trois rcgnes, dont les bommes se sont fait un besoin , ou a la possession desquelles ils atlachent du plaisir : elle y est ausbi variee a lous egards , qu'elle Test aillcurs dans une longue suite de pays. )) De leurs ports excellens et nombreux, les habi- tans peuvent gagner en peu de jours, les contrees du levant, toucher a 1'Afriquc, aborder en Espagne et en France j et s'ils le voulaient , entreprendre avcc le meme avantage que les autres nations, le commerce des deux Indes . (*) Cette analyse etait terminee avant 1'ouverture en Italic Be la campagne de 1796 ( yieux style. ) ETPOLITIQUE. 55 Ce royaume devrait done etre un elat agricole r marilime et commercant , si des circonstances impe- rieuses et qui remontent aux temps les plus recules , n'avaient fait constamment negliger, par son gou- vernement, d'aussi grands avantages. II exisle peu d'etats qui aient eprouve plus de vi- cissitudes dans le changement de maitres ; et cette circonstance a du, des le principe, detruire loule espece de perseverance dans les combinaisons em- ployees par les dominateurs successifs decelte fertile portion de Fitalie. Ces bienfaits d'un climal ton jours prodigue , ont pu raeme tourner conlre les efforts dc Tart, pour en perfectionner les avanlages. Chaque dominateur, avide de jouissancessi faciles et si gra- tuiles, se meltaitpeu en peine de rien ameliorer pour 1'avenir. Cette ardeur a pressurer les peuples et a, mutileren quelquesorle la nature, remonle jusqu'a 1'antiquile. L'oraleur remain en a transmis la me- moire , en signalant a la tribune les vexations et con- cussions d'un farneux gouverneur de la Sicile. Es- quissons les revolutions qu'ont eprouvees, dans le gouvernement , les deux royaumes jusqu'au dix- luiitieme siecle. Les provinces qui composent celui de Naples eta lent autrefois soumises a la republique romaine , et elles obeirent ensuile aux empereurs. Au cinquieme siecle, cllesfurent inondees,comme tout le rcste de 1'Jtalic , paries Visigoths, les llerules rt les Ostrogols; mais Belisaire , 1'un des gcneraux dc 1'empcreur d'Orienl ( J uslinicn ) fit la conquete de D 4 5fi SYSTF. ME MARITIME laSicilcet des provinces qui formunt actuellcmentle royaumede Naples. Ces provinces i'urenl bienlol cli- visees ; une parlie rcsta sous la domination de I'em- percur grec , et Pautre toniba au pouvoir des Lom- bards. Les Sarrasins cnvahirent postericurement la Si- cile, etiirentde Ircquenles incursions dan.i la terre ferine qirilsravagerent. Quoique les Francs eussent chassc les Lombards de Filalie superieure , ils ne pu- rentr cependant se rendre .uiailres de 1'inlerieure. Toutes ces convulsions agitt rent done les royaumes de Naples etde Sicile, 1'espace de einq siecles, jus- qii'a la iin du neuvieme. Versle commencemenl du dixieme sieele , les pre- miers Normands y aborderent, et des princes de cetle nation , du nombre desquels Tut Tancrede , aides de 1'influence des ponlifes de Rome, regnerent sur les royaumes de Naples et Sicile jusqu'au i2 e . sieele. Dans les Ireizieme, quatorzieme et quinzieme, les Napolitains et les Siciliens eurent alternativement pour maitres des empereurs, rois des Romains , des dues d'Anjouet des princes delamaison d'Arragon. Ferdinand le catholique, roi d'Espagne, et Louis XII , roi de France , partagerent , au seizieme sieele , ces memes etats , qui furenl long-temps Foccasion de guerressanglanles entre 1'Espagne , la France etTAu- triche. Us resterent enfin a la premiere de ces puis- sances ; et depuis cette epoque , le royaurne de Na- ples ful adminii,lre par des gouverneurs espagnols , jusqu'a la mort de Charles II , roi d'Espagne. ET POLITIQUE. 5/ Les mutations de maitres ne furent pasmoins fre- quentes dansle dix-huiticme siecle. Durantla guerre longue et desastreuse de la succession, le royaume de Naples , depuis 1707, demeura sous la puissance de I'empereur Charles VJ, a qui il fut assure par hi paix d'Utrecht 5 et de plus , il devait, en 1720 , etre inaitrede laSicile. En 17.^4, les Espagnolss'cmpa- rerent de ces deux elats pour 1'infant dom Carlos. Dcuxans apres, I'empereur j renonca par un acle forinel en faveur de dom Carlos , de sa posterile male el iemellej et a son defaut, en faveur de ses freres elsoeursa venir. Le roi Charles etant monte sut le trone d'E.spagne en 1759, declara roi des deux Si- ciles Ferdinand , son Iroisierae fils, qui regne anjour- d'hui j etilelablit une loi de succession, en vertu de laquelle ces etats ne doivent jaxnais elre reunis a la monarchic espagnole. Ces details hisloriqiies , quoique Ires-connus, elaienl necessaires a retracer ici. L'importance des royaumesde Naples et de Sicile dans la future desti- nee de i'italie, et les liaisons qui doivent unir les Fran^ais aux Napolitains , lorsque ces derniers ap- precieront toute Tutilite d'une semblable reunion pour eux-memes, etpour 1'adoplion d'un meillenr systeme polilique , au milieu des grands interets qui se preparent pour 1'Europe , dans le dix-neuvieme siecle, tout engage aremonter aux causes del'inac- tion constanle du gouvernement napolitain,au milieu dc.s agitations des autres enropeens, pour oblc une preponderance maritime et commercialc. 58 S Y S T M E M A R I T I M E On a pu remarquer quc Pesprit de conqnele qui eiifantc etnourril le systememililaircet feodal, avail preside aux destinees des royaumes de Naples et de iSicile depuis un temps immemorial. Le servage , 1'iiiconstance , Pavidile des jouissances, la nece.ssile de recompenser et de menagcr sous toulesles dynas- ties, les compagnons d'annes, qui avaient ele uliles et qui pouvaient devenir redoulables, conlribuerent a resserrer leschaines feodales dans cet etat, et sur- louten Sicile.Lesmoyensdeprosperiles'y trouverent ainsi neutralisesj elle gouvernement, soil par in.sou- cianee , soitrebute de la foule de diilicultesa vain- cre , perdit toute idee d'amelioration dans le sort des peuples, pour le bonheur desqnels la nature seule semblait d'aillenn avoir fait tons les frais. Cependanl depuis la consolidaiion, en i734,dela monarchic napolitaine &ur une branche delamaisoa de Bourbon , le gouvernement parait s'elre occupc plus serieusement cle prendre une part active dans la politique commerciale europeenne. DCS 1740, un Iraile de paix entre le sultan et le roi de Naples, sr-mbla assurer la libre navigation des deux mcrsqui baignent les cotes de Naples et de Sicile. Une con- vention de commerce avait ete conclue des i jYn avec le roi de Suede: un Iraite perpetuel de navigation lefut, en 1748, avec le Danemarck , el enfin un isemblable , en 1763, avec la Hollandc. Un auleur napolitain , M. Michel Torcia , a pre- senle , en 1784, a Facadcmie des sciences et belles- lettres , un elat de la navigation nalionalesur toute ET rOLITIQTTE. 5g la cote de ceroyaume, et on trouve danscelte dis- sertation , qui est imprimee , les remarques sui- vantes : La longue et fertile cote , depuis Reggio jusqu'a )> Crotoune , n'a pas tin batiment marchand, pas )> merae un bateau pecheur. L'oppression feodale y )> emporte a ellesenle, en bien des endroils, le quart )> surleproduitdelapcche, ettrenle pourcental'ar- )> ticle du pain. w Les memes causes ontproduit deseffelsaussifu- )> nestessur Fautre cote , non moins longue, et non )) moins fertile, qui se trouve depuis Crotonne jus- )) qu'u Tarente . On pent aussi voir dans le meme ouvrage la multitude de ports du royaume de Na- ples, qui sesont combles , et les causes qui ont reduit a quelques rades les paj r s ou abordent les batimens. C'est du sein de ces enlraves fcodales , qu'un mi- nislre , dont la reputation egale la bonne fortune, le general Acton, ancien ollicicr de la marine de Tos- cane , entreprit, dans ces derniers temps , de fonder un systeme maritime dans le ro3 r aumede Naples. Son talent pour les expeditions importantcs, nc peut etre conteste, puiyqu'il doit son elevation a 1'iiabilele avec laquelle ii sauva quatre mille Espa- gnols, qui auraient etc lailles en pieces, lors de la malbeuretise expedition lenleepar Charles Illcontre Alger. Ses succes , pourcreer unc marine napolilaine , onl-ils repondu a la grandeur de 1'enlreprise ? 11 parail , suivanl le voyageur modernc deja cile , 6o S Y S T M E MARITIME quo celle marine, vers 1788, consislnit en Iinif vaisseaux de ligne cle soixante-quatorze canons, deux desoixanle,et huit fregates,qui n'atlcndaicnl, en apparence, que Venire c/e lever I'ancne , mais qui, dans la realile, manquaient d'artilleivj et de matelots . Un autre tableau , egalement digne tie confiance, porte , a la meine epoque , jusqu'a quinzc vaisseaux de ligne , dix fregales et douze chcbecks , Fc-lal de la marine napolitaine, soit dans le port, soil sur le chantier. Le voj-ageur (*) qui a fourni le premier tableau , ajoute: Ces forces imposantes au premier coup- d'oeil , n'en out jamais impose aux enneinis de Telat , a qui Texperience apprend qu'elles ne sont la qi:e pour la m on Ire. Deux brigantins elaient les scales forces que 1'on eul pu opposer aux pirates. Six cents matelols, cinq cents canoniersetdeux miile soldats: voila a quoi se reduit cette marine si van tee. II est faux, conlinuc-l-il , que les deux Siciles nepuissent fournir assez de marins pour 1'equipement des vais- seaux de la marine roj'ale. Les informations les plus cxacles m'ont mis aportee d'affirmer qu'elles ontcin- quantc-un mille homines employes au service de la marine marchande. 11 y a tres-peu dc gros vaisseaux marchands, parce que la plupart des balimens occu- pes au transport des marchandises, ne sont que des polaques du port de i5o lonneaux. Ce ne sont done (*) Mt-moires secrets sur les cours d'llalie, par Jo.ieph Gorani, ETPOLITIQUE. 6l pas les homines qui manqucnt : les matelots siciliens &onl d'ailleurs actifs , souples , iaborieux et tres- sobres . Goraniy dont nous emprunlons ici 1'aulorite, a fait cles reproches graves au mini^re Aclon , non- seulement sur lout ce qui est relatii' a son adminu- Iralion generate, mais en parliculier sur les raojens qu'il a employes pour crcer el metlre en activite la marine napoiilaine. Sou ouvrage est satyrique et rempli d'anecdole.s; il n'esl point analytique. Les trails piquans dont il est seme ne peuvent done en- tierement detruire Fidee des avanlages dont eel etat est redevable au general Aclon, qui o fonde, en Ires- pcn de temps, une marine nalionale. C'est un fait jnajeur dans la poliliqued'un people, que la crealion. d^une force militaire maritime. Les details d'execu- tion peuvent n'avoir pas etc sulfisammenl soignesj peut-tMre une utile direction reste-t-elle a im primer : mais 1'impulsion esl donnce, le Napolitain e.stle pre- mier a deploy er un pavilion guerrier et patrimonial sur les mers d'ltalie, oil, depuis 1'ancienne Rome, n'ont paru que des flotlcs conquerantes el de.slinees a I yranni>.erperpeluellementcetle belle parliedu globe. J^en appelle auxevenemens qui se preparcnl pour le siecle qui va commencer. Si 1'Ilalie devientindepen- dante des combinaisons avides des ultramontains, cctle independance sera due aux progres de la ma- rine napolitaine, dont les fondemens auront etc jetles sous le minislere du general Aclon. Mais il faut que la sagatile de ce minislre le porte a en lier toutes les 62 SYST&ME MARITIME parlies au sj'sleme general d'independance qu'ont inleret cle soutenir des peuples naturellement amis , commcla France et 1'Espagne. 11 faut que cet inleret rcunisse lea Irois nalions, et qu'elles ne cessenl d'op- poser loules leurs forces aux envahissemensdel'en- nemi de lout commerce libre, fonde sur des besoins reciproques. Le gouvernement napolilain a rendu hommage a ce principe d'independance maritime, en accedant en 1783, a Pacte de neutralile propose par les cou- ronnes du nord, dans la guerre de la liberle ameri- caine. Apres la pacification qui suivil celle guerre, la llussie sollicita ct oblint, en 1787, un traite dc commerce du roi des Deux-Siciles. Un accord conclu dans ces dcrniers temps, avec Tunis el Maroc, a con- ten u, pour les navigateurs siciliens, 1'avidile de ces deux puissances barbaresques. Enfin , la France qui commencait a resserrer les liens d'amilie avec celte cour, en etablissant, en 1786, une reciprocite enlre les Fran^ais et les sujets du roi des Deux-Siciles, re- laliyement aux acceptations des Icllre.s-dc-cliange , vitsuspendre a regret (en 1793) ce rapprochement respectif , par les instigations de la cour de Londres, qui se prevalut de quelques exces revolutionnaires , pour augmenter Tesprit d'inquielude de la cour de Naples. Lorsque la verile pourraclre connue de ce gouvernement, il sera facile de lui demontrer que les plus grands avantages resultent pour lepruple napo- lilain, des communications commerciales avec la France j que ces avanlages sont tels, qu'aucun peuple ETPOLITIQUE. 63 ne peut les lui offrir; et qu'ainsi,en clierchant a nousunir etroi lenient avcc lui, nous cedons autant a Tinteret commun, qu'au penchant qui nous porle vers un peuplc loyal et digne d'obtenir en Italic, et me me en Europe, une existence independante de toule influence elrangere. Lcs forces marilimes du ro3 r aume de Naples, an moment de la revolution francaise, d'apres les auto- rites precedcmment cilees, pouvaient s'elever, cal- cul may en , soit dans le port, soit sur les clian tiers, a 10 vaisseaux de ligne, depuis 7 4 , jusqu'a. 5o can. , 10 fregates el 12 chebecs : le lout arme de 1000 can. O ou environ , et pouvant reunir le nombre du 5ooo malclots, a cause du cabotage napolilain, qui est assez etendu. Pour resumer la presente analyse, el en deduire ses rapports avec le sysleme maritime des Europeens, nous ne craignons pas de dire que la creation trcs- moderne de la marine napolitaine, est une pensee forte qui n^a pas encore toule son expression , mais dont Finfluence sur la prosperile future des deux royaumes, et sur le sort a venir de 1'Italie , devien- dra plus sensible, a mesure que, d'un cole, les par- ties principales de 1'adminislration interieure et ex- terieure seront raises en harmonic avec d'a ussi grands mo3 r ensj et que d'une aulre parl, des alliances bien combinees lendronl plus efficacemenl lesressorls de cclle nouvelle puissance maritime , centre les hosli- lites d'une nation eternellement jalou&e d'obleuir la domination sur toules les mers. 64 S Y S C H T E A Eta ME M A R I T P I T R E t ecclesiastique. I M V n E I. J-/E seul point, sinon dc ressemblance , an moins d'analogie de 1'um-iennc Rome avec la modcrne, console dans I'eloignement de toutes deux pour le commerce 5 avec cetle difference cependant , que Rome anciennc lira sa splendour et sa gloired'une foule de bri!lanle qualiles , et que Fan Ire n'a dii qu'aux in firm iles de la raison humaine Fespece de supremalie qu'elle a si long-temps usurpee sur les autres Europeens , et qui est pres de lui ecliappcr. Un aulre trail diflerenciel et caracterislique, c'est que 1'agriculture, eel arl par excellence des peuples libres , elait venerce chez les anciens Romain.s,et qu'elle est negligee, elmemeflelrie, chez les moder- nes Italiens. Au milieu de 1'efFcrvescence generale que fait nailre anjourd'liui le gout du commerce , par quclle fatalile, se demande-t-on , 1'Ktal eccle.siaslique , si heureuscment place au milieu de 1'Italie, et enlre deux mers, resle-l-il toujours dansl'inaclionVQuelles sont done les terribles causes qui onl rcduitpresqu'a rien cette population prodigieuse qu'on y vit dans les beaux jours de 1'ancienne Rome ? Si on n'en avait (*) Cette analyse etait terminee avant 1'ouverture en Italie de la caiupagac de 1796 ( vieux style. ) la ETPOLITIQUF. 65 la preuve sous les J r eux, croirail-on que cles provinces enlieres, ferliles presque par^out, entre-coupees de monlagnes et de plaines, arrosees par des rivieres et des ruisseaux, sont devenues sleriles et empes- tees,et que d'affreux deserts environnent la capitale du monde chretien , trois a qualre lieues a la ronde ? Cependant 1'Elat de 1'eglise devrait etre un des pays le plus florissans. La fertilite de la plupart de ses provinces, la richesse de ses productions, qu'il pourrait multiplier , et avec lesquels il pourrait eta- blJr d'uliles manufactures, ses ports et sa situation an bord de la mer Adrialique et de la Medilerranee, offriraient descombinaisons heureuses a 1'indtistrie , si les membres du corps polilique ne demeuraient epars et languissans, par ^absence de tout bon sys- tcnie d'administralion. Dans la Mediterranee , le pape possede Civita- fecchia. Les habitans ont peu de navires a eux. Oa voit dix a douze tartanes occnpees a la peche et au transport du ble, lorsque 1'exportation estperraise, ou lorsque la chambre apostolique veut bien en ven- dre a un prix qui pent convenir pour en faire un objf t de speculation. T^a chambre a sept a huit tar- lanes a son service pour ce commerce. 11 j a quinze a vingt felouques qui ne fontautre chose que remon- ter et descendre le Tibre, pour transporter a Rome le.s marchandises des pays elrangers. Le port de Civita-Vccchia el IVntrepot des mar- chandises etrangeres, destinees pour Rome et pour la moitie des etats du pape, ainsique le point d'ecou- E I-.!") SYSTEMS- MARITIME lemcnt dcs denrecs d'exportalion de ce tcrritoirc. Cc port , situc vers le ceaire dc 1'Italic, est petit, niais tres-sur j c'est un chef-d'oeuvre de I'empereur Trajan : pres de la metropole, il devraitetre cominercant, ct le serait sans doute, si on avail suivi les maximes et les reglemens elablisparBenoilXIV. II avail d'abord fait conslruire deux fregales deslinees a la course centre les Barbaresques; il renouvella et meme accrut les franchises du port, les privileges civils et mili- taires ; il crea un tribunal special pour les affaires de commerce. Toules cesimmunilessonldetailleesdans deux edits, Fun du 5aout 1/41, qui confirme elaug- menle les privileges et franchises du port de Civila- Vecchiaj l f autre du 27 Janvier i/42, contenant les statuts de son commerce et du consulat. A la faveur de ces reglemens si sages, le commerce' de Civita-Vecchia avail acquis une activile qui ex- citait la jalousie des elats el ports limitrophes j mais vers la fin du pontifical de Benoil XIV, son grand secretaire ,le cardinal Valenti, elant mort, et presque lous ses minislres etant changes, les franchises du port et de la ville furent supprimeesj on assujellil a 12 pour cent loutes les marchandiscs que les nego- cians de Civita-Vecchia vendaient pour elre trans- porlees dans le district de Rome. Les successeurs de Benoit XIV, Clement XIII et Clement XIV, n'ont ni augmente ni diminue les im- positions deja etablies : mais Pie VI a d'abord sup- prime les deux fregates qui conlribuaientbeaucoup a la protection du commerce 5 et posterieurement, il ETPOLITIQTJE. 67 jrctira de son voyage a Vienne, un tout autre fruit qu'il n'csperait. II conclut d'abord en 1/84, une convention avec Joseph II, comme due de Milan; ensuite i] entrepot de transporter dans le gouvernemenlecclesiaslique, le regime des douanes de Pempereur, qui lui parut digne d'etre iraite j il en confera avec le cardinal Buon Compagni, son secretaire d'etat. Le resullat de leur deliberation fut, qu'avec plus d'ordre et de ri- gueur, on doublerait et triplerait merae le produit des entrees dans FEtat ecclesiaslique. L'annee 1 786 f ut Fepoque de Fadoplion de ce nou- veau system e fiscal, par un edit portant creation de quatre-vingt-une douanes, et un impot de 60 pour cent sur toules les marchandises elrangeres impor- tees dans FEtat ecclesiastique. Get edit causa a ^4nc6ne une telle fermentation, que la plus grande partie des negociuns de cette ville rcsolurenl de se refngier dans d'aulres places de com- merce j ils envoyerent meme un memoire au souve- rain pontife, ou ils firent connaitre ouvertement leurs intentions a ce sujet, dans le cas ou les privileges du port franc demeureraient supprimes, comme ils Fetaient par le nouvei edit. Sur ces enlrefailes, un batiment grec, venu de la Moree pour faire quaran- taine avec ses marchandises, et les conduire ensuile a la foire de Sinigaglia, remit aussi-tot en mer, sur la nouvclle des nouveaux droits a payer. Get evene- mcnt porla au comble ^effervescence du peuple, et E a 68 S Y s T M E MARITIME flur-toutcelle dos ouvriers, dont la furcur donna lieu de crainclre des suites ires-facheuses. Le mtVontentemenl ful tel , que 1'auteur de ce sys- tcmc fut force presqu'aussi-tot de se demctlre de sa place d'administra I cur-general des douanes, et que les ports de Civita-Vecchia, d'Ancone ct de Siniga- glia recouvrerent leurs anciennes prerogatives. Ce trait caraclerise Thabilete du^gouvernement remain en fait de polilique et de commerce. On ne pouvait pas imiler d'une maniere plus gauche les institutions de celte nature etablies par les au Ires peu- ples. En general, ils chcrchent a encourager les tran- sactions par des droits moderes sur les batimens et sur les marchandises, droils qui favorisent un grand mouvement d'entree et de sortie, ct augnienk-nl les receltes sans violence. Le prince de Rome, au con- traire, pour suppleer au deficit des finances de la caisse apostolique , fixe un droit settlement dc 60 pour cent , qui fait fuir les navigaleurs, avec leurs cargaisons, dans les ports etrangers. Avec de semblables mesures, on ne peut elre sur- pris que la marine de 1'Etal ecclesiastique ne consiste qu'en bateaux pecheurs, et en deux ou trois inutiles galeres, qui sortenl une ou deux fois Tan de Civila- Vecchia , plutot pour la parade que pour donner la chasse aux Barbaresques. 11 parait alors nalurel de voir, au defaut de navires nationaux, des batimens elrangers frequenter ses ports, et ajouter par la le prix du frcl a celui de toules les marchandises que recoiven ties- a u jets de sa saiutete. ETPOLITIQTTE. 69 En clerniere analyse, bien loin que le gonverne- men! remain iuiaucun system e maritime , il n'a pas mome le gros ban sens administratif. Les prejuges religieux et les embarras des finances, conlraricnt sans cesse d'heureuses localites. L'administrationdu prince de Rome, en egard an sjsleme marilime et politiquedesautresEuropeens, est a Pextremile de la chaine immense qu'a parcou- rue Fadminislration anglaise j et pour difterencier d'un seul mot, la science economique chez ces insu- laires et chez les Remains modernes, nous rappelle- rons que le parlement britannique accorde des pri- mes a Texportalion des grains, el que la cour de Rome vend aux cultivateurs le droit de debiler au-dehora. le superflu de leurs produils agricoles. E3 70 S Y S T M E MARITIME CHAPITRE VII. La Republique de Genes. * J.J ' E T AT de Genes, si clechu de son ancienne splen- deur, n'a plus d'autre place en Europe, que celle qu'il plait aux grandes puissances de lui assigner. L'histoire de sa naissance, de sa prosperile et de sa decadence , figure dans les annales des vicissitudes humaines. Genes, dans les temps recules, obeit 700 ans aux lois de la republique romaine, ou a celles des em- pereurs. Elle suivit le sort de 1'empire remain , en proie aux differenles hordes des brigands du Nord qui devasterenl PItalie. Genes proiitant ensuite de la faiblesse des successeurs de Charlemagne , qui avait detruit la puissance des Lombards en Italic, se rendit independante vers le commencement du i o e . siecle. Les devastations des Sarrazins , les longues que- quelles de Genes avec Pise , ses rivalites sanglantes avec Venise, ses dissentions eternelles, sa grande fortune maritime et commerciale , signalerent son existence, dcpuis le dixieme siecle jusqii'a la fin du quatorzieme , que les Genois reconnurent Charles VI pour leur souverain. 11s secouerent ce Jong quatre annees apres, se livrerenl successivement a d'aulres maitres des maisons de Sforce, d'Arragon et de Fran- ce, jusqu'en 1628, qu'Andre Doria rendit enfin a ETTOLITIQUE. 71 Genes , la liberte qu'elle n'a pas perdue depuis j et cette epoque est a jamais memorable dans ses an- na les. Genes fut encore interieurement agitee dans le cours du seizieme siecle : dans le dix-septieme , elJe manqua de demeurer viclime de Pinimitie du 4"C de Savoje et du ressentiment de Louis XIV, tous deux en guerre avec 1'Espagne , a qui Genes etait attachee autant par politique que par inleret. Au milieu de toutes ces catastrophes, son com- merce de 1'Orient et de 1'Occident lui ful successive- ment enleve par les Venitiens, les Florentins et les autres nations commergantes de 1'Europe. LesTurcs s'emparerent aussi de ses entrepots et autres elablis- semens. Elle perdit ses possessions en Toscane, en Sardaigne, en Sicile, en Afrique, et sur-tout en SjTie, dans File de Chj r pre, dans le levant, dans la Crimee, oil Pera, Coffa et d'autres villes elaicnt des colonies genoises. Entin , la dccouverte du Cap de Bonne-Esperance vint entierement delourner les ca- nauxquifaisaientcirculcrFabondanceetlesrichesses parmi les Genois. Dans le i8 e . siecle, Genes a vu plusieurs fois sa tranquillite troublee : en 1717, par la guerre qui se ralluma en Italic, entre Fempereur et le roi d'Espa- gne j en 1 7^8 , par la revolte de la Corse , paciliec en 1 74 1 , au moyen des secours de la France et de Fem- percur Charles VI. Cette republique fut encore ibr- cee de prendre part a la guerre de 1715, entre la France, 1'cmpereur et la rcinc d'Hongrie. Lcs Au- E 4 ^2 S T $ T k M E MARITIME tiichiens s'emparerenl cle sa capilale el de son ter- rituire en 17 it), en iurcnt chas^es et encore repous- ses en 17*7- Knfin, la paix d'Aix-la-Chapclle , en 1718 , lui rendit sa tranquillile, ainsi qu'a la Corse. Cclle-ci se revolta de nouveau en 1761 , et fut sou- jnise aux armes franchises en 1769. Par un Iraile se- cret conclu I'annee d'auparavant,lesGcnois avaient cede a la France la souverainete de Tile de Corse , si elle en faisait la conquele. Dans ces derniers temps , Genes senlit tout le poids de la force maritime de I'Angleterre , qui bloqua son port a plusieurs reprises , y commit merae des e$ces , en haine de son attach ement pour la republique francaisej mais en depit de ces fureurs, le senat et le peuple eureiil la gloire de demeurer imperjurba- blement fideles a leur sjsteme de neulralilc , dont les basesetaientd'autantplus solideSjqu'ellesreposaient autant sur la justice que sur la convenance. Qu'il est done puissant ce moleur qui fail du com- merce et de Factivite d'un peuple peu nombreux , un principe de vie , pour perpetuer son existence .au milieu de lant d'ecueils ! Les Genois, nalurellement induslrieux,ontcherche a remplacercequ'ils avaient perdu, par retublissemcnt des fabriques de soieries, de draps, de dam as, de velours, de galons, de ru- bans , de bas de soie , de papiers pour les Jndes, de savou, de ileurs artificielles , et de beaucoup d'au- tres in archan discs de luxe qui sont d'un grand prix. 11s exercenl le cabolage avec un assez grand succes dans la Medilerranee et dans les mers du Levant t ETP-OLITIQUE. *]?> qnoiqu'Hs aient a redouter la malveillance et les pira- teries des natiom> barbaresques, qui regardent comnie leur patrimoine les navires marcliands des peuples qui n'onlpas de marine mililaire a leur opposer. On appercoit, par cette analyse, quel pent etre aujourd'hui le sj'sleme de politique maritime d'un peuple dont les forces, au lemps de sa gloire, s'ele- vaient a plus de deux cents voiles, monlees par 4o a 5o mille hommes de I'elite desa jeunesse, el qui, dans tout le 1 8 e . siecle ,n'a possede que quelques galores , avec plusieurs aulresbatimensd^une aussifuible im- portance. 74 S Y S T M MARITIME CHAPITRE VIII. LaRepublique def^enise. JU A destinee de Venise , encore plus brillante ,mais nioins convulsive que oelle de Genes , Pa conduit jusqu'a present a conserver plus de traces de son an- cienne splendeur. On sait que les Venitiens , pour eclmpper aux fu- reurs des barbares du Nord , abandonncrent, dans le cinquicme siecle , la terre fcrme qu'ils habilaicnt dans rilalie, et se relirerent dans les iles du Golphe adriatique. Les aulrespeuplesdeceltemcine contree, qui eurent de semblables ravages a redouler , s'y re- fugierent aussi en foulej la populalion s*accrul de ces frequen les emigrations, el 1'elat de Venise, qui prit naissance au sein des calamites , s'affermit enfm sur des bases solides , apres avoir, dans le commen- cement du huitieme siecle , fail un accord avec les Lombards , qui s'engagerenl a ne poinl les troubler. Avant le ttreizieme siecle, les Venitiens avaicnt dejaetendu leur puissance en Italie, en Dalmatic , en Sjrie et en Lombardie j dans ce meme siecle , ils devinrcnt encore mailres des iles les plus considera- bles de 1'Archipel et de la Mediterrannee , et en par- ticulier du royaume de Candie. C'est-laFepoque du commerce des Indesdont ils furent long-temps seuls en possession j ils transporlaient a Venise les pro- ETPOLITIQUE. j5 duclions de celte vasle et riche contree, qu'ils al- laient charger a Alexandrie et en Egypte, ou elles arrivaienl de Suez et de la Mer Rouge. A la merae epoque commencerent aussi ces guerres allumecs par la jalousie , entre Venise et Genes j elles se terminerent , en i38 1 , apres avoir dure cent Irente ans. En i4y3 , le dernier roi de Chjpre laissa aux Ve- nitiens sonro3 r aume par testament. Mais vers la fin du quinzieme siecle, leur puis- sance declina par la decouverte du Cap de Bonne- Esperance. Dans le seizieme , ils essu jerenl une crise violente : le pape, Fempereur, la France et 1'Espagne se li- guerent conlre eux aCambray , et ils perdirent , en resultatjles villes qu'ils possedaient dans le royaume de Naples,dans 1'ctat derEglise etdansle Milanes : les Tu res leur enleverent aussi le royaume de Chypre. Dans le dix-scptieme siecle , la rcpublique eut , d'un cote, avec les ecclesia.stiqueset avec les papes , dcs demeles qui lournerent a son avanlage$K d'un aulre cole, elle fit aux Turcs des guerres ruineuses, oil elle perditl'iledeCandie. Ellcsedcdommageapar Inquisition d'une partie dc la Dalmalie et de toute la Moree, qui a passe, dans le cours de ce siecle, sous la domination des Turcs , avec quelques autres domaincs. Tel est le precis de.s evcnemens bion connu.s qui ont conserve la rcpublique de Venise pendant i3oo ans, au milieu de guerres terribles et des situations 76 S T S T M E MARITIME les pins perilleu.ses. Si nous jetlons maintennnt nn coup-d'oeilsur 1'esprit qui a preside a scseiilrepriscs, a ses succes. , a scs revers , a ses iaules , a scs vrreur^ , meme a ses prejuges, nous rcconnai Irons quedc lout lemps Venise a pariHilemcnt send que le sysJeme maritime devait etre le ibndement do sa securile et de sa puissance. Uisons mieux , Venise estverilabler ment la fondatrice de ce systeme de preponderance maritime chez les nations modernes de FEurope , soit parl'influence de son exemple, soit com me premiere crealrice des mojens politiques, moteurs d'un grantl commerce cxterieur. En effet, jamais 1'espril des peuples ne prend uni- formeraent une puissanle direction vers un buL mar- que d'utilite publique , si toutes les classes ne so U frappees en meme-temps d ? un grand spectacle qui reveille dans chaque individu, un sentiment vif de conservation et d^amelioration de sa propre existen- ce, comme membre de Tassociation. Tous ces carac- teres se sont forlement imprimes dans 1'ame des pre- miers fondateurs de la republique de Venise. Ces peuplades immenses accumulees dans les me- meslieux par la terreur, n'y trouverent pas les res- sources qu'offre 1'agriculture. II f'allut done cliercbcr dans le commerce exterieur et dans la pccbe , de nouveaux moycns de subsistance : il fallut, pour sa- tisfaire ce premier besoin , vaincre des dimcultes toujours renaissantes , soit de la part des pirates, soit de la part des brigands duNord ou des Sarrazins qui menacaient perpetuellement de faire des invasions. ETPOLITIQUF, 77 Le courage dont ils se servirent d'abord ponr une jusle defense , se converlit bienlot en audace , en fu- renr de se venger et de conquerir. Lesrevers, comme les succes, contribuerejit done a convaincre de lout tenips les Veniliens, que leur existence, leur surote et leur prosperite ne pouvaient leur elre assurees sans une grande habilete sur mer. L'enlhousiasme fut le ressort tout puissant qu'em- ploytrenl leurs Iribuns etleurs dues , pour dirigerles esprits vers le grand interet de la commune patrie : c'e.sl-a-dire , vers les enlreprises maritimes qui furent de tout temps le principe de I 7 independance de ce peuple et de ses richesses. La ceremonie aajo'urd'hni si puerile, del'anneau jette par le doge dans la mer Adriatique , en signe de la souverainele de la repu- blique concedee par Taulorile papale, pritnaissance dans 1'ivresse du pouvoir , lors de la conquete de I'lialie et de la Dalmalie , et a la suite de ces crises oil 1'energie nationale eut besoin d'eprouver la double impulsion du ianafisme et de la polilique. LescheFs du gouvernement de Venise ont presque toujonrs eu 1'adresse de fixer Fattcnlion du peuple par des institutions publiques ou des dispositions legislatives. C'est a Venise qne parul imprimee pour la pre- mirre fois en 1676, une collection d\inciens usages sur la police et la jurisprudence marilimes dans les mers du Levant, sous le litre il consolato del mare , ou du consulat de la mer. Lorsque cclte republique se vit menacec de per- 78 SYSTEME MARITIME dre le commerce de 1'Indepar Ics decouvertes dcs Porlugais, ellc cssaya de le rctenir dans les memes canaux par dcs primes , des graliiicalions et dcs c n exni rage men s disliibuesa toutesles classes de ci- toyens , et memc a ceux de famillc noble qui selivre- raienta des entreprises marilimcs clcndues. A la verile , il fut fait dans la suite defense aux nobles de s'adonncr au commerce j ma is une sem- blablc disposition prit naissance dans un temps ou la republique menacee par une ligue formidable , avail besoin de conserver dans le service maritime de guerre, tous les nobles quiforment partie essen- tielle du gouvernement. Dans ces grands dangers de la patric , ils ne devaient pas elre distraite du soin de travailler a assurer sa conservation. Mais aujour- d'hui que la situation paisible ou se trouve depuis pres d'un siecle, Felat de Venise , ne lui laisse plus rien a redouter pour sa defense, la permission et Fin- vitalion meme a ete faile en 1784 , par le senat , aux citoyens nobles , de se livrer aux entreprises de com- merce. Enfin , cet esprit national se fait encore re- marquer dans la haute consideration dont jouit au- pres des nobles Veni liens le service de mer , tandis qu'ils dedaignenl celui de lerre , et qu'ils Pabandon- nent a des slipenclies de toutes les nalions. Voj r ons maintenant quelle direction le senat de Venise a imprimee a son systeme de polilique mari- time dans le dix-huitieme siecle. . Cetle republique , apres avoir employe les prece- dcnles cpoques a acquerir , ou a defendre son do- ETPOLITIQUE. 79 maine et sa fortune , s'est constammcnt occupee dans celle-ci , du soin de conserver ce qui lui en est resle. A cet effet, elle a conclu en 1718 avec la Porte, le traile de paix de Passarowitz , et dcpuis , elle n'a eu de ce cole aucun sujet serieux d'inquietude. Mais Algcr tourmenle constamment le riche pavilion ve- nilien , en ne lui accordant que des treves , dont la derniere est $e 1763. Al'egard de FAutriclie, le soin pris en 1764 et 1766 de regler leslimites respectives entre les deux puissances , semble eloigner tout ce qui pourroit rompre leur bonne intelligence. On sait d'ailleurs , combien Venise est aujourd'hui attentive a eviter tout prelexte pour se brouiller avec les Turcs et les Autrichiens j dans la derniere guerre de 1788, entre la Porte et la Russie, celle-ci fit de vai- nes solicitations aupres de la republique , pour faire recevoir la flolle russe dans les ports du golphe Adrialique. Le senat pouvait , comme il le fit, ju.sti- fier son refus par 1'obligation d'observer, d'apres les trailes avec la Porte , la plus exacte neutralile. La raeme prudence de sa part se fait remarquer dans la guerre des puissances coalisees contre la liberle fran- caise, etscmble devoir lui assurer pour 1'avenir, dans la bienveillance de la France un allie qui pent 1'ai Jcr a maintenir son indcpendance vis-a-vis des deux nations voisines , qui paraissent menacer sans cesse de leurs forces colossales , le faible domaine de la republique. Lei forces marilimes dc la republique de Venise, 80 SYSTEMS MARITIME au moment de la revolution francaise, consi.sfaienf , siiivanl un clat ofliciel public en Janvier 1788, en 80 vai/^seaux ; savoir y 10 depuis 88 jusqu'a 5o ca- nons, 10 de 42 a 16 canons , 58 galores, galiole.s , chebff.ks, etc. le tout arme de 1000 canons ou. envi- ron , et luonle en temps de paix par 12 a i4 mille homines de ni'ir. En temp.s de guerre , Venise peut mellre en mer, une flolte depuis 26 jusqu'a 5o vaisseaux de ligne , m on lee par 3o millc matelols des deux seules pro- vinces de Dogado et de I'lstrie. Le gouvernement de Venise est peul-elre encore plus atlentifaujourd'hui , que dans les jours de sa gloire,aetendrepar des combinaLsons secretes, mais eificaces , ses speculations maritimcs. Ses efforts sont contraries par la concurrence des nations lieri- tieres de 1'ancienne fortune commerciale de celte republique j ce qui restreint les efiets de ces disposi- tions dans des bornes tres-circonscrites , et reduit tout Pavantage de son systeme de politique mariti- me , u diminuer Pelendue de ses ancienncs perles. CHAP. IX. ETPOLITIQITE. &1 CHAPITRE IX. L 9 Empire Ottoman. systeme maritime de la puissance oltomaneest purement passif. La domination des Tares s'cst afFermie vers le mi- lieu du quinzieme siecje , en faisant sur les riches et immenses contrees de 1'Europe , de PAsie et de FA- frique , des conquetes qui se deploient , pour ainsi dire, devant Constantinople. CeLle capilale, placee de manierea elre en meme temps leprincipe et le le- moin d 7 un si beau spectacle , le perpelu.e depuis des iiiecles , coiume centre d'activile qui unit les trois an cie nnes parlies du glohe. Le premier attrait dles elaien't-ib devenus possasseurs de ces vastes magasins formes a grands frais par les Grecs , les Veniliens et les Genois , pour.entreposer Ins riches car.gaii.oni> de Hade, rofluant , par leur ac- F {to SYSTJEME MARITIME tivite , de TOrient vers l'Occident,qtiela decouvcrte > ter, dit De Tolt, on percoit ce droit en nature j A> mais qu 7 en resulle-l-il? Que sur cent lurbots qu x uft ETPOLITIQUE. 85 i pecheur apporle, on lui prend les dix plus beaux ^ . et qui valaient seuls tout le irctin qu'on lui laisse , Quoiqu'il en soit, la puissance oUomane, d'apres son mode de gouvernement, et suivant Fetat actuei de sa polilique, croit retirer une grande ulilile de Fadoplion de ce systeme. Le produit de ses douanes , qui s'eleve annuclle- ment a pres de 3o millions, est presqu'enlierement ibrme des transactions commerciales des Europeens dans Fempire olloinan , de maniere qu r il trouve dans ce subside, la faculte d'augmenler son Iresor^ sans ces moyens violens que le despolisme a sans cesse a sa disposition, mais dont il use avec reserve, aiin quails soienl toujours efficaces. Lcs attaques dirigees centre cette puissance , sur la fin de la presenle epoque , par les Russes, secondcs- des Autrichiens, sont une suite du projet con^u par les cours de Petersbourg el deVienne, d'etendre au midi leur commerce et leur navigalioni il est, por consequent, de notre sujet de considerer dans la me- me periode la position des nations europeennes qui onl des liaisons dans le Levant , alin que Fon puisse apprecier ce que chacune d'elles doit esperer ou craindre de ce nouveau systeme qui tend a transfor- mer un jour en activite Finerlie actuelle des Turcs dans le commerce et la navigation* VINISE si long temps rivale et ennemie de la Porte , vit en p'aix avec elle depuis son trailede Pas- sarowitz en 1718. Son commerce au Levant y est se^- condiiire et s'exerce par Feiitremise de commi&iioa- 86 S Y s T E M E MARITIME jiaircs grccs et armeniens qui prelevent douze pour ccntde frais decommission, ce qui doit reslreindrc Ics speculations des Venitien.s dans des bornes fort etroites. GENES n'existe plus que dans la renomiri cede son ancienne splcndeur , et dans le souvenir de la perle detant de belles possessions qui lui out etearrachees par la Constance etle bonheur des armes oltomanes. NAPLES a un traite de commerce avec la Porte de- puis i/io j mais ses liaisons effectives sont presque nulles. LA SARDAIGNE n'a ni traite ni minislre a la Porte. L'EsPAGNE apres avoir vaincu sa haine antique contre lesTurcs qui ontete long-lemps si nuisibles la marine espagnole , par leur influence sur les pirates de Barbaric alors sous leur dependance , a conclu enfin en 1782 , un traite de commerce avec la Porte 5 et ce rapprochement est du peut-elre a la crainte commune etbien fondee de voir de nouveaux dominateurs dans laMedilerrannee. LA HOLLANDE a des privileges de commerce qui datent de 1616 et de 1680 avec la nation turque; mais ses relations n'y sont pas tres elendues. L'ANGLETERRE , dont les flottes triomphent sur loutes les mers, est, apres la France , la puissance qui, par sa compagnie de Turquie , exerce dans cet empire le plus grand commerce, en vertu d'un traite du siecle dernier. Les capitulations qu'elle a obtenues en 1676, onl ele renouvellees depuis sans aucun cliangemenl. ETPOLITIQUE. 87 LA POLOGNE, aulrefois redoutable auxTurcs y aujourd'hui ecrasee par la puissance colossale de la Russie, s ? unil a la Porte par le traile passager de 1 79 1 . En 1761, LA PRUSSE, donl le nom parvint a Constantinople aveclarenommee du grand Frederic , oblint de sa haine , pour des ennemis communs , un. traite de commerce , et son successeur le conlirma par le Iraite d'alliance de 1 790. LA SUEDE, la plus ancienne amic de la Porte .apres la France , cimenta son union par un traile de commerce et de navigation de 1737, confirme par celui d'alliance de i/Sg, renouvelle en 1789^ L'EMPEREUK n'a euaucun traite de commerce avec la Porte avant 1718, epoque de la pacification de Passarowilz. La connivence, tanlot secrete, tan- tot ouverte , qui a subsiste dans ce siecle entre FAu- triche el la Russie , pour faire changer de direction au commerce el a la navigation ottomane en Europe, a ete le principe de sanglantes inimilies enlre la Porte et FAulriche j mais elles furent temperces et suspendues a cerlaines distances, par la paix de Bellegrade en 1737 et par le traite de 1791. Dans cet in tervalle, Joseph II, avide detoutessortes desucces, prolita de la crainte qu'il inspirait aux Turcs deja intimides par les menaces el. les usurpations de la Russie, pour obtenir, en 1784, des privileges de commerce fort etendus. Malgre toutes ces favours et plusieurs tentalives, ses liaisons au Levant, soife par Trieste dans le golphe Adrialique pres la Mudi- F4 88 S Y s T M E MARITIME terranec , soit par lo Danube sur la mer Moire , sont encore exlremement bornees. Enfm, de toulesles puissances, ]a France eat celle donl 1'nmilie et le commerce sont an plus haut degre tPestime danslapolitiqile ollomane. Les capitulations ou privileges quVlle a oblenus des le ri-gne de Fran- oisl er , en i525, ont ete rcnoiivelles de siecle en siecle , jusqu'cn 1740, epoque de la derniere ratifi- cation. Si le gouvernement franca is a connu ton les Ihs consequences du nouveau plan adople depuirf ti'enle annees par la Russie et 1'Autricbe , pour de- pouiller les Turcs de leurs domaines en Europe, il a donne la mc-ure de son peu d'altaehernent aux interets de la nation, en n'elcvant pas la plus forte barriere conlre un sysleme de&tructeur d'une des plus belles branches dc noire commerce. LA RussiE, qui etait encore sous la verge de.s Turcs , il n'y a gueres que cent ans , la Russie , qui esl dovenue subitement une puissance gigarilesque > sous Pierr^ I cr . et sous Catherine II, voit aujour- d'hui ses bornes reculoes jusqu'a la mer Noire. Les demeles subsistans do nos jours enlre la Porte etla Russie, ont d'abord eu pour causes les limites entre leurs domaines respectifs,du cote delaCrimee. Les lignes de demarcation furent tracees par la paix de Bellegrade , en 1 7^9. Mais la guerre qui &'eleva>en 1768, entre ces deux puissances , prit sa source dans une combinaison plus vaste de la part de la Russie. Eile voulut obte- nir, et obtint en efTet par le traile de 1774 y la libre ETTOLITTQUE. 8g navigation sur la mer Noire, faculte que la Porte n'avait jamais accordee a auciine puissance, pas meme a 1'amitie et aux instances de la France. La Russie ne s'en tint pas la. On sait comment elle amena le Kan ou prince de la Crimee a se de- meltre, en sa faveur, de cette possession qu'elle se fit ensuile confirmer par les Turca dans un traite special en 1783. Eile se procura en meme terns un traite de commerce , pour feconder de si vastes en- treprises. Des lors elle put faire circuler ses navires , avec autant de succes que de profit, de la mer Noire dans celle de Grece par les Dardanelles. Cependant de nouvelles preventions s'cleverent en 1787 de la part de la Russie 5 elles furent terminees, an moyen de la mediation de plusieurs grandes puissances , par le traile de Jassj de 1 792 , qui confirma les der- nieres stipulations, et fit reconnaitre aux Turcs, 1'obligationde maintenir la tranquillite du Caucase, en contenant les Tartares de la grande Tartarie, qui inquielent ou menacent sans cesse la nouvclle do- minalion maritime de la Russie. Apres la revolution qu'a operee , sur le commerce de 1'Europe, la decouverte du cap de Bonne-Espe- rance et celle de FAmerique , aucun changement ne parait annoncer plus d'influence sur les rapports dcs principales nations commercantes, que ce nouveau systeme de substiluer des speculations actives aux transactions passives qu'a permises jusqu'ici dana ses domaines, la puissance ollomane. go S Y $ T M E MARITIME Si la Russia devait commander scale sur la mer Noire ct la Medilerranee, alor.s toutes les puissances quise parlagent le commerce du Levant, y seraient remplacees par FAngleterre , qui exploile presque tout le commerce de Russie. Ces deux puissances verraient doublcr les cfiets de leurs relations res- peclives, en ouvrant une nouvclle route au com- merce du nord, par les grands fleuves qui se jeltent dans la mer Noire. Elles associeraienl en seconde ligne , a la parlie qu'elles voudraient bien ceder de leurs benefices , I'Aulriche qui aspire a une exis- tence maritime sur le Danube et dans le golfe Adria- tique. Peut-elre meme le commerce de la Polognc, qui se fait a Danlzick, prendrait-il , par le Niester, une nouvelle direction vers la mer Noire j el les bleds du nord reflueraient alors vers le midi,pour etre a la disposition de 1'Angleterre , de la Russie et de FAutriche , qui, de concert, afTameraient les autres parties de FEurope. Ces trois puissances coalisees , dans leur nouveau systeme de politique maritime, pourraient encore se rendre maitresses , par Fascen- dant de leurs forces reunies contre les corsaires d'Afrique, de tous les grains de Barbaric. Ce n'est pas tout : on verrait encore une nouvelle tranche de commerce, qui n'a jamais ele le parlage des Europeens, devenir aussilot le palrimoine de FAngleterre. Celle-ci approvisionnerait toute laTur- quie europeenne des marchandises de FInde, qui, depuis la decouverte du cap de Bonnc-E.sperance , ET POLITIQUE. gi n'ont cesse d'etre fournies a i'empire turc par les Grecs et les Armeniens, qui les font arriversur les deux routes , soil du golfe Per.sique et de la mer Cas- pienne , soil de 1'Arabie par la mer Rouge. L/Angle- terre , pour faire reussir ces nouvelles speculations , se prevaudrait de son inlimite avec la Russie , qui elle-meme a un traite avec la Perse , a la faveur duquel la navigation anglaise pourrait un jour s'e- tablir sur la mer Caspienne. II faut meme dire que le gouvernement turc , si peu jaloux de transporter au dehors Pinduslrie et 1'activile de ses sujets, n'est pas indifferent a faire jouir les indigenes , du commerce et de la naviga- tion que comporte la situation locale de Constan- tinople. La navigation des Grecs sur la mer Noire et la Mediterranee , est assez etendue; etla Porte a soin, pour en assurer la liberte, de faire des declarations de neutralite lors des hostililes , telles que dans les guerres de 1780 et 179^ , entre les puissances mari- times europeennes. Elle protege aussi les operations de commerce des Grecs et des Armeniens , au moyen du traite de bonne amitie, conclu en 1746 avec la Perse. Mais ce qui acheve de faire connaitre toulc 1'importance que la Porte attache au commerce de 1'Inde , par la Perse ou VArabie , de la part de ses su- jets, c'est son firman de 177^, contre les tenlativcs deja faites par les Anglais , pour elablir une circula- tion de leurs marchandises de 1'Inde dans les pro- vinces lurqucs , par la mer Rouge el Suez. Cellc de- 9? SYSTEMS M A It I TV I- M E claration de la Porle, dont nous donnons Ic tcxtc t esl fulminante centre les Anglais ( * ). La France non-seulement perdrail son commerce du Levant, par cclte revolution j mais il Irn echap- perait encore de nombrenx avantnges cjni resultent de sa position acluelle vis-a-vis la Porle, et qni peu- vent fructifier un jour, si elle sait mirnx soigner, que par le passe, la bonne volonte du divan,, clprou- ver, par des services effeclifs, Futilite dont elle peut (*) Void cette declaration de la Porle. Les historiens nou* apprennent que les Chretiens, u secte artificieuse et entrepre- ji nante, ont, des 1'origine des temps, fait usage de la fourberie 71 et de la violence pour executer leurs projets ambitieux. Quel- ques-unsd'entre eux s'introduisircnt , degniscs en m'gocians,. a Damas et a Jerusalem : de la memo manierc ils sont par venus a s'introduire dans 1'Inde, ou les Anglais ont reduit les habitans en esclavage. Dernierexuent aussi, encourages par y> les beys, des gens de la meme nation se sont glisses en Egypte; j> et il est a croire que quand ils auront leve des cartes du pa) s, y> ils reviendront pour en faire la conquete. Afin de prevenir ces desseins dangereux, sur la premiere nouvelle de ces operations , nous avons enjoint a leurs amba?- 75 sadeurs d'ecrire a leur cour, afin qu'elle eut a diifendi - e aux y> vaisseaux anglaisde frequenter le port de Suez. Elle a accorde y> cette deinande ; et en consequence , si quelque batiment an- v> glais ose y jetter 1'ancre, sacargaison sera confisquee, toutes les personnes abord seront emprisonnees, jusqu'u ce que nous ayons fait connaitre notre bon plaisir . On pretend que ces tentatives d'un commerce avec I'lnde > par 1'istlime de Suez, echouerent par les manoeuvres de la^om- pagnie anglaise des Indes, qui craignit des succes qui uuiaient aneanti son privilege. ETPOLITIQUE. g3 tctre a 1'erapire ottoman pour miner tons les projets d'envahissement de la Rustic et de 1'Autriche. Qnoique la Porte se tienne tres-eveillee sur toutes ies relations avec 1'Inde par ses etats,son inquietude ne s'applique qu'a de grandes speculations ou a des cargaisons enlieres par navires, qui ruineraient les benefices des caravanes turques, et Ies redevances du scherifde la Mecque _, pelerinage, comme Fon sait, Ires-frequent^, ct delkij en parlie par les profits des transactions edmmerciales en marchandises de 1'inde. 11 y a lieu jle penser que la Porte ne s'opposerait pas, et pourrait meme fttvoriser notre correspon- dance par torre avec les etats de Plnde, Cette corres- pondancey plus prompts et plus active par cetle voie, peut un jo&r conlribuer a faire reussir Ic projet clc Tii inerle despotism e dela nation anglaise dansl'inde, et oe premier a vantage se Her meme avec d\iiiires mesures que de nouvdlps circonslaes peuvent iaire nailrfe', -et qtie Ife^sittialian de Marseille doit re < tidrleer ,'au moy-en de Gtfvellevcojml>inai~ g4 SYSTEMS MARITIME sons, les de.*>a vantages resullans d'evencmens ma- jcurs dans Jes benefices du 1'ancicn commerce de 1'Inde; la France seule pourrait peul-etre un jour, par 1'ascendant que lui donneraient de grands ser- vices i r lulus a la Porle, lui faire modifier, en fa- veur du commerce de Marseille, son sysleme exclu- sif des relations par lerre avec celte riche contree. Quoi qu'il en soil, loutes les nations qui se par- tagenl actuellement les profits du sysleme passif de politique maritime de la puissance ottomane, ne doivent pas perdre de vue que leurs efforts, pour la soutenir en Europe, doivent elre plus grands, a mc- sure que les chances de sa decadence se multiplienl. La Porte a perdu dans ce siecle son influence el son autorite en Egypte,et dans les royaumes d'Alger,de Tunis et de Tripoly, en Crimee et dans une partie de la Georgiej il parait que d'autres conlrees, Idles que 1'Arabie petree el 1' Arabic deserle , se sonl meme soustraites a la vassalile.Quel ressorl se-ra assez puis- sanl pour maintenir le sultan sur le troi^e de Cons- tanlinople, $'ou le lata;Usme semble le precipiler, par ses propres illusions ? ;.j- ,;;/, .1 -S Pourresumer DOS idjees-sur la situation actuelledu sysleme maritime et polilique des Ottomans, nous rappellerons" que IV.-prit d'imilation , la fureur des conquetes etl'ardeur du bulin les conduisirent dans les treizieme, quatorzimeet quinzieme siecles , a de- .soler le commercepresque exclusif desVenitiens sur la medilerranee et la mer Noire , et a altaquer de deux coles Constantinople , dont la prise ful la ETPOLITIQUE. g5 Ttrilable epoque de lafondation de la marine lurque; qu'au commencement du seizieme siccle , sous Ba- jazel II , cette marine cut un instant de celebrite par la conquete de toule la Moree , et 1'ile de Negre- pont, appartenante auxVeniliens, et par la defaile clesPortugais dans le golphe persique j mais que la fin du meme siecle vit s'aneanlir ces menies forces navales devant Jean d'Aulriche , qui commandait, i la fameuse balaille de Lepante, les armemens reunis de 1'Espagne et de 1'Italie. Dans les dix-septieme et dix-hnilienie sieclcs , la marine oltomane contintia d'avoir alter nativem en t des succes et des revers , et soutint , a travers ces vi- cissitudes , une existence fondee aujourd'lmisur des principes qui n'oa^ rien de commun avec ceux qui rcglentle syslcme naval des aulres peuples. Eneffet, observe judicieusement Chenier, les puissances europeennes n'avaient encore aux quin- zieme et i6 e . siecles,qu'une marine naissante.Tou les marchaient alors du meme pas j les Ottomans , les Espagnols , lesToscans, et les autres nations d'lta- lie couvraient de leurs pavilions laMediterranee,au- tant pour combadre que pour butiner. L'espril che- valeresque les portait a se defier reciproquement , et ase vaincre a 1'abordage. Depuis , Unites les au- tres puissances ont parcouru une vaste carricrc d'cn treprises , de decouvertes et de succes maritimes , tandis que les Ottomans sonta-peu-presreslesau but d'ou nous sommes parlis , n'etant artimes par aucun dc uos molifs d'cmulalion ou d'ambilioa , sans co- 96 SYSTEMS MARITIME Ionics a conserver , sans commerce exlerieur a pro- teger, eln'aspiranl point a des conquelcs lointaines, ni a aucune influence polilique en Europe . A cclte bravoure individuclle , quidislinguait ses marins des Mecles precedes, la puissance otlomane a fait succeder 1'e.sprit d'oslentalion qui sc deploie dans la promenade triomphale que font ses Holies chaque annee dans i'Archipel, el jusqu'a Alexandrie. Cependanl, lesoin de.sa propre conservation , dans ces derniers temps, lui a commande dedonnerune direction plus solide a sa marine. Mille lieues dc cotes, tant en Europe qu'en Asie et en Afrique, lui fourniraienl un peuple de malelots excellens , si la polilique lurque ne repugnail a confier des armes et des vaisseaux aux Grecs dcsccn^ans des races vain- cues. Eniin , on n'a pas oublie que les deux guerres avec 3a Russie, de 1769 et 1787 , out ele fatales a la marine de cette puissance. A la premiere, sa flolte fut briilee par les Russes a Chesm<3 ; el a la seconde., ses arme- anens dans la mer Noire out etc exposes a de-3 oragtss -el a quclques revers. Ccpendant, Fescadre oHornane force celle de Hussie a resler dans ses $>orls , landis qu^elle a tenu la mer pendant loule la campagne de -1788. Dans celtememe guerre, qui darait encore au mo- rnent de la revolution francaise , les forces marilimeg de la Porle Ottomane etaient evaluees a 80 -vaisseanx, savoir : trente de 74 a 5o canons, et cinquante frt- gates de 5o a' i o canons j le lout arme :d'en viron 3ooo canons , ETPOLITIQUE. 97 canons, et monies par un nombre possible de 5o mille matelots, independamment de cent galiotes de toutes grandeurs , d'un nombre d'autres navires recrules chezles puissances barbaresques j et ce nombre en- core augmente, au besoin, des achats fails en bati- mens venitiens, anglais et ragusains. 98 SYSTEMS MARITIME CHAPITRE X. Les Nations Barbaresques. \JuEL peut etre le systeme maritime des nations barbaresques, qni eprouvent une repugnance pres- que invincible pour les occupations paisibles et so- dentaires?Leur caraclere farouche a etr>,en quelque sorte, forme par le desespoir el la persecution , des le principc de leur etablissement sur les cotes de 1'an- cienne Lybie , prcs des ruincs de Carthage. Les pre- mieres puissances raarilimes elles-memes, font de honteux sacrifices pour etre affranchies de leurs ra- pines j elles en fournis.sent les instrumens , et conscn- tent, dans leur politique machiavelique, que cescor- saires continuent, depuisplusieurs siecles, a devorer la marine des peuples qui ne sont pas assez riches pour acheter leur amitie,ou assez puissan.s pour fa ire preferer leurs tributs annuels a la devastation de leurs proprietes navales. En remontant jusqu'a la source d'une semblable politique, et en suivant ses ramifications, on nesait ce qu'il y i de plus monstrueux dans 1'ordre social, ou de Finslinct brutal de ces barbares, on de la con- nivence reflcchie des cabinets de 1'Europe, qui le jQatle, qui le forlifie, et quelquefois altiscses fureurs contre leurs ennemis, ou meme seulement contre leurs rivaux dans la carriere mar i lime. ETFOLITIQUE. 99 L'Espagne, affranchie du joug des Arabes , des Maures ou Sarrazins, entrepiit d' sorles de marchandises en llollande, les commu- * niquant ensuile a d'autres pays silues autour de celte province, etc. . Par un traite conclu en 1286, enlre le roi d'Angle- terre el le comte de Hollande, le roi accorde la li- berte de la peche aux Hollandais el aux Zelandais, sur les coles de Yarmouth. La ville d' Amsterdam ob- linl,en i368, une concession du roi de Suede pour s'clablir dans File de Schoonen, sur les coles de la- quelle se faisail la peche du hareng. Mais celte peche ne devinl imporlanle qu'apres la decouverle iaite , dans le i5 e . siecle, de la maniere de saler et d'enca- quer If-, hareng. Charles-Quint fil eriger, en i556, un tombeau a l j auteur de cctle decouverle, Guil- laume Beukels Zoon, habilanl de Biervliet y en Hollande. Le hareng avail change de parages depuis quel- ques anncesj on le prenail auparavanl sur les coles de Schoonen, el sur celles de Suede el de Danemarck, fju'il paraissail avoir quillees pour se fixer a celles de Flandre eld'Anglelerrc. Cel ev r enemenlproduisit uno nouvelle emulation. Une ville de Hollande lit, en i4i6 , le premier grand jfilel pour celle peche j une Ha n6 S Y s T M E MARITIME autre lit usage de Fespece de navire connu sous le nom de buisen ; une seule, en i553, envoya ccnl- quarante batimens a la peche du hareng, escorles par vingt vaisseaux de guerre. La necessite d'avoir des grains , des bcstiaux et des materiaux de construction, conduisilnaturellement les premiers habitans de la Ilollande, danslenord. La Hollande faisait encore y dans le i5 e . siecle, im commerce avec Fllalie et le Levant, par FAllemagne. Ce commerce s'exercait par les villes de Haarlem, de Leyde et d 1 Amsterdam , sur Fllalie et sur le Levant, par Cologne , Ausbourg et le Tirol. Ajoulons a toules ces branches d'induslrie , Fart dc purifier le sel , de faire des salaisons, celui d'engraisser les besliaux, differentes fabriques pour la construction, la fabri- cation des cordages, des voiles, des filets, des ton- neaux et bariques, et plusieurs manufactures dene- cessile , telles que celles de toiles , d'eloffes de laine , de bonneterie , etc., et nous aurons le tableau econo- mique des provinces maritimes des Pays-Bas , au moment de leur revolution en 1666, ou de Funion des sept provinces a Utrecht, en 1 676. Sur la fin du i6 e . siecle, et au moment de cette revolution, les Hollandais, commeFonvoit,avaient deja des relations d'interet et de politique avec diffe- rens etats de FEurope, qui pouvaient seconder le genereux projet de secouer la domination vexatoire de FEspagne. Alors, toute FEurope etait dans la plus grande agi- tation. L'ambition dclu maison d'Aulriche ? les cuu- ET POLITIQUE. 117 quetes et les decouvertes dans les deux Indes, la fer- veur pour ou centre la religion reformee; tout con- tribuait a communiquer aux esprits une commotion ntile auxhabitansdesPays-Bas.La persecution qu'e- prouverent, sous le due d'Albe, gouverneur pour 1'Espagne, les dix-sept provinces, precipita les peu- ples de Pinterieur de cesconlrees, dans lesmaraisde la Hollande et de la Zelande , quela nature a fortifies centre les atteintes de la tjrannie. De nouveaux.ca- pitauxemportes par une fouled'hommes industrieux, la cloture de la navigation de 1'Escaut vers la mer , provoquee par le gouvernement espagnol lui-meme , apres la prise d'Anvers, pour en diminuer le com- merce, enrichirent Amsterdam, la remplirent d'une nouvelle emulation, et lui fournirent les moyens d'ar- mer ces flottes nombreuses qui parcoururent, de con- quetes en conquetes , les mers de I'Asie , de FAfrique et de 1'Amerique. La pro.sperile maritime de la llol- lande, porlee au plus haul degre, enrichit sa com- pagnie asiatique , dont le dividende s'eleva ju.squ'a 76 pour cent, et forga 1'Kspagne, apres 5o anneesde combats, a consentir a une treve de douze annees^ et a reconnailre provisoirement Findependance des sept Provinces-Unies. Ces douze annees furent mises a profit par la Hol- lande, pour accroitre Faclivile de son commerce et de sa navigation. Sa compagnie orientale se conso- lida j mais la compagnie occidentale s'affaiblit, lors- que les Portugais, afiranchis du joug de FEspagne, reprirent leurs elablissemens d'Ameriquc. Son com- 1 1 S SYSTEMS MARITIME mcrrc du Levant fut cree dans la Mediterranee, par le.s capitulations qu'clle oblinl , cVabord clu grand seigneur, et par suite, des puissances barbaresque.s. Sa peche de la baieine fut fondee, el son commerce dn nord assure; ses manufactures furent perfection- laces; ses relations elenducs en Anglcterro, en France, en Espagnc, en Portugal et en Allemagne. Le com- merce de fret ful exclusif et sans bornes ; les specula- tions d'assuraftces , de banques , parfaitenu-nt bien combinccs ; cnfm , des traites avec le Danemarck, la Suede, la France et PAngleterre, amenerent la li- berte, la facilite et la preeminence du commerce et de la navigation dcs sept Provinces-Unies. Un ctat aussi prosperedevail faire ecliouer les nou- veaux efforts que fit 1'Espagne, apres ('expiration de la treve , pour recouvrer les provinces marilimes des Paj r .s-Bas. En cffet, leur independance definitive fut rcconnue par le traite de Munsler de i648. La Mollandc , sortie avec gloire el-proiit de Farene dcla liberte, sc vit jettee, par d*es rivalites de com- merce avec 1'Angletcrre, dans la carriere de la poli- tique ct dc I'nmbition.Deux gnerres marilinies conlre la nation britannique, de 1662 a 1667, la forcerent de deployer de grandes forces na vales , et de tarirlcs capitaiix qni alimentaient son commerce lucralif : elleavait,en i655, de cent-trente a cent-quaranle riavires eu commission. Apres cetfc derniere periode, sesperles furent telles, qu'on comptait jusqu'u trois mille maisons non habilees a Amsterdam. La Hollan- de, taniotjuttantseule conlre 1'Anglelerre ou centre T. T F O L I T I Q U E. 1 F9 Louis XIV, lanlot liee avec la Grande-Brctagne , conlre la France , epuisait ses ressources, denaturait sa politique, else voyait ibrcee a se mellre ellc-meme sous le jougdesprincesd'Orange,declarescapitaincs- generaux et amiraux , pour sauvcr Fetal dcs dangers oil tant de gucrres Fexposaient -conlinuellenicnt. L/Angleteire proihant habilement de cellc posi- tion vacillante des etats-generaux, porla un coup decisit au commerce de la Hollande, par Facie de navigation de 1662 , qui ota a cette republique le monopole de celui qu^elle exercait dans toules les contrees de 1'Europe, pour les besoirw aclifs elpas- sifs de FAnglelerre. Celte marche bardie du cabinet britannique an- nonca qu^un jour il acbeverait de prendre Fascen- dantsur les Hollandaisj les evenemens poslerieurs servirent parfailement ses vucs. La revolution an- glaise de 1688, porta le stalbouder , GuillaumelJI, sur le trone d'Anglelerre. Des-lors , la Hollande n^eut plus dVulrepolilique que celle du cabinet de Londres: elle fut enlrainec l)ienlot dans une nouvelle guerre centre la France , qui ne se termina qu'a la paix de Riswick , en 1 697 ,. pour recommcncer en 1701 , lorsque, par la mort de Charles VI, toules les puissances maritimes, liguees avec Fempereur , se di.sputerent la ricbe de- pouilledela monarcbie espagnole. Nous aliens voir desormais la Hollande vivrc , pour ain.si dire , sur son ancien capital de gloire et de fortune , el laisser appauvrir de plus en plus, II 4 1 1 8 S Y S T k M I MARITIME mcrce tin Levant fut cree dans la Mcditerranee, par Ics capitulations qu'clle oblinl , d'ahord du grand fioigmuir, et par suite, des puissances barbaresques. Sa pcchc de la baleine fut fondee, e( son commerce dn nord assure; ses manufactures furenl perfection- iiees; ses relations etendues en Anglclerre, en France, en Espagne, en Portugal et en Allcmagne. Le com- merce de fret fut exclusif et sans bornes ; les specula- tions d'assuraiices , de banques, parfaitement bien combinces ; cnfm , des traites avec le Danemarck, la Suede, la France et FAngleterre, amenerent la li- berte, la facilite et la preeminence du commerce et de la navigation des sept Provinces-Unies. Un clat aussi prosperc derail faireechouer les nou- veaux efforts que fit PEspagne, apres Pexpi ration de la trevc , pour recouvrer les provinces marilimes de.s Paj r s-Bas. En efFet, leur independance definitive fut rcconnuc par le traite de Munstcr de i648. La Hollande , sortie avec gloire el profit de 1'arcne dela liberte, se vitjettee, par <>es rivalites de com- merce avec PAnglelcrre, dans la carriere de la poli- tique et do I'ambition.Deux gncrres marilimes conlre la nation brilannique, de 1662 a 1667, la forcerent de deployer de grandcs forces navales , et de tarir les capitaux qui alimentaient son commerce lucralif : elle avail, en i653, de cent-lrenle a cenl-quaranle riavires en commission. Apres cette derniere periode, sesperles furent telles, qu'on comptait jusqu'a trois mille maisons non habilees a Amsterdam. La Hollan- de, lanlotluttantseule conlre 1'Anglelcrre ou contre - T F O L I T I Q IT E. I T$ Louis XIV, lanlot liee avec la Grandc-Brctagne , centre. la France , epuisait ses ressources , denaturait sa politique, else voyait ibrceea se mellre elle-meme sous le jougdesprincesd'Orange,declarescapitaincs- generaux et amiraux , pour sauvcr Petal dcs dangers oil tant de guerres Fexposaient conlinucllcment. L'Angleterre proiitant habilement de celte posi- tion vacillante des etats-generaux , porla un coup decisif au commerce de la Hollande , par Facie de navigation de 1662 , qui oia a celle repuhlique le monopole de celui qu'elle exergait dans toules les contrees de 1'Europe , pour les besoins actiis et pas- ifs de FAngletcrre. Celte marche hardie du cabinet britannique an- nonca qu'un jour ii aclieverail de prendre 1'asccn- dantsur les Hollandais, les evenemens posterieurs- servirent parfaitement ses vues. La revolution an- glaise de 1688 , porta le slalhouder, Guillaumelll, sur le trone d'Anglelerre. Des-lors , la Hollande n'eut plus d^aulrepolilique que celle du cabinet de Londres: elle fut enlrainec l)ienlot dans une nouvelle guerre centre la France , qui ne se termina qu'a la paix deRiswick , en 1697,. pour recommencer en 1701 , lorsque, par la mort de Charles VI, toutes les puissances marilimes, liguees avec I'empereur , se di.sputerent La richc de- pouilledela monarchic espagnole. Nous allons voir desormais la Hollande vivre , pour ain-si dire , sur son ancien capital de gloire et de fortune., el laisser appauvrir de plus en plus, II 4 120 SYSTEMS MARITIME pendant Ic cours du dix-huitieme siecle, son sj r stt'ine politico-maritime. Un des traits de polilique le plus habile de Guil- laumc, devenu,suivant ^expression des contempo- rains , roi en Hollande , et stalhouder en Angleterre , ful de donner le premier role aux Anglais dans la guerre maritime de la succession espagnole , et de faire supporter aux Hollandais la plus grande part de leur defense par terre. Par cette distribution de forces, les subsides four- nis par la Hollande pour la cause commune , furent employes a etendre la marine anglaise, et a resser- rer les pouvoirs dans les mains du stalhouder , chef supreme de la force militaire. Par -la on nourrit, parmi les chefs des etats-generaux , le funeste pre- juge de 1'utilite d'un traile de Barriere , dont ils poursuivirent conslamment 1'obtenlion aupres des puissances voisines, c'est-a-dire , dePAllemagne, de la France et de la Prusse. Par-la , le cabinet brilanni- que perpetuait les inimities contre la Hollanjde du cote du continent , partageait ses mojens de defense sur terre etsur mer, et minait la puissance de cette republiquepar ses fondemens. Tandis que ce plan , sibienconcu, s'executait, Marlborough et le prince Eugene ne cessaient defas- ciner, par leurs flatteries interessees, les yeux du grand pensionnaire Heinsius et du grelfier Fagel. Leresullat de cet enivrement futde faire echouer , en 1709,168 conferences de Gerlruidemberg, enta- mees et suivies a la sollicitation pcrseverante'de ET POLITIQUE. 121 Louis XIV , et la Hollande perdit ainsi toute son in- lluence sur la pacification. Le cabinet de Londres profita de cette faute des etats-generaux j il s'empa- ra de toutes les negociations qui amenerent, en 1713, la paix d'Utrech. Enfm , il parvint a placer FAngleterre, a force d'avantages obtenus pour son commerce , etpar la preponderance de sa politique, au premier rang des puissances marilimes. a Depuis ce temps, dit Fauteur instruit et judi- cieux de la richesse de la Hollande , on ne vit plus rien faire aux Hollandais qui ful digne de la reputa- tion qu'ils s'etaient acquise sur mer. En 1712 , les Francais mirent leurs colonies a contribution j les Suedois leur enleverent desnavires marchands, sans que la republique cut seulement Fair de s'y opposer, et ce ne fut qu'en 1716 qu'elle joignit douze navires de guerre a vingt autres navires anglais , pour pro- teger le commerce des deux nations dans la mer Baltique, toujours inquietee par les Suedois, qui , en guerre centre les Russes , continuerentdes'empa- rer des vaisseaux destines pour la Russie )>. II n'y eut pas jusqu'aux Algeriens dont les Hol- landais n'eussent a soufFrir. En 1^721, on compta qu'ils leur avaient enleve plus de quarante navires , estimes , avec leurs charges , a plus de six millions \ sans y comprendre plus de goo matelots reduits en esclavage )). Enlin , tout ce qu'on avait vu faire a larepublique aboulit a de petits armemens. En 1726, les clats rc- solurcnt de mcllrc en mer dix-huit vaisseaux de 12'J S T S T k M 2 MARITIME guerre. En 1729, ils joignircnt douze vaisseaux du guerre a unc escadre anglaise ,pour prolrger le com- merce conlre les entreprises des garde-coles cspa- griols. En )7ii , les vaisseaux hollandais furent ex- po.ses aux insulles , tanl des Anglais que des Espa- gnols , sans que la republique iul en etat de soutenir les plaintes qu'elle faisait a ce sujel , par des moyens plus cllicaces etplus propres a se faire eeouter. En 1743, elle envoya quelques navires de guerre dans la Balli que, pour pro legcr son commerce conlre les Suedois quicontinuaient de Pinquieler.Le commerce soufTrit encore beauconp par les nombrcuses prises qucfirent les Anglais sur les liollandais dans la guerre de 1'Angleterre conlre PEspagnc, et par cellc que firenl ]es Espagnols j et Ton peut se rappelcr encore les griefs des Hollandais conlre les Anglais en 1761 , t annces suivantes. Les vaisseaux liollandais en proie aux depredations el aux liostilites de Unites les nations, n'eurentque le chagrin de voir le mepris qu'on portait a leur pavilion. PosLerieuremcnt encore, les etats-generaux nc fu- rent pas plus en etat de le proteger contre les in- sulles des Anglais, qui dans la guerre de 1767 , en- Ire 1'Espagne et la France , leur ont cause des perlcs immcnses. Une lisle imprimee a Amsterdam , au mois de juillet 1768 , des vaisseaux et balimcns pris dans ce temps , faisait monter a plus de dix millions le dommage cause au commerce des negocians d' Amsterdam , de Saint-Eustache et de Curacao : et en decmbrc de la meme annee , on le porlail a plus IT rOLlTiQUE. de vingt-cinq millions , saris compter les pcrtes faites par des negocians de Rotterdam et de quelques au- tres places de la republiqne. Dans ce tableau , on appercoit par-tout 1'influence du cabinet britannique sur la Hoilande , soit comme allie, soit comme ennemi. Les chaines forgees a la republique par Guillaume III, se resserrerent en- core sous Guillaume IV , au moyen de son manage avec une princesse d'Anglelerre. Les partisans de Guillaume profiterent , pour son elevation au sta- thouderat , en 1747, des malheureux succes de la guerre conlre la France. Apres qu'il cut ete revetu de celle dignite , et que la paix eut etc relablie enlre les puissances belli gc-rantes, il est ourieux de voir ce prince, meilleur politiqueque guerrier, porter sou atlention sur les moyens dc retablir le commerce de la republique. 11 prit, sur ce sujet , les avis de plu- sieurs negocians hollandais, consul ta les persoiines en etat de lui donner des informations exactes, et en fit dresser un plan qu'il remit et recommanda aux 6tals-generaux en 1761. Ce plan conlicnt un expose courl et precis des causes qui ont fait nailre le com- merce dans les Provinces-Unies , el qui ont servi a le fa ire fleurir. Guillaume IV mourutla meme annec. II cst difil- cile de deviner quels auraient ele, dans la prati- que , les effets de sa bonne theoric ; ce qu'il y a de certain , c'est qu j en laissant son fils Guillaume V en minorite, il livra la Hoilande a la double influence dc la princesse douairiere anglaise , el d'un gouvcr- 124 S Y s T E M E MARITIME ncur allemornd , Ic due dc Brunswick. La suite des evenemens n'a que trop developpe les funcsles effete qui en sont re-suites pour la rcpublique. La douairiere anglaise , par son devouement a sa patrie , ruina le commerce de la Hollande pendant la guerre de 1767, pour se venger de ce que les elats des trois provinces maritimes, et sur-tout ceux de Frise , avaient refuse le secours de 6,000 hommes que les Anglais sollicitaient centre la France; et quoique la majorile des quatre provinces territo- riales pencliat pour la gouvernante et les Anglais, les etals-generaux n'oserent passer outre. Dans la guerre de la liber le americaine, Guil- laume V, eleve dans les principes de sa mere, se com- porta comme elle, et se vengea, sur sa propre palrie, du refus fait, par les etats-generaux , de deferer a la demande du due d'Yorck , envoye extraordinaire de la Grande-Brelagne. Cette requisition et la prece- dente avaient etc appuyees toutes deux par le due de Brunswick. II s'agissait d'obtenir la brigade ecossaise qui etait a la solde de la republique , et que FAngle- tcrre voulait employer contre les Americains. Ce fut la province de Hollande, qui enlrainala decision des elats-generaux , alors allies de la Grande-Bretagne. Sur ce refus, cette dernicre puissance declara la guerre aux Hollandais. L'opposition eprouvee par le stathouder Guil- laume V dans ses affections, lors de la guerre de 1767, lui fit sentir la necessite de fortifier son auto- rite par des alliances sur le continent 5 et son ma- ETPOLITIQUE. 125 riage avec une princesse de Prusse concourut en- core a rompre cette unite de vues , qui aurait du exister enlre les deliberations des etats-generaux, et leur execution confiee au grand-amiral. Le parti devoue a. la republique, et independant des Anglais, prolita,tant de la declaration de guerre, faite en 1780, par 1'Angleterre, que des evenemens qui I'aecompagnerent ou la suivirent, pour repro- cher haulement, apres la pacification de 178^, au slalliouder, son defaut de zele pour les inlerels de la commune palrie. Les fails relatifs aux derniers trou- bles des Provinces-Unies , et a la revolution operee par les soldats du roi de Prusse, sont trop recens et trop etrangers a la matiere trailee dans celte analyse, pour qu'il soit besoin d'en retraccr les circonstances. Le resultat de ce choc enlre les divers partis, fut la ruine de 1'esprit national en Hollande. L'autorite stalhouderienne y subslitua des interets de famille et Panglicanisme. En effet, les etats-generaux , qui , apres la pacification de 178.3, avaient conclu, avec la France , en 1786 , un traite d'alliance , se virent forces , par 1'ascendant de Guillaume, de subsliluer, en 1788, a ce pacte, un autre traite, pareillcment defensif, avecFAngleterre, et un semblable,lameme an nee , avec la Prusse. La France cependant venait de rendre a la Hol- lande le service le plus signale que puisse recevoir une puissance maritime. On a vu precedemmentque la navigation del'Es- caut avail ele fermee auxPays-Bas autrichiens , par u6 S Y s T M E MARITIME Paulorilc memo du gouvernement espagnol. Cetle interdiction avail ete cimenlee par le Iraile de Muns- tcr, enlre la branche aulrichienne espagnole el la liollande. Plus d'un siecle apres, Joseph 11 roiilant dans sa tele desplan.s de commerce maritime, a limi- tation des principales puissances do 1'Europc, appe- lees a ce role par leur&eulr position, conc.nl le projct d'aneantir le commerce d' Amsterdam , pour relevcr celui cVAnvers, el d'etablir une circulation libre do forces militairea dans loutc* les provinces maritimes deTunion balave. Des negocialions habilcmenlcon- duitcs de la part de la France, des sacrifices pecu- niaires quo rt-prouvait meme une saine et vigoureuse politique, rien ne fut epargne de noire p\rt, pour delourner le coup qui menagail de renverser enlie^ remcntle systfeme maritime de laHollande. Un Iraile de 1'annee 1786, enlre cclte republique el 1'empc- reur, mil fin aux pretenlions del'Aulriche surFEs- caul j mais les elats-generaux a peine echappes , par les bons offices de la France, a un danger si eminent, reconnurenl ce bienfait en se jeltant dans les bras de 1'Anglelerre, et se soumcllant humblcnienl a 1'in- fluence de celle puissance ambilieuse, donl elle avait ele autrefois la rivale. Dans le cours du siecle present, par une sorle de rouline diplomatique, autant que par 1'impulsion qu'avaient imprime les evcnemens precedens , les elals-generaux renouvcllercnt ou conclurcnt difFe- rens traites de paix, de commerce et de navigation, Tels sont ceux de 1 70 1 , avec le. Danemarck et avee ET FOLITIQUE. I 2 7 Tunis ; de 1 703 , avec Tripoly ; de 1712 et de 1 726 , avec Alger j de 1 762 et de 1777,, avec Maroc; de 1739 avec la France, et une convention en 1781, sur les reprises j de 1763, avec les Deux-Siciles ; de 1782 , avec les Etats-Unis d'Amerique , independamment d'une conyention de meme date sur les reprises. La HoHande acceda egalement, en 1781 , a la neutralile proposee par la Russie, le Danemarck et la Suede. D'un autre cole, sa compagnie des Indes conclut, en 1 766 , un traite avec le roi de Candy , dans File de Ceylan. Celte compagnie, etcelle d'occident, atten- tivesa ne pas laisser elever une puissance maritime, sur-lout a la porte cP Amsterdam, et an prolit d'un rival redoutable ( Tempereur d'Allemagne ) , avaient ete les premieres a appercevoir tous les dangers deg avanlages concedes par l'E.spagne a PAutriche , dans lenr traile du mois de mai 1726. El les avaienl sonne Tallarme dans tous les cabinets interesses, sur Pexis- tence de la compagnie d'Oslende; etcetlecompagnie avail etc abolie en 1731 , a la sollicitation des princi- pale.s puissances de 1'Europe. On voit que la position de la Hollande , dans le i8 e siecle , a ete dans ses relations exlerieures , celle d'une puissance serree de si pre^ par sa rivale en fortune maritime, que totites ses demarches, soit pourse defendre,soit pourse debarrasser du joug, ont lourne conslamment a paralyser ses forces sur toutes lesmers.. Toutesles causes semblenl concourir a lui enlevcr le rang glorieuxqu'elleaoccupe dans la navigation. i-j8 SYSTEMS MARITIME La revolution francaise est un evcnement majcur dans la aerie des relations europt-ennesj elleamenera dcs chances dont les corabinaisons sont incalcula- blcs : on peut craindre que la Ilollandc , froissee par tant d'interets contraires , ne iinisse par succomber , an grand desavanlage sans doute des peuples que son activite nourrit , en faisant rcfluer avec econo- mic les grains du Nord vers le Midi, en les tenant en magasin , et augmenlant ainsi par sa prevoyance la masse des subsistanccs pour les besoins communs. Les forces maritinies de la Hollande consistaient, au moment de la revolution franaise, pour le temps de paix, en 87 vaisseauxj savoir , 44 vaisseaux de 74 a 56 canons j 43 fregates de 4oa 24 canons , et envi- ron 100 autres batimens de toutes grandeurs , le lout arme de 2,3oo pieces de canon , etmonte par i5 mille malelots. En derniere analyse, le systeme maritime desPro- vinces-Unies, au moment de la revolution francaise, considere sous les rapports commerciaux, etait pleinement actif dans toutes les mers d'Europe , d'Asie , d'Afrique et d'Amerique 5 mais ce systeme , dans scs relations avec la force publique , se trouve aujourd'hui desarme, s'il est permis de s'exprimcr ainsi , et cela par F obsession perpetuelle de 1'Angle- terre, qui cherche , dans toutes ses combinaisons , a rendre la marine hollandaise 1'auxiliaire de son propre commerce. D'un autre cote, les progres sen- sibles que fait la Prusse depuis moins d'un demi siecle dans la navigation marchande , sur-tout par le premier ET POLITIQUF* 129 premier partage de la Pologne , et recemment par ^acquisition definitive de Danlzick et de la partie maritime de la Pologne , semblent former , pour celte puissance , jusqu'a present enlierement conli- nenlale, des points de reunion pour 1'agregation de ioules les parlies du commerce d'Amsterdam : c'est un arbre antique dont les branches sont pres de se detacher du tronc. Toutes ces emanations dispersees finiront peul-etre par le dessecher, et en repartir la substance dans les differens ports de la Ballique. S'il en etait ainsi, la Hollande et Venise, apres avoir joue, cellc-ci dans le Midi , et Fautre dansle Nord , le premier role dans la carriere maritime et coinmerciale,subiraientdefinitivement une destines bien difTerente. Toutes deux durent leur premiere existence na- vale a la crainte, a la terreur ou a la persecution; loutcs deux s'ussurerent d'abord leur subsistance par les occupations hasardeuses de la peche j loutcs deux chercherent , dans le commerce exterieur economique , un supplement que ne pouvait leur procurer 1'exiguile de leur lerriloire 5 mais la Hol- lande dul sa splendeur a plus d'efforts heroiques , et Yenise fut redevable de sa fortune commerciale a sa position, qui luimetlait, pour ainsi dire, sous la main les riches cargaisons des Indes. Venise perdit , par des evenemens que ne pouvait pas prevoir Fe.sprit liumain , le monopole des marchandises d'Asie , dans le meme siecle oil les decouvertes des aulrcs europecns , par des eiitreprises sand exemple , our 1 i3o SYSTEMS MARITIME vraient , dans les deux hemispheres , des mines abondantes de richesses a 1'activite hollandaise. Venise , jalousee par tous les potentats, se vit sur le point de succomber sous les efforts de FAllemagne , de la France et de PEspagne reunispar la ligue de Cambraj, et fortifies encore des foudresspiiituelles du Vatican. Elle en f ut quitte pour la perte de presque la moitie de ses domaines en Italic. La Hollande fut constamment et generalement un objetd'admiration et d'emulation plutot que d'envie pour les principales puissances maritimes , qui cependant se vengerent quelquefois des offenses qu'elles en recurent. Venise devenue riche se livra a la politique et a Pesprit de negociation qu'elle applique encore aujourd'hui le niieux a son veritable interet. La Holland* , que sa revolution et ses conque"les conduisirent au plus liaut degre de gloire et de richesse , s'enivra trop un moment,de 1'orgueil d'influencer les principaux ca- binets de 1'Europe , ce qui 1'entraina dans une sphere d'ambition qui lui devint funeste. Yenise subsiste depuis dix siecles avec un senat arislocratique , et sous un Doge ou magistral a vie. La Hollande , de- puis deux siecles, voit son gouvernement separtager alternativement entre le pouvoir civil des Etats- generaux et Pautorite deleguee des le principe par necessite, suspendue ensuite temporairement , et livree de nouveau a Tapproche du danger a un capitaine general des forces de terre et de mer. A 1'aide do ses alliances , ce chef, sous le nom de Statliouder , s'e^t rendu le dominateur hereditaire ET POLITIQUE. l3l de la republique. Enfin , Venise conserve line opu- lence , une independance et une sorte de rang ho- norifique en Europe j mais la Hollande , presque tou jours agitee par des dissentions religieuses on politiques, cernee par trois grandes puissances con- tinentales , et harcelee continuellement par la con- voitise de 1'Angleterre , est menacee apres environ deux siecles d'une existence glorieuse dans les quatre parties du globe , d'ensevelir sa laborieuse et bril- lante destinee dans les marais d'ou elle est sortie. Cette catastrophe , on le repete , serait une veri- table calaraite pour les societes europeennes qui perdraient cet exemple vivant de ce que peut chez un peuple Famour du travail. Elle exciterait long- temps les regrets des philosoplies et des amis d 1'humanite. I 2 S Y s T M E MARITIME CHAPITRE XII. La Maison d'Autriche. jL/A maison d'Aulrichc, si humble dans son ori- gine , si vaste clans ses projets, si lieureuse dans ses alliances, qui lui valureiit successivement la Hon- grie , la Boheme , le comle de Bonrgogne, les Pays- Bas unis , 1'Espagne et de beaux doinaines en Italie , a vu a'aneantir , pourla branche allemande , sa toute- puissance navale , par la distraction , au milieu du seizieme siecle , de i'Espague et des Pays-Bas , de- meures a la branche espagnole. Lapaix d'LJtrecht assura a la branche allemande pi usieurs etats d'llalie, et ces memes Pa} r s-Bas, faibles debris de la succes- sion de Charles II. Aussi, depuis cetle epoque, le systeme maritime de la maison d'Autriche n\i pu s'exercer que sur d'assez faibles moj^ens : elle a cher- che a les etendre. Nous allons analyser, a cet cgard, es tentatives et ses succes. La cour de Vienne, lemoin des efforts qu'avaient fails les puissances mari times pour se creer des res- fiources dans la guerre de la succession espagnole , et des avantages pecuniaires qu'elles tiraient de leur commerce sur toutes les mers , frappee egalement de Tinfluence que les forces na vales de la cour de Lon- llres lui donnaientsur la politiqueeuropeenne, crut le moment etait venu, apres la paix d ? L T U'echt, ET POLITIQUE. l53 de faire prendre a la m-aison d'Autriclie une part di- recte aux richesses de FAsic. Presqu'aussi-lotqueles Pajs-Bas espagnolseurent ele cedes a Pempereur Charles \ 7 I, par le traite de Rasladl, les marchands d'Ostende, d'Anvers et de quelques autresvilles de Flandres el de Brabant, vou- lurent profiler de la protection et de la puissance de leur nouveau maitre, pour Petablissement de leur commerce. Us formerent d'abord une simple sociele, sans octrois et sans letlres-patentes du prince , ef ar- inercnt quelques vaisseaux pour 1'Orient. Ce com- merce fut presqu'aus^i-tot trouble paries Hollandais; el en r 7 1 9 , on apprit que des le 1 9 decembre 1718, ils avaient enleve sur la cole d'Afrique un vaisseau d'Ostende, richemenl charge, quoique muni d ? un passeport de Tempereur. Vers la fin de la meme annee 1 7 1 g , ce prince per- mit aux dirccleurs de recevoir des souscriptions , ac- corda differentes moderations de droils d'enlree sur les marchandises imporlees par les vaisseaux de la compagnie, el fit dernander aux etats-generaux sa- tisfaclion sur 1'enlevemenl du vaisseau d'Oslende. Mais bien loin que la demande de 1'empereur fut ecoulee , la compagnie des Indcs orienlales de ITol- lande s^empara d^un second vaisseau ostendais, ce qui occasionna une nouvelle plainte aux etatsj et en meme temps, le marquis de Prie , gouvernenr des Pays-Bas autrichiens, declara que les inleresses a la compagnie d'Oslende etaienl aulorises , par des let- ires de marque , ou commissions imperiales, de re- 13 i34 SYSTEMS MARITIME pousser par la force ceux qui attaqueraient leurs vaisseaux. Cette protection declaree de 1'empereur ayant hausse le courage des inleresses a la cornpagnie im- periale , ils firent partir, au commencement de 1 720 , cinq vaisseaux richement charges' pour les Indes orientales, et six autres navires, en 1 72 1 , dont trois pour la Chine , un pour Moka , un pour Surate et les cotes de Malabar, et le sixieme pour le Bengale. De leur cote, les Hollandais et les forbans anglais se mirent en devoir d'arreter les succes de ces arme- mens , et parvinrent a s'emparer de deux des six ba- timens ostendais; mais les quatre autres effectuerent leur retour aOstende, avant la fin de septembre 1 722. Leurs riches cargaisons porterent au plus haul de- gre 1'enthousiasme pour ces entreprises, et 1'empe- reur ne put se refuser enfm a accorder a la compa- gnie , au mois d'aout 1 723, les leltres-patentes dont Fexpedition n'avait ete suspendue que par les vives representations des Hollandais. Les souscriptions furcnt ouvertes le 1 1 aout , et la presse f ut si grande , que des le lendemain les fonds furent remplis. Presque tous les principaux nego- cians et banquiers de Bruxelles , d'Ostende , de Nieu- port, de Gand et de Bruges, furent dunombre des souscripteurs , outre quantite des plus grands sei- gneurs des cours de Vienne et de Bruxelles. Les sous- criptions , sur la fin du mois d'aout , gagnaient deja douze a quinze pour cent. Toute 1'Europe maritime fixa son attention sur ET rOLITIQUE. 7 l35 celte tentative de la maison d'Autriche,pour se creer des relations directes avec FAsie.La France a peine sortie des convulsions du systeme , appauvrie de matieres metalliques dont les etrangers Favaient de~ pouillee , a Faide de son papier-monnaie , dut pren- dre des mesures parliculieres pour que ses faibles capilaux n'allassent point alimenter un commerce etranger. A ceteflet, le conseil d'etat rendit, des le i 6 aoiit i 723 , une declaration porlant defense a tout Francais de s'interesser dans la nouvelle compagnie d'Ostende , et aux mariniers et ouvriers de prendre aucun service dans ses armemens. De leur cote, les principaux cabinets se mirent en mouvement, et celui de Madrid fit faire,au mois d'avril 1 724 , des representations a celui de Londres , centre la compagnie d'Oslende; mais Fempereur fit changer de direction aux negociations, en s'assurant du Hollandais Ripperda , devenu premier minislre a Madrid. Celui-cilivranlles interetsdela Hollande, sa patric, fit consenlir FEspagne a trois traites depaix d'alliance defensive el de commerce,signes avec Fem- pereur , qui fit entrer Fempire dans eette alliance , ea avril et mai 1 725, portant non-seulement differentes concessions a. la compagnie d'Ostende, dans les ports de la domination espagnole, mais encore des dispo- sitions pour en soulenir Fexecution. La France et la Grande-Bretagne formerent une contre-alliance a Hanovre, au mois de septembra suivant , et engagerent la Hollande a y acceder. Les elats-generaux be bornerent d'abord a recevoir deux I 4 i36 SYSTME MARITIME mcmoires des compagnies dcs Indes orientales et oc- cidentalcs, et a faire presenter en octobre de la xncmc annee , leurs griefs a la cour de Madrid , qui flattalesetats-generaux de 1'espoir d'une mediation pour le redressement de ces griefs. Le marquis de Saint-Philippe , ambassadeur d'Espagne , se rendit a cet effet a La Haye, au commencement de Pannee 1726. Ces ncgociations furent sans succes. Leur but etait de donner aux etats-generaux Pesperance d'un accommodement,relalif a la compagnie d'Os- tende : car, dans le moment meme, au mois d'aout 1726,1'empereur conclut un traite d'alliance defen- sive avec la Russie , et ce nouveau pacle determina enfin la Hollande a donner son accession au traite d'Hanovre. La maison d'Autriche,en acqueranl un nouvel allie, cherchait encore a detacher la Prusse de 1'alliance d'Hanovre j et, en effet , celle-ci refusa de signer ^accession des Provinces-Unics. On voit dans toutes ces negocialions, poindre le sysleme, si Hen manifesto depuis , d'une conjuration des cou- ronnes du nord , centre le commerce des puissances du midi. Cependantles cabinets conlinueren t a s'exer- cer sur la compagnie d'Ostende, et amenerent eniin des articles preliminaires, qui furent signes a Paris , le 3i mai 1727, par les ministres de 1'alliance d'Ha- novre. On suspendit 1'octroi de la compagnie d'Os- tende, et de tout commerce des Pays-Bas aux Indcs, pendant sept ans. Mais lorsqu'il fut question de rali- lier ces preliminaires, la iraduclion francaise ne pa- rut pas rendre Toriginal latin , ce qui donna lieu a de nouveaux incidens. ET POLITIQ1TE. l3/ Pendant qne 1'Europe se partageait ainsi snr le commerce maritime autrichien,laGrande-Bretagne, toujours habile a profiler des evenemens, et de la dis- position des esprils , obtint ^initiative sur toutes les puissances maritimes , meme sur la France, sa co-al- liee dans le traite d'Hanovre , en concluant , a son in- su , un traite a Vienne, le 16 mars i/Si, porlant, de la part de Pempereur , suppression de la compagnie d'Oslende. La Hollande etles autres puissances ma- ritimes accederent bienlot a ce traite j mais 1'Angle- terre , en le proroquant, ne negligea pas de le redi- ger dans un sens utile ases interets. Celte affaire, si serieuse par ses consequences sur le commerce maritime deFEurope,ne f'ut pas encore entitlement terminee. Les interesses a la compagnie d'Ostende , crurent pouvoir eluder une interdiction aussi precise , et continuerent a equiper quelques vaisseaux qu'ils envoyerent aux Indes , sous pavilion simule j et Pun de ces vaisseaux , nomme Y^4pollon> entra dans PElbe au mois de septembre 1751 , sous le pavilion prussien , et muni d'un passeport du roi de Prusse. Les puissances maritimes, informees de 1'arrivee de ce vaisseau , et des privileges reclames en faveur d 1'Elbe, resultans d'une patente du 3 juin 1628 , ac- cordee a la ville d'Hambourg par remperetir Ferdi- nand II , adresserent un memoire au senat de cette ville. Apres differentes responses et repliques , il in- tervint enfin,le 1 5 Janvier iy34, un decrct du senat d'Hambourg, quiinlerdil lout commerce interlope , i38 SYSTEMS MARITIME et litevanouir definilivement toute participation di- rectc au commerce des Indes , de la part des Pays- Bas autrichiens. L'historique de cette premiere tentative et de son issue, est d'une grande importance, pour eclairer sur le genie polilique des Europeens dans le dix-hui- tieme siecle.Toutes leurs vues, des le commencement, se porterent sur les moyens de conserver ou d'oble- nir la plus grande part dans le commerce general ma- ritime, pendant les i4 annees qui s'ecoulerent de 17183 1/34. Des lors toute 1'Europe fait son affaire principale de la compagnie d'Ostende : les puissances du nord s'essayent en quelque sorte contre les puis- sances maritimes du midi j les couronnes qui n'ont qu'un territoire , sans cotes etendues ou frequentees, font des entreprises ou fondent quelque esperance d'y fixer le commerce ; toutes cherchent, par des con- cessions et des alliances , a altirer a elles le resultat des negociations. L'Angleterre, plus habile dans tou- tes les combinaisons de ce genre , termine le differend en se rendant maitresse de donnertelle direction que bon lui semble , auxstipulations.Enfin,la compagnie d'Ostende est, pour tous les cabinets, Foccasion d'en- trer en scene dans la carriere maritime. Le second pas que fit 1'empereur Charles VI, apres lapaix d^Utrecht, pour se mellre aurang des puis- sances maritimes, fut de profiler des stipulations qu'il obtint dans le premier traite de commerce que lui ait accorde la Porte, apres la pacification de Passarowilz, en 1718. L'empereur etablit acet eifet,en ET rOLITIQUE. compagnie d'Orient a Vienne, pour tout le commerce possible dans les etals du grand-seigneur par le Da- nube , et dans les ports maritimes de PAutriche. Le succes de celte compagnie fut , dit-on , si grand et si subit , qu'elle fut en etat , en 1 72 1 , de faire une re- partition de 8 pour cent a ses actionnaires. De nou- velles lettres-patentes, avec accroissemens de privi- leges , furent expedites en 1 72 1. Enlre autres conces- sions, on lui accorda la faculte exclusive , pour 11 ans, de construire seule des vaisseaux,d'une certaine dimension , dans les ports de la mer Adriatique , ap- partenans a. sa majeste imperiale. Voila , certes , une preuve bien manifesto de Pinaclivile de la marine aulrichienne ! Elle donne dforfait et a un construc- teur unique eiprivilegie, la fabrication des premiers instrumens de la marine nalionale. L'empereur n'oublia pas , lors de la paix de Bel- grade , en lySg 5 de faire slipuler , en sa faveur, par la Porte, de nouveaux avantages commerciaux. En efiet , il est dit , dans ce traite , que les Turcs jouiront de certains privileges en Autriche, de meme que les Autrichiens en Turquie, et que ces deux nations se regarderont reciproquement comme nations amies , tanquam gens amicissima. Les projets de la Russie sur la Turqu ie europeenne, developpes posterieurement a la paix de Belgrade, donnerent lieu a Fempereur, son co-associe dans le plan soutenu d'attaque, pour releguer le turc en. Asie , de reclamer les effets de cetle trcs-grande enlre les cours de Vienne et de Cons- l4o S Y S T fc AI E M A R I T T HI T. tanlinoplc : ain.si , en vertn de ccltc loi du plus fort , I'Atilriche oblinl, en 1784, tm edit de la Porte Ollo- manej pour favoriser IVxccution cFun traite de com- merce, signe entre elles la memc annec. Tous ces privileges ont etc confirmes de nouveau en 1 79 1 , lors de la derniere pacification en Ire les deux cours. Jusquesla,onnevoit encore que des esperancespour lesysteme politico-maritime de 1'Autriche. Celuidu commerce dans la mer Noire par le Danube, ditFa- )) vierdansses Co /?/ s'est flatte (et peut-etre en est-il deja. convenu avec J) la Russie), que la liberte du commerce , sur cetto )> mer, et meme aux Echelles/sera rendue commune au pavilion autricliien. Pour cela, il compte oble- nir ou extorquer de la Porle , le droit de naviguer sur le bas Danube, d'en sortir et d'y enlrer libre- )> ment pour tous les batimens des sujets de 1'Autri^ )) che , ainsi que les capitulations les plus favorables, )> sur le meme pied que les autres nations franques . Mais cet avenir lointain ne remplissait pas assez tot les desirs du bouillant Joseph 1 1 , presse d'occu- per une place parmi les puissances maritimes, en depit de sa position presque uniquement continen- lale. A pcine la paix dei783fut-ellesignee entre les puis- ET POLITIQUfc. l4l sances belligeranles, que Pempereur entreprit de re- tablir la navigation de PEscaut pour ses sujels Bra- bangons. 11 lit expedier , en consequence , par le gou- vernement de Bruxelles, deux balimens, Fun pour descendre, I'autre pour remonler le Hondt. Les Hollandaiseurentla moderation de relirer la patache ou vaisseau de garde quails avaient, et quails ont le droit d'avoir devant le fort Lillo. Joseph II non-seulement voulut justifier, par la force , cet envahissement du terriloire hollandais j mais il soudoyades publicistes,pour etablirson pre- tendu droi I a la navigation de 1'Escaul. Les Hollan- dais, de leur cote, ne manqucrent pas de courageux defenseurs, dont Mirabeau ne fulpas le moins dis- tingue. II rappelle sur-tout , d'apres le memoire de Jean de With , ainsi que nous 1'avons dcja dit a Par- ticle Espagne, que lorsque le due dc Parme prit la )> ville d'Anvers , elle fut entiereraent spparee de la mer, et le roid^E^pngne negligea imprudcmment de leur ouvrirFEscaut, voulantrcduire cetie ville, )j trop puissante pour lui, el repandrele commerce sur plusieurs autres villes . L'inlerdiction de 1'Es- )) caut , conclut Mirabeau , a done eu, dans 1'origine , des causes etrangeres aux inlerets de la Hollande. La souverainete de ce fleuve lui a ele garanlie de- puis par loutes les conventions qui assurcnt 1'exis- tence politique de 1'Europe. C ; esl a celle condition )> que les Hollandais rcnoncercnl aux Pajs-Bas au- trichiens . saine logique , soulenue de la mediation du SYSTEMS MARITIME cabinet de Versailles , forca Joseph II a renoncer a son projet gigantesquej et il intervint,de celte mediation, une convention de Pannee I785,entre 1'empereur et les etats-generaux , qui regla les pre- tentions respectives, par rapport a la navigation de FEscaut. Tout se reduisit done encore cette fois, pour Fambitieu'se Autriche,a unpeu de bruit, beau- coup de fumee, et quelques pieces d'or sottement payees par la France , puissance mediatrice. Tpute la polilique de FAutriche , dans ce siecle , ayant ele, pour ainsi dire, calquee sur le genie des Europeens dans cetle periode, genie totalement por- te aux combinaisons maritimes , elle imprima a ses negocialions ce caractere particulier, et sembla abju- rer, au moins vis-a-vis de la France, dont elle voulait paralyser 1'influence, ses vues anciennes d ? aggran- dissement continental. A peine Pimperatrice , reine de Hongrie, fut-elle fixee sur le trone qu^elle avait acliete par pres de dix annees de combats , qu'elle forma le projet d'endor- mir la surveillance de la France sur son systeme po- litique , par les traites de 1 766 , et sur-tout par la con- vention secrette de 1 768. Depuis cette epoque , les de- meles entre les deux nations ne consisterent qu'en discussions reglemcntaires, par acie de 1 767, 1 777 et 1779 , sur leurs limites respectives. Get engourdisse- inent lelhargique fut suivi d'un reveil des plus san- glans pour ces peuples, par 1'efFet de la revolution francaise. Quant aux autres puissances de FEurope, PAu~ T POLITIQU1. l43 triche continua dans ce siecle a raenager , a perdre ou a regagner leur bienveillance. C'est dans cet esprit de prudence ou d'interet , qu'elle conclut le traite de libre navigation de 1726 avec Tunis j de 1726 avec Tripoly , de 1727 avec Alger j qu'elleregla en 1764 et 1766 ses liraites avec Venise j que comme due de Milan, elle passa en 1784 une convention avec Rome 5 qu'elle acceda en 1781 a la neutrality armee ; qu'elle determina en 1 760 avec 1'electeur de Baviere des dispositions marilimes; qu'elle signa en 1 785 un traite de commerce avec la Russie j et que enfin , tour-a-tour ennemies et alliees , les deux cours de Vienne etde Berlin conclurent en 1745, une con- vention preliminaire , ensuite un traite de. nitif a Breda. Elles signerent posterieurement le traite de paix d'Hubertzbourg de 1765 j et reglerent enfin eu 1779 , par le traile de Teschen , Tordre de la succes- sion de Baviere. Les memes cabinets se rendirent , en 1790 , mediateurs de la paix entre la Porte el la Russie, etmaniiesterent leurs vues a cet egard par la declaration de Reichembach. Maintenant, on est a portee d'apprecier quel fut le succes des tentatives faitcs par la maison d^Au- triche , pour se creer un systeme maritime. Que conclure de ces mesures ha lives , de ces dis- positions violentes , de ces combinaisons calquees sur la legislation des autrcs elats de TEurope , dans des siluations et dans des rirconstances disscmbla- bles? La maison d' YU trie he a-t-eUe un sysleme ma- ritime ? Non j cur un systems doit utre la reunion )4 ou, ni qu'ellg en sera la veine arlerielle, ni quel )> en ET POLITIQUE. l45 en sera le foyer exterieur , ni pour qui , ni pour- quoi j enfin, sans sentir combien le )> commerce interieur , presque seul a sa portee , )) est preferable a Tautre . Toutes ces entreprises gigantesques d'une puis- sance essentiellement , et presque uniquemenl conli- nentale possedant quelques ports , places pour ainsi dire aux qualre coins de FEurope , deposent d'une maniere sans replique, de Fesprit general qu'ont imprime aux europeens , dans leur politique, 1'exem- ple etles succes maridmes de FAngleterre depuis la paix d'LJtrecht. Ea defmitif , le systeme maritime de 1'Autriche est ephemere et meme nul dans ses rapports avec la force publique j mais sa navigation marcliande est assez active quant aux moyens defaciliter avecce- lerite et economic la circulation des matieres brutes ou travaillees de son commerce. l4G S Y S T E M E MARITIME CHAPITRE XIII. Les villes anseatiques de Hambourg, Lubeck et Bremen, Dantzick et Rostock. JL/EXisTENCE de ces faibles socicles europeen- nes , qui vegetent avec quelque f>plendeur , et une sortc de securite au milieu de lanl d'elats puissans , doiltou jours etonner le politique qui craint a cliaque moment de les voir succombcr sous l'ambition,rhu- meiir ou le ressentimenl des potentats. La v anile de ces derniers , se trouve quelques momens flall6e qu'on sollicite ou marchande leur protection , jtis- qu'a ce qu'ils puisscnt saisir Foccasion favorable d'engloutir, dans Icurs vastes domaines,le protege et ses richesses. DejaDantzickn'exisleplus que dans le memorial des villes independantes. LA HANSE ou hansa , vieux mot qui signilie com- merce , tire son origine d'un traile que firenl en- tr'elles , vers le treizieme ou quatorzieme siecle , les villes de Lubeck et Hambourg, pour empecher les pirates de faire des courses sur PElbe. lls eon- certerent a cet eiFet leurs entreprises , partagerent les frais d'armemens , et unirent ainsi leurs forces , pour mainlenir leur liberle et leurs privileges. Un grand nombre d'autres villes , vojant le succes de cetteligue, demanderent a y-entrcr, pourjouir des mcmes avantages 5 et elles furent successivement ET POLITIQUE. admises a Punion. Les souverains des divers etats , pour attirer, a 1'envi Fun de Pautre, le commerce de la Hanse , lui accorderent divers privileges, et elle en recut particulierement de considerables, des empereurs Charles IV, Frederic IV , et Maxi- milien 11.^, iyun cote, les vastes projets de Charles-Qnint, qui craignait de trouver de ^opposition dans la preponderance des villes anseatiques j de Pautre , les progres que firent insensiblement les autres Euro- peens , dans la carriere du commerce et de 1'in- dustrie ; ensuite , les rapports devenus trop elendus de cette ligue, furentles principales causes qui en- trainerent sa destruction. Des qualre - vingts villes dont elle avait ete composee , on ne comptait plus au commencement du dix - huitieme siecle , que Hambourg , Lubeck et Bremen. Nous les faisons suivre dans cette analyse des viiles de Dantzick et de Rostock , autrefois ansea-" tiques , tant a. cause d'une conformile de situation dans les mers du Nord , que par la participation, accordee a ces deux derniers ports , aux ettels du traite de 1716, conclu enfre la France et les trois autres villes anseatiques. Les villes de Hambourg, Lubeck et Bremen , font comme 1'on voit , des traites et des negocialions avec les puissances etrangeres j elles ont figure avec 1 titre de villes anseatiques , dans le traile de paix d'Utrecht, de 1713, entre la France et la grande- Brelagne. Leur commerce ayant beaucoup souftcrt K 2 i48 SYSTEME MARITIME tie la part prise par les princes d'Allemagne , ci la ^ncrre de la succession espagnole, elles solliciterent el obtinrent de la France ce trail6 de 1716, qui rncouragea Icurs speculations. Nous allons proce- der a 1'analyse particuliere a chacune d'elles , en commencant par Hambourg, actuellcment la plus considerable de celle ancienne association , et en finissant par Dantzick , dont la-situation polilique a et totalement changee par une suite des succes qu'a eus dans ces derniers lemps , le systeme co- partageant des principales puissances du Nord. i . H A M B o u R G , ville renommee sur 1'Elbe dans ]a nicr d'Allemagne. Sa situation , dans le duche de Holslein , lui a occasionne long-temps des de- inclcs avec le Danemarck. On verra au chapitre de cette puissance , que les griefs respectifs sur plu- sieurs points, et particulierement sur les monnaies , furent exposes et annullcs dans un acte d'accommo- demcnt de 1712, un mandement du roi de Dan- nemarck de 1726, et une convention definitive de 1 736. Les rivalites de commerce entre Hambourg et Altena , port egalement situe sur FElbe , et appar- tenant au Danemarck , furent assoupies par le traite des limites de 1 740. Entin , deux autres traites conclus entre Hambourg et les deux maisons de Holslein, les 12 et 27 mai 1768, terminerent toute contestation , en reconnaissant la ville de Hambourg comme un etat immediat de l f empire, et en lui ce- dant les peagcs auxquel ces deux maisons pouvaient pretendre; ET POLITIQUE. lig En consequence de ces conventions , cette ville obtint de Tempereur un decret , le 3 juillet 1769, en vertu duquel elleeutreellementle droit de seance et de suffrage aux dieles , droit qu'elle exerca le i -2 mars 1 770. Hambourg avait tache dans ces derniers temps, de soutenir les debris de la Hanse Ten to- nique , pour conserver , par ee tiire important , son ancienne consideration , ce qu'elle n'avait pu comme ville imperiale, qualite d'ailleurs , non- con testee aux villes de Lubeck et de Bremen ses co- associees. La France , a plusieurs epoques de ce siecle , a accorde a la ville de Hambourg , differens avan- tages de commerce specifies dans le trailecje 1716 ; mais dans la guerre de sept ans , cette ville ayant indispose le gouvernement , par sa partialite cnvers nos ennemis , dont elle favorisait les enrolemens dans son territoire , tandis qu'elle en refusait 1'entree aux soldats francais, raerita qu'un arret du conseil lui retirat, en 1760, les faveurs qu'elle avait recues par le traitede 1716. Depuis,lesmagistrats de Hambourg ayant fait de nouvelles solicitations , la France lui rendit ses privileges, avec les modifications speci- fiees dans le traile de 1 769 , renouvelle par une aulre convention de Fannee 1 789. La discussion qui s'eleva vers le milieu du siecle, enlre les puissances mari limes et I'empcreur, au sujet de la compagnie des Indes orientales, etablie a O.s- tende, conduisit la ville de Hambourg a qudques demarches pour recueillir les debris de cette comp.i- l5o S Y S T :fe M T* MARITIME gnie , en s'auloriaant du grand privilege de I' Elbe f qui lui avail ele accorde par la maison d'Autriche allemande, dans le siecle dernier. L'empereur, par son rescril au magislrat de celle ville, de Fannee 1732, s'opposa a toute tentative pour retablir la compagnie d'Oslende, sous quelque mode que ce soit. II intcr- vinten consequence, en 1/34, un dccret du senat, qui inlerdit dans Hambourg tout commerce d'inter- lope. L'importanceqtiecelte ville doit con tinuerdemet- Ire a son commerce , donl ellc tire toute sa prosperite et sa consideration , aurait dii , a ce qu'il semble , lui faire evilcr, dans la confection de ses lois de douane, des incqnveniens qui paraisscnt opposes a ses verila- bles intercts , et a la nature d'un gouverncmcntlibre. Cependant, par son tarif de 1'annee 1763, elle a impose les marchandises qui entrcnl dans son lerri- loire j et quoiqu'en general les droils soienl modi- ques, et que le mode de perception soit fort doux, ce n'estpas assez pour Hambourg, qui aune concur- rence tres-prejudiciable a eprouver dans le commerce qui s'exerce a ^4ltena, dont le Danemarck a rendu le port absolument franc. Le mystere qu'a fait son senat , du tarif d'apres le- quel les droils de douane se payenl a Hambourg , semble egalement conlraire a Pcsprit republican! , qui recoil loute.sa vigueur de la publicite de.s actes du gouvernemcnt. Non-seulementon n'a jamais per- mis que ce tarif fut public; mais il est meine defendu aux ecrivains d'en donner des copies, ct long-tcjnps E T POLITIQUE. l5l les negocians ne surent la-dessus que cc qu'ils avaient appris par 1'usage. L'interet particulier a enfin pre- valu conlre ce sysleme de jalousie ou de defiance , puisque ce tarif a paru imprime a Francfort et a Leip- sick , pour la premiere fois, en 1784 , plus de Irenle annees apressa confection. Quoi qu'il en soit, le mode de perception adopte, range, sous cinq classes, les droils a percevoirsur les marciiandises ; i. droils pour le senat ; 2. pour la bourgeoisie , 5. pourTamiraute; 4. douane ap- pelee de Schaumbourg ,- 5. douane de Stade. Les di- . ferentes fixations sont combinees relalivement aux faveurs dues aux principales puissances mari limes , avec lesquelles la ville de Ilambourg enlretienl des relations commerciales. L'.dngleterre , I'Espagne 9 la Hollands , la France, les Pays-Bas autrichiens, Archangel yla Baltique, etc. obtiennent, clans ce ta- rif, des modifications parliculieres , puisees dans un intcret commun. 2.LuBECK et BREMEN sont villes librcs ct imperia" les , a3 r ant chacune un port de commerce important; la premiere, situee au confluent de la Trave et de deux autres rivieres , pres la mer Ballique, et la se conde , sur le Veser, dans la mer d'Allemagne. LUBECK etait ancienncment a la tele des villes an- sealiques j el les fameuses ordonnances marilimes dela Hanse Teutonique j furrnl publioes, pour la premiere fois. en 169 r , dans une asscmblee de depu- tes de eette association. Cette ville a etc comprise dans le traile de commerce conclu, en 1716, eutrc la K4 i5s S Y s T E M E MARITIME France et les villes ansealiques : les avanlages res- peclifs n'onl point etc revoques. Les drolls quela ville pcr^oitsont tres-modiques, ct ne montent gueres qu'a un demi pour cent de la valeur. 11 esl facile d'appercevoir que ces retributions, quoique faibles , sont toujours des entraves au com- merce d'une ville, qui ne peut soutenir la concur- rence de ses rivaux, qu'en adoplant les principes d'un port franc illimite. BREMEN jouit, en lous points, par rapport a la France , des memes privileges que Lubeck 5 el elle a line plus grande attention a ne pa.s surcharger le com- merce. Les droits y sont encore plus modiques : car generaleinent , ils ne s'elevenl pas a plus de 16 cen- tiemes de la valeur desmarchandises. 3. ROSTOCK, ville du duche deMclkenbourg,dans la basse Saxe , esl situe sur la Warnair , a deux lieues de la mer Baltique. Le commerce de cette ville serait important, sile genie des habilans avait seconde les eilbrts fails par le due , pour etablir des relations di- recles entre Rostock et la France. 11 sollicila et obiint, a cet effet, en 1779, un traile qui fit jouir ses sujets des avantages accordes a la ville dellambourg j mais la vanile des habitans de ce duche eteint toute emu- lation de commerce : ils se bornent a trailer de leurs denrees et de leur transport avec Lubeck et avec les navigateurs danoisj et lorsque ceux qui s'appellent negocians ont realise , sans risques et presque sans avances , quelques benefices , ils achetent des terres avec litres honorifiques , et abandonnent la carriere ETPOLITIQUE. l53 du commerce a d'autres qui ne la pousseront pas plus loin. 4. DANTZICK, ville encore libre dans la plus grande partie du dix-huilieme siecle, mais non imperiale > relevait du roi de Pologne, a qui elle pa jail des droils exhorbitans pour la concession , ou en compensa- tion de ses privileges. Celte ville a un port pros la Vistule, dans la nier Baltique. Dantzick, autrefois Tune des quatre metropoles de la Hanse Teutonique, vient d'eprouver lout ce qu'il en coule, lorsqu'on a un voisin trop puissant, en etat de juslifier ses pretentious par des raisons de convenance, et sur-tout par des succes. Dantzick s'est trouve dans trois posilionsbien diffe- rentes dans le cours de ce siecle. Depuis 1'an 1700, jusqu'au premier partage de la Pologne, consomme par le traite de Warsovie , du mois de septembre 1 773 , elle a joui d'une pleine liberte dans sa polilique, comme dans son commerce. Apres celteepoque, jus- qu'au moment du second partage, elle a etc circons- crile el pressee par les douanes prussienncs, vexee par ses troupes, et agilee dans tous les sens par I'as- ccndant de la Prusse, qui tendait, par toutes sortes de moyenS , a la forcer de reunir son commerce a celui de cetle monarchic. Enfin , depuis que le second parlage est efleclue, elle n'esl plus ville libre j mais un des canaux qui, suivant la justesse des mesures adoptees par la suite par le cabinet de Berlin , pourra le plus sensiblement conlribuer a Faccroissemcnt de la pro.speiite des hobitans de la domination prut- l54 S Y S T M E MARITIME sicrinr, et influer sur la preponderance decetle cour dans le systcme polilique du nord de VEurope. Ces diets sont assez imporians, pour qu'il soit ulile dc rappeler par quelles dispositions, promulguees avec adresse, et soutenues par la force, a etc aiieanlie la puissance commerciale de Danlzick. Vcrs le commencement de ce siecle, celte ville eut quclques demeles avec la Russic,quifu rent lermines en 1 7 1 7 , par un accord respeclif avec Pierre l er , sous Fagrement du roi de Pologne. Danlzick ajant ele omise dans le Iraite de com- merce de 1716, passe enlre la France, llambourg , Lubcck et Bremen, fit valoir que cepcndant elle avait tile comprise dansle traite d'Utrechtj elle oblint,en consequence } la participation aux privileges com- merciaux, iixes en 17 16, de part et d'aulre; et cetle faveur lui fut assuree par un arret du conseil d'etat de France , du 4 decembre 1726. Elle jouissait ainsi paisiblement de tous les avan- tages de sa position et des fruits de son antique acti- vile , lorsque Fevenement du premier partage de la Pologne vint changer son existence. Le roi de Prusse , en devenanl maitre de la Prusse occidcnlalc, promit bien a la verile de respecter les privileges de celte ville j et par le Iraile de Varsovie de 1773, il excepla en effet de ses nouvelles posses- sions , nommernent Thorn el Dantzick; mais ses pri- vileges memes, en opposition avecsa situation geo- grapiiique etpolitique, devaient necessaircment lui lre funestes. E T TOLITIQUE. l55 En efFet , le roi de Prusse, par sa declaration du i 7 juin 1776, assiraila commercialement Dantzick a 1'etranger , et apres avoir impose a douze pour cent les marchandises imporlees de Felranger dans Ics etats prussiens , par Fintermediaire de Dantzick. II fixe, par celte meme declaration, encore a 4 pour cent les droits sur les relations directes de celte ville avec le territoire prussien j tandis qu'il n'avait fixe qu'a 2 pour cent seulement, par un tarif particulicr du mois de mars 1770, arrete avec le roi de Pologne, les objets de commerce entre leurs domaines res- pec tifs. Ce ne fut pas tout. La possession mixte du terri- toire de Danlzick, necessila deux douanes, 1'une municipale, 1'autre royale j toutes deux percevant des droils sur les marchandises elrangcres, d^apres nn tarif modere a la douane municipale , et sur un taux double et triple a la douane royale. Les rela- tions de Dantzick avec 1'ctranger elaient done fati- guees et paralysees par cette surveillance et ces tri- buts multiplies , qui etaient suivis et exiges avec d'aulant plus de rigueur par la Prusse , qu'elle avail ton jours en vue de iavoriser son port d'Klbing, aux depens de celui de Dantzick. Dans cet etat de choses, cette dernicrc ville fit eclater son mecontentement par des voies de fail, vers 1783. Le roi de Prusse enlrepril de les reprimer de vive force, tout en essay ant de justifiersa conduite auxyeux de 1'Europe, par un manifesto qu'il publia au mois d'avril dc la mcmc annee. i56 SYSTEMS MARITIME La Russia se rendit mediatrice, et il fut conclu, sous sa garanlie , entre les deux parties , une conven- tion ou traite de commerce du mois de septem- bre 1 784. DCS Tanneesuivante, Icshabitans deDantzick pa- rurent mecontens de cette convention, soil au fonds, soit relativement a son inexecution : ils envoyerent a ce sujet, des deputes a Pelersbourg. La Russie remit, a leur sollicilation , un memoire a la cour de Berlin , qui y repliqua , sans que ces discussions fussent suivies d'aucun nouveau resullat en faveur de Danlzick. Un nouvel ordre de negocialion parut me me pres de s'elablir en 1788, pendant que la Russie etait occupee de la guerre conlre la Porte , et que la Polo- gne commencait a vouloir secouer le joug etranger qu'elle supportaitimpatiemment depuis long-temps. 11 se forma alors deux partis a Danizick j Fun , celui des negocians et de la masse des habitans qui semblaient vouloir sa reunion a la PrussejetFautre celui de la regence qui tendail a maintenir sa depen- dance de la Pologne. Au milieu de tous ces mouvemens, de toutes ces negociations , s'ouvrirent , en juillet 1 790 , les confe- rences de Reichembach , pour aviser a des moyens de pacification entre la Russie et la Porte. II y fut question de la reunion de Thorn et de Dantzick, a la Prusse occidentale , sous certaines clauses pro- posees comme avantageuses a la Russie et a la Polo- gne. Ces nouvelles tentalives qui manifesterent , ET POLITIQUE. l5j d'une maniere si peu equivoque , le vif desir qu'avait la Prusse , d'englober ces deux vilies dans ses pos- sessions , furent contrariees secretement par la jalou- sie de la Russie , qui craignait de voir la Prusse , fortifier sa puissance maritime par la possession d'un port excellent, a Pabri des tempetesdu Nord-Ouest, frequentes sur la Ballique. En effet , la Prusse , de- venue une fois maitresse de ce port , pouvait Poffrir comme refuge aux flottes des puissances du Nord, ses alliees , lorsqu'elles seraient en guerre avec la Russie j et celle-ci n'avait pas a craindre un sem- blable prejudice de risolement de Dantzick , qui , sans consistance militaire , ne devait gueres se hasarder a agiraussiouvertement contre les interets et la volonte de la Russie. Quoiqu'il en soit , la suite des evenemens ajant conduit les trois principales puissances du Nord, k un second partage , et Frederick - Guillaume , par leltres-patentes du mois de mars 1 793 , ajant pris possession de Dantzick , et du nouveau territoire envahi par ses troupes , ce prince y etablit une nouvelle constitution de commerce, da.ns uneordon- nance du mois d'avril suivant. Ainsi s'aneanlit la liberte d*une des anciennes melropoles de la Hanse Teutonique. Le commerce qu'elle tenaitdesa position, de son ancienne renom- mee et de sa grande activite , s'olcvait autretbis de 5o a 60 millions ; il etait tombe , depuis la premiere occupation de la Prusse occidenlale , de 11 a 12 millions. l58 S Y 3 T M E MARITIME ^existence glorieuse el honorable desvilles ansea- tiqucs s'clail ibrincc deleur utilileet de 1'insouciam'o des anciens dominaleurs de 1'Europe , pour la pros- prrite publique 5 mais 1'esprit des deux derniers siecles ayant porlo ccux-ci a ameliorer la condition des peuplcs , ces associations furent necessairement reduites au seul commerce que comporle leurloca- liJc. Lestroisvillesde Hambourg, Lubecket Bremen, pour conserver les debris dusysleme maritime dc la Hanse Teulonique , ont besoin , dans 1'exercice de leurs avantages particuliers , de n'etre contrariees ni par ces fausses dispositions legislatives qui ram-on- nent le commerce appele chez leurs rivaux par drs immunites absolues j ni, comme il est arrive pour Danlzick , par des vues serieuses d'aggrandissement de fortune commerciale , de la part des puissances voisines preponderantes. ET POLITIQUE.. l5g CHAPITRE XIV. *' ' jj-i , vS 'If 'iil* , ~. : . ,. \ J'-)l "i La Prusse et Etats en dependents. Llf .".jjfj^-ni f'lO'iJ f "iM'ji'Vfj /i i , ^ i;-j ,j,mii A fortune navale de loutcs les puissance.s euro peenneSjSe trouve aujourd'hui dans un etal a-peii-i pres slationnaire ou retrograde : le seul syslerae de la Prusse semble marclier sensiblement vers Tajne- lioration , par dcs moyens aus&i nalurels que biea combines , et propres a assurer la grandeur future de sa marine. Nous allons developper les principes- et les consequences d'un tel ordre de choses, en nous aidant principalement, dans la presente analyse, des memoires de Brandebourg, el des dissertations du comte de llertzbert, ministre d'etat de Prosse pendant plus de 4o ans. L'eleclorat de Brandebourg ne fut qu'une puis- sance conlinentale, jusqu'a ce que Frederic k-Guil-i la u me, surnortime le grand-electeur , et bisaieul de Frederick , dernier roi de Prusse , oblint a la paix de Westphalie, en i648 , laPomeranie ulterieure , apres le deces des dues de ce nom. Frederick- Guillauine, consul aussilol le desir de profiler de sa siiualion aur la mer Baltique , pour foader une navigation daiis Dans cetle vue, il acheta, en 1660, de la cour d Danemarck, le it>rt de Dau.sbourg, appele aujour- d'hui Tranquebar t surla coU; de Coromaudel j acliat l*6o S Y S T E M E MARITIME qui n'cut ccpendant pas lieu, fautc d'argent. II fit, en i6/5 , des lentatives plus reelles , dans le dessein de reconquerir, sur la Suede, la Pomeranie cite- rieure , et les ports de Stettin ct de Slralsund qui en dependent. Un ncgocianl hollandais, nomine Rauld , louu , en 1676, a 1'electeur, trois fregates de vingt canons, et dix autres batimens armes, de moindre capacite. Avec cette floltille , il inquieta tout Pete , dans la Ballique , la navigation des Suedois , et leur prit, Pannee suivanle , la ville de Stettin. En 1678 , un nouvel armemenl de 10 fregates, commande par le fameux amiral hollandaisTromp,alor.sau service du Dancmarckj procura a Frederick-Guillaume le port de Slralsund. Pour s'assurer d'une marine mililaire constante , il lit, dans cette annee, un nouveau contrat avec Raule , pour six ans , par lequel celui-ci s'engagea d'entretenir dans les ports de Pelecteur, six fregates de 4o jusqu'a 20 canons, qui firent, en 1679, des courses assez lieureuses sur les Suedois. Ces avanta- ges furent malheureusement suivis de la perte de Stettin et de Slralsund, restitues a la Suede par la paixde Saint-Germain. Depuis, (en 1715) le premier de ees ports estrelourne irrevocablement a la Prusse. La paix avec le roi de Suede rendant inutile, con- ire ce voisin, la ilolille du grand electeur, il 1'em- ploya de 1680 a 1682,3. croiser dans la Manche con- tre les vaisseaux de 1'Espagne. Les griefs de Felec- teur etaient le refus des 32 mille ecus par mois, dont il XT VOLITIQUE. l6l U etait convcnu avec la cour de Madrid , comme sub- sides des troupes iburnies par lui , dans la grande al- liance centre la France en 1674. Cette expedition maritime donna une nouvelle preuve de I'activile et 4u courage de Frederick-Guillaume; mais il n'en relira aucuns profits. Le montant do quelques prises qu'il fit ne remboursa pas meine les deperwes. Des combinaisons plus solides atlirerent cepen- dant son attention. Raulle , le directeiir de sa ma- rine , nelloya le port de Pillau et creusa un canal , ctablit un college de commerce et d'amiraute, et y fit conslrnire des baraques pour les malelols , et des chantiers pour la balisse des vaisseaux. Dans ce meme temps, el par octroi du 18 novem- bre 1682 , 1'electeur elablil une compagnie d'Airique pour trente ans, et lui assura sa protection ct celle du roi de France , en vertu d'un article de leur al- liance. Deux vaisseaux furent expedie.spour la Cote d'or j 1'un, inonle par le major Groeben, revint en Europe apres avoir bali le fort Groslriedrichsbourg, tandis que I'aulre portait des esclavcs en Amerique. En i685, 1'elecleur fit encore ^acquisition dc 1'ile {I'Argiiin , siluee enlre le Cap Verd et 1 Prusse , bien loin de prosperer, ne procura, par ses premiers retours,aucun dividende jet Ponfut oblige d'augmenler les fonds de 20 pour cent , soil que la direction fut mal conduite, ou que les depenses de ses speculations absorbassent les beneftces.Les vaisseaux avaient ete cquipes tantot a Pillau , tanlol a Hani- bourg. En 1 686, 1'elccteur Iransfera a Embden , com- mc dans un des ports les mieux situes de 1'Europe, non-seulementl'amirauleet toute le compagnie d'A- frique, mais aussisa propre marine mililaire , con- sistant en dix vaisseaux de 4o a 20 canons, qu'il acheta de Rattle. Enfin , apres avoir pris ses affaires a son compte , et dans 1'intention de les ameliorer^ il obtint de la compagnie danoise la moitie de File Saint-Thomas, sur les cotes d'Amerique. L'execulion de tous ses desseins fut interrompue par sa mort, en 1688. Son successeur, Frederic III',- depnis , premier roi de Prusse , soutint la compagnie africaine avec des frais tres-considerables , et avec aussi peu de succes. A sa mort, en 1713, sa marine militairese montait a douze vaisseaux : mais Frederic-Guillaume qui liu succeda,entiercmentlivre aux evolutions militaire.s, vendit , en 1 720 , a bon compte , toutes ses possessions en Afrique , a la cgmpagnie hollandaise. ET POJLITIQUE. l63 Dans cette premiere periode de 80 annees , qui comprend le regne de Frederic-Guillaume et de son ills, premier roi de Prusse, on voit commencer quel- ques etablissemens de forces navales , qui ne s'anean- lirent probablement que parce qu'ils furent livres aux speculations des etrangers. (7etaient des Hollan- dais, des Anglais, qui n'jcherchaient que leurs in- lerets parliculiers , et qui peut-etre s'etaient vcndus a leurs compatriotes pour faire echouer, a force de manoeuvres etdedepredationsjdes etablissemens dont les Hollandais sur-tout se monlraient jaloux. Frederic-le-Grand, parvenu au trone, apres avoir analyse dans le silence du cabinet, toutes les parties conslitulives de la domination prussienne, ne se me- prit pas sur les mesures deslinees a la consolider, soil en prevenant ou repoussant les attaques d'un ennemi irreconciliable , soit en s'unissant avec des amis sinceres, ou abandonnant ceux qui ne lui don- naient que des demonstrations inutiles ou nuisibles a ses interets. C'est d'apres cette politique que com- mandait imperieusement le besoin d'assurer Fexis- tence encore fragile de sa monarchic, que de 1740 a 1/45, Frederic ilotta entre dessucces militaires, des revendications et des occupations de territoirej qu'il se montra incertain dans ^execution des traites de paixconclus,rompusetrenoues,tantot avec la France et FAngleterre, tanlot avec 1'Autriche. Taut de tra- vauxne furenl pasinlructueux. Par la paix dei745, et en vertu de la cession de la cour de Vienne, con- iirmee en ij48, le beau duche de Silesie fut rcuni a ses eta Is. L 2 lG4 S Y S T A M E MARITIME Jusqu'alors, un roiclePrussepouvait inspireraux puissances voisines quelques inquietudes de son ng- grandissement progressif; mais le.s succes inoui.s de Frederic , dans la guerre de 1 74o, la nature de sa po- lilique, quine s'allachait qu'aux choses, el n'appiv- ciaillcs person nesque ce qu'elles valaient, rendircnt co prince Fobjel de la jalousie el de la haine des mai- sons d'Autriche, de Saxc et de Russie. Elles conyjji- rent, des iy46 , d'un plan evcnluel de parlage de la monarchic prussienne. Le hasard el latrahison don- nerenl a Frederic connaissance de ce pacle en i7/)3, et il prepara jnsqu'en 1766 les moyens de prevenir ses ennemis, avant quails eussent le temps de se reu- nir. La poslcrite saura, par le heros meme de celle tragedie politique, comment Frederic resisla, dans la guerre de sept ans, avec la seule alliance de 1'An- glelerre, de 1'elccleur de Hanovre, du due de Bruns- wick et du landgrave de Hesse, a loutes les forces reunies dc 1'Aulriche , de la France , de la Russie, de la Suede et de 1'Empire. 11 conquit enfin sa gloire et son repos par la pacification de 1 765. L'accession de presque loulesles pui.'jsances del'Europe, acetraile, !ni ass ura enfin irrcvocablement la possession du duche de Silesie. Dans Fintervalle de 23 ans qui s'ecoula entrc 1'ave- nementde Frederic et celle paix de Huberlsbourg, ses soins se porleren t parliculierement snr les moyens de defense ou de consolidation de la monarchic prus- siennej cependant il ne perdil pas de vue cerlaines tlisposi lions niajeurespourpreparer de loin Tetablis- ET POLITIQUE. gement d r un commerce maritime, auquel il nc pou- vait encore donner lous ses soins. 11 dcclara,en 1761 , port franc Embden, ville sur la mer d'Allemagne, et y erigea une compagnie des In.des orientales , qui expedia 6 vaisseaux ponr la Chine, a la verile sans benefices. Unc aulre compa- gnie formed pour leBengale, a pen-pres dans lememe lemps, ne fit que deux expeditions. La gircrre de 1706, qui survint, contribua sans doule an pen de succes de ces deux compagnies; mais d'aulres causes influcrent sur leur ciiute: prcmierement,l'eloignc- menl du port d'Embdenyqui est trop ecarle de la masse des forces prussiennesj ensuite Fimperitic, suivant Herlzberg, des entrepreneurs^ enfin > peut-elre , lea manoeuvres des Hollandais el des Anglais, qui se rcndirent mailres dc celle association, en prenant presque loutes les actions monlanl a 4 millions de livres, malgre la se verile des lois porlees par leurs gouvernemens pour Fempeclier. Embden passail, il y a deux siecles, pour un des meilleurs porls de 1'Europe. Les Anglai.s, forces de quiller Anvers, en firent le centre de leurs liaisons avec le continent. Les Hollandais , apres avoir aspire long-temps et inutilement a se 1'approprier, en elaicnt devenus ja- loux, jusqu'a Iravailler a le combler. Frederic le re- lira de leurs mains en ij44 , en leur remboursant des avances qu r il en avail recues. En 1/50, il elablit a Embden une compagnie pour la peche du hareng. Dans la guerre maritime dc 17^6 , entre la Franco etTAngleterrejilsoulinl I'houneur du pavilion prui- L3 iGG SYSTEMS MARITIME sien , et les principes de neutralite maritime conlre les anglais. II fit indemniscr par un traile d'accom- modement de 1765, ses armaleurs, des prises que leur avaient faites les navires de celte nation. II avail concludes i753,une convention preliminaire dc commerce avecla France. Sa renommee lui valut de la Porte un semblable trailcen 1 76i,ce qui assura la liberledeson pavilion conlre les pirateries des puis- sances barbaresques. Mais ce ful sur - tout depuis la paix de 1 763 , que furent jellees les bases de la prosperile maritime de la Prusse. Frederic signala la premiere annee de cetle paix , par un traile parliculier de meme date , avec le cabinet de Varsovie. Ensuite , il se lia avec la Hol- lande par une convention de 1766 , relative au com- merce. Une occasion d'aggrandissementetd'amelio- ration bien plus importante, ne larda pas a se pre- senter dans les troubles continuels de la Pologne. L'imperatrice de Russie , sous le pretexte de s'en pre- server, s'etant emparee en 1772, de diflerens districts polonais, le roi de Prusse chercha quels droits il ferait valoir , si les deux cours imperiales s'emparaient de- finitivement de quelques parlies de ce lerritoire. II se determina a reclamer la Pomeraine avec la ville de Danlzick j et si on ne pouvail pas obtenir celle-ci , a insister sur toute la Prusse polonaise , aujourd'hui occidentale , parce que, dit Herlzberg , c'elait le moyen de combiner la Prusse et la Pomeranie , par consequent, de consolider une fois le corps principal de la monarchic prussienne,el de serendie mailre ET POLITIQUE. 167 du grand fleuve de la Vistula , comme du principal commerce de la Pologne. Frederic fit paraitre dilFe- rens manifestes pour elablir ses droits ; et ce qui fut encore plus decisif,il fit occuperparses troupes, toule la Prusse polonaise, exceple les villes de Dantzick et de Thorn j les cours de Yienne et de Pelersbourgen firent autant de leur cole. Le roi et la republique de Pologne tSy opposerent par des protestations et des ecrits , mais on convint a Varsovie , en 177^, d'un traite par lequella republique ceda au roi , la Prusse polonaise, excep teles villes de Dan tzick elde Thorn. Des-lors , un nouveau systeme devint necessaire a Frederic j il en promulgua les bases en 1776 , dans un traite de commerce qu'il conclut avec le roi de Pologne , et dans qualre declarations ou tarifs de la meme annee , sur la perception > Fexemption ou la prohibition des marchandises , soit nationales , soit etrangeres, qui circulaient des etats de Prusse dans ceux du roi de Pologne , ou meme en empruntant le territoire de Dantzick. On a pu voir , au chapitre des villes anseatiques , et a Particle Danlzick , parquelles combinaisons le roi de Prusse parvinl a paralyser presqu'enlieremcnt le commerce, autrefois si fameux de ce port, et a forcer un parti considerable dans la ville , a deman- dcr sa reunion aux etats prussiens. Depuis 1784, sur-tout,lesnegociations enlre le magistratde Danl- zick, la cour de Berlin et cclle de Petersbourg coni- ine mediatrice,furent Ires-actives. Dantzick reclamait sesancicns privileges 5 mais ni les conventions de ij84 Li lG8 S Y S T fc M E MARITIME et do 1785,71! diflercns memoircsde Pimperalrice de Russie , en 1786 , ni la declaration oificielle faite par le successeur de Frederick , le 1 7 mars I 7(jo , n'eiu- pecherent celui-ci de s'emparerde cette ville en 179^ , el d'en constiluer le commerce, par unc ordonnanee du mois d'avril , confbrmement au regime et aux in- terets de la Prusse. On sail que posterieurement, une nouvelle occupation de laPologne, a encore valu au successcur de Frederic , la ville de Varsovie, dans la partieplus commercante de la Pologne, quilui est cchue par son traite dc partage avec les deux aulres cours impcriales. Frederic, en leg ti an I a son neveu une si richc mois- son a rccueillir , n'avail point oublie de lui preparer les mo3 r ens d'exploiler un si beau domaine maritime et commercial. Des 1776 , il avaitpris les mesureslcs plus effica- ces pour en faire valoir les avanlages, dont le plus essenliel elait la jonction de 1'Oder et de la Vis- tule, par la Warle et la Nelze , et par le canal de Brombcrg. D'un aulre cote , la guerre anglo- americaine , en jnetlant aux prises les quatre grandes puissances ma- ntimes, fournit au pavilion prussien Foccasion de se deploj'er avec le plus grand succcs dans celle periode 'de huit anneesj et cetle impulsion une foisrrcue, s'est perpeluee, meme aprcs ]a paix. Frederic qui avait reclame avecvigueur, dans la guerre terminee par la paix de 1748, la liberte deson pavilion, violee par les anglais, ne iut pas le dernier ET POLITIQUE. 169 dans celle d'amerique , a se lier avec la Russie , pour faire respecter leu r neubralile. (Convention de 1781). 11 lit plus: il obtinl en 1782^11 gouvernemenl britan- nique , une moderation a la rigueur de son acte de navigation. Celui-ci permit, par un nouveaubiil, aux sujets prussiens, d'importer a Pavenir, libremcnt en Anglelerre,les bois desapin,et aux habilansdel'une des provinces prussiennes , d'y transporter Ics pro- ductions d'une auire province , ce qui n'av.iit pas ele permis jusqu'alors. Certes ! voila un exemple bien signale de Fhabilele du cabinet de Berlin, el de 1'as- cendant que lui procure, surle roi d'Anglelcrre , le voisinage de Telectorat d'Hanovre. Frederic proiita avec la meine Jiabilcte de sa neu- tralile,pour encourager la construction dc vaisseaux dans les ports de la Fomeranie, dc la Prusse , et me- me dans la Marciie ; et i'avoriser 1'exporlation des toiles el autres articles de manufactures, ainsi que des productions lerriloriales , sur - tout en bois de eonslruction navale : (observons que celui des etats prussiens , entre le Weser et la Vislule , passe pour le meilleur de toute ^Europe). 11 crea , pour ainsi dire, le cabotage par navire prussien, presqu'inconnu jusqti'alors. Lesnegociansd'Embdcnprincipaleinent, se sonl signales en envoyant avec profits , plusieurs vaisseaux charges en partie du produildesfabriques prussienncs , a Batavia , au Bengale el a la Chine, et nieme dans I'Ameriquc septenlrionale , destination moins lucrative que celle de 1'Asie. Par trois declarations deo oo avril , 3 novembre ct 170 S Y S T M E MARITIME 8 decembre 1781 , Frederic elablit des principes don I il ne s'ecarla pas , et d'aprcs lesqueLs les passe- ports de navigation ne devaient elre accordcs qu'a des navires apparlenans a de verilables Prussiens. Par cette execution rigoureuse de la neutralite ar- jnre , ce pavilion acquit la plus grandc faveur. II fut egalement recherche et respecle par les nations neu- Ires et belligerantes; et on le vit flotter tranquillc- ment, non-seulement dans les mers d'Europe, mais aussi dans celles des Indes occidenlaleset orienlales, oil il etait inconnu auparavant. Sa reputation valut au roi de Prusse une lettre de Pempereur de Maroc , pour lui oflrir surete dans sa navigation , et en re- clamer la reciprocite de sa part. Les benefices de la Prusse furent importans dans cette periode , si 1'on suppute tous ceux resullans du transit tres-considerable des marchandises etrange- res j si 1'on y comprend les profits sur la navigation de la Baltique , de la mer du Nord ; sur la construc- tion des vaisseaux en Prusse et en Pomeranicj sur la pcche des harengs, etablie a Embden , et snr le cabo- tage des navigateurs de cette derniere ville dans tous les ports de la Ballique jusqu'au detroit de Gibraltar. En reunissant a tous ces avanlages les speculations maritimes des villes de Stettin , de Colberg, de Stolpe, d'Elbing, de Koenisberg et de Mcmel, on aura une navigation annuelle de douze a treize cents vaisseaux prussiens. La pacification de 1783 ayant imprime a toutes lespuiiSiincejconlineulalesdel'Europeunenouvelle E T 1'OLITIQUE. 171 ardeur commercials , soit pour reparer leurs perles, soil pour enlrer en partage des nouvelles specula- tions que Pindependance de PAmerique faisait nai- tre, Frederic mit au jour de nouvelles dispositions economiques, pour perfectionner son sjsteme dc commerce, ainsi que pour cenlraliser et developper ses elemens de puissance navale. La premiere disposition legislative du 20 septem- bre 178^, est remarquable, en ce qu'elle concerne la navigation et les consulats. Elle oblige les naviga- leurs a acquitter les droits qu'ils refusent quelquefois, et empeche les consuls d'en exiger de trop forts , en indiquanl laquotl'.e des droits a percevoir, suivant Pespece de navigation, soit dans la merBaltique, soit dans les mers de France, d'ltalie , d'Espagnc , de Por- tugal, d'Asie , d'Afrique et d'Amerique. La meme an- nee, il rendit une loi prohibitive de certains ouvra- ges elrangers, en faveur des fabriquesdes elats pru.s- &iens, et soumit Timportalion d'autres articles a dc.s droits de 26 et meme de 5o pour cent de leur vak-ur. Une autre ordonnance de Panriee 1 786 , elend a un plus grand nombre d'objets manufactures chez IV- tranger , les precedenles probibilions, on les droits considerables donl Pimporlation se trouve frappee pour cclles consommees dans les elats en-deca du Weser. Enfin Frederic conclut, la meme annee 1780, un traite de commerce avec les Elats-Unis de PAmeri- quej et il fut le premier a elablir, dans CP trailc, le grand principe de la neulnilitc a observer . par une S Y S T M E MARITIME puissance belligerante cnvcrs les sujels de Tan Ire qui ne sont pas armcs; el de defendre ainsi toule licxsli- lile con Ire les vaisscaux marchands el conlre les cul- tivatcurs. Tons ces soins ne lui fircnl pas pcrdre de vue la nccessile de veillcr conlinuellemcnl a la sccurile de la monarchic prussienne,cla la surcle du corps ger- manique conlre 1'ambilion de I'Aulriche. Le dernier electcur de Baviere etant mort, la couv de Viennc ptablit des preventions sur sa succession , et en parlie sur la basse Baviere. Le roi de Prusse s'y opposa, en faveur de la maison palatine et de celle de Saxe j il prit meme les armes, et entra en Bolieme. On ne- gocia inutilement a Berlin et a Braunau. Eniln , par la paix conclue a Teschen, en 1779, la cour de Vienne renonga a ses preventions sur la Baviere \ mais en 1786, Joseph II les renouvella par un pro- jet d'echange, conlre lequel le roi de Prusse lit de nouveau des declarations et dcs protestations qu'il ill appu yer par ses co-etals , en leur faisanl conclure a Berlin, le 23 juillet 1786, Vunion germanique , a laquelle ont accede un grand nombre des elecleurs et des princes les plus considerables , dans la vue de conserver le sysleme et Fequilibre deFcmpire. Tel fut le dernier acte important de Frederic , qui mou- rut au mois d'avril 1786. Depuis celte epoque , son successeur et son neveu enlrcprit de perlectionner (dans le courant de Tan- nee 1787), les precedentes dispositions, par cinq rcglemens ou ordounances principalea sur le com- I; T POLITIQUE. 17.3 merce etranger, dans scs rapports avec 1'interet des manufactures de la Prusse. II permit, entr'aulres points, au mois d'avril 1787, la libre exportation dcs matieresd'or et d'argenl, soit en especes, soil en lingots, et ^importation des laines d'Espagne, pour aUmcnter les fabriques de Silesie; il admit aussi les marchandises etrangcres a transitej-^v ses etals; lit nil reglement parliculier sur le commerce de Franc- forl-sur-1'Oder; et reconstiluaenfm snr de nouvelles bases, en dix articles, les droits d'accise et de doua- nes, afin de relrouver dans lenrs produits , 1'equiva- lent dn deficit qu'eprouvaient ses finances , par la suppression eflectuee a la in erne epoque, du mono- pole de la vcnte du tabac et du cafe. Ce fut dans le meme esprit que le roi de Prusse actuel fit , en 1 788 , une publication qui imposait un droit de transit sur toutes les marchandises venant de France, d'Jtalie, d'Allemagne, et allant par terre en Pologne et en Russie, par les elals du roi dc Prusse. Ce droit dri trois dolliers par quintal, est perceptible sans dis- tinction de marchandises, et sans qu'elles puisscnt elre yisilees. Quant aux liaisons et operations politiqnes du snc- cesseur de Frederic, on n'a point oublieson influence, en 1 786 el 1 787, sur les iroubles des Provinces-unies , el sur la reinlegration du statHouder son allie j ni ses trailes d'alliance de 1788 avec la Hollande ct TAn- glelerre , comnie consequence de leur participation dcmcles interieurs de la republique. On doit se 174 SYSTEMS MARITIME rappcllcr aussi la declaration tie 1790, conclue a Reichembach , en Ire la Prusse et 1'Autriche, pour preparer la paix entre la Porte et la Russie 5 et lour convention do la meme annee sur les affaires des pro- vinces belgiques. On connail les suites de la quadru- ple alliance de 1793, entre la Prusse, FAutriche, TAngleterre et la liollande, relative aux effets de la revolution francaisc. Enfin , on attend quel sera le denouement de Pinvasion des Francais en 1794, dans les provinccs-unies j de la fuile du stathouder, el de Pexistence d'une convention nalionale hollan- daise. Tous ces evenemens preparent certainement , quelle que soit leur issue , de nouvelles chances pour la marine et le commerce de la Prusse dans le siecle prochain. L'exlension respective de ces deux sour- ces de prosperite , ne peut qu'etre encore halee par Poccupalion de Varsovie , et de ceux des districts qui en dependent, et qui sont les plus commercans de la Pologne , districts assures au roi de Prusse dans le partage defmitif de la Pologne, effectue en 1796, entre lui et les deux cours imperiales de Vienne et de Petersbourg. Ainsi , en moins d'un siecle et demi, la domina- tion brandebourgeoise ou prussienne a obtenu , comme bases de son existence maritime et commer- ciale sur la Baltique, la Pomeranie ullerieure, le port de Stettin, leduche de Silesie,leport d'Embden, la Prusse polonaise, le port de Dantzick et Thorn , Varsovie et les districts les plus commercans de la ET TOLITIQUE. 176 Pologne. Elle a cree , et exerce vers la fin du siccle present, une marine marchande de plus de 1200 vaisseaux , et de 12,000 matelots. On ne se refusera done pas a conclure , que celle puissance possede des elemens bien reels elbien com- bines de prosperile et de forces maritimes j elemens suaceptibJes d'etre fecondes par les circonstances majeures qui font chanceler le sceptre des niers dans les mains de nations voisines. a La monarchic prussienne , dit le ministre Hertz- )> berg , est un des pays de 1 'Europe , on du moins du nord, qui est le plus avantageusement situe pour le commerce et la navigation : elle a une cote ma- ritime de 80 milles d'Allemagne , en Pomeranie et en Prusse , le long de la mer Baltique. Le souverain de la Prusse est mailre des embouchures de quatre w grandes rivieres qui se jeltent dans la Baltique, savoir, de 1'Oder, de la Vistule, du Pregel et du Memel , outre un grand nombre d'autres plus pe- tites rivieres , navigables ou flottables. II possede le long de cette cote maritime , les ports de Stettin , )> de Colberg, de Dantzick , de Pillau et de Memel , qui sont tous , ou qui peuvent etre rendus tres- )> bons pour une marine commer9ante et militaire j )) outre un certain nombre d'autres pelits ports, comme ceux de Canine , de Treptow, de Rugeu- walde , de Stolpe. La grande riviere de I' Oder )> traverse en long lesprincipales provinces prussien- )> nes , la Pomeranie , la Marclie et la Silesie, dans une etendue de 80 miller d'Allemagne, depuis U 176 S Y S T E M E MARITIME )> Balliquc ju.squ'en Moravic. Cettegrande riviere cst combinee par la Havel el la Spree, el par de bons canaux , avec r Elbe y cl do 1'aulre cole avec la )> f^istule, par la Warlhc, la Nelze, la Braa el le )> canal tie la Netze. Par ce moycn , le corps des elals )> prussiens situe en Ire I'Klbe ct la Vi^lule, est lelle- )> menl combine pour la navigation, qu'il pent ex- )) porlcr par 1'Oder, par la Vislulc, par le Piegel et )> par le Memcl, dans la Ballique, non-seulement toules les productions dcs etals prussiens, mais )) aussi celles de la Pologne el de la Lilhuanie, qui )) fonl un objel peut-etre de dix ou douze millions d'ecuspar an. Ilpeut egalemen I exporter par FElbe )> el par les villes de Magdebourg et de llambourg, les prineipales productions de la Saxe et de la Bo- heine. Ces pays, tres-ierliles en eux-inemes, ne peuvent faireaucun commerce marilimeelaucune exportalion de mer, qnc par la monarcbie prus- sienne. 11s peuvenl le faireavec un grand avantage pour eux-memes elpour laPrusse, etle souverain de la Prusse pent iirer de celte situation, le plus grand parti, pour appropiicr a. son elalles princi- pales branches du commerce du nord , en iavori- sant celui des voisins, et sur-loul le commerce de )> la Pologne, surlequel ily ale plus a gagner,parce 5) qu'il consiste presque lout en inatieres brutes et en objets de premiere necessite, lels que le* grains, les bois et les toiles grossieres dont les nations du. to sud ne peuvent pas se passer. Je ne dirai rien ici IT des graudes rivieres du Weser, du Rhiii el de I'Ems, que ETPOLITIQUE. 177 fc que le roi ne possede qu'en partie , dont il tire un grand profit pour sea revenus, mais qui n'appar- tiennenl pas au corps de la monarchic prussienne , parce qu'elles passent par des pays qui sont dela- )> chesdece corps, et n'influent pas immediateraent sur son grand commerce , si ce n'est par la com- munication que la riviere d'Ems et le port d'Emb- den peuvent entretenir avecla Baltique. Ce dernier port peut devenir un des meilleurs de 1'Europe: et x> par sa position enlre les mers Baltique , Germani- que et Atlanlique, il pourrait devenir un entrepot general de la navigation et du commerce entre les )) paj r s du nord et du sud . On voit, par. tout ce qui precede, que Frederic H ne perdit pas de vue les moyens de fonder sur des bases solides , le systeme polilico-marilime de la monarchic prussienne jetqu'ilne re tardale deve^op- peinent des mesures efficaces qu j il meditait, que pour laisser eclore les circonstances les plus favorables au succes de ses vues. II suivit , dans la conduite des progres qu'il lit faire aux pays de sa domination , cette saine politique qui commence par assurer sa propre securite, avant que de risquer des projets uniquement pour s'aggrandir. Aussi-lot que Frederic, autanl par la superiorile de ses moyens que par lo bonheur de ses armes, et par ^ascendant de sa repu- tation dans plus d'un genre, eut consolide son exis- tence politique en Europe, il denieura spectatcur tranquille dc la lultc des principalc* puissances ma- M 178 S Y s T M E MARITIME ritimesj raais il se mit en devoir de recueillir leurs riches clepouilleii. Son succcs sera~t-il complet? En deux mots , le soin de la surele lul la premiere base de la polilique de celelat nouveau, commeelle Test de tout individu naissant ; ensuite, son accrois- semenl territorial , induslriel et maritime , devint la consequence naturellc de celte securite, et Ait suivi d'unc prosperile progressive de toutesles parlies du corps social. Frederic legua ainsi a son suceesseur, les germes les plus leconds d'une puissance navale. Les revolutions qui agitcnt certains peuples euro- peens, ouquifermenlenl dejapourd'autres, peuvenf, dans le dix-neuvicme siecle , porter au plus haut de- gre deprosperite la inonarchie prussicnne, prrparee j)ar Frederic II, a recevoir el a prorfiler de tous les coups heureuxque lui enverrala fortune. Les fautcs seules de son gouvernement, pourraicnt enlever a la Prusseles chances incalculables deprofits et desplen- tleur que doivenllui donner la nature des choses el les coups du sort. En definitif, son sjsteme maritime est yigoureusement aclif. 11 est generateur d'une puis- sance navale mililaire, qui n'attend pour s'elever , pour ainsi dire magiquement du sein des eaux, que Tissue des evenemens qui travaillent aujourd^hui les deslinees de quatre grands empires : celles de la France, de la Hollande, del'empire ottoman el de T P 1 I T I Q tf E. C H A P I T R E XV. tOiyiiiii; .. Dcuiemarck. -JLJA puissance Danoise , continental en meme* temps qiie maritime , domine sur la Baltique, sur la mer d'Allemagne, et dans 1'Ocean septentrional. Les danois , apres avoir ravage 1'Europc sous les Roniains , el infe-sle dans le moyen age , les mers et les cotes d'Ecosse , d'Irlande , d'Angklerre , de Flan- -dre , de France , incme d'Espagne et d'llalie , s'adon- nereht , sous 1'influence du christianisme , aux arts paisibles , a la culture , a lap^che, etsur-toutacelle duhareng,quelameramenailenabondancesurleurs cotes. Cetespril pncifique, propre a elendre dejour en jour leurs communications avec les autrcs peuples, i'ut conlrarie par Fascendanl des villes anseatiques , qui envaliirent tout le commerce da Nord de 1'Eu- rope. Lors meme que cette memorable confederation fut dechucjllambourg inaintint la superiorilequ'elle avait acquise sur tous les sujeLs de la domination danoise. Des gucrres sanglanles dechirerent la Sutnle et Ife Danemarck , pendant pres de trois siecles , a la suite tie 1'union des deux roj'aumes , par le traihf de Cat-*- ?nar, sous Margueritle , en i^97> jusqu'a la paix d'Oliva en 1660 j le Danemarek , respiraftt a i8o SYSTEMS MARITIME sous Ic poids d'aussi cruelles inimities, jetta les fon- dcmens de sa puissance maritime. Cefutparliculierementdansledix-septicmesiecle, qu'il commenca un etablLsscmcnt en Asie, fonda une colonie en Amcrique , et obtint enfin 1'avantage ina- preciablc , pdur sa position, d'avoir fait reconnailre comme un droit, partouteslespuissancesmaritimes , aPexception dela Suede, Fimpot qu'il pcr^oit a son profit , au passage du Sund , sur tous les batimens etrangers qui naviguent dans la mer baltique. Encourage par ce succes, Ic Danemarck enlreprit encore derepousserlestentatives failespar les nations en guerre , pour troubler la liberle de sa navigation. Celte puissance conclut dans cet objet avecla Suede, le traite de 1693, qui lit respecter leur neutralile. Celte disposition federative devinl le fondemenl d'une semblable alliance gcneralisee dans le Nord , pendant la guerre de la liberte americaine, et renouvellee sans succes dans lapresente guerre. Le Danemarck , constitue de droit par ses succes , puissance maritime, comme elle Fetait de i'aitparsa position, son gouvernement sc montra attentif dans le dix-huitieme siecle , a ameliorer cette consistance maritime. Les peuples les plus commercans, tels que les hol- landais , et les membres de Falliance ansealique , cou- servaient encore des vues sur le commerce exclusif de la baltique , qu'ils avaient exploile sans concur- rens , dans les temps anterieurs. Le Danemarck , de son, cole, faisait valoir sa suprdmatie *ur Hambourg, ET POLITIQUE. l8l a cause du duche de Holstein, dans lequelse trouve placee cctte villc. Les pretentious respectives furcnt regleesaveclaHollandeparlelrailetres circonstancie de 1701 j d'autres contestations survenues en 'ij^j > enlreces deux puissances, au sujetdelapeche,furent egalement terminees a Pamiable, meme a la satisfac- tion des hollandais, qui , depuis la decadence de leur marine, avaient perdu ce ton menacant qu'ils avaient pris, en frequentant dans le dernier siecle la mer Baltique. Les contestations entre le Danemarck et la ville de Hambourg, devinrentl'objetd'unelongue et serieuse negociation : les griefs, parliculierement ceux relatifs aux monnaies, furent exposes et annulles par un acte d'accomodement de 1712 , un mandemenl du roi de Danemarck de 1726, une convention definitive de 1736, et enfin par le traile des limiles de 1J4O, avee Altonaj ensuite , deux autres trailes des 12 et 27 mai 1768, entre Hambourg etl'uneetl'aulre branche dela maison de Holstein, linirent loutes contestations en reconnaissant la ville de Hambourg , comme un etat immediat de FEmpire , et en lui cedant les peages auxquels ces deux maisons pouvaient pretendre II n'eutpasetesuffisant pour le Danemarck, d'avoir neutralise les jalousies de commerce, s'il ne f lit encore parvenu a etouffer toutes seraences de divisions avec la Suede. Le Danemarck atteignit en grande parliece but, en faisant rcconnaitre par cet ancien ennemi , le droit si vivement conteste , d'imposer les navires a kur passage par le Sund. Long-temps la nation sue- M3 S Y s T M E MARITIME ne paya rien , ni pour ses propres vaisseanx r ni pour lesmarchandisesappartenanlesa dessuedois, eciale, plnsieurs dispositions; de leur Iraile de commerce de 1670. Kirlin,lasagaeitedu gouvernemcni danois s'esl fait remarquei', sui-toul dans la condnite qu^il a tenue pendantlalutleglorieuse do la nation francaiseconlre- les plus lbrmidablespuissancesdeFuropc,tanljnari- times que conlinentales.Lesacteaemanes du cabinet de Copenhague , ses reponsesaux Doles ofiiciellcs des cours de Lendres,de Russia et de Berlin y st>A traite de defense, conclu avec la Suede, pour faire respecter seulcs leur neutraJite, toutes ces dispositions dcs-an- M 4 i84 S Y s T M E MARITIME nees 1 793 et 1794, sont des monumens du courage cl des lumieres de ce gouvernement, ainsi que de son desir d'affermir , sur des bases solides , sa prosperite maritime et commerciale. Les conceptions propres a ameliorer sa position en Asie, en Airique et en Amerique, et les mesures qu'elle a prises pour y reus- sir, sontegalement dignes d'altention. Vers le commencement du meme siecle , en 1 728 , le Danemarck entreprit de transferer, de Copenliague a Altona, le siege de son commerce avec PAsie 5 in a is les reclamations de la Hollande et de PAngleterre , ainsi que le manque decapilaux,firentechouer cetle enlreprise. En 1772 , le privilege de Fancienne com- pagnie expirant, il lui flit accorde un nouvel octroi, avec quelques restrictions aux favours dont elle avait joui , restrictions avanlageuses a. la liberte du com- merce des parliculiers. Autrefois, la compagnie avait la propriete des possessions danoises dans cette par- tie du monde, et y exercait toutes les branches d'ad- minislration j mais depuis 1 777, le roi a repris la pro- priete etle gouvernement des possessions orientales. Ainsi la compagnie ne se mele plus que des affaires de commerce. Trois circonstances ont concouru a leurs succes : d'abord, les navires danois rapportaicnt d'amplcs cargaisons de thes,pouralimenterla conlrebande de cette feuille en Angleterre, contrebande considera- ble avant le bill de 1784, qui a diminue dc beau- coup les droils d'importation du the 5 ensuite, ce ET rOLITIQUE. l85 meme pavilion , par la destination simulee de Co- penhague , facilitait aux officiers et agens de la coni- pagnie anglaise des Indes, les moyens detournes de f amener en Europe les richesses acquises en Asie , afin d'en derober, par cetle route, la connaissance a leurs commettans. La troisieme cause enfin, estla fa- veur qu'obtient le pavilion danois , devenu neulre dans les guerres frequentes de FAngleterre , soil en Europe , soil en Asie. Quant au commerce dcl'Afrique, leDanemarck ne possede, sur la. cote de Guinee, que les seules villes et forleresses de Christiansbourg et de Fried- richsberg. Le commerce qui s'y fait est peu conside- rable j mais ces possessions ont 1'avantage d'offrir tin lieu de relciche commode aux navigateurs danois. Ce commerce , confie d'abord a une compagnie d'^4- frique , etablie en 1766, fut abandonne , par un oc-' troi du 5 juillet 1781 , a une autre , dile de la BaZti- que et de Guinee, a qui le gouvcrncment accorda ditferenles sommes, a titre d'avance.s, en staluant de nouveau sur son regime, par une resolution du i4 juillet 1786. Enfin, cette compagnie fut reconnue , au mois de juin 1787, liors d'etat de se soulenirj ses af- faires furent prises au compte du roi, et Sexploita- tion de son commerce a du etre confiee a dilferens particuliers. Le commerce d'Amerique s'excrce par la com- pagnie des Indes occidentales , etablie en 1778. Ello n'eut pas un sort plus heureux que les precedentesj 1 mais aa chute devint une conquelc faile sur le mo- l86 S T S T jfe M E M A H I T 1 M K nopolc,en favour dc la liberle du commerce. L'acli- vile des operations commerciales , qui cut lieu en Europe apresla pacification dei783,se communiqua aux Uanois.Le gouvcrnement faciiila cette direction de 1'osprit public, par ses resolutions des annees 1784 el 1786, relatives a File de Saint-Thomas, et a la venle et revente , avec immuniteft^ dans les iles da- noiscs,des noirs de traile etrangere. Un plan vaste, concu vers le. milieu de ce siecle , ne tendail a rien moins qu'a concenlrer , dans le Da- ncmarck, lout le commerce du nord, et a le retirer des mains des llollandais. En effet, la compagnie generate <\Q commerce, creee en i747,avaitle proj et 179^, publics a ^occasion de la guerre presente , et de celle anterieure , relative a Findependance des Etats-Unis d'Amerique. Les forces maritimes de la Suede , au moment de notre revolution , consislaient en 27 vaisseaux de Iignede74 a5o canons, 12 fregatesdeSSaaocanons, et 4o galeres, non-compris les chaloupes et cutters'. Le tout arme de 3ooo canons, et monle du nombre possible de i3 a 18 mille matelots. N 3 S Y s T i M E MARITIME CHAPITRE XVII. La Russie. N< ous void enfin parvenus a la partie du systeme economique modernele plur. extraordinaire ,ct peut- etre le plus extravagant qu'ait enfante , chez aucun peuple, le genie de limitation. L'empire de Russie , le plus vaste de notre hemi- sphere, s'etend, d'occident en orient, 1'espace de plus desooo lieues communes de France, et il a plus de 800 lieues, du sud au nord, dans sa plus grande largeur. II confine a la Pologne et a la mer Glaciale ; il touche a la Suede et a la Chine. Ses limiles immen- ses etaient si peu connues dans le siecle passe, dit Voltaire, que, lorqu'en 1689, nous apprimes que les Chinois et les Russes etaient en guerre , et que )> 1'empereur Cam-hi, d'un cole, et, de 1'autre , les czars Ivan et Pierre cnvoyaient, pour terminer leurs differends,une ambassade a trois cents lieues )> de Pekin , sur les limites des deux empires , nous trailames d'abordcet evenement de fable . Par quelle revolution , Tempire russe domine-t-il aujourd'hui sur ces Tartares de la Crimee , dont il re- cevait la loi pendant les trcizieme et qualorzieme siecles, qui le devastaient dans le seizieme , et aux- quels il payait encore dans le dix-septicme ( en i685 ) , un Iribui annuel de cent mille roubles , pour IT rOLITIQTTE. le rachat de ses sujets , qu'ils eramenaient esclaves ? Par quels ressorts, pour ainsi dire, magiques, la Russie est-elle devenue , a la fin du dix-huilieme sie- cle, une des puissances les plus preponderates dans la polilique europeenne ? Enfin , par quels raojens assez vigoureux de sysleme maritime , la cour de Pe- tersbourg, en butant perpetuellement vers Constan- tinople , menace-l-elle de changer, encore une fois r les communications des Europeens avec 1'Asie? Pour bien apprecier les commencemens, les ef- forts et les succes de la Russie, dans la carriere na- vale, il faut parcourir les principales pages de son histoire moderne, analyser ses institutions politi- ques 7 et apprecier sa legislation economique. Cette triple connaissance nous donnera le secret de ses er- reurs el de ses esperances. L'existence politique dela Russie pent se parlager en quatre grandes epoques , eu egard a 1'influence des gouvernans sur les gouvernes j et celte influence est decisive sur la prosperile publique , dans un etat oil la cour est tout , et la masse du peuple rien. Ces quatre grandes epoques sont i . la Russie , de- pu is les temps les plus recules, jusqu'a Pierre I er , vers la fin du dix-septicme siecle j 2. la position de cet empire sous ce fondaleur, pendant les vingt-cinq premieres annees du siecle suivantj 3. son etat pen- dant '6j annees sous ses .successeurs , jusqu'a Cathe- rine II; 4. enfin, ses accroissemens depuis 1762, sous le gouvernement de cette derniere imperalrice. EPOQUJE. Dans les temps les plus recules, N4 roo SYSTEMS MARITIME les Slavcs-llusses trafiqnaient avec les Grecs et les peuples voisins cle la Ballique , par la ville de Sla- veuok sur le Volkof. Dansle cinquieme siecle, il s'e- ]eva , sur les mines de celle-ci, line nouvelle ville , sons le nora de Novogorod, qui, avec Kiof, devint le centre du commerce du nord. Les riches cargai- sons que Yon Iransportait de 1'Asie dans le nord de 1'Inde, traversaient 1'fndus, 1'Oxns et la mer Cas- pienne, d'ou une grande parlie passait par la Bu- charie a Aslracan, et, par le Volga et d'autres ri- vieres, a Novogorod, et ensuite dans les differens ports de la mer Baltique. L/Allemagne en retira des profits immenses, ce qui engagea les principales villes a Tormer en Ire elles Pe.spece d'association si conntie sons le nom de la liffiie anseatlque. La par- tie superieure de ce vaste pays trafiquait avec Ve'- nise 5 la partie inferieure domina sur la mer Baltique et 1'Ocean allantic(ae, sans aucuns concurrens. Ve* nise, Scherdick, Novogorod , et Wisbj dans Pile de Gothland, furent le& entrepots de 1'Europe, comme Alexandrie etait Fenlrepot general de 1'Afrique. Get etat de prosperite disparut, lorsque les Portu- gais traccrent une nouvelle route dans les Indes, en doublant le cap de Bonne-Esperance; et les villes an- seatiques repurent un autre echec considerable, par la destruction de Novogorod, qu'ordonna Jean-Ba- sile,versle milieu du quinzieme siecle. Novogorad) )) dit un auteur moderne , dont la richesse avait don- x> ne lieu a cetle maniere cle parler proverbiale, D Qu'est-ce qui resistera a Dieu et a Novogorod? 1T POLITIQUE. 2OI vit eteindre; en un instant, sa gloire avec son )> opulence . Plusieurs princes russes parurent attenlifs , des le dixieme siecle , aux affaires de commerce. Le temps et la barbaric ont epargne deux trailes : Fun de paix, conclu en 912 enlre Oley, grand prince de Russie, et 1'ernpereur grec Leon; et Faulre, de paix et do commerce de 1'annee 9^5, enlre Igor, grand prince de Russie , et les empereurs grecs Roman , Constan- tin et Slephan. Mais un grand due de Russie ayant partage, dans le onziemc siecle, ses etals entre ses douze ills , leur mesintelligence facilita les conquetesdes i artares,qui commencerent a penetrer dans toute la Russie. Le commerce direct (Je cet empire avec la Grece subsisr ta jusqu'a cette epoque en 1226. Le guerrier Boeti ruina les principales villes de la Russie ; renversa Kier ou Kiof , ce grand entrepot des marchandises grecques : il appesantit son joug sur les princes, dont il fit des vassanx, et sur le peuple qui y demeura at-' lache , jusqu^au regne d'lvan Basilowits. La bravoure et le genie de ce dernier affranchirent son pays de cette domination, devenue insupportable. Ivan re- couvra toute la Russie , dont il se rendil maitre ab- solu. Une periode remarquable du commerce moderne de ce pays , commence sous ce Jean Basilowits , qui chassa les Tartares , conquit sur eux les royaumes de Cosan et d'Aslrakan, elablit dea communicaliona entrc les Russes , les Armenieus et les Indians , et se 2O2 S Y s T E M E MARITIME repentil d'avoir delruit la villc de Novogorod , dont il avail redoute 1'influencc , parce qu'elle balangail, parson ascendant, Pautorile du gouvernement. La Russie etait dans cet elat, et le grand-due se trouvait dans ccs dispositions pacifiques , lorsque , vcrs le milieu du seizieme siccle (en i653) , un pi- lote venilien , au service d'Edouard VI , roi d'Angle- terre, enlreprit, avec trois vaisseaux,lc voyage vers le nord : un s'en retourna, le second peril, et le troi.sieme, conduil par Richard Chance/or, aborda licureusement a Archangel, dans la mer Blanche. Les pecheurs qui Phabitaient, a qui le navire avail semble un moustre sur l^eau , prirent la fuite j les Anglais , par leurs instances, et a force de signes, les rassurerent. La penplade arriva en foule pour admi- rer ces etrangers. On depecha un courier a Moskon , qui rapporla i'ordre d^amener a la cour ce capilaine. Le Czar, pour recompenser la genereuse enlreprise des Anglais, et leur en temoigner sa satisfaction, leur accorda authentiquement des privileges parti- culiers pour eux et leurs successeurs. Ces privileges portaient, 1. que les Anglais auraient Fentree libre dans tous les etats du Czar jqu'ils pourraient, a Ya.- )> venir, y trafiquer avec toutes les nations, sans payer )> aucuns. droits pour leurs vaisseaux, ni pour leurs marchandises , et sans etre astreints a demander aucune homologation aux gouvernemens ct aux chanceliers; 2. qu'ils resteraient toujours sous les )> ordrcs immediats de cenx que la compagnie nom- )> merait a eel elTet } et que celui qui refuserait d'obeir ET POLITIQUE. 2o3 w a la sentence rendue par elle , leur serait, comme )> rebelle , remis paries Russes )>. Les troubles qui agiterent la Russie, sur la fin du seizieme siecle, et au commencement du dix- septieme , par 1'effet des usurpations des faux Deme- trius , qui voulaient se substituer sur le trone , an jeune prince de ce nom , assassine , en 1697 , par le tyran Boris Godonou , ne rallentirent pas Pardeur des Anglais , dans leurs nouveaux etablissemens. Us tenterent meme, des i558, de s'ouvrir,par la Russie et la Perse , un passage aux Inde's; mais les guerres civiles qui dechiraienl cet empire , jointes a d'autres inconveniens , les forcerent de revenir sur leurs pas. Us se maintinrent seuls en possession du commerce de Russie , jusqu'en 1 602 , qu'ils eurent pour concur- rens les Hollandais , qui , par leur intelligence et leur aclivite, purent se flatter d'emporter bienlot la ba- lance. En effet,la mort de Charles F r . fut le prelexte ou la cause dont se servit le czar Michelowits pour chasser d'abord les Anglais de sa cour ; ensuite , sur les ins- lances qu'ils firent, etsur ce qu'ils sc defendirent po- sitivement d'avoir participe a celtemort,le Czar se contenta de leur relirer leurs privileges, et de les soumeltre a payer les meines droits que les aulres nations. Dans ce commencement du dix-seplicme siecle, Tancien commerce de Novogorod fut retabli , par Boris Godonou, en faveur des villes anseatiques, qui oblinrent,cn iGo3, de nouvellcs Icttres-palcnlesj ce 2o4 S Y s T M E MARITIME qni donna de nouveaux concurrcns aux Anglais. Mais bienlot ce meme Boris ouvrit les ports d'Ar- change) el Moskou , indistinclement a toules les nations. Une asscmblee des principaux boyards , tenue en i6i3,mil fin aux troubles interieurs de la Russie, en elevant au trone un jeune homme de 16 ans , Michel Romano, grand-pere de Pierre I er , fils de Parcheve^ deRoslou, seigneur puissant, et alors ambassa- denr en Pologne. C'est, sans doute , une circonstance a remarquer pour la Russie , que ce cboix du fils d'un eccle- siaslique eld'un ambassadeur, dontl'education ,sous ce double rapport, devait le rendre plus propre, qu'aucun aulre prince, aux aflaires du gouverne- menl. Son autorite merae devait encore s'accroitre de tout Tascendant qu'inspire le sacerdoce chez un peuple religieux. En eflet, ce futle pere qui gouverna sous le nom du fils. La Russie prit des-lors une position fixe, la Po- logne et la Suede , qui se dispulaient la couronne , se determinerent a une pacification. Romano, depuis , regna paisiblement , et ne fit , dit Voltaire , aucun >; changement , propre ni a corrompre , ni a perfec- lionner ^administration. 11 mourut en i645 . Son fils Alexis Michelowitz monte sur le trone a Tage de seize ans. li reprime des seditions sanglantes, plevees dans le gouvernement d'Astrakan.Cette par- tie de ses etats devient , par ses soins , une foire gene^ rale des marchandises europeennes et asiatiques. II ZT POLITIQUE. 3O5 fait une guerre heuseuse contre la Pologne , et mal- heureuse conlre la Suede j il vfcut former une ligue de tous les princes chreticn.s contre les Turcs qui me- nacent la Pologne el les elats du Czar. La France seule se refuse a cetle confederation, a cause de son union avec la Porle. II concoit le projet de conslruire et d'entretenir des flottes dans les mers Noire et Cas*- pienne, et d'appeler, de la Hollande, des conslruc- teurs capables d'inslruire ses sujets dans la marine. David Butler y construit le premier vaisseau , qui fut appele I'^digle. Alexis fait rediger un code de com- merce. Le commencement des liaisons de la Russie aveo la Chine, remonte a 1'annee i653. Un envoye de Russie arrive a Pekin , en i656 , sous Alexis. Cet en- voj'e , ne voulant pas se soumeltre aux usages du pays , n'est point admis a Faudience de Fempereur , et est reconduit aux fronlieres avec ses presens : le seul fruit de ce voyage fut la connaissance de la route. L'annee 1670 fut 1'epoque de la premiere et grande caravanne de marchands de Siberie, qui penelrereHt jusqu'a Pekin, par le pays des Calmoucks. Ces com- munications furenl interrompues, en 16/5, p:ir de$ hoslilites ; et Alexis envoy a inutilement un ambassa- deura Fempereur de la Chine. Ce ne fut qu ? en 1691, que les limites des deux empires furent detenninees par un traite de celte annee. Alexis etail mort des Pannee 1 677, laissant a Pierre T'". , son fils, des germes d'ambition commerciale et maritime a recueillir et a developper. Ne en 1672 , Pierre ne montasur le trone 2oG S Y s T E M E MARITIME qu'en 1689 , apres avoir relegue, dansun couvenl, la princesse Sophie qui avail usurpe , quelques an- nees, la supreme puissance. Nous allons voir , dans la SECONDE EPOQUE, quels dcvcloppemens Pierre I er . sut donner auxelemens de grandeur qu'avaient prepares a son empire, les deux regnes precedens. L'Europe elait encore , sur la fin du dix-seplieme siecle , remplie de la renomraee des courageux ef- forts que les Hollandais avaient fails , d'abord contre les forces de la maison d'Aulriche-espagnole, ensuite contre les forces reunies des Anglais et des Francais. Cette lutte des trois marines les plus redoulables qui aient jamais existe , et donlPavanlage parut resler a la puissance , qui avait de pins faiblcs moyens natu- rels, donna, par-lout, une haule idee de la domina- tion des mers , et en ill senlir loule I'imporlance. Pierre F r . reduit, sous le gouvernemenl u.surpa- teur de la princesse Sophie, a un role absolurnenl pas- sif , passail la plus grande partie de son lemps dans la societe des elrangers qui habilaient Moskou. Son ame ardenle s'alimenlail du recil des hauls fails des Eu- ropeens, jusqu'alorssi etrangers aux Russes. La nou- veaule de semblables tableaux leur faisail prendre , dans ^imagination aclive de Pierre, le caraclere du merveilleux , et le preparait a Fenthousiasme pour Farl naulique, donl le simple mecanisme , observe pour la premiere fois, parail tenir de la magie. Ces disposilions se developpcrenl encore davan- tage dans la maison de phisance d'ismaelof, a la vue E T P O L I T I Q'"U E. 207 d'une petite chaloupe, construite par les soins d'A- lexis son perejet ce fut cette premiere impression qui determina le plan politique que Pierre a suivi constammeiit toule sa vie , celui de faire , de la Rus- sie, a force d'art et de perseverance, une puissance maritime. II fut sans doule enlretenu et affermi dans sea idees, plus brillantes que solides, par le genevois Lefort, son con&eiller inlime, qui apres avoir vu Marseille , la Hollande, Archangel , et s'etre introduit a Moskou aupres du Czar, ne pouvait qu'augmenter les gouts dominans de ce prince, en lui donnant per- petuellement des lecons d'imitation de la polilique europeenne. La prise ft ^4 soph snr les Turcs, en 1696 , accrut saconliancej il voulut,en jcreusant unport, capa- ble de contenir les plus gros vaisseaux, se rendre maitre du detroit de Cofta, et preparer tout pour former une flotte de neuf vaisseaux de Go canons , et de quarante-un batimens de 3o a 5o. II fit faire, par les Cosaques , de ces bateaux legcrs , auxquels ils sont accoutumes, et qui peuvent coloyer aisement les ri- vages de la Crimee. Son projet, dit Voltaire, etait de chasser, pour jamais, les Tarlares et les Turcs de la Crimee, et d'elablir ensuite un grand commerce avec la Perse , par la Georgie. Mais une lettre , con- nue depuis , ecrite par le marechal Munich a I'impe- ralrice Catherine , le 20 septembre 1762^6 laisse aucun doute que Pierre n'eut des projets de con- quetes bien plus elendus. Le passage suivant Tan- 2O8 S Y S T M E MARITIME nonce d'une maniere positive : Je suis, dit ce ma- rechal a rimperatrice , en etat de demon Irer que Pierre le Grand, pendant (rente annees, c'est-a- dire, depuis 1 696 qu'il n't le premier siege d'Asoph, )> jusqu'asa mort, arrivee en 1726, a eu principale- ment en vue de CONQUERIR CONSTANTINOPLE , de )> chasser de 1'Europe les infideles , lures et tar- )> tares, et de relablir ainsi la monarchic grecque. Je )) pourrais meme dresser le plan de cette vaste et im- porlante entreprise Comme j'ai penelre 5) le premier jusqu'au centre de cetle ancienne re- gion (la Crimee) , je connais a fond toutes les diffi- cultes qui accompagnent cette expedition , et tous )> les moyens de les surmonler )) ( * ). Pourconduire avec'succcsune tclle entreprise, il fallait des hommes experimentes,et la Russie n'avait que des nobles et des serfs. Pierre choisit , parmi Ics premiers , soixante eleves , dont il envoya vingt en Italie (principalementa Venise),etquaranle en Hol- lande, pour y apprendre la marine , la construction (*) Cette lettre est imprimee, tome 2 , p. 24 e * suivantes de VHistoire raisonnce du commerce de la Runsie , par Jecui- Benoit Scherer , employe au bureau des affaires etrang^res. II ajoute meme a ces details, qu'au milieu de la dcrniere guerrs avec la Porte , ( I'auleur 6crivait en 1783 ) I' on complait si fermement en Russie , sur la prise prochaine de Constantino- ple , que la cour des monnaies , a la forteresse de St. Petersbo- roug, avait recu 1'ordre de frapper une medaille qui represen- tait d'un cole, le buste de S. M. I., et de I'autre, CONSTAN- TINOPLE et les sept lours ecrastesparlafoudre. des ET POLITIQUE. 209 des galeres, la fabrique et la manoeuvre des grands vaisseaux. Mais ces moyens etaient Irop lents pour la bouil- lanle activite de Pierre 1". II partit lui-meme, eu 1697 , pour Amsterdam : par ce coup de polilique , il hata le developpemenl et 1'emploi de ses ressour- ces. Pierre, en demeurant au milieu des Hollandais, oblint de leur vanite la faculte de transplanter, dans ses etats, des ouvriers devenus ses compagnons. L'inleret de la republique aurait mis obstacle a leur emigration , si Pierre n'eiit pas honore , en quelque sorte Fart nautique , gloire immortelle de la Hol- lande, en jouantla comedie d'un humble apprenlis- sage dans ce pays. II fut de la en Angleterfe, et, par d'autres motifs de polilique, obtint des Anglais, mo- nopoleurs clu commerce dela Russie, d'emmener les ouvriers qu'il desirait. Pierre, de retour avec des elrangers experimen- tes, etendit ses vues maritimesj il negocia d'abord avec la Suede, pour la cession d'un port sur la Bal- lique, et ne reussit pas : mais ses armes en eflectuerent la conquete sur Cbarles XII. Le caractere chevaleresque de ce herosdu nord, qui s'fjgarait dans les plaines im menses de la Pologne, en negligeant la defense de ses propres etals , servit merveilleusement les desseins du Czar, qui s'assurait, di-s les premieres annees de ce siecle, de la Livonic, de Flngrie et de FEstonie , et fondait Petcrsbourg dans des marais. II y transporla sa cour , et placa ainsi sa capitalc a Fun des exU-euijleS de son vaste O 3io SYSTEMS MARITIME empire. Le.s Suedois essay erenlinutilcment, en 1705, de detruire avcc leur flotle celle ville naissanle. Le Czar, pour utiliserses succes maritimes, enlre- prit de reunir , par des canaux , la mer Baltique , la jner Caspienne et le Pont-Euxin. Mais ce projet fut suspeudu , lorsqu'en 171 i,apresla balaille dePruth, Pierre fut prive de loute communication avcc la mer Noire, par la resolution d'Asoph,qu'il fit forccment a la Porle, en vertu du traito de paix de celle an nee. Ainsi furent aneanlis, pour Fempire russe, ces etablissemens maritimes vers le midi, dont la pers- pective avail contribue, sans doule, a jelter Pierre premier dans la carriere navale.Ce plan giganlesque d'agrandissement , quoique devoile, nepouvailetre entierement abandonne par la cour de Pelcrsbourg ; il ilattait trop et son orgueil et son ambition : aussi la poursuile de ce systeme a-t-elle etc, ju^qu'a nos jours , la base de sa politique. Toutes les entreprises failes posterieurement par le Czar , to us les succes qu'il obtint, furent autant de moyens preparatoires pour facililer un jour a ses uccesseurs ^execution de ce grand dessein. En 1713, il s'empare des cotes de la Finlande, et Tannee suivante, de toute celle province. Satisfait des accroissemens marilimes qu'il en obtcnait, et de la position de ses etats, il enlreprend, en 1716, un nouveau voyage en Europe. Arrive en France, il y est accueilli , fele , offre sa mediation pour la paix da nord, et minute un Iraite de commerce enlre la France etla Russie. Sa presence etses promesses dclerminent E' T P O L I T I Q U F. 211 vm grand n ombre d'artistes et d'enlrepreneurs a le suivre a son relour dans son empire. En 171 7 , il conclut un accord avec la ville de Dantzick, qui , a cclleepoque,jouissait encore d'une sorlede preponderance maritime. En I7i8,s'elevent a Pelersbourg une foule d'etablissemens uliles j celle ville s'embeliil et s'agrandit chaque jour davanlage. Moulins a grains, a poudre, a sciej corderies 5 poids et mesures determineesj prix des denrees fixes j fa- briques d'armes; manufactures de glaces, de toiles, de tapisseries de haute lisse j filicres d'or et d'argent j en un mot, toutes sortes d'enlreprises et d'imitations des usages et des arts europeens sont tentes par Pierre l e ' , qui, a 1'aide des elrangers, et a force d'ar- gent et de perseverance, reussit a rassembler au mi- lieu de sa cour, I'abrege, s'il est permis de le dire, de tous les genres d'indusirie qui animenl et enri- chissenl les peuples de France , d'Anglelerre et de Hollande. A Texeraple de ces Irois nations commer- 9antes, Pierre rend une ordonnance en 17-24, pour soumeltre a des combinaisons eldes calculs politiques le tarif des douanes de son empire. 11 ne larda pas a recueillir le fruit de ses travaux: il vit 200 vaisseaux et rangers frequenter Pelers- bourg. Pour con tin uer cfenrichir, par desdepouilles, cette viile, appelee depuis comme Versailles, un favori sans merite , il relii'a au port d' Archangel les anciens privileges donl il jouissait. Sa predilec- tion pour celui de Petersbourg avait cependant un objet reel de polilique.'Comme il en avait fail la rc- O 2 2ia SYSTEMS MARIT'IME sidencc de sa cour , il pretendait y faire nailre Pemu- 1, it ion dans la jeune noblcs.sc, par le spectacle du grand mouvcmcnt qu'offre un port qui ne pouvait jamaiselre bien frequcnte quc par Ics elrangers. Pe- tcrsbourg, dit Pingenieux Algarotli, cst la fenetre parlaquelle la Russic decouvre I' Europe. La paix avec la Suede, concluc a Newstadt en 1721, lui donna le loisir dc se livrer a une nouvelle expedition maritime sur la mer Caspicnne, dans 1'objet de faire passer par ses etats le commerce de la Perse et d'une parlie del'Inde. Cclte expedition a ele vantee par le celebre hislorien du Czar j mais il parait par la relation naive de ce voyage, imprimee a Lon- tlres en 1782 , et faite par Pingenieur Bruce , qui y fut employe, que Pierre n'avait a bord de sa flotle, ni boussole , ni pilote. Voici comme il s'exprime : Le 18 juillet 1722, notre armee s'embarqua a > Astracan , a bord de 260 galeres, accompagnees de )) 55 vaisseauxpourle transporldes munitions etdes raalades. Notre infanterie consistait en trente-lrois mille hommes de vieilles troupes aguerries, qui avaientfaittouteslescampagnesdclalongue guerre )> contre la Suede 5 outre sept mille dragons , 20 mille )> Cosaques et 4o mille Tartares Calmouks , qui mar- chaient par terre pour ravager la province d"^4n- )> dreof. Dans Fapres-midi du 23, notre division per- )> dit devu el'amiral, ce qui nous donna assez d'in- D quietude, parce que nous n'avions a bord , ni pi- lote, ni boussole y a lave"rite, toutelajlotte eprou- fait le me/ne inconvenient . E T POLITIQUE. 2l3 Pres la ville de Derbent, un ambassadeur turc signifia a Pierre que son mailre voj'ait avec deplai- sir ses progres dans la Perse. Ne voulant pas entrer en guerre avec la Porte, le Czar se relira en 1723. Apres avoir perdu plus du tiers de son armee,et avoir vu engloulir pres d'Aslracan, les batimens qui lui apportaient des recrues et des munitions , Pierre ren- tra en triomphe a Moskou. Ses essais pour fonder un commerce par terre avec la Chine, ne furenl pas plus decisifs. En iGgi, pour cimenter son union avec Pempereur, il lui envoya une ambassade qui obtint, en 1698, par 1'issue des negociations, un entrepot et une habitation pour les marchands russes a Pekin. Desexces commis parces derniers , obligerent , en 1 7 1 9 , le Czar a faire passer a Pekin de nouveaux envoy es, qui donnerent satis- faction et conclurent un accommodement.Les Russes en furent encore chasses en 1722 : leurs affaires avec les Chinois etaient dans eel etat, lorsque Pierre mou- rut, en 1726. Aucun homme illustre , chez les modernes , n'a et plus que le czar Pierre , Fobjet de la louange et du blame. Son celebre historien , ou plulot son panegy- riste, a eleve un monument honorable a sa memoire. Mais des observaleurs moins enlho usiastes, Rousseau, le comte Algarotti et Mirabeau , ont apprecie avec plus de rigueur les institutions du Czar j et leur seve- rite semble avoir fait descendre Pierre I er du rang qui lui avail ele assigne, comme reformateur et le- gislatcur d'un grand peuple. 03 2l4 S Y 3 T A M E MARITIME Vollaire avoue lui-meme, presqu'a chaque page de son histoire de Russie , qu'il ecrit ou d'apres le journal dc Pierre, ou sur les manuscrits de Lefort, ou sur d'autres memoires envoy 6s de Pelersbonrg. 11 n'est pas etonnant qu'il ait puise , dans des pieces originalesdece genre, 1'admira lion queleurs auteurs ont voulu inspirer a la posterile , en lui rappclant le souvenir de tant d'evenemens exlraordinaires, de tant d'obstacles presque insurmon tables, et cepen- dant vaincus. To us les conternporains deVoltaire dc- vaicntd'ailleurs celebrer 1 nom famcux de Pierre I er , quis'etait montre.pacificateur sur le theatre du nord. en opposition avecle genie conquerantdeCliarle.vXJI, et an moment oil plus d'un heros tenait, de ce cote, 1'Europe attentive. Je me bornerai a tacher de penetrer le secret du merile de Pierre dans le point de polilique maritime qui faitTobjeldela presente analyse. Tout le systeme de ce prince se reduit a 1'emploi de moyens brusques pour civiliser la noblesse de son empire : nul avantage essenliel n'en resultail pour la masse du peuple , compose de paysans serfs qui \oyaient accroilre la somme de leurs travaux, sans pouvoir alleger le poids de leur servitude. Pierre, dont Fame ardente etait pressee de jouir du fruit de ses nouve-lles institutions , cherchait 1'eclat etla cele- rite. Son principal objet fut de frapper, par un grand spectacle, les sens de ses courtisans, pour leur don- ner une impulsion favorable a .ses vues. De-la , son application constante a se creer une marine, dont ZT POLITIQUE. 2l5 Tappareil majestueuxaugmenlait les partisans de ses reformes, et forc.ait au silence leurs detracteurs. 11 exeilait encore 1'emulation de la jeune noblesse , en repetant sou vent, que la condition d'un amiral d'Angleterre etait au-dessus de eelle d'un Czar . Pierre I er . ajant ainsicree une sorte d'espril public, leseuldontfussentcapablesleschefsouboyards d'une nation presqu'a demi barbare, lit servir cet enlhou- siasme pour ses succes marilimes, a des projets d'a- grandisfeement dans des conlrees plus favorisees par la nature du climat. 11 n'est pas douleux que les gucrres desastreuses que les Turcs firent aux Russes , anlerieurement a ce regne, n'aient nourri dans le coeurdes nobles Mosco- viles,de Faversion ponr un lei voisinage.il en resulla line sorte de haine nalionale, dont Alexis, le pere du Czar , donne la niesure , par la ligue qu r ii provoquait en Europe, contre les Ottomans, la terreur du nord dans le dix-^eplieme siecle. Ces passions violenles durent faire nailre en Russie, non-seulemenl le desir d'etre debarrasse de ces odieux rivaux, mais encore^ le projet deles chasser de Conslantmople r el de lea y remplacer. On a vu que le bisayeul de Pierre, etait un arche- Teque,et deplus, ambassadeuren Pologne,dansun temps ou cetle cour, unedesplus brillantes et des plus eclairecs de FEurope j opposait une cavalerie noin- breuse et aguerrie aux incursions des turcs en Aiio uiagne. Le pcre Romano dut puiser a celte double ecole du sacurdoce x et de la poiilique polonaibc, ia O 4 216 SYSTEMS MARITIME haine du nom ottoman , et donner en consequence, des instructions a son ills , qui furent transmises d'a- borda son premier successeur, Alexis, el parvinrent cnsuite , par tradition , a Pierre premier. A peine esl-il sur le trone , qu'il assiege et prend 'Asoph , des 1696 , dans 1'esperance, dit le marechal de Munich, d'aller un jour regner a Constantinople. Ainsi, cette fievre ardente de Pierre, pour la crea- tion d'une marine Russe , s'explique par la nature des projets qu'il mcditait pour detroner le sultan , et transplanter ainsi la cour russe,desglaces de Moskou ou de Pelersbourg , sous les climats fortunes de 1'an- cienne Bjsance. Dans ce sysleme , Pierre n'est autre chose qu'un conqucrant qui, combinant ses moyeris d'attaque , prepare a 1'avance de nouveaux instrumens de vic- toires, aulieu de fondre aFimproviste sur 1'ennemi avec de grandes armees , comme firent les turcs ou scythes, lorsqu'ils envahirent el detruisirent Pempire Grec. La perte de la bataille de Pruth lui fit senlir, sans le decourager , qu'il fallait renoncer pour long - temps a Fespoir dc releguerles turcs en Asiej mais Pimpul- sion etaitdonnee : Pierre continuad'etendre ses nou- velles institutions maritimes etpoliliques , persuade sansdoute qu'en accroissant conlinuellementses for- ces militaires , de quelque nature qu'elles fussent , tandis que la Porte voyait journellement s'affaiblir 1'ancienne reputation de ses armes, il en naitrait des avantages certains pour 1'empirerusse, dont sessuc- cesseurs sauraient bien profiler. ET POLITIQUE. 217 Le systeme maritime de la Russie futainsi , parsa nature , depuis sa creation jusqn'a la inort de Pierre premier, un systeme de marine absolument militaire et essentiellement conqueranle. Nous aliens voir ce que ce systeme deviendra dans les deux epoques sui- v antes. La troisieme epoque de Fetal politique moderne de la Russie , comprend un espace d'environ r 6j annees , depuis la mort du czar Pierre , jusqu'au regne de Pimperalrice Catherine II. Dans cet intervalle, dit Voltaire, lepalaisaea des revolutions , 1'etat n'en a eprouve aucune. La splendeur de 1'empire russe s'est augmentee sous )) Catherine premiere. II a triomphe des turcs et des Suedois sous Anne Petrownaj il a conquis la Prusse )> sous Elisabeth , et une par lie de la Pomeranie j il a joui d'abord de la paix , et a vu fleurir les arts sous Catherine II. Une des premieres opera lions importantes d'eco- nomie commerciale adoptee par les succt-sseurs de Pierre, fut la revision, en 1728, du larif de 1724, promulgue parle Czar, et un reglement volumineux en quatre-vingt-dix-neuf articles, etabli en 1729, pour la marine, dans tout 1'empire russe. Le commerce de la Chine fixa egalement ratten- tion de la cour de Peter.sbourg. Les negociations en- tamees sous Pierre l er , furent reprises par une am- bassade cnvoyee a Pekin en 1728. Un traite du i4 oclobre de la meme annt-e, dclcnuina de nouvelles 2l8 S Y 8 T & X Z MARITIME limiles. Nous remarqucroiis que quoique la cour de Russie eut obleuu le droit d'envoyer une caravanne tous les trois ans , on n'en compte eependant que six de 1728 a 1766. Quelques annees apres Fenvoi de cetle derniere, il s'eleva de nouvelles plaintes des Chinois,sur les fourberies des Russea. Les deux em- pires etaient sur le point d'une rupture, lorsqu'Elisa- belh mourut. Sous son regne , les Anglais oblinrenl , en Russie, tous les avantages commerciaux que leur avail enle- ves la concurrence des autres nations, sous les regncs precedens. Cette imperatrice leur accorda, en 1742 el en i755,le renouvellement du traile de commerce qu'ilsavaienlconclueni734,avecla czarine Anne Pe- Irowna. Pour leurfaciliter tous les imryens d'clendre leurs operations, les privileges retires par Pierre l er , au port d'Archangel , lui i'urent reslitues en 1 762. Ces ambilieux insulairesiirentde nouvelles lenla- lives pour etablir un commerce direct avec la Perse, par la Russie. Les deux empires s'elaien t lies par deux trailes de paix et d'amilie des annees 1729 et 17^2, apres s'elre dechirespar des guerresmeurlrierespour la Russie, qui, dit-on, j perdil plus de i3o mille homines, depuis 1722, jusqu'en 1732. Les Anglais crurenl done le moment favorable pour le succes de leurs en [reprises. En consequence , 1' Anglais Elton eqnipa, en 1742, un excellent vaisseau , avec une riche cargaison. 11 fut tellemenl accueilli , qu'il deviiil amiral de Perse r ET POLITIQUE. 21Q ce qui donna des inquietudes a la cour de Petersbourg. Ces craintes laporlcrent, en 1/46, a defendre aux Anglais la navigation de la mGr Caspienne. To IKS ces soins ne detotirnerent pas les successeurs de Pierre des moyens d'assurer la paix avec leurs voisins d'Europe, en terminant des guerres avanla- gcuses,pardes traites de paix plus profitables encore, tels que celui de 1740, avec la Prusse, et le traite d'Abo, conclu en 1745, avec la Suede. L'execution du projet favori de la Russie , contre le Turc , projet en quelque sorte legue par leCzar, ne fut pas oubliee. Des prelentions respectives de limites allumerent, eutre la cour de Pelersbourg et celle de Constantino- ple une guerre sanglante qui ne fut terminee que par le Jraite de Bellegrade, en 1739. line procura aucuns avanlages marques a la Russie. On estime que cette guerre lui couta, pendant les cinq annees de sa duree, plus de 200,000 soldals, in- dependarnment de dix a douze mille matelots formes dans les campagnesd^inslruclion sur lamer Ballique, et qui perirent dans la mer d ; Asoph , ou le gouverne- mtnl les envoya pour montcr de petites floltes qu'il armait contre les Turcs. Mais ce sont la de faibles sacrifices en hommcs et en capilaux, en comparaison des perles de meme nature, que la Russie a essuyees posterieurement , en cherchant a rcaliser les plans census par Pierre premier, pour s'emparer de Constantinople. Nous allons rappeler comment un projel aussi ex- traordinaire ,est devenu vraisembluble, dans la QUA- 220 S Y s T E M E MARITIME TRIEME EPOQUE, depuisl'avenement de Catherine II, en 1762. Deux idees-mercs paraissent avoir doinine ceUe imperatrice, dans loute sa politique. La premiere lui a etc transmise, en quelque sorte, par droit de suc- cession : c'esl celle de remplacerle Turc et a Conslan- tinople et dans la Mediterranee. En effet, Catherine est devenue maitresse absolue de Pempire russe , au mois de juillet 1762 , et nous avons vu , par la leltre dont nous avons deja parle , que , des le mois de sep- tembre suivant, le marechal Munich , un des princi- paux acteurs sous Elisabeth , dans la guerre des Turcs , terminee par la paix de Bellegrade , flaltait son auguste souveraine dc I'espoir, de la possibi- lite , de la facilite meme > de conquerir la Crimee. Ce projct etail done devenu la base de la politique de la cour de Russie ; c'etait , en quelque sorte , un plan national , donl il n'elait pas au pouvoir de Catherine de s'ecarler , si elle voulait capliver la bienveillance de la noblesse russe , et des grands proprielaires fon- ciers ou industrieux, qui se flattaient, lesuns, de voir transporter sous le climat fortune de Constan- tinople , les plaisirs de la cour ; les aulres , de parve-- nir a transplanter le centre de leur Industrie, ou le principe de leurs richesses sur les eaux paisibles, et presque toujours navigables, de la Mediterranee. I/imperatrice avail trop besoin de menager celte dis- position des esprits , pour abandonner un plan , qui remplissait d'exaltation et d'enthousiasme tout ce qu'il y avail en Russie d'etre pensans ou sentans avec ET POLITIQUE. 221 energie , et qui se pressaient autour du Irone. Le ca- ractere de Catherine la portait aux enlreprises har- dies , et elle ne se dissimulail pas que , pour faire mar- cher, vers un grand but , la masse des volonles dans un grand empire, il fallait offrir a la divergence des idees un point de reunion, qui eiit pour objet, tout- a-la-fois, la gloire et la prosperile nationale. C'est avec ce talisman que Pierre , au commencement du dix-huitieme siecle , avail montre a 1'Europe la no- blesse el le negoce cheminant a grands pas vers la civilisalion , chez un peuple jusques la enseveli sous les glaces d' Archangel el dans les deserts de la Siberie. La seconde idee politique , qui s'empara de Fame vigoureuse de Catherine IJ , nese developpa qu'a Fe- poque de la guerre americaine. Les principales puis- sances maritimes ayanl pris part a cetle grande cause, celles qui resterent neutres , parliculierement dans le nord , chercherent a faire tout le commerce de 1'Eu- rope, et se liguerent pour proleger la liberle des mers. Calherine donna, en 1 780 , 1'impulsiona ces acles de neulralile , qui furenl envisagees difleremment par les puissances belligcrantes ( ^ ). La part que prit le (*) Cette neutrality armee etait dirigee centre 1'Angleterre , qui en etait tres-mecontente, et le cabinet de Versailles etait 1'instigateur. Mais tel fut le peu de succes de la ligue entre la Russie , le Danemarck et la Suede , soutenue de 1'union de la France, avec 1'Espagne et la Hollande, que 1'Angleterre cut I'adresse de ne donner que des reponses evasives. Elle le fit par ctlle du niois de juillet, a la declaration de S. M. Sucdoise, ef SYSTKME MARITIME pavilion russc dans la navigation generale, lui lit partager 1'emulalion des a u Ires nations mariiimes, lors de la pacification dc 1783. Toutes redoublerent d'ardcur dans leurs speculations commerciules, et Fimperalrice publia un grand nonibre d'actes diplo- matiques, et de dispositions legislatives, qui len- daient a favoriser celles dc ses sujets. Ainsi , toule la polilique de son regne, relativement a la perfection d u. system e maritime et polilique de la Russie,fut de realLser les conqueles projetleespar le Czar Pierre, et de preparer les llusses a en recueillir les fruits, en donnant la plus grande extension possible a leur commerce aclif et passif, soil avec les Europeens, soit avec lespeuples d'Asie, limitrophes de son em- pire. La courte duree du rcgne de Pierre III avail siiffi pour assurer la tranquillite de la Russie, du cole de la Prusse, au moyen de la paix de 1762 , que 1'en- thousiasme de cet empereur , pour Frederic, le porla a lui olfrir aussitot la mort d'Elisabetli. Celle paix par une convention du 4 juillet de la meme annee, avec le Da- nemarck , explicative de leur traite de commerce de 1 670. L'empereur , les rois de Prusse , de Portugal et de Naples adopterent en 1781 , 1782 et 1783, le meme systeme, qui , en defmitif, aurait du obtenir 1'assentiment general, parce qu'il tendait a proleger la navigation des batimens neutres, et a fa- ciliter, par-la, les transactions commercials* des puissances belligerantes. ET POLITIQITE. fut suivie cVun traite d'alliance, conclu , en 1764, entre la Prusse et la Russie , prelude de cet accord qui regna bientot enlre les deux puissances, lors- qu'elles se concerlerent, en 1769, pour le premier partage de la Pologne , qui fut -definilivement con- somme par 1'acle de cession de la diete de 1 773. Quelques discussions delimites ou de preventions tcrritoriales furent reglees en 1762, avec la Cour- lande, d'apres une precedente convention de 1756, et ces deux actes en amenerent un troisieme de Tan- nee 1783. D'un aulre cote, par le traite Kainardji, du 2 1 juil- let 1 774 , Catherine H oblint de la Porte la liberle de navigation dans la mer Noire 5 mais ce n'etait qu'une pierre d^altenle pour oblenir ou conquerir de nou- veaux avantages : car elle savait que son commerce, dans la mer Noire, ne serait profitable, qu'autant qu'elle serait maitresse des points de communication avec la Mediterranee. Les hostilites recommencerent done bienlol dans cetle vue, et un second' traile de 178.0, porlant cession a la Russie, de la Crimee qu'elle avail envahie, delruisit la plupart des obsta- cles qui s'opposaient a cc que les ports qu'elle posse- dait, depuis la precedenle paix , dans la mer cVAsoph et sur la mer Noire, devinssent le centre des echan- ges du nord et du midi. Une nouvellc tentative, de la part de la Russie, sur les possessions lurques . ame- na la pacification de Jassy, confirmative de toutes les concessions precedenles, et du privilege acquis a la Russie, denavigucrlibreincntdans louleslesiuers SYSTEMS MARITIME turques. Celte faculle fut commenlee fort au long dans des traites et conventions de commerce con- clus entre les deux empires, apres la cessation des lioslililes, aux trois dernieres epoques de 1774 a 1792. L'imperatrice, fiere, en quelque sorle , de 1'acqui- sition de nouveaux domaines commerciaux et ma- ritimes, sembla vouloir se debarrasser du monopole que les Anglais exercaient en Russie. Le traite de commerce de 1 766 non-seulcment as- surait a la Grande-I3retagne d'anciens privileges , mais lui accordait encore de nouveaux avantagcs pour vingt annees. Le moment de son expiration , en j 786 , fut saisi par Catherine , pour etablir une concurrence nouvelle dans ses etats. Elle refusa cons- tamment de renouveller son traile avecl'Angleterre , aux termes de celui de ] 766 , et elle en fit un parti - culier avec la France, base sur 1'interet reciproque des deux nations, qui , depuis pres de deux siecles, rechercliaient des liaisons directes , sans pouvoir se reunir, par les obstacles qu'y apportait la cour de Londrcs , Fennemi commun. La revolution fran^aise lit devier la Russie de ses veritables principes , et TAngleterre obtint, en 1793, le renouvellement du traite de commerce de 1766, tandis que la France vit prohiber tout son commerce dans cet empire. L'ardeur de la cour de Petersbourg a poursuivre des succes commerciaux el marilimes, apres la pa- cification generate de 1783, fut telle , qu'elle fit des trailes E T POLITIQUE. 225 trailes de commerce avec Jesprincipales nations com- mercanles. Le Danemarck et la Russie s'etaienl i;nis des 1782, en consolidant un traile provisionncl de 1 767. L/Aulriche obtint aussi un traite en 1 786. Les Deux-Siciles s'en procurcrent un particulier en i 787, ctle Portugal signa le sien en 1788. La Pologne, et la ville de Danlzick en parliculier, se procurerent par inlervalles, en 1784 et en 1793, quelques bons offices, plus ou moins .sin ceres, de la Russie j mais en 1796 , 1'une et 1'autre disparurenl enlierement de la carte politique de 1'Europe. Les observateurs remarquent que Ics succes de la Russie sur la mer Noire, lui ont coiite treize cent mille hommes,en moins devingtannees, el un grand n ombre de matelots, ou plutot de paj r sans serfs , qtii, com me dit Mirabeau , ont ordre de devenir matelots. LaCzarine en fit passer, en 1775, cinq mille a Ta- gaunok , cl en 178^, dix mille qui devaient en memo temps devenir agriculleurs. Le commerce leplus varie, le plus etendu et le plus riche de la Russie, est celui de la mer Baltique, dont le port de Petersbourg est 1'entrepot principal. La marine marchande de la Russie pour les grands trajels de mer, n'y montait , en 1776, qu'a 16 ou 16 valsseaux, dont les deux tiers destines pour Bor- deaux et la Hollander cesbatimens sont de 200 ton- ncaux. Les deux tiers des matelols doivent etre russes suivant les reglemens j mais le capilaine et le pilota sont comunement elrangers. Des negocians elrangers sont les proprietaires de P 226 S Y 8 T M E MARITIME ces navires qu'ils cliargenl pour leur compte. II est diHicile d'apprecicr avec exactitude ce que le fret leur coute , attendu qu'ils sont dans la necessite d'en- trelenir les equipages pendant le cours de Fannee. Le fret leur revient plus cher qu'anx Hollandais, aux Danois el aux Suedois. 11 est vrai, ajoiitc Leclerc, qu'ils sonlainplemenl dcdoinmage.s par les privileges que les ordonnances de Pierre l er . el de I'imperatrice Anne leur out accordes. To u les les Ibis que la cargaison du vaisseau est prouvee apparlenir a un negociant , il ne paie que le quart des drolls de sorlie , et les trois quarts des droits d'entree j au lieu de cent vingt-cinq kopeks de douane que les elrangers paient pour chaque rix- daler, les commer^ans russes ne paient que qualre- vingl-dix kopeks, ce qui fait une difference de t rente-cinq kopeks sur chaque rixdaler. 11s out obtenu , le 27 seplembre 1782 , une remise de moitie pour les droits dc sortie. Les etrangers reclamerent, en 1774, centre les privileges exclusifs dont jouissaicnt les Anglais dans leur commerce en Russie, el principalement dans le mode de paiement des drolls de douane 5 mais ils n'obtinrenl alors aucune satisfaction. Cependanf , depuis la pacification de 1783 , ainsi qu'on 1'a vu, la Kussie adopla des principes de concurrence plus conformes a ses inlerets, soit en rcfusant de renou- veler avec 1'Angleterre son traile de commerce sur le meme pied que celui de 1766, soit enfin en etablis- sant des relations directes avec les principaies puis- sances mariliincs de 1'Europe. ET POLITIQUE. 227 Ce nouvel ordre de choses parait avoir ele favo- rable a la marine russe; car on cslimail, en 1/84, a quatre-ving-un balimens, le nombre des navircs appartenans a des negocians russes , d'apres un re- leve fait a la douane de Cronsladt et de Petesbourg. II en resulte , qu'en 1786 , il est enlre six cens trente- neui naviresj savoir, trois cens quaranle-neuf an- glais , quaranie quatre russes , et deux cens quarante- six autres batimens de toutes nations, dont seule- ment quatre francais et neuf espagnols. Le cabotage entre les provinces maritimesoccupe deux cents galiottes de vingt a trenle tonneaux , et servant annuellement d'allege aux vaisse.aux etrangers. Pour faire fruclifier ses nouvelles acquisitions vers la mer Noire, Catberine II publia un edit le 21 fevrier 1784, qui pcrmet a tons etrangers de tens pajs et de toutes nations , un commerce fibre et illimite , tantparmerqueparteriv , dans les dijJTJ- rentes contre'es , sur la mer Noire, qnl menjient d'etre annexees a I'cmpire russe , leur assuranl spe- cialemenl les ports de KI:RSON , K^Ti/jRiyosL^p , SEBJSTOPOLIE (aulrefoisappdee Aklior), et THEO- DOSIE ( Kafa ) , tons deux dans la province de Tau- rique , oil Us petivcnt re side r et jouir des merries immunites et privileges civils et rejigieux qui leur. sont accordes a Petersbourgct a ^f'rchangel. Par loutes ces combinaisons, calquees surlapoli- tique coramercialc desaulreseuroperns, Callierinc II cst pars cnuc, ii force d^arl, a creer uri sysleiue mari- P 2 228 S Y s T M E MARITIME time dorit nous allons sender la consistance , en ana- lysant ses parlies elcmentaires. Les forces maritimes de la Russie, au moment de la revolution franchise, consistaient,(en 1791 ),y compris sa marine sur la mcr Noire, en 67 vaisscaux deligne de no a 66 canons j 36 frcgales de 44 a 28 canons, et 700 autrcs balimcns de loule grandeur , commc cutlers , brulots , chaloupcs , pramcs et navires a rames : le tout arme de 8 a 9000 canons , ct monte dc 2 1,000 matelots. Lcs desavantages de la Russie sont immenses , et presque insurmontables dans la carriere de la navi- gation. Le territoirc dc cet empire est presque sans bornes : separe par dcs forcls considerables, divise par de vastes de.scrts , coup6 par des rivieres , des ileuves et des canaux glaces 6 a 7 mois j baigne par quatre mers, non-compris celle du Kamchatka , oil la marine russe reste prisonnicre presque la moitie de 1'annec j sans peches , sans cabotage interieur ni ex- terieur j sans matelots , puisque les transports les plus actifs se font par traineaux durant les longs hiversj comment avec tant de privations nauliques , obtcnir des elablissemens maritimes durables , et , pour ainsi dire, generateurs les uns des autres? Le climat, la nature du pays, etTetatmeme des per- son ncs,forment,comme 1'on avu par-lout cc qui pre- cede, unecliained'obslacles qu'une politique extraor- dinaire et soulenuepar la perseverance d'nn siecle entier, aentrepris desurmonter. Les elrangers ont etc constamment appeles comme auxiliaires pour 1'oxe- BT POLITIQUE. 229 culion du plan de marine, concu par Pierre , et suivi par ses succcesseurs. Le gouvernementrusse ncpou- vail pas esperer des nalionaux, loute 1'ardeur qu'il desirait exciter pour Iz navigation , puisqu'indepen" dammenl de ce qu'il n'existail pas pour le peuple, de veritable ecole navale , ce peuple courbe sous la ser- vitude, ne pouvail clever ses idees au-dessus de la glebe, a laquelle il etaitperpeluellement attache. 11 suffit pour senlir tout le poids dc cefte privation d'es- prilpublic, dans la masse des liabilans enRussie, de se rappeller que sur une population totale,estimee au plus bas , a i4 millions d'ames , en 1/64, avant les trois dernieres guerres avec le turc , il y avail 12 mil- lions de serfs , Go mille nobles, 100 mille moines on pretres , etc. Aussijloulel'efficacile des efforts failsparlaRussie, pour se creer une marine mililaire , a consisle dans Tart de consommer des hommes , en leur donnant une direction forcec par la puissance despolique de son gouvernement. On eslimea 2 millions celle con- sommation d^hommcs dans ce siecle , causee par les guerres conlre les turcs. Ces guerres, comme on a vu, onl leur source dansle desir dc satisfaire la haine nationale , et de remplaccr dans une region plusfor- luuee, un ennemi qu'on esperait de relegucr plus loin. Catherine II s'est servie habilement , pour ce dou- ble but, de lous lesmoyens qui lui onl etc leguespar ses prrdecesseurs, ct en a creede nouvcaux, (ant par la superlorile de ses uegociations et de ses alliances, S Y S T fc M E MARITIME ([tic par I'aclontion cl 1'appliealion a son empire, des lois modernes cconomiqucs. L'cspril d'imitation est venu a son secours, comme il avail dominc dans les instil u lions de Pierre premier. Or les autrcs euro- pecns ayaul eu du succes, dnnsla promulgation de semblablcs institutions, il clait nalurcl que le gou- verncment rus.se, qui rhrrchait a s'aider des lecons de 1'cxperience, en poursuivanlle plan vasle d'hos- tililequ'il avail concu^pril pour module les Hollandais etles Anglais, sesheureux devaneiers dans la carriere navale. Ce plan nous est devoile des son origine, par la Ictlre du mareehal d< Munich , coniempbrain de Pierre premier. 11 n'est pas, dans I'ohjeldc la presenle analyse, dechercher si Pierre ou Catherine auraient du sacriiler ces senlimens de liaine nationale el de convoilise , a 1'egard dela Porte , a nn ineilleur plan de gouverneinenl pour le bonheur des Russes. Mais on appercoil evidemment que celle ardeur de ven- geance el de eupidite tine fois exeilee el nourriepar tout cc qii civait d'cncourageant IVxemple de* autres peuples, le systeme de marine mililaire adopte par la Russie, comme moyen deconquele,devenailun le- vier puissanl da des mains habiles ; sur-loul enle dirigeaiil contre la nation turque, donl lesinstitulions depuis long-temps slalionnairf s , el par cela seul re- in'gadcs, K ndairnt de jour en jour plus impuissantc, sa laclique sur mer el stir terre. Les perles en homines el en argent , faites par la Russie,lui.seronl rendues au cenluple, si elleobtient a proie qa'eile pourjuit depuis si long-lemps. ET POLITIQUE. 23 1 Ledix-neuvieme siecleverra sans doute le denoue- ment decelle tragediepolilique: mais on sera oblige de conclure, pour le moment, quc la Rnssie s'est trouvee dans le dix-huilieme, p;*r la nature des clio- ses , par la force des circon.stu.nces, en elat de guerre presque inevitable contre le Turc j si 1'on considere quecelui-ci, ens'emparantde Pempiregrec, adeplace un allie de la Moscovie , par d'anciens trailes , et des le jo*, siecle. La Russie avail done des vengeances a exercer, une haine nalionale et religieuse a assouvir, un bel heritage a esperer. C'en est a.vsez sans doute , dans les passions des honimes , pour y nourrir do vastes projels de conqueles. Enfin , tout ce qui precede prouve que la cour dc Petersbourg a mis au ncmbre de ses moyens possi- bles de succes , la creation, a quelqne prix que ce fut, d'un systeme maritime, puremenl militairej sjstcme juge extravagant , en ce qu'il est contrarie par la nature du climal, du pays, et par Fetal desperson- nesj raais sj'slenie regardeseulemenlcomme extraor- dinaire, d'apres son but. Ce systeme serait, sans doute, bientot dissous, s'il n'elail point aliinenle par 1'esprit de conqueie , qui , ainsi que le ianalisme re- ligieux on poliliqtie, n'epargne ni 1'argent, ni le homines. P4 S Y s T M E MARITIME C II A P I T R E XVIII Les Etats-Unis de V^imerique. LS Anglais, persecutes dans leurpatrie,pourleurs opinions civilcs et religieuses , se refugierent,comme 1'onsait , sur les cotes de I'Ainerique septenlrionale , versle milieu du dix-seplicme siccle , et devinrent , sinon les premiers , au inoin.s les plus utile Ibnda- teurs de ces colonies florissantes que la metropole a perdues de nos jours , par execs d'orgueil etdecupi- dite. Acliiellementindependantes, el constitutes sous le riomD'ErATs-UNiSD'AMi;RiQU, elles coniprennent Ireize etats parliculiers, dont les cinq situes vcrs le Nord,sont : Newhampshire,Massachussct, Rhode- Island, Connecticut , et New- Yorck ; quatre au cen- tre, New-Jersey , la Pensilvanie, la Delaware et le Maryland ; enfin , qualre autres vers le Sud, la f^itginie , les deux Carolines et la Georgie. Les anciennes colonies anglaises n'ont pas toutes etc fondees par les soins du gouvernement britanni- que j mais comme le remarque judicieusement un memoire ofliciel que nous ferons servir a la plus grande precision de cette anal3 r se,le cabinet britan- nique n'a pas tarde a Icur appliquer a toutes , les principes qui ont dirige les europeens dan.sFelablis- sement de Icurs colonies. II a voulu quei'Angleterre exercat le double monopole,de vendre exclusivement ET POLITIQUE. 233 ses propres marchandises aux colons , et cFen tirer seule les denrees et malieres premieres. L'agricul- ture estdonc le seul genre d'industrie que le gouver- nement anglais ait encourage. La Nouvelle-Angleterre , qui coraprenaitles elals de Newhampsliire , M. assacliusset , Rhode- Island et Connecticut , doit ses pecheries et sa navigalion ;i la force des clioses plulot qu'a la bonne volonte par la force de cetexemplejeLlesdestinees glorieuses du genre humain, y reposeront alors, comme dans TEurope moderne, sur 1'exercice de nos facultes in* tellectuelles qui se partageront en ramifications in- uombrables. *46 SYSTEMS MARITIME CHAPITRE XIX. La France. XL ne fautpas chercher en France de traces d'aucun systeme economique , avant le commencement clu dix-sepliemesiecle. Ce systeme quifutagricole sous le rainistere de Sully , manufacturier sous 1'admi- nistration de Colbert , est devenu essentiellement co- lonial sous Louis XV; mais dans aucun lemps, il ne futserieusement maritime. Un pays vaslc, riche en productions, inepuisable d'hommes, touchant aux trois grandes mers qui voient circuler tout le com- merce du monde , derail alteindre leplus haul degre de pro.sperite , en combinant dansun meme plan , la science agricole^la. faculte manufacturiere, les res- sources coloniales , el la puissance maritime, ces quatre eleraens de la force essentielleet comparative des nations modernes. Qui ne sail comment ces germes de fecondite ont ete etoufiesen France par le genie fiscal qui y a cons- tamment inspire les plans d'administralion , et para- lyse ainsi tout ceuvre de bien public? Qu'esperer au surplus d'un peuple , dont ioule Fhistoire polilique , jusqu'au moment de la revolution, pent se reduire a ce peu de paroles pleines de sens d'un penseur moderne? Ces peuples(les frangais,)dociles au joug et faciles a satisfaire , ont eu une valeur romanesque sou* ET POLITIQUE. des rots chevaliers $ des idees guerrieres sous des princes ambilieux et conquerans j un caraclerc nul et enerve sous d'indolens monarques : on ne trouve dans leur historic aucune epoque ou ils aient eu )) des idees veritables du bonheur public , et d'une liberle civile qu'ils connaissaientasscz peu pour ne )> Favoir jamais definienisentie. De-la, leur enlhou.- )> siasme continuel , et le defaut de ce qu'on appelle )) a Londres ESPIIIT TUBLICJ expression vuide de sen* )) a Paris , et qui y scrait applicable tout au plus aux ); eiiets du zile evenlucl d'un lieutenant de police . Comment eel esprit public pouvait - il germer au seind'un million d'hommes rassembles dans un centre commun , afm d'admirer perpetuellement et de plus pres , un mailre dont tout 1'embarras oulessoins pa- lornels dans le gouvernement, se bornaient a nourrir, a bon marche , le peuple nombreux et soumis de sa bonne ville de Paris ? Comment cet amour de la pa trie pouvait-il se communiquer de la capitiile dans les provinces, lorque ions les echos litres , salaries y pensionne's , celebraient a 1'ienvi les bienfaits de leur souverain, cette negligence d'un systeme de politique navale, adapte a noire situation, comme puissance agricole, manufacturiere , coloniale el maritime* Nous aliens suivre celles auxquelles le gouvernement a eu re- coiirs a differentes epoques. Nous avons dcja donne dcs developpemens sur celte matiere , dans un ou- vrage elendu , qui Iraile de loules les parlies de la richesse publique en France, au commencement et a la fin du dix-lmilieme siecle (*). Nous crojons qu'il serait difficile d'en suppleer Petude , pour tout Francaio qui voudr* connailre noire position recente, economique, et ensuile utiliser les resultats relalifs a la navigation , qui vont en trer dans la composition, de la presenle analj^se. Lor.sque les historiens , est-il dit dans 1'ouvrage sur la Balance dti commerce de France , nous par- lent de dix-sept cents batimens armes , sur la tin du douzieme siecle, par Philippe-Auguste, centre le roi (*) De la balance du commerce et des relations commercia- les extetieursy fie la France dans ton les lea par Lies du globe,. particulierem?nt a li, Jin du regn e de Louis XIF" , et au mo- ment di la revolution ; le tout appu ye de notes et tables raison- nees authantiques sur le commerce et la navigation , la popu- lation, le produit territorial et de 1'industrie, le prix du bled, le numeraire, le revenu , la depense et la dette publique de la Francea cas deux epoques , avecla valeur de ses importations et exportations progressives, depuis 1716, jus,qu'en 1788 inclusi- vement. A Paris, chezBuisson , libraire-imprimeur, rue Haute- feuille , n. 23. a vol. in-8 1 . et i vol. iu-4'- contcnaut cai-tes et des tableaux. E T TOLITIQtJE. 253 d'Angleterre ; lorsqu'ils raconlent 1'expedition de Louis IX pour la Terre-Sainle 5 1'embarqueinent a Aigues-mortes , de soixanle mille hommes; le depart de Clrypre avec dix-huit cents vaisseaux, et qu'en- fin , ils font mention de la descente projettee en An- gleterre par Charles VI, qui avait rassemble quinze cents batimens apres le milieu du qualorzieme sie- cle, on nepeutpas conclure, de ces faits , qu'il exis- tait alors line marine francaise permanente . Tous ces armemens elaient des coups de force , prepares a 1'avance, et qui disparaissaient avec 1'en- treprise extraordinaire a laquelle ils avaient etc des- tines. D'ailleurs,laplupart de ces balimens n'etaient que des berges de cotiers , c^sl-a-dire , de grandes chaloupes ou barques a trois mats. Les autres, d'une plus grande capacite, avaient ete emprnntes aux Veniliens, aux Genois, et aux Pisans j el memc, pour 1'expedition de Charles VI , aux Hollandais et aux Zclandais , qui s'enrichirent par le seul prix du fret, qu'ils se tirenl sagement payer d'avance . Les faibles commencemens de noire marine , soil commerciale , soil militaire , car elles sont une con- sequence 1'une de Faulre, ne remontent pas au-dela du regne de Louis XIV , sous le ministere de Col- bert j mais son existence avait ete preparee, soit par quelques dispositions sages, soit par les faules des regnes precedens , qui lirent nailre Fexperience do son ulilite , des calami les memes eprouvees par les pen pics. Avanl Tacte de navigation de la Grande-Brctagne, 254 S Y S T A M E MARITIME les peuples comniercans , ou a porlee de le devcnir, avaient deja senli combicn il Icur imporlait de se sousti a ire a la m-.ccssile de frcter des batimens etran- gers. Henri 11 Favait dcfendu aux Francais, sous peine de confiscation des vaisseaux et des marchan- dises par sa declaration du 8 fevricr i555j et Charles IX renouvella cette defense, et ordonna meme qu'on ne poirrrait enlever aucune denree ni marchandise de i ranee , qu'avec des navires appar- tenans a ses sujets, excepte le scl , dont IVxportation fut declaree libre. (Declaration du 8 fevricr 1,567.) Mais ces lois prohibilives ne pouvaienl alors etre raises en execution 5 et, loin d'etre utiles, elles de- venaientnuisibles a un royaume dont le commerce elail a naitre, el que de sanglantes discordes allaient precipiler vers saruine (*). D'autres passages du traite de la balance da com- merce et de Vhistoire de la puissance navale de r^4ngleterre , vont nous fournir la suite des details (*) Jl'ialoire de.i progre.i de la puissance naval 'a de V Angla- terre, ( 2 vol. in- 12. London, 1782. ) Cette histoire contient des recherches exactes et de judicieuses reflexions sur la ma- rine des principales puissances de 1'Europe. Nous n'avons eu garde de negliger un travail aussi precieux , fait, a ce qu'il nous a paru , par un homme qui reunit ]es lumieres de 1'art, aux connaissar.ces administratives. Si cet ouvrage n'eut pas existe, notre plan fiitreste sansdouteincomplet. Rien ne prouve mieux 1'insouciance des Francais pour ce genre dc nitrite, que le si- lence garde dans le moment actuel, par nos ecrivains, sur cet important ouvrage, qui met dans un si grand jour I'anibition et le despotisme maritime de la Graiide-Bretagne. ET POLITIQUE. 255 tjue nous avonsbesoin de reraettre ici sous les jeux du lecteur. Henri IV semble elre le premier qui ait appuye d'un systeme reflechi les fondemens qu'il essaya de jeter d'une marine frangaise centre Popinion de son ministre et malgre les oppositions des parlemens j il ordonna, en 1 6o2,d'exiger sur les vaisseaux etrangers, les memes droits d'ancrage atixquels ils avaient assu- jeti le noire. L'esperance d'obtenir une force navale disparut par la mort de ce monarque . Le commerce maritime tomba dans un tel asser- vissement, que 1'assemblee des notables de 16:26 supplia le roi d'entrelenir, dans ses ports et havres, des vaisseaux de guerre gardes-coles, en nombre suffisant pour purger la mer des pirates qui infes- taient nos cotes. Les elals-generaux dc 1627 furent encore plus precis en reclamant, dansleurs delibe- rations, une flolte annuelle de quarante-cinq vais- seaux. Sur la demande du parlement de Provence , le gotivernement sc vit force , dans le msme-lemps, d'acheler sept vaisseaux en Hollande pour croiser dans la Mcditerranee . Le cardinal de Richelieu se fit bien nommer , a celle epoque, surintendant du commerce etdela navigation (il entreprit ineme alors la construction de sept vaisseaux de guerre) j mais son titre n'empe- cha pas les Anglais, en 1627, de piller nos vaisseaux; et comme si le ridicule d'une fantaronnade pouvait masquer toule Pimpuissance du gouvernement, le premier ininisLre ordonna des represailles sur le* 256 SYST&ME MARITIME navires anglais , tandis qu.e nous n'avions pas uno escadre a mettre en mer. Cependantccs efforts dus aulant au desir de reduire lesprotestans de la Rochelle qu'au besoin d'ecarler de nos coles 1'ennemi exlc- rieur, ne furent pa.s enlierement inutilesj dans 1'espace de deux ans on parvint a former une escadre de vingt-trois navires de guerre mouilles a la rade de Brest, jusqu'alors la retraite de quelques misera- bles pecheurs. C'est a de pareils efforts quc la France clut , sous ce regne , plusieurs victoires navales , et les avantages signales que remporlerent , sur les ospagnols, P ON T- Co URL AY , general des galeres , "SouRDis f archeveque de Bordeaux , et le marquis DE BREZ&. Le surintendant Fouquet combina de nouveaux moj^ens en faveur de la marine francaise. 11 etablit , en 16^9, un droit de cinquanle sous par chaque tonneau desbalimens elrangersquinaviguaientdans DOS ports. Ce droit etail destine a assurer la prefe- rence aux navires frangaiaexempls de ce droit pour le transport des marchan discs commercees avec Te- tranger. Celte loi main.tenue etperfectionnee cut pu, devenir, pour la France , 1'equivalent d'un aclc de navigation )>. Telle etait la position de la marine francaise , lorsque Colbert fiit charge, en i664, de son admi- nistration. Toute marine ne peut-elre fondee que par de* matelots cxperimenles et apprivoises avec 1 J element el par des vaisseaux ai'incs. Aussi, le premier soin de ET POLITIQUE. de Colberl fut-il d'abord de provoquer la construc- tion de navires marchands , et de creer des naviga- Icurs. A cet efFet , il fut accorde a lout negociant qui i'erait constmire en France des navires de cent a deux cens tonneaux, cinq livres de gratification par tonneau : elle fut fixee a six livres pour les vais- seaux d'un plus grand port, et a qualre livres pour les balJmens conslruiLs dans I'elranger, mais dont la propriele serait constalee appartenir a des frangais, sans que les etrangers y eussent aucune part. D J ua autre cote, pour amener dans nos ports Fabondance de munitions navales , et engager nos marins a les aller chercher directemenl et economiquement dans las mers perilleuses du Nord, il fut fixe une grati- fication , trop faible a la verile , de quarante sous par chaque tonneau , a loulbciliment frangais,monte par un equipage frangais qui parlirait pour la mer Baltique, a condition de revenir a pleine charge avec du goudron , des matieres et des bois propres a la construction. Ces bases posees, voiciquelen fut le succes. En moins de cinq ans, trente-six vaisseauxavecquinze brulots dans la Medilerranee, quatorze vaisseaux de ligne et cinq brulots dans I'Ocean , parurent des spectacles nouveaux et inopines. L J arsenal de Kochefort futle premier auquel on travaiilaj etsuc- cessivement les arsenaux de Brest et de Toulon, qui passent pour les plus beaux de 1'univers, furent elablis. II n'en manquait plus qu'un, &\\.Forbonnais, le plus esseatiel de tous, a la Hogue , dont le projet R s58 S Y s T fc M E MARITIME pent avec 1'industrie de Colbert pour en Irouverles fonds. La depense de ce porl n'excederait pas cclle de vingt vaisseaux de ligne 5 son entretien scrait moins couleux, et la force de celfe position equi- vaudrait a celle dc vingt vaisseaux, lorsqu'une ibis nous en aurions soixanle-dix a meltre en mer. L'esprit raethodique de Colbert pour embrasser toutes les parties de 1'adminislration de la marine, ct faire eoncourir toules les combinaisons econo- iniques a nn si grand but, a passe jusqu'a nous, dans deux memoires qu'il avait rediges en 1670, pour son ills , le marquis de Seignelay. L'un avait pour texte ces mots : Sur ce qu'il doit observer pendant le voyagequ'ilvafaire a Rochefort ; Fan- Ire, ceux-ci : Instructionpour le voyage en Hollands et en ^fngleterre. La conclusion de ces memoires, eiait d'oblenir par toutes sorles"d'eirorls , ainsi que le porle le dernier paragraphe de rinstruction , un elat de marine pour la France , compose de 1 20 vais- seaux de guerre, et de 74 fregates , brulots et cutlers , en tout, igi batimensparlagesentreles cinqdilFerens arsenaux de Toulon pour le Levant ; et de Roche- fort, Brest, le Havre et Dunkerque, pour le Ponent. On -pent juger jusqu'a qtiel point ce but fut atteint, en se rappellant que Louis XIV avait, en 1692 , no vaisseaux de ligne et 690 autresbalimens de guerre, employes , sur lesquels on^omptait i4 mille six cent soixante-dix canons, deux mille cinq cens officiers , et 97 mille 5oo homines d'equipagc. 11 ne se trouve pas , observe un ancien intendant de la marine , a ET POLITIQUE. 25g Toulon , tres-experimente, d'armee navale compa- rable a celle-ld , et je suls loin de penser que la France y a cctte epoque , comma au temps oil nous sornmes , fat en etat de rentretenir. (*) Cette marine giganlesque de Louis XiV s'afFaiblit par les desa^lres de la journee dc la Hogue, en 1692 ; etquoique Panneesuivante ses forces navalesfussent encore porlees, dans L* Ocean a yivaisseauxdeligne, et a 29 hrulots ou baiimens legers , il est certain que si cctte fatale journee ne fulpas la cause immediate de la destruction de la marine franraise ,elle fut au moins 1'epoque de la preponderance maritime de FAngle- terre, quine fit que^accroilredc plus en plus , tandis que nos forces navales allerent ton jours en declinant. A la paix deRiswick, en 1697, elles etaienl epuisees , etl'onnepouvaitplusenesperer.lasuperiorilequ'elles avaient eue dans 1'epoque precedenle, surles anglais et les hollandais. 11 s'ensuit que la derniere partie du dix -septiema siecle, vit naitre, briller et languir la marine fran- caise, qui, reposanl sur des bases legislatives tres- bien combinees , etait susceptible de prendre une attitude imposante, si des mesures plus soutenues , el des dispositions economiques eussent coucouru a fortifier cetle branche essentielle de la prosperite francaise. (*) La seule armee du comte de Tounille, en 1690, etait forte de 78 vaisseaux de ligne, 3o brulrts et 16 galeres, non compris Its fregates et les batimens de charge ou de trans-ports Cette armee occupait environ 4 Q niille matelots. neuf millions, que le nombre de ses vaisseaux, de- puis le premier rang jusqu'au sixieme, serait fixe a 54 , non compris les flutes , barques el gal ioles a bombes. II j en a acluellemenl 5i , independam- ment de quinze flules, barques et galiolesa bom- bes . Toutes ces donnees sont precicuses, pour suivre, au moyen des fails , les variations de noire systeine maritime dans ce siecle. Cette seconde epoque est la seule, au moins , oil IT rOLITIQUE, 267 les vues de ^administration ,si elles out ele erronees, ont cu pour principc des intentions Tranches et pa- ciiiqucs. On sail que le cardinal Fleury, autant par caraclere , que par le sentiment des besoins d'un peuplequ'avaientlourmente, tour-a-tour, 1'ambition de Louis XIV et les convulsions du SYSTEME, s'alta- chait a laisser la France se refaire paisiblement dans le repos. On sail egalement qu'il negligea de tenir la marine royale sur un pied respectable , moins en- core par motif d'economie , que dans 1'inlention de ne pas reveiller la jalousie querelleuse de la Grande- Bretagne. Cette polilique nous devint peut-clre fa- tale par la suite des evenemens 5 mais toujours est-il certain que, depuis 171 3 jusqu'en 1740, espace de 27 ans, la France a3 r ant ele exemple des calamiles d'une guerre maritime, son commerce colonial prit un e.ssor tel qu'il etail difficile de Fespererj et nous aurons occasion de reinarquer, par les rapproche- mens que nous ferons de cette epoque avec la qua- trieme ( celle du moment de la revolution}, que sous les vingt annees du ministtre du cardinal Flenr3 r , ce commerce fit des progre? plus rapides que dans les eoixanle annees qui suivirentson administration. L/ambilion des Belle-Isle, etleurs plans prones par 1'inlerct militaire, ou par un enthousiasme irrefle- chi, plans plutot loleres , a fortie d'importuniles , q u'adopies par le premier ministre, jettcrentla France dans une guerre continentale , dont le but et;iit de faire changer de maitrc a ['empire, mais qui detruisil tous les cilets de la prudence de ce Nestor pacifique, n nous compromeltanl vii-a-vis FAnglelerre. La 268 S Y S T M E MARITIME 1'rance n'eut pas, dans cette guerre maritime, phis tie trente-cinq vaisseaux de ligne. Le combat naval de f'inistcre, en 1 746, et la rencontre que ill 1'enne- mi au mois d'octobre i jkj , de nos septderniers vais- seaux, qui escortaient les flollcs franchises mar- chandes , allant aux iles de 1'Amerique, nous redui- sircnt, (dit Vollaire,siecle de Louis XV), par la prise dc six vaisseaux sur ces sept, a UN SEUL. Heureuse- ment que nos vicloires dans les Pays-Bas , et nos suc- ces dans les Indes orientales determinerenl a la paix, 1'Angleterre elle-meme , qui d'ailleurs ne pouvait plus rien ajouler aux triomphes de ses flottes. TUOISIEME EPOQUE. La guerre maritime-coloniale de 1 706, terminee par la paix de Paris en \ 763. Celle guerre fut essentiellement coloniale _, parce que non-seulementelleprit naissance dans des pre- tenlions respectives en Amerique et aux Indes, mais encore parce que la politique anglaise avail prepare, de loin, des germes de discorde qui pussent, selon les circonstances,amener, dans celle parlie du mon- de, une rupture ulile a ses vues d'agrandissement. La guerre precedente , all u mee , en 1 7^9 , en tre 1' An- gleterre et 1'Espagne , avail eu pour cause la convoi- tise de la Grande-Brelagne, excilee par la perspec- tive d'un riche commerce interlope au Perou et au Mexique j celle-ci eut pour objet de nous chasser du Canada. Le ministere de Londres prit gout a ce nou- veau sysleme d'envahissement, dont les resultats ilallaient la cupidile des Anglais, et confirmaient leurs pretentions a exploiter sculs le domaine com- mercial et maritime du monde enlier. ETPOLITIQUE. 269 LV'tat dans lequel la marine de France venait d'etre reduite , par les malheurs de la derniere guerre, ren- dait alors ^en 1755) son retablissement difficile, ob- serve 1'auteur de la Puissance navale de l'^4ngle- terre. L'on ne complait dans lous les ports de ce ro3 r aume quesoixante-lrois vaisseaux de ligne., par- mi lesquels Irois etaient hors de service, trois ve- naient d'etre pris, huit avaient besoin d'etre mis en refonte , et quatre seulement etaient sur les chanliers. Pour equiper ou arnier les quaranle-cinq autres , dont plusieurs ne pouvaient se passer de radoubs considerables , on n'avait ni matiere , ni agres , ni les apparaux necessaires , ni meme de 1'arlillerie. La disetle de bois de construction se faisait lellement senlir, qu'on n'esperait pas si tot augmenter ces forces navales. D'ailleurs , on elait bien eloigne de prendre des mesurcs pour combattre les ennemis a armes egales. J 'ignore meme , disait alors le marechal de )> Noailles, si I' on a un projetfixe el bien mcdite. On ne pense a rien ; on desapronve meme ceux )) qui se donnent lapeine de penscrquelque chosen Cette honleuse torpeur fut fatale a noire commer- ce. Les prises de nos navires, par les Anglais, mon- laient deja, avanl la declaration de guerre , a 16,000 matelots , et plus de 3oo batimens , dont 186 etaient richement charges, et d'un port considerable, etles autres, de simples caboleurs ou des pecheurs de Terre-Neuve. Leur valeur totale fut estimee tronle millions lournois. Les premieres annees de la guerre repondirenta ce preliminaire, et ne J'urenl pas moin.s funesles au commerce dc France. Nos perlos mon- 270 SYSTEMS MAKITIME taient,vcrs la fin de 1757, a cinq cent dix navires, expedies dcs principaux ports pour nos colonies. Le comb.il de Malion fut , pour la France , la seulo action hcurense dc La guerre; mais un fait incroya- blc, c'esl qu'apres difierens dcsastres, eprouves par nos floltes , le ministre de la marine llcrryer, an lieu de sc livrer a tout le zHe d'un patriolisine eclaiie, pour reparer nos defailcs , no Irouvant plus aucunc ressource aux malhcurs qui accablaicnt la marine francaise , dontil dirigeait si mal les operations, crut qu'elle ne pouvail plus se relever, et fit meltre en venle tous les agres el les approvisionnemens mari- times. ( Hist, de la puissance navale de I'^dngle- terre. (*). Le pen de vaisseaux qui reslait, fut livre a des ar- niateurs parliculiers. Par la, les colonies et les coles se trouverent sans defense. Les unes ne tarderent pas a subir les lois du vainqueur, et les autres conlinue- rent d'etre insullees impunement. La prise de Quebec ne laissa a la France aucun espoir de conserver le Canada j la levee du siege de Madras, la mauvaise conduite de Lally, et les com- (*) On cite d'autres traits caracteristiques de ce ministre Berryer. II fit rendre une ordonnance qui declarait qit'aucun gouverneur ou administrateur dex colonies , ne pourrait, ni elre Creole y ni poaseder des l)iens dans les colonies, ni nieine s'y marier. Prevque le mcme jour , il fait nommer gou\ respondanccs dans nos ports, ne peuvent ignorer que quarante-trois vaisseaux et fregates sont ac- )> tuellement en mer ; que cent cinquanle corvettes et batiraens legers protcgent nos cotes et notre ca- )) botagej que qualre-vingls navires sont equipes pour transporter les approvisionncmens necessai- res a nos armees , et que des convois considerables ont passe aux colonies . En definitif , toute cello enumeration ne presenle que la moitie du nombro exislant il y a un siecle. 4.. que noire marine, pre.s- qu'a toules les epoques de ce siucle, se Irouvant anean- S 4 280 S Y S T M I -MTA I< I T I H E tie, a elc renouvellee en entier , non pas simplcmcnt au commencement de la mesinlelligence entreles ca- biiiels, mais meme a I'inslanl de 1'altaqucet des com- bats. 5. Que les approvisionnemens, en munitions navales , ont manque generalement, et qu'un minis- tre, au milieu de la guerre la plus desastrcuse, celle de 1766, a donne le scandale, qui, cert es, ne fut pas re.sle impuni a Londres, de v^ndre les magasins de la marine, par la grande raison politique, que n 'ayant plus de vaisscaux ^nous n'avions plus be- soin de munitions : ce qui est mieux prouve, c^est que, dan^ loules les liypolheses ,un semblable minis- ire etait un fleau pour la nation j 6. qu'envain la na- vigation marchande, et sur-lout les peches franca i- ses el le commerce colonial, ont pris quelque exten- sion dans ce siecle , et nous ont mis dans le cas de ne pas manquer de marins, puisque leur utile emploi a ete conslamment neglige par 1'incertilude des plans jninisleriels j qu'on regrettait la depcnse, deslinee a -entretenir noire marine en temps de paix,et que ces vues mesquines ont force a la renouveller qualre fois, en entier, dans nos cinq guerres marilimes du dix- huitieme siecle. C J en est assez sans donte pour caracteriser, snr-le- champ, le genre de sjsteme maritime qui, pendant celtc periode, a domine coifstamment dans le conseil de nos rois. Les evenemens ont flotle, pour ain.si dire , au hasardj el ce hasard a produit un changement dans lescombinaisons du commerce, sans direction fixe el soutenue vers le plan de defense que recom- E T POLITIQUE. 281 mandait imperieuseuient noire situation vis-a-vis 1'Anglelerre , des le commencement du siecle. Noire system e maritime devail etre vigoureusement defen~ sifcontre le sysieme hostile de ia Grande-Brelagne. 11 fallail, pour cela, meltre en activite notre marine marchande en lemps de paix j tenir la marine mili- taire conslamment en haleine j en reparer les pertes avec perseverance ,lorsdes echecs causes, plus en- core par la mauvaise fortune , que par les fautes de l > adminiatration(*) Ufallaitsollicilerl'union efficace de notre marine, ainsi ordonnee , avec celle des al- lies, inleresses, comme nous, a repousser toule usur- pation maritime. II fallait encore encourager nos na- vigateurs , de toules les classes, a des enlreprises sa- vanles, perilleuses et honorables, et ne pas laisser s'oleindre la race, jadis celebre, de nos intrepides jnarins. 11 fallail que la renommee de leurs exploits vint , comme au siecle des Duquesne , des Tourvillc , des Jean-Bart, des Duguay-Trouin,reveiiler 1'in.sou- siance parisienne, et la faire rcssouvenir de Fexis- tence d'une marine frangai.se. Alors, peut-etre, ces recils chevaleresques circulant, de la cour dans les cerclas , auraient cree une sorte d'espril public , pro- pre a suppleer, en quelquc sorte, au spectacle de (*) Sous le ministre dc la marine de Boynat^ (de 1 769 a 1 77*0 le port de Toulon a etc quelquefois rtduit a 36,cco livres par mois , pour la depense de vingt-un vaisseaux de ligne , ou de 4oo corps Jloltan.?. Cependant, Toulon etait Je port favorise; 1'intendant etant frere du ministre. -SYSTEMS MARITIME ces grandes expeditions , qui ne pcuvenl frapper les yeux ni 1'imagination des habilans de la capitale. C'est-la le principe de nos desavantages sur mer , dans le dix-huitieme siecle. 11 est en effet remarqua- ble, que de toules les puissances maritimes du pre- mier et du second ordre , la France et 1'Espagnc sont lesseules dont les capitalesnesoienlpas ports dc mer. Madrid, ainsi qu'on I'adeja observe, aTarlicle Espa- gne , n'eprouve pas,de cctle situation medilcrranee , un si grand prejudice que Paris , parce que, dans la premiere de ccs villes , le fasle de la representation cspagnole se deploie avec pompe , et rappelle sans cesse, par un spectacle imposant, toute Tirnportanco du gouvernemcnt des deux Indes concentre a Madrid. Un minislrcde la marine ii 7 eutpasosedonnerl'ordie de vendre les approvisionnnemens restes dans les magasins nationaux, comme il est arrive a un mi- nistre frangais , pendant les desaslres dela guerre de 1766. Les contemporains doivent se rappeller , qu'a celte meme epoque , nos escadres , dans les quatre parties du monde , etaient battues , dispersees et en- glouties, el que jamais Paris ne fut si brillant qu'au milieu de ces ruines quiparaissaienllui etre absolu- ment elrangeres. Tout 1'inleret des habilans fails pour donnerle branleal'opinion publique, s'absor- bail dans les applaiidissemens de iheatre , ou ils cou- raienl assiduement prodiguer Fencens le plus eni- vranl et le mieux merite sans doute, aux chefs d'oeu- vres de noire premier poete nalional , un des meil- ET POLITIQUJT. 283 leurs cilo} r ens , puisqu'il fut Go ans passionne pour la gloire deson pays. Que n'a-t-il pu, avec les ressources de sa brillanle imagination , electriser Fame engourdie de ses com- patriotes , el les porter a des efforts hero'iques contre Fanglais, dominateur des mers ! (7est ainsi qu'auirc- fois Athenes dut son saint aux conseils persuasifs , donnes par Themislocle , de confier a FOcean tout ce que les atheniens avaient de plus cher, leurs fem- mes , leurs en fans, leurs dieux penales , et de s'y en- fermer eux-memes, dans des murailles de bois, pour y braver 1'orgueil et la vengeance de Xerces. Celle idee- mere , decida de la fortune maritime de celle republique, et de la superiorite qu'elle obtint par la suite dans la carriere navalc. Ce peuple elait bien aussi It'ger, aussi avide de toules sortes de nouveau- tes que le pari.sicn ; mais les evenemens creerent chez lui une sorle d'experience capable derallier tousles esprils vers les operations marilimes , qui assuraient la surete et Findependance de la cite. Paris et la France enticre , doivent desirer de ces trails de genie. Sculs, ils pourraient imprimcr a sa grande population un genre d'activile jusqu'alorsin- connu , et 1'exciler a des efforts extraordinaire^ pour miner le despolisme maritime des anglais. Paris , rille maritime ! non pas cnticrement dans le sens do Londresctd'Amsterdam,mais, commojadis^/z^^/vv, entrepot vasle , communiquanl a toutes les mcrs , aboulissant a toutes les conlrees de 1'Europe , paruu syleme general de navigation inlericure : Icllc csl la 384 S Y 5 T E 3ff R MARITIME gran Je pensee qui doil afFerrair sur des bases incbran- lables , la liberle franchise. L'utilite de la reunion de la Belgique , a 1'ancien territoi re franc, ais, qui a fail 1'objet d'undissenliment, parce que Pesprit de faction esl loujours aveugle, tie peut former une question, si OR envisage que c'est le seul mo3 r en de regenerer Paris , le centre du gou- vernement frangais, et avec lui, toutes les parties de la republique. En effet , Pom's, .par celle aggregation des anciens pays-bas autrichiens, se trouvera silue plus au centre de la France, etdeviendra con.sequem- jnentlepoint le plus naturcl de communications entre toutes les parties de notre terriloire(*).. (*) Cette reunion de la Belgique a la France , est tcllement liee a I'mteret national , et avantageuse a PARIS, que ce proj'et a germe, il y a plus d'un siecle et demi , dans la tcte d'un de nos plus grands politiques , LE CARDINAL DE RlCBELlEU. Nous transcrivons le passage suivant , extrait de YHistoire du traite de JVeslphalie , pour satisfaire ceux aupres de qui une. puissante autorite vaut mieux encore que mille bonnes raisons. Des Tan i635, la France avait fait, avec les Provinces- n Unies , un traite par lequel les deux puissances convenaient y> du partage qu'elles feraient entr'elles, de tous les Pays-Bas , > apres qu'elles en auraient entieremenl chasse les Espagnols. 71 Le Brabant, Malines et Anversdevaient demeurer a la repu- 51 blique. Tout le rcste devait etre le partage des Franc ais. Le cardinal de Richelieu avait forme ce grand pro jet; le car- :i dinal Mazarin , qui se trouvait charge de 1'execulion, ( en 51 iG^S ) ne le perdit jamais de vue, et quelque difficile que flit ji 1'entreprise, il se flattait d'y reussir . Le cardinal Mazarin envoya, a ce sujet, un memoire aux: plenipotentiairei de France a Munster, dans lequiil il propo E T POLITIQtlE. 285 Que deviendrait cette ville , si un plan fee on d en speculations actives et industrieuses, ne ralliait pas tous les habitans vers le retablissement de la fortune publique?Les principales sources qui 1'alimentaient, sont a jamais perdues. Le luxe de la cour, les fortu- nes des financiers , les depenses des grands proprie- taires, les tributs du fisc au profit des rentiers, tous ces elemens d'un commerce uniquementde consom- malion, ont disparu. I/imagination mobile des pa- risiens , nc trouvant a s'exercer que sur les idees me- taphisiques de gouvernement , et la cupidile leur faisant entrevoir comme seuls mojens de fortune, la participation aux affaires publiques, ceux qui auront des preventions et des esperances, se partageront ton jours en differentes factions , toutes servies par line nombreuse clienlelle, qui s'enlrechoqueront aux salt aux Espagnols de leur cederlaCatalogne et leRoussillon, 31 en echange des Pays-Bas et de la Franche-Comte , soit par D manage ou autrcmcr.t. II etablit avec complaisance let grands r> avantages que la France en devait retirer pour le dehors et 51 pour le dedans du royaume, et pei^ant dans 1'avenir pour r> gouter par avance les fruits d'une si heureuse politique , il voyait deja en idee , PARIS DEVENU LE CENTRE DU 51 ROYAUME , la France arrondie de toute part, et dej'enduepar den frontier es impenetrable.* , les mecotiiens et les factieux ?i contenus dana la soumissien , par le di-faut d" 1 asyle ; V An- r> gleterre dans I'impuissance de nuire les Provinces -Uniet dan.t la ntcessile dc garde r de grands rnenagemens , etpeut- 51 Sire bient6t reiluiles } par leurs divisions intestine .9 , a se sou- meltre a la domination franpaise r>. ( Memoire du cardinal Mazariii, aux plenipotoatiaires , du uo Janvier ib' p. ) 286 S Y s T t M E MARITIME jours des elections, ct perpelueronl ainsi period!- quemcnt , les dechiremens du eorps polilique. Don- iions done 1111 puissant aliment, niais essenliellement productif , a cette aclivile des esprils , a cebesoin do reparer nos perles dont brulenl les homines indus- trieux j que toulcs mesures a eel egard ne soient pas parlielles, niais grandcs eL fecondes en operations secondaires d'utilile publique. Paris, vllle mariti- me I que ccsoil a lapalx le cri de ralliementuniver- sel , el qu'elle le deviennc par FefFet d'un plan unique, dont le gouvernement fcra les premieres avances. Alors,tous les genres d ? amelioralion viendrontd'eux- memes se gro upper , pour ainsi dire , a ce type pri- mordial , le fortifier , et rcnouvellcr toute la lace do 'la France. On le repete : les ancienncs sources dc la prospe- rite IranQaisesonl ou perdues ou laries. Le commerce colonial semble frappe v a morl par Feflet de la revo- lution , qui vient d'affiranchir le* cultivateurs afri- cains, et a disperse les chefs d'aleliers dans nos ile.s d'Amerique. Cetle fortune coloniale reposait sur des bases si monstrueuses, qu'une fois ecroulec , ilsera Ires-difficile, quand nous n'aurions pas adople nos principes philantropiques, de la reedifier. II faut done que le gouvernement subslitue une nouvclle polilique commerciale, a ce systeme de colonies, qui d'aillcurs n'etait pas le mieux approprie a 1'inlerct de la France , consideree comme puissance agricole , manufacturiere et maritime. Celle nouvelle polilique doit avoir pour objet, la ET POLITIQUE. 287 Kieeessile d'une juste defense centre les usurpations de la nation anglni^e sur toutes les mers. Ilfaut,par consequent, que le Jevier en soil pose pres la popu- lation la plus noBibreuse , et la plus capable de se- conder cet esprit national par les ressources de 1'edu- calion, de la culture des arts et des sciences, et par 1'influence qu'elle exerce sur la legislation comrae centre du gouvernement. Paris , ville maritime au dix-neuvieme siecle ! C'est dans la possibilite de I'execulion, c'est dans les puissans efforts pour y parvenir, qu'cst le salut de la republique. C'est a Taide du developpemenl de ces grands moyens, que- les principaux cabinets de 1'Europe prendront con- fiance dans la puissance de nos ressources, et s'uni- ront a nos succes, pour effecluerle grand oeuvre de la mine du despotisme maritime anglais. Celte chute reslituerait a cliaque peuple, la portion que la na- ture lui a departie dans la navigation et le commerce du monde entier. LLGISLATEURS FRANCAIS, qui avez tant de fois evoque les manes des heros de Fantiquite, pour les prendre a temoin de la purele de vos inten- tions, profilez des lecons de I'histoire. Comment les peuples fameux ont-ils succcssivcment figure avec gloire sur le theatre du monde? Presquc lous, par une seule institution fondamentale , dont le germe se trouvait dans leur etat politiquc exterieur et inle- rieur, et le developpcment dans le genie des homines faits pour gouverner. C'est d'apres ce principe ft- cond , que les uns , agriculieurs , les autres, conquc- 288 SYSTEMS MARITIME rans; ceux-ci commenjans, oeux-la navigateurs, ont rempli leurs hautes destinees. Voycz la nature elic- meine dans ^organisation dc tons les elres : elle seni- ble n'avoir a soigner qu'une idee-mcre, procreatricc de toutes les combinaisons secondnires, qui font de ses ouvrages un tout parfait, sans fatigues , sans con- vulsions, el en depil de quelques mutilations par- tielles, qu'elle eprouve de la main dcs honimes. La France , dans son (Hat actuel de politique exterieurc et interieure, a besoin de se faire un systeme de de- fense maritime. Dirigez la fermentation dcs esprils vers cet oeuvre, vraiment national. Notre puissance agricole, manufacluriere et industrielle est presque eteinte 5 faites renaitre tous les elemens de prospe- rile publique de leurs propres cendres, en posanl A PARIS, sur les principcs qui viennent d'etre develop- pes, les fondemens de notre activile maritime. Faites que les homines de tous les partis metlenl autant d'ardeur a reedifier dans ce sens , qu j ils ont apporte de petulance a dctruire les institutions de quatorze siecles. Alors, les heureusesdeslinees de PARIS ET DE LA FRANCE ENTIEHE, vous rendront , sans contradic- tion , 1'objet de ^admiration des conlemporains et de la poslerite. CHAP. XX, ET POLITIQUE. 289 CHAPITRE XX. ISAngleterre. u E L L E est cetle nation qui tourmente la deslinee des autres peuples , qui immole a sa cupidite des peu- plades enlieres d'Asiatiques, etya mendier le mono- pole du commerce chez leszelateurs de Confucius ? Quelle est cette nation qui depeuple , chaque annee, les rives africaines, pour en transplanter sur un sol ensanglanle, des milliers de families vouees, par elle, an labeur , au chatiment et au desespoir; qui s'appro- priel'or de 1'Amerique el le distribue dans les cours, pour perpetuer le carnage des Europeens ? Cette na- tion habite-t-elle un climat eternellement sauvage ? A-t-elle encore des institution- barbares ? Ses legis- lateurs sonl-ils des hommes farouches ? Non ! Elle cultive, avec le plus grand succes, un des sols les plus fertiles j elle a eleve au plus haut degre la prati- que et la theorie de toutes les combinaisons d'un tra- vail produclif; chez elle, des hommes de genie ont surpris les plus intimes secrets de la nature 5 1'intre- pidite de sesnavigateursaporlesarenommeejusques sur les glaces du pole borealj ses poetes ont chanle les avantages de la liberte; ses orateurs et ses ecri- vains veillenl sur son independance. Le premier, T ggo SYSTEMS MARITIME peuple a donne de sanglantes et inutiles lemons aux roisj le premier t il a realise, chez les moderncs, 1'egoisme des republiques anciennes, dans Famour exclusif d'une palrie. Toules les classes de la societe y sontconlinuellement en activitej toutes lesvolon- tes , tous les mouvemens , toules les speculations aboutissenl a un centre d'utilite generale. (7est avec ce levier unique , mii par des millions de bras , dirige par quelques teles fortement organisees vers la pros- perite commune, que cette nation est parvenue, de nos jours , a se creer un genre de domination incon- nue jusqu'alors, qui ne participe ni de Fesprit mili- taire , principe de la grandeur des Remains, ni des prestiges du ianatisme qui a fonde Pempire de Ma- homet. Chez cette nation moderne ,Fardeur du butin enflamme ^emulation j les premiers succes encoura- gent sans cesse a de nouvelles teutatives : enfin , For- gueil de sa preeminence lui a inspire de tout oser , et fait aujourd'hui de son gouvernement, le regulaleur des cabinets de FEurope. Quelle est done celte na- tion ? I/ennemie acharnee de Fempire fran9ais, L'ANGLETERRE ! L'existence maritime et politique de la Grande- Bretagne se partage en deux grandes periodes. La premiere comprendles commencemens de sa marine, ses vicissitudes et ses accroissemens , jusqu'a la tin du dix-septieme siecle : la seconde periode embrasse Fhistorique de sa fortune maritime dans le siecle qui est maintenant pres d'expirer. E T POLITIQUE. PREMIERE PERIODS. De Vexistence maritime de la Grande-Bretagne , jusqu'a la Jin du ij*.siecle. Celle premiere periode se divise naturellement en trois epoques remarquables : 1. les lemps les plus recules, jusqu'a Fannee 1660, epoque de la promul- gation de Facte de navigation; 2. depuis cet acle, jusqu'ala revolution de 1688 j 3. depuis cetle revo- lution , jusqu'a la niort de Guiliaume III , en 1702 , ail commencement de la guerre de la succession. 1. Les temps les plus recules. L'Angleterre est un des pays de FEurope qui con- serve le moins de traces de ses moeurs primitives. Celle contree, deja peuplee, dil-on , mille ans avant Fere chretienne, n'etait encore parvenue qu'au se- cond ou troisieme degre de civilisation, lorsqu'elle f n t soumise par les Remains, sous J ules-Cesar.Cet au- ieur conquerantdil,dans sescommentaires, a queles liabilans de Finterieur de File se bornaient, pour leur subsislance , aux produits de leurs troupeaux , landis que ceux des coles se la procuraient d'une maniere plus abondante, a Faidc de Fagricullure . On pi'e- iend que les contrees agricoles pouvaient employer annuellement 800 vaisseaux a exporter le surplus de leurs produils j mais ces produils elaient enleves par les Pbeniciens, les Carlhaginois , les Grecs et les Gaulois, qui leur apportaient en retour les marcban- di.ses dont ils avaient besoin. Ces trails caraclerisent la fniblesse de ces insulai- res , dont la population delile, eparse, ne put resis- T 2 292 S Y S T E M E MARITIME ler a dcs armees composees d'Allemands, de Balaves, de Gaulois et de viciilcs legions romaines. La seulu rcssource qui eiilpu Ics garanlirde I'invasion leur manquait : ils n'uvaient point de forces marilimes, observe Pauleur del'hisloire de la puissance navale de VAnglelerrr. Long-temps, dil-il , ces insnlaires .ne se servirent quo deirelcs canots d'osier , exterieu- rement enveloppes dc cuir, et assez ressemblans a ceux dont les Groenlandais out conserve Fusage. Toulesles fois quc les Remains menaccrent Ics an- ciens Bretons des f'ers, ceux-ci %p penscrcnt jamais a prevenir ce malheur, en armant des vaisseaux, en cas de defaitej leurs a'zyles etaient toujours les ca- vernes dont elait rcmpli rinlerieur de leur ile. Ce futdans ces tristesretraites que les Saxons, les Juttes, les Anglais, etc., vinrentlesponrsuivre, aprcs avoir impunement devaste Icurs cotes . Ancun peuple , en efFet, n'a eu aussi long-temps une telle absence de force publiqueexterienre. Pen- dant douze siccles, les ancicns Bretons furent con- quis, d'abord deux fois par les Remains; cinq fois ensuile par les etrangers dont on vient de rappeler les races diffcrentes : il faut y joindre les Danois el les Normands. Outre cette longue suite de calamiles, TAngleterre, proprement dite, fut encore dcchiree du c6te du nord par ses propres voisins, les anciens Ero.ssais et les Irlandais; et la division de Fautorile en septroyaumc3,c'est-a-dire I'hcptarchicsaxonne, livra encore, pendant quatre siecles, les habitans de la Grandc-Bretagne a' leurs propres fureurs. On ne E T r O L I T I Q U E. 2$5 pent mieux peindre la nullite dcs anciens Bretons y dans la guerre, qu'cn relracant ici Ic passage d'une^ adresse qu'ils firent aiix Saxons, pour les appeler a, leur secoui'3 j passage cile lextuellement dans les let- ires philosophiques el politiques sur 1'histoire d'An- gleterre, fruit des loisirs d'un membre de la cham- bre des pairs de ce parlemcnt. Les pauvrcset Jitcl- heureux Bretons, disent-ils , prcsque dctruiis par des invasions e'trangercs et harasses par des inclu- sions conlinuclles , vous demandcnl liumblemcnl du secours , tres-vaillans Saxons. Nous possedons une vaste et fertile contrec: nous vous la ceaons; vous y commanderez. Nous cherchons la sureie sous I'ailc de votre valeur y et nous remplirons avecjoie* tons les services que vous exigerez ensuite de nous , Ce discours semble elre fait pour des temps plus modernes j car aujourd'hui, comme alors , les An- glais Iremblent a Fidee d'une invasion j aujourd'liui, corame alors, ils se metlent sous la protection armee dcs peuples continentaux j aujourd^hui, comme alors r ils echangent Icurs services mercantile^ con Ire le soin de veiller, pour eux , a leur security : avec ceite difference , que les progres de la civilisation en Eu- rope, leur ontCice des mojens qu'ils emploienl avec orgueil , pour en imposer sur 1'impuissance ou ils se trouveraient encore de se defendrc, s'ils etaient re- duils a combattre, comme leurs ancelres,un ennemi corps a corps. La France ccpendant donna aux liabitans de I'An- T '6 3g4 S Y s T M E MARITIME gletcrre , pendant le cours de cinq siecles, ( de- puis la conquete par Guillaiime, due de Norman- die , en 1066, jusqu'a la perle de Calais sous Marie, vers i558) , de puissantes lecons de bravoure et de courage, dont quelques*-uns de ces insulaires ne su- rent profiler, qu'en se reunissant aux habitans do plusieurs grandes provinces francaises, devolues a' leurs rois par heritage 5 c'est-a-dire , en empruntant le secours des peuples de la Guienne , de la Bretagne et de la Normandie. II serable qu'une fois reibules du sol francais vers leur ile , les Anglais aient perdu de ces qualites hero'iques qui brillerent , momenla- nement cliez leurs ancelres, sous le regne des Ri- chard et des Edouard. Jusqu'a cette epoque , la fin du seizicme siecle , TAngleterre n'avait eu ni preventions suivies, ni dis- positions bien reelles pour la carricrc maritime. Les chroniques rapportent qu'Edgar , Fun des rois ce- lebres de Pheptarchie saxonne, rassembla,au dixieme siecle , le nombre prodigienx de 4,ooo navires ; et que tous les ans, quatre escadres, composees cha- cune de cent voiles, elaient armees pour croiser sur les cotes, et veiller a leur conservation. Enorgueilli de cet appareil de forces, Edgar crul elre le inaitre de la mer et prit les titres fastueux d' empercur , de seigneur dc tous les rois de I' Ocean, et dc toutes les nations qu'il renfcrmc. Mais , observe riiisto- rien qui rapporte ce trait, on se formera une juste idee de cette ilotte , lorsqu'on saura que le plus gros vaisseau coulenait a peine cinquanfe homines. D'un ET TOLITIQUE. 2g5 aulre cote, il ajoute que les successeurs d'Edgar n'eurent ni les memes pretentions , ni les memes for- ces marilimesj et que les Anglais , altaques posterieu- rement par les Danois , rassemblerent en vain une ilolte de huit cents batiraens , qui fut dispersee par les vents. Mais ce qui est digne de remarque , c'est qu'ils payerent a leurs vainqueurs un tribut, pour 1'enlretien de quaranle-cinq vaisseaux armes , em- ployes a la garde de leurs cotes. D'aulres prince^ essayerent de consolider 1'etat maritime de 1'Angle- terre : ce fut en vain. Toutes leurs tentatives echouc- rent centre la bonne fortune de Guillaume , qui, a la tete de ses braves Normands , effectua , sans obstacle , sa descente. Les proprietaires, accables du poids de cetle conquele , qui leur donna des successeurs , fu- rent comprimes, et la nation ne songea plus , de long- temps, au commerce ni a la navigation. Aussi 1'An- gleterre se trouva si depourvue de vaisseaux, quand Richard entreprit de passer a la Terre-Sainte , qu'il fut oblige d'avoir recours aux elrangers. Us lui four- nirent la plus grande partie de cette flotle, qui , com- posce de cent cinquante voiles, defit celle de Saladin. Au milieu des succes et des revers qui signalerent 1'existence maritime des Anglais, et ses projets de conqueles sur la France, ce que les historiens font ressorlir, dans leurs recits , c'est sur-tout cette jac- tance a se dire et a vouloir paraitre les mailres de FOcean. On voit Jean-sans terre faire une ordon- nnnce en 1 200, la seconde annee de son regne , pour exiger le SALUT de tous les vaisseaux etrangers : T4 296 S Y s T M E MARITIME enjoignanf , s'ils n'obcissaicnt pas, a ses officicrs dc les y contraindre , mcme d'en chaticr les capitaines, soil par la prison , soil par dcs p millions corporelles. Environ un siccle aprcs, Edouard premier enjoinl, dans une ordonnancc, a ses ofliciers specialeincni da rclenir et maintenir la sovereignete que ses an- cetres, royes d'Kngletcrrc, solojcnt avoir en ladilc jnerd'Engletcnc, quant a r amende ment, declara- tion et interpretation dcs luixpareuxfailes a go- vernertoutes maners , des gents passant par ladite mer. Les evenemens poslericurs ne parurenl pas jus- tifier de si hatilcs prelenlions. Sa marine parul lo ceder a cclle dc France, sous le rcgne de Charles V, el an eommencemcnt de eelui de Charles VI. Ce der- nier prince fit equiper deux nouvclles floUes,l'une a Treguier et Faulre a Harfleur, et choisit, pour les commander , le connelable de Clisson et Famiral de Vienne. Cel amiral qui connai.ssail, par lui-meme, rAnglelerre, oil il avail fait d'heureuses descenles , et porle des secours aux Ecossais , ne cessait de ri- peler que les Anglais n 'etaicntjamais plus faibles que c/iez eux ('''). Des circonstances imprevues , qui *e developperent apres que les Anglais furenl chasses du continent, en tournant a leur avantage, mas- querent dans la suite , aux yeux des> Europeens, la faiblesse ,pour ainsi dire intrinseque , dc ces insn- (*) Sous Charles VI , 1'amiral Jean de Vienne , accompagne de Fcrrand Saiine , amiral DES CASTILLANS, ravagea les cotes d'Angleterre , hrr.la et pilla 1'ile de \Vigt, Darmouth, Fli- Biouth , et quantiic d'autres places. ET POLITIQUE. 297 lakes. Ce furent principalement les progres des peu- ples modernes dans la navigation , la perfection de 1'arlillerie, qui organisa sur leurs coles des citadelles foudroyantes j Pelablissement de colonies loin taines, qui porterent le theatre des guerres europeennes sur les mers des deux Indes ; 1'emigralion, vers 1'^.ngle- lerre , des Flamands ,insurges dans les Pa3 r s-Bas; en- fin le mariage de la reine Marie avec Philippe II,roi d'Kspagne. Toutes ces circonstances devinrent ega- lemenl u tiles aux progres du commerce des Anglais, sur-tout , en favorisant leurs liaisons avec les habi- tuns des riches possessions du Perou et duMexique ; ce qui enflamma leur cupidite, et leur ouvrit une carriere d'ambilion mercantile, dans laquelle Eli- sabeth , qui monta sur le trone apres Marie , se char- gea de les diriger , pendant la derniere partie du sci- zleme siecle. Sous ce regne, 1'Anglcterre cut des succcs,en se mesurant avec les principales puissances de FEii- rope j et elle commen9a d'etendre sa renommee dans les deux hemispheres. Dracke commit des devasta- tions dans les possessions espagnoles de 1'Amerique, tandis que d'aulres amiraux desolaient les cotes de la France pour secourir les calviniales. La Grande- Brelagne irritait aussi Forgueil de Philippe II , en soutenant les insurges des Pays-Bas. Ce despole ar- ma la famcuse flolte , dile I' invincible ; mais 1'An- gleterre , par son energic,triompha plusietirs fois 3o loules les forces maritimes de la monarchic espa- gnole, qui nc se releva jamais bien de celle cliulo. 298 S Y s T M E MARITIME' D>s lors , la G ran de-Bret a gne commenca de faire valoir,(sous Jacque et Charles I er . ), des pretentious contre les Hollandais , tant pour la peclie du hareng, sur les cotes d'Ecosse, qi*e pour celle do la baleine aux cotes de Greenland. Enfin , elle reconquit sur les villes ansealiques , par la suppression de leurs privileges , le commerce de ses propres drnps , en nous prenons principalement pour guide , toute la puissance navale de PAngleterre con.sistait en qua- rante-deux batimens de guerre de i6,g55 lon- neaux, monies par 7,532 hommes, indepcndara- ment de 819 canonniers. Aucun de ces batimens ne pourrait actuellement enlrer en ligne. Deux seu- lement etaient de 1,000 tonneaux , el trois de 900, tous montes de 4o canons; trois aulres de 800 ton- w neaux , portaient 3o pieces d'artillerie , et le reste , depuis 700 tonneaux jusqu^a 20, n'aurait pu rc- )) sister a quelques-uncs de nos fregales , ou merac a nos corvettes . On .se formera egalement quelque idee dc Petat de prosperite de FAngleterre , a la fin du seizieme siccle, lorsque 1'on saura que les calculateurs poliliques an- glais etablissent sa population et celle du pays dc Galles, a cetle epoque, a pres de cinq millions. Un ET POLITIQUE. 299 denombrement de Tannee iS/j, ne porte le nombre des habitans qu'a deux millions deux cent trente millej et la seule ville de Londres ne contenailpas alors plus de quatre-vingt-dix mille personncs de lout age 6t de tout sexe. A la verile , elle avail ele dcvastee, peu d'annees auparavant, par la peste ce- lebre de cette epoque; les ravages en avaient ele si violens que, dans une seule annee , on enterra dans Charles-House, plus de cinquante mille personnes. On estima que , par ce fteau , la qualrieme parlie du peuple perit en Europe j ce qui ferait supposer, d'a- pres les morlalites indiquees ci-dessus , que , vers le milieu du seizieme siecle , la population de Londres etait de deux cent mille ames. On ajoute egalcment qu*en 1688 , la population de VAnglelerre efait dcja monlee au moins a cinq millions cinq cent mille ames, et cclle de Londres, en parliculier, a cinq cent trenlc mille. Ces progres elaient dus a la crea- tion d^une marine permanenle , et d'un commerce florissanl j car, anlerieurement , Londres ne faisait pas meme partie dcs cinq villes mari limes , telles que Hastings , Romnex , Hith > Douvres et Sandwich > qui jouissaient de plusieurs privileges, et etaient obligees , par Icur chartre , d'equiper cinquante-sept vaisseaux pour le service du roi. 2. Depuis I'acte de navigation. Aux moyens aclifs mis en oeuvre , pendant les regnes precedens, pour fonder la marine anglaise, nous allons voir succeder IV.^prit negocialif et legis- latif de Cromv/cl, qui, parvenu au supreme nou- 3oo SYST^ME MARITI.ME voir, autant par ses combinaisons, que par 1'effet des chances revolulionnaires, s'appliqua a consolider la puissance navale de la Grande-lire lagne. Le premier trait d'habilele que lui suggera Ic soin mcme de sa propre surele, fut de diriger toule Ja. fervour de la nation pour les enlreprises cxlraordi-y, naires, conlre la prosperile de la Jlollande, dont les succes elonnans, dans la carriure marilime, etaient bien fait.s pour exciter la jalousie de I'Angleterre. D'abord Cromwel fit proposer aux Provinces- Uniea de ne former , avec la Grande-Brolagne , qu'une mcme republique. II donnail a ce changemenl le nom de coalition , pour signifier que les deux etals s'ac- croitraient et se forlifieraient mutuellement. Le re- fus des Ilollandais ful I'epoque d'une sanglante ini- miiie , qui developpa , de part et d'autre, des mojena surprenans d'aitaque et de defense. Pendant pres de Irente annees , trois guerres rnari times, dans les- quelles Louis XIYsecouruttantotFAngleleiTe, tan- tot la Hollande , etfinit par concourir a ecrascr celle- ci, occasionnerent des prodiges de bravoure et de courage de la part des marins hollandais et anglais ; mais enfin la fortune se dcclara pour ces derniers , qui virent lerminer , a la paix de Nimegue , en 1678, loute rivalile entre les deux peuples. Ce ful a cette epoquc que la France commenca de sc monlrer a son tour, rivale de la Grande - Bretagne sur les mers. Pour apprecier avec quel soin et quelle habilele Cromwel conduisit les affaires maritimes de son STPOLITIQUE. 3oi pays, il suflit de rcmarquer qu'a sa mort ilsetrou- vait une ilote de cent soixante vaisseaux de soixanle- deux mille cinq cens quatre-vingt-quatorze lonneaux. Charges II, qui gonverna apres lui, aimait la marine dont il avail pris le gout pendant son sejour en Hollande, en meme-temps qu'il y avait fortifie sa haine con Ire les hollandais. II s'attacha a perfection- ner celte partie : a des moyens solides,il joignit ceux que devait produire 1'esprit d'enthousiasme. On peut en juger par les trois legendes des medailles qu'il fit frapperen memoire de la victoire reinportee par le due d'Yorck sur les Hollandais en i665. Sur Fune on lisait : JE REVENDIQUE LA POSSESSION DES QUATRE MEits. SUT Taulre : L' EMPIRE EST EN rouroiR. Et sur une troisieme : LA MER LUI SERA SOUMISE. Mais un trail de sagesse et de veritable patriotisme de Charles JI, c'est que bannissant toutressentiment contrc la memoire de Cromwel , il se hata d'adopter le fameux acte de navigation. L/esprit de meditation qui distingue le peuple an- glais avail deja suggere a son gouvernement 1'idee de fortifier de moyens legislatifs les commencemens de son commerce et de sa navigation. Des 1'annee i38 1 , Richard II avait prononcele principede Facte de navigation dans la loi qui defendit a tout sujet dti roi d'importer on d' exporter aucuncs marchcin- dises dans d'autrcs vaisseaux que ceux munis de /j permission du roi. Elisabeth avail inlroduit 1'usage de donner des 303 S Y S T M E MARITIME gratiiicalions a ceux qui conslruiraicnt cles navires cle cent tonneaux. Jacques l er . consacra aussi de grandes sommcs a I'encouragement dc celle im- porlanlc construction. Charles P r . accorda cinqliv. sterling par chaque lonneau a quiconque armcrait un navire de deux cens tonneaux. Cromwel, en faisant passer 1'acte memorable de navigation, par son parlemcnt, en i65i , n'eut d'abord d'autre dessein que de so venger deslfollan- dais. Peut-etre consulla-t-il plus , dans cetle occa- sion, sa haine conlr'eux, que le bien general de sa nation. II ne put cependant meltre ce reglement en vigueur, a cause de la guerre d'Espagne, qui 1'obli- geait , malgre lui , de laisser la liberte aux ncgocians anglais de se servir , comme auparavant, debatimens hollandais. Sans leur secours, plusieurs branches, tant d^importation que d'exportation , eussent alors ete interrompues. Celle raison ne subsislant plus , lorsque Charles II monta sur le Irone, il se hata de faire autoriser I'important bill dont nous parlous, et de le confirmer par un edit , Fannee suivante 1 66 1. II parait cependant, suivant 1'auleur de la puis- sance navale de 1'Anglelerre , que cet acle.fut encore plusieurs annees apres sa promulgalion , sans etre ftuivi avec vigueur. Le comte d'Estrades assurait, dans une leltre a Colbert, du 8 novembre i663,qu'il n'etait point encore execute j el quoique cet habile negociateur donnat pour raison reconomie du fret sur navires hollandais, le veritable motif elait la di- telte de balimens el Le manque de capilaux , qui fur- ET FOLITIQUE. ^aient alors les negocians d'Angleterre a recourir aux Jloliandais. Cet ecrivain ajoule : L'effelle plus D sensible de Pacte de navigation, fut d'augmenler bienlol le nombrc des balimens marchands. Sous le )) regne de Charles I er , on n'en comptait dans ses elats, D que trois du port de 3oo tonneaux, tandisqu'avant D la mort de Charles II, on y en trouvait plus de qualre cents de celte force j mais cela ne suifisait pas encore pour supplanler lout de suite les Hol- landais )). (*) Au surplus , quel que soit le dissentiment des ecri- vains poliiiques , relativement a Finlluence qu'a pu avoir 1'acte de navigation sur la prosperite generale de 1'Angleterre , les fciits prouvent que son succes a ele complet, quant aux moj r ens d^ccroissemens de sa force publique maritime, qui en 1676 s'clevait deja a 69,681 tonneaux, el 30,961 matelols. La ma- rine militaire de la Grande-Bretagne avail done tri- ple, en moins d'un siecle ecoule depuis la mort d'Eli- sabeth. (*) Voyez les observations stir 1'acte de navigation anglaise, a la suite de la puissance navale de VAngleterre. Elles contien- nent les reflexions les plus judicieuses sur 1'influence de cette loi par rapport au cabotage et a la construction des navires, et re- lativement aux exceptions qu'il devint indispensable defaire, pour 1'interet de la culture et du commerce des colonies. La promulgation de 1'acte de navigation souleva la Caroline , Ja Virginie et le Maryland, trop faibles alor&pour ioutenir unt pareiile demarche. 3o4 S Y S T M E MARITIME 3. Depuis la revolution de i688>jusyu'dlamort de Guillaume III, en 1702. La Hollande , par son energie, scs ressources eco- nomiqucs etsa bonne fortune, avail fait disparaitre devant ses flolles, la puissance espagnole et porlu- gaise sur POcean. Quelfut done le triomphe de PAn- gleferre a la paix de Nimegue, en 1678 , lorsqu'elle y regla pour les Provinces Unics , que le salutserait rendu aux vaisseaux anglais dans loute Petendue des quatre mers qui environnent les iles britanniques ? L'abaissement de la Hollande elait un triple avan- tage remporte par la Grande-Brelagne, sur les ilotte-s espagnoles , porlugaises et hollandaises. L'orgueil de Louis XIV, excite par 1'inimitie de Guillaume III, essaya des-lors d^opposer a celle puissance une rivale redoutable , par la creation d'une marine francaise ; inais la Grande-Bretagne en demeura encore victo- rieuse. Au moment de la guerre de 1688, allumee par 1'ambition de Guillaume , la force maritime anglaise elait de ioi,o52 tonneauxj en 1696, deux annees apres la victoire que les ilottes britanniques rem- portcrent sur la France , a la Hogue , elle n'elait encore que de H2,4oo lonneaux , monlee par 45 mille matelots. On observe meme , que malgre la superiorite de la marine anglaise sur la notre , les pertes de son commerce furent enormes dans la guerre tenninee par la paix de Riswick j que dans Thiver de 1699, on ne comptait dans la Tamise, sur les vaisseaux anglais, que 6^,788 tonneaux, etil y en ET POLITIQUE, 3o5 en avail d'etrangers , 83,258, en lout, i4g mille vingt-six tonneaux. a Les armaleursfrancaisprirent a PAnglelerre , dans cetle guerre , 4,200 balimens marcliands , evalues a Irente mille livres sterlings. Les ouvriersfurenlsans travail ; les assurances mon- lerenl a 5o pour cent j 1'inlerel s'eieva a 9 el i o pour les marcliands j el des banqueroutes journalieres , qui etaient les suites inevitables de ces malbeurs , affectaient vivement une nation , dont le negoce fait larichesse, et la marine, lasurele . Get etat deplo- rable, for^a Guillaume a ecouler les cris de la nation en faveur de la paixj grande lecon dont la France aurait bien dii profiler dajis la presente guerre! uLe principal objet des ennemis de 1'^dfngleterre , dit 1'liistorien de sa puissance navale , doit etre tou jours d'altaquer son commerce. Le menager y c'est pro longer la guerre et tons les maux qu'elle entraine ; re'pargnerentierementy c'est laisser a cet etat lou- tes ses ressources , et rendre eternelles les Iwstllites. Cet axiome de noire propre surele , en opposition, avec la doctrine de 1'abbe de Mably, qui voulaitque 1'usage de la course fut inlerdit entre les nations bel- ligeranles, n'a ete malheureusement que trop me- connu des homines publics qui out voulu diriger la revolution francaise. Quoiqu'il en soil, unepolitique mieux combinee de noire part , fit payer bien cher aux anglais les desastres de noire marine , a la fin du dix-septieme siecle. Son tonnage marchand , pendant 1'annee moycnne dc lroi* ? prise de 1699 a 1701 , ne s'eleva V 5o6 S Y s T M E MARITIME pa:s a plus de 1 12 millo 443 tonneaux, dont 97,901 tonneaux anglais , ct i4 millc 54 1 lonneaux etran- gersj ses exporlalions furenl eslimees a 2 millions a3o mille 67-2 livres. Les taxes annucilcs , cellcs de 1701 produisirent au tre.sor public , 3,769,376 livres sterlings. En outre, il avail etc leve en i3 annees , ur la population de FAnglelcrre, eslimee alors a, 7 millions d'intlividus , 58)698,688 livres sterlings. Obscrvons quo, pendant six annees de la guerre civile termrnee par le protectorat de Cromwel , on leva en taxes, prcsqu'enlierementinconnues jusqu/a- lors, 98 millions 612 mille livres sterlings, ycompris le produit descontribufionsrsommeincroj^ablepour le temps et pour la population, mais qui , reversee sur la nation elle-meme, anima Finduslrie par une aclivile prodigieuse ! Ce.s deux depenscs reunies sous Cromwel el Guillaume , forment, monnaie actudle , 8 milliards 417 millions tournoi.s,payes parlepenple anglais, en moins de 20 ans. Autre fait essential : la delte de 43 millions sterlings, conlraclee dans cette guerre, el dont ilreslail encore i4 millions de capitaux, a la mort de Guillaume, fut moins remar- quable encore par la quotite de celte depcnse , que par la noiiveaule de ce systeme de ressources qui renonce aux emprunts forces des capitaux produils par des taxes , pour grever seulement , par rimpot de 1'inteiet de ces capitaux , les generations presen- tes et futures. Ce systeme a etc le levier le plus puissant qui ait conlribueau deploiement des forces maritimes de la Grande-Bretagne, et aux accroisse- ET POLITIQUE. $07 jnens de son commerce et de sa navigation dans le dix-liuilieme siecle. Pendant la premiere periode que nous venons de parcourir , 1'Angleterre s'est roulee des siccles sur elle-meme , avant d'avoir une existence .indepen- danteparmilea socieles europeennes. Sa population a ele presqu'enlierement rcnouvcllee par J'aggrega- tion de six peuplesdifferens. A chaquc invasion , Ies anciens habitans , pour echapper a de nouveaux oppresseurs , se sonl retires sur le Continent, on dans Ies forets d'Amerique , pour y fonder des colonies 5 d'aulres, conduits par des chefs courngeux, onttenle de chercher au dehors un repos qui n'avait jamais con.>tamment regne dans leur ile. Six conqueles , des guerres civiles elernelles, plusieurs regnes de tcrreur, principaleinentsons Henri Vlil el Cromwel, ont livre Ies peuplesde la Grande-Bretagne,aux agitations de I'-incerlitude , et leur ont donne un caraclere inquiet et craintif, qu'il conservent encore dansleurspro- pres foyers , et qui se manifeste de nos jours a chaque bruit d'une descente. 11 semble quc la population nombreuse de 1'AlIe- magnt: et de la France , menace sans cesse ces insu- laires de Ies engloulir. Une telle situation dut tour- men ter long - temps 1'esprit de leurs chefs , pour se creer des moyens artiiiciels de defense : ilsplacercot en eflet, par i'organisation de ilottes composees do milliers de barques, des avant-poslcs sur la mT pour couvrir leur terriloire ; mais nous avons vu 1'impuis- sance de cet apparcil sans consislance. L T n llux et V a S Y S T E M E MARITIME reflux de vicloires ct cle defaites , perpeluerent jus- qu'a la iin du quinzierne sieclc, dans ce pays, I'inexis- fence, pour ainsi dire, d'une force publique exte- rieurc. Cependant , les esprits elaient lournes cons- tammenl vers la nccessilc d'en obtenir une. Les bra- vades et les jactances die lees par la politicjuc des rois tic la Grande - Bretagne , pour faire croire a leurs peuples , qu'ils. e talent les souverains nes de la nier, reussirent enfin a echaulfcr les imaginations : de-la , les germes de Pesprit national , qui n'altendait pour se developper compleUemenl,que dcs circonslances plus heureuses. A peine se furent-elles presentees , dans les sei- zieme et dix-seplieme siecles , par une suite des pro- gres dela civilisation europeenne, que 1'Angleterre parvint a miner les marines espagnole et portugaise, a paralyser celle des Hollandais, et a triompher des forces navales de la France. L'Angleterre avait des- lors tout fait pour sa gloire 5 mais elle avail a peine commence l j immense edifice de cetle fortune com- jnerciale et maritime, qu'elle oblint dans le siecle suivanl par la triple combinaison d'un commerce qui alimente ses finances , des finances qui sou- doyent sa marine, et d'une marine qui a fait cons- tamment, dans le siecle presenl, de nouvelles con- quetes a son commerce et a ses finances. Des encou- ragemens, distribues avec intelligence, avaint deja manifesle les progres de cetle nalion dans Farl de lier les disposilions economiques et legislatives a son systeme d'agrandissementj mais cet art devait se perfeclionuer au-dela de tout exemple : c'est ce que ET POLITIQUE. 1'on va voir dans la .seconde periode de ^existence marilime de ce peuple, dont la reflexion s'applique sans cesse a chercher, dans des moyens auxiliaires, un rempart a sa faiblesse inlrinseque. DEUXIEME PERIODE. De r existence maritime et po- litique de la Grande-Bretagne , pendant le dix~ huitieme siecle. Notre but etant toujours ^instruction de nos con- citoyens, nous adopterons, pour celte periode, la ineme division que celle du chapilre precedent, afin de rendre les rapprochemens plus sensibles et plus luraineux. Les principaux mojens employes par la Grande- Bretagne, pour consolider y perfectionner et utili- ser sa puissance, se rapportent aux elemens qui constituent sa force maritime , etaux dispositions negociatives ou diplomatiques. 1. Moyens de forces maritime s. Les ramifications de celte premiere branche em- brassent les cinq grandes guerres maritimes de ce &ic'cle : i ere . e'poque , guerre maritime de la succes- sion espagnole , termine'e par lapaix d' Utrecht en \j\'6 ; i*. e'poque y guerre maritime de la succession autrichienne f termine'e par la paix d'^4ix-la-Cha- pclle , en iy48 ; 3 e . epoque, guerre maritime et co- loniale de 1766, termine'e par lapaix de Paris , en i yG3 j 4 e . e'poque , guerre maritime pour Tindepen'- dance ame'ricaine 3 termince par la paix dc 1783; 5 . epoque , guerre maritime occasiofmce par la re- volution francaise. V 3 S Y S T fc M F. MARITIME PremuTf- epoqiic. Guerre maritime de hi succession espagnole 9 termine'e par lapaix ti Utrecht , en La dernierr parlic du dix-scplieme siecle avail 6te bicn favorable au developpemenl de IVsprit mari- time en Angleterre. Charles II , conduit de.s inarches du tronc a Pecole nautique des Ilollandais, avant de reprendre , dans .son pays, la souveraine puissance j Favcneinent de Guillailine III a la couronne britan- iiiqiie , en mcine (emps (ju'il elait le chef de la force navale des Provinces-Unies ; de.s succes brillans olj- tcnus paries flolles brilanniques: loulesces circons- tances reunies elaient de puissans vehicules pour rallicr tons les travaux d'unc nation a conceptions fortes , vcrs la carrierc maritime. Le gouvernumenl parvenu une fois a assurer la securite des Anglais , par la creation d'une force na- vale, devint maitrc des moyens d'execulion. De.s- lors , il fut possible aux ministres des dilferens partis de former, a leur gre, des plans d'agrandissement , bien surs d'avoir de nombreux sectaleurs , toulcs les fois qu'ils presenieraicnt des appals &eduisans a 1'ambition el a Porgueil national. Des lors, ils ne du- renl pas s'einbarrasser de 1'opposilion qu'apporte- raient a leurs dcsseins les a litres puissances de 1'Eu- rope. Les minislres.de la Grande-Bretagne furent bienlot eonvaincns , par leurs succes , de la juslesse de ce mot d'un de leurs ecrivains j quc toule puis- sance maritime pent insulter par- tout , impunc- ment. Tous les partis qui se culbuterent, tour-a-lour, ET POLITIQUE. 3 1-t chez cctte nation, dans le cours de ce siecle, furent fi deles a ce lexte j ils ue diflererent que dans Fappli- cation, c'esl-a-dire , que chacun d'eux, afin de Hat- ter , en diflerens temps, Forgueuil brilannique, a preche, successivement , la guerre conlre la France el FEspagne. Aussi est-il loujours arrive que le parli quiaspirait a dorniner Fautre, preconisait la paix, lorsque son adversaire lonnait a la tribune en faveur de la guerre. De la, necessairement,la cliiile du ini- nistere , de quelque parli qu'il fut, lorsque les cala- iniles ramenaienl le peuple anglais a des sentimeus plus paciliques. Notre revolution sera peut-elre la premiere exception, et il n'est pas de raon sujet d'en rechercher la cause, bien senlie, sans doute, par quiconque a suivi les p liases tie la revolution fran- caLe. Une nouvelle guerre, plus sanglante et plus glo- rieuse encore que la precedente, dit un habile po- )> lilique anglais, s'alluma en 1702 , des que la reine w Anne fut sur le trone. La Grande Bretagne arina contre la France, parce que celle-ci venail de re- connailre le prince de Galles pour roi d'Angle- lerre, d'Ecosse eld'lrJande.Cerullalemotiravouej mais la raison secrete et reelle fut la liaine que toule FEurope porlait a la hauteur de Louis XIV Get ecrivain aurait pu ajouter,comme premier mo- bile, Fesperance que concut la nation anglai.se dc prcndre la meilleure part dans la riche succession coJoniale du dernier roi d'Espagne. Les succes maritiuies de la guerre prcccdcnlc , V 4 S Y s T E M E MARITIME avaienl ete brillans pour l'Ang1eterre,maia rien moins quc lucraliis. On a vu , qu'en moins dc vingt annecs dc la derniere partie du dix-septieme siecle, il avail cte levcysur la nation, huit milliards quatre cent dix- scpt millions tournois. Sans doute line grande partie de celte sommc , en tournant an profit des sectateurs des revolutions de 1660 elde 1688, avait vivifie les ca- naux de la circulation interieure; mais une grande portion aussi avail du s'ecouler vers 1'elrangrr , pour solder 1'achat des munitions navales , propres a ali- mentcr des flotles nombreuses. Le besoin pressant etait done d'aifaiblir les eflets des nouvelles deperdi- tions de V agent univcrsel du travail , et de se me- nager encore , s'il etail possible , des rcssourccs , pour reparer, en temps de paix,les pertes de cette nature. Aussi , sous ce double rapport , le trait d'liabilete de la cour de Londres , fut-il son traite dc commerce de i jo3 avec le Portugal. Au moyen de ce pacle , FAn- gleterre arrha, pour ainsi dire, For du Bresil , et &e forma une sorte de liste civile exterieure. En eflet, ces fonds furent employes a maitriser les cabinets des principales puissances continentales , et a alli- ser le feu de la discordc contre la France, afin de di- viser ses mo3 r ens de defense. Par la,le gouvernement britannique parvint a reunir la puissance navale, la puissance pecuniaire , et la puissance federate $ triple levier avec lequel elle devait menacer toutes les societes europeennes, et tenir perpeluellemenl en echec leurs etablissemens commerciaux , dans les quatre parties du globe. La marine anglaise avait ele laii&ee, par Guil- ET POLITIQUE. 3l3 laume III, dans un elattres-florissant. Elle consi&tait en 282 batimens, dont i3o etaient des vaisseaux de ligne , depuis le premier rang jusqu'au quatrieme inclusivement. Pour les arraer lous, il fallait 10,469 pieces d'artillerie , et 61,119 homines. L/ascendant de Marlborough et de son epouse , dans le cabinet britannique , fit porter presque tous les plans de la guerre de la succession espagnole , sur les campagnes de terre. II en resulla peut-elre quelques prejudices pour la Grande-Bretagne , mais elle en relira aussi de tres-grands avantages.On dira que les fonds distribues aux allies et a Farmee de Marlborougli, purent diminuer le deploiement des forces marilimes, de maniere a ne pas prolegerasscz efficacement le commerce des Anglais. Cependant, celle divergence de moyens n'empecha pas la ruine, presque tolale , de la marine francaise , quoique souleniie par la marine d'Espagne, qui recut elle- meme de furieux echecs dans la Mediterranee et en Amerique. Mais ce qui depose en faveur de ce nou- veau sj'sleme de venalite, c'est qu'en distribuant de Tor , a pleines mains , aux puissances continenlales , PAnglelerre obtenait sur elles une preponderance qui devait les meUre a sa devotion ; et, de plus , en bercant les Hollandais de Feternelle chimere d'un traiie de barrieres, elle detournait leur attention des affaires maritimes. A tousces avantages, il faut joindre ceux qui lui furent assures par la paix d'Utrccht. Gibraltar, dans la Mediterranee, salislit la vanlte plus encoruquo J'utililc national*: 5 la demolition du port de Dun- S Y S T 51 E MARITIME kerquc fut un Irophec pour le ressenliment des ne- gocians anglais, mines par les armatetirs de celle ville. Los benefices materiels , pour la Grandc-Bre- tagne, consistcrcnt , d'uri cole, dans les concessions qu'clle oblinl a Tcrrc-Neuve pour la peche de la inorue ; concessions inapprcciablcs , puisque , depuis cetle epoque, elle forme annucllemcnt a celte rude ecole des millicrs de matelots j d'un autre cole , dans la faveur d'un vaisseau negrier, aulorise par le traile de V^/ssicnto. Cette dernicre clause legitima , et fit .fruclifier, presque sans aucuns risques pour les An- glais , leurs speculations interlopes avec les riches colonies occidcntales de 1'Rspagne. La folie d'Alberoni mil de nouveau aux prises, en 1718 et 1719, les flolles anglai.ses et espagnoles. II n'en resulla rien de rernarq liable que les a van- tages oblenus , aupres de Messine, par les Anglais , el la disgrace d'Alberoni , qui en ful la suite. Dctixieme epoque. Guerre maritime de la succes- sion autricliienne , terminee par la paix d'^4ix- la- Chape He , en 1748. Cetle guerre est ainsi appelee , parce que les pre- tentions de diverges puissances a la succession des clats de la maisou d^Autriche , en fournirent le.pre- lexte ou le motif. La mort de Cbarles VI, au mois d'oclobre 1 740 , fut le signal de la ligue qui se forma con Ire Marie-Therese , sa lille unique , dont PAn- glelerre enlreprit la defense. Le principe des hoslililes, par rapport a FEs- pagnc, remonle aFannee 1729. 11 avail des causes ET POLITIQUE. 3l^ particnliores dans la cupidite des marcliands anglais, qui laisaient sans cesse de nouvelles Icnlalives pour s'emparer du commerce des E-spagnols sur les cotes du Mexique. Ceux-ci les avaient fort maltraites, et ccs marcliands reussirenl a inlere&.ser le penple de Londres a leur vengeance. La manicrc dont se fit la rupture, depose du progres qu'avait fait l'e.sprit national, relativement aux enlrepriscs marilimes , puisque le peuple anglais forea le gouvernement , qui avail fail un traile le 10 Janvier 17^9 , avec I'Ks- pagne , de rompre ses engageinens , el de declarer la guerre. Les brillans ct u tiles succes qu'elle valul a PAn- glelerrc , ne furcnt pas propres a moderer pour Pavenir , les pretentious de ce peuple a ['empire des mers. L'etat dans lequcl etait alors la marine anglaise, prouve,dil 1'auleur de sa puissance navale , com- bien peu Georges II avail envie de faire la guerre. Avant les premieres negocialions , on ne comptait dans lous les porls des trois rojaumes , que go vais- seaux dc ligne , dont pres de la moilie elait encore sur les chantiers, ou avail besoin de grandes repara- tions. Un pelil noinbre de fregales tres-faibles et quelques corvettes achevaient de porter la lolalile de ces forces navalesa 209 voiles. Malgre ce defaut do grands moyens a developper, la joie ful inouie a Londres , lorsque la guerre fut declaree. Les premiers succes furent equivoques. Les an- glais prirentala verile , en mars iy4o, Porlo-bello; mais Tamiral Ycrnon ful oblige de lever le iit-ge de 3i6 S Y s T E M E MARITIME Carthagcne. Le resultat dela balaille navale de Tou- lon , Jivree le 22 fevrier 1744, fut la dispersion des Holies combinees d'Espagnc et de France , le dom- mage de la ilolle anglaise , el la liberle de la Me- diterranee, pendant quelque temps. Mais, de lydiu 1748, les anglais eurenl les succes les plus eclalans. C'esl dans cetle periode quc 1'ori vit ti iompher a Londres , au milieu des riehes prises failes eaux ET rOLITIQUE. de ligne dans le port de celte derniere ville ; tels furenl les desastres qui signalerent les plus grands triomphes que jamais peuple maritime ait obtenu sur ses rivaux. Les forces navales de la France fu- rent aneanties, et celles d'Espagne considerablement endommagecs. Ajoutons que les anglais, sous le lord Clive, acqueraient dans PJnde de riches elimmenses tcrriloires , se servaient dela terreurpour etablirleur domination dans 1'empire du Mogol, ruinaient , par la prise de Pondickery , les etablissemens francais , et couvraient sans obstacle , la mer dans loutes les parties du globe, dc leurs floltes militaires etcom- merciales. L'esprit national avail recu un puissant aiguillon,parlesacriticeque la polilique avail cru dc- Toir faire de Famiral Byng, qui fut condamne a morf, pour n'avoir pas empeche la prise da Minorque. Par le traile de paix de 1/63, non -seulement 1'Anglelerre conserva 1'Acadie el le Canada , ainsi que Loui>bourg : ma is elle oblint encore, des espa- gnol.s , la cession de la Floride 5 ellc reduisil a quel- ques faiblcs abris de pecheurs , la peche frangaise , aulrelbis si llorissante a Terrc-Neuve. En Afrique, elle conserva nos possessions surle Senegal, a Pex- ccplion de Goree. I^a France recouvra Pondichery, sous la condition d'etre exclue de tons les etablisse- mens sur le Gange; mais elle ful obligee de demolir loutes les fortifications de Dtmkerque, du cote de la mer. Knlin , Torgueil et la cupidilc de la Grando- Bretagne , ne pouvaient plus rien souhaiter ; et Umt de sucees , aiusi qu'on va le voir , dcvinrenl en ellet le teriiie dc ruccroisscincnl de sa fortune coloniale. 32O S Y S T M E MARITIME Qualrieme cpoque. Guerre maritime pour Vimle^ pendance arnericaine , tcrmince par la paix de , _QX 17 L'Angleterre elail apeinccn possession d'unvaste terriloire, en Amerique, que des semences de divi- sion germercnt dans ses eolonies continenlales. Des hommes publies , des ecrivains judicieux se reuni- rentpour prouver que ces acquisitions seraientbien- tot fatales a la puissance de la Grande-Brctagne. On s'accordait a penser quele Canada, une fois sous sa dependance , les habitans ne seraienl plus , pour les colonies anglaises, des voisins redoutables ; et cello sec u rite devait rehicher le lien forme depuis un sie- cle, enlre ces colonies etleurmelropole.parle besoin d'une muluelle defense con Ire les francais. On a vu, dans la premiere periode de cette analyse, que la promulgation de 1'acte de navigation avait jelte des semences de meconlenlement dans ces colo- nies , dont les inlerels comrnerciaux se trouvaient subordonnesa ceux de la mere-palrie. Leur prospe- rite mutuelle pendant un siecle,n'avait fail que mul- tiplier leurs differends, sur-lout par rapport a la le- gislation commerciale, dont loutes les combinaisons consistaient, a quelqucs exceptions pres , a reserver a FAnglelerre , le monopole des productions colq- niales, etla vente exclusive des produits des manu- factures britanniques. Le moment parut se presen- scntcr en 176! , pour les colonies , de rompre avec TAngleterre, ET POLITIQU-E. 321 1'Angleterre, aPoccasion de Pacte du timbre ; mais cet acte ayant etc revoque, le meconlenlement fiit contenu jusqu'en 1767, que des impots elablis prin- cipalement surle the, donnerent lieu a de nouveaux griefs. Le gouvernement anglais ayant temporise jusqu'en 1774, rompitalors lui-meme ouver lenient, en iermant le port de Boston j les hoslililes com- meneerent entre les Etats - Unis et la Grande - Bre- tagne. Cette querelle coloniale ne devint une guerre maritime en Europe, qu'en 1 778, aprcs que la France . cut reconnu Pindependance des insurges. La Hol- lande et FEspagne se liguerent ensuile avec la France , pour determiner la liberle des Etats-Unis d'Amerique. L'Angleterre, seule centre les trois premieres puis- sances maritimes,eutbesoin de deployer desefforlsex- traordinaires. Aussi, Chalmers , auteur anglais , rer marque que le tonnage de la marine royale etait, en. 1 774, de 276,446 lonneaux , mais que plusieurs vais- seaux , au moment du besoin , se trouverent hors d'etat de service. Dans les six annees de guerre de 1776 a 1781 , elle ajouta a cette marine 5i4 vais- seaux, 8^888 canons , et 1 46,654 tonneaux. DepuLsla guerre de la revolution de 1688, PAngle- terre n'avait pu ajouter asa force navale, que 1 1,368 tonneaux j et au milieu memo de sa lutle conlre les colonies, la Grande-Bretagne construisit et equipa nne marine superieure a celle qu'avaient cue le roi GuUlauuie , la reine Anne , et meme Georges I" r .' SYSTEMS MARITIME Les accidens ordinaires de la navigation , et la bonne fortune de ses ennemis, lui firent perdre plu- sieurs vaisseaux. Cependant,en Janvier 1785, dans cetle memeanneeou le parlement avail vote 1 10,000 homines pour le service de mer, la ilotte etait de 3g3 vaisseaux , monies par 104,978 homines. (*) Telle etait la force navale avec laquelle la Grande- Bretagne parvint , apres de rudes combats , a 1'em- porler sur les flottes reunies de la France , de PEs- pagne et delallollande. Les armateurs de Liverpool mirent en mer plus de vaisseaux que toutes les colo- nies revoltees n'auraient pu en equiper. Cette lulte, pour ainsi dire, miraculeuse, de la seule force navale de 1'Angleterre , contre celle des Irois premieres puissances maritimes de 1'Europe , est d'aulant plus a remarquer, que la Grande-Bre- tagne , assiegee par tant d'ennemis , se trouvait non- seulement privee de secours coloniaux et continen- taux, comme dans les guerres precedentes , maia (*) Voici quelle en etait la division. . (20 vaisseaux de .... SoaioScan^por*. i 44 de.... 74 .... a6,na 45 de 60 a 68 a4,3ao 18 de 5o 5,468 64 fr^g- au-dessus de 3o 1 3,765 5i au-dessous de 3o 8,58i 101 sloops de 18 et au-dessous.. n,36o i5 brulots ou galiotes a bombes 26 vaisseaux arraes, loues au commerce. 393 moDtes par 104,978 ET POLITIQUE. 32$ qu'elle avait merae acombattre, en Amerique, les merries forces qu'elle avait cues, dans tout le cours du siecle , comme auxiliaires. Les milices, les matelots, les bois de construction, les matures, le fer,le cuivre, le chanvre,le goudron, etc. ressources qu'offraient jadis a leur metropole, les Etats-Unis , manquerent alors aux armemens de TAngleterrej et, pour donner quelque idee du pre- judice qui devait en resulter pour sa marine, on ob- servera que le commerce anglais,en Amerique, avant les troubles, alimentait seul 83,goo matelots j que dans la guerre de 1 766, les AngJo- Americains mirent sur pied 26,000 hommes de milice, pour seconder les entreprises de 1'Angleterre; et que les seules pro- vinces septentrionales , connue. c sous la denomina- tion generale de NouveU^-^rtgleteney fournirent, alameme epoque, 35,ooo matelots. 11 fallut done que le gouvernement britannique deploy at dans la guerre de 1'independance americaine,desressources extraordinaires , pour suppleer ses enormes pertea dans les elemens de sa force maritime. On peut ju- ger des efforts que firent les negocians de la metro- pole , par 1'exemple de ceux de Liverpool , qui ar- jnerent, depuis le 26 aoiit 1778, jusqu'au 17 avril 1779 , cent vingt vaisseaux pour la course , de 10 a 3o canons, dont la plupart de i4 a 20. Us portaient ensemble 30,787 tonneaux, 1,986 canons, et 8,764 hommes dVquipage. Eniin 1'Angleterre, lassee moinsqu'extenuee, con- sentit , en 1 783, a la paix , et reconnut 1'independance Xa SYSTEMS MARITIME amcricaine. Elle dut alors s'occuper de retrouver, dans 1'adoption de nouveaux plans de commerce et de navigation, IcsmoyensdereparerlespertcsquYllo venait de sanctionner a jamais , en placant , quoiqu'u regret, les Ireize Etats-Unis sur la meme ligne que Ics societes europeennes. Le ministere britannique se livrait, depuis six ans, a toutes sortes de combinaisons commerciales , lors- que la revolution francai.se commanda son attention, sur un des phenomenes poliliques le plus etonnnnt par ses principes , ses efiets , ses moyens , et le plus dangereux, pour Fernpire britannique , parses con- sequences. Cinquieme epoque. Guerre maritime , occasionnee par la revolution francaise. Nous sommes tous temoins que, dans le cours de la guerre presente , le champ de bataille maritime est constamment demeure a FAngleterre , et par Pef- fct de la tourmente revolulionnaire , qui nous a fait depasser le but au lieu de Fatleindre ; et par 1'iniide- lile de 1'Espagne et de la Holla nde a leurs propres interets j et par Findolence des puissances secondaires a s'unir, pour faire respecter leur neutralite; enfin , par la polilique meme du ministere anglais, qui , de- puis les hostilites commencees, pour prevenir toutes tentatives de la France sur les cotes de la Grande- Bretagne, a deploye une force maritime militaire , jusqu'alors inconnue. La force maritime anglaise s'elevait, au mois de iecembre 1796, a 661 navires, dont 171 vaisseaux ET TOLITIQUE. clc ligne; 24 de5o canons 5 210 freg. et 266 sloops (*). (*) Voici les details inseres dans le Moniteur du 7 nivose, an 5 C . ( 27 decembre 17.96, v. st. ) Londres , le 12 decembre. On vient de publier I'etat sui- vant des forces na vales de 1'Angleterre. VAIS8EAUX DG L1GNE. HE JO CAN. Dans le port et en armement 5a i3 11 10 17 4 i 10 23 5 5 2 1 1 5 i 58 5 3o i5 a5 5 11 11 i 54 87 55 20 22 6 9 7 17 162 1 9 7 4 43 66 16 22 5l 1 75 Pour la garde , 1'ho- ipital et les prisons . . Dans le canal d'An- , gleterre et dans celui d'Irlande Dans les Dunes et les mers du Nord. . . Dans les lies des In- des occidentales et au D;issace . A la Jama'ique . . En Amerique et a Terre-Neuve . . . . A'ux Indes occiden* tales et au passage . A lacote d' Afrique. A la cote de Portu- ' eal,;i Gibraltar etdans ' la Mediterranee . . . Total en commission Et en y comprenant les uutres batitnens en ^ radoub , en construc- . tiou. etc. , le total est de 121 171 16 24 171 210 201. 366 5oQ 661 L'ttat de V A Portsmouth . . . Plymouth or din air i4 q 6 e dans c 2 i 2 haqne p i5 7 2 4 4 ort , e.st , 21 8 i 6 J7 5o 25 11 10 21 Chatham Sheerness La Riviere ..... TOTAL 29 5 3o 53 117 X '6 SYSTEMS MARITIME Depuis le commencement de cette guerre, j qu'au 3 1 mars dernier, les Anglais ont pris aux Franc.ais i53 vaisseaux , parmi lesquels 27 de ligne, et pas un au-dessous de 74 canons. Les Franc, ais ont pris aux Anglais 44 vaisseaux de guerre , parmi les- quels cinq de ligne. Maintenant que nous avons parcouru toutes lea epoques, qui devinrentl'occasion du developpement de la puissance maritime britannique,rapprochons les elemens comparatifs du progres de cette puis- sance, avant et depuis ce siecle. Pendant le 17". siecle. Alamort d'^lisabeth (i6o4) 4 2 batim. (Aucun n'entrerait aujourd'hui en ligne.) A la mort de Cromwel (1660) i6obatim.(Deligne, inconnu.) Pendant le i8 e . siecle. A la mort de Guillaume( 1702) 282 bat., dont i3o de ligne. Guerre de 1739 263 90 de 1766 279 89 de 1 776 3g3 1 09 Guerre presente 661 171 Quelles verites accablantes , pour PEurope, nais- sent de ces rapprochemens ! Depuis moins de deux siecles, la force maritime anglaise est devenue pros de seize fois plus considerable, malgre sa triple lutte centre FEspagne , la Hollande et la France. Jamais elle n'a deploye autant de moyens que dans la guerre presente 5 et cependant elle n'a eu a y combattre , et bicn faiblement, que la force maritime de la France, ET POLITIQUE. absolument nulle. La raison de cet accroissement est qu r un double objet a occupe emineminentle cabi- net britannique : la necessite de faire des conquetes coloniales, pour nationaliser celle guerre par des profits ', et 1'obligation de nrellre en surete les cotes, afin de bannir de Pesprit des habitans toute crainte centre les tentatives de descente de la part des Fran- c,ais, qui, a une certaine epoque , menacaient d'i- nonder 1'Europe entiere. Les sacrifices d'aucun genre n'ont coute aux proprietaires et aux ciloyens indus- trieux , qui forment la saine majorite du peuple an- glais , pour se garantir de ce dernier ileau revolu- tionnaire, qui n'etait plus ni une reforme ni un changeraent dans le gouvernement , mais une veri- table disorganisation sociale. Au surplus, les benefices de la nation anglaise ont ele iramenses dans cette nouvelle lutte , non-seule- ment par 1'effet de nos pertes , mais au mojen de la substitution faite par ses negociations, de ses mar- chandises, dans les marches approvisionnes ante- rieurement par le commerce fran9ais. A ce tableau comparatif de la force maritime an- glaise , il faut ajouter le parallele suivant de ses ac- croissemens de prosperite , depuis ce siecle. ^Commenc. du 18*. siecle. 261,222 tonneaux, Tonnage I (1701) et 16,691 horn, de men marc hand. \ Fin du 1 8*. siecle. (i 79^) * ^89, 1 62 tonneaux , et 1 1 9, ig^hom. denier. . f . . .......... 2,236,627 livres sterl. Exportations^ ................... 27,270,000 liv. sterling X 4 3a8 S Y s T & M E MARITIME p , . /Conmicnc.du 18'. site. 7,000,000 individus. ropui . . j rin du x g , sj > de 8,000,000 au moiiis. Dette f l4,OOO,ooo liv. sterlings. ptiblique. \ 36o,2a8,oao 1. ster.au i" Jan. 1796. Imp6t ordin. ( 4,5 16,000 liv. sterlings. et levee < de guerre. [ . 28,279,000 liv. sterlings. Les forces marilimes. de 1'Angleterre, a la fin de 1 788 , etaienl eslimees , suivant un tableau public en 1789, a 1 1 8 vaisseaux de ligne, depuis 100 canons jusqu'a Go ', 69 fregates de 44 a 32 canons j 64 aulres batimens de toute grandeur, tant cutters, sloops, briilots, etc. le tout arme de 1 1 a 12,000 canons, et monte du nombre possible de plus de cent mill* matelote. Bien avant la fin du dix-septieme siecle, des ecri- vains anglais , secondant le parti de I 'opposition , ftonnaient le tocsin de la delresse sur les operations du gouvernement. La dette publique , sur-tout, fon- dee sur son systeme d'emprunt, a fait, depuis qu'elle existe,la terreur des calculateurs poliliques. Qu'est- il resulte de cet esprit de critique etde contradiction? line plus grande ardeur pour conquerir et s'enrichir. On peut se rappeler quel fut le succes de ce deploie- jnent des forces de FAngleterre, qui furent consti- tutes permanentes , au moyen des benefices assures qu'elle seprocura, dans ce siecle, par le monopole du commerce du Portugal , par la possession de Gi- braltar , clef de la Mediterranee$ par Fetendue de sa peche a Terre-Neuve , par 1'interlope dans les colo- ET POLITIQUE. nies espagnoles , en verlu du traite de V^4ssiento ; par ^acquisition du commerce des pelleteries du Canada et de la Floride ; enlin , par sa domination dans 1'lnde , qui lui a ouvert les tresors du Mogol. Quant u la separation de ses colonies occidentales , en resultat, FAngleterre a etc allegee des frais de garde et d'administration j etsoti commerce est aussi etendu qu'avant leur scission : seulemenl il s'est exer- ce sur de nouvelles combinaisons. Cette ricliesse s'est accrue , dans la guerre presente , par les approvision- nemens de FAngleterrc , au-dela de toute proportion et de toute expression , tant en Espagne , qu'en Alle- raagne et en Italic. En versant les produits de ses manufactures , sans egard auxbesoins du moment, le speculateur anglais a pour but d'ecarter , par Fa- bondance et le bas prix, la concurrence frangaise, au moment oil la paix sera relablie , et de se conserver a jamais, par ce manege, ses conquetes commer- ciales. Combien done sont chimeriques toutes predic- tions qui tendent a raonlrer la ruine de FAnglelerre, specialement dans Penormile de sa dette publique ! Les tableaux precedens indiquent sullisamment 1'in- fluence de cette delte sur la prosperile britannique. Ce ne sont pas lesemprunts qui ruinent toutparti- culier ou tout etat emprunteur : c'est la mauvaise combinaison ou le mauvais emploi des capitaux em- pruntes. Vouloir aflirmer la ruine procliaine de FAn- gleterre, par une progression arilhmetique , c'est predire la iin du monde , parce que tous les qlre* 33o S Y s T I: M E MARITIME existans sont soumis a la loi de la destruction. Loirt que lesysteme d'emprunt, par 1'impot, adoptepar la nation anglaise depuis un iecle, soit un principe de destruction pour elle , ce sysleme est essentiellement celui cle sa vigueur, le complement etlelien de ses forces actives et produclives j c'est Immense levier a Paide duquel elle a conquis sa propre surete , et le commerce du globe, avec le moins de sacrifices pos- sibles de sa population. En effet, malgre les emigrations et les degrada- tions qu'occasionnent , -dans Pespece humaine , les voyages, les conquetes , le commerce lointain, on. voit que la population anglaise a augmente d'un huitieme , dans ce siecle. Un fait encore plus remar- quable, pour detruire toute exageration sur Pin- fluence de la dette publique anglaise , relativement a la duree de sa prosperite j c'est que le capital de cette dette est aujourd'hui de huit milliards six cent quarante millions, dont les interets seuls, a trois pour cent de ce capital, equivalent a deux cent cinquante- neuf millions deux cent mille livres , lesquels interets seront leves forcement , chaque annee , par Pimpot , sur toute la nation anglaise. II faudra alors vingt annees avant que d'avoir leve une somme de cinq milliards cent qualre-vingt-quatre millions lournois, tandis qu'en moins d'une semblable periode, sous Cromwel et Guillaume , epoque a laquelle le systeme des emprunts, ou n'etait pas connu, ou n'offrait pas de grandes ressources , on leva huit milliards quatrd cent dix-sept millions. Cependant rAnglelerre a tou- ET POLITIQUE. 33l jours march e depuis, avec Constance et audace , vers la prosperite. D^ailleurs , I'enormite de la dette an- glaise porte en soi son reraede, dans la reduction des interets , operee deja, a plusieurs periodes de ce sie- cle, sans violence j systeme de reduction qu'on peut encore perfectionner par de nouvelles combinai- sons : et le subside paye a 1'Autriche en produits des manufactures anglaises, est un exemple de ces innovations ingenieuses dont est: capable Pesprit na- tional. Celte dette publique est une affaire de fa jnille qui se reglera toujours a 1'amiable par le peu- ple anglais , tant qu'il en verra les consequences avantageuses pour son commerce et sa puissance maritime. L'exemple de la France pourra lui etre de quelque utilite pour cette reforme 5 les liquida- lions , par emission de papiers , ne seront pas ne- gligees, parce que ces remedes operent par revire- ment , et sinon sans violence, au moins sans secousse , sur Fensemble du corps social. Notre experience prouve que de grands desordres dans les finances, non-seulement n'amenent pas cette disorganisation sociale , mais peuvent meme s'allier avec tout sys- teme de puissance et de gloire exlerieure. Est-co seulement le gouvernement actuel que Fon desire Voir renverser ous le poids de cette dette? Mais le gouvernement qui lui succederait recevrait la mis- sion expresse, sous peine de mort, de continuer a soutenir lesheureuses destinees del'AngleteiTe. Qu'a gagne 1'Europe au protectorat de Cromwel j a la res- tauration de Charlw II ; a Tavenement de Guillaumf 332 S Y S T E M E MARITIME el a I'elevation de la maison d'JIanovre ? des fers I des fers! et toujours des fers dans la carrierc mari- time. Au surplus, nos rcmarqucs n'ont pas pour objet tTencourager les larcins poliliques quo Tail le peuple anglais au commerce et a la marine des autres na- lions , mais de prouver qu'on ne ruinera pas saj:lo- jnination , uniquement avec des chiires. II ne faut pas perdre de vue que la consequence de celle )) analyse est de montrer a I* Europe la marine an- glaise commc un colnsse menacant et redoulable, D> par sa propre force, qui 9 menie sans secours continentaux t peut ttiompher de toute confe'de- ration maritime , si haine eternelle a sa tjran- )> nie n 3 est unanimement jure'e par Louies les na- ); tions inte'resses a la liberte des iners . Nous aliens demontrer que cette force maritime ne re^oit pas moins d'energie et de consislance des mojens de negocialion. I/activite, Finduslrie des Anglais, soit dans 1'in- lerieur de leur ile , soit a Fexlerieur , pour animer leur population , et accroitre leurs mojens de puis- sance, Faccord des volontes particulieres avec la vo- lonle generale , pour la surete et la splendeur de la nation 5 cette reunion du bonheur et des talons forme un spectacle dont aucun peuple n'avait donne jus- qu'a present, 1'exemple a un si haut degre. Ce mer- veilleux concours des conceptions industrielles et des combinaisons politiques, representera les Anglais, a la posterite, comme les castors , pour ainsi dire, de T POLITIQTJE. 335 Pespece humaine : puissent-ils ne pas figurer clans les fastes de Phistoire de nos moeurs, comme des lions disputant eternellement de proie avec les au- tres Europeens, et comme des tigres acliarnes au malheur des Africains et des Asialiques ! Cette polilique leonine, maniiestee constamment paries negocialions de PAngleterre, deja develop- pees dans le chapitre particulier a chaque puissance, et que nous aliens resumer , a du rendre son gouver- nement un objet de crainle et d'animosite pour les autres nations europeennes $ sentimens qui peuvent un jour lui devenir iunesles. Depuis la division des va.sles etats de la domination autrichienne , entre les deux branches allemande et espagnole , TEurope s'etait vue soulagee du poids enorme de ce colosse de puissance, sur terre comme sur mer. Quelle qu'eut etc la terreur inspiree par les armees,si long-temps victorieuses , de Louis XIV, les progres fails en Europe , au dix-septieme siecle , dans la carriere de la navigation, devenaient un obstacle de plus a son ambition; et cette circonstance devait rassorer loules les puissances du second ordre. Un nouveau champ de bataille s'etait, en quelque sorte, ouvert sur mer : ii elait demeure successi vement aux Porlugais, aux Espagnols, aux Hollandais et aux Francais. EnfiiijTAnglais, triomphateur de tons, annoncail a 1'Europe, pour le dix-huitieme siecle, un nouveau peuple dominateur, sous les lois impe- rieuses d'un commerce conquerant et monopoleur. 334 S Y s T E M E MARITIME L'EsPAGNE , dont la riche succession , dans les di- verses parties du globe , devenait alors vacante , fut la premiere puissance qui s'offril aux combinaisons de celte politique devoranle de la Grande-Brelagne. DCS le milieu du siecle precedent, un elernel sujet de discorde subsistait enlre les deux cabinets de Londres et de Madrid, pour 1'exploitalioii des boia de Campeche , dans la baie de ce nom , en Amerique. Les demeles ne firent que prendre de ^extension, par les concessions faites a 1'Angleterre par FEspagne , a \a. paix cVUtrecht. La contrebande , exercee par le vaisseau privilegie pour la traite des noirs , fut la c?ause qui ensanglanta les deux mondes, dans la guerre de i/Sg, jusqu'a la paix d'Aix-la-Chapelle, en 1748. Get interlope subsista jusqu'en 1760, que la convention de Buen-Retiro y substitua une mode- ration de droits sur les marchandises anglaises, des- tinees pour les Indes occidentals espagnoles. Des- lors , on dut eroire au retablissement de la concorde entre les deux peuples; mais de nouvelles preten- tions , elevees sur des etablissemens anglais dans la baie d'Honduras , determinerent la rupture de FEs- pagne en 1 760. La paix de 1 763 fut suivie en I 77 r , d'une convention , relative aux iles Falkland. La guerre de 1'independance americaine produisit une Jutte nouvelle entre les deux puissances j elle fut ter- jninee par la paix de 1 783 5 et enfin , la mediation de la France amena, en 1790 , une convention, particu- litre aux lies Mosquitos t au moment oil la guerre etait prele d'eclater. ET POLITIQUE. 335 Ce precis recapitule la conduite de 1'Angleterre , ct la presente dans son vrai jour. La richesse colo- niale espagnole est le point auquel on la voit ten- dre, dans toule sa politique du dix-huitieme sieclej enpaixy elle depouille le commerce de cette nation, par 1'interlopej en guerre , elle pille ses riches car- gaisons d'Amerique , et en compose des trophees , dont le spectacle bruyant anime le peuple de Lon- dres a de nouvelles rapines : le gouvernement en retire d'immenses ressources , pour consolider sa puissance navale, et raenacer perpetuellement, avec line audacieuse impunite, la liberte des mers. LE PORTUGAL : son traile de Metliuen y a fonde, des 1703 , une liste civile a la marine de PAngleterre, payable avec For du Bresil j c'est principalement cet or qui a place, au dix-liuitieme siecle, la Grande- Bretagne au rang des premieres nations de 1'Eu- rope, en lui procurant la puissance pecuniaire, avec laquelle elle achete des troupes et ses alliances sur le continent. Quinze cents millions, pompes en y) 5o ans , disait le marquis de Pombal , en 1 760 , au )> cabinet de Londres, vous ont mis a portee de sti- y pendier des forces de mer et de terre, lorsqu'an- terieurement vous n'aviez pas de quoi equiper vingt vaisseaux de guerre, et entretenir six re- x> gimens . LES PUISSANCES CONTINENT ALES, telles que le mai- aons d'Autriche et de Savoie, el plusieurs princes allemands, marchent a la voix sonore de I'Anglais, pour harceler les grandes puissances maritimes , qui 336 S Y S. T .& M E MARITIME pourraient ecraser de leur masse ces ambilienx in- sulaires. Mais les triomphes des armees republi- caines a la iin de cc siecle, presagent que dans le dix-neu vieme , et peut-etre avanl, lous ccs auxiliaires soldes se refuseront, meme pour leur propre interet, a une politique aussi machiavelique. L'ITALIE a une existence maritime nulle dans les etats de Toscane, de Genes et de l'tat ecclesias- tiyue. La marine de Venise languit sans aucune di- rection politique j ct celle de Naples, a peine sortie des eaux, n'a pas encore pris 1'altilude qui parait lui convenir, a raison de la force intrinseque de cet etat. LES PUISSANCES BARBARESQUES sont propices a celles des nations europeennes qui alimentent le mieux leur brigandage maritime, etl^Angleterre sent padailemenl la convenance de reporter une partie de ses tresors vers la source oil elle les a puises. L'EMPIRE OTTOMAN, sous Finfluence redoulable d'un ennemi qui 1'obsede par mcr et par terre, me- nage la Grande-Bretagne qui mailrise FOcean et la Mediterranee. LA HOLLANDE et LES VILLES ANSEATIQUES Ont 6te , dans ce siecle, les comptoirs auxiliaires dc 1'Angle- terre j et c'est tres-accidentellement, et presque a re- gret, que les Provinces-Unies se sont trouvees ar- mees, a certaines epoques, centre le despotisme ma- ritime de cette nation. LA PRUSSE a une independance plus reelle , a rai- son de sou voisinage des etats d'Hanovre, et de soa defaut E T FOLITIQUE. tlefaut de forces navalesj mais elle en profile pour son propre compte , et pour arrondir ses possessions. LE DANEMARCK et LA SUEDE , si leur desunion ne les fai.sait marcher en sens inverse cle leur propre interet, seraient nn conlre-poids decisif , dans les: raers du nord , centre le colosse de la puissance ma- ritime anglaise. A la source des munitions navales , dont elles sont en grande partie proprielaires , mai- tresses des ports de la Baltique , ces deux puissances paralj-seraient , a volonte, les Holies brilanniques, si leurs tentative?? elaient combinees avec les forces reunies de la France, del'Espagneetde la Hollande; et avec des armemens en course, diriges en Ameri- que par les habitans des Etats-Unis, centre le com- merce colonial de la Grande-Bretagne. La navigation des Danois et des Suedoisprendrait nne grande extension , si les Anglais elaient eonte- nus dans leurs usurpations, et cessaient de pouvoir, conlre tout droit des gens, troubler Ja navigation des batimens neulres, ainsi que le gouvernement brilannique le fait dans la guerre presente , avec une audace qu'il faudra bien enfin reprimer: ear, si ces procedes sont reellement intolerables , les peoples qui peuvent y mellre obstacle, doivent enHn sentir combien leur patience Its deshonore, a moins quails n'ajourneut le'jour des vengeances, pour mieux assu- rer le chaliment d'un ennemi, qui provoque sans cesse une guerre a mort enlre les nations. En faisant ainsi le lour de FEurope, on appcrqoit troib puissances maritiiues, occu]_>ant le (levant de la Y 338 S Y S T Iff E MARITIME scene j 1'Angletcrre et la France dans 1'occident , et la Russic seule dans le nord. Les intcrets des autres nalions qui sont navigalrices et proprielaires de colonies , se confondent avec coux de la France. L'Espagne, la Holland?, le Danemarck ct la Suede, pcuvent, reuniesa la France, opposcr 260 vaisseaux de ligne, a la tyrannic brilannique. Celle-ci, de son cole, po^sude aujourd'hui 170 vaisseaux de ligne, et peut avoirpour auxiliaires, par la conformile de vues avec la Russie, 70 aulrcs vaisseaux dc ligne , a la ver ite sans malelots sufiisans de la part de celte der- niere puissance ; ce qui compose a toules deux une force collective de 24o vaisseaux : force vraiment prodigieui;e , puisqu'clle reunit presque les moj'ens inaritimes de cinq autres nations. Les trop faible* puissances d'llalie, 1'insouciante Venise etle Portu- g:d , qui ne possedent en commun qu'a peine 4o vaisseaux de ligne, sont destines a rester neulres dans une pareille lulte. L'empire oltoraan avec ses So vaisseaux de ligne , pourrail fuire une diversion ulile centre la Russie. Ainsi : POUR L'EGALITE MARITIME. La France , rEspa-y ai ;? eaux canons . at.iot. I TT ll J l I ''cl'gnc- cne , la Hollande , le! r, c Danemarclc, la Suede J 2 9 35 ' Qoo ^ ooa et 1' empire Ottoman . . J POUR LA SUPREMATIE DES MERS. L*Angleterre,l e Por-| ^ j4 tugal , la Russie / ' COM ME SPECTATEURS NEUTRES. Naples , Venise, etc. 4 2,000 3o,ooo ET POLITIQUJT. C'esl done de 600 vaisseanx de ligne , armes de 60,000 pieces de canons, monies par 3~o,ooo ma- telots , et distribues en trois grandes esca.dres def< n- sives , offensives et conlemplatives , que se com- pose la force maritime des Europeens, a la fin da dix-huilieme siecle. Dans une lutte generale, le phis grand obstacle qu'auraient a vaincre les puissances belligeranles, serait de se procurer des munitions navales et des matelots. Cetle difficulte serait bien plus sensible pour FAngleterre , ajant a combattre d'une part , le Danemarck et la Suede , qui ont les clefs des magasins du Nord, et d'autre part, se trouvant brouillee avec les Etats-Unis, qui pour- voiraient de ces memes munitions , la France , PEs- pagne et la Hollande. D'un autie cote , la penurie de marins se ferait senlir bien plus vivement encore pour les Anglais , dans une coalition maritime , si les Etals-Unis prenaient des mesures severes pour qu'ils n'enrolassent pas de force ou par adresse , comme dans la guerre presente, les matelots ameri- cains. Enfin , toutes les puissances restees neulres , et celles non susceptibles d'etre armees pour entrer en lice , seraient portees , par la nature de la cause qui coaliserailles grandes puissances manlinies con- tre la Grande-Bretagne , a seconder de leur argent, de leurs malelols , et de lous aulres moyens aclifs , celles des parlies belligerantes , qui combattraient pour la liberle des mers , et pour assurer a chacune la jouissance des avantages nalurels, dont leur posi- tion les rend susceptibles. y 2 34o S Y s T M E MARITIME Certes ! lorsque, sous lo nom de llanse anseatique, d'induslrieux et limides marchands de la mer d'Alle- magne,sefedertTenlau Ireizieme siecle, au milieu de 1'euthousiasme desorganisaleur des croisades, au sein des fureurs anarchiques du vaste empire germani- que, et en descspoir des pirateries des barbares du Nord , ni leurs motifs n'etaientsi juste.s et si pressans , ni ieurs succes ne pouvaient leur prometlrc aulant de gloire qu'en retireraill'union maritime des euro- peens contre kv> lj r rans de leur commerce. Cependant cette Hanse teutonique, si frele dans son origine, non-seulement parvint par sa sagesse et son courage, a se souslraire aux devsordres des temps : mais elle obtint encore une lelle consideration polilique, que plus de 80 villes enlrcrent successivementdans cette federation, et que de puissans potentats, jadis les fleaux de son commerce , solliciterenl ensuite son alliance et sa protection. Quoi I ce laioceau de forces et d'independance, produit au treizicme siecle , par quelques armateurs de Hambourg et de Lubeck , ne pourrait-il done pas etre renouvelle a la fin du dix huitieme siecle , par la ligue de republiques puissantes avec des rojaumes opulens et belliqueux ? Leur union combinee serait le seul moyen de reprimer avec energie les entre- prises temeraires d'un gouvernement, qui, au milieu de tant de societes industrieuses , vent a force d'usur- palions , tout produire, tout manufacturer , tout conquerir, etdemeureren definitif leseul imporla- teur, le seul exp or la teur,!' unique navigaleur. ET POLITIQUE. 34l line semblable ligue maritime serait menac,ante pour PAnglelerre, qui aurait a redouter en merae- temps Factivite des courses sur ses balimens de com- merce, les revoltes en Irlande , des descentes sur ses cotes , Fabandon du Portugal , el des-lors, son appau- vrissement de matieres metalliques , la defection de ses colonies en Amerique , la ruine de ses pecheries a Terre-Neuve, des revolutions dans lMnde,le desor- dre dans ses finances, et tout a la fois, I'ebranlenient de sa machine polilique dans tous ses elemens cons- titutifs, comme dans ses parties de prosperite factice, N'est-ce pas la le sort funesle que prepare bientot a la Grande - Bretagne, son gouvernement , lorsqu'il persiste a monlrer a FEuropc, ainsi qu'il Fa fait dans tout le cours du dix-huitieme siecle , LA MARINE )) ANGLAISE y COMME UN CO LOSS E MENAANT ET REDOUT ABLE PAR SA PROP RE FORCE, QUI , ML'M& SANS SECO URS CONTINEN^TA UX ,PEUT TRIOMPHER )) DE TOUTS CONFEDERATION MARITIME , SI HAINE ETERNELLE A SA TYRANNIE , N*EST UNANIME- MENT JUREE PAR TOUTES LES NATIONS INTERES,- SEES A LA LIBERTE DES MERS )>. F I N. f TABLE DES CHAPITRES. CHAP. I er . UEspagne. P a ge 1. CHAP. II. Le Portugal. 2 4. CHAP. III. Les Etats du rci de Sardaigne. 4/. CHAP. IV. Le Duche de Toscane. 5i. CHAP. V. Le Rojaume de Naples. 54. CHAP. VI. L'Etat ccclesiastique. 64. CHAP. VII. La Rcpublique de Genes. 70. CHAP. VIII. La Rcpublique de Venise. j4. CHAP. IX. L 'Empire Ottoman. 81. CHAP. X. Lcs Nations Barbaresques. 98. CHAP. XI. La Hollande. 1 1 1 . CHAP. XII. La Maison d'^utriche. i32. CHAP. XIII. Les villes anseatiques de JIambourg t Lubeck y Bremen, Danlzick et Rostock. i46. CHAP. XIV. La Prusse et Etats en dependans. \ 5g. CHAP. XV. Le Danemarck. 179. CHAP. XVI. La Suede. 188. CHAP. XVII. La Russie. i o ; 8. CHAP. XVttI.Lestats-Unisdel'^/rne'riyue. i'6i. CHAP. XIX. La France. 246. CHAP. XX. L'^4ngleterre. 289. Principaux ouvrages qul ont concoum d la compc~ sition du SrsTEjiE MARITIME ET POLITIQUE DES EUROPEENS. Encyclopedic methodique, partie de 1'Economie politique et diplomatique. Histoire philosophique et politique des etablissemens et du commerce des Europeens, dans les denx Indes. Conjectures raisonnees snr la situation actuelle du systeme po- litique del'Europe, parFavier. (1793) Nouveau voyage en Espagne , ou Tableau de 1'etat actuel de cette monarchic. (1788) L'administration du marquis de Pombal, secretaire d'etat et premier ministre du roi de Portugal , Joseph I e- . (17^8) Memoires secrets et critiques des cours , des gouvernemens et des mceurs des principaux etats d'ltalie, par Joseph Gorani, citoyen francais. (i 793.) Tableau politique, religieux et moral de Rome, et des etats ecclesiastiques, par Maurice Leveque. (1791.") Etat moral, physique et politique de IamaisondeSavoie.(i79i) Revolutions del'empire Ottoman, parChenier, ancien consul- general a Maroe. (1789.) La richesse dte la Hollande, oil Ton expose 1'origine du com- merce et de la puissance des Hollandais. Doutes sur la liberte de 1'Escault, reclamee par 1'empereur; par Mirabeau. (178^.) Memoires pour servir a l'Hitoire de Brandebourg. Dissertations du comte de Hertzberg, ministre d'etat, membre et curateur de 1'academie de Berlin. Nouveau voyage en Pologne , Russie , Suede , Danemarck , par William Coxe. Voyage de deux Francais dans le nord de 1'Europe, en 1790 et 1792. Histoire du commerce de la Russie , par Leclcrc. (1786-) Histoire raisonnee du commerce de la Russie, par Jean-Benoit Schoerer. (1788.) Histoire de 1'empire de Russie , sous Pierre-le-grand , par Voltaire. HistoiredesprogresdelapuissancenavalederAngteterre.(i782) Analyse de la force de la Grande-Bretagne , sous le regne de Georges III, et sousles quatre regnes precedens, par Geor- ges Chalmers. (1789.) Traduit de 1'anglais. Essai sur 1'etat du commerce de 1'Angleterre. (1/55.) Traduit de 1'anglais. Leltres philosopbiques et politiqties sur 1'Histoire de 1'Angle- terre , depuis son origine jusqu'a nos jours. (1786.) Traduit de 1'anglais. Precis du siecle de Louis XV , par Voltaire. Recherches et consideration? sur les finances de France , par Forbonnais. Memoires de Maurepas , ministre de la marine sous Louis XV. De la balance du commerce et des relations commerciales ex- terieures de la France , dans toutes les parties du globe , par- ticulierement a la fin du regne de Louis XIV , et au moment de la revolution. (1791.) Memoire concernant les impositions et droits en Europe , par Moreau de Beaumont. ( Edition de 1787. ) Le grand porte-feuille politique , par M. Beaufort , employe dans les missions des cours etrangercs. (1789.) Corps universel diplomatique du droit des gens , par Dnmont. Histoire du traite de Westphalie , ou des negociations qui se firent a Munster et aOsnabrug, pour etablir la paix entre toutes les puissances de 1'Europe. Recueil historique d'actes, negociations, memoires ettraites, par Rousset. Codex juris gentium. Recueil de principaux traites de paix , d'alliance , de treves , neutralite , echange et commerce entre les puissances de 1'Europe , par Georges-Frederic Mar tent. Materiaux pour la statisrique et 1'histoire politique moderne , rassembles par Chretien-Guillaume Dolim. Le droit public de TEurope , fonde sur les traites , par Mably. Theorie des trait esdecoramerceentreles nations, par Bouchaud. Memoires , notes et manuscrits extraits de dis ers depots publics. F I N. UNIVERSITY OF CALIFORNIA LIBRARY Los Angeles This book is DUE on the last date stamped below. DEC 1 n 1380 Form L9-42m-8,'49(B5573)444 THE LIBRARY UNIVERSITY OP CALIFORNIA: LOS ANGELES D288 Arnouid - A?6s Systeme maritime Europeans UC SOUTHERN REGIONAL LIBRARY FACILITY ill mil UNI A 001435186 o D288 A?6s