LA SOURIS GOMEDIE Repriiscntce pour la premiere fois, a Paris, alaCoMEDiE FRANQAISE le 18 novciinbre 1887. CALM ANN LfiVY, fiDITEUU DU MEME AUTEUK L'AGE ING RAT, come'die en trois aclcs. L'AUTKE MOTIF, comedie en un acte. LE CHEVALIER TRUMEAU, coin6dic en un acle, en vcrs. LE DEPART, poesie dite sur la scene du Th&ilre-Frangais I.E DERNIER o u A R T I E R, comedie en deux acles, en vers. L'ETIN CELLE, comedie en un actc. LKS FAUX MENACES, comedie en quatre actes, en vers. HELENE, tragedic Lourgcoise, en trois actcs, en vers. I.E MONDE or i/ ON s' AM USE, comedie en un acte. I.E MONDE ou L'ON s' ENN i' i E, comddio en trois actes. LE MUR MITOYEN, comddie en deu\ actes, en vers. LE PARASITE, comedie en un acte, en vcrs. PENDANT LE DAL, com6die en un acte, en \ers. PETITE i' 1. 1! IE..., comedic en un actc. I'hiERE POL'R LA FR A N c E, poenic dit sur la scene du Thealre- Francais. LE SECOND MOVVEMENT, comedie en trois actes, en vers. AMOURS ET HAIM.S, mi volume. II I SCOURS AC AIlKM lOT KS, Illl volume. I.ES I'AKA&ITKS, un volume. I.E 1HEATKE CIIK/. M A D A M E, Ull Volume. liii|iritiicri<>s rduniet, B, rue Mi^nun, i. LA SOTIRIS COMEDIE EN TROIS ACTES EDOUARD PAILLERON n K I/ A C A D K M I E FRANCHISE PARIS CALMANN LEVY, EDITEUU ANC1ENNE MAISON MICHEL LEVY FRERES 3, RUE AUBER, 3 1888 Ltroits dc rc|iroduction, do traduction et de representation reserves. A MADEMOISELLE X. De cette simple ct tendre et chaste comedie Vous ties V heroine, etje vous la dedie. C'est tin roman d'amour qui se passe entre nous, L'w reve plein de vous, mais ignore de vous. Car j'ai si bien cache ce que fai voulu taire, Que mon oeuvre au grand jour gardcra son mystere, Ft, mdme en la voyant, vous ne saurez jamais Quo c'est voux dont je parle, el que je vous aimais. PEUSONNAGES ACTEURS MARQUIS MAX DE SIMIERS ....... M. WORMS. MADAME D E M 1 S A N D ............ M""" M N T A L A N i>. C.LOTILDE WOISKA. sa fillc ................... ............. BARTET. MART HE I)E M 01 SAND, demi-s gauche.) Tenez ! le vrai point de vue est la, de la cheminee, regardez ! H ERMINE, regardant. Oh ! 1'adorable paysage ! Une toile de maitre, un reve de poete ! Vene/ admirer cela, P6pa ! venez vite ! MADAME DE MO I SAND, indiquunt du gestc cc qu'elle nonnno. Le chateau a droite, les hois derriere, la riviere devan t . . . qui forme ce petit lac, la, au has de la pelouse... Voyez- vous ? II ERMINE. Ideal! absolument ideal! (A i>e P a qu i enu-e.) Oh! mais arrivez done, Pepa! Qu'est-ce que vous avez, enfin? ACTK PHEMIKH. SCENE JI LES MEMCS, PEP A qui entrc, son evcntail d'mic in;tin, son ombrelle do I'ttutrc. PEP A. Ce que j'ai? Oh! non, mais vous etes superbe, vous, Hermine ! Ah bien, je vous engage a poser pour la femme brisee, a present ! Comment ! voila une heure que nous inarchons en plein soleil, sur un tas de choses pointues, et vous me demandez ce que j'ai? Mais, je n'en peux plus! Mais j'etouffe!... Oh! le tour du proprietaire, merci, j'en ai assez!... Grace! cliere madam e de Moisand! Grace pour deux Parisiennes en visite a cinquante lieues du pavage en bois : j'ai mes hotlines dans un etat!... (Regardant tutour d'ciic.) Tiens! c'est gentil c.a ! Ou sommes-nous done? MADAME DE MOISAND. Dans le chalet de Clotilde justement! PEP A. Le chalet!... Arretons-nous ici!... (se jctant dans un lauteuil.) Ouf ! HERMINE. Le fait est qu'il faut bien aimer la comtesse pour venir la voir... PEPA. Par cette canicule, ah! je vous en reponds... LA SOU HIS. JIERMINE. Kt soufTrante com me je suis... J'ai quilte mon lit... PEPA. Uno poussiere ! une chaleur! Oh! je ne peux'pas senlir la campagne, moi, d'abord ! HER MINE. Oh ! Pepa! moi qui voudrais tant y vivre ! PEPA. Vous! Allons done ! H E R M I N E . Mais je vous jure!... PEPA. Allons done! Vous pas plus que moi! La campagne ! Ah bien!... c'est trop loin du Bon-Marche... Oh! et puis, non! trop de soleil pour le teint, trop de vent pour les cheveux, trop de cailloux pour les pieds, trop de crotte pour les robes ! HER MINE. Mais quand le temps est beau, ma chere... PEPA. Eh bien, quand le temps est beau, ma chere, c'est de la crolte seche, quand il est vilain, c'est de la crotte mouillee, mais c'est toujours de la crotle! Et qu'est-ce que la comlesse peut bien faire dans ce Sahara, mon Dieu ?... Ah! cellcClotildc! pas changle alors? toujours vn train! toujours en 1'air! J'aimeca, moi!...0uest-elle encore ? Avec tout son monde ? en pique-nique ? en partie?... ACTE PREMIER. 7 MADAME DE MOISAND. Elle! Ah! pauvre femme!... tout siraplement dans le village, chez un de nos journaliers qui s'est casse le bras. HERMINE. Quelle horreur! Et elle y est allee? MADAME DE MOISAND, etonnee. Mais oui, pourquoi? HERMINE. Oh ! je ne peux pas voir les gens qui souffrenl, moi, je souffre plus qu'eux! PEP A, protcsiant. Oh ! ca ! HERMINE. Si! si! je souffre reellement, physiquement! Je ne peux pas, je vous dis. Ainsi, 1'autre jour, pour les cou- ches de ma cousine de Barenfort, j'etais la quand les douleurs Tout prise, j'ai ete obligee de m'en aller. Son mafi voulait me retenir, car il y etait, lui! Et il regar- daitcela! il entendail cela! J'etais indignee! Je n'ai pu m'empe'cher de lui dire : Mais vous etes un monstre! Comment pouvez-vous voir des atrocites pareilles? Mais c'est affreux! Vous n'avez pas de co3ur! Et je suis partie... Je ne pouvais pas. J'etais angoisse'e, je serais morte ! PEPA. Oh! bien moi, j'ai eu la meme toquade que Clotilde. Oui, il y a deux ans, vous vous rappelez, Hermine? quand madame de Courlier a fonde son asile pour les demoi- selles qui n'ont... que... enfm les cocoltes repenties, quoi! S I. A SOURIS. II K R M I N E. Pepa ! PEP A. J'avais la robe marron, collante, le tablier blanc, le bonnet de linge. Ca ni'allait bien, mais <;a ne desem- plissaii pas, son hospice, il y en avail toujours!... fa prenaitun temps! J'ai rendu mon tablier... Tiens! tiens! cette Clotilde! Et alors, elle va comme ea maintenant... Mais au fait, avant qu'elle rentre, dites-moi done un peu, chere Madame... (uaissantia voix myitliieuscment.) Eh! bien... et son mari? MADAME DE MO IS AND. Le comte? PEPA. Votre gendre, oui... toujours enferme? MADAME DE MOISAND. Toujours. H E R M I N E , so touchant le lYont. Et toujours dans le m^me etat? MADAME DE MOISAND. Depuis quiii/i' mois! PEPA. Quinze mois! Ah c.u, il nc veut done pas se decider, voyons ? II ER MINE. Oh! ma chere... PEPA. Ah ! ma chere, ca a toujours etc un aflreux monsieur, vous save/ bien !... un coureur, un fetard... Et puis, enfm, <]uinze mois!... Mais cela peut durer vingt ans! Mais il ACTE p UK JUKI;. . peut guerir! Pensez a cette pauvre Clotilde!... C'est une situation atroce, comprenez done! HER MINE. Helas! qui la comprend mieux que moi? PEP A. Parce que vous etes separee. Oh ! je vous engage a vous plaindre, vous, ma chere. D'abord, vous pouvez divorcer, vous. rendre 1'objet qui a cesse de plaire... Mais Clotilde ! pas moyen ! Non ! non ! la folie n'est pas un cas de divorce... la Chambre ne 1'a pasvoulu... Elle avait ses raisons... Et d'ailleurs, vous etes separee, je suis vieille fille, maclame de Moisand est veuve : tout cela, ca a du bon, n'est-ce pas, Madame? Mais etre la fern me d'un ramolli... HERMINE. OhlPepa! PEP A. Eh bien quoi, Pepa? Ca n'est peut-etre pas le mot scientifique, mais enfin, c'est cela !... Etre mariee sans 1'etre, fille sans l'6tre, veuve sans 1'etre ! Moi je trouve va atroce!... Ah! mais qu'il fait done chaud! qu'il fait done chaud! MADAME DE MOISAND. Oh! Mesdames, et moi qui oubliais... Oh! que je iu'en veux... (A Herminc.) C'est vrai, vous devez avoir chaud... HERMINE. Moi, je n'ai jamais chaud ! quelle horreur ! MADAME DE MOISAND. Que vais-je vous offrir, voyons? Ill LA SOU HIS. II ERMINE. Oh! rien, je vous en prie... Non! non ! PEP A. Mais si! inaissi! laissez done, ma chere, j'ai tres soif, moi. MADAME DE MOISAND. l MADAME DE MOISAND. J'aiete mariee deux foisj'ai toujours aimemes maris, mes maris m'ont toujours aimee... C'est pour vous dire que je n'ai aucune experience de certaines choses. Vous qui vivez a Paris, plus pres de ce milieu ou son mariage deplorable avail jete ma fille, il m'a semble que vous pourriez peut-etre me venir en aide, a. moi et a ma pauvre Clotilde, si vous le vouliez. PEP A, tres inlcrcssec. Comment done ! je crois bien ! HER MINE, de merne. Pauvre fern me! MADAME DE MOISAND. Je vais vous ouvrir mon coaur. PEPA. C'est cela! Ouvrez, chere Madame, ouvrez. Elles sc rapprochcnt toutes Ics trois. MADAMEDE MOISAND. Oh ! ce fatal mariage ! Je le disais a mon second mari.. . HERMINE. Votre second? MADAME DE MOISAND. Mon second, oui; mon premier elait bien le pere de Clotilde, mais celui qui 1'a mariee, ce n'est pas mon pre- mier, c'est mon second. PEPA, a part. C'esf une charade! ~X> LA SOUR IS. MADAME 1)E MOISAND. Jclui disais toujours: Ce cornte Wo'iski est de grande limille, riche, jeune, beau, c'est vrai; maisilest etranger, et Ies6trangers on ne les connait pas. II me repondait : Bah! les Francais on les connail trop. j> Enfin, ca c'est lait, et vous savez la suite : cc prince charmant etait un dbauche de la pire espece, un joueur, un buveur, un lubrique... PEPAj rctcnant unc onvio ilc rirc. Oh! MADAME DE MOISAND. Oui, il faisait la cour a toutcs les lemmes, si vous sa- viez ! PEP A. Si je le sais ! Et Hermine done ! MADAME DE MOISAND. A vous aussi? Des amies de sa femme, quelle horreur ! PEP A, nilniirativi?. Oh!... MADAME DE MOISAND. Et ce n'est pas tout... II passaittoutes sesnuits dehors, au cabaret, avec de mauvaises femmes, dans des orgies... On le rapportait ! PEP A. Oui, oui, il avail pris le rapide. MADAME DE MOISA M>, s.ins coiiipreiHli-c. Le rapide? PEPA. Knliii. il allait vite! ACTE PREMIER. -27 MADAME DE MOISAND. Si vite qu'au bout de trois ans, il etait dans une maison de sanle, a 1'etranger, avec defense de le voir,et ma fille, chez moi, dans quel etal! vous devinez? Ce n'est pas qu'elle aimat ce monstre, qui la frappait !... HERMINE ct PEPA. Oh! elle vous a dit? MADAME DE MOISAND. Elle! Ah! elle mourrait plutot que de se plaindre; non,je 1'ai su par les domestiques, apres, comme tou- jours... raais enfin, elle avail beau ne plus 1'aimer, quel avenir!... Noustachions bien de la distraire... Monsieur le cure la prenait deux heures par jour. Moi j'essayais de tous les moyens : on faisail des promenades... des parties de peche... le soir ou jouait au whist... PEPA, retcnant unc envie de rire, has a Herminc. Des folies !... MADAME DE MOISAND. Enfin, ce que nous pouvions, sans grand succes... Mais, quand on fait ce qu'on peut, n'est-ce pas, Mes- dames?... Ah ! et puis, elle montait a cheval... PEPA. Oui, enfin, quand lout a coup !... MADAME DE MOISAND, etonnee. Quand tout a coup ?... PEPA. M. Max fit son entree... 28 LA SOUKIS. MADAME DE MOISAND. II y a six semaines, oui. II a cles terres de ce cote, il parait. II venait voir ma fille. C'est un ancien ami. Elle nous en avait bicn parle quelquefois par-ci par-la, en lisant le journal : Tiens ! c'est le cheval de Max qui a gagne... Aliens! Max a encore une affaire... Ah! Max n'est plus avec madame une telle, il parait. Mais j'avais oublie cela, moi. Le fait est qu'il etait charmant, plus tres jeune, mais charmant, s^rieux, distingue; il nous a entortilles tout de suite, et tous, monsieur le cure aussi... II a beau dire... Enfin, je 1'ai invite a rester ! PEPA. Le facheux impair ! MADAME DE MOISAN, etonnce, dcrcchct. Impair?... HER MINE. Alors il elait charmant? MADAME DE MOISAND. Charmant, Madame; il me donnait le bras, il faisait ma petite partie, il racontait des anecdotes... Charmanl! Clotilde, qui etait mulade, reprenait a vue d'reil... elle etait me" me gaie... I' EPA. A'ie ! MADAME DE MOISAND. Moi, je n'y voyais rien. (i-;iic nipprocho son siege do p:-p.-i.) Un jour, monsieur le cure m'arrive tout embarrasse et me dit : Ma chcre dame, je crains fort que nous n'ayons introduit le loup dans la bergerie. Le loup, monsieur le cure? Dieu me garde dcs jugements temeraires, ACTE PREMIER. 29 mais je crois pouvoir affirmer, sauf erreur, dont je serais heureux,que monsieur le marquis (il est marquis) a cles allures avec madame la comtesse. Ah ! mon Dieu, 1'abbe! Observez-les, chere dame... Et e'etait vrai! Us se promenaient le soir, ils causaient tout has, ils s'isolaient... enfin, ils avaient des allures!... Que faire? En parler a ma fille? Je n'osais pas. Congedier ce monsieur? Je ne pouvais pas! Que faire? Je vous le demands. PEP A. Oh ! bien, moi, j'aurais laisse aller. H ERMINE. Oh! ma chere ! PEPA. Oh ! ma chere, avec un mari pareil !... MADAME DE MOISAND. Mais, Mademoiselle, pourrien au monde!... Ma fille est une honnete femrne ! Non ! mais M. le cure avail son idee. Ma chere dame, reprit-il, me voyant navree, le cas est d'importance, mais peut-etre y aurait-il un moyen de le resoudre avec le secours de la Providence. Vous avez une belle-fille; mademoiselle Marthe de Moisand est une personne accomplie, elle a dix-sept aiis, d'aimables apparences, toutes les vertus chretiennes qui peuvent embellir son sexe. Justement madame la comtesse Wo'iska vient de la rappeler ici, aupres d'elle... Pourquoi ne pas utiliser cette circonstance? Si le ciel veut bien nous aider, et en nous aidant un peu nous-memes, qui sail? II peut changer le mal en bien. M. le marquis peut s'eprendre d'elle et 1'epouser, et alors, nous aurions obtenu ce resul- tat doublement edifiant, d'empecher le malheur de Tune et de faire le bonheur de 1'autre. 30 LA SOU It IS. PEP A. Trcs malin, le cure. MADAME ]>!; MOI.SAND. Oui. Mais malheureusement, comme je vous 1'ai dit, cette enfant est tout a fait insignifiante, elle ne comprend pas... Nous avons beau la chapitrer... oh ! a mots cou- verts, bien entendu!... Rien ! Nous n'arrivons a rien ! Elle a des petits talents, n'est-ce pas?... comme toutes les jeunes filles? Elle dessine, elle chante. elle joue du piano, elle aquelque instruction... Eh bien, c'est comme un fait expres. Depuis qu'elle est revenue, plus de piano, plus de chant, plus d'album ! Oh! c,a, 1'album! enfin. plus rien ! Elle se refuse a tout ce qui pourrait la faire briller, altirerl'attentionde ce monsieur, ses hommages... 11 faut un peu de malice dans tout cela, n'est-ce pas. Mesdames?... Ainsi. tenez, avant-hier soir, le marquis etait la, a c6te de Glotilde, ils causaient; Marthe etait ici, elle lisait. Tout en faisant mon piquet, M. le cure" lui dit, oh ! maisadroitement, sans affectation, vous comprenez... Mademoiselle, j'ai quelque peu oublie 1'aventure de Luther et les origines de la Reforme; veuillez done me rappeler dans quelles circonstances naquit ce schisme deplorable? P E P A, sur le point il'cclatcr. Oh! MADAME DE MOISAND. Eh bien, Mesdames, elle s'est levee, et elle est partie sanssouffler mot. PEP A, eclatanl de rire a la fin. Ah ! ah ! ah ! II E II M I N E . Pepa ! ACTE PREMIER. 31 PEP A, riant. Ah! ah ! ah! Tant pis! Je ne peux plus! Ah! ah! ah! Je vous demande pardon... Ah ! ah ! ah! Non! mais c'est Luther qui arrive la, comme M. de Foy... Manages riches et autres ! Celerite! discretion ! ah ! ah! ah! H ERMINE. C'est d'une inconvenance! PEP A, a madame de Moisand. Oh! mais, vous n'y etes pasdu tout, ma pauvre dame, mais pas du tout ! Vous faites machine en arriere tout le temps ! La jeune fille en sucre qui dit papa etmaman, les qualites du cceur qui font le bonheur d'un honnete homme, c.a ne fait plus de manages tout c.a; ce serait plutot des cas de divorce, maintenant... MADAME DE MOISAND. Mais quoi alors, avec cette enfant ? PEP A. Voyons! Vous dites : plus tres jeune le monsieur? (rente-sept a trente-huit ans, hein? peut-etre quaranle? L'age de la mue... c'est pourtant le moment de les prendre! Qu'est-ce que vous voulez que je vous disc? La Souris n'est pas de force. MADAME DE MOISAND. Mais non, mais justement, mais c'est ce que je me tue a dire a monsieur le cure... la Souris n'est pas de force... II faudrait quelqu'un de plus adroit, de plus... une per- sonne secourable qui voulut bien nous sauver de ce... (Apercevant Marthe.) Encore ? Ah! mais perdez done cette habitude de convent d'entrer ainsi sans qu'on vous entende ! 3i LA SOURIS. SCfiNE IX LES MEMES, MART HE. MADAME DE MOISAND. Et la comtesse? MART HE. Elle me suit. MADAME DE MOISAND. Monsieur Max est avec elle ? MARTHE. Oui, Madame... MADAME DE MOISAND, a Hcrrainc ct a Pepa. Et elle les laisse ensemble. Non, elle ne comprcnd rien!... PEPA, allant au fond. Voyons done ce terrible Max ! MADAME DE MOISAND, a Hcrmine. Que faire, ma chere dame ? aidcz-moi, conseillez-moi ! HERMINE. Etil estjeune encore, vous dites? PEPA, reveiiant, tres agilco. Oh ! Hermine ! HERMINE. Quoi done? ACTE PREMIER. 33 PEP A. Madame de Moisand, vous avez bien une femme de ehambre quelque part... Ou est mon sac? HERMINE. Mais enfin, qu'y a-l-il? PEP A, chcrchant son sac. AlleZVOil'! (Hermine va au fond. A madame dc Moisand.) Mon sac !... Quelqu'un pour oteruotre poussiere, nous defriper un peu? 11 E IIMINE, revcnanl, Ires agitee a son tour. Mais c'est M. de Simiers! PEPA, cherchant son sac. Parfaitement ! HERMINE. Celui de madame d'Herlot ! PEP A. De la baronne Elain ! HERMINE. De la femme en blanc ! PEPA. Et ccetera! et ccetera! parfaifement ! Et nous qui le royions perdu, marie, mort !... Ah! celte fois, ma chere dame, votre cure avail raison... G'est veritablement le loup dans la bergerie!..7 MADAME DE MOISAND. Vous m'effrayez ! :tl LA SOU HIS. PEP A. Ou est-elle, votre femme de chambre? Nous ne pou- vons pas nous montrer comme cela, voyons, Hermine! II I. 1'. M I .N K, qui est allee premlre son sac. Jc crois convenable, en effet... PEP A, trouvant son sac. Ah ! void. (Aiiant a droite.) Par la ? MADAME DE MOI SAND. Non. PEP A, allant a gauche. Par ici alors ? Vile ! vite ! Dix minutes! Le temps de nous recoifler ! Ah ! M. de Simiers! Ah! mais, ga devient tres amusant ! hein ? Hermine ! quand je vous disais de rester... Vite ! vite ! Est-ce du flair ? Non, mais en est- CC ? Dix minutes! (Kile a tire do son sac unc petite hoite de poud ri- de riz, et sort en se poudrant febrilement.) SCENE X MAKTHE, GLOTILDE, MAX, halnlle ,.our montei- a cheval. CLOTILDE. Mais non, mon ami, vous n'avez pas change, vous etes toujours le m^me. Rassurez-vous, allez! Eh bien, Marthe, et ces dames ? MARTHE. Ces dames ? On les recoifle. ACTE PREMIER. 35 CLOTILDE, a Max. Ah! ah! pour vous, c.a L L'effet de votre reputation... C'est beau la gloire ! MAX. Oh ! Ne vous moquez pas de moi. CLOTILDE, a Marthe. VienS ici, toi ! (Lul arrangeant les cheveux.) ToUJOUrS C6tte meche rebelle ! (La regardant.) Mais, a part cela... Ah! petite Souris, petite Souris, je crois que nous ne voulons plus nous faire religieuse, nein ? Quel age as-tuau juste ? MARTHE. Dix-huit ans ! CLOTILDE. Deja?Je ne croyais pas !... Dix-huit ans! c'est ef- frayant! (Luitouchant legercment le front du doigt.) Qu'CSt-CC qui se passe la ? Mystere ! Regardez-la, Max, regardez ce sphinx blanc et rose, encore enfant, deja femme, avec ses cheveux encore fous, sur ce front deja pensif, cette bouche encore muette aux levres deja entr'ouvertes, ces yeux ou rien ne se voit, mais ou tout se reflete, c'esi la jeunesse, mon ami, la jeunesse qui s'ignore, s'ecoute et attend ! J'ai ete comme elle ! Ah ! chere mignonne, ne sois pas comme moi, va!... Tu m'aimes toujours bien, malgre ton grand age ? MARTHE, has et passionneraent. Oh! oui! CLOTILDE, 1'imitant, en souriant. Oh! oui!... Vous rappelez-vous, Max, que nous allions la voir a son couvent ? Car, malgre vos nombreux travaux, vous m'y avez accompagne, vous aussi... (A Marthe.) T'en souviens-tu ? 3t; LA souuis. MARTHE, baissant los ycux. Trois fois ! CLOT1LDE. Trois fois seulement! c'est vrai. Lasupdrieure trouvait que vous faisiez trop sensation dans ce petit monde. Toujours votre reputation !... Qu'est-ce que vous avez?... Vous boudez?... MAX. Moi? CLOTILDE. Dame ! silence obstine", cravache nerveuse... Ah ! mais au fait, j'y pense, nous montons a cheval aujourd'hui. (A Marthe.) As-tu ton amazone, enfm ? MARTHE. Oui. CLOTILDE. Bon ! Tu viens avec nous... entendu ! MAX, renfrognc. Ah! CLOTILDE. Vousdites ?... MAX, gracieux. Je dis : Ah ! MARTHE. Alors, tu veux bien ?... CLOTILDE. Que tu essayes ton amazone ? Une amazone neuve, c'est moi qui ne te priverais pas de ce plaisir-la !... Ah ! mon Dieu ! ces dames ?... I! faut que je reste... Mais cela ne fait rien... tu sortiras avec M. Max... N'est-ce pas, Max, vous i'accompagnerez? ACTE PREMIER. 7 M A X, contrariii. All ? Bien ! CLOTILDE. Mais qu'est-ce que vous dites, eiifin ? MAX, gracieux. Je dis : Bien! Avec plaisir! MART HE, timidement, a Clotilde. Si M. de Simiers ne veut pas?... CLOTILDE. Comment! s'il neveut pas? MAX. Oh! mademoiselle Souris, je suis a vos ordres... Faut- il prendre la longe?... CLOTILDE. La longe ! mauvais plaisant !... Elle sail monter, et tres bien meme. La-dessus vous pouvez etre aussi tranquille que inoi. La chaleur est tombee, vous allez faire une promenade delicieuse, tout en causant. MAX, entre ses dents. C'est ca... de Luther! CLOTILDE. Max, ne lataquinez pas, voyons! (AMarthe.) II faut t'ha- biller, toi, il est temps... Une amazone neuve!... Vas-tu etre belle!... Ah ! c'est egal!... Dix-huit ans!... Tu au- rais mieux fait de rester petite, tu elais bien plus gen- tille, bien plus... enfin... plus ma Souris... (A Max.), pas beaucoup plus bavarde par exemple, mais dans son affection discrete, si... comment dire?... si pSnetrante, ;i8 LA SOL'RIS. si tendre... Je me souviens qu'un jour... un mauvais jour... j'en ai eu quelques-uns, mais celui-la etait des pires... J'etais seule, chez moi. Elle est entree... sans qu'on 1'entende, comme d'habitude... Je pleurais... Elle s'est arrelee, interdite, puis, elle s'est approchee de moi a petits pas, tout doucement... Elle m'a regardee... ses yeux sont devenus rouges, son petit menton a remue, elle a mis ses bras autour de mon cou, et elle m'a dit tout bas : Ne pleure pas, manian. Maman! II n'est pas long ce mot-la?... Eh bien, il a change ma vie! Ah! cherie!... (Eiie rembrasse.) Va t'habiller, va! Marthc sort. SCENE XI MAX, CLOTILDE. CLOTILDE. Est-ce que vous boudez, reellement? MAX. Je boude. .. je boude... Je comptais me promener avec vouset vous m'envoyez promener avec la Souris... Bonno d'enfants, alors?.. . CLOTILDE. Marlhe n'est plus une enfant, mon ami, vous la traitez aussi trop legerement. Vous ne la connaissez pas. Dans celle enfant, il y a une femme. Pourquoi la taquiner ainsi?... Qu'est-ce que vous avez contre elle, enfin? MAX. J'ai... J'ai que jc finirai par la prendre en grippe, moi, ACTE PREMIER. 30 volre Souris. Elle est toujours la, on ne peut rien vous dire... Oh! non, c'est trop : vous 1'aimez trop, la, vraiment! CLOTILDE. Ah! c'est que je suis de la race des sceurs, moi, vous mel'avez dit autrefois..., et puis, je lui dois tant, si vous saviez! Que serais-je devenue sans elle, moi, dans ce milieu tapageur et malsain ou mon mariage m'avait jetee, et ou vous m'avez connue? car vous en faisiez le plus bel ornement, souvenez-vous en !... Dire que j'ai ete une agitee commePepa... Est-ce etrange?Mais,le plus etrange, c'est que, parmi tous ces fous qui nfentouraient, il s'en est trouve un qui me faisait de la morale! Et c'etait vous... Vous! Et de quel air affectueux et triste vous me donniez vos bons conseils... quand vous n'etiez pas fu- rieux... Car vousetiezduraussi, parfois... Vousrappelez- vous ce jour ou, a propos de je ne sais plus quelle extra- vagance, donlje m'etais assez mal tiree, il parait, vous m'avez dit : Laissez done cela aux autres, Clotilde, vous n'etes bonne qu\a faire une honnete femme, vous!... Ce que cela m'a vexee!... Mais que c'etait bien a vous! Vous etes un honnete homme, vous, mon ami. MAX. Ne vons moquez done pas de moi, voyons. CLOTILDE. Oh ! non ! C'est autrefois que je m'en moquais... Ah! dame, vous ne prechiez pas d'exemple, avouez-le, mais j'ai bien reflechi a tout cela depuis... Je ne 1'oublierai jamais!... (EUC iui tend ia main.) Eh! bien, au plus fort de mes folies, j'avais des moments lucides, je pensais a cette enfant, entre deux valses ; j'allais la voir, entre deux visites... pas souvent, maisenfin, assez pour me rattacher 40 LA SOI:RIS. au devoir. Vous n'y auriez peut-etre pas suffi, vous tout seul. Et plus tard, quand I'ecroulement s'est fait, quand la maladie m'a s^paree de ce malheureux, sans me" me qu'il me fut permis de lui consacrer mes soins... qu'est-ce que j'aurais fait de moi alors? A quoi me reprendre? A qui me donner? Tout m'e'tait delendu, jusqu'au de- vouement... Tout etait coupahle, jusqu'au rOve... Marthc a pris ma vie, elle a utilise mon cceur, elle m'a fait voir que, meme apres tous nos bonheurs perdus, il nous en reste toujours un dernier, celui des autres. Non! non ! croyez-moi, allez, mon ami, c'est a peine assez de 1'aimer trop !... MAX. Mon Dieu! vous ! je ne dis pas, mais moi! C'est vrai, cette enfant, entre nous, toujours! Etce n'etait pas assez d'elle encore, pas assez de volre mere, pas assez de votre cure ! Voila deux amies a present... CLOTILDE. Plaignez-vous done : deux chapilres de plus a vos vic- toires etconquetes !... MAX. Oh! les conquetes ! les coquettes!... Et Paris et les Parisiennes ! et les femmes du monde qui font les cocottes !... Ah ! Dieu, n'en parlons plus, c'est fini, vous savez hien. CLOTILDE. Oh ! votre conversion!... Pas de confiance! MAX. Mais enfm, pourquoi? Vous avez bien change, vous! CLOTILDE. Oh! moi... j'ai soudert! ACTE PREMIER. 41 MAX. Et moi... j'ai vieilli! CLOTILDE. Aliens done! Est-ce qu'on vieillit a present? Et d'ail- leurs, un homme, aquoi voit-il c.a? MAX. Un homme?... Aux 1'emmes done! Oh! elles me le font assez voir, allez ! CLOTILDE. Mais a quoi,enfin? MAX. Mon Dieu ! a mille choses ! des nuances, des indices, des riens, si vous voulez, mais enfin... Enfin je ne suis plus le Max d'autrefois. Je suis sans importance aujour- d'hui. Je le sens, je vous dis... (s'animant.) Mais autrefois, quand on me presentait aux femmes, il y avail chez elles une emotion visible, des regards, une curiosite, des chu- chotements derriere 1'eventail : Com me il ressemble a un lei, vous ne trouvez pas, ma chere ? Ah ! je ne res- semble plus a personne a present! Autrefois, des que je me declarais a une femme, elle prenait son plus grand air : Y songez-vous, monsieur de Simiers? A present, elle me tend la main d'un air doux et me dit plaintivement : Mon bon Max, restons amis ! Oh ! non, trop d'amis !... Ah! voila ! le temps a marche. Je n'ai plus la nole. Je suis demode. Si, si, oh! je le sens bien. Et dans tout : jusque dans mon nom, Max ! comme dans Robin des Bois ! jusque dans mon titre : marquis ! comme dans 1'ancien repertoire ! jusque dans ma politesse avec les femmes, jusque dans mon respecl pour elles !... Ah! il s'agil bien de tout cela, aujourd'hui que les hommes les traitent en filles et que 1'Amour parle argot !... (s'animant de plus en plus.) . LA SOURIS. Mais, j'en suis encore a la declaration classique, moi ! A genoux, comme an theatre!... et je suis sincere et j'y crois et je me depense, et je me donne !... Non, je vous dis que je suis demode, troubadour abricot, enfm, l>as dans le train, la!... comme disent les femmes mo- dernes. (AVCC cmportcmcnt.)Eh bien, cela m'est egal ! Jamais, vous entendez, jamais, je ne pourrai me decider a dire a (juelqu'un du monde, que j'estime, que j'aime : Ah ! marquise, marquise, quel beguin j'ai pour vous ! Ja- mais ! CLOTILDE, sounant. Eh bien, eh bien ! bon vieillard ! Oui, c'est vrai, pardon, je ris, mais j'ai le co2iir gros, allez ! (II premlune chaise ct va pour s'asseoir.) TcnCZ, VOulcZ-VOUS que je vous dise pourquoi j'ai quitte Paris, il y a trois mois? CLOTILDE. L'afTaire de madame d'Herlot? Le duel avec le volon- taire?... MAX, embarrasse. Ah! vous savez... hum! Non, ce n'est pas cela... CLOTILDE. La fern me en blanc, alors?... MAX. Vous savez aussi... Comment? CLOTILDE. Enfm, je le sais. MAX, s'asscyant. Non, ce n'est pas encore cela. C'est sur un simple ACTE PREMIER. mot... Oui! c'est un mot qui a change ma vie, a moi aussi, seulement moins tendre que le votre. Un coup de cloche! Je sortais d'un bal... Au fait! Je ne sais pas pourquoi je vousraconte cela...Ce n'est pas a magloire... C'est vrai, je vous dis tout, a vous... CLOTILDE. Puisque je suis de la race des soaurs... Vous sortiez d'un bal ? MAX. Oui, je descendais 1'escalier, deux dames le descen- daient aussi, mais au-dessous de moi, elles ne me voyaient pas, nous marchions sur le tapis, elles ne m'entendaient pas, et elles causaient. Eh bien, ma chere, disait 1'une, vous avez vu le beau Max? Je vous demande pardon, il y a trois mois... CLOTILDE. Allez done ! MAX. Oui, repondait 1'autre. II vous fait la cour n'est- ce pas? Oh! comme a tout le monde... Et je vous assure... CLOTILDE. Puisqu'il y a trois mois, allezdonc! MAX. II est extraordinaire, ma chere, il ne change pas... Quand on dit ca de vous ! Oui, il est encore bien. Encore ! Tadverbe de consolation... J'entendais tout cela, moi, de 1'etage au-dessus, vous comprenez? II est encore bien, oui, mais il commence a etre un peu... vous savez, un peu... vieuxjeu. (Avec cciat.) Vieux jeu! Vous n'imaginez pas 1'efTet que cela m'a fait! 44 LA SOURIS. J'ai senti en moi comine un effondrement. jeu!... Du coup, j'ai perdu ma confiance, et, subite- ment, je suis devenu timide. CLOTILDE. Vous? MAX. Comme a quinze ans, ma parole d'honneur ! Je me suis vu dans un eclair, vieux, obse\lant, ridicule, et m'obsti- nanl a Pignorer, m'illusionnant avec les aphorismes classiques et consolateurs que vous savez : Le coeur ne vieillit pas. Oa n'a que Page que Pon parait. Les plus ages ne sontpasles plus vieux... Et, vision plus triste encore ! n'olfrant plus aux femmes que par vanit6 des soins qu'elles n'acceptaient plus que par lassitude, glissant peu a peu de Pamour dans le plaisir, du plaisir dans 1'habitude et del'habitude dans le vice... Pouah! j'ai pris le train !... CLOTILDE. Parce que vous Stes un honndte bomme, je vous dis. MAX, avec humour. Oui, vous me le dites ine'me trop! Et c'est alors que je suis venu m'enfouir a la c.impagne, chez moi, d6sole ! Ob ! je ne m'en cache pas, desole ! Que faire? Que devenir? D'autres ont Pambition, le travail, le vice meme!... Moi, je n'ai que Pamour. C'est vrai, j'avais fait de Pamour ma carriere... J'ai bien eu, un instant, en arrivant chez moi, la velle'ite d'etre depute... comme tout le monde... Mais, au premier verre, le coeur m'a manque... Quoi, alors? vieillir ! Ah! vieillir, pensez done! se surveiller, se craindre, se contraindre, vivre enferme entre le de"sir el le ridicule, sans oser un instant s'Schapper a soi-meme, douter toujours, ne plus croire jamais, ne plus etre aime 1 ACTE PREMIER. 15 jamais ! ne plus aimer jamais! (n sc icvc.) Ah! ne plus aimer surtout ! ne plus frissonner a Fotleur d'un parfum, palir au froufrou d'une robe, presser delicieusement un gant sur sa chair, embrasser en pleurant une fleur seche, un ruban fane, un papier jauni, que sais-je? Ne plus faire ces choses stupides et douces, ridicules et presque sa- crees, dont on rit tout haut, mais dont on pleure tout has, et qui restent dans le souvenir entre ce sourire et celte larme... et qui sont le bonheur de la vie, apres tout ! toute la vie meme ! Ce n'est que quand on commence a aimer, qu'en verite, I'on commence a vivre; et ne plus aimer c'est commencer a mourir ! Ah ! Clotilde ! Clolilde ! ne plus avoir cela, quelle misere ! N'en plus souffrir, quelle souffrance ! En rire meme peut-elre un jour, quelle tristesse ! Enfin, je suis done reste trois mois ainsi a rouler ces idees peu gaies... et, ma foil au troisieme... CLOTILDE. Au troisieme, comme j'avais la nostalgic des conquetes et des coquettes, de Paris et des Parisiennes, et des femmes du monde qui font les cocottes, je me suis sou- venu que mon amie Clotilde etait ma voisine de campagne, et je suis venu chez elle, croyant retrouver la folle maison d'autrefoiset la joyeuse societe des anciens jours... Hein? quelle desillusion ? Mais j'y songe ! vous devez ?ous ennuyer horriblement ici? MAX. Jamais je n'ai ete plus heureux. CLOTILDE. Ah! MAX. Voulez-vous savoir mon reve? Ce serait de vivre ainsi, toujours, dans le charme de cette intimile confiante et 4ti LA SOUIUS. culine que jc nc connaissais pas, et que vous m'avex fait connaitre. CLOTILDR. 11 faut vous marier, mon ami ! MAX. Ah ! bien ! Ah ! bon! je 1'altendais ! En voila encore un indice! Me marier! G'estcela! Epouser la Souris, n'est-ce pas ? Oh ! si vous croyez que je ne connais pas votre petit plan ! CLOTILDE. Eh bien, mon ami? MAX. Une mineure, maintcnant ! Oh ! non! alors. Pas si vieux que cela, voyons! je n'ai que trente... hum! trente-six ans, aprestout! Etpuis, enfm,je la deteste, votre Souris, vous savez bien, et elle me deleste!... Mais si, pour elle, je ne suis qu'un octogenaire bien conserve 1 ... a son age, moi, les gens du mien... CLOTILDE. Vos ages s'attirent, au contraire. MAX. Mais enfin, pourquoi?A quel propos? Que lie idee de me faire epouser celte enfant insignifiante?... CLOTILDE. Vous ne la connaissez pas, je vous dis. MAX. Non ! j'en 6tais sur ! Avouez que c'est pour cela que vous 1'avez fait venir, et que vous me dites tant de bien ACTE PREMIER. 47 d'elle, et que vous lui dites tant de bien de moi !... Et c'est vous, vous!... Oh! que c'est mal !... Est-ce que je veux me niarier, d'ailleurs? Je ne me marierai pas, jamais, a moins qu'un jour. .. Ah ! Clotilde, il n'y a qu'une femme qui m'ait fait comprendre le mariage... CLOTILDE. Epousez-la ! MAX. Elle n'est paslibre! CLOTILDE. Alors, vous avez raison, n'y pensez plus. MAX. Mais j'y pease, an contraire! mais je ne pense qu'a cela! Ah! si j'osais... comme je lui dirais... CLOTILDE, se levant. Ce qu'elle ne doit pas entendre ? Ne faites pas cela. Max. N'attentez pas a 1'estime qu'elle doit avoir pour vous, au respect que vous devez avoir pour elle. Ne faites pas cela. Yous etes un homme charmant, mon ami, la nature vous a fait bon, 1'amour vous a laisse aimant, le bonheur vous a conserve jeune. gardez tout cela pour une autre qui, plus heureuse qu'elle, ait la liberte de croire et le droit d'esperer. N'essayez pas de troubler une ame deja troublee, peut-etre, ne faites pas cela, jamais !... (Soumnt.) Et d'ailleurs, voyons, vous ne le pourriez pas. Vous qui donniez autrefois de si bons conseils a celles qui sont folles, vous n'en donneriez pas maintenant de mauvais a celles qui sont sages. (PIUS grave.) Ne lui dites rien, croyez-moi. Je ne connais pas celte femme, mais je suis sure que ce silence que vous attri- buez a votre timidite, elle en fera honneur a votre deli- catesse et que son amitie vous en saura gre. 48 LA SOUIUS. MAX, a part. C'est cela, encore une amie! Mon bon Max, restons amis! toujours! (Mai-the parait.) Aliens bon, la Souris main- tenant... (Kiant ironiquement.) Ma fiancee!... SCfiNE XII LES MfiMES, MARTIIE, habillee en amazono, puis HERMINE ct PEPA, P uis MADAME DE MOISAND. CLOTILDE, a Marthc qui ontre. Oh! oh! approche un pen! Voyons, tourne-loi... Tres bien, une pince la, et ce sera parfait... Es-tu jolie !.. Voyez done, Max!.. Ah! jeunesse! nous allons monlrer a ces Parisiennes qu'en province... Les voila! Bntrent Pepa et Ilenninc. PEPA, se precipitant ct avcc chalcur. Ah! Clotilde! Ah! machere Clotilde! que je suis con- tente de vous revoir ! (Kile i-emtrassc.) CLOTILDE. Oelte bonne Pepa! HERMINE, lui tendant la main. Et moi, comtesse, bien heureuse ! CLOTILDE. Chere Madame ! HERMINE. Croyezque je prends une part bien viveavotre chagrin... ACTE PREMIER. 4'J PEPA. Et rnoi, a votre ennui... CLOTILDE. Oh! mon ennui... PEPA. Quinze mois de province ! Ecoutez, c'est raide ! H ERMINE. C'est une noble attitude, comtesse, et bien digne de vous! PEPA. Quinze mois ! Et jamais a Paris, alors? CLOTILDE. Oh ! quand mon notaire m'y appelle, c'est-a-dire rare- ment. PEPA. Rarement c'est affreux! Vous que j'ai connue si heureuse, si gaie... CLOTILDE, hochant la lete. Oh ! plutot gaie. PEPA. Et il n'y a pas longtemps, enfm... CLOTILDE. Non, mais il y a loin. HERMINE. Et si entoure'e ! Vous retrouver ainsi seule ! SO I>A SOURIS. CLOTILDE. Seule ! oh ! non... (Kile embrassc Marihe.) Va. ma cherie, je te rejoins. Marthe sort. PEPA. Comment! pas seule? Vous avez quelqu'un? (Fcignant d'apercevoir Max.) Ah ! ce n'est pas possible! M. de Simiers, ma chere ! HERMINK. feignant d'etre ctonnec, cllc aussi. M. de Simiers ! PEPA. En voila une surprise ! Vous, id ? MAX, saluant. Mesdames... PEPA. Mais je vous croyais mort ! MAX. Deja ! H E R M I N E. Mais il y a des siecles qu'on ne vous a vu, marquis! MAX. Vous 6tes trop bonne... Trois mois seulement, baronne. HERMINE. Trois mois !... C'est extraordinaire, vous ne changez pas! MAX, .( part. Aliens, bon ! ACTE PREMIER. frl PEPA. Ah ! bien, moi, Hennine, je ne suis pas de votre avis... Avec cette moustache... il ressemble a Paul d'Esmond... Vous ne trouvez pas, ma chere ? CLOTILDE, has, a Max. Ah! PEPA. Alors, pendant que nous pleurions la-bas, vous etiez ici, vous, cache ?... MAX. Oh ! cache !... En visite, simplement. Je suis un voi- sin, moi. PEPA. Un voisin dangereux, Clotilde ; prenez garde ! MAX. Moi? H E R 31 1 N E. Si, si, tres dangereux... MAX. Permettez... PEPA. Et un convaincu, mefiez-vous, ma chere, c'est le genre serieux, vous savez ! Ah ! si je restais ici, c'est moi qui me ferais faire la cour ! HERMINE. Pepa! PEPA. J'adore ce genre-la, moi d'abord ! 52 LA SOURIS. CLOTILDE. Comment ! si vous restiez ? Mais vous restez, j'espere. PEPA. Non ! oh non ! IIERM1NE. M. de Simiers ne nous le pardonnerait jamais ! MAX. Comment? PKPA. Et vous done, Clotilde ? CLOTILDE. Moi ? Et pourquoi, je vous prie ? HERMINE et PfiPA. Non ! non ! non ! non ! HERMINE. C'est assez d'avoir ete importune, sans etre indiscrete. CLOTILDE. Indiscrete... importune... je ne comprends pas. HERMINE. Troubler votre idylle!... Oh! comtesse, je m'en vou- drais mal de mort. CLOTILDE, sericusc. Ah ! c'est cela? Oh ! bien, rassurez-vous et restez sans crainte : il n'y a pas entre nous la moindre idylle. ACTE .PREMIER. 53 HERMINE. Oh! pas la moindre... M. cle Simiers est un horr.me. trop galant... CLOTILDE. Oui, mais c'est aussi un galant homme, et je ne suis pas libre. PEPA. Pas libre de flirter un peu? Oh !... autrefois je ne dis pas. Et encore ! Mais a present?... Pas libre! aliens done! Entre votre liberte et votre volonte, qui est-ce qu'il y a? CLOTILDE, fiercmcnt. Mais il y a... il y a moi! HERMINE. Ne vous fachez pas, comtesse! PEPA. Hein? Est-elle devenue?... CLOTILDE. Provinciale, n'est-ce pas ? Oui, c'est vrai, c'est absurde ! Vous plaisantez et moi... Ah! c'est que votre article- Paris, je n'y suis plus du tout. Pardonnez-moi ! MADAME DE MOISAND, entrant, bas a Pepa. On est alle chercher vos bagages. PEPA, de meme. Bien! :,i LA SOURIS. CLOTILDE, a Hcrmine et Pepa. Puisque ma mere est la, voulez-vous me permettre de vous quitter un instant, Mesdames? PEPA. Comment done ! CLOTILDE. Le temps de mettre Marthe a cheval et je reviens. PKPA. Ah ! elle sort avec... CLOTILDE. Avec M. deSimiers, oui... IIERMINE et PEPA. Allez done, comtesse! allez! CLOTILDE, b;is a M;ix on s'on allanl. Vous avez raison, elles sont assommantes, mes amies. MAX. Euh ! Pepa... un peu moderne, mais aimable. CLOTILDE, souriant. Oui, oui, parce que vous ressemblez a Paul d'Esmond, n'est-ce pas '!... Oh! commeje vous connais, vous! (Max t Clotilde sortent.) ACTE PREMIER. 55 SCENE XIII HERMINE, PEPA, MADAME DE MOISAND. Elles se rapprochent mysterieusement toutes les trois. MADAME DE MOISAND. Eli! bien? PEPA. Eh bien, ma chere dame, votre cure avail raison. MADAME DE MOISAND. Elle 1'aime! PEPA. Si elle 1'aime!... dites done, Hermine? HERMINE. Pauvre femme ! MADAME DE MOISAND. Ah! mon Dieu! PEPA, Oh! non! Irop de renoncement et de sentiment... et d'emportement!... Et sa parole !... Et sa fierte!... Ah! bien, c'est cela qui est egal au nomme Amour quand il s'en me"le ! Non ! pour moi, voyez-vous, c'est aussi clair ! . . . Mais rappelez-vous done ce que vous m'avez dit ! Elle est ici depuis quinze mois, seule, ennuyee... MADAME DE MOISAND. Je n'ai pas dit ennuyee, j'ai dit malade. 56 LA SOURIS. PEP A. Les femmes n'ont qu'une maladie 1'ennui et qu'un remede 1'amour. Je vous dis qu'elle 1'airne, je le sens ! Nous aulres vicilles lilies, voyez-vous, nous avons un nez pour ces choses-la!... Ah! si elle etait libre, vous 1'auriez pour gendre, et rapidement, je vous en re- ponds! MADAME DE MOISAND. Pour gendre, je ne dis pas, mais... Ah ! malheureuse enfant ! Madame de Sagancey, ma chere demoiselle, vous n'allez pas m'ahandonner ! PEPA. Nous?... Ah!bien,iln'y a pas de danger, par exemple! II ERMINE. Comment! Pepa? PEPA. Oh ! ma chere, il faut la lirer de la! Oh ! mais absolu- ment! Et ce quo cavaetreamusaut,songez done! (Amadame dc Moisand.) Avant huit jours, nous vous en debarassons, de votre loup, soyez tranquille. HERMINE. Permettez, ma chere... PEPA. Oh ! d'abord, Hermine, partez si vous voulez, moi je rCSte !... (A madamc dc Moisand, monlrant Hcrminc.) Et elle aUSSi !... Oui, oui, c'est convenu ! Elle reste ! Elle en meurt d'envie, vous savez!... Elle reste, et nous enlevons le ACTE PREMIER. 57 monsieur! vous allez voir ce petit travail ! Allons, Her- mine, un match !... Premiere au poteau! HERMINE. Ah ! Courez seule, ma chere. PEPA. Vous ne voulez pas?... HERMINE. Toucher aux choses du cojur ! Ah ! Dieu ! J'ai trop souffert par la... PEPA. Eh! Men, au fait, tant mieux ! Moi seule, et c'est assez ! MADAME DE MOISAND. Le ciel vous entende ! PEPA. Ah! seulement vous savez, ma chere dame, le piquet, le whist, le loto, il n'en faut plus ! II y a bien un lawn- tennis, chez vous? MADAME DE MOISAND, nc comprcnant pas. Un len... PEPA. Voyons, voyons... line riviere? je me noie! Des che- vaux? je m'emballe!... je me fais sauver la vie tout le temps! II doit etre romanesque cet homme-la!... Ah! et puis, attendez done... dans le village... ces baraques... il y a done une fete ici? MADAME DE MOISAND. C'est la fe"te, oui. M LA SOU III S. PEPA. Unbal? MADAME DE MOISAND. Champelre... PEP A. Mon revel... Nous irons ce soir... nous danserons... il dansera! Si! si! avec moi! Oh! mais je vais le re- mettre dans le mouvcment, moi, ce Parisien! Vous allez voir... C'est-a-dire que huit jours c'est trop... Je ne vousdemande que vingt-quatre heures... (Regardant au fond.) Ah! nos bagages! la grosseartillerie! Non! ce quegava etre drOle!... Eh bien, comment? Deja finie la prome- nade? MADAME DE MOISAND. Finie? H ERMINE, regardant aussi au fond. Oui, les voila qui reviennent. MADAME DE MOISAND. Qui? PEPA. Mais la Souris, M. de Simiers, tout le monde... MADAME DE MOI SAND. Qu'est-ce qui est arrive? Clotilde! quoi? ACTE PREMIER. 59 SCENE XIV LES MEMES, MARTHE, CLOTILDE, MAX. MAX. Rien ! ce n'est rien ! MADAME DE MOISAND, a Clotilde. Mais comme tu es pale? CLOTILDE J'ai eu... peur. HERMINE. Un accident? MAX, legorement. Un incident tout au plus... En passant le pont de bois, la jument de mademoiselle Marthe lui est partie dans la main... HERMINE. Emportee? MAX. Non, mais je i'ai cru, et pour 1'arreter, couper court, j'ai lance mon cheval dans le clos... MADAME DE MOISAND. Et la barriere? CLOTILDE. Fermee ! MADAME DE MOISAND. All! mon Dieu! 00 LA SOUR1S. MAX. Moi, je ne savais pas, je suis arrive dessus... CLOTILDE. A fond de train. MADAME DE MOISAND. Mais elle estSnorme! PEPA. Eh bien? MAX, simplcmant. Eh bien... j'ai saute. PEPA. Bravo! Tres cr;\ne! MADAME DE MOISAND. Mais c'e*tait pourvous tuer! MART HE, a Clotildc. II monte si bien... II n'y avait pas de danger pour lui. CLOTILDE. Ce n'est pas pour lui que j'ai eu peur, c'est pour toi. MARTHE. Pour moi? oh ! mais la vieille jument... CLOTILDE. Tais-toi! MARTIIE. Elle fait toujourscela, etjamais tu... ACTE PREMIER. 61 CLOTILDE, lui coupant la parole. Oui, enfm, c'est absurde ! c'est fou ! Mais j'ai eu peur pour toi, la, pour toi ! Va te defaire, va ! (Eiie la renvoie du geste.) MART HE, avec regret. Alors, il faut que j'ote mon amazone? CLOTILDE. Ah! oui, je t'en prie, assez de cheval pour aujourd'hui. MARTHE. Mais domain?... CLOTILDE, agacee. Demain! un autre jour, plus tard, mais pas aujour- d'hui! (Avec impatience.) Oh! fais-moi grace, je t'en supplie, va, mais va done!... je suis enervee... Marthe sort. MADAME DE MOI S AND, has a Pepu. Vous qui vouliez du romanesque... PEPA, de mame. Oh! la petite coquine, elle me 1'avole! MADAME DE MOISAND, de merae. Quoi done? PEP A, de memo. Le coup de I'emballement ! Je voulais le lui faire. Oh ! mais je lui en ferai d'autres. (ciotade, tres paie, se laisse glisser sur un fauteuil.) Eh Men ? eh bien? (Elle va a elle-) MAX, de in i; mo. Clotilde! CJ I.A SOUKIS. MADAME DE MOIS AND, tie mOmc. Qu'est-ce que tu as? CLO TILDE, faiblo. Rien!... Je ne sais pas, je suis,... un peuetourdie... H ERMINE, lui offrant un flacon. Mon flacon! tpnez! PEPA, has a madame de Moisand. Eh bien? Est-ce assez clair? CLOTILDE, repoussant Ic flacon. Mais non... puisque ce n'est rien... un restant de peur, voila tout... MAX. Mais, Clotilde, enfin... CLOTILDE, Youlant ("tre gaie. (Test la faute de Marthe... Ah! dame, vous avez doute deses talents... Elle a voulu vous les montrer... et moi.. Voila pourtant comme nous sommes en province... Mais c'est fini... (Eiie se luve.) Vous voyez, c'est passe 1 ... Ne vous OCCUpeZplusde Cela,jeVOUSenprie! (Avec unrireunpcu force.) Ah ! cette Marthe !... (Entre Marthe.) Eh bien, comment ? Te voila encore, toi? MARTHE, lui tend ant un papier. C'est une depe'che. CLOTILDE- Pour moi ? MARTH E. De Paris. ACTE PREMIER. 63 CLOTILDE, prenant la depeche et 1'ouvrant, toujours avec un entrain un peu force : Ah! mais, mon Dien, que d'evenements ! Un cheval emporte, des visiles, une depeche !... En voila plus en un jour qu'en quinze mois! (EIU lit.) Ah ! MADAME DE MOISAND. Mais quoi encore ? CLOTILDE. 11 fautque je parte! MADAME DE MOISAND. Tout de suite? CLOTILDE, Oui. MADAME DE MOISAND. C'est du notaire? CLOTILDE. Oui MADAME DE MOISAND. Mais qu'CSt-Ce qil'il VCUt? (Elle etend la main. CLOTILDE, gardant la depeche. II ne mele dit pas. MAX. Oh ! bien alors!... CLOTILDE. Si ! si ! il faut que je parte. MAX, a Clotilde. Et si je vous accompagnais? 61 LA SOUIUS. CLOTILDE. Vous? Mais non... niais... non, pourquoi? MAX. Pas memo... CLOTILDE. Ah! au c hem in de fer, soil... avec ces dames. PEPA. Oui, c'est cela, nous verrons la fete. MAX, a Clotildc. Alors, vous ne voulez pas?... CLOTILDE. Oui, oui, c'est convenu, avec ces dames... Allez de- vanl, Mesdames, je vous rejoins. (A Martiic.) "Viens toi. Elle rc^ardo sa depcchc ct la relit en s'en allant. MAR THE, has a Clotildc, en s'cn allant avec elle. Comme tu es emue !(Montrant la depeche.) Qu'est-ce qu'il y a done la dedans? CLOTILDE. La dedans?... Ah! qui sail!.. .Ma vie peut-elre! viens ! Ellcs surtcnt toutes deux. MADAME DE MO I SAND, bas, a Pepa et a Henuine. Elles so rapprochent loutes trois ayec myslere. Elle part ! II EH MINE, dcmuiuc. Elle ne part pas, elle se sauve. ACTE PREMIER. 65 PEPA, montrant Max songeur. Elle ne le retrouvera plus ici. Je m'en charge. MADAME DE MOISAND. Mais cela s'arrange a merveille! Ah! mes cheres dames, vous la sauverez ! C'est M. le cure qui va etre content!... Je vais faire preparervos chambres. HERMINE. Bien isolee, lamienne, n'est-ce pas, chere Madame?... bien loin du bruit... Je dors si mal... Que j'aie le calme au moins, a defaut du sommeil. MADAME DE M 01 SAND. Soyez tranquille. Elle sort it droite. HERMINE. Aliens, Monsieur de Sim... Elles'avance vers Max pourlui prcndre Je bras. PEPA, passant devant elle et bas. Ah! mais non, alors, ma chere. Puisque vous ne vous en melez pas ! A moi la pose ! Elle prend le bras de Simiers. Sortie. A GTE DEUXlfiME M^uie dicor. SCENE PREMIERE MAUTHE *euie, puis MAX et PEPA, P ,,is HERMINE. Au moment oil Ic rideau se leve, Marthc assise face anx spcctatuurs, dans Tangle de droitc, dcssinc sur son album avec unc grande attention. Au bout d'un certain temps, on entend un bruit de voix et do rires; elle cacbe precipitamment son album dans sa porhe, se leve, prend vile un livre, au hasard, sur la table et sc ragsied paraissant plon^ce dans sa lecture. Max et Popa entrcnt bruyamniunt et sans voir Martho. PEPA, a Max. Oh! non, trop tot! Pourquoi? G'etait si amusant cetle f6te champetre. La somnambule allait nous dire la bonne aventure ! Et la belle Eulalie done ! Deux cents kilos ! Et on talait les jambes ! Ah ! vous n'Stes pas curieux ! MAX. Madame de Sagancey etait fatiguee. PfiPA. Hermine ? Elle Test toujours! C'est la femme brisee, vous savez bien I ACTE DEUXlfcME. 07 HER MINE, entrant, et sechcmcnt. Tout le monde n'a pas votre sante, ma chere. PEPA. Tant pis pour tout le monde, ma chere. MAX, a part , Qu'est-ce qu'elles Ont done ! (ll depose son chapeau, sa canne I son mouchoir sur la table.) HERMINE. D'ailleurs, depufs huit jours que la comtesse est partie, chaque jour vous nous menez dans cette cohue... et moi. les phenomenes, les monstres, sans compter les paysans... Je ne peux plus les voir et encore moins les sentir... Pouah!... (Ellc s'assied a gauche.) C'est horrible, VOUS ne trouvez pas, monsieur de Simiers? MAX. Mon DieU !... (ll fouille dansses poches et en tire different* obji.-ts qn'il met sur la table.) PEPA, toujours sccheinent. Vous etes trop delicate, ma chere ! HERMINE, de memo. G'est pour celles qui ne le sont pas assez, ma chere ! (A Max.) Monsieur de Simiers ? M AX , a Hermine. Madame?... PEPA, a Max qui vide ses poches. Monsieur de Simiers ? 08 LA SOU HIS MAX. Mademoiselle?... PEPA. Qu'est-ce que c'est que tout c.a ? MAX. Ce sont les lots que j'ai gagnes. PEPA. Oh ! une tombola ! faisons une tombola, voulez-vous? MAX, a Pepa. Si vous voulez ! jesuis... HERMINE, i M;ix. Dites-moi, monsieur de Simiers ?... MAX. Madame?... PEPA, a Max. Ah ! Monsieur de Simiers, aufait, nous nous haignons ! C'est aujourd'hui que vous me donnez ma premiere lec.on de natation, vous n'avez pas oublie ! MAX. Oublier cela ! Ah ! mais non! H ERMINE, a Pepa. Yous feriez peut-e"lre bien d'attendre, Pepa, a cause de votre dejeuner? PEPA. Oui, Hermine, oui, vous ne mangez pas, vous ne dor- inez pas, vous ctes un pur esprit, c'est connu. ACTE DEUXIEME. (>'J HERMINE. Ne vous fachez pas, ma chere; ce que j'en dis, moi, c'est dans votre interet ! PEP A. Bien bonne ! HERMINE. Et en attendant le bain, M. de Simiers pourrait nous lire quelque chose. MAX. A vos ordres. PEP A, a Herraine. Ah! de la poesie !... Encore!... comme hier soir... All ! non ! pas en plein jour, voyons! Un tennis, plutot, la. sur la terrasse? MAX. Soil ! allons ! HERMINE. Mais, Pepa, enfin, laissez done M. de Simiers respirer un pen !... Vous etes tourmentee par un besoin de mouve- ment... comme toutes les personnes fortes, du reste... PEPA, bondissant. Fortes! Comment fortes! soixante de tour de taille ! pas plus que vous, ma chere ! HERMINE, protestant, Oh! PEPA. Oh ! comment oh ! Je le sais bien, nous avons la memo couturiere. 70 I. A SOURIS. HERMINE. Mais pas la me'me taille ! PEPA. Pas la meme!... (A Max.) Mesurez-nous. MAX. Je crois bien ! PEPA, chorchant autour d'clle. Un metre? un ruban? une ficelle, n'importe quoi? (Apcrcevant Mart he.) Ah ! la Souris !... dans les coins, tou- jours ! Elle doit avoir CCla, elle. (Ellc a etc a clle, voit Ic livi-c .pir tient Marthe, ct le lui enlcvant.) Ilein ! Qu'est-CG fjUC J6 VOis ? Moil roman? Elle lit mon... Voulez-vous bien? MAX. Uu roman? PEP A, bas a Max. A moi, oui. .. le dernier de chose... vous savez... une horreur! SCENE II LES MEMES, MADAME DE MOISAND, un paquet de Icttrcs et de journaux a la main. MADAME DE MOISAND. Void les lettres! MAX, a Marthe. Eh! bien, mademoiselle Souris, est-ce que les petites filles lisent ces choses-la? ACTE DEUXIEME. 71 MADAME DE M 01 SAND, s'avancant. Qu'est-ce quec'est encore? MAR THE, basa Max. Ah ! Monsieur, vous allez me faire gronder, MADAME DE MOISAND. Quoi done? Qu'est-ce qu'il y a? MAX, legeremcnt. Oil! Ulie plaisailterie... (Madame dc Moisand lui ronict unc iotn-e.) Merci, Madame ! PEP A, regardant le livre rcpris a Marthe. Elle le lisait a 1'envers, je lui pardonne. (Das, a madamo de Moisand.) Et rien de Clotilde. toujours? MADAME D E M 1 S A N D , dc niemc . Toujours rien !... C'est extraordinaire. (Lui rcmeitant uu paquet voluminous de lettres, et montrant Max.) Cllllt!... Voici pOUl' VOUS. MAX. Que de leltres ! r E P A . De mes amoureux ! Traitement par correspondance... 'Madame de Moisand remet uno lettre a Hcnuinc et une a Marthe.) t.t cette pauvre Hermine qui n'en a qu'une, comme la Sou- ris!... D'une petite amie du couvent aussi, sans doute ! HERMINE. Non, ma chere, d'un autre ami, du colonel... des vers charm ants. p E P A . Oh ! voyons cela ! 72 LA SOURIS. MADAMK DE HOI SAND. Oui, oui, lisez ! lisez ! H E R M I N E, ii Max qui n'a rien dit. Vous le voulez, M. de Simiers? MAX, polimcnt. Si <;a n'est pas indiscrct... IIERMINE, lui sounant. Je vous obeis. A mailame la baronne Hermine de Sayancey. Moi, j'ai toujours aime les e"toiles : enfant, J'en aimais unc an ciol; c'etait Marstriomphant, Soldat, j'en convoitais une autre, mais sur terre : L'etoile de 1'lionneur, cet astre militaire ! Aujourd'hui commc alors j'en aime une, et c'est vous. Etoile de ma vie, adoree a genoux ! MAX et MADAME DE MOISAND. Tres jolis ! cliarmants ! P E P A. dddoigneusement. Peuh ! des vers de colonel, ma chore ! HERMINE, piquec, dusignunt les Icttres que Pcpa tient a la innin. Cela vaut bien vos notes dc fournisseurs, ma chero... PEP A, bondissant. Des notes !... (i.es icndani a Max.) M. de Simiers. lisez-les ! MAX, les refusant. Moi!... oh!... ACTE DEUXIEME. 7:J PEPAj desi^nant la lettre qu'il tient a la main. Oui, vous avez mieux. il parait; c'est de la dame en blanc ca. heiu? II E R M I N E . Oh ! mais, Pepa, vous eles d'une indiscretion !... MAX. Du tout ! Ah ! Dieu ! si la dame en blanc ne pense pas plus a moi que je ne pense a elle... H E R M I N E . Oh ! M. de Simiers, ne reniez pas vos dieux ! PEPA. Vous 1'avez aimee, voyons, c'est connu... Seulement, pourquoi ? Ah ! ca!... pas pour sa beaute toujours. ni pour son esprit... Pour son costume peut-etre? MAX. Peut-etre ! PEPA. Tout blanc. Vous trouvez ca joli ? MAX. Charmant ! PEPA, a part. Bon a savoir. HERMINE. Et cela sied si bien... PEPA, agi-essLveincnt, a Ilcrminc. Quand on est jeune! 7i i. A sornis. II E RM I NE, ripostant. Et mince ! PKPA. Mince ! Ah ! au fait, nous n'avons pas regie notre compte, nous deux... Madame de Moisand, vous n'avex pas un cordon, quelque chose?... HERHINE. Encore ! PEPA. Soixante ! Oh ! je ne vons en liens pas quitte ! Eh bien, Madame ? MAD A M E D E M 1 S A N D, cherchant . Mais... c'est que... Non... PEPA. Comment ! rien ! entre nous loutes, pas un... Ah ! Kllcva a Marllic ot lui dctache sa eoinlmv. MARTIIE. Ah! mais... Mademoiselle!... ma ceinture!... PKPA. Laissez clone ! Deux minutes !... Je vous la rends ! (KM.- va pour 1 ossaycr cl, voyant quo les deux bouts nc sc rejoignent pas. ) All . ah! II ERMINE. Un peu courte pour vous, ma chere. PEPA, la lui passant au tou rde la taillc. Pour moi ! pour moi ! Pour vous aussi, ma chere. On n'a pas une taille comme c^, non plus! ACTE DEUXIEME. 7.'. MAX, souriant. Mesure d'enfant, second age! PEP A, a Max, tout en rendanl sa ccinture a Murthc. Etes-vous mauvais!.. Ah! son ruban!... Elle lui ote son ruban des chcveux. MARTHE, so defendant. Mademoiselle! je vousenprie, vous allez me defaire !... P E P A, continuant. Laissez done! laissez done ! n'ayez pas peur ! (Les ciu.~ v.-nx se deroulent sur les epaules de Marthc.) AllonS, boil ! PatatfaS ! M AD A M E D E M I S A N D. Marthe! Eh bien! c'est indecent! MARTHE, cssayant de rattacher ses cheveux. Mais, Madame, ce n'est pas ma faute. PEP A. Misericorde! quelle cascade! Monsieur de Simiers, ne regardez pas! MAX. Superbe! Tout a fait une enseigne d'eau pour les che- veux. Marthe sort vivemeut. PEPA. Pauvre Souris!... Ah! vous n'etes pas galant! (Lui ten- tant le ruban de cheveux.) Ah ! voila le moment ! Soixante! vous savez, Hermine ? HERMINE. Bien serree, alors? 7f, LA SOURIS. PKP.V, furicusc. Serr6e, llioi ! (Kile soulwve Ic bout du busc dc son corset.) (A Max.) Mesurez ! H ERMINE. Oh! inutile, j'aime mieux vous donner gagne. PEP A. Ah! elle renonce, vous eHes temoin! Elle a perdu! MAX. C'est moi qui y ai perdu. PEP A. Vous vous ratlraperez an tennis, vous! Allez cher- cher les raquettes! MAX. J'y vais. HERMINE. Monsieur de Simiers, vous me rapporlerez mon even- tail, n'est-ce pas? MAX. Volontiers. MADAME DE MO I SAND. Ramenez la Souris, monsieur de Simiers, elle marque ra les points. PEPA. Je vous attends, monsieur de Simiers! HEKMINE. N'oubliezpasmon eventail, monsieur de Simiers! MAX, ;i part, en sortnnt. Mais qu'est-ce qu'elles out done? ACTE DEUXIEMF. 77 SCENE III II ERMINE, PEPA, MADAME DE AI01SAND. PEP A, a Hcrminc. All ga, ma chere, entendons-nous : vous en melez- vous, oui ou non? H ERMINE. Moi ?... je m'en mele?... PEPA. aiymee. Oh ! melez-vous en, ou ne vous en melez pas; mais, si vous vous en melez, dites-le ! Et ne dites pas que vous ne vous en melez pas quand vous vous en melez ! HERMINE. Je ne comprends pas ! PEPA. Allons done ! monsieur de Simiers par id, monsieur de Simiers par la ! Donnez-moi le bras ! passez-moi ce coussin ! apportez-moi mon eventail ! Je ne vois pas votre manege peut-etre ! Vous marchez dans mes plates- bandes, ma chere ! 31 A DAME DE MOI SAND, conciliantc. Mademoiselle, voyons ! HERMINE. Vous avez tort de vous en prendre a moi de votre insuc- ces, ma chere. 7S LA SOUR IS. MADAME DE MOISAND. Voyons, Madame ! PEP A. De mon insucces? HERMINE. Ah ! il est froid ! Vous ne direz pas qu'il n'est pas froid ? P E PA, piqucc. II est froid? HERMINE. II n'cst pas froid ?... Madame de Moisand, est-il froid ? MADAME DE MOISAND, timidement. Un peu froid... PEPA. Eli bien, s'il est froid, a qui la faute? MADAME DE MOISAND. Mais a Clotilde, Mesdames. C'est parce qu'il aime Clo- tilde. PEPA. Lui ! aliens done ! Depuis son depart elle n'a pas ecril une seule fois, et pas une seule fois il n'a demand^ de ses nouvelles ! Non ! la, comme toujours, il n'y a que la femme de sincere; lui, fait son metier d'homme... Oh! les hommes! Ah ! par exemple, si je mets la main sur celui- la, il en verra de grises, je vous en rponds ! HERMINE. Prenez garde, ma chere ! PEPA. Oh! moi, blinded, vous savez bien! ACTE DEUXIEME. 71) HE RHINE. C'est egal ! M. de Simiers est dangereux ! PEPA. Dangereux I lui ! Comment! voila sept jours qu'il est seul, id, avec trois femmes... MADAME DE MOISAND, modeslcracnt. Oh! mais moi,jene compte pas!... PEPA, naivemt'iil. Je ne vous compte pas non plus... (si repmiant.) Oh! pardon!... MADAME DE BIO IS AND, 1'cxcusaiit. Oh! PEPA. Non ! je comptais Marthe qui en vaut bien une autre, apres tout... trois femmes! et il ne fait la cour a aucune ! Vous appelez cela dangereux !... Avec la Souris, il est si taquin qu'il est a peine convenable, et, avec nous, il est si convenable qu'il en est inconvenant! Non! c'est vrai, je ne comprends pas cet homme-la, moi ! Est-il blase, timide, quoi ? Si rien ne le retient ici, qu'est-ce qu'il veut? qu'est-ce qu'il entend? MADAME DE MOISAND. II attend Clotilde ! Et elle va revenir, et cela va recom- mencer ! Mademoiselle, encore un petit effort, ne vous decouragez pas, je vous en supplie! PEPA. Moi! ah ! vous neme connaissez guere... Non ! non !... 80 LA SUUK1S. pas lacheuse, Pepa! Seulement, comme ilfaut que cela linisse, je passe aux grands moyens ! MADAME PE M 01 SAND, ctonncc. IMus grands? PEl'A. D'abord, pas plus lard que lout a 1'lieure, je m'habille tout en blanc; il aime cela, cet bomme! C'est de son age! Une fois en rosiere, je le soumets a un de ces flirtages... je ne vous en dis pas plus...mais s'il lui reste encore quelque chose d'humain, il i'audra bienqu'il se decide... Et puis, a 1'heure du bain, oh ! mais cela c'est le clou ! et unclou ! a 1'heure du bain, en saulant dans le bateau, je fais un faux pas... je tombe dans 1'eau... etje me noie! MADAME DE MOISAND. Comment? PEPA. Noyee, je suis irresistible! j'ai essaye! Je me noie, il me sauve; je m'evanouis, il me soigne, et, quand j'ai re- couvre mes esprits, s'il n'a pas perdu lessiens. .. c'est que je ne suis plus moi! La-dessus, il me demande un rendez-vous. Je le lui accorde ce soir, et, demain, jel'en- leve, train eclair deux heures quatre...voilamon plan!... Et il ne sort pas de chez le nolaire comme vous voyez!... VOIX, dehors. Mademoiselle Pepa ! PEPA. Le tennis ! (s-adressant au dehors) J'y vais ! j'y vais! (A HCI- iniue ct ii madamc do Moisand.) Seulement pas Utt mot! Et VOUS, Hermine, vous savez ! m61ez-vous en ou ne vous en m61ez pas, mais si vous vous en melez, dites-le! (liiic se tiiri^c vcrs lu fond.) Af.TE DEUXIEME. SI MARTHE, a Pcpa, lui tcndant la raquettc. Mademoiselle ! PEPA. Voila ! voila ! (s'adrcssant au dehors.) En quinze points, une discretion. (Se retournunt vers Herminc.) DitCS-le ! (S'elancant a. Ah! je le dis comme je lo pense, ma chere. (A mudamr dc Moisand.) Ce n'esl pas avec ces extravagances qu'elle lui lera oublier Clotilde. Car enfm, dans toute cela, il ne s'agit que de Clolilde Je ne vois que cette pauvre Clotilde ! PKI'A, du fond. Eh bien! et moi, done? HERMINE, ii madamc du .Moisand. Non, elle le prend tout k fait au rebours, elle 1'elour- dit, elle le surmene. M. de Simiers n'est plus un lyceen pour qui la turbulence ait des charmes et 1'inconvenance des seductions... C'est un homme delicat, distingue, ua peu sur ses fins... II est dans la galanterie assise, enfm! II a plutot des besoins de coeur. II cherche, je dirai, a appareiller son ame. Les hommes tres aimes sont comme les femmes tres coquettes : elles tournent a la devotion, ils lournent au sentiment... C'est par le senti- ment qu'il fallait le prendre... (sounant dcdaigneusemom.j II est vrai que le sentiment et Pepa... PEP A, du fond. Allez, allez ! cassez votre petit sucre !... HERMINE. Et le langage ! et les allures! Elle n'a rieii... mou Iticn !... elle peut plaire... mais elle n'est pas de celles que Ton aime. PEPA, du fond. Pas de celles?... Comment? comment? ACTE DEUXIEME. 83 MARTHE, a Pcpa, du fond. Mademoiselle! a vous! HERMINE, a niadame de Moisand. Voyons ! chere Madame, entre nous, croyez-vous que Pepa soil de celles... PEP A, toujours an fond. Je ne suis pas de celles que Ton aime, mais je suis de celles que Ton prefere... HERMIXE. Oh! ceci... PEPA. Et vous en savez quelque chose ! H ERMINE. Moi? PEPA. Dame! II me semble que volre petit d'Esmont m'a fait assez la cour, ma chere. HERMINE. Oh ! avec ma permission, ma chere ! PEPA, en donnant un coup de rai|uctte. Et le grand Durummel ? Et d'Osborn ? HERMINE. Oh ! Dieu ! gardez-les ! PEPA, s'avanjant en scene. Et volre colonel? XI LA SOUR IS. II ERMINE, suflbquee. Le colonel ? PEPA, descendant toujonrs. Oui, que j'ai emmene. HE RHINE. Oh ! cela, par exemple !... PEPA, descendant ile plus en plus, .Je n'ai pas emmene le colonel !... MARTHE. Mademoiselle ! mais c'est a vous, Mademoiselle ! PEPA, lui donnant su raqucllc el redesccndant tout a fait en scene. Jouez pour moi! (A iiermine.) Je n'ai pas emmene... (A Marine qui court au jeu.) Un instant ! (A Hcrraine.) Je n'ai pas emmene le colonel ! IIERMINE. Vous? PEPA. Moi! HERMINE. Oii done? PEPA. A Florence. HERMINE. Quand done? PEPA. L'hiver dernier! quand il vous a dit qu'il allait lever des plans dans le Midi... Vous vous rappelez? Eh bien, ACTE DEUX1EME. 8;. c'etait pour venir avec nous et par consequent avec moi... 11 n'y avail que moi de femme... Ah ! ah ! il ne s'est pas vante de celle-la, hein? II ERMINE. Je vous demands pardon, je le savais. PEP A. Yous ne saviez rien du tout! Et je ne suis pas fachec de vous le dire ! Non ! non ! voyez-vous, ma chere, vous avez votre valeur, je ne dis pas, mais j'ai la mienne. Vous etes plus poetique que moi, c'est possible, mais j'ai plus de montant que vous ! MADAME DE MOISAND. Mesdames, je vous en prie !... PKPA. Ah! Et puis,au fond, vous savez, M.deSimiers?!! m'est hien egal, a moi, M. de Simiers ! HERMINE. Et a moi done ! PEP A. Ce que j'en fais, moi, c'est pour cette pauvre Clotilde ! HERMINE. Et ce que j'en dis aussi, c'est pour cette pauvre Clo- tilde! PKPA. Si vous voulez vous en ineler, melez-vous en, je ne rc'en mele plus ! HERMINE. Mais je ne veux pas m'en meler, mais je ne demande qu'a vous voir reussir! LA sou n is. PEPA. Eli bien, vous verrez! II ERMINE. Je verrai ! I' K 1' A . Nous verrons. SCENE V LES MEMES, MAR THE, pd* MAX. MAR THE, entrant. C'estfini! P EPA. De\ja ! MAR THE. Quinze points ! vous avez gagne, Mademoiselle ! PEPA. Ce n'est pas moi, c'estvous MAX, entrant. Perdu ! (A pcpa). Me void ii volre discretion. Qu'ordon- nez-vous? PEPA. Que le vaincu embrassera Ic vainqueur. MAX, allant u olio. Oh ! mais c'est a qui perd gagne, alors ? PEPA, sc rcculanl. Oh non ! pas moi ! la Souris ! c'esl la Souris qui a gagne. Embrassez-la ! ACTE DEUXIEME. 87 MADAME DE MOISAND. Mademoiselle! MAX, ii madame dc Moisand. N'ayez pas peur, Madame. Je lui fais grace... Epar- jjnons les enfants. (A Pupa.) Seulement je demande ma revanche aux memes conditions. Mais vous jouerez cette ibis. PKPA. C'est dit! Apres lebain... Je vais m'habiller... (Bas a ma- dame de Moisand.) 6tt blanC... (Haul a Hermino, qui cause avcc Max.) Venez-vous, Hermine?... Allons, Hermine!.. (passant devant la table ou sont les lots gagnes par Max.) Mais, au fait, 6t HOtre tom- bola? Monsieur de Simiers, la tombola? MAX. Oh ! les lots n'en valent pas lapeine. Laissez-moi vous les distribuer... (Offrant des flours artificielles a madame de Moisand.) Madame!.. MADAME DE MOISAND. Des fleurs !.. a moi !.. Oh ! monsieur le marquis !... PEP A, a part. Artificielles! MAX, a Pepa, lui offrant une carte de macarons. Mademoiselle Pepa!... HERMINE, riant a part. De la nourriture ! PEPA, les croquant. Us sont bons ! MAX, a Herminc, lui offrant un cliien dc carton. Madame!... ! LA SOt'RIS. PK PA, riant a parl. Un toutou!... Pauvrc baby ! II ERMINE, le montranl a I'iSpa. Le de'vouement, ma chere! PEPA, ripostant. On la rage! Elles sorlent. SCftNE VI MARTHE, MAX. MAX} prenant unc poupce sur la table. Et lie croyez pas que je vous ai oubliee, mademoiselle Souris. (Lui offrant la poupee.) Tenez ! voici qui vous revient dc droit... Elle parle... vous savez? (n prcsse ic venire dc i. poiipec.) Couic ! Couic ! (La lui mctlant dans la main.) PreilCZ done ! Elle n'esl pas jolie? MART HE, baissanl la lute. Oh! Monsieur! Elle laissu tomber la |>oii|i(5e. MAX. Eh bien ! eh bien ! (11 ia ramasso.) Ah ! mais il ne faut pas casser ses joujoux... Vilain cela, mademoiselle Souris! MARTHE} relevant briisr|iicincnt la tele, le regardant en face, trds (Minir et resuluinenl. Je m'appelle... Marthe de Moisand, Monsieur! ACTE DEUXIEME. 8'.) MAX, surpris Mademoiselle!... (Apres un silence, pendant Icqiiol il la regard i- sans qu'elle baissc les ycux, s'inclinant leg&rement, mais avcc respect.) Pardon, Mademoiselle! Murtlic sort. SCEIS'E VII MAX, puis HERMINE. MAX, sc remeltant, mais trus etonne. Tiens! tiens! Voyez-vous celte Souris? Je m'appelle Marthe de Moisand, Monsieur! Elle a bien dit cela! (Riant.) Ah! ah! ah! Elle etait furieuse!... Non! ce qu'elle doit me detester... C'est vrai, je la taquine... pourquoi?... Mais, c'est si amusant, ces petites filles, ca rougit... ga palit... on voit Tame au travers !... (Herminc cntiv jiar ia poi-tc a gauchp, ii Tapercoit.) Hum!... moins naive, celle-ci ! HERMINE, mystericuseiuoiit. Pepan'estpas la? MAX. Mademoiselle Rimbaut? Mais vous venez de sortir avec elle !... HERMINE. Yous ne 1'atlendez pas? MAX. Moi? HERMINE. Bien vrai ? MAX, lui donnunt la sienno. Amis ! (Hennine frissonne.) Qu'est-C6 qU6 VOUS aVCZ ? HERMINE. Toujours la meme chose. A la moindre emotion, des palpitations aflreuses ! MAX. Vraiment? HERMINE, posunt l;i main tie Max sur sun cusur. leneZ ! (Pcpa entrc. Hcnninc repousse la main de Max et, Las.) A C6 SOir, n'eSt-Ce pas? (Elk- sort sans reorder Pepa tiui, sans parlor, la suit ironii[uenu'iU dos ycux.) MAX. Mais c'est une declaration! (Apei-covant Pcpa.) L'aulre !... Ah fa ! voyons I SCENE VIII MAX, PEPA. PKPA, ironii|iie a Max. Yous n'etes pas blesse? MAN. Blesse? Comment? Par qui ? PEPA. Mais par la femme brisee qui sort d'ici, done! La lan- guissante Hermine... Oui, oui, faites le discret... Elle essayait sur vous ses philtres, avouez-!e ! or, LA sornis. MAX, a parl. Elle aussi ! Cela recommence, alors! PEP A. Mi'Iancolie et chloral ! Poesie et morphine ! Je connais sa petite conference, allez ! Et les insommies ! et les nerfs ! et le coeur ! Ah ! le cncur ! Les gens qui souflrent ! Je suis angoissee ! je ne peux pas les voir ! j'aime mieux m'en aller ! Elle aime mieux s'en aller... Pauvre coour ! Ah ! ah ! ah ! Et vous en ctiez a 1'auscultation, il parait... Ne diles pas non, je 1'ai vu ! MAX. Pourquoi dirais-je non, mademoiselle Pepa? Tout cela ne sortait pas des homes d'une honnete th6rapeutique ! PEPA. Elle vous faisait le coup ties palpitations, hein ? Sentez comme il bat!... Eh bien, vous 1'avez senti... C'est facile... la cloison est mince... Oh! mince... PEPA. Ah ! pas un mot de plus, ou je fais des revelations ! Ah ! mais... nous avons lameme couturiere, vous savez ! M AX, a purl. Comme I'autre! (Haut ct onndc,uieiicnicn(.) Vous avez assiste 1 a un essayage, je parie ! PEl'A. Oui, il y a un an,elle etait encore avec son mari, et a moins que la separation lui ait bien profile!.., Quand jc dis que j'y ai assiste... elle ne 1'avait pas permis... par ACTE DEUXIEME. 97 prudence... J'etais dans la piece a cote, mais j'ai vu la robe... Oh! une robe d'un garni! mais d'uu garni!... Unerobe!... Enfm,vous savez, une robe mamilla, quoi !... sans compter le petit colloque avec la demoiselle pre- miere que j'entendais par la porte entr'ouverte : Mais, Mademoiselle, je ne suis pas habillee... Tout cela est d'une indigence !... Garnissez! garnissez mon Dieu! Madame la baronne, c'est que...je ne ne voudrais pas empater les lignes... Les lignes de madame la baronne sont d'une telle distinction... J'ai peur... N'ayez pas peur! Ganissez! garnissez! je vous clis!... Monmari adore cela... (mant.) Ah ! ah ! ah ! Ah! ah ! ah ! (A part.) Elle va bien aussi ! PEP A, riant. Ah! ah! pauvre homme! C'etait un reveur! Vous etes comme le mari, vous, il parait? Ah! ah! ah ! En tous cas, si vous ne reculez pas devant les dames d'un certain age, epistolaires et raseuses, qui vous reveillent tous les matins des 1'aurore, avec des lettres de huit pages, de- butant par : II est minuit, je suis seule, et je pense a vous. et finissant par : Mais je deviens folle ! Adieu, ami! vous y avez la main avec la dame Sagancey, vous pouvez 1'aimer hardiment. MAX. Helas! mademoiselle Pepa, je suis le monsieur d'un certain age, moi aussi; je ne peux plus aimer hardiment. PEPA. Modeste et prudent! Vous savez que vous m'intriguez tout a fait, monsieur de Simiers ? 7 98 LA SOURIS. MAX. Vraiment! Et pourquoi? PEPA. Vous n'Stes pas du tout... oh ! mais pas du tout ce que je me figurais... Est-ce vrai, que vous e"tes dangereux? MAX. Vous pouvez en juger. PEPA. Non! mais enfin, quel homme 6tes-vous, au fond? Dites-moi cela, ou plut6t, non... c'est moi qui vais vous le dire. Donnez-moi la main. MAX. Ma main? PEPA. Oh ! rien de 1'auscultation, n'ayez paspeur ! MAX, pique, lui donnant sa main. Peur ! Ah ! je n'en suis pas encore la ! PEPA, regardant sa main. Tiens ! tiens ! Oh ! mais je ne vous plains pas ! MAX. Parce que?... PEPA. Parce que... Vous voyez bien celte barre, la, dans le petit creux? MAX. Oui, eh bien? ACTE DEUXIEME. | MADAME DE MOISAIS'D. La? GLOTILDE. Oui, un homme et une fetnme, a 1'instant !... Tu n'as pas vu ? MADAME DE MO I SAM). Un homme ! CLOTILDE. Oh! 1'homme, c'est Max, il n'yaquelui d'homme ici... Mais lafemme?lls sesont sauves ! C'est un rendez-vous! MADAME DE MOISAND, illuminee, et haul, a elle-meme. Un rendez-vous!... C'est Pepa ! CLOTILDE. Tudis?... MADAME DE MOISAND. Moi? rien. CLOTILDE. Si ! Tu as dit : C'est Pepa ! MADAME DE MOISAXD. J'ai dit... oui... probableinent, c'est Pepa! avecM. de Simiers; ils causaient... c'est tout naturel. CLOTILDE. Pourquoi se sont-ils sauves alors? Je te dis que c'est un rendez-vous ! MADAME DE MOISAXD. Oh ! un rendez-vous ! Et puis, qu'est-ce que cela nous )3i I- A SOU 11 IS. fait? Finis done ton hisloire. Get evenement si jjrave, tju'est-ce que c'est, voyons? CLOTILDE. Non, plus tard cela, plus inaintenant. Demain, je te dirai tout. MADAME DE MOISAND. Pourquoi demain ? CLOTILDE. Oh ! je t'en prie, ne me demande rien mainlenant, je t'en prie! je t'en prie! Tiens! vti les prevenir de mon arrivee, veux-lu? Va! MADAME DE M 01 SAND. Mais enfin, qu'est-ce qui t'a pris tout d'un coup? qu'esl- ce que tu as? CLOTILDE. Tu es sure que c'est Pepa, n'est-ce pas? MADAME DE MOISAND. Mais a cette heure-ci, avec... enfin, qui veux-tu que ce soit? CLOTILDE, joycusement. C'esl vrai... (I/embrassant avec effusion.) Cliere mere... Aliens ! va, va. MADAME DE MOISAND, apart. Qu'est-ce qu'elle a encore ? Ah ! trop tot! Elle est re- venue trop t6t ! Ellc sort. ACTi; DKUXIEMK. 13:! CLO TILDE, sonic, marcliant pt songoant. Elle a raison. Qui ga pourrait-il ctre? (som-iant.) (Test Pe"pa, f,a lie peut etre que Pepa. (S'arrOtant et s'assombrissant tout a coup.) Et Si C'etait Marthe? (Kile so laissc lombcr SMI- nn t'autouil, les coudcs sin- la lahlo, la l. tomber dans le fauteuil qu'elle a quittu. Ah! CLOTILDE, entrant. Aliens! il est ecrit que je ferai fuir tout le momle, decidement. 110 LA SOURIS. MADAME I) E M I S A N 1), nprrcrvanl sa fillc, h parl, on so levant . Clotilde! CLOTILDE. Mais enfin, que se passe-t-il ici? Quoi ? Qu'est-ce que vous avez tous? MADAME DE M 01 SAND, ombarrasseo. Mais rien,mon enfant, nous n'avons rien, je t'assure, c'est toi qui as quelque chose, si!... depuis ton retour. Voyons, qu'est-ce que tu as? CLOTILDE. Cequej'ai?Non, mais en virile, je te irouve singuliere. Comment! hier soir, en arrivant ici, je tombe dans un rendez-vous, la maison est pleine de mystere, on me re- garde avec embarras, on me repond a peine ; pendant le diner, personne ne mange; apres le diner, tout le mondc se de>obe; Hermine dans le bois pour contempler la lune,Pepa dans sa chambre poury cacber sa gaiete forcee et ses yeux rouges... Oui !... ses yeux rouges... elle avail pleure! j'en suis sure, Pepa ! et tu crois... Toi-me'me tu n'as pas dormi de la nuit... Ah ! ne dis pas non, j'ai vu ta lumiere !... MADAME DE M 01 SAND. Alors, tu n'as pas dormi, non plus, toi? (A part.) La voyez-vous ? CLOTILDE. II n'est pas jnsqu'a Marthe, qui, en me revoyant, s'est jetee a mon cou avec une effusion qui ne lui est pas liabi- tuelle. Quant a Max, deux fois il est venu a moi pour me parler, deux fois il s'est eMoigne sans rien me dire. - On se cache, on m'evite, on chuchote, tout le monde est ACTK TROISIEME. Ul nerveux, furlif, preoccupe... et lu trouvcs etonnant que je m'etonne, et tu me demandes ce que j'ai? MADAME DE MOISAND. Mais oui, je te demande cela parce que je te connais bien... je sais bien... Enfin, voyons, pourquoi ne veux-tu rien me dire dece qui t'est arrive pendant cetle absence? ce que te voulait ce notaire?. .. Et quel evenement si grave?... Tu allaisme ledire, hier,et puis, toutd'un coup, plus rien!... Pourquoi ? CLOTILDE. Tu vois, tu m'interroges, lu ne me reponds pas... Avant tout, je veux savoir ce qui se passe ici, j'ai besoin de le savoir ! MADAME DE MOISAND. Mais rien! je t'assure! D'ailleurs, quel interet?... CLOTILDE, embarrassee. Quel?... Mais... mais je suis curieuse, tu dois com- prendre cela... Une femme, c'est tout naturel... Je vou- draisconnaitre... Alors tu es bien sure que c'est Pepa? MADAME DE MOISAND. Pepa? CLOTILDE. Oui, bier, ici, avec Max, tu me 1'as dit... MADAME DE MOISAND. J'ai dit... oui... parce que je croyais... CLOTILDE, vivemcnt. Ah ! tu ne le crois plus ? Hi LA SOUTHS. MADAME DEMOISAND. Mou Dieujecrois... Dame, maintenant jenesais plus... C'est pent-Sire Hennine. CLOTILDE. Enfin, c'est 1'une ou 1'aulre ? MADAME DE MOISAND. Certainement. CLOTILDE. Ca ne peut elre que 1'uue ou 1'autre ? MADAME DEMOISAND. Mais certainement. Qui veux-tu?... CLOTILDE. Oui, lu as raison, c'est possible, c'esl ineme siir... Etant donn6 Max et ces deux coquettes... (Riant.) Ah ! ah! I'une ou Tautre... cela, par exemple, c'est drole et... (A oiiu-mcme.) pas bicn dangereux . MADAME DE MOISAND, a part. Et elle n'est pas jalouse, c'est singulier ! CLOTILDE, redevenant serieuse. Mais alors pourquoi Pepa avait-elle les yeux rouges, ft pourquoi Marthe ?... Tu n'a pas aper<;u Marthe non plus, toi, depuis hier? MADAME DE MOISAND. Non. CLOTILDE. M Max, j'en suis sure. ACTE TROISIEME. ] [:: MADAME DE MOISAND. Mais... CLOTILDE. Tu vois ! Non ! II y a quelque chose, ce n'est pas natu- rel, jeveux en avoir le cosur net. Fais-le prevenir que je 1'attends. MADAME DE MOISAND. Qui? CLOTILDE. Max. MADAME DE MOISAND. Tu veux ? CLOTILDE. Je t'en prie, va! je t'en prie! (Apcrcevant Max.) Non ! le voici ! Laisse-nous ! MADAME DE MOISAND, a part. G'estcela ! Qa va recommencer. Ah! rnais non ! CLOTILDE. Laisse-nous ! laisse-nous ! MADAME DE MOISAND, a part on s'cn allant. Non ! non ! non ! Je cours voir si ce notaire m'a re- pondu et je reviens; mais, pendant ce temps-la, je vais lui envoyer madame de Sagaucey, Pepa, Marthe ! tout le moncle ! Je ne veux pas les laisser seuls un instant. Mon Dieu ! comment cela va-l-il finir ?... Elk' sorl. 144 LA SOUR1S. SCENE III CLOTILDE, MAX. CLOTILDE, ii part. Oh ! si ce n'est que Pepa!... (iiaui.) C'est moi que vous cherchez, mon ami ? MAX, cmbarrasse. Mon Dieu, je cherchais... c'est-a-dire... Mais d'abord j'ai des excuses a vous faire. CLOTILDE. Des excuses! MAX. Oui, hier, a votre arrivee, a peine vous ai-je demande de vos nouvelles... J'etais si preoccupe... CLOTILDE. Vous I'Stes mSme encore. MAX. Vous avez fait un bon voyage, n'est-ce pas? Ce depart precipite, cette longue absence... Ce silence... rien de hicheuxj'espere? CLOTILDE. Voyons, Max, voyons, mon ami, dites-moi done tout de suite ce que vous avez a me dire, voulez-vous? MAX. Ce que j'ai?... ACTE TROISIEMK. CLOTILDE. Oui... Si vous croyez que cela ne se voit pas... Aliens, decidez-vous?De quoi6tes-vous si preoccupe?Et preoc- cupe esl meme faible, c'est tourmente, c'est bouleverse qu'il faudrait dire. MAX. Eh bicn, oui, tres tourmente, tres bouleverse ! Ah ! Glotilde, si vous saviez ce qui m'arrive ! CLOTILDE. Je m'en doute bien un peu. MAX. Non. Vous ne pouvez pas... C'est bien le hasard le plus inattendu, la surprise la plus... Ah! comme j'ai besoin de vos conseils a mon tour... Ma situation est si difficile... Mais comment vous dire cela, a vous, Clotilde ! CLOTILDE. A moi?Vous savez bien qu'on peuttout me dire, a moi. Eh bien, oui! mais c'est que je ne peux pas tout vous dire, justement, et puis je suis gene. J'ai ete si leger avec vous, Glotilde, car enfin je vous ai presque fait la cour, et il y a si peu de temps... Mais vous 1'avez par- doune, n'est-ce pas? oublie meme. j'espere? CLOTILDE. Oh ! oublie... Les femmes n'oublient jamais cela, mou ami, mais elles le pardonnent toujours. Ainsi,... allez ! MAX. Et c'etait d'autant plus mal a moi que vous ne pouviez 10 1.10 LA SO UK IS. pas m'aimer, que vous ne m'aimiez pas, que jc lo savais. que je le voyais. Quand une fcmme ne vous aime pas, vous comprenez, il n'est pas dil'ficile... CLOTILDE. Oui, mon ami... Et vous avez ete plus heureux avec une autre, alors? MAX. Eh Men, oui ! Ah ! c'est invraisemblable, c'est fou, tout tout ce que vous voudrez, mais c'est ainsi. Et vous savez que je ne suis ni un sot, ni un fat, je ne in'en fais pas ac- croire, vous le savez? Vous ne m'y avez pas aide, du reste, soit dit sans rancune, ni vous ni les autres. Mais cette ibis, oh ! cette fois, j'ai lout ce qu'il faut pour etre sur... Quand une femme vous aime, vous comprenez, il n'est pas difficile... CLOTILDE. Non, mon ami... Et vous en etes amoureux, necessai- rement? MAX, haussant les epaulcs. Amoureux ! Ne- vous moquez pas de moi, voyons ! Ah ! je ne suis plus dans Page oii Ton s'enflamme ainsi, inalheureusement. Et, d'ailleurs, si jamais ce... cetle... personne, ce qui serait une folie, je 1'epouserais, ce qui serait une sottise, et je ne m'en vanterais pas, je vous en reponds. CLOTILDE, a part. C'est Pepa ! MAX, s'animant, a part. Non ! non ! Je ne suis pas amoureux, je ne le peux pas, je ne le veux pas ! diaut.) L'amour est une de ces maladies AC TE TROISIEME. 117 cle jeunesse qui sonl raortelles a 1'age mur, une maladie qu'on se donne, tlu restc, plut6t qu'on ne la prend, et je ne me !a donnerai plus, soyez tranquillo... Ah! quc je n'aie pas ete emu, trouble meme, quand j'ai appris que cette charmante... que cetle personne me... enfin. quand j'ai appris cela, je vousle dirais, vous ne le croiriez pas... J'ai ete tres emu, au contraire, tres trouble, je 1'avoue... Et il y avait de quoi. je vous le jure... Je ne peux pas vous la nommer, ce n'est pas mou secret d'abord, et puis enfin, puisque fa ne doit pas aller plus loin... inutile, n'est-ce pas?... Mais si vous la connaissiez... Ah ! non ! non ! C'est bien la derniere que j'aurais cru capable, je ne dis pas de m'aimer, mais d'aimer qui que ce flit., par exemple ! CLOTILDE, a part. C'est el le! MAX, tres agite. Aussi, ce que j'ai ete e tonne, bouleverse meme !. . . A pre- sent, je suis calme, maishier !... (Riant.) Ah.'ah! C'est hier qu'il fallait me voir !... Je n'ai pas ferme I'oail de lanuit, ligurez-vous! Non ! c'est trop drole !... Et puis enfin, peu & peu, j'ai pense a elle, a moi, a mille choses que vous devinez... et ma timidite n'est revenue... le doute, 1'af- freux doute,... Je me suis dit : Mais ce n'est pas possible ! Elle ne peut pas m'aimer ! C'est la surprise du moment, 1'entrainement d'une tetelegere, un peu de coquetterie... CLOTILDE, a part. Pepa ! MAX. Et d'ailleurs, j'aurai mal compris, mal entenuu... Ouoi- que, vous savez, il n'y avait pas a se tromper !... Elle me 1'a dit!... Ii8 LA SOURIS. CLOTILDE. Elleadit?... M.VX. Qu'elle m'aimait ! Ah! autant qu'une femnie pent le dire. CLOLILDE, a part. Pepa ! MAX, toujours a^ilu ct so raillant lui-niuinc. Oh! non, mais enfin, Clotilde, 1'homme est-il assex ctrange, hein? Voila un monsieur... c'est moi,... qui,hier matin, ne pensait pas plus a la... a cette personne qu'ii n'importe quelle aulre, moins meme, parce que... Non ! C'est malheureux que je ne puisse pas vous dire qui... Vous verriez... mais je ne peux pas, je ne peux pas... Le fait est que ce monsieur n'y pensait pas le moins du monde... et puis un hasard les rapproche... Qu'est-ce qui se passe? On ne sail pas! Un front qui se penche, une voix qui tremble, une larme qui lombe, et voila un hommo parti, la cervelle a 1'envers et le co3ur aux champs... Quand je dis le coeur, nous n'en sommes pas la, heureu- sement... Non, mais voyons, Clotilde, vous ne trouvez pas cela extraordinaire, vous ? CLOTILDE. Non, mon ami... Mais dites-moi... dans tout cela. qu'est-ce que j'ai a faire, moi ? MAX. Ah! Eh bien, justement, c'est ce que je voulais vous demander : Qu'est-ce que j'ai a faire, moi ? La situation est tres delicate. Voici une jeune... une... enfin une per- sonne charmante qui... a qui je ne deplais pas... Mais pour des raisons... de raison, je ne veux pas donner ACTE TROISIEMK. lit) suite a ce roman d'une heure... Quefaire? M'en aller? Trop grossier. Me laire ? Impossible... CLOTILDE. II faut lui ecrire. MAX. Lui ecrire quoi ? CLOTILDE. Ou lui parler... MAX. Lui dire quoi? Mademoiselle... ou Madame... (insistant.) on Madame... vous vous etes trompee, vous ne pouvez pas m'aimer, ni moi non plus... Aliens done! El pourtant il faut que je lui fasse entendre... Je ne puis la laisser dans son erreur... Pauvre enf... hum ! Mais quoi? CLOTILDE. Oh ! en le voulant bien... M A x. Mais je le veux, et Ires sincerement, et tres fermement. je vous le jure ! Ah ! si encore j'etais sur que... et sur- tout... surlout si j'etais moins... Mais c'est fini, laissons cela, je suis resolu, parfaitement resolu... Trouvez-moi un moyen, et vous verrez. CLOTILDE. J'en aurai un peut-etre. M A x. Vous? Lequel? CLOTILDE. Oh ! pas si vile ! Prouvez-moi d'abord que cette bonne fortune vous embarrassc et commencez a vous en dcbar- rasser, etalors, apres, plus lard, eh ! bien, nous verrons... (Apercevant Hermine a la cantonade.) Et teil6Z ! la Joll LA SOU HIS. MAX. Qui done ? CLOTILDE, lui montrant Hermine. La demoiselle... ou la dame !.. ou la dame ! MAX, voyant Hermine. Hermine ? CLOTILDE. (le n'est pas elle? MAX. Ah! bien, si je vous dis qui ce n'est pas, vous saurex qui c'est, et je ne peux pas, je ne peux pas! Ah ! c'est pour le coup que vous vous moqueriez de moi ! CLOTILDE, a part. C'est bien Pepa, allons ! (Haut.) Soif, mais alors comme c'est peut-etre elle et quejene veux pas etre indiscrete, je vous laisse... MAX. Aveccette 61egie! Dites-moi auparavant... CLOTILDE. Non, non, plus tard. Commencez, vous ! Commencez ! (A part, en s'en allant.) Ah ! si CC n'est qUC Pepa.. SCENE IV MAX, HERMINE. H E R M I N E, ftiiiuusc, a cllc-nii-iia'. Ah ! non! ah ! non! et quand jedevrais... (Apmevunt .M M et gracicusfment) Eh bien, me voila ! ACTE TROISIEME. 101 MAX, etonne. Vous ? Mais... HERMINE. Madame de Moisand me disail que vous vouliez me parler. Ce n'est pas vrai, alors? MAX. Mon Dieu, elle se sera trompee... HERMINE. Ou elle aura voulu m'etre agreable. En tout cas, si vous n'avez rien a me dire, j'ai quelque chose a vous demander. (S'appuyant sur unc table.) MAX, a part. Encore? (Haut. )Et quoi done, chere Madame? (A part.) J'ai bienla tete an marivaudage !... (Haut.) Eli bien? HERMINE. Je regarde si Pepa ne vient pas. Ah! c'est que... ce que...je fais la est si en dehors des convenances, mais tant pis ! (Baissant ics ycux.) Monsieur de Simiers, me con- seillez-vous de divorcer? MA Xj etonne. Hein, de?... vous?... HERMINE. Oui, lout le monde me le conseillc, mes amis, mes parents, monhomme d'affaires meme...Unefemmejeune. vous comprenez, et riche... (insistant.) tres riche... trop riche... la position est si difficile. Je tiens a avoir votrc avis... J'y tiens parliculierement... Je n'aijamais etc lieu- reuse, monsieur Max. (Eiic s'assied.) 152 LA SOU HIS. MAX, a part. Ca va etre long. HERMINE. Toute jeurie, je pourrais dire presque enfant, je me suis niariee a un valetudinaire : le sacrifice m'altirail. En (pousant ce vieillard malade, ce que je cherchais en lui, inutile de le dire, c'etais moinsun mari qu'un pere. II ne sut m6me pas 1'etre... Enfm, j'ai pardonne. Parfois un remords lui venail, il me disail : Je vous fais souftYir, amie? Non, ami, lui repondais-je,... Et je cachais mes larmes. MAX } u part, faisant un pas a gauche. Le recit de Theramene, alors!... HERMINE, cfli-ayeo. Pepa! M AX, la rassurant. Nun, ricn ! HERMINE, se rasscyant. Enfm, pris de pitie, il demanda la separalion et 1'ob- tint... II etait temps, je serais morte... C'est alors que je fus jetee par mademoiselle Rimbaut dans un monde pour lequel je n'ai ni gout, ni estime, seule sans etre libre, aimanle sans avoir eu d'amour (Baissant ics ycux.), epouse sans avoir eu d'epoux ! MAX, sc dutournant. Hum! HERMINE, i-ffrayco, sc levant encore. Hein! c'est elle? MAX. Non, non, continue/. ! ACTE TUOISIEME. 15:t II E R M I N E, se rasscyant. Oh! non, je n'ai jamais ele heureuse... (Lui montram sa main.) Vous vovez bien celte petite bague, monsieur de Simiers! elle ne quitle jamais mon doigt, elle contient 1'oubli de tous les chagrins, le remede a tous les maux... que de fois je 1'ai porteea mes levres!... MAX. Oh! Madame, les vilaines idces, oh! (Apart.) Qu'est-ce que ca me fait, tout fa! II ERMINE. Mais ;\ chaque fois j'ai hesite! Oh ! ce n'esl pas que je sois lache, non ! Mais a chaque fois une voix secrete m defendait de renoncer a 1'avenir, a 1'espoir, au bonheur. Jusqu'a present, je 1'ai ecoutee... sans y croire... C'esl depuis quelques jours seulement... MAX, regardant au fond. Pepa! HERMINE. Elle! (Elle va pour sorlir.) Plus tard ! M A X, 1'arrutant et rapidcuicnt. Non, vite, achevez! vite! Depuis quelques jours?... H ERMINE. Eh bien, depuis quelques jours, je me reprends a es- perer, a croire MAX. Vous voulez vous remarier? HERMINE. Peul-etre! 151 LA SOL" III MAX. Kpouser?... HERMINE. Oui! MAX. Un valetudinaire? IIERMINE, avoc eclat. Oh! non... 1'epreuve est faite. Pensez-y! Ma confiance en vous est absolue. MAX. Ah! HERMINE. Dites-moi de divorcer et je divorce, d'epouser quel- qu'un et je 1'epouse... MAX. Mais qui?... IIERMINE, lui tendant la main. Qui vous voudrez!... MAX, lui baisant la main. Oh ! Madame ! PEPA, uu fond, Ics regardant. * Tres bien ! HERMINE, a part. Trop tard, ma petite! Cette fois, c'est a moi la pose! (KM s'en aliant, bas a Max.) Oui VOUS VOudrCz! M A X, a part, joycusonienl. Ah! enfin, on peut m'epouser toujours! ACTE TKOISIEMF. . jr.r, SCENE V MAX, PEPA. PEP A. Eh bien, si c'est pour me faire voir cela que niadame de Moisand m'envoie id? MAX, a part. Encore ! Ah c.ii, elle y envoie done tout le monde ? PEPA, soclKMiient. Du reste, j'ai a vous parler. MAX, ii part. Elle aussi? PEPA. Deux mots et je finis : je suis venue tout expres pom vous dire que, si je vous ai fait des avances... MAX, protcstant. Vous? PEP A. Pas de modestie, il n'y a pas de quoi, allez!... Que si je vous ai fait des avances, c'etaitsur commande, pour des raisons que... enfm suffit, je ne trahis pas, moi!... mais que le coeur n'y etait pour rien, vous entendez? pour rien!... et que jamais, pas un instant, il ne m'est venu a Tesprit 1'idee baroque d'etre amoureuse de vous ! 156 LA SOUIUS. MAX, protcslunt. Oh! PEPA. Pas un instant ! MAN. Oh! inutile!... PEPA. Mais plus sur!... El maintenaiit quo je vous ai fail ma petite declaration a 1'envers, un point, c'est tout!... An plaisir de ne jamais nous revoiri (FHUSSC sortie.) MAX, la ivconduisant. Parlez pour vous, mademoiselle Pepa! PEPA, s'itrrotanl. All! MAX, a part. Tiens! PEPA, rcvcnant. Autre chose, pendant que j'y suis... Et repondez fran- chement, comme a un homme, puisque pour vous je suis un homme, il parait... MAX. Oh ! je n'ai pas dit... PEPA. Vous 1'avezdit. Mais ilne s'agit pas de cela, repondez! Voyons, pourquoi Hermine et pas moi? MAX. Comment? PEPA. Mon Dieu! queje ne vous aie pas seduit!... Et encore, ACTE TROISIEME. 157 fa n'est pas si nature!, apres lout! je ne suis pas plus laide ici qu'ailleurs, ni pour vous que pour les autres... Enfin, admettons! Mais que ce soil Hermine qui vous plaise et pas moi, Hermine avec sa poesie pharmaceu- tique et son ideal selon la formule, Hermine ou 1'aimable anevrisme! Aliens done, il y a autre chose! Si vous croyez que je n'ai pas vu dans volrejeu! MAX. Mon jeu ! PEPA. Oui, oui, vous vous etes dit : On fait toujours la cour a Pepa, jamais a Hermine ; moi, je ferai la cour a Her- mine et pas a Pepa, c.a va 1'etonner, la piquer, 1'agacer, et dame, alors... alors... Eh hien, alors, vous vous etes trompe, mon bon Monsieur. Oui, je me moquais de vous, et vous n'en saviez rien, et c'est Hermine qui vous 1'a dit, et c'est pour cela que j'ai fait mon four d'hier soir et que vous etiez si furieux ! MAX. Oh! furieux... PEPA. Furieux!... et que vous m'avez dit des choses!... Oh! celles-la, jamais, entendez-vous !... je ne vous les par- donnerai ! jamais ! MAX a part. Tiens! tiens!... (Haut.) Je crois pourtant n'avoir rien dit... PEPA. Oui, oh! rien, si vous voulez, rnais j'ai devine tout de meme, allez.Etl'estime, et le respect, et tout ga!... Jene me rappelle plus la phrase, mais j'ai bien senti que vous J58 LA SO IK IS. me preniez pour quclqu'un... pour une femme... enfin ijue vous aviez 1'air de croire... que parce que je dis tout, je suis capable d'en faire davantage... MAX, protcstant. Oh ! jamais dans ma pensee !... PEPA. Allons done!... Si vous croyez que c'etait difficile a eomprendre... J'ai tres bien compris! Et meme j'en ai pleurd!... MAX embarrussc. Mais... PEPA, insislanl. Oh ! je n'y mets pas d'amour-propre... G'est vrai ! qu'on pense de moi ce qu'on voudra, ca m'est bien egal! Je suis une honne'te femme et je me moque de 1'opinion des autres... mais j'y liens ! comme tout le monde ! Non! Et puis, vous me portez sur les nerfs, avec vosairs d'homme fort, siir de vous ! Et le vide de mon esprit ! et le vide de mon cceur! Alors je n'ai pas de coeur, moi, n'est-ce pas? G'est Hermine qui en a? (mant.) Ah! ah! ah! Et quant a de 1'esprit, j'en ai comme une femme, c'est-a-dire cent ibis plus que vous ! Oh ! non ! Les hommes sont trop bfites, aussi la franchise les repousse ! Us veulent qu'on les trompe... Ah! ils y arrivent... par exemple!... Mais lout cela, ce n'est pas une raison pour croire... que je suis... que moi... moi!... Ah non! cela, monsieur Max, c'etait trop dur aussi !,.. Ellc plcure. MAX. Oh ! Mademoiselle, je suis desole... PEPA, furicusc ct plcurant toujours. Mais non ! Vous n'etes pas desole ! Vous avez toujours ACTK TROISIfcME. ]:,< votre petit air ironique ct superieur qui m'agace!... Kh bien, vous avez eu tori de me parler comme cela, en- tendez-vous? Ah! la, vous n'avez pas et6 malin, par exemple! Je peux bien vous le dire mainlenant : en vons y prenant mieux, il y a eu un moment, c'est vrai, force de m'emballer dans mon r61e... peut-etre que... on ne sail pas... Mais a present !... Ah! bien, nous en sommes loin... Ce que vous m'agacez a present! J'y pensais en- core cette nuit. Je n'en ai pas ferme I'osil... Depuis hier, je ne pense qu'a cela. Non, jamaisje n'ai scnti centre perso nne ce que je ressens contre vous ! Et c'est pour cela q ue je m'en vais ! Je ne vous 1'envoie pas dire, mais je ne peux plus vous voir, je ne peux plus vous entendre, je ne peux plus vous sentir! Je vous deteste! je vous dfiteste ! je vous deteste ! Elle fond en larnios. MAX, joycux, lui prenant la main. Ah! Mademoiselle! PEP A, ebahic. Eh bien, quoi? Qu'est-ce qui vous prend? MAX. Ah ! si vous saviez comme je suis heureux ! PKPA, loujours pleurant. Heureux? MAX. Non, je ne croyais pas qu'on pouvait encore me detes- ter comme ca ! PEPAj de memc. Eh bien, vous n'etes pas difficile, vous ! (Aperccvam cio- tiidc.) Clotilde !... Lftchez ma main ! Je ne veux pas qu'ellc me voie... Je dois avoir le nez rouge, hein? 100 LA SOURIS. MAX. Ah ! mcrci ! merci ! PEP A, de memo. Mais lachez done ma main ! (KB sonant.) Ah ! non, il u'esl pas difficile, par exemple ! Ellc sorl. MAX, ravi. Mais on peut m'epouser el m'aimer. alors ! SCENE VI MAX, CLOTILDE. CLOTILDE , qui a vu la fin do la scone, gaiomcnt, a part. Allons ! c'est bien elle ! MAX, Ires agile. Et cette fois, il n'y a pas a dire. (Apercevant ciotiide.) Ah ! Ciotiide ! CLOTILDE. Je vous derange... pardon... C'est que... je cherche ma mere, elle me fait demander partout et je ne la trouve nulle part. MAX, radieux. Ah ! Clolilde, si vous saviez ce qui m'arrive ! CLOTILDE, souriant. Encore ! MAX. Oh! ne souriez pas, je vous en prie ! Et il n'y a pas ACTK TROISIfiME. 1C, I a dire que ce n'est pas sincere. Ah ! que je suis trouble! Je suis tout a fait, oh ! mais tout & fail trouble !... CLO TILDE, souriant. Tou jours ? MAX. Toujours? Mais cent fois davantage ! Ah ! Clotilde, alors decidement c'estdonc vrai qu'on pent m 'aimer ! CLOTILDE. Mais, la-dessus, mon ami, vous me paraissiez deja suffi- samment edifie tout a 1'heure. MAX. Ah! depuis tout a 1'heure, si vous saviex. .. Ce n'est plus une maintenant, c'est deux. CLOTILDE, ctonnee. Deux ? MAX. Oui, deux ! C'est-a-dire trois, vous comprenez? CLOTILDE. Trois ? Oh! je n'en tire pas vanite, soyez tranquille. Je fais la part des amours-propres froisses, des rivalites, des coquelteries...Etd'ailleursellesn'ont plus 1'agede 1'autre. il s'en faut ! CLOTILDE, inquirtc. L'autre? MAX. Mais enfm il n'en est pas moins vrai que le fait est 11 102 LA SOUR1S. la; il n'est done pas si absurde de croire qu'elle peul m'aimer, puisque les autres..'. CLOTILDE. Les autres ! Quelles autres? MAX. Mais vous le savez bien... maintenant. CLOTILDE, ncrvcuse et essayant do souriru. Mais non, je ne sais pas, je vous jure qtie je ne sais pas!.. Voyons, Max, voyons, mon ami,neme faites pas attendre.. Je suis curieuse... Quelles autres? Dites ! MAX. Eh bien, Hermine et Pepa qui toutes lesdeux.... CLOTILDE. Mais alors la troisieme, puisqu'il y en a trois ? Celle qui vous aime? MAX. Elles m'aiment toutes ! CLOTILDE. Enfin, celle que vous aimez ? MAX. Puisque je ne 1'aime pas, je vous dis ! CLOTILDE, anxieuse. Ah ! Max, je vous en prie, assez d'e"nigmes, de re"ti- cences, je vous en prie... La troisieme, qui?... ACTK TROISIEME. IfcJ MAX. Mais en nommant les deux autres, est-ceque je ne vous 1'ai pas nominee ?.. Qui de trois paie deux, reste... CLOTILDE, avec un cri contenu. Marthe? MAX. Eh bien, oui, la, c'est elle! C'est Marthe, c'est cette petite fille qu'hier encore je trouvais nulle, insignifiante, quevous vouliez me faire epouser et dont.je ne voulais pas ! CLOTILDE, a part, accablee. G'est Marthe ! MAX. Ah! elle a pris sa revanche, je vous en reponds! Vous aviez raison, il y a une femme dans cette enfant, et une femme que je ne connais pas, capable d'un amour qui m'est inconnu, naif, trouble, charmant... Ah ! Clotilde, jamais je n'ai tant regrelte d'avoir dix ans de trop ! CLOTILDE. G'est cruel cela, mon ami. MAX. Gruel ? CLOTILDE. Oui, pour les autres. Les autres? CLOTILDE. Mais celles qui vous aiment. MAX. Ah ! les autres ! Elles avaient bien besoin de venir me 161 LA SOURIS. troubler quand j'etais resolu... Je le suis encore... Mais enfin j'avais fait mon sacrifice... car c'eu est un, jene vous le cache pas, et un grand que je fais !... et cela par une delicatesse exageree, apres tout, puerile mSine!... Je le vois bien a present... C'est vrai ! on n'est pas fini a mon age. Et d'ailleurson n'a qne l'age que Ton parait... Les plus ages ne sont pas les plus vieux. Je connais des jeunes gens de vingt ansqui... (iiiant.) Ah !ah ! ah! tenez ! m'entendez-vous? me voyez-vous, regditant a mon bene- fice ces aphorismes consolateurs que je raillais chez les autres et que j'essaye de croire, que je veux croire, que je crois!... Ah! Glotilde, que 1'homme est faible et que 1'amour est fort ! CLOTILDE, a ellc-mome, tristement. Pas toujours ! (A Max .) Alors, vous 1'aimez vraiment? MAX. Moi ? Mais depuis une heure, je me tue de vous dire le contraire ! CLOTILDE. Et elle ? Elle vous aime, vous en etes sur ? MAX. Sur?... Ah! si j'enetais sur!... Je suis sur qu'elle le croit; mais sur, reellement?... L'est-elle elle-meme? (Tirant 1'albuin dc iMarthe de sa poche.) II y a blCU SOU album ! Tenez! voyez! Tout le prouve, lalettre... (n ic iui donne.) Mais elle est si jeune, elle n'a vu que moi, et puis, si souvent, le premieramour n'est que la derniere poupee... Et c'est bien pour cela que j'hesite... ou plut6l que je n'hesite pas ! (Resoiument.) Je ne veux pas, je ne dois pas pro- liter de son inexperience, de son erreur ou de sa sur- prise. Non, je n'en ai pas le droit. Je suis un honnfite homme, vous 1'avez dit!... Ce serait une mauvaise ACTE TKOIS1EME. K.r. action... et une folie ! Non, decidement! el puis... onfiu, c'estla raison, lasaine raison... Mais comment faire? CLOTILDE. G'est bien, je lui parlcrai. (KIIC met raibum dans $a pochu./ MAX. Vous? CLOTILDE. Oui. MAX. VOUS? (Kclatant d'un rire un |>.-u force.) All ! all ! all ! par exemple, cela. c'est trop drole! CLOTILDE. En qi:oi done, mon ami? MAX. Comment ! II n'y a pas plus de huit jours, vous vouliiv me marier a toutes forces avec elle, elle ^tait faite pour moi, nos ages s'altiraient, que sais-je? et aujourd'hui... Ah ga, je n'ai pourtant pas plus vieilli, en une semaine, qu'elle n'a rajeuni; je n'ai toujours pas plus de trente... hum ! trente-cinqans! CLOTILDE, cssayant dc sourirc. Trenle-cinq! Vous n'avez pas vieilli, c'est vrai. MAX. Et elle, pas moins de dix-neuf ans ! CLOTILDE, memo jeu. Dix-neuf! Ni elle rajeuni, en effet. ICO LA SOURIS. MAX, riant. Eh bien alors? Ah! ah! ah ! Non! De'cidement il est plus fort que moi celui qui connait les femmes ! f, LO TILDE, Ic regardant, ct apres un silence. Vous ne voulez pas que je lui parle? MAX. Mais si! mais si! seulement,"je dis... CLOTILDE. Eli bien, tenez, la voila quivient. Laissez-nousseules. MAX. Alors vous allez lui dire?... CLOTILDE. Ce qu'il faudra, soyez tranquille,mais... Elle Ic poussc vers la sortie. MAX, regardant au fond. Oui, oui, pauvre enfant !...Expliquez-lui bien, n'est-ce pas ? que ce que je fais, c'est par abnegation pure... CLOTILDE. Oui. MAX. Que c'est une resolution qui me coute... CLOTILDE. Oui. MAX. El beaucoup ! Que ce n'est pas parce que je ne 1'aime pas! AGTE TROISIE.MK. n;7 CLOTILDE, le poussant doucemcnt vcrs la sortie. Oui. Mais il ne faut pas qu'elle nous voie ensemble. MAX, revenant. Ah! ne lui dites pas que je suis trop vieux pour elle, c'est inutile... Insistez plutot sur la difference des natures, des caracteres... CLOTILDE, le poussant. N'ayez pas peur. MAX, revenant. Et doucement cela, adroitement, avec votre tact. Ne lui faites pas de peine, chere petite. J'aurais peut-tre mieus fait de lui parler moi-meme. Mais non ! vous, c'est mieux! Ah! c'est egal, j'etais parti pour 1'aimer, moi, cette enfant-la, vous savez. Ah ! un pas de plus et je 1'aimais ! Ah ! je vous jure que je 1'aimais ! CLOTILDE, le poussant doucement donors. Mon ami, je vous en prie... MAX. Je m'en Vais! je m'en vais ! (Regardant Marine au fond.) Et dire que c'est peut-etre le bouheur qui passe, et que je le laisse passer! Enfia, c'est la raison, la saine raison! (Mouveraent de Glotilde.) Je lll'en Va'lS... (Revenant.) Mais pas que je suis trop vieux', hein ? (Mouve.nc m de ciotiide.) Je m'en vais! II sort. 1C LA SO UK IS. SCENE VII CLOTILDE, MARTIIE. Clolildc s'est assisc ct songe. Martlie, la voyaiit ainsi, s'arrete ct toussc legcrcment. Clntildc leve la ttHe. MARTHE. Tii vcux me parler?... C'est ta mere qui m'envoie... CLOTILDE, ctonnce. Ma mere!... Enfin, n'importe. Je veux te parler, c'est vrai... Viens la, mon enfant, viens pr6s de moi. Martlie s'approche d'cllc. Ellc cst dobout. Un instant do silence pendant lequel elles so regardent. MARTHE. Comme tu me regardes !... Tu es pale... Qu'est-ce que tu as? CLOTILDE. Tu Taimes done? MARTHE, ello vent sc jt-tci- dans ses IH-IS. Clotildeiali! Clotilde! CLOTILDE, I'oloijjiiaiit. Alors, c'est vrai? MARTHE Mais... qui te 1'a dit? AC.TK TliOISl K.MK. 109 CLOTILDE. Personne. Je vous ai vus hier soir ici, voila lout. Et ineme, c'est toi qui aurais du me le dire. Mon affection, je crois, valait bien ta confiance. C'est mal! MART HE, intcrdit.!. Oh ! comme tu me paries! CLOTILDE. Oui, c'est vrai, mon enfant, pardon. Mais pourquoi ne m'en as-tu rien dit, jamais : tu as eu tort, cela eiit mieux valu, pour tout lemonde... M A R T II E . Mais je ne le savais pas, moi, Clotilde... Comment aurais-je pu m'en douter? II avail 1'air de me delester. Je croyais que je le deleslais aussi. II etait si mediant!... Parfois je me disais bien : Je pense Irop a lui. Qu'est- ce que j'ai done a penser a lui comme ca? Mais comme c'elait toujours tristement, cela ne m'eclairait pas, au contraire. Et puis, c'est un peu ta faute aussi... A chaque instant tu me parlais de lui, pour me consoler, tu m'en disais tant de bien!... et qu'il etait bon, et qu'il m'ai- mait au fond, et qu'il etait au-dessus des autres homines par le cocur, par... Alors, moi, tu comprends, j'ai cru que peut-etre tu avais 1'idee, tu voulais bien... que, enfin, il m'avait semble... Mais non, non, ce n'est pas ta faute! Je 1'ai aime toute seule. Et bien avant, des le couvent, toujours!... Je le vois bien, maintenant... toujours! (EII<- s'assied a cote d'clle.) CLOTILDE, sc live. Ah ! prends garde, mon enfant, prends bien garde! II y a des erreurs qui engagent la vie. Et elles coiitent cher, j'eri sais quelque chose. Es-tu bien sure de 1'aimer? Prends garde! 170 LA SOURIS. MAR THE, tristcniPLt. Et moi qui croyais que tu serais contente? CLOTILDE. Oh! je te jure qu'en ce moment, il n'y u en moi que toi, que toi seule. Oh! ce serait trop mal! tu ne peux pas croire... Mais enfin il faut bien que je te disc ce que je dois te dire : Reflechis, tu es si jeune! c'est vrai, tu peux te tromper... Ah !... si tu te trompais. (Murthe fan signe que non.; Non, tu ne crois pas?... Comment le sais- tu?Voyons, voyons. Qu'esl-ce qui s'est passe? Dis-moi tout... (Kilo so rassicd aupres do Marthc.) MARTHE. Mais il n'y a rien. CLOTILDE. Rien? A quoi as-tu vu que tu 1'aimais pourtant ? MARTHE, confidentiellement. Eh bien, c'est hier, seulement... CLOTILDE. Hier, oui, va done! va! MARTHE. II avail ete mediant toute la journee, plus mechant que jamais ! jusqu'a me donner une poup^e, figure-toi. Oh ! j'elais si humiliee, et si furieuse aussi, qu'a la fin, je me suis revoltee. Oui, je lui ai fait des reprocbes, j'ai pleur6... Je ne me rappelle plus ce que je lui ai dit, mais c'etait tres dur, je t'assure; j'ai ete mechanic a rnon tour, et je le voulais! Comment ai-je ose lui dire tout cela, par exemple,je n'en sais rien. Mais j'allais, j'allais!... ACTK TI101SIKMK. 171 C'etait plus fort que moi. J'etais poussee par le tlesir, oh ! mais un desir furieux, qu'il me regarde, qu'il m'e- coute, par le besoin d'etre quelqu'un pour lui, quelqu'uu qui 1'etonne, qui le blesse, qui 1'irrite me 1 me, mais quel- qu'un enfin, et pas la pensionnaire idiote qu'il croyait connaitre. Et puis, pen a peu, la peur m'est revenue, une penr folle qu'il ne so fache, qu'il ne m'en veuille, qu'il ne me revoie plus, que ce soit fini ; et alors, tout d'uii coup, j'ai vu clair en moi, j'ai vu qu'il pouvait tout sur moi, et queje lui appartenais, j'ai vu que ma colere 6tait de 1'amour, mon trouble, de 1'amour, ma peur, de 1'a- mour, j'ai vu... j'ai vu que je 1'aimais enfm ! CLOTILDE. Mais lui ! lui ! Qu'est-ce qu'il disait, lui ? MARTHE. Lui ! Oh ! la premiere fois, car il y en a eu trois : celle ou il m'a donne la poupee, mais, cette fois-la, je suis sortie tout de suite pour qu'il ne me voie pas pleurer, il n'y a rien eu... La seconde, c'est quand je cherchais mon album... Pourvu qu'il ne Tail pas trouve encore !... Oh !... je n'en ai pas dormi de la nuit... CLOTILDE. Personne n'a dormi. Va done! La seconde fois'?... MARTHE. La seconde fois, oui, quand je me suismise en colere... Alors il m'a demande pardon, il m'a consolee, rassuree, il m'a pris la main, il m'a offert d'etre mon ami, il a ete bon, quoique toujours un peu de sa hauteur... tu sais... Mais la troisieme fois, hier soir, ici, oh ! la troisieme fois, comme c'etait gentil, si tu savais ! II n'etait plus le meme, il n'avait plus ni le meme regard, ni la meme voix, ni le I7i LA SO UK IS. ineme sourirc, il paraissait heureux, je ne sais pas pour- quoi, mais si heureux... ct curieux ! 11 m'interrogeait sur le passe, sur le couvent, sur moi, sur ma vie, sur tout, il voulait tout savoir! Et puis, il me disait qu'il avail pour moi beaucoup d'affcction, et qu'on etait malheureux de n'etre pas aime, que sais-je?... Et puis, il m'a appelde sa chere Alarthe... (A eiie-mdme.) sa chere Marthe ! Et puis, et puis, dame, je ne me rappelle plus bien, j'etais comme dans un re"ve, je ne me souviens plus que de son regard qui ra'enveloppait, de son sourire qui me caressait et de sa voix... oh! sa voix que je sentais glisser jusque dans mon co3ur... Ah ! Clotilde... peut-elre qu'il m'aime? CLOTILDE, vivement. Te l'a-t-il dit ? MART HE. Non, oh ! non. Oh ! que j'aurais peur s'il me le disail !... Et que j'en ai envie pourlant !... Pense done, lui, m'ai- mer! lui si bon, si brave, si au-dessus des autres hommes !... CLOTILDK. Qu'en sais-tu? M ARTHE. C'est toi qui me 1'as dit... Et puis, je le sens bien, va ! Et cela me desespere, je ne suis pas digne de lui, jamais il ne pourra m'aimcr!... Ah! maintenant, vois-tu, s'il ne m'aimait pas, je crois que j'en mourrais ! CLOTILDE. Est-ce que Ton meurt de cela? MARTHE. Oh! Clotilde! AC IE TUOISlfcMK. 173 CLOTILDE, amureraont. Non, non. On n'en meurt pas... mais on en soufl're et Cruellement...(Avec u'nc tendrcssc passionnee.) Et je ne V6UX pas quetu souffres, toi, que tu te jettes ainsi t6te baissee dans cet amour, sans reflexion, sans certitude... Encore une fois, prend garde ! C'est ton bonheur qui m'occupe, oh ! le tien seul, je t'assure... je le crois, je te jure que je le crois!... Apres tout, il ne t'a pas dit... Et quand il te 1'aurait dit! 11s disent cela aussi vite qu'ils le croient et Foublient aussi vite qu'ils le disent... Je dois te defendre, cependant, c'est rnon devoir de te defendre ! Qui sail si dans huit jours il pensera encore a ce qui s'esl passe el ne viendra pas te raconter, a toi aussi... MARTHEj qui 1'a suivie des yeux. II ne m'aime pas ! CLOTILDE, avec effroi et so defendant energiqueruent. Ah ! je n'ai pas dit cela. Oh ! je n'ai pas dit cela ! MARTHE. Oh! je te connais bien, lu ne me parlerais pas ainsi. s'il n'yavait rien... II y a quelque chose et c'est cela, c.a ne peut etre que cela. Allons, voyons, parle a ton tour. II ne faut plus 1'aimer, n'est-ce pas ? C'est mal, c'est impossible, tu ne le veux pas? Si, si. Oh ! je sens dans tes paroles que lu ne le veux pas... Tu ne me parlais pas comme cela quand tu le voulais... Eh bien, dis moi ce qu'il faut faire, je le ferai, je t'obeirai ; tu sais bien que je te crois comme le bon Dieu... Je ne I'aimerai plus, je tacherai, j'y arri- verai, je t'assure! (Eiie pieure doucement.) Je ne mourrai pas. va, j'ai dit cela, mais... Est-ce que je ne suis pas ta fille d'abord, resignee comme toi, courageuse comrne toi, et pas plus que toi habituee a etre heureuse? Je ne dis pas que je ne soufirirai pas... un peu... en commenc. ant... mais 171 LA SOURIS. cela passera, et personne ne le saura que nous deux, va, suis tranquille, personne... Ellc fond en larmes. CLOTILDE, la prcnant dans sos bras, avcc un grand dclat dc sanglots et de larmes. Ah ! ma cherie! ^mon amour, mon enfant, ma chore vie ! toute ma vie ! Epouse-le ! Oui, lu 1'airnes ! Oui, c'est ma faute ! Oui, c'est moi qui 1'ai voulu et qui le venx encore, toujours, entends-tu? (AVCC force.) Je le veux ! je le veux ! je le veux ! MART HE, etonnde. iMais... CLOTILDE Oui, il est bon, oui, il est loyal, oui, il est au-dessus des autres hommes. Et il t'aime, il t'aime, je le sais, j'en suis sure, je 1'ai vu, je te dis qu'il t'aime ! Est-ce qu'on peutne pas t'aimer, toi! Candeur, beaute", jcunes- S6, jeUlieSSe triomphante ! (Elle cache sa tOte dans ses mains en pleurant.) MART HE, se rapprochant d'elle. Alors, pourquoi?... CLOTILDE, la rcpoussant douccmcnt, ct pleurant toujours. Non, laisse-moi, un instant, je t'en prie, rien qu'un instant, (silence.) Ah ! c'est que j'ai 6te surprise, tu com- prends, et puis enfm... ma fille, car tu es ma fille, toi. Ah ! Dieu m'est temoin que je le desirais meme tout a 1'heure, quand je tedisais... enfm... quand... mais je ne pouvais pas ne pas te le dire, n'est-ce pas ? lu en es bien sure. Mais je n'ai pas hesite" un instant, au fond, oh ! je te lejure, pas un instant!... Mais c'est fini, tu vois, c'est fini... Embrasse-moi, oh! embrasse-moi bien !... (Essuyam esyeux). Maintenant, je suis heureuse, aussi heureuse que ACTE TROISIEME. 17.". je puis 1'elre, je t'assure. Et toi aussi, tu es heurcuse, n'est-ce pas? Dis-moi,que tu es heureuse, cela me fera tant de bien, si tu savais, tant de bien ! MARTHE. Oh ! GUI !... (Aperccvant Max au fond.) Le Voila ! CLOTILDE, souriant triste:ncnt Oui, ilrevient, je m'en doutais. (A Marthe qui s'eioigne.) Eh bien, ou vas-tu done? MARTHE Maisje ne veux pas rester, maintenant, je n'oserais jamais! CLOTILDE Pourquoi? Puisqu'il t'aime, je te dis... Ab ! il a plus peur que toi, va! Reste ! (AVCC unc trfstesse douce.) Reste... C'esl a moi de m'en aller, mon enfant. MARTHE Mais qu'est-ce qu'il va me dire ? Qu'est-ce que je vais lui repondre? Comment faire? CLOTILDE. Ah ! defends-toi ! suis ton coeur, il saura te conduire, sois tranquille. SCENE VIII MARTHE, MAX rencontnmt CLOTILDE qui sort. MAX, bus a Clotilde. J'ai reflechi. J76 LA SUUKIS. CLOTILDE, do memo, sans ctre etonnco. Ah! MAX, mo mo jcu. Oui,je prefere lui parler, si c.a ne vous fait rien... parce que... enfin, je crois que cela vaudrait mieux, vous comprenez?... CLOTILDE, souriant, mumc jcu. Oui, mon ami ; je comprends... (EIIC va pour sortir.) MAX, 1'arrotunt, memo jcu. N'est-ce pas?... Sachant mieux ce qui s'est passe entre elle et moi, il me sera plus facile a moi qu'a vous, je crois, de lui expliquer... de lui faire entendre... CLOTILDE, has. Le langage de la saine raison, oui, mon ami. MAX, toujours has, a Clotildu. Je crois ! je crois ! MARTHE, los regardant. iMais qu'esl-ce qu'ils out done? MAX, memo jeu. Et puis, c'est une question de convenance, il me semble. C'est bien le moins qu'elle apprenne de moi pourquoi... par quel scrupule enfin, je... ne peux pas 1 epouser ! Car je ne le peux pas, n'est-ce pas ? C'est votre avis'?... La-dessus, nous sommes bien d'accord tousles deux ? CLOTILDE, memo jcu. Tout a fait d'accord, j'en suis sure... Allez! et Lon courage... ACTE Til 01 SI E.ME. 177 MAX, memo jeu. Oh ! ce n'est pas le courage !... (Se rappeiam.) Ah ! vous ne lui avez pas dit que j'etais trop... hein? A'on ? CLOT I LDE, memo jeu. Rassurez-vous. MAX, avec effusion, menu: jeu. All ! chere Clotilde ! que vous eles bonne ! Vous etes vraiment bonne !... CLOTILDE, souriant tristcment, mOinc jeu. La race des sceurs, mon ami... Eh bien, allez done ! Allez! SCENE IX 31 A 1\ i H III, MAX, marchant dc long en large, tres preoccupe. MART HE, a part, a clle-meme. Defends-toi, suis ton coaur. A quoi bon tout cela, s'il m'aime ? MAX, de meine, embarrasse. G'est 1'attaque qui n'est pas facile ! MART [IE, i part. Oh ! j'ai peur ! MAX, la regardant. Pauvre enfant! Enfin, c'est la raison, la saine raison.. (Haul.) Hum ! ITS LA SOURIS. MARTHE, i part. Et il ne me dit rien... Est-ce que vraiment il aurail peur, lui aussi ?... Comme il a tort ! .MAX, rr Mil u in i 'ii I. Mademoiselle ! MARTHE. Oh! Mademoiselle... Pourquoi Mademoiselle! Pour- quoi pas Marthe tout court, ou m6me Souris ? si vous voulez... Moi je veux bien. Est-ce que nous ne sommes pas amis maintenant? MAX, avec chalcur. Amis? Oh! si, Mademoiselle, et, pour ma part, croycz bien que je suis sincerement, bien profondement le v&tre... C'est si naturel de vous aimer, chere enfant. Ah ! je vous jure bien que mon cceur... (s'arretant et a pan.) Hum! ce n'est pas cela!... ce n'est pas cela !... Ah ! mais, pas facile du tout! MARTHE, a part, inquiete. Mais qu'est-ce qu'il a aujourd'hui ? MAX, prenant un parti. Tenez! Mademoiselle... MARTHE. Encore ! MAX. Voulez-vous que nous parlions raison, tous les deux? MARTHE. Raison ? (A part.) Ah ! il n'est plus le meme. MAX) toujours chcrchant. Ce que Clotilde vous disail tout a 1'heure... ACTE TROISlfcME. 17'j MARTHE. Clotilde? MAX. Oui, quand je suis entre... a propos de inoi ? MARTHE, Ucs vile. De vous? Mais elle ne m'a rien dit ! MAX, a part. Rien ? Comment rien? Mais c'est encore plus difficile alors! Ah! si seulement je trouvais 1'attaque... Quand j'aurai 1'altaque... MARTHE, a part. II va me faire de la peine, je le sens. MAX, trouvant son idee. Ah ! (Haut). Alors Clotilde ne vous a rien dit de son pro- jet sur moi?... Au fait, pour vous, cela n'a pas grand in- teret... D'ailleurs, il est si extravagant son projet... S'est-elle pas imaginee, ah! ah! ah! j'en ris... parce que...Ah! cette Clotilde! Elle veut me marier, figurez- vous !... MARTHE, baissant les jeus. Ah! MAX. Oui. (Apart.) Pas fort ! mais je ne trouve pas mieux. (Ham, riant.) Me marier, moi! Ah ! ah ! ah !... MARTHE, a part, attristee. Oh ! comme il parle de cela ! MAX. J'ai beau lui repeter sur tous les tons : Mais enfin, 180 LA SO LUIS. Glotilde, vous n'y pensez pas! Mais c'eslirisense! Je suis un vieux garcon, moi !... C'est-a-dire,vieux, entendons- nous... Je ne suis ni cacochyme, ni maniaque, ni rhuma- tisant, ni mfime d'age a 1'etre, Dieu inerci! Je suis assez jeune, il parait, pourqu'on puisse encore... (Apart, serepre- nant.) Hum ! (Haut.) Et c'est pour cela queje lui disais : Clo- tilde, vous voyez bien que c'est impossible ! MARTIIE, a part. Ah ! Je n'ai pas etc longtemps heureuse! MAX. D'aulre part, je lui disais aussi... d'autre part, celle que vous revez pour moi... car c'est un reve et jamais je u'aurais ose hausser jusque-la, je ne dis pas seulement inon espoir,maisma pense'e... (se reprenant a part.) Hum ! ce u'est pas cela ! (Haut.) Celle que vous me destinez enfin, n'est-elle pas un peu loin de moi par des differences de toute sorte... le caractere... la nature... et meme I'ftge. Oh! ce n'est pas une enfant, je le sais bien, elle est meme plus ageequ'elle ne le parait, beaucoup plus agee, mais enfin pour moi, pensez done, pour moi? MARTIIE, tristcmcnt. Vous nelatrouvez pasdigne devous, monsieur Max?... M A x . Ah ! Dieu ! Mais c'est moi, au contraire, qui me trouve indigne d'elle, c'est moi qui ne veux pas recevoir plus queje ne donue... C'est d'elle seule, c'est pour elle seu!e que j'ai peur ! Ah ! ... ah ! si son bonheur ne dependait que demoi, avec quelle joie je lui donnerais ma vie inutile! Comme elle trouverait en moi plus qu'en lout autre ce senti- ment de protection passionnee, eclairee, indulgente, cette sorte de paternite charmante qui est au fond de 1'amour ACTE TROISIEME. 181 de tout liomme et qui grandit a mesure que sa jeunesse diminue,ceslresorsd'afFection, cette reserve de tendresses, que,devantlesbrutaliteset les laideurs de la vie,soncceur refoule en lui, qui s'y accumulenl avec les deceptions et les annees et dans laquelle elle pourrait prendre sans craindre de 1'epuiser jamais, carjamais... Hum! Et c'est pour cela que je lui disais : Clotilde, c'est impossible, absolument impossible! ... (A part.) Je fais pourlant ce que je peux! MARTHE, sccouant l:i loir. Yous ne 1'aimez pas, monsieur Max. Etle ost assise pros de la table la tele dans los mains ccmnn- dans la scene du deuxieme acte avec Max. MAX. Je ne... Permettez! je n'ai pas dit... Ah!je n'aipasdil non plus que je 1'aimais... Je ne me suis pas explique... Je suis reste sur le terrain des fails... (Tendrcment.) Restons surle terrain des fails!... Je nesuis pas vieux, c'esl vrai, mais dans dix ans, songez done, dans dix ans. j'aurai... j'aurai... dix ans de plus... MARTHE. timidemont. Elle aussi... MAX. Elle aussi, c'est vrai, mais ra ne sera pas la meme chose... parce que dans dix ans, pensez, moi. j'ai deja trente... hum! trente-trois ans ! MARTHE, joyeuse, a part . 11 ment ! M A x . Et elle... elle n'en a que dix-neuf... 182 L\ SOU HIS. MART HE. soubliant. Vingt ! M A X, a part. Vingt! Ah! chore petite, comme elle m'aime ! Oiaut.) Voyons, chere enfant, ne m'6tez pas mon courage. Ah ! j'en ai besoin, je vous assure... Tout cela n'est qu'un rve delicieux, mais, en faire une realile, si tenlante. si d6- siree qu'elle soit, ce ne seraitni raisonnable ni prudent... Et si plus tard sa jeunesse se revoltait, si elle s'apercevait qu'elle s'esttrompee et qu'elle en vint a. se repentir... Oui, oui, c'est impossible, vous le croyez, mais moi, je 1'ai vu, cela arrive,... et si cela arrivait, quel remords pour moi, quel supplice pour elle ! MARTHE, baissant la tele on plcurant. Vous ne 1'aimez pas ! MAX. Ah! ne dites pas cela! Pensez! reflechissez!... Et ne pleurez pas, oh ! je vous en prie, je vous en supplie, ne pleurez pas ! (A part.) Ah ! bien, si elle pleure maintenant ! (Haut.) Comprenez-moi. devinez-moi ! Je vous jure que je ne peux pas lui donner une plus grande preuve de mon am... de mon affect... de mon amitie que celle que je lui donne en ce moment, je vous le jure, je vous le jure, ma- demoiselle Marthe ! (Marthc cache sa tctc dans ses mains.) Mai'the ! Souris ! ma chere Souris ! Oui, c'est un effort cruel, mais c'est pour elle que je le fais. C'est pour ne pas la sacrifier que je me sacrifie ! MARTHE, sccouant la lete. Vous ne 1'aimez pas ! MAX, s'cmportant. Mais ne dites done pas cela ! Mais c'esl injuste et me- ACTE TROISlEME. 183 chant ! Mais vous ne devinez done pas quelle violence je me fais et que c'est ma volonte qui hesite, mon experience qui se defend, mais pas mon cceur, qu'au contraire je le retiens a deux mains pour qu'il ne m'echappe pas a moi- mme ! Vous ne voyezdonc pas que, vers elle, tout m'at- tire, tout m'entraine : le premier trouble de cette ame pure, les premieres rougeursde ce front chaste, I'enigme charmante de sa jeunesse, la seduction de sa beaute, tout ! jusqu'a 1'immense flalterie de son amour, mais c'est la tentation la plus grande de ma vie, mon premier roman, ma derniero chance de bonheur ! Et elle est la, pres de moi ! devant moi ! et. pour la saisir, je n'ai qu'a itendre la main!... II iHend la main vcrs Marthe. .MART HE, mettant sa main dans la sienna et doucemcnt. Eh bien, alors? MAX, hesitant. Eh bien, alors?... Uvec eclat.) Eh bien... Ah ! tant pis! je t'adore ! MARTHE, a part, en uiettant la main =ur son caur. Ah! quel bonheur! MAX. Ah! c'est trop, c'est trop ! Je ne peux plus! Je ne suis pas plus fort que toi, que toi-meme! Je ne peux plus ! Je suis un fou de ceder, de t'aimer, de te croire! Je le sais! je le sens ! n'importe ! Quand je devrais m'en repentir toute ma vie, j'aurai eu ce jourj'aurai eu cette heure !... Je t'aime! je t'aime ! je t'aime! (A genoux.) Le crois-tu maintenant ! regarde-moi ! C'est moi qui tremble a pre- sent, c'est moi qui pleure ! Ah ! chere, chere enfant ! Et comme je te suis reconnaissant de te laisser aimer, de le vouloir, de le permettre'! et heureux de te le dire ! d'oser 181 LA SO IT. IS. enfin dc te le dire. Ah ! Dieu! c'est si bon,si tu savais, de ne plus surveiller son coeur, de le laisser aller on il veul. de 1'ouvrir tout grand, de se donner tout enticr, quaml on ne s'est jamais donne" tout en tier a personne ! MARTHE, cinui- ct riivi.-. Monsieur Max ! MAX, doucemcnt. Ah! non, pas monsieur maintenant... Max tout court maintenant. Etsois tranquille, va, chere enfant, n'aie pas peur de mon amour. II ne veul te devoir ni a une erreur, ni a une surprise. II saura attendre. Et si quelque jour tu n'envoulaisplus, dis-lemoi sanscrainte, jen'aurai centre toi ni revoke, ni colere. Je te remercierai de m'avoir donne, ne fiit-ce qu'un instant, cette illusion charmante d'etre aime de toi ; je mettrai sur ton front mon premier et mon dernier baiser, et je m'en irai sans me plaindre Mais, 6 ma cherie, tache que cela ne soit pas... ou plus tard... jamais! je t'aime tant!... Eh! bien, tu ne me dis rien? MARTHE, ravic. Encore ! MAX. Oh! chere Marthe, et toi aussi, n'esl-ce pas? tu m'ai- mes? Tu ne te trompes pas, bien sur'.' MARTIIE. Oh! non, monsieur Max. MAX. Ah! Plus monsieur... maintenant Max, maintenant... Dites Max et diles que vous m'aimez, voulez-vous?... n'est-ce pas? vous m'aimez? ACTE TROISlfiME 18:. MART HE, ires has. Oui. SI AX. Mais non, pas ainsi, dites-le, vous, dites-le! Je serai* si heureux. Dites : Max, je vous aime. Repetez-le apres inoi, voyons : Max... MARTHE, repehinl Max... MAX. Je vous aime. MARTHE, liesitanlr ct confuse. Je... Je n'ose pas. MAX, pressant. Marthe, voyons, Marthe, ma bien-aimee, ma cherie, dis-le, je t'en supplie, tiens! a genoux! Je vous... HART HE, trc-s l.as. Je... vous aime. MAX. Ah! mon adoree! ma chere petite Souris blanche! ma t'emme ! tu m'aimes ! Ah ! et moi aussi, va, je t'adore ! Mais... (ll va pour la prendrc dans ses bras, elle se dcgagrc.) MARTHE, trouljlcu. Mais,... mais, Clolilde? Ou est done Clotilde? J8fi I.A SOL'RIS. SCENE X MART1IE, MAX, CLOTILDE, entree a la fin de la scene. CLOTILDE. Oubliee! MART HE, se jctant duns ses bras. Oh! non, jamais! MAX. Comme vous devez me trouver faible, Clotilde. Je vou- lais pourlant faire une belle defense, mais... (Montrant Marthe.) regardez-la ! CLOTILDE. II ne pouvait guere en elre autrement, mon ami. D'abord, elle savait que vous 1'aimiez. MAX. Elle? Comment? CLOTILDE. Je le lui avals dit. MAXj etonne. All ! (ll rcgardc Marthe qui baisse les youx.) CLOTILDE. Et puis, vous saviez qu'elle vous aimait. MARTHE. Lui? ACTK TROIS1E.M K |s7 CLOTILDE. II avail trouve 1'album. MARTIIE constorncy. Oh ! (Bas a ciotiide.) Mais alors, Clotilde, s'il ne m'avait pas epousee, j'etais deshonoree! MAX. Chere enfant! CLOTILDEj souriunt Joucenvcnt. Mais puisqu'il te rend Fhonneur... Tout est bien qui linitbien, n'est-ce pas, mon gendre? SGfiNE XI MARTHE, MAX, CLOTILDE, MADAME DE MO I SAND, elTaree, un telcgramrae a la main, puis HERMINE ct PEPA. MADAME DE MOISAND, a Clotilde. Oh! bien non, cela c'est trop fort, ecoule! Comment, tu es ici depuis hier au soir, dix fois je t'ai demande ce que tu avals, ce qui t'arrivait, la cause de ton absence, dix fois! Et tu n'as rien voulu me dire, et c'est par ce notaire que je Fapprends ! Pourquoi le cachais-tu? Pour- quoi? HERMINE, entrant. Qu'est-ce que c'est? qu'ya-t-il? PEPA, de mem P. Quoi done? quoi done? 188 I- A SOU HIS. MADAME DK MOISAND) a Hermiup Mais elle csl veuve! IIERMINE et PEPA. Veuve ! MADAME DE MOISAND, a Clotilde. Eufin, pourquoi ne me l'as-tu pas dit? Pourquoi? CLOTILDE, regardant Max et Marthe. Je ne voulais pas laisser meme cetle ombre sur la joie des heureux. PEPA. La joie? H ERMINE. Les heureux? MADAME DE MOISAND. Quels heureux? CLOTILDE. Ah! oui, c'est vrai, vous ne savez pas... Eh bien, mai? M. de Simiers se marie. IIERMINE, clle regarde Pepa. M. de Simiers ! PEPA. regardant Hormine. Et... avec quidonc? H ERMINE, continuant a rogardor Pupa. Oui... qui done?... Qui? CLOTILDE, monlrant Marthe. Void la fiancee. ACTE TKOISIKMK. |s;i MADAME DE M01SAND. Marthe? P E P A. La Souris !... Pas possible ! H ERMINE, ii pnrt, ii'oniquement. Une enfant ! C'est bien de son age cela. MADAME DE M01SAND, a Clolildc. Mais enfin, c'est a n'y rien coinprendre! Et tu n'as ineme pas pris le deuil! CLOTILDE, doucement. Je t'ai dit pourquoi... Et, d'ailleurs, (Regardant Max .t Marthe qui se parient has.) je vais le prendre maintenant. MARTHE, allant se Jeter an cou de Clotilde. Ah! mamaii! CLOTILDE. Alors, tu es bien heureuse? MARTHE, avec a me. Ah! oui! CLOTILDE, la regardant et 1'eiubrassant avec |)assion. Merci ! FIN Imprimerics reunies, B, rue Mignon, 2. THE LIBRARY UNIVERSITY OF CALIFORNIA Santa Barbara THIS BOOK IS DUE ON THE LAST DATE STAMPED BELOW. DC SOUTHERN REGIONAL LIBRARY FACILITY A 000 793 772 5 8s Sk