f~ »- f ' i | I i \\ y <\ jjjj£j]]j]jjjj|f i i l lllilil MfcflKLF A PREPARATORY FRENCH READER rait!} Notes an* Uocabularg BY GEORGE W. ROLLINS Late Master in the Public Latin School, Boston ALLYN and BACON Boston Nefo gork Cfjicaflo r W.yA t3PffeF8 Copyright, 1894, By George W. Rollins. PREFACE. The aim of this book is to furnish interesting matter suitable for first readings in French. The selections are taken from fiction, history, poetry, and the drama. The condensed extract from Marbot's Memoirs, which de- scribes Napoleon's disastrous retreat from Moscow, and the five concluding prose pieces, which portray scenes from the tragical story of Louis XVI. and Marie An- toinette, may serve to interest the pupil in a fascinating period of French history, and will introduce him to that great mass of personal historical material in which French literature abounds. The dramatical -selection, somewhat abridged from the original, will give him an early acquaintance with conversational French, and in- troduce him in a charming way to that realm of litera- ture in which the French are the undisputed masters. The vocabulary contains, besides the selected meanings of the words as used in the text, the translation of com- mon idiomatic expressions found in the book. The notes supplement the vocabulary, and are also designed to help the pupil over the difficult places, to explain his- torical and literary allusions, and to call attention to iii 843555 iv PREFACE. some grammatical principles. At the end of the book is an alphabetical table of irregular verbs. It gives the complete synopsis of each verb, together with the inflec- tion of the present subjunctive when it presents any irregularity, and of- the present indicative. The irregu- lar verbs in the vocabulary are marked by an abbre- viation. George W. Kollins. Boston, August, 1894. TABLE OF CONTENTS. PROSE. PAGE Compere Bouc et Compere Lapin . . Frtdtric Ortoli. 1 D'un Crapaud qui etait plus malin qu'un Renard, 6 Frtddric Ortoli. La Belle aux Cheveux d'Or 9 Madame D'Aulnoy et Mademoiselle de Haupt. Les Amoureux de la Princesse Mimi 17 Jules Lemaitre. Le Pacha Beroer ....... Edouard Laboulaye. 30 La Chapelle Blanche Jules Lemaitre. 49 La Retraite de Moscou . Le Ge'ne'ral Baron de Marbot. 55 Le Lac de Gers Rodolphe Tbpffer. 90 Le Voyage de Monsieur Perrichon Ill Labiche et Martin. Les Premiers Jours du Regne de Louis XVI et de Marie-Antoinette . . . Imbert de Saint-Amand. 174 La Derniere Rose: La Jeune Reine 177 Julie Lavergne. La Derniere Rose: L' Adieu .... Julie Lavergne. 187 Mort de Louis XVI Victor Duruy. 193 L'ICchafaud Imbert de Saint-Amand. 196 VI TABLE OF CONTENTS. POESIES. PAGE La Fleur du Souvenib ..... Charles Millevoye. 16 Nanna , Casimir Delavigne. 28 La Cigale et La Fourmi . . . Jean de La Fontaine. 48 La Fleur et Le Papillon Victor Hugo. 54 Les Souvenirs du Peuple .... Pierre de Be'ranger. 87 La Feuille Antoine Vincent Arnault. 89 Monsieur de la Palisse Anon. 106 Les Grandes Veritas Anon. 171 Camelia et Paquerette .... Theophile Gautier. 176 La Vache Perdue Casimir Delavigne. 185 Ma Normandie Frederic Be'rat. 192 Louis XVI aux Franoais . . La Marquise de Travanet. 195 Les Animaux Malades de la Peste 202 Jean de La Fontaine. Notes . 205 Vocabulary. Table of Irregular Verbs. COMPARE BOUC ET COMPARE LAPIN. Au temps des lutins et des fees, compere Bouc et com- pere Lapin habitaient dans la meme plaine, non loin l'un de Pautre. Fier de sa longue barbe et de ses comes aigues, com- pere Bouc se montrait fort dedaigneux pour compere 5 Lapin ; a peine le saluait-il quand il le rencontrait, et son plus grand plaisir etait de lui jouer les tours les plus pendables. — Compere Lapin, voici maitre le Renard ! Et compere Lapin de fuir aussitot. 10 — Compere Lapin, voici maitre le Loup ! Et compere Lapin de trembler de tous ses membres. — Compere Lapin, voici maitre le Tigre ! Et compere Lapin de fremir et de croire venue sa derniere heure. 15 Fatigue de cette triste existence, messire Lapin refle- chit au moyen de changer en ami son terrible et puissant voisin. II trouva des raisons infaillibles, et compere Bouc fut invite a diner. Le repas fut long et abondant ; rien n'y manquait, les 20 meilleurs plats furent servis. Compere Bouc s'en lechait la barbe de satisfaction; jamais il ne s'etait trouve a pareille fete. — Eh bien ! mon ami, s'ecria compere Lapin, es-tu jcontent de ton souper? 25 — On ne peut da vantage, mon cher hote, toutefois l .2 . LECTURES FRANgAISES. , mon gosier est bien sec et un peu d'eau ne ferait pas de inal. — Ma foi, compere Bouc, je n'ai point de cave, aussi je ne bois jamais pendant les re pas. 5 — Une idee, compere Lapin; moi non plus je n'ai pas d'eau ; si tu veux venir par la, aupres du peuplier, nous allons creuser un puits. Compere Lapin espera se venger : — Non, compere Bouc; a l'aube naissante je bois la 10 rosee dans le calice des fleurs, et pendant la chaleur du jour, quand j'ai soif, je bois dans la piste des vaches. — C'est bien ; tout seul je le ferai et tout seul je pro- fiterai de mon puits. — Bon courage, compere Bouc ! 15 — Merci, mon bon ami petit Lapin ! Compere Bouc s'en alia au pied de l'arbre et fouilla son puits ; le voila qui avance, qui se creuse, qui devient de plus en plus profond. Le puits est fait, l'eau jaillit, et compere Bouc se desaltere largement. 20 Compere Lapin, qui l'avait suivi, se mit alors a rire derriere un buisson tout en fleurs. — Ah ! mon pauvre ami, comme tu es innocent ! ne put-il s'empecher de dire. Le lendemain, lorsque Bouc a la grande barbe et aux 25 cornes pointues retourna chercher de l'eau a son puits, il aperqut la trace des pas de petit Lapin encore marquee dans la terre fraiche. Compere Bouc reflechit profonde- ment, se gratta la tete, tira sa barbe, se frappa le front, puis enfin s'ecria : 30 — Mon bon ami, je vais t'attraper ! Et aussitot il court prendre ses outils et fait une grosse poupee en bois ; ensuite il la goudronne de-ci, de- la, a droite, a gauche, en haut, en bas, jusqu'a ce qu'elle COMPARE BOUC ET COMPERE LAPIN. 3 soit noire comme une petite negresse, une negresse de Guinee. Cela fait, compere Bouc attendit tranquillement la fin de la journee; le soleil couche, il courut, se cachant derriere les arbres et les buissons, planter sa poupee an 5 bord du puits. La lune venait de se lever ; an ciel brillaient des mil- lions de petits flambeaux ; compere Lapin crut l'instant arrive. II prend son baquet et va chercher de l'eau. En route il a peur d'etre surpris, il fremit au plus 10 petit bruissement de feuilles, au plus leger souffle du vent. II marche par sauts, se cachant ici derriere un monticule, se couvrant par la d'une touffe d'herbe. Enfin il arrive au puits. Compere Lapin aperQoit la petite negresse ; il s'arrete effraye, avance, recule, 15 avance et s'arrete encore. — Qu'est-ce la ? se dit-il. II ecoute ; les herbes ne parlaient pas, les feuilles et les branches restaient muettes. II cligne des yeux, baisse la tete. — He ! l'amie, qui done es-tu ? 20 Petite Negresse ne bouge pas. Compere Lapin avance un peu plus, puis crie encore. Petite Poupee ne repond pas. II respire plus a l'aise, puis s'approche du bord du puits. 25 Mais, quand il regarde dans l'eau, Petite Negresse regarde aussi. Compere Lapin devient rouge de colere. — Ecoute, petite, si tu regardes dans ce puits, je vais te flanquer sur le nez. 30 II se baisse au ras du puits et voit la poupee qui lui sourit. II leve sa main droite et la lui envoie. Pan! * LECTURES FRANQAISES. Ah ! sa main reste collee. — Qu'est cela ? lache-moi ou je vais te flanquer sur les yeux avec l'autre main. II la lui flanque. Bin! 5 He ! la gauehe se colle aussi. Compere Lapin leve son pied droit. . — -Petite Congo, fais attention et muris bien mes paroles. Vois-tu ce pied-la? Ce pied, je te l'envoie dans l'estomac si tu ne me laches pas a Pinstant. Aussi- 10 tot dit que fait. Bourn ! , Le pied se colle ; compere Lapin leve P autre. — Tu vois celui-ci ? Si je te l'envoie, tu croiras que c'est la pierre de tonnerre qui te cogne. 15 II la frappe. Tarn! Le pied se colle encore. Compere Lapin tenait bien sa Guinee. — He ! la petite ! j'ai deja battu bien du monde avec 20mon front. Attention ou je brise ton affreuse tete t en petits morceaux. Lache-moi ! — Ha! ha! tu ne re ponds pas ? Vlan ! — Negresse, es-tu morte ? Ouais, que ma tete colle 25 bien ! Quand le soleil fut leve, compere Bouc se rendit au bord du puits pour prendre des nouvelles de son ami petit Lapin : le resultat avait depasse ses esperances. — He ! he ! petit coquin, grand coquin. He ! he ! 30 compere Lapin, que fais-tu done la ? Je pensais que tu buvais la rosee dans le calice embaume des fleurs ou dans la piste des vaches ? He ! he ! compere Lapin, je vais te punir pour me voler mon eau. COMPARE BOUC ET COMPERE LAPIN. 5 — Je suis ton ami, ne me tue pas. — Voleur ! voleur ! crie compere Bouc. Et vite il court dans le bois, ramasse nn gros tas de branches seches, allume un grand feu, puis va chercher petit Lapin pour le bruler tout vivant. 5 Or, comme il passait pres d'un tas de ronces avec compere Lapin sur son epaule, compere Bouc rencontra sa fille qui se promenait dans les champs. — Ou vas-tu, Bouc, mon papa, ainsi affuble d'un pareil fardeau ? Viens manger Pherbe f raiche avec moi, et 10 jette vilain compere Lapin dans ces ronces ! Petit voleur, tout penaud, dresse alors les oreilles et fait l'effraye. — Non, non, compere Bouc, ne me jette pas dans ces ronces ; les piquants dechireraient ma peau, creveraient 15 mes yeux, me perceraient le coeur. Ah ! je t'en prie, jette-moi plutot dans le feu. — He ! he ! petit coquin, grand coquin, he' ! h6 ! com- pere Lapin, tu n'aimes pas les ronces ? Eh bien ! alors, va rire la-dedans. 20 Et il Py envoie sans pitie. Compere Lapin roule en bas du tas d'epines, puis se met a rire: — Kiak ! kiak ! kiak ! compere Bouc, mon ami, que tu me sembles -bete ! kiak ! kiak ! kiak ! Meilleur lit 25 jamais je n'ai eu ; kiak ! kiak ! C'est dans ces ronces que je suis ne ! Compere Bouc en fut desespere, mais compere Lapin eut la vie sauvee par sa presence d'esprit. Longue barbe n'est pas tou jours signe d' intelligence. 30 Erederic Ortoli. LECTURES FRANQAISES. D'UN CRAPAUD QUI fiTAIT PLUS MALIN QU'UN RENARD. Mange-poules et maitre Crapaud s'entendirent un jour pour defricher un champ de tres grande etendue. Trois semaines ils passerent coupant, brfilant, bechant, labourant a qui mieux mieux, comptant pour rien la 5 fatigue, tant l'esperance etait grande et forte la volonte. On ensemenQa. Le ble germa, se fit herbe, poussa de plus en plus, et bientot, dans la plaine inculte, une mer d'or resplendit au soleil. Le Renard, qui de tout temps a mieux aime le tout 10 que la partie, se dit alors : — Vraiment, ce serait bien dommage de partager une si belle recolte ; que puis-je faire pour en §tre le seul proprietaire ? Et de sa patte renardine, il frappa son front renardin, 15 se creusant la tete sans rien trouver. Goupil a honte de lui-meme; il reflechit profonde- ment, cherche, medite, calcule les chances, enfin il sourit. Le voila tout pres de l'etang. — Que Dieu vous benisse, camarade, et vous ait en 20 sa sainte garde ! — - Le ciel vous protege, mon ami, et vous accorde tous vos desirs ! — Quel beau temps ! — Quel beau soleil ! 25 — Pas si resplendissant toutefois que notre merveil- leux champ de ble. — Le fait est, Renard, que tu peux avoir bien raison. — Le doute n'est pas possible ... A propos, mon cher et excellent compagnon, connais-tu le proverbe ? D'UN CRAPAUD PLUS MALIK QU'UN RENARD. 7 — De quel adage veux-tu parler ? — De celui de nos peres : " Qui rien n'aventure, n'a ni selle ni bardelle." — Je le trouve excellent. — S'il en est ainsi, faisons une chose. 5 — Laquelle ? — Nous arreterons que celui de nous deux qui le premier aura fait le tour du champ d'or, en touchera seul tout le revenu. — Volontiers, dit le Crapaud, mais comme j'ai mal a 10 un pied, je ne serai pret que demain matin. — Tope la, camarade, tu es bien aussi intelligent que je le pensais. Sur cela, apres s'etre fait tout plein de civilites em- pressees et de respectueuses reverences, les deux parieurs 15 se dirent adieu. En attendant, tandis que le Renard joyeux se pour- leche et s'en va, comme a l'ordinaire, fouiller les haies et les bois, maitre Crapaud court trouver les dix Crapauds les plus sages et les plus experimentes de toute la 20 Crapauderie, leur explique l'affaire, et jure qu'ils feront chere lie s'ils l'aident a tourner gentiment les choses de son cote. — Compte sur nous ! s'ecrie-t-on de tous cotes, rien n'est plus facile a vaincre qu'un Renard. Qui done a 25 fait courir le bruit qu'il etait malin ? Et sur Pheure, on s'entendit sur ce qu'il fallait faire pour attraper maitre Goupil. En temps opportun, cha- "un des princes de Petang ferait uhe partie du chemin a parcourir, prenant bien garde surtout de se laisser30 ape rce voir par Mange-poules. Au jour fixe, les deux rivaux arrivent avec l'aube, chacun ayant grande hate de posseder cette mer d'epis. 8 LECTURES FRANQAISES. lis se mettent en place, sur la meme ligne, les voila prets : — Une, deux, trois ! Chacun s'elance aussitot et court de son mieux. Au 5 premier angle du champ, le Renard fait volte-face, re- garde derriere lui et s'ecrie : — He ! mon compere, ou es-tu ? — Ici devant, re pond une voix crapaudine. Tout penaud, le Renard reprend sa course et soufiiant, 10 suant, il pousse, pousse encore bien loin jusqu' a un autre angle du champ. Arrive la, il crie de nouveau : — Ou es-tu, mon cher compere ? — A vingt pas en avant, bredouille aussitot une voix 15 de Crapaud. Goupil s'impatiente, il part comme un trait, et a chaque instant il demande : — Ou done es-tu, compere ? — Ici devant, ici devant, ici devant, repond toujours 20 1' animal aux yeux verts. Mange-poules est rendu, il n'en peut mais, et ses jambes peuvent a peine le soutenir. Cependant il ne veut pas perdre son pari ; il ramasse toutes ses forces, retient son souffle et s'elance. 25 Peines inutiles, efforts superflus ! Le Crapaud, qui jamais n'avait quitte son poste, tranquillement atten- dait au but. A la vue du Renard, il se leve : — Eh bien ! mon cher ami, voyez luire le grand soleil, 30 mais il n'est pas aussi resplendissant que mon champ de ble! Goupil, mon aimable camarade, connaissez-vous le pro- verbe de nos peres : " Qui rien n'aventure, n'a ni selle ni bardelle " ? II me semble juste en verite. LA BELLE AUX CHEVEUX D'OR. 9 -■■Sur'ce cruel persiflage, Mange-Poules baisse l'oreille et deguerpit en toute hate, grandement etonne d'avoir perdu ce qu'il croyait gagner si facilement. Un peu d'aide fait grand bien. Frederic Ortoli. LA BELLE AUX CHEVEUX D'OR. Il y avait une fois la fille d'un roi, qui etait si belle 5 qu'on la nommait la Belle-aux-Cheveux-d'Or ; car ses cheveux fins et dores lui tombaient jusqu'aux pieds. Un jeune roi de ses voisins, bien fait, riche et point marie, ayant appris tout le bien qu'on disait d'elle, resolut d'envoyer un ambassadeur la demander en mari- 10 age. II donna un riche cortege a cet ambassadeur et lui recommanda bien de lui amener la princesse. Le roi, ne doutant pas que la Belle-aux-Cheveux-d'Or ne l'acceptat pour mari, fit faire d'avance de belles robes et des meubles admirables ; mais l'ambassadeur etantl5 arrive chez cette princesse, elle lui repondit qu'elle n'avait pas envie de se marier. Quand l'ambassadeur revint pres du roi son maitre, chacun s'affligea de ce qu'il n'amenait point la Belle-aux- Cheveux-d'Or, et le roi e'tait plus triste que tout le20 monde. II y avait a la cour un jeune garcon beau comme le soleil et qu' a cause de sa bonne grace et de son esprit on nommait Avenant. Tout le monde l'aimait, hors les envieux qui etaient faches parce que le roi avait conn- 25 ance en lui. Quand Avenant eut appris que l'ambassadeur n'avait pas ramene la princesse, il dit imprudemment : 10 LECTURES FRANgAISES. — Si le roi m'avait envoye vers la Belle-aux-Cheveux- d'Or, elle serait venue avec moi. Les envieux dirent alors au roi qu'Avenant preten- dait qu'il aurait ramene la Belle-aux-Cheveux-d'Or, parce 5 que, comme il etait plus beau et plus spirituel que le roi, elle l'aurait suivi partout. Voila le roi en colere tant et tant qu'il s'ecrie : — Ha ! ha ! ce joli mignon se moque de moi ! Qu'on le mette dans ma grosse tour et qu'il y meure de faim. 10 Les gardes du roi trainerent Avenant en prison et lui firent mille maux. Ce pauvre garqon y serait mort sans une fontaine qui coulait au pied de la tour et qui lui fournissait un peu d'eau, car la faim lui avait desseche la bouche. Un jour, n'en pouvant plus, il disait en 15 soupirant : — De quoi se plaint le roi ? II n'a pas de sujet plus fidele que moi ; je ne l'ai jamais offense. Le roi, passant par la, l'entendit par hasard et lui ouvrit la porte de sa prison. 20 — Pourquoi, demanda le roi, as-tu dit que si je t'avais envoye cliez la Belle-aux-Cheveux-d'Or, tu l'aurais bien amenee ? — Parce que, repondit Avenant, je lui aurais si bien fait connaitre vos grandes qualites qu'elle n'aurait pu 25 se defendre de venir. Le roi reconnut qu'Avenant avait raison et il se facha contre les envieux ; puis il dit a Avenant qu'il avait envie de l'envoyer a son tour aupres de la Belle- aux-Cheveux-d'Or. Avenant repondit qu'il etait tout 30 dispose a obeir ; il refusa le grand equipage que le roi voulait lui donner et assura qu'il n' avait besoin que d'un bon cheval, avec des lettres de la part de son maitre. Avenant partit. En chemin il revait a la harangue LA BELLE AUX CHEVEUX D'OR. 11 .qu'il adresserait a la princesse. Un matin il s'arreta dans une grande prairie, au bord d'une riviere, pour ecrire une jolie pensee qui lui etait venue. II aperqut sur l'herbe une grosse carpe qui n'en pouvait plus, car elle avait saute trop haut et s'etait elancee si loin hors 5 de l'eau, qu'elle etait prete a mourir. Avenant en eut pitie et la remit doucement dans la riviere. — Avenant, dit la carpe, sans vous je serais morte ; vous m'avez sauvee, je vous le revaudrai. Un autre jour, Avenant vit un corbeau poursuivi par 10 un gros aigle, qui etait pres de l'attraper. Avenant prit son arc et une fleche, et perqa de part en part l'aigle, qui tomba mort. — Avenant, dit le corbeau, vous etes bien genereux ; mais je ne suis point ingrat, je vous le revaudrai. 15 Un autre matin, entrant dans un bois, alors qu'il faisait a peine jour, il entendit crier un hibou qui s'etait laisse prendre dans des filets ; il tira son couteau et coupa les cordelettes. — Avenant, dit a son tour le hibou, j'etais pris, j'etais 20 mort sans votre secours ; j'ai le coeur reconnaissant, je vous le revaudrai. Enfin il arriva au palais de la Belle-aux-Cheveux-d'Or, s'habilla de son mieux, mit une riche echarpe a son cou avec un petit panier, et dedans un beau petit chien. II 25 etait si aimable que les gardes, le saluant, coururent dire a la princesse qu'Avenant, ambassadeur du roi son voisin, demandait a la voir. Ce nom d'Avenant parut de bon augure a la princesse, qui ordonna qu'on le fit entrer dans la salle d'audience. II la supplia de ne 30 pas lui faire le deplaisir de le laisser partir sans elle. — Gentil Avenant, repondit-elle, je serais aise de vous favoriser plus qu'un autre ; mais, il y a un mois, e*tant a 12 LECTURES FRANQAISES. me promener sur la riviere, en otant mon gant je tirai de mon doigt une bague qui tomba dans Peau ; et j'ai fait serment de n'ecouter aucune proposition de mariage, tant que Pambassadeur qui me proposera un epoux ne 5 me rapportera pas ma bague. Avenant la salua profondement et la pria d'accepter son petit chien ; mais elle refusa et lui dit de songer a ce qu'elle venait de lui raconter. Quand il fut retourne chez lui, il se dit avec tristesse : 10 — Ou prendre une bague tombee depuis un mois dans la riviere ? Ce serait folie que de l'essayer. Son petit chien, qui s'appelait Cabriole, Pecoutait, et lui dit : — Ne vous affligez pas ; je crois que vous serez 15 heureux si nous allons demain matin au bord de la riviere. Avenant, le lendemain, suivit le conseil du petit chien, et comme il se promenait tristement au bord de la riviere en songeant a son depart, il s'entendit appeler : 20 — Avenant ! Avenant ! Ne voyant personne, il crut rever, mais Cabriole qui, tout petit, voyait de plus pres dans Peau, lui dit : — C'est une carpe doree que j'aperqois. Alors la carpe parut et dit : 25 — Vous m'avez sauve la vie, je vous ai promis de vous le revaloir ; voici la bague de la Belle-aux-Cheveux-d'Or. Au lieu de retourner chez lui, il se rendit au palais avec Cabriole et presenta la bague a la princesse en disant : 30 — Vous plait-il, a present, de prendre pour e*poux le roi mon maitre ? En voyant sa bague, la princesse demeura d'abord bien etonnee, puis elle dit a Avenant : LA BELLE AUX CHEVEUX D'OR. 13 — Tin prince, norame Galifron, a demande ma main, me menacant, si je refusais, de desoler mon royaume. II est haut comme une tour, et mange un homme comme un singe mange un marron. II porte des canons au lieu de pistolets, et quand il parle, ceux qui sont pres de lui 5 deviennent sourds. Je lui ai dit que je ne voulais point me marier, et depuis ce temps il tue et mange mes sujets; il faut vous battre avec lui et m'apporter sa tete. Avenant re'pondit: 10 — Madame, je combattrai Galifron; je serai vaincu, mais je mourrai en brave. II alia chercher des armes, monta a cheval, et accom- pagne de Cabriole, fut au pays de Galifron. Tous ceux qu'il rencontrait lui disaient que c'etait un demon ; et 15 lui avait grand'peur. Cabriole le rassurait, disant : — Quand vous vous battrez, je lui mordrai les jambes ; il se baissera pour me chasser, et vous le tuerez. Pres du chateau de Galifron, les chemins etaient con- verts d'os et de carcasses d'hommes. Avenant le vit20 bientot venir a travers un bois ; sa t§te depassait les plus grands arbres et il chantait d'une voix terrible : Oil sont les petits enfants, Que je les croque a belles dents ! II m'en faut tant, tant et tant 25 Que le monde n'est suffisant. Aussitot Avenant se mit a chanter p"» le me*me air: Approche, voici Avenant Qui t'arrachera les dents ; Bien qu'il ne soit pas des plus grands, 30 Pour te battre il est suffisant. Quand Galifron entendit ces paroles, quand il aperqut Avenant qui, l'epee a la main, lui dit deux ou trois in- 14 LECTURES FRANQAISES jures pour l'irriter ; il se mit dans une colere effroyable, et, prenant une massue de fer, il aurait assomme le gentil Avenant sans un corbeau qui lui donna si juste dans les yeux avec son bee, qu'il les creva; son sang 5 coulait, il n'y voyait plus, et Avenant lui faisait mille blessures, de sorte qu'il tomba bientot. Aussitot Ave- nant lui coupa la tete et le corbeau dit a l'ambassadeur : — Je n'ai pas oublie le service que vous m'avez rendu en tuant l'aigle qui me poursuivait ; je crois m'etre ac- lOquitte aujourd'hui. Avenant monta a cheval, charge de l'horrible tete de Galifron. — Madame, dit-il a la princesse, votre ennemi est mort, j'espere que vous ne refuserez plus le roi mon 15 maitre. — Si, vraiment, repondit la Belle-aux-Cheveux-d'Or ; car je veux, avant mon depart, que vous m'apportiez de l'eau de la Grotte tenebreuse. C'est une grotte profonde ; a l'entree sont deux dra- 20 gons qui ont du feu dans la gueule et dans les yeux ; dans la grotte est un grand trou plein de crapauds, de couleuvres et de serpents ; au fond du trou est une petite cave ou coule la fontaine de Beaute et de Sante ; tout ce qu'on lave avec cette eau devient merveilleux; 25 si on est laide, on devient belle ; si on est vieille, on devient jeune. Vous comprenez que je ne quitterai pas mon royaume sans en emporter. — Madame, dit-il, vous voulez ma mort ; mais pour- tant j'irai chercher ce que vous desirez. 30 II partit avec Cabriole et, arrive sur une montagne, il apercmt non loin de la un rocher noir comme l'encre, d'ou sortait une grosse fumee, et l'un des dragons qui jetait du feu par les yeux et la gueule ; il avait le corps LA BELLE AUX CHEVEUX D'OR. 15 jaune et vert, des griffes et une longue queue qui faisait plus de cent tours. Tout a coup on appela : — Avenant ! Avenant ! Et l'ambassadeur vit, dans le trou d'un vieil arbre, 5 un hibou qui lui dit : — Vous m'avez tire du filet des chasseurs ; je vous ai proniis que je vous le revaudrais ; en voici le temps. Donnez-moi la fiole, je vais vous chercher Feau de Beaute. En effet, au bout d'un quart d'heure il rapporta la 10 bouteille. Avenant, bien joyeux, rapporta la fiole a la Belle-aux- Cheveux-d'Or qui n'eut plus rien a dire. II la conduisit au roi son maitre, qui l'epousa avec de grandes fetes. Mais les envieux, qui n'aimaient point Avenant, per- 15 suaderent au roi que la reine trouvait l'ambassadeur qui avait accompli tant de prodiges, plus adroit et plus cou- rageux que son maitre qui etait reste tranquille chez lui. — Vraiment, dit le roi. Qu'on le mette dans la tour, avec les fers aux pieds et aux mains. 20 Ce fut la recompense d' Avenant, qui n'avait pour con- solation que son petit chien Cabriole. Le roi, pensant que peut-etre il etait moins beau qu' Avenant, voulut se trotter le visage avec l'eau de Beaute ; mais une servante, qui avait, par megarde, 25 casse la fiole, l'avait remplaCee par une toute semblable qui etait dans le cabinet du roi, et dont l'eau servait a faire mourir les grands seigneurs criminels. Le roi se frotta si bien le visage de cette eau qu'il mourut. Cabriole alia dire cette nouvelle a Avenant, qui 30 l'envoya pres de la Belle-aux-Cheveux-d'Or pour lui rappeler le pauvre prisonnier. Quand la reine entendit le petit chien lui dire : Ma- 16 LECTURES FRANQAISES. dame, n'oubliez pas le pauvre Avenant, elle alia droit a la tour, ota les fers des pieds et des mains d' Avenant, et lui mettant la couronne d'or sur la tete et le manteau royal sur les epaules, elle le prit pour son epoux. Tout 5 le monde fut content ; on fit la plus belle noce du monde, et la Belle-aux-Cheveux-d'Or vecut longtemps avec le bel Avenant, tous deux heureux et satisfaits. Si, par hasard, un malheureux Te demande ton assistance, 10 Ne lui refuse point un secours genereux : Un bienfait tot ou tard re<;oit sa recompense. Madame D'Aulnoy et Mlle. de Haupt. LA FLEUR DU SOUVENIR. On m'a conte qu'en Helvetie, Louise, une fleur a la main, Avee Lisbeth, sa douce amie, 15 Un jour s'etait mise en chemin : " Bon ermite, assis sur la pierre, Disait-elle, dans ta priere Souviens-toi De moi." 20 Advint qu'en sa route orageuse Je ne sais quel pressentiment Troubla la belle voyageuse, Qui soupira profondement : " Helas ! dit-elle a son amie, 25 Avant toi si je perds la vie, Souviens-toi De moi." LA FLEUR DU SOUVENIR. IV Soudain 1' avalanche sauvage Roule et l'entraine dans son sein. Jetant alors sur le rivage La fleur qu'elle tenait en main : " Adieu, dit-elle, mon amie ; 5 Garde bien cette fleur cherie ; Souviens-toi De moi." Lisbeth veut suivre son amie : Au trepas elle veut courir ; 10 Mais on la retient a la vie : Vivre, ah ! pour elle c'est mourir. Elle garda la fleur fidele, Et depuis cette fleur s'appelle : Souviens-toi 15 De moi. Millevoye. LES AMOUREUX DE LA PRINCESSE MIMI. La princesse Mimi, fille de la reine Cendrillon, etait belle comme le jour. Sa figure rose et ses cheveux d'or leger, traverses de soleil, la faisaient ressembler a une rose mousseuse ; et elle avait beaucoup d'esprit. 20 Quand elle eut quinze ans, il fallut la marier : car telle etait la loi du royaume. Mais, comme elle etait princesse, elle ne pouvait epouser qu'un prince. Or il n'y avait alors, dans tout le pays environnant, 25 que deux princes : Le prince Polypheme, qui etait sept fois plus grand 18 LECTURES FRANQAISES. que la princesse Mimi, et le prince Poucet, qui etait sept fois plus petit qu'elle. Et tous deux aimaient Mimi d'amour ; mais Mimi n'aimait ni l'un ni l'autre : l'un parce qu'il etait trop 5 grand, et l'autre parce qu'il etait trop petit. Neanmoins le roi lui ordonna de choisir l'un des deux princes avant que le mois ne fut ecoule ; et il permit aux deux princes de faire leur cour a la princesse. Et il fut c'onvenu que celui qui serait repousse par- 10 donnerait a l'autre et ne lui ferait point de mal. Polypheme arriva avec des presents : c'etaient des bceufs, des moutons, des fromages et des fruits a pleines corbeilles. Et il etait suivi de guerriers geants, vetus de peaux de betes cousues ensemble. 15 Poucet apporta des oiseaux dans une cage doree, des fleurs et des bijoux, et il etait suivi de bouffons et de danseurs habilles de soie et coiffes de bonnets a grelots. Polypheme raconta son histoire a la princesse : — Ne croyez pas, lui dit-il, ce qu'un poete du nom 20d'Homere a rapporte sur moi. D'abord il a dit que je n'avais qu'un ceil, et vous voyez que j'en ai deux. Puis il est vrai que jadis il m'est arrive de manger les hommes qui abordaient dans mon ile ; mais, si je faisais ainsi, c'est parce qu'ils etaient tres petits et que je 25 n'avais pas plus de scrupule a les manger que vous n'en pouvez avoir a sucer, a la table du roi votre pere, les os d'un pluvier ou d'un lapereau. Mais un jour un Grec, nomme Ulysse, me fit comprendre que ces petits hommes etaient pourtant des hommes comme moi ; que souvent 30ils avaient une famille, et que je leur faisais beaucoup de peine en les mangeant. A partir de ce jour, je ne me suis plus nourri que de la chair et du lait de mes troupeaux. Car je ne suis pas mechant ; et meme, vous LES AMOUREUX DE LA PRINCESSE MIMI. 19 le voyez, princesse Mimi, moi si fort et si grand, je suis avec vous aussi doux qu'un agneau nouvellement ne. Et, par vanite, Polypheme ne dit point qu'Ulysse avait triomphe de lui en depit de sa force et lni avait creve les yeux pendant son sommeil, et qu'il n'avait re- 5 couvre la vue que par les remedes d'un savant magicien. Et Mimi songeait : — Tout de meme il serait capable de me manger s'il avait faim. Tandis que le prince Poucet est si petit, que c'est moi qui pourrais le croquer si j'en avais envie. 10 Poucet raconta son histoire a son tour : — De perfides enchanteurs, dit-il, avaient voulu m'egarer dans la foret avec mes six freres. Mais je semai derriere moi des cailloux blancs pour retrouver notre chemin. Par malheur je rencontrai l'Ogre. II 15 nous emmena dans son palais et nous fit coucher dans un grand lit. Je decouvris qu'il voulait nous tuer le lendemain matin. Alors je mis dans le grand lit, a notre place, les sept filles de l'Ogre, et ce fut elles que l'Ogre egorgea. Et je lui pris ses bottes de sept lieues, 20 qui me furent d'un grand secours dans une guerre que j'eus a soutenir contre un roi voisin : car elles me permirent d'etre informe de tous les mouvements de l'ennemi. Et ainsi je suis devenu un prince tres puis- sant. Mais je renonqai a porter ces bottes, et je les ai25 mises dans le musee de mon palais, parce qu'elles sont trop rudes a mes pieds, et aussi parce que, contraignant celui qui les porte a faire sept lieues a chaque pas, elles ne sont point commodes pour la promenade. Mais je vous les montrerai, princesse Mimi. 30 Et, par vanite, Poucet ne dit point qu'il etait le fils de pauvres bucherons. Et, comme avait fait Polypheme, il melait le vrai et le faux : car l'amour, l'interet, et 20 LECTURES FRANQAISES. quelquefois l'imagination, nous font tou jours mentir un peu. Et la princesse Mimi etait emerveillee de la subtilite d'esprit du prince Poucet 5 Un jour, Polypheme, couche, les jambes allongees, dans le salon de la princesse qu'il remplissait tout entier, lui dit de sa voix pareille au tonnerre et dont les eclats faisaient trembler les vitraux colories et secouaient les fragiles etageres : 10 — Je suis simple d'esprit, mais j'ai le cceur droit et je suis fort. J'arrache les rochers et les lance dans la mer, j'assomme les bceufs d'un leger coup de poing, et les lions ont peur de moi. Venez dans mon pays. Vous y verrez des montagnes, bleues le matin, roses le soir, 15 avec de grands lacs unis comme des miroirs et des forets aussi vieilles que le monde. Je vous porterai partout oil vous voudrez. J'irai vous cueillir, sur les plus hautes cimes, des fleurs dont aucune femme ne s'est jamais paree. Mes compagnons et moi, nous serons vos 20 esclaves. N'est-ce pas un rare destin d'etre comme une deesse toute petite servie par des geants ? d'etre la reine unique — mignonne comme vous etes — des forets et des montagnes, des torrents et des grands lacs, des aigles et des lions ? 25 La princesse etait un peu emue en entendant ces paroles. Elle frissonnait, et cependant etait joyeuse, comme un roitelet qui, serre dans le creux d'une large main, sentirait que cette main l'adore et que c'est lui qui tient captif l'oiseleur enorme. 30 Mais Poucet, blotti dans un pli de la robe de Mimi, lui disait de sa grele voix de cristal : — Prenez-moi : je tiens si peu de place ! Petit comme je suis, vous aurez le plaisir de songer que vous pouvez LES AMOUREUX DE LA PRINCESSE MIMI. 21 faire de moi tout ce qu'il vous plaira. J'aurai de l'esprit pour vous aimer. Je saurai vous le dire de cent faqons diverses ; et, selon que vous serez triste ou gaie, vive ou languissante, selon l'heure du jour et la saison de l'annee, je saurai accommoder mes paroles et mes5 caresses au desir secret de votre coeur. Et j'aurai mille artifices pour vous divertir. Je vous entourerai de tout ce que l'industrie des hommes a invente pour l'agrement de la vie. Yous n'aurez sous les yeux que des objets elegants ; vous jouirez des belles etoffes, des statues bien 10 ciselees, des joyaux et des parfums. Je vous conterai des histoires et je vous ferai donner la comedie par des histrions ingenieux. Je sais chanter, jouer de la man- doline et composer des vers. II est plus beau d'exprimer harmonieusement les choses vues et senties que d'en- 15 jamber les torrents ; plus difficile de dompter les mots que de dompter les lions ; plus rare d'embellir la vie par la grace de l'esprit que d'exercer les muscles de son corps. ... Et la princesse Mimi revait en souriant, comme si ce20 discours l'eut delicieusement bercee. Un matin elle dit a ses deux soupirants : — Faites-moi des vers, je vous prie. Le prince Poucet se recueillit un moment, puis recita ?es vers, petits comme lui-meme : 25 Bien qu'etant prince (Chacun le sail), Je suis fort mince, J'ai nom Poucet. Corps minuscule, 30 Gros comme rien, Ne suis Hercule : M'en moque bien I 22 LECTUKES FRANgAlSES. La gouttelette, Sur l'eglantier, Humble, reflete Le ciel entier. 5 Et mille roses (Une moisson !) Vivent encloses Dans un flacon. J'ai (mais qu'importe?) 10 Corps frele et court. En moi je porte Si grand amour ! t — Charmant ! exquis ! dit la princesse. Et elle se sentit fiere d'etre aimee d'un petit homme 15 qui enchainait les mots avec tant de facilite. — Bah ! dit Polypheme, cela ne doit pas etre bien difficile de faire d'aussi petits vers. — Essayez ! dit Poucet. Le geant essaya toute la journee. II ne trouvait rien. 20 Par moments, de son poing ferme il se frappait le front avec colere ; mais cela n'en faisait rien sortir. II s'etonnait et s'irritait d'etre impuissant a exprimer ce qu'il sentait si vivement. Cela lui semblait injuste. II demeurait immobile, la bouche entr'ouverte et l'ceil 25 vague. . . . Enfin, vers le soir, il s'avisa qu'amour rimait avec jour. Quelques heures apres, il vint dire a Mimi : — J'ai trouve ! — Voyons ! dit la princesse. 30 — Voici, dit le geant : Vous etes belle comme le jour, Et je vous assure que j'ai pour vous beaucoup d 'amour. La princesse eclata de rire. LES AMOUREUX DE LA PRINCESSE MIMI. 23 — Est-ce que ces vers ne sont pas bons ? demanda Poly ph erne. Poucet triomphait. — Ce n'etait pourtant pas malaise ! fit-il. Vous n'aviez qu'a dire : 5 Vous etes bien petite, 6 ma princesse blonde : Mais votre petitesse emplit pour moi le monde 1 Ou bien : Je suis un bon geant tres fou, Qui meurs d'amour pour un joujou. 10 Ou encore : O petite, petite fille, Qui m'as perce d'un trait vainqueur, Toi qui me viens a la cheville, Comment done as-tu fait pour atteindre mon coeur ? 15 Ou, si vous le preferez : Je m'en vais en deux mots vous raconter la chose : II etait un grand chene amoureux d'une rose. — Adorable ! dit la princesse. Mais elle vit dans l'ceil du geant une larme grosse20 comme un ceuf ; et il avait Fair si malheureux qu'elle eut pitie de lui. Et en meme temps il lui parut que Poucet montrait trop de satisfaction de sa propre ha- bilete et que cela etait de mauvais gout. Elle fut d'autant plus touchee de la douceur et de la naivete de Poly- 25 pheme : — Apres tout, se dit-elle, il pourrait ecraser son rival d'une chiquenaude, ou simplement le mettre dans sa poche. Moi-meme, bien que je sois plus grande que Poucet, il pourrait m'emporter sous son bras et faire de 30 moi ce qu'il voudrait. II faut qu'il soit tres bon, puis- qu'il ne fait rien de tout cela. Et elle dit a Polypheme : 24 LECTURES FRANQAISES. — Ne vous desolez pas, mon ami. Vos vers ne sont pas tres bons ; mais le coeur y est, et, apres tout, ils disent l'essentiel. — Mais, fit Poucet, ce ne sont pas des vers : car le 5 premier a neuf syllabes, et le second en a quatorze et n'a pas de cesure. — Ce sont done, dit la princesse, des vers de poete decadent. Taisez-vous, prince Poucet ! Le palais de la princesse Mimi etait entoure d'un 10 grand pare que traversait un grand fleuve bleu. Au milieu du fleuve, sur un ilot pareil a un bouquet, s'ele- vait un pavilion de fines porcelaines coloriees, avec des vitraux faits de pierres precieuses reunies par des ner- vures d'argent. L'architecte subtil avait donne a ce 15 pavilion la forme et l'aspect d'une immense tulipe. La princesse avait coutume d'y passer de longues heures, pour la joie de se sentir suspendue entre l'azur du fleuve et l'azur du ciel. Un jour qu'elle etait la, a demi couchee, revant a 20demi, les yeux mi-clos et chantant a mi-voix de petites chansons melancoliques, elle ne s'aperqut pas que le fleuve montait autour d'elle. Enfin le grondement des vagues la tira de son demi-sommeil, et, ouvrant la fenetre, elle vit que le pont qui conduisait a l'ilot etait 25 submerge et que bientot Feau entrerait dans le pavilion. Elle eut peur et cria. Sur la rive, le roi son pere, la reine Cendrillon sa mere et le prince Poucet se desesperaient et, tous trois ensemble, levaient les bras au ciel. Tout a coup Poly- 30pheme apparut. II entra dans le fleuve, et l'eau lui venait a peine a la ceinture. En trois enjambees il arriva au pavilion, saisit delicatement la princesse et la rapporta sur le bord. LES AMOUREUX DE LA PRINCESSE MIMI. 25 — Oh ! se dit Mimi, que c'est beau d'etre grand et fort ! Et que c'est doux de se sentir ainsi protegee ! Avec lui je pourrais dormir tranquille et je n'aurais jamais ni frayeur ni souci. Je crois bien que c'est lui que je choisirai. 5 Elle sourit au geant, et le sourire de cette petite bouche secoua tout entier d'un frisson de plaisir le vaste corps de Polypheme. Le jour suivant, elle vit Poucet si triste que, pour le consoler, elle lui proposa de faire avec elle une belle 10 promenade dans les champs. Elle le tenait par la main et elle faisait semblant d'etre languissante pour ne pas marcher trop vite et pour ne pas fatiguer son compagnon. lis rencontrerent un troupeau de moutons. Et, comme 15 Poucet portait ce jour-la un pourpoint de satin cerise, un belier, a qui cette couleur deplaisait, se detacha du troupeau et, les cornes baissees, fondit tout droit sur le petit prince. Poucet, qui avait beaucoup d'amour-propre, fit bonne 20 contenance bien qu'il eut grand'peur. Mais, au moment ou le belier allait l'atteindre, la princesse Mimi prit Poucet dans ses bras et, en m§me temps, elle fut assez adroite pour ouvrir son ombrelle au nez du belier, qui s'arreta de surprise et presque aussitot rebroussa chemin. 25 — II fait bien de s'en aller, dit Poucet. Je n'avais pas peur de lui, et vous avez vu, princesse, comme je m'appretais a le recevoir. — Oui, petit prince, je sais que vous etes brave, dit Mimi. 30 Et elle songeait : — Oh ! que c'est bon de proteger plus faible que soi ! Certainement on doit finir par aimer ceux a qui on est 26 LECTURES FKANQAISES. utile, surtout quand ils sont jolis et fins comme ce petit homme. Le lendemain, Poucet offrit a la princesse une petite rose presque encore en bouton, mais telle que jamais 5 rose ne fut d'un rose si tendre et n'eut parfum plus delicat. Mimi prit la fleur en disant : — Merci, mon cher petit prince. - Elle portait ce jour-la une robe a reflets changeants 10 qui semblait faite du m§me tissu que l'aile des libellules. — Ah ! dit Poucet, que vous avez une belle robe ! — N'est-ce pas ? dit Mimi. Et voyez comme votre rose fait bien sur mon corsage. — Une rose ! songea Polypheme, qu'est-ce que cela ? 15 Je vais lui montrer, moi, quels bouquets je puis offrir. II s'en alia dans les Indes ; il y decouvrit un grand arbre tout fleuri de fleurs eclatantes, grandes comme des cloches de cathedrale ; et l'ayant arrache, il l'apporta a Mimi d'un air de triomphe. 20 — II est fort beau, dit la princesse en riant. Mais que voulez-vous que j'en fasse, mon cher prince ? Je ne puis le mettre a mon corsage ni dans mes cheveux. Le bon geant, tout honteux, ne sut que dire. Comme il baissait les yeux, il s'apercut que le prince Poucet 25 portait un habit de la meme etoffe que la robe de la princesse. — Oh ! fit-il. — Oui, repondit-elle, je lui ai fait faire ce bel habit avec un petit morceau qui restait de ma robe. Je ne 30 pouvais vous Foffrir a vous, car il n'y aurait pas eu de quoi vous faire seulement un noeud de cravate. Et, se tournant vers le roi : — Puisque l'heure est venue de me prononcer, mon LES AMOUREUX DE LA PRINCESSE MIMI. 27 pere, c'est le prince Poucet que je prends pour mari. Le prince Polypheme me pardonnera. J'ai beaucoup d'estime pour lui, et je compatis a sa peine. Le geant poussa un soupir dont tout le palais trembla ; puis, comme il etait honnete homme, il tendit loyalement 5 a Poucet sa vaste main, ou celle du petit prince vint s'engloutir. — Rendez-la heureuse, lui dit-il. Le jour du mariage, la princesse Mimi n'etait ni triste ni gaie : car elle avait sans doute de l'amitie pour 10 Poucet, mais elle ne l'aimait point d'amour. Au moment ou le cortege partait pour l'eglise, on annonqa que le prince Charmant, qui etait en voyage depuis plusieurs annees, venait d'arriver et qu'ii assis- terait a la ceremonie. 15 Le prince Charmant parut. II etait un peu plus grand que la princesse, beau, de haute mine, et tout plein d'esprit. Bref, le prince Charmant etait charmant. La princesse ne l'avait jamais vu, et meme n'avait jamais entendu parler de lui. Mais, aussitot qu'il se20 presenta, elle devint toute pale, puis toute rouge, et elle dit ces mots comme malgre elle : Prince Charmant, je vous attendais. Je vous aime et je sens bien que vous m'aimez. Mais j'ai engage ma foi a ce pauvre petit homme et ne puis la reprendre. 25 Ce disant, elle faillit tomber en pamoison. Polypheme se pencha sur Poucet : — Petit prince, ce que j'ai fait, n'aurez-vous pas le courage de le faire ? — Mais, je l'aime ! dit Poucet. 30 — C'est justement pour cela, dit le bon ge'ant. — Madame, dit Poucet a la princesse Mimi, ce bon geant a raison. Je vous aime trop pour vous posseder 28 LECTURES FRANQAISES. contre votre gre. Nous n'avions pas prevu l'arrive'e du prince Charmant. ^pousez-le, puisque vous Paimez. La princesse Mimi, dans un elan de joie, enleva de terre le petit prince et l'embrassa sur les deux joues en 5 disant : — Ah ! que c'est gentil, ce que vous faites la ! Poucet pleura et dit : — Cela est plus cruel que tout le reste. — Viens, pauvre petit prince, dit Polypheme. Tu me lOraconteras ton chagrin. Nous parlerons d'elle tous les jours, et nous veillerons sur elle, de loin. II prit Poucet sur son epaule, et bientot tous deux disparurent a l'horizon. Jules Lemaitre. NANNA. " Le not grossit, le ciel est noir, 15 Pietro, pourquoi partir ce soir ? " Lui dit sa mere ; " L'an dernier, j'eus beau Favertir, Ton frere aussi voulut partir, Ton pauvre frere ! " 20 Pietro sautant Dans sa nacelle, Qui fuit loin d'elle, Dit en partant : " Nanna m'appelle, 25 Elle est si belle, Je l'aime tant ! " NANNA. 29 La mauve blanche au cri plaintif Disait en volant sur l'esquif : " Pecheur, arrete ! Le nid qui m'avait tant coute, De ce roc vient d'etre emporte 5 Par la tempete ! " Pietro, luttant, Avec courage Contre Forage Allait chantant : 10 " Nanna m'appelle, Elle est si belle, Je l'aime tant ! " Un sourd murmure, au bruit des flots, De temps en temps melait ces mots : 15 " Pietro, mon frere, Avant que ton heure ait sonne, Pour l'ame de ton frere aine, Une priere ! " Pietro, pourtant, 20 Croit se meprendre Et sans l'entendre II va chantant : " Nanna m'appelle, Elle est si belle, 25 Je l'aime tant ! " Enfm il a touche les bords ; Mais l'airain sonnait pour les morts Sur la tourelle. " Pour qui done priez-vous, pecheurs ? " 30 L'un d'eux en etouffant ses pleurs Dit : " e'est pour elle ! " 30 LECTURES FRANQAISES. Pietro Pentend, Palit, soupire Et puis expire En repetant : " Nanna m'appelle, Elle est si belle, Je l'aime tant ! " Casimir Delavigne. LE PACHA BEKGER. CONTE TURC. Il y avait une fois a Bagdad un pacha fort aime du sultan, fort redoute de ses sujets. Ali (c'etait le nom 10 de notre homme) etait un vrai musulman, un Turc de la vieille roche. Des que l'aube du jour permettait de distinguer un fil blanc d'un fil noir, il etendait un tapis a terre, et, le visage tourne vers la Mecque, il faisait pieusement ses ablutions et ses prieres. Ses devotions 15 achevees, deux esclaves noirs, vetus d'ecarlate, lui ap- portaient la pipe et le cafe. Ali s'installait sur un divan, les jambes croisees, et restait ainsi tout le long du jour. Boire a petits coups du cafe d'Arabie, noir, amer et brulant, fumer lentement du tabac de 20 Smyrne dans un long narghile, dormir, ne rien faire et penser moins encore, c'etait la sa fagon de gouverner. Chaque mois, il est vrai, un ordre venu de Stamboul lui enjoignait d'envoyer au tresor imperial un million de piastres, l'impot du pachalick ; ce jour-la, le bon Ali, 25 sortant de sa quietude ordinaire, appelait devant lui les plus riches marchands de Bagdad et leur demandait LE PACHA BERGER. 31 poliment deux millions de piastres. Les pauvres gens levaient les mains au ciel, se frappaient la poitrine, s'arrachaient la barbe et juraient en pleurant qu'ils n'avaient pas un para ; ils imploraient la pitie du pacha, la misericorde du sultan. Sur quoi Ali, sans cesser de 5 prendre son cafe, les faisait batonner sur la plante des pieds jusqu'a ce qu'on lui apportat cet argent qui n'exis- tait pas, et qu'on finissait toujours par trouver quelque part. La somme comptee, le fidele administrateur en envoyait la moitie au sultan et jetait l'autre moitie dans 10 ses coffres, puis il se remettait a fumer. Quelquefois, malgre sa patience, il se plaignait, ce jour-la, des soucis de la grandeur et des fatigues du pouvoir ; mais, le len- demain, il n'y pensait plus, et le mois suivant il levait l'impot avec le meme calnie et le meme desinteresse- 15 ment. C'etait le modele des pachas. Apres la pipe, le cafe et l'argent, ce qu'Ali aimait le mieux, c'etait sa fille, Charme-des-Yeux. II avait raison . de l'aimer, car dans sa fille, comme dans un vivant miroir, Ali se revoyait avec toutes ses vertus. Aussi20 nonchalante que belle, Charme-des-Yeux ne pouvait faire un pas sans avoir aupres d'elle trois femmes toujours pretes a la servir : une esclave blanche avait soin de sa coiffure et de sa toilette, une esclave jaune lui te- nait le miroir ou l'eventail, une esclave noire l'amusait 25 par ses grimaces et recevait ses caresses ou ses coups. Chaque matin, la fille du pacha sortait dans un grand chariot traine par des bceufs ; elle passait trois heures au bain, et usait le reste du temps en visites, occupee a manger des confitures de roses, a boire des sorbets a la 30 grenade, a regarder des danseuses, a se moquer de ses bonnes amies. Apres une journee si bien remplie, elle rentrait au palais, embrassait son pere et dormait sans 32 LECTURES FRANQAISES. rever. Lire, reflechir, broder, faire de la musique, ce sont la des fatigues que Charme-des-Yeux avait soin de laisser a ses servantes. Quand on est belle, jeune, riche et fille de pacha, on est nee pour s'amuser, et qu'y a-t-il 5de plus amusant et de plus glorieux que de ne rien faire ? C'est ainsi que raisonnent les Turcs ; mais com- bien de Chretiens qui sont Turcs a cet endroit ! II n'y a point ici-bas de bonheur sans melange ; autre- ment la terre ferait oublier le ciel. Ali en fit l'experi- 10 ence. Un jour d'impot, le vigilant pacha, moins eveille que de coutume, fit batonner par megarde un grec, pro- tege de l'Angleterre. Le battu cria : c'etait son droit; mais le consul anglais, qui avait mal dormi, cria plus fort que le battu, et l'Angleterre, qui ne dort jamais, 15 cria plus fort que le consul. On hurla dans les jour- naux, on vocifera au parlement, on montra le poing a Constantinople. Tant de bruit pour si peu de chose fatigua le sultan, et, ne pouvant se debarrasser de sa fidele alliee, dont il avait peur, il voulut au moins 20 se debarrasser du pacha, cause innocente de tout ce vacarme. La premiere idee de Sa Hautesse fut de faire etrangler son ancien ami ; mais Elle reflechit que le supplice d'un musulman donnerait trop d'orgueil et trop de joie a 3es chiens de Chretiens qui aboient tou- 25 jours. Aussi, dans son inepuisable clemence, le com- mandeur des croyants se contenta-t-il d'ordonner qu'on jetat le pacha sur quelque plage deserte, et qu'on l'y laissat mourir de faim. Par bonheur pour Ali, son successeur et son juge etait 30 un vieux pacha, chez qui Page temperait le zele, et qui savait par experience que la volonte des sultans n'est immuable que dans l'almanach. II se dit qu'un jour Sa Hautesse pourrait regretter un ancien ami, et qu'alors LE PACHA BERGER. 33 Elle lui saurait gre d'une clemence qui ne lui coutait rien. II se fit amener en secret Ali et sa fille, leur donna des habits d'esclave et quelques piastres, et les prevint que, si le lendemain on les retrouvait dans le pachalick, ou si jamais on entendait prononcer leur nom, il les 5 ferait etrangler ou decapiter, a leur choix. Ali le re- mercia de tant de bonte ; une heure apres, il etait parti avec une caravane qui gagnait la Syrie. Des le soir on proclama dans les rues de Bagdad la chute et l'exil du pacha ; ce fut une ivresse universelle. De toutes parts 10 on celebrait la justice et la vigilance du sultan, qui avait toujours l'oeil ouvert sur les miseres de ses enfants. Aussi le mois suivant, quand le nouveau pacha, qui avait la main un peu lourde, demanda deux millions et demi de piastres, le bon peuple de Bagdad paya-t-il sans 15 compter, trop heureux d'avoir enfin echappe aux serres du brigand qui, durant tant d'annees, l'avait pille im- punement. Sauver sa tete est une bonne chose, mais ce n'est pas tout : il f aut vivre, et c'est une besogne assez difficile pour 20 un homme habitue a compter sur le travail et l'argent d'autrui. En arrivant a Damas, Ali se trouva sans res- sources. Inconnu, sans amis, sans parents, il mourait de faim, et, douleur plus grande pour un pere ! il voyait sa fille palir et deperir aupres de lui. Que faire en 25 cette extremite ? Tendre la main ? Cela etait indigne d'un personnage qui, la veille encore, avait un peuple a ses genoux. Travailler? Ali avait toujours vecu noblement, il ne savait rien faire. Tout son secret, quand il avait besoin d'argent, c'etait de faire batonner 30 les gens ; mais pour exercer en paix cette industrie re- spectable, il faut etre pacha et avoir un privilege du sul- tan. Faire ce metier en amateur, a ses risques et perils, 84 LECTURES FRANgAISES. c'etait s'exposer a, etre pendu comme voleur de grand chemin. Les pachas n'aiment pas la concurrence, Ali en savait quelque chose : la plus belle action de sa vie, c'etait d'avoir fait etrangler de temps a autre quelque => petit larron qui avait . eu la sottise de chasser sur les terres des grands. Un jour qu'il n'avait pas mange, et que Charme-des- Yeux, epuisee par le jeune, n'avait pu quitter la natte ou elle etait couchee, Ali, rodant par les rues de Damas, 10 comme un loup aflame, aperqut des hommes qui char- geaient des cruches d'huile sur leur tete et les portaient a un magasin peu eloigne. A l'entree du magasin etait un commis qui payait a chaque porteur un para par voyage. La vue de cette petite piece de cuivre fit tres- is saillir l'ancien pacha. II se mit a la file, et, montant un etroit escalier, requt en charge une enorme Jarre, qu'il avait grand'peihe a tenir en equilibre sur sa tete, meme en y portant les deux mains. Le cou ramasse, les epaules relevees, le front tendu, 20 Ali descendait pas a pas, quand, a la troisieme marche, il sentit que son fardeau penchait en avant. II se rejette en arriere, le pied lui glisse, il roule jusqu'au bas de l'escalier, suivi de la jarre brisee en eclats et des flots d'huile qui l'inondent. II se relevait tout honteux, quand 25 il se sentit pris au collet par le commis de la maison. — Maladroit, lui dit ce dernier, paye-moi vite cin- quante piastres pour reparer ta sottise, et sors d'ici ! Quand on ne sait pas un metier, on ne s'en mele pas. — Cinquante piastres ! dit Ali en souriant avec amer- 30 tume. Ou voulez-vous que je les prenne ? Je n'ai pas un para. — Si tu ne payes pas avec ta bourse, tu payeras avec ta peau, reprit le commis. LE PACHA BERGER. 35 Et, sur un signe de cet homme, Ali, saisi par quatre bras vigoureux, fut jete a terre, ses pieds passes entre deux cordes, et la, dans une attitude ou il n'avait que trop' souvent mis les autres, il recjit sur la plante des pieds cinquante coups de baton aussi vertement ap-5 pliques que si un pacha exit preside a l'execution. II se releva sanglant et boiteux des deux jambes, s'en- veloppa les pieds de quelques haillons et se traina vers sa maison en soupirant. — Dieu est grand, murmurait-il ; il est juste que je 10 souffre ce que j'ai fait souffrir. Mais les marchands de Bagdad que je faisais batonner etaient plus heureux que moi : ils avaient des amis qui payaient pour eux, et moi je meurs de faim, et j'en suis pour mes coups de baton. II se trompait : une bonne femme qui, par hasard ou 15 par curiosite, avait vu sa mesaventure, le prit en pitie. Elle lui donna de l'huile pour panser ses blessures, un petit sac de farine et quelques poignees de lupins pour vivre en attendant la guerison, et ce soir-la meme, pour la premiere fois depuis sa chute, Ali put dormir sans 20 s'inquieter du lendemain. Rien n'aiguise l'esprit comme la maladie et la soli- tude. Dans sa retraite forcee, Ali eut une idee lumi- neuse. " J'ai ete un sot, pensa-t-il, de prendre le metier de portefaix : un pacha n'a pas la tete forte ; c'est aux 25 boeufs qu'il faut laisser cet honneur. Ce qui distingue les gens de ma condition, c'est l'adresse, c'est la legerete des mains ; j'etais un chasseur sans pareil ; de plus, je sais comment on flatte et l'on ment ; je m'y connais, j'etais pacha: choisissons un etat ou je puisse etonner30 le monde par ces brillantes qualites et conquerir rapide- ment une honnete fortune." Sur ces reflexions, Ali se fit barbier. 36 LECTURES FRANQAISES. Les premiers jours tout alia bien ; le patron du nou- veau barbier lui faisait tirer de l'eau, laver la boutique, secouer les nattes, ranger les ustensiles, servir le cafe et les pipes aux habitues. Ali se tirait a merveille de ces 5fonctions delicates. Si, par hasard, on lui confiait la tete de quelque paysan de la montagne, un coup de rasoir donne a travers passait inapergu. Mais un matin, en l'absence du patron, il entra dans la boutique un grand personnage dont la vue seule etait faite pour in- 10 timider le pauvre Ali. C'etait le bouffon du pacha, un horrible petit bossu qui avait la tete en citrouille, avec les longues pattes velues, l'oeil inquiet et les dents d'un singe. Tandis qu'on lui versait sur le crane les flots d'une mousse odorante, le bouffon, renverse sur son 15 siege, s'amusait a pincer le nouveau barbier, a lui rire au nez, a lui tirer la langue. Deux fois, il lui fit tomber des mains le bassin de savon, ce qui deux fois le mit en telle joie qu'il lui jeta quatre paras. Cependant le pru- dent Ali ne perdait rien de son serieux ; tout entier au 20soin d'une tete si chere, il faisait marcher son rasoir avec une regularity, avec une legerete admirables, quand tout a coup le bossu fit une grimace si hideuse et poussa un tel cri, que le barbier, effraye, retira brusquement la main, emportant au bout de son rasoir la moitie d'une 25 oreille, et ce n'etait pas la sienne. Les bouffons aiment a rire, mais c'est aux depens d'autrui. II n'y a pas de gens qui aient l'epiderme plus sensible que ceux qui daubent sur la peau de leurs voisins. Tomber a coups de poing sur Ali et l'etrangler 30 tout en criant a l'assassin, ce fut pour le bossu l'affaire d'un instant. Par bonheur pour Ali, l'entaille etait si forte, qu'il fallut bien que le blesse songeat a son oreille, d'ou jaillissait un flot de sang. Ali saisit ce moment LE PACHA BERGER. 37 favorable et se mit a fuir dans les ruelles de Damas avec la legerete d'un homme qui n'ignore pas que, s'il est pris, il est pendu. Apres mille detours, il se cacha dans une cave ruinee, et n'osa regagner sa demeure qu'au milieu des tenebres 5 et du silence de la nuit. Hester a Damas apres un tel accident, c'etait une mort certaine ; Ali n'eut pas de peine a convaincre sa fille qu'il fallait partir, et sur l'heure. Leur bagage ne les genait guere ; avant l'aurore ils avaient gagne la montagne. Trois jours 10 durant, ils marcherent sans s'arreter, n'ayant pour vivre que quelques figues derobees aux arbres du chemin, avec un peu d'eau trouvee a grand'peine au fond des ravines dessechees. Mais toute misere a sa douceur, et il est vrai de dire qu'au temps de leur splendeur, jamais le pacha 15 ni sa fille n'avaient bu ni mange de meilleur appetit. A leur derniere etape, les fugitifs furent accueillis 2>ar un brave paysan qui pratiquait largement la sainte loi de l'hospitalite. Apres souper, il fit causer Ali, et, le voyant sans ressources, il lui offrit de le prendre 20 pour berger. Conduire a la montagne une vingtaine de chevres, suivies d'une cinquantaine de brebis, ce n'etait pas un metier difficile ; deux bons chiens faisaient le plus fort de la besogne ; on ne courait pas risque d'etre battu pour sa maladresse, on avait a discretion le lait et 25 le f romage, et si le fermier ne donnait pas un para, du moins il permettait a Charme-des-Yeux de prendre au- tant de laine qu'elle en pourrait filer pour les habits de son pere et les siens. Ali, qui n'avait que le choix de mourir de faim ou d'etre pendu, se decida, sans trop de 30 peine, a mener la vie des patriarches. Des le lendemain, il s'enfonqa dans la montagne avec sa fille, ses chiens et son troupeau. 38 LECTURES FRANQAISES. Une fois aux champs, Ali retomba dans son indo- lence. Couche sur le dos et fumant sa pipe, il passait le temps a regarder les oiseaux qui tournaient dans le ciel. La pauvre Charme-des- Yeux etait moins patiente : 5elle songeait a Bagdad, et sa quenouille ne lui faisait point oublier les doux loisirs d'autrefois. II y avait plus d'un an qu'Ali menait cette heureusc vie dans la solitude quand, un matin, le fils du pacha de Damas alia chasser dans la montagne. En poursuivant 10 un oiseau blesse, il s'etait egare ; seul et loin de sa suite, il cherchait a retrouver son chemin en descendant le cours d'un ruisseau, quand, au detour d'un rocher, il aperqut en face de lui une jeune fille qui, assise sur l'herbe et les pieds dans l'eau, tressait sa longue cheve- 15 lure. A la vue de cette belle creature, Yousouf poussa un cri. Charme-des- Yeux leva la tete. Effrayee de voir un etranger, elle s'enfuit aupres de son pere et dis- parut aux regards du prince etonne. — Qu'est cela ? pensa Yousouf. La fleur de la mon- 20tagne est plus fraiche que la rose de nos jardins ; cette fille du desert est plus belle que nos sultanes. Voici la femme que j'ai revee. II courut sur les traces de l'inconnue aussi vite que le permettaient les pierres qui glissaient sous ses pieds. 25 II trouva enfin Charme-des -Yeux occupee a traire les brebis, tandis qu'Ali appelait a lui les chiens, dont les aboiements furieux denonqaient l'approche d'un etran- ger. Yousouf se plaignit d'etre egare et de mourir de soif. Charme-des- Yeux lui apporta aussitot du lait dans 30 un grand vase de terre ; il but lentement, sans rien dire, en regardant le pere et la fille, puis enfin il se decida a demander son chemin. Ali, suivi de ses deux chiens, conduisit le chasseur jusqu'au bas de la montagne et LE PACHA BERGER. 39 revint tout tremblant. L'inconnu lui avait donne une piece d'or : c'etait done un officier du sultan, un pacha peut-etre ? Pour Ali, qui jugeait avec ses propres sou- venirs, un pacha etait un homme qui ne pouvait que faire le mal, et dont l'amitie n'etait pas moins redoutable 5 que la haine. En arrivant a Damas, Yousouf courut se jeter au cou de sa mere. II fit un portrait merveilleux de la belle inconnue, declara qu'il ne pouvait vivre sans elle, et qu'il voulait l'epouser des le lendemain. 10 — Un peu de patience, mon fils, lui repetait sa mere ; laisse-nous savoir quel est ce miracle de beaute ; apres cela, nous deciderons ton pere, et nous le ferons consen- tir a cette heureuse union. Quand le pacha connut la passion de son fils, il com- 15 menca par se recrier et finit par se mettre en colere. Manquait-il a Damas de filles riches et bien faites, pour qu'il fut necessaire d'aller chercher au desert une gar- deuse de moutons ? Jamais il ne donnerait les mains a ce triste mariage, jamais ! 20 Jamais est un mot qu'un homme prudent ne doit point prononcer dans son menage, quand il a contre lui sa f emme et son fils. Huit jours n'etaient pas ecoules que le pacha, emu par les larmes de la mere, par la paleur et le silence du fils, en arrivait de guerre lasse a ceder. Mais en homme 25 fort et qui s'estime a son juste prix, il declara hautement qu'il faisait une sottise et qu'il le savait. — Soit, dit-il, que mon fils epouse une bergere, et que sa folie retombe sur sa t§te ; je m'en lave les mains. Mais pour que rien ne manque a cette union ridicule, 30 qu'on appelle mon bouffon. C'est a lui seul qu'il appar- tient d'obtenir et d'amener ici cette miserable chevriere qui a jete un sort sur ma maison. 40 LECTURES FRANQAISES. Une heure apres, le bossu, monte sur un ane, gagnait la montagne, maudissant le caprice du pacha et les amours de Yousouf. Trois jours de fatigue n'avaient pas adouci l'humeur du bossu, quand il apercut Ali, Scouche a 1' ombre d'un caroubier, et plus occupe de sa pipe que de ses brebis. Le bouffon piqua son ane, et s'avanqa vers le berger avec la majeste d'un vizir. — Drole, lui dit-il, tu as ensorcele le fils du pacha ; il te fait l'honneur d'epouser ta fille. Decrasse au plus lOvite cette perle de la montagne, il faut que je l'emmene a Damas. Quant a toi, le pacha t'envoie cette bourse et t'ordonne de vider au plus tot le pays. Ali laissa tomber la bourse qu'on lui jetait, et, sans retourner la tete, demanda au bossu ce qu'il voulait. 15 — Bete brute, reprit ce dernier, ne m'as-tu pas en- tendu ? Le fils du pacha prend ta fille en mariage. — Qu'est-ce que fait le fils du pacha ? dit Ali. — Ce qu'il fait ? s'ecria le bouffon, en eclatant de rire. Double pecore que tu es, t'imagines-tu qu'un si 20 haut personnage soit un rustre de ton espece ? Ne sais- tu pas que le pacha partage avec le sultan la dime de la province, et que, sur les quarante brebis que tu gardes si mal, il y en a quatre qui lui appartiennent de droit, et trente-six qu'il peut prendre a sa volonte ? 25 — Je ne te parle point du pacha, reprit tranquille- ment Ali. Que Dieu protege Son Excellence ! Je te demande ce que fait son fils. Est-il armurier ? — Non, imbecile. — Forgeron ? 30 — Encore moins. — Charpentier ? — Non. — Chaufournier ? LE PACHA BERGER. 41 — Non, non. C'est un grand seigneur. Entends-tu, triple sot ! il n'y a que les gueux qui travaillent. Le fils du pacha est un noble personnage, ce qui veut dire qu'il a les mains blanches et qu'il ne fait rien. — Alors il n'aura pas ma fille, dit gravement le ber- 5 ger ; un menage coute cher, je ne donnerai jamais mon enfant a un mari qui ne peut pas nourrir sa femme. Mais peut-etre le fils du pacha a-t-il quelque metier moins rude. N'est-il point brodeur ? — Non, dit le bouffon, en haussant les epaules. 10 — Tailleur ? — Non. — Potier ? — Non. — Vannier ? 16 — Non. — II est done barbier ? — Non, dit le bossu, rouge de colere. Finis cette sotte plaisanterie, ou je te fais rouer de coups. Appelle ta fille ; je suis presse. 20 — Ma fille ne partira pas, repondit le berger. II siffla ses chiens, qui vinrent se ranger aupres de lui en grognant et en montrant des crocs qui ne parurent charmer que mediocrement l'envoye du pacha. Le bossu retourna sa monture, et menaqant du poing25 Ali qui retenait ses dogues au poil herisse : — Miserable ! lui cria-t-il, tu auras bientot de mes nouvelles; tu sauras ce qu'il en coute pour avoir une autre volonte que celle du pacha, ton maitre et le mien. Le bouffon rentra dans Damas avec sa moitie d'oreille 30 plus basse que de coutume. Heureusement pour lui, le pacha prit la chose du bon cote. C'etait un petit echec pour sa femme et son fils, pour lui c'etait un triomphe ; 42 LECTUKES FKANQA1SES. double succes qui chatouillait agreablement son or- gueil. — V raiment, dit-il, le bonhomme est encore plus f ou que mon fils; mais, rassure-toi, Yousouf, un pacha n'a 5 que sa parole. Je vais envoyer dans la montagne quatre cavaliers qui m'ameneront la fllle ; quant au pere, ne t'en embarrasse pas, je lui reserve un argument decisif. En disant cela, il fit gaiement un geste de la main, comme s'il coupait devant lui quelque chose qui le genait. 10 Sur un signe de sa mere, Yousouf se leva et supplia son pere de lui laisser l'ennui de mener a fin cette petite aventure. Sans doute le moyen propose etait irresistible. Mais Charme-des- Yeux avait peut-etre la faiblesse d' aimer le vieux berger, elle pleurerait ; et le pacha ne voudrait 15 pas attrister les premiers beaux jours d'un mariage. — Fort bien, dit le pacha. Tu veux avoir plus d'esprit que ton pere ; c'est l'usage des fils. Va done, et fais ce que tu voudras ; mais je te previens qu'a compter d'au- jourd'hui je ne me mele plus de tes affaires. 20 Ali requt Yousouf avec tout le respect qu'il devait au fils du pacha ; il le remercia, et en bons termes, de son honorable proposition ; mais sur le fond des choses il fut inexorable. Point de metier, point de mariage ; e'etait a prendre ou a laisser. Le jeune homme comptait que 25 Charme-des- Yeux viendrait a son secours ; mais Charme- des- Yeux etait invisible ; et il y avait une grande raison pour qu'elle ne desobeit pas a son pere, c'est que le pru- dent Ali ne lui avait pas dit un mot de mariage. Depuis la visite du bouffon il la tenait soigneusement enfermee 30 au logis. Le fils du pacha descendit de la montagne, la tete basse. Que faire ? Rentrer a Damas, pour y etre en butte aux railleries de son pere ? jamais Yousouf ne s'y resigne- LE PACHA BERGER. 43 rait. Perdre Charme-des-Yeux? plutot la mort. Faire changer d'avis a cet entete de vieux berger ? Yousouf ne pouvait Fesperer ; et il en venait presque a regretter de s'etre perdu par trop de bonte. Au milieu de ces tristes reflexions, il s'apercut que son 5 cheval, abandonne a lui-meme, l'avait egare. Yousouf se trouvait sur la lisiere d'un bois d'oliviers. Dans le loin- tain etait un village ; la fumee bleuatre montait au- dessus des toits ; on entendait Faboiement des chiens, le chant des ouvriers, le bruit de l'enclume et du marteau. 10 Une idee saisit Yousouf. Qui Fempechait d'apprendre un metier ? fitait-ce si difficile ? Charme-des- Yeux ne valait-elle pas tous les sacrifices ? Le jeune homme attacha a un olivier son cheval, ses armes, sa veste bro- dee, son turban. A la premiere maison il se plaignit 15 d'avoir ete depouille par les Bedouins, acheta un habit grossier, et, ainsi deguise, il alia de porte en porte s'orrrir comme apprenti. Yousouf avait si bonne mine que chacun l'accueillit a merveille ; mais les conditions qu'on ltd fit l'efrrayerent. 20 Le forgeron lui demandait deux ans pour Finstruire, le potier un an, le maqon six mois ; c'etait un siecle ! Le fils du pacha ne pouvait se resigner a cette longue servi- tude, quand une voix glapissante l'appela : — Hola, mon fils, lui criait-on, si tu es presse et si tu 25 n'as pas d'ambition, viens avec moi : en huit jours je te ferai gagner ta vie. Yousouf leva la tete. A quelques pas devant lui, etait assis sur un banc, les jambes croisees, un gros petit homme a la face rejouie : c'etait un vannier. II etait 30 entoure de brins de paille et de joncs, teints en toutes couleurs; d'une main agile il tressait des nattes, qu'il cousait ensuite pour en faire des paniers, des corbeilles, 44 LECTURES FRANQAISES. des tapis, des chapeaux varies de nuances et de dessin. C'etait un spectacle qui charmait les yeux. — Vous etes mon maitre, dit Yousouf, en prenant la main du vannier. Et si vous pouvez m'apprendre votre 5 metier en deux jours, je vous payerai largement votre pekie. Voici mes arrhes. Disant cela, il jeta deux pieces d'or a l'ouvrier ebahi. Un apprenti qui seme For a pleines mains, cela ne se voit pas tous les jours ; le vannier ne douta point qu'il 10 n'eut affaire a un prince deguise ; aussi fit-il merveille. Et comme son eleve ne manquait ni d'intelligence ni de bonne volonte, avant le soir il lui avait appris tous les secrets du metier. , — Mon fils, lui dit-il, ton education est faite, tu vas 15 juger toi-meme si ton maitre a gagne son argent. Voici le soleil qui se couche ; c'est l'heure ou chacun quitte son travail et passe devant ma porte. Prends cette natte que tu as tressee et cousue de tes mains, offre-la aux acheteurs. Ou je me trompe fort, ou tu peux en avoir 20 quatre paras. Pour un debut, c'est un joli denier. Le vannier ne se trompait pas ; le premier acheteur off rit trois paras, on lui en demanda cinq, et il ne fal- lut pas plus d'une heure de debats et de cris pour qu'il se decidat a en donner quatre. II tira sa longue bourse, 25 regarda plusieurs fois la natte, en fit la critique, et enfin se decida a compter ses quatre pieces de cuivre, l'une apres l'autre. Mais au lieu de prendre cette somme, Yousouf donna une piece d'or a l'acheteur, il en compta dix au vannier, et, s'emparant de son chef-d'oeuvre, il sor- 30 tit du village en courant comme un fou. Arrive pres de son cheval, il etendit la natte a terre, s'enveloppa la tete dans son burnous et dormit du sommeil le plus agite', et cependant le plus doux qu'il eut goute de sa vie. LE PACHA BERGER. 45 Au point du jour, quand Ali arriva au paturage avec ses brebis, il fut fort etonne de voir Yousouf installe avant lui sous le vieux caroubier. Des qu'il aperqut le berger, le jeune homme se leva, et prenant la natte sur laquelle il etait couche : 5 — Mon pere, lui dit-il, vous m'avez demande d'ap- prendre un metier ; je me suis fait instruire ; voici mon travail, examinez-le. — C'est un joli morceau, dit Ali ; si ce n'est pas encore tres bien tresse, c'est honnetement cousu. Qu'est-ce 10 qu'on peut gagner a faire par jour une natte comme celle-la ? — Q\mtre paras, dit Yousouf, et avec un peu d'habi- tude j'en ferai deux au moins dans une journee. — Soyons modeste, reprit Ali, la modestie convient au 15 talent qui commence.- Quatre paras par jour, ce n'est pas beaucoup ; mais quatre paras aujourd'hui et quatre paras demain, cela fait huit paras, et quatre paras apres- demain, cela fait douze paras. Enfin c'est un etat qui fait vivre son homme, et si j'avais eu l'esprit de l'ap-20 prendre quand j'etais pacha, je n'aurais pas ete reduit a me faire berger. Qui fut etonne de ces paroles ? ce fut Yousouf. Ali lui conta toute son histoire ; c'etait risquer sa tete, mais il faut pardonner un peu d'orgueil a un pere. En mariant 25 sa fille, Ali n'etait pas fache d'apprendre a son gendre que Charme-des- Yeux n'etait pas indigne de la main d'un fils de pacha. Ce jour-la on rentra les brebis avant l'heure. Yousouf « voulut remercier lui-meme l'honnete fermier qui avait30 requ le pauvre Ali et sa fille ; il lui donna une bourse pleine d'or, pour le recompenser de sa charite. Kien n'est liberal comme un homme heureux. Charme-des- 46 LECTURES FRANQAISES. Yeux, presentee au chasseur de la montagne, et prevenue des projets de Yousouf, declara que le premier devoir d'une fille etait d'obeir a son pere. En pareil cas, dit-on, les filles sont toujours obeissantes en Turquie. 5 Le soir meme, a la fraicheur de la nuit tombante, on se mit en route pour Damas. Les chevaux etaient legers, les cosurs plus legers encore, on allait comme le vent ; avant la fin du second jour, on etait arrive. Yousouf voulut presenter sa fiancee a sa mere. Quelle fut la joie 10 de la sultane, il n'est besoin de le dire. Apres les pre-, mieres caresses, elle ne put resister au plaisir de montrer a son epoux qu'elle avait plus d'esprit que lui, et se fit une joie de lui reveler la naissance de la belle Charme- des- Yeux. 15 — Par Allah ! s'ecria le pacha, en caressant sa longue barbe, vous imaginez-vous, madame, qu'on puisse sur- prendre un homme d'Etat tel que moi ? Aurais-je con- senti a cette union, si je n'avais connu ce secret qui vous etonne ? Apprenez qu'un pacha sait tout ! 20 Et sur l'heure il rentra dans son cabinet pour ecrire au sultan, afin qu'il ordonnat du sort d'Ali. II ne se souci- ait point de deplaire a Sa Hautesse pour les beaux yeux d'une famille proscrite. La jeunesse aime le roman dans la vie, mais le pacha etait un homme serieux, qui tenait 25 a vivre et a mourir pacha. Tous les sultans aiment les histoires, si l'on en croit les Mille et une Nuits. Le protecteur d'Ali n'avait pas degenere de ses ancetres ; il envoya tout expres un na- • vire en Syrie pour qu'on lui amenat a Constantinople 30 l'ancien gouverneur de Bagdad. Ali, revetu de ses hail- Ions, et sa houlette a la main, fut conduit au serail, et, devant une nombreuse audience, il eut la gloire d'amuser son maitre toute une apres-dinee. LE PACHA BERGER. 47 Quand Ali eut termine son recit, le sultan lui fit re- vetir une pelisse d'honneur. D'un pacha Sa Hautesse avait fait un berger ; Elle voulait maintenant etonner le monde par un nouveau miracle de sa toute-puissance, et d'un berger Elle refaisait un pacha. Mais Ali se jetaS aux pieds du sultan pour decliner un honneur qui ne le seduisait plus. II ne voulait pas, disait-il, courir le risque de deplaire une seconde fois au Maitre du monde, et demandait a vieillir dans l'obscurite, en benissant la main genereuse qui le retirait de l'abime oil il etaitlO justement tombe. — Dieu est grand, s'ecria le sultan, et nous garde chaque jour une surprise nouvelle. Depuis vingt ans que je regne, voici la premiere fois qu'un de mes sujets me demande a n'etre rien. Pour la rarete du fait, Ali, je 15 t'accorde ta priere ; tout ce que j'exige, c'est que tu ac- ceptes un don de mille bourses. Personne ne doit me quitter les mains vides. De re tour a Damas, Ali acheta un beau jardin, tout rempli d'oranges, de citrons, d'abricots, de prunes, de20 raisins. Becher, sarcler, greffer, tailler, arroser, c'etait la son plaisir; tous les soirs il se couchait le corps fa- tigue, l'ame tranquille ; tous les matins il se levait le corps dispos, le cceur leger. Charme-des-Yeux eut trois fils. Ce fut le vieil Ali 25 qui se chargea de les elever. A tous il enseigna le jar- dinage, a chacun d'eux il fit apprendre un metier diffe- rent. Pour graver dans leur coeur la verite qu'il n'avait comprise que dans l'exil, Ali avait fait mouler sur les murs de sa maison et de son jardin les plus beaux pas- 30 sages du Coran, et au-dessous il avait place ces maximes de sagesse que le Prophete lui-meme n'eut pas desavouees : Le travail est le seul tresor qui ne manque jamais. Use 48 LECTURES FRANQAISES. tes mains au travail, tu ne les tendras jamais a, Vaumone. Quand tu sauras ce quHl en coute pour gagner un para, tu respecteras le Men et la peine d'autrui. Le travail donne sante, sag esse et joie. Travail et ennui n^ont jamais habit e bsous le meme toit.. &D0UARD LABOULAYE. LA CIGALE ET LA FOURMI. La cigale ayant chante Tout Fete, Se trouva fort depourvue Quand la bise fut venue : 10 Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau ! Elle alia crier famine Chez la fourmi sa voisine, La priant de lui preter 16 Quelque grain pour subsister Jusqu' a la saison nouvelle. Je vous payerai, lui dit-elle, Avant Tout, foi d'animal, Interet et principal. 20 La fourmi n'est pas preteuse : C'est la son moindre defaut. Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle a cette emprunteuse. — Nuit et jour a tout venant 25 Je chantais, ne vous deplaise. — Vous chantiez ! . J'en suis fort aise. Eh bien! dansez maintenant. La Fontaine. LA CHAPELLE BLANCHE. 49 LA CHAPELLE BLANCHE. — Dis encore, Suzon, comme c'est beau, la messe de minuit ; dis encore ! C'etait la veille de Noel. Les parents de Pierrot venaient de rentrer des champs; la femme trayait les •vaches, l'homme rangeait ses outils dans la grange, et5 Pierrot, en attendant le souper, etait assis sur son petit escabeau, au coin de la grande cheminee de la cuisine, en face de sa soeur Suzon. II tendait ses mains a la flamme petillante et claire ; et ses mains et sa figure ronde etaient toutes roses, et 10 ses cheveux etaient couleur d'or. Suzon, tres grave, tricotait un bas de laine bleue. Sur le grand feu de sarments la marmite chantait, et le couvercle laissait echapper un peu de vapeur blanche qui sentait les choux. 15 — Dis encore, Suzon, comme c'est beau. — Oh ! fit Suzon, il y # a des cierges tant et tant, qu'on se croirait en paradis. ... Et puis on chante des can- tiques si jolis, si jolis ! . . . Et puis, il y a l'enfant Jesus, habille de belles hardes, oh ! belles ! . . . et 20 couche sur la paille ; et la sainte Vierge en robe bleue, et saint Joseph avec son rabot, tout en rouge ; et puis les bergers avec beaucoup de moutons. ... Et puis Fane et la vache, et puis les rois Mages en habits de soldat, avec de grandes barbes . . . , et ils apportent a 25 l'enfant Jesus des choses ... ah ! des choses ! . . . Et puis les bergers lui apportent du boudin. Et alors les bergers, et les rois Mages, et Monsieur le cure', et l'&ne et la vache, et les enfants de choeur et les moutons de- mandent a l'enfant Jdsus sa benediction. ... Et puis, il 30 50 LECTURES FRANQAISEIS. y a des anges qui apportent des etoiles a l'enfant Jesus. . . . Suzon avait ete 1' autre annee a la messe de minuit et peut-etre croyait-elle y avoir vu tout cela. Pierrot 5 Pecoutait d'un air de ravissement, et, quand elle eut fini : — Je veux aller a la messe de minuit, dit l'enfant. — Tu es trop petit, fit la mere qui entrait. Tu iras quand tu seras grand, comme Suzon. — Je veux ! dit Pierrot en fronqant les sourcils. 10 — Mais, mon pauvre petit gars, l'eglise est trop loin, et il neige dehors. Si tu es sage et si tu dors bien, tu entendras la messe de minuit, sans sortir de ton lit, dans la chapelle blanche. — Je veux ! repeta Pierrot en serrant ses petits poings. 15 — Qui est-ce qui dit : Je veux ? fit une grosse voix. C'etait le pere. Pierrot n'insista pas. C'etait un en- fant tres sage, qui comprenait deja que le mieux est d'obeir, quand on ne peut pas faire autrement. On se mit a table. Pierrot mangea sans appetit. II 20 ne disait rien et songeait. . . . — Suzon, va coucher ton petit f rere ! Suzon emmena Pierrot dans la chambre carrelee de rouge, ou il y avait une armoire et meme une commode avec un dessus de marbre ; au mur, dans un cadre, un 25ouvrage de petite fille, un carre de canevas ou Suzon avait '" marque n avec du coton rouge et bleu les vingt- quatre lettres de l'alphabet, un pot de fleurs, un clocher et un chat ; au bas du lit des parents, une descente de lit representant des roses qui ressemblaient a la fois a 30 des pivoines et a des choux ; en face, les deux petits lits du frere et de la soeur, entoures de rideaux de calicot blanc. L'enfant couche et borde, Suzod ferma les rideaux de la couchette : LA CHAPELLE BLANCHE. 51 — Tu verras, dit-elle, comme c'est joli, la messe de minuit, dans la chapelle blanche. Pierrot ne repondit pas. II ne s'endormit point. II ne voulait pas dormir et restait les yeux grands ouverts. 5 II ecoutait le va-et-vient de ses parents dans la cui- sine, puis la voix aigue de Suzon anonnant, dans un vieil almanach, les Crimes de la bande d'Orgeres. A un mo- ment, il lui sembla qu'on mangeait des marrons, et il eut le coeur plus gros. 10 Un peu apres, sa mere entra dans la chambre, entr'ou- vrit ses rideaux, se pencha sur lui. . . . Mais il ferma les yeux et ne bougea point. Enfin il entendit qu'on sortait, qu'on fermait les portes ; puis le silence. ... 15 Alors Pierrot descendit de sa couchette. II chercha ses hardes dans l'obscurite. Ce fut un long travail. II trouva sa culotte et sa blouse, mais point son gilet de tricot. II s'habilla comme il put et passa sa blouse a l'envers ; et, quoique ses petits doigts 20 se fussent donne beaucoup de peine, aucun bouton n'etait dans sa boutonniere. II ne put trouver qu'un de ses bas et, accote contre le mur, il l'enfila tout de travers, le talon faisant une bosse : de sorte que le petit pied mal chausse n'entrait 25 qu'a moitie dans l'un des petits sabots de frene, et que le petit pied nu jouait dans l'autre sabot. A tatons, boitillant et sabotant, il decouvrit la porte de la chambre, puis traversa la cuisine qu' eclairait, par la croisee sans rideaux, la froide lueur de la nuit nei-30 geuse. Tres subtil, Pierrot n'alla point vers la porte qui donnait sur la rue et qu'il savait fermee a clef. Mais 52 LECTURES FRANQAISES. il ouvrit aisement celle qui menait de la cuisine dans l'etable. Une vache remua dans sa litiere. Une chevre se leva et, tirant sur sa corde, vint lecher les mains de 5 Pierrot en faisant " mee ! . . ." d'un ton plaintif et doux. Elle semblait lui dire : — Keste avec nous ou il fait chaud. Que vas-tu faire, si petit, dans tant de neige ? A la faible clarte d'une lucarne tapissee de toiles 10 d'araignee, il put, en se dressant sur la pointe des pieds, tirer le verrou interieur de la porte de l'ecurie. Brusquement, il se trouva dehors, dans la blancheur profonde et glacee. La maison des parents de Pierrot etait blottie a 15 l'ecart, a cinq cents toises de l'eglise. On suivait d'abord un chemin borde de vergers, puis on tournait a droite et l'on avait devant soi le clocher du village. Pierrot, sans hesiter, se mit en marche. Tout etait blanc de neige, la route, les buissons et les 20 arbres des clos. Les pommiers etaient aussi blancs que si on eut tendu sur eux les draps pesants d'une lessive. Et la neige tourbillonnait dans Pair comme la balle legere que secoue un van. Pierrot enfoncait dans la neige jusqu'aux chevilles; 25ses petits sabots s'alourdissaient de neige; la neige poudrait ses cheveux et ses epaules. Mais il ne sentait rien, car il voyait au bout de son voyage, dans une grande lumiere d'or, l'enfant Jesus et la Vierge et les rois Mages, et les anges qui ont des etoiles dans leurs mains. 30 II allait, il allait, comme attire par la vision. Mais deja il marchait moins vite. La neige l'aveuglait ; elle emplissait de sa ouate le ciel entier. II ne reconnaissait rien r il ne savait plus ou il etait. LA CHAPELLE BLANCHE. 53 Maintenant ses petits pieds pesaient comme du plomb ; ses mains, son nez, ses oreilles lui faisaient grand mal ; la neige lui entrait dans le cou, et sa blouse et sa chemise etaient toutes mouillees. Une pierre le fit tomber ; un de ses sabots le quitta. 5 II le chercha longtemps, de ses mains gourdes, a genoux dans la neige. Et il ne voyait plus l'enfant Jesus, ni la Vierge, ni les rois Mages, ni les anges porteurs d'etoiles. II eut peur du silence, peur des arbres voiles de blanc 10 qui crevaient qk et la l'immense tapis de neige et qui ne ressemblaient plus a des arbres, mais a des fantomes. Son cceur se serra d'angoisse. II pleura et cria a tra- vers ses larmes : — Maman ! maman ! 15 La neige cessa de tomber. Pierrot, en regardant tout autour de lui, apercut le clocher pointu et les fenetres de l'eglise, toutes flam- bantes dans la nuit. Sa vision lui revint, et la force et le courage. La, c'etait 20 la, la merveille desiree, le beau spectacle de paradis ! II n'attendit pas le tournant du chemin, mais il marcha tout droit vers l'eglise illuminee. II roula dans un fosse, s'y heurta contre une souche et y laissa son autre sabot. 25 A travers champs, clopin-clopant, l'enfant se traina, les yeux fixes sur la lueur. Et, comme il allait toujours plus lentement, le chapelet de petits pas qu'il laissait derriere lui s'egrenait toujours plus serre dans l'immen- site blanche. ... 30 L'eglise, grandissante, se rapprochait. Des voix ar- rivaient jusqu'a Pierrot : Yenez, divin Messie. . . 54 LECTURES FRANQAISES. Les mains en avant, les yeux dilates par Fextase, soutenu seulement par la beaute de son reve plus proche, il entra dans le cimetiere qui entourait 1'eglise. La grande fenetre ogivale etincelait au-dessus du portail. 5 La, tout pres, quelque chose d'ineffable s'accomplissait. Les voix chantaient : J'entends la-bas dans la plaine Les anges descendus des cieux. . . . Petit-Pierre allait en trebuchant, de tout ce qui res- 10 tait de force a son petit corps epuise, vers cette gloire et vers ces cantiques. Tout a coup il tomba au pied d'un buis encapuchonne de neige ; il tomba les yeux clos, subitement endormi, et souriant au chant des anges. 15 Les voix reprirent : II est ne, le divin Enfant ! Au meJme moment, la descente molle et silencieuse des blancs flocons recommenqa. La neige recouvrit le petit corps de ses mousselines lentement epaissies. . . . 20 Et c'est ainsi que Pierrot entendit la messe de minuit dans la chapelle blanche. Jules Lemaitre. LA FLETJK ET LE PAPILLOK La pauvre fleur disait au papillon celeste : " ISTe fuis pas ! Vois comme nos destins sont differents. Je reste, 25 Tu t'en vas ! LA RETRAITE DE MOSCOU. 55 Pourtant nous nous aimons, nous vivons sans les hommes, Et loin d'eux, Et nous nous ressemblons, et l'on dit que nous sommes Eleurs tous deux ! Mais, helas ! l'air t'emporte et la terre m'enchaine. 5 Sort cruel ! Je voudrais embaumer ton vol de mon haleine, Dans le ciel ! Mais non, tu vas trop loin. Parmi des fleurs sans nombre Vous fuyez, 10 Et moi, je reste seule a voir tourner mon ombre A mes pieds ! Tu fuis, puis tu reviens, puis tu t'en vas encore Luire ailleurs. Aussi me trouves-tu toujours, a chaque aurore, 15 Toute en pleurs ; Oh ! pour que notre amour coule des jours fideles, mon roi ! Prends comme moi racine, ou donne-moi des ailes Comme a toi ! " 20 Victor Hugo. LA RETRAITE DE MOSCOU. Le 15 septembre 1812, Napoleon entrait dans Moscou. Cette ville immense etait deserte. Le general Rostop- schine, son gouverneur, en avait fait sortir tous les ha- bitants. Ce Rostopschine, dont on a youlu faire un heros, etait un homme barbare qui, pour acquerir de la 25 56 LECTURES FRANQAISES. celebrite, ne reculait devant aucun moyen. II avait laisse etrangler par la populace un grand nombre de marchands etrangers, et surtout des Francais, etablis a Moscou, dont le seul crime etait d'etre soupgonnes de 5 faire des voeux pour l'arrivee des troupes de Napoleon. Quelques jours avant la bataille de la Moskova, les Cosaques ayant enleve une centaine de malades franqais, le general Koutousoff les envoya, par des chemins de- tournes, au gouverneur de Moscou, qui, sans pitie pour lOleurs souffrances et leurs fatigues, les laissa d'abord quarante-huit heures sans manger, et les fit ensuite promener en triomphe dans les rues, ou plusieurs de ces malheureux moururent de faim, pendant que des agents de police lisaient au peuple une proclamation de Rostop- 15 schine qui, pour le determiner a prendre les armes, disait que tous les Francois etaient aussi debiles et tomberaient facilement sous ses coups. Cette affreuse promenade terminee, la plupart de ceux de nos soldats qui vivaient encore furent assommes par la populace, sans que Ros- 20 topschine fit rien pour les sauver ! . . . Les troupes russes vaincues n'avaient fait que traverser Moscou, d'ou elles s'eloignaient pour aller se reformer a plus de trentes lieues de la, vers Kalouga, sur la route d'Asie. Le roi Murat les suivit dans cette nouvelle 25 direction, avec toute sa cavalerie et plusieurs corps d'in- fanterie. La garde imperiale resta dans la ville, et Napoleon fut s'etablir au Kremlin, antique palate fortifie, residence habituelle des czars. Tout etait tranquille en apparence, lorsque, pendant la nuit du 15 au 16 sep- 30 tembre, les marchands franqais et allemands, qui s'etaient soustraits aux recherches du gouverneur, vinrent pre- venir Fetat-major cle Napoleon que le feu allait etre mis a la ville. Cet avis fut bientot confirme par un agent LA RETRAITE DE MOSCOU. 57 de police russe, qui ne pouvait se resoudre a executer les ordres de son chef. On apprit par cet agent que, avant de quitter Moscou, Rostopschine avait fait ouvrir le bagne, les prisons, et rendre la liberte a tous les formats, en leur faisant distribuer un tres grand nombre5 de torches confectionnees par des ouvriers anglais. Tous ces incendiaires etaient restes caches dans les palais abandonnes, ou ils attendaient le signal. L'Empereur, informe de cet affreux projet, prescrivit sur-le-champ les mesures les plus severes. De nom- 10 breuses patrouilles parcoururent les rues et tuerent plusieurs brigands pris sur le fait d'incendie ; mais c'etait trop tard ; le feu eclata bientot sur differents points de la ville et fit des ravages d'autant plus rapides que Kostopschine avait fait enlever toutes les pompes ; 15 aussi, en peu de temps, Moscou ne fut plus qu'une grande fournaise ardente. L'Empereur quitta le Krem- lin et se refugia au chateau de Peterskoe ; il ne rentra que trois jours apres, lorsque Tincendie commenqait a diminuer, faute d'aliments. 20 A Moscou, la situation de Napoleon s'aggravait de jour en jour. Le froid sevissait deja avec rigueur, et le moral des soldats Franqais de naissance etait seul reste ferme. Mais ces soldats ne formaient que la moitie des troupes que Napoleon avait conduites en Russie. Le25 surplus etait compose d'Allemands, de Suisses, de Croates, de Lombards, de Romains, de Piemontais, d'Espagnols et de Portugais. Tous ces etrangers, restes fideles tant que l'armee avait eu des succes, commen- qaient a murmurer, et, seduits par les proclamations en 30 diverses langues dont les agents russes inondaient nos camps, ils desertaient en grand nombre vers Fennemi, qui promettait de les renvoyer dans leur pays. 58 LECTURES FRANQAISES. Ajoutons a cela que les deux ailes de la Grande Armee, uniquement composees d'Autrichiens et de Prus- siens, ne se trouvaient plus en ligne avec le centre, comme au commencement de la campagne, mais etaient 5 sur nos derrieres, pretes a nous barrer le passage au pre- mier ordre de leurs souverains, anciens et irreconciliables ennemis de la France ! . . . La position etait des plus critiques, et, bien qu'il diit en couter beaucoup a l'amour- propre de Napoleon d'avouer au monde entier, en se 10 retirant sans avoir impose la paix a Alexandre, qu'il avait manque le but de son expedition, le mot de retraite fut enfin prononce ! . . . Mais ni l'Empereur, ni ses marechaux, personne enfin n'avait alors la pensee d'aban- donner la Russie et de repasser le Niemen ; il ne 15 s'agissait que d'aller prendre ses cantonnements d'hiver dans les moins mauvaises provinces de la Pologne. Le 19 octobre au matin, l'Empereur quitta Moscou, ou il etait entre le 15 septembre. Sa Majeste, la vieille garde et le gros de l'armee prirent la route de Kalouga ; 20 le marechal Mortier et deux divisions de la jeune garde resterent en ville pendant vingt-quatre heures de plus, arm d'en achever la ruine et de faire sauter le Kremlin, lis devaient ensuite fermer la marche. L'Empereur, voulant eviter de passer sur le champ de 25 bataille de la Moskova, ainsi que par la route de Mo- jaisk, dont Parmee avait epuise les ressources en venant a Moscou, prit la direction de Kalouga, d'ou il comptait gagner Smolensk par des contrees fertiles et, pour ainsi dire, neuves. Mais, au bout de quelques jours de marche, 30 nos troupes se trouverent en presence de l'armee russe qui occupait la petite ville de Malo-Iaroslawetz. L'Em- pereur la fit attaquer par le prince Eugene. Aucun ob- stacle n'arretant l'impetuosite de nos troupes, elles s'em- LA RETRAITE DE MOSCOU. 59 parerent de la ville apres un combat long et meurtrier, qui nous couta 4,000 hommes tues ou blesses. Le lendemain, 24 octobre, l'Empereur, etonne de la vive resistance qu'il avait eprouvee, et sachant que toute l'armee russe lui barrait le passage, arrete la niarche de 5 ses troupes et passe trois jours a reflechir au parti qu'il doit prendre. Les reconnaissances faites par Napoleon l'ayant con- vaincu de l'impossibilite de continuer sa marche vers Kalouga, Sa Majeste se decida a aller passer par Mo- 10 jaisk pour gagner Smolensk. L'armee quitta done un pays fertile pour reprendre une route devastee, deja par- courue au mois de septembre au milieu des incendies et jalonnee de cadavres ! . . . Le mouvement que lit l'Em- pereur, le reportant apres dix jours de fatigues a douze 15 lieues seulement de Moscou, donna aux soldats beaucoup d'inquietudes pour l'avenir. Le temps devint affreux ; le marechal Mortier rejoignit l'Empereur apres avoir fait sauter le Kremlin. L'armee revit Mojai'sk et le champ de bataille de la 20 Moskova ! . . . La terre, sillonnee par les boulets, etait couverte de debris de casques, de cuirasses, de roues, d'armes, de lambeaux d'uniformes et de trente mille cadavres a demi devores par les loups ! . . . Les troupes et l'Empereur passerent rapidement, en jetant un triste 25 regard sur cet immense tombeau ! Apres Wiasma, l'armee fut assaillie par des flots de neige et un vent glacial qui ralentirent sa marche. Un grand nombre de voitures furent abandonnees, et quelques milliers d'hommes et de chevaux perirent de froid sur la 30 route. La chair de ces derniers servit de nourriture aux soldats et meme aux officiers. L'arriere-garde passa successivement du commandement de Davout a celui du 60 LECTURES FRANQAISES. prince Eugene et definitivement sous celui du marechal Ney, qui conserva cette penible mission tout le reste de la campagne. Le l er novembre, on parvint a Smolensk. Napoleon 5 avait fait reunir dans cette ville une grande quantite de vivres, de vetements et de chaussures ; mais les admi- nistrateurs qui en etaient charges, ne pouvant connaitre Petat de disorganisation dans lequel Parmee etait tombee, ayant exige des bons de distribution et toutes les forma- lOlites des temps ordinaires, ces lenteurs exaspererent les soldats, qui, mourant de faim et de f roid, enfoncerent les portes des magasins et s'emparerent tumultueusement de ce qu'ils contenaient, de sorte que beaucoup d'hommes eurent trop, plusieurs pas assez, d'autres rien / 15 Tant que les troupes avaient marc lie en ordre, le me- lange des diverses nations n'avait donne lieu qu'a de legers inconvenients ; mais des que la misere et la fa- tigue eurent fait rompre les rangs, la discipline fut perdue. Comment aurait-elle pu subsister dans un immense ras- 20 semblement d'individus isoles, manquant de tout, mar- chant pour leur compte et ne se comprenant pas ? . . . Car dans cette masse desordonnee regnait vraiment la confusion des langues ! . . . Quelques regiments, et principalement ceux de la garde, resistaient encore. 25 Presque tous les cavaliers des regiments de ligne, ayant perdu leurs chevaux, furent reunis en bataillons, et ceux de leurs offieiers qui etaient encore montes formerent les escadrons sacres , dont le commandement fut conne aux generaux Latour-Maubourg, Grouchy et Sebastiani, 30 qui y remplissaient les fonctions de simples capitaines. Cette organisation suffirait seule pour faire connaitre a quelle extremite Parmee etait reduite. Dans cette position critique, PEmpereur avait compte LA RETRAITE DE MOSCOU. 61 sur une forte division de troupes de toutes armes que le general Baraguey d'Hilliers devait conduire a Smolensk ; mais en approchant de la ville, on apprit que ce general avait mis bas les armes devant une colonne russe, en speeifiant que lui seul ne serait pas fait prisonnier de5 guerre, et qu'il lui serait permis d'aller joindre l'armee franchise arm de rendre compte de sa conduite. Mais l'Empereur ne voulut pas voir Baraguey d'Hilliers, au- quel il fit donner l'ordre de se rendre en France et d'y garder les arrets jusqu'a ee qu'un conseil de guerre l'etit 10 juge. Baraguey d'Hilliers prevint ce jugement en mou- rant de desespoir a Berlin. Apres avoir passe plusieurs jours a Smolensk arm de reunir les troupes restees en arriere, l'Empereur se rendit le 15 a Krasnoe ou il expedia un officier vers le 2 e corps 15 d'armee reste sur la Dvina et devenu desormais son seul espoir de salut. Les regiments dont se composait ce corps avaient eprouve moins de fatigues et de privations que ceux qui avaient fait partie de l'expedition de Moscou ; mais 20 aussi, par compensation, ils avaient bien plus souvent combattu les ennemis. Napoleon, voulant les en recom- penser en nommant a tous les emplois vacants, se fit ap- porter les propositions d'avancement relatives au 2 e corps. II y en avait plusieurs en ma faveur, dont Tune ne de- 25 mandait pour moi que le grade de major (lieutenant- colonel). Ce fut celle que le secretaire presenta. Je tiens du general Grundler, qui, ayant regu l'ordre de porter ces depeches, se trouvait dans le cabinet de l'Em- pereur au moment ou il achevait son travail, que Napo- 30 le*on, au moment de signer, raya de sa main le mot major pour y substituer celui de colonel, en disant : " C'est une ancienne dette que j'acquitte." Je fus done enfin 62 LECTURES FRANQAISES. colonel du 23 e de chasseurs, le 15 novembre ; mais je ne l'appris que quelque temps apres. La retraite continuait peniblement. Le 19 novembre, Napoleon parvint a Orscha. II s'etait ecoule un mois 5depuis qu'il avait quitte Moscou, et il restait encore cent vingt lieues a faire pour parvenir au Niemen. ' Le froid etait intense. Le 21, l'Empereur continua sa retraite par Kokanow, Toloczin et Bobr, ou il trouva les troupes du marechal 10 Victor arrivees depuis peu d'Allemagne et entra en com- munication avec le 2 e corps, dont Saint-Cyr venait de rendre le commandement au marechal Oudinot. L'Empereur comptait passer la Beresina a Borisoff. La confiance de Napoleon etait si grande a ce sujet que, 15 pour alleger la marche de son armee, il avait fait bruler a Orscha tous ses equipages de pont. Ce fut un bien grand malheur, car ses pontons nous eussent assure le prompt passage de la Beresina qu'il nous fallut acheter au prix de tant de sang ! 20 Mais Borisoff, le pont de la Beresina et la forteresse qui le domine etaient deja au pouvoir de Tchitchakoff, qui, impatient de combattre les troupes franchises, s'etait porte le 23 novembre au-devant d'elles avec les princi- pales forces de son armee. 25 Ce fut a trois lieues de Borisoff, dans la plaine de Lochnitza, que l'avant-garde russe vint se heurter contre le corps d'Oudinot. A l'aspect de ces beaux regiments, encore nombreux, bien montes, et sur les cuirasses des- quels etincelaient les rayons du soleil, la cavalerie russe 30 s'arreta tout court ; puis, reprenant courage, elle se re- portait en avant, lorsque nos cuirassiers, chargeant avec furie, la renverserent et lui tuerent ou prirent un millier d'hommes. Tchitchakoff, a qui Ton avait assure que LA RETRAITE DE MOSCOU. 63 l'armee de Napoleon n'etait plus qu'une masse sans ordre et sans armes, ne s'etait pas attendu a une vigueur pareille ; aussi s'empressa-t-il de battre en retraite vers Borisoff. Le 23 e et le 24 e de chasseurs recurent l'ordre de pour- 5 suivre les ennemis. Nous penetrames dans la ville dont les rues etaient encombrees de bagages et de chevaux de trait. Cependant nous parvinmes au centre de la ville, mais ce ne fut qu'apres avoir perdu un temps precieux, dont les ennemis pronterent pour traverser la riviere. 10 Laissant les chevaux dans les rues voisines, nous nous dirigeames vers la riviere. Bien qu'il m'eut paru d'abord fort difficile que des cavaliers a pied et sans baionnettes pussent forcer le passage d'un pont et s'y maintenir, je commenqai a esperer un bon resultat, car l'ennemi ne 15 nous opposait que quelques rares tirailleurs. Mais tout a coup les canons de la forteresse grondent et couvrent le tablier du pont d'une grele de mitraille qui, portant le desordre dans notre faible bataillon, le force a reculer momentanement. Un groupe de sapeurs russes, munis 20 de torches, profite de cet instant pour mettre le feu au pont ; mais comme la presence de ces sapeurs empechait l'artillerie ennemie de tirer, nous nous elanqons sur eux ! . . . La plupart sont tues ou jetes dans la riviere, et deja nos chasseurs avaient eteint l'incendie a peine al-25 lume, lorsqu'un bataillon de grenadiers, accourant au pas de charge, nous force a coups de bai'onnette a evacuer le pont, qui bientot, couvert de torches enflammees, devint un immense brasier dont la chaleur intense contraignit les deux partis a s'eloigner ! 30 Des ce moment, les Franqais durent renoncer a l'espoir de passer la Beresina sur ce point, et leur retraite fut coupee ! . . . Cette immense calamite nous devint fatale 64 LECTURES FRANQAISES. et contribua infiniment a changer la face de FEurope en ebranlant le trone de Napoleon ! Les chefs, ainsi que les officiers capables d'apprecier la facheuse position de l'armee, etaient dans de vives 5 anxietes. En effet, nous avions devant nous la Beresina, dont les troupes de Tchitchakoff garnissaient la rive op- posee ; nos flancs etaient debordes par Wittgenstein, et Koutousoff nous suivait en queue ! . . . Enfin, excepte les debris de la garde, les corps d'Oudinot et de Victor, 10 reduits a quelques milliers de combattants, le surplus de cette Grande Armee, naguere si belle, se composait de malades et de soldats sans armes, que la misere privait de leur ancienne energie. Tout paraissait conspirer contre nous ; car si, grace a Pabaissement de la tempera- 15ture, le corps de Ney avait pu, quelques jours avant, echapper aux ennemis en traversant le Dnieper sur la glace, nous trouvions la Beresina degelee, malgre un froid excessif, et nous n'avions pas de pontons pour etablir un passage ! 20 Le 25, FEmpereur entra dans Borisoff ou le marechal Oudinot l'attendait avec les 6,000 hommes qui lui res- taient. Napoleon, ainsi que les marechaux et officiers de sa suite, furent etonnes du bon ordre qui regnait dans le 2 e corps, dont la tenue contrastait singulierement avec 25celle des miserables bandes qu'il ramenait de Moscou. Nos troupes etaient certainement beaucoup moins belles qu ? en garnison, mais chaque soldat avait conserve ses armes et etait pret a s'en servir courageusement. L'Em- pereur, frappe de leur air martial, reunit tous les colonels 30 et les chargea d'exprimer sa satisfaction a leurs regi- ments pour la belle conduite qu'ils avaient tenue dans les nombreux et sanglants combats livres dans la province de Polotsk. LA RETRAITE DE MOSCOU. 65 L'Empereur, ayant reconnu l'impossibilite physique de retablir promptement le pont de Borisoff, resolut d'aller traverser la Beresina a Studianka. Mais comme Tchitchakoff venait d'envoyer une forte division et beau- coup d'artillerie en face de Studianka, Napoleon employa 5 pour tromper Pennemi une ruse de guerre qui, bien que fort ancienne, reussit presque toujours. II feignit de n'avoir pas de projet sur Studianka et de vouloir profiter de deux autres gues situes au-dessous de Borisoff, dont le moins defavorable est devant le village de Oukoloda. 10 A cet effet, on dirigea ostensiblenient vers ce lieu un des bataillons encore armes, qu'on fit suivre de plusieurs milliers de trainards, que les ennemis durent prendre pour une forte division d'infanterie. Arrivees a Ouko- loda, ces troupes tirerent le canon et firent tout ce qu'il 15 fallait pour simuler la construction d'un pont. Tchitchakoff, prevenu de ces preparatifs et ne doutant pas que le projet de Napoleon ne fut de franchir la ri- viere sur ce point pour gagner la route de Minsk qui Pavoisine, se hata non seulement d'envoyer par la rive 20 droite toute la garnison de Borisoff en face d'Oukoloda, mais, par suite d'une aberration d'esprit inqualifiable, le general russe, qui avait assez de forces pour garder en meme temps le bas et le haut de la riviere, fit encore descendre vers Oukoloda toutes les troupes placees la 25 veille par lui en amont de Borisoff, entre Zembin et la Beresina. Or, c'est precisement en face de Zembin qu'est situe le village de Weselowo, dont le hameau de Studi- anka est une dependance. Les ennemis abandonnaient done le point sur lequel l'Empereur voulait jeter son 30 pont, et couraient inutilement a la defense d'un gue situe a six lieues au-dessous de celui que nous allions franchir. 66 LECTURES FRANQAISES. A la faute qu'il commit d'agglomerer ainsi toute son armee en aval de la ville de Borisoff, Tchitchakoff en ajouta une qu'un sergent n'eut pas commise et que son gouvernement ne lui a jamais pardonnee. Zembin est 5 bati sur un vaste marais, que traverse la route de Wilna par Kamen. La chaussee de cette route presente vingt- deux ponts en bois que le general russe, avant de s'eloi- gner, pouvait, en un moment, faire reduire en cendres, car ils etaient environnes d'une grande quantite de meules 10 de joncs sees. Dans le cas ou Tchitchakoff eut pris cette sage precaution, Parmee franchise devait etre perdue sans retour, et il ne lui eut servi de rien de passer la riviere, puisqu'elle eut ete arretee par le profond marais dont Zembin est entoure. 15 Pendant que les Russes s'eloignaient du veritable point d'attaque, Napoleon donnait ses ordres. Le marechal Oudinot et son corps d'armee doivent se rendre la nuit a Studianka, pour y faciliter l'etablissement de deux ponts, passer ensuite sur la rive droite et se former entre Zem- 20 bin et la riviere. Le due de Bellune doit faire l'arriere- garde, pousser devant lui tous les trainards, tacher de defendre Borisoff pendant quelques heures, se rendre ensuite a Studianka et y passer les ponts. Tels furent les ordres de l'Empereur, dont les evenements empecherent 25 la stricte execution. Le 25 au soir, la brigade Corbineau, dont le chef con- naissait bien les environs de Studianka, se dirigea vers ce lieu. La brigade Castex et quelques bataillons legers marchaient a sa suite ; puis venait le gros du 2 e corps. 30 Nous quittames a regret la ville de Borisoff, ou nous avions passe si heureusement deux journees. II semblait que nous eussions un triste pressentiment des maux qui nous etaient reserves. LA RETRAITE DE MOSCOU. 67 Le 26 novembre, au point du jour, nous etions a Stu- dianka, et l'on n'apercevait, a la rive opposee, aucun preparatif de defense, de sorte que si l'Empereur eut conserve l'equipage de ponts qu'il avait fait briiler quelques jours avant a Orscha, l'armee eut pu franchirS la Beresina sur-le-champ. Le passage n'offrait en ce moment que de legers inconvenients pour la cavalerie, les chariots et l'artillerie. Le premier consistait en ce que les cavaliers et conducteurs avaient de l'eau jusqu'aux genoux, ce qui, neanmoins, etait supportable, puisque 10 malheureusement le froid n'etait pas assez vif pour geler la riviere, qui charriait a peine quelques rares glaqons : mieux eut valu pour nous qu'elle fut prise a plusieurs degres. .. Le second inconvenient resultait encore du peu de froid qu'il faisait, car une prairie marecageuse, qui 15 bordait la rive opposee, etait si fangeuse, que les chevaux de selle y passaient avec peine et que les chariots enfon- Qaient jusqu'a la moitie des roues. L'esprit de corps est certainement fort louable, mais il faut savoir le moderer, et meme l'oublier, dans les cir-20 Constances difficiles. C'est ce que ne surent pas faire, devant la Beresina, les chefs de l'artillerie et du genie, car chacun de ces deux corps eleva la pretention de con- struire seul les ponts, de sorte qu'ils se contrecarraient mutuellement, et rien n'avanqait, lorsque l'Empereur, 25 etant arrive le 26, vers midi, termina le differend en or- donnant qu'un des deux ponts serait etabli par l'artillerie et 1' autre par le genie. On arracha a Pinstant les poutres et les voliges des masures du village, et les sapeurs, ainsi que les artilleurs, se mirent a l'ouvrage. 30 Ces braves soldats donnerent alors une preuve de de*- vouement dont on ne leur a pas assez tenu compte. On les vit se jeter dans les eaux froides de la Beresina et y 68 LECTURES FRANQAISES. travailler constamment pendant six ou sept heures, bien qu'on n'eut pas une senle goutte d' eau-de-vie a leur donner et qu'ils ne dussent avoir pour lits, la nuit suivante, qu'un champ couvert de neige ! . . . Aussi presque tous 5 perirent-ils lorsque les grandes gelees arriverent. „ Pendant qu'on travaillait a la construction des ponts et que mon regiment, ainsi que toutes les troupes du 2 e corps, attendaient sur la rive gauche l'ordre de traverser la riviere, l'Empereur, se promenant a grands pas, allait 10 d'un regiment a 1' autre, parlant aux soldats comme aux officiers. II s'extasia sur le bel etat de conservation du 2 e corps en general et de mon regiment en particulier, car il etait a lui seul plus fort que plusieurs brigades. En effet, j'avais encore plus de 500 hommes a cheval, tandis 15 que les autres colonels du corps d'armee n'en comptaient guere que 200. Aussi, je regus de l'Empereur de tres flatteuses felicitations, auxquelles mes officiers et mes soldats eurent une large part. Mais revenons au passage de la Beresina. Non seule- 20 ment tous nos chevaux traverserent cette riviere facile- ment, mais nos cantiniers la franchirent avec leurs charrettes, ce qui me fit penser qu'il serait possible, apres avoir detele plusieurs des nombreux chariots qui suivaient l'armee, de les fixer dans la riviere les uns a la 25 suite des autres, afin de former divers passages pour les fantassins, ce qui faciliterait infiniment l'ecoulement des masses d'hommes isoles qui le lendemain se presse- raient a Pentree des ponts. Cette idee me parut si heureuse que, bien que mouille jusqu'a la ceinture, je 30repassai le gue pour la communiquer aux generaux de l'etat-major imperial. Mon projet fut trouve bon, mais personne ne bougea pour aller en parler a l'Empereur. Enfin, le general Lauriston, Fun de ses aides de camp, LA RETRAITE DE MOSCOU. 69 me dit : " Je vous charge de faire executer cette pas- serelle dont vous venez de si bien expliquer Putilite." Je repondis a cette proposition, vraiment inacceptable, que n'ayant a ma disposition ni sapeurs, ni fantassins, ni outils, ni pieux, ni cordages, et ne devant pas d'ailleurs 5 abandonner mon regiment, qui, place sur la rive droite, pouvait etre attaque d'un moment a l'autre, je me bornais a lui donner un avis que je croyais bon et retournais a mon poste ! . . . Cela dit, je me remis a l'eau et re- joignis le 23 e . 10 Cependant, les sapeurs du genie et les artilleurs ayant enfin termine les deux ponts, on fit passer l'infanterie et l'artillerie du corps d'Oudinot, qui, des leur arrivee sur la rive droite, allerent placer leurs bivouacs dans un grand bois situe a une demi-lieue au dela du hameau de 15 Zawniski, ou la cavalerie recut l'ordre d'aller les rejoindre. Nou£ observions ainsi Stakowo et Doniinki, ou aboutit la grande route de Minsk, par laquelle le general Tchit- chakoff avait emmene toutes ses troupes vers la basse Beresina, et qu'il devait reprendre necessairement pour 20 se reporter sur nous en apprenant que nous avions franchi la riviere aupres de Zembin. Le 27 au soir, l'Empereur passa les ponts avec sa garde et vint s'etablir a Zawniski, ou la cavalerie requt l'ordre d'aller les rejoindre. Les ennemis n ? y avaient25 pas paru. On a beaucoup parle des desastres qui eurent lieu sur la Beresina ; mais ce que personne n'a dit encore, c'est qu'on eut pu en eviter la plus grande partie, si l'etat- major general, comprenant mieux ses devoirs, eut pro- 30 fite de la nuit du 27 au 28 pour faire traverser les ponts aux bagages et surtout a ces milliers de trainards qui le lendemain obstruerent le passage. En effet, apres avoir 70 LECTUKES FRANQAISES. bien etabli mon regiment au bivouac de Zawniski, je m'aperqus de l'absence d'un cheval de Mt qui, portant la petite caisse et les pieces de comptabilite des esca- drons de guerre, n'avait pu etre risque dans le gue. Je 5pensais done que le conducteur et les cavaliers qui l'es- cortaient avaient attendu que les ponts fussent etablis. lis l'etaient depuis plusieurs heures, et cependant ces homines ne paraissaient pas ! Alors, inquiet sur eux aussi bien que sur le depot precieux qui leur etait confie, 10 je veux aller en personne favoriser leur passage, car je croyais les ponts encombres. Je m'y rends done au galop, et quel est mon etonnement de les trouver com- pletement deserts ! . . . Personne n'y passait en ce mo- ment, tandis qu'a cent pas de la et par un beau clair de 15lune j'apercevais plus de 50,000 trainards ou soldats isoles de leurs regiments, qu'on surnommait rotisseurs. Ces homines, tranquillement assis devant des feux im- menses, preparaient des grillades de chair de cheval, sans se douter qu'ils etaient devant une riviere dont le pas- 20 sage couterait le lendemain la vie a un grand nombre d'entre eux, tandis qu'en quelques minutes ils pouvaient la franchir sans obstacles des a present, et achever les preparatifs de leur souper sur l'autre rive. Du reste, pas un officier de la maison imperiale, pas un aide de 25 camp de l'etat-major de i'armee ni d'aucun marechal n'etait la pour prevenir ces malheureux et les pousser au besoin vers les ponts ! Ce fut dans ce camp desordonne que je vis pour la premiere fois des militaires revenant de Moscou. Mon 30 ame en fut navree ! . . . Tous les grades etaient con- fondus : plus d'armes, plus de tenue militaire ! Des soldats, des officiers et meme des generaux couverts de haillons et n'ayant pour chaussures que des lambeaux LA RETRAITE DE MOSCOU. 71 de cuir ou de drap mal reunis au moyen de ficelles ! . . . Une cohue immense dans laquelle etaient pele-mele des milliers d'hommes de nations diverses, parlant bruyam- ment toutes les langues du continent europeen, sans pou- voir se comprendre mutuellement ! 5 Cependant, si Ton eut pris dans le corps d'Oudinot ou dans la garde quelques-uns des bataillons encore en ordre, ils eussent facilement pousse cette masse au dela des ponts, puisque, .en retournant vers Zawniski, et n'ayant avec moi que quelques ordonnances, je parvins, 10 tant par la persuasion que par la force, a faire passer deux ou trois mille de ces malheureux sur la rive droite. Mais un autre devoir me rappelant vers mon regiment, je dus aller le rejoindre. En vain, en passant devant l'etat-major general et 15 celui du marechal Oudinot, je signalai la vacuite des ponts et la facilite qu'il y aurait a faire traverser les hommes sans armes au moment ou Pennemi ne faisait aucune entreprise ; on ne me repondit que par des mots evasif s, chacun s'en rapportant a son collegue du soin de 20 diriger cette operation. Nous voici arrives au moment le plus terrible de la fatale campagne de Russie . . . au passage de la Beresina, qui eut lieu principalement le 28 novembre. A l'aube de ce jour nefaste, la position des armees25 belligerantes etait celle-ci. A la rive gauche, le corps du marechal Victor, apres avoir evacue Borisoff pendant la nuit, s'etait rendu a Studianka avec le 9 e corps, en poussant devant lui une masse de trainards. Ce mare- chal avait laisse, pour faire son arriere-garde, la division 30 d'infanterie du general Partouneaux, qui, ayant ordre de n'evacuer la ville que deux heures apres lui, aurait du faire partir a la suite du corps d'armee plusieurs petits 72 LECTUKES FRANgAISES. detachements qui, unis au corps principal par une chaine d'eclaireurs, eussent ainsi jalonne la direction. Ce gene- ral aurait du, en outre, envoyer jusqu'a Studianka un aide de camp charge de reconnaitre les chemins et de reve- 5 nir ensuite au-devant de la division ; mais Partouneaux, negligeant toutes ces precautions, se borna a se mettre en marche a l'heure prescrite. II rencontra deux routes qui se bifurquaient, et il ne connaissait ni Pune ni l'autre; mais comme il ne pouvait ignorer (puisqu'il venait de lOBorisoff) que la Beresina etait a sa gauche, il aurait du en conclure que pour aller a Studianka, situe sur ce cours d'eau, c'etait la route de gauche qu'il fallait prendre ! . . . II fit tout le contraire, et, suivant ma- chinalement quelques voltigeurs qui le precedaient, il 15 s'engagea sur la route de droite et alia donner au milieu du nombreux corps russe du general Wittgenstein ! Bientot environnee de toutes parts, la division Partou- neaux fut contrainte de mettre bas les armes, tandis qu'un simple chef de bataillon qui commandait son 20 arriere-garde, ayant eu le bon esprit de prendre la route de gauche, par cela seul qu'elle le rapprochait de la riviere, rejoignit le marechal Victor aupres de Studianka. La surprise de ce marechal fut grande en voyant arriver ce bataillon au lieu de la division Partouneaux, dont il 25 faisait l'arriere-garde ! Mais l'etonnement du marechal se changea bientot en stupefaction lorsqu'il fut attaque par les Busses de Wittgenstein, qu'il croyait tenus en echec par la division Partouneaux ! Victor ne put des lors douter que ce general et tous ses regiments ne 30 fussent prisonniers. Mais de nouveaux malheurs l'attendaient, car le mare- chal russe Koutousoff, qui, depuis Borisoff, avait suivi Partouneaux en queue avec de nombreuses troupes, LA RETRAITE DE MOSCOU. 73 ayant appris sa capitulation, pressa sa marche et vint se joindre a Wittgenstein pour accabler le marechal Victor. Celui-ci, dont le corps d'armee etait reduit a 10,000 hommes, opposa une resistance des plus vives. Ses troupes combattirent avec un courage vraiment5 heroique et d'autant plus remarquable que, attaquees par deux armees a la fois et etant acculees a la Beresina, leurs mouvements se trouvaient en outre genes par une grande quantite de chariots conduits sans ordre par des hommes isoles, qui cherchaient tumultueusement a gagner 10 la riviere ! . . . Cependant le marechal Victor contint Kou- tousoff et Wittgenstein toute la journee. Pendant que ce desordre et ce combat avaient lieu a Studianka, lee ennemis, qui pretendaient s'emparer des deux extremites des ponts, attaquaient sur la rive droite 15 le corps d'Oudinot, place en avant de Zawniski. A cet effet, les 30,000 Russes de Tchitchakoff, debouchant de Stakowo, s'avancerent a grands cris contre le 2 e corps, qui ne comptait plus dans ses rangs que 8,000 combat- tants. Mais comme nos soldats, n' ayant pas ete en 20 contact avec ceux qui revenaient de Moscou, n'avaient aucune idee du desordre qui regnait parmi ces malheu- reux, le moral du corps d'Oudinot etait reste excellent, et Tchitchakoff fut vigoureusement repousse. Le marechal Oudinot fut grievement blesse, et Napoleon envoya Ney 25 pour le remplacer. Ney, voyant approcner une forte colonne russe, lanqa contre elle ce qui nous restait de notre division de cuirassiers. Cette charge fut l'une des plus brillantes que j'aie vues ! . . . Le brave colonel Du- bois, a la tete du 7 e de cuirassiers, coupa en deux la co- 30 lonne ennemie, a laquelle il fit 2,000 prisonniers. Les Russes, ainsi mis en desordre, furent poursuivis par toute la cavalene legere et repousses avec d'enormes pertes jusqu'a Stakowo. 74 LECTURES FRANQAISES. Apres vous avoir fait connaitre sommairement la posi- tion des armees sur les deux rives de la Beresina, je dois vous dire en peu de mots ce qui se passait sur le fleuve pendant le combat. Les masses d'hommes isoles qui 5 avaient eu deux nuits et deux jours pour traverser les ponts et qui, par apathie, n'en avaient pas profite, parce . que personne ne les y contraignit, voulurent tous passer a la fois, lorsque les boulets de Wittgenstein vinrent tomber au milieu d'eux. Cette multitude immense 10 d'hommes, de chevaux et de chariots s'entassa complete- ment a Pentree des ponts, qu'elle obstruait sans pouvoir les gagner ! . . . Un tres grand nombre, ay ant manque cette entree, furent pousses par la foule dans la Beresina, ou presque tous se noyerent. 15 Pour comble de malheur, un des ponts s'ecroula sous le poids des pieces et des lourds caissons qui les sui- vaient ! Tout se porta alors vers le second pont, ou le desordre etait deja si grand que les hommes les plus vigoureux ne pouvaient resister a la pression. Un grand 20 nombre furent etouffes ! En voyant Pimpossibilite de traverser les ponts ainsi encombres, beaucoup de con- ducteurs de voitures pousserent leurs chevaux dans la riviere ; mais ce mode de passage, qui eut ete fort utile si on l'eut execute avec ordre deux jours auparavant, 25devint fatal a presque tous ceux qui Pentreprirent, parce que, poussant leurs chariots tumultueusement, ils s'entre- choquaient et se renversaient les uns les autres ! Ce- pendant, plusieurs parvinrent a la rive opposee ; mais comme on n'avait pas prepare de sortie en abattant les 30 talus des berges, ainsi que Petat-major aurait du le faire, peu de voitures parvinrent a les gravir, et il perit encore la bien du monde ! Dans la nuit dm 28 au 29, le canon des Russes vint LA RETRAITE DE MOSCOU. 75 augmenter ces horreurs en foudroyant les malheureux qui s'efforqaient de franchir la riviere. Enfin, a neuf heures du soir, il y eut un surcroit de desolation, lorsque le marechal Victor commenqa sa retraite et que ses divi- sions se presentment en ordre devant le pont, qu'elles ne 5 purent gagner qu'en refoulant par la force tout ce qui obstruait le passage ! . . . Mais jetons un voile sur ces horribles scenes ! . . . Le 29; au point du jour, on mit le feu a toutes les voitures restant encore sur la rive gauche, et lorsque en- 10 fin le general Eble vit les Russes s'approcher du pont, il le fit aussi incendier ! Quelques milliers de malheureux restes devant Studianka tomberent aux mains de Witt- genstein. Ainsi se termina le plus horrible episode de la campagne de Russie ! Cet evenement eut ete bien 15 moins funeste si Fon eut su et voulu employer le temps que nous avaient laisse les Russes depuis notre arrivee devant la Beresina. L'armee perdit dans ce passage 20 a 25,000 homines. Ce grand obstacle franchi, la masse des hommes20 isoles echappes a cet affreux desastre etait encore im- mense. On la fit evacuer sur Zembin. L'Empereur et la garde suivirent. Venaient ensuite les debris de quelques regiments, et enfin le 2 e corps, dont la brigade Castex faisait l'extreme arriere-garde. 25 J'ai deja dit que la route de Zembin, la seule voie qui nous restat, traverse un immense marais au moyen d ? un tres grand nombre de ponts que Tchitchakoff avait ne- glige de bruler lorsque, plusieurs jours avant, il occupait cette position. Nous ne commimes pas une pareille30 faute, car, apres le passage de l'armee, le 24 e de chasseurs et mon regiment y mirent aisement le feu, avec des joncs sees entasses dans le voisinage. 76 LECTURES FRANQAISES. En ordonnant de bmler les ponts de Zembin, l'Empe- reur avait espere se debarrasser pour longtemps de la poursuite des Russes ; mais il etait ecrit que toutes les chances nous seraient contraires ! . . . En effet, la gelee, 5 qui a cette epoque de Fannee aurait du transformer en un chemin facile les eaux de la Beresina, leur avait laisse presque toute leur fluidite quand nous devious les traverser ; mais a peine les eumes-nous f ranchies, qu'un froid rigoureux vint les geler au point de les rendre 10 assez solides pour porter du canon ! . . . Et comme il en fut de meme de celles du marais de Zembin, l'incendie des ponts ne nous fut d'aucune utilite. Les trois armees russes que nous avions laissees derriere nous purent, sans obstacle, se mettre a notre poursuite ; mais, fort 15 heureusement, elle fut peu vigoureuse. D'ailleurs, le marechal Ney, qui commandait Parrie re-garde franchise, ayant reuni tout ce qui etait encore en etat de combattre, faisait de frequents retours offensifs sur les ennemis lorsqu'ils osaient approcher de trop pres. 20 Depuis que le marechal Oudinot et le general Legrand avaient ete blesses, le general Maison commandait le 2 e corps, qui, se trouvant, malgre ses grandes pertes, le plus nombreux de toute l'armee, etait habituellement charge de repousser les Russes. Nous les maintinmes 25 au loin pendant les journees du 30 novembre et du l er decembre ; mais, le 2, ils nous serrerent tellement avec des forces considerables qu'il en resulta un combat tres serieux dans lequel je requs une blessure d'autant plus dangereuse qu'il y avait ce jour-la 25 degres de froid ! 30 Je devrais peut-etre me borner a vous dire que je fus frappe d'un coup de lance, sans entrer dans aucun detail, car ils sont si horribles que je fremis encore lorsque j'y pense ! . . . Mais enfm je vous ai promis le recit de LA RETRAITE DE MOSCOU. 77 ma vie toute entiere. Voici done ce qui m'advint au combat de Plechtchenitsoui. Pour vous mettre plus a meme de bien comprendre mon recit et les sentiments qui m'agiterent pendant Faction, je dois vous dire d'abord qu'un banquier hollandais, 5 nomme Van Berchem, dont j'avais ete l'intime ami au college de Soreze, m'avait envoye au commencement de la campagne son fils unique, qui, devenu Francais par la reunion de son pays a l'Empire, s'etait engage dans le 23 e , bien qu'il eut a peine seize ans ! . . . Ce jleune 10 homme, rempli de bonnes qualites, avait beaucoup d'in- telligence ; je l'avais pris pour secretaire, et il marchait toujours a quinze pas derriere moi avec mes ordonnances. II etait ainsi place le jour dont je parle, # lorsqu'en tra- versant une vaste plaine, le 2 e corps, dont mon regiment 15 formait l'extreme arriere-garde, vit accourir vers lui une enorme masse de cavalerie russe qui, en un moment, le deborda et 1'attaqua de toutes parts. Le general Maison prit de si bonnes dispositions que nos carres d'infanterie repousserent toutes les charges de la cavalerie reguliere 20 des ennemis. Ceux-ci ayant alors fait participer au combat une nuee de Cosaques qui venaient insolemment piquer les officiers franqais devant leurs troupes, le marechal Ney ordonna au general Maison de les faire chasser, en lanqant sur25 eux tout ce qui restait de la division de cuirassiers, ainsi que des brigades Corbineau et Castex. Mon regiment, encore nombreux, se trouva devant un pulk de Cosaques de la mer Noire, coiffes de hauts bonnets d'astrakan et beaucoup mieux vetus et montes que ne le sont ordinaire- 30 ment les Cosaques. Nous fondimes sur eux, et, selon la coutume de ces gens-la, qui ne se battent jamais en ligne ; les Cosaques firent demi-tour et s'enfuirent au 78 LECTURES FRANQAISES. galop; mais, etrangers a la localite, ils se dirigerent vers un obstacle bien rare dans ces vastes plaines : un im- mense et profond ravin, que la parfaite regularite du sol empechait d'apercevoir de loin, les arreta tout court ! . . . 5 Se voyant dans l'impossibilite de le franchir avec leurs chevaux et obliges de faire face a mon regiment qui allait les rejoindre, les Cosaques se retournent, et, se serrant les uns contre les autres, ils nous presentent bravement leurs lances ! 10 Le terrain, couvert de verglas, etait fort glissant, et nos chevaux, tres fatigues, ne pouvaient galoper sans tomber. II n'y eut done pas de choc, et ma ligne arriva seulement au trot sur la masse ennemie qui restait im- mobile. Nos sabres touchaient les lances ; mais celles-ci 15 ayant treize a quatorze pieds de long, il nous etait im- possible d'atteindre nos adversaires, qui n'osaient reculer, de crainte de tomber dans le precipice, ni avancer pour venir affronter nos sabres ! On s'observait done mutuelle- ment, lorsqu'en moins de temps qu'il n'en faut pour le 20 raconter, se passa la scene suivante. Presse d'en finir avec les ennemis, je criai a mes cava- liers qu'il fallait saisir quelques lances de la main gauche, les detourner, pousser en avant, et penetrer au milieu de cette foule d'hommes, ou nos armes courtes nous don- 25 neraient un avantage immense sur leurs longues perches. Pour §tre mieux obei, je voulus donner l'exemple, et ecartant quelques lances, je parvins en effet a penetrer dans les premiers rangs ennemis ! . . . Mes adjudants- majors, mes ordonnances me suivirent, et tout le regi- 30ment fit bientot de meme. II en resulta une melee generale. Mais au moment ou elle s'engageait, un vieux Cosaque a barbe blanche, qui, place aux rangs in- ferieurs, se trouvait separe de moi par d'autres combat- LA RETRAITE DE MOSCOU. 79 tants, se penche, et, dirigeant adroitement sa lance entre les chevaux de ses camarades, il me f rappe de son fer aigu, qui passe, d' outre en outre, sous la rotule de mon genou droit ! . . . En me sentant blesse, je poussai vers cet homme pour 5 me venger de la douleur affreuse que j'eprouvais, lorsque je vis devant moi deux beaux jeunes gens de dix-huit a vingt ans, portant un brilliant costume couvert de riches broderies : c'etaient les fils du chef du pulk. Un homme age, espece de mentor, les accompagnait, mais n'avait pas 10 le sabre a la main. Le plus jeune de ses eleves ne se ser- vait pas du sien, mais l'aine fondit bravement sur moi et m'attaqua avec fureur ! . . . Je le trouvai si peu forme, si faible, que, me bornant a le desarmer, je le pris par le bras, le poussai derriere moi et ordonnai a Van Berchem 15 de le garder. Mais a peine avais-je accompli cet acte d'humanite, que je sentis un corps dur se poser sur ma joue gauche . . . une double detonation eclate a mes oreilles, et le collet de mon manteau est traverse par une balle ! . . . Je me retourne vivement, et que vois-je ? ... 20 Le jeune officier cosaque qui, tenant une paire de pistolets doubles dont il venait de tirer traitreusement un coup sur moi par derriere, brulait la cervelle au malheureux Van Berchem !!!... Transports de fureur, je m'elance alors sur cet enrage, 25 qui deja m'ajustait avec le second pistolet ! . . . Mais son regard ayant rencontre le mien qui devait etre terri- ble, il en fut comme fascine et s'ecria en tres bon fran- C,ais : " Ah ! grand Dieu ! je vois la mort dans vos yeux ! Je vois la mort dans vos yeux ! ! ! — Eh bien, scelerat, 30 tu vois juste !!!..." En effet, il tomba ! . . . Le sang appelle le sang ! La vue du jeune Van Ber- chem etendu a mes pieds, ce que je venais de faire, Pani- 80 LECTURES FRANQAISES. mation du combat et peut-§tre aussi l'affreuse douleur que me causait ma blessure, tout cela reuni me jetant dans un etat de surexcitation febrile, je cours vers le plus jeune des officiers cosaques, je le saisis a la gorge, et deja 5 mon sabre etait leve, lorsque le vieux gouverneur, cher- chant a garantir son eleve, penche le haut du corps sur l'encolure de mon cheval, de maniere a m'empecher de remuer le bras, et s'ecrie d'un ton suppliant : " Au nom de votre mere, grace, grace pour celui-ci, il n'a rien 10 fait I..." En entendant invoquer un nom venere, mon esprit, ex- alte par tout ce qui m'entourait, fut frappe di hallucina- tion, au point que je crus voir une main blanche, si connue de moi, se poser sur la poitrine du jeune homme 15 que j'allais percer, et il me sembla entendre la voix de ma mere prononcer les mots : " Grace ! grace ! " Mon sabre s'abaissa ! Je fis conduire le jeune homme et son gouverneur sur les derrieres. Le combat fut bientot termine. Un grand nombre de 20 Cosaques avaient ete tues, et les autres, abandonnant leurs chevaux, s'etaient laisses glisser dans les profon- deurs du ravin, ou la plupart perirent dans les enormes tas de neige que les vents y avaient amonceles. Les ennemis furent aussi repousses sur tous les autres points. 25 Dans la soiree qui suivit cette affaire, je questionnai mon prisonnier et son gouverneur. J'appris que les deux jeunes gens etaient fils d'un chef puissant qui, ayant perdu une jambe a la bataille d'Austerlitz, avait voue aux Franqais une haine si vive que, ne pouvant 30 plus les combattre, il avait envoye ses deux fils pour leur faire la guerre. Je previs que le froid et le chagrin feraient bientot perir le seul qui lui restHt. J'en eus pitie et lui rendis la liberte, ainsi qu'a son venerable LA RETRAITE DE MOSCOU. 81 mentor. Celui-ci, en prenant conge de moi, me dit ces mots expressifs : " En pensant a son fils aine, la mere de mes deux eleves vous maudira ; mais en revoyant le second, elle vous benira, ainsi que votre mere, en consi- deration de laquelle vous avez e'pargne le seul enfant qui 5 ltd reste ! " Cependant, la vigueur avec laquelle les troupes russes avaient ete repoussees dans la derniere action ayant calme leur ardeur, nous fumes deux jours sans les re- voir, ce qui assura notre retraite jusqu'a Malodeczno ; 10 mais si les ennemis nous laissaient un moment de treve, le froid nous faisait une guerre des plus rudes, car le thermometre descendit a 27 degres ! Les hommes et les chevaux tombaient a chaque pas, et beaucoup pour ne plus se relever. Je n'en restai pas moins avec les 15 debris de mon regiment, au milieu duquel je bivouaquai sur la neige chaque nuit : ou aurais-je pu aller pour etre moins mal ? Mes braves officiers et soldats, considerant leur colonel comme un drapeau vivant, tenaient a me conserver et m'entouraient de tous les soins que compor- 20 tait notre affreuse situation. La blessure que j'avais recue au genou m'empechant de me tenir a califourchon, j'etais oblige de placer ma jambe sur l'encolure du cheval et de garder l'immobilite, ce qui me glaqait. Aussi mes douleurs devinrent-elles intolerables ; mais que faire ? 25 La route etait parsemee de morts et de mourants, la marche lente et silencieuse. Ce qui restait d'infanterie de la garde formait un petit carre dans lequel marchait la voiture de l'Empereur. II avait a ses cotes le roi Murat. 30 Le 5 decembre, apres avoir dicte* son vingt-neuvieme bulletin, qui jeta toute la France dans la stupeur, Napo- leon quitta l'armee a Smorgoni, pour se rendre a Paris. 82 LECTURES FRANQAISES. Le depart de l'Empereur produisit un effet immense sur l'esprit des troupes. Les uns le blamaient en le quali- fiant di abandon ; les autres l'approuvaient comme le seul moyen de preserver la France de la guerre civile et de 5 l'invasion de nos pretendus allies, dont la plupart, n' at- tendant qu'une circonstance favorable pour se declarer contre nous, n'oseraient bouger, en apprenant que Napo- leon, rentre dans ses Etats, y organisait de nombreux re- giments. Je partageais cette derniere opinion, dont les 10 faits prouverent la justesse. L'Empereur, en s'eloignant, confia le commandement des debris de l'armee a Murat, qui se montra au-dessous de sa tache. II faut convenir aussi qu'elle etait on ne peut plus difficile. Le froid paralysait les facultes mo- 15 rales et physiques de chacun ; la disorganisation etait partout. Chaque matin, on laissait des milliers de morts dans les bivouacs qu'on quittait. Le 6 decembre, l'intensite du froid s'accrut infini- ment, car le thermometre descendit a pres de 30 degres ; 20 aussi cette journee fut-elle encore plus funeste que les precedentes, surtout pour les troupes qui n'avaient pas ete habituees peu a peu a l'intemperie du climat. De ce nombre etait la division Gratien, qui, forte de 12,000 consents, avait quitte Wilna le 4 pour venir au-devant 25 de nous. La brusque transition de casernes bien chaudes avec le bivouac de 29 degres et demi de froid fit perir en quarante-huit heures presque tous ces malheureux ! La rigueur de la saison produisit des effets encore plus terribles sur 200 cavaliers napolitains de la garde du roi 30 Murat. lis venaient aussi a notre rencontre apres avoir sejourne longtemps a Wilna ; mais ils moururent tous des la premiere nuit qu'ils passerent sur la neige ! Ce qui restait d'Allemands, d'ltaliens, d'Espagnols, de LA RETRAITE DE MOSCOU. 83 Croates et autres et rangers que nous avions conduits en Russie, sauverent leur vie par un moyen qui repu- gnaient aux Franqais : ils desertaient, gagnaient les villages a proximite de la route et attendaient, en se chauffant dans les maisons, l'arrivee des ennemis. 5 Nous ne com'prenions pas comment Koutousoff et ses generaux se bornaient a nous suivre en queue avec une faible avant-garde, au lieu de se jeter sur nos flancs, de les deborder et d'aller nous couper toute retraite en gagnant la tete de nos colonnes. Mais cette manoeuvre, 10 qui eut consomme notre perte, leur devint impossible, parce que la plupart de leurs soldats perissaient, ainsi que les notres, sur les routes et dans les bivouacs, car l'intensite du froid etait si grande qu'on distinguait une sorte de fumee sortant des oreilles et des yeux. Cette 15 vapeur, se condensant au contact de l'air, retombait bruyamment sur nos poitrines comme auraient pu le faire des poignees de grains de millet. II fallait s'arre- ter souvent pour debarrasser les chevaux des enormes gla^ons que leur haleine formait en se gelant sur le mors 20 des brides. Nous arrivames le 9 decembre a Wilna, ou il existait quelques magasins ; mais, la comme a Smolensk, les ad- ministrateurs exigeaient, pour delivrer des vivres et des vetements, qu'on leur remit des remits reguliers, ce qui 25 etait impossible a cause de la disorganisation de presque tous les regiments. On perdit done un temps precieux. Le general Maison fit enfoncer plusieurs magasins, et ses troupes eurent quelques vivres et des effets d'habille- ment, mais le surplus fut pris le lendemain par les Russes. 30 Les soldats des autres corps se repandirent en ville dans Pespoir d'etre requs par les habitants ; mais ceux-ci, qui, six mois avant, appelaient les Franqais de leurs vceux, 84 LECTURES FRANgAISES. fermerent leurs maisons des qu'ils les virent dans le malheur ! Repousses des magasins ainsi que des habitations par- ticulieres, l'immense majorite des hommes affames se 5 porta vers les hopitaux, qui furent bientot encombres outre mesure, bien qu'il ne s'y trouvat pas assez de vivres pour tous ces malheureux ; mais ils etaient du moins a Pabri des grands froids ! . . . Cet avantage precaire determina cependant plus de 20,000 malades et blesses, lOparmi lesquels se trouvaient deux cents officiers et huit generaux, a ne pas aller plus loin ! Leurs forces morales et physiques etaient epuisees. Le lieutenant Hernoux, l'un des plus vigoureux et des plus braves officiers de mon regiment, etait tellement 15 consterne de ce qu'il voyait depuis quelques jours, qu'il se coucha sur la neige, et rien ne pouvant le determiner a se lever, il y mourut ! . . . Plusieurs militaires de tous grades se brulerent la cervelle pour mettre un terme a leurs miseres ! 20 Dans la nuit du 9 au 10 decembre et par 30 degres de froid, quelques Cosaques etant venus tirailler aux portes de Wilna, bien des gens crurent que c'etait l'armee en- tiere de Koutousoff, et, dans leur epouvante, ils s'eloi- gnerent precipitamment de la ville. J'ai le regret d'etre 25 oblige de dire que le roi Murat fut de ce nombre : il par- tit sans donner aucun ordre ; mais le marechal Ney resta. II organisa la retraite le mieux qu'il put, et nous quit- tames Wilna le 10 au matin, en y abandonnant, outre un tres grand nombre d'hommes, un pare d'artillerie et une 30 partie du tresor de Farmee. Plusieurs jours afvant notre arrivee a Wilna, rintensite* du froid ay ant; fait perir beaucoup de chevaux de mon regiment et empechant de monter ceux qui nous restaient LA RETRAITE DE MOSCOU. 85 encore, tous mes cavaliers marchaient a pied. J'aurais bien voulu pouvoir les imiter; mais ma blessure s'y op- posant, je lis prendre un traineau auquel on attela un de mes chevaux. La vue de ce nouveau vehicule m'inspira l'idee de sauver par ce moyen mes malades devenus nom- 5 breux, et comme en Russie il n'y a pas de si pauvre habi- tation dans laquelle on ne trouve un traineau, j'en eus bientot une centaine, dont chacun, traine par un cheval de troupe, sauvait deux hommes. Cette maniere d'aller parut si commode au general Castex, qu'il m'autorisa 10 a placer tous les autres cavaliers en traineaux. M. le chef d'escadron Monginot, devenu colonel du 24 e de chas- seurs, ay ant regu la meme autorisation, tout ce qui restait de notre brigade attela ses chevaux et forma une caravane qui marchait avec le plus grand ordre. 15 Vous croyez, sans doute, qu'en marchant ainsi nous paralysions nos moyens de defense ; mais detrompez-vous, car sur la glace nous etions bien plus forts avec des trai- neaux qui passent partout et dont les brancards sou- tiennent les chevaux, que si nous fussions restes en selle 20 sur des montures tombant a chaque pas ! La route etant couverte de fusils abandonnes, nos chas- seurs en prirent chacun deux et firent aussi ample pro- vision de cartouches, de sorte que, lorsque les Cosaques se hasardaient a nous approcher, ils etaient recus par une 25 mousqueterie des plus vives, qui les eloignait prompte- ment. D'ailleurs, nos cavaliers combattaient a pied au besoin; puis, le soir, nous formions avec les traineaux un immense carre, au milieu duquel nous etablissions nos feux. Le marechal Ney et le general Maison venaient30 souvent passer la nuit en ce lieu, ou il y avait se'curite, puisque l'ennemi ne nous suivait qu'avec des Cosaques. Ce fut sans doute la premiere fois qu'on vit faire 86 LECTURES FRANgAISES. Parriere-garde en traineaux ; mais la gelee rendait tout autre moyen impraticable, et celui-ci nous reussit. Nous continuames done a couvrir la retraite jusqu'au 13 decembre, ou nous revimes enfin le Niemen et 5 Kowno, derniere ville de Russie. C'etait par ce meme lieu que, cinq mois plus tot, nous etions entres dans l'empire des Czars. Combien les circonstances etaient changees depuis ! . . . Quelles pertes immenses Parmee franchise avait eprouvees ! 10 A son entree dans Kowno avec Parriere-garde, le marechal Ney trouva pour toute garn'ison un faible bataillon de 400 Allemands, qu'il joignit aux quelques troupes qui lui restaient, afin de defendre la place le plus longtemps possible et de donner ainsi aux malades 15 et blesses la facilite de s'ecouler vers la Prusse. En ap- prenant l'arrivee de Ney, le roi Murat s'eloigna pour gagner Gumbinnen. Le 14, les Cosaques de Platow, suivis de deux ba- taillons d'infanterie russe, places ainsi que plusieurs 20 canons sur des traineaux, parurent devant Kowno, qu'ils attaquerent sur plusieurs points. Mais le marechal Ney, seconde par le general Gerard, les repoussa et se main- tint dans la ville jusqu'a la nuit. Alors, il nous fit traverser le Niemen sur la glace et quitta le dernier le 25 territoire russe ! Nous etions en Prusse, en pays allie ! Le General Baron de Marbot. LES SOUVENIRS DU PEUPLE. 87 LES SOUVENIRS DU PEUPLE. On parlera de sa gloire Sous le chaume bien longtemps. L'humble toit, dans cinquante ans, Ne connaitra plus d'autre histoire. La viendront les villageois 5 Dire alors a quelque vieille : Par des recits d'autrefois, Mere, abregez notre veille. Bien, dit-on, qu'il nous ait nui, Le peuple encor le revere, 10 Oui, le revere. Parlez-nous de lui, grand'mere ; Parlez-nous de lui. Mes enfants, dans ce village, Suivi de rois, il passa. 15 Voila bien longtemps de qa : Je venais d'entrer en menage. A pied- grimpant le coteau Ou pour voir je m'etais mise, II avait petit chapeau 20 Avec redingote grise. Pres de lui je me troublai, II me dit : Bon jour, ma chere, Bon jour, ma chere. — II vous a parle, grand'mere ! 26 II vous a parle ! L'an d'apres, moi, pauvre femme, A Paris etant un jour, 88 LECTURES FRANQAISES. Je le vis avec sa cour : II se rendait a Notre-Dame. Tous les coeurs etaient contents ; On admirait son cortege. 5 Chacun disait : Quel beau temps ! Le ciel toujours le protege. Son sourire etait bien doux ; D'un fils Dieu le rendait pere, Le rendait pere. 10 — Quel beau jour pour vous, grand'mere ! Quel beau jour pour vous ! Mais, quand la pauvre Champagne Fut en proie aux etrangers, Lui, bravant tous les dangers, 15 Semblait seul tenir la campagne. Un soir, tout comme aujourd'hui, J'entends frapper a la porte ; J'ouvre, bon Dieu ! c'etait lui Suivi d'une faible escorte. 20 II s'asseoit ou me voila, S'ecriant : Oh ! quelle guerre ! Oh ! quelle guerre ! — II s'est assis la, grand'mere ! II s'est assis la ! 25 J'ai faim, dit-il ; et bien vite Je sers piquette et pain bis ; Puis il seche ses habits, Meme a dormir le feu l'invite. Au reveil, voyant mes pleurs, 30 II me dit : Bonne esperance ! Je cours de tous ses malheurs, Sous Paris venger la Prance. LA FEUILLE. 89 II part ; et comme un tresor J'ai depuis garde son verre, Garde son verre. — Vous l'avez encor, grand'mere ! Vous l'avez encor ! 6 Le voici. Mais a sa perte Le heros fut entraine. Lui, qu'un pape a couronne', Est mort dans une ile deserte. Longtemps aucun ne l'a cru ; 10 On disait : II va paraitre. Par mer il est accouru ; L'etranger va voir son maitre. Quand d'erreur on nous tira, Ma douleur fut bien amere ! 15 Fut bien amere ! — Dieu vous benira, grand'mere ; Dieu vous benira. B^ranger. (1815.) LA FEUILLE. " De la tige detachee Pauvre feuille dessechee, 20 Ou vas-tu ?" — Je n'en sais rien. L'orage a frappe le chene Qui seul etait mon soutien ; De son inconstante haleine Le zephyr ou l'aquilon 25 Depuis ce jour me promene 90 LECTURES FRANQAISES. De la foret a la plaine, De la montagne au vallon. Je vais ou le vent me mene, Sans me plaindre on m'eff rayer ; Je vais ou va toute chose, Ou va la feuille de rose Et la feuille de lanrier ! Antoine Vincent Arnault. (1815.) LE LAC DE GERS. De Sixt on peut se rendre dans la vallee de l'Arve en franchissant une chaine de hautes montagnes, qui s'etend 10 entre Cluses et Sallenche. Ce passage n'est guere connu et pratique que des contrebandiers qui abondent dans cette contree. Ces hommes hardis s'approvisionnent a Martigny en Valais ; puis s'acheminant, charges de poids enormes, au travers de cols inaccessibles, ils viennent de- 15 scendre dans les vallees interieures de la Savoie, pen- dant que les douaniers font bonne garde sur la lisiere du pays. Les douaniers sont des hommes qui ont un uniforme, les mains crasseuses et une pipe a la bouche. Assis au 20 soleil, ils faineantent jusqu'a- ce que vienne a passer une voiture, qui ne passe devant eux que par cette raison justement qu'elle ne contient pas trace de contrebande. — " Monsieur n'a rien a declarer ? — Non." 25 Et les voila aussitot, nonobstant cette reponse catego- rique, qui ouvrent les valises et fourrent les susdites mains parmi le linge blanc, les robes de soie et les mouchoirs LE LAC DE GERS. 91 de poche. L'Etat les paye pour exercer cet etat. Cela m'a tou jours paru drole. Les contrebandiers sont des hommes armes jusqu'aux dents, et toujours disposes a piquer d'une balle un doua- nier qui aurait l'idee d'aller se promener sur le chemin 5 qu'ils se sont reserve pour eux. Heureusement les douaniers qui se doutent de cette circonstance, ne se promenent pas, ou se promenent partout ailleurs. Cela m'a toujours paru un signe de tact chez les douaniers. J'ai eu souvent affaire avec les douaniers. 10 J'ai eu moins souvent affaire aux contrebandiers; cependant j'eus quelque rapport avec eux, le jour ou je m'avisai de vouloir passer seul de Sixt a Sallenche par les montagnes dont j'ai parle. Je m'etais fait indiquer la route : une heure avant d'arriver au sommet, on cotoie 15 un petit lac nomme le lac de Gers ; au dela on suit une arete de rocs qui traverse une plaine de neiges glacees ; apres quoi l'on redescend vers les forets qui couronnent, du cote de Sallenche, la cascade de l'Arpenas. Au bout de trois heures d'une montee rapide, je decouvris le petit 20 lac. C'est un etang encaisse entre des pentes verdoyantes qui s'y refletent en teintes sombres, tandis que la trans- parence de l'onde laisse plonger le regard jusqu'aux mousses eclatantes qui, au fond, tapissent le sol. Je m'assis au bord de cette flaque, et, a l'instar de Narcisse, 25 je m'y regardais . . . je m'y regardais manger une aile de poulet, sans que le plaisir de contempler mon image me fit perdre un seul coup de dent. Outre ma personne, je voyais aussi dans la flaque l'image renversee des cimes voisines, des forets, de toute 30 la belle nature enfin, y compris deux corbeaux qui, volant au plus haut des airs, me paraissaient, dans ce miroir, voler au plus profond des antipodes. Pendant que je 92 LECTURES FRANQAISES. m'amusais a considerer ce spectacle, une tete d'homme, ou de femme, ou de bete, tout au moins quelque chose ayant vie, me parut avoir bouge sur le penchant d'un mont. C'etait celui que j'allais gravir. Je levai subite- 5 ment les yeux pour y reconnaitre l'objet lui-meme, mais je ne vis plus rien, en sorte qu'attribuant ce phenomene a quelque ondulation de la surface de l'eau, je me remis en route, bien persuade que je me trouvais seul dans la contree. Toutefois, persuade egalement que j'avais vu 10 quelque chose, je m'arretais de temps en temps pour regarder de cote et d' autre, et, quand je fus voisin de l'endroit ou j'avais cru apercevoir la tete, je fis avec pre- caution le tour de quelques rocs, et je redoublai de circonspection. 15 On m'avait fait, en bas, une histoire au sujet du couloir de rochers que je gravissais dans cet instant. C'est, je crois, l'heure de la dire. Dix-huit contrebandiers, char- ges chacun d'un sac de poudre de Berne, passaient par la. Le dernier en rang s'apercut que son sac s'allegeait 20 sensiblement, et il etait deja tout dispose a s'en felici- ter, lorsqu'il vint a se douter ingenieusement que l'al- legement avait peut-etre lieu aux depens de la charge. Ce n'etait que trop vrai, une longue trainee de poudre se voyait sur la trace qu'il avait suivie. C'etait une perte, 25 mais surtout c'etait un indice qui pouvait trahir la marche de la troupe et cOmpromettre ses destinees. II cria halte, et a ce cri les dix-sept autres s'assirent en meme temps sur leurs sacs, pour boire un coup d' eau-de-vie et s'essuyer le front. 30 Pendant ce temps, l'autre, l'ingenieux, rebroussait jusqu'a l'origine de sa trainee de poudre. II y atteignit au bout de deux heures de marche, et il y mit le feu avec sa pipe : c'etait pour detruire l'indice. Deux mi- LE LAC DE GERS. 93 nutes apres, il entendit une detonation superbe, qui, se repercutant contre les parois de ces montagnes, roulant par les vallees et remontant par les gorges, lui causa une surprise merveilleuse : c'etaient les dix-sept sacs qui, re- joints par la trainee, sautaient en Fair, y compris less dix-sept peres de famille assis dessus. Sur quoi, je remarque deux choses. La premiere, c'est que cette histoire est une vraie histoire, agreable et recreative, suffisamment vraisem- blable, prouvee par la tradition, et par le couloir qui 10 subsiste toujours, comme chacun peut aller s'en assurer. Je la tiens pour aussi certaine que le passage d'Annibal par le mont du petit Saint-Bernard. Comment prouve- t-on le passage d'Annibal par le petit Saint-Bernard ? On commence par vous montrer une roche blanche au pied 15 du mont ; apres quoi l'on vous demontre que c'est celle que le Carthaginois, arrive au sommet, fit fondre dans du vinaigre. La seconde chose que je remarque, c'est que, dans cette histoire, dix-sept hommes perissent ; mais remar- 20 quez bien, il en reste pour porter la nouvelle. G'est la, si je ne m'abuse, le signe, le criterium d'une histoire modele ; car, dans une bataille, un desastre, une catas- trophe, que peu perissent, c'est mesquin ; que tous peris- sent, c'est nuit close. Mais que du beau milieu d'une 25 immense deconfiture, un, un seul en rechappe, et tout justement pour porter la nouvelle, c'est l'exquis du genre et la joie de l'amateur. Et c'est pourquoi l'histoire, tant la grecque que la romaine et la moderne, est riche en traits tout pareils. 30 II faisait fort chaud dans mon couloir ; toutefois a cette elevation, la chaleur est temperee par la vivacite de l'air ; d'ailleurs la beaute du spectacle que l'on a sous 94 LECTURES FRANQAISES. les yeux captive Fame et fait oublier les petites incom- modites qui, dans une plaine ingrate, paraissent quelque- fois si intolerables. En me retournant, je voyais de fort pres le dome de glace du mont Buet . . . je cms voir 5 aussi, pas bien loin, quelque chose qui bougeait derriere les derniers sapins que j'avais depasses ; j'allai m'imagi- ner que ce pouvait etre les pieds dont j'avais vu la tete, en sorte que je continuai de marcher avec une croissante circonspection. 10 Malheureusement je suis ne tres peureux ; je deteste le danger ou les heros se plaisent, dit-on ; et je me cachai parmi les rochers pour observer de la ce qui se passait sur mes derrieres. J'observais depuis une demi-heure environ (c'est tres 15 fatiguant d'observer), quand un homme de mauvaise mine se hasarda a sortir doucement de derriere les sapins. II regarda longtemps dans la direction des rochers parmi lesquels j'etais cache, puis il frappa deux fois des mains. A ce signal, deux autres homines parurent, et tous les 20trois, chargeant un gros sac sur leurs epaules, se mirent a monter tranquillement, en fumant leurs pipes qu'ils rallumerent. lis arriverent bientot ainsi a l'endroit meme ou j'observais, .tapi contre terre, et ils s'assirent sur leurs sacs, precisement comme les dix-sept. Par 25 malheur, ils me. tournaient le dos. J'eus tout le loisir de faire mes remarques. Ces mes- sieurs me parurent bien armes. Ils avaient entre eux trois une carabine et deux pistolets, sans compter le gros sac, que mon imagination, fidele aux lemons de l'histoire, 30 ne manqua pas de remplir de poudre de Berne. Et je fremissais deja a l'idee de quelque trainee, lorsque Fun d'eux, s'etant leve pour s'eloigner de quelques pas, deposa sur son sac sa pipe tout allumee. A cette vue je LE LAC DE GERS. 95 recommandai mon ame a Dieu, et j'attendis l'explosion, tout en me serrant etroitement contre un roc sur Pabri duquel je comptais tout juste assez pour ne pas hurler de frayeur. L'homme qui venait de s'eloigner avait gravi une5 hauteur d'oii il jeta un regard d' observation sur la route qu'ils allaient parcourir j puis, revenant vers ses com- pagnons : " On ne le voit plus, dit-il. — Tout de meme, dit 1' autre, ce gueux-la suffit pour nous vendre ! 10 — Et je parie, interrompit le troisieme, que c'est pour cela qu'il galope en avant. Un douanier deguise, je vous le dis. II s'arretait comme pour flairer, il regardait de ci, de la, et autre part. . . — Ah ! que nous ne Fayons pas depeche, ni vu ni 15 connu, dans ce petit coin propice et salutaire ! II n'y a que les morts qui ne reviennent pas. — Aussi Jean- Jean n'est-il pas revenu, reprit le second qui avait parle. Voici tout justement, au bas de cette rampe, le trou ou a peri sa carcasse. Le malin, quand 20 nous le primes, pour se donner l'air d'un particulier, venait de jeter loin sa carabine ; c'est celle-ci. Son proces fut vite fait. A peine on le tint, que Lameche l'attacha a un arbre, et Pierre Pabattit d'une balle dans la tempe, et le farceur ne lui dit qu'apres : " Jean- Jean, 25 fais ta priere ! " Un affreux rire suivit ces horribles paroles, jusqu'a ce que le meme homme s'etant leve pour donner le signal du depart : " Parbleu ! s'ecria-t-il en m'apercevant, nous trouvons la pie au nid. Voici notre amateur ! " 30 Les deux autres, a ces mots, se leverent en sursaut, et je vis ou je crus voir une multitude innombrable de pistolets braques sur ma tempe. 96 LECTURES FRANQAISES. " Messieurs, leur dis-je, messieurs, je . . . vous vous trompez . . . permettez . . . baissez d'abord ces armes . . . Messieurs, je suis le plus honnete homme du monde (ils froncerent le sourcil) . . . baissez, je vous prie, vos 5 armes, qui pourraient partir sans votre volonte. . . Je suis homme de lettres . . . tout particulierement etranger aux douanes . . . marie, pere de famille. . . . Baissez, je vous en conjure, vos armes, qui m'empechent de re- cueillir mes idees. Daignez continuer votre chemin 10 sans vous inquieter de moi . . . Je me moque des douanes. Je m'interesse meme a votre metier penible. Vous etes d'honnetes gens qui portez Pabondance chez les victimes d'une odieuse fiscalite. J'ai Phonneur, messieurs, de vous saluer avec respect. 15 — Tu es ici pour nous observer ! reprit, d'un ton de Cartouche, le plus mauvais des trois. — Du tout ! du tout ! . . . je suis ici pour. . . — Pour nous observer et nous vendre. On te connait. On t'a vu la-bas, epier, regarder. . . 20 — ... La belle nature, mes bons messieurs, rien autre. — La belle nature ! . . . Et ce coin ou tu t'es tapi, etait-ce, dis-moi, pour cueillir des simples ? Mauvais metier que celui que tu fais. Ces montagnes sont a nous. 25 Malheur a qui vient nous y flairer ! Fais ta priere." II leva son pistolet. Je tombai par terre. Les deux autres s'approcherent, et tous les trois echangerent a voix basse quelques paroles a la suite desquelles Pun d'eux plaqant sans faqon sa charge sur mes epaules : 30 " Yu ! " cria-t-il. C'est ainsi que je me trouvais faire partie d'une expedition de contrebande. C'etait pour la premiere fois de ma vie ; je me suis depuis toujours arrange pour que ce fut la derniere. LE LAC DE GERS. 97 II parait que mon sort venait d'etre decide dans ce conseil secret, car ces hommes ne s'occupaient plus de moi. lis marchaient en silence, portant tour a tour les deux charges restantes. J'essayai toutefois de revenir sur la demonstration de mon innocence, mais leur ceil 5 exerce plaidait plus en faveur de mon dire que ne pou- vaient le faire toutes mes assurances ; ils ne pouvaient seulement s'expliquer pourquoi j'avais marche avec cir- conspection et regarde autour de moi, alors que je devais encore me croire seul. Je leur donnai la clef 10 de ce mystere en leur avouant l'apparition qui m'avait frappe quand j'etais a considerer la flaque d'eau. " C'est egal, dit le mauvais, innocent ou non, tu peux nous vendre, marche. Voici tout a l'heure la foret ; on t'y fera ton affaire." 15 Que l'on juge du sinistre sens que je dus attacher a ces paroles. Aussi, durant la demi-heure de promenade qui nous conduisit a la foret prochaine, j'eus le temps de me faire une juste idee des angoisses d'un patient que l'on conduit a l'echafaud. Elles sont, je puis l'assurer, 20 fort dignes de pitie. Encore avais-je en ma faveur mon innocence d'abord, et puis la chance de rencontrer quelqu'un, sans compter celle qui m'etait offerte de me precipiter, moi et ma charge, dans un abime fort conve- nable qui s'ouvrait a notre droite. La premiere de ces 25 chances ne se presenta pas, je ne voulus pas de l'autre, en sorte que nous arrivames sans encombre a la for§t. La, ces messieurs m'oterent ma charge ; ils me lierent fortement a un gros meleze, et . . . et au lieu de mlabattre, comme ils avaient fait de Jean-Jean : " II nous faut, me 30 dirent-ils, vingt-quatre heures de securite. Tenez-vous en joie. Demain en repassant, nous vous delierons, et la reconnaissance vous rendra discret." Apres quoi, ils reprirent leur charge et me quitterent. 98 LECTURES FRANQAISES. Je crois que jamais la nature ne me parut belle et radieuse comme dans ce moment-la. Chose singuliere ! mon meleze ne me genait nullement. Vingt-quatre heures me semblaient une minute ; ces hommes de bien, 5honnetes gens, un peu brusques par necessite, mais d'ailleurs estimables et connaissant les usages. C'est que la vie m'etait reellement rendue ! II etait deux heures de l'apres-midi. Je n'en avais plus que vingt-trois a attendre. Cet endroit etait sau- lOvage, tout voisin des neiges, nullement frequente des voyageurs. Au surplus, une personne eut paru dans ces premiers moments, que, tout penetre encore d'un pro- fond respect pour mes persecuteurs, qui ne pouvaient etre fort eloignes, je l'eusse priee, je crois, de ne me de- 15 livrer point, de n'approcher pas. Toutefois, vers quatre heures, mon respect avait diminue en raison directe du carre des distances, et en meme temps mon meleze, toute figure a part, commenQait a me scier le dos d'une fagon etrange j mais je n'en etais guere plus avance, et je ne 20 voyais plus que le rat de la fable qui put me tirer de la, lorsque parut un naturel. Ce naturel etait lui-meme tres fabuleux. II avait un chapeau perce, des culottes, point de bas, et, sous le nez, une sorte de foret noire provenant de l'usage im- 25 modere d'un tabac de contrebande apparemment. " Hola ! he ! au secours ! brave homme," lui criai-je. Au lieu d'accourir, il s'arreta court et huma une enorme prise. Le paysan Savoyard n'est pas cauteleux, mais prudent. 30 II ne precipite rien, il n' allonge le bras que la ou il y voit clair ; et ne se mele d'une affaire que lorsqu'il n'aperqoit au travers ni noise avec l'autorite, ni brouil- lCrie avec ses voisins, ni frottement quelconque avec les LE LAC DE GERS. 99 carabiniers royaux ; d'ailleurs le meilleur homme du monde. Mon naturel etait done le meilleur homme du monde ; mais cet homme attache a un meleze, Qa ne lui sembla pas clair. Ce pouvait etre de par l'autorite, ou de par 5 quelqu'un, ou de par autre chose. C'est pour cela qu'il hesitait a s'avancer. A la fin : " Fait un bien joli temps, me cria-t-il en souriant matoisement. — Venez done me delier, au lieu de me parler de beau 10 temps, plaisant que vous etes ! — On vous deliera assez." Puis, doublant le pas, il disparut au tournant du sentier. Je l'accompagnai de mes maledictions. Je ne savais que penser ni que faire. Mon imagi-15 nation commenqait a s'assombrir singulierement, et, sans les ebats de deux ecureuils qui m'offrirent quelque sujet de distraction, j'aurais ete fort malheureux. Ces jolis mais timides animaux, se croyant seuls dans les bois, y jouaient avec cette libre aisance et cette grace de mouve- 20 ments que tue la crainte, et, se poursuivant d'arbre en arbre, ils me surprenaient par l'agilite de leurs sauts et par l'elegante gentillesse de leurs manoeuvres. Comme je faisais corps avec le meleze, l'un d'eux descendit etourdiment le long de ma personne pour escalader un25 arbre voisin, sur lequel l'autre le poursuivit de branche en branche jusqu'a la cime. Tout a coup ils demeurerent immobiles, comme d'un commun accord, ce qui me fit conjecturer que, de la-haut, ils voyaient quelqu'un s'approcher. 30 Je ne me trompais point. Un gros homme parut, suivi du naturel a la foret noire. Ce gros homme avait trois mentons, une face de pleine lune, Tceil petit et mal- 100 LECTURES FRANQAISES. heureu semen t tres prudent, un chapeau a comes et un habit a queue. Quand il m'eut apercu, il se constitua en etat d' observation. " Qui etes-vous ? lui criai-je. 5 — Le syndic de la commune, repondit-il sans avancer d'un pas. — Eh bien, syndic de la commune, je vous somme de me delier. — On vous deliera assez ! dirent-ils tous les deux en 10 meme temps. — J'ai ete attaque et depouille par des brigands qui m'ont attache a cet arbre, et je demande d'etre delivre promptement. — Ah ! voila l'affaire ! dit le syndic. Des brigands, 15 que vous dites ? . . . — Oui, des brigands. — Ah ! voila l'affaire ! — Bien certainement que voila l'affaire ! Et mainte- nant que vous etes au fait, avancez et deliez-moi prompte- 20 ment. Allons ! — Voila l'affaire ! repeta-t-il au lieu d'avancer. Dites voir ! C'est que Qa va couter beaucoup en ecriture. . . . — Deliez-moi tou jours, miserable ! Que voulez-vous done que je fasse de vos ecritures ? 25 — C'est que, voyez-vous, il faudra verbaliser. — Vous ne verbaliserez pas. Deliez-moi toujours. — Pas possible, mon bon monsieur. Je serais en faute. Yerbaliser d'abord, et puis vous delier apres. Je vais vous querir des temoins. II faut que j'en aie deux 30 a m§me de signer leur nom. C'est du temps qu'il faut pour les avoir, vous concevez ! et puis leur journee a payer, mais monsieur a les moyens. . . ." Puis se tour- nant vers le naturel : " Descends voir chez la Pernette, a LE LAC DE GERS 101 Maglan. Elle t'indiquera ou est sop, Loam e le noteire; tu iras le querir pour qu'il monte ; apres quoi, tu tires sur Saint-Martin, ou tu trouves Benaiton le marguillier, qui y est, bien stir, puisqu'il sonne aujourd'hui la noce pour le Chozet ; tu lui dis qu'il monte de meme. Et que 5 le notaire apporte l'ecritoire, et aussi le papier timbre. Va, mon garqon, fais diligence ; avec les honnetes gens on compte apres et on n'y perd rien. Va, et en passant a Veluz, dis a Jean-Marc que sa cavale a la morve et qu'on lui a mis les feux, mais que l'automne la refera. 10 Va. — Qu'il aille au diable ! et Jean-Marc, et sa cavale, et vous avec ! . . . Magistrat stupide ! miserables sans humanite ! Ou bien, tenez, deliez-moi, et je vous donne un louis d'or a chacun." 15 A cette proposition, le naturel, qui s'etait deja mis en chemin, s'arreta court. Mais le syndic : " Vous payerez les ecritures et les frais, et vous baillerez, par apres, un pourboire a volonte : mais pour ce qui est d'acheter le monde par avance, vous mettriez louis d'or sur louis d'or, 20 que qa, n'y ferait rien. Savez-vous qu'on est syndic de la commune de pere en fils, depuis Antoine-Baptiste, mon ancetre, et qu'avant qu'on se donne une tare, l'Arve n'aura plus d'eau ? Vas-tu, toi, cria-t-il au naturel. Prenez patience, ajouta-t-il en me quittant, je vais vous 25 querir une chopine de rouge, qui vous veut reconforter des mieux." C'est ainsi que la desolante mais meritoire honnetete de ce bonhomme me fut aussi contraire que son respect pour les formes. Je demeurai de nouveau seul, et, cette 80 fois, bien certain que je ne serais delivre que le lende- main matin ; je tachai de m'accoutumer a cette idee. Heureusement la soiree etait chaude, et l'air d'une se- 102 LECTURES FRANQAISES. renite delicieuse. Le soleil, deja sur son declin, pene- trait horizontalement dans la foret, fermee dnrant le jour a ses rayons, et les troncs de melezes se projetaient en longues ombres sur un sol mousseux, tout resplen- 5 dissant de teintes jaunes et eclatantes. Quelques buses que j'avais vues planer au-dessus de ma t§te avaient disparu ; les corbeaux traversaient en croassant la vallee de PArve pour gagner leur gite nocturne, et les cimes elles-memes, en se decolorant peu a peu, semblaient 10 passer de l'activite de la vie au silence du sommeil. Cette paix du soir, ce spectacle de la nature qui s'en- veloppe d' ombres et s'endort dans la nuit, exercent sur Fame une secrete puissance qui y eteint le trouble et les preoccupations dans le charme d'une douce melan- 15 colie. Malgre le desagrement de ma situation, je n'echap- pai pas a ces impressions. Mon cceur, mollement remue, se reportait sur les heures de cette orageuse journee, et, en y retrouvaut la trace des angoisses du matin, il savourait avec plus de vivacite la tranquille douceur de la soiree et 20 le rasserenant espoir d'une delivrance, sinon immediate, du moins assuree et prochaine. Cependant, aux derniers rayons du couchant, je vis paraitre sur mon horizon quelques homines, des femmes, des enfants, tout un village. Ces figures, placees entre le 25 soleil et moi, se detachaient en mouvantes silhouettes sur le transparent feuillage des melezes inferieurs, en sorte que je ne reconnus pas d'abord parmi elles mon syndic et sa chopine. II s'y trouvait pourtant, et a ses cotes, le cure, qu'amenait aussi la renommee de mon aventure. La 30 visite de cet ecclesiastique ranima mes esperances, et je m'appretai a faire tourner au profit de ma delivrance tout ce que je pourrais trouver en lui de vertus chretiennes. Ce cure etait fort age, infirme ; il montait lentement. LE LAC DE GERS. 103 " Ohe ! dit-il en m'apercevant ; ces scelerats vous ont vilainement emmaillotte, monsieur ! Je vous salue." Le ton franc et l'air ouvert de ce bon vieillard me ravirent de joie. " Vilainement en verite, repondis-je ; excusez-moi si par leur faute je ne puis ni m'incliner ni 5 vous tirer mon chapeau, monsieur le cure. Puis-je vous entretenir quelques instants en particulier ! — Le plus presse, ce me semble, c'est de vous delier, reprit-il. Vous m'entretiendrez apres plus commodement. Allons, Antoine, dit-il au syndic, a l'ceuvre ! et coupez- 10 moi ces cordes." Je me confondis en expressions de reconnaissance, et certes elles partaient du coeur. Antoine, ayant tire son couteau, se disposait a couper mes liens, lorsque le naturel, qui convoitait la corde et qui etait jaloux de la 15 posseder dans son integrite, ecarta le couteau et alia droit au noeud, qu'il parvint a defaire au bout de quelques instants. A peine libre, je serrai la main du cure, et, dans les, premiers mouvements de ma joie, je le baisai sur les deux joues. Mais aussitot une vive douleur se fit 20 sentir dans tous mes membres, et, incapable de mouvoir mes jambes engourdies, je fus contraint de m'asseoir sur la place meme. Alors Antoine s'approcha avec la cho- pine, pendant que le cure envoyait un de ses paroissiens chercher sa mule pour la mettre a mon service. Ces 25 ordres donnes : " Je suis pr§t a vous ecouter," me dit-il. Et tout le village, femmes, marmots, patres, syndic et marguillier, firent cercle autour de nous. Le soleil ve- nait de se coucher. Je contai mon histoire dans toute sa verite. Les cir-30 Constances atroces qui avaient accompagne la mort de Jean-Jean, penetrerent d'effroi ces bonnes gens. Quand j'eus acheve mon recit : " C'est bien," dit le 104 LECTURES FRANgAISES. vieux cure. Puis s'adressant a ses paroissiens : " Vous autres, ecoutez-moi. Vous tremblez devant ces scelerats, et voila pourquoi ils osent tout ; car ce sont les poltrons qui font les braves. Et ce qui est bien pis, c'est que 5 quelques-uns profitent de leur abominable negoce. Vois- tu bien, a present, Andre, ou t'a conduit ton desordre de tabac, et cette brutale faqon d'en consommer par-dessus tes moyens ? Ton nez est gorge, et tu n'as pas de bas ; passe encore de n'avoir pas de bas; mais ce tabac, tu 10 l'achetes des f raudeurs ; et puis voila que, pour ne pas te brouiller avec eux, tu n'oses delivrer un homme en peine, comme doit faire un bon chretien. Mais sais-tu, Andre, que ces brigands-la seront grilles en enfer, et que je ne reponds de rien pour ceux qui les menagent ? Crois- 15 moi, mon garcpn, prends moins de tabac, et achete-le au bureau. Pour Antoine, il a cru bien faire, et, ce qui vaut mieux, il a bien fait. C'est la regie qui l'enchaine, lui, et non pas ses appetits." Le bon cure, en achevant ces mots, frappa familiere- 20 ment sur l'epaule d' Antoine, qui, glorieux de cette appro- bation donnee par-devant tout le village a sa conduite prudente et desinteressee, se rengorgea nai'vement, te- nant sa chopine d'une main et son chapeau a comes de 1' autre. 25 Pendant ces discours, la mule etait arrivee. On m'aida a me hisser dessus, et je pus enfin prendre conge de mon meleze. Nous descendimes. Le syndic tenait la bride, le bon cure causait a mes cotes, puis ve- naient les paroissiens ; et cette pittoresque procession 30 marchait a la lueur d'un clair crepuscule, tantot eparse sur les mousses de la foret, tantot agglomeree dans le fond d'un ravin, ou descendant a la file les contours sinueux d'un etroit sentier. Au bout d'une demi-heure, LE LAC DE GERS. 105 nous atteignimes des paturages ouverts, d'oii l'on de- couvrait l'autre revers de la vallee de l'Arve, et, a peu de distance de nous, quelque culture, des hetres et la fleche penchee d'un clocher delabre. C'etait le village. Quand nous y enframes : "Bon soir a tous ! dit le5 cure a son monde. Pour vous, monsieur, je vous offre un lit et a souper. Marthe ! cria-t-il en approchant de la cure, apprete au plus vite un poulet, et donne-moi la clef de la cave." Je soupai en tete-a-tete avec cet excellent homme, qui 10 fit maigre pendant que je devorais le poulet. Apres que nous eumes bu la fin d'une bouteille de vin vieux qu'il avait debouchee en mon honneur, je pris conge de mon hote pour aller gouter un repos dont j'avais grand besoin. Le lendemain, je descendis a Maglan. Mon but avait 15 ete de visiter Chamonix ; mais, apres des emotions si vives et une si rude aventure, je ne me sentais plus la moindre velleite de courir le pays, en sorte que je tournai le dos aux montagnes, et je me hatai de regagner mes foyers par le plus court chemin. 20 RODOLPHE TOPFFER. 106 LECTUKES FRANQAISES. MONSIEUR DE LA PALISSE. Messieurs, vous plait-il d'ou'ir L'air du fameux la Palisse ? II pourra vous rejouir, Pourvu qu'il vous divertisse. 5 La Palisse eut peu de bien Pour soutenir sa naissance ; Mais il ne manqua de rien, Des qu'il fut dans l'abondanee. Bien instruit, des le berceau, 10 Jamais, tant il fut honnete, II ne mettait son chapeau, Qu'il ne se couvrit la tete. II etait affable et doux, De Phumeur de feu son pere, 15 Et n'entrait gueres en courroux Si ce n'est dans la colere. II buvait tous les matins Un doigt, tire de la tonne ; Et mangeant chez ses voisins, 20 II s'y trouvait en personne. II voulait dans ses repas Des mets exquis et fort tendres, Et faisait son mardi gras, Toujours la veille des Cendres. MONSIEUR DE LA PALISSE. 107 Ses valets etaient soigneux De le servir d'andouillettes, Et n'oubliaient pas les oeufs, Surtout dans les omelettes. De l'inventeur du raisin, 5 II reverait la memoire ; Et pour bien gouter le vin Jugeait qu'il en fallait boire. II aimait a prendre Pair Quand la saison etait bonne ; 10 Et n'attendait pas l'hiver, Pour vendanger en automne. II epousa, ce dit-on, Une vertueuse dame ; S'il avait vecu garcon, 16 11 n'aurait pas eu de femme. II en fut tou jours cheri ; Elle n'etait point jalouse; Si tot qu'il fut son mari, Elle devint son epouse. 20 II brillait comme un soleil ; Sa chevelure etait blonde : II n'eut pas eu son pareil, S'il eut ete seul au monde. II eut des talents divers, 25 M§me on assure une chose : Quand il ecrivait en vers, Qu'il n'ecrivait pas en prose. 108 LECTURES FRANQA1SES. En matiere de rebus, II n'avait pas son semblable : S'il eut fait des impromptus ; II en eut ete capable. 5 II savait nn triolet, Bien mieux que sa patenotre ; Quand il chantait un couplet, II n'en chantait pas un autre. II expliqua doctement 10 La physique et la morale : II soutint qu'une jument Est toujours une cavale. Par un discours serieux, II prouva que la berlue, 15 Et les autres maux des yeux, Sont contraires a la vue. Chacun alors applaudit A sa science inouie : Tout homme qui Pentendit, 20 N'avait pas perdu Tome. II pretendit, en un mois, Lire toute l'Ecriture, Et l'aurait lue une fois, S'il en eut fait la lecture. 25 Mieux que tout autre il savait A la cour jouer son role : Et jamais lorsqu'il buvait, Ne disait pas une parole. MONSIEUR DE LA PALISSE. 109 Lorsqu'en sa maison des champs II vivait libre et tranquille, On aurait perdu son temps De le chercher a la ville. Un jour il fut assigne 6 Devant son juge ordinaire ; S'il eut ete condamne, II eut perdu son affaire. II voyageait volon tiers, Courant par tout le royaume : 10 Quand il etait a Poitiers, II n'etait pas a Vendome. II se plaisait en bateau ; Et soit en paix, soit en guerre, II allait toujours par eau, 15 A moins qu'il n' allat par terre. Un beau jour, s'etant fourre Dans un profond marecage, II y serait demeure S'il n'eut pas trouve passage. 20 II fuyait assez l'exces ; Mais dans les cas d'importance, Quand il se mettait en frais, II se mettait en depense. Dans un superbe tournoi, 25 Pret a fournir sa carriere, II parut devant le Roi : II n'etait done pas derriere. 110 LECTURES FRANQAISES. Monte sur un cheval noir, Les dames le reconnurent ; Et c'est la qu'il se lit voir A tous ceux qui l'apercurent. 5 Mais bien qu'il fut vigoureux, Bien qu'il fit le diable a quatre, II ue renversa que ceux Qu'il eut l'adresse d'abattre. II fut par un triste sort, 10 Blesse d'une main cruelle ; On croit, puis qu'il en est mort, Que la plaie etait mortelle. Begrette de ses soldats, II mourut digne d'envie ; 15 Et le jour de son trepas Eut le dernier de sa vie. II mourut le vendredi Le dernier jour de son age : S'il fut mort le samedi, 20 II eut vecu davantage. Anon. (16 — ) LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. Ill LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. PERSONNAGES. perrichon. Le Commandant Mathieu. Majorin. Armand Desroches. Daniel Savary. Jean, domestique de Perrichon. Madame Perrichon. Henriette, sa fille. Un Aubergiste. Un Guide. Un Employe du Chemin de fer. commissionnaires, voyageurs, etc. ACTE PREMIER. La gare du chemin de fer de Lyon a Paris. — Au fond, barriere ouvrant sur les salles d'attente. Au fond, a droite, guichet, pour les billets. Au fond, a gauche, bancs. A droite, raarchande de gateaux ; a gauche, marchande de livres. scene premiere. Majorin, un Employe du Chemin de fer, Voyageurs, commissionnaires. Majorin, se promenant avec impatience. Ce Perrichon 5 n'arrive pas ! Voila une heure que je Fattends. . . C'est pourtant bien aujourd'hui qu'il doit partir pour la Suisse avec sa femme et sa fille. . . (Avec amertume.) Des carrossiers qui vont en Suisse ! Des carrossiers qui ont quarante mille livres de rentes ! Des carrossiers qui 10 112 LECTURES FRANQAISES. ont voiture ! Quel siecle ! Tandis que, moi, je gagne deux mille quatre cents francs . . . un employe labo- rieux, intelligent, tou jours courbe sur son bureau. . . Aujourd'hui, j'ai demande un conge . . . j'ai dit que 5 j'etais de garde. . . II faut absolument que je voie Perrichon avant son depart . . . je veux le prier de m'avancer mon trimestre ... six cents francs ! II va prendre son air protecteur . . . faire l'important ! . . . un carrossier ! Qa fait pitie ! II n ? arrive toujours pas ! on lOdirait qu'il le fait expres! (#' adressant a un facteur qui passe suivi de voyageurs.) Monsieur, a quelle heure part le train direct pour Lyon ? . . . Le Facteur, brusquement. Demandez a l'employe. (77 sort par la gauche.) 15 Majorin. Merci . . . manant ! (S'adressant a V em- ploye qui est pres du guiehet.) Monsieur, a quelle heure part le train direct pour Lyon ? . . . L'Employe, brusquement. Qa ne me regarde pas ! voyez l'affiche. (II designe une affiehe a la cantonade, a 20 gauche.) Majorin. Merci. ... (A part.) lis sont polis dans ces administrations ! Si jamais tu viens a mon bureau, toi ! . . . Voyons l'aniche . . . (// sort par la gauche.) scene n. L'Employ£, Perrichon, Madame Perrichon, Henriette. (lis entrent par la droite. ) Perrichon. Par ici ! . . . ne nous quittons pas ! nous 25 ne pourrions plus nous retrouver. . . Oil sont nos ba- gages ? . . . (Regardant a droite, a la cantonade.) Ah ! tres bien ! Qui est-ce qui a les parapluies ? . . . Henriette. Mci, papa. LE VOYAGE DE MONSIEUR PERKICHON. 113 Perrichon. Et le sac de nuit ? . . . les man- teaux ? . . .' Madame Perrichon. Les voici. Perrichon. Et mon panama? . . . II est reste dans le fiacre ! (Faisant un mouvement pour sortir et s'arre- 5 tant.) Ah ! non ! je l'ai a la main ! . . . Dieu, que j'ai chaud ! Madame Perrichon. C'est ta faute ! . . . tu nous presses, tu nous bouscules ! . . . je n'aime pas a voyager comme qa ! 10 Perrichon. C'est le depart qui est laborieux . . . une fois que nous serons cases ! . . . Restez la, je vais prendre les billets. . . (J)o7inant son chapeau a Henriette.) Tiens, garde-moi mon panama. . . {Au guichet.) Trois premieres pour Lyon ! . . . 15 L'Employe, brusquement. Ce n'est pas ouvert ! Dans un quart d'heure ! Perrichon, a V employe. Ah ! pardon ! c'est la pre- miere fois que je voyage. . . (Revenant a sa femme.) Nous sommes en avance. 20 Madame Perrichon. La ! quand je te disais que nous avions le temps. . . Tu ne nous as pas laissees de- jeuner ! Perrichon. II vaut mieux §tre en avance ! ... on examine la gare ! (A Henriette.) Eh bien, petite fille, 25 es-tu contente ? . . . Nous voila partis ! . . . encore quel- ques minutes, et, rapides comme la fleche de Guillaume Tell, nous nous elancerons vers les Alpes ! (A sa femme.) Tu as pris la lorgnette ? Madame Perrichon. Mais oui ! 30 Henriette, a son pere. Sans reproches, voila au moins deux ans que tu nous promets ce voyage. Perrichon. Ma fille, il fallait que j'eusse vendu mon 114 LECTURES FRANQAISES. fonds. . . Un commerQant ne se retire pas aussi facile- ment des affaires qu'une petite fille de son pensionnat. D'ailleurs, j'attendais que ton education fut terminee pour la completer en faisant rayonner devant toi le grand 5 spectacle de la nature ! Madame Perrichon. Ah ca ! est-ce que vous allez continuer comme qa ? . . . Vous faites des phrases dans une gare ! Perrichon. Je ne fais pas de phrases . . . j'eleve les 10 idees de l'enfant. (Tirant de sa poche un petit carnet.) Tiens, ma fille, voici un carnet que j'ai achete pour toi, pour ecrire d'un cote la depense, et de Pautre nos im- pressions de voyage ! Tu ecriras, et moi, je dicterai. Madame Perrichon. Comment ! vous allez vous 15 faire auteur a present ? Perrichon. II ne s'agit pas de me faire auteur . . . mais il me semble qu'un homme du monde peut avoir des pensees et les recueillir sur un carnet ! Madame Perrichon. Ce sera bien joli ! 20 Perrichon, a part. Elle est comme qa, chaque fois qu'elle n'a pas pris son cafe ! Un Facteur, poussant un petit chariot charge- de bagages. Monsieur, voici vos bagages. Voulez-vous les faire enregistrer ? . . . 25 Perrichon. Certainement ! Mais, auparavant, je vais les compter . . . parce que, quand on sait son compte. . . Un, deux, trois, quatre, cinq, six, ma femme, sept, ma fille, huit, et moi, neuf. Nous sommes neuf. Le Facteur. Enlevez ! 30 Perrichon, courant vers le fond. Depechons-nous ! Le Facteur. Pas par la, c'est par ici ! (II indique la gauche.) Perrichon. Ah ! tres bien ! (Aux femmes.) Atten- LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 115 dez-moi la ! . . . ne nous perdons pas ! (II sort en courant, suivant le facteur.) * scene m. Madame Perrichon, Henriette, puis Daniel. Henriette. Pauvre pere ! quelle peine il se donne ! Madame Perrichon. II est comme un ahuri ! Daniel, entrant suivi oVun commissionaire qui porte sa 5 malle. Je ne sais pas encore ou je vais, attendez ! (Apercevant Henriette.) C'est elle ! je ne me suis pas trompe ! (II salue Henriette, qui lui rend son salut.) Madame Perrichon, a sa fille. Quel est ce mon- sieur ? . . . 10 Henriette. C'est un jeune homme qui m'a fait dan- ser la semaine derniere au bal de la Mairie du huitieme arrondissement. Madame Perrichon, vivement. Un danseur ! (Elle salue Daniel.) 15 Daniel. Madame ! . . . mademoiselle ! . . . je benis le hasard. . . Ces dames vont parti r ? . . . Madame Perrichon. Oui, monsieur ! Daniel. Ces dames vont a Marseille, sans doute ? . . . Madame Perrichon. Non, monsieur. 20 Daniel. A Nice, peut-etre ? . . . Madame Perrichon. Non, monsieur. Daniel. Pardon, madame . . . je croyais ... si mes services. . . Le Facteur, a Daniel. Bourgeois ! vous n'avez que 25 le temps pour vos bagages. Daniel. C'est juste ! allons ! (A part.) J'aurais voulu savoir ou elles vont . . . avant de prendre mon billet . . . (Saluant) Madame . . . mademoiselle. . . (A 116 LECTURES FRANQAISES. part.) Elles partent, c'est le principal ! (II sort par la gauche.) SCENE IV. Madame Perrichon, Henriette, puis Armand. Madame Perrichon. II est tres bien, ce jeune homme ! 5 Armand, tenant un sac de nuit. Portez ma malle aux bagages . . . je vous rejoins ! (Apercevant Henriette.) C'est elle ! (lis se saluent.) Madame Perrichon. Quel est ce monsieur ? . . . Henriette. C'est encore un jeune homme qui m'a 10 fait danser au bal du huitieme arrondissement. Madame Perrichon. Ah ca ! ils se sont done tous donne rendez-vous ici ? . . . N'importe, c'est un danseur ! (Saluant.) Monsieur. . . Armand. Madame . . . mademoiselle . . . je benis le 15 hasard . . . Ces dames vont partir ? Madame Perrichon. Oui, monsieur. Armand. Ces dames vont a Marseille, sans doute ? . . . Madame Perrichon. Non, monsieur. Armand. A Nice, peut-etre ? . . . 20 Madame Perrichon, a part. Tiens, comme l'autre ! (Haut.) Non, monsieur ! Armand. Pardon, madame, je croyais ... si mes services ... Madame Perrichon, a part. Apres qa ! ils sont du 25meme arrondissement. Armand, a part. Je ne suis pas plus avance* . . . je vais faire enregistrer ma malle . . . je reviendrai ! (Saluant.) Madame . . . mademoiselle . . . LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 117 SCENE V. Madame Perrichon, Henriette, Majorin, puis Perrichon. Madame Perrichon. II est tres bien, ce jeune homme ! . . . Mais que fait ton pere ? les jambes me rentrent dans le corps ! Majorin, entrant par la gauche. Je me suis trompe, ce train ne part que dans une heure ! 5 Henriette. Tiens ! monsieur Majorin ! Madame Perrichon, a Majorin. Vous ! comment ii'etes-vous pas a votre bureau ? . . . Majorin. J'ai demande un conge, belle dame ; je ne voulais pas vous laisser partir sans vous faire mes adieux ! 10 Madame Perrichon. Comment ! c'est pour cela que vous etes venu ! Ah ! que c'est aimable ! Majorin. Mais je ne vois pas Perrichon ! Henriette. Papa s'occupe des bagages. Perrichon, entrant en courant, a la cantonade. Les 15 billets d'abord ! tres bien ! Majorin. Ah ! le voici ! Bonjour, cher ami! Perrichon, tres presse. Ah ! c'est toi ! tu es bien gentil d'etre venu ! . . . Pardon, il faut que je prenne mes billets ! (II le quitte.) 20 Majorin, a part. II est poli ! Perrichon, a V employe an guichet. Monsieur, on ne veut pas enregistrer mes bagages avant que j'aie pris mes billets ! L'Emplove. Ce n'est pas ouvert ! attendez ! 25 Perrichon. Attendez! et la-bas ils m'ont dit : Depechez-vous ! (S' 'essny 'ant le front.) Je suis en nage ! Madame Perrichon. Et moi, je ne tiens plus sur mes jambes ! 118 LECTURES FRANgAISES. Perrichon. Eh bien, asseyez-vous ! (Indiquant It fond a gauche.) Voila des bancs . . . vous etes bonnes de rester plantees la comme deux factionnaires. Madame Perrichon. C'est toi-meme qui nous as dit : 5 Restez-la ! Tu n'en finis pas ! Tu es insupportable ! Perrichon. Voyons, Caroline ! Madame Perrichon. Ton voyage ! j'en ai deja assez ! Perrichon. On voit bien que tu n'as pas pris ton cafe ! Tiens, va t'asseoir ! 10 Madame Perrichon. Oui ! mais depeche-toi ! {Elle va s'asseoir avec Henriette.) SCENE VI. Perrichon, Majorin. Majorin, a part. Joli petit menage ! Perrichon, a Majorin. C'est toujours comme qa quand elle n'a pas pris son cafe. . . Ce bon Majorin ! c'est 15 bien gentil a toi d'etre venu ! Majorin. Oui, je voulais te parler d'une petite affaire. Perrichon, distrait. Et mes bagages qui sont restes la-bas sur une table. . . Je suis inquiet ! (Haut.) Ce bon Majorin ! c'est bien gentil a toi d'etre venu ! 20 Majorin. J'ai un petit service a te demander. Perrichon. A moi ? . . . Majorin. J'ai demenage . . . et, si tu voulais m'avan- cer un trimestre de mes appointements ... six cents francs ! 25 Perrichon. Comment ! ici ? . . . Majorin. Je crois t' avoir toujours rendu exactement l'argent que tu m'as prete. Perrichon. II ne s'agit pas de Qa ! Majorin. Pardon ! je tiens a le constater . . . Je 30 touche mon dividende des paquebots le huit du mois pro- LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 119 chain ; j'ai douze actions . . . et, si tu n'as pas confiance en moi, je te remettrai les titres en garantie. Perrichon. Allons done ! es-tu bete ! Majorin, sechement. Merci ! Perrichon. Pourquoi diable aussi viens-tu me de-5 mander ca au moment ou je pars ? . . . j'ai pris juste l'argent necessaire a mon voyage. Majorin. Apres tout, si qa, te gene . . . n'en parlons plus. Je m'adresserai a des usuriers qui me prendront cinq pour cent par an . . . je n'en mourrai pas ! 10 Perrichon, tirant son portefeuille. Voyons, ne te fache pas ! . . . tiens, les voila, tes six cents francs, mais n'en parle pas a ma fern me. Majortx, prenant les billets. C'est six cents francs que je te dois . . . adieu ! (A part.) Que d'histoires ! 15 pour six cents francs ! . . . et c,a va en Suisse ! . . . Car- rossier ! ... (II disparalt par la droite.) Perrichon. Eh bien ! il part ! il ne m'a seulement pas dit merci ! mais, au fond, je crois qu'il m'aime ! (Apercevant le guichet ouvert.) Ah! sapristi ! on dis-20 tribue les billets I ... (II se preoipite vers la balustrade et prend ses billets.') Perrichox. J'ai mes billets ! . . . vite ! a mes ba- gages ! Quel metier que d'aller a Lyon ! (II sort en courant.) ' 25 SCENE vn. Madame Perrichon, Henriette, puis Perrichon, un Facteur. Madame Perrichon, se levant avec sa fille. Je suis lasse d'etre assise ! Perrichon, entrant en courant. Enfin ! c'est fini ! j'ai mon bulletin ! je suis enregistre ! 120 LECTURES FRANQAISES. Madame Perrichon. Ce n'est pas malheureux ! Le Facteur, poussant son chariot vide, a Perrichon. Monsieur . . . n'oubliez pas le facteur, s'il vous plait. . . Perrichon. Ah ! oui. . . . Attendez . . . (Se coneertant 5 avec sa femme et sa fille.) Qu'est-ce qu'il faut lui donner a celui-la, dix sous ? . . . Henriette. Vingt. Perrichon. Allons . . . va pour vingt sous ! (Les lui dormant.) Tenez, mon garcpn. 10 Le Facteur. Merci, monsieur ! (II sort.) Madame Perrichon. Entrons-nous ? Perrichon. Un instant. . . Henriette, prends ton car- net et ecris. (Dictant.) Depenses : fiacre, deux francs . . . chemin de fer, cent soixante-douze francs cinq centimes . . . 15 facteur, un franc. Henriette. C'est fait ! Perrichon. Attends! impression! (Dictant.) Adieu France . . . reine des nations ! (SHnterrompant.) Eh bien ! et mon panama ? . . . je l'aurai laisse aux bagages ! 20 (II veut courir.) Madame Perrichon. Mais non, le voici ! Perrichon. Ah ! oui. (Dictant.) Adieu, France ! reine des nations ! (On entend la cloche et Von voit ac- courir plusieurs voyageurs.) 25 Madame Perrichon. Le signal! tu vas nous faire manquer le convoi ! Perrichon. Entrons, nous finirons cela plus tard! (V employe Varrete a la barriere pour voir les billets. Perrichon querelle sa femme et sa fille, finit par trouver 30 les billets dans sa poche. lis entrent dans la salle d'attente.) LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 121 SCENE VIH. Armand, Daniel, puis Perrichon. (Daniel, qui vient de prendre son billet, est heurte par Armand, qui veut prendre le sien.) Armand. Prenez done garde ! Daniel. Faites attention vous-meme ! Armand. Daniel ! Daniel. Armand ! Armand. Vous partez ? . . . o Daniel. A l'instant ! et vous ? . . . Armand. Moi aussi ! Daniel. C'est charmant ! nous ferons route ensem- ble ! J'ai des cigares de premiere classe . . . Et ou allez- vous ? 10 Armand. Ma foi, mon cher ami, je n'en sais rien encore. Daniel. Tiens ! c'est bizarre ! ni moi non plus ! J'ai pris un billet jusqu'a Lyon. Armand. Vraiment ? moi aussi ! je me dispose a sui- 15 vre une demoiselle charmante. Daniel. Tiens ! moi aussi ! Armand. La fille d'un carrossier! Daniel. Perrichon ? Armand. Perrichon ! 20 Daniel. C'est la meme ! Armand. Mais je l'aime, mon cher Daniel. Daniel. Je l'aime egalement, mon cher Armand. Armand. Je veux l'epouser ! Daniel. Moi, je veux la demander en manage. . . 25 ce qui est a peu pres la meme chose. Armand. Mais nous ne pouvons l'epouser tous les deux ! Que faire ? . . . 122 LECTURES FRANQAISES. Daniel. C'est bien simple ! puisque nous sommes sur le marchepied du wagon, continuons gaiement notre voyage . . . cherchons a plaire ... a nous faire aimer, chacun de notre cote ! 5 Akmand, riant. Alors, c'est un concours ! . . . un tournoi ! . . . Daniel. Une lutte loyale . . . et amicale. . . Si vous etes vainqueur . . . je m'inclinerai ... si je l'emporte, vous ne me tiendrez pas rancune ! Est-ce dit ? 10 Armand. Soit ! j'accepte. Daniel. La main, avant la bataille. Armand. Et la main apres. (lis se donnent la main.) Perrichon, entrant en courant, a la cantonade. Je te dis que j'ai le temps ! 15 Daniel. Tiens ! notre beau-pere ! Perrichon, a, la marchande de livres. Madame, je voudrais un livre pour ma femme et ma fille . . . un livre qui ne parle ni de galanterie, ni d'argent, ni de poli- tique, ni de mariage, ni de mort. 20 Daniel, a part. Robinson Crusoe ! La Marchande. Monsieur, j'ai votre affaire. (Elle lui remet un volume.) Perrichon, lisant. Les Bords de la Saone : deux francs ! (Pay ant.) Vous me jurez qu'il n'y a pas de 25betises la-dedans? (On entend la cloche.) Ah diable! Bonjour, madame. (// sort en courant.) Armand. Suivons-le. Daniel. Suivons ! C'est egal, je voudrais bien savoir ou nous allons . . . (On voit courir plusieurs voya- 30 geurs. — Tableau.) LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 123 ACTE DEUXIEME. Un interieur d'auberge au Montanvert, pres de la mer de Gl ace> — Au- fond, a droite, porte d' entree ; au fond, a gauche, fenetre ; vue de montagnes couvertes de neige ; a gauche, porte et cheminee haute. — Table ; a droite, table oil est le livre des voyageurs, et porte. 5 SCENE PREMIERE. Armand, Daniel, L'Aubergiste, un Guide. Daniel et Armand sont assis a une table, et dejeunent. L'Aubergiste. Ces messieurs prendront-ils autre chose ? Daniel. Tout a l'heure . . . du cafe. . . Armand. Faites manger le guide; apres, nous par- tirons pour la mer de Glace. 10 L'Aubergiste. Venez, guide. (II sort, suivi du guide, par la droite.) Daniel. Eh bien, mon cher Armand ? Armand. Eh bien, mon cher Daniel ? Daniel. Les operations sont engagees, nous avons 15 commence l'attaque. Armand. Notre premier soin a ete de nous introduire dans le meme wagon que la famille Perrichon ; le papa avait deja mis sa calotte. Daniel. Nous les avons bombardes de prevenances, 20 de petits soins. Armand. Vous avez prete votre journal a monsieur Perrichon, qui a dormi dessus. . . En echange, il vous a offert les Bords de la Saone . . . un livre avec des images. 25 Daniel. Et vous, a partir de Dijon, vous avez tenu un store dont la mecanique etait derangee ; qa a du vous fatiguer. 124 LECTURES FRANQAISES. Arm and. Oui, mais la maman m'a comble de pastilles de chocolat. Daniel. Gourmand ! . . . vous vous etes fait nourrir. Armand. A Lyon, nous descendons au meme hotel. . . 5 Daniel. Et le papa, en nous retrouvant, s'ecrie : Ah ! quel heureux hasard ! . . . Armand. A Geneve, meme rencontre . . . impre- vue. . . Daniel. A Chamonix, meme situation ; et le Pern- io chon de s'ecrier toujours : Ah! quel heureux hasard ! . . . Armand. Hier soir, vous apprenez que la famille se dispose a venir voir la mer de Glace, et vous venez me chercher dans ma chambre . . . des l'aurore . . . c'est un trait de gentilhomme ! 15 Dantel. C'est dans notre programme . . . lutte loyale ! Voulez-vous de Pomelette ? Armand. Merci . . . Mon cher, je dois vous preve- nir . . . loyalement, que de Chalon a Lyon, mademoiselle Perrichon m'a regarde trois fois. 20 Daniel. Et moi, quatre. Armand. Diable ! c'est serieux ! Daniel. Qa le sera bien davantage quand elle ne nous regardera plus . . . Je crois qu'en ce moment elle nous prefere tous les deux . . . Qa peut durer longtemps 25 comme qa ; heureusement nous sommes gens de loisir. Armand. J'ai eu un moment la pensee de vous ceder la place ; mais j'aime serieusement Henriette. . . Daniel. C'est singulier . . . je voulais vous faire le meme sacrifice . . . sans rire. . . A Chalon, j'avais envie de BO decamper, mais je l'ai regardee. Armand. Elle est si jolie ! Daniel. Si douce ! Armand. Si blonde ! LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 125 Daniel. II n'y a presque plus de blondes ; et des yeux ! Armand. Comme nous les aimons. Daniel. Alors je suis reste ! Armand. Ah ! je vous comprends ! 5 Daniel. A la bonne heure ! C'est un plaisir de vous avoir pourennemi ! (Lui servant la main.) Cher Armand ! Armand, de meme. Bon Daniel ! Ah ca ! monsieur Perrichon n'arrive pas. Est-ce qu'il aurait change son itineraire ? si nous allions les perdre ? 10 Daniel. Diable ! c'est qu'il est capricieux, le bon- homme . . . Avant-hier il nous a envoyes nous promener a Ferney ou nous comptions le retrouver. . . Armand. Et, pendant ce temps, il etait alle a Lau- sanne. 15 Daniel. Eh bien, c'est drole de voyager comme cela ! (Voyant Armand qui se leve.) Ou allez-vous done? Armand. Je ne tiens pas en place, j'ai envie d'aller au-devant de ces dames. Daniel. Et le cafe ? 20 Armand. Je n'en prendrai pas . . . au revoir ! (II sort vivement par le fond.) SCENE n. Daniel, puis L'Aubergiste, puis Le Guide. Daniel. Quel excellent garcpn ! c'est tout cceur, tout feu . . . mais qa ne sait pas vivre ; il est parti sans prendre son cafe ! (Appelant.) Hola ! . . . monsieur 25 Paubergiste ! L'Aubergiste, paraissant. Monsieur ! Daniel. Le cafe. (Vaubergiste sort. Daniel allume un cigare.) Hier, j'ai voulu faire fumer le beau-pere . . . c,a ne lui a pas reussi. . . 30 126 LECTURES FRANQAISES. L'Aubergiste, apportant le cafe. Monsieur est servi. Daniel, s'asseyant derriere la table, devant la chemi- nee, et etendant une jambe sur la chaise aV Armand. Ap- 5 prochez cette chaise . . . tres bien. . . (II a designe tine autre chaise, il y etend V autre jambe.) Merci ! . . . Ce pauvre Armand ! il court sur la grande route, lui, en plein soleil . . . et moi, je m'etends ! Qui arrivera le premier de nous deux ? nous avons la fable du Lievre 10 et de la Tortue. SCENE III. Daniel, Perrichon, Armand, Madame Perrichon, HEN- RIETTE, L'AUBERGISTE. {Perrichon entre, soutenu par sa femme et le guide.) Armand. Vite, de l'eau ! du sel ! du vinaigre ! Daniel. Qu'est-il done arrive ? Henriette. Mon pere a manque de se tuer ! Daniel. Est-il possible ? 15 Perrichon, assis. Ma femme ! . . . ma fille ! . . . Ah ! je me sens mieux ! . . . Henriette, lui presentant un verre d'eau sucree. Tiens ! . . . bois ! qa te remettra. . . Perrichon. Merci . . . quelle culbute ! (II boit.) 20 Madame Perrichon. C'est ta faute aussi . . . vouloir monter a cheval, un pere de famille ! . . . et avec des eperons encore ! Perrichon. Les eperons n'y sont pour rien . . . c'est la bete qui est ombrageuse. 25 Madame Perrichon. Tu l'auras piquee sans le vouloir, elle s'est cabree. . . Henriette. Et sans monsieur Armand qui venait d'ar- river . . . mon pere disparaissait dans un precipice. . . LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 127 Madame Perrichon. II y etait deja . . . je le voyais rouler comme une boule . . . nous poussions des cris ! . . . Henriette. Alors, monsieur s'est elance ! . . . Madame Perrichon. Avec un courage, un sang- froid ! . . . Vous §tes notre sauveur . . . ear sans vous 5 mon mari . . . mon pauvre ami. . . {Elle eclate en san- glots.) Armand. II n'y a plus de danger . . . calmez-vous ! Madame PERRicHON^Zewraw* toujours. Non ! ca me fait du bien ! (A son mari.) Qa t'apprendra a mettre 10 des eperons. (Sanglotant plus fort.) Tu n'aimes pas ta famille. Henriette, a Armand. Permettez-moi d'ajouter mes remerciments a ceux de ma mere, je garderai toute ma vie le souvenir de cette journee . . . toute ma vie ! . . . 15 Armand. Ah! mademoiselle! Perrichon, a part. A mon tour ! (Haut.) Monsieur Armand ! . . . non, laissez-moi vous appeler Armand . . . Armand . . . donnez-moi la main. . . Je ne sais pas faire de phrases, moi . . . mais tant qu'il battra, vous aurez 20 une place dans le coeur de Perrichon ! {Lux serrant la main.) Je ne vous dis que cela ! Madame Perrichon. Merci, monsieur Armand ! Henriette. Merci, monsieur Armand ! Armand. Mademoiselle Henriette ! 25 Daniel, a part. Je commence a croire que j'ai eu tort de prendre mon cafe ! Madame Perrichon, a V aubergiste. Vous ferez re- conduire le cheval, nous retournerons tous en voiture. . . Perrichon, se levant. Mais je t' assure, ma chere30 amie, que je suis assez bon cavalier. . . (Poussant un cri.) Aie ! Tous. Quoi ? 128 LECTURES FRANQAISES. Perrichon. Rien ! . . . les reins ! Vous ferez recon- duire le cheval ! Madame Perrichon. Viens te reposer un moment. Au revoir, monsieur Armand ! 5 Henriette. Au revoir, monsieur Armand ! Perrichon, servant energiquement la main d> Armand. A bientot . . . Armand ! (Poussant un second cri.) Aie ! . . . j'ai trop serre* ! (II entre a gauche, suivi de sa femme et de sa fille.) • scene rv. Armand, Daniel. 10 Armand. Qu'est-ce que vous dites de cela, mon cher Daniel ? Daniel. Que voulez-vous ? c'est de la veine ! . . . vous sauvez le pere, vous cultivez le precipice, ce n'etait pas dans le programme ! Je suis vaincu, c'est clair ! et 15 je n'ai plus qu'a vous ceder la place. . . Des ce soir, je pars pour Paris . . . Armand. Puisque vous partez, je vous prie de voir monsieur Perrichon, de lui toucher quelques mots de ma position, de mes esperances. Je ne puis le faire nioi- 20 meme . . . j'aurais l'air de reclamer le prix du service que je viens de lui rendre. Daniel. Eniin, vous me priez de faire la demande pour vous ? Savez-vous que c'est original, ce que vous me demandez la. Mais j'accepte. . . Avouez que je suis 25 un bien bon petit rival, un rival qui fait la demande. (Voix de Perrichon dans la coulisse.) J'entends le beau- pere ! Allez fumer un cigare et revenez ! Armand. Vraiment ? je ne sais comment vous remercier. . . 30 Daniel. Soyez tranquille, je vais faire vibrer chez LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 129 lui la corde de la reconnaissance. (Armand sort par le fond.) SCENE V. Daniel, Perrichon, puis L'Aubergiste. Perrichon, entrant et parlant a la cantonade. Mais certainement il m'a sauve ! certainement il m'a sauve, et, tant qu'il battra, le coeur de Perrichon . . . je lui ai 5 dit. . . Daniel. Eh bien, monsieur Perrichon . . . vous sen- tez-vous mieux ? Perrichon. Ah ! je suis tout a fait remis . . . je viens de boire trois gouttes de rhum dans un verre d'eau, 10 et, dans un quart d'heure, je compte gambader sur la mer de Glace. Tiens, votre ami n'est plus la ? Daniel. II vient de sortir. Perrichon. C'est un brave jeune homme ! . . . ces dames l'aiment beaucoup. 15 Daniel. Oh ! quand elles le connaitront davantage ! . . . un cceur d'or ! obligeant, devoue, et d'une modestie ! . . . Perrichon. Oh ! c'est rare. Daniel. Et puis il est banquier . . . associe de la maison Turneps, Desroches et C ie . Dites done, c'est 20 assez flatteur d'etre repeche par un banquier . . . car, enfin, il vous a sauve ! Hein ? . . . sans lui ! . . . Perrichon. Certainement . . . certainement. C'est tres gentil, ce qu'il a fait la ! Daniel, etonne. Comment, gentil ! 25 Perrichon. Est-ce que vous allez vouloir attenuer le me rite de son action ? Daniel. Par exemple ! Perrichon. Ma reconnaissance ne finira qu'avec ma vie . . . Qa ! . . . tant que le cceur de Perrichon battra. 30 130 . LECTURES FRANQAISES. Mais, entre nous, le service qu'il m'a rendu n'est pas aussi grand que ma femme et ma fille veulent bien le dire. Daniel, etonne. Ah bah ! Perrichon. Oui. Elles se montent la tete. Mais, 5 vous savez, les femmes ! . . . Daniel. Cependant, quand Armand vous a arrete, vous rouliez . . . Perrichon. Je roulais, c'est vrai . . . mais, avec une presence d'esprit etonnante. . . j'avais aperqu un petit 10 sapin apres lequel j'allais me cramponner ; je le tenais deja quand votre ami est arrive. Daniel, a part. Tiens, tiens ! vous allez voir qu'il s'est sauve tout seul. Perrichon. Au reste, je ne lui sais pas moins gre de 15 sa bonne intention. . . Je compte le revoir ... lui reiterer mes remerciments . . . je l'inviterai meme cet hiver. Daniel, a part. Une tasse de the ! Perrichon. II parait que ce n'est pas la premiere fois qu'un pareil accident arrive a cet endroit-la . . . 20 c'est un mauvais pas. . . L'aubergiste vient de me ra- conter que, l'an dernier, un Russe . . . un prince . . . tres bon cavalier ! . . . car ma femme a beau dire, Qa ne tient pas a mes eperons ! . . . avait roule dans le meme trou. Son guide l'a retire. . . Vous voyez qu'on s'en retire 25 parfaitement. Eh bien, le Russe lui a donne cent francs ! Daniel. C'est tres bien paye ! Perrichon. Je le crois bien ! . . . Pourtant c'est ce que qa vaut. . . 30 Daniel. Pas un sou de plus. (A part.) Oh ! mais je ne pars pas. Perrichon, remontant. Ah qk ! ce guide n'arrive pas. Daniel. Est-ce que ces dames sont prates ? LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 131 Perrichon. Non . . . elles ne viendront pas : vous comprenez ? mais je compte sur vous. . . Daniel. Et sur Armand ? Perrichon. S'il veut etre des notres, je ne refuserai certainement pas la compagnie de M. Desroches. 5 Daniel, a part. M. Desroches ! Encore un peu il va le prendre en grippe ! L'Aubergiste, entrant par la droite. Monsieur ! . . . Perrichon. Eh bien, ce guide ? L'Aubergiste. II est a la porte . . . Voici vos chaussons. 10 Perrichon. Ah ! oui ! il parait qu'on glisse dans les crevasses la-bas . . . et, comme je ne veux avoir d'obliga- tion a personne. . . L'Aubergiste, lui presentant le registre. Monsieur ecrit-il sur le livre des voyageurs ? 15 Perrichon. Certainment . . . mais je ne voudrais pas ecrire quelque chose d'ordinaire . . . il me faudrait la . . . une pensee ! . . . une jolie pensee . . . (Rendant le livre a Vaubergiste). Je vais y rever en mettant mes chaussons. (A Daniel.) Je suis a vous dans la minute. 20 {II entre a droite, suivi de Vaubergiste.) SCENE VI. Daftel, puis Armand. Daniel, seul. Ce carrossier est un tresor d'ingrati- tude. Or, les tresors appartiennent a ceux qui les trouvent, article 716 du Code civil. . . Armand, paraissant a la porte du fond. Eh bien ? 2*', Daniel, a part. Pauvre garqon ! Armand. L'avez-vous vu? Daniel. Oui. Armand. Lui avez-vous parle ? Daniel. Je lui ai parle. 30 132 LECT URES FRAN g AISES. Arm and. Alors vous avez fait ma demande ? . . . Daniel. Non. Armand. Tiens ! pourquoi ? Daniel. Nous nous sommes promis d'etre francs vis- 5 a-vis Pun de 1' autre . . . Eh bien, mon cher Armand, je ne pars plus, je continue la lutte. Armand, etonne. Ah ! c'est different ! . . . et peut- on vous demander les motifs qui ont change votre deter- mination ? 10 Daniel. Les motifs . . . j'en ai un puissant . . . je crois reussir. Je compte prendre un autre chemin que le votre et arriver plus vite. Armand. C'est tres bien . . . vous etes dans votre droit. . . 15 Daniel. Mais la lutte n'en continuera pas moins loyale et amicale ? Armand. Oui. Daniel. Voila un oui un peu sec ! Armand. Pardon. . . (Lui tendant la main.) Daniel, 20 je vous le promets. . . Daniel. A la bonne heure ! (II remonte.) SCENE VII. Les Memes, Perrichon, puis L'Aubergiste. Perrichon. Je suis pret . . . j'ai mis mes chaus- sons. . . Ah ! monsieur Armand. Armand. Vous sentez-vous remis de votre chute ? 25 Perrichon. Tout a fait ! ne parlons plus de ce petit accident . . . c'est oublie ! Daniel, a part. Oublie ! il est plus vrai que la nature. . . Perrichon. Nous partons pour la mer de Glace . . . 30 §tes-vous des notres ? LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 133 Armand. Je suis un peu fatigue . . . je vous deman- derai la permission de rester. . . Perrichon, avec empressement. Tres volontiers ! ne vous genez pas ! (A V aubergiste qui entre.) Ah ! mon- sieur 1' aubergiste, donnez-moi le livre des voyageurs. 5 (II s'assied a droite et ecrit.) Daniel, a part. II parait qu'il a trouve sa pensee. . . la jolie pensee. Perrichon, achevant d'ecrire. La . . . voila ce que c'est ! (Lisant avec emphase.) " Que l'homme est 10 petit quand on le contemple du haut de la mere de Glace ! " Daniel. Sapristi ! c'est fort ! Armand, a part. Courtisan ! Perrichon, modestement. Ce n'est pas l'idee de tout 15 le monde. Daniel, a, part. Ni l'orthographe ; il a ecrit mere, r, e, re I Perrichon, a l'aubergiste, lui montrant le livre ouvert sur la table. Prenez garde ! c'est frais ! 20 L' Aubergiste. Le guide attend ces messieurs avec les batons ferres. Perrichon. Allons ! en route ! (Daniel et Perrichon sortent, suivis de l'aubergiste.) scene vm. Armand, puis L' Aubergiste et Le Commandant Mathieu. Armand. Quel singulier revirement chez Daniel ! 25 Ces dames sont la . . . elles ne peuvent tarder a sortir, je veux les voir . . . leur parler . . . (S'asseyant vers la cheminee et prenant un journal?) Je vais les attendre. L' Aubergiste, a la cantonade. Par ici, monsieur. . . 134 LECTURES FRANQAISES. Le Commandant, entrant. Je ne reste qu'une minute . . . je repars a Tinstant pour la mer de Glace. . . . (Apercevant le registre.) Ah ! ah ! le livre des voyageurs ! voyons ! . . . (Lisant.) " Que l'homme 5 est petit quand on le contemple du haut de la mere de Glace ! . . . " Signe Perrichon . . . mere ! Voila un mon- sieur qui merite une leqon d'orthographe. (II so7*t, suivi de Vaubergiste.) SCENE IX. Armand, puis Madame Perrichon, puis Henriette. Armand, apercevant Madame Perrichon, qui entre de 10 la gauche. Ah ! madame Perrichon ! Madame Perrichon. Comment ! vous etes seul, monsieur ? Je croyais que vous deviez accompagner ces messieurs. Armand. Je suis deja venu ici l'annee derniere, et 15 j'ai demande a monsieur Perrichon la permission de me mettre a vos ordres. Madame Perrichon. Ah ! monsieur. . . (A part.) C'est tout a fait un homme du monde ! . . . (Haut.) Vous aimez beaucoup la Suisse ? 20 Armand. Oh ! il faut bien aller quelque part. Madame Perrichon. Oh! moi, je ne voudrais pas habiter ce pays-la . . . il y a trop de precipices et de montagnes. . . Ma famille est de la Beauce, pres d'^tampes. . . 25 Armand, apart. Nous devons avoir un correspondant a ^tampes ; ce serait un lien. (Haut.) Vous ne con- naissez pas monsieur Pingley, a fitampes ? Madame Perrichon. Pingley ! . . . c'est mon cousin! Vous le connaissez ? 50 Armand. Beaucoup. (Apart.) Je ne l'ai jamais vu! LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 135 Madame Perrichon. Quel homme charmant ! Armand. Ah ! oui ! Madame Perrichon. C'est un bien grand malheur qu'il ait son infirmite ! Armand. Certainement, c'est un bien grand malheur ! 5 Madame Perrichon. Sourd a quarante-sept ans ! Armand, a part. Tiens ! il est sourd, notre corre- spondant ! C'est done pour Qa qu'il ne repond jamais a nos lettres. Madame Perrichon. Est-ce singulier? c'est un ami 10 de Pingley qui sauve mon mari ! . . . II y a de bien grands hasards dans le monde. Armand. Souvent aussi on attribue au hasard des peripeties dont il est parfaitement innocent. Madame Perrichon. Ah ! oui . . . souvent aussi on 15 attribue .. . . (A part.) Qu'est-ce qu'il veut dire ? Armand. Ainsi, madame, notre rencontre en chemin de fer, puis a Lyon, puis a Geneve, a Chamonix, ici meme, vous mettez tout cela sur le compte du hasard? Madame Perrichon. En voyage, on se retrouve. . . 20 Armand. Certainement . . . surtout quand on se * cherche. Madame Perrichon. Comment ? Armand. Oui, madame, il ne m'est pas permis de jouer plus longtemps la comedie du hasard ; je vous dois 25 la verite, pour vous, pour mademoiselle votre fille. Madame Perrichon. Ma fille ! Armand. Me pardonnerez-vous ? Le jour ou je la vis, j'ai ete touche, charme . . . J'ai appris que vous par- tiez pour la Suisse . . . et je suis parti. 30 Madame Perrichon. Mais alors, vous nous sui- vez ? . . . Armand. Pas a pas. . . Que voulez-vous?. .. j'aime. . . 136 Madame Perrichon. Monsieur ! Armand. Oh ! rassurez-vous ! j'aime avec tout le respect, toute la discretion qu'on doit a une jeune fille dont on serait heureux de faire sa femme. 5 Madame Perrichon, perdant la tete, a part. Une demande en manage ! Et Perrichon qui n'est pas la ! (Haut.) Certainement, monsieur . . . je suis 'charmee . . . non, flattee ! . . . parce que vos manieres . . . votre educa- tion . . . Pingley . . . le service que vous nous avez rendu . . . 10 mais monsieur Perrichon est sorti . . . pour la mer de Glace . . . et aussitot qu'il rentrera. Henriette, entrant vivement. Maman ! . . . (S'arre- tant.) Ah ! tu causais avec monsieur Armand ? Madame Perrichon, troublee. Nous causions, c'est- 15 a-dire, oui ! nous parlions de Pingley ! Monsieur con- nait Pingley ; n'est-ce pas ? Armand. Certainement ! je connais Pingley ! Henriette. Oh ! quel bonheur ! Madame Perrichon, a Henriette. Ah ! comme tu es 20 coiffee ! . . . et ta robe ! ton col ! (Bas.) Tiens-toi done droite ! Henriette, etonnee. Qu'est-ce qu'il y a ? (Cris et tu- mult e au dehors.) Madame Perrichon et Henriette. Ah ! mon Dieu ! 25 Armand. Ces cris. . . scene x. Les Memes, Perrichon, Daniel, Le Guide, L'Aubergiste. (Daniel entre soutenu par V aubergiste et par le guide.) Perrichon, tres emu. Vite ! de Peau ! du sel ! du vinaigre ! (II fait asseoir Daniel.) Tous. Qu'y a-t-il ? LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 137 Perrichon. Un evenement affreux ! (S'interrom- pant.) Faites-le boire, frottez-lui les tempes ! Daniel. Merci. . . Je me sens mieux. Armand. Qu'est il arrive ? Daniel. Sans le courage de monsieur Perrichon ... 5 Perrichon, vivement. Non, pas vous ! ne parlez pas ! . . . (Racontant.) C'est horrible ! . . . Nous etions sur la mer de Glace . . . Le mont Blanc nous regardait, tranquille et majestueux. . . Daniel, a part. Le recit de Theramene ! 10 Madame Perrichon. Mais depeche-toi done ! Henriette. Mon pere ! Perrichon. Un instant, que diable ! Depuis cinq minutes nous suivions, tout pensifs, un sentier abrupte qui serpentait entre deux crevasses . . . de glace \ Je 15 marchais le premier. Madame Perrichon. Quelle imprudence ! Perrichon. Tout a coup, j'entends derriere moi comme un eboulement ; je me retourne : monsieur venait de disparaitre dans un de ces abimes sans fond, dont la 20 vue seule fait frissonner. . . Madame Perrichon, impatientee. Mon ami. . . Perrichon. Alors, n'ecoutant que mon courage, moi, pere de famille, je m'elance. . . Madame Perrichon et Henriette. Ciel ! 25 Perrichon. Sur le bord du precipice, je lui tends mon. baton ferre ... II s'y cramponne. Je tire . . . il tire . . . nous tirons, et, apres une lutte insensee, je l'ar- rache au neant et je le ramene a la face du soleil, notre pere a tous \ ... (II s'essuie le front avec son mou- 30 choir.) Henriette. Oh ! papa ! Madame Perrichon. Mon ami ! 138 LECTURES FRANQAISES. Perrichon, embrassant sa femme et sa fille. Oui, mes enfants, c'est une belle page. . . Armand, a Daniel. Comment vous trouvez-vous ? Daniel, bas. Tres bien ! ne vous inquietez pas ! (Jl 5 se leve.) Monsieur Perrichon, vous venez de rendre un fils a sa mere. . . Perrichon, majestueusement. C'est vrai ! Daniel. Un frere a sa soaur ! Perrichon. Et un homme a la societe. 10 Daniel. Les paroles sont impuissantes pour recon- naitre un tel service. Perrichon. C'est vrai. Daniel. II n'y a que le coeur . . . entendez-vous, le cceur. 15 Perrichon. Monsieur Daniel ! Non ! . laissez-moi vous appeler Daniel ? Daniel. Comment done ! (A part.) Chacun son tour! Perrichon, emu. Daniel, mon ami, mon enfant ! . . . 20 votre main. (II lui prend la main.) Je vous dois les plus douces emotions de ma vie. . . Sans moi, vous ne seriez qu'une masse informe et repoussante, ensevelie sous les frimats. . . Vous me devez tout, tout ! (Avec noblesse.) Je ne l'oublierai jamais ! 25 Daniel. Ni moi ! Perrichon, a Armand, en s'essuyant les yeux. Ah! jeune homme ! . . . vous ne savez pas le plaisir qu'on eprouve a sauver son semblable. Henriette. Mais, papa, monsieur le sait bien, 30 puisque tantot. . . Perrichon, se rappelant. Ah ! oui ! c'est juste ! Monsieur l'aubergiste, apportez-moi le livre des voya- geurs. LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 139 Madame Perrichon. Pour quoi faire ? Perrichon. Avant de quitter ces lieux, je desire consacrer par une note le souvenir de cet evenement ! L'Aubergiste, apportant le registre. Voila, monsieur. Perrichon. Merci. . . Tiens, qui est-ce qui a ecrit qa ? 5 To us. Quoi done ? Perrichon, lisant. " Je ferai observer a monsieur Perrichon que la mer de Glace n'ayant pas d'enfants, l'E qu'il lui attribue devient un devergondage grammatical." Signe : " Le Commandant." 10 Tous. Hein ? Henriette, bas a son pere. Oui, papa ! mer ne prend pas d'E a la fin. Perrichon. Je le savais ! Je vais lui repondre a ce monsieur. (II prend une plume et ecrit.) " Le Comman- 15 dant est . . . un paltoquet ! Signe : Perrichon." Le Guide, rentrant. La voiture est la. Perrichon. Allons ! Depechons-nous. (Aux jeunes gens.) Messieurs, si vous voulez accepter une place ? (Armand et Daniel sHnclinent.) 20 Madame Perrichon, appelant son mart. Perrichon, aide-moi a mettre mon manteau. (Bas.) On vient de me demander notre fille en mariage. . . Perrichon. Tiens ! a moi aussi ! Madame Perrichon. C'est monsieur Armand. 25 Perrichon. Moi, c'est Daniel . . . mon ami Daniel. Madame Perrichon. Mais il me semble que l'autre. . . Perrichon. Nous parlerons de cela plus tard. . . Henriette, a, la fenetre. Ah ! il pleut a verse ! Perrichon. Ah diable! (A V aubergiste.) Combien30 tient-on dans votre voiture. L'Aubergiste. Quatre dans l'interieur et un a c6te* du cocher. . . 140 LECTURES FRANQA1SES. Perrichon. C'est juste le compte. Armand. Ne vous genez pas pour moi. Perrichon. Daniel montera avec nous. Henriette, has a son pere. Et monsieur Armand ? 5 Perrichon, has. Dame ! il n'y a que quatre places ! il montera sur le siege. Henriette. Par une pluie pareille ? Madame Perrichon. Un homme qui t'a sauve* ! Perrichon. Je lui preterai mon caoutchouc ! Allons ! 10 en route ! en route ! Daniel, a part. Je savais bien que je reprendrais la corde ! ACTE TROISIEME. Un salon chez Perrichon, a Paris. — Cheminee au fond ; porte d' entree dans Tangle a gauche ; appartement dans 1' angle a 15 droite ; salle a manger a gauche ; au milieu, gueridon avec tapis ; canape a droite du gueridon. SCENB PREMIERE. Jean, seul, achevant d'essuyer unfauteuil. Midi moins un quart. . . C'est aujourd'hui que mon- sieur Perrichon revient de voyage avec madame et ma- demoiselle. . . Monsieur peut arriver . . . tout est pret. . . 20Voila ses journaux, ses lettres, ses cartes de visite . . . Ah ! par exemple, il est venu ce matin de bonne heure un monsieur que je ne connais pas . . . il nr'a dit qu'il s'appelait le Commandant. . . II doit repasser. (Coup de sonnette a la porte exterieure.) On sonne ! . . . c'est 25 monsieur . . . je reconnais sa main ! . . . LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 141 SCENE n. Jean, Perrichon, Madame Perrichon, Henriette. lis portent des sacs de nuit et des cartons. Perrichon. Jean . . . c'est nous ! Jean. Ah ! monsieur ! . . . madame . . . mademoi- selle ! . . . (II les debarrasse de leurs paquets.) Perrichon. Ah ! qu'il est doux de rentrer chez soi, de voir ses meubles, de s'y asseoir. (II s'assied sur le 5 canape.) Madame Perrichon, assise a gauche. Nous devrions etre de retour depuis huit jours. . . Perrichon. Nous ne pouvions passer a Grenoble sans aller voir les Darinel . . . ils nous ont retenus. . . 10 (A Jean.) Est-il venu quelque chose pour moi en mon absence ? Jean. Oui, monsieur . . . tout est la sur la table. Perrichon, prenant plusieurs cartes de visite. Que de visites ! (Lisant) Armand Desroches. . . 15 Henriette, avecjoie. Ah! Perrichon. Daniel Savary . . . brave jeune homme! Armand Desroches . . . Daniel Savary . . . charmant jeune homme . . . Armand Desroches. Jean. Ces messieurs sont venus tousles jours s'in-20 former de votre retour. Madame Perrichon. Tu leur dois une visite. Perrichon. Certainement j'irai le voir . . . ce brave Daniel ! Henriette. Et monsieur Armand ? 25 Perrichon. J'irai le voir aussi . . . apres. (II se leve.) Henriette, a Jean. Aidez-moi a porter ces cartons dans la chambre. 142 LECTURES FKANQAISES. Jean. Oui, mademoiselle. (Regardant Perrichon.) Je trouve monsieur engraisse. On voit qu'il a fait un bon voyage. Perrichon. Splendide, mon ami, splendide ! Ah ! 5 tu ne sais pas ? J'ai sauve un homme ! Jean, incredule. Monsieur ? . . . Allons done I ... (II sort avec Henrietta par la droit e.) SCENE III. Perrichon, Madame Perrichon. Perrichon. Comment ! Allons done ! . . . Est-il b§te, cet animal-la ! 10 Madame Perrichon. Maintenant que nous voila de retour, j'espere que tu vas prendre un parti. . . Nous ne pouvons tarder plus longtemps a rendre reponse a ces deux jeunes gens . . deux pretendus dans la maison . . . e'est trop. . . 15 Perrichon. Moi, je n'ai pas change d'avis . . . j'aime mieux Daniel ! Madame Perrichon. Pourquoi ? Perrichon. Je ne sais pas . . . je le trouve plus . . . enfin, il me plait, ce jeune homme ! 20 Madame Perrichon. Mais l'autre . . . l'autre t'a sauve Perrichon. II m'a sauve ! Toujours le meme re- frain ! Madame Perrichon. Qu'as-tu a lui reprocher ? Sa 25 f amille est honorable, sa position excellente. . . Perrichon. Mon Dieu ! je ne lui reproche rien . . . je ne lui en veux pas a ce garcon ! Madame Perrichon. II ne manquerait plus que ca ! Perrichon. Mais je lui trouve un petit air pince. II LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 143 a un ton protecteur . . . des manieres . . . il semble tou- jours se prevaloir du petit service qu'il m'a rendu. . . Madame Perrichon. II ne t'en parle jamais ! Perrichon. Je le sais bien ! mais c'est son air qui me dit : Hein ! sans moi ! . . . C'est agacant a la longue : 5 tandis que l'autre. . . Madame Perrichon. L'autre te repete sans cesse : Hein ! sans vous ! . . . hein ! sans vous ! Cela flatte ta vanite . . . et voila pourquoi tu le preferes. Perrichon. Moi ! de la vanite ! J'aurais peut-etre 10 le droit d'en avoir ! L'homme qui a risque sa vie pour sauver son semblable peut etre tier de lui-meme . . . mais j'aime mieux me renfermer dans un silence modeste . . . signe caracteristique du vrai courage ! Madame Perrichon. Mais tout cela n'empeche pas 15 que M. Armand. . . Perrichon. Henriette n'aime pas . . . ne peut pas aimer M. Armand ! Madame Perrichon. Qu'en sais-tu ? Perrichon. Dame ! je suppose ... 20 Madame Perrichon. II y a un moyen de le savoir : c'est de l'interroger . . . et nous choisirons celui qu'elle preferera. . . Perrichon. Soit ! . . . mais ne l'influence pas ! Madame Perrichon. La voici. 25 SCENE IV. Perrichon, Madame Perrichon, Henriette. Madame Perrichon, a sa fille, qui entre. Henriette, ma chere enfant . . . ton pere et moi, nous avons a te parler se>ieusement. Te voila bientot en &ge d'etre mariee . . . deux jeunes gens se presentent pour obtenir 144 LECTURES FRANQAISES. ta main . . . tous deux nous conviennent . . . mais nous ne voulons pas contrarier ta volonte, et nous avons resolu de te laisser Pentiere liberte du choix. Henriette. Comment ? 5 Perrichon. Pleine et entiere. . . Madame Perrichon. L'un de ces jeunes gens est M. Armand Desroches. Henriette. Ah! Perrichon, vivement. N'influence pas ! . . . 10 Madame Perrichon. L'autre est M. Daniel Sa- vary. . . Perrichon. Un jeune homme charmant, distingue, spirituel, et qui, je ne le cache pas, a toutes mes sym- pathies. . . 15 Madame Perrichon. Mais tu influences. . . Perrichon. Du tout ! je constate un fait ! . . . (A sa fille.) Maintenant te voila eclairee . . . choisis. . . Henriette. Mon Dieu ! . . . vous m'embarrassez beau- coup . . . et je suis prete a accepter celui que vous me 20 designerez. . . Perrichon. Non ! non ! decide toi-meme ! Madame Perrichon. Parle, mon enfant ! Henriette. Eh bien, puisque'il faut absolument faire un choix, je choisis . . . M. Armand. 25 Perrichon. Armand ! Pourquoi pas Daniel ? Henriette. Mais M. Armand t'a sauve, papa. Perrichon. Allons, bien ! encore ? C'est fatigant, ma parole d'honneur ! Madame Perrichon. Eh bien ! tu vois . . . il n'y a 30 pas a hesiter. . . Perrichon. Ah ! mais permets, chere amie, un pere ne peut pas abdiquer. . . Je reflechirai, je prendrai mes renseignements. LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 145 Madame Perrichon, has. Monsieur Perrichon, c'est de la mauvaise foi ! Perrichon. Caroline ! . . . scene v. Les Memes, Jean, Majorin. Jean, a la cantonade. Entrez ! ils viennent d'arriver ! (Majorin entre.) 5 Perrichon. Tiens ! c'est Majorin ! . . . Majorin, saluant. Madame . . . mademoiselle . . . j'ai appris que vous reveniez aujourd'hui . . . alors j'ai demande un jour de conge . . . j'ai dit que j'etais de garde. . . (Prenant Perrichon a part. Les dames s'as- 10 seyent sur le canape.) J'etais venu pour te parler des six cents francs que tu m'as pretes le jour de ton depart. . . Perrichon. Tu me les rapportes ? Majorin. Non . . . Je ne touche que demain mon dividende de paquebots . . . mais a midi precis. . . 15 Perrichon. Oh ! qs, ne presse pas ! Majorin. Pardon . . . j'ai hate de m'acquitter. . . Perrichon. Ah ! tu ne sais pas ? . . . je t'ai rapporte un souvenir. Majorin. II s'assied derriere le gueridon. Un sou- 20 venir ! a moi ? Perrichon, s'asseyant. En passant a Geneve, j'ai achete trois montres . . . une pour Jean, une pour Mar- guerite, la cuisiniere . . . et une pour toi, a repetition. Majorin, a part. II me met apres ses domestiques ! 25 (Haut.) Enfin ? Perrichon. Avant d'arriver a la douane franchise, je les avais fourrees dans ma cravate. . . Majorin. Pourquoi ? Perrichon. Tiens ! je n'avais pas envie de payer les 30 146 LECTURES FRANQAISES. droits. On me demande : Avez-vous quelque chose a declarer ? Je re ponds non ; je fais un mouvement et voila ta diablesse de montre qui sonne : dig, dig, dig. Majorin. Eh bien ? 5 Perrichon. Eh bien, j'ai ete pince ... on a tout saisi. . . Majorin. Comment ? Perrichon. J'ai eu une scene atroce ! J'ai appele le douanier mediant gabelou! II m'a dit que j'entendrais 10 parler de lui. . . Je regrette beaucoup cet incident . . . elle etait charmante, ta montre. Majorin, sechement. Je ne t'en remercie pas moins. . . {Apart.) Comme s'il ne pouvait pas acquitter les droits . . . c'est sordide ! SCENE VI. Les Memes, Jean, Armand. 15 Jean, annongant. Monsieur Armand Desroches! Henriette, quittant son ouvrage. Ah ! Madame Perrichon, se levant et allant au-devant oV Armand. Soyez le bienvenu . . . nous attendions votre visite. . . 20 Armand, saluant. Madame . . . monsieur Perri- chon. . . Perrichon. Enchante ! enchante ! (A part.) II a tou jours son petit air protecteur ! . . . Madame Perrichon, bas a son mari. Presente-le 25 done a Majorin. Perrichon. Certainement. . . {Haut.) Majorin . . . je te presente monsieur Armand Desroches . . . une con- naissance de voyage. . . Henriette, vivement. II a sauve papa ! 30 Perrichon, a, part. Allons, bien ! . . . encore ! LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 147 Majorin. Comment ! tu as couru quelque danger ? Perrichon. Non . . . une misere. . . Aemand. Cela ne vaut pas la peine d'en parler. . . Perrichon, a part. Toujours son petit air ! scene vn. Les Memes, Jean, Daniel. Jean, annoncant. Monsieur Daniel Savary ! . . . 6 Perrichon, s'epanouissant. Ah! le voila, ce cher ami ! . . . ce bon Daniel ! . . . (II renverse presque le gue- ridon en courant au-devant de lui.) Daniel, saluant. Mcsdames . . . Bonjour, Armand ! Perrichon, le prenant par la main. Venez, que je 10 vous presente a Majorin. . . (Haut.°) Majorin, je te pre- sentc un de mes bons . . . un de mes meilleurs amis . . . monsieur Daniel Savary. . . Majorin. Savary ? des paquebots ? Daniel, saluant. Moi-meme. 15 Perrichon. Ah ! sans moi, il ne te payerait pas demain ton dividende. Majorin. Pourquoi ? Perrichon. Pourquoi ? (Avec fatuite.) Tout sim- plement parce que je l'ai sauve, mon bon ! 20 Majorin. Toi ? (A part.) Ah qk ! ils ont done passe tout leur temps a se sauver la vie ! Perrichon, racontant. Nous etions sur la mer de Glace, le mont Blanc nous regardait, tranquille et majestueux. 25 Daniel, a part. Second recit de Theramene ! Perrichon. Nous suivions tout pensifs un sentier abrupte. Henriette, qui a ouvert un journal. Tiens, papa qui est dans le journal! 30 148 LECTURES FRANQAISES. Perrichon. Comment ! je suis dans le journal ? Henriette. Lis toi-meme . . . la . . . (Elle lui donne le journal.*) Perrichon. Vous allez voir que je suis tombe du 5 jury ! (Lisant.) " On nous ecrit de Chamonix. . ." To us. Tiens ! (lis se rapprochent.) Perrichon, lisant. " Un evenement qui aurait pu avoir des suites deplorables vient d'arriver a la mer de Glace. . . M. Daniel S. . . a fait un faux pas et a disparu 10 dans une de ces crevasses si redoutees des voyageurs. Un des temoins de cette scene, M. Perrichon, (qu'il nous permette de le nommer.). . ." (Parle.) Comment done ! si je le permets ! (Lisant.) " M. Perrichon, notable commerqant de Paris et pere de famille, n'ecoutant que 15 son courage, et au mepris de sa propre vie, s'est elance dans le gouffre. . ." (Parle.) C'est vrai ! (Lisant.) " et, apres des efforts inouis, a ete assez heureux pour en retirer son compagnon. Un si admirable devouement n'a ete surpasse que par la modestie de M. Perri- 20chon, qui s'est derobe aux felicitations de la foule emue et attendrie. . . Les gens de cceur de tous les pays nous sauront gre de leur signaler un pareil trait ! " Tous. Ah ! 25 Daniel, a. part. Trois francs la ligne ! Perrichon, relisant lentement la derniere phrase. " Les gens de cceur de tous les pays nous sauront gre de leur signaler un pareil trait." (A Daniel, tres emu.) Mon ami . . . mon enfant ! embrassez-moi ! (Lis s'em- 30 brassent.) Daniel, a part. Decidement, j'ai la corde. . . Perrichon, montrant le journal. Certes, je ne suis pas un revolutionnaire, mais je le proclame hautement, LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 149 la presse a du bon ! (Mettant le journal dans sa poche et a part.) J'en ferai acheter dix numeros ! Madame Perrichon. Dis done, mon ami, si nous envoyions au journal le recit de la belle action de M. Armand ? 5 Henriette. Oh ! oui ! cela ferait un joli pendant ! Perrichon, vivement. C'est inutile ! je ne peux pas tou jours occuper les journaux de ma personnalite. . . Jean, entrant, un papier a, la main. Monsieur, le con- cierge vient de me remettre un papier timbre pour vous. 10 Madame Perrichon. Un papier timbre ? Perrichon. N'aie done pas peur ! je ne dois rien a personne . . . au contraire, on me doit. . . Majorin, a part. C'est pour moi qu'il dit qa ! Perrichon, regardant le papier. Une assignation a 15 comparaitre devant la sixieme chambre pour injures envers un agent de la force publique dans l'exercice de ses fonctions. Tous. Ah ! mon Dieu ! Perrichon, lisant. Vu le proces-verbal dresse au20 bureau de la douane franchise par le sieur Machut, sergent douanier. . . Armand. Qu'est-ce que cela signifie ? Perrichon. Un douanier qui m'a saisi trois montres. . . j'ai ete trop vif . . . je Pai appele gabelou ! 25 rebut de l'humanite ! . . . Majorin, derriere le gueridon. C'est tres grave! tres grave ! Perrichon, inquiet. Quoi? Majorin. Injures qualifiees envers un agent de la 30 force publique dans l'exercice de ses fonctions. Madame Perrichon et Perrichon. Eh bien? Majorin. De quinze jours a trois mois de prison. . . 150 LECTURES FRANQAISES. Tous. En prison ! . . . Perrichon. Moi ! apres cinquante ans d'une vie pure et sans tache . . . j'irais m'asseoir sur le banc de Pinfamie ? jamais ! jamais ! Ah ! mes amis, mon avenir est brise. 5 Arm and. Attendez ! je puis peut-etre vous tirer de la. Tous. Hein? Perrichon. Vous ! mon ami . . . mon bon ami ! Armand, allant a lui. Je suis lie assez intimement avec un employe superieur de Padministration des dou- 10 anes . . . je vais le voir . . . peut-etre pourra-t-on decider le douanier a retirer sa plainte. Majorin. Qa me parait difficile ! Arm ax d. Pourquoi ? un moment de vivacite. . . Perrichon. Que je regrette! 15 Armand. Donnez-moi ce papier . . . j'ai bon espoir . . . ne vous tourmentez pas, mon brave M. Perrichon ! Perrichon, emu, lui prenant la main. Ah ! Daniel ! (Se reprenant) non ! Armand ! tenez, il faut que je vous embrasse ! (lis s' 'embrassent.) 20 Henriette, a part. A la bonne heure ! (Elle sort avec sa inere.) Armand, has a Daniel. A mon tour, j'ai la corde ! Majortn, a Armand. Je sors avec vous. Perrichon. Tu nous quittes ? 25 Majorin. Oui. . . Je dine en ville ! (II sort avec Armand.) scene vm. Perrichon, Daniel, Jean, Le Commandant. Jean, annongant. Monsieur le commandant Mathieu. Perrichon, etonne. Qu'est-ce que c'est que qa ? Le Commandant, entrant. Pardon, messieurs, je vous 30 derange peut-etre ? LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. lol Perrichon. Du tout. Le Commandant, a Daniel. Est-ce a monsieur Perri- chon que j'ai Phonneur de parler ? Perrichon. C'est moi, monsieur. Le Commandant. Ah ! . . . (A Perrichon.) Mon- 5 sieur, voila douze jours que je vous cherche. II y a beau- coup de Perrichon a Paris . . . j'en ai deja visite une douzaine . . . mais je suis tenace. . . Perrichon. Vous avez quelque chose a me com- muniquer ? 10 Le Commandant. Je n'en sais rien encore. . . Per- mettez-moi d'abord de vous adresser une question . . . Est-ce vous qui avez fait, il y a un mois, un voyage a la mer de Glace ? Perrichon. Oui, monsieur, c'est moi-meme ! je crois 15 avoir le droit de m'en vanter ! Le Commandant. Alors, c'est vous qui avez ecrit sur le registre des voyageurs : " Le commandant est un paltoquet." Perrichon. Comment ! vous etes ? . . . 20 Le Commandant. Oui, monsieur . . . c'est moi ! Perrichon. Enchante ! (lis se font plusieurs petits saluts.) Daniel, a part. Diable ! l'horizon s'obscurcit ! . . » Le Commandant. Monsieur, je ne suis ni querel-25 leur ni ferrailleur, mais je n'aime pas a laisser trainer sur les livres d'auberge de pareilles appreciations a cote de mon nom. . . Perrichon. Mais vous avez ecrit le premier une note . . . plus que vive ! 30 Le Commandant. Moi ? je me suis borne a constater que mer de Glace ne prenait pas d'E a la fin : voyez le dictionnaire. . . 152 LECTURES FRANQAISES. Perrichon. Eh ! monsieur, vous n'etes pas charge de corriger mes . . . pretendues fautes d'orthographe ! De quoi vous melez-vous ? Le Commandant. Pardon . . . pour moi, la langue 5 franchise est une compatriote aimee . . . une dame de bonne maison, elegante, mais un peu cruelle . . . vous le savez mieux que personne. Et, quand j'ai l'honneur de la rencontrer a Petranger . . . je ne permets pas qu'cn eclabousse sa robe. C'est une question de chevalerie et 10 de nationalite. Perrichon. Ah qa ! monsieur, auriez-vous la pre- tention de me donner une lecpn ? • Le Commandant. Loin de moi cette pensee. . . Perrichon. Ah ! ce n'est pas malheureux ! (A part.) 15 II recule. Le Commandant. Mais, sans vouloir vous donner une lecon, je viens vousdemander poliment . . . une explication. Perrichon, a part. Mathieu ! . . . c'est un faux commandant. 20 Le Commandant. De deux choses l'une: ou vous persistez. . . Perrichon. Je n'ai pas besoin de tous ces raisonne- ments ! Vous croyez peut-etre m'intimider ? Monsieur. . . Le Commandant. Pour abreger, je vais au fait : 25 retirez-vous, oui ou non ? Perrichon. Rien du tout ! Le Commandant. Prenez garde ! Daniel. Monsieur Perrichon ! Perrichon. Rien du tout ! (A part.) II n'a pas 30 seulement de moustaches ! Le Commandant. Alors, monsieur Perrichon, j'aurai Phonneur de vous attendre demain, a midi, avec mes temoins, dans les bois de la Malmaison. . . LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 153 Daniel. Commandant ! un mot ! Le Commandant. Mille pardons . . . j'ai rendez-vous avec un tapissier . . . pour choisir des etoffes, des meubles. . . A demain . . . midi . . . (Saluant.) Messieurs . . . j'ai bien l'honneur. . . (77 sort.) 5 scene rx. Perrichon, Daniel, puis Jean. Daniel, a Perrichon. Diable ! vous etes raide en affaires ! avec un commandant surtout ! Perrichon. Lui ! un commandant ? Allons done ! Est-ce que les vrais commandants s'amusent a eplucher les fautes d'orthographe ? 10 Daniel. N'importe. II faut questionner, s'infor- mer. . . (II sonne a la cheminee.) savoir a qui nous avons a faire. Jean, paraissant. Monsieur ? Perrichon, a, Jean. Pourquoi as-tu laisse entrer cet 15 homme qui sort d'ici ? Jean. Monsieur, il etait deja venu ce matin. . . J'ai meme oublie de vous remettre sa carte. . . Daniel. Ah ! sa carte ! Perrichon. Donne! (La lisant.) Mathieu, ex- 20 commandant au deuxieme zouaves. Daniel. Un zouave ! Perrichon. Saprelotte ! (Jean sort.) Daniel. Eh bien ! nous voila dans une jolie situa- tion! 25 Perrichon. Que voulez-vous ? j'ai ete trop vif . . . un homme si poli ! . . . Je Fai pris pour un notaire grade ! Daniel. Que faire ? 154 LECTURES FRANQAISES. Perrichon. II faudrait trouver un moyen. . . (Pous- sant un cri.) Ah ! . . . Daniel. Quoi ? Perrichon. Kien ! rien ! II n'y a pas de moyen ! 5 je l'ai insulte, je me battrai ! . . . Adieu ! Daniel. Ou allez-vous ? Perrichon. Mettre mes affaires en ordre . . . Quand sonnera l'heure du danger, Vous ne me verrez pas faiblir ! (II sort par la droit e.) SCENE X. Daniel, seul. 10 Allons done ! . . . e'est impossible ! . . . je ne peux pas laisser M. Perrichon se battre avec un zouave ! . . . e'est qu'il a du cceur ! . . . je le connais, il ne fera pas de con- cessions . . . De son cote, le commandant . . . et tout cela pour une faute d'orthographe ! (Cherchant.) Voyons 15 done ! ... si je prevenais l'autorite ? oh ! non ! . . . au fait, pourquoi pas ? personne ne le saura. D'ailleurs, je n'ai pas le choix des moyens. . . (II prend un buvard et un encrier sur une table, pres de la porte d* entree, et se place au gueridon.) Une lettre au prefet de police ! . . . 20 (J&crivant.) " Monsieur le Prefet . . . j'ai l'honneur de. . ." (Parlant tout en ecrivant.) Une ronde passera par la a point nomme . . . le hasard aura tout fait . . . et l'honneur sera sauf. (II plie et cachete sa lettre et remet en place ce qu'il a pris.) Maintenant, il s'agit de la faire porter 25 tout de suite . . . Jean doit etre la ! (II sort en appelant.) Jean ! Jean ! (77 disparait dans V antic hambre.) LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 155 SCENE XI. Perrichon, seul. II entre en tenant une lettre a la main. H la lit. " Monsieur le Prefet, je crois devoir prevenir l'autorite* que deux insensesont l'intention de croiser le fer demain, a midi moins un quart. . . " (Parle.) Je mets moins un quart afin qu'on soit exact. II suffit quelquefois d'un quart d'heure ! . . . (Reprenant sa lecture.) " A 5 midi moins un quart . . . dans les bois de la Malmaison. Le rendez-vous est a la porte du garde. . . II appartient a votre haute administration de veiller sur la vie des citoyens. Un des combattants est un ancien commer- qant, pere de famille, devoue a nos institutions et jouis- 10 sant d'une bonne notoriete dans son quartier. Veuillez agreer, Monsieur le Prefet, etc. etc. . . " S'il croit me faire peur, ce commandant ! . . . Maintenant, Fadresse. . . (// ecrit.) " Tres presse, communication importante . . , w Comme qa, qa arrivera. . . Ou est Jean ? 15 SCENE XII. Perrichon, Daniel, puis Madame Perrichon, Henriette, puis Jean. Daniel, entrant par le fond, sa lettre a la main. Im- possible de trouver ce domestique. (Apercevant Perri- chon.) Oh ! (77 cache sa lettre.) Perrichon. Daniel ! (II cache aussi sa lettre.) Daniel. Eh bien, monsieur Perrichon. 20 Perrichon. Vous voyez . . . je suis calme . . . comme le bronze ! (Apercevant sa femme et sa fille.) Ma femme, silence ! Madame Perrichon, a son mari. Mon ami, le maitre 156 LECTURES FRANQAISES. de piano d'Henriette vient de nous envoyer des billets de concert pour demain . . . midi. . . Henriette. C'est a son benefice, tu nous accom- pagneras ? 5 Perrichon. Impossible ! demain, ma journee est prise ! Madame Perrichon. Mais tu n'as rien a faire. . . Perrichon. Si . . . j'ai une affaire . . . tres impor- tante . . . demande a Daniel. . . 10 Daniel. Tres importante ! Madame Perrichon. Quel air serieux ! (A son mari.) Tu as la figure longue d'une aune ; on dirait que tu as peur. Perrichon. Moi ? peur ! On me verra sur le terrain. 15 Madame Perrichon. Le terrain ! Henriette, courant a lui. Un duel ! papa ! Perrichon. Eh bien, oui, mon enfant, je ne voulais pas te le dire, c,a m'a echappe : ton pere se bat ! . . . Madame Perrichon. Mais avec qui ? 20 Perrichon. Avec un commandant au deuxieme zouaves ! Demain, a midi, dans le bois de la Malmaison, a la porte du garde. Madame Perrichon, allant a lui. Mais tu es fou . . . toi ! un bourgeois ! 25 Perrichon. Madame Perrichon, je blame le duel . . . mais il y a des Circonstances ou Phomme se doit a son honneur ! Madame Perrichon, a part. Non ! c'est impossible ! je ne souffrirai pas. . . (Elle va a la table au fond et ecrit 30a part.) "Monsieur le prefet de police. . . " Jean, paraissant. Le diner est servi. Perrichon, s'approchant de Jean et has. Cette lettre a son adresse, c'est tres presse ! (II s'eloigne.) LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 157 Daniel, bas a Jean. Cette lettre a son adresse . . . c'est tres presse ! (II s'eloigne.) Madame Perrichon, bas a Jean. Cette lettre a son adresse . . . c'est tres presse ! Perrichon. Allons ! a table ! 5 Henriette, a part. Je vais faire prevenir monsieur Armand. (lis disparaissent tous les quatre.) Jean, seul. Quel est ce mystere ? (Lisant V adresse des trois lettrcs.) " Monsieur le prefet. . . Monsieur le prefet. . . Monsieur le prefet." (fitonne, et avec joie.) 10 Tiens ! il n'y a qu'une course ! ACTE QUATRIEME. Un jardin. — Bancs, chaises, table rustique ; a droite, un pavil- ion praticable. SCENE PREMIERE. Daniel, puis Perrichon. Daniel, entrant par le fond a gauche. Dix heures ! le rendez-vous n'est que pour midi. (II s'approche du 15 pavilion et fait signe.) Psit ! psit ! Perrichon, passant la tete a la porte du pavilion. Ah ! c'est vous. . . ne faites pas de bruit . . . dans une minute je suis a vous. (U rentre.) Daniel, seul. Ce pauvre monsieur Perrichon ! il a 20 du passer une bien mauvaise nuit . . . heureusement ce duel n'aura pas lieu. Perrichon, sortant du pavilion avec un grand man- teau. Me voici . . . je vous attendais. . . Daniel. Comment vous trouvez-vous ? 25 Perrichon. Calme comme le bronze ! Daniel. J'ai des epees dans la voiture. Perrichon, entr'ouvrant son manteau. Moi, j'en ai la. 158 LECTURES FRANQAISES. 1 Daniel. Deux paires ! Perrichon. Une peut casser . . . je ne veux pas me trouver dans l'embarras. Daniel, a part. Decidement, c'est un lion ! . . . 5 (Haut.) Le fiacre est a la porte ... si vous voulez. Perrichon. Un instant ! Quelle heure est-il ? Daniel. Dix heures ! Perrichon. Je ne veux pas arriver avant midi . . . ni apres. (A part.) (^a ferait tout manque r. 10 Daniel. Vous avez raison . . . pourvu qu'on soit a l'heure. (A part.) Qa ferait tout manquer. Perrichon. Arriver avant . . . c'est de la fanfaron- nade . . . apres, c'est de 1' hesitation. scene n. Les Memes, Henriette, puis Madame Perrichon, puis Arm and. Henriette, entrant en chantant, et un arrosolr a la 15 main. Tra la la ! tra la la ! (Parle.) Ah ! c'est toi, mon petit papa. . . Perrichon. Oui ... tu vois . . . nous partons . . . il le faut. . . (II Vembrasse avec emotion.) Adieu ! Henriette, tranquillement. Adieu, papa. (A part.) 20 II n'y a rien a craindre, maman a prevenu le prefet de police . . . et moi, j'ai prevenu monsieur Armand. (Elle va arroser les Jieurs.) Perrichon, s'essuyant les yeux et la croyant pres de lui. Allons ! ne pleure pas ! ... si tu ne me re vois pas . . . 25 songe. . . (S'arretant.) Tiens ! elle arrose ! Madame Perrichon, entrant avec des Jieurs a la main, a son mari. Mon ami . . . peut-on couper quelques dahlias ? Je cueille un bouquet pour mes vases. LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 159 Perrichon. Cueille ! . . . dans un pareil moment, je n'ai rien a te refuser . . . Je vais partir, Caroline. Madame Perrichon, tranauillement. Ah ! tu vas la-bas ? Perrichon. Oui . . . je vais . . . la-bas. 5 Madame Perrichon. Allons ! tache d'etre revenu pour diner. Perrichon. Hein? (Apart.) Cette tranquillite. . . est-ce que ma femme ne m'aimerait pas ? Daniel. II est l'heure . . . si vous voulez §tre aulO rendez-vous a midi. Perrichon, vivement. Precis ! Madame Perrichon, vivement. Precis ! vous n'avez pas de temps a perdre. Henriette. Depeche-toi, papa. 15 Perrichon. Oui. . . Allons, Caroline, ma fille, adieu ! adieu ! Arm and, paraissant au fond. Restez, monsieur Perrichon : le duel n'aura pas lieu. To us. Comment ? 20 Henriette, a part. Monsieur Armand ! j'etais bien sure de lui! Madame Perrichon, a Armand. Mais, expliquez- nous. . . Armand. C'est bien simple ... je viens de faire'25 mettre a Clichy le commandant Mathieu. Madame Perrichon, a Armand. Ah ! monsieur, que de reconnaissance ! . . . Henriette, bas. Vous etes notre sauveur ! Perrichon, a part. Eh bien, je suis contrarie de30 qa . . . j'avais si bien arrange ma petite affaire ... A midi moins un quart, on nous mettait la main dessus. Madame Perrichon, allant a son mart. Remercie done ! 160 LECTURES FRANQAISES. Perrichon. Qui Qa ? Madame Perrichon. Eh bien, monsieur Armand. Perrichon. Ah ! oui. (A Armand, sechement.) Mon- sieur, je vous remercie. 5 Daniel. Monsieur Perrichon, nous nous reverrons. (Saluant.) Madame . . . mademoiselle. (II sort par le fond a gauche.} Madame Perrichon, bas a Armand. Perrichon a promis de se prononcer aujourd'hui : le moment est 10 favorable, faites votre demande. Armand. Vous croyez ? . . . c'est que. . . Henriette, bas. Courage, monsieur Armand. Armand. Vous ? oh ! quel bonheur ! (Henriette et Madame Perrichon sortent par la droite.) scene m. Perrichon, Armand, puis Jean et Le Commandant. 15 Perrichon, a part. Je suis tres contrarie . . . tres contrarie . . . j'ai passe une partie de la nuit a ecrire a mes amis que je me battais . . . je vais etre ridicule. Armand, a, part. II doit etre bien dispose . . . Es- sayons. (Haut.) Mon cher monsieur Perrichon. . . 20 Perrichon, sechement. Monsieur ? Armand. Je suis plus heureux que je ne puis le dire d'avoir pu terminer cette desagreable affaire. Perrichon, a part. Toujours son petit air pro- tecteur ! (Haut.) Quant a moi, monsieur, je regrette 25 que vous m'ayez prive du plaisir de donner une le^on a ce professeur de grammaire ! Armand. Comment ? mais vous ignorez done que votre adversaire. . . Perrichon. Est un ex-commandant au deuxieme LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 161 zouaves . i . Eh bien, apres ? J'estime l'arniee, mais je suis de ceux qui savent la regarder en face. (II passe fierement devant lui.) Jean, paraissant et annoncant. Le commandant Mathieu. 5 Perrichon. Hein ? Armand. Lui ? Perrichon. Vous me disiez qu'il etait en prison ! Le Commandant, entrant. J'y etais, en effet, mais j'en suis sorti. (Apercevant Armand.) Ah ! monsieur 10 Armand, je viens de consigner le montant du billet que je vous dois, plus les frais. . . Armand. Tres bien, commandant. Le Commandant, a, Perrichon. Je suis desole, mon- sieur, de vous avoir fait attendre. . . Je suis a vos ordres. 15 Perrichon. Je pense, monsieur, que vous me rendrez la justice de croire que je suis tout a fait etranger a Pincident qui vient de se produire. Armand. Tout a fait ! car, a Pinstant meme, mon- sieur me manifestait ses regrets de ne pouvoir se ren-20 contrer avec vous. Le Commandant, a Perrichon. Je n'ai jamais doute, monsieur, que vous ne fussiez un loyal adversaire. Perrichon, avec hauteur. Je me plais a Pesperer, monsieur. 25 Le Commandant. Mes temoins sont a la porte . . . partons ! Perrichon. Partons ! Le Commandant, tirant sa montre. II est midi. Perrichon, a part. Midi ! . . . deja ! 30 Le Commandant. Nous serons la-bas a deux heures. Perrichon, a part. Deux heures ! ils seront partis. Armand. Qu'avez-vous done ? 162 LECTURES FRANQAISES. Perrichon. J'ai . . . j'ai . . . messieurs, j'ai toujours pense qu'il y avait quelque noblesse a reconnaitre ses torts. Le Commandant et Jean, etonnes. Hein ? Armand. Que dit-il ? 5 Perrichon. Jean . . . laisse-nous I Armand. Je me retire aussi . . . Le Commandant. Oh ! pardon ! je desire que tout ceci se passe devant temoins. Je vous prie de rester. Perrichon. Commandant . . . vous etes un brave lOmilitaire . . . et moi . . . j'aime les militaires ! je recon- nais que j'ai eu des torts envers vous . . . et je vous prie de croire que. . . (A part.) Sapristi ! devant mon do- mestique ! (Ifaut.) je vous prie de croire qu'il n'etait ni dans mes intentions . . . (II fait signe de sortir a 15 Jean, qui a Vair de ne pas comprendre. A part.) Qa m'est egal, je le mettrai a la porte ce soir. (Haut.) ni dans ma pensee . . . d'offenser un homme que j'estime et que j'honore ! Le Commandant. Alors, monsieur, sont-ce des re- 20 grets ou des excuses ? Perrichon, hesitant. Mais . . . moitie l'un . . . moitie 1' autre. . , Le Commmandant. Monsieur, vous avez ecrit en toutes lettres sur le livre de Montanvert : " Le comman- 25 dant est un . . ." Perrichon, vivement. Je retire le mot ! il est retire ! Le Commandant. II est retire . . . ici . . . mais la- bas ! il s'epanouit au beau milieu d'une page que tous les voyageurs peuvent lire. 30 Perrichon. Ah ! dame, pour ga ! a moins que je ne retourne moi-meme l'effacer. Le Commandant. Je n'osais pas vous le demander, mais, puisque vous me l'offrez, j'accepte. LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 163 Perrichon. Permettez. . . Le Commandant. Oh! je ne vous demande pas de repartir aujourd'hui . . . non ! . . . mais demain. Perrichon et Armand. Comment ? Le Commandant. Comment? Parle premier con- 5 voi, et vous bifferez vous-meme, de bonne grace, les deux mechantes lignes echappees a votre improvisation . . . Qa m'obligera. Perrichon. Oui . . . comme c,a . . . il faut que je re- tourne en Suisse ? 10 Le Commandant. D'abord le Montanvert etait en Savoie . . . maintenant c'est la France ! (Ironiquement.) II ne me reste plus qu'a rendre hommage a vos senti- ments de conciliation. Perrichon. Je n'aime pas a verser le sang ! 15 Le Commandant, riant. Je me declare completement satisfait. (Saluant.) Messieurs, j'ai bien l'honneur de vous saluer ! Perrichon, saluant. Commandant . . . (Le Comman- ant sort.) 20 Jean, a Perrichon, tristement. Eh bien, monsieur . . . voila votre affaire arrangee. Perrichon, eclatant. Toi, je te donne ton compte ! va faire tes paquets, animal. Jean, stupefait. Ah bah ! qu'est-ce que j'ai fait ! 25 (II sort par la droite.) SCENE rv. Armand, Perrichon. Perrichon, a part. II n'y pas a dire . . . j'ai fait des excuses ! mais a qui la faute ? a ce M. Armand ! Armand, a part, au fond. Pauvre homme ! je ne sais que lui dire. 30 164 LECTURES FRANgAISES. Perrichon, a part. Ah ca, est-ce qu'il ne va pas s'en aller ? II a peut-etre encore quelque service a me rendre ... lis sont jolis, ses services ! Armand. Monsieur Perrichon ! 5 Perrichon. Monsieur ! Armand. Hier, en vous quittant, je suis alle chez mon ami . . . Femploye a l'administration des douanes. . . je lui ai parle de votre affaire. Perrichon, sechement. Vous etes trop bon. 10 Armand. C'est arrange ! ... on ne donnera pas suite au proces. Seulement, vous ecrirez au douanier quelques mots de regrets. Perrichon, eclatant. C'est qa ! encore des ex- cuses ! . . . De quoi vous melez-vous, a la fin ? Est-ce que 15 vous ne perdrez pas l'habitude de vous fourrer a chaque instant dans ma vie ? Armand. Comment ? Perrichon. Oui, vous touchez a tout ! Qui est-ce qui vous a prie de faire arreter le commandant ? Sans 20 vous nous etions tous la-bas, a midi ! Armand. Mais rien ne vous empechait d'y etre a deux heures. Perrichon. Ce n'est pas la meme chose. Armand. Pourquoi ? 25 Perrichon. Vous me demandez pourquoi ? Parce que . . . non ! Vous ne saurez pas pourquoi ! (Avec colere.) Assez de services, monsieur ! assez de services ! Desormais, si je tombe dans un trou, je vous prie de m'y laisser ! j'aime mieux donner cent francs au guide . . . 30 car qa coute cent francs . . . il n'y a pas de quoi §tre si fier ! Je vous prierai aussi de ne plus changer les heures de mes duels, et de me laisser aller en prison si c'est ma fantaisie. LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 165 Armand. Mais, monsieur Perrichon. . . Perrichon. Je n'aime pas les gens qui s'imposent . . . c'est de l'indiscretion ! Vous m'envahissez ! . . . Armand. Permettez. . . Perrichon. Non, monsieur ! on ne me domine pas, 5 moi ! Assez de services ! (II sort par le pavilion.) scene v. Armand, puis Henriette. Armand, seul. Je n'y comprends plus rien . . . je suis abasourdi ! Henriette, entrant par la droite, au fond. Ah ! monsieur Armand ! 10 Armand. Mademoiselle Henriette ! Henriette. Avez-vous cause avec papa ? Armand. Oui, mademoiselle. Henriette. Eh bien ? Armand. Je viens d'acquerir la preuve de sa par- 15 faite antipathic Henriette. Que dites-vous la ? C'est impossible. Armand. II a ete jusqu'a me reprocher de l'avoir sauve au Mon tan vert. . . J ? ai cru qu'il allait in'offrir cent francs de recompense. 20 Henriette. Cent francs ! Par exemple ! Armand. II dit que c'est le prix ! . . . Henriette. Mais c'est horrible ! c'est de l'ingrati- tude ! . . . Armand. J'ai senti que ma presence le froissait, le25 blessait . . . et je n'ai plus, mademoiselle, qu'a vous faire mes adieux. Henriette, vivement. Mais, pas du tout ! restez ! Armand. A quoi bon ? c'est a Daniel qu'il reserve votre main. 30 166 LECTURES FRANQAISES. Henriette. Monsieur Daniel ? . . . mais je ne veux pas ! Ma mere ne veut pas ! elle ne partage pas les sen- timents de papa ; elle est reconnaissante, elle ; elle vous aime. . . Tout a Pheure elle me disait encore : "Monsieur 5 Armand est un honnete homme . . . un homme de cceur, et ce que j'ai de plus cher au monde, je le lui donnerai. . ." Armand. Mais, ce qu'elle a de plus cher . . . c'est vous ! Henriette, ndivement. Je le crois. 10 Armand. Ah ! mademoiselle, que je vous remercie ! Henriette. Mais, c'est maman qu'il faut remercier. Armand. Et vous, mademoiselle, me permettez-vous d'esperer que vous aurez pour moi la meme bien- veillance ? 15 Henriette, embarrasses. Moi, monsieur ? . . . Armand. Oh ! parlez ! je vous en supplie. . . Henriette, baissant les yeux. Monsieur, lorsqu'une demoiselle est bien elevee, elle pense toujours comme sa maman. {Elle se sauve.) SCENE VI. Armand, puis Daniel,. 20 Armand, seul. Elle m'aime ! elle me l'a dit ! . . . Ah ! je suis trop heureux ! . . . Daniel, entrant. Bonjour, Armand. Armand. C'est vous. . . (A part.) Pauvre gargon ! Daniel. Voici l'heure de la philosophic ... Mon- 25 sieur Perrichon se recueille . . . et, dans dix minutes, nous allons connaitre sa reponse. Mon pauvre ami ! Armand. Quoi done ? Daniel. Dans la campagne que nous venons de faire, vous avez commis fautes sur fautes. . . LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHOX. 167 Armand, etonne. Moi ? Daniel. Tenez, je vous aime, Armand . . . et je veux vous donner un bon avis qui vous servira . . . pour une autre fois ! vous avez un defaut mortel ! Vous aimez trop a rendre service . . . c'est une passion malheureuse ! 5 Mais croyez-moi . . . j'ai vecu plus que vous, et dans un monde . . . plus avance ! Avant d'obliger un homme, assurez-vous bien d'abord que cet homme n'est pas un imbecile. Parce qu'un imbecile est incapable de sup- porter longtemps cette charge ecrasante qu'on appelle la 10 reconnaissance ; il y a meme des gens d'esprit qui sont d'une constitution si delicate. . . Armand, riant, A lions ! deVeloppez votre paradoxe ! Daniel. Voulez-vous un exemple : monsieur Perri- chon. . . 15 Perrichon, passant sa tete a la porte du pavilion. Mon nom ! Daniel. Vous me permettrez de ne pas le ranger dans la categorie des hommes superieurs. (Perrichon disparait.) Eh bien, monsieur Perrichon vous a pris tout 20 doucement en grippe. Armand. J'en ai bien peur. Daniel. Et pourtant vous lui avez sauve la vie. Vous croyez peut-etre que ce souvenir lui rappelle un grand acte de devouement ? Non ! il lui rappelle trois 25 choses : primo, qu'il ne sait pas monter a cheval ; se- cundo, qu'il a eu tort de mettre des eperons, malgre l'avis de sa femme ; tertio, qu'il a fait en public une culbute ridicule. . . Et, comme il fallait un bouquet a ce beau feu d'artifice, vous lui avez demontre, comme deux et30 deux font quatre, que vous ne faisiez aucun cas de son courage, en empechant un duel . . . qui n'aurait pas eu lieu. 168 LECTURES FRANQAISES. Armand. Comment ? Daniel. J'avais pris mes mesures . . . Je rends aussi quelquefois des services. . . Armand. Ah ! vous voyez bien ! 5 Daniel. Oui, mais moi, je me cache . . . je me masque ! Quand je penetre dans la misere de mon sem- blable, c'est avec des chaussons et sans lumiere. . . comme dans une poudriere ! D'ou je conclus. . . Armand. Qu'il ne faut obliger personne ? 10 Daniel. Oh non ! mais il faut operer nuitamment et choisir sa victime ! D'ou je conclus que ledit Perri- chon vous deteste ; votre presence l'humilie, il est votre oblige, votre inferieur ! vous l'ecrasez, cet homme ! Armand. Mais c'est de l'ingratitude ! . . . 15 Daniel. L'ingratitude est une variete de l'orgueil. . . "C'est l'independance du coeur," a dit un aimable philo- sophe. Or, monsieur Perrichon est le carrossier le plus independant de la carrosserie franchise ! J'ai flaire cela tout de suite. . . Aussi ai-je suivi une marche tout a fait 20 opposee a la votre. Je me suis laisse glisser . . . expres ! dans une petite crevasse . . . pas mechante. Armand. Expres ? Daniel. Vous ne comprenez pas ? Donner a un carrossier l'occasion de sauver son semblable, sans danger 25 pour lui, c'est un coup de maitre ! Aussi, depuis ce jour, je suis sa joie, son triomphe, son fait d'armes ! Des que je parais, sa figure s'epanouit, il lui pousse des plumes de paon dans sa redingote. . . Je le tiens ! comme la vanite tient l'homme. . . Quand il se refroidit, 30 je le ranime, je le souffle . . . je l'imprime dans le jour- nal ... a trois francs la ligne ! Enfin, mon ami, retenez bien ceci . . . et surtout gardez-moi le secret : les hommes ne s'attachent point a nous en raison des services que LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON. 109 nous leur rendons, mais en raison de ceux qu'ils nous rendent ! Armand. Les hommes . . . c'est possible . . . mais les femmes ? Daniel. Eh bien, les femmes. . . 5 Armand.. Elles comprennent la reconnaissance, elles savent garder au fond du coeur le souvenir du bien fait. Daniel. Dieu ! la jolie phrase ! Armand. Heureusement, Madame Perrichon ne par- tage pas les sentiments de son mari. 10 Daniel. La maman est peut-etre pour vous . . . mais j'ai pour moi l'orgueil du papa . . . du haut du Montan- vert ma crevasse me protege ! SCENE vn. Les Memes, Perrichon, Madame Perrichon, Henriette. Perrichon, entrant accompagne de safemme et de sa fille ; il est tres grave. Messieurs, je suis heureux de 15 vous trouver ensemble . . . vous m'avez fait tous deux l'honneur de me demander la main de ma fille . . . vous allez connaitre ma decision. . . (A Daniel souriant.) Monsieur Daniel. . . mon ami ! J'ai deja fait beaucoup pour vous . . . je veux faire plus encore. . . Je veux vous 20 donner. . . Daniel, remerciant. Ah ! monsieur ! Perrichon, froidement. Un conseil . . . (Bas.) Par- lez moins haut quand vous serez pres d'une porte. Daniel, etonne. Ah bah ! 25 Perrichon. Oui . . . je vous remercie de la leqon. (Haut.) Monsieur Armand . . . vous avez moins vecu que votre . ami . . . vous calculez moins, mais vous me plaisez davantage . . . je vous donne ma fille. . . 170 LECTURES FRANgAISES. Armand. Ah ! monsieur ! . . . Perrichon. Et remarquez que je ne cherche pas a m'acquitter envers vous . . . je desire rester votre oblige. . . (Regardant Daniel^) car il n'y a que les imbeciles qui 5ne savent pas supporter cette charge ecrasante qu'on appelle la reconnaissance. (II se dirige vers, la droit e ; Madame Perrichon fait passer sa fille du cote d' Armand, qui lui donne le bras.) Daniel. Je suis battu ! (A Armand.) Apres comme lOavant, donnons-nous la main. Armand. Oh ! de grand coeur ! Daniel, allant a Perrichon. Ah ! monsieur Perri- chon, vous ecoutez aux portes ! Perrichon. Eh ! mon Dieu! un pere doit chercher a 15 s'eclairer. . . (Le prenant a, part.) Voyons, la . . . vraiment, est-ce que vous vous y etes jete expres ? Daniel. Ou Qa ? Perrichon. Dans le trou ? Daniel. Oui . . . mais je ne le dirai a personne. 20 Perrichon. Je vous en prie. (Poignees de main.) Labiche et Martin. LES GRANDES V^RIT^S. 171 LES GRANDES V^RIT^S. Oh ! le bon siecle, mes f re res, Que le siecle ou nous vivons ! On ne craint plus les carrieres Pour quelques opinions ; Plus libre que Philoxene, 6 Je dechire le rideau-: Coulez, mes vers, de ma veine ; Peuples, voici du nouveau. La chandelle nous eclaire, Le grand froid nous engourdit, 10 L'eau fraiche nous desaltere, On dort bien dans un bon lit. On fait vendange en septembre, En juin viennent les chaleurs, Et quand je suis dans ma chambre, 15 Je ne suis jamais ailleurs. Rien n'est plus froid que la glace ; Pour saler il faut du sel. Tout fuit, tout s'use et tout passe ; Dieu lui seul est eternel. 20 Le Danube n'est pas FOise, Le soir n'est pas le matin, Et le chemin de Pontoise N'est pas celui de Pantin. 172 LECTURES FRANQAISES. Le plus sot ir est qu'une bete ; Le plus sage est le moins fou, Les pieds sont loin de la tete, La tete est bien pres du cou. 5 Quand on boit trop, on s'enivre ; La sauce fait le poisson ; Un pain d'une demi-livre Pese plus d'un quarteron. Romulus a fonde Rome, 10 On se mouille quand il pleut Caton fut un hoimete homme, Ne s'enrichit pas qui veut. Qui croit tout est trop credule En mesure il faut danser, 15 Une ecrevisse recule Toujours au lieu d'avancer. J'ai vu des cailloux de pierre, Des arbres dans les forets, Des poissons dans la riviere, 20 Des grenouilles au marais ; J'ai vu le lievre imbecile Craignant le vent qui soufflait, Et la girouette mobile Tournant au vent qui tournait. 25 Le bon sens vaut tous les livres, La sagesse est un tresor, , Trente francs font trente livres, Du papier n'est pas de For. Par maint babillard qui beugle Le sourd: n'est point etourdi, LES GRANDES VERITAS. 173 II n'est rien tel qu'un aveugle Pour n'y voir goutte a midi. Ne nous faites pas un crime De ces couplets sans facons : On y trouve de la rime 5 Au defaut de la raison. Dans ce siecle de lumieres, De talents et de vertus, Heureux qui ne parle gueres Et qui n'en pense pas plus. 10 Anon. (18 — ) 174 LECTURES FRANQAISES. LES PREMIERS JOURS DU R^GKE DE LOUIS XVI ET DE MARIE-ANTOINETTE. Les premiers jours du regne de Louis XVI et de Marie-Antoinette furent un moment d'ivresse et de joie universelles. Plus on insultait la memoire de Louis XV, plus on exaltait les debuts de son jeune successeur. Ce 5 n'etaient pour Louis XVI et sa charmante compagne qu'eloges et que benedictions. Sur le piedestal de la statue de Henri IV, au Pont-Neuf, on ecrivait : Resur- rexit. Un bijoutier faisait fortune en vendant des taba- tieres de deuil ou le portrait de la reine, place dans une lOboite noire, faite de peau de chagrin, amenait ce jeu de mots : la consolation dans le chagrin. On voyait partout le portrait du nouveau roi entre ceux de Louis XII et de Henri IV avec ces mots : " Douze et quatre font seize." L'enthousiasme public eclatait en allegories, en poemes, 15 en images ingenieuses. On epuisait toutes les metaphores et toutes les allusions de la mythologie pour celebrer la reine, qui, heureuse de sa beaute, de sa jeunesse, de sa couronne, ecrivait a sa mere, dans un elan de joie et de gratitude, le 14 mai 1774 : " Je ne puis m'empecher 20 d'admirer P arrangement de la Providence, qui m'a choisie, moi la derniere de vos enfants, pour le plus beau royaume de PEurope." Marie-Therese elle-meme se laissait en- trainer par le courant general des louanges. " Tout Punivers est en extase, ecrivait-elle a sa fille, le 16 juin 25 1774. II y a de quoi : un roi de vingt ans et une reine de dix-neuf, toutes leurs actions sont comblees d'huma- LOUIS XVI ET MARIE-ANTOINETTE. 175 nitd, generosite, prudence et grand jugement. La reli- gion, les moeurs, si necessaires pour attirer la benediction de Dieu et pour contenir les peuples, ne sont pas oubliees ; enfin je suis dans la joie de mon coeur et prie Dieu qu'il vous conserve ainsi pour le bien de vos peuples, pour 5 l'univers, pour votre famille et pour votre vieille maman, que vous faites revivre. . . Que j'aime dans cet instant les Franqais! " Le peuple ne cessait de s'attendrir sur la bonte de son roi. Une sorte de sensibilite vertueuse et paterne etait 10 le caractere de Pepoque. On pretendait que Louis XVI avait dit a ses freres : u II est rare que les rdis aient des amis ; il ne tiendra qu'a vous d'etre des miens. N'ayons, si vous voulez, qu'une maison et une table." On disait que l'excellent monarque, emu des cris de " Vive le roi ! " 15 qui retentissaient partout sur sa route, s'etait eerie : " Vive mon peuple ! " On racontait avec emotion Panec- dote suivante : " Une vieille femme voulait voir le roi. Elle s'etait campee a genoux tout pres de la porte de l'eglise, par ou il devait passer. Mais la garde Pempe-20 chant de voir, elle arreta le roi par son habit. — Qu'est-ce done ? dit-il en se retournant. — Pardi ! e'est que je veux vous voir. Le roi s'arreta, prit la bonne femme par les deux mains, la releva et lui dit : Eh bien ! regardez-moi maintenant. Et la bonne vieille se mit a pleurer de joie." 25 En resume, Penthousiasme etait immense a Versailles et a Paris, dans les villes et dans les campagnes. La noblesse, le clerge, la bourgeoisie, le peuple tout entier saluaient avec amour Louis XVI et Marie-Antoinette. II aurait fallu etre bien clairvoyant pour distinguer quelques 30 petits points noirs dans la splendeur et dans l'azur du ciel. Imbert de Saint-Amand. !76 LECTURES FKANQAISES. CAM^LIA ET PAQUERETTE. On admire les fleurs de serre Qui loin de leur soleil natal Comme des joyaux mis sous verre, Brillent sous un ciel de cristal. 5 Sans que les brises les effleurent De leurs baisers mysterieux, Elles naissent, vivent et meurent Devant le regard curieux. La porcelaine de la Chine 10 Les regoit par groupes coquets, Ou quelque main gantee et fine Au bal les balance en bouquets. Mais souvent parmi l'herbe verte, Fuyant les yeux, fuyant les doigts, 15 De silence et d'ombre couverte, Une fleur vit au fond des bois. Un papillon blanc qui voltige, Un coup d'ceil au hasard jete, Vous fait surprendre sur la tige 20 La fleur dans sa simplicite. Belle de sa parure agreste S'epanouissant au ciel bleu, Et versant son parfum modeste Pour la solitude et pour Dieu. LA DERNIERE ROSE. 177 Sans toucher a son pur calice Qu'agite un frisson de pudeur, Vous respirez avec delice Son ame dans sa fraiche odeur. Et tulipes au port superbe, Camelias si cher payes, Pour la petite fleur sous Pherbe, En un instant, sont oublies ! Theophile Gautieb. LA DERNlftRE ROSE. I. LA JEUNE REINE. C'etait au mois de juin 1774. Le marquis de Laubespine, monte sur un beau cheval et suivi d'un 10 domestique, faisait sa promenade accoutumee dans le grand pare de Versailles, fort desert alors. Le roi Louis XV venait de mourir de la petite verole et toute la cour s'etait dispersee pour fuir le mauvais air. Le marquis dirigea sa promenade vers Trianon, et, apercevant dans 15 l'avenue du petit chateau Antoine Richard, jardinier en chef, entoure d'une douzaine de manoeuvres qui se hataient de ratisser les allees et d'arroser les pelouses, le marquis mit pied a terre a la grille, et sonna. Ri- chard, le reconnaissant de loin, accourut a sa rencontre 20 avec empressement. — Quel bon vent vous amene, monsieur le marquis ? Depuis la mort du Roi je n'ai vu ame qui vive. Trianon est triste comme un tombeau. 178 LECTURES FRANQAISES. — C'est pour cela que je viens, mon pauvre Kichard. Je suis sur qu'a part la famille royale, il n'y a personne en France de plus afflige que vous de la mort du Roi, et je viens le pleurer avec vous. 5 Les yeux de Richard se remplirent de larmes. — C'est vrai, dit-il, j'aimais le Roi ! il etait si bon pour moi ! il aimait tant les fleurs ! On m'a dit, monsieur le marquis, que votre collection d'anemones avait eu sa derniere visite. 10 — En effet, il vint chez moi le 30 avril, le matin meme du jour oil il tomba malade, et je fus frappe de sa paleur. — Helas, la vie qu'il menait ne pouvait durer long- temps. Malheureux prince ! que n'est-il reste tel que je 15 le vis pour la premiere fois, il y a vingt-six ans ! II se promenait avec la Reine, le Dauphin, les Filles de France. Rien n'etait plus beau que cette famille . royale, si nom- breuse, si unie ! Le Roi dit a Marie Leczinska, en lui presentant mon pere : — Madame, voici Claude Richard, 20 le fils du jardinier du roi Jacques II. M. d'Ayen Fa decide a quitter son beau jardin de Saint-Germain pour entrer a mon service. II nous fera ici un jardin admira- ble. Je veux que le petit Trianon f asse oublier le grand, et que ce garqon-la, dit Sa Majeste en me designant, 25devienne encore plus savant que son pere. La bonne Reine nous sourit et me caressa. Plus tard, quand je revins de mes voyages, elle me questionna sur les plantes que j'avais rapportees d'Afrique, et voulut voir la giroflee de Mahon qui fleurissait en France pour la premiere 30 fois. Je revis souvent cette bonne Reine, toujours affable et gracieuse, mais de plus en plus triste dans les derniers temps. Tout en marchant, les deux interlocuteurs e*taient LA DERNIERE ROSE. 179 arrives pres du labyrinthe de charmille qui separait le parterre du jardin botanique et des serres. — Louis XVI s'interessera-t-il a vos collections ? de- manda le marquis. — Je ne sais ; le Roi pref ere sa forge aux plus beaux 5 jardins, mais il a de l'estime pour les sciences et n'aime pas a rien deranger. Ce que j'apprehende le plus, ce sont les fantaisies de la jeune Reine. Elle va venir me surprendre : je suis cense Pignorer, c'est pourquoi vous me voyez en costume de travail. Restez, monsieur le mar- 10 quis, vous verrez notre belle souveraine prendre posses- sion de Trianon. — Non, ce serait indiscret. D'ailleurs je suis en bottes et n'oserais me presenter ainsi devant Sa Majeste. Adieu, Richard, venez me voir au Chesnay. Vous me 15 ferez toujours plaisir. M. de Laubespine allait s'eloigner lorsqu'un groupe de jeune dames, courant et riant aux eclats, apparut tout a coup au detour de la charmille. Marie-Antoinette e'tait parmi elles, et son port de reine 20 la faisait aisement distinguer. Elle avait une maniere de porter la tete si fiere, si noble et si gracieuse a la fois ! Ses beaux cheveux blonds arranges avec art, couronnaient d'une aureole doree son front de dix-huit ans. Ses traits semblaient n'etre formes que pour le sourire. Elle etait 25 alors en grand deuil, et sa robe de crgpe noir faisait res- sortir la blancheur d'albatre de ses belles mains et de son cou charmant, ce cou que la hache devait trancher quelques annees plus tard ! La Reine portait un gros bouquet de roses. En apercevant les deux promeneurs, 30 elle s'e'cria : — Je suis sure que voici M. Richard ! — Aux ordres de Votre Majeste, fit le jardinier en saluant profonde'ment. 180 LECTURES FRANQAISES. — J'ai laisse la majeste a Versailles, dit la Keine ; je veux ici n'etre appelee que Madame. Le Eoi m'a donrie le petit Trianon pour y faire toutes mes volontes. J'y veux regner, mais en simple chatelaine. Arrangez cela 5 comme vous pourrez. Quel est ce gentilhomme ? dit-elle en baissant la voix et en designant le marquis. — M. le marquis de Laubespine, dit Richard en s'in- clinant. — Oh ! j'en ai souvent entendu dire beaucoup de bien ; 10 M. de Laubespine est grand amateur de fleurs, n'est-ee pas? — Oui, Madame, dit le marquis, le feu Eoi me faisait l'honneur de visiter tous les ans ma collection d' anemones. — J'irai la voir aussi, mais je vous engage a cultiver 15 d'autres fleurs. Je n'aime pas les anemones. C'est une plante triste, basse, sans parfum, qui ne neurit qu'une fois, meurt tous les ans et a tou jours du noir dans le coeur. Je n'en veux point ici : je veux des rosiers, des jasmins, des orangers, des chevrefeuilles : j'aime ce qui 20 est vivace, abondant, parfume. Vous verrez quels mer- veilleux bosquets j'aurai a Trianon ! Mais allons voir le jardin botanique et les serres, j'ai promis au Roi de ne rien detruire avant d'ayoir tout examine au fond. Venez avec moi, monsieur le marquis : guidez-nous, Richard. 25 Et elle marcha legerement vers les serres, suivie de ses dames et du marquis, dont la figure s'etait fort assombrie en entendant la Reine medire des anemones. Marie-Antoinette trouva qu'il faisait terriblement chaud dans les serres, et ne s ? y arrSta que tout juste 30 assez pour critiquer la collection de cereus dont Richard etait fier a juste titre, et qu'il avait rapporte'e a grands frais d'Espagne et d'Afrique. — Quelles horribles plantes ! s'ecria-t-elle ; elles sont LA DERNIERE ROSE. 181 toutes couvertes de poils, d'epines, de dards et de ver- mes ! Quelle est celle-ci qui ressemble a une compagnie de serpents ? — C'est le cereus flagelliformis, dit Richard, ce qui veut dire cierge en forme de fouet. 5 — C'est fort agreable, dit la Reine. Et celle-ci, bossue, tortue comme Esope ? — C'est le cereus monstruosus, Madame, le cierge mon- strueux. — Oh qu'il est bien nomme ! Et celui-ci ? 10 — Jjopuntia horrida, Madame. — Quel nom gracieux ! Ne trouvez-vous pas, mes- dames, que cette plante ressemble a une certaine du- chesse ! Devinez laquelle, et dites-le-moi a l'oreille. Toutes les dames vinrent dire a la Reine des noms dif- 15 fe rents, mais sans doute bien choisis, car a chaque nom nouveau elle riait aux eclats. Le jardinier et M. de Laubespine ne savaient trop quelle contenance tenir, lorsque la Reine, se tournant vers eux, dit : 20 — Ah qk ! M. Richard, je ne veux point vous prendre en traitre. Je vous avertis que je vais faire enlever ces serres-la. — Votre Majeste aura la bonte d'y refle'chir, dit Ri- chard d'une voix emue, ce sont les plus belles serres qui 25 existent. Elles ont coute plus de cinquante mille livres. — C'est trop cher pour une prison, dit la Reine ; pour moi je deteste tout ce qui est renferme. Des fleurs sous verre, des oiseaux en cage, me donnent envie de pleurer. Je sais qu'il faut des serres pour l'hiver, mais je ne veux 30 pas les voir. Vous emporterez tout ce vitrage au pota- ger, avec vos cereus plus ou moins monstruosus. Je vais avoir a Trianon un jardin anglais, un village Suisse, un 182 LECTURES FKANQAISES. temple grec et un joli petit theatre ou je jouerai des operas, et ce sera bien plus amusant que vos cloches a melon plus grandes que nature. Ah ! voici M. Mique, l'architecte, qui m'apporte son plan. Quel plaisir ! vite, 5 vite, monsieur Mique, montrez-nous cela ! L'architecte arrivait en effet, portant un rouleau de papier grand aigle. La Eeine s'en empara, l'etendit sur la pelouse, posta ses dames aux quatre angles du papier, en leur recommandant de le bien tenir, et, se mettant a 10 genoux avec M. Mique a cote d'elle, se fit expliquer le plan. — J'espere, dit-elle, que vous n'avez pas oublie la ri- viere et les cascades ? — II y en aura trois, dit l'architecte ; voyez-les, ma- dame. Deux lacs, une grotte, une petite foret de sapins. 15 — Et l'etable ? ou sera-t-elle ? — La, Madame, tout pres de la laiterie. — Je ferai du beurre, dit la Heine, du vrai beurre, et du fromage a la creme ! Et ceci, qu'est-ce done ? — C'est la maison du Bailly, Madame, et la, tout pres 20 du pont, le moulin. — Aura-t-il des ailes ? demanda la Eeine. — Non, Madame, c'est un moulin a eau ; mais il aura une roue qui tournera en faisant beaucoup de bruit. — Les moulins a eau font-ils du pain comme les mou- 25 lins a vent ? dit une jeune femme. — lis font de la farine, madame, repondit l'architecte en reprimant une forte envie de rire. — Je veux faire du pain, dit la Heine, et de la galette, et il me faudra un four. 30 — Vous l'aurez, Madame, ainsi qu'un lavoir, une buanderie, un poulailler et une bergerie. — Ce sera delicieux ! et nous supprimerons le jardin francais ! LA DERNIERE ROSE. 183 — A Dieu ne plaise ! s'ecria Mique, ce serait defigurer le chef-d'oeuvre de Gabriel. Ces parterres reguliers, ces arbres tailles, cette architecture vegetale encadrent si bien le petit chateau ! Gabriel mourrait de chagrin s'il me voyait sup primer la perspective du salon, et separer5 le pavilion octogone du chateau par des massifs irregu- liers, comme c'est la mode a present. Voyez, Madame, j'ai tout dispose au contraire pour conserver les bosquets de charmille, et cette grande pelouse ou nous sommes, et pourtant le theatre serait a deux pas du chateau. Devant.10 les deux autres faqades la Reine fera ce qu'elle voudra, mais jamais, non, jamais ! je ne me resoudrai a rien changer a ce cote-ci, pas plus qu'a la cour d'honneur. — Je pense que vous avez raison, monsieur ; mais il f aut me dedommager par autre chose. Je voudraisunemontagne 15 tres haute, avec des cedres, des rochers et des precipices. — On essaiera, dit Parchitecte ; mais ce sera plutot l'affaire du jardinier que la mienne. — Richard, dit la Reine, pourriez-vous me faire la une montagne ? 20 — Avec du temps et de l'argent, Madame, cela serait possible, mais la depense serait enorme et il faudrait au moins trois ans. — J'y renonce, dit la Reine, nous resterons en plaine, mais je m'en consolerai en cultivant les plus belles fleurs 25 du monde. Une Reine de France, au lieu d'envoyer chercher a grands frais des plantes exotiques, doit veiller au perfectionnement des fleurs de son royaume. Ri- chard, je veux que Trianon voie naitre la rose et l'oeillet bleu, et je vous commande de ne rien epargner pour y3o reussir. II le faut absolument. La Reine s'etait levee, et elle prononqa ces mots d'un air si decide que le jardinier s'ecria : 184 LECTURES FRANQAISES. — Vous serez obeie, Madame, non seulement comme une reine, mais comme une divinite. Et, saluant la Reine qui les congediait d'un signe, M. de Laubespine et Richard s'eloignerent en silence. 5 A peine furent-ils hors de vue qu'ils s'arreterent et se regarderent avec consternation. — Helas ! dit Richard, mes belles serres ! — Helas ! dit le marquis, quelle tete legere a cette jeune Reine ! Elle ne songe qu'a s'amuser. Le roi s'en- 10 ferme dans sa forge et fait des serrures. Tous deux sont bons, vertueux, mais ne me paraissent guere songer aux devoirs de leur etat. — Et pourtant, lorsqu'on est venu leur annoncer la mort de Louis XV, ils sont tombes a genoux et se sont 15 ecries en pleurant : Mon Dieu, ayez pitie de nous ! nous sommes trop jeunes ! — En effet, la fille de Pimperatrice Marie-Therese, le fils du grand Dauphin ont une terrible tache a remplir. Le dernier regne a tout perdu: Pivraie semee partout 20croit avec une rapidite effrayante. II faudrait a la Erance un Charlemagne et une Blanche de Castille. — Attendons, dit Richard, laissons croitre l'arbre et attendons ses fruits. Louis XVI n'a que vingt ans, et notre charmante petite Reine n'est encore qu'une enfant. 25 Si du moins elle me laissait mes serres ! — Si encore elle aimait les anemones ! dit le marquis. Et ils se separerent tristement. Julie Lavergne. LA VACHE PE11DUE. 185 LA VACHE PEKDUE. Ah ! Ah ! de la montagne Reviens, Nera, reviens! Reponds-moi, ma conipagne, Ma vache, mon seul bien. La voix d'un si bon maitre, 5 Nera, Peux-tu la meconnaitre ? Ah! Ah! Nera ! Reviens, reviens, c'est l'heure 10 Ou le loup sort des bois ; Ma chienne, qui te pleure, Repond seule a ma voix : Hors Pami qui t'appelle, Nera, 16 Qui t'aimera comme elle ? Ah! Ah! Nera! Dis-moi si dans la creche, Ou tu lechais ma main, 2 Tu manquais d'herbe fraiche Quand je manquais de pain. Nous n'en avions qu'a peine, Nera, Et ta creche etait pleine. £5 Ah ! Ah ! N^ra! 186 LECTUKES FRANQAISES. Ingrate ! quand la fievre Gla^ait mes doigts raidis, Otant mon poil de chevre, Sur vous je l'etendis. 5 Faut-il que le froid vienne, Nera, Pour qu'il vous en souvienne ? Ah ! Ah ! Nera! 10 Adieu ! sous mon vieux h§tre Je m'en reviens sans vous. Allez chercher pour maitre Un plus riche que nous. Allez, mon coeur se brise, 15 N ^ra, Pourtant, Dieu te conduise ! Ah ! Ah ! Nera! 20 25 Je n'ai pas le courage De te vouloir du mal : Sur nos monts crains l'orage Crains F ombre dans le val. Pais longtemps Fherbe verte Nera, Nous mourrons de ta perte. Ah! Ah! Nera ! TJn soir, a ma fenetre, Nera, pour t'abriter, 30 De ta corne peut-etre ' LA DERNIERE ROSE. 187 Tu reviendras heurter. Si la famille est morte, Nera, Qui t'ouvrira la porte ? Ah ! Ah ! Nera! Casimir Delavigne. LA DERNIERE KOSE. II. l'adieu. Le printemps avait quinze fois orne de fleurs et de verdure les bosquets du petit Trianon, et l'automne de 1789 commencait a effeuiller leur couronne. Le temps des fetes etait passe. La Revolution avait commence 10 son ceuvre : Fanxiete, la misere, Feffroi regnaient dans toute la France. Les freres du Roi avaient deja passe la frontiere : on emigrait en foule et le vide se faisait autour des royales victimes. Rien, en apparence, ne semblait change dans les habi- 15 tudes de la famille royale. Louis XVI chassait trois fois la semaine, Madame Elisabeth allait tous les jours a Montreuil, et la Reine se promenait encore a Trianon. Mais elle y allait presque toujours seule : la solitude est douce a qui doit cacher ses larmes. La Reine etait loin 20 de partager les illusions et la securite de Louis XVI, et, depuis le jour ou elle Tavait vu revenir de PHotel de Ville de Paris, portant a son chapeau la cocarde tricolore, ce signe de servitude envers l'emeute, Marie- Antoinette ent.revoyait l'abime. 25 188 LECTURES FRANQAISES. Le 5 octobre, le Roi etait alle chasser dans les bois de Meudon. La Reine vint a Trianon et voulut s'y promener seule. Laissant ses enfants a M me de Tourzel, Marie- Antoinette s'eloigna du chateau et dirigea ses pas du 5 cote du village. Elle n'avait plus cette demarche legere, cette grace aerienne qui charmaient jadis tous les re- gards. Belle, elle Petait encore, elle le fut jusqu'a la fin, mais les roses de son doux visage avaient disparu, et ses yeux cernes, son front pale et sa demarche lente et 10 incertaine trahissaient les angoisses de son cceur. Elle s'assit pres du lac, sous un saule qui la cachait presque entierement, et regarda de loin la jolie laiterie, la tour de Marlborough, la maison du Bailly, toutes ces gracieuses demeures, temoins des fetes des premieres 15annees de son regne. Depuis quelques mois Marie- An- toinette y avait installe de pauvres families, esperant ainsi se faire pardonner par Popinion publique ce que Fon osait appeler ses profusions. Ces nouveaux notes avaient deja change Paspect du hameau de la Reine. 20 Au lieu de fleurs, du linge, des vetements s'etalaient aux fenetres des chaumieres, et, sur le seuil, pele-mele avec des poules, des chiens et des chats, quelques enfants malpropres se trainaient en jouant. Des femmes desoeuvrees causaient d'un air inquiet 25 sous le porche de la maison du Bailly, et, bien que Feloignement empechat la Reine d'entendre leurs paroles, il etait evident que le sujet de leur entretien etait triste. Un petit garqon s'approcha du groupe des femmes et se mit a chanter d'une voix perqante. Sa mere s'elanca 30 vers lui, le frappa rudement, et, Pentrainant de force, Fenferma dans l'etable. Mais la Reine avait entendu et reconnu Pinfame chanson, et elle se h&ta de rentrer dans le bois sans avoir ete aperQue. LA DERNIERE ROSE. 189 — Mon Dieu ! se dit-elle, faut-il que les refrains ignobles dont mes ennemis font retentir les rues de Pa- ris, soient repetes ici, et par les enfants des pauvres que je nourris ! Ce petit enfant ne sort pas de Tria- non ; qui done lui apprend a m'insulter ainsi ? 5 En passant pres du moulin, elle rencontra Marion, la jeune et belle fille d'un des jardiniers. Marion la salua en silence, mais ses yeux rencontrant ceux de la Reine, elle ne put se contenir et s'ecria : — Oh ! madame, vous pleurez ! et, fondant en larmes, 10 la bonne fille se jeta a genoux devant la Reine. Marie-Antoinette la releva avec bonte et lui dit : — Ce n'est rien, Marion, mais j'ai entendu un des en- fants du village chanter une si vilaine chanson que le coeur m'a manque. N'est-ce pas horrible que les enfants 15 eux-memes soient per'vertis et insultent leurs souverains ? Ou irai-je, si a Trianon meme je dois entendre de pa- reilles infamies ? — Madame, dit Marion, si vous vouliez punir les cou- pables, rien ne serait plus aise ; mais vous ne savez que 20 pardonner, et l'impunite encourage les mechants. Ah ! si j'etais Reine ! — Eh bien, acheve ! dit Marie-Antoinette, souriant a travers ses larmes de l'air fier qu'avait pris Marion. Que ferais-tu, mon enfant ? 25 — Si j'etais Reine, je ne pardonnerais qu'au repentir. Je defendrais mon honneur, je punirais par le feu, la corde et la roue tout crime de lese-majeste, parce que celui qui insulte le Roi deshonore la nation; si j'etais Reine. . . 30 — Si tu etais Reine, ma fille, tu serais comme moi la premiere sujette du Roi, et tu imiterais sa clemence, son amour pour le peuple. Va me cueillir quelques 190 LECTURES FRANQAISES. roses, Marion ; tu me les apporteras a la grotte. Que ne suis-je a ta place, petite heroine, et toi a la mienne ! mais ce serait te faire un triste present. Va, mon en- fant, laisse-moi. 5 Elles se separerent ; Marion se dirigea vers le parterre des rosiers, et la Keine alia s'asseoir a Fentree de sa grotte favorite, aupres de la petite source. Les feuilles jaunies tombees des arbres couvraient la terre et obstruaient le cours du ruisseau. Les oiseaux lOetaient muets, et les pales rayons du soleil d'automne faisaient briller ca et la quelques fleurs tardives et de- colorees. Le murmure de la petite cascade qui arrose Pinterieur de la grotte retentissait seul dans le bosquet. Marie-Antoinette se rappelait le temps ou elle avait 15 trace ces jardins charmants, celui, plus heureux encore, ou elle guidait les premiers pas de ses enfants sur les gazons de Trianon. C'etait la qu'elle avait joui de tous les plaisirs delicats que donnent les arts et Pamitie, la que, jeune, brillante, adoree, elle recevait son frere l'em- 20 pereur Joseph au milieu des fetes. . . En quelques instants sa pensee revit ces annees de bonheur, et le present et l'avenir lui apparurent sous un aspect si sombre que la malheureuse princesse se sentit defaillir. 25 Effrayee d'etre seule, elle appela Marion, mais, au lieu de la jeune fille, un gargon de la chambre, comme on les appelait, parut, une lettre a la main. — Qu'y a-t-il, Breton ? fit-elle. — M. de Saint-Priest envoie ceci a votre Majeste, re- 30 pondit le valet, qui tremblait de tous ses membres. Marie-Antoinette rompit le cachet et palit en lisant ces deux lignes du ministre : " La Reine est priee de revenir au chateau. Elle y LA DERNIERE ROSE. 191 trouvera le Roi. Les sections de Paris sont en chemin pour venir a Versailles." — Faites atteler, dit la Reine, et prevenez M me de Tourzel que nous partons. Le garqon s'iriclina, partit, et, une fois hors de vue, 5 se mit a courir a toutes jambes vers le petit chateau. La Reine le suivit. Elle rencontra Marion chargee de roses. — Donne-m'en une seule, dit la Reine ; ce sera peut- etre la derniere que j'emporterai de mon cher Trianon. 10 Ma pauvre Marion, j'ai le pressentiment que je ne te verrai plus. — Ne parlez pas ainsi, madame ! s'ecria Marion, vous reviendrez demain. Prenez ce bouquet pour Madame Roy ale, je vous en supplie. 15 — Donne-moi une seule rose, dit la Reine ; une seule, je le veux. Marion, tout en pleurs, en choisit une au hasard. C'etait une rose rouge. La Reine la considera un instant et ses larmes cou-20 lerent. — Flos martyrum ! dit-elle. Dieu m'indique la voie ou je vais marcher. Adieu, Trianon, adieu pour toujours ! Elle prit la rose, donna sa main a baiser a Marion, et partit. 25 C'etait bien au martyre qu'elle allait ! Julie Lavergne. 192 LECTURES FRANQAISES. MA NORMANDIE. Quand tout renait a l'esperance, Et que l'hiver fuit loin de nous ; Sous le beau ciel de notre France, Quand le soleil revient plus doux ; 5 Quand la nature est reverdie, Quand l'hirondelle est de retour, Je vais revoir ma Normandie, C'est le pays qui m'a donne le jour. J'ai vu les champs de l'Helvetie 10 Et ses chalets et ses glaciers. J'ai vu le ciel de l'ltalie Et Venise et ses gondoliers ; En saluant chaque patrie, Je me disais : " Aucun sejour 15 N'est plus beau que ma Normandie, C'est le pays qui m'a donne le jour." II est un age dans la vie Ou chaque reve doit finir, Un age ou l'ame recueillie A besoin de se souvenir ; Lorsque ma muse refroidie Aura fini ses chants d'amour, J'irai revoir ma Normandie, C'est le pays qui m'a donne le jour. Frederic Berat. (183-) 20 MORT DE LOUIS XVI. 193 MORT DE LOUIS XVI. Apres la journee du 10 aout, la famille royale avait ete enfermee au Temple, sombre forteresse dont la grande tour lui servit de prison. Le roi occupait un etage ; la reine, Madame Elisabeth, le jeune dauphin et sa soeur en occupaient un autre. lis se reunissaient pendant le jour. 5 A neuf heures, on dejeunait dans la chambre du roi. A dix, le roi travaillait avec son fils, la reine avec sa fille. A une heure, si le temps le permettait, toute la famille descendait au jardin. La promenade finissait a deux heures. Alors le diner etait servi. Le roi prenait 10 ensuite quelque repos. Apres son sommeil, on faisait une lecture en commun. Enfin, venait le souper, puis la separation, toujours douloureuse, parce que l'adieu de chaque soir pouvait etre le dernier. Toute relation avec le dehors etait severement interdite. Un seul domes- 15 tique, Clery, faisait le service de l'interieur de la prison, sans en sortir jamais ; et les prisonniers ne pouvaient apprendre que ce qu'il leur etait douloureux de connaitre, comme la mort de leurs plus fideles serviteurs ou les victoires de la republique, qui leur otaient toute espe-20 ranee. Telle fut, durant cinq mois, sous une surveillance penible, souvent outrageante, l'existence de la famille royale au Temple. Louis XVI, plus fait pour la vie privee que pour le trone, montra, dans cette captivite, un calme et des vertus qui souvent attendrirent les plus 25 farouche s geoliers. La constitution declarait le roi inviolable et n'autori- sait d'autre peine contre lui que la deche'ance. Or la d'eche*ance etait deja prononcee ; le droit legal e*tait done ^puise contre Louis. Mais la situation etait extreme : 30 194 LECTURES FRANQAISES. l'Angleterre menaqait ; les Autrichiens allaient faire de plus grands efforts et une coalition de PEurope entiere etait imminente. II y a aussi comme une ivresse de peril ; les esprits qu'une moralite inflexible ne retient pas 5 s'exaltent et se perdent en face du danger. Danton pro- nonca dans P Assemblee ces sinistres paroles : " Jetons- leur en defi une tete de roi," et la Convention, se faisant accusatrice et juge, cita le roi a comparaitre par-devant elle (3 decembre 1792). Le venerable Malesherbes, pour 10 couronner une belle vie par une belle action, demanda et obtint l'honneur de defendre son ancien maitre. Un jeune avocat, de Seze, porta la parole : " Je cherche en vous des juges, s'ecria-t-il, et je ne vois que des accusa- teurs." Saint- Just et Robespierre acceptaient la question 15 ainsi posee. lis ne s'inquietaient pas de savoir si les accusations contre le roi etaient fausses ou vraies ; ils demandaient tout haut sa mort comme une mesure de salut public. Les Girondins ne flrent que de timides efforts pour le sauver. 20 Quatre questions avaient ete successivement soumises au vote : 1° Louis est-il coupable de conspiration contre la liberte publique et d'attentat contre la surete generale ? Oui, a Tunanimite ; 2° Y aura-t-il appel au peuple ? 276 oui sur 745 votants ; 3° Quelle peine sera infligee ? 387 25 voix pour la mort sans condition, 338 pour la detention ou la mort avec condition, 28 absents ou non- votants ; 4° Y aura-t-il sursis a l'execution ? 310 oui contre 380 non. La Convention ordonna l'execution dans les vingt- quatre heures; et le 21 Janvier 1793, Louis XVI, avec 30 un courage et une resignation chretienne que la posterite admire, monta sur l'echafaud. II voulut adresser quelques mots a la foule : un roulement de tambours etouffa sa voix ! LOUIS XVI AUX FRANgAIS. 195 Ainsi un des princes qui ont sincerement souhaite le bonheur du peuple, mourait de la main du peuple, victime de haines d'autant plus implacables qu'elles se croyaient legitimes. On avait pense que cette tete royale creuserait en tombant un abime infranchissable entres Pancienne France et la France nouvelle ; et c'etait moins le roi que la royaute qu'on decapitait. En signant l'arret de Louis, Carnot avait pleure ! La fatale doc- trine du salut public comptait, dans Phistoire, un crime de plus, car on venait d'oublier encore une fois que le 10 vrai salut vient des grands cceurs, non du bourreau. Cet echafaud dresse pour Louis ne sera pas de longtemps abattu. Combiende sesjuges vontymonter, et, derriere le char qui emporte le corps du roi, quelle large trainee de sang ! Un terroriste disait : " II n'y a que les morts 15 qui ne reviennent pas." II se trompait, et le meilleur moyen de les faire revenir, c'est de leur mettre au front une aureole de martyr. Victor Duruy. LOUIS XVI AUX FRANgAIS. mox peuple, que vous ai-je done fait ? J'aimais la vertu, la justice. 20 Votre b'onheur fut mon unique objet, Et vous me trainez au supplice. mon peuple ! ai-je done me rite Tant de tourments et tant de peines ? Quand je vous ai donne la liberte, 25 Pourquoi me chargez-vous de chaines ? 196 LECTURES FRANQAISES. Quand je montai sur ce trone eclatant Que me destina ma naissance, Mon premier pas dans ce poste brillant Fut un edit de bienfaisance. 5 Si ma mort peut faire votre bonheur, Prenez mes jours, je vous les donne. Votre bon roi, deplorant votre erreur, Meurt innocent et vous pardonne. O mon peuple ! recevez mes adieux. 10 Soyez heureux, je meurs sans peine, Puisse mon sang, en coulant sous vos yeux, Dans vos cceurs eteindre la haine. La Marquise de Travanet. (1793.) L'^CHAFAUD. Helas ! Eien ne peut plus conjurer le sort inexorable. C'en est fait des esperances terrestres. Onze heures 15 sonnent. C'est le moment de partir pour l'echafaud. O reine ! les derniers battements de votre cceur seront dignes de vous ! Vous jetez un regard d' adieu sur cette prison ou vous avez ete sublime, sur cette prison qui a ete le sanctuaire de votre douleur. Voici pour vous Pinstant 20 de prouver que certaines ames trouvent dans leur hero- i'sme une force inouie, surnaturelle. En vain on a voulu vous epuiser par la fatigue, par le jeune, par les veilles, par les tortures, par les persecutions de tout genre. Votre energie morale vous donne une energie physique qui est 25 un miracle. Courage, Madame, faites un dernier effort. Tous les peuples, tous les siecles auront les yeux fixes sur L'ECHAFAUD. 197 vous. Courage, noble chretienne. Courage, fille de Marie-Therese, reine de France et de Navarre, admirable heroine de l'adversite. Jesus-Christ vous appelle. Votre echafaud est un piedestal, votre mort une immortalite ! Le 16 octobre, des cinq heures du matin, le rappel a 6 ete battu dans toutes les sections. A sept heures, trente mille hommes de troupe ou de garde nationale sont a leur poste. Des canons ont ete places aux extremites des ponts, places et carrefours, depuis le Palais de Justice jusqu'a la place de la Revolution. A dix heures, des pa- 10 trouilles nombreuses circulent dans les rues. Des files de populace se mettent en marche pour le lieu du sup- plice. Depuis l'aurore, le grand perron du Palais de Justice est garni de curieux. On en voit a toutes les croisees. II y en a dans les reseaux de la grille, sur les 15 corniches, sur les balustrades, sur les toits. Onze heures sonnent. C'est l'instant fixe pour le depart de Marie- Antoinette. Dix minutes se passent. La foule com- mence a s'impatienter. Enfin, voici la reine. II est onze heures un quart. La charrette est sous l'arcade20 neuve de droite, aupres du grand perron. La condamnee a un mouvement de surprise. Elle s'attendait a un fiacre. C'est en fiacre que Louis XVI a ete conduit a l'echafaud, c'est en fiacre qu'elle a ete elle-meme trans- feree du Temple a la Conciergerie. Elle avait espere25 aussi que pendant le trajet elle n'aurait pas les mains liees. On ne les avait liees a Louis XVI qu'au pied de l'echafaud, mais, depuis, la revolution a marche. Le 21 Janvier, la terreur n'etait qu'a son debut. Depuis elle s'est perfectionnee, et maintenant un fiacre serait trop30 bon pour une reine. Quant aux liens qui enchainent, meurtrissent, rendent bleuatres les mains de la victime, ne feront-ils point la joie des furies de la guillotine, et 198 LECTURES FRANQAISES. n'est-ce pas pour ces femmes, je veux dire pour ces monstres, un spectacle delectable que de voir une reine de France ainsi garrottee ? La charrette est sale ; pour banquette une planche; sur le plancher, ni paille ni 5 foin ; derriere, un marche-pied ; devant, a la tete d'un fort cheval blanc, un charretier a figure sinistre. Marie- Antoinette monte. Le bourreau, son valet et le pretre constitutional Girard, habille en lai'que, montent aussi. La reine a pour vetements un deshabille de pique 10 blanc et un jupon noir, avec un ruban de faveur noire aux poignets, un fichu de mousseline unie blanc au cou, un bonnet de linon sans barbes ni marques de deuil, des bas noirs et des souliers de prunelle dont elle se servait toujours, et qui n'ont ete ni gates ni deformes pendant 15les soixante-seize jours qu'elle est restee a la Concier- gerie. Ses cheveux sont coupes ras autour de son bonnet. La charrette marche lentement. La populace contem- ple avec une sorte de stupeur la condamnee dont la figure est tristement severe, dont Poeil baisse regarde oblique- 20 ment, dont le cou est deja pret pour le couteau, et qui, privee d'appui contre les cahots des paves, a cause des liens qui la garrottent, cherche peniblement a garder l'equilibre et a reprendre la dignite de son attitude. " Ce ne sont pas la tes coussins de Trianon," lui orient 25 d'infames creatures. Quel est cet homme, en uniforme d'omcier de la garde nationale, qui caracole autour de la charrette ? C'est Grammont, cet acteur du theatre de la Montansier, qui est encore couvert du sang des prisonniers d'Orleans qu'il 30 a massacres a Versailles, et qui, pour se rehausser dans l'estime des egorgeurs, se vantera d'avoir bu dans le crane d'une de ses victimes. C'est ce Grammont, destine, lui aussi, a porter prochainement sa tete a L'^CHAFAUD. 199 I'echafaud, qui a voulu etre l'impresario du supplice de Marie- Antoinette. C'est lui qui a mis en scene le dranie de I'echafaud, qui a arrange le decor, qui a groupe les figurants, qui a place a l'avance, sur certains points de l'itineraire, des miserables payes pour insulter la reine. 5 Marie-Antoinette a dit, dans sa prison, a un gendarme : " Croyez-vous que le peuple me laissera aller a I'echa- faud sans me mettre en pieces ? " et cet homme lui a repondu : " Vous parviendrez a I'echafaud, Madame, sans qu'il vous soit fait aucun mal." A certains moments, 10 quand les gens stimules par Grammont jettent sur la reine des regards furieux, et lui montrent le poing avec rage, elle se demande si la promesse du gendarme se realisera. La charrette, precedee et suivie de soldats, a traverse 15 le Pont-au-Change, suivi le quai jusqu'au Louvre, penetre dans la rue du Roule, puis dans la rue Saint-Honore. Le bourreau continue a tenir les bouts de la grosse ficelle qui retire en arriere les bras de la royale con- damnee. Eh bien, dans ce triste appareil, au milieu des 20 huees d'une lache populace, la fille des Cesars est plus majestueuse, plus imposante que sur le trone. Un seul instant, ses traits, jusqu'alors impassibles, trahissent de l'emotion; c'est quand, en face de l'Oratoire, un petit enfant, dans les bras de sa mere, lui envoie un baiser. 25 A ce salut de l'innocence, Marie-Antoinette pleure. La vue du Palais-Royal, " ce palais d'ou est sorti son epouvantable revers " l'impressionne aussi. Ses regards se promenent sur les facades des maisons, les banderoles tricolores, les inscriptions republicaines, les physiono-30 mies, les costumes de cette capitale, ou tant de choses ont change en quelques mois. Sur les marches de l'eglise Saint-Roch, on. pousse des cris horribles j c'est comme 200 LECTURES FRANQAISES. un ouragan d'injures. La charrette fait la une courte station, pour que la condamnee entende mieux tous les outrages qui pleuvent sur elle. " Mes amis, vocifere le comedien Grammont, qui recojmait sa bande, mes amis, 5 voici 1' Autrichienne ; nous allons vous donner sa tete." Puis, quand les voix furieuses sont enrouees a force de hurler, le cortege funebre reprend sa marche. Devant le passage qui mene de la rue Saint-Honore au club des Jacobins, la charrette s'arrete une seconde 10 fois. Sur le portail de ce passage, il y a un ecriteau ou on lit: " Atelier d'armes republicaines pour foudroyer les tyrans." La est postee l'autre bande d'insulteurs a gages. C'est une nouvelle bordee de huees et de hurle- ments. La charrette repart ; elle passe devant l'Assomp- 15 tion, en face de la maison du menuisier Duplay, demeure de Robespierre, et debouche dans la rue Royale. De chaque cote de cette rue, il y a une triple haie de gardes nationaux ; combien parmi eux ont horreur du crime qui va se commettre ! Et cependant pas un n'eleve la voix ; 20 point de protestation, point de murmures. La garde nationale, dans le fond du coeur, maudit les regicides, mais elle tremble, et sa terreur est telle, que si quelques hommes s'avisaient de vouloir sauver la reine, elle ferait feu sur eux. 25 II y a bientot une heure que la charrette est partie de la Conciergerie ; enfin voici la place fatale, la place qui Justine si bien son nom de place de la Revolution, et qui devrait aussi s'appeler la place du crime. Elle regorge de monde ; les terrasses du jardin des Tuileries sont 30 remplies ; il y a des curieux jusque dans les branches des arbres des Champs-Elysees. Helas ! voila le terme d'une destinee d'abord si magni- fique ! Voila ou va finir la femme qui etait traitee L'^CHAFAUD. 201 comme une deesse, et qui arrachait naguere a une foule idolatre des cris d'enthousiasme et d'amour ! Comment les soldats qui sont la sous les armes ne tournent-ils pas leurs sabres, leurs baionnettes contre les meurtriers ? Comment le peuple, dans un genereux elan, ne renverse- 5 t-il pas la guillotine, n'arrache-t-il pas la victime au bour- reau, et ne la ramene-t-il pas triomphante au palais des Tuileries ? Helas ! le temps de la chevalerie est passe ! La reine se recueille ; elle adresse a Dieu une priere supreme ; elle a une derniere pensee pour la France, dont 10 les maux ne font que commencer, au moment ou les siens finissent ; pour ses pauvres enfants, pour sa pieuse belle- soeur, qui gemissent dans le donjon du Temple. Elle jette un regard sur les Tuileries, sa premiere prison, puis elle descend de la charrette, et gravit d'un pas ferme, 15 sans vouloir etre soutenue, les marches de la guillotine. II n'y aura pas besoin des tambours de Santerre pour couvrir la voix de la condamnee ; Marie-Antoinette n'a rien a dire. Le mot qui resume sa defense, et qui fera tressaillir tous les peuples, tous les siecles, c'est celui20 qu'elle a dit devant le tribunal de sang : " J'en appelle a toutes les meres." Ici, elle ne prononcera plus qu'une phrase, une phrase toute de douceur et de bonte. Elle vient par megarde de marcher sur le pied de l'executeur Samson: "Monsieur, lui dit-elle, je vous demande par- 25 don." Oui, elle n'est pas seulement douce, elle est courtoise avec la mort, et courtoise avec le bourreau. Ce don de seduction qu'elle a toujours eu comme enfant, comme jeune fille, comme femme, elle le conserve jusque sur la plate-forme de la guillotine, aussi bien que sur le 30 trone ; elle subjugue, elle seduit le bourreau ! . . . Et pourtant a midi un quart, la voila qui tombe, cette t§te auguste, cette tete charmante qui se dressait si gracieuse 202 LECTURES FRANQAISES. et si fiere sur un cou d'albatre. La voila tombee cette tete de reine qui faisait P admiration de toute PEurope, la voila dans le panier de Pexecuteur ! Mais autour de cette tete coupee resplendira une aureole, que le souffle 5 de la haine et de la calomnie ne parviendra jamais a eteindre. La foule comprend deja qu'un attentat plus execrable que tous les autres forfaits vient de s'accomplir, et un secret remords s'empare meme des ames les plus scele- 10 rates. Les cris de vive la republique sont rares au moment ou le bourreau montre a la foule la tete de la reine. France malheureuse, tu es comme lady Macbeth. Tous les parfums de PArabie, toutes les eaux de POcean, ne suffiraient pas pour effacer la tache de sang qui est 15 sur ta main ! Imbert de Saint-Amand. LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE. Un mal qui repand la terreur, Mai que le ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre, La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom), 20 Capable d'enrichir en un jour PAcheron, Faisait aux animaux la guerre, lis ne mouraient pas tous, mais tous etaient frappes On n'en voyait point d'occupes A chercher le soutien d'une mourante vie ; 25 Nul mets n'excitait leur envie ; Ni loups ni renards n'epiaient La douce et Pinnocente proie ; Les tourterelles se fuyaient : Plus d'amour, partant plus de joie. LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE. 203 Le lion tint conseil, et dit : Mes chers amis, Je crois que le ciel a permis Pour nos peches cette infortune. Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du celeste courroux ; 5 Peut-etre il obtiendra la guerison commune. L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents On fait de pareils devouements. Ne nous flattens done point ; voyons sans indulgence L'etat de notre conscience. 10 Pour moi, satisfaisant mes appetits gloutons, J'ai devore force moutons. Que m'avaient-ils fait ? nulle offense ; Meme il m'est arrive quelquefois de manger Le berger. 15 Je me devouerai done, s'il le faut : mais je pense Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi ; Car on doit souhaiter, selon toute justice, Que le plus coupable perisse. Sire, dit le renard, vous etes trop bon roi ; 20 Vos scrupules font voir votre delicatesse. Eh bien ! manger moutons, canaille, sotte espece, Est-ce un peche ? Non, non. Vous leur fites, seigneur, En les croquant, beaucoup d'honneur ; Et quant au berger, l'on peut dire 25 Qu'il etait digne de tous maux, Etant de ces gens-la qui sur les animaux Se font un chimerique empire. Ainsi dit le renard ; et flatteurs d'applaudir. On n'osa trop approfondir 30 Du tigre, ni de Fours, ni des autres puissances, Les moins pardonnables offenses : Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples matins, 204 LECTURES FRANQAISES. Au dire de chacun etaient de petits saints. L'ane vint a son tour, et dit : j'ai souvenance Qu'en un pre de moines passant, La faim, Poccasion, l'herbe tend re, et, je pense, 5 Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pre la largeur de ma langue ; Je n'en avais mil droit, puisqu'il faut parler net. A ces mots, on cria haro sur le baudet. Un loup quelque peu clerc prouva par sa harangue 10 Qu'il fallait devouer ce maudit animal, Ce pele, ce galeux, d'ou venait tout leur mal. Sa peccadille fut jugee un cas pendable. Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable ! Rien que la mort n'etait capable 15 D'expier son forfait. On le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou miserable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. La Fontaine. NOTES. Abbreviations: Cf., compare ; 1., line ; N.,note; p., page. COMPARE BOUC ET COMPARE LAPIK Page 1. 6. saluait-il : In sentences beginning with a peine, hardly, aussi so, or peut-dtre, perhaps, the subject is usu- ally put after the verb. Son plus grand: In the super- lative degree a possessive adjective may stand in the place of the article as in English. 9. maitre le Renard: The article is regularly used between a title of politeness and a name or title ; as, monsieur le due, madarae la princesse. 10. de fuir; would flee : The historical infinitive. 18. des raisons in- faillibles, a sure way. 21. s'en le'chait la barbe, licked his beard at them (en) = smacked his lips at them. 26. On ne peut davantage, one cannot more — no one can be more so. Page 2. 7. allons, are going = will. Aller, to go, is fre- quently used with the force of a future auxiliary. 11. dans la piste des vaches,//-om the footprints of the cows. 14. Bon courage : An exclamation of encouragement. Good luck ! 17. le voila qui, behold that which = see how it. 23. put-il : Inversion generally takes place when the verb of saying follows the whole or a part of the direct quotation. Page 3. 3. Cela fait, That done. See le soleil couche*, 1. 4. 20. l'amie = mon amie. The article is occasionally used in familiar style with the vocative of a common noun. It was very commonly so used up to the 17th century. 24. du bord, (to) the edge. The distance to be gone over is measured from the edge. 28. de, with. 29. je vais, I'll. See N. p. 2 : 7. 205 206 NOTES. [Pages 3-7. 31. qui lui sourit : The relative pronoun with the present or im- perfect indicative is often best translated into English by the present participle. 33. la lui envoie, sends it to her = slaps her. 34. Ortoli's pan, bih, bourn, tam, vlan may be matched by Joel Chandler Harris's blam, blim, blip, vip, ker-blap. Page 4. 8. envoie: With force of a future. Compare je brise, 1. 20. 14. la pierre de tonnerre, the stone of thunder = a thunderbolt, qui te cogne : See N. p. 3 : 31. 19. bien du monde, a good many people. The partitive noun which fol- lows bien and la plupart requires the article. Cf. beaucoup de monde, many people. Page 5. 8. qui se promenait: See N. p. 3 : 31. 13. fait l'effraye', does the scared = makes believe he's scared. 20. la- dedans, therein = in them. D'UN CRAPAUD QUI ETAIT PLUS MALIN QU'UN REGARD. Page 6. 4. a qui mieux mieux, emulously, with all their might. 5. tant l'espe'rance e"tait grande et forte la vo- lont6, so great was their hope and so strong their determination. 11. bien dommage, a great pity. 15. se creusant la t§te, digging his head = racking his brains. 19. bdnisse, ait: Sub- junctives expressing a wish. Note the omission of que in 1. 21. 27. bien, quite. Page 7. 5. S'il en est ainsi, If it is thus of it = If that's the case. 12. Tope la = Je tope a cela, I agree to that = agreed ! 14. apres s'itre fait tout plein, after having paid each other many. In familiar style, tout plein = beaucoup. 21. ils feront chere lie, they will make merry cheer = they will lead a merry life. 22. de son c6t^ : With c6te\ side, and sometimes part, part, de loses its sense of separation (from) and signifies to or on. Compare de tous cdt^s, on all sides, 1. 24. Pages 7-11.] NOTES. 207 25. a fait courir, has made to run = has spread. 30. prenant bien garde de, taking great care not to. 31. apercevoir: The French active transitive infinitive, dependent upon the verbs laisser, to let, and faire, to cause, is to be translated by the Eng- lish passive infinitive. Page 8. 4. de son mieux, his best. De is sometimes used to express manner; as, de force, by force, de la sorte, in that way. 21. il n'en peut niais, he is no more able of it = he cannot stand it ; mais [Latin magis] here = plus. LA BELLE AUX CHEVEUX D'OR. Page 9. 7. lui tombaient jusqu' aux pieds,/eM to her to the feet = fell to her feet. 8. bien fait, well made— comely. 14. ne l'acceptat: Douter, to doubt, in a negative clause requires ne (untranslated) in the dependent clause, fit faire, caused to be made = had made. See N. p. 7 : 31. 23. qu' = que, whom, bonne grace, good grace = gracious manners. Page 10. 14. n'en pouvant plus, being no more able of it = being worn out. Of. N. p. 8 : 21. 23. lui: The object of faire when followed by an infinitive with a direct object is treated as an indirect object. 24. elle n'aurait pu se de'fendre, she would not have been able to refuse = she couldn't have refused. Page 11. G. pr§te a = sur le* point de, on the point of. 9. sauv^e : Note agreement with feminine direct object m'(me). 17. faisait . . . jour, was making day = was light. 18. prendre: See N. p. 7 : 31. 24. de son mieux: See N. p. 8:4. 25. dedans, in it. An adverb regularly takes the place of a preposition and pronoun referring to an inanimate object. 30. le fit entrer, should cause him to enter = should admit him. 31. lui faire le de'plaisir de le laisser partir, to give him the pain of letting him go away ■= to grieve him by sending him off. 33. e"tant a me promener, being at taking a walk = while taking a walk. 208 NOTES. [Pages 12-17. Page 12. 10. Oil prendre = Ou dois-je prendre, Where am I to find. 11. que: Omit in translation. 19. il s'entendit appeler, he heard to call^himself = he heard himself called. Cf. N. p. 7:31. 22. tout petit: Gives the reason for de plus pres, from nearer by. 25. sauve* : Note that m' (me) is the indirect object, hence sauve* is invariable. Cf. N. p. 11:9. Page 13. 12. en brave, like a brave man. 13. accom- pagne" de : Regularly with passive verbs de is used before the agent; but when the action of the verb is instantaneous or limited in duration, par is used. 14. fut au pays, was in the country = went to the country. 16. lui, he, nominative; more emphatic than il. 24. Que = Pour que, denoting pur- pose, a belles dents, in big bites, mouthfuls. Page 14. 5. y is expletive; omit in translation. 7. lui coupa la t§te, cut off to him the head = cut off his head. Cf. N. p. 9 : 7. 16. Si, why, yes. Si is thus used only to express op- position to a negation. 25. on : here feminine. 26. Vous comprenez = an imperative. 27. sans en emporter, with- out taking some with me. Page 15. 2. de : After plus, a greater number, and moins, a less number, de before a numeral means than. 8. en, of it — for it. 21. n' (ne) . . . que, only. 26. V (la) . . . rem- place'e : See N. p. 11:9. toute: When a feminine adjective or past participle begins with a consonant or aspirate h, and is immediately preceded by the adverb tout, wholly, the adverb becomes toute or toutes according as the adjective or participle is singular or plural. • LA FLEUR DU SOUVENIR. Page 16. 20. Advint == II advint, It chanced. 21. Je ne sais quel, I know not what = some. Page 17. 2. 1' = la. 15. Souviens-toi de moi, Forget- me-not. Pages 17-25.] NOTES. 20S LES AMOUREUX DE LA PRINCESSE MIMI. 19. traverses, crossed = touched. Page 18, 3. d'amour, with love = with a genuine love. 7. ne fut e'coule', had elapsed ; ne is not translated. Good usage omits it after avant que and sans que. 20. For what Homer says, see Odyssey, Book IX. 24. que : When the con- junctive phrases containing que are to be repeated, they are generally repeated by que alone. 25. que vous n'en pouvez avoir, than you can have of it = than you would have. Omit n' (ne) in translation. Page 19. 4. de lui, over him. 20. lui from him. Page 20. 21. toute: See N. p. 15 : 26. 31. de cristal, of crystal = clear. Page 21. 12. je vous ferai donner la comedie, I will have comedies played for you. 13. sais, know how. 18. son, one's. 32. Ne suis = Je ne suis pas. 33. M'en moque bien ! I mock at it indeed ! = What care I for that ! Je is understood. Page 22. 25. vague: "She danced along with vague, regard- less eyes." — Keats. 33. eclata de rire, burst into a laugh. Page 23. 4. fit-il, said he. 15. Comment done, How, What in the world. 17. Je m'en vais = Je vais, I will. This use of s'en aller for aller is common in Moliere; e.g., Cela s'en va sans dire. 31. II faut qu'il soit, It is necessary that he be — He must be. Page 24. 4. fit : See N. p. 23 : 4. 8. decadent : Le- maitre, who coined this adjective, has criticised the decadent poet, Paul Verlaine, for the arbitrary inequality of his lines, and the capricious irregularity of his cesural pause. 13. par des nervures d'argent, by veins of silver. Page 25. 7. secoua tout entier d'un frisson de plaisir, shook quite entirely with a thrill of pleasure = sent a thrill of pleasure through. 12. faisait semblant d'dtre, made pre- tence of being = made believe she was. 16. cerise : Noun used 210 NOTES. [Pages 25-31. as an adjective. Such adjectives are invariable; e.g., des rubans cerise, cherry-colored ribbons. 18. fondit tout droit sur, darted quite straigM upon = made straight for. 32. soi : In general statements, when the subject is indefinite, the disjunc- tive pronoun of the third person, lui, is replaced by soi. Page 26. 5. une rose, un rose, difference ? See vocabulary. 9. a reflets changeants, with changing reflections = with chan- ging colors. 14. qu'est-ce que cela, what is this that that [is]? = What's that f 21. en, with it. 23. ne sut que dire, did not know what to say. 28. je lui ai fait faire, I have had made for him. 30. a vous repeats vous for emphasis, il n'y aurait pas eu de quoi faire, there would not have been with which to make = there would not have been enough to make. Page 27. 13. qui 6tsdt: With depuis, for, the present is translated by the English perfect, and the imperfect, as here, by the English pluperfect. 21. toute: See N. p. 20 : 21. NANNA. Page 28. 17. J'eus beau l'avertir, in vain I warned him. When avoir beau is followed by an infinitive, the infinitive is to be translated as the main verb, and avoir beau as an adverb, in vain. 22. elle : Refers to mere, 1. 16. Page 29. 6. Par: See N. p. 13:13. 17. Avant que . . . ait. See N. p. 18 : 7. 31. L'un= un. Cf. L'un de ces jours, one of these days. LE PACHA BEEGER. Page 30. 18. Boire a petits coups, To drink with small draughts = To sip. Page 31. 6. les faisait batonner sur la plante des pieds Pages 31-36.] NOTES. 211 jusqu'a ce qu'on lui apportat cet argent, had them bas- tinadoed till this money was brought to him. 20. ses. his. 30. des confitures de roses, comfits of roses; i.e., candied rose leaves. Page 32. 2. sont: When preceded by ce, the verb §tre is plural if a noun or pronoun in the third person plural follows it ; otherwise the verb is singular; e.g., C'est nous; C'^tait vous. 9. ferait oublier, would make one forget. fit, made = had. 27, 28. jetat, laissat : Subjunctive in a clause dependent upon a word of ordering (ordonner); past subjunctive, because the main verb, contenta, is secondary. Page 33. 1. Elle lui saurait gr£ de, He would feel pleasure towards him for = He would thank him for. Elle is feminine be- cause referring to sa Hautesse. 2. H se fit amener Ali, He caused Ali to be brought to him = He had Ali brought to him. 10. De toutes parts : See N. p. 7 : 22. 15. paya-t-il : For inversion see N. p. 1 : 6. 19. sa, one's, your. 25. Que faire = Que devait-il faire, What was he to do ? 26. Tendre la main ? = Devait-il tendre la main ? 27. encore, only. 33. ses, his own ; ses refers to Ali. Page 34. 3. en, about it. 4. de temps a autre = de temps en temps. 10. qui chargeaient : Translate by English participle. See N. p. 3 : 31. 18. en y portant, by carrying to it = by steadying it with. 19. le cou ramasse\ with neck compressed, strained. Page 35. 2. ses pieds passes entre deux cordes: See a picture of the bastinado in some dictionary. 7. des deux, of the two = in both. 14. et j'en suis pour mes coups de baton, / am out my bastinado ; i.e., / have had my bastinado for nothing. Cf. J'en suis pour mon argent = J'ai perdu mon argent, / am out my money. 16. le prit en pitie\ took him in pity = had pity on him. 29. Ton : Note euphonic 1' ; it is really the article. je m'y connais, / know myself in it = 1 know all about it. Page 36. 2. lui: For case see N. p. 10:23. 6. Un coup de rasoir donne* a travers, a stroke of the razor given across = 212 NOTES. [Pages 36-43. a careless cut of the razor. . 9. faite, made = enough. 11. en, like a. 19. tout entier, wholly attentive. 20. faisait marcher, made to go =» plied. 21. admirables : Note that this adjective, having the plural form, modifies both rdgularite' and le'gerete'. 30. tout en criant a l'assassin, all the while crying murder. Exclamations for help are expressed by a ; as, au secours ! help ! au feu ! fire ! aux voleurs ! thieves ! Page 37. 18. un brave paysan : Adjectives when used in a figurative sense generally precede the noun ; but when used in their literal sense, they almost always follow the noun. 31. patri- arches : " The fathers of mankind and of the Hebrew people, from Adam to the time of Moses." For their occupations see Genesis. Page 38. 17. disparut aux regards, disappeared from the sight. 22. rgve'e : agrees with feminine que. Page 39. 17. Manquait-il, Were there lacking. 25. en arrivait de guerre lasse a c^der, came thence, from the tired war, to yield = yielded for the sake of peace. In de guerre lasse, the weariness is transferred, by a figure of speech, from the per- son to the war. Hence the expression equals las de la guerre, tired of the war. 28, 29. epouse and retombe are subjunc- tives of command. Page 40. 9. au plus vite, at the quickest = as quickly as possible. Cf. au plus t6t, 1. 12. 20. soit : The subjunctive follows verbs of thinking and believing when used interroga- tively or negatively. 26. protege : Subjunctive of wish. Page 41. 3. ce qui veut dire, that which will say = which means. 25. monture here = ane. 26. au poil he'risse': Descriptive. 27. de mes nouvelles, my news = news from me. 32. du bon c6t6, on the good side = good-naturedly. Page 42. 22. sur le fond des choses, on the bottom of the thing = in regard to the one condition. 27. pour qu'elle ne desobelt pas, for her not disobeying. The verb is in the past subjunctive. 31. la tdte basse, the head low = with bowed head = downcast. Page 43. 1. Faire changer d'avis a cet ent§te" de vieux berger? Make this stubborn old shepherd change his mind? For Pages 43^9.] NOTES. 213 case of ent§te\ see N. p. 10 : 23. 3. il en venait presque a regretter de s'etre perdu par trop de bonte", he came thence almost to regret to have ruined himself by too much goodness = he even almost regretted having lost through excess of kindness [i.e., in not accepting his father's plan]. 27. ferai, will make = will make you able. Page 44. 1. varies de nuances, varied with tints = of vari- ous colors. 14. faite, made = finished, vas, are going = shall. 18. tresse*e: See N. p. 38:22. 19. en, for it. 22. il ne f allut pas plus d', it did not need more than. 33. eut : Sub- junctive because dependent upon a superlative. Page 45. 10. Qu'est-ce qu\ What is it that = How much f 11. par jour une natte, day by day a mat = a mat a day. Par is here used in its distributive sense. Page 46. 5. la nuit tombante, the falling night = nightfall, evening. 16. puisse : For subjunctive see N. p. 40 : 20. 26. en, for it. 30. ancien, former, ex-. Page 47. 17. mille bourses : " a peu pres 300,000 francs." — Author's note. 27. a chacun : For case see N. p. 10 : 23. fit apprendre, caused to learn = had learn. 32. Prophete : Mohammed. 33. manque: Subjunctive because dependent upon seul. LA CIGALE ET LA FOURMI. Page 48. 18. out: equivalent to moisson, harvest, foi d'animal, faith of an animal = on the word of an animal. 24. a tout venant, to every comer. 25. ne vous deplaise, may it not displease you = please you. LA CHAPELLE BLANCHE. Page 49. 1. comme c'est beau, how beautiful it is. 14. qui sentait les choux, which smelled of cabbage. 214 NOTES. [Pages 50-54. Page 50. 3. l'autre anne*e, the other year = the year before. 7. fit, said. 22. carrele'e de rouge, paved with red (tiles). 26. " marque*," " worked." m 28. une descente de lit, a mat to stand on when one gets out of bed. 31. calicot blanc, white cotton cloth. In the United States calico is printed cotton cloth. Page 51, 5. grands ouverts, wide open. 8. Crimes de la bande d'Orgeres : Orgeres is a town in France in the depart- ment of Eure-et-Loir. In the time of Phillipe-Auguste (1180- 1223) the woods of Orgeres served as a retreat for brigands, who robbed and murdered in the surrounding country. Near the beginning of this century a band of stokers, known as the Or- geres gang, robbed and murdered for nearly two years. Arrested at last, they were condemned to death, twenty-three of them, and executed. 9. il eut le cceur plus gros, he had the heart bigger = his heart grew big. 19. gilet de tricot, knitted vest. 21. se fussent donne beaucoup de peine, had given themselves much trouble = had taken much pains. 25. mal chausse\ badly dressed. Page 52. 17. Ton : See N. p. 35 : 29. 32. de sa ouate, with its flakes. Ouate meant originally a kind of cotton; hence what resembles cotton, as snow-flakes. Note that the initial ou has the value of a consonant; hence sa instead of son. Page 53. 27. toujours plus lentement, always more slowly = slower and slower. 28. le chapelet de petits pas . . . s'e"grenait toujours plus serre\ the chaplet of little steps was told ever more closely = his little steps were closer and closer strung. Egrener le chapelet means to pass the beads of a rosary through the fingers, to tell one's beads. Page 54. 1. en avant, forward = extended. 10. de tout ce qui restait de force, with all that which remained of strength == with all the strength that was left. 19. de ses mousselines lentement epaissies, with its slowly thickening coverlets. Pages 55^57.] NOTES. 215 LA FLEUR ET LE PAPILLON. Page 55. 7. voudrais, should like. de,with. 20. Comme a toi, as (are) to thee — like thine. LA RETRAITE DE MOSCOU. 21. Moscou : In reading this selection, the pupil should fre- quently consult a map of Russia. Page 56. 2. Wrangler : See N. p. 7 : 31. 6. la bataille de la Moskova : See N. p. 59 : 20. 8. Koutousoff : Kutusoff won his greatest fame in the Russian Campaign. Though he was defeated at the battle of Borodino (the Moskwa) and could not prevent the capture of Moscow, he inflicted great losses upon the French in the retreat in the battles of Malo-Jaroslavetz, Krasnoi, and Smolensk (the Beresina). While still pursuing the French in Prussian Silesia, he died of a fever, April 28, 1813. 11. les fit . . . promener, caused to march them = had them marched. 16. tomberaient . . . sous ses coups, would fall under their blows = would be knocked down. 18. la plu- part . . . furent assommes : Note the agreement of furent assomme*s with plupart according to sense instead of according to grammar. 21. n'avaient fait que traverser, had done only to pass through = had only passed through. 23. la route d'Asie, the road of Asia = the road to Asia. 24. Le roi Murat : Joachim Murat, the son of an innkeeper, was a brilliant soldier. He married Napoleon's sister Caroline in 1800, and was made king of Naples by Napoleon in 1808. 27. fut s'e'tablir, went and established himself = took up his residence, fut is here used for alia. 32. allait §tre mis, was going to be set. Page 57. 3. avait fait ouvrir, had caused to be opened = had had opened. See N. p. 7 : 31. 5. en leur faisant dis- tribuer, causing to be distributed among them. 12. pris sur le fait, caught in the act. 14. fit des ravages, made ravages = spread. 15. que, as. avait fait enlever : See construc- tion in lines 3 and 5. 22. seVissait avec rigueur, was raging with severity = was intense. 216 NOTES. [Pages 58-60. Page 58. 1. la Grande Amide : Name given to Napoleon's army, 450,000 strong, which he collected for the Russian Cam- paign. 8. dut en couter beaucoup a l'amour-propre de Napoleon, was to cost Napoleon's pride much = would greatly humble Napoleon'' s pride. 10. Alexandre : The Czar of Rus- sia. 14. repasser le Nidmen : The French Army crossed the river Niemen and entered Russia June 24, 1812. 18. la vieille garde : The Imperial Guard, formed of picked troops by Napo- leon in 1804, was divided in 1807 into the Old Guard and the Young Guard. To be enrolled in the Old Guard, a soldier must have made four campaigns, and done a brilliant act or re- ceived wounds. In 1812 the Guard consisted of 55,946 men. The largest number of men it ever had was 102,706. 19. de Kalouga: See N. p. 56: 23. 20. Mortier: Became marshal in 1804, and distinguished himself in the Russian Campaign. He was killed in 1835 by Fieschi's "infernal machine," which was aimed at Louis Philippe and his family. 23. lis devaient . . . fernier la marche, They were to bring up the rear. 32. la fit attaquer, ordered it to be attacked. Eugene : Eugene de Beauharnais, son of Josephine, Napoleon's first wife. In the Russian Campaign he displayed military talents of a high order. Page 59. 14. jalonne'e : The figure is of a road marked with stakes (jalons) to guide travellers. 20. bataille de la Mos- kova : The battle of the Moskwa was fought Sept. 7, 1812. Na- poleon lost nearly 30,000 men, and Kutusof some 50,000. The battle is also called the battle of Borodino. Napoleon blundered here in not sending the guard into the battle. Critics say that, had he done this, he would have conquered the Russians and have been able to impose terms of peace upon Alexander. 27. Apres, after = beyond. 27. des flots de neige, floods of snow = snow-storms. 28. un grand nombre de voitures furent abandonees : See N. p. 56 : 18. 31. de nourriture, as food. 33. Davout : Marshal (1804) Davout became commander-in- chief of the French armies after Waterloo. He was wounded at the battle of the Moskwa. Page 60. 2. Ney : Marshal Ney was a very brilliant soldier. He especially distinguished himself in the battle of the Moskwa, in his command of the rear-guard during the retreat from Moscow, Pages 60-62.] NOTES. 217 and in his charge at Waterloo. After the abdication of Napoleon he became an adherent of Louis XVIII. ; but, on Napoleon's re- turn from Elba, having assured the king of his fidelity and having received the command of a corps of 4,000 men, he went over to Napoleon, in obedience to the demands of his soldiers. For this act of high treason he was shot, Dec. 7, 1815. 9. des bons de distribution, orders of distribution — « requisitions for rations and clothes. 21. pour leur compte, for their own account = as they pleased, se, one another. 25. de ligne, of the line, i.e., of the regular army. See Eng. Diet. line. 29. Latour-Mau- bourg: This cavalry commander's military career was ended when one of his legs was shot off at the battle of Leipzig, Oct., 1813. Grouchy : Grouchy has been held responsible for the de- feat of the French at Waterloo, because, though he heard the cannonade, he did not march, as his staff urged, in the direction of the battle. His defenders say that he should not bear the blame, because, having been sent in pursuit of Blucher, he was not recalled by Napoleon ; but Marbot, w ho was commanding on the extreme right, says that when he saw a strong column ad- vancing from the direction of Saint-Lambert, he sent the intel- ligence to headquarters, and received reply that it could be nothing but Grouchy, and that he should " let Grouchy know." But the advancing column was a column of the enemy, and Marbot was driven back wounded. It appears, then, from Mar- bot' s testimony, that Napoleon expected Grouchy at Waterloo. Se*bastiani : A successful diplomatist and soldier. He rendered efficient service in the Russian campaign. After the Restoration he was prominent in political affairs. He became marshal in 1840 and died in 1851. Page 61 > 2. devait : The present and the imperfect of this verb commonly mean is to, was to. 8. ne voulut pas, did not wish = refused. 10. garder les arrets = rester aux arrets, to remain under arrest. 26. le grade de major (lieutenant- colonel), i.e., the mayorship ranked with a lieutenant-colonelcy. He was promoted a grade higher. Page 62. 1. Omit de in translation. 23 e : The e is the last letter of vingt-troisieme. Cf. 23d in English. 4. II s'^tait 218 NOTES. [Pages 62-64. 6coul6, There had elapsed. 10. Victor : From 1809 to 181% Marshal Victor commanded the French in Spain, where he won the battles of Ucles and Medellin, but, together with Marshal Sebastiani, was defeated by the Duke of Wellington at Talavera. He served with distinction in tjie Russian and German campaigns (1812-14). After Waterloo, he adhered to the Bourbons and was conspicuously harsh towards those generals who returned to Na- poleon during the Hundred Days. 11. Saint-Cyr: He entered the army in 1792 and rose rapidly. In the Russian campaign he defeated Wittgenstein at Polotsk, for which achievement he was made marshal. After the Restoration, he was made a peer and minister of war. 12. Oudinpt : Marshal Oudinot distinguished himself especially in the battles of Friedland and Wagram, when he was made a marshal and duke. But his greatest feat was his protection of the crossing of the Beresina, which is de- scribed in this selection. 16. equipages de pont, bridge apparatus =. pontoons. 17. eussent, would have. 18. qu'il nous fallut acheter, which it was necessary for us to buy = which we had to buy. 21. Tchitchakoff, Tchitchagof, b. 1767, d. 1849. He was made admiral and minister of marine by Alexander I. His failure to prevent Napoleon from crossing the Beresina made him very unpopular, and he left the country for Italy. Subsequently he lived in retirement in France, where he published the Recollections of his Life. 22. s'e"tait porte* . . . au-devant d'elles, had advanced to meet them. 26. vint se heurter, came to clash = met, came into collision. 32. lui, for it = their (limiting men). Elle, la, lui are singular, refer- ring to cavalerie. Page 63. 13. difficile que des cavaliers pussent forcer, difficult for cavalrymen to force. 24. La plupart sont tue"s: See N. p. 56 : 18. 26. au pas de charge, at charge step = on the run. 31. durent renoncer, had to give up. Page 64. 7. Wittgenstein: b. 1769, d. 1843. A Prussian who took service with the Russians. During the invasion of Russia, he commanded the Russian right wing. He succeeded Kutusof in 1813 and became commander-in-chief of the allied armies of Russia and Prussia. 19. ^tablir un passage, to effect a crossing. Pages 65-70.] NOTES. 219 Page 65. 4. venait d'envoyer, had just sent. 12. de, by. 18. ne fut : See N. p. 9 : 14. 22. par suite d'une aberration d'esprit inqualifiable, in consequence of an un- qualifiable aberration of mind = by an extraordinary blunder. 26. en amont de : The Beresina flows in a southerly direction. Page 66. n'eut pas commise (3), eut servi (12), and eut e*te* arreted (13) are examples of the past perfect subjunctive used instead of the perfect conditional. They are conclusions to contrary-to-fact conditions. 10. Dans le cas ou T. eut pris — si T. avait pris. 11. devait §tre, must have been. 17. doivent se rendre, are to go. 20. Le due de Bellune : General Victor was made marshal and Duke of Belluno after the battle of Friedland, June 14, 1807. 26. la brigade Corbi- neau, Corbineau's brigade. 29. a sa suite, after (him). 32. que nous eussions, as if we had. Page 67. 3. eut conserve* . . . eut pu: A contrary-to-fact conditional sentence. See N. p. 66 : 3, 12, 13. See, also, eut valu . . . fut prise (13). 4. l'e*quipage de ponts: Cf. ex- pression on p. 62 : 16. 13. mieux eut valu . . . quelle fut prise a plusieurs degre's, better would it have been . . . if it had been frozen hard (literally, at several degrees). 15. fai- sait, was. Faire froid, to be cold. 19. L'esprit de corps, esprit de corps. See Eng. Diet. Page 68. 3. qu' : See N. p. 18 : 24. 3. dussent avoir, were to have. 13. a lui seul, by itself alone = alone. Page 69. 5. ne devant pas, it being my duty not to. 14. placer leurs bivouacs, bivouacked. 29. l'e'tat-major ge"- neral, the staff of the commander-in-chief. 31. faire traverser, to send across. 32. auz bagages : For case, see N. p. 10 : 23. Page 70. 3. la petite caisse et les pieces de compta- bilite" des escadrons de guerre, the petty cash-box and the papers of accounts of the regiments in the field = the regimental cash-box and accounts. 7. V = le = etablis. 9. de'pdt, deposit, charge. 12. les: i.e., les ponts. 31. plus, no more. Ne is omitted when negation is expressed without a verb. 220 NOTES. [Pages 71-78. Page 71. 5. mutuellement is pleonastic. 11. tant . . . que, as much . . . as = partly . . . partly. 32. aurait du faire partir, ought to have sent out. Page 72. 3. aurait du : See N. p. 71:32. 10. a sa gauche : See N". p. 65 : 26. 15. alia donner, fell, walked. 19. chef de bataillon, major 4 . 21. par cela seul qu\ by this alone that = simply because. 29. ne fussent: See N. p. 9 : 14. Page 73. 1. vint se joindre, came and joined = joined. 4. une resistance des plus vives, a resistance of the most vig- orous ones = a most vigorous resistance. Page 74. 1. vous : Marbot dedicated his memoirs to his wife and two sons (1844). 20. furent 6touff 6b: For agree- ment with nombre, see N. p. 56 : 18. 29. en abattant les talus des berges, by cutting down the slopes of the steep banks = by sloping down the steep banks. 31. il, there. 32. bien du monde : After bien de, many, and la plupart de, most of, the article is used. See KT. p. 4 : 19. Page 75. 3. il y eut un surcroit de desolation, there was a superaddition of desolation = the climax of disaster was reached. 16. si Ton eut su et voulu, if they had known how, and had been willing. Page 76. 6. leur avait laisse" presque toute leur flu- idity, had left them nearly free from ice. 10. il en fut de m6me, it was the same. 18. de . . . retours offensifs, counter-attacks. 29. 25 degre"s de froid: i.e., centigrade, which = 13° below zero Fahrenheit. The formula for reduction is (32° - 1.8.x C). 30. vous: See N. p. 74 : 1. Page 77. 3. mettre plus a mdme, to make better able. 19. prit, took = made. 30. ne le sont : le, to be omitted in translation, repeats v§tus and months. Ne, also not to be translated, is used in the second member of a comparison when the first member is affirmative. Page 78. 17. dans le precipice : Note that in French the precipice is the deep space between the steep sides. 18. venir Pages 78-86.] NOTES. 221 affronter: See N. p. 73: 1. 19. qu'il n'en faut, than it needs = than it takes. Page 79. 10. mentor: See Eng. Diet. 27. devait etre, must have been. Page 80. 13. je cms voir, J thought I saw. 15. il me sembla, I seemed. 31. leur, upon them. 32. restat: Sub- junctive on account of le seul. Cf. N. p. 47 : 33. Page 81. 6. reste: Mood? See N. p. 80: 32. 12. une guerre des plus rudes: See N. p. 73: 4. 13. 27 degr^s: See N. p. 76 : 29. . 15. Je n'en restai pas moins, / remained not the less for it «* still I remained. 19. tenaient a, were anx- ious to. 24. garder l'immobilite*, to keep perfectly still. 29. a ses c6t£s = aupres de lui. Note the idiomatic plural. 31. vingt-neuvieme bulletin: In this bulletin Napoleon in- formed France of the destruction of the Grand Army and attrib- uted his calamities to the severity of the weather. Page 82. 2. en le [le depart] qualifiant d'abandon, call- ing it desertion. 7. oseraient : Note plural verb with collec- tive subject. Cf. N. p. 56 : 18. 13. elle 3tait on ne peut plus difficile, it was, one cannot (be) more difficult = there could be no more difficult one. Page 83. 2. sauverent : Note agreement with Ce qui res- tart. See N. p. 82 : 7. 12. p^rissaient : See N. p. 82 : 7. 17. auraient pu le faire, might have done. 33. appelaient les Francais de leurs voeux, were calling the French in their prayers = were praying for the coming of the French. Page 85. 8. cheval de troupe, cavalry-horse. 11. M. = Monsieur : Not to be translated. 12. chef d'escadron, major. 26. des plus vives : See N. p. 81 : 12. 33. faire ... en traineaux, organized on sleds. Page 86. 19. ainsi que, as well as, together with. 26. Ba- ron de Marbot : b. 1782, d. 1854. After Waterloo he had to leave France. During his exile in Germany, he composed the work by which, until the present memoirs, he was best known — 222 NOTES. [Pages 86-91. a criticism on Eogniart's "Considerations on the Art of War." For so writing "in defence of the glory of the French armies," Napoleon bequeathed to Marbot 100,000 francs. LES SOUVENIRS DU PEUPLE. Page 87. 1. sa: Napoleon's. 9. Bien . . . qu\ although. 10. encor = encore. 16. de 5a, from this = ago. 27. L'an d'apres, the year after. Page 88. 2. Notre-Dame : The Cathedral of Paris. 12. Champagne : A province of north-eastern France. 17. f rap- per, to knock = a knock. 20. ou me voila, where I am sitting now. 30. Bonne espe*rance, Good hope = Cheer up. LA FEUILLE. Page 89. 22. le chine : The oak is the Emperor Napoleon, to whom the poet Arnault always remained faithful. LE LAC DE GEES. (abridged.) Page 90. Le lac de Gers : See a map of Savoy and south-western Switzerland for the geography of this selection. 14. cols: A col is a depression in a mountain ridge between two peaks. 23. n'a rien a declarer, has nothing to declare = has no dutiable goods. Page 91. 8. partout ailleurs, everywhere else = some- where else. 12. je m'avisai de vouloir, / thought I would Pages 91-97.] NOTES. 223 try. 17. ar§te : An abrupt mountain ridge. " The Weiss- horn is a pryamid of three faces, the intersection of which forms three sharp edges, or aretes." — Tyndall. 19. du c6t£ de Sallenche, on the Sallenche side. Sallenche is a town on the road from Geneva to Chamouni. Some ten miles from Sal- lenche, on the Geneva side, is the cascade of the Arpenas. 25. a l'instar de Narcisse, like Narcissus. Narcissus became enamoured of his image reflected in the water, and, because he could not reach the object of his affection, pined away and became metamorphosed into the flower that bears his name. 28. coup de dent, bite. 32. au plus haut des airs., at the highest point of the sky = very high. Page 92. 2. tout au moins, at least, at all events. 11. de c6te* et d'autre, this side and that. 13. je redoublai de circonspection, I was doubly wary. Page 93. 6. dessus, on them. See N. p. 11: 25. 24. que peu p^rissent, let few perish. 25. c'est nuit close, Ws utter darkness = that's the end of it. 26. et tout justement pour, and that for the very purpose of. 27. l'exquis du genre et la joie de l'amateur, the perfection of style and the delight of the virtuoso. 32. la vivacite* de l'air, the bracing air. Page 94. 14. J'observais depuis: See N. p. 27: 13. Page 95. 3. tout juste assez pour ne pas, just enough to keep me from. 13. de ci, de la, et autre part, here, there, and everywhere. 23. A peine on le tint que. Hardly had we held it (the trial) when. Page 96. 15. ton de Cartouche : Cartouche was a famous robber who died in 1721. 17. Du tout, Not at all. See N. p. ^ 70: 31. 24. a nous, ours. Page 97. 6. que ne pouvaient le faire : Omit ne and le in translation. See N. p. 77 : 30 and 83 : 17. 9. je devais . . . croire, I had a right to think. 12. j'^tais a conside'rer: See N. p. 11 : 33. 14. on t'y fera ton affaire, we'll settle your case there. 26. de l'autre, anything of the other. 224 NOTES. [Pagbs 98-104. Page 98. 4. ces homines de bien: Supply semblaient. 6. connaissant les usages, knowing what's what. 11. eut paru . . . que . . . je l'eusse pride, might have appeared . . . and ... I should have begfged him. 16. en raison directe du, in direct proportion to the,. 19. je n'en dtais guere plus avarice", / was scarcely better off for it. 20. le rat de la fable: See La Fontaine's Fables, Book II., Fable XI. 26. au secours ! help ! See N. p. 36 : 30. 32. au travers, through it = in it. Page 99. 8. Fait II fait. 12. assez, enough = soon enough. 15. que, what. 21. que: Object of tue. 24. je faisais corps avec, / made body with = I was one with. 32. a la f or§t noire : Descriptive. See p. 98, 1. 24. Page 100. 2. II se constitua en e*tat, He put himself into an attitude = he struck an attitude. 15. que vous dites? do you say ? 21. Dites voir ! C'est que ga va, Say ! Thats going, voir is here an adverb, equivalent to done. 26. tou- jours : Emphatic; I say. 30. a mime, able. See N. p. 77 : 3. 33. Descends voir chez la Pernette, Go down to Pemette's and see. Page 101. 2. monte, come up here, tu tires, you go = go. 10. on lui a mis les feux, she has been fired, cauterized. 13. avec, with them. 15. louis d'->r = 24 francs = $4.80. 18. par aprbs, afterwards. 19. mais pour ce qui est d'acheter le monde par avance, but as for buying up anybody beforehand. 26. de rouge : Supply vin. veut re"conforter des mieux, will cheer you up wonderfully. Page 104. 3. oe sont: See N. p. 32:2. 9. passe en- core de n'avoir pas, but say nothing about your not having. 11. n'oses: With the verbs cesser, oser, pouvoir, savoir, negation is occasionally expressed by ne alone. 13. je ne rdponds de rien, I will not answer. 15. au bureau [de tabac], at the tobacconist's shop. 26. dessus, on it. See N. p. 11 : 25. Pages 106-112.] NOTES. 225 MONSIEUR DE LA PALISSE. Page 106, 12. Qu'il ne se couvrit la t§te, without cover- ing his head. 14. feu son pere, his late father. 16. Si ce n'est, except. Ne is often used without pas after si. 18. Un doigt [de vin] = Une tres petite quantity de vin. Page 107, 13. ce dit-on, so they say. 23, 24. eut eu . . . eut e*te" : See N. p. 67 : 3. Page 108. 7. chantait un, was singing one. 11. une ju- ment est toujours une cavale, a nag is always a horse. 27. buvait, was drinking. Page 109. 6. juge ordinaire : Ordinary as contrasted with special. Those judges were also called ordinary whose term of service continued throughout the year instead of for six months only. 14. soit . . . soit, whether . . . or. 27. fournir sa carriere = accomplir son travail, to run his race, accomplish his tasks. Page 110. 6. Bien qu'il fit le diable a quatre, Although he played the devil with four = Although he moved heaven and earth. The expression owes its origin to the scenic representa- tion of la grande diablerie a quatre personnages in the Middle Ages. LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHOK Page 111. 1. Au fond, In the background. Pond is the back part of the stage. 2. ouvrant sur, opening into. 6. The dots (...) which occur so frequently in this piece serve to arrest the attention, to give emphasis, or to produce a humorous effect. They do not indicate omissions. Page 112. 5. j'etais de garde, / was of (the) guard = I was on duty in the National Guard, or militia. 9. ca fait pitie", IVs pitiful. Pitie" = pitie* mele"e de de"dain. 12. le 226 NOTES. [Pages 112-119. train direct, the through train. 19. a la cantonade, behind the scenes. 24. nous, each other. Page 113. 6. Dieu, whew. Some simple, innocent excla- mation must be chosen as the equivalent of the French ex- clamatory Dieu. 12. case's, settled (in the car). 14. Trois premieres = Trois billets de la premiere classe. 33. il fallait que j'eusse vendu mon fonds, it was necessary that I should have sold my interest = I had to sell out my interest first. Page 114. 2. petite, young. 6. Ah ga! Say! An ex- clamation to attract attention. 7. Vous faites des phrases, You make periods = High-flown talk. 24. enregistrer : In Europe baggage is not checked, but labelled. 29. Enlevez! Hurry up ! Page 115. 11. m'a fait danser, danced with me. 12. de la Mairie du huitieme arrondissement, at the town hall of the eighth ward. Paris is divided into twenty wards, each with its mayor and ward-hall (mairie). 16. Je b&iis le hasard, I bless my stars. 25. Bourgeois, " boss." 27. C'est juste, That's right = You're right. Page 116. 11. se sont . . . donne rendez-vous, have agreed to meet. 24. Apres ga ! But no wonder ! Page 117. 2. les jambes me rentrent dans le corps! my legs are entering my body = I can't stand up any longer. See equivalent expression, line 28. Page 118. 5. Tu n'en finis pas, You don't make an end of it = Will you never get through f 14. Ce, My. 15. a toi, in you. 29. je tiens a le constater, I insist on proving it, i. e., his ability to repay punctually. Page 119. 2. je te remettrai les titres en guarantie, I will give you the certificates as security. 3. es-tu b§te ! how foolish you are! 10. cinq pour cent, 5%. 15. Que d'histoires ! What a fuss ! 16. 5a, that fellow. <^a is used of a person either contemptuously or familiarly. 19. au fond, at heart. 20. sapristi: An innocent oath of surprise. Why, bless me ! 29. bulletin : What corresponds to our check — a receipt. Pages 120-130.] NOTES. 227 Page 120. 8. va pour vingt sous, goes for 20 sous = a franc it is. 9. Tenez, Here. 19. je l'aurai laisse aux bagages, I must have left it with the baggage. Page 122. 4. chacun de notre c6te\ each on our side = each for himself . 25. Ahdiable! Gracious! Page 123. 1. Montanvert : An eminence close by Cha- mouni. One starts from it to cross the glacier called la nier de Glace. 2. porte d'entre*e, outside door. 4. le livre des voyageurs = le registre, the hotel register. 9. Faites man- ger le guide, Give the guide something to eat. 15. Note the military language of Armand and Daniel throughout. 27. la meoanique, the mechanism, spring. ca a du vous fatiguer, that must have wearied you. Page 124. 10. de s'e"crier, exclaiming. See N. p. 1 : 10. 17. Merci, No, I thank you. 21. Diable! The deuce! Page 125. 1. et des yeux! and her eyes! 9. Est-ce qu'il aurait, can he have. 11. c'est qu'il est, he is. 18. Je ne tiens pas en place, I am getting restless. 24. 5a: See N. p. 119 : 16. Page 126. 9. la fable: See La Fontaine, Book VI., Fable 10. 13. a manque, has come near. 23. n'y sont pour rien, had nothing to do with it. 25. Tu l'auras, You must have. See N. p. 120 : 19. Page 127. 17. Amontour! My turn! 28. Vous ferez reconduire le cheval, Have the horse taken back. Page 128. 8. j'ai trop serre", I squeezed too hard. 12. Que voulez-vous ? c'est de la veine, What do you suppose f thaVs luck. Page 129. 28. Par exemple ! Bless me, no ! Page 130. 4. Elles se montent la t§te, They lose their heads. 10. apres lequel, to which. 20. un mauvais pas, a dangerous spot. 22. ma femme a beau dire, my wife in vain says = say what my wife will. See N. p. 28 : 17. 28. c'est ce que 9a vaut, that 1 s what iVs worth. 32. remon- tant, going to the back of the stage. 228 NOTES. [Pages 131-140. Page 131. 4. des notres, of ours = one of us. 10. chaus- sons : Socks drawn on over the shoes to keep the wearer from slipping on the ice. 17. il me faudrait, I must have. 20. a vous, with you. 24. article 716 du Code civil : By this article half of a treasure belongs to the finder, half to the owner of the estate on which it is found. Page 133. 22. les batons ferre's, iron pointed sticks — Alpenstocks. Page 134. 1. Le commandant, The major. 12. vous deviez, you were' (to). 23. la Beauce: A former province (modern Eure-ef-Loir) of France, noted for wide, treeless plains. The capital was Chartres. » Page 135. 10. Est-ce singulier? Isn't it odd? 16. Qu' est-ce qu'il veut dire? What does he mean? 33. Que- voulez-vous? . . . j'aime. What else could you expect? I love. Page 136. 19. comme tu est coiffe"e! how your hair is dressed (looks) ! 20. Tiens-toi done droite, Do stand up straight. 22. Qu'est-ce qu'il y a? What is there? m What's the matter ? For a shorter expression see 1. 29. 24. mon Dieu ! dear me ! Page 137. 10. Le re*cit de The"ramene : This refers to the long, much-criticized declamation of Theramene in Racine's "Phedre." In this speech Theramene recounts to Thesee the death of his son Hippolyte. Perrichon's narration is an imita- tion of the first lines : "A peine nous sortions des portes de Trezene, II etait sur son char ; ses gardes affliges Imitaient son silence autour de lui ranges. II suivait tout pensif le chemin de Mycenes." 13. que diable ! what's your hurry ? 30. notre pere a tous, the father of us all. Page 138. 17. Comment done! Why not! Certainly! Page 140. 11. je reprendrais la corde, I should get the Pages 140-149.] NOTES. 229 inside track again. The figure is of a race-course, the inner circumference of which is marked by a rope. 23. doit, is to. Page 141. 7. Nous devrions §tre, We ought to have been. 9. passer a Grenoble sans aller voir les Darinel, to pass by Grenoble without calling on the Darinels. Note that the plural of proper names is the same as the singular. Page 142. G. Allons done ! What do you mean ! Nonsense ! 24. Qu'as-tu a lui reprocher? What have you against him? 27. je ne lui en veux pas, / haven't any grudge against him. 28. II ne manquerait plus que ga ! It would lack only that ! = That would be the height of ingratitude. Page 143. 5. a la longue, in the long run. Page 144. 29. il n'y a pas a he'siter, there is no reason for hesitating. Page- 145. 9. j'e'tais de garde : See N. p. 112 : 5. Page 146. 9. mediant gabelou, good-for-nothing gabelou. Gabelou is an opprobrious term for douanier. Originally gabe- leur (popularly pronounced gabelou) was a collector of the salt- tax (gabelle). j'entendrais parler de lui, I should hear from him. Page 147. 20. mon bon, my good fellow. 29. papa qui est dans le journal, papa's name is in the paper. Page 148. 4. tombe du jury, drawn on the jury. 11. qu'il nous permette, we hope he will permit us. 12. Com- ment done : See N. p. 138 : 17. Page 149. 10. papier timbre", stamped paper, indicating government business; a summons. 16. la sixieme chambre: The courts of justice consist of different chambers, or tribunals. The Sixth Chamber is the tribunal de la police correctio- nelle, or simply, la correctionelle, a court for misdemeanors, the penalty for which is fine or imprisonment. 17. un agent de la force publique, a government official. 20. Vu le proces-verbal dresse au bureau de la douane franchise, 230 NOTES. [Pages 149-157. According to the report drawn up at the Board of French Cus- toms. 30. Injures qualifiers, definite abuse. Page 150. 8. Je suis lid assez intimement avec un employe" supdrieur de l'admiiiistratioii des douanes, J am on pretty intimate terms with a head clerk of the customs depart- ment. 25. en ville, out. 28. Qu'est-ce que c'est que ca? WhaVs that? Page 151. 6. beaucoup de Perrichon, many Perrichons. See K p. 141 : 9. Page 152. 3. De quoi vous melez-vous ? What business is that of yours? 14. ce n'est pas malheureux ! that's fortunate. 18. Mathieu! Too plebeian a name for a major. 33. la Malmaison : An estate situated nine miles from Paris, once the favorite home of Napoleon. Page 153. 12. a qui, with whom. 20. ex-commandant au deuxieme Zouaves, formerly major of the second batallion of Zouaves; French Algerine troops famous for their pluck. 26. Que voulez-vous ? How could I help it ? 27. un no- taire grade\ a notary with rank in the army. Page 154. 1. II faudrait, we must. 11. c'est qu'il a du cceur, but he has pluck. Page 155. 2. croiser le fer, cross swords = fight a duel. 4. II suffit quelquef ois d'un quart d'heure ! A quarter of an hour is enough sometimes! 8. a votre haute administra- tion, to your Honorable Board. 11. Veuillez agr^er, Be pleased to accept. 15. Comme ca, 5a arrivera, With that, it will get there. Page 156. 8. Si : See N. p. 14 : 16. 12. Tu as la figure longue d'une aune, Your face is a yard long. But aune is ell, 46^ inches. 26. se doit a son honneur, owes himself to his honor = must defend his honor. Page 157. 17. passant la t§te a la porte, sticking his head out of the door. 20. il a du passer, he must have passed. Pages 159-168.] NOTES. 231 Page 159. 25. je viens de faire mettre a Clichy le com- mandant, I have just had the major sent to Clichy. Clichy was the name of a prison for debtors, situated in the rue de Clichy. The official name of the prison was La Dette. 32. on nous mettait la main dessus, they would have been laying hands upon us. Page 160. 11. c'est que, but. 21. Ne: See N. p. 77 : 30. Page 161. 23. que vous ne fussiez : See N. p. 9 : 14. 32. partis, gone. Page 162. 2. ses, one's. 15. (Ja m'est e"gal, je le met- trai a la porte, No matter, VII discharge him {put him out of the door). 24. en toutes lettres, in plain letters. 30. Ne : After a moins que and que, unless, ne is not to be translated into English. Page 163. 6. de bonne grace «= volontiers, voluntarily. 9. comme ga, for that. 12. Savoie : Savoy, formerly be- longing to the Kingdom of Sardinia, was ceded to France in 1860, the time when Le Voyage de M. Perrichon was played at the Gymnase Theatre. 23. je te donne ton compte, I'll settle your account. Page 164. 10. on ne donnera pas suite au proces, they will not give continuance to the case = they will let the case drop. 18. vous touchez a tout, you interfere with every- thing. 30. il n'y a pas de quoi #tre, there is not for which to be — there is no reason for being. Page 165. 18. II a e'te' jusqu'a, He has gone so far as to. Page 167. 30. comme il fallait un bouquet a ce beau feu d'artifice, as if there needed a, final bouquet to these beauti- ful fireworks. 31. vous ne faisiez aucun cas de, you made no account of. Page. 168. 4. Ah ! vous voyez bien ! There ! You see 1 See p. 167, lines 4-5. 11. sa, one's. 27. il lui pousse des plumes de paon dans sa redingote, there shoot forth peacock feathers from his coat. See La Fontaine, Book IV., Fable IX., Le Geai pare* des plumes du Paon. 232 NOTES. [Pages 169-174. Page 169. 12. du haut du Montanvert ma crevasse me protege: Perhaps in imitation of Napoleon's " Soldats, du haut de ces pyramides quarante, siecles vous contemplent ! " 27. vous avez moins ve'cu : Cf. p. 167 : 6. Page 170. 11. de grand coeur, most heartily. 20. Poi- gnees de main, handfuls of hand = a grasping of hands. LES GRANDES VERITES. " • Toutes les verites ne sont pas bonnes a dire,' is an axiom which seems particularly applicable in times of revolution. People are then reduced to the statement of truisms, and they may consider them- selves happy if they are allowed to assert boldly that two and two make four. Such is the purport of these stanzas."— Gustave Masson. Page 171. 2. Que: Omit in translation. 3. carrieres: i.e., as places of punishment. 5. Philoxene : Philoxenus was a poet at the court of Dionysius of Syracuse. When asked to revise one of the tyrant's poems, he said that it could be best corrected by drawing a black line through the whole paper. For this he was cast into prison. 20. Dieu lui seul, God, he alone = God alone. 23. de : See N. p. 56 : 23. Page 172. 12. qui veut is subject of s'enrichit. 29. Par maint babillard qui beugle, By the bellowing of many a babbler. Page 173. 2. goutte, at all. Ne . . . goutte is stronger than ne . . . point. 4. sans facons, informal. 9. gueres = guere. 10. qui n'en pense pas plus, who does not think more = who thinks less. LES PREMIERS JOURS DU REGNE DE LOUIS XVI ET DE MARIE-ANTOINETTE. Page 174. 1. Louis XVI: Born 1754; King of France from 1774 to 1793. 2. Marie-Antoinette: Born in 1755; daughter of Maria Theresa and Francis I. of Austria. 3. Louis Pages 174-177.] NOTES. 233 XV: Grandfather of Louis XVI. 7. Henri IV: King 1594-1610. He was brave, courtly, amiable, and talented, and his reign was characterized by such prosperity as France had never known. Pont-Neuf : A bridge in Paris over the Seine. The present statue of Henry IV. «at the middle of the bridge was erected in 1818. The one mentioned in the text was erected in 1635 and converted into cannon in 1792. Resurrexit, He has risen again. 8. tabatieres de deuil, mourning snuff- boxes. 12. Louis XII: King 1498-1515; called "Father of the People." 25. II y a de quoi, there is reason for it. See N. p. 164 : 30. Page 175. 7. que vous faites revivre, to whom you give new life. 13. il ne tiendra qu\ it will depend only. 19. s'^tait campee a genoux, had thrown herself down on her knees. 26. Versailles: A town some twelve miles from Paris. On' a plateau overlooking the town is the magnificent royal palace of Versailles, built by Louis XIV. It is now a museum. CAMtiLIA ET PAQUERETTE. Page 177. 2. Qu'agite un frisson de pudeur, trembling with modesty. LA DERNI^RE ROSE. (la jeune reine.) 15. Trianon: Le petit-Trianon, a villa at Versailles; it was built by the architect Gabriel in the time of Louis XV. On pre- senting it to Marie Antoinette, Louis XVI. said: " Vous aimez les fleurs, eh bien! j'ai un bouquet a vous donner; c'est le Petit- Trianon. " The garden with its "hamlet" was one of the curiosities of Versailles. The "hamlet" consisted of some ten Swiss cottages grouped about a small lake. Here the ladies of the court used to play countrywomen. 19. mit pied a terre a la grille, dismounted at the grille. See Eng. Diet, grille. 23. ame qui vive, a living soul. 234 NOTES. [Pages 178-182. Page 178. 14. que, why. 16. laReine: Maria Leczinska, daughter of Stanislaus, ex-King of Poland, le Dauphin: The king's son, Louis, who died in 1765. Les Filles de France : The king's daughters. 20. Jaoques II: James II., King of England, who, after his abdication (1688), fled to France, where he spent the rest of his life. He lived in the castle of St. Ger- main, some thirteen miles west of Paris. M. d'Ayen: The eldest son of a Duke de Noailles was called M. d'Ayen. This d'Ayen (1713-93) became Due de Noailles in 1766. 23. le grand [Trianon] : A large villa situated a short distance from the palace of Versailles. It was built by Louis XIV. for Ma- dame de Maintenon. 28. la girofle'e de Mahon s= la maho- nille (Malcolmia maritima), Mahon stock. It is native on the shores of the Mediterranean and is named from Mahon, the chief town of Minorca. Page 179. 1. labyrinthe de charmille: A system of interlacing walks bordered by hedges of yoke-elm cut in such a way as to present walls of green. One could easily lose himself in such a maze. 2. parterre : See Eng. Diet. 5. ne sais : See N". p. 104 : 11. forge : Louis XVI. was an ingenious lock- smith and worked at his forge at Versailles. 14. n'oserais : See N. p. 104 : 11. 15. au Chesnay : The Marquis of Laube- spine lived on the edge of the woods of Fausses-Reposes near Le Chesnay, a commune about a mile from Trianon. 18- aux e'clats, in bursts = noisily. Page 180. 3. faire toutes mes volontds, to do as I please. 29. tout juste assez, just long enough. 30. cereus: See Eng. Diet. 31. a juste titre, by just title = justly. Page 181. 7. Esope: iEsop, the famous writer of fables (570 B.C.), has been represented as "a perfect monster of ugli- ness and deformity." 18. ne savaient trop quelle conte- nance tenir, did not well know what countenance to keep = were feeling somewhat embarrassed. 21. prendre en traitre, to seize treacherously, take unawares, surprise. Page 182. 2. cloches a melon, melon bells ; the bells of glass under which melons are grown. 7. papier grand Pages 182-187.] NOTES. 235 aigle, double elephant paper, the largest size of drawing-paper. 19. Bailly = Bailli, village bailiff. Besides the royal bailiffs, there were bailiffs who had jurisdiction in abbeys, bishoprics, and private seigniories. The cottages of the "hamlet" of Little Trianon were called the House of the Bailiff (Count of Po- lignac), House of the Miller (Louis XVI.), House of the Guard (Count of Artois), etc. Page 183, 1. A Dieu ne plaise, By no means. 2. Ga- briel : See X. p. 177 : 15. 13. la cour d'honneur, the court of honor ; the principal court of a palace or castle. Page 184. 1. ob^ie : Note the agreement of obeie with vous, singular in sense. 18. le grand Dauphin: Louis, son of Louis XV., and father of Louis XVI. See N. p. 178 : 16. 21. Charlemagne: King of the Franks and Roman Emperor; sole ruler of the Franks from 772 to 814. He built up a great kingdom and gave it peace and abounding prosperity. Blanche de Castille: Wife of Louis VIII. On his death she became regent (1226-1236), and governed, during the minority of her son, Saint Louis, with great wisdom and ability. LA VACHE PERDUE. Page 186. 3. poil de chevre, goaVs hair ; a kind of coarse cloth of woollen woof and cotton warp; here a garment made of the same. 7. Pour qu'il vous en souvieiine, That it may remind you of it = That you may remember it. 30. De, with. LA DERNIERE ROSE. (L' ADIEU.) Page 187. 10. La Revolution: The French Revolution (1789). 12. Les freres du Roi: Afterwards Louis XVIII. and Charles X. 13. on £migrait : When, on Aug. 4, 1789, the 236 NOTES. [Pages 187-190. Constituent Assembly abolished all feudal and manorial rights, the emigration of the nobles began, le vide se faisait, there was a void. 17. Madame Elisabeth : Sister of Louis XVI. 18. Montreuil: At Montreuil, not far from the palace of Versailles, Madame Elizabeth had an estate which her brother, Louis XVI., gave her about 1782. 22. le jour : July 17, 1789, when Louis XVI. went from Versailles to Paris, approved of the Commune and the National Guard, and accepted the tricolored cockade. 23. la cocarde tricolore : The cockade which La Fayette gave to the National Guard (1789). The colors were red and blue, the old colors of Paris, and between them, white, the color of royalty and France. Page 188. 2. Meudon: A royal residence some 4J miles southwest of Paris. 3. M me de Tourzel : The governess of Louis XVL's children. 4. du cdte* de, towards. 5. vil- lage : The Swiss hamlet on the estate of Little Trianon con- sisted of some ten houses grouped round a small lake. 7. 1' = le, replacing belle. 13. la tour de Marlborough : The name " Marlborough," given to this tower by Marie Antoi- nette, was probably suggested to her by the famous song of " Mort et Convoi de l'lnvincible Malbrough," which she learned from the nurse of the dauphin and which became popular at the court of Louis XVI. The song was sung to the tune of "We won't go home till morning." Following is the fourth stanza: — " Madame a sa tour monte, Mironton, mironton, mirontaine; Madame a sa tour monte, Si haut qu'elle peut monter." 13. la maison du Bailly : See N. p. 182 : 19. Page 189. 2. dont, with which. Page 190. 15. celui, that {time). 19. l'empereur: The Emperor of Germany spent a couple of months with his sister in 1777 (April- June). 26. un garcon de la chambre, waiting- man, valet. Cf. le valet, 1. 30. 29. M. de Saint-Priest : b. 1735, d. 1821. In 1789 he was appointed minister of the royal Pages 190-193.] NOTES. 237 household. He was exiled during the Revolution and did not return till the Restoration (1815), when he was raised to the peerage. 33. au chateau : i.e., of Versailles. Page 191. 1. Les sections: Paris was divided into 48 electoral divisions called sections. 3. Faites atteler, Have the horses harnessed. 9. Donne-m'en, Give me of them. 14. Madame Royale : Marie Antoinette's daughter, who be- came the Duchess of Angouleme. She was born in 1778 and died in 1851. 17. je le veux, I wish it [i.e., that you give it] = it is my will. 22. Flos martyrum, The flower of martyrs. MA NORMANDIE. Page 192. 1. Quand tout renait a l'esp^rance, When everything is born again to hope = When everything revives again with hope; a characterization of spring. 2. que repeats quand. 19. recueillie, meditative. MORT DE LOUIS XVI. Page 193. 1. le 10 aout: The day when armed bands broke into the palace of the Tuileries, massacred the Swiss guard, and drove the king and the royal family to seek refuge in the Legislative Assembly. 2. le Temple : Formerly the prin- cipal preceptory of the Knights Templars in France. The tower here mentioned was torn down in 1811. A market and square now occupy the site of the temple. 4. le jeune dauphin: Son of Louis XVI. ; he died of ill-treatment and neglect in the Temple two years after his father was beheaded. In history he is put down as Louis XVII. 4. sa soeur : See N. p. 191 : 14. JO. prenait . . . repos, took a nap. 27. La constitution: 238 NOTES. [Pages 193-196. The Constitution of 1791, which Louis XVI. accepted and swore to observe (Sept. 14, 1791). 28. la d^ch^ance etait . . . prononc^e : Aug. 10. 1792. Page 194. 5. Danton: A leader of the Revolution. He instigated the bloody insurrection of Aug. 10. (See N. p. 193 : 1.) He was guillotined in 1794. 6. 1' Assemble : The Legislative Assembly which sat from Oct. 1, 1791, to Sept. 21, 1792. It was succeeded by the National Convention, which lasted till Oct. 26, 1795. 9. Malesherbes : He was born in 1721. For his noble act in defending Louis, he was himself arraigned and guillotined April 22, 1794. 12. porta la pa- role, was spokesman. 14. Saint-Just: One of the conspicu- ous leaders during the Reign of Terror. He was guillotined July 28, 1794. Robespierre : He, more than any one else, brought Louis XVI. to the block. After Danton' s death, he was virtu- ally dictator of France. He was guillotined July 28, 1794. 18. lies Girondins : The Girondists were the Conservatives of the Assembly and the Convention. They were called Girondins because many of them came from the department of La Gironde. 23. Y aura-t-il appel au peuple ? Shall there be an appeal to the people f i.e., Shall the people be allowed to sanction by vote the act of the Convention. Page 195. 8. Carnot : b. 1753, d. 1823. He was elected to the National Convention in 1792, and chosen a member of the Committee of Public Safety in August, 1793. To him, called the "organizer of victory," is ascribed the glorious success of the French armies in the Revolution. He was the grandfather of the president of France who was assassinated in the summer of 1894. 9. un crime de plus, one crime more. LOUIS XVI AUX FRANQAIS. Page 196. 4. un e"dit de bienfaisance : An allusion to the edict proposed by Turgot and abolishing the corve'e, compulsory labor on the roads. 11. Puisse, May. Pages 196-199.] NOTES. 239 L'ECHAFAUD. 14. C'en est fait, It is over with. Page 197. 2. Navarre : Henry III. of Navarre became King of France as Henry IV. in 1589, and united non-Spanish Navarre to the French crown in 1607. 7. hommes de troupe ou de garde nationale, troops or National Guardsmen. 9. Palais de Justice: In the basement of this Court-house was the Con- ciergerie, the famous prison where Marie Antoinette was con- fined after she was removed from the Temple. 10. la place de la Revolution: Now called la place de la Concorde. It was here that the guillotine was set up. 21. de droite, at the right. 27. ne . . . qu', only. 29. la terreur: The Reign of Terror lasted from Jan. 21, 1793, when Louis XVI. was executed and the Committee of Public Safety instituted, till July 27, 1794, when Robespierre was decapitated, and the Committee abolished. Page 198. 7. le pretre constitutionnel : i.e., a priest who had accepted the " Civil Constitution of the Clergy," in 1790. Those priests who did not accept it were called "unsworn" (non asserment^s), and were forbidden to officiate. 10. un ruban de faveur noire, a band of black ribbon. 11. un fichu de mousseline unie blanc, a white neckerchief of plain muslin. 12. barbes, barbs. See Eng. Diet. 12. ni, or. 13, dessou- liers de prunelle, prunella shoes. See Eng. Diet. 28. thea- tre de la Montansier: The theatre was named after one of the directors, Marguerite Montansier. 29. prisonniers d'Or- l^ans: Fournier, "the American," had been ordered on Aug. 24, 1792, to bring up to Paris, to be tried by the new Na- tional Tribunal, the prisoners who were then at Orleans await- ing their trial for high treason. He left Orleans Sept. 4 (the September massacres in Paris began Sept. 2), and took the pris- oners safely as far as Versailles. Hearing there of the massa- cres in Paris, he determined to murder too, and, as his prisoners alighted from carriages, every one was slain. Page 199. 2. a mis en scene, staged. 12. montrent le poing, show the fist = shake the fist. 16. le Pont-au-Change ; 240 NOTES. [Pages 199-201. The bridge across the Seine nearest the Palais de Justice. See a map of Paris for the route here described. 16. le Louvre : Ancient royal palace, now a great museum. 21. la fille des Ce*sars : From 800 a. p., when Charlemagne was made head of the Roman Empire, to 1806, when Francis II., grandson of Francis I. and Maria Theresa, renounced his title of Emperor of Germany, the German emperors were the successors of the Caesars, Emperors of Rome. 24. l'Oratoire: Now a Calvin- istic church. It was built by the priests of the Oratory, between 1621 and 1630. 27. Palais-Royal: The residence of Philippe- figalite, Duke of Orleans. He was a most bitter enemy of Louis XVI. and Marie Antoinette, and at the trial of Louis voted for death. But he himself soon became " suspect," and was guillo- tined. The cafes on the ground floor of the palace were the rendez-vous of the radical republicans of 1789. Page 200. 9. au club des Jacobins : The original Jaco- bins, an order of monks, were so called from the Church of Saint Jacques (Jacobus), near which their convent was built. In the time of the French Revolution the members of a radical political club held their meetings in this convent and were therefore called Jacobins. 12. insulteurs a gages, hired insulters. 14. l'Assomption : A church. 29. de monde, with people. 29. Tuileries : A royal palace in Paris, scene of the massacre of the Swiss Guard, Aug. 10, 1792, and of the overthrow of Louis XVI. Between the gardens of the Tuileries and the lower end of the broad avenue of the Champs-Elysees, was the Place de la Revolution. Page 201. 8. le temps de la chevalerie est passe" : " Little did I dream that I should have lived to see such disasters fallen upon her [Marie Antoinette], in a nation of men of honor and of cavaliers. I thought ten thousand swords must have leaped from their scabbards to avenge even a look that threat- ened her with insult. But the age of chivalry is gone." — Edmund Burke. 11. ne font que commencer, are only beginning. 17. Santerre : Leader of the mob against the Bastille, and a conspicuous participant in the insurrection of Aug. 10. He escorted Louis XVI. to the scaffold as com- mander-in-chief of the National Guard and governor of the Pages 201-204.] NOTES. 241 Temple. Seep. 194:31-33. 21. le tribunal de sang: Le Tribunal R^volutionnaire, which, from March 31, 1793, to July 27, 1794, sent 2,669 victims to the scaffold. It sat in the Palais de Justice. It was suppressed May 31, 1795. 21. J'en appelle a toutes les meres : Marie Antoinette had been ac- cused of corrupting her son. 32. la voila qui tombe : See N. p. 2 : 17. Page 202. 13. Tous les parfums de l'Arabie, toutes les eaux de l'Oc^an, ne suffiraient pas pour effacer la tache de sang qui est sur ta main : See Shakespere's " Lady Mac- beth: " "All the perfumes of Arabia will not sweeten this little hand." (Act V. Sc. i.) And: "Will all great Neptune's ocean wash blood clean from my hand ? " (Act II. Sc. ii.) LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE. 16. mal: Subject of faisait, 1. 21. 29. Plus d'amour, No more love. See N. p. 70 : 31. Page 203. 12. force moutons = bien des moutons. 21. de'licatesse, over-conscientiousness. 28. se font, assume. 29. d'applaudir : See N. p. 1 : 10. Page 204. 9. quelque peu clerc, something of a clerk, scholar. 15. On le lui fit bien voir, They soon made him see it. VOCABULARY. ABBREVIATIONS. adj. adjective. m. | masculine, \ masculine noun. adv. adverb. art. article. part. participle. conj. conjunction. pi. plural. dem. demonstrative. poss. possessive. f. ( feminine, t feminine noun. pr. pronoun. prep. preposition. impers. impersonal. pret. preterite. impf. imperfect. subj. subjunctive. int. interjection. v. verb. irr. irregular. Words identical in spelling (barring accents) and identical in meaning in the two languages, are not included in this Vocabulary. The forms of verbs marked irr. will be found in the alphabetical list of irregular verbs. a, prep. to. toward ; at, in; of, for, with ; after ; as, as a; on, by, from; according to, belonging to; about, in respect to. abaissement, m. falling. abaisser (s'), v. drop. abandon, m. desertion. abandonner, v. abandon, leave. abasourdi, -e, part, astounded. abattre, v. irr. pull down, bring down, cut down, knock down. abdiquer, v. abdicate. abime, m. abyss. aboiement, m. barking. abondance, f. abundance, plenty. abondant, -e, adj. plentiful, fruitful. abonder, v. abound. abord (d') f adv. first, at first, in the first place. aborder, v. land. aboutir, v.n. end in. laboyer, v. bark. abr^ger, v. shorten ; pour — , to be brief. abri, m. shelter, protection ; a 1' — de, sheltered from. abricot, m. apricot. abriter (s'), v. find, take shelter. abrupt, -e, adj. rugged, steep. absolument, adv. absolutely. abuser (s'), v. be mistaken. accabler, v. crush. accepter, v. accept. accident, m. accident ; case. accommoder, v. adapt. accompagner, v. accompany. accomplir, v. accomplish ; s' — , be accomplished, committed. accorder, v. grant, vouchsafe. accot6, -e, part, leaning. accourir, v. irr. run to, hasten. accoutume\ -e, adj. accustomed. aceoutumer (s'), v. accustom one's self. accroitre (s'), v. irr. increase. accueillir, v. irr. receive. acculer, v. bring one to a stand. aecusatrice, f. accuser. VOCABULARY. accusation, f . charge. accuser (s'), v. accuse one's self. acheminer (a'), v. set out. Acheron, m. Acheron, a river of the lower world, acheter, v. buy. acheteur, m. buyer. achever, v. finish, complete. acquerir, v. irr. obtain ; achieve. acquitter, v. pay, discharge ; s' — , pay one's debts. acte, m. act; deed. acteur, m. actor. action, f. action, act; engagement; share (of stock), activity, f. activity. adieu, m. farewell : faire ses — x, bid farewell. adjudant-major, m. adjutant. administrateur, m. commissary ; governor. administration, f. management ; de- partment. admirer, v. admire, wonder at. adorable, adj. charming. adorer, v. adore. adoucir, v. mitigate. adresse, f . address ; skill, dexterity. adresser, v. address ; s' — , address one's self, apply. adroit, -e, adj. ingenious, cunning. adroitement, adv. skilfully. advenir, v. irr. happen. adversaire, m. adversary. adversity, f. adversity. ae"rien, -ne, adj. aerial. affaire, f. thing, affair; business; case: avoir — a, have some business with; j'ai votre— , / have what you want. affame\ -e, adj. famished, hungry. affiche, f. notice, time-table. afnig€, -e, adj. grieved. affliger (s')» v. grieve. affreu-x, -se, adj. frightful, fearful, ugly, terrible. affronter, v. face. affubler, v. muffle up. afln que, conj. in order that, that. Afrique, f. Africa. agacant, -e, adj. exasperating. age, m. age, years, time. age, -e, adj. aged, elderly. agent, m. agent : — de police, po- lice agent. agglomerer, v. mass. aggraver (s') } v. grow serious. agile, adj. nimble. agility, f. nimbi eness. agir (s'), v. be a question. agiter, v. put in motion, move; dis- turb, stir. agneau, m. lamb. agre"able, adj. pleasant, pleasing. agr^ablement, adv. pleasantly. agr^er, v. accept. agr^merit, m. pleasure, amusement. agreste, adj. rustic. ah, int. ah I hah ! oh! ahuri, -e, part, distracted. aide, f. help. aide de camp, m. aid-de-camp. aider, v. help. aie, int. oh ! aient, ait, subj. of avoir. aigle, m. eagle. aigu, -e, adj. sharp, shrill. aiguiser, v. sharpen. aile, f. wing. ailleurs, adv. elsewhere ; besides, moreover, in other respects. aimable, adj. agreeable, kind. aimer, v. love, like; — mieux, pre- fer. aine", m. elder. aine\ -e, adj. elder. ainsi, adv. thus, so; — que, as, as well as. air, m. air, look, appearance ; tune, song : prendre 1' — , take an airing ; avoir V — , look, appear. airain, m. brass ; bell. aisance, f. freedom. aise, f . ease : a 1' — , easily. aise, adj. glad. ais€, -e, adj. easy. ais^ment, adv. easily. a j outer, v. add. VOCABULARY. 3 ajuster, r. take aim at. albatre, m. alabaster. [of Russia. Alexandre, m. Alexander, Emperor aliment, m. food ; pi. fuel. allah, in. Allah, Arabic name for God. allee, f. walk. alle'gement, m. lightening. alleger, v. lighten ; S* — , grow light. alle"gorie, f. allegory. Allemagne, f. Germany. allemand, -e, adj. and m.f . German. aller, v. irr. go, be going, be about ; come; travel; often sign of a fu- ture, will ; a' en — , go away, off. alli€, m. ally. alli6, -e, part, allied. allonger, v. stretch out. allons! int. come! come on! well! — done, nonsense t allumer, v. light, kindle. almanach, m. almanac. alors, adv. then ; — que, when. alourdir (s'>, v. grow heavy. Alpes, f.pl. Alps. amateur, m. lover, admirer; ama- teur, virtuoso. ambassadeur, m. ambassador. ame, f. soul; mind. amener, v. bring, bear. am-er, -ere, adj. bitter. amertume, f. bitterness. ami, -e, m.f. friend; mon — ! my dear ! ami, -e, adj. kind. amical, -e, adj. friendly. amitie, f. friendship. amonceler, v. heap up. amont, adv. up the river : en — de, above. amour, m. love. amour-propre, m. self -love, conceit, pride. amoureu-x, -se, adj. in love; m. f. lover. amusant, -e, adj. amusing, diverting, entertaining. amuser, v. amuse, entertain; s' — , amuse one's self. an, m. year. apprenti, m. apprentice. ancetre, m. ancestor. ancien, -ne, adj. old ; former. andouillette, f. (veal) sausage. Andr6, m. Andrew. ane, in. donkey. anemone, f. anemone. ange, m. angel. anglais, -e, adj. English; m. English- man. angle, m. corner. Angleterre, f. England. angoisse, f. anguish, agony. animation, f. excitement. annee, f. year. Annibal, m. Hannibal, Carthaginian general. annoncer, v. announce. anonner, v. stammer through. antichambre, f. anteroom, hall. antipathie, f. antipathy. antipode, m. antipode. See Eng. Diet. antique, adj. ancient. anxi^te", f. anxiety. apathie, f. apathy, indifference. apercevoir, v. discover, notice ; s* — , perceive, see, take notice. apparaitre, v. irr. appear. appareil, m. train, attendance. apparemment, adv. apparently. apparence, f. appearance: en—, apparently. appartement, m. apartments, rooms. appartenir, v. irr. belong. appel, m. appeal. appeler, v. call, call for : en — , appeal; s' — , be called. app^tit, m. appetite. applaudir, v. applaud. appliquer, v. apply. appointements, m. pi. salary. apporter, v. bring. appreciation, f. appreciation, charac- terization. appr^cier, v. appreciate. apprghender, v. fear. apprendre, v. irr. learn, hear; teach, inform. VOCABULARY. apprSter, v. prepare ; s' — , make one's self ready. approbation, f. approval. approche, f. approach. approcher, v. draw up, approach, ad- vance; s' — , approach. approfondir, v. examine thoroughly. approuver, v. approve. approvisionner (s'), v. supply one's self. appui, m. support. apres, prep, and adv. after, after- wards ; to : — tout, after all. apres-demain, adv. the day after to-morrow. apres-din6e, f. afternoon. apres-midi, f. afternoon. aquilon, m. north-wind. Arabie, f. Arabia. araigne"e, f. spider. arbre, m. tree. arc, m. bow. arcade, f. arcade, arch. architecte, m. architect. ardent, -e, adj. fiery. ardeur, f. ardor. arete, f. ridge. argent, m. silver, money. arme, f. weapon; pi. arms: un fait d' — s, a warlike exploit. arm£, -e, part, armed. arm6e, f. army: la grande — , Na- poleon's army ; corps d' — , army corps. armoire, f. closet. armurier, m. armorer. Arpenas, m. Arpenas, river in Savoy. arracher, v. pull up, snatch up ; drag, draw; extract; tear away: s' — la barbe, tear one's beard. arranger, v. arrange ; settle ; s' — , contrive. arret, m. sentence ; arrest : aux — s, under arrest. arrSter, v. stop, stay; agree; s' — , stop. arrhes, f. pi. earnest-money, advance payment. [behind. arriere, m. back part ; en — , back, arriere-garde, f. rear-guara. arrive" e, f. arrival. arriver, v. come, arrive; happen; reach. arrondissement, m. ward. arroser, v. water, sprinkle. arrosoir, m. watering-pot. artifice, m. art ; contrivance. artillerie, f. artillery. artilleur, m. artillery-man. Arve, f. Arve, a tributary of the Rhone. aspect, m. aspect, sight ; look. assaillir, v. irr. assail. assassin, m. murderer : a 1' — ! mur- der ! assembled, f. assembly. asseoir, v. irr. seat; s' — , sit down. assez, adv. enough ; pretty, rather. assignation, f. summons, writ. assigner, v. summon. assis, -e, part, seated. assister, v. attend. associ6, m. partner. assombrir (s'), v. become gloomy, sober. assommer, v. beat to death, felt, butcher. assurance, f. assurance; protesta- tion. assure , -e, adj. certain. assurer, v. assure ; affirm ; s' — , make sure of. astrakan, m. Astrakhan. See Eng. Diet. atelier, m. manufactory. atroce, adj. atrocious, awful. attacher, v. fasten, attach; bind; s' — , be attached. attaque, f. attack, assault. attaquer, v. attack, assail. atteindre, v. irr. touch, strike, reach. atteler, v. harness. attendant (en), adv. in the mean- time. attendre, v. wait for ; await ; expect. s' — , expect, look forward to, an- ticipate. VOCABULARY. attendrir, v. touch ; affect ; s' — , be moved. attentat, m. crime; criminal at- tempt. attente, f. waiting; salle d' — , waiting-room. att^nuer, v. depreciate. attirer, v. draw on ; win. attitude, f. attitude, posture. attraper, v. catch. attribuer, v. attach; attribute, as- cribe. attrister, v. sadden. au = a le. aube, f. dawn. auberge, f. inn. aubergiste, m. innkeeper. aucun, -e, adj. any, no. au-dessous (de) , prep, below, under, unequal to. au-dessus (de), prep, above. au-devant (de), prep, before; to meet. augmenter, v. increase. augure, m. omen. auguste, adj. sacred. aujourd'hui, adv. to-day. aumone, f. alms. aune, f. ell. auparavant, adv. before, first. aupres (de), prep, near by; close to; to; before. aure'ole, f. halo. aurore, f. dawn, morning. aussi, adv. and conj. too, also; equally; moreover; so; as: — bien que, as well as. aussitdt, adv. immediately, at once : — dit, — fait, no sooner said than done ; — que, as soon as. Austerlitz, m. Austerlitz, town in Moravia, famous for victory of Napoleon over Austria and Rus- sia, Dec. 2, 1805. autant, adv. as much : d' — plus, so much the more, all the more. auteur, m. author. automne, m. autumn. automation, f . permission. autoriser, v. authorize. autorit6, f. authority, authorities. autour (de), prep, about, round, around. autre, adj. other, else. autre, pr. other: ni Pun ni 1' — , neither; Pun de P — , of, from one another. autrefois, adv. in former times. autrement, adv. otherwise. Autrichien, m. -ne, f. Austrian. autrui, m. others. aux = a les. aval, m. down the river : en — de, below. avance, f . advance : par — , d' — , beforehand ; en — , too early. avancement, m. promotion. avancer, v. advance ; forward ; make progress; s' — , advance. avant, prep, before ; adv. forward : en — , forward, ahead ; en — de, in front of; conj. —que, before, until. avantage, m. advantage. avant-garde, f . advance-guard. avant- bier, adv. the day before yes- terday. avec, prep. with. avenant, -e, adj. prepossessing. avenir, m. future. aventure, f. adventure. aventurer, v. venture. avenue, f. avenue, walk. avertir, v. warn. aveugle, ra. blind person. aveugler, v. blind. avis, m. mind ; advice ; information : changer d' — , change one's mind. aviser (s')> v. think, take into one's head ; bethink one's self. avocat, m. counsellor, lawyer. avoir, v. irr. have ; be the matter with : qu'avez vous ? what is the matter with you ? il y a, il y avait, there are, there were; il y a un mois, a month ago. avoisiner, v. be situated near, avouer, v. confess, VOCABULARY. avril, m. April. azur, m. azure, blue. babillard, m. babbler. bagage, m. baggage. Bagdad, m. Bagdad, a celebrated city of Asiatic Turkey, bagne, m. prison. bague, f. ring. bah, int. pshaw, indeed. bailler, v. give. bailli, m. bailiff (judicial officer), bailly, see bailli. bain, m. bath. baionnette, f. bayonet. baiser, m. kiss ; and v. to kiss. baisser, v. lower, drop ; se — , stoop down. bal, m. ball. balancer, v. balance ; swing. balle, f. bullet ; chaff, husk. balustrade, f. balustrade, railing. banc, m. bench, seat. bande, f. gang. banderole, f . streamer. banquette, f. bench, seat. banquier, m. banker. baquet, m. pail. barbare, m. barbarian. barbe, f. beard ; barb (of caps). barbier, m. barber. bardelle, f. pillion. barrer, v. block. barriere, f. rail, raiting, gate. bas, -se, adj. low; lower. bas, m. lower part ; bottom ; foot. bas, adv. down, low: en — , below ; en — de, at the bottom, foot of; la- — , over there, yonder. bas, m. stocking. bassin, m. basin. bat, m. pack-saddle : un cheval de — a pack-horse. bataille, f . battle. bataillon, m. battalion ; squadron : chef de — , major- bateau, m. boat. bati, -e, part, built. baton, m. stick. batonner, v. bastinade. battement, m. beating. battre, v. irr. beat : — en retraite, beat a retreat ; se — , fight baudet, m. ass. beau or bel, -le, adj. beautiful, fine, handsome ; fair ; glorious : avoir beau dire, speak in vain ; belle, f. beauty. beaucoup, adv. many, much ; well. beau-pere, m. father-in-law. beaute", f. beauty; loveliness. bee, m. beak, bill. becher, v. dig. Bedouin, m. Bedouin. belier, m. ram. belle, adj. and f. See beau, bellig^rant, -e, adj. belligerent. benediction, f. blessing. benefice, m. benefit. b£nir, v. bless. berceau, m. cradle. bercer, v. lull. berge, f. steep bank. berger, m. shepherd. bergere, f. shepherdess. bergerie, f . sheepfold. berlue, f. dimness of sight. Berne, f. Bern, a city in Switzerland, besogne, f. work, task. besoin, m. need : avoir — de, need ; au — , in case of need. bSte, f. beast. b§te, adj. stupid, foolish. bStise, f. nonsense. beugler, v. bellow. beurre, m. butter. bien, m. good ; property : un homme de — , an honest, virtuous man. bien, adv. well ; right ; proper ; finely; much; certainly; indeed; quite f very ; far ; great many : — dom- mage, great pity ; eh — ! well! — que, although. bienfait, m. good turn, benefit. bien que, conj. although. bientdt, adv. soon : a — , good-bye (for a short time). bienveillance, f . good-will. VOCABULARY. bienvenu, -e, adj. welcome : soyez le — , welcome I biff er, v. scratch out, erase. bifurquer (se), v. fork. bijou, m. jewel. bijoutier, m. jeweller. billet, m. promissory note ; bank-note ; ticket. bis, -e, adj. brown : pain bis, brown bread. bise, f . north wind. bivouaquer, v. bivouac. bizarre, adj. odd. blamer, v. blame, disapprove. blanc, -he, adj. white. blanc, m. white. blancheur. f. whiteness. ble", m. wheat. blesser, v. wound, offend. blessure, f. wound. bleu, -e, adj. blue. bleuatre, adj. bluish. blond, -e, adj. fair ; m. f . fair person, blond. blotti, -e, part, situated, nestled. blottir (se), v. squat. Bobr, m. Bobra, Russian town, bceuf, m. ox. boire, v. irr. drink. bois, m. wood, forest. boite, f. box ; case. boiteu-x, -se, adj. lame. boitiller, v. limp. bombarder, v. bombard. bon, -ne, adj. good, kind ; foolish : a quoi — ? what is the use ? bon, m. good ; order. bonheur, m. happiness, good luck: par — , luckily. bonhomme, m. good-natured man; old codger, old fellow. bonjour, m. good-morning. bonnet, m. cap. bonte\ f. goodness, kindness. bord, m. shore ; bank ; edge. bordge, f. broadside. border, v. border ; tuck in. borner, v. limit, confine ; se — , limit one's self. bosse, f. bunch. bossu, -e, m. f. hunchback; adj. hunch- backed. botanique, adj. botanical. botte, f. boot. bouc, m. goat. bouohe, f . mouth ; lips. boudin, m. sausage. bouffon, m. jester. bouger, v. stir. boule, f. ball. boulet, m. cannon-ball. bouquet, m. nosegay, bouquet. bourgeois, m. citizen, townsman; "boss." bourgeoisie, f. citizens. bourreau, m. executioner. bourse, f. purse; a sum of money ($60). bousculer, v. jostle, hustle. bout, m. end. bouteille, f. bottle. boutique, f. shop. bouton, m. button ; bud. boutonniere, f . button-hole. brancard, in. shaft. branche, f. branch, bough, limb. braquer, v. point. bras, m. arm. brasier, m. furnace. brave, adj. brave, fine, worthy; m. brave man. bravement, adv. bravely. braver, v. brave. brebis, f. sheep. bredouiller, v. stammer. bref , adv. in short. bride, f. bridle. brigand, m. brigand, robber. brillant, -e, adj. brilliant, bright. briller, v. shine, be bright ; flourish. brin, m. blade ; un — de paille, a straw. brise, f. breeze. briser, v. break ; ruin ; se — , break. broder, v. embroider. brodeur, m. embroiderer. brouiller (se), v. fall out with. brouillerie, f. trouble. VOCABULARY. bruissement, m. rustling. bruit, m. noise ; report. brulant, -e, adj. hot. bruler, v. burn: — la cervelle a quelqu'un, blow any one's brains out. brusque, adj . rough ; sudden. brusquement, adv. hastily, gruffly; suddenly. brutal, -e, adj. brutish. bruyamment, adv. noisily, with a rattle. bu, part, of boire. buanderie, f. boiling room (of a laun- dry). bucheron, m. woodcutter. Buet, m. Buet, a mountain between Chamouni and Sixt. buis, ra. box-tree. buisson, m. bush, thicket. bulletin, m. bulletin ; receipt (for baggage). bureau, m. desk ; office ; board ; shop. burnous, m. Arabian cloak. buse, f. buzzard. but, ra. object, purpose ; goal. butte, f . rising ground : etre en — a, be exposed to. buvais, impf . of boire. buvard, m. blotting-book. c' = ce, used only before etre. pa, adv. here: — et la, here and there. pa, int. now I there I ah — / why ! well! pa, pr. = cela, that. cabinet, m. private room. cabrer (se), v. rear. cacher, v. hide, conceal ; se — , hide one's self. cachet, m. seal. cache ter, v. seal. cadavre, m. corpse. cadre, m. frame. cafe\ m. coffee. cahot, m. jolting. caillou, m. pebble. caisse, f. cash-box. caisson, m. ammunition-wagon. calamity, f. calamity. calculer, v. calculate. calice, m. chalice, flower-cup. calicot, m. plain cotton cloth. califourchon (a), adv. astride. calme, adj. calm. calme, m. calmness, calm. calmer, v. cool ; se — , be calm. calomnie, f . slander. calotte, f. cap. camarade, m. comrade, fellow. campagne, f. country places; cam- paign. camper (se), v. set one's self down, throw one's self down. canaille, f. riff-raff. canape\ m. sofa. canevas, m. canvas. canon, m. cannon, gun. cantinier, m. sutler. cantique, m. song. cantonade (a la), behind the scenes. cantonnement d'hiver, m. winter- quarters. caoutchouc, m. rubber coat. capable, adj. able, capable. capitaine, m. captain. capitale, f . capital. capitulation, f . surrender. caprice, m. caprice, whim. capricieu-x, -se, adj. freakish. capti-f , -ve, adj. captive. captiver, v. captivate. car, con j. for. carabine, f. rifle. carabinier, m. rifleman. caracoler, v. caracole. See Eng. Diet. caractere, m. characteristic ; spirit. caracte"ristique, adj. characteristic. caravane, f. caravan. carcasse, f. body. caresse, f. caress. caresser, v. caress, stroke. carnet, m. note-book. caroubier, m. carob-tree. carpe, f. carp. carr6, m. square. carrefour, m. cross-way. VOCABULARY. carreler, v. pave. carriere, f . race ; quarry. carrosserie, f. carriage-manufactur- ers. carrossier, m. carriage-maker. carte, f . card : — de visite, calling- card. carthaginois, -e, adj. Carthaginian. carton, m. band-box. cartouche, f. cartridge. cas, m. case ; value. case", -e, part, settled. caserne, f. barracks. casque, m. helmet. casser, v. break. cate"gorie, f. category. catggorique, adj. categorical. cathedrale, f . cathedral. Caton, m. Cato, a famous Roman. cause, f. cause: a — de, on account of. causer, v. cause ; chat, talk. cauteleu-x, -se, adj. crafty. • cavale, f. mare. cavalerie, f. cavalry. cavalier, m. horseman ; trooper. cave, f . cellar ; recess. ce, cet, m. cette, f. ces, m. f. pi., dem. adj. this, these; that, those. ce, dem. pr. he, she, it; that: qu' est-ce ? what is that ? ce qui, ce que, that which, what. ceci, dem. pr. this. c6der, v. give up, yield. cedre, m. cedar. ceinture, f. waist. cela, dem. pr. that. cel^brer, v. praise, extol. c^l^brite", {.fame, notoriety. celeste, adj. celestial. celui, m. celle, f.; ceux, m. celles, f. pi., dem. pr. he, him; she, her; they, them; that, those. celui-ci, m. celle-ci, f.; ceux-ci, celles-ci, pi., dem. pr. this, these. cendres, f. ashes : les Cendres, Ash Wednesday. Cendrillon, f. Cinderella. cense", -e, adj. supposed. centaine, f. a hundred. centime, m. a coin, T J W of a franc, I of a cent, cependant, adv. in the mean time, meanwhile ; nevertheless ; yet, still. cercle, m. circle. ce"r6monie, f. ceremony. cereus, m. cereus. See Eng. Diet, cerise, f. cherry. cerne\ -e, part, encircled : des yeux cern^s, eyes with a dark circle round them. certain, -e, adj. certain. certainement, adv. certainly. certes, adv. certainly. cervelle, f. brains : se bruler la — , blow out one's brains. cesse, f. ceasing. cesser, v. cease. ensure, f. cesura. ceux, see celui. chacun, -e, pr. every one, each. chagrin, m. sorrow, vexation : peau de — , shagreen. See Eng. Diet. chaine, f. chain. chair, f. flesh. chaise, f. chair. chalet, m. Swiss cottage. chaleur, f . heat ; warm days. Chalon, m. a town of France on the Sadne. chambre, f. chamber, room. Chamonix, m. Chamouni, a town in Switzerland at the foot of Mont 'Blanc, champ, m. field : sur-le — , at once. chance, f. chance, luck. chandelle, f. candle. changer, v. change : — d'avis, change one's mind ; se — , be changed, converted. chanson, f. song. chant, m. singing, song. chanter, v. sing. chapeau, m. hat : — a comes, cocked-hat. chapelet, m. rosary ; string (of beads), chapelle, f. chapel. chaque, adj. each, every. 10 VOCABULARY. char, m. cart. charge, f. load ; charge, assault. charger, v. load, lade; charge with, command, give a thing in charge; charge ; se — , take charge. chariot, m. wagon, cart, truck. charite", f. charity, benevolence. charmant, -e, adj. charming, delight- ful. charme, m. charm ; delight. charmer, v. charm ; please. charmille, f. yoke-elm ; hedge, walks of yoke-elm. charpentier, m. carpenter. charretier, m. carter, driver. charrette, f. cart. charrier, v. carry down ice (of a river), chasser, v. drive forward, off ; hunt. chasseur, m. hunter ; chasseur. See Eng. Diet, chat, m. cat. chateau, m. castle. chatelaine, f. lady of a castle. chatouiller, v. flatter. chaud, -e, adj. hot, warm. chaud, m. heat : faire, avoir — , be hot, warm. chauffer (se), v. warm one's self. chaufournier, m. lime-burner. chaume, m. thatch ; thatched roof. chaumiere, f. cottage. chauss^e, f. causeway. chausson, m. sock. chaussure, f. foot-gear, foot covering. chef, m. chief, commander : en — , in chief, head (adj.). chef d'eevre, m. master-piece. chemin, m. way, road: — de fer, railroad. cheminee, f. fireplace. chemise, f. shirt. chene, m. oak. ch-er, -ere, adj. dear. cher, adv. dearly. chercher, v. seek, look for, hunt for ; try; fetch, get ; think : aller — , go and fetch, go for. chere, f. cheer. cheri, -e, part, beloved. cheval, m. horse: — de selle, sad- dle-horse ; a — , mounted. chevalerie, f. chivalry, gallantry. chevelure, f. hair. cheveu, m. hair : les cheveux, the hair of the head, locks. cheville, f. ankle. chevre, f. goat. chevrefeuille, m. honeysuckle. chevrier, m. goatherd. chez, prep, at, to, in one's house ; at the home of; with. chien, m. chienne, f. dog. chim^rique, adj. imaginary. Chine, f. China. chiquenaude, f. fillip, snap of the finger. choc, m. shock, clash. chocolat, m. chocolate. chceur, m. choir : enfant de — , • choir-boy. choisir, v. choose. choix, m. choice. chopine, f. pint measure, pint. chose, f. thing, matter. chou, m. cabbage. Chozet, m. name of a person. Chretien, -ne, adj. and noun, Chris- tian. chute, f. fall. ci, adv. here: de ci, dela, here, there. O , Co. (for company). ciel (pi. cieux), m. sky, heavens; heaven. cierge, m. wax-taper. cigale, f. grasshopper. cigare, m. cigar. cime, f. top, summit, peak. cimetiere, m. churchyard. cinquantaine, f. half a hundred. cinquante, adj. fifty. circonspection, f. wariness. circonstance, f. circumstance ; op- portunity. circuler, v. go to and fro, up and down, go rounds. ciseler, v. sculpture. citer, v. summon. VOCABULARY. 11 citoyen, m. citizen. citron, m. lemon. citrouille, f. pumpkin. civil, -e, adj. civil. civilite", f. courtesy, compliments. clair, -e, adj. clear, bright; adv. clearly. clair, m. light: — de lune, moon- light. clairvoyant, -e, adj. clear-sighted. clart6, f. light. classe, f. class. clef, f. key : fermer a — , lock. cl^mence, f. clemency, mercy. clerc, m. clerk ; scholar. clerge", m. clergy. cligner, v. wink. climat, m. climate. cloche, f. bell. clocher, m. steeple. clopin- dopant, adv. hobblingly. clos, -e, adj. closed, shut. clos, m. field. Cluses, f . a small town 26 miles from Geneva on the road to Chamouni. cocarde, f. cockade. cocher, m. driver. code, m. code (collection of laws). coeur, m. heart ; pluck. coffre, m. coffer. cogner, v. strike. cohue, f. rabble. coiff er, v. dress the hair; se — , wear; coif f 6, -e, part, wearing (a hat). coiffure, f. head-dress. coin, m. corner, nook. col, m. neck ; collar; col. colere, f. passion, anger: se mettre en — , get into a passion. collegue, m. colleague. coller, v. stick ; se — , stick to. collet, m. collar. colonne, f. column. colorier, v. color. combat, m. battle, fighting, contest, engagement. combattant, m. combatant, fighting- man. combattre, v. irr. fight. combien, adv. how much, how many. comble, m. climax. combler, v. fill; load. com^die, f. comedy. come"dien, m. comedian. commandant, m. commander ; major. commandement, m. command. commander, v. command. commandeur, m. commander. comme, adv. as, like; as if; how; conj. as. commencement, m. beginning. commencer, v. begin. comment, adv. how; why; what I indeed I — done, why not! cer- tainly. commercant, m. merchant. commettre, v. irr. commit ; se — , be committed. commimes, pret. of commettre. commis, -e, part, of commettre. commissionnaire, (out-door) porter. commode, f. bureau. commod§ment, adv. comfortably. commun, -e, adj. common. commune, f. township. communiquer, v. communicate. compagne, f. companion ; consort. compagnon, m. companion ; part- ner. comparaitre, v. irr. appear. compatir, v. sympathize with. compatriote, f. fellow countrywoman. compere, m. fellow; partner; "Mr.," "Brer." completement, adv. completely, thoroughly, entirely. completer, v. complete. comporter, v. allow. composer, v. compose ; se — , be composed. comprendre, v. irr. comprehend, un- derstand ; include. comprimer, v. comprise. compromettre, v. irr. hazard. comptabilite', f. accounts. compte, m. account ; number : ren- dre — , explain; tenir — , give credit. 12 VOCABULARY. compter, v. count, reckon, number, calculate; count out; think, ex- pect : — sur, depend upon. concerter (se), v. consult. concevoir, v. understand. concierge, m. door-keeper ; janitor. conciergerie, f . a prison in Paris. conciliation, f. reconciliation. conclure, v. irr. conclude ; infer. concours, m. contest. concurrence, f. competition. condamne", -e, m. and f. condemned person. condamner, v. condemn. condenser (se) , v. condense. condition, f. rank. conducteur, m. driver. conduire, v. irr. conduct, lead, drive, bring. conduites, part, f . pi. of conduire. conduite, f. conduct. confectionner, v. make. confiance, f. confidence. Conner, v. intrust. confirmer, v. confirm. confiture, f. sweetmeat, comfit. confondre, v. mingle ; se — en, overflow with, multiply. conge", m. leave of absence ; liberty; holiday. conge"dier, v. dismiss. Congo, ra. country, river, and town of Africa. conjecturer, v. conjecture. conjurer, v. implore ; avert. connaissance, f . acquaintance. connaitre, v. irr. know, be aware of; be acquainted with : faire — , show, explain ; se — a, understand. connu, -e, part, of connaitre. conque"rir, v. irr. gain. consacrer, v. perpetuate. conscrit, m. conscript, recruit. conseil, m. advice; council: — de guerre, court-martial. consentir, v. irr. consent. conservation, f. preservation. conserver, v. preserve, keep, save; discharge (a duty). considerable, adj. considerable-, strong. consideration, f. sake. consid^rer, v. regard, contemplate; look upon. consigner, v. deposit ; pay. consister, v. consist. consolation, f. solace. consoler, v. console; se — , console one's self. consommer, v. complete ; use. conspiration, f. conspiracy. conspirer, v. conspire. constamment, adv. steadily. constater, v. Drove; state. consterner, v. dishearten. constituer (se), v. put one's self: se — en, assume. constitution, f. constitution ; temper. constitutionnel, -le, adj. constitu- tional. construction, f. building. construire, v. irr. build. conte, m. tale. contempler, v. behold, view, gaze on. contenance, f. deportment : faire bonne — , put on a bold look. contenir, v. irr. contain; restrain; hold in check ; se — , contain one's self. content, -e, adj. satisfied, pleased. contenter (se), v. be satisfied. confer, v. tell, relate. continuer, v. continue, keep on. contour, m. circuit; pi. windings. contraindre, v. irr. compel. contraire, adj. against ; hurtful. contraire, m. opposite : au — , on the contrary. contrarier, v. oppose ; disappoint. contraster, v. contrast. contre, prep, against ; close to : se f acher — , be angry with. contrebande, f. smuggled goods; smuggling. contrebandier, m. smuggler. contrecarrer (se), v. thwart each other. contre"e, f. region, district VOCABULARY. 13 contribuer, v. contribute. convaincre, v. irr. convince. convenable, adj. convenient. convenir, v. irr. agree ; admit ; suit ; become. convoi, m. train. convoiter, v. covet. coquet, -te, adj. coquettish. coquin, m. rascal, rogue. coran, m. Koran. See Eng. Diet, corbeau, m. crow. corbeille, f. basket. cordage, m. rope. corde, f. cord, rope; chord. cordelette, f. string. corne, f. horn ; corner : chapeau a — s, cocked hat. corniche, f . surbase. See Eng. Diet, corps, m. body; substance; corps: — d' arm e" e, army corps; esprit de — , esprit de corps, professional pride. correspondant, m. correspondent. corriger, v. correct. corsage, m. corsage ; waist. cortege, m. retinue ; procession. Cosaque, m. Cossack. costume, m. costume, dress. cote\ m. side : a — de, by. coteau, m. hill. coton, m. cotton. cotoyer, v. go by the side. cou, m. neck. couchant, m. setting sun ; west. couche\ -e, part, lying down. coucher, v. put to bed ; se — , go to bed, lie down ; set : faire — , put to bed couchette, f. little bed. coudre, v. irr. sew. couler, v. flow, run. couleur, f. color. couleuvre, f. adder. coulisses (dans les), f. pi. behind the scenes. couloir, m. narrow, steep gully. coup, m. blow, stroke, thrust; draught; sip ; ring (of a bell) : — de dent, bite ; — de maitre, master-stroke; tout a — , suddenly; — d'ceil, glance. coupable, adj. guilty ; m. culprit. couper, v. cut ; cut, lop off ; sever. couplet, m. couplet, verse. cour, f . court ; love-suit. courageusement, adv. bravely. courageu-x, -se, adj. courageous. courant, m. current. courber, v. bend. courir, v. irr. run; hasten; ramble; travel over : faire — des bruits, spread reports. couronne, f. crown. couronner, v. crown. courroux, m. wrath, anger. cours, m. course, stream ; running. course, f. journey, trip ; course. court, -e, adj. short. court, adv. short: s'arrdter tout — , stop short. courtisan, m. flatterer. courtois, -e, adj. courteous. cousait, imp. of coudre. coussin, m. cushion. cousu, -e, part, sewed. couteau, m. knife. couter, v. cost. coutume, f. custom : de — , usual ; avoir — de, be used to. couvercle, m. cover, lid. couvert, -e, part, covered. couvrir, v. irr. cover; drown (with sound) ; sweep (with bullets) ; se — , conceal one's self. craindre, v. irr. fear. crainte, f. fear : de — de, for fear of cramponner (se), v. cling. crane, m. skull. crapaud, m. toad, frog. crapauderie, f. toad-dom, frog-dom. crapaudin, -e, adj. a toad's, froggy. crasseu-x, -se, adj. dirty. cravate, f. cravat, necktie. creche, f. manger. cre"dule, adj. credulous. creme, f. cream. crepe, m. crape. 14 VOCABULARY. cre"puscule, m. twilight. creuser, v. dig ; sink. creux, m. hollow. crevasse, f. crevasse. See Eng. Diet. crever, v. break through ; put out (the eyes). cri, m. cry ; scream ; outcry, shout. crier, v. cry, cry out ; shout, screech ; call out. crime, m. crime : — de lese-ma- jeste, high treason. criminel, -le, adj. criminal, guilty. cristal, m. crystal. criterium, m. criterion. critique, f. criticism : faire la — , criticize. critique, adj. critical. critiquer, v. examine. croasser, v. croak, caw. Croate, m. Croatian, Croat. croc, m. fang. croire, v. irr. believe; think; presume; expect; se — , think one's self ; be believed. crois^e, f. window. croiser, v. cross. croitre, v. irr. grow ; increase. croquer, v. craunch ; devour. croyant, m. (true) believer. cruche, f . jar. cruel, -le, adj. cruel. crus, crut, pret. of croire. cueillir, v. irr. pluck ; gather. cuir, ra. leather. cuirasse, f. cuirass, breastplate. cuisine, f. kitchen. cuisiniere, f. cook. cuivre, m. copper. culbute, f . fall : faire la — , turn a somerset. culotte, f. breeches. cultiver, v. cultivate ; work. culture, f. cultivated land. cure, f. parsonage. cure", m. vicar, parson. curieu-x, -se, adj. curious. curieux, m. looker-on. curiosity, f. curiosity: par — , out of curiosity. d' = de. daigner, v. be pleased. Damas, m. Damascus, a city of Syria. dame, f. lady. dame, int. well ! forsooth ! dangereu-x, -se, adj. dangerous. dans, prep, in, into. danser, v. dance. danseur, m. dancer. dard, m. dart. dauber, v. beat, pound. dauphin, m. dauphin. See Eng. Diet. davantage, adv. more ; longer. de, prep, from, by, with, in, upon, on, out of; at, to; over; than; some, any : — par le roi, in the king's name ; — ce que, because. d§barrasser, v. rid, relieve; se — , rid one's self, be freed. de"bat, m. haggling. d^bile, adj. feeble. de"border, v. outflank, envelop. d^boucher, v. pass out, issue; un- cork. debris, m. remains, remnants, what is left. de"but, m. beginning. decadence, f. decay, decline. decadent, -e, adj. affecting to belong to a period of decline in literature, decadent. de"camper, v. decamp. de"capiter, v. behead. d£che"ance, f. dethronement. d^chirer, v. tear. de-ci, adv. on this side. de"cid£ment, adv. decidedly. decider, v. decide; persuade; se — , decide. d6cisi-f, -ve, adj. conclusive. declarer, v. declare ; certify ; se — , declare one's self, declare. de"clin, ra. decline. de"cliner, v. decline, refuse. de'colore', -e, part, faded. de"colorer (se), v. lose one's color, fade. de" confiture, f. disaster. de"cor, m. scenery. VOCABULARY. 15 d^couvrir, v. irr. discover, see, find out. de"crasser, v. clean. d6daigneu-x, -se, adj. disdainful. dedans, adv. within, in. de"dommager, v. make amends, make up. d6esse, f. goddess. de"faillir, v. irr. grow faint. de"faire, v. irr. undo. de"faut, m. defect ; fault : au — de, in default of. d^favorable, adj. unfavorable. de"fendre, v. defend; se — , refuse. defense, f. defence. d6fi, m. defiance, challenge. d6figurer, v. mar. d^finitivement, adv. finally. d6f ormer, v. put out of shape. d6f richer, v. clear. d6gel6, -e, part, unfrozen.. de"g6n§rer, v. degenerate. degre", m. degree. d6guerpir, v. pack off, be off. d6guiser, v. disguise. dehors, adv. out of doors. dehors, m. outside. deja, adv. already. dejeuner, v. breakfast. dela, prep, and adv. beyond: au — (de), beyond. de-la, adv. on that side. de"labr6, -e, part, ruined, dilapidated. delectable, adj. delightful. delicat, -e, adj. delicate, ticklish. d§licatement, adv. delicately. d^licatesse, f. delicacy. device, m. delight. d§licieusement, adv. deliciously. d61icieu-x, -se, adj. delightful. de"lier, v. unbind, loose. d^livrance, f. deliverance. dSlivrer, v. deliver, release. demain, m. and adv. to-morrow. demande, f. proposal. demander, v. ask ; require, d-marche, f. gait. d6me"nager, v. move (change resi- dence). demeure, f. home, dwelling. demeurer, v. remain ; stand. demi, m. half. demi, -e, adj. half. demi (a), adv. half. demi-heure, f . half an hour. demi-lieue, f. half a league. demi-livre, f. half a pound. demi-tour, m. turn about: faire — , wheel about. demoiselle, f. young lady. d£mon, m. fiend ; demon ; Satan. d^montrer, v. demonstrate. denier, m. penny (i.e., a small sum). de"noncer, v. announce. dent, f. tooth : coup de — , bite. depart, m. departure, start. d e" passer, v. go beyond, pass ; exceed. d^peche, f. despatch. d^pecher, v. kill ; se — , make haste, hurry up. d^pendance, f. dependence. depens, m. expense : aux — d' autrui, at other people's expense. d^pense, f. expense, expenditure. d6pe"rir, v. pine away. depit, m. spite: en — de, in spite of de"plaire, v. irr. offend. de"plaisir, m. grief, pain. deplorable, adj. lamentable. d^plorer, v. deplore. d^poser, v. lay down. de"pot, m. deposit. de"pouiller, v. strip, rob. de"pourvu, -e, adj. destitute. depuis, adv. since that time. depuis, prep, since, from, for : — peu, lately. d^ranger, v. derange, put out of order, disturb. derni-er, -ere, adj. last ; latter. de"rober, v. steal ; se — , steal away, avoid. derriere, prep, and adv. behind. derrieres, m. pi. rear. des = de les. des, prep, from, on, beginning with : — que, conj. as soon as. It) VOCABULARY. de"sagre"able, adj. unpleasant. d6sagr6ment, m. disagreeableness. d£salt6rer, v. quench the thirst ; se — , quench one's thirst. d^sarmer, v. disarm. d6sastre, m. disaster. d§savouer, v. disown, disavow. descendre, v. descend ; go down, alight ; put up ; fall. descente, f. fall : — de lit, rug, mat. desert, -e, adj. desert; abandoned, deserted. desert, m. desert, solitary place. deserter, v. desert. d6sespe"rer, v. vex exceedingly; se — , be in despair. de"sespoir, m. despondency. d6shabill6, m. loose dress. dishonorer, v. dishonor. designer, v. designate ; point to. d^sinteresse", -e, adj. disinterested. d6sint6ressement, m. impartiality. d£sir, m. desire. d^sirer, v. desire, long for. de'sobe'ir, v. refuse to obey. d6sceuvr6, -e, adj. idle. de"solant, -e, adj. provoking. desolation, f. desolation ; disaster. d6sol6, -e, part, distressed. d^soler, v. lay waste ; se — , grieve. desordonn^, -e, adj. disorderly. d^sordre, m. disorder, confusion ; in- ordinate passion. disorganisation, f. disorganization. desormais, adv. henceforth. dess6cher, v. dry up ; parch ; se — , dry up. dessin, m. design. dessous, m. under part: au— , below. dessus, adv. on, upon, over. dessus, m. top : au — , above. destin, m. destiny. destined, f. fate ; career. destiner, v. destine, doom. detachement, m. detachment. detacher, v. loosen ; se — , break away ; come out. d^teler, v. unharness. detention, f. imprisonment. determiner, v. decide ; lead, make. d^tester, v. detest. detonation, f. report. detour, ra. winding, turning, turn. detourner, v. turn aside : des che- mins de"tournes, back roads. detromper (se), v. be undeceived. ddtruire, v. irr. destroy. dette, f. debt. deuil, m. mourning : grand — , deep mourning. deux, m. and adj. two : tous les — , both. deuxieme, adj. second. devant, prep, and adv. before, in front of, opposite to ; ahead : au — de, toward, to meet. deVaster, v. devastate. developper, v. elucidate. devenir, v. irr. become, grow. d£vergondage, m. impudence. deviner, v. guess. devoir, m. duty. devoir, v. irr. owe ; ought ; be bound, be obliged, must; be to; se — , owe one's self to, be obliged to defend. devorer, v. devour. d£vou6, -e, part, devoted. denouement, m. devotion. deVouer (se), v. devote one's self. diable, int. the deuce I diablesse, f. shrew. dieter, v. dictate. dictionnaire, m. dictionary. dieu, m. God : mon — ! good heavens ! diffe"rend, m. dispute. difficile, adj. difficult, hard. dig, adv. ding. digne, adj. worthy. dignity, f. dignity. dilater, v. dilate. diligence, f. haste. dime, f. tithe. diminuer, v. decrease, abate. diner, m. dinner. diner, v. dine. dire, m. assertion : au — de, by the tell of. VOCABULARY. 17 dire, v. irr. tell, say; bid: on—, ft is said ; pour ainsi — , /'/ / may say so ; vouloir — , mean. diriger, v. direct, send; se — , go towards, make for, proceed. discours, m. discourse ; speech. discr-et, -ete, adj. discreet. discretion, f . circumspection : a — , ad libitum. disparaitre, v. irr. disappear. disperser (se) , v. disperse. dispos, adj. m. fresh, vigorous. dispose, -e, part, disposed, inclined ; ready. disposer, v. arrange ; se — , prepare, be going. disposition, f . arrangement ; disposal. distingu6, -e, adj. distinguished ; gentlemanly. distinguer, v. discern, distinguish. distraction, f. diversion. distrait, -e, adj. heedless, inattentive. distribuer, v. distribute, give out. dit, -e, part, said, agreed. divers, -e, adj. different; several. divertir, v. amuse. dividende, m. dividend. divin, -e, adj. divine. divinity, f. divinity, deity. dix, m. and adj. ten. dix-huit, m. and adj. eighteen. doctement, adv. learnedly. dogue, m. mastiff ; bull-dog. doigt, m. finger. doit, doivent, present of devoir, domestique, m. servant. dominer, v. domineer over ; command. Dominki, m. town in Russia. ' dommage, m. damage: c'est bien — , it is a great pity. dompter, v. subdue. don, m. gift. done, conj. therefore ; then; pray. donjon, m. donjon, keep. donner, v. give, set (an example) ; strike ; open upon, into ; fall (into a snare); se — la peine de, take the trouble to. dont, pr. whose ; of, with, by which. dor£, -e, part, gilt, golden. dormir, v. irr. sleep, fall asleep. dos, m. back. ' douane, f. custom-house; pi. cus' toms. douanier,m. custom-house officer. double, adj. double; double-barrelled. doubler, v. double. doucement, adv. gently, softly; gradually. douceur, f. mildness ; kindness ; calm- ness ; pleasure. douleur, f. pain, grief, anguish. douloureu-x, -se, adj. painful, sorrowful. doute, m. doubt : sans — , no doubt. douter, v. doubt ; se — , suspect. dou-x, -ce, adj. sweet, soft ; gentle, mild; pleasant. douzaine, f. dozen. douze, m. and adj. twelve, twelfth. drame, m. drama. drap, m. cloth; pi. clothes. drapeau, m. flag. dresser, v. erect ; draw up (a report) ; prick up (the ears) ; se — , stand up. droit, -e, adj. straight, right. droit, m. right; authority; custom- duty. droit, adv. straight. droite, f . right hand, right : a — , on, to the right, drole, adj. strange, funny ; m. scoun- drel. du = de le. du, due, part, due, owed, (devoir. due, m. duke. duchesse, f. duchess. Dvina, f . Dwina, a river of Russia dur, -e, adj. hard. durant, prep, during. durent, pret. 3d pi. of devoir. durer, v. last, continue. dus, past def. of devoir. dfrt, past 6ubj. of devoir. eau, f. water. eau-de-vie, f. brandy. 18 VOCABULARY. ebahi, -e, adj. astonished. 6bat, m. gambol. e"boulement, m. falling down ; land- slip. 6branler, v. shake. e"carlate, f. and adj. scarlet. ecart (a 1'), m. apart, by one's self. ecarter, v. set aside. eccle"siastique, m. clergyman. 6chafaud, m. scaffold. echange, m. exchange. 6 changer, v. exchange. 6chapper, v. escape. echarpe, f. scarf; sling. £chec, m. chech : tenir en — , keep at bay. 6clabousser, v. bespatter. eclairer, v. light ; enlighten, instruct ; s' — , inform one's self. e"claireur, m. scout. 6clat, m. shiver ; burst (of laughter) ; tone (of the voice.) e~clatant, -e, adj. bright, brilliant, glo- rious. e"clater, v. burst, break out ; ring (of sound): — de rire, burst out laughing. ^coiile", -e, part, elapsed. e"coulement, m. flow, passage. e"couler (s'), v. pass, get away. e"couter, v. listen to, hear. £crasant, -e, adj. crushing. ^eraser, v. crush. 6crevisse, f. prawn, crawfish. Verier (s'), v. exclaim. e"crire, v. irr. write, pen. e"crit, -e, part, fated. £criteau, m. poster. e"critoire, m. inkstand. 6criture, f . writing ; scripture. e"crouler (s' ), v. break down. 6cureuil, m. squirrel. 6curie, f. stable. e"dit, m. edict. ef facer, v. rub out, erase; wash away. eff et, m. effect ; article : en — , in- deed ; pour cet — , to that end. ef f euiller, v. strip off (leaves) . effleurer, v. touch. efforcer (s'), v. struggle. effrayant, -e, adj. frightful. eff rayer, v. frighten, scare ; s' — , be frightened. effroi, m. terror. effroyable, adj. dreadful. egal,-e, adj. equal : e'est — , no mat- ter, all the same; cam' est — / never mind ! e"galement, adv. equally. 6 gar e", -e, part. lost. e"garer, v. lead astray, lose ; s' — , lose one's way. eglantier, m. eglantine. £glise, f. church. £gorger, v. butcher, slaughter. e"gorgeur, m. slaughterer. e"grener (s'), v. shell (of grain); be told (of beads). eh ! int. well ! — bien, well ! why ! ay I very well I elan, m. outburst, transport. elancer (s'), v. bound, rush, dash, spring forward ; leap. £leve, m. f. pupil ; charge, ward. elever, v. raise, raise up, bring up ; set up ; s' — , arise. elle, f. pr. she, her, it. elles, pi. they, them. £loge, m. praise. eloign^, -e, part, distant, far off: peu— , not far off. eloignement, m. distance. eloigner, v. drive away ; s* — , go away, withdraw. embarras, m. embarrassment : dans 1' — , in a scrape. embarrasser, v. embarrass: a* — , trouble one's self. embaumer, v. perfume. embellir, v. beautify. embrasser, v. embrace ; kiss. 6merveiller, v. astonish. £meute, f. riot ; mob. e"migrer, v. emigrate. emmaillotter, v. swathe. emmener, v. carry, take, lead away. Amotion, f. emotion, feeling. VOCABULARY. 19 emparer (s'), v. possess one's self, take possession, seize, take. empecher, v. prevent, hinder, put a stop to ; s' — , help, keep from. empereur, m. emperor. emphase, f. magniloquence. emplir, v. fill. emploi, m. post. employ 6, m. clerk, employe". employer, v. make use of. emporter, v. carry, take away, off; win. empress^, -e, adj. ardent, warm. empressement, m. eagerness, alac- rity. empresser (s')» v. hasten. emprunteuse, f. borrower. £mu, -e, part, moved, affected. en, prep, in, into, on, to, at, like, out of, made of, by : — haut, above ; — bas, below; de plus— plus, more and more. en, pr. of, from, by, about, on account of him, her, it, them ; thence ; some, any. encadrer, v. frame. eneaisser, v. encase, embosom. encapuchonne\ -e, part, cowled. enchainer, v. bind, chain down ; link. enchanter, v. delight. enchanteur, m. enchanter. enclore, v. irr. shut up. enclume, f . anvil. encolure, f. neck and shoulders (of a horse); withers. encombre, m. hinder ance. encombrer, v. obstruct, block, crowd. encor, see encore, encore, adv. yet, still, again ; besides, also : — une fois, once more. encourager, v. encourage. encre, f. ink. encrier, m. inkstand. endormi, -e, part, fallen asleep. endormir (s'), v. go to sleep. endroit, m. place ; respect 6nergie, f . force, energy. energiquement, adv. vigorously. enfant, m. and f. child. enfer, m. hell. enfermer, v. shut up, confine; s' — , shut one's self up. enfiler, v. draw on (as stockings). enfin, adv. finally, in short, after all ; well. enfiamm§, -e, part, ignited. enf oncer, v. break in; sink: s' — , plunge. enfuir (s'), v. ivr.flee. engager, v. advise, plight ; begin ; a'—, enlist ; begin : s'— sur, take. engloutir (s'), v. be swallowed up. engourdir, v. benumb. engraisse,-e, part, grown fat, enivrer (s'), v. get intoxicated. enjamb^e, f. stride. enjamber, v. stride over. enjoindre, v. irr. charge, direct. enlever, v. lift ; remove ; capture. ennemi, m. enemy. ennemi, -e, adj. enemy's, of the enemy. ennui, m. tediousness ; trouble. e"norme, adj. enormous, huge, very large. enrage^ m. madman. enregistrer, v. book, label. enrichir, v. enrich ; s'— , grow rich. enrou6, -e, adj. hoarse. enseigner, v. teach. ensemble, adv. together. ensemencer, v. sow. ensevelir, v. bury. ensorceler, v. bewitch. ensuite, adv. afterwards, then. entaille, f. gash. entasser, v. stack ; s' — , become jammed, blocked. entendre, v. hear, understand ; s' — , lay heads together, agree. entete", m. stubborn person. enthousiasme, m. enthusiasm. enti-er, -ere, adj. entire, whole. entierement, adv. entirely. entourer, v. enclose, surround. entrainer, v. carry away, drag away, sweep along ; draw. i entre, prep, between, among : d* — , of. 20 VOCABULARY. entre-choquer (s'), v. run into one another. entree, f. entry, entrance. entreprendre, v. irr. undertake. entreprise, f. attempt. entrer, v. enter, come in, get in. entretenir, v. irr. talk with. entretien, m. conversation. entrevoir, v. irr. have a glimpse of, foresee. entr'ouvrir, v. irr. open a little, half-open. envahir, v. overrun. envelopper, v. wrap up ; s' — , wrap one's self up. envers, prep, towards, to: a 1 — , inside out. envie, f. envy; wish; desire: avoir — de, have a mind to, desire. envieu-x, -se, adj. envious. environ, adv. about. environner, v. surround. environs, m. pi. neighborhood. envoy§, m. messenger. envoyer, v. irr. send, throw forward ; fling, let fly : — le pied, la main, kick, slap. epaissir (a'), v. become thick. e"panouir (s') } v. blossom, open ; brighten up. e"pargner, v. save, spare. epars, -e, adj. scattered. €paule, f. shoulder. 6p6e, f. sword. e"peron, m. spur. €pi, m. ear (of corn), head (of wheat). e"piderme, m. epidermis. See Eng. Diet. e"pier, v. watch, spy. e"pine, f. thorn. e"plucher, v. examine. 6poque, f. period, season. Spouse, f. wife. 6pouser, t. marry. epouvantable, adj. dreadful. epouvante, f. terror. 6poux, m. husband. e"prouver, v. feel; meet with, under- go. e"puis6, -e, part, spent, exhausted. epuiser, v. exhaust. equilibre, m. equilibrium, balance. Equipage, m. equipage, retinue; ap- paratus. ermite, m. hermit. erreur, f. error, illusion. escabeau, m. stool. escadron, m. squadron (of horse). escalader, v. climb. escalier, m. staircase. esclave, m. f. slave. escorte, f. escort. escorter, v. escort. Esope, m. /£sop, a writer of fables Espagne, f. Spain. Espagnol, m. Spaniard. espece, f. species, kind. esperance, f. hope, expectation. espSrer, v. hope. espoir, m. hope. esprit, m. mind, sense, understand- ing, wit, spirit : un homme d' — , a sensible man ; gens d' — , sensi- ble men. esquif , m. skiff. essayer, v. try, attempt. esentiel, m. essential thing. essuyer, v. wipe; dust; s* — (le front), wipe one's (forehead). estime, f. esteem, regard. estimer, v. esteem; s' — , value one's self. estomac, m. stomach. et, conj. and. stable, f. stable, cattle-house. e"tablir, v. domicile, establish ; make, build; settle ; s' — , establish one's self, fix one's residence. e'tablissement, m. construction. e"tage, m. story, floor. £tagere, f. what-not. staler (s')» v. be displayed. e"tang, m. pond, pool. 6tape, f. halting-place. e"tat, m. state ; condition, attitude ; calling, profession, trade ; pi. dominions: V — -major, staff; homme d' — , statesman. VOCABULARY. 21 6t6, m. summer. gteindre, v. irr. put out, extinguish; obliterate. e"tendre, v. spread, stretch; s' — , stretch one's self out, extend. Stendue, f. extent. Sternel, -le, adj. eternal. 6tinceler, v. flash, gleam. Stoffe, f. cloth; goods, fabrics, ma- terial. e"toile, f. star. e"tonnement, m. amazement. e"tonner, v. astonish, surprise ; s' — , be astonished. Stouffer, v. suffocate, choke, drown (a sound). e"tourdiment, adv. heedlessly. Stourdir, v. deafen. Strange, adj. strange. 6trang-er, -ere, adj. strange, unac- quainted, unconnected ; m. f. for- eigner, stranger : a V — , abroad. 6trangler, v. strangle, hill. 6tre, v. irr. be ; go. Stroit, -e, adj. narrow. Stroitement, adv. closely. eumes, eurent, pret. of avoir. eussent, eussions, imp. subj. of avoir. eut, eut, pret. and imp. subj. of avoir. eux, pr. them. eVacuer, v. evacute, abandon; send off. 6vasi-f, -ve, adj. evasive. e>eill6, -e, adj. awake. e"ve"nement, m. event. 6ventail, m. fan. e"viter, v. avoid. exact, -e, adj. punctual. exactement, adv. exactly, punctu- ally. exalter, v. extol, over-excite ; s' — , become excited. examiner, v. examine, look at. exaspe"rer, v. enrage. excellence, f. excellency. excepts, prep, except. exces, m. excess. excessi-f, -ve, adj. excessive, ex- treme. exciter, v. arouse. excuse, f. apology. excuser, v. excuse. ex£cuter, v. execute ; employ ; make. exe"cuteur, m. executioner. exemple, m. example: par—, bless me I upon my word ! exercer, v. exercise, train ; practise. exercice, m. exercise. exiger, v. exact, demand. exil, m. exile, banishment. exister, v. exist ; be. exotique, adj. foreign, exotic. expe"dier, v. despatch. experience, f. experience ; trial. experiments, -e, adj. experienced. expier, v. atone for. expirer, v. expire. explication, f. explanation. expliquer, v. explain. exposer (s'), v. expose one's self. expres, adv. expressly, purposety, on purpose. expressi-f, -ve, adj. expressive. exprimer, v. express. exquis, -e, adj. exquisite, delicious. extase, f. ecstasy, rapture. extasier (s'), v. be enraptured. extSrieur, -e, adj. outside. extr^mite", f. extremity, end. fabuleu-x, -se, adj. fabulous: ex- traordinary. facade, f. front (of a building), facade. face, f. face: en — , opposite; en — de, in front of, opposite; faire — a, face. fache", -e, adj. angry ; sorry. facher (se), v. be angry. facheu-x, -se, adj. difficult, critical. facile, adj. easy. facilement, adv. easily. facility, f. facility, ease ; opportunity. faciliter, v. facilitate. facon, f. way : sans — , without cere- mony. 22 VOCABULARY. facteur, m. (indoor) porter. factionnaire, ra. sentinel. faculty, f. faculty. faible, adj. weak, feeble, faint, dim. faiblesse, f. weakness. faiblir, v. weaken. faillir, v. irr. miss, be well nigh, come near. faim, f. hunger: avoir—, be hungry ; mourir de — , starve. fain^anter, v. loaf. faire, v. irr. make, form, cause, do; perform ; celebrate ; carry on (a trade) ; take (a ride, walk, step) ; inflict (pain) ; pay (attention, court) ; draw (a picture) ; counter- feit ; tell ; order ; look ; say : — faire, have made; — voir, show; — jour, be light; — semblant, make believe; — froid, be cold ; se — , be ; become. fait, m. fact, thing, event ; act, deed, feat; business, point: au — , in /act; tout a — , entirely, thor- oughly. fait, -e, part, formed, shaped ; fit, qualified : bien — , comely. falloir, v. irr. impers. must, be neces- sary ; need ; s'en — , be wanting. fameu-x, -se, adj. famous. familierement, adv. familiarly. famille, f . family. fanfaronnade, f. bluster. fangeu-x, -se, adj. miry. fantaisie, f. fancy, whim. fantassin, m. foot-soldier. fantome, m. spectre. farceur, m. joker. fardeau, m. burden, load. farine, f. flour. farouche, adj. fierce, unfeeling. fasciner, v. fascinate. fasse, pres. subj. of faire. fatigant, -e, adj. wearisome, tire- some. fatigue, f. hardship, weariness. fatigue^ -e, part, fatigued, jaded. fatiguer, v. tire, weary. fatuity, f. self-conceit. faute, f. fault, mistake, error; want. fauteuil, m. arm-chair. fau-x, -sse, adj. false, sham: faux pas, misstep. faux, m. falsehood ; false. f aveur, f . favor ; ribbon. favorable, adj. propitious. favori, -te, adj. favorite. favoriser, v. favor ; aid. febrile, adj. feverish. f€e, f. fairy. feindre, v. irr. pretend. felicitation, f. congratulation. f£liciter (se), v. congratulate one's self. f emme, f. woman ; wife. fenetre, f. window. [ters. fer, m. iron; point; sword; pi. fet- fer-ai, -ait, -ez, -ont, see faire. ferme, adj. firm, unshaken. fermer, v. shut, close, close up, clench. Ferney, m. a town of France, once the residence of Voltaire, f errailleur, m. fighter. ferr6, -e, part, shod, tipped with iron. fete, f. holiday, festival; festivity; feast. feu, m. fire : — d'artifice, fire- works ; faire — , fire. feu, -e, adj. late : le — roi, the late king. feuillage, m. foliage. feuille, f. leaf. fiacre, m. cab. fiancee, f. (person) betrothed. ficelle, f. string. fichu, m. neckerchief. fidele, adj. loyal, faithful. fi-er, -ere, adj. proud. fierement, adv. proudly, fievre, f. fever. Ague, f. fig. figurant, m. super. See Eng. Diet, figure, f . figure, form ; face. fil, m. thread. file, f. file, line. filer, v. spin. filet, m. snare. VOCABULARY. 23 fille, f. girl, maiden ; daughter. fils, m. son. fin, f . end, last : a la — , at last, any- how. fin, -e, adj. fine, refined ; delicate. finir, v. finish, end, put an end to, do : en — avec, get done with ; — par aller, finally go. fiole, f . phial. firent, pret. of faire. fiscalit£, f. treasury-system. fit, impf. subj. of faire. fixer, v. fix, fasten ; appoint (a day). fiacon, m. a small, glass-stoppled bottle. flairer, v. scent out. flambant, -e, adj. ablaze. flambeau, m. torch, light. flamme, f . fire. flanc, m. flank. flanquer, v. deal (a blow) ; strike. flaque, f. pool. flatter, v. flatter ; se — , flatter one's self. flatterie, f. flattery. flatteu-r, -se, adj. flattering ; m. f. flatterer. fleche, f. arrow ; spire. fleur, f. flower, blossom. fleuri, -e, part, abloom. fleurir, v. flower, bloom. fleuve, m. river. flocon, m. flake. flot, m. wave, flood. fluidity, f. fluidity. foi, f . faith, troth : ma — ! really ! mauvaise — , dishonesty. foin, m. hay. f ois, f. time : une — , once ; a la — , at once. folie, f. folly. f onction, f. office ; pi. duty. fond, m. bottom, depth ; heart ; main point ; background : sans — , bot- tomless ; au — , at heart, thor- oughly. fonder, v. found. fondre, v. dissolve ; burst (into tears); dart, charge. fonds, m. stock. fontaine, f . fountain, spring. forcat, m. convict. force, f. strength, force; pi. troops, forces : de — , by force. force, .adv. a great many. forcer, v. force. foret, f . forest. forfait, m. crime, offence. forge, f. forge, smithy. forgeron, m. blacksmith. formality, f . formality. forme, f. form. former, v. form, fashion, train ; con- stitute ; se — , form. fort, -e, adj. strong; severe; clever; resolute: le plus—, the hardest part. fort, adv. very, very much, highly ; hard. fortement, adv. strongly. forteresse, f. fortress. fortifier, v. fortify. fortune, f. fortune: faire — , make a fortune. fosse", m. ditch. fou, fol, — le, adj. mad, foolish. fou, m. madman. foudroyer, v. smite; play upon with cannon. fouet, m. whip, lash. fouiller, v. dig ; search. foule, f. crowd. four, m. oven. fourmi, f . ant. fournaise, f. furnace. fournir, v. supply ; accomplish. fourrer, v. thrust; cram; se — , thrust one's self, get in. foyer, m. hearth; pi. home. fragile, adj. frail. fraiche, see frais. fraicheur, f. coolness. frais, fraiche, adj. cool, fresh; not dry (of ink). frais, m. pi. expenses, costs : se mettre en — , incur expense. franc, m. franc, French coin worth about 20 cents. 24 VOCABULARY. franc, -he, adj. frank. francais, -e, adj. French; m. f. Frenchman, Frenchwoman. francais, m. French. franchir, v. cross; surmount. f rapper, v. strike, smite, tap, knock, rap. fraudeur, m. defrauder. f rayeur, f. terror, fear. frele, adj. frail. fremir, v. shudder, tremble. Irene, m. ash. frequent, -e, adj. frequent. frequenter, v. frequent. frere, m. brother. frimas, m. hoar-frost. frisson, m. emotion ; thrill. frissonner, v. shudder. froid, m. cold. froid, -e, adj. cold. froisser, v. gall. fromage, m. cheese: — alacreme, cream-cheese. froncer, v. knit, wrinkle (the brow). front, m. forehead, brow. frontiere, f. frontier. frottement, m. collision. frotter, v. rub. fugiti-f , -ve, adj. fugitive. f uir, v. irr. flee, fly away ; shun, avoid ; se — , avoid each other. fum£e, f. smoke; vapor. fumer, v. smoke. funebre, adj. funereal, mournful. funeste, adj. fatal. fureur, f. fury, rage : avec — , furi- ously. furie, f. fury. furieu-x, -se, adj. mad, fierce. fusil, m. gun. fussent, impf. subj. of etre. fut, fut, pret. and impf. subj. of etre. gabelou, m. collector of the salt- tax. gage, m. pledge ; pi. wages, hire. gagner, v. earn, get, win ; reach ; come to. gai, -e, adj. gay, merry. gaiement, adv. merrily, laughingly. galanterie, f. gallantry. galette, f. cake. galeux, m. mangy fellow. galop, m. gallop. galoper, v. gallop ; run on. gambader, v. gambol. gant, m. glove. gante", -e, part, gloved. garantie, f. security. garantir, v. protect. garcon, m. boy ; bachelor ; man ; fel- low. garde, f. keeping ; guard, national guard : f aire bonne — , keep good watch ; prendre — , take care. garde, m. keeper ; guard. garder, v. keep, lay up ; take care of ; cherish; guard. gardeuse, f. keeper. gare, f. railway station. garnir, v. fill, occupy. garnison, f. garrison. garrotter, v. bind, pinion. gars, m. boy. gateau, m. cake. gater, v. spoil, injure. gauche, adj. left ; f . left-hand ; left : a — , on the left. gazon, m. turf. geai, m. jay. g^ant, m. giant. g6ant, -e, adj. gigantic. gel6e, f. frost. geler, v. freeze ; se — , freeze. gemir, v. groan. gendarme, m. gendarme. gendre, m. son-in-law. gener, v. trouble, inconvenience, be in the way of, hamper ; se — , incon- venience one's self. general, m. general : en — , in gen- eral. g§n6reu-x, -se, adj. generous, noble. g§ne"rosite, f. generosity, liberality. Geneve, f. Geneva, a city in Switzer- land. VOCABULAKY. 25 genie, m. engineers ; engineer-corps. genou, m. knee. genre, m. kind ; taste; style. gens, m. f. pi. people, persons, men. gentil, -le, adj. pretty, nice. gentilhomme, m. gentleman, noble- man. gentillesse, f. gracefulness. gentiment, adv. nicely. geolier, m. jailer. germer, v. spring up. geste, m. gesture. gilet, m. waistcoat, vest. girofle'e, f. gi Hi flower. girouette, f. weather-uane. gite, m. resting-place. glace, f. ice. glac6, -e, part, frozen, icy. glacer, v. freeze. glacial, -e, adj. icy. glacon, m. cake of ice ; icicle. glapissant, -e, adj. shrill. glissant, -e, adj. slippery. ' glisser, v. slip, slide. gloire, f. glory. glorieu-x, -se, adj. glorious ; proud. glouton, -ne, adj. greedy. gorge, f. throat; gorge. gorger, v. fill. gosier, m. throat. goudronner, v. tar. gouffre, m. gulf; chasm. goupil, m. old name for a fox. gourd, -e, adj. benumbed. gourmand, m. glutton. gout, m. taste. gouter, v. taste ; enjoy. goutte, f. drop. gouttelette, f . small drop, droplet. gouvernement, m. government. gouverner, v. govern. gouverneur, m. governor ; tutor. grace, f. grace; mercy; graceful- ness; thanks. gracieu-x, -se, adj. graceful, pleas- ant, gracious, kind. grade, m. rank. grade, adj. m. ranked, having rank. grammaire, f. grammar. grand, -e, adj. great, large, high, tall, big, wide ; loud : — chemin, — e route, highway, main road. grands, m. pi. nobles. grandement, adv. greatly. grandeur, f. greatness. grandir, v. grow big. grand' mere, f. grandmother. grand' peur, f. great fear : avoir—, be in great fear. grange, f. barn. gras, -se, adj. fat. gratter, v. scratch. grave, adj. grave, serious, sober. gravement, adv. gravely. graver, v. engrave. gravir, v. climb, climb up. gr6, m. will: savoir — , be pleased, obliged, grateful. Grec, m. a Greek. grec, -que, adj. Greek. greffer, v. graft. \ grele, f. hail-storm. grele, adj. shrill. grelot, m. bell. grenade, f. pomegranate. grenadier, m. grenadier. grenouille, f. frog. grievement, adv. severely. griff e, f. claw. grillade, f. broil. grille, f. iron-grating, grille. griller, v. broil ; roast. grimace, f. grimace: faire une — , make a face. grimper, v. climb. grippe, f. whim : prendre quel- qu'un en — , take a dislike to any one. gris, -e, adj. gray. grogner, v. growl. grondement, m. roaring. gronder, v. roar. gros, -se, adj. large, big, stout; rough (voice), gros, m. bulk ; main body. grossi-er, -ere, adj. coarse. grossir, v. grow big. grotte, f. grotto. 26 VOCABULARY. groupe, m. group, cluster, band, bevy. gu6, m. ford. guere, gueres, adv. but little; hardly: ne . . . guere que, scarcely. gu^ridon, m. round table. guerison, f. healing, cure. guerre, f. war. guerrier, m. warrior. gueule, f. mouth. gueux, m. beggar ; rascal. guichet, m. ticket-window. guider, v. guide, conduct. Guillaume, m. William. guillotine, f. guillotine. See Eng. Diet. Guin6e, f. Guinea, a coast country of Western Africa. Gumbinnen, m. town in Prussia. Aspirated h is marked ('). 'ha, int. ha I habilet6, f. cleverness. habillement, m. clothing. habiller, v. dress, clothe ; s' — , dress one's self. habit, m. garment, apparel, coat ; pi. clothes : — a queue, long-tailed coat. habitant, m. inhabitant. habitation, f. residence, dwelling. habiter, v. live in, dwell in. habitude, f. habit, practice. habitue^, -e, part, used, accustomed ; m. f. customer. habituellement, adv. usually. 'hache, f. axe. 'haie, f . hedge ; line. 'haillon, m. rag. •haine, f. hate, hatred. haleine, f. breath. 'halte, f. halt. 'hameau, m. hamlet. 'harangue, f. speech, 'hardes, f. pi. clothes. •hardi, -e, adj. bold. harmonieusement, adv., harmoni- ously. 'haro, m. hue and cry i crier — , set up a hue and cry. 'hasard, m. chance : au — , at ran- dom ; par — , by chance. 'hasarder (se), v. venture. hate, f. haste : avoir — , be in haste. hater (se), v. make haste. 'hausser, v. raise: — les e"paules, shrug the shoulders. ♦haut, -e, adj. high, tall; noble (in rank). * haut, m. top, upper part : en — , above. 'haut, adv. high; loudly: tout — , aloud. 'hautement, adv. aloud; boldly. 'hautesse, f. highness. 'hauteur, f . height ; haughtiness. •h6, int. ho! hat hey I I say I hein, int. hey ! what I helas, int. alas I Helve" tie, f. Helvetia, a name for Switzerland. ♦Henri, m. Henry. herbe, f. herb, grass. Hercule, m. Hercules. 'he'risse', -e, adj. bristling. he"ro'ique, adj. heroic. h^ro'isme, m. heroism. 'he"ros, m. hero. h^siter, v. hesitate. 'hetre, m. beech-tree. heure, f. hour; o'clock; time: de bonne — , early ; tout a 1' — , by and by, just now ; a la bonne — , well and good ; sur 1' — , imme- diately. heureusement, adv. happily, luckily, fortunately. heureu-x, -se, adj. happy ; success- ful. 'heurter, v. jostle, strike : se — , run against, come into collision. 'hibou, m. owl. 'hideu-x, -se, adj. hideous. hier, adv. yesterday. hirondelle, f. swallow. 'hisser (se), v. get up, mount. histoire, f. history, tale, story; pL fuss. histrion, m. actor. VOCABULARY. 27 hiver, m. winter. 'hold,, int. holloa! ho there! 'hollandais, -e, adj. Dutch; m. f. Dutchman, Dutchwoman. Homere, m. Homer, Greek poet. hommage, m. homage : rendre — , do homage. homme, m. man. honndte, adj. honest ; decorous; rea- sonable ; worthy. honnetement, adv. decently, prop- erly. honngtete", f. integrity. honneur, m. honor. honorable, adj. honorable; respect- able. honorer, v. honor. 'honte, f. shame : avoir — , be ashamed. 'honteu-x, -se, adj. ashamed. hopital, m. hospital. horizontalement, adv. horizontally. horreur, f. horror. horrible, adj. horrible, hideous, aw- ful. •hors, prep, out ; except. hospitality, f. hospitality. h6te, m. host ; inhabitant. hdtel, m. hotel: — de ville, town- hall. 'houlette, f. crook. •hue'e, f. hooting, hoot. huile, f. oil. •huit, m. and adj. eight, eighth. •huitieme, adj. eighth. humanity, f. humanity ; mankind. humble, adj. humble, lowly. •humer, v. inhale. humeur, f . disposition ; ill-humon humilier, v. humiliate. •hurlement, m. yell. 'hurler, v. howl, yell. ici, adv. here; now: par — , this way ; — bas, here below. ide"e, f. idea, fancy, thought. idolatre, adj. idolatrous. ignoble, adj. vile. ignorer, v. not to know. il, pr. m. he, it, there; pi. ils, they. il y a, there are; il y avait, there were. ile, f. island. illumine", -e, adj. illuminated. ilot, in. islet. image, f. image, picture. imaginer (s')> v. imagine, think. imbecile, adj. silly ; m. f. idiot. imiter, v. imitate. immediat, -e, adj. immediate. immense, adj. immense, broad, bound- less, great, uast. immensity, f. immensity. imminent, -e, adj. imminent. immobile, adj. motionless. immobility, motionlessness. immoder£, -e, adj. immoderate. immortality, f. immortality. immuable, adj. unchangeable. impassible, adj. impassive. impatient, -e, adj. eager. impatiente", -e, part, out of pa- tience. impatienter (s'), v. grow impatient ; become vexed. impe"ratrice, f. empress. imperial, -e, adj. imperial. impetuosity, f. impetuosity, dash. implorer, v. implore. important, -e, adj. important. important, m. consequential man: f aire 1' — , play the man of im- portance. importer, v. impers. matter : n'im- porte, no matter ; qu' importe ? what does it matter ? imposant, -e, adj. stately. imposer, v. impose ; s' — , obtrude. impossibility, f. impossibility. impossible, adj. impossible. impot, m. tax. impraticable, adj. impracticable. impresario, m. manager. impressionner, v. move. imprevu, -e, adj. unexpected. imprimer, v. print. impromptu, m. impromptu. imprudemment, adv. indiscreetly. 28 VOCABULARY. impuissant, -e, adj. powerless. impun^ment, adv. with impunity. impunity, f. impunity. inacceptable, adj. unacceptable. inaccessible, adj. inaccessible. inapercu, -e, adj. unnoticed. incapable, adj. incapable, unable. incendiaire, m. incendiary. incendie, m. fire, burning, arson. incendier, v. set fire to. incertain, -e, adj. unsteady. incident, m. occurrence, affair. incliner (s'), v. bow, yield. incommodite, f. discomfort inconnu, -e, adj. unknown. inconstant, -e, adj. fickle. inconvenient, m. inconvenience. incr^dule, adj. incredulous. inculte, adj. waste. independance, f. independence. independant, -e, adj. independent. Indes, f. pi. Indies. indice, m. indication, sign. indigne, adj. unworthy. indiquer, v. point out to ; inform of. indiscr-et, -ete, adj. indiscreet. indiscretion, f. inconsiderateness. individu, m. individual. indulgence, f. leniency. industrie, f. skill} business. ineffable, adj. inexpressible. inepuisable, adj. inexhaustible. inexorable, adj. inexorable, inflexi- ble. infaillible, adj. sure. infame, adj. infamous, base. infamie, f. infamy ; baseness. infanterie, f. infantry. inferieur, -e, adj. lower, rear. inferieur, m. inferior. infiniment, adv. exceedingly, vastly. infirme, adj. feeble. infirm it§, f. infirmity. infliger, v. inflict. influencer, v. influence. informe, adj. shapeless. informer, v. inform ; s* — , inquire, make inquiries. > infortune, f. misfortune. infranchissable, adj. insuperable. ing^nieusement, adv. ingeniously. ing6nieu-x, -se, adj. ingenious. ingrat, -e, adj. ungrateful ; m. f. un- grateful person. ingratitude, f. ingratitude, piece of ingratitude. injure, f. insult; pi. abuse, abusive language : dire les — s a quel- qu'un, call any one names. injuste, adj. unjust. innocent, -e, adj. innocent ; simple. innombrable, adj. innumerable. inonder, v. inundate, deluge. inou'i, -e, adj. unheard of, extraordi- nary. inqualifiable, adj. unqualifiable, ex- traordinary. inquiet, -ete, adj. anxious, restless. inqui^ter (s'), v. be anxious, uneasy ; trouble one's self. inquietude, f. anxiety. insense, -e, adj. desperate. insense, m. madman. insister, v. persist. insolemment, adv. insolently. inspirer, v. suggest. installer, v. instal ; s' — , place one's self. instant, m. moment : a 1' — , immedi- ately. instar, adv. like : a 1' — de, like. instruire, v. irr. teach, inform. insulter, v. insult. insulteur, m. reviler, insulter. insupportable, adj. insufferable. integrity, f. integrity. intelligent, -e, adj. intelligent. intempe"rie, f. inclemency, severity. intensite", f. intensity. intention, f . intention : avoir 1' — de, intend to. interdire, v. irr. prohibit. interesser (s'), v. be interested. inte"r§t, m. interest. interieur, -e, adj. inner. interieur, m. interior, inside. interlocuteur, m. speaker* interroger, v. ask. VOCABULARY. 29 interrompre, v. irr. interrupt ; s' — , break off. intime, adj. intimate. intimement, adv. intimately. intimider, v. intimidate. intolerable, adj. intolerable. introduire (s'), get in. inutile, adj. useless, unnecessary. inventer, v. invent. inventeur, m. inventor. inviter, v. invite. invoquer, v. invoke. irai, irais, fut. and cond. of aller. ironiquement, adv. ironically. irr^conciliable, adj. irreconcilable. irre"guli-er, -ere, adj. irregular. irriter, v. anger ; s' — , be exasper- ated. isole", -e, adj. isolated. Italie, f. Italy. . Italien, m. Italian. itin6raire, in. route. ivraie, f. tare. ivresse, f. intoxication ; transport. Jacobin, m. Jacobin, a radical of the French Revolution, jadis, adv. formerly. jaillir, v. gush, gush out, spurt out. jalonner, v. stake out, mark. jalou-x, -se, adj. jealous, anxious. jamais, adv. never, ever. jambe, f . leg : a toutes — s, at full speed. Janvier, m. January. jardin, m. garden. jardinage, m. gardening. jardinier, m. gardener. jarre, f. jar. jasmin, m. jasmine. jaune, adj. yellow. jaunir, v. make yellow. je, pr. /. Jean, m. John. jeter, v. throw, cast, fling, send forth ; se — , cast one's self, fall on. jeu, m. play : — de mots, pun. jeune, adj. young. jeune, m. fasting. jeunesse, f. youth. joie, f. joy t faire la — de quelqu' un, be any one's joy. joindre, v. irr. join ; se — , join. joli, -e, adj. pretty, pleasing, fine, nice. jonc, m. rush. joue, f . cheek. jouer, v. play. jouir, v. enjoy, possess. joujou, m. toy. jour, m. day : tous les— s, every day ; donner le — , give birth ; faire — , be light. journal, ra. newspaper. journ^e, f. day ; day's wages. joyau, m. jewel. joyeu-x, -se, adj. joyful. juge, m. judge. jugement, m. judgment. juger, v. judge, try ; think. juin, m. June. jument, f. mare. jupon, m. petticoat, skirt. jurer, v. swear. jury. m. jury. jusque, prep, even; till: jusqu' a, to ; jusqu' ace que, conj. until. juste, adj. just, right, true, exact; adv. just, exactly. justement, adv. justly, precisely. justesse, f . justness, accuracy. justice, f. justice. justifier, v. justify. Kalouga, m. Kaluga, a Russian town. kiak, exclamation of derision. Kokanow, m. Kokanoff, a Russian town. Koutousoff , m. Kutusoff, a Russian general. Krasnoe, m. Krasnoi, a Russian vil- lage. Kremlin, m. Kremlin, palace of the Czars at Moscow. 1' article and pr. le or la. la, article f. the ; pr. f. her, it. la, int. now then ! there ! there now 1 30 VOCABULARY. la, adv. there: la-bas, down there; la-haut, up there; la-dedans, in them, it; par-la, there, that way. laborieu-x, -se, adj. industrious ; hard. labourer, v. till. labyrinthe, m. labyrinth, maze. lac, m. lake. lache, adj. cowardly. lacher, v. let go. laid, -e, adj. plain, homely. laine, f. wool. la'ique, m. layman. laisser, v. leave, lose ; permit, let, al- low i se — , allow one's self. lait, m. milk. laiterie, f. dairy. lambeau, m. rag, shred, scrap, bit. lancer, v. send, hurl. langue, f. tongue; language: tirer la — , put out the tongue. languissant, -e, adj. languid, weary. lapereau, m. young rabbit. lapin, m. rabbit. large, adj. broad, large. largement, adv. amply, fully. largeur, f. breadth. larme, f. tear. larron, m. thief. las, -se, adj. tired. laurier, m. laurel. Lausanne, f. a city in Switzerland, laver, v. wash, bathe : je m'en lave les mains, / wash my hands of it. lavoir, m. wash-house, laundry. le, m. la, f. les, m. f. pi., article the ; pr. him, her, it, them ; so. lecher, v. lick. lecon, f. lesson. lecture, f. reading. ledit, m. ladite, f. adj. the said. le"g-er, -ere, adj. light; active; frivolous, slight. lggerement, adv. lightly. Iegeret6, f. lightness, swiftness, nimbleness. legitime, adj.ywst. lendemain, m. next day, morrow. lent, -e, adj. slow. lentement, adv. slowly. lenteur, f. slowness, delay. lequel, m. laquelle, f. lesquels, m. pi. lesquelles, f. pi. pr. which, what. lese-majeste", f. high-treason. lessive, f. wash, washing. lettre, f. letter. leur, pr. to them, them. Iev6, -e, part, up, risen. lever, v. lift, raise up; collect; se — , rise, get up. libellule, f . dragon-fly. liberty, f. liberty, freedom. libre, adj. free, unrestrained. lien, m. tie. lier, v. bind, tie, connect. lieu, m. place : donner — a, cause to ; avoir — , take place, happen ; au — de, instead of. lieue, f. league. lievre, m. hare. ligne, f. line : regiment de — , regi- ment of the line. linge, m. linen. linon, m. lawn (cloth). lire, v. irr. read. lisiere, f. border, verge, edge. lit, m. bed: descente de — , rug, mat. litiere, f. litter. livre, m. book. livre, f. = franc, livrer, v. fight. locality, f. locality. logis, m. house. loi, f. law. loin, adv. far. far off: de — , from afar, at a distance ; au — , at a distance. lointain, m. distance. loisir, m. leisure. Lombard, m. Lombard, a native of Lombardy in Northern Italy, long, -ue, adj. long. long, m. length. longtemps, adv. long, a long while. lorgnette, f. opera-glass. VOCABULARY. 31 lors, adv. then : dbs — , from that time. lorsque, conj. when. louable, adj. praiseworthy. louange, f. praise. louis d'or, m. a French coin of the value of 24 francs. loup, m. wolf. lourd, -e, adj. heavy. loyal, -e, adj. honorable, fair. loyalement, adv. loyally, fairly. lucarne, f. skylight. lueur, f. light. lui, pr. he ; him, to him ; her, to her ; it, to it. lui-meme, pr. himself, itself. luire, v. irr. shine. lumiere, f . light ; knowledge. lumineu-x, -se, adj. brilliant. lune, f. moon. lupin, ra. lupine. See Eng. Diet. lutin, m. hobgoblin, elf. lutte, f. contest, strife. hitter, v. struggle. Lyon, m. Lyons, next tp Paris the largest city of France. ma, see mon. machinalement, adv. mechanically. macon, m. mason. madame, f. madam, my lady. mademoiselle, f . Miss. magasin, m. warehouse, storehouse. mages, m. pi. magi, wise men of the East. magicien, m. magician. magistrat, m. magistrate. Maglan, m. a village 1£ miles from Cluses. magniflque, adj. magnificent, splen- did. mai, m. May. maigre, m. lean: faire— , abstain from meat. main, f . hand : a pleines — s, in handfuis. maint, -e, adj. many a. maintenant, adv. now. maintenir, v. irr. keep ; se — , main- tain one's self, hold out. maintinmes, pret. 1st pi. of main- tenir. mairie, f. town-hall. mais, conj. but ; why: — non, why no. maison, f . house, household, family ; firm. maitre, m. master; teacher; Mr.: — de piano, music-teacher ; coup de — , master-stroke. majesty, f. majesty. majestueusement, adv. majesti- cally. majestyieu-x, -se, adj. majestic. major, m. major : 6tat — , staff. majority, f. majority. mal, m. evil, ill ; harm, pain, sickness, disease. mal, adv. badly, badly off. malade, adj. sick, ill; m. f. sick per- son. maladie, f. illness. maladresse, f. awkwardness. maladroit, -e, adj. awkward. malaise^ -e, adj. hard, difficult. malediction, f. curse. maigre, prep, in spite of. malheur, m. misfortune, disaster, woe : par — , unhappily. malheureusement, adv. unfortu- nately. malheureu-x, -se, adj. unfortunate, unhappy, miserable, poor. malheureux, m. poor wretch, poor fellow. mali-n, -gne, adj. shrewd, cunning; m. f. sly person. malle, f. trunk. Malmaison, f. Castle and estate 9 miles from Paris. malpropre, adj . dirty. maman, f. mamma. manant, m. boor. mandoline, f. mandolin. mange-poules, m. chicken-eater. manger, v. eat. manger, m. food. maniere, f . manner, way, air : de —ft, so as to. manifester, v. make known. 32 VOCABULARY. manoeuvre, f. manoeuvre; m. work- man. manquer, v. miss, fail, be lacking, be in want of, lack; have like; mis- carry. manteau, m. cloak, mantle. marais, m. marsh. marbre, m. marble. marchand, m. merchant. marchande, f. dealer. marche, f . walk ; march ; step ; course : se mettre en — , set out. marchepied, m. foot-board ; step. marcher, v. walk, step, go, march, move forward. mardi-gras, m. Shrove Tuesday. mar^cage, m. marsh. mare"cageu-x, -se, adj. swampy. margchal, m. marshal. marguillier, m. churchwarden. mari, m. husband. mariage, rn. marriage. marier, v. marry ; se — , marry. marmite, f. pot, kettle. marmot, m. boy; pi. children. marque, f. badge, sign. marquer, v. mark, trace, "work "(a motto, etc.). marron, m. chestnut. marteau, m. hammer. Marthe, f. Martha. martial, -e, adj. martial,. soldierly. Martigny, m. a Swiss town in the canton of Valais. martyre, m. martyrdom. masquer (se), v. mask one's self. massacrer, v. massacre, slaughter. masse, f. mass, body. massif, m. solid mass. massue, f. club. masure, f. hovel. matiere, f. matter. matin, m. morning. matin, m. cur. matoisement, adv. slyly, cunningly. maudire, v. irr. curse. mauvais, -e, adj. bad, evil, uncom- fortable, infected, dangerous, wretched. mauve, f. sea-gull. maxime, f. maxim. me"canique, f. mechanism. m£chant, -e, adj. bad, worthless, malicious ; dangerous ; m. f. wicked person. me"connaitre, v. irr. ignore, slight. Mecque, f. Mecca, city of Arabia and birthplace of Mohammed. m^diocrement, adv. moderately. m6dire (de), v. irr. speak ill of. m^diter, v. meditate. m6e, a word made to represent the bleat (ba-a) of a sheep. megarde, f . inadvertence : par — , carelessly. meilleur, -e, adj. better, best : le — , the best. melancolie, f. melancholy. melancolique, adj. melancholy. melange, m. mixture : bonheur sans — , unalloyed happiness. mel£e, f. conflict. meler, v. mingle ; se — , meddle. meleze, m. larch-tree. membre, m. limb. meme, adj. same; self; very. meme, adv. even, very : a — de, able to; mettre a—, enable; de— , the same, also ; tout de — , all the same. meme, m. same. me"moire, f. memory. menacer, v. threaten. manage, m. housekeeping ; household, family : entrer en — , begin house- keeping. manager, v. manage carefully; treat with respect. mener, v. lead, bring, take. mentir, v. irr. lie, fib. menton, m. chin. mentor, m. mentor, tutor. menuisier, m. carpenter. m^prendre, v. irr. be mistaken. mdpris, m. contempt: au — de, re- gardless of. mer, f. sea. merci, m. thanks. VOCABULARY. 33 merci, adv. No, thank you. mere, f. mother. me'rite, m. merit. m^riter, v. deserve. me"ritoire, adj. meritorious. merveille, f. wonder : a — , wonder- fully well. merveilleu-x, -se, adj. wonderful. mes, see mon. me"saventure, f. mishap. mesdames, f. pi. ladies. mesqviin, -e, adj. paltry. messe, f . mass (church). Messie, m. Messiah. messieurs, m. pi. gentlemen, sirs. messire, m. sir, Mr. mesure, f. measure; time. m^taphore, f. metaphor. metier, m. trade, business; job. mets, m. dish, food. mettre, v. irr. put, put on, lay, set; charge, throw ; se — , put, station one's self, begin, sit down; set out. meuble, m. furniture. meule, f. stack. meure, meurs, see mourir. meurtri-er, -ere, adj. murderous; m. f. murderer. meurtrir, v. bruise. mi-clos, -e, adj. half-shut midi, m. noon, noonday, twelve o'clock. mien, -ne, adj. mine: le — , mine. mieux, adv. and adj. better : a qui , emulously ; le — , the most, best. mieux, m. best. mignon, -ne, adj. tiny. mignon, m. favorite. milieu, m. middle, midst : du beau — , from the very midst ; au beau — , in the very middle. militaire, adj. military ; m. soldier. mille, adj. and m. thousand. millet, m. millet grass. millier, m. thousand. million, m. million. mince, adj. puny. mine, f. aspect, appearance. ministre, m. minister. minuit, m. midnight. minuscule, adj. minute, tiny. minute, f. minute. miracle, m. prodigy. mirent, pret. 3d pi. of mettre. miroir, m. mirror. mis, mises, part, of mettre. miserable, adj. miserable, worthless. poor; m. wretch. misere, f. misery, distress; trouble; trifle. mise"ricorde, f. mercy. mission, f. mission, duty. mit, pret. 3d sing, mettre. mitraille, f. grapeshot. mi-voix (a), in low voice. mobile, adj. changeable. mode, f. and m. fashion, method. modele, m. model. mod^rer, v. restrain. moderne, adj. modern. modeste, adj. modest. modestement, adv. modestly. modestie, f. modesty. mceurs, f. pi. morals. moi, pr. I, me, to me : moi-meme, myself. moindre, adj. less, least. moine, m. monk. moins, adv. less : au — , du — , at least ; a —que, conj. unless. mois, m. month. moisson, f. harvest. moiti6, f. half: a — , half-way. mollement, adv. softly. moment, m. moment, time : par — s, from time to time. momentan^ment, adv. for the mo- ment. mon, m. ma, f. mes, m. f.pl. poss. adj. my. monarque, m. monarch. monde, m. world ; people: tout le — , everybody. monsieur, m. sir, this gentleman. monstre, m. monster. monstrueu-x, -se, adj. monstrous. mont, in. mount, mountain. 34 VOCABULARY. montagne, f. mountain. montant, m. amount. Mont Blanc, m. highest mountain of the Alps. mont6e, f. ascent. monter, v. come up, ascend, mount, rise ; ride : — a cheval, ride on horseback; se — la tete, become excited. monticule, m. hillock. montre, f. watch. montrer, v. show, point to; se — , prove one's self. monture, f . animal for riding. moquer (se), v. make fun of, scoff at : je m'en moque, / don't care for it. moral, -e, adj. moral. moral, m. spirits, morale (of troops). morale, f. ethics. morality, f. morality. morceau, m. bit, piece, morsel. mordre, v. irr. bite. mors, m. bit (of a bridle). mort, f. death. mort, -e, part, dead ; m. f. dead per- son. mortel, -le, adj. mortal, fatal. morve, f. glanders. Moscou, m. Moscow. Moskova, f. Moskwa, a river of Russia. mot, m. word. motif, m. reason. mouche, t.fly. mouchoir (de poche), m. (pocket) handkerchief. mouiller, v. wet ; se — , get wet. mouler, v. mould. moulin, m. mill : — a vent, wind- mill ; — a eau, (water-) mill. mourant, m. dying person. mourir, v. irr. die. moururent, pret. 3d pi. of mourir. mousqueterie, f. fire (of musketry). mousse, f. moss; lather. mousseline, f. muslin. mousseu -x, -se, adj. mossy ; rose mousseuse, moss-rose. moustaches, f. pi. mustache. mouton, m. sheep. mouvant, -e, adj. moving, animated. mouvement, m. movement, motion ; emotion, feeling. mouvoir, v. irr. move. moyen, m. means, way. muet, -te, adj. dumb, mute. mule, f. mule. munir, v. provide, arm. mur, m. wall. murir, v. ripen ; ponder. murmure, m. murmur ; muttering. murmurer, v. murmur, grumble. mus^e, m. museum. musique, /. music. Musulman, m. Mussulman. mutuellement, adv. mutually. mystere, m. mystery. myste"rieu-x, -se, adj. mysterious. mythologie, f . mythology. n' =ne. nacelle, f. wherry. nage, f . profuse perspiration. naguere, adv. lately, but now. naissance, f . birth ; descent. naissant, -e, adj. early. naitre, v. irr. be born ; spring up. naivement, adv. artlessly. naivete, f. artlessnzss. Napolitain, m. Neapolitan. Narcisse, m. Narcissus. narghile, m. narghile, Turkish pipe. natal, -e, adj. native. national, -e, adj. national. nationality, f. nationality. natte, f. mat ; plait. naturel, m. native. navire, m. vessel. navre", -e, part, distressed. ne, adv. not ; ne . . . que, only. ne", -e part. born. See naitre. neanmoins, adv. nevertheless. ne"ant, m. nothingness. ne"cessaire, adj. necessary. ne"cessairement, adv. necessarily. ne"cessit£, f. necessity. ne"faste, adj. unlucky. VOCABULARY. 35 nggliger, v. neglect. n6goce, m. traffic. n^gresse, f. negress. neige, f. snow. neiger, v. impers. snow. neigeu-x, -se, adj. snowy. nervure, f. (raised) veins (architec- ture). net, adv. plainly. neuf , m. and adj. nine, ninth. neu-f , -ve, adj. new. neuvi&me, adj. ninth. nez, m. nose : rire au — de quel- qu'un, laugh in any one's face. ni, conj. neither, nor : — moi non plus, nor I either. nid, m. nest. noble, adj. noble, great. noblement, adv. like a noble. noblesse, f. nobility, nobleness, dig- nity. noce, f. wedding. nocturne, adj. nightly. Noel, m. Christmas. nceud, m. knot noir, -e, adj. black. noise, f. quarrel. nom, m. name. nombre, m. number. nombreu-x, -se, adj. numerous, large number. nommer, v. name, call, appoint. non, adv. no, not : — plus, either. nonchalant, -e, adj. listless. nonobstant, prep, notwithstanding. Normandie, f. Normandy, an old province of France bordering on the English Channel. nos, adj. pi. our. See notre. notable, adj. prominent. notaire, m. notary. note, f. remark ; account. notori^t^, f. celebrity, distinction. notre, sing., nos, pi. adj. our. notre, poss. pr. m. f. ours. Notre-Dame, f . name of the cathe- dral in Paris. nourrir, v. feed, support ; se — , live upon. nourriture, f. food. nous, pr. we, us, to us ; each other. nouveau, nouvel, m. nouvelle, f. adj. new, fresh. nouveau, m. new : de — , again. nouvelle, f. news. nouvellement, adv. newly. novembre, m. November. noyer (se), v. be drowned. nu, -e, adj. bare. nuance, f. tint. nue"e, f. cloud, host. nuire, v. irr. harm. nuit, f. night. nuitamment, adv. by night. nullement, adv. not at all. num^ro, m. number. o, int. Of obe"ir, v. obey. obe'issant, -e, adj. obedient objet, m. object, aim. obligation, f. obligation: avoir d' — , be under obligations. oblige^ , m. debtor. obligeant, -e, adj. obliging. obliger, v. oblige, compel ; gratify. obliquement, adv. obliquely, askant. obscurcir (s') } v. grow dark. obscurite", f. darkness; seclusion. observer, v. watch : faire — , call attention to ; s' — , watch each other. obstacle, m. obstacle, hindrance. obstruer, v. obstruct, block up. obtenir, v. irr. obtain, procure. occasion, f. opportunity. occup£, -e, adj. busy, engaged. occuper, v. occupy, busy; s' — , oc- cupy one's self, attend to. octobre, m. October. octogone, adj. octagonal. odeur, f. scent, fragrancy. odieu-x, -se, adj. hateful. odorant, -e, adj. fragrant ceil (pi. yeux) , m. eye : un coup d' — , a glance. ceillet, m. pink. ceuf , m. egg. 36 VOCABULARY. ceuvre, f . work. offense, f. offence. offenser, v. give offence, injure. offensi-f, -ve, adj. offensive. officier, m. officer. off rir, v. irr. offer, afford ; s' — , offer one's self. ogival, -e, adj. pointed (architec- ture). oh, int. 0! ho! ohe, int. Ah ! Oise, f. a tributary of the Seine. oiseau, m. bird. oiseleur, m. bird-catcher. Olivier, m. olive. ombrageu-x, -se, adj. skittish. ombre, f. shade, shadow. ombrelle, f. parasol. omelette, f. omelet. on, pr. m. f. one, they, we, you, peo- ble, men, somebody. onde, f. wave ; water. ondulation, f. undulation. op^rer, v. work. opportun, -e, adj. opportune. oppose^ -e, adj. opposite. opposer, v. oppose; a* — , not to allow. or, m. gold. or, conj. now. orage, m. storm. orageu-x, -se, adj. stormy. oranger, m. orange-tree. ordinaire, adj. ordinary, common, usual : a P — , as usual. ordinairement, adv. usually. ordonnance, f. orderly (military). ordonner, v. order, command, pre- scribe. ordre, m. order. oreille, f. ear ; dites-le-moi a 1» — , whisper it to me. organisation, f. organization. organiser, v. organize. orgueil, m. pride, arrogance. origine, f. beginning. orner, v. adorn, deck. Orscha, m. Orcha, a Russian town. orthographe, f. spelling. os, m. bone. oser, v. dare. ostensiblement, adv. ostensibly. oter, v. take away, remove, take off. ou, conj. or: OU . . . OU, either . . . or. ou, adv. where, whither; in which, when : d' — , whence. ouais, int. dear me I ouate, f. wadding ; flakes ; down. oublier, v. forget. oui, adv. yes. ouie, f. hearing. ou'ir, v. hear. Oukoloda, m.Ukoloda, Russian town, ouragan, m. hurricane. ours, m. bear. [vest. out, m. old word for moisson, har- outil, m. tool. outrage, m. gross insult. outrageant, -e, adj. outrageous. outre, prep, beyond, besides : d' — en — , clean through, through and through ; en — , besides, further. ouvert, -e, part. open. ouvrage, m. work. ouvrier, m. workman. ouvrir, v. irr. open ; s' — , disclose one's self. pacha, m. pasha. pachaliek, m. pashalic, province gov- erned by a pasha. paille, f. straw. pain, m. bread, loaf : — bis, brown bread. paire, f. pair. pais, imperative of paitre. paitre, v. irr. graze, feed. paix, f. peace. palais, m. palace; court of justice. pale, adj. pale. paleur, f. paleness. palir, v. turn pale. paltoquet, m. good-for-nothing fel- low, rascal. pamoison, f . swoon : tomber en — , faint away. panama, m. panama (hat). VOCABULARY. 37 panier, m. basket, pannier. panser, v. dress (wounds). Pantin, m. a north-eastern suburb of Paris. paon, m. peacock. papa, m. papa, daddy. pape, m. Pope. papier, m. paper. papillon, m. butterfly. paquebot, m. packet-boat. paquerette, f. daisy. paquet, m. bundle: faire son — , pack up. par, prep, by, through ; from, in, for : — la, that way, over there ; — dessus, beyond ; — devant, be- fore, [of. par (de), on the part of, in the name para, m. Turkish coin, about a cent. paradis, m. paradise. paradoxe, m. paradox. paraitre, v. irr. appear, seem. paralyser, v. paralyze, destroy. parapluie, m. umbrella. parbleu, int. zounds J pare, m. park. parce que, conj. because. parcourir, v. irr. travel over, run over, patrol, traverse. pardi, int. truly I indeed I pardon, m. pardon ; excuse me. pardonnable, adj. pardonable. pardonner, v. pardon, forgive. pareil, -le, adj. like ; such. pareil, m. equal. parent, m.relative ; pi. parents. parer (se), v. deck one's self. parfait, -e, adj. perfect. parfaitement, adv. perfectly. parfum, m. perfume, fragrance. parfumer, v. perfume, scent. pari, ra. bet. parier, v. bet. parieur, m. a better. parlement, m. parliament. parier, v. speak, talk. parmi, prep, among, amidst. paroi, f. wall ; side. paroissien, m. parishioner. parole, f. word. parsemer, v. strew. part, f. share; side: de la — de, from; de — en — , through and through; a — , aside; quelque — , somewhere. partager, v. share. partant, adv. therefore. parterre, m. flower-garden, parterre. parti, m. side ; course, decision : prendre un — , make a decision. participer, v. take part. particuli-er,-ere, adj. private. particulier, m. private person : en — , in particular, in private. partieulierement, adv. especially. partie, f. part : faire — , take part. partir, v. irr. set out, start, go, go away, leave, depart, be off ; come : faire — , send off; a — de, from. partout, adv. everywhere: — OU, wherever. parure, f. attire, dress. parvenir, v. irr. arrive, reach, suc- ceed. parvint, parvinmes, pret. of par- venir. pas, m. step, pace : — a — , step by step; a grands — , with long strides ; un faux — , a misstep- pas, adv. no, not. passage, m. passage; road ; cross- ing ; way out. passer, v. pass, pass on, cross, go ; put on i spend (time) : — a, pass by; se — , pass; happen, take place. passerelle, f . foot-bridge. passion, f. passion ; love. pastille (de chocolat), t. (chocolate) cake. patenotre, f. Lord's Prayer. paterne, adj. fatherly. patience, f. patience : prendre — , be patient. patient, -e, adj. patient. patient, m. culprit. patre, m. shepherd. patriarche, m. patriarch. 38 VOCABULARY. patrie, f . (native) country. patron, m. master. patrouille, f . patrol. patte, f. paw. paturage, ni. pasture. pauvre, adj. poor. pav6, m. paving-stone ; pi. pavement. pavilion, m. pavilion, summer-house. payer, v. pay, pay for. pays, m. country. paysan, m. peasant. peau, f. shin. peccadille, f. peccadillo. p6ch6, m. sin. pecheur, m. fisher. pecore, f. blockhead. peine, f. punishment, penalty, pain ; affliction, trouble ; pains : grande — , great difficulty ; celane vaut pas la — , it is not worth while ; a — , hardly, with difficulty; a grand'peine, with much diffi- culty. pele", m. bald fellow, bald-pate. pele-mele, adv. pell-mell, jumbled, mingled together. pelisse, f. pelisse, robe. pelouse, f. lawn. penaud, -e, adj. abashed, sheepish, crestfallen. pench6, -e, part, leaning. pencher, v. lean, bend ; se — , bend, bend over, forward. pendable, adj. abominable: un cas — , a hanging matter ; un tour — , an abominable trick. pendant, prep, during: — que, conj. while. pendant, m. counterpart. pendre, v. hang. pene"trer, v. penetrate, enter, get in, within ; pervade, fill. p^nible, adj. laborious, harassing, vexatious. « pe"niblement, adv. painfully, labo- riously. pens^e, f. thought, idea. penser, v. think. pensi-f, -ve, adj. thoughtful. pensionnat, m. boarding-school. pente, f . slope. percant, -e, adj. shrill. perce, -e, part, pierced, full of holes. percer, v. pierce. perche, f. pole. perdre, v. lose ; waste, ruin ; se — , be lost, lose one's self, each other ; ruin one's self. pere, m. father : nos — s, our fore- fathers. perfectionnement, m. perfecting. perfectionner (se), v. perfect one's self, improve. perfide, adj. treacherous. p6ril, m. peril, danger. p^ripetie, f. event. p§rir, v. perish, die. perle, f. pearl. permettre, v. irr. permit, allow; enable. perron, m. steps, flight of steps. perse"cuteur, m. persecutor. persiflage, m. banter. persister, v. persist. personnage, m. personage, person ; character. personnalite", f. personality. personne, f. person: en—, in person. personne, pr. m. nobody ; anybody. perspective, f. view. persuader, v. persuade, make to be- lieve. perte, f . loss : ruin. pervertir, v. pervert. pesant, -e, adj. heavy. peser, v. weigh, be heavy. peste, f. plague. p^tillant, -e, adj. crackling. petit, -e, adj. little, small; dear; slight. petitesse, f. smallness. peu, adv. little, few, not very: quelque — , a little; — a — , gradually, by degrees; en -de temps, in -a little time; depuis — , lately. peu, m. little : encore un — , a little longer, a little more. VOCABULARY. 39 peuple, m. people, nation. peuplier, m. poplar tree. peur, f . fear : avoir — , be afraid ; avoir grand' peur, be in great fear ; faire' — , frighten. peureu-x, -se, adj. timid. peut, present 3d sing, of pouvoir. peut-etre, adv. perhaps. ph6nomene, m. phenomenon. philosophe, m. philosopher. philosophic, f. philosophy. Philoxene, m. Phitoxenus, poet at the court of the elder Dionysius of Syracuse, phrase, f. phrase, sentence: faire des — s, talk in big style. physionomie, f. countenance. physique, f. physics; adj. physical. piastre, f. piaster. The Turkish p. is worth from 5 to 10 cents. pie, f . magpie. piece, f. piece; piece of ordnance, cannon : mettre en — s, tear in pieces. pied, m. foot. pi^destal, m. pedestal. Pi^montais, m. Piedmontese, a na- tive of Piedmont, a territory of Northern Italy, pierre, f. stone, flint; Peter : — de tonnerre, thunder-bolt. Pierrot, m. Peter. pieu, m. stake. pieusement, adv. devoutly. pieu-x, -se, adj. godly. piller, v. plunder. pince", -e, adj. affected. pincer, v. pinch ; catch. piquant, m. prickle, thorn. pique", m. pique, cotton goods. See Eng. Diet, piquer, v. prick ; spear ; spur. piquette, f. poor wine, "after-wine." pis, adj. worse. piste, f. track, footprints. pistolet, m. pistol. pitie", f. pity : avoir — de, pity. pittoresque, adj. picturesque. pivoine, f. peony. place, f. place, position, spot; town ; fortress; square. placer, v. place, station, put; se — , seat one's self. plage, f. shore. plaider, v. plead. plaie, f. wound. plaindre (se), v. irr. complain. plaine, f. plain. plainte, f. complaint. plainti-f , -ve, adj. plaintive. plaire, v. irr. please : a Dieu ne plaise, God forbid ; se — , delight in, take pleasure in ; be pleased. plaisant, m. jester. plaisanterie, f. pleasantry, jesting. plaisir, m. pleasure, joy. planche, f. board. plancher, m. floor. planer, v. soar. plante, f. sole of the foot; plant. planter, v. plant ; set up. plat, m. dish. plate-forme, f . platform. Platow, m. Ptatof, leader of the 20 regiments of Cossacks which pur- sued tlie French army from Mos- cow. Plechtch^nitsoui, m. Pleshtchen- itsi, Russian town. plein, -e, adj. full. pleurer, v. weep, bewail, mourn. pleurs, m. pi. rears. pleut, pres. 3d sing, of pleuvoir. pleuvoir, v. irr. impers. rain : U pleut a verse, ft pours. pli, m. fold. plier, v. fold up. plomb, m. lead. plonger, v. plunge. pluie, f. rain. plume, f. feather ; pen. plupart, f. greater part. plus, adv. more, no more, most; plus: de — , besides ; de — en — , more and more ; ne . . . plus, no longer ; ne . . . plus que, no longer any- thing but; — de, more than. plusieurs, pr. and adj. pi. several. 40 VOCABULARY. plutot, adv. rather. pluvier, m. plover. poche, f. pocket. poeme, m. poem. poete, m. poet. poids, m. weight. poigne"e, f. handful : poign£es de main, handshakes. poignet, m. wrist. poil, m. hair (of animals), poing, m. fist. point, adv. no, not. point, m. point : — du jour, day- break. pointe, f. point; break, dawn; sur la — du pied, on tiptoe. pointu, -e, adj. pointed, sharp. poisson, m. fish. Poitiers, m. City in west-central part of France, 90 miles from Venddme. poi trine, f. breast. poli, -e, adj. polite, civil. poliment, adv. politely. politique, f. politics. Pologne, f. Poland. poltron, m. coward. Polypheme, m. Polyphemus, a giant, pommier, m. apple-tree. pompe, f. pump; fire-engine. pont, m. bridge. Pont-Neuf, m. Name of a bridge over the Seine in Paris. Pontoise, f. a town north-west of Paris, ponton, m. pontoon. populace, f. populace, people. porcelaine, f. porcelain, china. porche, m. porch. port, m. aspect. portail, m. doorway. porte, f. gate, door. portefaix, m. porter. portefeuille, m. pocket-book. porter, v. carry, bear ; bring, take; wear : f aire — , send ; se — , pro- ceed, make for. porteur, m. bearer, carrier. portrait, m. portrait, likeness. Portugais, m. Portuguese. poser, v. place; put (a question); se — , be placed. position, f. position, situation; cir- cumstances. posse" der, v. possess, have. possible, adj. possible. poste, m. post, place, position. poster, v. station, post posterity, f. posterity. potager, m. (kitchen) garden. potier, m. potter. Poucet, m. Tom Thumb. poudre, f. powder. poudrer, v. powder (the hair), poudriere, f. powder-house. poulailler, m. hen-house. poule, f. hen. poulet, m. chicken. poup^e, f. doll. pour, prep, for ; in order to, towards, to; as: — que, conj. in order that, that. pourboire, m. fee. pourlecher (se), v. lick one's lips. pourpoint, m. doublet. pourquoi, adv. why. pourrais, conditional of pouvoir. poursuite, f . pursuit. poursuivre, v. irr. pursue. pourtant, adv. however, nevertheless. pourvu que, conj. provided that pousser, v. push, push on, press on, drive, impel ; utter, heave; shoot up. poutre, f. beam. pouvoir, v. irr. be able, can, may: n'en — plus, be worn out, be completely exhausted. pouvoir, m. power. prairie, f. meadow. praticable, adj. real. pratiquer, v. practise, use, frequent. pre, m. meadow. pr^caire, adj. uncertain. precaution, f . precaution, caution. pre"ce"dent, -e, adj. preceding. pr£c6der, v. precede, go before. pr£cieu-x, -se, adj. precious, valu- able. VOCABULARY. 41 precipitamment, adv. precipitately, hurriedly. precipiter, v. throw ; hurry ; se — , rush. precis, -e, adj. exact. pr£cisement, adv. exactly. preferer, v. prefer. prefet, m. prefect, chief magistrate for the police of Paris. premi-er, -ere, adj. first. prendre, v. irr. take ; take up ; seize, catch; get; assume; charge (inter- est) : — l'air, take an airing ; se — , be caught ; freeze : etre pris, be frozen. prenne, pres. subj. of prendre. preparatif , m. preparation. preparer, v. prepare. pres (de), prep, by, near to ; adv. near, nearly : tout — , close by ; a peu — , nearly ; de trop — , too near ; de fort — , very near. prescrire, v. irr. prescribe.; appoint. present, m. present; gift: a — , at present, now. presenter, v. present, offer, intro- duce ; se — , present one's self, appear, come. preserver, v. preserve. presider, v. preside. presque, adv. almost. presse, f. press. presse", -e, adj. in haste, in a hurry ; urgent. pressentiment, m. presentiment. presser, v. hasten, hurry ; be urgent ; se — , crowd. pression f . pressure. pret, -e, adj. ready. pr^tendre, v. pretend; maintain; aim, try. pr^tendu, -e, adj. pretended, so- called. pre"tendu, m. suitor. pretention, f . claim. preter, v. lend. preteur, m. preteuse, f. lender. pretre, m. priest. preuJ-e, <. proof prOvaloir (se), v. irr. take advantage. provenance, f. kindness. prevenir, v. irr. anticipate, fore- stall ; inform, warn : f aire — , send word to. prevoir, v. irr. foresee. prier, v. pray ; beg, request. priere, f. prayer. primes, pret. 1st pi. of prendre. primo, adv. in the first place. princesse, f. princess. principal, -e, adj. main. principal, m. principal thing ; prin- cipal. principalement, adv. chiefly. printemps, m. springtime. prirent, pret. 3d pi. of prendre. pris, prit, pret. of prendre. prise, f. pinch. Also fem. part, of prendre. prison, f. prison, jail. prisonnier, m. prisoner. priv£, -e, adj. private. priver, v. deprive. privilege, m. license. prix, m. price, cost, worth; reward. proces, m. suit, action, trial. proces- verbal, m. report. prochain, -e, adj. near, next, neigh- boring. prochainement, adv. in a short time. proche, adv! near. proclamer, v. proclaim. prodige, m. wonder. produire, v. irr. produce ; se — , be revealed. professeur, in. professor. profit, m. benefit. profiter, v. profit; avail one's self: improve. profond, -e, adj. deep, profound; intense. profond^ment, adv. deeply : sa- luer — , bow low. profondeur, f. depth. profusion, f. extravagance. proie, f. prey; etre en — , be a prey. 42 VOCABULARY. projet, m. project, design, plan. projeter (se), v. extend. promenade, f. walking, walk, ride, march. promener, v. drive : faire — , march (active); se — , walk, take a walk, walk about, wander. promeneur, m. walker. promesse, f . promise. promettre, v. irr. promise. prompt, -e, adj. quick. promptement, adv. quickly, at once. prononcer, v. pronounce, utter; se — , decide. prophete, m. prophet. propice, adj. favorable. propos, m. talk : a — , by the way. proposer, v. propose. proposition, f. proposition, proposal, recommendation. propre, adj. own. propri^taire, m. f. owner. proscrire, v. irr. proscribe. proscrit, -e, part, proscribed. protect-eur, -rice, adj. patroniz- ing ; m. f. patron, patroness. protege^ m. protege". prot^ger, v. protect. protestation, f . protest. prouver, v. prove, show. provenant, part, arising, resulting. proverbe, m. proverb. provision, f. supply proximite", f. proximity: a — de, near. prudence, f . discretion. prudent, -e, adj. cautious. prune, f. plum. prunelle, f . prunella. See Eng. Diet. Prusse, f. Prussia. Prussien, m. Prussian. psit, int. sh ! publi-c, -que, adj. public: en pu- blic, publicly. pudeur, f. bashfulness, modesty. puis, adv. then. Also pres. ind. of pouvoir, puisque, conj. since. puissance, f . power. puissant, -e, adj. powerful, strong. puisse, pres. subj. of pouvoir, may. puits, m. wen. pulk, m. pulk, division. punir, v. punish. pur, -e, adj. pure. purent, pret. 3d pi. of pouvoir. put, pret. 3d sing, of pouvoir. qu' = que. quai, m. quay. qualified -e, part, named, definite. qualifier, v. call. quality, f. quality. quand, adv. and conj. when. quant a, adv. as for. quantity, f. quantity, number. quarante, m. and adj. forty. quart, m. quarter. quarteron, m. fourth of a pound. quartier, m. district, ward. quatorze, m. and adj. fourteen, four- teenth. quatre, m. and adj. four, fourth. que, pr. what, which, whom, that. que, conj. that; how ; as, when; till, until; than; because; why; only, nothing but : ne . . . que, only. quel, -le, adj. what, which ; what a. quelconque, adj. any . . . whatso- ever. quelque, adj. some, any, a few: — part, somewhere. quelquefois, adv. sometimes. quelqu' un, -e ; pi. quelques-uns, -unes, pr. somebody, some. quenouille, f. distaff. quereller, v. find fault with, scold. querelleu-r, -se, adj. quarrelsome ; m. f. quarreller. querir, v. irr. fetch; only used in the infinitive with aller, en- voy er, venir. questionner, v. question, ask ques- tions. queue, f. tail : en — , in the rear. qui, pr. who, whom, which, what. quietude, f. tranquillity. quinze, m. and adj. fifteen, fifteenth. VOCABULARY. quitter, v. quit, leave. quoi, pr. which, what : a — bon ? what's the use ? — done ? how pray ? why ? quoique, conj. although, though. rabot, m. plane. racine, f. root. raconter, v. tell. radieu-x, -se, adj. radiant raide, adj. stiff. raidir, v. stiffen. raillerie, f. banter. raisin, m. grapes. raison, f. reason, sense; way; pro- portion : avoir — , be right. raisonnement, m. reasoning. raisonner, v. reason. ralentir, v. retard. rallumer, v. relight ramasser, v. gather, muster. ramener, v. bring bach. rampe, f. slope. rancune, f. ill-will. rang, m. row ; rank. ranger, v. put in order ; rank ; se — , range one's self, stand. ranimer, v. revive, reanimate rapide, adj. rapid, swift. rapidement, adv. rapidly. rapidit6, f. rapidity. rappel, m. drums beating to arms. rappeler, v. recall ; se — , recollect, recall to mind. rapport, m. relation. rapporter, v. bring back, bring; re- late ; return ; s' en — a, leave to. rapprocher, v. bring nearer; se — , draw nearer. rare, adj. rare. rarete", f. rarity. ras, -e, adj. close : au ras de, nearly level with. rasoir, m. razor. rassemblement, m. assemblage. rasse"r6nant, -e, adj. cheering, calm- ing. rassurer, v. reassure ; se — , keep calm. ratisser, v. rake. ravin, m. ravine. ravir, v. enrapture, transport. ravissement, m. rapture. rayer, v. strike out, erase. rayon, m. ray, beam. rayonner, v. shine. r^aliser, v. realizb ; se — , prove true. rebrousser, v. run back : — chermin, go back. re" bus, m. pun. rebut, m. riffraff, scum. recevoir, v. receive ; entertain. r£chapper, v. escape. recherche, f. search. re^cit, m. recital, account, narrative. reciter, v. recite. reclamer, v. claim. r^colte, f. crop. recommander, v. commend, charge- recommencer, v. recommence. recompense, f. reward. r^compenser, v. reward. reconduire, v. irr. lead back. r^conforter, v. cheer up. reconnaissance, f. gratitude, recon- noisance. reconnaissant, -e, adj. grateful. reconnaitre, v. irr. recognize; know ; discover ; acknowledge ; recon- noitre. recouvrer, v. recover, regain. recouvrir, v. irr. cover. r£cr6ati-f , -ve, adj. diverting. r^crier (se), v. utter an exclama- tion. recu, m. receipt recueilli, -e, part, meditative. recueillir, v. irr. collect; se— , col- lect one's thoughts. reculer, v. go backwards, fall back, retreat, give ground, recoil ; shrink. redescendre, v. go down again. redingote, f. (frock-) coat redoubler, v. redouble. redoutable, adj. to be feared. redouter, v. dread, fear. r^duire, v. irr. reduce ; compel. r^ellement, adv. really. 44 VOCABULARY. refaire. r* irr. remake ; cure. r6fl6chn\ v. reflect, think. reflet, m reflection. refl^ter, v. reflect; se — , be re- flected. reflexion, f. reflection. reformer (se), v. reform. refouler, v. drive back. refrain, m. refrain, song ; theme. reii'Oidi, -e, part, grown cold. refroidir (se), v. grow cold. refugier (se), v. take refuge. refuser, v. refuse ; deny ; decline. regagner, v. regain t — la maison, return home. regard, m. look, sight ; glance ; pi. eyes. regarder, v. look, look at, into; be- hold ; se — , look at each other, watch one's self. registre, m. register. regie, f . rule ; order. regne, m. reign. rdgner, v. reign ; prevail. regorger, v. overflow. regret, m. regret : a — , with re- gret r egret ter, v. regret, miss. r^gularite, f. regularity, evenness. r6guli-er, -ere, adj. regular. rehausser (se), v. raise one's self. reins, m. pi. back. reine, f. queen. r^iterer, v. repeat. rejeter, v. throw back. rejoindre, v. irr. rejoin, join; over- take. rgjoui, -e, adj. jovial. r§jouir, v. entertain, rejoice. relati-f , -ve, adj. relating. relation, f. relation ; connection. relever, v. lift up, raise; se — , me again, get up. remarquable, adj. remarkable. remarque, f. observation. remarquer, v. note ; remark. remede, m. remedy. remerciment, m. thanks. remercier, v. thank. remettre, v. irr. put back; make well ; recover ; deliver, hand to ; se — , resume ; se — en route, set out again. remonter, v. reascend ; go back. remords, m. remorse. remplacer, v. replace, take the place of- rempli, -e, adj. full. remplir, v. fill, fill up; discharge, perform ; se — , fill. remuer, v. move, stir. renaitre, v. irr. be born again. renard, m. fox. renardin, -e, adj. foxy. rencontre, i. meeting : venir, ac- courir a la — , come, hasten to meet. rencontrer, v. meet, find; se — , meet. rendez-vous, m. rendezvous, meet- ing, place of meeting. rendre, v. 'render, return, restore, give back, pay back; give up, make : — compte, explain ; se — , go, proceed, betake one's self. rendu, -e, part, exhausted. renfermer, v. shut up; se—,shut one's self up. rengorger (se), v. bridle up, straight- en up. renomme'e, f. report. renoncer, v. give up, forego. renseignement, m. information : prendre des — s, make inquiries. rente, f. yearly income. rentrer, v. re-enter, return , drive in. renverse\ -e, part, inverted. renverser, v. upset, overthrow, over- turn ; rout ; se — , throw one's self back, lean back, upset one another. renvoyer, v. irr. send back. r^pandre, v. spread ; se — , scatter. r£parer, v. atone for. repartir, v. irr. set off again. repas, m. meal, repast. repasser, v. pass by again ; call again ; recross. repdeher, v. fish up. VOCABULARY. 45 repentir, m. repentance. repercuter, v. echo. r6p6ter, v. repeat. repetition, f. repetition: montre a — , repeating-ivatch. re"pondre, v. answer, reply. r^ponse, f. answer. reporter, v. bring bach; &e—,go again ; return ; reuert. repos, m rest. reposer (se), v. rest. repoussant, -e, adj. repulsive. repousser, v. drive bach, repulse ; re- ject reprendre, v. irr. take again; take back ; recover, resume, begin again ; reply ; se — , correct one's self. repre"senter, v. represent; show, ex- hibit. r6primer, v. repress. reproche, m. reproach. reprocher, v. reproach, upbraid. republican!, -e, adj. republican. r^publique, f. republic. r£pugner, v. be repugnant. reseau, in. net-work ; tracery. r^server, v. reserve. resigner (se), v. submit. register, v. resist; endure, hold out. r£solu, part, of r^soudre. resoudre, v. irr. resolve; decide; se — , be prevailed upon ; make up one's mind. respect, m. respect, regard. respecter, v. respect. respectueu-x, -se, adj. respectful respirer, v. breathe ; inhale. resplendir, v. shine. resplendissant, -e, adj. bright. ressembler, v. resemble. ressortir, v. irr. be set off: faire — , set off, enhance. ressource, f. resource; pi. resources, means. restant, -e, adj. remaining. reste, m. rest : au — , nevertheless, still ; du— , nevertheless ; besides. rester, v. remain, be left ; stay. re"sultat, m. result. r£sulter, v. result, follow. r€sum€, m. summary ; en — , to sum up r^sumer, v. sum up. r^tablir, v. restore. retenir, v. irr. keep; hold back, re- strain ; remember. retentir, v. resound, ring, re-echo. retirer, v. draw back ; withdraw : draw out; se — , retire, withdraw; get out retomber, v. fall back, relapse ; fall retour, m return: sans— , irrecov- erably ; de — , back, returned. retourner, v. return, turn; se — , turn, turn round. retraite, f. retreat ; retirement : battre en — , retreat. retrouver, v. find again, meet again ; retrace; se — , meet each other again. r£unir, v. join, unite, fasten together; collect, muster, call together; form; se — , be together. r£ussir, v. succeed. revaloir, v. irr. repay. revaudrai, -s, fut. and cond. of revaloir. reve, m. dream, vision. r£veil, m. waking. r6v€ler, v. disclose. revenir, v. irr. come back, return: etre revenu, to be back; s' en — , return. revenu, m. income. rever, v. dream, muse, think ; dream of- reverdir, v. paint green again. re>£rence, f. bow. rev^rer, v. revere. re vers, m. reverse, opposite side. revetir, v. clothe; put on. revint, pret. of revenir. revirement, m. turn about, change. revit, pret. of revoir. revivre, v. irr. live again : faire — , fill again with joy; bring back to life. 46 VOCABULARY. revoir, v. irr. see again, behold again ; se — , meet each other again : au — , good-by. revolutionnaire, m. revolutionist. rhum, m. rum. riche, adj. rich. rideau, m. curtain. ridicule, adj. ridiculous. rien, m. nothing ; anything. rigoureu-x, -se, adj. severe. rigueur, £. severity. rime, f. rhyme. rimer, v. rhyme. rire, v. irr. laugh. rire, m. laugh. risque, m. risk. risquer, v. risk. rivage, m. bank, shore. rival, m. rival. rive, f. shore, bank. . riviere, f . river. robe, f. robe, dress. roc, in. rock (hardness). roche, f. rock (mass); stamp, school. rocher, m. rock (elevation). roder, v. prowl. roi, m. king. roitelet, m. wren. role, m. part romain, -e, adj. Roman. Romain, m. Roman. roman, m. romance. rompre, v. irr. break. ronce, f. bramble. rond, -e, adj. round. ronde, f. patrol, policeman. rose, f. rose; m. rose-color; adj. rosy. rose"e, f . dew. rosier, m. rose-bush. Rostopschine, m. Rostoptchin. rdtisseur, m. keeper of a cook-shop, roaster. rotule, f. knee-pan. roue, f. wheel. rouer (de coups), v. beat unmerci- fully. rouge, adj. red. rouleau, m. roll. roulement, m. roll (of a drum). rouler, v. roll ; tumble. route, f . road, way, route : grande — , highway, main road; en — , on the way; let's be off; faire — , travel. royal, -e, adj. royal. royaume, m. kingdom. royaut6, f. royalty. ruban, m. band, ribbon. rude, adj. harsh, rough; bitter. rudement, adv. violently. rue, f. street. ruelle, f . alley. ruine, f. ruin. ruiner, v. ruin. \ ruisseau, m. brook. ruse, f. artifice ; — de guerre, strat- agem. Russe, m. and adj. Russian. Russie, f. Russia. rustiqtie, adj. rustic. rustre, m. boor. s' = si or se. sa, see son. sabot, m. wooden shoe. saboter, v. make a noise with one's shoes, clatter. sabre, m. sabre, sword. sac, m. sack, bag : — de nuit, hand- bag. sachant, part, of savoir. sacr€, -e, adi. sacred. sacrifier (se), v. sacrifice one's self. sage, adj. wise; good. sagesse, f. wisdom. saint, -e, adj. holy; m. f. saint. Saint-Bernard (le petit), m. A mountain of the Graian Alps between Savoy and Piedmont. Saint-Martin, m. A village 17 J miles from Chamouni; commands a superb view of Mont Blanc. saisir, v.' seize; strike. saison, f. season. sale, adj. dirty. saler, v. salt VOCABULARY. 47 salle, f . hall : — a manger, dining- room ; — d'attente, waiting-room. Sallenche, f. A town of Savoy, 17 miles from Chamouni. salon, m. drawing-room. saluer, v. salute, bow to, greet, bid farewell. salut, m. safety; salute, bow. salutaire, adj. advantageous. samedi, m. Saturday. sanctuaire, m. sanctuary; holy of holies. sang, m. blood. sang-froid, m. coolness. sanglant, -e, adj. bloody. sanglot, m. sob. sangloter, v. sob. sans, prep, without, but for ; —que, conj. without. sant6, f. health. Saone, f. tributary of the Rhone, sapeur, m. sapper, pioneer. sapin, m. fir-tree. saprelotte, int. Great Heavens ! sapristi, int. An innocent oath : C&sar ! By Jove ! sarcler, v. weed. sarment, m. vine-cuttings. satisfaire, v. irr. satisfy. satisfait, -e, adj. satisfied, contented. sau-f , -ve, adj. safe. saule, m. willow. saut, m. leap. sauter, v. leap; explode: faire — , blow up. sauvage, adj. wild, cruel. sauver, v. save; se — , run away; rescue one's self. sauveur, m. deliverer, rescuer. savant, -e, adj. learned, skilful. Savoie, f. Savoy, a part of France, the highest mountain-region of Europe, savoir, v. irr. know, know how; be sensible of. savon, m. soap. savourer, v. relish. Savoyard, -e, adj. Savoyard. scele'rat, -e, adj. abandoned, wicked. sc616rat, m. scoundrel. scene, f. scene ; stage; row. science, f. knowledge, science. scier, v. saw. scrupule, m. scruple. se, pr. one's self, himself, herself, it- self, themselves ; one another, each other. sec, seche, adj. dry ; cool. sechement, adv. dryly, coldly. se"cher,' v. dry. second, -e, adj. second. seconder, v. aid. secouer, v. shake, shake out, blow out (of a fanning-mill). secours, m. help, assistance : au — ! help ! secr-et, -ete, adj. secret, hidden. secret, m. secret : en — , secretly. secretaire, m. secretary. section, f. section, division. secundo, adv. secondly. s£curite\ f. security. seduction, f. captivation. s^duire, v. irr. seduce, captivate, tempt. seigneur, m. lord. sein, m. bosom. seize, m. and adj. sixteen, sixteenth. s6jour, m. abode, dwelling-place. sojourner, v. stay. sel, m. salt. selle, f. saddle. selon, prep, according to; — que, according as. semaine, f. week. semblable, adj. like; m. like, fellow- creature, fellow-man. semblant, m. appearance : faire — , pretend. sembler, v. seem. semer, v. sow, drop, scatter. sens, m. meaning : bon — , good sense. sensibility, f. tenderness, tender-' heartedness. sensible, adj. sensitive. sensiblement, adv. perceptibly. sentier, m. path. sentiment, m. feeling ; sentiment. 48 VOCABULARY. sentir, v. irr. feel ; smell ; se — , feel one's self, feel. se"parer, v. separate. sept, m. and adj. seven, seventh. septembre, m. September. serail, m. seraglio. See Eng. Diet, ser^nite, f. sereneness. sergent, m. sergeant. se>ieusement, adv. seriously, in earnest. se"rieu-x, -se, adj. serious, grave, staid. se>ieux, m. seriousness. serment, m. oath. serpent, m. serpent, snake. serpenter, v. wind. serre, f. green-house ; claw. serre", -e, adj. close. serrer, v. press, sgueeze, grasp ; clinch ; se — , be oppressed ; close up. serrure, f. lock. servante, f. maid-servant. service, ra. service ; duty ; favor. servir, v. irr. serve, wait on ; se — de, use, wear : ne — de rien, be of no avail. serviteur, m. follower, adherent. servitude, f. servitude, service. ses, see son. seuil, m. threshold. seul, -e, adj. one; alone; single; only, sole. seulement, adv. only ; even. severe, adj. severe, stern. se"verement, adv. strictly. se"vir, v. rage. si, conj. //; — ce n'est, unless, ex- cept. si, adv. so; yes. siecle, m. century; age. siege, m. seat; (coach-) box. sien, -ne, pr. his, hers, its, one's own. sieur, m. mister. siffler, v. whistle. signaler, v. point out, make known. signe, m. sign, mark. signer, v. sign, subscribe. signifier, v. mean. silencieu-x, -se, adj. silent, still. silhouette, f. silhouette. See Eng. Diet. sillonner, v. plough. simple, adj. simple, mere; m. pi. herbs. simplement, adv. simply. simplicity, f. simplicity. simuler, v. feign. sincerement, adv. sincerely. singe, m. monkey. singuli-er, -ere, adj. singular, odd. singulierement, adv. singularly, re- markably. sinistre, adj. sinister. sinon, conj. // not. sinueu-x, -se, adj. sinuous, winding. sire, m. sire, title of kings and em- perors. sitot que, conj. as soon as. situe", -e, adj. situated. six, m. and adj. six, sixth. sixieme, adj. sixth. Sixt, m. A town in Savoy. Smyrne, f. Smyrna, a Turkish city in Asia Minor. societe, f. society. scaur, f . sister. soi, pr. one's self. soie, f. silk. soif , f. thirst : avoir — , be thirsty. soigneusement, adv. carefully. soigneu-x, -se, adj. careful. soin, m. care: avoir—, take care; petits — s, little attentions. soir, m. evening : hier — , last even- ing. soiree, f. evening. soit, adv. be it so, welt and good; conj. whether, or. soixante-douze, m. and adj. sev- enty-two. soixante-seize, m. and adj. seventy- six. sol, m. so/7, ground. soldat, m. soldier. soleil, m. sun, sunshine. sonde, adj. solid. VOCABULARY. 49 sombre, adj. sombre, gloomy. sommairement, adv. briefly. somme, f . sum. sommeil, m. sleep. sommer, v. call upon. sommet, m. summit. son, m. sa, f. ses, m. f. pi., poss. adj. his, hers, its, one's. songer, v. think. sonner, v. ring, strike. sonne tte, f. bell. sorbet, m. sherbet. sordide, adj. mean. Soreze, f . A city in the department of Tarn in south-western France, sort, m. fate ; spell. sorte, f. sort : de — que, en — que, so that. sortie, f. way out. sortir, v. irr. go out, come out, emerge, issue, get out ; depart. sot, -te, adj. foolish, senseless; m. f. blockhead. sottise, f. folly, foolish thing. sou, m. sow. a coin worth one cent, souche, f. stump. souci, m. care. soucier (se), v. care. soudain, adv. suddenly. souffle, m. breath. souffler, v. blow, puff. souff ranee, f. suffering. souf f rir, v. irr. suffer ; permit. souhaiter, v. wish, wish for. Soulier, m. shoe. soumettre, v. irr. submit. soupeonner, v. suspect. souper, v. take supper ; m. supper. soupir, m. sigh. soupirant, m. suitor. soupirer, v. sigh. source, f. spring. sourcil, m. brow: froncer le — , knit one's brow. sourd, -e, adj. deaf; dull; m. f. deaf person. sourire, v. irr. smile; —a, smile upon ; m. smile. sous, prep, under. soustraire (se), v. irr. elude. soutenir, v. irr. support, sustain, maintain. soutien, m. support, sustenance. souvenance, f. recollection: avoir — , remember. souvenir, m. remembrance, recollec- tion ; keepsake. souvenir (se), v. irr. remember. sou vent, adv. often. souverain, -e, m. f. sovereign. soyons, imperative 1st pi. of etre. specifier, v. stipulate. spectacle, m. spectacle, sight. spirituel, -le, adj. intelligent, witty. splendeur, f. splendor. splendide, adj. splendid. Stakowo, m. Stakouo, Russian town. Stamboul, m. Stambool, Constanti- nople. station, f. stay. stimuler, v. excite. store, m. spring-roller blind. strict, -e, adj. strict. stupefaction, f. great astonishment, bewilderment. stupe"fait, -e, adj. dumfoundered. stupeur, f . stupor ; dismay. stupide, adj. stupid. subitement, adv. suddenly. subjuguer, v. overcome. submerger, v. submerge. subsister, v. continue; exist; Hue on. substituer, v. substitute. subtil, -e, adj. cunning. subtilite", f. adroitness. succes, m. success. successeur, m. successor. successivement, adv. in succession. sucer, v. suck. sucre", -e, part, sweetened. suer, v. sweat. suffire, v. irr. suffice, be enough. suffisamment, adv. sufficiently. suffisant, -e, adj. sufficient. Suisse, f. Switzerland. Suisse, m. and adj. Swiss. 50 VOCABULARY. suite, f . attendance, attendants ; con- tinuation ; consequence : tout de — , at once; a la — de, behind, after. suivant, -e, adj. next, following. suivre, v. irr. follow. sujet, m. sujette, f. subject. sujet, m. subject, point ; means : au — de, about. sultan, m. sultan. See Eng. Diet. sultane, f. sultana. See Eng. Diet. superbe, adj. proud ; splendid. superfLu,'-e, adj. superfluous. superieur, -e, adj. superior; chief, head. suppliant, -e, adj. supplicating. supplice, m. punishment. supplier, v. beseech. supportable, adj. bearable, endur- able. supporter, v. sustain. supposer, v. suppose. supprimer, v. abolish, destroy. supreme, adj. last. sur, prep, upon, on, over, at; by ; in ; about, towards ; above ; out of. sur, -e, adj. sure. surcroit, m. increase; completion. surent, pret. of savoir. surety, f. safety. surexcitation, f. excessive excite- ment. surnaturel, -le, adj. supernatural. surnommer, v. surname, nickname. surpasser, v. surpass. surplus, m. rest : au — , besides. surprendre, v. irr. surprise; catch. sursaut, m. start. sursis, m. delay. surtout, adv. especially. surveillance, f. surveillance, watch- ing. susdit, -e, adj. aforesaid. suspendre, v. suspend. sut, pret. of savoir. Suzon, f. Susie. syllabe, f. syllable. sympathie, f. sympathy. syndic, m. syndic, mayor. Syrie, f. Syria. V = te or toi. tabac, m. tobacco, snuff. tabatiere, f. snuff-box. tableau, m. picture ; tableau. tablier, m. floor (of a bridge). tache, f. stain. tache, f. task. tacher, v. try. tailler, v. prune, trim. tailleur, m. tailor. taire (se), v. irr. be silent: taisez- vous, keep quiet. talent, m. talent, ability, attain- ments. talon, m. heel. talus, m. slope. tambour, m. drum. tandis que, conj. while. tant, adv. so much, so many, as much ; so : — et — , so much and so much, so; — que, as long as ; — . . . que, both . . . and. tantot, adv. just now: — . . . — , now . . . now. tapi, -e, part, crouched. tapir (se), v. squat down, crouch. tapis, m. carpet, rug; cover. tapisser, v. hang (with tapestry), adorn; carpet. tapissier, m. upholsterer. tard, adv. late : trop — , too late ; tot ou — , sooner or later. tarder, v. put off ; be long. tardi-f, -ve, adj. late. tare, f. blemish, stain. tas, m. pile ; lot ; drift ; thicket. tasse, f. cup. tatons (a), adv. feeling one's way. teindre, v. irr. dye. teinte, f. tint. tel, -le, adj. such. te"moin, m. witness. tempe, f. temple. tempe"rer, v. temper. tempete, f. tempest. temps, m. time ; season ; weather . de tout — , at all times. VOCABULARY. 51 tenace, adj. persistent tendre, adj. tender, delicate. tendre, v. spread ; hold out ; extend. tenebres, f. pi. darkness. t£n6breu-x, -se, adj. dark. tenez, int. See tiens. tenir, v. irr. hold, have hold of, have, possess ; occupy, take ; keep, main- tain ; consider ; harbor (ill-will) ; remain; be desirous, anxious; be able to stand ; se — , be ; sit : — la campagne, to have taken the field ; — a, depend upon ; have to do with. teniae, f. bearing. terme, m. end ; word. terminer, v. end, put an end to, con- clude, finish ; se — , end. terrain, m. ground. terrasse, f. terrace. terre, f. earth, land, ground. terrestre, adj. earthly. terreur, f . terror. terriblement, adv. terribly. territoire, m. territory. terroriste, m. terrorist. tertio, adv. thirdly. tete, f. head. tete-a-tete (en), adv. alone together, in private. the", m. tea. thermometre, m. thermometer. tiens, tenez, int. hear I look here I now then ! why ! what ! holloa ! tige, f. stalk. tigre, m. tiger. timbrS, -e, part, stamped. timide, adj. timid. tint, pret. of tenir. tirailler, v. shoot. tirailleur, m. skirmisher. tirer, v. draw, pull; take out, off; fire ; extricate, free from ; arouse ; go ; se — , get through. tissu, m. tissue. titre, m. right ; certificate (of stock). toi, pr. thee, you. toile, f. cloth : — d'araign^e, cob- web. toilette, f. toilet, dress. toi-meme, pr. yourself. toise, f. toise, a measure of about 6.4 feet. toit, m. roof. tombeau, m. tomb, charnel-house. tomber, v. fall, drop. ton, m., ta, f.,tes, ra. f. pi., poss. adj. your. ton, m. tone; manner. tondre, v. crop. tonne, f. tun. tonnerre, m. thunder. toper, v. agree. torche, f. torch. tort, m. wrong : avoir — , be in the wrong* tortu, -e, adj. crooked. tortue, f. tortoise. tdt, adv. soon : plus — , before ; — ou tard, sooner or later ; auplus— , as soon as possible. toucher, v. touch; receive; speak; affect; reach. touffe, f. tuft. toujours, adv. always ; still ; never- theless. tour, f. tower. tour, m. turn; coil; circuit; trick: faire le — de, go round; — a — , by turns. tourbillonner, v. whirl. tourelle, f. turret, tower. tourment, m. torment, anguish. tourmenter (se), v. be uneasy, fret. tournant, m. turn. tourner, v. turn ; wheel, revolve ; se — , turn. tournoi, m. tournament. tourterelle, f. turtle-dove. tout, -e, adj. all; every: — le monde, everybody ; to us les jours, every day. tout, m. whole, all ; every one, every- thing : du — , not at all. tout, adv. wholly, quite, thoroughly; all; just. toutefois, adv. nevertheless, however, still. 52 VOCABULARY. toute -puissance, f. omnipotence. trace, f. trace, footstep, trail : — des pas, footprints. tracer, v. lay out. trahir, v. betray. trainard, m. straggler. traineau, m. sled. trainee, f. train (of powder), trail. trainer, v. draw, drag ; lie about ; be found ; se — , drag one's self along ; crawl, creep. traire, v. irr. milk. trait, m. arrow, shaft ; feature ; act : cheval de — , draught-horse. traiter, v. treat. traitre, m. traitor : en — , treacher- ously. traitreusement, adv. treacherously. trajet, ra. journey. trancher, v. cut off. tranquille, adj. quiet, calm, peace- ful ; easy. tranquillement, adv. quietly.calmly. tranquillite, f. calmness. transferer, v. convey. transformer, v. transform. transition, f. change. transparence, f. transparency. transparent, -e, adj. transparent. transport^, -e, adj. transported. travail, m. work; task. travailler, v. work ; study. travers, m. breadth : a — , through, across; au — de, through, over; de — , crooked. traverser, v. cross, run through, pass through; pierce. trebucher, v. stumble. . treize, m. and adj. thirteen, thir- teenth. trembler, v. tremble, shake. trente, m. and adj. thirty, thirtieth. tre"pas, m. death. tres, adv. very. tre"sor, m. treasure; treasury. tressaillir, v. irr. tremble (with emo- tion). tresser, v. weave ; braid. treve, f. truce. Trianon, m. Villa at Versailles. tribunal, m. tribunal, judgment-seat. tricolore, adj. tri colored. tricot, m. knitted material : de — , knitted. tricoter, v. knit. trimestre, m. quarter's pay. triolet, m. triolet. See Eng. Diet. triomphant, -e, adj. triumphant. triomphe, m. triumph. triompher, v. triumph. triste, adj. sad ; gloomy. tristement, adv. sadly, sorrowfully. tristesse, f. sadness. trois, m. and adj. three, third. troisieme, adj. third. tromper, v. deceive ; se — , be mis- taken. tronc, m. trunk. trone, m. throne. trop, adv. too much, too. trou, m. hole. troubler, v. trouble ; disconcert ; se — , become agitated, confused. troupe, f. troop, band ; pi. troops. troupeau, m. flock. trouver, v. find, light on, hit; think; se — , be. tu, pr. you. tuer, v. kill, slay; se — , kill one's self. Tuileries, f. pi. Palace in Paris. tulipe, f . tulip. tumulte, m. tumult. tumultueusement, adv. tumult- ously, in wild tumult, pell-mell. turban, m. turban. See Eng. Diet. Turc, m. Turk. tur-c, -que, adj. Turkish. Turquie, f. Turkey. tyran, m. tyrant. Ulysse, m. Ulysses, hero of Homer's Odyssey. un, m. one. un, -e, pr. one : ni 1' — ni 1' autre, neither. un, -e, article a, an ; adj. one. unanimity (a 1'), adv. unanimously. VOCABULARY. 53 uni, -e, adj. united ; smooth ; plain. uniforme, ra. uniform. unique, adj. only. uniquement, adv. solely. unir, v. unite. univers, m. universe. universel, -le, adj. universal. usage, m. custom, use, usage. user, v. use ; spend ; s' — , wear out. ustensile, m. utensil. usurier, m. money-lender, note- broker. utile, adj. useful, serviceable. utilite, f. utility, use. va, vas, see aller. vacant, -e, adj. vacant. vacarme, m. rumpus. vache, f. cow. vacuity, f. emptiness. va-et-vient, m. going and coming. vague, f. wave. vague, adj. vague. vain (en), adv. in vain. vaincre, v. irr. conquer, defeat. vainqueur, m. victor; adj. a con- queror's, conquering. vais, pres. of aller. val, m. valley. Valais, m. A canton of Switzerland. valet, m. valet. vallee, f. valley. vallon, m. dale. valoir, v. irr. be worth : — mieux, be better. van, m. fanning-mill. Van Berchem, m. Van Berg hem. vanite", f. vanity, self-conceit. vannier, m. basket-maker. vanter (se), v. boast vapeur, f. vapor, steam. varier, v. vary. variete, f. variety. vase, m. vase, vessel. vaste, adj. vast, huge, extensive. vaut, pres. of valoir. ve"cu, part, of vivre. vegetal, -e, adj. vegetable, of vege- tation. ve"hicule, m. vehicle. « veille, f. watching; eve; vigil ; day before. veiller, v. watch, watch over, see. veine, f . spring ; luck. velle^e", f. desire. velu, -e, adj. hairy. venant, m. comer. vendange, f. vintage : faire — , gather the grapes. vendanger, v. gather grapes. Vendome, m. A city 90 miles from Poitiers, vendre, v. sell ; betray. vendredi, m. Friday. vemerer, v. revere, venerate. venger, v. avenge; se — , revenge, avenge one's self. venir, v. irr. come ; happen : — au- devant, come to meet ; -de, to have just. vent, m. wind. verbaliser, v. draw up a written statement. verdoyant, -e, adj. green. verger, m. orchard. verglas, m. frozen rain, ice. veritable, adj. real. verity, f. truth : en — , indeed, truly. vermisseau, m. grub. ve>ole (la petite), f. small-pox. verra, fut. of voir, verre, m. glass. verrou, m. bolt. verrue, f. wart vers, m. verse. vers, prep, towards, to. Versailles, m. A city 11 miles south- west of Paris, verse (a), adv. very fast (of raining), verser, v. pour; shed. vert, -e, adj. green. vertement, adv. vigorously. vertu, f. virtue. vertueu-x, -se, adj. virtuous. veste, f. jacket vetement, m. garment ; pi. clothes. vetir,v. irr. clothe. vetu, -e, part, clothed. 54 VOCABULARY. veuillez, v. please. See vouloir. veux, pres. of vouloir. vibrer, v. vibrate. victime, f. victim. victoire, f. victory. vide, adj. empty ; m. void, vacancy. vider, v. leave. vie, f. life ; living. vieillard, m. old man. vieille, f. old woman. vieillir, v. grow old. vienne, pres. subj. of venir. viens, pres. of venir. vierge, f. virgin. vieux, vieil, m. vieille, f. adj. old. vi-f, -ve, adj. Quick, lively, brisk, smart, keen ; sharp, violent ; vig- orous. vigilance, f. watchfulness. vigilant, -e, adj. vigilant. vigoureusement, adv. vigorously. vigoureu-x, -se, adj. vigorous, stout, hardy. vigueur, f. vigor, vilain, -e, adj. vile; wicked. vilainement, adv. shamefully. villageois, m. villager. ville, f. town, city. vin, m. wine. vinaigre, m. vinegar. vingt, m. and adj. twenty, twentieth. vingtaine, f. score. vinrent, pret. of venir. virent, pret. of voir. visage, m. face. vis-a-vis, prep, towards. visite, f. visit ; call. visiter, v. visit. vite, adv. quick, quickly, fast, rapidly : au plus — , as quickly as pos- sible. vitrage, m. glass windows. vitrail, m. glass windows. vivace, adj. perennial. vivacite", f. ardor, keenness, bracing quality. vivant, -e, adj. living, alive. Vivement, adv. quickly, briskly, eagerly, deeply. vivre, v. irr. live : faire— , maintain ; Vive le roi ! Long live the king ! vivre, m. food ; pi. provisions. vizir, m. vizier. See Eng. Diet. vocif^rer, v. vociferate. vceu, m. prayer : fair des — x, pray, wish. voici, adv. here is, here are, this is. these are. voie, f. way. voila, adv. behold ; there is, there are. that is, those are. voile, m. veil. voiler, v. veil, cover. voir, v. irr. see, examine ; se — , be seen : se faire — , appear. voisin, -e, adj. neighboring, near; m. f. neighbor. voisinage, m. neighborhood. voiture, f. carriage, wagon : avoir — , keep a carriage. voix, f. voice ; vote. vol, m. flight. voler, v. fly ; steal. voleur, m. thief: — de grand chemin, highwayman. volige, f. scantling. volont§, f. will : a — , at pleasure. volontiers, adj. willingly, gladly. volte-face, f. turning of the head : faire — , face about. voltiger, v. hover. voltigeur, m. light-infantry soldier. votant, m. voter. votant, -e, adj. voting. vote, ra. vote. votre, pi vos., poss. adj. your. voudrais, cond. of vouloir. vouer, v. vow. vouloir, v. irr. will, be pleased, in- tend, wish ; want ; be on the point of: en — a, bear a grudge, ill- will against ; —dire, mean. vous, pr. you. voyage, m. journey, trip, travelling : etre en — , be abroad. voyager, v. travel. voyageu-r, m. — se, f. traveller. voyons, int. let «s see/ why ! come ! VOCABULARY. 55 vrai, -e, adj. true, real. vrai, m. truth. vraiment, adv. truly, indeed, really, verily. vraisemblable, ad*j. probable. vue, f. sight, view. wagon, m. railway-car, car. y, adv. there, thither. y, pr. to, for, in, at, or by it, them : il y a, il y avait, there is, there was. yeux, eyes, pi. of ceil. yu, int. get up. zephyr, m. zephyr. See Eng. Diet, zouave, m. zouave, soldier of a French infantry corps employed in Algeria. 56 IRREGULAR VERBS. INFINITIVE. PARTICIPLES. PRESENT INDICATIVE. Absoudre, to absolve. absolvant, absous, absoute. j 'absous, tu absous, il absout, jious absolvons, vous absolvez, ils absolvent. Acquerir, to acquire. acquerant, acquis, -e. j'acquiers, tu acquiers, il acquiert, nous acquerons, vous acquerez, ils acquierent. Aller, to go. all ant, alle, -e. je vais, tu vas, il va, nous allons, vous allez, ils vont. Assaillir, to assail. assaillant, assailli, -e. j'assaille, tu assailles, il assaille, nous assaillons, vous assaillez, ils assaillent. Asseoir, to seat. asseyant, assis, -e. j'assieds, tu assieds, il assied, nous asseyons, vous asseyez, ils asseyent. Battre, to beat. all regular except je bats, tu bats, il bat. Boire, to drink. buvant, bu, -e. je bois, tu bois, il boit, nous buvons, vous buvez, ils boivent. Bouillir, to boil. bouillant, bouilli, -e. je bous, tu bous, il bout, nous bouillons, vous bouillez, ils bouillent. Clore, to close. no pres. part. clos, -e. je clos, tu clos, il cldt. no plural. Conclure, to conclude. concluant, conclu, -e. je conclus, tu conclus, il conclut, nous concluons, vous concluez, ils concluent. Conduire, to conduct. conduisant, conduit, -e. je conduis, tu conduis, il conduit, nous conduisons, vous conduisez, ils conduisent. Confire, to preserve. confisant, confit, -e. In all other parts like suffire. IRREGULAR VERBS. 57 FUTURE. IMPF. & PRET. PRES. SUBJUNCTIVE. IMPERATIVE. j'absoudrai. j'absolvais. no preterite. que j 'absolve. absous, absolvons, absolvez j'acquerrai. j'acquerais. j'acquis. que j'acquiere. acquiers, acquerons, acquerez. j'irai. j'allais. j'allai. que j'aille, que nous allions, qu'ils aillent. va, allons, allez. j'assaillirai. j'assaillais. j'assaillis. que j'assaille. assaille, assaillons, assaillez. j'assierai or j'asseyerai. j'asseyais. j'assis. que j'asseye. assieds, asseyons, asseyez. je boirai. je buvais. je bus. que je boive, que nous buvions, qu'ils boivcnt. bois, buvons, buvez. je bouillirai. je bouillais. je bouillis. que je bouille. bous, bouillons, bouillez. je clorai. wanting. ' que je close. clos. je conclurai. je concluais. je conclus. que je conclue. conclus. je conduirai. je conduisais. je conduisis. que je conduise. conduis, conduisons, conduisez. 58 IRREGULAR VERBS. INFINITIVE. PARTICIPLES. PRESENT INDICATIVE. Connaltre, to know. connaissant, connu, -e. je connais, tu connais, il connait, nous connaissons, vous connaissez, ils connaissent. Construire, to construct, is conjugated like conduire. Coudre, to sew. cousant, cousu, -e. je couds, tu couds, il coud, nous cousons, vous cousez, ils cousent. Courir, to run. courant, couru. je cours, tu cours, il court, nous courons, vous courez, ils courent. Craindre, to fear. craignant, craint, -e. je crains, tu crains, il craint, nous craignons, vous craignez, ils craignent. Croire, to believe. croyant, cru, -e. je crois, tu crois, il croit, nous croyons, vous croyez, ils croient. Croltre, to grow. croissant, cru, crue. je crois, tu crois il croit, nous croissons, vous croissez, ils croissent. Cueillir, to gather. cueillant, cueilli, -e. je cueille, tu cueilles, il cueille, nous cueillons, vous cueillez, ils cueillent. Cuire, to cook. cuisant, cuit, -e. is conjugated like conduire. Dechoir, to fall. wanting, decku, -e. je de"chois, tu dechois, il dechoit, nous de"choyons, vous dechoyez, ils dechoient. Devoir, to owe, must. devant, dii, due. je dois, tu dois, il doit, nous devons, vous devez, ils doivent. Dire, to say. disant, dit, -e. je dis, tu dis, il dit, nous disons, vous dites, ils disent. IRREGULAR VERBS. 59 FUTURE. IMPF. & PRET. PRE8. SUBJUNCTIVE. IMPERATIVE. je connaitrai. je connaissais. que je connaisse. connais, je connus. connaissons, connaissez. je coudrai. je cousais. que je couse. couds, je cousis. cousons, cousez. je courrai je courais. que je coure. cours, je courus. courons, courez. je craindrai. je craignais. que je craigne. crains, je craignis. craignons, craignez. je croirai. je croyais. que je croie, crois, je cms. que nous croyions. croyons, croyez. je croltrai. je croissais. je crus. que je croisse. crois, croissons, croissez. je cueillerai. je cueillais. je cueillis. que je cueille. cueille, . cueillons, cueillez. Or it may with faire be used in as an the infinitive auxiliary. je decherrai. je de*choyais. je dechus. que je dechoie. de"chois, dechoyons, dechoyez. je devrai. je devais. je dus. que je doive, que nous devions. dois, devons, devez. je dirai. je disais. je dis. que je dise. dis, disons, dites. 60 IRREGULAR VERBS. INFINITIVE. PARTICIPLES. PRESENT INDICATIVE. Dormir, to sleep. dormant, dormi. je dors, tu dors, il dort, nous dormons, vous dormez, ils dorment. Ecrire, ecrivant, j'ecris, nous ecrivons, to write. ecrit, -e. tu deris, il ecrit, vous ecrivez, ils ecrivent. Envoyer, to send. envoyant, envoye, -e. j'envoie, tu envoies, il envoie, nous envoyons, vous envoyez, ils envoient. Faillir, to fail. wanting.. failli. il faut, ils faillent. Faire, to do. faisant, fait, -e. je fais, tu fais, il fait, nous faisons, vous faites, ils font. Falloir, to be necessary. wanting. fallu. il faut. Fuir, to flee. fuyant, fui. i becomes y before a vowel, except before -e, -es, -ent. Gesir, to lie. gisant. il git, nous gisons, vous gisez, ils gisent. Joindre, to join. joignant, joint, -e. is conjugated like craindre, substituting oi for ai. Lire, to read. lisant, lu, -e. je lis, tu lis, il lit, nous lisons, vous lisez, ils lisent. Luire, to shine. luisant, lui. is conjugated like conduire. Mettre, to put. mettant, mis, -e. je mets, tu mets, il met, nous mettons, vous mettez, ils mettent. Moudre, to grind. moulant, moulu, -e. je mouds, tu mouds, il moud, nous moulons, vous moulez, ils moulent. IRREGULAR VERBS. 61 FUTURE. IMPF. & PRET. PRES. SUBJUNCTIVE. IMPERATIVE. je dormirai. je dormais. je dormis. que jc dorme. dors, dormons, dormcz. j'ecrirai. j'ecrivais. j'ecrivis. que j 'derive. ecris, ecrivons, dcrivez. i'enverrai. je faudrai. j 'envoy ais. j'envoyai. je faillis. que j 'envoie. envoie, envoyons, envoyez. je ferai. il f audra. je faisais. je fis. il fallait. il fallut. je gisais. que je fasse. qu'il faille. fais, faisons, faites. je lirai. je lisais. je lus. que je Use. lis, lisons, lisez. je mettrai. no preterite. je mettais. je mis. que je mette. mets, mettons, mettez. je moudrai. je moulais. je moulus. que je moule. mouds, moulons, moulez. 62 IRREGULAR VERBS. INFINITIVE. PARTICIPLES. PRESENT INDICATIVE. Mourir, to die. mourant, mort, -e. je meurs, nous mourons, tu meurs, vous mourez, il meurt, ils meurent. Mouvoir, to move. mouvant, mii, mue. je meus, nous mouvons, tu meus, vous mouvez, il meut, ils meuvent. Naitre, to be born. naissant, ne, -e. is conjugated like connaitre except preterite. Nuire, to injure. Offrir, to offer. nuisant, nui. offrant, offert, -e. is conjugated like conduire. is conjugated like ouvrir. Ouir, to hear. oui, -e. is conjugated only in the infin- itive and compound tenses. Ouvrir, to open. ouvrant, ouvert, -e. j'ouvre, nous ouvrons, tu ouvres, vous ouvrez, il ouvre, ils ouvrent. Paltre, to graze. paissant. no past part. is conjugated like connaitre. Partir, to set out. partant, parti, -e. je pars, nous partons, tu pars, vous partez, il part, ils partent. Peindre, to paint. peignant, peint, -e. is conjugated like craindre, substituting eifor ai. Plaire, to please. plaisant, plu. je plais, nous plaisons, tu plais, vous plaisez, il plait, ils plaisent. Pleuvoir, to rain. pleuvant, plu. il pleut. Pourvoir, to provide. pourvoyant, pourvu, -e. je pourvois, nous pourvoyons, tu pourvois, vous pourvoyez, il pourvoit, ils pourvoient. IRREGULAR VERBS. 63 FUTURE IMPF. & PRET. PRES. 8UBJUNCTIVE. IMPERATIVE. je mourrai. je mourais. je mourus. que je meure, que nous mourions, qu'ils meurent. meurs, mourons, mourez. je mouvrai. je mouvais. je mus. je nacquis. que je meuve, que nous mouvions, qu'ils meuvent. meus, mouvons, mouvez. j'ouvrirai. j'ouvrais. j'ouvris. no preterite. que j'ouvre. ouvre, ouvrons, ouvrez. je part irai. je partais. je partis. que je parte. pars, partons, partez. je plairai. je plaisais. je plus. que je plaise. plais, . plaisons, plaisez. il pleuvra. il pleuvait. il plut. qu'il pleuve. je pourvoirai. je pourvoyais. je pourvus. que je pourvoie. pourvois, pourvoyons, pourvoyez. 64 IRREGULAR VERBS. INFINITIVE. PARTICIPLES. PRESENT INDICATIVE. Pouvoir, pouvant, je peux (puis), nous pouvons, to be able. pu. tu peux, vous pouvez, il peut, ils peuvent. Prendre, prenant, je prends, nous prenons, to take. pris, -e. tu prends, vous prenez, il prend, ils prennent. Se repentir, repentant, is conjugated like partir. to repent. repenti, -e. Resoudre, resolvant, je resous, nous resolvons, to resolve. resolu, -e, tu resous, vous resolvez, resous. il resout, ils resolvent. Rire, riant, je ris, nous rions, to laugh. ri. tu ris, vous riez, il rit, ils rient. Rompre, rompant, the third person singular is to break. rompu, -e. il rompt. Saillir, to project, is conjugated like assaillir. to gush forth, is regular like finir. S avoir, sachant, je sais, nous savons, to know. su, -e. tu sais, vous savez, il sait, ils savent. Sentir, sentant, is conjugated like partir. to feel. senti, -e. Servir, servant, je sers, nous servons, to serve. servi, -e. tu sers, vous s'ervez, il sert, ils servent. Sortir, sortant, is conjugated like partir. to go out. sorti, -e. Souffrir, souffrant, it conjugated like ouvrir. to suffer. souffert, -e. Suffire, suffisant, je suffis, nous suffisons, to suffice. suffi. tu suffis, vous suffisez, il suffit, ils' suffisent. IRREGULAR VERBS. 65 FUTURE. IMPF. & PRET. PRES. SUBJUNCTIVE. IMPERATIVE. je pourrai. je pouvals. je pus. que je puisse. wanting. je prendrai. je prenais. que je prenne, prends, je pris. que nous prenions, prenons, qu'ils prennent. prenez. je re"soudrai. je re*solvafs. que je re*solve. re*sous, je resolus. re'solvons, resolvez. je rirai. je riais. que je rie. ris, je ris. rions, riez. All the rest of the verb is regular. je saurai. je savais. que je sache. sache, je sus. sachons, sachez. je servirai. je servais. que je serve. sers, je servis. servons, servez. je suffirai. je suffisais. que je suffise. suffis, je suffis. suffisons, suffisez. 6Q IRREGULAR VERBS. INFINITIVE. PARTICIPLES. PRESENT INDICATIVE. Suivre, suivant, je suis, nous suivons, to follow. suivi, -e. tu suis, vous suivez, il suit, ils suivent. Taire, taisant, is conjugated like plaire, to keep silent. tu,-e. except il tait. Tenir, tenant, je tiens, nous tenons, to hold. tenu, -e. tu tiens, vous tenez, il tient, ils tiennent. Traire, tray ant, je trais, nous trayons, to milk. trait, -e. tu trais, vous trayez, il trait, ils traient. Tressaillir, tressaillant, is conjugated like assaiHir. to start. tressailli, -e. Vaincre, vainquant, je vaincs, nous vainquons, to overcome. vaincu, -e. tu vaincs, vous vainquez, il vainc, ils vainquent. Valoir, valant, je vaux, nous valons, to be worth. valu. tu vaux, vous valez, il vaut, ils valent. Venir, venant, is conjugated like tenir. to come. venu, -e. V§tir, v§tant, je vdts, nous v^tons. to clothe. vdtu, -e. tu ve*ts, vous vetez, il ve% ils vetent. Vivxe, vivant, je vis, nous vivons, to live. ve*cu. tu vis, vous vivez, il vit, ils vivent. Voir, voyant, je vois, nous voyons, to see. vu,-e. tu vois, vous voyez, il voit, ils voient. Vouloir, voulant, je veux, nous voulons, to be willing. voulu, -e. tu veux, vous voulez, il veut, ik veulent. IRREGULAR VERBS. 67 FUTURE \e suivrai. je tiendrai. je trairai. je vaincrai. je vaudrai. je vStirai. je vivraL je verraL je voudrai. IMPF. & PRET. je suivais. je suivis. je tenais. je tins. je trayais. no preterite. je vamquais. je vainquis. je valais. je valus. je vStais. je v£tis. je vivais. je vecus. je voyais. je vis. je voulais. je voulus. PRES. SUBJUNCTIVE. que je suive. que je tienne, que nous tenions, que vous teniez. que je traie, que nous tray ions, que vous trayiez. que je vainque. que je vaille, que nous valions, que vous valiez. que je vdte. que je vive. que je voie, que nous voyions, que vous voyiez. que je veuille, que nous voulions, que vous vouliez. IMPERATIVE. suivez. tiens, tenons, tenez. trais, trayons, trayez. vainquons, vainquez. wanting. vSts, vetons, vdtez. vis, vivons, vivez. vois, voyons, voyez. veuille, veuillons, veuillez. FRENCH Conversational French Reader By Henry Bierman and Colman D. Frank, of DeWitt ClintoE High School, New York City. i6mo, cloth, 263 pages. Price, 80 cents. THE Conversational French Reader is intended to be used in the first year of the study of French. It contains a large number of short, interesting stories, each one so brief that it can be finished in a single lesson. The book is illustrated by original drawings. Conversational exercises are based on the stories. This will be found to be the most interesting, attractive, and simple elementary reader in French. It can be begun during the first week of school. L'Abbe Constantin By Ludovic Ha levy. Edited by Edward Manley, of the Engle- wood High School, Chicago. i6mo, cloth, 275 pages. Price, 50 cents. THIS little book is the first of a series of French classics. The editor is well known for his excellent work with French stories. This edition is more attractive than its competitors in its clear type, excellent paper, and handsome binding. It contains a dozen half-tone pictures illustrating the story. These were reproduced from the original French drawings. The book contains notes and vocabulary and English exercises for retranslation into French. There are also complete tables of irregular verbs and the official wording of the latest rules for correct spelling. La Tulipe Noire By Alexandre Dumas. Edited by O. B. Super. i6mo, cloth, 265 pages. Price, 50 cents. THIS edition of La Tulipe Noire has the same attractive fea- tures as Manley's L'Abbe* Constantin. The text has been slightly abridged for classroom purposes. The book contains notes, exercises for retranslation, and a vocabulary. 56 FRENCH First French Course T By C. A. CHARDENAL. i6mo, cloth, 274 pages. Price, 60 cents. HE First Course supplies all the instruction necessary for reading, intelligently, easy French prose. Second French Course T French Syntax and Reader, by C. A. CHARDENAL. i6mo, cloth, 250 pages. Price, 60 cents. HE Second Course aims to develop a mastery of the princi- ples of Syntax, and also fluency in French conversation. French Exercises for Advanced Pupils By C. A. CHARDENAL. Revised by the late Professor Delphine Duval, of Smith College. i6mo, cloth, 258 pages. Price, 90 cents. THIS.revision of Chardenal's French Exercises contains all the essential rules of French Syntax, in clear, concise form, and a valuable list of idiomatic verbs and phrases, in which English idioms are rendered by the corresponding French idioms. Readings from French History Edited by O. B. SUPER. i6mo, cloth, 324 pages. Price, #1.00. THE choice of the selections has been determined by their suitableness to the reading ability of pupils in high schools and colleges. In order that the selections may be interesting, complete episodes have, so far as possible, been given. The extracts will furnish the student a good idea of the style and manner of the best French historians. With but one exception the selections are arranged in chronological order. The selections are as follows : — Thierry, Conquete de TAngleterre. Lanfrey, Le Decret de Berlin et Barante, Jeanne Dare. l'Entrevue de Tilsit. Louis Blanc, Avant la Revolution. Segur, Napoleon a Moscou. Michelet, Prise de la Bastille. Thiers, Napoleon a Sainte-Helene. LAMARTlNE.DiscoursdeVergniaud. Guizot, Histoire de la Civilisation MiGNET, Chute de Robespierre. en Europe. 56 FRENCH La Belle France By Adolphe de Monvert. i2mo, cloth, 271 pages. Price, 80 cents. LA BELLE FRANCE is an elementary reader dealing with French customs and French life, and is simple enough so that it can be begun early in the first year. It tells of the visit of two Americans to France. The voyage is described, the first impressions made by the new country, and many interesting in- cidents of the journey. The atmosphere of France pervades the book. A vein of quaint humor makes the subject matter attractive, and from the book young pupils can get a clear idea of the pictur- esque features of French life. Only such notes are given as are required to supplement the very simple language used. The new edition has an interesting Questionnaire, attractively arranged, with a few questions on each of the divisions of the book. The vocabulary is especially complete. An attractive feature of La Belle France is the illustrations, which were taken especially for this book by one of the authors during the journey. Eleven new full-page half-tones, most of them views of Paris, have been added. There is included a colored map of France and two plain maps — one of Paris and the other showing the route of the two companions in the journey of which the book tells. Colomba By Prosper Merimee. Edited by Professor W. S. Barney, Pennsylvania College, Gettysburg. i6mo, cloth, 277 pages. Price, 50 cents. THIS edition has the same attractive features as La Tulipe Noire and L'Abbe Constantin, and is bound in uniform style with the series of French classics. It contains notes, exer- cises for retranslation, and a vocabulary, and is illustrated from original drawings by Boardman Robinson. 104 SPANISH Easy Spanish Plays By Ruth Henry, State Normal School, Los Angeles, California. i6mo, cloth, 91 pages. Price, 65 cents. THESE plays will be of service not only as an easy reading text, suited to beginners in the study of Spanish, but also will afford excellent conversational material. There are eight short plays, all of which have been produced before audiences by the author's pupils and have received a warm welcome. The little skits arouse a keen interest in the language. The memoriz- ing of plays and the rehearsals consequently necessary fix the idioms and commonplace expressions in the mind in a way no other drill can do. There are notes to supplement the vocabulary giving the mean- ing of Spanish idioms and explaining difficult subjunctives. The book contains hints for the forming of Spanish Clubs, accompanied by a list of parliamentary terms. There are also directions for Spanish games. El CapMn Veneno By Pedro de Alarcon. Edited by Guy E. Snavely, Professor of Romance Languages at Allegheny College, Meadville, Pennsylvania. i6mo, cloth, 168 pages. Price, 65 cents. EL Capitan Veneno is unquestionably the most popular novela, or short story, in modern Spanish literature. The story is amusing and clever, and holds the interest from first to last. It is in very simple Spanish and is suitable for reading before the end of the first year. The book is attractively printed and bound, and contains a portrait and a brief life of the author. The notes dispose of the few difficulties which, occur in the text. There are conversational exercises, questions, and composition based on the text. The practical nature of the notes and exercises is a special feature of this edition. Every attention has been given to making this the most attrac- tive edition of the story now on the market. 105 RETURN LOAN PERIOD 1 2 ; 3 4 5 i b ALL BOOKS MAY BE RECALLED AFTER 7 DAYS DUE AS STAMPED BELOW (JHfENRLF Jl L 2 5 1986 UNIVERSITY OF CALIFORNIA, BERKELEY FORM NO. DDO, 5m, 12/80 BERKELEY, CA 94720 - Yb 48739 ^y 843055 THE UNIVERSITY OF CALIFORNIA LIBRARY