THE LIBRARY OF THE OF UNIVERSITY CALIFORNIA LOS ANGELES ^vut. f /~A*y +t,<4"*- ^U-^ /L*v * ^^ rf^ V \ V- FRENCH PLAYS .^ % r - Table of Contents - 1. MM. SCRIBE ET VARNER. THEOBALD OU LE RETOUR DE RUSSIE, come" die-vaudeville en un acte, 1829. 2. MM. A. DE LEUVEN ET DEFORCES. VERT-VERT , come" die-vaudeville en trois actes, suivie de VERT-VERT, poerae par QRESSET. 3. MM. LOCKROY ET ANICET. POURQUQI? come'die-vaudeville en un acte, 1833 U. "MM. PAUL DUPORT , DESVERGERS ET VARIN. CHRISTOFHE, OU CINQ POUR UN, vaudeville en un acte , 1833 j. ' -fr. i< rr r c~ , ;i f i.i , : . Atiu A, : 5. M. ANCELOT. LA ROBE DECHIREE, come die-vaudeville en un acte, 18 3h 6. VOLEl R , vaudeville en un acte, 18 3U* 7. MM. THEAULON, NEZEL ET OVERNAY. JUDITH ET HOLOPHERNE > episode de la premiere guerre d f Espagne , vaudeville en deux actes 183U. ::;' ; t *LLV9$$f&V'*&&*9&Q>3 8. M. BAYARD. LA LECTRICE QU UNE FOLIE DE jfeUNE HOMME, comedie vaudeville en deux actes, I83i|. 9. MM. BAYARD ET CHABOT DE BOUIN; LA VIEILLE FILLE, comedie-vaudeville en un actet 183U- 10. MM. BAYARD ET DECOMBEROUSSE , FRETILLON, OU LA BONNE FILLE vaudeville en cinq actes, 183U- 11. MM. BAYARD ET DUPORT. LA FILLE PS L 1 AVARS, comedie- vaudeville en deux actes, 1835> J .' i f.\.* * j.\.'_!..'t ^."' j'V, ". 12. MM. SCRIBE ET DUMANOIR. ETRE AIME OU MOURIRl comedie- vaudeville en un acte, 1835* ov 651271 LIBRAIRIE DE POLLET, RUE DU TEMPLE, N* 36. DU THEATRE DE S. A. R. MADAME, A UN FR. LA L1YRAISON, Sur grand papier Jesus ve'lin satind , format in-3z. (71 LIVRAlSCmS SONT EN TENTH; CHAQUE PIECE SE VENtt SEPARE1WENT.) F VI L.B L/vl LA MANIE DES PLACES, ou LA. FOLIE DU LES MORALISTES. MALVINA , ou UN MARIAGE D'INCLINATION. : 1'HEOBALD, ou LE RETOUR DE RUSSIE. Mm SA1NTE- AGNES, ou IA FEMME A On souscrit a la Collection-, POLLET, rue du Temple , n 36. Chez / BAUDOUIN FRERES , rue de Vaugirard, n 17. BARBA , au Palais-Royal. Avis. THEOBALD, ou le Retour de Russie , etant la proprie't^ Jn Libraire POLLET , il declare qu'elle ne pourra faire partie du The'alre de M. E. Scribe , public' par les Libraires Bezou et Aime'-Andre' , qu'a compter du 12 fe'vrier i83i, c'est-a-dire deux ans apres la premiere representation de ladite piece, et que cc droit n'appartient qu'a lui, ^tant scul Proprie'taire de tous les Vaudevilles de cet auteur. ou LE RETOUR DE RUSSIE , COMEDIE-VAUDEVILLE EN UN ACTE, DEDIEE A MADAME SOPHIE GAT, . PAR MM. SCRIBE ET VARNER, REPRESENTEE , POUR LA PREMIERE FOIS , A PARIS ," SUR LE THEATRE DE MADAME , PAR LES COMEDIENS ORDINAIRES DE SON ALTESSE ROYALE, LE 1 2 FEVRIER 1 829. PARIS. POLLET, LIBRAIRE, l)fTEUR I)U REPERTOIRE DU THEATRE DE MADAME, IlUE DU TEMPLE, N 36. 1829. eBO** **>*<*<> *' PERSONNAGES. ACTEURS. RAYMOND , docteur en medecine M r FIRMIN. BERNARDET , substitut dn procureur j u ro ; M r LEGRAND. THEOBALD , jeune officier M r PAUL. M me DE LORMOY M me THEODORE. CELINE , sa petite-fille M me JENNY- VERTPRE. La Baronne DE SAINVILLE, sa niece. M me DORMEUH. . La scene se passe a Bordeaux , dans la maison tie M'" e de Lormoy. Nota. S'adresscr, pour la musique de cette piece et pourcelle de tous ies ouvrages repre'sentes sur le The'atre de MADAME , a M. THEODORE, Bibliothecaire et Copiste , au me'me Theatre. Vu au Ministerc de 1'Interieur , confornu-ment a la derision de Son Excellence, en date de ce jour. Paris, cc (> fevrier 182^. Par ordre de Son Excellence, Le rkefdu Bureau des Theatres, Signs COUPART. LE LiBRAin E POLT.ET etantseulEditeurdesowragesde M. SCRTBK, on trouve chez Ini tons Ies Vaudevilles de cet antenr. PARIS. Imprimerie de DoNDEY-DuFRK, rue St. -Louis, N 461 au Mar^s. LE RETOUR DE RUSSIE, Lc theatre reprcscnte un salon ; porte au fund , deux portes late'rales ; la porte a la droitc de 1'acteur esl celle de 1'apparlcincnl dc M nic d c Lonnoy. Sur le deuxieine plan, a droilc ct a gauclic , la porlc de deux cabincls. Sur le dcvant du la scene, a droitc , une tublc avcc ccritoire , plumes, papier, et tout cc qu'il faut pour ecrire. SCENE PREMIERE. CELINE*, LA 15 \RONNE, M DE LORMOY, BERNARDET. , \u lever/lu riduau, tout le monde cst assis autour d'une table rondc placee a gaucbc, et sur laquclle on est en train dc dejeuner. Uii do inestitjue debout dcrriere M"-' de Lormoy.) BERNARDET , pre'senlant une tassc. Tres-peu, pour ma belle-mre. CELINE. Soycz tranquille.... je sais ce qu' il lui faut. BERNARDET. Yous vous rappelez cc que dit le docteur : plus on est faible, moins il faut manger; et, avcc ce regime la, peu a pcu Ton rcprend des forces. M me DE LOHMOY. Moi, qui commence a me trouver mieux, je crois que je pourrais m'ecarler ua peu du rdgime qu'on m'a present. * Le premier acteur inscrit tient tou jours, en scene, la gaucbc du spcctatcur. .6 THEOBALD , CELINE- Ma mere , attentions le docteur. M me DE LORMOY. Mais viendra-t-il aujourd'hui? BERNARDFT. Je sors de chez lui.... c'est le medecin de Bordeaux le plus occupc.... il etait sorli ; mais a son retour, on nous Tenverra.... ainsi , jusque-la, rien de plus que 1'ordon- nance. ( Us se leoent , le laquais eitleve la table , el range les fauteuils. * ) Oui, belle-mere, en ma qualite de substitut, je suis pour qu'on execute les ordonnances a la rigueur. LA BARONNE. Oh ! vous , messieurs les magistrals , vous etes d'une seVerite.... BERNARDET. C'est possible , sous la toge.... c'est notre etat qui veut ca.... moi , par exemple , je requiers tous les jours des condaranations ; je suis la terreur des coupables : j'ai 1'air tres-mechant.... ( A Celine.} Oui, mademoiselle, je me fache tous les jours ; mais jamais pour mon compte , c'est toujours pour celui de la societe et. de la morale.... Des que j'ai depose les fbudres du minisfere public, je suis Ihomme le plus doux , le plus facile.... je ferai un epoux excellent.... quand la belle- mere voudra bien le per mettre.... car il y a assez long-terns que je suis.... en instance. W'ne DE LORMOY, 3 Celine. J'en conviens , celte union etait le plus cher desir de ta mere; et je ne demanderais pas mieux, si son frere, si mon petit-fils etait ici. BERNARDET. Oui ; mais comme il n'y est pas.... comme il y a force majeure.... M me DE LORMOY. Ob ! il reviendra, j'en suis sure.... ne me diles pas le contraire. * Celine, M m * fie Lormoy, Bernardet, la Baronnc. COM^DIE-VAUDEVILLE. 7 BERNARDET. M'en preserve le ciel !... Mais il me semble que sa soeur pourrait toujours se marier en attendant. CELINE. Non.... ma bonne maman. AlR : J'en guette un petit de mon dge, Faut-il que mon hymen s'apprete , Quand de nous mon frere est si loin ? Pour que ce soil un jour de fete , II faut qu'il en soil le te'moin. Autrement, dans la foulc immense Que il'un hymen attire la splendeur, Loin , -he'las! de voir mon bonheur , Vous ne verriez que son absence. BERNARDET , a part. Je n'ai jamais vu de jeune personne aussi peu pressee. de se marier. M ne DE LORMOY. Songez done qu'a chaque instant nous pouvons le voir paraftre. Tousles jours, il arrive des prisonniers du fond toujours dispos et bien portant , Pour donner a chaque client Un echantillon vivant De mon) . > talent. De son ) BERNARDET. On vous a dit, docteur, que j'dtais passe chez vous? RAYMOND. Non, vraiment. Je viens de moi-me'me ; car je n'etais pas rentre au logis. BEKNARDET. Eh bien , vous y trouverez du monde.... Un jeune homme de fort bonne tournure , qui vous attend avec impatience... II vient de Montauban. RAYMOND. Encore une consultation. COMEDIE-VAUDEVILLE. 1 1 BERNARDET. Et quand je lui ai dit que vous ne rentreriez peut-e*tre que pour diner, il a dit: J'attendrai. RAYMOND. II attendra done jusqu'a ce soir ; car je dine chez le prefet.... et d'ici la , tout mon terns est employe'.... des vi- siles essentielles , des malades a 1'extremite. AIR de la Partie carre'e. Avec ceux-la, j'agis en conscience ; Je Ics visite autant que 93 leur plait ; Car clu tnalade endormant la souffrancc, Notre pre'sence est un dernier bienfait. Oui , le docteur , par sa douce parole , Lui rend 1'espoir aux portes du trepas ; Et c'est le moins qu'uo me'decln console Ceux (jii'il ne guerit pas. CELINE. Vous ne pouvez cependant pas refuser un pauvre jeune homme qui, pour vous consulter, vient de trente lieues *Tici. BERNARDET. En poste. RAYMOND. Ah ! il est en poste I BERNARDET. Une caleche et trois chevaux qui etaient encore a la porte , tout atteles. RAYMOND. Voila qui est different.... Cela me genera beaucoup ; mais n'importe , il faudra voir ce que c'est. CELINE. La caleche et les trois chevaux font done quejque chose a la maladie ? RAYMOND. Sans doule ; cela prouve que c'est une maladie presse'e , puisqu'elle prend la poste.... Aujourd'hui a cinq heures , je rcntrerai chez moi, expres pour cela.... ( Tdtunt le pouts A A/ me de Lormoy. ) Allons, il y a du mieux.... n^anmoins Je pouls estun peu agile.... je trouve encore de 1'^motion.... c'est qu'on vous aura parje de votre Ills. i ?- THEOBALD , M rae DE LORMOY. C'est vrai ; ccla me fait tant de plaisir. RAYMOND. Cela vous fail aussi beaucoup dc inal. M me UE LOHMOV. AIR : Muse des buis. Vous ignorez combien une grand'mere Garde d'atnour pour ses petits-enfans ; Reve dernier, espcrance derniere, Qui dans 1'hiver nous raniene au printcms. Vieille, on revitdans le fils qu'on adore, Et 1'on se dit, par un espoir confus: Grace a son age, il pent m'aimer encore Long-lems apres que je ne serai plus. ( Apres ce couplet, Bcrnardet passe entre Celine et M""' de Lur- rnoy. ) RAYMOND. Songez done que vous 3tes a peine convalescenle d'unc maladie terrible, qui a demande tous mes soins.... Encore, j'ai eu bien peur.... et vous aussi, convenez-en. M'" e DE LORMOY. Peur de mourir!... oh! non.... mais j'avais peur de ne pas voir mon fils. RAYMOND. Ah ! mon Dieu , il reviendra !... il reviendra ce cher enfant que j'aime autant que vous.... car c'est moi qui 1'ai vu naitre , et qui 1'ai vaccine.... ct de plus, je 1'ai soigne dans ses dernieres blessures.... 11 reviendra; c'cst moi qui vousl eu reponds et vous serez bien surprise, un beau matin T quand je vous 1'amenerai. M me DE LORMOY. Surprise !... non : car je I'attends toujours.... Tous les jours en me levant, je me dis : C'est aujourd'hui que je > vais voir mon fils. ( A Celine. ) Tu me demandais ce matin, pourquoi je voulais me faire aussi belle?... c'etait pour lui. RAYMOND. Allons, aliens, voila que nous recommen^ons.... Je defends qu'on en parle davanlage.... Vous devez fuir les emotions. ... vous avez surlout besoin de calme et de re- pos.... Si vous n etcs pas raisonnable.... COMEDIE-VAUDEVILLE. i3 CELINE ET BERNARDET. Au fait, in an ion, il faut elre raisonnable. M me DE LOR1IOY. Ne me grondez pas.... Jc vais rentrer dans mon appar- tcment.... je n'y reccvrai personne.... je n'enlendrai par- ler de rien.... RAYMOND. A la bonne hcure. BERNARDET, dormant le bras a M'"" de Lormoy. AIR du ballet de Cendrillon. Ah! pcrmettez quc je guide vos pas, C'est k moi, ma bslle grand'mere , A m'acquitter de ce doux ministere , Et comme gendre , ici , j'offre mon bras. J'estime fort la vieillesse , et par gout Je la frequente et je I'honore ; II faut soigner nos grands parens , (a part] surtout Quand ils ne le sont pas encore. ( Celine passe a la gauche de M me de Lormoy, et lui ilonne aussi le bras. ) BERNARDET. Ah! pcnncttcz que je guide vos pas , etc. Mine DE 10RMOY. Soyez mon guide, et soutcncz mes pas, \otre appui m'est bien nccessairc : Un jour viciuira, qui n'est pas loin, j'espere, Ou mon Leon pourra m'offrir son bras. CELINE, RAYMOND ET LA BARONNE. Avec prudence il va guider vos pas, Son appui vous est ne'cessaire ; Gendre futiir, a sa bonne grand'mere , Avec plaisir, monsieur offre son bras. ( M me de Lormny , s 'appuyant sur le bras de Bernardet , rentre dans son appartenient ; Celine I'accompagne. ) SCENE III. CELINE, RAYMOND, LA BARONNE. RAYMOND, retenant Celine, quis'apprete a suivrc M m c de Lormoy. \ous avez grand tort, ma chre enfant , de lui parler 1 4 THEOBALD, de votre frere.... II faut , en pareil cas, une prudence.... des menagemens dont nous seuls posse"dons le secret; car il est malhcureusement trop certain que ce pauvre Leon n'existe plus. LA BARON NE, chancelant. C'est fait de moi ! RAYMOND. Eh Lien.... qu'est-ce done? CELINE, a Raymond. Qu'avez-vous fait!... (/4 la Baronne.') Sophie.... Sophie.... ce n'est pas vrai. RAYMOND. Certainemenl , ce n'est pas vrai.... Moi, qui n'y pensais pas.... devant sa cousine !... Dans cette maison-ci, on ne devrait jamais parler.... Pardon, madame Ja Uaronne, je lie sais ce que je dis.... ce sbnt des craintes; mais sans aucune espece de preiives. L\ B4RONNE. Vrainaenf? RAYMOND. Et puis , nous autres docteurs , nous nous trompons si souvent.... J'ai eu plus de cent malades , que j'ai crus morls, que j'ai abandonnes , et qui se portent a merveille... et vice versa* LA BARONNE. Ah! vos crainlesne sont que trop reeiles.... La derniere lettre etait datee de Moscou.... Et depuis, n'avoir trouve aucuns moyens d'ecrire a sa famille....acelle qu'il aimait !... RAYMOND. Est-ce que c'etait possible ?... Toutes les communications n'etaient-elles pas interceptees ?... Les Hulans, les Bas- kirs , les Cosaques.... c'est la mort aux estafettes. LA BABONNE. Oui, c'est possible.... Je vous crois, docteur; mais c'est e'gal.... vous ni'avez fait un mal.... RAYMOND. C'est ma faule, cl je mVn accuse.... C'est le resultat de COMEDIE-VAUDEVILLE. i5 cette maudite conversation.... Ainsi jugez de Teffet sur votre mere. CELINE, avec inquietude. Vous la trouvez done bien malade ? RAYMOND. Pas prdcisement ; mais elle est bien faible.... hors d'etat de resister a une secousse un pen forte.... La moindre Emo- tion peut compromellre sa sante , et nie'me son existence. CELINE, eflrayee. Grand Dieu! RAYMOND. Ne vous alarmez point... II est facile, avec des soins, des precautions.... mais pour cela, il faut m'ecouter toutes les deux {A la Baronne. ) Vous, d'abord, faites-moi le plaisir de retourner chez vous ; car, dans ce moment, cette maison-ci ne vous vaut rien. II faut prendre 1'air.... vous tranquilliser. LA BARONNE. Je n'ai demande ma voiture que dans quelques heures. RAYMOND. La mienne^est en Bas , a vos ordres. LA BARONNE. Et vos visilesi*... Et ce jeune homme de Montauban qui est chez vousi* RAYMOND. Je le verrai taiiiol en rentrant.... Pour mesautres visiles , en attendant que vous me renvoyiez ma voiture, j'en ferai quelques-uues a pied, dans le quartier.... a des cliens, pres de qui ma reputation est faite, et avec ceux-la, je ne suis pas oblige d'avoir Equipage.... ( A Celine. ) Vous , re- tournez pres de votre mere.... Je 1'ai trouvee tres-emue, tres-agite"e. Je vais m'occuper de reparer le mal. Ce sera 1'objet d'une ordonnance , que je vais e"crire pour M me de Lormoy... (a la Baronne*) et qui vous conviendrait aussi... Je vais prescrire quelques goultes de mon elixir, (lls'assled pres de la table , et ecrit. ) AlR de lien find de Montauban. Elixir anti-lacrymal , Que j'ai compose pour 1'usage Des dames qui sc trouvent mal ; iG THEOBALD, De tout Paris il obticnt le suffrage . . . An illicit re il a ilu succes. . . CKLINE. Oui , j'cntenils. . . pour les tragedies. RAYMOND. Non , vraiment , pour les come'dies Qu'on donne a present aux Francais. CELINE ET LA BARONNE, en s'en allant. Adieu! adieu! M. le docteur. (JLa Baronne sort par le fond, Celine enlre dans la chambre de Mad. de Lormoy. ) SCENE IV. RAYMOND , assispres de la table, ensuite THEOBALD. RAYMOND , continuant d'e'crire. Ddpikhons-nous de rediger notre formule .... de con- tinuer mes visiles. . . . Ce jeune homme de Montauban. . . . qui peut-il &re ? . . . . le fils du preTet. . . . THEOBALD , entrant par le fond , a part et sans voir Raymond. Me voici done arrive chez M rae de Lormoy. . . . j'ai cru que je n'aurais jainais le courage de monter jusqu'ici . . . . la mission que j'ai a remplir est si penible ! RAYMOND, apercevant Theobald, mais continuant d'ecrire. Un jeune homine .... un inconnu I THEOBALD, voyant Raymond. Monsieur. RAYMOND , a part. G'est a moi qu'il en veut... Peut-etre une consultation.... peut-tre mon jeune homme dc Montauban, quis'est lasse d'atlendre.... (Se levant et allant vers Theobald.} Monsieur, qu'est-ce qu'il y a pour votre service ? THEOBALD. Je desirerais parler a M me de Lormoy. RAYMOND, a part. Je me trompais , ce n'est pas un malade.... ( Haul. ) Monsieur, elle n'cst point en etat de vous recevoir. THEOBALD. ,Vous croyez? COMEDIE- VAUDEVILLE. 17 RAYMOND. Je dois le savoir je suis son medecin. THEOBALD. Tantmieux. .. Je puis alors vous dire.... RAYMOND. Je vous demande bien pardon ; mais j'ai des malades qui m'attendent , et qui peut-etre ne m'attendraient pas , si je restais plus long-terns.... Je vais entrer chez M me de Lormoy ; et vous envoyer sa fille , ou faire preveuir son gendre. THEOBALD, avec etonnement. Son gendre !... Est ce que M elle Celine serait mariee? RAYMOND. Pas encore ; mais 93 ne tardera pas. Tout est convenu , regie.... II ne s'agit plus que de remplir les formalites or- dinaires : et alors.... vous comprenez. THEOBALD , avec embarras. Parfaitement. RAYMOND , a part. Ce jeune homme m'a bien Tair d'un soupirant retar- dataire. AIR du vaudeville de Partie et Revanche. 11 avail co m pte sans son hole, Oubliant le prix dcs instans ; Pourquoi vient-il aussi tard ? . . . c'est sa fautc . . . Pour les docteurs, les epoux , les amans , Le tout est d'arriver a terns. Aussi, de crainte de disgrace, Soyez a 1'heure , amans , docteurs , epoux. . . Sinon , docleurs , sans vous on passe ; Sinon , maris , 1'on se passe de vous. ( Pendant le couplet de Raymond , Theobald s'est as sis et para if pre'occupe ; le docteur le salue, et , s 'apercevant qu'il ne fait pas at- tention a lui , il entre chez ]}I" te de Lormoy. ) THEOBALD seul. Inforlune Leon ! . . . . mon dignc et malhcureux frere d'armcsl... Comment nVacquiMcr du Iriste devoir qne ton Theobald. 2 i8 THEOBALD, ainiiii'- m'a legue?... Quelle emotion j'eprouve en entrant dans cette maison , au sein de cetle famille , que jamais je n'ai vue , et que je connais si bien !... Ce medecin , ce doit etre M r Raymond Cetle jeune dame, qui moutait en voiture , au moment ou j'enlrais , ce doit Sire Sophie, cette veuve, cette cousine qu'il adorait.... Pauvre femme !... Et Celine .'... et sa jeune sceur , dont nous parlions sans cesse; dont chaque jour nous relisions les leltres.... dont nous aimions a contempler les traits si seduisans.... cellc , enfiu, qu'il me destinait, et que deja je m'elais habitue a cherir... Kile est engagee.... unie a un autre ! Le moment qui nous rapproche esl celui d'une separation eternelle.... Amour - ainitie , esperance!... En te perdant, Leon , j'ai tout perdu. ( Regardant auiour de /;'.) On ne vient point: tant mieux... Ce moment sera si affreux!... Ces parens, cetle famille desolee.... comment leur dire?... Le pourrai-je jamais?... Si du moins quelques mots de ma main les preparaienl a cetle funesle nouvelle?... Oui.... ecrivons. ( Se mettanta la table , et ecrivant. ) MADAME , Mon nom esl Theobald.... Compagnon de Leon, votrc fils , nous servions dans le meme regiment , et 1'ainitie la plus tendre nous a toujours unis. Partageant les memes perils, el prisonniers ensemble lors do la retraite de Moscou , nous fumes conduits dans le gouvernement de Tobolsk , et enfermes dans la forleresse de Tioumen , au bord de la Tura.... Apres cinq mois de la plus horrible > caplivile , un moyen d'evasion nous ful offert ; mais un de nous deux pouvait seul en profiler.... Dans sa gene- reuse amitie , Leon voulait que ce fut moi.... Mais il avail une famille qui le pleurait en France.... Moi , j'etais orphelin.... Ce ful lui qui parlit.... ( // cesse d'ecrire. ) Ah! je me rappelle encore ses derniers mots ... Si je succombe dans ma fuile , me disait-il ; si , plus heureux que moi, tu revois jamais la France, va porter a ma pauvre grand'mere et a ma soeur ( fouillunt dans sa poche) ce portrait ces lellres qu'elles m'avaient en- voyees , et mes derniers adieux.... Tiiche d'cn adoucir 1'amerlume Menage surtoul le cotur dune mere Remplace - moi aupres de la mienne.... Deviens son appui , celui de ma soeur.... ( Posant sur la table le por- trait et les lettrcs , et reprenant la plume. ) Ah ! comment COM&DIE- VAUDEVILLE. 19 achever ?... comment lui dire le reste?... ( 11 se live. ) Des fene'tres de ma prison , j'ai vu les soldats du fort tirer sur cette nacelle qui portait mon malheureux ami.... Atteint du plomb morlel, je 1'ai vu, tout sanglant, tomber , et dis- paraftre dans ce fleuve rapide.... Ah! non.... ne leur offrons point une pareille image. AIR ilf Lantara. Pour leur coeur elle est trop terrible : Diffe'rons ce coup redoute'; Par degre's, le plus tard possible, Apprcnons-leur la verite , Apprenons leur la triste verite ; Oui , dans le doule ou les tient son absence , D'un songe heureux eprouvant les bienfaits , Us dorment tous berce's par I'espe'rance ; Ah! puisscnt-ils ne s'eveiller janiais! ( II prend sa lettre qu'il ploie et qu'il tient a la main au moment ou Bernardet enlre. ) SCENE VI. THEOBALD, BERNARDET. BERNAKDET , entrant par le fond , et parlant a un domestique. Un monsieur , dis-tu , qui desire me parler.... ( Voyanl Theobald. } C'est lui , sans doute. THEOBALD. Pardon, monsieur, j'avais demande a voir madame de Lormoy. BERNARDET. Ma belle- mere? THEOBALD , a part. Sa belle-mere !... C'est done lui. BERNARDET. Impossible , dans ce moment elle ne recoil pas. THEOBALD. C'est ce qu'on m'a dit.... Mais je voudrais seulement lui faire parvenir cette lettre que j'ai a peine achevde. BERNARDET. Une letlre.... permettez.... S'il s'agit d'affaires , nous ne 20 THEOBALD , pouvons pas prendre sur nous.-,. Le docleur 1'a de'fendu.... Elle est si faible en ce moment, que la moindre emotion penible lui ferait un mal affreux. THEOBALD, avec intent. Vraiment ! BEKNARDET. Le moral est si affecte depuis Teloignement de son fils.... Le docteur pretend meme qu'une secousse violente.... ce qne nous appelons un conlre-coup.... une revolulion, la tuerait net , comme un coup de foudre. THEOBALD. Que me dites-vous la ?... Je n'insiste plus pour quc vous lui remettiez cette lettre. II vaut mieux attendre un autre moment, et lui parler moi-meme. Ce que j'ai a lui con- fier demande tant de menagemens.... tant de precautions! Et croyez, monsieur, quc je ne voudrais pas.... BERNARDET. J'en suis persuade'.... Mais des qu'il s'agit de precautions adroites , en magistral prudent, ne puis-je savoir?... THEOBALD. Daignez lui apprendre seulement qu'un officier qui ar- rive de Russie lui demande , plus tard , un moment d'entreiien. BERNARDET. Vous arrivez de Russie!... Vous avez vuLeon; vous apportez de ses nouvelles. THEOBALD. Pas un mot de plus , je vous en prie. BERNARDET. Cest different.... Elle sera trop heureusc de vous voir. ( On entend une sonnette duns I'appariement de Mad. de Lormoy. ) Je crois 1'cnlendre.... Enlrez-la un moment ( lui montrant le cabinet a gauche de I'acteur ) ; seulement le terns de la prevenir. THEOBALD , entrant dans le cabinet. Oui, monsieur.... oui, j'attendrai.... Pauvre famille! COMDIE-VAUDEVILLE. 21 SCENE VII. BERNARDET seul , le regardant. 11 y a du myslerc.... il y en a.... Etpour nous autrcs qui avons 1'habitude d'en trouver partout.... (// s'approche de la table.*) Moi, d'abord, il ne me faut qu'un rien.... un indice.... Et ce jeune homme.... cct air e"mu.... (// aperfo/t le portrait et le paquet de letlres qitc Theobald a laisses sur la table. ) Quel estcc portrait?... celui de M llc Celine.... (Re- gardant les letlres. ) L'ecriture de ma prelendue.... celle de ma belle-mere.... ( // en prend line dont il lit I'udressc.} a A M r Leon , capitaine au 6 e de hussards, quartier gene- ral de la grande armee. C'est lui.... c'est mon beau- frere ! c'est M r Ldon. SCENE VIII. CELINE, M" DE LORMOY, BERNARDET, ensuite THEOBALD. Mine I)E LORMOY, qui est entree avec Celine, sur les derniers mots de fiernardet. Mon fils!... qui a parle de mon fils?... C'est vous , Ber- nardet?... BERNARDET. Oui , belle-mere , oui , c'est moi qui , graice au ciel , espere bient6t ^tre votre gendre. M" e DE LORMOY. Que dites-vous? BERNARDET. Je dis que , si vous voulez etre bien raisonnable , on a peut-a s'asseolr a la table, et ecrit. ) CELINE. N'est-ce que cela ? . . . sois tranquille ... il la recevra aujourd'hui a cinqheures , car il nous a dit qu'il renlrerait a cette heure-la. . ( a Bernarde.f) vous vous rappelez bien? BERNARDET. Oui, vraiment. . . et, pour plus de surete , je me charge de la faire remettre chez lui. M me DE LORMOY. Et en meme tems. . . (prenant Bernardet a part a gauche ilu theatre , pendant que Theobald ecrit a la table a droite ) , passez chez ma niece , chez cette pauvre Baronne Dites-lui que j'ai besoin d'elle. . . qu'ellc vienne. . . Mais, je vous en supplie, pas un inol sur Leon. . . Ne lui par- lez pas du bonheur qui Tallend. . . . Je veux jouir de sa surprise. COMEDIE-VAUDEVILLE. ?5 BERNAKDET. Vous avez raison . . . ce sera charmanl ! M me DE LORMOY. -Et mon fils , qui doit la croire a Paris ! . . . . qui ne sail pas qu'elJe nous a suivis. . ._. Je pourrai lui rendre le bon- heur qu'il vient de me causer. BERNARDET, a demi-voix. Soyez tranquille, c'est dit. . . . ( Ilaut. ) M. Leon a fmi ses deptkhes? AIR de la Walse de Robin des Bois. Je vais porter la lettre a son adresse. . . ( Bas a M me de Lormoy. ) Puis , ni'acquittant d'un emploi delicat, Sans lui rien dire, avertir votre niece : On est discret quand on est magistral. Puis , reprenant ma course diligente, Pour le repas je vais tout ordonner, Car la justice , he'las ! qu'on dit si lente, Ne Test jamais alors qu'il faut diner. ( Theobald lui donne la lettre. ) / Je vais porter la lettre a son adresse , etc. Mme DE LORMOY. Allez porter la leltre a son adresse, Puis , remplissant un devoir delicat , De notre part, avertissez ma niece ; Soyez discret. . . vous etes magistral. CELINE. II va porter la letlre a son adresse , w 3 II etait tems vraiment qu'il s'en II me genait. . . pour Leon, ma tendresse Craint d'e'clater devant un magistral. THEOBALD. Oui , le docteur, qui connait sa faiblessc , Peut seul, he'las! eviter un e'clat, Et sans danger, de'lrompant leur tendresse , Pour moi, remplir un devoir delicat. (Bernardet sort.) 2 6 THEOBALD , SCENE IX. THEOBALD, M DE LORMOY, CELINE. M"' c DE LORMOY. II nous laisse; je n'cn suis pas fa'chee. . . .Je suis avare le ta vue : et j'avais besoin d'en jouirseule. CELINE, souriant. Avec moi, cependant, car j'en veux aussi. . . . {Etle paxse ala droitede Theobald.} Aliens, mori frere, place-toi enlre nous deux .... 11 faut absolument que lu le parlages. THEOBALD,2i part. Je suis au supplice ! M ie DE LORMOY. Tu nous raconleras tout ce que luas fait. . . . tout ce que lu as souffert. CELINE. Nous avons tant de choses a lui demander, et lant de choses a lui dire .... moi, surtout .... Si tu savais combien de fois je t'ai desire! . . . . Je me disais : < Si mon frere etait pres de moi , ce serait un confident, un ami . je n'au- rais plus de chagrins ! M me DE LORMOY. Comment ?. . . . CELINE. Je sais bien , maman , que vous foes-la : mais ce n'esl pas la me" me chose. On a toujours , au fond du coeur, des idees,des secrets.. . . qu'on n'ose dire a personne, qu'a soi-meme, ou a son frere. . . . Aussi que de confidences je le gardais .... a commencer par ce manage. THEOBALD. Ce manage !. . . M nc DE LORMOY. Esl-ce que, par hasard?. . . CELINE. Non, maman, non, ce n'est rien. . . . Je dirai cela a mon frere, en secret. . . . et puis il te le dira de me'me. COMEDIE-VAUDEVILLE. 27 M m e DE LORMOY, souriant. Tu as raison ; c'est bien different. . .. Mes enfans, je rne sens un peu fatigue'e. THEOBALD , qui a etc chercher un fauteull. De grdce , reposez-vous. M me DE LORMOY. Merci, mon fils. . . . Mais ne me quittez pas. . . . As- seyez-vous aupres de moi. . . . Leon , donnc moi ta main. ( Theobald s'assied aupres de Mad. de Lorrnoy, a sa gauche. ) Me voila tranquille, tu ne m'echapperas pas. CELINE, qui est tlebout a la droite de M me de Lormoy. Oh! il n'a plus envie de nous quitter. . . . (A Theobald.) N'est-ce pas? THEOBALD , regardant teudrcment Celine. Non ; c'est impossible , une fois que Ton vous a vue. CELINE. Ne voila-t-il pas qu'il fait le galant!.... C'est beau dans un frere, parcequ'on dit que c'est rare. . . . Mais re- gardez done, maman, comme il est bien!.... Ce n'est pas pour lui faire un compliment, mais il est bien mieux encore que je ne le croyais. M mr DE LORMOY. Vraiment ! CELINE. Oui . . . . Je m'etais imagine un frere , un bon enfant , qui me sauterait au cou , et m'embrasserait sans faire at- tention a moi .... tandis que Leon a quelque chose de si aimable, de si cxpressif. . . . Rien qu'a la maniere dont il me regarde . . . . ( Theobald , qui In regardait , detour ne la tele.) II ne faut pas que cela t'empdche, ... II y a dans ses yeux je ne sais quoi de tendre et de melancolique qui va la .... Ah ! que c'est genlil , un frere ! IVIme DE LORMOY, qui a commence a fermer les yeux , s'c'ten- dant sur son fautcuil. Allons. . . . cause un peu avec ta soeur. . . . Que je ne vous gene pas .... CELINE. Merci, maman, nousallons user dela permission. ?.8 THEOBALD , M m DE LORMOY, s'endonnant. 11 est si doux de pouvoir. . . . ouvrir. . . - son coeur. ctde. . . . CEtiNE , a Theobald. Am : Garde a vous ( de la FIANCEE ). Taisons-nous (bis.} Je crois qu'ellc sommeille : Qne rien ne la reveille DC son repos jalnux; Taisons-nous (ter.} J'en suis sure d'avance, C'est a toi qu'elle pense : Que son sommeil est doux! Pas de bruit... taisons-nous. ENSEMBLE. CELINE. Taisons-nous. Taisons-nous. Taisons-nous. THEOBALD. Oui, faisons , faisons silence; Serait-ce a moi qu'elle pense ? Taisons-nous : Que son sommeil est doux ! Taisons-nous. 2 e COUPLET. THEOBALD, se levant , et a part. Taisons-nous (bis.) Comment pres de sa mere Eclaircir le mystere Qui les abuse tous ? Taisons-nous (ter.) Oui, 1'amour, la prudence, M'obligcnt au silence : Pour leur bonheur a tous , Il'le iaut, taisons-nous. ENSEMBLE. CELINE. Taisons-nous. Taisons-nous. Taisons-nous. THEOUALD. L'amour, la prudence, M'obligent au silence ; Taisons-nous. Pour leur bonheur a tous, Taisons-nous. (Use rassied.) CKLINE , se rapprochant de Theobald. Tu sauras done que ce grand secret dont je voulais le parler. . . . COMEDIE-VAUDEVILLE. 29 THEOBALD , a part. Je ne sais si je dois. . . . CELINE. Tu me gronderas peut-e"tre .... mais c'est egal .... Tu asvu ce M. Bernardet, qu'on me destine.... THEOBALD. Eh bien ! CELINE. Maman est si faible et si souffrante, que je n'ai jamais ose lui dormer la moindre contrariete . . . Mais la verite est que ce pretendu-la. . . . je ne 1'aime pas du tout. THEOBALD, avec joie. Vraiment ! CELINE. Cela nc te fa'che pas?. . . . J'ai tache d'abord. . . . je me suis donne un mal. . . . Quand j'ai vu que je ne pouvais pas y parvenir, je me suis raisonnee; je me suis dit : Je terai comme tani d'autres, je 1'epouserai sans Tairner.. . . car tu sauras .... mais tu n'en diras rien , au moins .... ( Elle se. leoe, passe derriere le fauteuil de Mad. de Lormoy, va aupres de Theobald , et tons deux s'aoancent sur le devant du theatre , a la gauche de Mad. de Lormoy. } Je crois. . . . j'ai idee. . . . que peut-elre j'en aime un autre. THEOBALD , apres avoir fait un mouvement tie dt-pit. O ciel ! . . . . Et quel est celui que vous preferez ? CELINE, d'un ton inysterieux. Un inconnu. THEOBALD. Un inconnu I CELINE. Ah! mon Dieu ! out . . . . Et cela ne doit pas t'elonner . . . Nous autres demoiselles , avant que le pretendu qu'on nous destine se prescnle , nous nous en creons un a noire maniere. . . . C'est loujours un beau jeune homme, bien fait, tendre, spirituel. . . . presque loujours un militaire, brun ou blond. . . . cela depend. . . . J'en etais a choisir la couleur, lorsque nous avons re9u ta premiere letlre. Tu nous y parlais d'un de tes compagnons d'armes : celui qui t'avail sauve la vie a Smolensk. ... un modele accompli de bravoure , d'esprit et de gra"ce .... La peinture que tu nous en trac,ais efait si seduisante ! . . . . 3o THEOBALD , Am : El voila tout ce que j' en sals (de LEOCADIE.) Ce'danl a la reconnaissance , Je 1'ai d'abord aime pour toi ; Puis , gnlce a ta correspondance , Jc 1'ai bientot aime poor moi... (bis.) Maintenant, quelle difference ! THEOBAtD. O ciel! CELINE. Quand je pense aujourd'hui A son me'rite, a sa vaillance, Je crains bien le 1'aimer pour lui. A son mo'rite quand je pense , Je crains bien de 1'aimer pour lui. Voyons , Le'on . . . parle-moi franchement : est-il aussi bien. . . aussi aimable que tu me 1'as dit? THEOBALD. Mais CELINE. Vous hesitez, monsieur. . . . c'estun mauvais signe. THEOBALD, trouble. Malheureusement pour lui, cela depend peut-eHre de 1'idee que vous vous en faites. . . Comment voudriez-vous qu'il fut? CELINE, tmdrcment. Comme toi. THEOBALD, vivement. Serait il vrai? CELINE, passant a la droite de M> de Lormoy. Tais-toi. . . elle va se reveiller. Mme DE LORMOY, endormie. Mon fils ! . .*. mon fils ! CELINE, qui a repris sa place auprcs de sa mere. Non.... elle reve.... Elle est toujours avec toi.... Elle est si heurcuse avec son fils ! THEOBALD, apart. Ah ! ce bonheur n'est qu'un songe ! CELINE. Qu'est-ce que tu dis ? A quoi penses-tu ? ( Elle se leve , el va aupres de Theobald , f/ui est toujours as sis.} Au lieu de me regarder, tu detournes la tOte Tu te paries tout seul , au lieu de me dire des choses agrdables. COMEDIE-VAUDEVILLE. 3i THEOBALD. Si voussaviez la conlrainle quc j'eprouve. CELINE. C'est la faule .... Pourquoi cetle contrainte ? Fals coinme moi Je n'aime pas a aimer seule....et, pour com- mencer, j'exige que tu me tutoies. THEOBALD. Comment, vous voulez?.... CELINE. Absolumenl.... Sans cela, je me fzichc, et je ne re- ponds pas. THEOBALD. Eh bien ! j'obeirai , Celine .... Mais souvcnez-vous. . . . (Celine lui tourne le dos.) Souviens-loi. . . . CELINE. A la bonne heure ! j'aime qu'on soil docile. . . . Cela me- rite une recompense : (J'embrassant) la voila . . . En verite , je crois que lu t'eloigncs '? Ne dirait-on pas que je t'effraie ? THEOBALD, apart. Je n'y tiens plus II faut tout lui avouer ( //aw/.) Celine (II se leve *.) CELINE. Quoi? THEOBALD. Je voudrais te parler. CELINE. Parle. THEOBALD. Mais il ne faut pas que ta mere puisse m'entcndre. CELINE. Eh bien! ce soir, quand tu 1'auras embrassee, quan ! elle se sera retiree dans son appa'rtemcnt , vicns dans le mien .... C'est un bon rnoyen. . . . nous serons seuls. THEOBALD. Non.. . Cela ue se peut. * Theobald , Celine. 3?. THEOBALD , CELINE. Pourquoi done?. . . . ( Regardant Mad. de Lormoy. ) Eh bien ! . . . . elle dort : dis-moi tout de suite THEOBALD. Je ne puis.... je n'oserai jamais.... II y va de ce que j'ai de plus cher au monde. CELINE. O cicl ! il s'agit de la Baronne, de ma cousine qui t'aime tant. ... Esl-ce que, par hasard, vous ne Taimenez plus;' THEOBALD. Que dis tu! CELINE. Chut! la voila qui se reveille : mais je ne renonce pas a ton secret. . . . j'ai une envie de le connaitre !. . . je viendrai te rejoindre ici.... des que je le pourrai. THEOBALD. J'atlendrai. ]\!n> e DE LORMOY, appclant d'une voix faible. Leon !.... (Theobald el Celine prennent place a cot6 de Mad. de Lormoy , mais Theobald se trouve place a sa droite, et Celine a sa gauche. Mad. de Lormoy, en s'eveillant , porte ses yeux sur le fauteuil qu'occupait Theobald ; elle paratl sur- prise de ne pas le voir d'ubord; mais, en se re.tournant, elle Va- perfoit a sa droite, et lui prenant la main :) Qu'il est doux de te retrouver la, au reVeil.... avec ta soeur. ... (A Celine, uui cst reside deboul. ) Celine , est-ce que ton futur n'est pas rentre ? CELINE, avec indifference. Je ne sais II avail tant d'ordres a donner pour ce diner, pour celte soiree ! Me DE LORMOY, se levant. C'esl vrai, le relour de mon fiis est un jour de feHe, et nous allous avoir tous nos amis. . . . Je ne puis les rece- voir en neglige du matin .... Ma fille , lu vas in'aider. CELINE. AIR de la Walse des Comediens. Quoi , vous parer, quelle coquettcrie ! Ma grarurmaman a cjuoi bon de lels solus? De vingt-cinq ans vous semblez rajeunie. COMEDIE-VAUDEVILLE. 33 M rne 1)E LOUMOY. C'est qu'a present j'ai des chagrins de moins. De tous mes maux enfin voici le terme. . . . ( Faisant yuclques pas vers Theobald qui s'est un peu e'lotgnc d'elle. } Et de longs jours me sont culm promis. CELINE. Oui , vous marcher. dejJi d'un pas plus ferme. M>' DE LORMOY, rnontrant Theobald et Celine dont elle prend le bras. C'est qu'a present j'ai la mes deux appuis. / A ma toilette en ce jour, chere amie, J'ai resolu de donner quelques soins ; De vingt-cinq ans je me sens rajeunie , C'est qu'a pre'sent j'ai des chagrins de moios. CELINE. Eg Quoi ! vous parer . . . quelle coquetterie ! Ma grand'maman a quoi bon de tels soins? De vingt-cinq ans vous setnblez rajeunie , Car vous .avez tous vos chagrins de moins. THEOBALD. De leur malheur quand j'ai 1'ame remplie , De leur transport mes yeux sont les iemcirvs ; Tu crois avoir , 6 famille cherie , Un fits de plus et des chagrins de moins. ( M me de Lormoy rentre dans son apparlement accompagne'e de Celine , qui de la main fait signe a Theobald de rester la , et qu'elle i' v enir le retrouver. ) SCENE X. THEOBALD seul. Ah ! je n'y peux plus tenir.... En les abusant ainsi , en prolongeant leur erreur , n'est-ce pas devenir coupable ?... Oui.... il y va de mon honneur , de mon repos.... Chaque regard de Celine, chaque instant que je passe pres d'elle augmente un amour que je voudrais en vain me cacher..., II faut detruire une illusion qui nVest bien chere.... Hatons- nous; car bientot je n'en aurais plus la force On vient : n'est-ce pas le docteur?... Non.... c'est mon rival, Theobald. 3 34 THEOBALD , SCENE XI. BERNARDET , THEOBALD. BERNARDET, entrant par le fond. J'espere que 1'on sera content de 1'ordonnance de la fete.... J'ai invite, je crois , toute la ville. THEOBALD, a part. J'en elais sur... ( Haul a Bernardet. ) Je vous demande pardon de la peine que je vous donne. BKRNARDET. Laissez done.... entre beaux -freres.... Ouand je dis beaux-freres.... c'est moi qui suis dans mon tori.... parce qu'avant toul, les formaliles d'usage.... Dans la magistra- ture, nous somines a cheval sur le ceremonial et 1'eti- quetle. ( II met ses gants. ) THEOBALD. Que faites-vous ? BERNARDET. Mon devoir... (Gravemcnt.} Monsieur, mon nom est Bernardet. Ma famille s'est long-terns distinguee dans la robe.... J'ai un peu de figure, de la fortune, de 1'elo- quence ; une reputation qui s'augmente a chaque cour d'assises.... Pour 1'esprit, je n'en parle pas, parce qu'a present tout le monde en a au Palais , jusqu'aux greftiers.... D'apres ces considerans, je conclus a ce que vous daigniez regarder comine bonnes et valables les promesses qu'on m n a deja failes.... Et c'est a vous, monsieur, comme chef de la famille , que je viens demander officiellement la main de mademoiselle votre sosur. THEOBALD. A moi , monsieur , a moi ? ( A part, ) Ouelle situation ! BERNARDET. C'est de vous que cela depend maintenant Volre grand'mere me 1'a repete plus de vingt fois ; et je ne doule point de volre consentemcnl. THEOBALD. Mon consenlement.... C'est ce qui vous trompe. COMEDIE-VAUDEVILLE. 35 BERNARDET. Comment , vous refusez ? THEOBALD. Oui , monsieur.... II est des motifs.... BERNARDET. Et quels sont-ils? THEOBALD. C'estque Celine.... (Apart.} Allons, je lui rendrai du inoins ce service.... ( Haitt. ) C'est que Celine , c'est que ma soeur , tout en rendant justice a votre merile , n'en est encore qu'a Testime. BERNARDET, d'un ton suffisant. Vous croyez.... Eh bien , vous ^tes dans 1'erreur. THEOBALD, vivement. Quedites-vous? BERNARDET. Que je suis sur de mon fait.... que je suis sur d'etre aime.... Sans cela , je serais le premier a refuser. THEOBALD , avec joie. Vraiment ! BERNARDET. Dans notre profession, il faut croire a 1'amour de sa femme. AlR de Turenne. Pour parler avec eloquence, Pour avoir la tcte aux debuts , II faut, pendant qu'on est a 1'audiencc, Eire sur que sa femme, helas ! De son c6te n'en donne pas. Oui, regner seul et sans partage, Voila les plans qu'en hymen j'ai concus. . . Moi , qui deja suis dans les substituts , Je n'en veux pas dans mon menage. THEOBALD. Je comprends. BERNARDET. Aussi , je vous repete que si M lle Cdline ne m'aime pas. . . . je me mets moi-meme hors de cause. . . Mais je 1'entends .... vous pouvez I'interpeller devant moi. 36 THEOBALD , SCENE XII. BERNARDET, CELINE, THEOBALD. CELINE. Mon frere, mon frere. . . . Je suis parvenue a m'dchap- pcr ; el {'arrive toujonrs courant. . . . Aussi , sens mori coeur . . . comme il bat ! ( Theobald retire sa main. ) N'as- t.u pas peur?-. . Etpuis tu ne sais pas une surprise que ma mere veut te faire ? . . . une chaine de mes cheveux qu'elle a tressce elle-mme , et qu'elle vcut le donner. Qa te fera plaisir , u'est-ce pas?. . Eh bien , monsieur , re- pondez done. . . . On dit : Ma petite soeur, ah ! que je te remercie ; ga ne me quittera jamais.... Dieu ! que c'est froid un frere ! . . . 93 vous regarde a puine -. . . Moi , je te ddvore des yeux .... Je t'embrasserais toule la journee ; mais je me retiens, parce quc jc crains de te contrarier. BERNARDET. Ah .' si j'elais a sa place .... CELINE, regardant Bernaidet. Hein .... quoi done ? BERNARDET. Je dis. . . . que si j'etais a sa place. . . . je me laisse- rais faire. CELINE, a Theobald. Ah c,a , je t'ai dit mon secret. . . . Tu vas me dire le lien; car je brAle d'impatience. THEOBALD , bas a Celine. Nous nc sommes pas seuls. CliLINE , regardant Bernardet. C'esl juste. . . . ( Bas a Theobald. ) Je vais t'en ddbar- rasser. ( Hunt a Bernardet. ) M r Bernardet ... BERNARDET, d'un ton aimable et riant. Mademobelle , qu'est-ce qu'il y a pour votrc service ? CELINE. Je voudrais causer avec mon frre. COMEDIE- VAUDEVILLE. 3 7 BERNAHDET. Khbien... . causons. Esl-ce quc je suis de trop , moi qui suis presque de la famillc ? CELINE. C'est egal. . . . (D'un ton caressant. } Vous qui eHes si complaisant. . . . failes nous le plaisir de. . . . nous lais- ser. . . . Vous voyez j'agis sans 390113 BERNARDET, s'inclinant. Comment done. ( Passant entre Celine, et Theobald, bus a Theobald. ) Vous Tentendez .... cette douce familiarite ! On n'en agit ainsi qu'avec ceux que Ton aime .... II n'y a que I'amilie qui ose vous dire : Allez vous-en. Aussi jc suis digne de la comprendre, et je m'en vais. ... ( A Ce'~ line. ) Enchanle , mademoiselle , de pouvoir vous elre agreable. (II sort. ) SCENE XIII. CELINE, THEOBALD. CELINE. 11 est parti . . . . tu peux parler .... Eh bien , tu hdsiles? THEOBALD, Oui , sans doute : plus je vous vois , plus mon sort me seinble digne d'envie . . . Et il est si cruel d'y renoncer ! CtiLINE. Y renoncer ! . . . THEOBALD. 11 le faul. . . . Chaque instant rend cet aveu plus diffi- cile ct plus necessaire. ... El cependant, si je parle, je vais perdre tous mes droils a votre amilie. CELINE. Moi ;' jamais. THEOBALD. Promcttez-moi du moins de ne pas me hair .... de me pardonner. . . . de vous rappelerque, dans tout ce qui esl arrive , rien n'a dependu de moi .... Que mon seul crime . . . . le scul dont je sois coupable , et que je ne puis empecher, c'csl de vous aimer plus que moi-meme. 38 THEOBALD , CELINE, Ie pressant dans ses bras, ct d'un ton caressant. Ce crime la. . . . je te le pardonne. . . . et je t'en re- mercie. . . . C'est tout ce que je desirais. THEOBALD. Vous ne parlerez pas ainsi. . . . quand vous saurez. . . . que je . . . . vous ai trompe'e. CELINE. Toi , mon frere ! THEOBALD. Et . . . . si je n'etais pas .... votre frere ? CELINE, s'eloignant de Jui avec vivacite. Ou'entends-je ! . . . Et qui done etes-vous ? THEOBALD. Son ami, son compagnon d'armes. . . . ce The'obald.. . . CELINE. O ciel ! . . . Venir sous son nom .... surprendre nos secrets !. . . . remplir notre famille de joie pour rendre ensuile notre douleur plus amere .... THEOBALD. Une fatale meprise a cause tous mes torts .... ils sont involontaires. CELINE. Et comment le prouver ? C'esl affreux a vous, monsieur, c'est indigne. AIR de Celine. User d'un pareil stratageme , Et inoi , qui , dans cct entretien , !S'ai pas craint de dire a lui-meme . . . THEOBALD, parlant. Comment? CELINE , se reprenant. Ce n'cst pas vrai , n'en croyez rien. THEOBALD. Je perds a la fois votre estime , Et mes droits a votre. . . amitie ; Car je vois, (ju'excepte mon crime, Votre coeur a tout oublic'. Et si, pour vous juslifier a tous lesyeux, il ne faut que mon lemoignage je vaismoi-me'me publier la veYilt;. COMEDIE-VAUDEVJLLE. 3 9 CELINE. Et ma mere ! . . . ma pauvrc mere , a qui cetle nouvelle irnprevue peut donncr le coup dc la mort. THEOBALD. Iln'estque Irop vrai. .. . Attendons le docteur que j'ai prevenu, a qui j'ai tout ecrit. . . . Et jusqu'a son arrivee du moins ne trahisscz pas ce mysterc. CELINE. Moi ! devenir votre complice I consentir a une pareille ruse !.. . . jamais. . . . Et cependant, comment faire?. . . Si encore , je ne le savais pas. THEOBALD. Soumis a vos ordres, je suis pret a vous obeir. . . . Se- rai-je Leon , ou Theobald? . . . Parlez , que decidez-vous '.' CELINE. Je decide , monsieur. . . . je decide que je vous detesfe , que je vous abhorre. ( Apercevant Mad. de Lormoy qui entre. ) Dieu ! ma mere ! . . . Eh bien , Leon , tu disais done. . . . THEOBALD, a demi-vois. Vous le voulez. CELINE. II le faut bien. ... A condition, monsieur, que vous ne me parlerez pas. . . . que vous ne m'approcherez pas. . . . Je vous le defends sur 1'honneur. SCENE XIV. BERNARDET, M DE LORMOY, CELINE, THEOBALD. BERNARDET. Oui , belle-mere , on m'avait mis a la porte .... J'ai etc oblige de faire antichambre , et de me promener de long en large. . . . Pour me dislraire , j'ai compost un re- quisitoire. Mme DE LORMOY, a Theobald. Me voila prete ; et tandis que nous ne sommes encore que nous, je t'apporte un present de ta soeur cette tresse de ses cheveux. 4o THEOBALD, CELINE, has a Theobald. Refusex , monsieur, refusez. M me DE LORMOY. Tiens , Celine , c'est a toi de la lui donner .... Place-la toi-m6me a son con. CELINE. Mais , ma mere .... M me DE LORMOY. Aliens done ... toi , qui t'en faisais une tike .... (A Theobald. ) Incline-toi devant elle . . . . ( Theobald met un genou it lerre. ) CELINE, has k Theobald en lui passant la tresse de chcveux autour du cou. Eh bien, monsieur.... puisqu'il le taut.... BERNARDET. Le tableau est vraiment delicieux. M" de LORMOY , a Theobald. Comment , tu ne la remercies pas ? THEOBALD , avec hesitation. Je ne sais comment exprimer ma reconnaissance. M me DE LORMOY. Embrasse-la c'est bien le moins. CELINE, bas a Theobald. Je vous le defends THEOBALD. Je n'ose pas. M" 16 DE LORMOY. Comment! tu n'oses pas.... (A Bernardet en riant.Jll n'ose pas.... (Se tournant du cdle de Theobald qu'elle encou- rage a embrasser Celine. ) Allons.... CELINE, a Theobald sans le regarder. Allez done, monsieur.... maman vous regarde. (Theo- bald I'embrasse. ) M me DE LORMOY. C'est fortheureux!... ( Prelant Vorcille. } Ou'entends je!... une voihire qui entre dans la cour. COMEDIE-VAUDEVILLE. 4r BERNARDET. C'est une aulre surprise que nous lui menagious.... J'ai etc averlir la jeune Baronne, celle qu'il aimait et la voila. THEOBALD. O ciel ! CELINE , bas. Comment faire ? THEOBALD, 4- i5. 16. 18. 20. 21. 22. 23. 24- 25. 26. 28. 29. 3o. 33. 34. 35. 36. Le Manage de Raison. Michel et Christine. La Lune de Miel. L'Heritiere. La Demoiselle a Marier. Le Charlatanisme. Simple Histoire. Rodolphe. Le Coiffeur et le Pcrruquier. La Quarantaiue. L'Ambassadeur. La Belle-Mere. La Mansarde des Artistes. L'Interieur d*un Bureau. Le Baiser au Porteur. Lc Diplomat). 1 . L'Auberge, ou les Brigands. Une Visite a Bedlam. La Loge du PoKier. Le Confident. Les Premieres Amours. Le Secretaire et le Cuisinier. Un Dernier Jour da Fortune. Vatel. La Marraine. Les Grisettcs. Le Mcdecin de Dames. Les Femmes Romantiques. La Haino d'une Femme. La Maitresse au Logis. Le Mai du Pays. L Vieux Mari. La Chatte. Le Plus Beau Jour de la Vie. Le Nouveau Pourceaugnac. Lcs Adicux au Comptoir. 37. Les Elevcs du Couservaloire. 38. Le Menteur Veridique. 39. La Demoiselle et la Dame, ^o. Le Comte'Ory. 41. Coraly. 42. Le Solliciteur. 43. Yelva, ou I'Orpheline Russs. 44- Le Bal Champetre. 45. La Charge a Payer. 46. Les Manteaux. 47-tLes Inseparahles. 48. La Pension Bourgeoise. 49. La Yerite dans le "Vin. 50. L'Oncle d'Amerique. 51. Le Baron de Trenck. 52. La Somnambule. 53. L'Ours et le Pacha. 54. Le Chateau de la Poularde. 55. Les Deux Precepteurs. 56. Le Diner sur 1'Herbc. 5y. L'Ecarte' , ou un Coin du Salon . 58. Partie et Revanche. 5g. Le Mauvais Sujet. 60. Le Parlemenlaire. 61. L'Avare en Goguette. 62. M.Tardif. 63. Fronlin Mari-Garc.on. 64. La suite de Michel el Ciirisline. 65. Le Me'uage de Carbon. 66. La Nouvelle Clary. 67. Les Empiriques d'Autrcfois. 68. Rossini a Paris. 69. Trilby, ou le l.utin d'Argail 70. Le Bon Papa. 71. Le Fonde de Poiivoirs. iPOLLET, rue du Temple, u" 3G. BAUDOUJN, rue de Faugiranl , i.o , ; . BARK A, au Palais-IloYal. COM^DIE- VAUDEVILLE KM TROIS ACTES, MM. A. DE LEUVEN ET DEFORCES, AEPRESESTEF. , FOUR T.A. PREMIF.RK FOIS, SUR LE THEATRE DU PALAIS-ROYAL, LE 15 MARS 1832. SDIVIE BE VERT-VERT, POfcME, PAR GRESSET. PARIS, J.-N. BARBA, LIBRAIRE, GRANDE COUR, DERRIERE LE TH^ATRK-FRAW^AIS, 1832. officiers de dragons. PERSONNAGES. VERT -VERT. JOBIN, jardinier. M. LEGER, maitre a danser. LE CHEV DE MERANGES, EOLE DE SAL1GNY, ARTHUR DE CERNEY, ( UN AUTRE O*FICIER. LA SUPERIEURE DU COUVENT. M lle BRONCHANT, sous - muitresse des pensionnaires. BATILDE, \ EMMA, > pensionnaires. MIMI, ) UNE PENSIONNAIRE. UNE RELIGIEUSE. PENSIONNAIRES et RF.LIGIEUSES. M" e ALINE, actrice de province. MARIETTE, servante d'auberge. UN SOLDAT DE LA MARECHAUSSEE. OFFICIERS DE DRAGONS. VOYAGEURS. SERVANTES et GARCONS JJ'AUBERGK. Le premier acte se passe au convent des Benedictines de saint liloy, & deux lieues de Nevers. Le deuxieme a Nevers , & Tauberge du Soleil-d'Or. Le troibieme au couvent. S'adresser, pour la musique de la piece, a M. le chef d'or- chestre du Theatre du Palais-Royal. NOTA. Les indications sont prises du cote des spectateurs. ACTEURS. M" DEJAZET. M. PAUL. M. SAINVILLE. M. DERVAL. M. AUGUSTE. M. GASTON. M. MASSON. M me COUTURIER. M me TOBY. M" e JOLY. M"' ESCOUSSE. M lle PERNON. M lle AGLAE. M me BOUTIN. M lle DUCHEMIN. M lle LECLERQ. M. BACHELARD. IMPRIMERIE DE A. BARBIER, RUB DES JVUIU1S S.-G,, If. 17. VERT-VERT. ACTE PREMIER. Le theatre represente le jardin du convent; mur an fond avec une plate-bande , des espaliers et des fleurs ; au milieu , la porte d'entree avec guichet; a gauche, de cote, continuation du mur ou charmille ; une petite porte verte est pratiquee dans ce mur; a droite, bouquets d'arbres, et, sur le premier plan, un berceau; caisses d'orangers au fond. SCENE PREMIERE. JOBIN seul, tenant un pidge ci la main. Allons, rien encore... c'esl-y pas guignonantl le pi^pe n'a pas 6le louche!... sans ca... cr;'c!... il aurait joliment fail son jen.... C'est ponrlant nne fameuse idee qni in'est pouss6e la... je m'ai flit comme ?a : Jobin, une crea- ture quelcon(|ue a 1'immoralite^ de s'introduire dans le jardin du convent de Saint-filoy... ca ne peut etre que par-desstis la mnraille... eh ben ! faut pincer la crea- ture.... Alors, qu'esl-ce que j'ei fait?.... j'ai place adroi- tement un Iraquenard au pied du mur... (// va placer le pidge au fond, ci droite.] Vou me direz... quelle est- elle cette creature?... est-ce une bete, un homnie, un esprit ou un insecte?.. C'esl 6gal... quoique ca soil... je suis la... je 1'guette... etfaudra ben que je le d^visage... AIR : Et voila comme tout s'arrange. Il tombera dans rues filets , Malgre ses tours de passe-passe; Hier, j'ai ratissc tout expres (4 } Pour mii'ux rcconnaitrf sa trace... (II g'accroupit et examine la plate- bande au fond.) Yoyons... c'cst p'l'eliv nn beau garcon Qui vient visitor nos devotes... J'crois plulot que c'est le demon... Oh! oui... c'est le (liable!... mais non, Car il a des clous a ses boltes! ( Le chevalier de Meranges parait sur le mur au pied duquel cst Jobin.) SCENE II. JOBIN , LE CHEVALIER DE MfiRANGES. LE CHEVALIER , sur le inur, sani Toir Jobin. Personne !.. entrons... (11 saute sur le dos de Jobin. ) JOBIN, releyant artc cffroi. Jesus Maria !.. (// se cache la tete dans ses mains. ) LE CHEVALIER. Un paysan!.. je suispris!... JOBIN, ciiant. Vade retro, satanas! LE CHEVALIER le prenant par le Iras. Veux-tu bien te taire, imb^cille!.. Regarde-mol... ai- je I'air du diable? JOBIN , regardant d'ahord arec defiance- Tant pire. .. je risque un ceil... Tiens!.. un mi'lftaire.^ un superbe militaire. .. qui n'a pas le pied fourcim 1 LE CHEVALIEB. Voyons. .. reponds-moi \ite... quies-tu? JOBIN. Oh! c'est charmant, ma parole d'honneur... II m'in- terroge, le dragon!... c'est ben plulot moi qui dois vous inlerroger... Qui quo vous eles vous-meme? repondez d'une maniere categorique. LE CHEVALIER. Oh! qu'h ccla ne lienne. .. on me nomme le chevalier de Meranges... je suis capitaine de dragons... (5) JOBItf. Eh bien! quoi que vous venez laire ici, capitaiue moral ?. . . LE CHEVALIER. Je viens voir ma femme. JOBIN. Votre femme. .. au couvent ? LE COEV ALTER. Oui, ma femme.,. Batilcle de Melanges. Mamzelle Batilde!.., Oh! je la connais.... un fier lu- tin !... LE CHEVALIER. Une femme charmante... qu'on a eu la barbarie de m'enlever, une heure apres inon mnriage, pour i'enfermer dans ce couvent maudit!.. JOBLV Ne blasphemez pas , dragon... LE CHEVALIER. Marier des jeunes gens qui s'adorent pour les se"parer ainsi... c'est un usage d'une barbarie!... JOBIfl. G'est un usage bete... c'est vrai... Alors, madame votre Spouse est toujours mademoiselle?.,. LE CHEVALIER. Eh oui!.... ce dont j'enrage.... Depuis quelques jours, au risque de me casser le cou, je m'introduis dans ce jar- din pour lacher de 1'apGrcevoir. .. JOBIN. G'est ca... c'est vous qu'elcs la bete... LE CHEVALIKR. Insolent! Non, non... j'veux dire q;:c vous ctes Tanimal qui m'a donne tant do lintoin ct'.v, moi.... je suis Jobin (avec importance] jiirdinic'r en chef, de pore en ills, du couvent des benediclines cle Sainl-Eloy. (6) LB CHEVALIER, Tirem-it. Le jardinier !.... Oh ! mon ami , mon cher ami !.... tu peux me rendre la vie!... que je la voie... que je lui parle !... (// donne de I'argcnt a Jobin.} Tiens, preuds; je t'en donnerai dix fois plus encore. JOB1X , meltant IVgrnl dans fa poche. Le sentiment vous^garc, dragon... c'est impossible... LE CHEVALIER. Comment! turefuserais !.. JOBIN. Mais, dragon, vous n'etes pas raisonnable... Songez done qu'aucun homme ne penMre dons cet asile de I'in- nocence ct de la verlu!.. Quand je dis aucun, c'est une facon de parler... nous sommes trois individtis males qui jouissons de ce privilege... Moid'abord... et puis, M. Le- ger. LE CHEVALIER. M. L6ger!... JOBIN. Oni , le mnitre de danse... un petit vieux qui vend des graces a ces demoiselles, a un ecu le cachet. LE CHEVALIER. Et le troisieme?.. JOBIN. Oh! le troisieme.... ca ne pent pas encore compter pour un homme... c'est Vert-Vert. LE CHEVALIER- Vert Vert?... qu'est-ceque c'est que <;a ?.., JOBIN. Vous ne connaissez pas Vert-Vert?... il ne connait pas Vert-Vert!.... Vert-Vert , voyez-vous, dr gon, c'^tait un perroquet comme on n'en a jamais vu... Je peux vous en parler savamment, car nous etions Ires- lies ensemble.... il me mordait toujours les doigls... AIR : On dlt que je suis sans malice. Il savait des phrases niysliques, Ds oremus et des raaliques ; ( 7 ) G'etait a qui 1'ecouterait , Le vanterait... le flatlerait... Pour lui ces dam's etaient chargees De biscotins et de dragees. LE CHEVALIER. Tan I d'amour pour im perroquetl ' JOBIN. Dam ! tout autre oiseau leur manquait. Ah! sans les biscotins et les dragees, il vivrait encore.. .. LE CHEVALIER. II est doncmort?... JOBIN. D'indigeslion.... comme un chanoine. (M entrant le mausotte dans la coulisse.) Vous pouvcz voir d'ici son tombeau, et je crois que toutr-s nos pensionuaires J'au- raient suivi saus 1'autre Vert-Vert. LE CHEVALIER. Un autre perroquet? JOBIN. Du tout.... un petit garcon ben gen til.... le neveu de ma da me la supe>ieure.... Sa mere Peiivojait au convent pour le ftiire elcver comme une fille... parcequesonmari, une mauvaise tele, venait d'etre tu6 en duel... et qu'elle ne voulail pas que son fils hdritat du caractere de son papa. LE CHEVALIER. J'entends... un nouvel Achille chez Lycomede... JOBIN. Je ne connnis pas Lycomede, dragon.... C'^lait pas la peine de m'inlerrompre Ma fine, les intentions de la m;i inn M ont etc bi-en rem plies... je crois que le petit bon- homme, a seize ans, ne sail pas encore s'il esl fille ou garron. LECHEVALIFR. Mais qu'a de commun cet enfant avec le perroquel? JOBIN. Pardine , c'est ben simple.. .. Comme il arriva au cou- vent quelques jours apre* la mort de 1'oiseau, nos jeuuet filles, pour Iroinper leurdouleur, lui donnerent le nom du defunt... LE CHEVALIER. Parbleu , voila une id^e originale ! JOBIN. Pas vrai, dragon?.. Mais vous me faitesbavarderla pen- dant une heure... si la cloche venait & sonner le lever de ces demoiselles, je serais genlil... Allez-vous-enbienvite... LE CUEVALIEB. Sans voir Batilde?... JOBIN. Vous m'avez vu... ea doit vous suffire. LE CHEVALIER , liranl une letlre de 53 pochc. Au moins , charge-toi de lui remetlre celte lettre... JOBIN. C'est ca, pour me compromettre... Je ne lui remettrai rien du tout... je suis incorruptible. LE CHEVALIER. Ebbien! je ne te demanderai plus qu'une seule chose... bien innocente. JOBIN. Laquelle?.. LE CHEVALIER , cueillant une row. C'est de donner cette rose a Batilde sans meme lui dire qu'elle vient de moi... Pourvu qu'elle la porte, je se- rai content. JOBIN. Oh ! pour ca.. . il n'y a pas de danger quc a me com promclte. LE CHEVALIER. Ticns... non, attends... il y a des e'pines... JOBIN. Donnez tonjours. . j'vas ics racier avec ma serpette. I.E CHEVALIER. Tu rcfibnillerais... il vaut mieux enlourer la tigc d'un peu do p;:picr. JOB1\. Ah ! v'lii une bonne idee 1 (9) LE CHEVALIER, apves atoir entoure 1 lige arec ileltre. Ah! ca..,, tu me promets de la dormer... JOBIN, la prenant. Foi de Jobin... j'aimeplutot pas le grand saint Fiacre, patron des jardiniers. LE CHEVALIER. Maintenant, mon garcon, un conseil d'ami... Quandtu guetteras quelqu'un, si tu veux le prendre-'... JOBIN. Tiens!... si je veux le prendre,.. LE CHEVALIER. II faut de 1'adresse, vois-tu... de l'agilite\.. ( Entrai- nant Jobin pres du mur. ) AIR : Va-t-en volr s'ils viennent , Jean. (Le placant.) Mon cher, on se place ainsi , Les mains presqu'a terre... JOBIN, se courbanl. Monsieur 1'dragon , grand merci , Je comprends 1'aftaire... LE CHEVALIER, parlant. Y es-tu ? JOBIN, riant. J'crois ben ! LE CHEVALIER I'elance sur le do de Jobin, , qui passe par Sainl-EIoy, el je 1'enverrai chercher de soir dans celle ville par la bonne Jacqueline Dodon, su nourrice , qui I'amenera dans mes bris... Dans buit jours, tu reverras ton genlil iieveu... Je t'euibra^se... (Elle replie la lettre. ) BiTILDE. Huit jours sans voir Vert-Vert I... E-MJ1A. Huit si6cles!... MADEMOISELLE B&ONCBANT. Si vous m'en croyez, madame la superieure , nous di- rons qu'il est malade... MIMI. Qu'il est mort !... VERT VERT. Parexemple... dutout.... du tout, mesdemoiselles. ... D'abord , je ne suis pas fache de voyager un peu... MIMI. 11 veut voyager!... TODIES L'ingratl... BATILDE. Ainsi , madame , vous consentirez a ie iaisier partir ?., . Li SUPERIEURE. II le faut bien on ne pent pas refuser un fils a sa mere... Seulement, je ne le confierai pas a ce conducleur qtie je neconnaispas... unepersoune sureraccoinpagner* dans le coche, rt ne Ie quillera qu'apres I'arrivde de la nourrice .. Mademoiselle Bronchant , preparez le bagage de Vert-Vert... qu'il ne lui manqvie rien!... MADEMOISELLE BP.ONCUANT. J'y cours , madame la sup^rieure. (Elle sort.) 5AHLDE. II va partir ! MIMI , plpurant. Notre Vert-Vert dans le coche... oh!., oh!., oh!.. LA SCPERIEURE. All OILS, mesdemoiselles, de la resignation*.*., c'est la volont^ du ciel , soumettons-noils. VERT tERt. Amen!... SCENE XL LES MEMES, JOBIN en habit des dimanches. JOBIN, saluiint. Madame la sup6rieure, c'est pour avoir 1'honneur de prendre vos ordres. Je vas aller au village... LA SOPERIECRE. Approchez, Jobih, approchez... ficoutez-moi... jevous ai toujours connu pour un garcoa sage et range... JOBIN, uluant. Rang6 comme mes pots de fleur& , madame la supe"- rieure. LA SC PER IED RE Vous avez des mceurs... JORIN, saliijiiH. Je suis plein de mceurs. I ' ' ( *4 ) LA SUPERIEUBE. J!ai jet6 les yeux sur vous, pour accompagner notre cher enfant a Nevers. JOBIN , arec juie. A Nevers!.. a deux lieues d'ici... si loin que ca... queu bonheur !... LA SUPERIEUBE. Vous serez son Mentor. JOBIN. Qui ca, Mentor!... le chien de 1'aveugle qui me saute toujours aux jambes... LA SUPERIEURE. Je veux dire que vous serez son guide. JOBI.N. J'disais ben... comm' le chien de 1'aveugle... Oh ! soyez tranquille, madame la supe*rieure... M. Vert-Vert estentre bonnes mains... LA SDPERIECRE. Vous ne le remettrez qu'a sa nourrice, qui doit venir le prendre a Nevers. JOBIN. Je remettrai le jeune arbuste a la vieille.... c'est con- venu... SCENE XII. LES MEMES , MADEMOISELLE BRONCHANT. JIADEMOISELLEEriOXr.il ANT, accouraot a?ec un sat de null quVlle donnea Jobin. Madame la upe>ieure... madame la supeVieure... voila le coche dc Nevers qui passe pres du moulin de Gham- pigny. BATILDE. Deja ! 3IIMI. C'en est done fait !... TO(JTS , pmiant lenn mouchoirl rt plromnt. Ah! ah! ah! ah!... (a5) VERT-VERT, dememe. Mon Dieu! mesdemoiselles , ne vous attendrissez done pas comme ca... voila que je pleure aussi. JOBIN. Pardine... on ne vous le man^era pas en route, allez... (A part.} Ges femmes, c'est-y pleurnicheur I c'est egal... v'Ja 1'oiseau qui prend sa vol^e. FINAL. AIR nouvcau de M. Denne Bar-on. ENSEMBLE. VERT -VERT. CHOEUH. Adieu done , mcs soeurs , voye/ mes Adieu done , clier Vert Vert , vois larmes : nos larmes : Du retour le moment pleia de char- Du reiour le moment plein de char- mes mes Pouna seul dissiper mes alarmes! I'outra seul dissiper nos alarmes! Au couvent Au couvent Je saiirai qu'on m'altend. Souviens-toi qu'on I'allend. LA SUPERIEURE. Deja Finstant fatal avance; Jobiu , protege son enfance, Yeille bien sur son innocence-, Suis ses pas Et ne le quitle pas. TODTES. Veille bien sur son innocence, elc. VERT -VERT. Ah ! ralmez votre effroi, Ne tremblez pas pour moi. PREMIER COUPLET. Je reviendrai ; Mais un devoir sacre, Loin de ces lieux , reclame ma presence. 11 ne faut pas gemir de mou absence ; A vous, mes soeurs , ton jours je penserai !... Je reviendrai ! DXUXIEMI COUPLET. Je reviendrai , Et nion coeur rassure Aupre-. de voiis reprendra son courage; Car dans ce monde, oil le deslin m'engage, D'enuuis, nies soeurs, on doit elre enloure!... Je reviendrai! (A la fin de ce couplet , les pensionnaires mettent des bonbons dans Les pockes de Vert-Vert , et mademoi- selle Bronckant lul place un manteau sur les epaules. ) ENSEMBLE. VERT-VERT. CHOEUR. Adieu done , mes soeurs , elc. Adieu done , cher Ververt , etc. JO BIN. Adieu done , mes soeurs , voyez ses larmes : Du retour le moment plein de charmes Pourra seul dissiper ses alarmes !... Au couvent Vous r'verrez bienlot ce cher enfant. (La Svperleure, mademoiselle Bronchant, et toutes les pensionnaires, embr assent Vert-Vtrt et I'accompa- gnent jut>(]u'a la porle, en levant les mains au del pen- dant qu'il s'tloigne avec Jobin, qui emportc le bagage. La tode lombe. ) ACTE II. Le theatre represents une salle de 1'hotel du Soleil-d'Or, a Nevers ; portes au fond et de chaque cote; a droite, une cheminee, une table et des chaises; a gauche, une table ronde et deux chaises entourees par un paravent. SCENE PREMIERE* fcOLE DE SALIGNY, ARTHUR DE CERNEY, OFFI- CERS DE DRAGON*. (Plusicurs o/flcicrs sont autour d'une table et j on ent ; d'autrci font des armes , etc. Saligny est assis tout seal a gauche , et ne prend aucune part aux ptaisirs de ses camarades. ) CHOSUR. AIR nouvoau de M. Denne Baron. Amis , qu'utie joj ense ivresse Loin de nous chasse les ennuis. . . Profitons de notre jeuues.se> Amusous-nous comme a Paris. Cbantons , Jouons , Trinquons Toujours , Buvons a IKJS amours ! CERSEt' , jo'uant aux cartes ayec UD olficier. Atdut... le r6i... vous ^tes capot, monsieur deC^fan... c'est dix pistoles que vous perdez. L'OPFICIEft. Je vous les devrai. Aliens , mousieur 4e Satligny... wne partie... ( 28 ) SALIGNT. Merci ! je ne joue pas. CERNET. Oh ! comme c'est ca , Phomnie marie!... le voila dans la reTorme jusqu'au cou... il neboit plus, ilne joue plus... Tenez, messieurs, regardez-le done la , tout seul , sur sa chaise... Je parie qu'il pense a sa femme. SALIGNT. Eh bien ! pourquoi pas?... est-ce qu'il est deTendu de pensera sa femme... j'aime ma femme, moi... jel'adore... c'est vrai ca... vous ne la conuaissez pas, ma femme, vous autres... elle est charmante... et c'est une indignit6 que de m'avoir separ6 d'elle pour m'envoyer en garnison a Nevers. qui est bien la plus ennuyeuse ville... CERNET. Oh! pour ca, jesuis de ton avis; il n'y a pas la moindre distraction,., les femmes y sont jolies... mais d'une pru- derie!... SALIGNT. Nous n'avons pas meme un spectacle passable. CERNET. Tiens , a propos, tu m'y fais penser... voila un siecle que le directeur nous promet une chanteuse d'opera qui n'arrive jamais... il se moque de nous... aussi, mes amis, des ce soir , il faut aller tout briser dans son theatre pour lui rafraichir la meinoire. TODS. Approuvd ! CERNET. Saligny , vous serez des notres? SALIGNT. Parbleu !.. (Sereprenant.} Oh! non, impossible... j'ati- rai peut-elre, pour ce soir, une expedition bien autreuient imporlanle...(y^t!cc mystere.} Un enlevement I. ..(On en- tend le chevalier de Merangcs, qui commence I' air sui- vant dans la coulisse.] CERNET. Eh ! voici le chevalier de Meranges, SALIGNT. Arrive done! [SCENE II. LES MEMES, LE CHEVALIER DE MfiRANGES. LE CHEVALIER. AIR coiuui. Dans les gardes francaises , On lit , on boit ton jours ; On sail prendre ses aises Meme avec les amours. Mais les dragons de France Ne sont pas en retard : L'amour et la bombance Portent leur etendarl ! SALIGNY, Eh! Lien, mon ami, queltas nouvelles ? LE CHVALIEK. Excelleutes. .. je viens de rencontrer noire directeur de spectacle, qui m'a dit avoir engag6 h son theatre une premiere chanteuse ravissante elle vient de Lons-le- Saulnier, oil elle faisait les devices dela garnison... SALIGNY. avec impatience. Oh! quelletcte!.. quelletete!.. mais, nos femmes, mal- heureux!... nos femmes!... LE CHEVALIER. Tiens, c'est vrai, je n'y pensais plus a nos femmes. SALIGNY. Enlevons-nous ? LE CHEVALIER, Ah! ca, c'est une question...... j'ai tent6 un coup de main.... mais j'ai 6l6 repouss6 avec perte... oh! la place sera difficile a surprendre. ;SALIGNY. Tu crois?... f ( 3o) LB CHEVALIER. Ah! mon ami, si tu voyais... des mnrs a franchir.,. un escadron de vieilles surveillantes, qui ne rlorment jamais que d'un ceil, des chieus feroces comme Cerbere, et pris a chaque pas, des pieges, dos tra juenards... que sais-jc!.. c'est eifruyunt, ma parole d'honneur. Pourtant, grace a, un imbecille de jardinier que j'ai fait jaser, j'ai lout lieu de croire que ma chere Balifde a recu un pelit billet par lequel je lui fais part de noire projet... il ne s'agit plus mainlenant que de Irouver un moyen ingenieux... 8ALIGNT. Une idee!... meltons le feu au couvent!... I,E CIIF.VALIEB. Diable! comme tu y vas... meltre le feu! j'aimerais mieux aulre chose... Voyons, ines amis, lenons conseil! TODS. C'est 93, tenons conseil ! LE CHEVALIER, frappant sur la table. Hola, Mnrietle , du champagne a force, comme s'il en pleuvait... (Mariettsentre, apporte du champagne et des yenes et sen vet.} Je oe sais pas si vous eles comme moi, mais je lrou\e que rien ne vous ouvre les idees comma un verre de champagne... (// a verse le ctuimpagne dans les verres f on trinque et I' on Loit.) La seance est OU' verle!... AIR : De Guillaume Tell ( Ad. Adam). Alluns, amis, dciil>erons! Le bon vin donne des idees. . . Je reponds que nous en aurons Quand DOS lasses serout videes! Dix fois videes! (Us boivent.} Tenez , amis , je sens deja Le plus duux espoir qui me gagne , Oui , vous verrez soriir de la Le plus beau des plans de campagne, t u plan , digne de Cbarleaiague !.. . (3, ) Tersez, verse/, le gai Champagne, Bientot 1' esprit nous viendra ! CHOEUfi. Versez , versez , etc. (Us boivent.) SALIGNYr Aliens, voyons ce plan sublime... J-E CHEVALIE*. Parbleu!.. voila qni est sjngulier... il mesemble qu'au lieu de s'^chiircir, mes idees soiit plus embrouilleVs que tout-h 1'heure. . c'est 6 al.... j'enlame la discussion.... (Us boivent. ) Messieurs, dans la situation grave oil.... SCENE III. LES MEMES, MARIETTE. MARIETTE, accouraot. Messieurs, messieurs.... SAUGNY. Allons, qui est-ce qui vient encore nous deranger?.... MARIETTE. V'lh le cochede Nevers qu'nrrive si vous voulez etre tranquilles, je vous conseille d'aller dans une autre chambre, parce que tous les voyageurs vont descendre dans c'te salle. LE CHEVALIEB. Que le diable les emporlel... on n'est jama is en repos un inslant dans volre hotel du Soleil-d'Or.. Allons, mes- sieurs, cedons la place aux arrivans du coche... nous continuerons ailleurs iiotre deliberation.... ( On cntcnd une fanfare. ) CERNEY. Ah ! voila 1'heure de 1'exercice; ce sera pour un auire moment. LE CHEVALIER. "^ Alors, le service avant tout. . . mais, ce soir, rendcz-vous (3, ) chez inoi ... Nous combinerons notre plan d'atta- que autour d'un bol de punch. CHOEUR. AIR : De la Fiancee. Amis, le devoir nous appelle, A sa voix sachons obeir : Ce soir, nous saurons avec zele Repondre a 1'appel dn plaisir ! . ( its sortent tous , except^ Saligny. ) SCENE IV. SALIGNY, MARIETTE rangeant la salle. SALIGNT les regarde aller. C'est ca... allez a 1'exercice , mesamis allez!...moi, je reste ici avec ca , qu'il fait un temps a ne pas mettre un crdancier dehors.... J'aime bien mieux etre seul pour penser a ma femme pour contempler son portrait, maseule consolation.... (21 tire un portrait de sa pocke. \ MARIETTE. Dites-donc , monsieur , v'la les voyageurs.... SALIGNY. Eh bien, qu'est ce que cela ciefait?. .. est-ce que je les gene, tes voyageurs? MARIETTE. Au conlraire... c'est de peur qu'ils ne vous ennuient... C'est qu'ils sont pas mal de moude. . . et de fameuses teles encore.... II y a un petit jeune homme qui a 1'air plus cocasse.... on dirait d'un petit abbe... SALIGNT , regardant toujours le portrait. Bavarde ! MARIETTE. C'est vrai.... il est devenu rouge comme une cerise, quand la belle dame s'est appuy^e sur son bras pour des- cendre du coche. (33 ) SALIGNY, TiT-niftii. Hein.... ^i.'csi-ce que tu dis done?.,., i! y a uneLel'e dame?.... MARIETTA Eh oui , unc jolie dame qui est venue par le coche, et qui a 1'air Len eveillee tout d'meme ! SALIGNY. (Test charmant! comme j'ai bien fait do ne pas aller a la manoeuvre. ( ll arrange ses ckeveux. ) MAR1ETTE. Tiens , tiens vous n'pensez done plus a vol' femme?.... SAUGNY. Laisse-donc tranquille ma femme est-ce qu'elle n'est pas ton jours la sur mon coeur.... dans la poche gauche de ma veste?.... MABIETTE , aourant a la port? du fond , qu'rlle outre. Via lout not' monde! SCENE V. LKS MiiMEs, VERT-VERT, JOBIN , MADEMOISELLE ALIME , VOYAGF.UI.S. ( Vert-Vert donne la main a mademoiselle Aline, qu'il nose regardcr; des garcons d'auberge portent despaquets, ) CH(!UR. AIR : De M. Dennc Baron. Enfin , malgre le vent , 1'orage , Nous louclions au port , Dieu merci , Et des fatigues du voyage Nous nous delasserons ici, ALINE , A Vert- Vert. Mon gentil cavalier, recevez mes reinercimens. VERT-VERT , lias a Jobtn. Ah! mon Dieu! qu'est-ce qu'il faut lui r^pondre?.,. (Jobin te souffle has] Ave, ma sosur. 3 (34) ALINE el SALIGNY, riant. Ah! ah! ah! VERT-VERT . * JoVm. Tiens! a les fait rire.... ALINE, 'assejam prei do feu. Maudit voyage! me voilh enrou^e au moins po-ir huit jours... il me ssrait impossible de donner un son... JOBIN, aVert-Virt. Oh! v'lh une occasion de vous faire valoir... ( ci Aline.} II parait que Madame est chanteuse oh! je Pavais bien vu tout de suite. .. pendant le voyage, vous faisiez des ah! oh! ah!.... c'est que je m'y connais; en faitde chant, si vous voulez entendre un talent... en v'la un fameux ! (it pousse au milieu du theatre Vert-Vert qui resist-e et parait tout con f us.} Allons , aliens.... ne faiies pas i'en- fant.... ils'iigil de les confondre.... deles pulveriser avec leurs airs goguenards. Ghantez, mon mailre. VERT -VERT, chanlant d'une voix de fausMt et criant commefont les enfiiiis de chceur. AIR : Alleluia (arrange par M. Denne Barou). , L'heureux enfant qui gardera Vertus , candeur, et coetera , Les biens du ciel toujours aura , Alleluia ! CHOECB, riani. Ah! ah! ah! ah! C'est une merveille Vraiment sans pareille, Que ce chanteur la ! JOBIN. Ah ca! messieurs.... me direz-vous h la fin, pourquoi vous riez toujours au nez rle mon rnailre?... C'est incivil et sangrenu... si vons voulfz que je VOMS le disc... C'est vrai , ca... pendant lout ie voyage , des quo c'l'innocenle creature cuvrail la bouchc , c'elail des oh!... des ah!... des pff!... 11 y a de quoi sortir des gonds!... (35) VERT- VERT , bi. Tais-toi done. JOB IN. Du lout... Je veux qu'on vous respecte... Je suis votre garde -du-corps... (hlcvant la voix.) Et si quelqu'un n'est pas content... je m'appellc Jobin, Claude , Martial, Borrom&j... SALIGNY, Hunt. Allons , allons , monsieur Jobin, Claude, Martial, Bor- romee. .. ne vous fachez pas... On n'a pas eu 1'intention d'insulter monsieur volre maitre... JOBIN. A la bonne heure... le militaire est civil... (A Vert- Vert. ) Saluez, mon mailre. SAUGST. i fflio. D'apres ce que je vois, madame vient se fixer dans notre ville? ALINE. Oui , monsieur , je viens y tenir mori emploi de chan- teuse. IOBIX, iparl. Enjoleuse de comedienne, va!... luien fart-elledesyeux en coulisse... SALIGNY. Moi , mndame , ou plulot mademoiselle , je me nomme Sole de Saligny.... capitaine aux dragons de Nivernais, et je m'eslime heureux de m'etre trouv6 lo premier dans cetie ville a vous presenter mes hommages. MAttlKTTE; renlrant. Messieurs et madame , vos chamibres sont prated. ALINE, tendant la jrtain 4 Vert-Vert. Allons , mon gentil cavalier. .. VERT-VERT , bai. Jobin , faul-il? JOBIN. Par exeniple! ( Passant entre Vert-Vert et Aline, \ Pardon, madame la comedienne, j'en suis bien fach4... inais ce jeune hoiiiuic est sous ma surveillance,.. Eh bien! apres?... ( so ) ALINE. JOBIN. Apres... (A part.) Elle lait comme si elle ne compre- nait pas... (flaut) Je suis Ic gardien do sa candeur, ma- dame... de son innocence... c'est vous en dire assez... \ ALINE , cclalanl do rirc. Ah! ah! ah !... le nigaud!... (y4 Vert-Vert.} Sans adieu , pelil... (Elle donnc la main a Salign/y, qui la reconduit; elle sort par la gaucke etSalignypar lefond.} REPRISE DU CHOiiUR. En (in , malgrc le vent , 1'orage , elc. (Touts les voyagcurs sortcnt par le fond t liors Vert-Vert tt Jobin. ) SCENE VI. VERT-VERT , JOBIN. VERT-VERT. relMcb'ssaut. ? T Comme elle m'a regard^!... Je suis tout emu.... Sans Jobin, j'auraissu peut-etre... JOBIN. Dites done , moil mallre. .. est-ce que nous n'allons pas nous reposer aussi... Je ne suis pas hal)itu6 a voyager par le coche d'eau; ca m'a donn6 le mal de mer... J'suis siar que j'suis encore unpeupalot... VERT-VERT. Vate reposer, si tuveux... Je t'attendrai ici. .. JOBIN. Oh ! non... Vous savez bien qu'on m'a recommand^ de ne pas vous quiller. VERT-VERT. As-tu peurque je ne m'cnvole?.., Tu saisbien quo Jac- queline Dodon ,ma nourrice , doit venir me prendre dans cette holellerie... En restant dans cetle salle, je suis stir de ne pas la manquer. (37) JOBIN. Puisque vous le voulez, je vous laisse un instant... je vais voir les curiosil^s de la ville.,. Mais , faites attention a vous , jeunc adolescent... vons eles entoure de pie"ges. ,. VElll-VEllT. Qtie dis-tu ? JOBIN. Oui... tout-a-1'heure encore... c'te belle dame... qu'e" laitla!... VEHT VERT , Tirement. Elle est.bien jolie, n'est-ce pas? JOBIN. Jolie... j'crois ben... Ces satane'es comediennes, avec leur fard... c'est tou jours joli... Mais c'que vous n'avez pas remarque", (myst&rieusement] c'est qu'elle vous a regard^. . . VERT-VERT, C'est vrai ! JOBIN. Oui... mais , avec des yeux... VEHT-VERT. j Tu crois... JOBIN. Commeca... tenez... (II le regarde, de cote. ) Vous 1'a- vez e'chappe' belle, allez... ( Gravement.) La femme , voyez-vous, mon maitre, la femme, comme dit un sage, estun etre futile etinsidieux... Tranchonslemot... c'est... une creature... Ainsi, croyez-moi... AIR : De la Fiancee. Garde a vous! (Bis.) Souvent , pour i>erdr' notre Arne, Le diable d'unc fi-mme Emprunt' les Iraits si donx : Garde a vous ! (T> r.) VERT-VKUT. Quoi ! ctt a : r agreahio, Cettti app aivnce aiinabie ?.. ( 38 ) JOBIN. Salan est cache d'sous. Garde a vous ! (Quater.) (II sort.} SCENE VII. VERT VERT, scul. Garde a moi.... garde a moi... Au fait, il n'a peut-etre pas tort... Depuis ce matin seulement que j'ai quille le convent, j'ai vu des choses ii e'trangrs... j'ai entendu des mols si bizarres... Oh! dans le coche, je n'etais pas a mon aise au milieu de tons ces soldals aux gardes... Quel singular langage!... ils disai^nt toujours : iMor- bleu!... corbleu!... venlrebleu !.,. que sais-je ?... Alors , il paraitrait que la langue dn coche ne ressemble pas du tout a celle du convent... oui, mais, c'est ennuyeux, parce qn'ici , je ne pourrai pas me fa ire enlendre... \oila deja qu"on commence a me rire au nez... et c'est vexantquand on a de i' amour propre.,. celle dame surtoul, donl Jobin m'a recomniande de me meHer... elle esi bien jolie... (// Tti s'assroir lout pensif a la table a gauche, derricre le paravenl. ) SCENE VIII. VERT-VERT; SALIGINY, LE CHEVALIER DE Mfi- RANGE, entrant ensemble; pui$ MARIETTE. I>E CIlKVALreR, a Saligny. Oui, mon cher, notre chanteuse est adorable... VERT-VERT , derriere le parayen) , a part. On parle d'elle... ^coutons. LE CI1CVAL1EB. Et je le responds bien qu'avant la fin de la journ^e... SAL1GXT. Pardon , pardon , mon ami... II n'y a qu'une petite dif- iicuite'... c'est que je suis le premier en date.,, ( 39) LE CHEVALIER. Toi , aliens done... Est ce que tu voudrais lutter centre un veteran comine inoi , qui ai deja^ cinq ans de garni- son? SALIGNY. . ' Pourquoi pas , monsieur le triomphateur?... LE CHEVALIER. Parce que , sur ce chapilre, Ion Education est encore a faire... VERT-VERT, , u pwt. Son Education est a faire... a ce grand-la!... SAl.IGNT. Tu vas peut-etre me dire comment il faut s'y prendre... LE CHEVALIER. Ca ne te ferait pas de mal... Tu es trop sentimental, toi; tu es capable de filer le parfait amour avec cette chanteuse de province... Corbleul vive 1'amour k la dra- gon ne!... VERT-VERT, a p.rt. Ahl ca, qu'est-ce que c'est que 1'amour a la dra- gon ne ?. .. (// monte sur une chaise, el regarde par dcssus le paravent. ) LE CHEVALIER. AIR : Dtt pen Finot. La beaute la plus rebelle A mes vceux cede bienlot... C'est com me une ciladelle , II faut 1'em porter d'assaut. GarJez-vous bien , pour lui plaire , De soupirer teudrement... Mais, pour engager 1'af faire, Avancez-vous hardiment. ( Imitant une voix de fcmme. ) Finissez , monsieur, finissrz !... (V oix naturcile.] Oh ! ne vous fiachcz pas, belle djnne !... Je virns vous oflrir un petil diner bien fin, bien delicnt... c'est I res- gala nt... el ca s'accepte tou jours... au dessert, on demande un peu de champagne... Le bou- chon part!.,, le vin pel i lie-',., et ma foi... ( 4o) ENSEMBLE. LE CHEVALIER. VERT-VERT, & pan. Cest charmant ! (Bis.) C'est charmant ! (Bis.) II faut brusquer le denoilment. J'apprends-la du nouveau \raime,nt! LE CHEVALIER. Meme air. Mais si la belle , insensible , Se rit de votre tourmcut , Prenez le genre terrible , Jouez le grand sentiment : Eh bien ! si rien ne vous louche , Dit-on , d'uii air furieux ! C'eu est fait , beanie farouche, Je *ais perir a vos j eux. ! Alors, on prend son epee, ou bien un couteau, des ciseaux, n'imporle quoi-'... on leve le bras... la belle epouvantee palit... chancelle... fait semblant de s'evanouir... ENSEMBLE. LE CHEVALIER. VERT VERT, a part. C'dU charn.ant ! (Bis.} C'est charmanl ! (Bis.) Il iaiit hrusqi.ier Ic denouement. J'appreuds-la du uouveau vraiment! SALIUNY. C'est charmant!... c'est charmanl;... eh! bien... puis- que tu es si sur de ton fait... faisuns un pari... nous sonmics Ions IPS deux a peu pres au memo point avec Aline, ^crivons-lui , chacuu de notre cot^... LE CUEVAL'IEH. C'est ca, pour lui deniander un rendez-vous. VERT- VERT. * pan Un rendez-vous !... SALIGNY. C'esl le mien qu'elle acceplera. L CIlliVALlEH. Enfant!... luveux tefairebattre... queparions-nous?.,. SALIGNT. Cinquantc louis... LE CU EVA LIEU. a va... ^crivons... (// appelle.} MarJette, du papier, de 1'encre, des plumes... MARIETTE apporle ce qu'il faut pour ecrire et le incl ur la table. Voila, monsieur. SALIGNY. Ah! petite!... en meme temps, tu vas nous faire servir ici un diner pour deux. LE CHEVALIER. Tout ce qu'il y aura de plus fin, deplus delicat... MARIETTE. a suffit, messieurs. (Ellesort.) SALIGNY, avail! de s'aiseoir. Apropos, mon ami.... je fais une reflexion.... et nos femmes ?. . . LE CHEVALIER. C'est parbleu vrai!... et nos femmes?... VERT-VERT, a part. Comment, ils sont maries ! LE CHEVALIER. Ah! bah!... nos femmes n'en sauront rien... VERT VERT, a part. Oh! Ics tronipeurs! SALIGNY, s'assejsnt u la table. Alors, a I'onvrage ! LE CHEVALIER, de menic. C'est ca, commencons los hostilit^s... (Us ccrivent.) Voici inon poulel, il est court... mais, je le crois de main de mailre... il ne me reste plus maintenant qu'a charger quelqn'un... (// cntre a droiteen appelant:} Mariette!... SAMGNY, allanl au fund et appelaut aussi. Marielte!... (I I sc retourne et aperfoit Vert-Vert qul s' est avarice.} Ah! mon petit ami... voulcz-vous me rendre un service? ^ VERT-VBRT. Dam! c'csl seloni.. SALIGNY. C'est unelettre tres-presscte pour cette jeune dame qui est arrives avec vous ce matin. VEP.T-VEBT. Mademoiselle Aline ?.. SALIGNY. Pr<5cis6ment... dans cinq minutes, je viendrai chcrcher la r6ponse... (// iui met sa Itttre dans la main et iui re- commande le silence.) Chut!... (U sort.} SCENE IX. VERT-VERT; LE CHEVALIER. LE CllEVALItR. remiant. Pcrsonno ! (H apcrfoit rert-rert.) Tiens! d'oii sorl-il, celui la?. .. Eh- l'aini,nn mot... VERT- VERT, a pan. . L'aini!... que me vent il? LE CHEVALIER, a part Ah! le drole de petit jeune homme!.... (Haut.} N'eles vous pas un des cojiipagnons de voyage de made- moiselle Aline?.. VERT-VEKT. Oui... apres?.. LE CHEVALIER. En ce cas, faites-moi le plaisir de Iui remettre sur-le- champ ce billet. VERT-VERT , a part. Lui, aussi!... LR CHEVALIER, tres-rite. C'cst im renseigncmcnt de la plus hante importance pour ellc... une cajiale dnnt on la pr^vient... Vous com- prenez... je revions dans 1'instant. (Itmclsaleltredansla main de Vert Pert.) VERT-VERT. Mais, monsieur... LE CHEVALIER, d'uu ion doctoral en sVn allanl. Silence, petit'... (Il sort.) SCENE X. VERT-VERT , tenant une leltre de cliaque main. Ah ! mon Dieu!... eh! bien, je vieris d'en apprendre de belles.... je vous le demande, quelle education m'a-t on donneeaucouvent...je voudrais po urtanl bien savoir pour- quoi ilstiennent tant a se trouverseulsavec mademoiselle Aline... C'est drole... je m'eUtis sou vent trouve sculaussi avec des fern me*.. . avec mademoiselle Bronchant , par exemple; ca ne me faisait pasplaisir du tout. .. Mais, made- moiselle Aline ne leur ressemble pas... elle a une maniere de vous regarder... Tout-a-l'heure , encore... quaiid sa main a louche lami nne... je nesais ce que j'aieprouve... mais moo coeur a balln plus vile qu'a I'ordinaire. Oh-' decidement , it foul que jo la revoie: el maiulenanl que je sais ce que c'cst que 1'amour a la dragonne, ogissons pour mon prop re comple... D'abord, je ne remcllrai pas Jes Ictlres de ces messieurs... oui, mais ils vont venir chercher leur repons* 1 ... Eh bien.!... je vais la la ire moi- meme la reponse.... ce n'est p;is plus didicile que ca voyons d'abord ce qu'ils ecrivenl... (11 lit.) Femme adorabie !... un seul de vos regards a sum" pour allumer dans mon coeur un incendie, oont la pluie de vos bonnes graces pent seule airelrr les ravages... (Hiant.) Ah! le drole de style... le chevalier )bin... prends une servielle, i-t ticns-loidoiTicre nous pour nous servir. (11 luijette une serviette, et donne la main d Aline qu'il fail asscoiracote de lui a la table. } Mariette!... du champagne-'., le dragon i'a dit. .. MARIETTE. Mais, monsieur, il y en a... JOEIN. Je suis p6trifi6!.. MARIETTA. Ah ca ! c'est done pour vous que ce diner Ik a 6te com- mande?... VERT VERT. Ca me fait cet effet. MARIETTE. C'est drole tout de mf-me ..... je ne 1'aurais pas cm. ( Elle sort. ) YERT-VEliT sen Aline : ilsmaogcul loai lei deux. Jobin, a boire! JOBIN , apres les DTOJI- serti, se Terse un Terre de in. C'est fini, je vais me Irouver mal... (Ilboit. ) (Ence moment, on entend lapluic qui redouble et le tonnerre.) Ah ! quel coup de tonnerre !... A LINK. Eh bien ! qu'esl-ce qu'il a done?... JOB1X. Vous n'avezpasenlendu !.. malheureux jeunehomme!.. c'est la voix du ciel, qui vous reproche votre endurcisse- ment dans le crime. VERT-VERT, Icndantson erre. A boire!,.. Air : En vaiu 1'orage gronde, Ici, je suis si bien, Sa rage furibuude Sur uous ne pourra rien. Nargne du vent et de 1'orage! Un si dou.x bonhetir Fait fuir la peur ; Sr; yc'.ix me douueiil clu courage, Cc .-, au lieu d'efiioi, Quel doux cmoi! JOB IN. Ah! il a raison!... tant pire!... (// bolt.} ENSEMBLE. Allons, Buvons , Chantons , Rions, A mons! JOBIN. Je jette monmoulin par-dessus les ponls!... til bolt.) J'a vale la morale... Elle a duvelout^, la morale-'... ENSEMBLE. Nargue du vent el de Forage , etc. VERT -VERT. Meme air. Ce breuvage m'enflamme; Quelle esl done sa vertu? Je ressens dans mon ame Uii transporl inconau! ( // veut embrasser Aline, qui se defend.') ENSEMBLE. Nargue du vent el de 1'orage, etc. JOBIN, voyant Mariette, qui enlre. Oh61... ohe!... la jolie servanle.... faut que je vous embrasse aussi....embrassons-noustous!... (llembrasse Mariette, qui se sauve.) ENSF.MBLE. A'ilotis . Buvons, Chantons, (5o) Rions, Aimons ! Nargue du vent et del'orage, etc. ( Jobln est tout a fait gris. Us sont tous les trois renfer- mds dans te paravent. ) SCENE XV. LES MEMKS; S ALIGN Y, LE CHEVALIER DE Mti- RANGES , rentrant mouilles et endcsurdre; puts MAR1ETTE. LE CHEVALIER. Une heure de faction en plein air, par le temps qu'il fait.... de'cide'ment , monami, nous avons e"te" mystifies!... SALIGNT. Ne m'en parle pas. . . je suis d'une fureur ! . . . Pour 1'ins- tant, songeons & nous se"cher ( H.stordent leurs tnan- teaux, dont il coule del'eau, et se rapprochent de la che- minee. LE CHEVALIER. Et a nous restaurer Heureusement que, dans notre disgrace, il nous reste le diner que j'avais command^. ( En ce moment, il s'approche et apercoit le groupe ca- chepar leparavent. ) Que vois je !.... JOBIN, ivrcel buvant eneore, te Irouve en fare du Chevalier. Tiens! mais je le reconnais c'est le dragon d'a ce matin... Bonjour, dragon si le cosur vous en dit.... (// lui presente sonverre; le Chevalier le repousse et s'a- vance vers la table.] ALINE , se levant Messieurs , m'expliquerez-vous ?. . . VERT-VERT, K levant aussj. Rien de plus simple c'est un oubli de ina part qui cause tout ce scandale. . . ces deux messieurs vous nvaient ^crit et leurs leltres, au lieu d'ailerk leuradresse, sont reslees dans ma poche.... ( // les montre. ) LE CHEVALIER. Mais celles que vous nous avez remises?... ( 5i ) VERT-VERT. Etaient demoi... ALINE , rclalanl , dans le petit pavilion... (Le Chevalier et Saligny sorlent. ) MADEMOISKLLE BRONCIIANT. Allez, la nourrice, .. suivez Jobin... (A la cantonnnde,] Et toi, mon garcon... soigue bien ta langue; j'irai tout-a- 1'heure dire des paroles dessus. SCENE III. VERT-VERT , MADEMOISELLE BRONCHANT , BA- T1LDE, EMMA, MIM1, PENSIONNAIRES. BATILDE. Quel bonheur, pourtant, que notre Vert-Vert n'ait pas ete blessed VERT-VERT. Oh ! j'en ai 6t6 quilte pour une balle... TOUTES. Une ball e VERT VERT. Une balle morte... MADEMOISELLE BRONCHANT, vement. ftlais, c'est tres-dangereux une balle morte... et oil a- t-elle frapp 6 celte vilaine balle? VERT-VERT, a part. Ca ne flnira pas... (II nut ) Mais je ne sais pas au juste... je crois que c'est a la tele .. MADEMOISELLE BROXCIUNT. A la lete! il ne. fnul pas ne'gliger ca... (Le toucltant.} Justement, je sens une bosse, une bosse norme!... ( 59 ) VERT -VERT , a part. La vicille folle!... MADEMOISELLE 'BROXCIUNT. Mesdemoiselles, vite, vile, des compresses!... Juste- ment j'ai la mon flacon devulneraire suisse. (Elle vapour le panser.) VERT-VERT , impatient*. Laissez-moi tranquillel jo vous disqueca ne sera rien. MADEMOISELLE BROXCHANT- Oh ! il faut suivre mes ordonnauces... et si ca ne suffit pas , je sais des paroles merveilleuses pour guerir totiles les coulusions... Aliens, venez; meltez-vous la, devant moi... VERT-VERT , en cc.lere. Eh! je n'ai pas plus besom de vos drogues que de vos paroles! Air : C'cst le Sergent Ma'hieu. Epargnez-nons un pen, Palsambleu ! Toutes ces fariboles! Crojez-v(ius done, corbleu ! Sarpejeu ! Qu'on croie a vos paroles, Veutrebleu ! Ah ! que les femmes sont folles ! Sacrebleu ! Ah ! que les vieilles sont folles ! TOUTES LES FEMMES, an* uu cri d'ctonneinent, Ah! MADEMOISELLE RRONCOANT, siupefaile. Mis^ricorde... il a jure-'... VERT-VEP.T, aTcc explosion. Certainement que j'ai jure... Tons les gens bien Sieve's jurent. .. Ca vous eloiino... Ah! vous en verrez bien d'autres... Vous m'avicz donn6 une jolie dducotion... Ileu- reusement , j'ai Irotiv6de bons amis qui m'ont instruit... J'ai soupd a la caserne... j'ai bu du vin de Champagne... (6o) je snis ce que c'est que les femmes a present... Les jeu- nes,les jolies, on les embrasse... les vieillcs, on leur fait des niches... (A mademoiselle Bronckant. ) Vous , vous tes une vieille... MADEMOISELLE BBONCHANT. Oh! 1'insolent!... C'en est trop... je vais porter mes plaintes h madame la superieure... Suivez-moi, mesde- moiselles; ne reslez pasdavantage avec ce petit r6prouve\ VERT-VERT , bas i Baiilde el a Emma , Irts-yite. Daiis un instant, revenez ici... ilfautque je vousparle. EMMA ct BAIILDE. Que dit-il? VERT-VERT , de meme. Prudence'... ENSEMBLE. MtMI, MADEMOISELLE BRONCBANT VERT-VERT, ei LES PENSIO.NNAIRES. Air.- DuPlultre. Ah ! j'elouffe 4e colere ! Ah ! je ris desa colere. II sera puni, j'espere. Loin d'ici, vieille sorciere, C'esl affrcnx ! Ventrebleu! Eu ces licux, Sacrebleu ! Des propos si scandaleux ! Oui, jesais jurer, mwbleu ! Ya-t eu, petit tcmeraire. 8or d'ici, vieiile megore, Redoule notre colere. Toujours, malgre la colere, Quel demon (bis). Du dragon (bis) Lui fait perdre la raisun. Je veux suivre la lecon. (Elles se sauvent toutes avec effroi. ) SCENE IV. VERT- VERT; puis le CHEVALIER DE MtRANGE et SALIG1N Y , en uniformes de dragons. VERT-VERT, rint. Ohe!... ohe!.. ohe!... Est elle vexee!... C,a leur ap- prendra a vouloir faire de moi un itnbecille. ( Le Cheva- (61 ) 'ier ftSaligny paraisgent dans le bosquet. V en-Vert al- lanta cux. ) lib bicn ! mes maitres, etes-vous contens de moi? LE CI1EVALIER. Enchanted !... vous avez tnenli comuie une gazette... Mais, nos femmes... nos femmes... Ah.' que j'avais de peine a me contenir. VERT-VERT , les empechant d'arancer. Vos femines seront ici dans un instant... mais, de la prudence... Une trop grande surprise pourrait nous tra- hir... Les voici... laissez-moi faire , disparaissez... AHez done , allez done!... (// les pousse dans le bosquet et se tient a I'entree. ) SCENE V. LES MEMES, BATILDE, EMMA, MIMI. (Saligny et Me- range sont caches. La nuit est tout a fait venue.} MIMI , entrant d'abord aeule , ct faisant sigtic a Emma et B.iMldr. Arrivez done, mesdames! BATILDE. Chut!... lime semble que j'enlends parler... MIMI. Ehnon!... sont-cllcs droles d'f.voir peur comme ca... des femmes marines... Je vous dis que mademoiselle Bronchant est en train de faire son rapport h madame la sup^rieure... On nous croit dansle dortoir... nous n'avons rien a craindre.... (Totissant.) Hum ! hum ! hum ! VERT-VEBT , de raeme. Hum ! hum ! hum!... c'est moi !... Vert-Vert... Appro- chez done... ne craignez rien... Je vous attendais avec impatience... (llprend la mainde Balilde.} BATILDE, la reliraut. Ah! ne me touchez pas, monsieur!... Nous somm.cs furieuscs contre vous. VERT-VERT , riant. Vous aussi , ingrates!... quand c'est pour vous seules... ( 6.) TOOTKS. Comment?... VRRTVERT. Eh ! mon Dieu , oui... dans tout ce que j'ai racont6, il n'y a pas un mot de vrai... MIMI. Vous n'etespas devenu mauvais sujet?... VERTVERT. : ; Mais, pas le moins du monde... seulement je me suis inslruit. . Ah! je s.iis bien des choses a present... jecrois meme que je suis devenu un peu sorcier... Oh! rassurez- vous... ma science ne fait de mat a pcrsonne. Air : D'Angellne, Je devine des belles Les desirs, les secrets , Et des amanls fideles J'exauceles souhaits. A vos maris peul-etre Vous pensez. .. . BAT1I.DK ET EMMA. Mais,oui-da. VERT- VERT, Us vonl ici parailre. . . LE CHEVALIKR et SALIGN'Y, lortant du boxjuel. NOILS voila !... TO0TES. Les va'.la !... VERT VERT. Ah ca! mesdames, pas de confusion... ne nous troin- pons pas de mari... MIMI. Eh bien! c'est agre.ible... moi qui n'en ai pas. VERT VERT . passant pre de Mimi. Ne- fuis je pas la-? (Us forment trois couples et chantcnt le morceau suivan! pianissimo.} (63 ) '.TODS. xir suisse : D, la Bateliere. Taisons-nous ! Ah ! qu'il est doux De revoir ce qu'on aime ! Aimons-nous Totijours de nicme; Mais surlout taisons-nous ! Car, en ces lieux, Des eavieux Pourra'ent venir, Et feraienl fuir Le tendre amour, T)onl le grand jour Arrete encor Le doux essor. (On entend ouvrir la petite porte de gauche.) VERT VERT. Mais... on ouvre la petite porle... Qui peut s'intro- duire?... chut!... (Us se groupent tous de divers cotts.} SCENE VI. LES MEMES, M. LEGER. (// entre avec precaution et en td- tonnant et rcfernie la porte.] M. LEGER. (// se cogne contre une chaise de jardin et trebuche.) 11 faut ovouer que 1'amour fait fa ire de <^randes extrava- gances... A cinquaole ans , m'inlroduire de nuit , conunc un voleur, dans ce couvent, au risque d'atlraper une fral- cheur ou d'etre inordu par les chic-ns. VERT VERT, qui sVsl approcbe doucement. Eh ! mais , c'est monsieur Leger. M. LEGCK , se relcurnanl vi>einei)l. Hein ?.. qui esl-ce qui a parle ?.. (A voix basse.} Est-ce vous, Cunegonde?... (64) VERT-VERT,i part. Queclit-il? M. LEGER. S't!...s't!... VEUT-VERT, pres du bosquc t a droile. S't !. .. (Idger se retourne de ce cote.} LE CHEVALIER , derriere line caisse d'oranger. au food. S't ! . . . (Mouvement de Leger du cote du Chevalier. ) SALIGNY, a gauche- S't!... M. LEGER, se retouroant encore. Eh!... j'entends bien... mais oil etes-vous done?... on dirait que votre voix change de place... (// parcourt le theatre les mains devant lui.] II fait noir comme dans un four... je suis capable de me faire qtielque bosse au front. SCENE VII. LES MEMES; MADEMOISELLE BRONGHANT. MADEMOISELLE BRONCHANT, Voici 1'heure.... M. L^ger doit etre arriv^.... hatons- nous de le renvoyer... r VERT- VERT , aux autres. La sous-maitresse!.... oh! c'esl charmant!.... IOCS. ficoutons ! ( Us se rapprochent. ) MADEMOISELLE BRONCHANT. S't!... M. LEUER. S't!... VERT-VERT , de I'amre ooli, S't!... M. LEGER , impalienle. S't ! . . . s't ! . . . s't ! . . . quaud vous ferez s't ! pendant deux beures.... dites-moi seulemenl de quel cot6 vous eles.... ( // se tro^.ve aupres de Vert-Vert qui lui donne un coup surla tete , ct lui cnfonce son chapeau. } Ah!.... quelle mauvaise plaisanterie ! . . . . ( Vert-Vert se retire en arriere (63 ) ct mademoiselle Bronchant sc trouvc. jtrtu de M. Legcr, qtCcllc safsit par la main. ) MADEMOISELLE BRONCIlANT. Ah ! vous voilh !... A quiparliez-vous done? 11 LEGER , reliraiit sa main. Laissez-moi tranquille , Cunegonde ! . . . . vous m'avez fait mal!.... MADEMOISELLE BRONCHANT. Moi!.... par exemple! M. LEGKR. Ah! faites done l'e"lonnee.... vous ne venez pas de me donner un coup sur la tele!.... MADEMOISELLE BKON'CIIANT. Aliens done.... vous revez vous vous serez cogne con I re un arbre. M. LEGER, arec bumeur. Un arbre!... j'ai senti sa main... Tenez, Cun^gonde, je commence me lasser de tout ce myslerc... et il me tarde de declarer puhliquement noire mariage secret.... VERT-VERT 4 part. Un mariage secret!... MADEMOISELLE BRONCI1ANT C'est aussi sur cela cjue je voulais me consulter avec vous.... mais.... (lei Vert-Vert qui ccoute tout pris d'cux, tlcrne.) M. LEGER, a mademoiselle Bronchant. A vos souhaits ! MADEMOISELLE BRONCIIANT. Plait-il ? M. LEGER. Je dis a vos souhails.... vous avez 6ternu6.... MADEMOISELLE BRONCOANT. Du tout, c'est vous.... M. LEGER. Moi!... est-ce que j'ai 1'habitude de vous cacher mes actions?... Si j'avaisHernu6, je vousdirais francheinent : Cun^gonde, j'ai ternue\... 5 / /? * \ ( DO i MADEMOISELLE BKONCHANT. Monsieur Leger , vous etes faux comme un jeton. M. LEGER. Mais je vous assure.... MADEMOISELLE BRONCHANT. Nous nous expliquerons une autre Ibis.... mainlenant , il faut que vous parliez.... M. LEGER. Comment, de*ja!... C'e'tait bien la peine de me faire venir. MADEMOISELLE BRONCUANT. Vous ne savez done pas... ce petit coquin de Vert- Vert est de retour; il a fait des siennes... Tout le couvent est en revolution... Voyons, rendez-moi ma cle, que je vous mette a la porte. M. LEGER , tirant la cle dr ia poche. C'est agreable!.... Tenez, la voila votre cle... {Vert- Vert s'avance entre eux et prend la cti que tient encore M. Ltger. ) MADEMOISELLE BRONCUANT. Eh bien!... donnez done. M. LEGER. Vous venez de la prendrc. MADEMOISELLE BHONCHANT. Aliens, voila encore une do vos lubies; c'est comme mon elernuement de tout a I'heure... Vousaurez laisse* tomber cetle cle, en voulant me la donner... Vous etes d'une maladresse... Allons , cherchez-la done. M. LEGER. cberchaot. C'est particulier... j'aurais pourlant jure"... (On en- tend appeler dans la coulisse : o Mademoiselle Bronchant ! mademoiselle Bronchant! j MADEMOISELLE BRONCHANT. Ah! mon Dieu!... j'apercois dts lumieres... on vient de ce cote\.. fuyez vile!... M. LEGER. Ne craignez rien; je ne vous compromettrai pas. (// disparait dans le bosquet ; Vert-Vert, Ics offlciers et le pcnsionniires se cachent prAr.ipitamment derriere Ics caisses d'orangers, au fond, ) SCENE VIII. LES MKMES, LA SUPl^RIEURE , DEUX RELIGIEUSES por- tant dcs flambeaux. LA SCPUR1EURE, appelant. Mademoiselle Bronchant ! mademoiselle Bron- chsnt! (L'apercfivant.} Ah! vous voila enfin; il y a une heure que je vous cherche Que faisiez-vous done ici P MADEMOISELLE BttONCHAN'T, ti'Js-emLarrasste. Moi... inoi... madame la snp^rieure... je... je... pre- nais le i'rais. LA SUPEhlECRU. Savez-vous ce qui arrive?... Tout- a-Fheiire , en faisant ma ronde dans les dortofrs , j'ai vu qu'il uianquait Irois de ces demoiselles... MADEMOISELLE BRONCIUNT. Juste ciel !... que m'appronez-vous \h ?. .. Je gagerais qn'elK J s se sont ^chappces pour aller voir ce peiil ren6gat de Vert'Vcrt.... (En ce moment, les Irois couples sont groupcs au fond, prcs de la petite porte a gauche; les ofli- ciers sont caches derriere les jeunes filles. Vert-Vert met la cU dans la serrure ; au bruit qu'il fait en ouvrant la porte , mademoiselle Bronchant se retourne,} Tenez, madame, que vous disais-je ?... Les voyez-vous?. .. LA 8UPEU1EURE. Ah! c'est bien heureux!... Me direz vous, inesdenaoi- selles, pourquoi vous n'etes pas au dortoir? BA1HILDE et EMMA, baissam les ycui. Madame... HIM I, mement. Nous prenions le frais... MADEMOISELLE BRONCIUNT. Petite effront^e!... (08) LA SUPEIUKURF. Allons, mcsdemoisellos , rentrous.... domain il sera temps anges et de Saligny que je vous pr6- sente... (Aux ofliciers.) Saluez done!,.. LA SdPERlKDBE. a madoinoiscllc Broncliani. Je respire!... ie mal n'est pas si grand queje le crai- gnais... MADEMOISELLE BROXCIIANT. Quoi! madame!... vousanriez la faiblesse de tole>er... Du lout... du tout... il y a violalion de domicile... Jl faut envoyer chercher les autorites locales , constater le delit. ( Pendant qu'ellc parle, on a vu M . Lt'ger sortir du bos- quet et se glisser avec precaution le long du mur, pour gagner la petite porte dans la serrure de laquelte Vert- V ert a laisse la ctt. A peine Mademoiselle Bronchant a- t-elle achcvesa phrase, que I' on cntend crier : ) M. LEGER. Aie! aie! aie!... au secours!... ja suis prls au pi6ge MADEMOISELLE BRONCHANT , couranti lui. Ciel! mon inari! LA SUPERIEURE et LES RELIGIEOSES. Son mari !... SCENE X. LES MEMES , M. LfiGER , s'avancant trainant le pidge a sa jambe. LA SUPERIEURE. M. Leger!.. etquefaisiez vousici..aune pareilleheure? M. LE6ER. Je... je prenais le frais. MADEMOISELLE BRONCHANT. Un maitre de dansepris par la jambe!.. mauditpi^ge!.. JOBIN , qui s'est approclie de M. Leger. Maudit pi^ge!... IN'en dites pas de mal... il a joliment fait son cffet tout de metnc... ( Se baissant } Allons , ne vous desoloz pas... iln'y nquelegrasd'allaqu^... laissez... laissez, ca me connait... (// ouvre le piege et le laisse se reformer, ce (jui fait pousser un cri OL M. Leger. ) Ca me connait que je vous dis. VERT- VERT, riant. II faut envoyer cliercher les nutorit^s locales... faire constater le delit. . . n'est-ce pas , m ademoiselle Bronchant?. . L.4 SDPERIEURE. C'est bon... c'estbon !... monsieur le uiauvais sujet... grace k vous, voilh un scaudalequi va perdrema maison. VERT-VKRT. Pourquoi done, ma tante?... rien de plus simple a arranger... des domain, vous ecrirez aux parens de ces dames qu'il y a trop de danger a s^parer des cceur si (7*) bien unis , et quc ce qu'ils ont de mieux a fairc , c'est do les rendre & leurs m-iris, qui sont des modeles de sagesse et de fidelite... d'abord, j'en re 1 ponds... vous pardonnerez a ce jeune couple... (montrant mademoiselle Bronchant et M. Leger} parce qu'h toutprendre, M. Leger, homme marie , sera beaucoup moins dangereux pour ces demoi- selles... Quant 5 moi, je renonce a ['education feminine, et j'achete une cornpagnie de dragons... Jobin, tu me suivras... tu seras dragon. JOBIN. C'est ca, vivent les dragons! VERT-VERT- Et, si ma petite Mitni n'est pas trop pressed... je pro- mets de I'^pouser quand je serai capilaine. MIMI, aec un eoupir. J'altendrai. CHOSUR DES HOMMES, BATII.DE, EMMA el MIMI. Air : De Rlangini. "Viveul, vivent les mililaires Qu'ils onl de bonnes inanieres! A vec leur air seducteur. On doit toujours cirevainqucur. VERT- VERT, au pul.lie. Air : De la petite Prude. Par mon ton lesleet mon caquet , Aujourd'hui j'ai peche peut-ctre; Mais, je ne suis qu'uu perroquet ; C'est tin dragon qui fut mon niaitre. Main tenant, messieurs, je voudrais Preudre leqon de courtoisie. . . Venezchez nous; et desormais, Je verrai bonne compagnie REPRISE DU CHCEUR. Vivent, vivent les militaires, etc. '-,'] FIN. MISE EN SCfiNE DE VERT-VERT. ACTE PREMIER. Sobin-seul. Lorsqu'il estbaisse, au fond, examinantlaplale- bande, le chevalier de iVIeranges, qui a parn sur le mur, lui saute sur le dos. JIs dependent la scene; Meranges se te- nant a la gauche de Jobin. Celui-ci, a la fin dc la scene, est amene par Meranges an pied du inur, ct lui sert de mar-, che-pied pour sauter par dessns. M lle Bronchant entre par la droite, ct se tient a la droile de Jobin; ce dernier sort par la droite. Leger arrive par la porte d'enlree, au fond, et se tient a la gauche de M" e Bronchant. Celle-ci sort par on elle est entree. Les pensionnaires enlrent par la droile. Leger est entre Mimi a sa droite, el Emma a sa gauche. - Leger sort par la droite. Batilde sort du bosquet a droite, et refient Emma, qui va sorlir au fond; Mimi revient pres d'elle. Batilde est en- tre Emma et Mimi. Vert-Vert enlre par la droile, au fond. Mimi esf a sa gau- che . Balilde et Emma a sa dcoite. II s'assied , entoure par les Pcnsionnaires. Position des personnages d la scene suivante ; prise de la droite des spectatcurs. Emma, Batilde, Mimi, Vert-Vert, la Superieure, M lle Bron- chant. Jobin, entre par la droite, au fond, se tient a la droite de M lle Bronchant. Tous les personnages remontent la scene, entourant Vert- Vert, qui se dispose a sortir par la porte du fond. (74) ACTE II. A la droite des spectateurs sont a table Cerney et deux au- tres dragons. A h gauche est Saliguy assis. Meranges entre par le fond, et se lien* au milieu de ses deux camarades, qui se levent. Mariette entre par la droile , et pose sur la table des ver- res et des bouleilles. Us sortenl par le fond , a 1'exception de Saligny. Mariette entre par le fond, et se tient a la droile de Saligny. Le choeur entre par le fond, el tient les deux cotes de la scene. Position des personnagcs , prise de la droite des spectateurs. Aline, Saligny, Vert-Vert, Jobin. Mariette entre par la droite. Jobin passe entre Vert-Vert et Mine. Us sortent, Aline par la gauche, reconduite par Saligny; les autre* par le fond. Vert-Vert resle. Jobin est a sa gauche ; ce dernier sort par le fond. Vert-Vert s'assied ;'i gauche, cache par le paravent. Saligny et Meranges, a >a gauche, eutrent par le fond. Marietle entre par h droile, appurle encrier, plume ft pa- pier, qu'elle depose sur la table, et sort. Meranges sort a droite, ft n-ntre an moment ou Saligny sort par le fond. II se lient a la gauche de Vert -Vert, et il sort egalement par It- fond. Vert-Vert vn ecrire sur la table, Ala droite des spectateurs. Les deux officiers eulrent par un cote different. Vert- Vert est au milieu, et ils sorlerit par Je fond, Tun aprcs 1'aulre. Aline entre, venant d 1 ; la gauche, et se tient a la droite de Vert-Vert. Jobin enlre parle fond, et se tient a la gauche de Vert-Vert. Position des personnages a. table. Jobiii debout, Vert-Vert et Aline assis. Mariette enlre par la gauche, et s'en va par le fond. (75) Les deux officiers entrent par le fond. , et liennent la droite dela scene. Marielte entre par le fond, pour annoncer la nofurrice. ACTE III. Leger est au milieu des Pensionnaires. M" e Bronchant esi a la gauche des speclateurs. Leger, aprcs la lecon. se trouve aupres d'elle et sort par la porte d'enlree, au fond. Vert-Vert enlre par le fond, suivi de M oranges et de Sali- gny, qui s'asseyent a IV-cart, a gauche, pendant le recil de Vert-Vert. Les deux officiers sortcnt par la droite. Position des per&onnages, prise de la droile des acteurs. Mimi, Emma,Batilde, Vert- Vert, M llc Bronchant. Elles sorlent par le fund, a droite. Les deux officicr*, en uniformes, 'orient du bosquet a droite et .e liennent a la tlroile des spect.ilenrs. Vert-Vert est a leur droile ; il les fait rentrer d;ms le bosquet. Minii, Batilde et Eiuina enlrenl par ie fond, a droile, et des- cendentla hcfcne; Vert-Verl esl a leur gauche. Leurs marts, a la fin du couplet, se glis-ent derriere elles. Au bruit que fait Li'ger, ils se caolieut au fond de la scene, derriere les oran- ge rs. Leger entre par la petite porte verle, a gnuche, et descend la scene. Vert-Vert est pros du bosqu* I, adioite, pourecou- ter. M llc Bronclianl enlre par le fond, a droile, et sc tientala droite de Leger. A Parrivee de la Supei ieure par le fond, a droile, les e[>oux, ainsi que Vert-Vert ei Miau,ruinenient b sc^ne el secachenl au fond, a g.inche. M" e Broiichantest a la droitr 'd<- la Supei ieure et s'a|>proche de la porle,a ganrhc,aii inoinetit ou vonl soilir It 1 .- Pt:uMon- naire> , derriere lesqiielles se liennenl \erl -Vert elles offi- ciers. To us les personnagrs dcscendenl la scene. Position des person nages , pri&e de la droite des spectateurs. Saligny, MeiMiiges, Veii-Vc^t, Balildt, la Superieure, M llM Bronchant, Enuna, JMii Jobin entre par le fond et vient se placer a la gauche de la Superieure. Leger, venu Ju frmd, a droite, et qui s'est glissele long du inur, se prerid au piege, qui lui reste au pied. II descend a In droite de la Superieure, le picge a la jambe. Jobin passe a la droite de Leger, lui ote le piege, etva en- suite a la droite de M" e Bronchant. COSTUMES. VERT -VERT. Habit a la franpaise, en tafetas vert. Veste en satin blanc , a dessins. Culotle en taffetas rose. Bas de soie blancs. Souliers noit>, a boucles et a talons rouges. Perruque poudree. Chapeau a comes pliant, de marquis. Jabots et manchetles. JOBIiV. Costume de paysan, dans le genre dc celui de Gregoire dcs Visitandines. M. LEGER. Habita la franpdise, en soie gorge-de-pigeon. Vesle. blanche, a ramngc.s. Culotte comme 1'liabit. Bas de ?oic. Souliers a boucles. Perruque a cade- netles. Chapeau triangulaire Epee. LE CHEVALIER DE MERANGES et LES OFFIC1ERS DE DRAG01SS. Unilbrme vert, a revers jaunes. Veste et culoite blanches. -- Epaulettes d'or. Boltes a 1'e- cuyere , molles. Perruque poudree. LA SUPERIEURE DU COUVENT et les Rellgietises. Cos- tume dans le genre de celui des Visitandines. M 110 BRONCHANT. Costume caricature qui n'a rien de monastique. BATILDE, EMMA, MINI et LES PENSIONNAIRES. Costume entiererncnt uniforme. Robes blanches, avec corsages a poinles. Ceinturcs bleues, a la cordeliere. Cheveux re/'cves en bandeau. Voiles bl.incs , attaches sur le haul de la tete et retombant sur les epaules. Bas blancs. Souiiers noirs. Mitaincs noires. M" e ALINE. Robe en soie foncee, i pointe. Coiffure a la Scvigne- VERT-VERT POEME, PAR GHESSET. CHANT PREMIER. Vous pres de qui les Grfices solitaires Brilleut sans lard et regnent sans fierte, Vous, dont l'e?prit ne pour la verile, Sail allier a dcs vorlus austeres Le gout, les ris, 1'aimable liberte, Puisqu'a vos yeux vous voulez que je trace D'un noble oiseau la touchante disgrace, Soyez ma muse, echauffez mes accens, Et pretez-rnoi ces sons interessans, Ces tendres sons que forma votre lyre, Lorsque Sultane*, au printemps de ses jours, Fut enlevee a vos tristes amours, Et descendit au tenebreux empire. De uion heros les illustres malheurs Peuvent aussi se promettre vos pleurs. Sur sa verlu par le sort traversce, Sur son voyage et ses longues erreur. c , On aurait pu faire une autre Odyssee Et par vingt chants cndohnir les lectenrs : Qn aurait pu, de fables surannees, Ressusciter les diables et les dieux, Des fails d'un mois occuper des annees, Et, sur les tons d'un sublime ennuyeux, Psalmodier la cause infortunee * Epagneuk 1 . D'un perroquet non mnins hrillant qn'E'nee, Non moins devo', plus malheureux que 1'ii; Mais trop de vers enfrainent trop d'ennui. Leg muses sont des abcilles volages, Leur goGt voltij^e, il full les longs ouvrages, El, ne preuant que la fleurd'un sujet , Vole bicnlot sur un nouvel objet. Dans vos lecons , j'ai puise ces maxima : Puis?ent vos lois se lire dans ines rimes! Si, trop sincere, en tracanl ce> portraits, J'ai ilevr ile les mystt res secrets, L'arl des parloirs, la science, des grilles, Les graves rims, les mystiques velilles, Volre enjttiienienl n)e pussera ces traits, Yotre raison , exMiiple de i'aiblesse, Salt vons sauver ces lades petitcsses; Sur votie esprit , snumi.s au .^eul devoir, L'lllnsion n'eut jamah de pnuvoir : Vous savez trop qu'un front que 1'art deguise Pliiit moins an ciel qu'une aim:iblu franchise. Si la vertu se montrait aux moi lets, Ce ne serail, ni par Part des grimaces, Ki sons des Irails faroncbes et cruels, ]>lais sous votre air, on sous celui des Graces, Qu'elle viendrait nieriler nos autels. Dans mainl auleur de science profonde, J'ai lu qu'on perd a trop courir le monde : Tres-rareinenl en devient-on meilleur; Un sort errant ne conduit qu'a 1'erreur. II nous vaut mieux vivre ai stin de uos lares, El conserver, painbles casaniers, Noire vertu dans nos proprcs foyers Que parcourir bords lointains et barbares : Sans quoi le coeur, viciime des dangers, Kevient charge de vices etrangers. L'affreuxdeslin du heros*que je chante En eternise une preuve touchante : Tous les echos des parloirs de Nerers, Si Ton en doute, attesleront uies ver?. ANevers done, chez les visitandines, Vivait naguere un perroquet famous, (79) A qui son art et son creur genereux, Ses verlus me me et ses graces badincs, Aumient dt A i fa ire un sort moins rigouretii, Si les beaux coeurs elaient tonjours heureux. Vert-Vert ( c'elait le nom du personn ; jge ) , Transplanle-la de Pindien rivage, Fut, jeune encor, ne sachant rien de rien , Au stisdit cloilie enferme pour son bien; Ilclaitbeau, brilianl, lesle et volage, Aimable et franc comme ou I'est au be! age , Ne lendre et vif, muis encore innocent ; Bref , digne oiseau d'une si sainte cage, Par son caquet digne d'etre en convent. Pas n'esl besoin , je pense , de decrire Les soins des soenrs, des nonnes, c'est tout dire, El ch iqne mere, apres son directenr, N'ainiail rien taut ; nieine dan:- plus d'un ccuur, Ainsi 1'ecrit un chroniqueur sincere^ Souvent I'oiacau 1'empqrta ur le pere ; II partageail dans ce pai.siblti Ii:n Tou.s Us sirups dont le chrr peie en Dieu, Grace anx l)ienfaiis des nonnelles sucrees, lleconforlait ses entrailles $acree$. Objet permisa leur oisit'amour, Vert- Vert etail Tame d: ce sejour: Exceplez-en quelques vieilles dolentes, Des jeunes cceurs, jalouses snrveillantes, II etait cher a tuule la inaison, N'etanl encor dans Page de raison , Libre il ponvail cl tout ilire et lout faire, II elail sQr de charmer el de plaire. Des bonnes soetirr egayant les Iravaux, II becqnelail el guiinpes et bandeaux ; II n't: tail point d'agreable partie, S'il n'y venail briller, caracolier, Papi lonner, sifllcr, rossignoler, II badin.iit, in a is avec modestie, Avcc eel air timide el tout prudent Qu'une novice a meme en badihant. Par plnsieurs voix inlerroge sans cesse, 11 repondait toujours avec justesse : (*>) Tel autrefois Cesar en meme temps Dictait a quatre en styles different. Admis partout, si Ton en croil 1'hisloire, '"'_ L'amant cheri mangeait au refecloire; La tout s'offrait a ses friands desirs. Outre qu'encor pour ses menus plaisirs, Pour occnper son venire infatigable, Pendant le temps qu'il passait hers de table, Mille bonbons, mille exquises douceurs Chargeaient toujours les poches de nos sceurs. Les petits soins, les attentions fines Sont nes, dil-on, chez les visitandines : L'heureux Vert-Vert 1'eprouvait chaque jour. Plus mitonne qu'un perroquet de cour, Tout s'occupail du beau pensionnaire; Ses jours coulaient dans un noble loisir. Au grand dortoir ii couchait d'ordinaire; La de cellule il avail a ehoisir. Heureuse encor, trop heureuse la mere Dont il d^ignail, an relour dc la nuit, Par 53 presence hooorer le rc'-duit. Tres-rarement les antiques discretes Logeaient 1'oiseau ; des novice? propretl*s L'alcove simple elait plus de son goGt , Car remarquez qu'il t-tait propre en tout; Quand chaque soir le jeune anachorele Avail fixe sa nocturne relraite, Jusqu'au lever de I'astrc de Venus 11 reposail sur la boite aux agnus. A son reveil, de la fraiche nonneltc, Libre tcmoin, i! voyait la toilette. J'ai dit toilette, et je le dis loul bas : Oui, quelque parl j'ai lu qu'il nc faut pas Aux fronts voiles des m-iroii's moins fidt-les Qu'aux fronts ornes de pompons et dentellcs : Ainsi qu'il esl pour le monde el les cours Un art , un goOt de modes et d'atours , II esl aussi des modes pour le voile ; II est un art de donncr d'beureux lours A relamiue, a la plus simple loi'e. Souvent Pessaim des folatres amours, ( 8. ) Essaim (jiii fail i'rarichir grilles <:l lours, Ati bandeau donne une grace piquante , Un air galant a la guimpc flotlanle; Enfin, avant de paraitre au parloir, On doit an moms deux coup^ d'oeil au miroir. Ceci soil dit enlrc nous, en silence; Sans autre ecart, revenons au heros. Dans ce sejour de 1'oisive indolence Vert-Vert vivait sans ennuis, sans travaux, Dans lous les cceurs il reguait sans partage. Pour lui soenr Thecle oubliait sesmoineaux; Quatre serins en elaient raorls de rage, Et deux matous, autrefois en faveur, Deperissaient d'envie et de langueur. 1 D )?9 f Qui Taurait dit, en ces jours pleins de charmes , Qu'en pure perle on cultivait ses inceurs, Qu'un temps viendrait, temps de crime et d'alarmes , Ou ce Verl-Vert , tendre idole des coeurs, Ne sera it plus qu'un trisle objet d'horreur! Arrete , muse , et relarde des larmes Oue doit couter 1'aspecl de ses malheurs, J^ .^ . , *. , , * ruit trop amer des egards de nos soeurs. ^ If snft >lirnJ ryh jj; j'.j Jicj'j JJ. IK, i -jirii :(! 6 (to ) CHANT II, On juge bien qu'etant a telle ecole , Point ne manquait du don de la parole L'oiseau discret , hormis dans les repas ; Tel qu'une nonne, il ne deparhiil pas. Bien est-il vrai qu'il parlail comrne un livre, Toujours d'un ton confil en savoir-vivre. II n"t tail point de ces fiers perroquets Que 1'air dti siecle a rendus Irop coquets, Et 'qui, stifle's par des bouches mondaines, N'ignorenl Hen des vanilcs humaine?. Vert-Vert feta!t un perroquet devot, Une belle ame in'noceinmeht guidee ; Jamais du mal H n'avait eu I'idee, Ne disait oiic tifi immb'deste nrot. Mais en revanche il savait des cantiques, Des or emus , des colloques mystiques; II disait bien son Benediciie, Et noire mere el votre cliarite ; II savait niCine un pcu de Soliloque, Et des traits fins de Marie Alacoque : II avail eu dans ce docte manoir Tou* les secours qui menent au savoir. II elait la mainles Giles savanles, Qui mot pour mot porlaienl dans leurs cerveaux Tous les noels anciens et nouveaux. Inslruil, forme par leurs lecons frequenles, Bientot 1'eleve cgala ses regentos; De leur ton meme, adroit imitaleur, II exprimail la pieuse lenteur, Les saints soupirs, les notes languissantes Du chant des soeurs, colombes gemissantes. Finalemenl, Vert- Vert savait par cceur Tout ce que sail une mere de choeur. (83) Trop resserre dans les bornes d'un cloitre, Ln tel merite an loin se fit cnnnailre; Dans tout Nevers, flu matin jtifqu'au soir, II n'etait bruit que tics scenes mignonnes Du perroquet des bienheureuses nonrces: De IVloulins meme on veuait pour le voir. Le beau Vert-Vert ne bougeait du parloir: Soeur Melame, en guimpe toujours fine, Portait I'oiseau : d'abord aux spectateurs Eileen i'aisait admirer les couleurs, Les agrernens, la douceur enfantine; Son air heureux ne innnquait point les coearsi Mais la beaute du tendre neophite N'elait encor que le moiridre me rite; On oubliait ses atlraits enchantrurs DCS que sa voix frnppait les auditeurs. Orne , rempli de saiutes gentillesses Que lui dictaienl les plus jeunes professes, L'illustre oiseau commencait son repit; A chaque instant de nouvelles finesses > Des charmes neul's variaient son debit, Eloge uniqtie et difficile A croire^ Pour tout parleur qui dit publiquetnent: Nul ne dormait dans tout son atidiloire : Quel oratear en pourrait dire autahL? On 1'ecoutait . on vantait sa metnoire; Lui, cependanti, style part'aitemen.t> Bien convaincu du neanl de la gloire, Se reiigorgenit toujours devoteuient, Et Iriomphait toujours modestt'ment^ Quaud il avail debite sa science , Serrant le bee etparlant en cadence, 11 s'inclinait d'un air sahctifie, Et laissnit la son monde edifiei II n'avait dit que des phrases gentillcs, Que des douceurs, excepte quelques mots De medisance, et tels propos de filles Que par hasard il apprenait aux grilles, Ou que nos soeurs traitaient dans leur enclos. Ainsi vivait dans ce nid delectable, En mailre, en saint, en sage veritable ( 84 ) Pore Vert-Vert, cher i plus d'une Hebe, Gras coinmo mi moino, et non inoins venerable, Beau comme im coeur, savant comuic un abbe; Toujours aime, comme toujours aimablc, Civilise , musque, pioce, lange, Heureux enfin s'il n'edt pas voyage. Mais vint ce temps d'affligeante memoire, Ce temps critique ou s'eclipsa sa gloire. O crime ! 6 honte ! 6 cruel souvenir! Fatal voyage! aux yeux de 1'avenir Que ne peut-on en derober 1'histoire ? Ah ! qu'un grand nom est souvent dangereux! Un sort cache fut loujours plus heureux. Surcet exemple, on peutici m'en croirc, Trop de talens, trop de succes flatteurs, Trainent souvent la mine des inoeurs. Ton nom , Vert-Vert, tes prouesses brillantes Ne furent point bornes a ccs climats; La renommee annonca tes appas, Et vint porter ta gloire jusqu'a Nantes: La, comme on sail, la Visitation A son bercail de reverendes meres, Qui, comme ailleurs, dans cette nation, A tout savoir ne sont pas des dernieres; Par quoi bientot , apprenant des premieres Ce qu'on disait du perroquet vante, Desir leur vint d'en voir la verite. Desir de fille est un feu qui devore ; Desir de nonne est cent foi? pis encore. Deja les coeurs s'envolent a Nevers; Voila d'abord vingt teteg a 1'enrers Pour UD oiseau. L'on ecrit tout a I'heure En Nivernois, a la superieure, Pour la prier que 1'oiseau pJein d'attraits Fut, pour un temps, ameue par la Loire,, Et que, conduit au rivage nantais, II put jouir lui-meme de sa gloire Et se preter a de tendres souhaits. La lettre part. Quand viendra la reponse? Dans douzi; jours : quel siecle jusque-la! Leltre sur leltre et nouvellc semonce : On ne dort plus ; soeur Ceeile en mourra. ! :".';j'"f;.f. oYbnot L-jH'>i;r).! Itaf-Jia f~ Juoa/l Or , a Nevers arrive cnfin I'epitre Grave sujet : on tient 1 grand chapitre. Telle requete effarouche d'abord. Perdre Vert- Vert ! O ciel, plutot la mort! Dans ce? tombeaux, sous ces tours isolees, Que ferons-nous si ce cher oiseau sort? Ainsi parlaient les plus jeunes voilees, Dont le coeur vif et las de son loisir , S'ouvrait encore a 1'innocent plaisir : Et dans le vrai , c'etait la moindre chose Que cette troupe etroitement enclose, A qui d'ailleurs tout autre oiseau manquait , EQt , pour le inoins, un pauvre perroquet. L'avis pourtant des meres assistanles . De ce senat antiques presidentes, Dont le vieux coeur aimait moins vivemcnt, Fut d'envoyer !e pupile charmant. Pour quinze jours ; car, en tetes prudentes , Elles craignaient qu'un refus obstine Ne les brouillat avec nos sceurs de Nantes : Ainsi jugea 1'etat ernbeguine. Apres ce bill des miladis de I'ordre, D.rns la commune arrive grand de.ordre : Quel sacrifice! Y peut-on consenlir? Est-il done vrai, dil la soeur Seraphine? Quoi! nous vivons, et Vert-Vert va partir! D'une autre part, la mre sacrisline Trois 1'ois palit, soupire qualre fois, Pleure , (remit, se pSme, perd la voix : Tout est en douil, je ne sais quel presage D'un noir crayon leur trace co voyage; Pendant la nuit des songcs [>leinj d'horreur Du jour encor redouble at la lerreur. Trop vains regrets! L'iusiaul f'.aiesle arrive; Li tout esl pret sur la l'at;i!e rive; 11 faut cnfin se resomlro iiux adicux I'.t counnencer une absence cruclle : (86) La chaque soeur gemil en totirterHle, Li plaint d'avance un venvage ennuyeux. Que de bakers au sortir de ces lieux Recut Vert- Vert! Quelles tendres alarmcs! On se 1'arrache , on le baigne de lannes ; Plus il estprfitde quitter ce sejour, Plus on lui tronve et d'eprit et de charmes : i nfiri pourlant il a passe le tour : Dn monastere, avec lui, fuit 1'amour. c Pars, ya, mon fils , vole ou 1'honneur t'appelle ; Reviens channant , reviens toujours fidele ; Que les zephirs te portent sur les flols, Tandis qu'ici, dans un triple repos, Je 1,'inguirai , forct-ment exilee, Sombre, inconnue eljainais consolee; Pars, cher Vert- Vert, et dans ton heureuxcours Sois touj jurs pris pour 1'aine des amours. Tel fut 1'adieu d'une nonnain poupine , Qui , pour distraire et charmer sa langueur, Entre deux draps avail , a la sourdine , Tres-souvent fait 1'oraison dans Racine , Et qui , sans douie, aurait de tr6s-grand coeor, Loin du couvent, suivi 1'oiseau parleur. Mais c'cn est fail , on embarque lie drole, Jusqu'a present vertueux, ingenu, Jusqu'a present modesle en sa parole : Puisse son coeur, constamment defendu , Au cloitre un jour rapporter sa vertu! Quoi qu'il en soil, dcja la rame vole, Du bruil des eaux les airs onl relent! ; Un bon vent souffle, on part, on esl parti. CHANT III. La mme nef, legere et vagabonde , Qui voiturait le saint oiseau sur I'onde, Portait aus&i deux nymphes, trpis dragoos, line nourrice, un moine, deux Gascons; Pour un enfant qui sort du inonasti-re, C'etail echeoir en dignes compagnons! Aussi Vert- Vert, ignorant leurs facons, Se trouve la comine en terre elrangere; Nouvelles langues et nouvelles lecons. L'oiseau surpris n'entendait point leur style; (le n'etait plus paroles d'Evangile , Ce n'etait plus ces pieux enlreliens, Ces traits de Bible et d'oraisons mentales Qu'il enlendait chez nos douces veslales; Mais de gros mot!?, et non des plus Chretiens ; Car les dragons, race assez peu devote, Ne parlaient la que langue de gargotte: Charmant au mieux les ennuis du chemin . Us ne ffilaient que le patron du vin; Puis les Gascons et les trois peronnelles Y concertaient sur des tonsde ruelles. De leur cote, les bateliers juraient, Riuiaient en dieu, blasphemaient et sacraient. Leurs voix, stylees aux tons males et fermes^ Articulaient sarts rien perdre des termes. Dans le fracas, confus, embarras,se, Vert-Vert gardait un silence force, ; Triste, timid.e , il n'osail se produire, Et ne savait que penser ni que dire. Pendant la route on voulut, par faveur, Faire parler le perroquet rSveur. Frere Lubin , d'un ton peu monastique . (88) Interrogea Ic beau melanoolique. L'oiseau benin prer.d son air de douceur, Et vous poussant un soupir mcthodique , D'un ton pedant repond : Ate , ma sceur. A cet ave jugez si I'on dut rire. Tous en chorus bernent le pauvre sire. Ainsi berne , le novice inlerdil Comprit en soi qu'il n'avait pas bien dit, Et qu'il serait mal mene des commeres S'il ne parlait la langue des confreres. Son coeur ne fier, et qui jusqu'a ce temps Avail ete nourri d'un doux encens, Ne put garder la modeste Constance Dans cet assaut de mepris fletrissaut. A cet instant, en pe.rdant patience, Vert-Vert perdit sa premiere innocence. Des lors ingrat, en soi-meme il maudil Les cheres soeurs , ses premieres maitresses, Qui n'avaient pas su mettre en son esprit Du beau Franca isles brillantes finesses, Los sons nerveux et !es delicatesses. <\ les apprendre il met done tous ses soins; Parlant tres-peu , mais n'en pensant pas moins. D'ahord 1'oiseau , couime il n'etait pas bele , Pour I'aire place a de nouveaux discours , Vit qu'il derail oubliec pour loujours Tous les gaudes qui iarcissaient sa lele. Us i'urenl tous oublies en deux jours , Tant il trouva la langue a la dragonuo Plus d'un bel air que les termes da nonne. En moins de rien 1'eloqueot animal , Helas! jeunesse apprend trop bien le mal! L'animal, dis-jc, eloquent et docile, En moins tie rien Tut rudement habile. bien vile il sut jurer et maugreer Mieux qu'un vieux diable au fond d'un benitier. II dementit les celebres maximes Ou nous lisons qu'on ne vient aux grands crimes Que par degre.-. 11 fut un scelerat, Piofes d'abord, et sans noviciat. Trop bieu sul-il graver ea sa memoire Tout 1'alphabet des balelters de Loire. Des qu'un d'iceux, dans quclque vertigo, LSchait un mor... Verl-Vert faisait 1'echo. Lors applaud! par la bancle susditc, Fier et content de son propre merite, II n'tiinia plus que le honleux honneur De savoir plaire au monde suborneur; Et, degradant son genereux organe, II ne i'ut plus qu'un oratcur profane. Faut-il qu'ainsi 1'exemple seducteur Du ciel au diable emporte un jeune coeur! .^b..:ii.!!-i-.:i Oi 'JtiV -,.CTM .XJj'>f *s Pendant ces jours, durant ces trisles scenes, Que faisiez-vous dans vos cloilres deserts, Clhastes Iris di; couvent de Nevers? Sans doute , helas! vons faisiez des neuvaines Pour le retour du plus grand des ingrats, Pour un volage indigne de vos peines, Et qui, soutnis a de nouvelles chaiues, De vos amours ne faisail plus de oas. Sans doute alors 1'aoces du inouastere Etiiit d'ennuis Irislement obsede ; La grille etait dans un deuil salulaire, Et le silence etait presque garde. Cessez vos vceux; Verl-Vert n'en est plus digne, Vert-Vert n'est plus eel oiscau reverend, Ce perroquet d'unc I'nineur si beuigne, Ce cceur si pur, cet esprit si fervent : Vous le dirai-je ? il n'est plus qu'un brigand, Luche opostat, bla^phemaleur insigne ; Les vents legers et les nymphes des eaux Ont moissonne le fruit de vos travaux. Ne vantez point sa science infinie : Sans la vertu que vaut un grand genie? N'y pensez plus : I'infame a, sans pndeur, Prostitue ses lalens et son cceur. Deji pourtant on approche de Nantes Ou languis^aient nos soeurs impalientes. Pour leurs desirsle jour trop tard naissait, Des cieux trop tard le jour disparaissait. Dans ces ennuis, TEsperance flalteuse, A nous I romper toujours ingenieuse , 1(90) Leur promettait un esprit cullive, Un perroquet noblement eleve, Une voix tendre, honnSte, edifiante, Des sentimcns, un merite acheve. Mais, 6 douleur! 6 vaine el fausse altenle! La nef arrive, et 1'equipage en sort. Une touri6re etant assise au port, Des le depart de la premiere lettre, La, chaque jour, elle venait se mettre ; Ses yeux, errans sur le lointain desflots, Semhlaient hater !e vaisseau du heros. En debarquant aupres d'> la beguine, L'oiseau madre la connut a la mine, A son oeil prude, ouvert en tapinois, A sa grand'coiffe, a sa fine etamine, A ?es ganlsblanc*, a sa mourante voix, Et mieux encore a sa pelile oroix. II en fremit , et ineme il est croyable Qu'en militaire il la donnailau (liable; Bien mieux aitnant suivre quelque dragon Donl il savait le bachiqiie jargon Qu'aller apprendre encor lt:s litanies, La reverence et les ceremonies. Mjiis iorce t'ut au grivois depite D'etre conluil au gite detfste. Malgre ses cris la touriere I'emporte. II la mordait, dit-on, de bonne sorle Chetuin faisant; les uns disent au cou, D'autres au bras : on ne. sail pas bien ou. D'ailleurs, qu'iinporle ? A la fin, non sans peine, Dans le convent la beale Pemmene; Elle 1'annonce. Avec grande rumeur, Le bruit en court. Aux premieres nouvelles La cloche sonne. On etait lors au choeur; On quitie tout , on court, on a des ailes : C'est lui, ma sosur, il esl au grand parloir. < On vole en foule, on grille de le voir; Les vieilles meme , au marcher symetrique, Des ans lardifs ont oublie le poids : Tout rajeunit, et la mere Angelique Courut alors pour la premiere fois. CHANT IV. On voil enfin, on ne pent se repaitre Assez les yeux des beanies de 1'oiseau.. . C'etait raison, car lo fripon , pour etre Moins bon garcon, n'en 6tai( p;s inoins bean. Cel ceil guerrier el cet air pelit-maitre Lui pretaient meme un agrement nuuveau. Fant-il, grand Uieu , qne sur fe front d'un traitre. Brillent ain*ij Ic? plus tendres attraits! Que ne pent-on distinguer el connaitre Les coeurs pervers i\ dc difformes traits? Pour admirer les channcs qu'il rassemble, Tonles les speurs parient loutes ensemble; En enlendant cet cssaim. bourd^nner, On eQl a p<;ine entendn Dieu louner. Lui cependant. parnii tout co va(.'arme, Sans duigner dire un mot de piete , Roulait It* yeux d'un air de jt-nne rarinc. Premier grief. Cet air trop effronle Fut u n scandale a la coinmunaute. En second lieu , quaiid la nif'-re prieure, D'un air angugie , en fille iuterieure , Youlul parler a 1'oiseau liberlin. Pour premiers mols et pour toute reponse, Noncbalammenl et d'un air de dedain, Sans bien songer aux borreurs qu'il prononce, O T \ Mon gars repon'd avec un ton taqmn : Par Id , cor bleu! que let nonnes font folles! L'histoire dit qu'il avail en cbemin D'un de la troupe enlendu ce? paroles. A ce debut, la soeur Stiint-Aiigdstln, D'un air Sucre, vuulut le faire taire, tn lui disant : Fi done , mon Ires-che'r frere! Le tres-cher frere, indocile et mutin, ( 9* ) Vous la rima tres-richement en tain. <> Vive Jesus ! il est sorcier, ma mere, Repond la sceur, juste Dieu! quel noquin! Quoi! c'est done la ce perroquet divln! Ici Vert-Vert, en vrai gibier de greve, I/aposiropha d'un la peste te crkvel Chacune vinl pour brider le caquet Du grenadier; chacune cut son paquet. Turlupinant les jeunes precieuses . II imitail lenr courroux babiliard ; Plus dechaine sur les vieilles grondeuses , II bafouait leur sermon nazillard. Ce fut bien pis quand, d'un ton de corsaire , Las, excede de leurs fades propos, Boufli de rage, ecurnant de colere , II entonna tous les lerribles mots Qu'il avait su rapporter des bateaux; J 11 rant, gacrantd'une voix dissolue, Faisant passer tout I'Enfer en revue; Les b. , les f. voltigeaient sur son bee. Les jeunes sceurs crurent qu'il parlait grec. Jour de Dieu!.., mor!... mille pipes de diables ! Toute la grille, a ces mots effroyables, Tremble d'horreur ; les nonnetles, sans voix, Font, en fuyant, mille signes de croix; Toutes , peasant elre a la fin du monde, Courent en poste aux caves du couvent; Et sur son nez la mere Cunegonde Se laissant choir, perd sa derniere dent. Ouvrant a peine un sepulcral organe, o Pere elernel ! dit la soeur Bibiane, Misericorde ! Ah ! qui nous a donne Get antechrist , ce demon incarne? Mon doux Sauveur! en quelle conscience Peut-il ainsi jurer comme un damne ? Esl-ce done la 1'esprit et la science De cc Vert-Vert si cberi , si prone? Qu'il soil banni, qu'il soit rerais en route. O Dieu d'amotir, reprend la soeur Ecoute . Quelles horrours! chez nos soeurs de. Nevers . Quoi ! parle-t-on ce langage pervers? (93 ) Quoi ! c'est ainsi qu'on inktruit la jeunesse ! Quel berelique ! O divine sagesse , Qu'il n'cnlre point ; avec ce Lucifer, En garnison nous aurions lout 1'enfer. Conclusion, Verl-Verl est mis en cage; On se resout, sans tarder da vantage, A renvoyer le parleur scandaleux. Le pelerin ne duinandait pas mieux. II est proscrit, declare detestable, Abominable, alteint el convaincu D'avoir tente d'entamer la vertu DCS saintes soeurs. Toutes de 1'execrable Signent Parrel en pleurantle coupable; Car quel malheur qu'il fQt si deprave, N'etanl encore qu'a la fleur de son age, Et qu'il portal , sous un si beau plumage, La fiere humeurd'un escroc acheve, L'air d'un paien , le coeur d'un reprouve! II part enfin , porle par la touriore , Mais sans la mordre en rclournant au port. Une cabane emporle le compere, Et sans regret il suit ce triste bord. De ses malheurs telle fut 1'Iliade. Quel desespoir, lorsqu'enfin de retour II vient donner pareille serenade, Pareil scaudale en son premier sejour! Que resoudront nos soeurs inconsolables? vLes yeux en pleurs, les sens d'horreur troubles, En manteaux longs, en voiles redoubles, Au discretoire entrent neuf venerables. Figurez-vous neuf siecles assembles. La, sans espoir d'aucun heureux suffrage, Prive des soeurs qui plaideraient pour lui, En plein parquet enchaine dans sa cage, "Vert-Vert parait sans gloire et sans appui. On est aux voix: deja deux des sybilles En billets noirs ont crayonne sa mort ; Deux autres soeurs, un peu moins imbecilles, Veulerit qu'en proie a son malheureux sort, On le renvoie au rivage profane (94 ) Qui le vi't nnitre, avcc le noir brachmane. Mais, de concert, les cinq dernieres voix Du cbatiment deleiminoiil le choix. On le condumne a deux niois d'abstinence, Trois de retraile el quatre de silenoe : Jardins, loiletle, alcoves et biscuits, Pendant ce temps lui seront interdits. Ce n'est point tout : pour comble de in is ere 4 On lui choisit pour garde, pour geoliere, Pour cntreticn , I'Alecton du couvent. Une converse, infiinte douairiero, Singe voile, sqtielelte octogenaire , Spectacle fail poiir I'oeil d'iiu punitent. IVlalgre les soins de I'argus inflexible, Dans leurs loi.sirs sou vent d'aimables soeurs, Tenant Iv plaindre avec tin nir sensible, De son exil suspendaienl les ri<(tieurs. Soeur Rosalie, au rctonr des mutiues, Plus d'nne to is lui porlw des pralines; Mais dans les i'ers, loin d'un libre destin, Tons les bonbons ne sont que chi(;otin. Convert de lionle, in>ilruil p^ir Ou IHS de voir sa compagne iin L'oiseau conlrit se recontmt enfm I! otiblia les diagons et le inoine, El pleinemenl rein : s a 1'nnisson Avec nos soenrs, pour fair et pour le ton, II redevint plus devot qu'un chanoinc. Quand on fulsOrde sa conversion, Le vieux divan, des'irmant sa vengeance > De 1'exile borna la penitence. De son rappel sans doute 1'henreux jour Va, pour ces lieux, elre un jour d'allegresse ; Tous les instans donnes a !a tendree^e Seront files par la main de Pamour. Qne dis-je! lielas! 6 plaisirs infideles! O vains atlraits de delices mortelles! Tous les dorloirs etaient'jonclies de flours : Cafe parfail , chansons, course legere, Tumulte aimable et liberte pleniere, Tout exprimait de cbannanies ardeurs, Rien n'annoDcait de prochaines douleurs. (95 ) Mais de nos sceurs, 6 largesse indiscrete! Du sein des maux d'une longue diete Passant trop tot dans des flots de douceurs, Bourre de sucre el brQle de liqueurs , Vert- Vert, tombantsur un las dedragees, En noirs cypres vit ses roses changees. En vain les sceurs tSchaient de retertir Son Time errante et son dernier soupir. Ce donx exces hSta sa destin6e , En tendre Amour, victime fortunee, II expira dans le seih du plaisir. On admirait ses paroles dernieres. Venus enfin, lui i'ermant les paupieres, Dans I'Elysee et les sacres bosquets Le inene au rang des heros perroquets, Pr6s de celui dont 1'amanl de Corine A pleure I'ombre et clianle la dcclrine. Qui peut narrer combien Pillustre mort Fut regrelte ? La soeur depositaire En coinposa !a lettre circulaire D'ou j'ai tire 1'histoire de son sort. Pour le garder a la race future , Son portrait Cut tire d'apres nature : Plus d'une main conduilc par ('amour Sut lui donner unc seconde vie Par les couleurs et par la broderie; El la douleur, travaillant a son tour, Peignit, broda des larmes alenlour. Or lui rendit tons les honneurs funebres Que 1'Hclicon rend aux oiseaux celebres. Au pied d'un myrle on placa le tombeau Que couvie encor le mausolee nouveau. La , par la main des tendres Arlhemises, En Icltres d'or, ces rimes fiirent inises Sur un porphire enviionne de fleurs. En les lisanl on sent nuilre ses pleurs. Novices, qui venez causer dans ces bocages A l'iij! SAVERNY. Un voleur?. . es-tu fou? ( 20 ) CHBISTOPHE. Si vous Voulez la lire , la v'la. . . ( // presents la ktirc. } AMEDEE, voulant la prendre. Voyons. SAVERHY, la prenant vivement et la dechirant. Eh ! ma bonne, cela ne nous regarde pas. CHRISTOPHE , a part. Plus de doute* ANDRE, entrant. Messieurs, vous etes servis. SAVERNY , aux jeunes gens. A table. .. a table... (Bas a Christophe.} Ma bonne, reslez ici.. dans un instant vous aurez de mes nouvelles. CHHISTOPBE^ aux jeunes gens, pendant (ju'ils entrenl dans le restaurant. Ah! mes bons messieurs , je me recommande a vous. . . Marianne Antoinette, Yiclor Blot , qui csl le nom de mon homme. . . pecheux dans Jc terns dc 1'alosc , rue Poirilard, en dt^a de Caudebec , enlre Yvetot el Saint -l\emy.. . une maison en brique , avec les bois peinlures en vert. . . vous n'aurez qu'a demander Marianne-la-Camuse , parce qu'a cause de mon nez, ils m'appellont la ('amuse. SCENE VIII. CHRISTOPHE, seal. II est pris. . . Vite un mot a M. Picbelin. (II tire un car- net et ecrit. ) Je liens votre homme. .. Voici son signale- ment : cheveux blonds, yeux bleus, et ccclera , le seul qui porte un habit bleu boutonne. Voila ce que c'est... (// on a la port?, dufond.} St... st... (Le domestique de Pichelin paroil. ) A M. Picbelin, sur-le-champ... a lui-meme, enlendcz- vous? (Le domestique s'en oa, Chiislopherevieut. )Maintenant qu'ils s'arrangent. . . MoF, ^a ne me regarde plus. . . Al- lons eludier mon role dans la Tourde Ncslc... Ah ! Cecile... Voyons uu peu si elle me reconnailra... (II va vers la porie dii fond, en reprenant son allure dc nuurrlce , ct en cfianton- nant le refrain de sa chanson. ) (2, ) SCENE . CECILE , CHRISTOPHER ciciLE , a Christophe qui s'eloigne. Madame , madame. . . bonne femme. . . c'est a vons que je parle. CHRISTOPHE , se relournant. A moi , mam'selle. . . C'est que vous avez dit madame... j'prenais pas ca pour nous. CECILE. Comment ! c'est vous , Christophe ! CHRISTOPHE. Elle nVa reconnu. CECILS. Me direz-vous ce que signifiece deguisement ? Esl-ce un de vos costumes que vous essayez , ou hien une comedie qu vous jouez a vous tout seul? CHRISTOPHE. Eh bieri ! oui , Ce"cile . . . c'est une comedie . . . mais une fameuse, et qui doitrendre service a bien du monde. CECILE. Qa regarde done ces messieurs qui sont la haul?. . . II y en a un qui vous prie de 1'attendre encore quelques inslans..* il m'a charged de vous le dire . . . CHRISTOPHE. Ah ! je comprends ... II doit e"tre fiercment vexc . . . CECILE. Qui $a ?. . . M. Saverny ? CHRISTOPHE. Saverny! vous dites Saverny!... celui qui doit epouser votre ancienne maitresse ? CECILE. Sansdoute. CHRISTOPHE , a part. Dieu! qu'est-ce que j'ai fait la? CECILE. Qu'avez-vous done ? CHRISTOPHE , a part. Ne lui disons rien. . elle me ferait une avanie. . . CECILE. II va se marier a Strasbourg, et il part dans deux heurcs. ( 22 ) CHRISTOPHE. Ah ! il part dans deux heures? CECILE. Moi , je vais faire mes adieux a M" e Eugenie elle doit etre conlente. . . voila son manage assure. .. et il a bien manque de ne pas avoir lieu , a cause du beau-pere quiestd'une severite.. . S'il apprenait la moindre chose... tout serait rompu. CHRISTOPHE. Ah ! mon Dieu I CECILE. Et moi qui m'amuse a causer. . . Adieu, je vous laisse... mais quitlez ce deguisement, je vous en prie Si on vous surpreuait ainsi. . . Allez , vous ne serez jamais rai- sonnable. ( Elle sort par le fond.} SCENE X. CHRISTOPHE , seuL II faut vraiment que j'aie la main malheurcuse ! . . . je vais peut-etre , par ma betise, faire manquer le mariage de ce jeune homme. . . Allons, il nV a pas a balancer. . . je 1'ai mis dans 1'embarras, ilfaut 1 en tirer a tout prix. . . Le domestique de Pichelin n'est peut-elre pas encore ar- rive.. . Si je pouvaisrallraper lemalheureux signalerncnt; courons vite. (Piclielinpara.it. } C'est deja lui. SCENE XI. PICHELIN , CHRISTOPHE. PICHELIN , entrant. Oh ! la bonne lournure. . . Comment? c'esl loi , Chris- tophe ? CHRISTOPHE. Monsieur Pichelin , ecoutez-moi. PICHELIN. Ma foil si tune m'avais pas prevenu, j'y aurais e'te pris moi-meme. CHRISTOPHE. Rcndez-moi le signalement; il n'est pas exact. (23) PICHELIN. Le signalement ! . . . est-ce quc lu me 1'as envoye par Georges, mon domestique? CHRISTOPHE. Vous ne 1'avez pas re9u? PICHELIN. Jene suis pasrentrd chez moi. CHRISTOPHE. Ah ! quel bonheur ! je craignais qu'il ne f&t trop tard. . . C'est que, voyez-vous, j'ai commis uneerreur... Celui que je vous ai indique esl le plus honnete homme du monde. PICHELIN. Nous verrons bien. . . nous verrons bien. . . CHRISTOPHE. Comment ! vous verrez bien ! . . . , PICHELIN. Sans doute... Je viens de la prefecture. . . on a donne* des ordres.. . la maison esl deja cernee.. . et, au premier mot , le prevenu sera saisi. CHRISTOPHE. Mais puisque je vous repete que je le connais. . . que je vous reponds de lui sur rna tote. PICHELIN. Tu m'en reponds ! . . . tu m'en reponds ! . . . Tu ne peux pas entendre ces affaires-la aussi bien que moi. CHRISTOPHE. Mais c'est une indignitd. PICHELIN. Silence! j'entends ces messieurs. . . Si lu dis un mot. . . je fais arreter tout le monde . . . et toi ie premier . . . CHRISTOPHE. Au surplus, vous n'avez pas le signalement. PICHELIN , apercevant Georges qui entre, Justement, voici Georges qui me le rapporle. CHRISTOPHE, pendant que Pichelin prend Ie signalement des mains de Georges et I 'examine. Grand Dieu ! . . . Allons, un moyen hardi c'est le seul qui me reste. (II se sauce par laporle a gauche, a ctite du restaurant. ) XII. LES JEUNES GENS, AMEDEE, SAVERNY , PICHELIN, puts CHRISTOPHE. CH05UR. AiR des buveurs de. Robert- le-Diablc. II est un t crmc aux beaux jours de la vie , II faut, helas ! borner leur cours joyeux ; Le terns s'envole... amis, a la Colic Gaiment encor prolongcons nos adieux. PICHELIN , qui examine le signalement. Des cheveux blonds. . . des yeux bleus. . . le seul qui porle un habit bleu boutonne*. ( Regardant Saverny.} Par- bleu ! le voila ! . . . SAVERNY , a Arnedee. Comme ce monsieur me rcgarde ! AMEDEE. II commence a me deplaire. SAVERNY. Mes amis , vous pouvez resler encore ; mais moi , vous le savez. . . il faut que je prenne conge de vous. PICHELIN. II veut s'ecbapper . . . c'est ce que nous verrons. AMEDEE. Nous allons t'accompagner. PICHELIN , se mettant decant eux et les arrctant. Pardon , messieurs , de deranger vos projels mais monsieur (de'signant Saoerny ) ne peut partir avec vous. SAVERNY. Moi ! et qui m'en empe'chera? PICHELIH. La force arme'e. . . si vous voulez bien le permettre. SAVERNY. La force arme'e ! . . . et pour quels motifs ? PICHELIN. Vous les connaissez... et, quand vous ne les connaitriez pas , ce serait a peu pres la mSme chose, (if) Am : J'ai vu leparnasse des dames. C'ost une regie gene'rale : Monsieur , sur le moindre soupron , L'individu que 1'on signale Doit etre conduit en prison. n vain il proteste, il se (ache, Son proces s'instruit lentement !... Et puis cnfm... on le relachc , Quand on ne peut faire autrement. SAVERNY. Mais encore faudrait-il m'apprendre?. . . PICHELIN. Cette nuit , vous vous 6tes introduit dans une maison. . . on sail a quel dessein. . . Nous avons des preuves. . . et , de plus , un lemoin oculaire. SAVERNY. Un te'moin ! PICHELIN. Cette brave femme qui se Irpuvait par hasard. . . ( Re- gardant de tous c6tes, ) Eh bien ! ou est-elle done? CHRISTOPHE , entrant par laporte dufond; il esl en bourgeois , ample redingote , cheveux gris, gros favoris , et barbe de meme. Attends, attends, lourdaude... Si j'avais le terns, je te ferais einpoigner par la garde. PICHELIN. Quel bruit? CHRISTOPHE , descendant la scene. * C'est une horreur ! . . . que les honne'tes gens soient el- pose's ! . . . Cette proletaire a failli me jeter sur le dos. PICHELIN. N'cst-ce pas une paysanne . . . une nourrice ? CHRISTOPHE. Precisdment, monsieur. II y a a Paris untas de populace.. . Je deteste la populace. PICHELIN , A part. Pourquoi diable s'esl-il sauve"? * Ce'cile , Saverny , Pichelin. ( 26 ) CHRISTOPHE , a Saverny. Ah ! vous voila , jeune homme... Je vous relrouve enfin. SAVERNY. Moi , monsieur?. . . Qui eles-vous? CHRISTOPHE. Oui, feignez de ne pas me reconnailre c'esl fort joli. .. Au fait, vous ne vous altendiez pas... ma is, moi , j'etais sur de vous rencontrer.. . Depuis hier, je suis sur vos traces. SAVERNY. Ah ca !. . . c'est une plaisanlerie. CHRISTOPHE. Esl-ce que j'ai 1'air d'un bouffon ? Je suis connu , messieurs.. . Eusebe Vergeomel, ex-droguiste en gros , rue Bar-du-Bec. . . oil mon gendre a pris la suite de mes affaires , en y joignant la commission , dgalement en gros , sur les denrees coloniales J'ai trente mille livres de rente , et je vais aux bals de la cour. SAVERNY. Ou'est-ce que 93 me fait a moi ? PICHELIN. En effet , monsieur, vous vous jetez a la traverse. . . CHRISTOPHE. A propos de traverse , n'etes vous pas ce M. Pichelin , greffier d'un tribunal , aux ordres duquel on a mis la force armee postee ici pres ? PICHELIN. C'est moi-me'me. CHRISTOPHE. On me Tavait dit a la prefecture , si je puis m'exprimer ainsi. . . Et , en ce cas , je vous somme d'arreler cet indi- vidu . v . ( 11 designe Saverny. ) SAVERNY. Qu'est-ce a dire ? AMEDEE. En voici bien d'une autre. PICHELIN. Monsieur , ce que vous demandez est deja fait. .*" CHRISTOPHE. Ah 53 ! on a done deja conuaissance de 1'avenlure de cette nuit? PICHELIN. Comment ! vous auriez etc te'moin?. . . CHRISTOPHE. Mieux que 93 , monsieur . . . partie plaignante el tres- plaignante. SAVERNY , a part. Diable ! si c'elait le mari! PICHELIN. Ainsi vous etiez , entre minuit et une heure , dans celte rue , n a3? CHRISTOPHE. Permettez. .. n 86. PICHELIN. Na3. CHRISTOPHE, IN 86 , de 1'autre c6te de la rue , beaucoup plus haut. AMEDEE, a Saverny. Ah a ! . . . tu as done voyage toule la nuit? SAVERNY. Je n'y comprends rien. . . a moins que ce ne soil un tour de mon rival, dc M. de Yalliere. PICHELIN. Voila une affaire qui se compliquc Etes-vous Lien sur , monsieur ?. . . CHRISTOPHE. Vergeomel . . . Tres sur. PICHELIN. C'est au n 86 que vous accusez ce jeune homme d'avoir vole ? CHRISTOPHE. Uu lout. . . au contraire. . je 1'accuse de ne pas clre un voleur. . . Je voudrais bien que ce fut un voleur. PICHELIN. Comment ? ~ CHRISTOPH Je Taccuse d'etre un jeune homme dc bonne famille , riche, aimable , bien eleve". . . AMEDEE. Ah ca ! il est stupide . . . CHRISTOPHE. Droguiste. . . ne confondons point, s'il vous plait.. . et (28) a ce litre je demande qu'il me suive a 1'instant , de gre' ou de force , pour etre confronte par moi avec Arte"mise. PICHELITT. Artemise !. . . CHRISTOPHE. Sa complice. . . une jeune personne char manic. . . des graces, des attraits. . . 1'esprit le plus facile, etun cceur idem. PICHELIN. Je m'y perds. . . expliquez-vous , monsieur. . . Narrez les faits le pins brievement possible. CHRISTOPHE. Rien de plus clair. . . Suivez-moi bien. . . Vous saurez done qu'hier j'etais de garde au poste qui est dans cette rue. . . C'est une faveur que je dois a 1'amitie de mon ca- pitaine Lalourette C'est lui qui me donne des bitlets pour aller au bal de la cour, ou je 1'amene dans ma voi- -ture. . . car nous avons voiture , pour ne pas etre confondu avec le peuple. PICIIELIN. Monsieur. . . tout cela ne me dit pas. . . CHRISTOPHE. Suivez-moi bien. . . Ou en e"tais-je ? PICHELIN. A volre ami , M. Latourette. CHRISTOPHE. Jen'en suis encore qu'a Latourette ?... Eh bien ! done... c'est gra*ce a lui que je monlais au poste d'honneur , juste en face de la demeure d'Artemise. . . Mais il faut d'abord que je vous fasse remonter a la source. PICIIELIN. La source de quoi ? CHRISTOPHE. La source d'Artemise. . . une danseuse, une debutante a 1'Opera . . . recemment arrivee de Carcassonne. PICHELIN. Mais , monsieur , toute cette histoire . . . CHRISTOPHE. Suivez-moi toujours . . . Ou en elais-je ? PICHELIN. A la danseuse. (29) CHKISTOPHE. Non, avant? PICHELIN. A Latourette. CHRISTOPHE. Encore avant ? PICHELIN, A votre garde. CHRISTOPHE. C'est cela me'me. PICHELIN , a part. Dieu ! quelle patience ! CHRISTOPHE. Je faisais ma faction Moi , j'aime beaucoup ^a , monter la garde... 1'ordre public, je rie connais que c_a. . . je suis feroce la-dessus. . . et, comme je le disais a Latou- rette ... si j'etais deputd ( Anx jeunes gens qui rient. ) Qa vous fait rire , messieurs. . . et pourquoi ne serais-je pas depute tout comme un autre? PICHELIN. Mais enfin , monsieur ? CHRISTOPHE. Si vous ne suivez pas. . . Ou en etais-je? PICHELIN. A votre faction. CHRISTOPHE. C'est juste! . . . Hier , a onze heures du soir , comme je vous disais, en face de 1'appartement que j'ai loue pour Ar- temise je me promenais de long en large , les yeux fixes sur ce boudoir que j'ai meuble avec tant de luxe ..... Tout-a-coup, arrive un fiacre un jeune homme s'en elance, frappe a la porte , entre. . . et trois minutes apres, dans ce meme boudoir je vois deux tetes se dessiner derriere les rideaux.. . j'en frissonne encore... La jalousie, la rage... toules les tortures!... Je ne sais plus ou j'en suis. PICHELIN. Vous en e"tes au boudoir. CHRISTOPHE. Vous figurez-vous ma position ? . . . Moi , en faction , le fusil sur 1'epaule , la pluie sur le dos , et oblige de crier : Qui vive?... Caporal, hors la garde I venez recon- natlre patrouille '. ... Je suis resle tant de preuves reunies ne demontrent que trop la chose, et il ne vous reste plus qu'a supporter le coup bravement. GADIFERT. Helas!.. RIGAL'LOT. Vous n'avez pu regarder la robe que du coin de 1'oeil, et tres superficiellement ? GADIFERT. C'est vrai. RIGAULOT. Je gage tout ce qu'on voudra que votre femme ne la mettra pas aujourd'hui. GADIFERT. Nous verrons. RIGAULOT. Et que si vous demandez a la voir , elle sera chez la couturiere. GADIFERT. G'est possible. Ah, mon Dieu! j'entends ma fem- me qui sort de chez elle. RIGAULOT. Du courage , mon ami , et un peu de sang-froid* SCENE V. M me GADIFERT, GADIFERT, RIGAULOT. MAD. GADIFERT. Ah, bonjour, M. Rigaulot. RIGAULOT, goguenard. Madame, j'aibien 1'honneur de vous presenter mes respects. MAD. GADIFERT, a son marl. Bonjour, mon ami. GADIFERT. Bonjour , madame. MAD. GADIFERT. Quel conciliabule tenez-vous done la de si bonne heure, messieurs? RIGAULOT. Cn veritable conciliabule , madame ! c'est le mot. MAD. GADIFERT, s' approchant de la psyche. A merveille ! ce sont vos affaires. RIGAULOT, has d Gadifert. Qu'est-ce que je vous disais? elle n*a pas mi^ la robe jaune. GADIFERT, has. Parbleu, je le vois bien. RIGAULOT, has, Prenez votre parti, mon cher Gadifert. MAD. GADIFERT. Notre fils Charles est un peu malade ce matin ; il n'a fallu rien moins que le beau cadeau qu'il vient de recevoir pour le consoler un peu. GADIFERT. Quelcadeau? MAD. GADIFERT. Tout un regiment d'infanterie avec armes et bagages, renferme dans une boite superbe que M. Dufour vient de luienvoyer. GADIFERT. M. Dufour. MAD. GADIFERT Plus, un monde de bonbons de toute espece. 11 GADIFERT. Et de quoi se mele M. Dufour, s'il vous plait, d'envoyer des bonbons a mon enfant? MAD. GADIFERT. Oh, soyez tranquille, j'y ai pourvu; j'ai cache tous les bonbons, et je n'ai laisse a Charles que les soldats : ccla du moins ne peut pas faire de mal. GADIFERT. Mais enfm je trouve singulier... RIGAULOT. Un ami envoie des bonbons, c'est tout naturel. MAD. GADIFERT. Sans doute ; et je suis surprise de la facon dont vous prenez les choses aujourd'hui : vous ne pouvez en vouloir a ce bon M. Dufour, parce qu'il songe a notre enfant ainsi qu'a nous. GADIFERT. Oui, oui ! il songe beaucoup a nous. MAD. GADIFERT. Je ne vous comprends pas. Elle va devant la glace arranger quelque chose & sa toilette. RIGAULOT, bos d Gadlfert. Contenez-vous done! GADIFERT. Je ne me sens pas bien ce matin. MAD. GADIFERT. En effet, mon ami; je vous trouve pule et fatigue, qu'avez-vous? RIGAULOT , d part. La sainte nitouche ! GADIFERT. Une mauvaise nuit, voila tout! MAD. GADIFERT. Hier, vous avez dine en ville, et vous ne vous serez pas menage !.. A votrc age, il taut etre prudent. GADIFERT. A mon age ! merci du compliment , madame ! RIGAULOT. Eh bien , quoi? ne vas-tu pas pretendre que nous sommes jeunes ? MAD. GADIFERT. En ye rite , mon cher mari, vous etes peu aim able ce matin. GADIFERT. C'est possible... Mais dites-moi, madame, vous voila deja habillee : est-ce que vous comptez sortir? MAD. GADIFERT. Oui , apres dejeuner. GADIFERT. II me semble que vous avez lu'une nouvelle robe : seriez-vous deja degoGtee de celle que vous portiez hier ? MAD. GADIFERT. Ah! ma robe jaune? GADIFERT. Oui : pourquoi ne 1'avoir pas mise ce matin? MAD. GADIFERT. 11 y avait quelque chose a faire, et je viens de 1'envoyer chez la couturiere. GADIFERT. Ah!.. RIGAULOT, has a Gadifert. Je vous 1'avais predit. GADIFERT. Mais, madame, cela m'etonne! c'est a peine si vous avez porte cette robe trois fois. MAD. GADIFERT, iris etonnee. En verite, mon ami, je n'y 12 consols plus ricn ; Jepuis quand vous souciez-vous de mes robes ? Est-ce que vous auriez invente quelque plan d'economie durant votre insomnie de cette nuit; et ma toilette serait-elle au nombre des articles de votre budget dont vous avez reve la reduction? GADIFERT. Peut-etre ! MAD. GADIFERT. Ah ! prenez garde : nos mceurs ont change comme nos institutions : il n'y a plus place en France pour une monarchic absolue. Air : Du baiser au porteur. D'apres les lois qui nous regissent, Pour reduire un budget, dit-on, II faut que deux pouvoirs s'unissent; Moi, j'en suis un, et je dis : non ! RIGADLOT. D'un depute , niadauie a pris lecon : A son arret nous n'avons qu'a souscrire, Car un budget ne peut jamais changer, Quand ceux qui devraient le reduiie, Trouvent plus doux de le manger. MAD. GADIFERT. Tres bien raisonne, monsieur Rigaulot! GADIFERT, bos a Rigaulot. Quel sang-froid! RIGAULOT, has. Je conviens qu'elle a un fameux aplomb ! MAD. GADIFERT. Allons, c'est assez nous occuper de mes robes... J'entends quelqu'un ; c'est sans doutemadame Rigaulot qui m'a promis de dejeuner avec nous; ensuite, nous sortirons ensemble. Elle va vers le fond. RIGAULOT, bos d Gadifert. J'espere que vous ne doutez plus. GADIFERT, id. Le moyen de douter a present! SCENE VI. MAD. GADIFERT, MAD. RIGAULOT, GADIFERT, RIGAULOT. MAD. RIGAULOT, entrant par le fond. Bonjour, ma belle; comment vous trouvez-vous ce matin ? MAD. GADIFERT. Tres bien , ma chere, et vous? MAD. RIGAULOT. A merveille!.. Je vous salue, monsieur Gadifert!.. AhJvousvoila ici, monsieur Rigaulot?.. J'ai de- mandc de vos nouvelles avant de descendre : personne n'a pu me dire ce que vous etiez devcnu. RIGAULOT. Tout le monde le savait pourtant. MAD. RIGAULOT, souriant. Au fait, c'est possible, car je crois que je n'ai pas ecoute la reponse. RIGAULOT. Mille roinercimens. MAD. RIGAULOT. Je sais que vous etes la prudence , la sagesse i et la raison incarnees; aussi n'ai-je aucun souci de vos de- i marches. Ah ca, dites-moi, ma belle, par ou commencons- | nous nos courses? II fait si beau que je me sens legere comme : une f'auvett. Ca me porte bonheur de me lever matin ! II n'est pas midi et j'en crois apeine mes yeuxquand je me vois habillee a pareille heure. MAD. GADIFERT. Comme votre robe vous va bien!.. Elle a etc beaucoup mieux faite que la mienne. Les deux femuies causent bus d'un cdte du theatre ; les homines sent de 1'autre cOte sur le devant. RIGAULOT, bos d Gadifert. Remarquez vous, mon cher, que madame Rigaulot a justement la robe jaune pareille a celle de votre femme. GADIFERT, has. Je ne le vois que trop. RIGAULOT, has, Elle n'a pas eu peur de la porter aujour- d'hui, elle! MAD. RIGAULOT, qui cause avec madame Gadifert. Eh bien, oui, c'est convenu ; nous irons : ce sera tres-amusant! RIGAULOT, sur le devant, d demi-voix , a. Gadifert. Quelle vivacite ! quelle gaite!.. voila comme j'aime les femmes... Quancl elles sont ainsi, c'est que le coeur est tranquille et la conscience legere. GADIFERT, a demi-voix. C'est bon! c'est bon! vous etes heureux et je ne le suis pas; mais je n'y tiens plus... il faut que je prenne 1'air un moment... Attendez-moi ici! RIGAULOT, Carretant. Allons done, mon cher, du courage!.. Apres tout , ce n'est qu'uue misere; et il y a tant d'honnetes gens... GADIFERT. Laissez-moi !. . je ferais un eclat!., j'aime mieux sortir!.. II sort par le fond. MAD. GADIFERT. Qu'est-ce done?., monmari qui s'en va. Elle va vers le fond. RIGAULOT, sur le devant, d part. Un moraliste 1'a dit, et il a eu raison : II y a toujours un peu de plaisir pour nous dans le chagrin de nos amis. SCENE VII. MAD. GADIFERT, MAD. RIGAULOT, RIGAULOT. MAD. GADIFERT, revenant en scene. II descend 1'escalier : je ne sais quelle mouche le pique ce matin... A son aise.... RIGAULOT. Eh bien , mesdames , vous allez done couru\ les magasins, visiter les arsenaux de la coquetterie?.. vous avez un tel besoin de tourner les tetes.. . Encore , si vous vous en teniez a celles de vos maris ! MAD. RIGAULOT. Ce serail bien la peine rraiment ! RIGAULOT. OuijC'cstde nous que vous TOUS souciezlemoins : vous Stes comme les rois qui negligent les plus anciennes provinces tie leurs royaumes pour les nouvelles conquetes. MAD. RIGAULOT. Eh, mon Dieu, comme vous etes semillant aujourd'hui, monsieur Rigaulot!.. sur quelle herbe avez-vous done marche ? 11 faut qu'il vous soit arrive quelque chose d'heureux!.. Contez-nous cela?.. C'est peut-etre un malheur survenu a quelqu'un de vos amis? MAD. GADIF3RT. Ah ! le trait est mechant, RIGAULOT, souriant. Voila comme elle est, madame ; on ne peut 1'approcher sans recevoir quelque coup d'epingle ; et j'ai le privilege des meilleurs. MAD. RIGAULOT. C'est votre droit. RIGAULOT, tres-gradeux. Taisez-vous , mechanic?., vous Stes sure de votre pouvoir, et vous en abusez. MAD. RIGAULOT. Oh! que vous etes ridicule ce matin!., quelles idees vous passcnt done par la tete? RIGAULOT. Comment mes idees ne seraient-elles pas tendres et gracieuses en vous voyant costumee de la sorte ? MAD. RIGAULOT. Ouida? RIGAULOT. C'est qu'en verite vous etes mise a ravir !.. ce chapeau, cette echarpe, cette robe si fraiche... Tout & coup il s'arrete, son visage change, et il resle les y< ux fixes sur le has de la robe de sa femme. MAD. RIGAULOT. Eh bien, monsieur, tout cela?.. RIGAULOT. Ah! mon Dieu ! MAD. RIGAULOT. Achevez-donc. RIGAULOT. C'est etonriant , c'est incroyable ! MAD. RIGAULOT. Etonnant, incroyable!... Est-ce que vous devenez fou, monsieur Rigaulot! RIGAULOT. Est-ce possible?.. (// se penche et examine le has de la robe.] Mes yeux me trompent!.. Nen, non... dechiree!.. la, en bas. MAD. GADIFERT. Que vous arrive-t-il, monsieur Rigaulot? vous semblez tout interdit:.. MAD. RIGAULOT, le forpant de relever la tete. C'est vrai!.. vous eles pale et effare. Que regardez-vous done la, a mes pieds? , i5 RIGAULOT. Ce quejeregarde?.. Comment se fait-il , madame, ous. RIGAULOT. On devient... on devient ..... tres malheureux. JEAN. Oh ! il y a des exceptions. RIGAULOT. Tres peu, Jean , tres pen. JEAN. Parmi les maitres, c'est vrai ; mais nous autres, pau- Tres diables, nous sommes a 1'abri de cela. RIGAULOT. Butor! JEAN. Pour ma part, je vous declare (jue je n'ai pas peur. RIGAULOT. Voyez-vous la confiance de ce drolc-b'i; nc me- rite-t-il pas d'etre... JEAN. Et vous, monsieur? RIGAULOT. Comment ,, et moi?.. JEAN. Oui, ct vous, est-ce quo vous avea peui ? RIGAULOT. Veux-tu bicn nc pas me rompre les oreilles plus long-temps? JEAN. Vous parlerez a matlame Rigaulot, n'est-ce pas, monsieur? RIGAULOT. C'est bon, c'est bon; laisse-moi tranquille, et envoie-rnoi ton maitre des qu'il rentrera. JEAN. Je crois 1'entendre monter. RIGAULOT. Eh bien, va-t-en. JEAN, a part. Bon, bon, le bourgeois se doute des accoin- lauoes avec le carabinier; c'est amusant!.. II sort. SCENE X. RIGAULOT, GADIFERT. GYDIFERT, entrant. Comment, Rigaulot, vous nc dejeunez pas a^ec ces dames? RIGAULOT. Non , je n'ai pas faim. GADIFERT. Pas fuim... vous!.. c'est la premiere fois de vo- Ire \ie. RIGAULOT. II y a commencement a tout. GADIFERT. Qu'avez-vous done ? je vous trouve le visage al- lere. RIGAULOT. Oui pcut-etre, c'est votre affaire qtii me tracassc. GADIFERT, lui prenani la main. Bon ami! vous y avez pense ? RIGAULOT. Je n'ai pense qu'u ccla. GADIFERT. Comme c'esl beau a vous, qui n'avez pas i\ ci'uiiulre un parcil malheur. RIGAULOT, soupirant. Ah! GADIFERT. Qu'entends-je ? vous soupircz !.. est-ce que?.. RIGAULOT. Non, non... (A part.) Ne lui disons rien, il se inofjuerait de moi. GADIFERT. Mais pourqnoj soupircr ? a'etes-vous pas heurcux, vous? RIGAULOT, riant (Ctin rlre ford. Heurcux! parfaitement lieurcux! ah, je crois bien que je suisheureux! GADIFERT. Ecoutez, plus je songe u ee qui m'arrive,moius- je me sens dispose a faire un eclat. RIGAULOT. Comment, \ous sericz capable de supporter a\ec p;itience ?.. GADIFEUT. Heill ? 20 RIGAULOT. II n'y a que la honte de la coupable, le sang de son seducteur... GADIFERT. Mon Dieu, mon Dieu! quel langage! vous ne parliez pas sur ce ton-la tout-a-1'hcure. RIGAULOT, se promenant. On dit : ce n'est rien, ce n'est ricn... GADIFERT, le suhant. Oui, c'est ainsi que vous parliez. Air : de Celine. Vous disiez : c'est une misere ! BIGACLOT. Si jc 1'ai dit, j'avais grand tort. GADIFliBT. Vous disiez : il f'audra vous taire. RIGAULOT. Je dis : il faut crier Lien fort ! GADIFERT. Quoi ! si vite changer de style ! TantOt vous laisicz le plaisant. HIGACr.OT. Tant6t j'etais un imbecile. GADIFERT. Mais qu'etes-vous done a present? RIGAULOT. Ce que je suis, ce que je suis?.. GADIFERT. Oui ! RIGAULOT. Je suis furieux de tout ce qui se passe... II n'y a plus de moeurs, Gadifert; il n'y a plus de moeurs ! Que m'im- portea moi que ce soil unprejuge, un mal d'opinion, si cela me rend miserable ? GADIFERT, etonne. Comment, vous? RIGAULOT. Je dis mo! , c'est vous que je veux dire. GADIFERT, lui ierrant la main. Ah, mon ami, que je suis louche de vous voir ainsi prendre fait et cause pour moi!.. RIGAULOT, Apart. Pour lui!.. GADIFERT. J'avoue que votre ton badin m'avait blesse. RIGAULOT. Ah, mon pauvre Gadifert! GADIFERT. Ah, mon bon Rigaulot! vous voila maintenant tout-a-fait comme je vous desirais. RIGAULOT. Merci. JEAN, annonpant. M. Dufour. RIGAULOT. Dufour... oh, 1'infame! GADIFERT, apart. Dafour... oh, le scelcratf 21 SCENE XI. RIGAULOT, DUFOUR, GADIFERT. DUFOUR , allant vers Gadifert. Bonjour, mon cher M. Gadi- fcrt. GADIFERT , lui tournant le dos et s'asseyant. Serviteur. DUFOUR, surpris. Eh, eh! qu'est-ce que cela? GADIFERT , d part. L'effronte!.. DUFOUR, allant a .Rigaulot. Enchante de vous trouver ici, M. Rigaulot. RIGAULOT , lui tournant le dos et s'asseyant. Votre tres-hum- ble. DUFOUR, surpris. Eh bien , lui aussi !. . RIGAULOT, apart. L'impudent ! DUFOUR. Voilu un singulier accueil. (Allant vers Gadifert.] Qu'avez-vous done M. Gadifert, et que signifie? GADIFERT, lui tournant ledos. Rien. DUFOUR. Rien... (Allant d Rigaulot.) D'ou vient la mine que vous me faites, M. Rigaulot?.. Pourrai-je savoir? RIGAULOT, lui tournant le dos. Non. DUFOUR. Rien... Non... En verite , je ne vous concois pas. GADIFERT, apart. Je ne sais qui me retient de lui arracher les yeux. RIGAULOT, d part. Je ne sais qui m'empeche de lui sautcr au visage. DUFOUR, a lui-meme. II y a quelque chose la-dcssous. Est-ce que ce serait 1'aventure d'hier? Mais non, M. Gadifert n'a ricn vu. SCENE XII. RIGAULOT, M ae RIGAULOT, DUFOUR, M ne GADIFERT, GADIFERT. MAD. RIGAULOT, entrant. Vous voila, Messieurs?.. Savez- vous que c'est bien mal de nous laisscr dejeuner scules? Ah! c'est vous, M. Dufour; je vous salue. MAD. GADIFERT. Je suis charmee de vous voir, M. Dufour. DUFOUR. Votre serviteur bien humble, mesdames. RIGAULOT, d part. II a su que ma femme etait ici, le tartufe! GADIFERT, d part. Comme il est cercmonicux , 1'hypocrite ! MAD. GADlFERt. J'ai mille remcrcimcns a vous adresscr^ 22 mon chcr M. Dufour!.. vousavez envoye a Charles une boitc superbe. Vraiment, TOUS etes d'une amabilite, d'une bonte... GADIFERT, Apart. La scelerate!.. et c'est devant moi... MAD. RIGAULOT, (levant la psyche. Vous trouvez M. Dufour aimable, ma chere? MAD. GADIFERT. Mais sans doute. MAD. RIGAULOT. En verite , vous etes bien bonne. DUFOUR. Oh, je sais, madame, que j'ai en vous une impla- cable ennemie I RIGAULOT, a part. De quel ton il lui dit cela , le fourbe ! MAD. RIGAULOT. Ennemis, nous?.. I J as du tout, vous vous vantez !.. DUFOUR. Mais comment ai-je merite votre inimitie ? Air : Amis , void la rlanle semaine. Pourquoi sur moi lancer vos tfpigrammes? Riclie etgarcon, nc le savt-z-vous pas, Mon seul bonheur est d'etre ulile aux dames , Un geste, un mot m'tnchainent sur leurs pas; A leur service , en toute conjoncture, Comme un esclave on me voit attache; J'oil're mes soins, uion bras et uia voiture... ' MAD jui; uioi. Et votre coeur par-dessus le marche. DUFOUR. Je trouve a le placer moins souvent que ma voi- ture. MAD. RIGAULOT. Je concois ccla. GADIFERT, apart. Infame seducteur, va !.. MAD. RIGAULOT. Je conviens pourtant qne vous avez du bon : votre caleche est exc< % llenle. RIGAULOT, d part. On devrait pendre tous les celibataires qui ont caleche. MAD. RIGAULOT. Mais vous m'aviez promis de m'envojer les dernieres livraisons du Salmigondls , et vous ne 1'avez pas fait. DUFOUR. J'ai un million de pardons a vous demander. RIGAULOT, a part. 11 s'agit bien cntre eux du Salmigondls. MAD. RIGAULOT Je n'admets point d'excuse. DUFOUR. Laissez-moi esperer, madame, qu'il me sera pos- sible de rentrer dans vos bonnes graces. MAD. RIGAULOT. Esperez , n'esperez pns; cc sont vos affai- res. RIGAULOT, dpart. Comme la pcrfide dissimule! oh! je n'v ticns plus. 23 MAD. GADIFERT. Ex'outcz, M. Dufour; j'ai aussi un service a icclarner cle vous. DUFOUR, allant d elle. A vos ordres, madame. Us causent has. GADIFERT , d part. Yoyez-vous la jalousie ! elle ne pent souf- frir qu'il s'occupe d'une autre femme. Je suffoque. DUFOUR. J'y cours dans 1'instant, madame; mais, dites moi, savez-vous ce que ces messieurs ont ce matin ? MAD. GADIFERT. Nonvraiment! DUFOUR. Us m'ont accueilli d'une facon bien etrange. MAD. GADIFERT. Oui, ils sont aujourd'hui fort singuliers; A oyez quels regards ils nous lancent I DUFOUR. C'est incomprehensible! GADIFERT, d part. Allons, il faut en finir. RIGAULOT, a part. II est temps de s'expliquer. GADIFERT. M. Dufour, j'ai a traiter avec lligaulot une af- faire particuliere et pressante. DUFOUR. Ah!.. RIGAULOT. M. Dufour, nous sommes occupes. DUFOUR. Ah!.. MAD. RIGAULOT, souriant. Eh! mais, M. Dufour, ceci res- scmble beaucoup a un conge. DUFOUR. Je m'en apercois, madame; mais j'ai trop d'obli- gations a M. Gadifcrt pour m'en offcnser, et d'ailleurs jc ne Ic crois point definitif; je pense pourtant qu'il est convenable que je me retire. MAD. RIGAULOT. Un moment M. Dufour!.. la facon dont se conduit avec vous mon cher mari m'oblige a vous offrir un dedommagement. RIGAULOT. Madame Rigaulot! MAD. RIGAULOT. II n'est pas juste quo vous soyez maltraite par toute la maison. Je fais la paix avec vous, et je vous engage a venir me voir plus souvent que vous ne le faites. RIGAULOT, dpart. A-t-on idee d'une pareille audace ! DUFOUR, a madame Rigaulot. Yoila un malheur bien heu- reux ! RIGAULOT. Madame Rigaulot! MAD. RIGAULOT. Eh bien, quoi, monsieur? C'est aux fem- mes qu'il appartient de reparer les injustices de leurs maris!.. (A Dufour.} Madame Gadifert et moi nous comptons sur vou* pour aujourd'hui, M. Dufour. RIGAULOT, d part, Defunt Puliphar n'etait pas plus a plain- drc que moi, DUFOUR. Je m'emprcsserai de me rendre a TOS ordres , mcsdames. A revoir done, messieurs... j'espere vous trouver dans demeillcurcsdispositions: mais cetaccueil qui m'afiligeait, je vous en remercie maintenant. Air : Walse des Comediens. HIGAULOT. Monsieur Dufour, adieu , je vous salue ! GADIFERT. Je vous salue , adieu, monsieur Dufour ! DIFOUB. Me renvoyer est chose resolue , Mais je serai plus heureux au retour. (Aax deux fetnmcs.) Quelques ennuis preocctipent leurs ames, Vos deux epoux sont sourds i 1'amitie ; Mais si je suis tou jours 1'aiiii des femmea , Je ne serai malheureux qu'a nioitie. ENSEMBLE. K1GAULOT. Monsieur Dufour, udieu, je vous salue! GAD1KKET. Je vous salue , adieu , monsieur Dufour! DUFOUB. Me renvoyer est chose resolue , Mais je serai plus heureux au retour. MAD. GADIFEBT Ct MAD. BIUAULOT. Monsieur Dufonr, voyez, on vous salue, Ces deux messieurs sont dans un mauvaisjour; Vous renvoyer est chose resolue, Mais nous comptons sur votre prompt retour. SCENE XIII. RIGAULOT, M me RIGAULOT, M me GADIFERT, GADIFERT. MAD. RIGAULOT. Voilu qui est bizarre ! Au rcste , que nous importe? II est temps de sortir, ma chere; il me parait d'ail- leurs que nous n'avons rien de bon a attendre de ces messieurs : ils ne ressemblent pas mal a un couple de herissons. MAD. GADIFERT. Tres Tolontiers ; partons, ma bonne amie. GADIFERT, s'avanfant. Arretez, madame !.. il faut auparavant que nous ayons une explication, MAD. GADIFERT. Comment? que yeut direcela? MAD. RIGAULOT. Oh, quels yeux! RIGAULOT , d sa femme. Oui , madame ; et vous aussi vous aurez la bonte de rester. MAD. RIGAULOT. Que voulez-vous, monsieur? qu'est-ce que eel a signifie? RIGAULOT. Vous allez le savoir. MAD. GADIFERT , d ton marl. M'expliquei'ez-vous, monsieur? GADIFERT. C'est YOUS, madame, qui allez me donner des explications ; et n'esperez pas me tromper. MAD. GADIFERT, Apart. Ah! mon DieuJ est-ce qu'il soupeon- nerait ?. . GADIFERT. II ne s'agit pas de trembler, mais de repondre!.. Pourriez-vous me dire oii vous etes allee hier, quand, apres m' avoir annonce que vous ne sortiriez pas , vous avez quitte la maison des que j'ai eu le dos tourne? MAD. GADIFERT. Monsieur, je suis allee me promener. GADIFERT. Yous promener!.. et pourrait-on savoir ou? MAD. GADIFERT. Aux Champs-Elysees. GADIFERT. Vous me trompez, madame ; vous n'avez pas etc aux Champs-^lysees. MAD. GADIFERT, A part. 11 ne sail rien! (Haul.) Monsieur, je ne suis pas habituee a de semblables dementis. MAD. RIGAULOT, riant. Mais c'estun interrogatoire en forme. RIGAULOT. Oui , madame , et ce n'est pas le plus interessant !. . attendez une minute. GADIFERT. Je crois savoir, madame, que vous etes allee ailleurs qu'aux Champs-^lysees, MAD. GADIFERT. Et ou done, s'il vous plait, monsieur? GADIFERT. Chez un homme ! MAD. GADIFERT. Qu'entends-je ?.. et chez quel homme? nommez-le. GADIFERT. ,chez Dufour !.. MAD. GADIFERT. M. Dufour! MAD. RIGAULOT, itouffant une encle de rire. Oh, oh I RIGAULOT, d part. Elle rit, 1'infame !.. elle se croit cri sQrete... Patience! GADIFERT. Eh bien , madame? MAD. GADIFERT. En verite, monsieur, vous Stesfou! GADIFERT. Je vous repete que vous etiez chez lui a quatre heures. MAD. GADIFERT. Je vous repete, moi, que vous extravaguez. GADIFERT. Vous avez un beau sang-froid , madame!.. mais ilme faut des preuves a Tappui de cette assurance. MAD. GADIFERT. Et, si je n'en avais pas, je serais done convaincue de mensonge? Voila une belle justice!.. Comme si une femme ne pouvait pas faire une promenade sans rencontrer quelqu'un qui vienne affirmer qu'elle Fa faite ! heureuscment, La Robe dlchirte. 4 je n'en suis pas 1A... A quatre heures, monsieur, j'ctais chez madame Delmar, rue Neuve de Berry ; en sortant de chez elle , j'ai rencontre Al. le comte de Surville dans les Champs-Elysees. MAD. RIGAULOT, riant. Ah, ah, ah!.. RIGAULOT, a part. Elle ose rire encore ! MAD. GADIFERT. II m'a offert son bras , et je suis allee chez mademoiselle Minette, ma lingere, rue de Ilivoli. GADIFERT , fort adouci. Est-ce bien vrai ? MAD. GADIFERT. J'exige, monsieur, que vous sortiez sur- le-champ, et que vous ailliez vous assurer de Inexactitude de mon recit. UK; \t LOT , d part. Pardieu ! je le savais bien que ce n'ctai t pas elle! GADIFERT. Ma chore amic!.. MAD. GADIFERT. Partez, monsieur, partez!.. moi, je resterai sous la surveillance de votre digne ami , monsieur Rigaulot. GADIFERT. Allons, allons, je tecrois! MAD. RIGAULOT, riant aux eclats. Mon Dicu, mon Dieu , que les maris sont droles!.. Dufour!.. Dufour!.. GADIFERT. Qui done etait chez lui?.. RIGAULOT , furieuv, e i passant entre madame Rigaulot et madame Gadifert. Qui? je vais vous le dire, moi !.. La coupable n'est pas loin!., et son audace merite un chatiment que je voulais lui epargner. MAD. GADIFERT. En voicibien d'une autre! MAD. RIGAULOT. Est-ce que c'est une epidemic ! RIGAULOT. Silence, madame!.. moins que personne vous avez le droit de plaisanter ici! GADIFERT, a part. Qu'est-ce qu'il dit done? est-ce que ce serait?. . RIGAULOT. Vous ignorez qui etait chez Dufour, hier & quatre heures ? MAD. RIGAULOT. Comment voulez-vous que je le sache ? RIGAULOT. Ah !.. vous 1'ignorez ? MAD. RIGAULOT. Eh, oui, monsieur!., cent fois oui!.. RIGAULOT. Nous allons voir... Gadifert, hier, en entrant chez Dufour a 1'improviste , n'avez-vous pas vu une femme qui se sauvait dans le cabinet? G&DIFERT. Oui! TUG ALLOT. Cette femme n'avait-ellc pas une robe jaune en mousseline et des ruban^bleus 4 sonchapcau? GADIFERT. Oui ! RIGAULOT. En fcrmant la porte , le has de la robe de cette . femme n'est-il pas reste accroche I et ne s'est-il pas declare ? GADIFERT. Oui ! RIGAULOT. En est-ce asscz, madame? MAD. RIGAULOT. Comme vousvoudrez, monsieur. vst RIGAULOT. 11 faut done absolument vous mettre les points sur les / ? il faut que j'administre moi-meme la preuvede votre cri- me? (// se baisse et releve le has de la robe, de sa femme. ) Eh Lieu , cette preuve... la voici; regardez cette dechirure. MAD. RIGAULOT. Cette dechirure... Ah, mon Dieu!... mais, je vous jure que j'ignore absolument oil cela s'est fait. RIGAULOT. Vous voyez bien que je le sais, moi. ,, GADIFERT , a part. C'etaitellc! (Bos a sa femme.') Oh, ma bonne amie!.. MAD. GADIFERT, a part. Elle, chez Dufour... non , cela ne se peut pas. MAD RIGAULOT. Je m'y pcrds. .. Ah ! quelle idee... Nc seryit-ilpas possible?.. Oui... peut-etre. Elle court i la sonhelte. RIGAULOT. Que faites-vous, madame? MAD. RIGAULOT. Laissez, laissez; nous allons voir. JEAN, entrant. On a sonne. MAD. RIGAULOT. Montez chez moi, et dites a Justine de dcsccndre sur-le-champ. JEAN. Ce ne sera pas long, madame, elle est dans 1'anti- chanibre. MAD. RIGAULOT. Eh bicn, amenez-la tout de suite. Jean sort. RIGAULOT. Justine n'a rien a faire ici , madame. MAD. RIGAULOT. C'est ce que TOUS allez savoir, monsieur. SCEIVE XIV. RIGAULOT, MAD. RIGAULOT, JUSTINE, MAD. GADI- FKRT, GADIFERT, JEAN. MAD. RIGAULOT Approchcz , Justine. JUSTINE. Me voici, madame. MAD. RIGAULOT. Dites, jc vous pric, od je suis allee hier a trois hcurcs de 1'apros-midi ? JISTIKE. Madame est allee chez sa tante oCi elle a dti diner. MAD RIGAULOT, Comment etais-jemise? sS . Madame avail une robe blanche et un chapeau rose avec desrubans pareils. RIGAULOT. Robe blanche et chapeau rose... Et vous jurez que vous dites vrai? JUSTINE. Ah! monsieur, c'est l*exacte verite !.. Toute la maison est la potir dire comme moi. RIGAULOT. Qu'est-ce que cela signifie ? MAb. RIGAULOT , d demi-wix. Pas un mot de plus, monsieur; il cst inutile que nos gens apprennent vos ridicules soupcons. RIGAULOT, a part. Imbecile de Gadifert! est-ce qu'il se serait trompe ? MAD. RIGAULOT. Justine , vous avez dit la verite ; je vous en remercie; j'espere que vous continuerez a repondre avec la m6me franchise. (Lui montrant le bos de sa robe.} Pourriez-vous m'expliquer comment s'est faite cette dechirure a ma robe? JUSTINE , a part. Ciel ! . JEAN, apart. Oh, oh!.. MAD. RIGAULOT. Eh bien ? JUSTINE. Madame... je ne sais. JEAN, a part. Ces malheureuses banquettes du Cirque!., il y a toujours des clous qui passent. MAD. RIGAULOT. Vous rougissez , Justine... vous le savez... JUSTINE. Je vous assure que j'ignore... MAD. RIGAULOT. Vous le savez, vous dis-je; et moi aussi, je le sais. JUSTINE. Oh! madame... MAD. RIGAULOT. Rier, cette robe a ete mise, et ce n'est point par moi. JEAN, d part. Voila tout decouvert! JUSTINE, suppliante. Madame!.. MAD. RIGAULOT. Unc femme vetue de cette robe, portant ce chapeau, a etc vue hier par M. Gadifert... JEAN, a part. Tiens!.. est-ce qu'il etait au Cirque-Olym- pique ? * JUSTINE, a part. Je suis perdue!.. MAD. RIGAULOT. Vous voyez que je sais tout : c'est vous qui avez mis cette robe, et c'etait pour aller... JUSTINE, s'approclmnt et a demi-wix. Madame, j'ai dans ma poche une lettre pour vous... MAD RIGAULOT^ has et trouble. Silence, Justine!.. RIGAULOT, atecjoie. Comment, Justine, c'etait vous qui.,. MAD. RIGAULOT, rivement. C'en cst assez^ M. Rigaulot. t;Ai)iFERT, riant. Qui se serait imagine que c'etait elle qui... JEAN, Apart. Pauvre Justine! il faut venir a son secours. (// passe entre madame Gadifert et Justine. Haiti. ) Pardonnez-lui , monsieur : elle a voulu se parer pour aller avec moi au Cirque- Olympique. RiGAULOT, ebahl. Au Cirque-Olympique!.. avec toi!.. ah bah!.. JEAN. Oui, monsieur; c'estla, sans doutc, que M. Gadifert 1'a vue. MAD. RIGAULOT, vivemcnt. Oui, precisement, c'est la! West- il pas vrai, M. Gadifert? Elle lui fait des mines, GADIFERT. C crtai ncmcnt ! . . certainement ! . . JEAN. J'ai devine tout de suite! et monsieur, trompe par la toilette... RiGAULOT, riant. Tres-bien , moh garcon, tres-bien!.. je n'ai pas besoin d'une autre explication. GADIFERT, has d sa femme. Ce pauvre Jean I JEAN. Si madame veut bien excuser Justine, il n'y a pas grand mal, puisque, moi, je desire 1'epouser. RIGAULOT, riant. C*est juste... epouse, rhon ami, epouse... Et vous, madame, pardonnez-moi. MAD. RIGAULOT. Nous verrons... M. Rigaulot, a ma priere, veut bien yous donner une dot de mille ecus. G'est le moins qu'il puisse payer ses ridicules idees. RIGAULOT. Avec plaisir, madame, avec plaisir!.. (Apart. } C'est un bon tour a jouer a Dutbur. MAD. GADIFERT. Et M. Gadifert en fait autant pour vous. GADIFERT. Tres-volontiers. (A part.) Dufour sera bien attrape. : MAD. RIGAULOT. Et vous irez vous etablir oii bon vous seniblera. JEAN, a Justine, en ren>menant d gauche de facteur. Voila-t-il un beau jour?.. SCENE XV. RIGAULOT, MAD. RIGAULOT, DUFOUR, MAD. GADf- FERT, GADIFERT, JUSTINE, JEAN. DUFOUR, passant la ttle par laporle du fond. Puis-je entrer sans qu'on m'arrache les yeux ? GADIFERT, courant au dcvant de lui. Entrez, mon cher Du- four, entrez. DUFOUR. Ah, ah!.. RIGAULOT. Soyez le bienvenu , mon bon ami 1 DUFOUR. Oh, oh!., voila un accueil bien different de celui de tantot. GADIFERT. Excusez-nous , mon cher : Rigaulot et moi , nous ctions. MAD. RIGAULOT. Fort ridicules... mais, tout est fmi... et certes, monsieur DufoUr, vous ne refuserez pas de contribuer avec eux a une bonne action. DUFOUR. Comment cela? MAD. RIGAULOT. Jean, que Toici, epouse Justine, ma fem- me-de-chambre, avec quiil est alle hier soir au Cirque-Olym- pique. DUFOUR , surpris. En verite ? JEAN , d'an ton suffisant. Si vous .voulez bien le permettre, M. Dufour. DUFOUR. Ah! Justine! vous allez au Cirque-Olympique, et vous vous mariez ! JUSTINE. Je crois que c'estle plus prudent, monsieur. MAD. RIGAULOT. Chacun de ces messieurs leur donne trois mille francs pour former un etablissement ; hesiterez-vous a faire le meme cadeau i Justine? DUFOUR. A Justine ? MAD. RIGAULOT, avec intention. Oui , monsieur; afin qu'a 1'avenir ellc ne mette plus les robes de sa maitresse. DUFOUR. De tout mon cceur, madame, de tout mon coeurl.. JEAN. Ah ! monsieur, que je vous remercie ! DUFOUR. II n'y a pas de quoi, mon ami, il n'y a pas de quoi. RIGAULOT, d part. II est vexe ! GADIFERT, has a sa fcmme. Le seducteur enrage! DUFOUR, a part. Scelerate de Justine I (Haul.} Mainlenant que cette affaire est arrangee, ecoutez-moi : Je venais vous an- noncer, mesdamcs, que M. le comte de Surville met, pour ee soir, a votre disposition, sa loge d'avant-scenc a 1'Opera ; nous y verrons M. Uelval; et moi je vous offre ma voiture. RIGAULOT. Nous acceptons, nous acceplons. II est juste que cctte iournee finisse par le plaisir. GADIFERT. Moi, i la sortie du spectacle, je paie des glaces chcz Tortoni. JEAN, bas a Justine. Oh! les deux iobards! RIGAULOT t d part. Get imbecile de Jean, qul ctail ->i sdr ilc n'etre pas trompe. 5i GADIFERT. Aliens, la journee est bonne : grace i tout ce qui vient de se passer , Yoila ici trois homines heureux! MAD. RIGAULOT. Vous oubliez monsieur Dufour! DUFOUR. Vous avez raison, madame !.. nous le sommes tous les quatre. Air : Chceur final de matin et soir, Que la tristesse Aujourd'hui disparaisse ; Qu'un gai refrain Rein place le chagrin ! II est banni, Et la fete Est complettc ; Tagliooi ! Ensuite Tortoai 1 MAD. BIGACLOT, Oil public. Air de Turenne. Messieurs, ma robe est jolie et commode; Mais, si je veux la porter tous les jours , II faudra bienque je la raccommode; Et, pour cela, j'ai besoin de secours; C'est a vous seuls ici que j'ai recours. Get accident , cause d'une meprise, Ne sera rien , si TOUS le voulez tous. Un coup de main , messieurs , et grace a vous, Nous pourrons faire une reprise. CHCBUR. Que la tristesse , etc. FIN. en tin 1MITE DE LA FABLE DE LA FONTAINE; PAR MM. AD. DE lEUVEN , ROCHE ET JULES! REPRESENTS, POUR LA PREMIERE FOIS , SUR LE THEATRE DV PALAIS-ROYAL, LE 23 AOUT 1834. BARBA, LIBRAIRE, PALAIS-ROY AL , GALERIE DE CHARTKES, DERRIERE LE THEATRE-FRANCAIS. 1834. PERSONNAGES. ACTEURS. ROBINARD, marchand retire (5o ans). MM. LEVASSOR. PICOTEL , son ami (5o ans ) . LEMENIL. VINCENT, jardinier. L'HERITIER. M me PICOTEL (Aspasie). M mes TOBI. CELESTE, f'emrae de Robinard (16 ans). CLARISSE. FELIX, jeune lyceen , cousin de Celeste (17 ans). LEMEML. La scene se passe pres de Paris, dans la maison de campagne de Robinard. LE MARI, LA FEMME ET LE TOLEUR, VAUDEVILLE. Le tht'dlre represents une partie de jardin. An fond des caisses d' Grangers et des pots defleurs. A droitede Vacleur la facade d'une maison , avec un balcon au premier etage. A gauche un pavilion, avec une large fenetrefaisant face an public. SCENE PREMIERE. FELIX , arrivant mysterieusement, el en se glissant derriere les arbi'es. Us dorment tous encore!.. . a midi... Au fait , ils ont danse jusqu'a six he u res du matin!... Je les ai entendus de ma cachetic.... Et , quand je songe qu'hier j'e'tais a cette noce odieuse!.... premier gar^on d'honneur! moi , le ri- val de 1'epoux ! c'est horrible a iinaginer !.... Et cet atroce mari qui a I'inde'licatesse de me renvoyer hier au soir a Paris, a mon lyce'e Heureusement , j'avais mou plan... j'ai fait semblant de monter en voiture, et je suis revenu ici par - dessus lemur da jardin... errant dans le potager comme un paria... le de'sespoir dans le coeur, et des prunes de reine-claude dans 1'estomae, pour toute nourri- ture... Ca fera peut-etre gronder un peu Vincent, le jardi- nier; mais je m'en moque... j'ai fait une de'couverte... les deux epoux se sont de'ja brouilles a mon sujet, si bien que monsieur... ( il designs le pavilion a gauche} a passe la nuit dans ce pavilion.. . et madame (montrant la maison a droite], ici... (ecoutant.} Chut! j'ai cru entendre... ce n'est rien... je suis tiemblant comme unle'zard... relisons mon billet a Ce- leste... (// lit. ) Chere cousine , songe a la fidelite que nous < nous sommes jure'e. Sois insensible aux prieres du mari que Ton t'a donne malgre toi ; car ton inconstance seraitle signal de ma mort. Je suis pour la vie, ton cousin, Felix, veteran de troisieme au college Charlemagne. Comment lui adresser ce manifeste?... Paibleu, comme dans les ro- inans !... (// met une pierre dans la lettre et la roule.) (Appe- lant.*) Celeste ! Celeste!... SCENE II. FELIX , CELESTE , paraissant au balcon de la maison a droite. CELESTE , retenant un cri. Ciel! Felix ! FELIX, lui jetant la lettre. A toi..... Prends vite cetto lettre... ^CELESTE. Mais, monsieur, vous allez me comprometue... FELIX. Ne crains rien. CELESTE. Ma famille... FELIX. Elle ronflel... CELESTE. Mon e'poux FELIX , d'un air martial. Je le brave I CELESTE, voj-antRobinardouvrirlafenetre du pavilion it gauche. Le voici ! FELIX. Jeme sa\WQ(Jldisparait parlefond ; Celeste rentre chez elle. ) SCENE III. ROBINARD (a lafenelre 'du pavilion a gauche"). Quelle afFreuse situation que la mienne! Dormir sur une chaise !... la premiere nuit de mes noces ! Air : Moi , jefldne. Oui, je gele ; (bis.) Cette miit fut bien cruelle... Soleil ami , Je t'appelle ; Rechauffe un mari Transi. Je suis capable, vraiment , D'en faire une maladie : Le plus beau jour de ma vie A fini bien tristement. Pour completer ma disgrace , De ma femme , c'est affreux , J'ai Irouve le cceur de glace , Malgre 1'ardeur de mes feux. Mais je gele, Oui , je gele , Etc. , etc. Et mon beau-frere Picotel qui n'est pas la pour me donnei des conseils,.. C'est la tete forte de la famille, lui!... Mais, depuis qu'il est dans la garde nalionale de la banlieue, il ne 5 pease plus qu'^ son service... Enfin, hier, il etait tie garde; eh bien ! il a quitte la noce pour aller passer la nuit au poste... C'est une monomanie... SCENE IV. ROBINARD dans le pavilion, PICOTEL , en caporal dc la garde nationale de la banlieue. PICOTF.L. Air : Via c'que c'esl qu' Maclon. Soldat citoyen , J'ai de la vaillance, Je defends mon bien En servant la France. Je sais proprement Funier un tigarre ; Faut voir comm' je m'carre Sous le fourniment. Je connais chaque mouvement , Oui , partout j'ai de 1'agrement. J'suis bien temeraire Pres d'la vivandiere... ( Parle). Elle est si gentille! Qu'est-ce qu'il faut vous servir, mon caporal? Un petit verre, macharmante Et toujours , oui, toujours du parfait amour. Je suis aujourd'hui Un troupier fini. Allons nous desarmer dans ce pavilion... (// chante.) En avant , marclwns! (Use rencontre devant la ports du pa- villotiai>ecfiobinard.}Tiens\ te voila, toi !... Ce scele'rat-la , est-il pale ! ROBI\ARD. Finis tes fades plaisanteries qui m'exasperent. Je suis le plus infortune des e'poux de la banlieue... PICOTEL. Quoi I le lendemain du plus beau jour de ta vie!.. ROBINARD. II a etc gracieux , le plus beau jour de ma vie !... D'abord , les tracasseries de famille , les felicitations d'uu cote, les lettres anonymes de 1'autre ; un diable de cousin qui ne quittait pas mon e'pouse !... PICOTEL. Ah! ah ! le petit Felix... il est fort gen til... ROBINARD. Oui, tres-gentil... II est cause que j'ai fait uue scene a ma femme.-. elle s'est e'vanouie dans les bras de ton e'pouse, qui lui servait de mere en qualite' de soeor, et Ton m'a mis a la porte de la chambre nuptiale, que Ton m'a fer- me'e sur le nez... aux verroux... PICOTEL. Que ne m'appelais-tu;'. .. |e serais venu avec nia. patrouille... 6 ROBINARD. Ah! ta patrouille..! PICOTEL. Oui , il fallait entrer chez ta femtne avec effrat- tion... RORINARD. J)u tout... je suis enlre sans effi action dans ce pavilion... ou j'ai joui d'un affreux cauchemar toute la nuit , t;t ou j'ai etc tourmente par des rats... d'une familiaritc re- voltaote... PICOTEL. Ah! Robinard , pourquoi la goutte te prive-t-elle des agremens de la garde nationale! ROBINARD. Joli plaisir, de patrouiller coinme un tourlou- rou , ct de fumer toute la iourne'e comme un tuvau de * i t * poele I... PICOTEL. Silence, Robinard... lu ne comprends pas ces jouissances-la , bourgeois que tu cs... Air : De Planlade* Pour moi , c'est une fete De patrouiller souvent; Jamais rien ne m'arrete , Je brave pluie et vent... Que ma tournure est belle ! J'ai 1'air d'un general , Et mem' d'un marechal ; Aussi Ton ne m'appelle Que l'petit caporal... 11 se promene en sc donnant des airs a la Bonaparte- Ran, plan , plan , plan ! C'cst cbarmant d'etre a la fois Militaire et bourgeois ! ileiii I comme je ressemble a Bonaparte!.. KOBINARD. Picolel, moil cher Picotel, ecoute-moi. Je crois... j'ai la douleur de croire que ma femme m'abhorre... PICOTEL. He'las ! Rohinard... j'e'prouve 1'exces contraire... madame Aspasie Picotel, mon e'pouse, me che'rit a la rage... SCENE V. LES MEMES, MADAME ASPAvSlE, PICOTEL. ASPASIE, sautant au cou de Picolel. Ah! te voila , mon amour, mon bichon... Tu as bien souffert loia de moi... tu as mal dcu'mi ?... PICOTEL (avec dignite ). Le solrlat citoyen dormirait sans se plaindre sur des noyaux de peche , Aspasie... D'ailleurs, je n'ai pas eu le temps de dormir... Nous avons e'te sur le qui- vive toute la nuit : (baissant la voix] on dit que cette com- inune est infectee par un malfaiteur echappe des prisons de Paris... ROBINARD et ASPASIE, Un malfaiteur? PICOTEL. Aussi , nous avons fait une battue gene'rale, et nous avons fini... ROBINARD et ASPASIE. Eh bicn ! PICOTEL. Par ne rien trouver du tout... ASPASIE , cdlinant son mari. Pauvre che'ri! comme il s'ex- pose !... ROBINARD, a Picotel. Es-tu heureux d'etre aime ainsi!.. PICOTEL , a Robinard. Tu trouves ?. . . ASPASIE. II est si gentil, mon petit homme... Vous n'avez pas einbrasse votre feinme , monsieur... Allons, Edouard, allons , je vous le permels... PICOTEL, I'embrassant d'un cote. Mars et Ve'nus! (II sere tourne vers Robinard. ) Nous disions done... ASPASIE , lendant Uantre joue. Et par ici... PICOTEL, I'embrassant ( a part}. Ca devient fatigant, parole d'honneur... j'aime mieux un tour de garde... ASPASIE, a Robinard. Yoila un modele de tendresse !... Ce n'est pas comme vous, vilain jaloux , faire une scene af-> freuse a votre epouse apropos de Felix, d'un enfant... ROBINARD. Un enfant ! un enfant! c'est possible ! ma is c'est toujours un cousin... PICOTEL. Eh! qu'importe... un cousin.... Ma femme en avail amene' je ne sais combien a ma noce... Tu t'en sou- viens, bobonne; nous avions Oscar, Hyacinthe , Benjamin et Borromee..., Borrome'e , surtout , etait insupportable... eh bien ! je les ai tous embrasse's... Voila. comment on subjugue sa femme... voila comment j'ai subjugue la mienne... ASPASIE , se jetant au cou de Picotel. Oh ! oui , cher ange... PICOTEL, la repoussant. C'est bien... modete... modere... ROBINARD. Tu crois done queje parviendrai aussi a subju- guer mon e'pouse?... PICOTEL. Tusubjugueras. ROBINARD. Si je pouvais subjuguer !... Mais par quel moyen ?... PICOTEL. Mets mon habit de caporal... ?a te donnera un air crane fort agafant... (// met son schakos de tracers. ) 8 ASPASIE. Voila Celeste... ne nous montronspas d'abord... 53 pourrait I'intiinider... lls se tiennent a 1'ccart. SCENE VI. LES MEMES, CELESTE. CELESTE , sonant de la maison a droite. Air : TVahe du due de lieichstadt. Prenez Jin mari , pauvre femme y Croyez ce qu'il promet , Etbientot , helas ! dans votre ame Naitra plus d'un regret. II dit : Vous serez la maitresse , Quand il vous fait la cour ; Mais , pour oublier sa promesse , II ne lui faut qu'un jour. ENSEMBLE. Prenez un mari , pauvre femme , etc. ASPASIE. Prenez un mari , pauvre femme , etc. PICOTEL Ct ROBINARD. Croyez , en prenant une femme , Ce que Von vous promet , Et Lien tot , helas ! dans votre ame , Naitra plus d'un regret. CELESTE, les apercevant. Ah ! ARPASIE. C'est nous, ma petite Celeste... ce sont tes pa- rens... CELESTE. Ah! mon Dieu! encore lui!... vous savez bien que je ne veux plus le voir... ROBINARD. Encore lui!... Mais, madame , je suis volre e'poux... CELESTE. Non , monsieur... la scene d'hier m'a fait connaitre votre affreux caractere... Je veux me se'parer d'avec vous... ROBINARD. Celeste, vous allez me re'duire au dernier degre de la fureur hutnaine... CELESTE , se cachant. Ah ! qu'il est vilain quand il est en cole re... ROBINAUD. Je suis vilain , a pre'sent!... PICOTEL. Jeune femme, jeune femme, vous avez tort... Mon beau-frere Robinard n'est pas beau , c'esl vrai... (a Ro- linard} tu es laid; mais ta laideur est aimable... ROBINARD. Lui aussi... mais c'est une infamie... Je ne nit connais plus... Madame... ASPASIE. Monsieur Robinard, vous 1'efFrayez... CELESTE , se jetant dans les bras d'Aspasie. Oui , oui , il me fait peur... ASPASIE. Voyez, monsieur, vous etes un tyran , un Ne'ron , uu don Miguel... B.OBINABD, exaspere. Ah! c'est trop fort! appeler un hon- nele bonnetier don Miguel, quand c'est vous et ce traitre de Picotel qui m'avez fait e'pouser votre soeur... PICOTEL, avec emportement. Robinard, Robinard, tu in- sultes un hoinine sous les armes!... TOUS , exceptc Robinard. Air : Du Philtre. "Vraiment, c'est abominable, Sa conduite est incroyable ! C'est affreux ! (bis.) II nous rend (ous malheureux ; Tourmenter ainsi sa femme ! C'est indigne , sur mon ame , Quelmari! (bis.) Vraiment , j'en rougis pour lui ! EOBINARD. Vraiment , c'est abominable , Sa conduite est incroyable ; C'est affreux ! Ce sont eux Qui me rendent malheureux ! Quelle douleur pour mon ame, Je suis un mari sans femme ! Et par eux aujourd'hui Je me vois trompe , trahi ! VINCENT, dans la coulisse. Oh! les brigands!... les sce'le- rats!... les voleurs!... PICOTEL. On vient, Robinard, on vient... pas de querelle devant tes gens... Aie 1'air tres -satisfait... souris... (II rit Jorcement. ) Eh ! eh ! eh!... SCENE VII. LES MEMES , VINCENT. VINCENT , accourant. Air : J'ai perdu mon couteau. Au voleur ! au voleur ! Queu guignon , queu malheur ! (bis.) Mes plus beaux fruits Sont pris , 10 Confisques Et croques : J'n'ai dans tout mon jardin Pas plus d'prun's et d* raisin Que j'n'en ai sur la main ! TOUS. Comment ? VINCENT. Figurez-vous, monsieur, que des infames vo- leurs... PICOTEL. Des voleurs !.. aux armes , Robinard!.. VINCENT. Ah! c'est inutile , ils sont partis, M. Picotin... PICOTEL, lereprenant. Picotel , imbecile VINCENT. Mais, cette nuit, d'apres le de'gat qu'ils otit fait, ilsetaient bien trente ____ TODS, avec effroi. Trente voleurs!... ROBINAKD. C'est peut-etve ton malfaiteuv et sabande.... CELESTE. All! mon dieu! PICOTEL. Mais d'ou viennent-ils , ces infames seelerats?... VINCENT. Oh!, quant a ca, i!s ne m'ont pas laisse leur adresse... tout c'que j'savons... c'est qu'ils ont depouille le plus bel espalier du bourgeois ____ enfin tout y a passe... sauf les noyaux, qu'ils ont laisses.... et c'est tres-bien a eux , parce qu'en les planlant a la Saint -Jean . Drole, c'est peut-etre toi qui es le voleur... VINCENT. Ah ! not' bourgeois , pouvez-vous croire c't'atro- cite'-la... j'irais de'vorer vos fruits innocens que j'ai plantcs, que j'ai vus naitre.. RoniNARD. Je te chasse. (A part.} Via une bonne occasion pour exhaler ma fureur!... VINCENT. Par exemplc!... PICOTEL. Allons , voyons , cet agricole estun de mes braves VINCENT , meltant la main militairement a son bonnet. Oui , caporal Picotin... UOBINARD, a Vincent. N'importe... va-t'en... va-t'en... VINCENT, d'un toncdlin. Madame Celeste... mon caporal, priez pour un pauvre pere de famille qui ne nourrit ses en- ians qu'a coups de beche. ROBINARD. Je n'ecoute rien... CELESTE, a Robinard. Yous voyez bien, monsieur... que yous etes me'chant... que vous avez mauvais creur. .. 11 ASPASIE, a RobinarcL Allous, ne larelusez pas!... PICOTEL. Robinard, sois ge'nereux ! Les deuxfemmes. Aliens done... ROBINARD. Eli bien ! qu'il veste... mais si 1'on me vole nnc *eule peclie... VINCENT. Ah ! quant a c Van ne'e , je suis bien tranquille... il n ? en reste .plus... PICOTEL. Chasseur, avancc a 1'ordre... fais bonne garde... ou gare les arrets VINCENT. Oui, mon bienfaiteur !... oui... je n'oublierai pas c'que vous faites pour inoi... et aux prochaines elections... PICOTEL, bas a Vincent. Silence;... on ne parle pas de ca... (il commande Vincent.} Chasseur!... portez armes ! par- tile a gauche; gauche!., en avant, inarche!.. VINCENT, mettant son rfiteau sur Vepanle. Soyez tranquille, mon caporal; j'vas jolimentlesguetter, les voleurs... ils n'ont qu'a bien se tenir, les voleurs... salut, mon caporal Picotiu... vive mon caporal ! (// sort en dejllant devant Picotel.} PICOTEL, avecjierte , le monlrantaux autres. Hein, comme c'est dresse! SCENE VIII. JjES MEMES, exceptc Vincent. CELESTE. Comment! il vient des voleurs ici?.,. PICOTEL. Le fait est que cela me semble fort dangereux... ROBINARD, bas a Picolel. Veux-tu bien ne pas i'effrayer comme fa, Picotel!... PICOTEL, bas a. Robinard. Laisse done... c'est pour ton bonheur. ASPASIE, avec crainle. Et nous qui demeurons a 1'autre bout de ce jardin !... PICOTEL. Aspasie, vos craintes sontabsurdes... (Avec inten- tion.} Vous etes sous la protection de votre e'poux I vous CELESTE. Etmoidonc, mondieu!... seulela-haut, danscette chambre, j'aurai peur toute la nuit PICOTEL, avec malice. Oh! vous, jeune femme... vous n'a- vez personne [*our vous defend re, puisque vous repoussez 1'appui conjugal ROBINARD, apart. Oh! comme c'est adroit !... PICOTEL. Avec 93 que nous ne soimncs qu'a deux pas de la foret de Bondy, tres-mal compose'e en ce moment... tu sais 12 Robinard... ( Bas a Robinard. ) Hein?. comme je te sers, in- grat I... tu vas voir, tu vas voir. (Haut. ) Ah ! jeune femine , jeune femme , vous ne savez pas tous les dangers que vous courez... faible branche de lierre, enlacez-vous au chene al- tier ROBINARD. Je suis le chene altier!... PICOTEL. Sans lui vous deviendrez le jouet de la tempete ou la victime des oiseaux de proie... autrement dit des vo- leurs... Ah ! suivez mes conseils, epouse de mon ami. Air : d'Hippofyte Monpou. Jeune fille , hatez-vous de prcndre Votre mari pour vous dcfendre ; Car en ces lieux, Perilleux , On est mieux, Oui , bien mieux , Quand on est deux. L'autre soir, la petit' Fanchette , Dans sa chambrette , Dormait seulelte... (bis.'] TOUS, avec crainte. Dormait seulette ! . . . PICOTEL. Un scelerat, Indelicat , Soudain entra Par la fenetre, Et puis ce traitre Tout emporta... On pretend meme qu'il 1'embrassa ! TOUS, se serrant les uns conlre les autres. Ah ! RE PHIS E ENSEMBLE. Jeune fille , hatez-vous de prendre Votre mari , etc. SCENE IX. Lns MKMES , VINCENT. VINCENT, acconrant en criant. Monsieur!... monsieur!... CELESTE , tres-effrayee se jetant dans les bras de son mari. Ah! mon dieu , sauvez-moi !... TOUS. Qu'est-ce que c'est?... VINCENT. C'est le souper qui est servi chez vous, monsieur Picotin PICOTEL. Imbecile!... tu nous annonces le souper comme une alerle... 13 ROBINARD, baisant la main de Celeste, avec joie. Ne le gronde pas , Picotel , ne le gronde pas , vois mon bonheur... (a Celeste.} Oui , ma bobonne, je te de'fendrai , je te prote- gerai... lejour etlanuit. ... CELESTE. Dame, monsieur, puisqu'on court des dangers toute seule... (en ce moment, Felix parait au fond et jetle un fruit qui attrape Eobinard. Celeste se retourne et I'aper Felix!... ROBINARD. Qu'est-ce que c'est que 53?... (ramassant) une prune!... (regardant en I' air. ) Ah ! ca yient de cet abrico- tier... (Ilia mange.} ASPASIE. Maintenant que nous somines tous d'accord, aliens souper PICOTEL. Adopte a 1'unanimile!... ROBINARD, a Celeste. Yiens, ma petite femme.... CELESTE , avec embarras. Je vous suis... je vous suis... je vais prendre mon chale.... ROBINARD. Jet'attends, bobonne, je t'attends... CELESTE. Non , je ne veux. pas... allez toujours... PICOTEL , entrainant Robinard. Aliens , viens, ne la contra- rie pas, Robinard... TOUS , excepte Celesle. Air : Galop de la Tentation. ENSEMBLE. Vite , aliens nous meltre a table , Plus de querelle cntre nous Aupres d'une femme aimahle Ce repas sera hien doux ! VINCENT. Vite , allez vous mettre a table , Plus de querelle entre vous , Etc. , etc. Robinard, Picotel, madanie Picotel et Vincent sor tent par le fond a gauche. Felix paratl aussilot par la droite el arrdle Celeste qui va pour entrer dans la rnaison. SCEJVE X. FELIX, CfiLESTE. FELIX, a. Celeste, avec colcre. Tres-bien^ mada 1 a - es- bien... il paiait que vous etes au mieux avec M. Robinard... tout a 1'heure , il vous baisait la main.... 14 CELESTE. Mais, dame, apres tout, monsieur, c'est inon mari.... FELIX. Eh! qu'esl-ce que c'est qu'un mari aupres d'uu cousin qu'on a promis d aimer toujours?... Je le vois, je n'ai plus qu'a mourir... j'ai la, just emeu t un canif tout neul !... CELESTE, avec ejfroi. Felix... mon cousin... FELIX. Non... la vie m'est odieuse depuis votre affreux ma- riage CELESTE, pleurant. Eh ! monsieur , c'est votre faute... si vous n'aviez pas e'te en retenue tiois semaines... je ne serais pas marie'e... vous m'auriez donne du courage... FELIX. Pauvre Celeste! la v'la qui pleure maintenant... c'est vrai aussi... je t'aurais rendue si heureuse!. . je t'au- rais prodigue ies soins les plus touclians, les robes les plus nouvelles. CELESTE. Pourquoi etes-vous si jeune?.. si vous aviez aclieve vos etudes... peut-etre... FELIX. Qu'est-ce que ca fai 1 ?.. je les aurais achevc'es en menage, mes e'tudes... j'aurais e'te externe... je ne peux pas souffrir etre pensionnaire. Dieu! etre externe et mari de ma Celeste ce I'ut le reve de ma vie... CELESTE. Bon Felix , tu m 'aurais protegee , toi... dans cette vilaine maison ou il vient des voleurs. FELIX, riant. Ah! ah!., des voleurs!... joliment!... c'est moi qui suis les voleurs... qui ai vecu depuis hier avec les prunes et les peches de Vincent. CELESTE, avec joie. Bien vrai ?... je n'ai plus peur a pre- sent... EtM. Robinard qui voulait me tenir compagnie... FELIX. Luil. . garde-t'en bien... cet homme-la est capable de tout... c'est moi qui te protegerai... i'ai des droits ante- , *. r . J . . T rieurs... ne in appeiais-tu pas autrelois ton petit man/... CELESTE. Et moi,j'etais ta petite feiume a la promenade tu medonnaisle bras... comine a present.... Elle lui donne le bras. FELIX, C'etait si gentil !.... Us se promenent. Air : Du Dernier Chapitre. En chevalier, Toujours ftdele A sa b elle , J'etais ton cavalier... CELESTE. Pourrais-je 1'oublier? 15 FELIX. Chacun disait : Quelle fille Gentille ! CELESTE. Chacun disait : Le joli cavalier!... FELIX. Quels temps Charmans ! Quels plaisirs ! Mais c'est dommage D'en raster a notre age , Helas ! aux souvenirs. ENSEMBLE. Quels temps Charmans ! Etc. , etc. A la ftp del" 1 ensemble on entendappeler : Celeste! Celeste! CELESTE. Ah! mon dieu ! etmoi, qui oubliais le souper... FELIX. N'aie plus peur.... je veillesur toi... fidelite jusqu'a la inort... CELESTE. Oui .. oiii... je me sauve... Me voila!.. me voila! Elle disparait par le fond a gauche. SCENE XI. FELIX, seal. Ca va bien !... ca va bien... Air : C'es t des be'tis's d' aimer commeqa. Ma cousine a repris courage , Et je ne crains plus son effroi. Malgre cet affreux mariage , L'espoir renait ici pour moi : Elle me gardera sa foi. Je ne suis que surnumeraire , Mais de me plaindre il n'est pas temps : Je suis trop heureux , je le sens, De penser que le titulaire Ne touche pas d'appointemens. (Regardant a gauche.} Ah! mon dieu! qu'eat-ce <|ue j'a- percois la bas?... Robinajrd et son ami Picotel qui vienneui de ce cote... oh! comme ils out 1'air de rager... qu'est-ce qu'ils peuvent se dire?... e'coutons !... 11 se retire au fond et se cache derriere une caisse d'oranger. 16 SCEJVE XII. FELIX, cache. PICOTEL, ROBINARD. Picotel a quitte son uniforme. PICOTEL, so. serviette sous le bras , suivant Robinard. Mais ou vas-tu, Robinard, ou vas-tu?... ROBINARD. Laisse-moi , je n'y tenais plus, Picotel... il m'a fallu sortir de table... je suis victime duplus odieux caprice. PICOTEL-. Etpourtant mon re'cit de voleurs avail produit un effet prodigieux sur ta femme... ROBINARD. Prodigieux... elle m'avait presque embrasse... PICOTEL. C'est fort !... ROBINARD. Eli bien! tu 1'as entendu ; elle vient de t me de'- clarer netlement qu'elle se garderait toute seule cette nuit , et elle a refuse ma protection maritale... Qui a doncpu la rassurer ? FELIX , aufond, a part. Je le sais bien , moi... PICOTEL, commefrappe d'une idee. Ecoute , Robinard... j'ai peut-etre ton bonheur dans ma poche... ROBINARD. Fouille, mon ami , fouille vite.. PICOTEL. As-tu jamais lu les fables d'un nomine La Fon- taine?... ROBINARD. Dieu! que c'est ridicule!... tu vois un bomme plonge dans la douleur et tu viens lui dire : As-tu lu des fables?... c'est derisoire!... .FELIX, apart. Que diable disent-ils la?... PICOTEL, presentant un volume ouvert a Robinard. Tiens ! vois ce volume; il ne me quitte jamais, c'est mon vade me- ciim... lis cette petite historiette , qui m'a deja inspire mon re'cit de voleurs de ce matin... ce sont des vers... ROBINARD. Je n'ai pas mes lunettes... PICOTEL, reprenant le volume. Aiors, ouvre tes oreilles... (Lisant.) Le mari , la femme et le voleur... Fable, Un mari fort amoureux , Fort amoureux de sa femme !.,. ROBINARD. C'est comme moi . . . PICOTEL, continuant. . . . . Se croyait malheureux. ROBINARD. Pourquoi fa?... 17 PICOTEL, continuant. Jamais mot d'amitie, jamais undoux sourire <( Deifiart le pauvre sire, N'avuit Sail soupcouner qu'il f ut .vraiiuent clicn... Je le crois , c'elait un mari.., KOBINARD. Cetle reflexion est inde'ceate !... et si je connais- sais ton M. Desfontaines... PICOTEL. Silence done, Uobinard... ( Continuant. ) II fa i sail sa plamle unc unit. ROBINARD. II y avail bien de quoi... PICOTEL, continuant. Un voleur Interroinpit sa doleance ; ( La pauvre i'emme eut si grand peur, Qu'elle chcrcha quelque assurance Entre les bras de son epoux... BOBINAUU. Comme Celeste tout a 1'heure... PICOTEL. Maintenant ,~e'cout'e et tais-loi!.. . FELIX, cache , a part. Je ne perds pas un mot... PICOTEL, a demi-voix , avec solennite. Si cette nuit , une figure effroyable... la tienne ou la mienne... ROBINARD. La tienne... FELIX, apart. Oh! toutes les deux... PICOTEL. Travestie , bien entendu, apparaissait la baut... (monlrant le balcon.} aux carreaux de la chambre de ton e'pouse... FELIX, apart. Ob I les mise'rables!... ROBINARD. Apres?... PICOTEL. Que penses-tu qu'elle ferait, ton epouse?... ROBINARD. Dame! cette pauvre bibicbe , elle ferait comme moi, elle aurait peur... PICOTEL. Mieux que ca... elle cbercherait un asyle sous le toil de son e'poux. (Montrant le pavilion a gauche.} Voila ton toil... y es-tu?... ROBINARD. All! je comprends, . FELIX , a part. Et moi aussi ! . . . PICOTEL. Air : DP. S'-ina f.amhour. Mon projet est admirable. FELIX (a part}. Ah ! c'est une indignite ! PICOTEL. La Fontaine , de ta fable Je fais une verite ! La Femme , le Mari et le T'oleur. a 18 FELIX (a part). Quel complot abominable I PICOTEL (a Robinard}. Cette nuit , pour ton bonheur, C'est toi , fortune coupable , Qui seras le vrai voleur I PICOTEL ET ROBINARD. ENSEMBLE. Je serai . , Tu seras vra. voleur ! PICOTEL. Silence ! on vient.... SCENE XIII. PICOTEL, ROBINARD, CELESTE, FELIX, cade; ASPASIE , VINCENT , un fusil sous le bras. La nuit vient par degres pendant cette scene. ASPASIE. Eh bien! messieurs , vous etes galans... vous nous laissez seules a table !... . Je crois bien... (montrant Celeste.} Madame est si aimable!... PICOTEL, a demi-voix. Tais-toi, Robinard , tais-toi... La Fontaine te vengera.... ROBINARD, de meme. Oh! oui , bon La Fontaine... PICOTEL. Aliens , mesdames , il est temps de se retirer cha- cun chez soi... quand on a danse jusqu'a cinq he u res du matin... CELESTE, riant. Oh! je ne demande pas mieux (avec intention.} Bonsoir, monsieur Robinard... je n'ai plus peur, monsieur Robinard... ROBINARD, sefdchant. Madame... madame... ASPASIE. Bonsoir, monsieur Robinard , nous n'avons plus peur, monsieur Robinard... VINCENT. Bonsoir, not' bourgeois Robinard... nous n'avons plus peur. ROBINARD. Assez I... assezl... (a part.} ont-ils 1'air gouail- leur ! . . ASPASIE. Aliens, monsieur Picotel , donnez-moi le bras... PICOTEL. Va toujours, ma bonne, va toujours... j'ai un petit compte a re'gler avec ce cher Robinard... (avec galan- terie.} Les affaires avant les plaisirs... FELIX, a part. Ah! je I'embrouillerai , ton compte, vilain sournois... II disparait au fond. 19 TO US. Air : Du Pre aux Clercs. Quand la nuit entiere Oa a pu danser, 11 est temps, j'espere , De se delasser. Allons , sans contrainte , Chercher le sommeil... Attendons sans crainte L'instant du reveil. Au revoir ! Bonsoir !... Aspasie sen iia par le fond apres avoir conduit Celeste dans la mat- son a droite. Celeste Jerme la porte aux -verroux en dedans. Robi~ nard el Picolel entrent dans le pavilion a gauche. ) SCENE XIV. VINCENT, seal, son fusil a la main. C'est fa... dormez, mes bourgeois... dormezsurvoshu.it oreilles.. je vas veiller et surveiller... je me constilue en patrouille toute la nuit... ah I M. Picotel , mon bieni'aiteur, je ne tromperai pas voive confiance... sce'lerat de voleur de fruits... Cartouche de prunes!... tu es cause qu'on voulait me mettre dehors eh bien \ entre dedans, c'te nuit, et je te sale... oh! mais , je te sale... comme un jambon... Un quaileron de sel gris pour chaque coup... v'la ce qui s'ap- pelle faire bien ies choses... ya lui en cuira au bandit... a mon poste !... Air : Chosur des diables. ( Robert. ) Allons du courage , Messieurs Ies filoux ; J'ai , pour votre usage , Charge mes deux coups. II sort par le fond. SCENE XV. ROBINARD, PICOTEL. Nuit complete. PICOTEL. II ouvre \ioleinmcnt la fenelre du pavilion eclairc par une bougie. 11 s'est fait d'enonnes moustaches el s'est grotesquemcnt deguise en brigand. Robinard cst a cote delui. SUITE DE L'AIK : ( A Robinard. ) Que dis-tu de ma figure ? Que dis-tu de ma tournure ? Ah ! n'ai-je pas vraiment L'air d'un affreux brigand ? Sans compliment, Robinard, comment trouves-tu lou 20 ROBINARD. Horrible!... PICOTEI.. N'est-ce pas... j'ai 1'air d'un brigand de me'lo- drame?... KOBINARD. Absolument... 6 ma Celeste , je devrai mon bon- heur a cette ruse inge'nieuse !... SCENE XVI. LES MEMES, dans le pavilion ; FELIX. FELIX, avanqant sur la points dupied. Us sont la , les mi- se'rables conspirateurs !... ( Les menacant du doigt. ) ah! ah! mes gaillards!.. (Ilecoute.} PICOTEL, ouvrant la porte du pavilion et descendant dans le jardin. Aliens, Robinard , viens reconnaitre le champ de bataille... ROBINARD, d'une voix emue. Dis done, c'est qu'il fait bien noir PICOTEL. Bien noir !... biea noir... est ceque tu as peur?... (avec Jorce.} Ah! ca, veux-tu venir, et ue pas me laisser tout seul comme ja, avant le moment?... ROBINARD. Me voila! me voila!... II sort du pavilion. PICOTEL. Voyons. .. ppnetrons-nons bien de 1 'esprit de nos roles... (mrsterieusement et baissant la voix.} Nous disons que nous alions prendre IV'chelle du jardinier... ROBINARD. Bien... PICOTEL, montrant la maison. Je me hisse sur ce balcon... ROBiN'ARD. Ties-bien !... PICOTEL. J'arrive a la croise'e de ton epouse... ROBINARD. Fort bieu I... PICOTEL. Je frappe violemmentau carreau... l'innocenc se reveille, apei^oit mon hideux visage a la lueur vacillante de sa veilleuse, descend les escaliers quatre a quatre... ROBINARD. Quatre a quatre.... PICOTEL. Traverse le jardin... entre eperdue dans ce pa- vilion et, comme 1'e'pouse de la fable, cherehe un refuge dans les bras de son epoux... FELIX, entraine. Non!... mille fois non!... ROBINARD ,faisant un mouvement d'effroi. Hein?... PICOTEL, de meme. Hein?... ROBINARD. As-tu entendu?... PICOTEL. J'ai en tend u uu non fortement articule... serions- nous moucliarde's, Robinard ?... 21 ROBINARD. II fait bien noir, Picotel... je vas chercher la bougie... II entre dans le pavilion. PICOTEL, avec crainte. Je lie te quitle pas. (Hie suit. Robi- nard revient avec itn bougeoir] Ah!... bon... maintenant, tendre ami , examinons.ua pea ensemble... Us se prennent hras dessus dessous, et parcourent le theatre. Tout en mar- chant , leurs jambes se rencontreut. PICOTEL. Hein!. qu'est-ce que 53!.. j'ai senti une jambe... ROBINARD. G'est la mienne... PICOTEL. Tu en es sur ?... ROBINARD, toujours a voix basse. Certainement... le bruit partait de ce cote'... PICOTEL. Tu crois?... Us se trouvent en face des pots de fleurs et s'arretent. ROBINARD. Qui vivel... PICOTEL, apres avoir examine. C'est le pot de fleurs... Us continuent a marcher. Cepentlant, j'ai entendu : Non ! KOBINAKD. Oui... PICOTEL. Non... ROBINARD. Oui... PICOTEL. Non... Felix se glisse derriere eux et souffle la bougie. PICOTEL ft ROBINARD, fivec effroi. Alii! PICOTEL, cCiine voix tremblante. Rob... inard!... ROBINARD, de meme. Pic... otei!... PICOTEL. Est-ce le vent... ou autre chose?... ROBI.VARD. II m'a semble' voir une ombre gigantesque... PICOTEL. Gi .. gan... tesque ! tu es sur?... Ilobinard!.. Ro- binard !... tu es tiop poll) on !... si lu m'en crois, nous en res- terons la!.. FELIX, a part. Diable!... ca ne fcrait pas mon compte... ROBINARD. Oh! mon cher Picoiel , je t'en supplie... eh! bien, oui... j'ai eu tort, c'etait le vent, pas autte chose... PICOTEL. Alors , je me risque , je me devoue... et j'accom- plis ma noble mission... Us se donnent des poignees de main. FELIX, apart. Allons done!... du courage!... a la bonne heure!... PICOTEL. Allons , aliens, aide-moi a placer 1'e'chelle (Us vont prendre une echelle double dans la coulisse a gauche.} Voila i'e'chelle du crime! 22 HOBINARD, en laportant. Quel supplice !... PICOTEL, dcmeme. Eh bien! parle-moi done, Robinard... ca me donnera du courage., dis-moi des betises... Us posent 1'echelle devant la croisee. ROBUVARD. Mauileuant, je vais attendre I'heure du berger... PICOTEL. Rentre sous ton toil... (// accompagne Robinard fjui rentre dans le pavilion ; pendant ce temps , Felix passe de I'autre cote de 1'echelle). J'ai un mal de nerfs... l)ieu! que c'est ridicule! Avec mes histoires de voleurs , je me suis fait peur a moi-meme... Allons, Picotel... du coeur , mon gargon... sois Francais... inille bombes!... cinq cents escadrons!... ere coquin!... voila que je me monte... voila queje me monte. 11 monte al't-chelle. FELIX, montant en meme temps de I'autre cote.. Je vais bien te faire descendre. Quand ils sont arrives au haul de 1't'chelle , Felix lui donne un coup sur la tete. PICOTEL. Mise'ricorde !... (// descend quatre a quatre de 1'e- chelle). Au voleui'!... au voleur!... auvoleur!... II s'enfuit par le fond. ROBINARD, a la fenetre du pavilion , applaudiss ant : Tres- biea ! tres-bien!... il crie lui-menie au voleur. CELESTE , paraissant sur son balcon. Ciel! qu'arrive-t-il? FELIX, sur 1'echelle , enjambant le balcon. C'est moi, ma cousine... ROBINARD, a la porte du pavilion. bonheur!... j'entends ma femme!... SCENE XVII. ROBINARD, CELESTE ET 'Ft\XX.,surlebalcon; ASPASIE en toilette de nuit. ASPASIE, accourant par lefond, tres-effrayee. Ces cris. .. c'est. la voix de mon mari... ROBINARD , allant a la rencontre d ' Aspasie , qu Up rend, pour Celeste. Par ici, bobonne, par ici. MADAME PICOTEL , tombant dans les bras de Robinard. Ah ! ROBINARD, avec joie , serrant dans ses bras Aspasie. Je la liens!... je triomphe!... Je suis le plus heureux des epoux!!! FELIX , sur le balcon , baisant la main de Celeste qui se de- fend. Et moi, le plus heureux des cousins!... On cntend un coup de fusil au fond. 23 FELIX, B.OBINARD , CELESTE. Qu'cntends-je !... ASPASIE , revenant a elle. Ou suis-je ?. . . Felix et Celeste disparaissent du balcon. SCENE XVIII. LES MEMES , VINCENT , PICOTEL. VINCENT , son fusil d'une main et une lanterns de I'autre , tenant Picotel au collet. Je le liens ! je le tiens!... voila mon voleur!... PICOTEL, criant. Aye! aye! au secours. Tous se reconnaissent a la lueur de la lanterne de Vincent. VINCENT. Monsieur Picotel!... ASPASIE. Ciel! mon e'poux ! ROBINARD , repoussant Aspasie. Dieu!...ce n'est pas Celeste... VINCENT. Quoi!... j'ai sale mon bienfaiteur... PICOTEL. Je suis assassine !. . . j'ai trois balles quelque part. . . VINCENT. Eh! non... nqn, mon bienfaiteur... un quarleron de sel gris... premiere qualite... pas malsain. PICOTEL. Miserable ! . . . ROBINARD, qui a cherche par 'lout. Ah ! ca , mais , ma fern, me, ma Celeste ou est ma Celeste?... SCENE XIX. LES MEMES, CELESTE. CELESTE , sortant de la maison. (Avec embarras.} Me voila , monsieur, me voila ! ASPASIE, envisageant Picotel et lui sautant au cou. Mais , Edouard ,cher Edouard, me direz-v.ous pourquoice costume? PICOTEL. Aie ! aie ! ne me touchez pas... Ce costume... je vas vous I'expliquer... ou , plutot, je ne vous I'expliquerai pas... fa vous ferait dresser les cheveux sur la tete... VINCENT. Ah! ca, vnais le voleur?... PICOTEL. Oui... le vrai voleur... ROBINARD. Ilyadonceu un vrai voleur?... PICOTEL. Je crois bien... il y a eu je ne sais combien de viais voleurs. ASPASIE. Mais enfin qu'est-ce qui a etc' vole? PICOTEL. Ah! par exemple , fa n'est pas moi! ROBINARD. Ni moi ! VINCENT. Ni moi ! UOBINAUD , a Celeste. Et toi , rnori amour? Celeste haisse les yeux. 24 PICOTEL. Mais avec tout ga, jo ne 1'ai pas reve... tout a 1'heure, sur cette e'chelle , pres de ce balcon , j'ai parfaite- inenl senti commeune main qui est tombee sur matete... j'en ai une horrible bosse. .. VINCENT. Alors le voleur est dans c'le maison... faut y faire uue perquisition... CELESTE, a part. Ah I mon dieu ! et Felix!... ROBINARD. C'est fa... faisons une perquisition... Eatre, Pi- cotel... PICOTEL. Apres toi , Robinard... enlre, Vincent... VINCENT. Je sais trop ce que je vous dois, caporal... PICOTEL. Eh bieii ! pour ne pas faire de jaloux.... Air : De la Colonne. Puisque le danger nous rassemble , Mes amis , donnons-nous le bras ; Prudemment entrons tous ensemble , Et surtout ne nous quitlons pas. TOUS, excepte Celeste. Oui , surtout ne nous quittons pas. Us entreat. Felix descend par la fenfire. CELESTE. Mais mon cousin... Ah ! je le vois paraitre ! FELIX , en descendant. Rassure-toi , plus qu'eux je suis malin !... Quand , par la porte , entre 1'hymen , L'amour s'en va par la fenetrc I Adieu!... Amour pour la vie. ROBINAKD, de la maison. Celeste!... viens done, ma bonne amie... // vienl en scene. CELESTE. Me voila!... Robinard lui prend la main et va pour 1'entrainer dans la maison. Felix , pendant ce temps , lui baise 1'autre main. PICOTEL, paraissant a la fenetre de la maison. Kobinard... decide'ment, on ne t'a rien vole'!... TABLEAU. L'orchestre joue 1'air du Carillon de Dunkerque. Le rideau baisse. FIN. PAIUS. IMI'IUMEUIK DK CAS1HIR , RUE DE LA VIEILLE-MONNME , K 12, pres la rue des Lombards et la place du Chatelet. JUDITH ET HOLOPHERNE, VAUDEVILLE EN DEUX ACTES. JUDITH ET HOLOPHERNE, oe HI primtcri VAUDEVILLE EN DEUX ACTES, PAR MM. THEAULON, NEZEL ET OVERNAY. REPRESENTS, POUR LA PREMIERE FO1S, A PARIS , SUR LE THEATRE DU PALAIS-ROYAL, I.E 20 AOTTT 1831. PARIS. J. 3N. BARBA, LIBRAIRE, PALAIS- nOYAl., GRAKHKCODR, DERRIKRE I.E TH^:ATRK-FHl^r. IS , A COTE DE CHEVEt. 1834 PERSONNAGES. AGTEURS. DE GOMEZ, seigneur LE COMTE DE RrVOLI, general. D. ANTdfc 'espagnol. D. MERINOS, son vassal, petit campa- gnard. THERESINA, sa parente. PREMIER AIDE-DE-CAMP DU GENERAL. DEIXIEME AIDE-DE-CAMP. Feinmes du village. Capucins. Officiers francais. M. DERVAL. M. BOUTIN. M. AICIDE TOUZEZ. M lle DEJAZET. M. MASSON. M. LEUEUNIER. La scene se passe en Andalousie, en 1808. 1UPBIMERIE DE E. DDVERGER. rue de Veroeuil, n. 4. JUDITH ET HOLOPHERNE, VAUDEVILLE EN DEUX ACTES. Un petit jardin lenne dans le fond par une haie de jasmin ; quelques Grangers c.a etla; un bane de gazon, des sieges de jardin. SCENE PREMIERE. THERESINA, seule. ( Elle est couchee dansunhamac de coton comme ceuxqui sont en usage dans i' Amerique espagnole. Ce hatnac est attacM a deux orangers. Theresina, la Ute appuyee sur un firas, se balance noncfialamment tout en fumant sa cigarette. ) AIR: Tyrolienne de mad. Malibran. Au beau pays ou tu vis la lumiere , Ou tu n'es plus , pauvre Theresina , Quand le sommeil evitait ta paupiere, Tu 1'appelais par ce doux moyen-li. Ah! ah! ah! (Eile se balance. ) SCENE II. THERESINA , MERINOS , ouvrant la porte a gauche du, public. MERINOS. Toujours celte porte onverte!.. ct dans un mo- ment ou la cavalerie francaise est en maraude dans ces cam- pagnes!.. Ah! Theresina!.. Theresina ! vous gardez bien mal toutes les rich^sses que la nature vous a donndes ! comme qui dirait votre coeur, vos charmes et autres tr<5sors qu'il est superflu de detailler! THERESIHA. Qu'est-cc qui parle par-la ? Tiens ! c'est vous> eovisin Merinos ? MBRINOS. Comment, signorita, encore couehee! THERESINA. Ma foi, oui... Mon ouvrage etait fini, la chaleur etait aceablante, et jesuis venue fumer une cigarette dansce hamac. Vous savez que c'est I'usage a la Vera-Cruz, mon pays. MERINOS. C'est vrai ; mais je n'aime pas ca... D'abord, c'est signe de paresse; et puis quand on dort on r6ve, et quaud vous r6vez, je suis sur que ce n'est pas a moi. THERESINA. T'est encore possible. Meme air. Hove d'arnour. importune, inquiele , Fillc est sujelte a ces accidens-la ; Mais par bonheur, grace i la cigarette, On s'6lourdit , et le reve s'en va. ENSEMBLE. Ah! ah! ah! MERINOS, la balanpant. 11 esl charmant L'amusrmcnlJ C'est ravissant! G'cst enivrant ! MERINOS. Signorita, si vous vouliez nie permettre d'allu- mer mon cigire a volre cigarette... THEUESINA. Faitcs. (Merinos Sapproche pour at turner son cigare ; en sc tialanpant etle iui brute te nez. ) MERINOS. Oh! la , la !.. Prenez done garde, jolie fiancee, vous m'avez brule le nez. THERESINA. C'est la faute de mon liamac qui n'est pas so- lide... Atlcndez, que je liietle pied a terre. car il n'y a rien (jui fatigue comme de se rcposer trop long-temps. ( En di- sant cela etle est descendue et ette aitiime Le cigare de Me- rinos. } MERINOS. Vous avez la un vilain usage, Kignorita. THERESINA. De fumer? MERINOS. Non, je sais que dans volre pays toutes lesf'emmes foment, et c'est un d^lassemcnt lout comme un autre. THERKSINA , fumanL C'est bien plus amusant qu'un autre. MERINOS. Je parlc de I'usage que vous avez contracte dc dormir la porte ouverle dans un moment ou ces brigands de Francais rodent dans noscampagnes... dansnos malheureu- ses cantpagnes ! THERESiNA , fumaitt. Vous croyez qu'ils sont deja dans la Sierra- Moren a ? MERINOS. Est-cequ'ilsnesont paspartout, cesfils dc Satan? THERESINA. Oh ! moi, je ne les crains pas, les Francais. MERINOS. Oui , mais moi je les crains'pour vous... C'est qu'a votre age on dort bien... 1'innocence a le sommeil dur et 1'amour a le pas leger. Am: Vaudeville de la Somnambule. Souvent des verrous et des grilles , Des murs bien hauls, bien effrayans, Pour garcler la vertu des filles Ne sent pas encor suffisans. THEKESINA. Puisque ces moyens de defense Sont tous superflus en ce lieu , Moi, je m'endors , laissant mon innocence Tout bonnement a la garde de Dieu. MERINOS. Oh! There\sina! que votre candeur est impru- dente! THERESINA. Est-ce pour me dire tout cela que vous etes venu me deranger ? MERINOS. Non , signorita, ce n'est pas pour ca... voila ce qui m'amene. Mon oncle Marinez, le cure du village voishi, m'a fait prevenir qu'il serait ici aujourd'hui pour nous ma- rier sans desemparer. THERESINA. Deja! MERINOS. Deja!.. Est-elle naive!.. Oui, peut-6tre ce matin. Mon oncle pretend que depuis votre arrivde de la Vera-Cruz, depuis le jourenfm que vous etes venue habiter le manoirde mes aucetres , qui etaient aussi les votres puisque vous etes ma cousine du c6t6 des fernmes, mon oncle pretend, dis-je, que nous portons scandale dans ces campagnes, p"arce qu'on ne pent pas supposer qu'une jolie fille, comme vous, et un joli garcon , comme moi, passent loutes leurs journ^es a se regarder. THERESINA. Moi, je ne vous rcgarde pas du lout. MERINOS. Elle est modesle!. . Enfin mon oncle veut vous marier... etmoi je ne demande pas mieux, car je vousaime, Theresina. (It iui fait des ycux iangoureux.) THERESINA. Mon Dieu ! mon cousin , ne me regardez done pas comme ca. MERINOS. Ca vous intimide?. . THERESINA. Non , mais c'est que vous louchez horriblement. MERINOS. Comment, je louche... THERESINA. Toujours quand vous voulez me faire les yeux doux. MERINOS. C'est par sentiment, ma cousine; et si vous m'ai- miez, vous ne vous apercevriezpas... THERESINA. Ecoutez-moi , seigneur Merinos... Je suis orphe- line, je suis votre parenle... A la mort de mon pere vous m'avez fail venir de la Vera-Cruz dans votre petit chateau que vous habilez seul avec une gouvernante vieille comme le monde , et j'ai consent! volontiers a devenir votre ser- vante... A present vous voulez m'^pouser... Je ne demande pas mieux... mais je ne reponds de rien , je vous en avertis, car je ne vous aime pas. MERINOS. Comment! ce n'est pas encore venu? Etpourtant, clepuis que vous etes avec moi vous avezeu le temps d'aper- cevoir mes qualit&> publiques et privees. THERESINA. C'est 6gal , 1'amour n'est pas venu du tout. MERINOS. Eh bien! tant mieux! c'est une preuve qu'il vi^n- dra. S'il etait deja venu il serait peut-etre au moment de s'en aller. Ainsi vous n'avez aucune repugnance a devenir dona Merinos ? THERESINA. II me semble que non. MERINOS. Pauvre cher petit mouton , va ! THERESINA. Oui , mais c'est a condition que je pourrai me reposer tant que je voudrai et fumer ma cigarette. MERINOS. Nous fumerons toujours ensemble ! comme tout a 1'heure. Allez tout pi Sparer pour recevoir notre oncle, le venerable cur6 de San-Lorenzo, afin que les doux nceuds de I'hymen^e... (I liar eg circle). THERESINA. Tenez , vous louchez encore... corrigez-vous done de ce vilaiu defaut-la. Je vais cueillir des fruits pour notre oncle. (Elle s'enfuit.} SCENE III. MERINOS, seul. Je louche !. . Ah ! Theresina ! c'est un reproche que je pour- rai peut-etre te renvoyer moralement parlant. AIR de Joseph. Lorsque mon coeur est tout de flainme , Le lien est presque indifferent. Quand tu vas devenir ma feanme, Tu plaisantes sur mon tourment. Les mots qu'a prononcos ta bouche, A la mienne conviendraient mieux : Si quelque part il existe du louche, C'est dans ton cxrur et non pas dans mes yeuz, SCENE IV. MERINOS, DON GOMEZ, en capucin. (Don Gomez , qui est arrive aupres de Mdrinos pendant le couplet , iui frappe sur Cepaule. ) MERINOS, se rctoumantvivement. Hein !.. (ajoari.)Quand je disais que sa porte ne fermait pas bien. (naut.) On ne peut rien vous faire, mon pere. D. GOMEZ. Je ne suis pas votre pere. MERINOS. Je le sais bien ; quand je vous dis : Monpere, c'est comme si je disais : Mon frere... D. GOMEZ. Je ne suis pas volre frere... MERINOS. Mon reverend... D. GOMEZ. Je ne suis pas votre reverend. Regardez - moi bien. MERINOS. Attendez done! Ce nez, cette bouche... Vous etes notre seigneur le marquis don Antonio de Gomez, D. GOMEZ. Silence! MERINOS. Mais comment se fait-il que votre seigneurie, qui ordinairement voyage en si noble Equipage... D. GOMEZ. Vassal, puis-je compter sur ta discretion? MERINOS. Je suis seul dans inon chateau avec la vieille Gorgona, que vous connaissez, et ma petite cousine, nou- vellemeut arrived de la Vera-Cruz... D. GOMEZ. Eh bien! done, apprends que tous les nobles ina- ris de 1'Andalousie, caches sous cet habit, se reunissent clans cette contree pour tirer une vengeance eclatante d'un gen6- ral franc_ais. MERINOS. Par esprit national ? D. GOMEZ. Oh! oui... la patrie, d'abord!.. et puis tous les maris qui ont pris cette robe ont ete indignement trompes. MERINOS. Alorsil paraitrait que vous-meme, monseigneur... D. GOMEZ. Helas! MERINOS. Madame la marquise elait pourtant un colosse... de vertu. D. GOMEZ. Eh! mon ami, le colosse de Rhodes est bieo tombe! MERINOS. Oui, mais il a fallu un tremblement de terre , landis qu'il parait que madame la marquise... D. tOMEz. II fallait un Francais. c'est-a-dire Ic demon! MERINOS. Oh! les sce"lerats!.. Us nous prennent nos villes, ils nous prennent nos femmes... ils nous prennent tuot, quoi! D. GOMEZ. Ils ne respeclent rien ! MERINOS. C'est-a-dire que, s'ils viennent par ici, je serai moi-meme expose" aprendre unerobedecapucin... Oh.'voila 1'esprit national qui memonte, qui me moute!.. D. GOMEZ. J'aime a te voir cette noble Emulation, et j'ai bien fait de compter sur toi. MERINOS. Oui, mais ne comptez pas sur moi pour une ac- tion d'^clat. D. GOMEZ. Vous etes pourtant hidalgo. MERINOS. Et aussi fier qu'un autre... Espagnol dans Tame; mais gentilhomme agricole, c'est-a-dire ami de la paix, de 1'abondance, et par consequent ennemi... de 1'ennemi! D. GOMEZ. Ecoute done le projet que nous avons forme. Le comte Arthur de Rivoli , c'est le noni du general en ques- tion... MERINOS. Ah! oui ? celui qui vous a fait de la peine? D. GOMEZ. Le comte Arthur de Rivoli est un jeune homme emporte par ses passions et tres accessible pour les dames... II est sans defiance avec elles; et puisque le sort lui a donn6 la mission d'Holopherne , il faut lui irouver une Judith. MERINOS. Oh! sublime!... Monseigneur, c'est cette robe qui vous a inspire cette idee I (ft {a itaise, ) D. GOMEZ. J'avais d'abord songe^ a quelques nobles dames de Seville et de Grenade ; mais dans nos villes la civilisation est trop avanc^e , tandis que dans ce village a demi barbare de la Sierra-Morena il est possible de trouver une femme comm,e il nous en faut une. MERINOS. C'est-a-dire candide, devouee et qui consente a couper la tetc au general francais... par ingenuite. D. GOMEZ. C'est cela mfime. Voici maintenantle service que j'altends de toi. Tu vas rassembler ici toules les jeunes filles de ce*\illage en leur disant qu'un reverend pere de Saint- Francois, qui se rend a Seville, veut leur faire un sermon en passant. MERINOS. Si je leur parle de sermons elles ne voudront pas venir... Je leur dirai que c'est un men^trier qui veut les faire danser, et pour la danse... Attendez-moi ; je reviens avec toutes les filles du hameau. D. GOMEZ. Surtout, n'amene point d'homme. MERINOS. Ca se trouve bien ; ils sent tons partis depuis trois jours pour aller en guerillas dans la montagne. II n'y a quc moi de viril dans le pays , absolument que moi. ( II sort.] SCENE V. / DON GOMEZ , scut. Si 1'on peuttrouver cette heroine, notre vengeance est as- suree... Et pourquoi ne la trouverait-on pas? SCENE VI. DON GOMEZ, LE COMTE, D. GOMEZ. Qucl est ce militaire? C'esl nn Fraricais... LE COMTE. Uncapucin! ( It ouvre sa redingote et laisse voir deux pistoiets d sa ceinture. ) Dans ce pays on ne sau- rait faire un pas sans trouver une robe de moinc... et ce ne sont pas celles-Ia que j'aime a rcncontrer. D. GOMEZ, apart. Soyons prudent! LE COMTE. Reverend pere, jc me suia involontairement se- part^ de mes camarades dans la fpret, et je voudrais trouver un guide pour me conduire au village de Rimara. D. GOMEZ. Vousy etes, mon i'rere. LE COMTE. Vous pourriez alors m'indiquer ladcmeure d'un certain don Merinos, ou Ton doit avoir prepare des loge- niens pour le general en chet'et sa suite. D. GOMEZ. Cette maison est celle que vous cherchez. LE COMTE. En verite... ( apart. ) Parbleu! voiia un de ces hasards... (haul. ) Mes aides-de-camp doivent etrc arrives. D. GOMEZ, a part. Ses aides-de-camp! (regardant. ) En eflet, c'est le comte Arthur lui-meme. LE COMTE. Seriez-vous par hasar.d, mon reverend, du con- vent qui est a I'entr^e de la Sierra-Molina? D. GOMEZ. Oui, mon frere. LE COMTE. Vous n'eii eles pas le prieur? D. GOMEZ. Je nesuisqu'un capucin... indigne. LE COMTE. Eh bien! monsieur le capucin indigne... faites savoir a votre chef, s'il i'ignore, qu'un soldat francais a etc assassine, cette nuit, aux porles dc votre monaslere, etque, si pareil attenfat se renouvellc, je fais fusilier, une heuru apres , toute votre communaute. Am : Aux braves hussards. La guerre est un malheur ans doute , Judith et Holopherne. & 10 Mais nous la faisons noblementj, Ne nous frayant jamais la route Qu'au champ d'honneur, en combattant , Et le canon nous annoncant. Mais vous , dans 1'ombre et le mystere, Vous frappez nos braves soldats : Le ciel , monsieur, peut excuser la guerre, 11 punit les assassinats. D. GOMEZ. Monseigneur n'a plus rien a m'ordonner. LE COMTE. Repondez franchement a mes questions... Par qui eettemaison est-elle habitue? r>. GOMEZ. Par le seigneur Merinos. LE COMTE. Y a-t-il beaucoup de domestiques? D. GOMEZ. Une vieille servante et une jeune fille. LE COMTE. Vous ne me trompez pas?... Jurez-le--moi par votre Rosaire. D. GOMEZ. Jelejure!... (apart. ) Lache que je suis! LE COMTE. J'entre dans cette maison, car la fatigue m'ac- cable'. D. GOMEZ. Je vais appeler quelqu'un. ( It appette a ta cantonade.} Signora Gorgona, conduisez cet etranger dans I'appartement d'honneur du chateau. LE COMTE, regardant la duegne de loin en riant. Quelle horrible figure! j'aimerais mieuxetre servi par la jeune fille, mon reverend. D. GOMEZ. Vos vceuxseront exauces, monseigneur. LE COMTE. Je vous ordonne d'altendre mes aides-de-camp et de leur annoncer que je suis ici. D. GOMEZ. Si monseigneur le desirait jecourrais au-devant d'eux. LE COMTE. Non, je vous defends de quitter ce jardin avant leur arrivee. ( II sort. ) D. GOMEZ. Etvoilacelui pourlequelmadame la marquise... SCENE VII. I). GOMEZ, MERTNOS, amenant tes JEUNES FILLES. CHOEUB. AIR du Sylphe. C'est pour danser, batons-nous d'.iccourir ! C'est un doux plaisir Dans ce bameau si rare , Et nous vcnons , au son de la gui tare , Danser, sauter, & 11 e . GOMEZ, s' appro chant. Mes chores soeurs ! TOBTES. Tieiis! c'est uu capucin! ( Etlcs veuient s'en alter. } D. GOMEZ, semettaut devant laporte. Reslez, jeunes filles, restez.. t car je viens vous sauver du plus affreux danger. USE JEUNE FILLE. Seigneur Merinos, vous nous avez attra- pees. MERINOS. G'est dans l'inte>t general, mes petitescolombes; vous vous attendieza danser au son de la guitare, vous aurez un petit sermon; laissez-vous faire, 93 ne sera pas long. D. GOMEZ. Non , car le temps est precieux... Approchez- vous , colombes da 1'Andalousie , et prelez-moi une oreille attentive. (II monte sur iebanc. } MERINOS. Attendez, mon reverend, que j'aille chercher Theresina... je suis bien aise qu'elle entende aussi la parole du ciel. ( li appelie. ) Theresina ! Theresina ! SCENE VIII. LBS MEMES, TH^RtSINA, portant une corbeitte de fruits. THERESINA. Me voila!... me voila!... Qu'est-ce qu'on va done faire? MERINOS. Un petit sermon, ma jolie cousine, un gentil pent sermon. THERESINA. Ca m'endort presque toujours les sermons. MERINOS. Asseyez-vous, mon adorable fiancee, et que la grace vous eclaire. THERESINA, a part. J'y vois assez clair pour m'apercevoir que mon pretendu n'est pas beau. ( EUe s'assied. ) D. GOMEZ. Mes trcs chers freres... MERINOS. Pardon, mon reverend, si je vous inlerromps, mais vous dites : Mes tres chers freres, et je suis lout seul... C'est une simple observation. D. GOMEZ. Elle est juste... Mon tres cher frere ( Merinos salue. ) et mes tres cheres soeurs... ( Les vittageoises font larev&rence. ) Satan, Belzebuth, Astaroth ettoutes lea legions infernales out quitte, encore une fois, leurl^n^breux sejour pour venir imprimer leurs griffes et exhaler leur souffle impur snr les enfans d'Adam!... Heureusement vos anges gardiens veillent sous la forme dc franciscains, domi- nicains, b^nediclins, bernardinsetcapucins. Oui,mon frere et mes soeurs, Tinstant est venu d'ouvrir les yeux !... Les demons dont je vous parle ce sont les Fran^ais... Femmes on filles, quandvos epoux, vos peres et vos freres combattent & 12 <3 pour la patrie, vous devez imiter un si noble exemple.., L'histoire sainte ost hi qui vous dicte votre devoir... Que d'Holophernes vous attendent!... Quelle occasion se pr^sente aujourd'hui! ... Tun des chefs dc ces Francais, le plus dan- gereux, peut-elre, vient d'arriveren ces lieux presque seul... vous pouvez le punir de sou audace... Le voulez-vous, filles ou feinmes? Ah! que celles d'entre vous qui voudraient ac- querir une gloire immortelle s'approchent; la pahne celeste leur est oiferle. Eh bien ! vous hesitez? Je ne demande point une Jeanne-d'Arc, je ne veux qu'une Judith... une simple Judith!... THERESINA, se isvant et s'avanpant. Eh bien!... personne ne se presente... me voila , moi ! MERINOS. Vous , Th&rsina ! D. GOMEZ. Ah ! j'en liens une! CHOEUR. AIB religieux (d Faust). Thor&ica, cetle jeune (5trangere, Elle Youdrait sedevouer pour nous!... Le juste ciel et 1'inspire et I'eclaire, El nous devons 1'adinirer a genoux. ( Etles se mettent a genoux autour d'etie. ) THERESINA. Eh bicii ! qu'est-ce qu'elles font done? D. GOMEZ, aux viilageoises. Relevcz-vous, et gardcz votre admiration pour I'instant oii sa bain te mission sera remplie., Mais i'ai qnelques explications ;'i lui donner. Jeunes filles. . . reiirez^vous. THERESINA. C'est ca, car je ne serais pas fachee de savoir de quoi il s'aj2;it. MERIITOS. Oh! Theresina!. .. je t'aimais bien, mais a present je te vunere. THERESINA. Mais ne louchcz done pas comme ca. an nom du ciel! D. GOMEZ, aux viilageoises. Tenez-vons a 1'entree du vil- lage ; puis , lorsque vous verrez arriver des officiers francais, ' venez in'averlir avec des cris d'allegresse. (Toutes tesjeunea {Hits sorlcnt en reprenantle ch&ur. ) SCENE IX. I). GOME/,, MERINOS, THERESINA. THEur.jiKA. Voyons, cxpliquez-moi bien ce que j'ai a faire. D. GOMEZ. II laut d'abord que le cicl rcroiro ton serment, jcnne fillc. THERESINA. Apres, apres! o. GOMEZ. Non, avant. (prenant son rosaire. ) Jure de suivre religieusement mes instructions. THERESINA. Je le jure! D. GOMEZ. Bien!... Tu ignores peut-etre, The*rsina, ce que c'eHait que Judith ? THERESINA. Je ne m'en doute seulement pas. D. GOMEZ. Judith 6tait une jeune personne de fort bonne famille, qui, pour sauver son pays envahi paries Strangers, ue craignit pas, un certain soir, de faire une toilette tres Elegante. THERESINA. Ca me va ! D. coMzz.Puis, accompagnee d'une servante de"vou6e, elle se rendit dans la tente... comme qui dirait la chambre a coucher d'Holopherne, le general des troupes ennemies. THERESINA, ingvnument. J'irai bien dans la chambre a cou- cher... Apres? MERINOS. Ah! oui, apres, voila 1'interessant. D. GOMEZ. Elle commencaparsemettre a table acot6delui. THERESINA. Tiens! c'est facile. D. GOMEZ. Elle but a sa sant6 des meilleurs vins. THERESINA. Ca me va encore... Elle fuma peut-6tre aussi sa cigarette! J'eu ai toujours sur moi. i). GOMEZ. Tout en causant ellefaisait boire Holopherne et le st^duisait parses minauderies. THERESINA. Ca me va toujours. D. GOMEZ. Eh bien! voila qui est convenu... Tu te rendras aupres du general francais... THURESINA. Bon ! (a Merinos. C'est genlil. ) MERINOS. Tres gentil. D. GOMEZ. AIR : Et f adore toutes les belles. [1 faudra tachcr d'etre aimalile ; Au mieux. il faudra le parer ; II faudra le servir a table ; .De soins il faudra 1'en tourer, Sans qu'il s'en doute 1'enivrer; Par les chants egayer la fe'te , Pour qu'il ne puisse t'ecbapper. MERINOS. Bref , il faut lui tourner la t&e , Et puis apres... la lui couper! & 14 I). GOMEZ. Et puis apres la lui couper! THERESINA. Ah! mon Dieu!... moil... D. GOMEZ. Toi-meme. THERESINA. Merci de la commission ! Vous pouvez en cher- cher une autre. ( Eiie veut s'en ailer. ) D. GOMEZ. Une aulre!... Et ton serment, jeune fille?... MERINOS. Oui, votre serment, jeune fille?... THERESINA. Tieiis ! Est-ce que je croyais que vous alliez me demander des choses comme celles-la, moi? AIR de I ' Acirice. J'ai cru qu'il ne fallait que plaire Pour desarmer un ennemi; Mais le poignarder sans colere Et pendant qu'il est endormi!... Je ne veux pas de ces conquetes; Dans notre Ameiique deji J'ai fait tourner beaucoup de teles... Mais je m'arrelais toujours la. D. GOMEZ. II n'est plus temps cle reculer ; le ciel a recu votre serment. MERINOS. Et votre fianc6 vous autorise a le tenir, Theresina. THERESINA. Mais enfin , a qui voulez-vous que je coupe la tele? D. GOMEZ. Au moderne Holopherne , au chef de ces Fran- cais qui va venir. MERINOS. Un homme horrible au physique comme au moral. THERESINA. Yraiment! D. GOMEZ. Satan en personnel THERESINA. Oh! ca fait trembler! voix en defiors. Vivent les Francais! D. GOMEZ. Silence! voici nos ennemis qui s'avancent! SCENE X. LES MEMES, d,6UX AIDES-DE-CAMP , quelqUCS OFFICIERS. CHOEtIR DE JEtlNES FILLES. AIR : Vivent, viyent les Francais! Ces vainqueurs de 1'Espagne ; Et que la victoire accorapagne En tous lieux leurs succes I 0> 15 < L'AIDE-DE-CAMP. Rassurez-vous , messieurs, tout le regi- ment des guides s'est r^pandu dans ces campagnes, et uotre chef nous sera bientdt rendu. Sans doute il s'est gar<^ dans les detours de cette for6t. D. GOMEZ. Je m'estime heureux, messieurs, de pouvoir vous annoncer que votre ge"ne"ral , le comte Arthur , est ici. MERINOS. Ici ! THERESINA. Arthur!... Holopherne est peut-etre son nom de famille. MERINOS. Comment! ce m6cr6ant 6tait dtjja dans ma mai- son ! el le feu du ciel ne 1'a pas devoree !. . Avec ca qu'elle n'est pas assuree. D. GOMEZ. Tenez, le voici Iui-m6me. SCENE XL LES MEMES, LE COMTE. THERESINA, surprise a sa vue. Ah!... LE COMTE. Veuillez me pardonner, messieurs, 1'inquieiude que je puis vous avoir caused... mais mou cheval est si em- porte... L'AIDE-DE-CAMP, 4>as , avec retenue. Et les filles de ce pays sont si jolies! LE COMTK, apart. Us me devinent toujours. MERINOS , has a Th,r6sina. Hein!.. a-t-il 1'air Holopherne! et quel regard!.. C'est lui qui louche joliment! THERESINA. Je ne trouve pas. ( a part.} Le plus souvent que je vais lui couper la tele a celui-la! SCENE XII. LES MEMES, DEUXIEME AIDE-DE-CAMP. 2e AIDE-DE-CAMP. General, ces d^peches arrivent de Paris. LE COMTE. Ah !ah !.. dounez... (11 se retire dans un coin du theatre pour les lire.) THERESINA , ie regardant a la d&robie. AIR: Oil done est, je vous prie, Tout ce qu'ils ont r6ve ? Get ceil plein de furie , Get air de reprouv^? Moi , cela me consterne ; Car ce grand general , Pour tre un Holopherne , N'est vraiment pas trop mal. C'est egal , (ter.) II n'est vraiment pas mal. LE COMTE, d part. Voila un ordre qui va bien surprendre I'arm^e. THEBESINA. Meme air. Je vois sur sa figure La douceur, la bonte ; Je trouve sa lournure Pleinede majeste. Bien loin d'etre bizarre , II plait par son mainlien ; Aliens , pour un barbare II est vraiment fort bien ! Je soulien (ler.) Qu'il est vraiment fort bien! LE COMTE, allant aux Espagnots. Quel est le maitre du chateau? MERINOS , satuant* C'est moi , monseigneur. LE COMTE. Nous acceptons 1'hospitalite que vous nous offrez si cordialenxent. MERINOS. Je ne lui ai rien offert du tout. LE COMTE. Avant de nous separer, messieurs, prenez con- naissance de cet ordre de 1'empereur. FINALE. D. GOMEZ, 'has a Therfaina. AIR de la Chaurniere moscovite. Oui , le ciel, daus sa justice, Veut que ce Franqais perisse. LE COMTE , tias aux Franfais. Que cet ordre s'accomplisse ! Ainsi 1'exige le service. D. GOMEZ. Et qu'en ce jour il ne puisse fichapper a son destin , Tel esl son destin. LE COMTE , fias aux militaires. Malgre ce trisle message , Montrez un riant visage. D. GOMEZ. Votre serment vous engage : Th^rdsina, du courage. S>17 <3 LE COMTB. Douler serait un outrage Pour noire grand souverain , Noire souverain. THERES1NA. Ah ! de grace!... 'ENSEMBLE. MERINOS, D. GOMEZ et ies fcmmcs a gauche da thtcttre. Mon enfant , point de faiblesse ! Volre serment ne vous laisse Aucun moyen de reculer ; Le ciel ne fait point de grace; II faul qu'on le salisfasse , 11 faul frapperou trembler! LE COMTE et ies miiitaires a droite du theatre. Quoique cet ordre nous blesse , Notre devoir ne nous laisse Aucun moyen de reculer. Quoi qu'il dise et quoi qu'il fasse , II faut que Ton satisfasse Celuiqui fait lout trembler! THERESINA. Ah ! de grace , de grace! ecoulez la raison! D. GOMEZ , MERINOS et Ies femmes. Non , non!... D. GOMEZ ^avec force. Comment, tu ne sens done rieu la, jeune fille? THERESINA. Oui... oui, inon re've'rend. Totites Ies fois que je regarde I'Holppherne j'eprouve xin je ne sais quoi... t>. GOMEZ. Bon... C'est la grace qui agit. MERINOS. 'Oui , c'est la grace. ^HEaEsiNA. Ah! vous croyez que c'esl la grace... C'est pos- sible ! D. GOMEZ, avecjoie d. Merinos. Nous le tenons, i'infame seducteur. THERESINA. Silence ! le voila qui se rapproche. D'ESPAGNOLS. Honneur ! ( ler.} a ce heros qui de la France Rappelle aux yeux de tous Et la noblesse el la vaillance! Que son regard ost iier et doux! Calmons nos alarmes! Parlout sans delour On lui rend Ies armes. Judith el Holopherne. O 18 LE COMTE, auxjeunes filtes. Ici, c'cst mon tour. CBCECR (.I'M'.RAI . Voyez , que de grace ! Que son ceil est doux! I! est & sa place Au milieu de nous! ( Le comte et ses aides-de-camp entrent au chateau; ies mUitaires et les femrnes sortent par le fond. Theresina reste sur le bane, toute pensive.} FIN DU PREMIER ACTE. Unechambregolhique, meubleea 1'espagnole; fenfire au fond avecbalcon donnant sur la campagne; portes lat^rales. SCENE PREMIERE. MERINOS , pariant a la cantonade, a gauche. C'est bien, ma bonne vieille, c'est bien... Le convert est mis; allezvous reposera present... II va croire que c'est pour lui faire honneur, 1'indigne Holopherne !... et c'est pour niieux endormir sa defiance... Tout est pret, tout... jusqu'au glaive vengeur qui doit dehvrer 1'Espagne et les maris espagnols des vexations de ce Francais!... The>6sina estenfm decidfie , et , par mon ordre , tandis que je mets ici servile- inent le convert de ce brigand, elleest allee revetir ses habits de fiancee, la robe d'innocence... toujours dans le dessein fallacious de 1'abuser , de I'endormir... Mais il tarde bien a paraitre. Que peut-il faire dans ma chambre?.. car je lui ai cede ma chambre, a ce scelerat... toujours dans le meme but! (It regarde par la serrure.) L'Holopherne se prornenc de long en large avec ses deux aides-de-eamp. Marche, marche! Jpuis de ton reste!... Le voila qui rit maintenant. Et de quoi rit-il?.. Je vous le demande?... De moi, peut-elre!... ou de touslesmarisespagnolsqu'il afaits... capucins!... Ris, ris, suppot de Belzebuth!... Rira bien qui rira le dernier!... SCENE II. MERINOS, D. GOMEZ. D. GOMEZ, iui frappant sur I'ipaule. Merinos J MERINOS. Hein!.. Voila deux fois que vous me i'aites la meme peur; c'est bete ! D. GOMEZ. Oiicst 1'ennemi conimun ? MERINOS. La. D. GOMEZ. Et There'sina ? MERINOS. Elle se pare de ses plus beaux atours. D. GOMEZ. Tu lui as bien recommand^ de ne rieii ^pargner pour ajouter a ses charm cs ? MERINOS. Est-ce qu'on a besoin dc recommander - superlative, car je serai la pour t'encourager... (a part. ) Et pour veiller sur elle. & 22 & THERESINA. Une secoude reflexion.. . Si par hasard, au mo- ment de... enfin, lorsqu'il sera endormi... MERINOS. Eh bien ? THERESINA. Si , a ce moment-la, il venait a s'e"veiller... qu'est-ce que je lui dirais moi, a 1'Holopherne? MERINOS. C'est juste... voila une circonstance a laquelle nous n'avions pas pense. Etablissous bien ca. Une supposi- tion; cet homme s'eveille... qu'est-ce qu'on lui dira? THERESINA. On nc pent pas lui dire : Pardon, monsieur, nous voulionsvous couper la tele. MERINOS. C'est juste!... on ne peut pas lui dire... nousvou- lions vous couper la lete. D. GOMEZ. Une i'emme, en pareil cas, a un moyen tout na- turel de sortir d'embarras. THERESINA. Moi qni suis fenime, je ne le connais pas, ce moyen. MERINOS. Et moi, qui ne le suis pas, je le connais encore bien moius. j>. GOMEZ. Vous u'aurez qu'a vous trouver mal. MERINOS. Oh ! c'est vrai, de bonnes attaques de nerf's. THERESINA. S'il ne s'agit que de faire semblant de se trou- ver mal, c'est facile... cela m'est deja arriv6 un jour que le seigneur MeVinos a voulu me grouder. MEHINOS. Voyez-vous, la petite rusee... et moi qui le croyais! Me'rinos que j'etais, va! D GOMEZ. II n'y a done plus d'obstacles? ^ THERUSINA, soupiraiit. Je n'cn vois plus. MERINOS. Theresina, je suis content... donne-moi ta main que je la baise. THERESINA. Non... vous louchez ioujours. MERINOS. Cette fois-ci, c'est par enthousiasme! n. GOMEZ. Silence, voici ce Fraucais. MKBINOS. Allons alien ilre que ses aides-de-camp soienl partis. ENSEMBLE. AIR de la Danseusc. 11 faut que la prudence leur Assure , -vengeance: Sortons , Faisons Silence! E r outons , Observons. ( Us sortcnt. ) SCENE IV. LE COMTE, LES AIDES-DE-CAMP. LE COMTE. Je ne saurais trop vous recommander de faire diligence, messieurs; 1'ordre de 1'empereurest positif, il i'aut que 1'arm^e retrograde sur tous les points j. se concentre aux environs de Madrid. PREMIER AIDE-DE-CAMP. Moi qui me promettais taut de plai- sir du sejour de Seville.. . LE COMTE. Oui... Ton dit que les femmes y sont aimfcbles et surtout fort jolies. DEBXIEME AIDE-DE-CAMP. Si elles ressemblcnt a Rosine, etsi leurs maris ressembleat 25 Q MERINOS. Par exempie ! LE COMTE. Et sans retard, M. le chatelain, car, a mon ap- petit naturel vient se joiudre le plaisir que me promet un si joli repas. MEBINOS, a part. II est arm jusqu'aux dents! le scelerat! LE COMTE. Eh bien! monsieur, m'avez-vous entendu? THERESINA. Mon cousin , vous savez, lout est pret dans le petit office. LE COMTE, changeant tes pistotets de place. Hatez-vous... je n'aime pas a attendre, je vous en avertis. MERINOS, en sortant. vexation ! SCENE VIII. THERESINA, LE COllTE. LE COMTE. Voici une bonne fortune sur laquelle je n'avais pas compte. THERESINA, a part. Jo n'aurai jamuis le courage de tenir mon serment. LE COMTE. Vous puraissez preoccupee... ces armes vous feraienl-elles peur?.. je puis. .. THERESINA, vivcment. Non, monseigneur, non, ne vous en separez pas. LE COMTE, a part. Que veut-elle dire ? SCENE IX. LES MEMES, MERINOS, apportant dcs plats. MEBINOS. Voici une olla podrida faile de main de maitre. LE COMTE. Debouchez nous cettebouteilleet versezaboire... a celte belle enfant d'abord! (Merinos verse d boire d Therdsina et rernptit le verre du conite jusqu'au bord.} LE COMTE, en riant. La!., la!., done; il me prend pour un tambour-major, apparemmeut. (// boit aprcs que Theresina a but} Voila un vin delicieuxl MERINOS, a part. Je suis enchante que Ui le trouves bon, scelerai d'Holopherne... je t'en verserai tant de rasades... (haul.} Encore, monseigneur. LE COMTE. Non... c'est mainlenant cette aimable enfant qu[ se chargera de ce soin... donnez-nous des assiettes. MERINOS. Des assiettes !.. Quelrole turpide pour un hidalgo- LE COMTE. Mainfenant. sortez!.. .Tiidith et Holnplicrnp. 4 MERINOS. Que je sorte ! LE COMTE. Je n'ai plus bcsoin de vous. MERINOS. Mais, monseigneur... LE COMTE , cfiangeant encore tes pistoleis de place. Eh ! monsieur, faut-il vous le r^peter? MERINOS. Non, monseigneur, c'est inutile... j'obeis. (has.) Je reviendrai quand il sera endormi... ferme!.. Emporlona le sabre, toujours. (II sort en emportantle sabre.) SCENE X. LE COMTE, THERESINA. LE COMTE. Expliquez-moi, ma belle enfant, pourquoi je vous vois revelue de ces habits de fiancee. THERESINA. C'est que cctte nuit je dois epouser le seigneur Merinos, mon parent. LE COMTE, surpris. Le maitre du chateau ?... Vous Taimez doncr. .. THERESINA , avec meiancotic el mepris. Est-ce que c'est possible ? LE COMTE. Alors, pourquoi IVpousez-vous?.. vous ferait-on violence?... si je lesavais... THERESINA, a part. II vent me prole'ger encore!., s'il savait pourquoi je suis ici. LE COMTE. Que dites-vous? THERESINA. Buvez done, monseigneur. LE COMTE. Volontiers. THERESINA, apart. J'ai jure" dc le faire boire. (haul.) On dit que les Francois aiment beaucoup noire vin d'Espagne. LE COMTE. Co n'est pas, dans ce pays, ce que nous aimons lemieux, signorita.. . surtout, quand les Espagnoles vous res- semblent. (It lid baise la main.} THERESISA, apart. Tuez done un homme comme ca! (pre- nant ia i/outeitle par distraction. ) Encore, monseigneur. LE COMTE, surpris. Aurait-on desprojets sur maraison ?. . Get empresscment a me faire boire... (en riant.) Heureusement j'ai la tete forte... Buvez done avec moi, signorita. THERESINA. Je ne demande pasmieux, monseigneur. (apart.) Judith buvait avec rfcolopherne. LE COMTE, a part. Elle parait inquiete et ses yeux cons- tamment fixes sur cette porte... l^iaut.) Vious semblez toute reveuse, mon enfant. THERLSISA. Moi, au contraire, jt: suis gaie, Ires gaie. . Ehbien ! pouv me le prouver, chanlez-moi unc do, vos chansons natiouales, un bolero avec accompagnement des castagnettes; j'en apercois justement sur ce meable; en Espagne, on voit partout des castagnetles on vineguitare; allons, ma belle enfant, je vous 6coute. TnEREsiyi,apart. J'ai jure" de chanter el meme de danger; je puis bien encore tenir ce serment-la;d'ailleurs, le bruit des castagnettes I'emp6chera des'endormir. ..(haut.) C'estleren- dez-vous du muletier. tE COMTE. En effet, c'est un person nage ^minemment na- tional. THERESINA. Mais avant decommencer, encore un peu dece vin deXeres. F,E COMTE. Je n'ai jamais rien refuse a une jolie femme. (dpart.)I}cid&menl elle a des projets; mais oil veut-elle en venir? Faisons semblantde cckler au sommeil. Allons, mon enfant, je vous attends. THERESINA. M'y voila, monseigneur ! (d part.) je vais faire autant de bruit que je pourrai. PREMIER COUPLET. A i R de Brugu iere , Des que la nuit viendra, Ah! ah! ah! ah! Je serai la! De ma guitare Le son t'appellera. Ah! ah! ah! ah! Oui , ma Zulnare, Des que !a nuit viendra, Ah! ah.' ah! ah! Je serai la. La hrune fille Repond gaiment a qa : Sous ma inantil.'e, Des que la nuit viendra , Ah! ah! ah! ah! Je serai la. PEUXHSME COUPLET. Mais le jour brille , II faut se fuir deja! Ah! ah! ah! ah! Oh! dilla fille, Quand la nuit reviendra, Ah! ah! ah! ah! Je serai la. Zulnare a 1'heure Toute seule arriva , Appellc , pleure , Etsedil: QuoiJde'ja? Ah !ah! ah! ah!' II n'est plus la. ( Thdrdsina danse , mais elte s'arrtte tout a coup , e/i voyant que ie comte s'est endormi, ie bras appuye sur ses pistolcls. ) THERESINA. J'ai bien rcussi avec mon bolero... le malheu- reux! IE COMTE, a part. Elle semble me plaindre. TH.ERESINA. On dirait qn'il a park 1 ... II rfive, sans doute; oui, il rfive... a sa patrie!.. a sa mere!.. peut-fitre a sa mai- ! resse !. . LE COMTE, riant, a part. TheYesina ! THEREsmA. II me semble qn'il a pronouce mon nom. (Etle s'approche dc, lui pour ecouter et se penche ; ie comle la 'baise sur ie cou.} Ab ! il reve qn'il m'embrasse... et dans UH moment. ..Si je I'eveillais... si je Ini disais de fuir?..Dni, oui, c.'cst mon ccenr lui-meme qui m'inspire. .. ilfaut... SCENE XL LES MEMES, MERIN0S, portant le sac. MERINOS, deiaporte. Theresina! THERESINA, poussant un cri. Ah ! MERINOS. Dort-il, 1'odieux Holopherne? THERESINA, vivemcnt. Non... non... il ne dortpas... ?^'est- ce pas, monseigncur, que vous ne dormez pas? LE COMTE, a part. Q)ue signifie?,.. MERINOS, passant prts du comte. II dort comme un de- cede qu'ilest deja, le r^prouv 33 6 LE COOTS, riant. Oui, si voas 6tes sages. Nous par'frons su point du jour, messieurs. THERESINA. Quo! I mon.seignr.ur, vous allez partir !.. deja! LE COMTE. Vous etes orpheline , Ther6sina ? THERESINA. Et je ne suis pas Espagnole. LE COMTK. Rien ne vous attache done ici ? MERINOS, s'avanfant. Ah! si fait , mon seigneur. THERESINA. Absolumcnt rien. MERINOS. The>esina, vous m'affectez! LE COMTE. Le caractere vindicatif des Espagnols m cst trop connu pour que je vous abandonne a leur ressentiment. Je vous emmenc avec moi en France. THEKESINA, tombant d genoux. Ah! monseignri: ... mon - seigneur!.. CBOGVR. Meme chceur qu'aujinal du premier acte . Honneur (bis.} a ce heros qui de la France, etc. THERESINA , (IU public. AIR sous ce chaume que tu meprises . De Judith, moi, je ne puis croire Le recit vraiment trop aff rein . Et je crains bien que cetle hisioire Ne soil un conic fabuleux. Comment attendre d'une femme Un trait pareil de cruaut6?... La nature au fond de noire ame A place trop d'liumanito. CHOEOR. Unneur(u.) a ce heroi, etc. FIN. PIECES NOUVELLES , CHEZ BARBA LE FILS DU PRINCE , opera en 2 actes , de M. Scribe , mu- sique de M. de Feltre. LA MARCHESA, drame en trois actes. UN NOVICIAT DIPLOMATIQUE, en un acte. TOUT CHEMIN MENE A ROME. UN ANTECEDENT. LE MARI, LA FEMME ET LE VOLEUR. LA NAPPE ET LE TORCHON, drame en trois actes. UNE FILLE A ETABLIR, vaudeville en deux actes. TROIS ANS APRES, drame en quatre actes. LE FILS ADOPTIF, vaudeville en un acte. UN PREMIER AMOUR, comedie-vaudeville en t rois actes. CARAVAGE, 1699 , drame en cinq actes. MAL CONTENS de 1679, drame en cinq actes. L'IDEE DU MARI, vaudeville en un acte. LA FRANCE DRAMATIQUE, collection de pieces d 3o cent. II y en a Zjo en vente. THEATRE PARISIEN, choix de pieces nouvelles d 20 e*3o c. LA LECTRICE, ou UNE FOLIE DE JEUNE HOMME, COMEDIE-VAUDEYILLE EN DEUX ACTES, Jlar 4W. Picpve'sente'e pour la premiere fois, a Paris, sur le theatre du Gymnase Dramatique , le 16 Septembre i834- PRIX : 2 fr. PARIS, MARCHANT, BOULEVART SAINT-MARTIN, N" 12 j BARBA, L1BRA1RE, PALAIS-ROYAL. i834. PERSONNAGES. ACTEURS. LE CAPITAINE SIR COBRIDGE , Vieillard aveugle M. FERVILLE. CLACTOWN , son Neveu M. SYLVESTRE. SIR ARTHUR , jeune Officier M. PAUL. EDGAR , son Ami M. RHOZEVIL. TONY, Domestique de lady Gerald M. BORDIER. LADY GERALD , Tante d'Arthur M me JULIENNE. CAROLINE M- ALLAN-DES- PREAUX. JEUNES GENS , Amis d'Arthur. DoMESTIQUES. Ln scene se passe en Ecosse : au premier acle , cfiez Itiffy Gerald ; au deuxieme acte , chez sir Cobridge. S'adresser , pour la Musique de cette piece et de toutes celles qui compo- sent le repertoire du Gymnase Dramalique , a M. HEISSER, Bibliotlie'cairc et Copste, au Theatre; ou a M. FBRTILLB , Correspondant des Spectacles, rue Poissonniere , N 33. Inijirimerie Ae PliOSPFn DONDEY-DUPRE rue St. -Louis , > ^6, nu Marais. LA LECTRIGE, UNE FOLIE DE JEUNE HOMME, COMEDIE-VAUDEVILLE EN DEUX ACTES. Lc thtalre repre'sente un salon de la vnaison de lady Gerald. Porte an fond et portes late'rales. Une vue d'Ecosse dans le fond qui reste ouveit. Sur le devant du theatre, a gauche de 1'acteur , une table ct tout ce qui est necessairc pour e'crire. SCENE PREMIERE. ARTHUR, EDGAR, PLUSIEURS JEUNES GENS, sortant de table* . ( Us entrent en scene par la porte laterale a gauche de 1'acteur.) EDGAR. Bravo , inon cher Arthur , le dejeuner etait excellent. ARTHUR. C'est vrai ; et le Porto de ma tante est delicieux... Nous voila bien lestes pour la cliasse. .. par saint Dunstan, elle sera bonne , je vous le jure. EDGAR. Comme hier, mon pauvre Arthur. (lls se mettent a rire.) ARTHUR. Oh ! hier , c'etait different!... je connaissais a peine ce diable de pays... arrive ces jours-ci chez milady Gerald, une tante qui me tourmentait depuis long-teim pour que je vinsse jouir d'un conge dans les montagnes de 1'Ecosse , il faut d'abord que j'etudie le terrain ; et c'est ce que j'aurais du faire , avant de vous prior , vous jeunes et riches habitans de la ville voisine , * Les actcurs sout places an commencement cie chaque scene comme ils doivcnl 1'etre sur le the'atre. Le premier inscrit tient toujours, en scene, la gauche du spectateur, et ainsi de suite. Les changemens de position dans le rourant des scenes sont indique's par des notes place'es au has des pages. ( 4 ; de venir chasser avec moi... Mais qu'importe?... je ue regrette pas de vous avoir invites trop tot... nous avons battu le pays ensemble ; et si nous n'avons rien tue , nous avons eu du moins le tems et le plaisir de nous connaitre... car maintenant , entre nous ?, c'est a la vie et a la mort , n'est-ce pas ? ( 11 leur lend la main.) EDGAR. Assurement. ARTHUR. Oh ! vous riez ! ma franchise et ma gaite vous etonnent , habitues que vous etes a 1'air sombre et reflechi des officiers anglais .. vous ne comprenez pas que moi, lieutenant au ser- vice du-roi d'Angleterre , je deroge aux habitudes de mes ca- marades... c'est que, voyez-vous, je ne suis Anglais que par le grade et I'uniforme. AlR : Amis ) void la riante sfmaine. Mon pere etail un soldat de I'Ecosse, Qui prit pour femme une Fran^aisi;; el moi Je vis le jour ncuf mois apres la noce, En pleine mer , sur un vaisscau du roi. Ainsi je vais , joyeux cosmopolite;, Saris trop savoir a ijuels lieux |'appartie:i... J'ai mcs amis ou \c plaisir m'invitu , Kt ma patrie oil je me trouve bien. EDGAR. Ce sera dans nos montagnes, sir Arthur. ARTHUR. Bien volontiers... et d'abord , heritier presomptif de ma tante , qui me fera attendre sa succession et ses litres , long- terns encore, si Dieu m'ecoute... je suis tout naturellement du pays de mes esperances et de mes proprietes... et vous me verrez souvent. J'aime ce chateau, ces superbesdomaines. .. depuis que j'y suis arrive, je u'ai pas eu un moment d'ennui... Si fait, pourtant... ce matin, en me reveillant. EDGAR. Pas possible... vous qui riez toujours. TOUS. Qu'est-ce done ? ARTHUR Ah ! voila... des reflexions philosophiques sur le personnel du chateau... la race humaine y est dignement representee, je ne dis pas... d'un cote du notre... nous sommes fort bien en general ; mais de 1'autre cote... TOl S , riant. Ah! ah! ah! ali.' ( 5 ) EDGAR. Voila les reflexions philosophiques. ARTHUR. Que voulez-vous?... j'aime a voir la nature en beau, moi... nia tante n'est pas inal... pour une tante... certainement , je la respecte trop pour dire le contraire. D'ailleurs , la vieillesse, c'est sacre !... (Avec colere.} Mais toutes ces vieilles figures qui sont autour d'elle... c'est iridigne!... c'est afFreux!... cinquante ans au inoins ! . . . pas uii seul petit minois chiffonne ! liein! quelle population ! Mais laissons cela ; que d'autres plaisirs nous consolent.. . et partons pour la chasse. TOUS. Partons pour la chasse. ARTHUR. Je regrette de ne pas avoir avec nous notre voisin... le jeune Clactown, le plus intrepide cliasseur du pays. EDGAR. Qui?... ce petit fashionable de village, que nous avons in- vite?... Au fait, il parait connaitre vos proprietes niieux que vous-meme. ARTHUR. Je crois bien... ma tante lui abandonne ses terres a de- peupler... et comme vous avez pu en iueer , il ne s'en acquitte 17 l !( pas nial... c est un gai compagnon , du reste... je vais lui taire dire denous rejoindre au bois de Saint-Andre. ( Voyant Tony (fui entre par la porte laterale a druile.} Voici ce qu'il me faut pour fa. SCENE II. TONY , ARTHUR , EDGAR , JECNES GENS. TONY, a la cantonnade. Bieu , milady... dans une petite heure ! . . . ( Arthur le prend au collet. ) Ah! nion Dieu ! ARTHUR. Ecoute un peu , Tony. TONY. Yotre Seigneurie est d'une gaite... j'ai cru qu'elle m'etran- glait. ARTHUR . Tu connais sir Clactown , qui demeure a deux inilles d'ici ? TOIVY. Le neveu de 1'aveugle ? ARTHUR. Bah ! son oncle est aveugle ? ( 6 ) TONY. Oui, milord... uu ancien capitaine de vaisseau qui a perdu la vue apres la bataille de Navarin , ou il fut laisse pour mort. . . il habitait 1'Angleterre ; mais il est venu dans ce pays , pres de son neveu , il y a bientot un an. EDGAR. All ! le capitaine Cobridge , qui fait , dit-on , beaucoup de bien dans le canton. TONY. Lui-meme ! . . . mais un veritable ours... toujours triste, tou- jours farouche... II est enferme chez lui, comine dans un cha- teau fort, ou personne n'estadmis... et madame, qui 1'a invite plusieurs fois , n'a jamais pu le decider a venir chez elle. ARTHUR. Je comprendrais ca s'il voyait clair... mais j'irai lui faire vi- site, moi... j'aime les vieux marins , les vieux soldats... II n'a pas une fille... une niece aupres de lui ? TONY. II n'a que son neveu, qui ne le quitte jamais... le capitaine exige qu'il soit toujours la , pour lui faire la lecture , ou pour ecouter le recit de ses voyages sur mer. ARTHUR. Eh bien ! il lui donnera conge pour aujourd'hui Tu vas m outer a cheval. TONY. Moi , milord ? ARTHUR. Tais-toi... Tu vas te rendre a la residence du capitaine, TONY. Mais... ARTHUR. Te tairas-tu !... Pour dire a son neveu... TONY. Mais c'est impossible. ARTHUR. Hein?... TONY. Sans doute... puisque madame m'envoie a la ville voisine, ARTHUR. Paresseux... ce n'est pas vrai. TO\Y , lui montrant deux lettres. Tenez , voyez plutot... je vais porter ces deux lettres... 1'une a 1'homme d'affaires, pour ce grand proces, qui va peut-etre nous faire partir tous pour Edimbourg ; et 1'autre... ARTHUR, laprenant. C'est juste... {Lisant Fadresse). Miss Caroline \olsey... Caro- line... a la bonne heure... voila un joli nom , pourune jeuna fille ( regardant Tony et avcc anxiete) , car... elle est... jeune... Iiein ! au-dessous de quarante ans ? TONY. Dam ! j'ai entendu dire a lady Gerald, votre tante , que c'e- tait une jeune fille bien jolie. ARTHUR. Bah !... et elle habite ce pays-ci !... et ma tante la connait? et nous ne la voyons pas ? TONY. Arrivee de France depuis peu , elle a ecrit a milady ; et mi- lady lui mande de venir. ARTHUR. De venir. .. ici ?... et vite, mon garcon, pars...creve ton che- val, s'il le faut. TONY. Mais, monsieur... ARTHUR, le poussant dehors. Ya done, depeche-toi. . . Dis lui qu'on 1'attend... ramene-la, ou je te fais cliasser par ta maitresse... (Tony sort par le fond.) Jeune et jolie!... Parbleu, je serai enchante de la voir... ne fut-ce que pour la rarete du fait. SCENE III. EDGAR , ARTHUR , LES JEUNES GENS. EDGAR. Eli ! mais , sir Arthur , voila un petit incident qui va egayer vos reflexions philosophiques. ARTHUR. Oh! ce n'est rien... Partons-nous , messieurs?... nos fu- sils... (A part.) Caroline!... EDGAR. Ce nom-la vous tient au creur. ARTHUR . GUI , c'est vrai , je 1'avoue... il y a quelques noms comme ca. AIR de Tnrenne- Anna, Jenny, Camille, Caroline, Tous ces noms-la sont pour moi des plaisiis. C'csl singulier. . EDGAR. Mais non ; car j'imaginc Cr sont pour vous autant de souvenirs. ( 8 ) ARTHUR. Eh ! oui, vraiment , j'aimc les souvenirs. Quand chaque nom qui frappe ma memoire , Me rappefle , dans mes amours, Quelque nataille... EDGAK. F.t ce n'est pas toujours Le souvenir d'une victoire. ARTHUR. Vous croyez ?... en effet, quelquefois... ettenez... ilya un de ces noms... je ne vous dirai pas lequel... qui m'a rappele une defaite. EDGAR. Une jeune fille... ARTHUR. Non , celle-la etait mariee... c'etait en "Angleterre... il y a un an,., dans une ville de garnison , ou je m'ennuyais fort, comme ce matin... lorsque je rencontrai chez un riche nego- ciant une jeune femme, dont 1'air languissant m'inspira d'abord un interet... (Edgars.-; detuurne en souriant}. IV on, vrai, un interet veritable... de grands yeux bleus... une figure ravis- sante... J'appris qu'elle avait pour mari 1'homme le plus ja- loux des Trois-Royaunies... cela ne m'empecha pas de la re- voir... au contraire; et meme plusieurs fois. ... je lui parlai avec un air de compassion qui parut la toucher... enfin je lui dis que je 1'aimais... EDGAR. Allons done... vous etes bien lent a en venir la... Elle vous repondit. . . ARTHUR. Rien... mais ses grands yeux, pieins de larmes, me don- naient du courage... j'insistai... je demandai un rendez-vous... elle me le refusa, ce qui ne fit qu'irriter mon amour !... D'ail- leurs , un refus , ca ne prouve rien... aussi , la veille de notre depart, je me decidai a brusquer les adieux.. . son mari etait absent... (Lady Gerald entre par la porte lateralc a droite , et descend tentcment la scene ). Je me glissai dans le jardin de la maison... et a 1'aide d'une echelle de jardinier. SCENE IV. LES MEMES , LADY GERALD. LADY GERALD , sans etre aper$ue * . Tu entras par la fenetre. * Edgar, Arthur, lady Gerald, jeunes gens. (9 ) ARTHUR. Ah ! ma tante. EDGAR. Madame ! LADY GERALD. N'est-ce pas ainsi que cela commence toujours? ARTHUR. Et que cela finit souvent...mais il faut que la fenetre s'ouvre d'abord. LADY GERALD. Elle ne s'ouvrit pas ? ARTHUR. Et pourtant je frappai si tendrement. . . Ce bruit leger , qui veut dire : c'est moi... vous savez, ma tante ? LADY GERALD. Mais pas du tout... je ne sais pas. ARTHUR. All! pardon... II faisait petit jour; Pheure du depart ap- prochait... et je fus oblige de descendre de 1'echelle avec une onglee de dix-sept degres. EDGAR. Ah ! ah ! pauvre garcon ! LADY GERALD. Et tu ne craignais pas d'outrager une femiue honorable , peut-etre ! EDGAR , a Arthur. Ah ! le sermon. LADY GERALD. Car, vous voila , messieurs... audacieux , impertinens vous ne pensez pas seulement qu'a la fin de ces tentatives il y a trop souvent, pour celles qui en sont 1'objet , des larmes... du desespoir ! ARTHUR. Cela finit plus gaiment , ma tante. LADY GERALD. Une existence entiere compromise. ARTHUR. Jamais... par moi, du moins !... je n'ai pas sur la conscience une seule fautc... une seule I LADY GERALD. L'honneur d'une femme... ARTHUR. C'est e'gal... je reponds de moi. AiR du Pie'gt:. Jamais remords n'est entre dans tnon coeur , Toujours disrret, toujours tendre et fulele, De la beaute je (erais le malheur , Moi ! qui voudrais mourir pour elle! Non... bien souvent les femtnes m'ont beni , Et si du moins... 6 momens pleins de charmes '. Elles pleuraient... c'est que parfois aussi Le bonbeur fait couler des lurme.s. LADY GERALD. Fou que tu es ! ARTHUR. D'ailleurs, jesuis prudent. LADY GERALD. Tu veux dire : honnete. ARTHUR. Parbleu !... et vous auriez ici une belle personne que j'ai- inerais... que j'ador erais... eh bien! vous auriez beau veiller , epier.. . vous ne vous en douteriez meme pas. LADY GERALD. Comment !... mais il me fait peur. EDGAR. O ciel ! descris... (II regarde par la fenetre dufond.} Une voi- ture qui va verser ! .. . (II sort ; les jeunes gens sortent avec lui. ) ARTHUR. Ah ! mon Dieu !... c'est peut-etre Caroline. LADY GERALD. Caroline !... comment sais-tu ? ARTHUR. Oui , ma tante, oui... une jeune fille que vous attendez... (Mouvement de lady Gerald. ) Courons au secours... ( Arthur et lady Gerald vont sortir au moment oil Claclown parait et les arrete.) SCENE V. ARTHUR, CLACTOWN, LADY GERALD. CLACTOWN , en habit de chasse. Ne vous derangez pas... il n'y a pas de danger. LADY GERALD. Monsieur Clactown. ARTHUR. Notre jeune voisin. LADY GERALD. Mais cetlc voiture... ( 11 ) CLACTOWN. Ce n'est rien , vous dis-je , c'est mon oncle. LADY GERALD. Monsieur Cobridge! CLACTOWN. Un petit accident , dont je suis un peu la cause. ARTHUR. Comment cela? LADY GERALD. Mais d'abord des secours. CLACTOWN. Du tout... il n'y a pas de mal figurez-vous.- . c'est une histoire... mon ohcle le capitaine tient toujours a ce que je sois la. . . pres de lui , pour lui faire la lecture , et pour ecouter ses batailles... ce qui m'amuse a me demonter la machoire... II me fait lire Shakespeare, et Milton , un autre aveugle comine lui... hein ! quelle societe !... c'est gentil !... pour moi surtoul, qui ai des yeux superbes... et puis il ne veut recevoir per- sonne ; il ne sort jamais , il se fache toujours... enfm , c'est le vieillard le plus... ce qui ne m'empeche pas d'avoir pour lui les egards qu'on doit a un oncle qu'on aime et dont on herite. ARTHUR , partant d'un eclat de rire. All ! ah ! ah ! vous etes son heritier? CLACTOWN. Seul et unique.... c'est une autre histoire ca on le croyait marie dans quelque lie deserte , et meme pere d'un nombre prodigieux d'enfans... parce que les marins... eh bien ! pas du tout... un jour , il tombe chez nous comme une bombe... je ne le connaissais pas, je ne 1'avais jamais vu. Je suis seul au monde , nous dit-il, je viens mourir pres de vous... je vous laisserai ma fortune, car je suis riche. Yous concevez qu'un parent qui vous parle comme ca. .. LADY GERALD. Mais enfm , monsieur , ce qui vient de lui arriver !... CLACTOWN. Ah! oui , 1'aulre histoire... m'y voici. Depuis quelque terns il ne veut plus que je le quitte... et je me resignais, lorsqu'hier M. Arthur m'a invite a une partie de chasse et a un bon diner... moi, j'adore la chasse , ct je ne hais pas les bons diners Cependant , le nioyen de quitter mon oncle, ou de 1'ainener ici... Ma foi , tant pis... j'ai une idee... je lui propose une promenade, il accepte : nous montons dans le char-a-bancs , il ordonne de prendre a droite : bien! je laisse faire... Mais, arrives au bois de Saint-Andre, je fais tourner a gauche , sans qu'il s'en apercoive , et nous filons jusqu'a votre chateau , par ( 12 ) la traverse. Par mallieur , plus nous approchions , plus les chemins etaient affreux ; si bien , qu'en vue de votre pigeon- nier , v'lan ! . . . notre imbecille de cocher nous verse sur des foins qui embaumaient. ARTHUR. Sans vous blesser ? CLACTOWN. Ah! c'est une autre histoire : j'ai uue bosse au front. LADY GERALD. Mais votre oncle?... CLACTOWN. Rien, il est tombe sur moi. AIR: De soinmeiller encor , ma cliere. Moi , je m'elalais sans colere. Les pieds en I'air , la tele en has ; Mais sans pen^er que Bellsaire Allait me tomber sur les bras. Oh ! la bagarre elait complete, l.t ce qui le plus m'amusait... C'est moi qui me cassais la Idle, Et c'est mon oncle qui criait. Et il crie encore apresles ouvriers... il jure, il s'emporte, parce qu'ils ne peuvent pas raccommoder la voiture a 1'instant ineme : j'y ai mis bon ordre. LADY GERALD. Et il reste ainsi dehors? CLACTOWN. Impossible de le faire entrer avec moi... aussi, je voulais vous prier de le faire inviter. ARTHUR. Mais tout de suite Venez-vous? LADY GERALD. Sans doute. Allez ; dites-lui que je 1'attends... et, s'il le fam, moi-meme... CLACTOIVN. Certainement , il rcstera. (Arthur et Clactown soilcnt par le fond. Au mo- ment ou lady Gerald va les suivre , Tony cnlrc par la porlc laterale a gauche de I'acteur.) SCENE VI. LADV GEUALD, TONY, ensulte CAROLINE. TO^Y. Milady... LADY GERALD. Ah ! c'est toi ? ( 13 ) TONY. J'ai remis vos lettres ; votre homme d'affaires doit venir ce soir : il faut que vous partiez cette nuit pour Edimbourg , ou votre grand proces doit se juger , apres-demain jeudi. LADY GERALD. Ah ! inon Dieu !.. si tot ! TONY. Quant a la jeune personne... LADY GERALD. Eh bien! TONY. Elle a voulu partir sur-le-champ. .. elle est ici. LADY GERALD. Icil dis-tu? Ah ! j'en suis presque fachee..... a present que mon neveu... TONY. La voila. (Caroline entre par la porte latc'rale a gauche. Avec plaisir , mon capitaine. SIR COBRIDGE. Votre age ? ARTHUR. Vingt-quatre ans. SIR COBRIDGE. Vingt-quatre ans et une epee ! que d'avenir ! que d espe- rances ! AIR d'Aristtppe. Lorsque parfois un jcune camarade Vient , conime vous , pour me serrer la main , En souvenir, je descends a son grade, Je rajeunis... pour moi plus de chagrin... Mon sang bouillonne et mon coeur bat soudain. Mes yeux e'teints mouille's de douces larmes Sont rallumes par un plaisir nouveau ; Car il me sernhle encore , au bruit des armes , Que je revois passer mon vicux drapean. Oh I alors j'ai bien des malheurs de moins. CLACTOWN. Des malheurs! mais je vous demande un peu ce qui vous manque?... Vous etes tranquille... vous etes riche vous avez un neveu qui ne vous donne que de la satisfaction-. c'est votre enfant. IM T.ectrirc. 2 ( 18 ) SIR COBRIDGE. Tais-toi. CLACTOWJV. Volrc famille. SIR GOBRIOGE. Tais- toi. LADY GERALD , s'approchant de Cobridge. Allons , capitaine , je suis bien aise qu' Arthur vous con- vienne vous resterez au moins pour lui. SIR COBRIDGE. Certainement , milady- . il est en conge? ARTHUR. Pour un mois encore... apres cela , il faudra rejoindre moii regiment. SIR COBRIDGE. \ otre regiment lequel ? ARTHUR . Troisieme dragons. SIR COBRIDGE. Troisieme dragons! ARTHUR . Le plus beau et le plus brave de 1'armee ! SIR COBRIDGE, se levant rwemenl . Un regiment de laches et de miserables. ARTHUR. Qu'entends-je ! xous. Ciel! CLACTOW1V. Mon oncle ! SIR COBRIDGE , hors de lui. Oui , de laches et de miserables... je 1'ai dit , je le repete. ARTHUR. Capitaine , capitaine!... vous oubliez que ce regiment est le mien. SIR COBRIDGE. Tant pis pour vous... je ue vous connais pas... et si vous etes un de ces infames qui se font un jeu de 1'honneur... ARTHUR , I'arretant. Jamais... et si tout autre que vous me tenait un pareil Ian- gage, je sais qucl serait mon devoir... etil n'y a pas un de mes camarades. .. SIR COBRIDGE. Ah! puissent-ils m'entendre tons... et vcnir, jusqu'au der- ( 19 ) nier , affronter la colere d'un vieillard qui les meprise , qui les defie. ARTHUR. Monsieur! apprencz que tous les officiers de inon regiment out droit au respect de leur pays'... ils se sont montres braves a 1'etranger et bons citoyens en Angleterre. SIR COBRIDGE. Tous! ARTHUR. Demandez a toutes les villes qu'ils ont occupees... a Derby, a Worcester, a Lincoln, a Warwick. SIR COBRIDGE , d'une voix tonnante. Lincoln ! ( Mouvement d'effroi.) CLACTOWN. Mon oncle ! TOUS. Capitaine ! . . . SIR COBRIDGE , d'une roix etouffee el se laissant tomber dans son fauteuil. Lincoln ! ( 11 se cache la tete dans ses mains.) CLACTOWN, a Edgar. C'est qu'il n'est pas commode, le vieux. ( Moment d silence, pendant lequel les jcunes gens qui cniourent Arthur clierchcnt a le calmer.) LADY GERALD. Eh bien! messieurs, il est tard vous oubliez votre par- lie de cbasse. CLACTOWN. Milady a raison... Allons courre le daim, cela vaudra mieux que de se facher ainsi... ARTHUR. Sans doute; car, en verite, c'est d'une folie!... (S'appro- cliant du c.apitalne et lui preiwnt la main. ) N'est-il pas vrai , ca pitaine , que vous ne pensiez pas ce que vous disiez la , tout a 1'lieure? Yous ne vouliez pas m'offenser. .. moi , cosur franc et pur, qui n'ai rien a me reprocber. SIR COBRIDGE , reocnu a lui et avec calme. Non, jeune bomme, nivous,ni aucun de vos amis, sans doute... mais il y a des lieux, des nonis qui vont au fond du cceur remuer tant de liaine. . adieu... adieu... ARTHUR. Acesoir, capitaine... (Apart,] Quelle folie! un vieillard! ( 20 ) sin coimiDGE. Clactown. . . Clactown. CLACTOWN. Mon oncle ! SIR COBRIDGE. Vois si notre voiture est prete. .. partons. CLACTOWN. Comment partir?... All ca, et la chassc avec ces messieurs? j'y vais... vous me 1'avez permis. SIR COBRIDGE. Clactown ! CLACTOWN. Si fait... Que diable! me couper mes plaisirs comme ca... c'est de 1'esclavage, c'est de la servitude ! LADY GERALD , a sir Cobridge. Calmez-vous ; je reste ici , pres de vous , jusqu'au retour de nos chasseurs, ARTHUR. Et nous ne nous ferons pas attendre long-terns... (Seul et a part sur le deoant de la scene.'} Je ne sais. .. je n'ai plus envie de courir la campagne... Ah! voyons un pen... (Haul.) Retrou- vons notre gaite, en attendant que notre hote nous fasse rai- son... a table. TONY, entrant. Tout est pret , milord. ARTHUR. Bien... (Le prenant a part.} Et dis-moi , cette jeune fille aux yeux bleus... tu 1'as vue... tu lui as remis la lettre!... Ou est-elle? arrive-t-elle bientot? LADY GERALD, c/ui I'a ec.oute. Cela ne te regarde pas. (Embar'ras d'ArtJi ur.} D'ailleurs , je t'annonce que cette nuit nous partons pour Edimbourg. ARTHUR. Comment? LADY GERALD. Mais je tc ramene bientot a ces messieurs. CLACTOWN, ARTHUR, EDGAR, JEUNES GENS. Alii du Diplornate. ( CHO5UR DES CHASSEURS.) Oui, partons pour la chasse , Chcrchons ilans Ics bois De nouveaux exploits... Chaquc moment qui passe Ecnappe au plaisir , Tl faut le saisir. ( Us sortent tons.) ( 21 ) SCENE VIII. SIR COBRIDGE, LADY GERALD. SIR COBRIDGE, assis. 11s ne me retrouveront pas ici... mais Clactown qui s'en va , qui me laisse. LADY GERALD. Non pas seul du inoins. SIR COBRIDGE , sc levant. Ah ! milady , pardon mille fois d'une scene facheuse, LADY GERALD. Que nous avons tous oubliee, sir Cobridge... II y a la , sans doute, un secret qu'il faut respecter... et dont je ne vous de- manderai pas compte. SIR COBRIDGE , lui servant la main. Merci , madame. LADY GERALD. Mais je vous demande grace pour votre neveu , qui trouve si rarement un moment de plaisir. SIR COBRIDGE. Oui... , encore un a qui je suis a charge..., qui se plaint de moi , qui me maudit tout has. LADY GERALD. All! quelle pensee! SIR COBRIDGE. Eh ! milady , quel sentiment peut 1'attacher a moi , tou- jours sombre, tou jours grondeur? parce que je porte la un poids qui m'etouffe , qui me tuera bientot , je 1'espere!... alors, il sera libre , et ma fortune que je lui laisserai a lui... a lui... paiera quelques mois d'une complaisance forcee... Voila jnonsort... je n'ai fait que des ingrals... G'en est un de plus. LADY GERALD. Je concois... jeune, logei , ami du plaisir, il doit s'ennuyei d'une retraite, d'une solitude, qui vous plait a vous, mais qu'i] ne peut comprendre. SIR COBRIDGE. Eli! que lui demande-je? de guider mes pas... de me lire mes auteurs cheris... mon vieux Shakespeare , le seul ami qui me soit reste. .. de me parler quand je rinlerroge... de se tairc quand je souffre. LADY GERALD. Enfin d'avoir poiir vous ces soins , cette amitie , qu'on ne peut attendre que d'une leinme peut-etre. SIR COBRIDGE. Oui , c'est vrai. . . aussi, ce n'est pas sur lui que j'avais compte ( 22 ) pour soutenir ma vieillesse , pour egayer un peu mes mauvais jours... Mais maintenant qui voudrait venir "partager ma re- traite ? LADY GERALD. Eli!... une personne qui aiderait, qui remplacerait votre neveu. SIR COBRIDGE. Mon neveu... qu'a cela ne tienne je voudrais pouvoir 1'envoyer en Angleteire.. . a Lincoln, pour un mois peut-etre. .. Mais ou ti'ouverai-je une personne?... LADY GERALD. J'ai quelqu'un a vous recommander. . . quelqu'un qui ne pent manquer de vous convenir. .. ici, ici meme... ( E lie sunne, } Ah ! que je suis contente ! SIR COBRIDGE. Que dites-vous? LADY GERALD. Acceptez... C'est un service que je vous demande... e'en est un que vous me devrez. TOSY , entrant. Milady... LADY GERALD. Cette jeune fille qui vient d'arriver , faites-la venir, je 1'at- tends. TONY. Tout de suite. SIR COBRIDGE. Une jeune fille. TONY , revenant. Mais , milady , pour avoir des clievaux , ce soir a 1'heure de votre depart , il faudrait un mot de vous. LADY GERALD , allant a la table a gauche. C'est bien... je vais ecrire. (Tony sort.) SIR COBRIDGE. Une jeune fille... ca ne se peut pas. ( II s'assietl.j LADY GERALD. Je vous reponds d'elle... c'est la sagesse , la vertu meme... entouree d'estime et de respect. SIR COBRIDGE. Je ne vcux pas. LADY GERALD. Bien... in on Dieu! n'eu pai'lons plus. ( 23 ) SCENE IX. LES MEMES, CAROLINE *. CAROLINE , entrant par la porte laterale a droile.. Milady. LADY GERALD. All! miss, pardon de vous avoir derangee j'esperais vous dormer un asile, et un ami... Mais cela dependait de sir Cobridge. (Ue ecrit.) CAROLINE , s'elaiifant p&e et tremblante. Sir!... ( Elle s'arrele, le re garde , et fuyant vers la porte a gauche. ) Oh! non, jamais... SIR COBRIDGE. C'est impossible. LADY GERALD , allant a Caroline. Eh bien!... ou allez-vous?... ce trouble... CAROLINE, s'arretant dans le fond et a demi-voix. Moi! non... mais un etranger... Quand c'etait vous qui de- viez... (A part. ) Oh! je ne me soutiens plus... (Elle s'appuie sur un Cautcuil.) L\DY GERALD. Rassurez-vous... je le voulais... pour un mois seulement... mais cela ne se pent pas... sir Cobridge refuse. SIR COBRIDGE. Certainement. . . une jeune fille!... des souvenirs qui me briseraient le coeur... et puis, condamnee a endurer mes ca- prices, mes brusqueries. CAROLINE , vhement. Moi ! n'importe... jamais. ( Se contenanl et changearit de ton.} J'aurais du courage, et si cela convenait a milady. SIR COBRIDGE, I'ecuiitailt. Oh ! oh ! LADY GERALD. Vous dites... SIR COBRIDGE , a lady Gerald. Pardon, milady... (A Caroline.} Parlez... vous, nion en- fant, parlez... j'ecoute. CAROLINE. Soumise a vos lois , J'aurais pour vous, milord , les soins eur sans reproche Frappe tout ce qui s'offre a lui ; 11 met son butin a la broche , Et ne le quitte que r6ti. Voila quels plaisirs sont les notres : 11 est a table le prumier, Tout Her . . . CAROLINE. DC manger son gibier. . . CLACTOWN. Non ... de le voir manger aux autres. Non pas de manger son gibier, Mais de le voir manger aux autres. o SIR COBRIDGE. C'est bien. . . va-t'en . CLACTOWN fait yuehjiies pas pour sorti'r, puis revenant jusqu'au jauteuil de sir Cobridge. C'est egal... je suis de 1'avis de miss Volsey... un pere qui maudit sa fille... SIR COBRIDGE. Encore ! CLACTOWN. Oli! ne vous fachez pas je m'en vais. (II sort par la porte a droite du 1'acteur.) SCENE II. CAROLINE, SIR COBRIDGE. ( lls sont toujours assis. ) SIR COBRIDGE. 11 a raison de la maudire , s'il la croit coupable. CAROLINE. All ! il me semble a moi , monsieur le capitaine , qu'uu pere pardonne toujours. SIR COBRIDGE. Toujours ct si sa fille avail deshonore le nom qu'il porte... si elle le foi^ait a rougir , lorsque peut-etre il avait tout sacrifie pour elle , lorsqu'il avait mis en elle toute sa jjloire , toutes ses esperances. ( 32 ) CAROLINE. Si c'est le monde qui 1'accuse... le monde est souvent injuste. SIR COBRIDGE. Injuste... injuste... voila ce qu*il faut prouver. CAROLINE. Et c'est pour celaqu'il condainnc sa fille au desespoir... a la misere. SIR COBRIDGE , devenant reoeur. A la misere!... Oh! non... a la misere !... cela ne se peut pas... Clactown partira demain... ce soir. CAROLINE, vivement. Sir Clactown !... il partira!... etpourquoi? SIR COBRIDGE , revenant a lui. Oh! rien... rien... un voyage... je veux 1'eloigner... il me fatigue... il m'ennuie. CAROLINE. Votre neveu? il vous aime pourtant. SIR COBRIDGE. II aime ma succession. CAROLINE. Vous n'avez que lui de parent? SIR COBRIDGE. Que lui. CAROLINE. Ah ! que lui... un autre aurait eu peut-etre pour vous des soins encore plus desinteresses , plus tendres ! . . . par exemple une. .. (moueement de Cobridge ; Caroline se reprenani) une niece. SIR COBRIDGE, s'atlendrissant. Je suisseul... seul au monde... je le veux dumoins... je mourrai seul, oublie... je n'ai de parens , d'amis , que ceux qui ont pitie du vieux Cobridge... comme vous.. . (Apres un mo- ment de silence. ) Eh bien ! vous ne lisez done plus ? CAROLINE. Si fait. SIR COBRIDGE, lui. tendant la main. Miss Volsey , je suis bien malheureux. (Caroline lui saisit la main.} Allons, allons , lisez... j'ecoute. CAROLINE , lisant. CORDELIA. Monseigneur, c'est de vous que je re^us le jour : J'cusvos soins les plus doux, votre plus tendre amour, Pour prix de vos bontes , votre fille, 6 mon pere , Du cceur le plus soumis vous aime et vous revere... Je refuse aujourd'hui d'accepler. . . ( Sir Cobridge laisse relornber sa tele , et parait s 'endorrnir... Caroline s'arrete,et le regarde.) C 33 ) SIR COBR1DGE, a moiiie endormi, A la misere! CAROLINE , reprenant eivement sa lecture. D'accepter un e'poux . Pour vous garderce coeur, ct pour n'aimerque vous. I.E ROT. Tu refuses . . ( Elle s'nrrete , se penche vers lui. ) II dort !... ah ! si j'osais... {elle se Ihe , regarde autour d'elle et s'approche] , si j'osais 1'embrasser ! il y a si long-terns. ( Elle va pour Vernbrasser , et au moment ou elle se penche sur sir Cobridge , Clactown entre en parlant.., Elle s'e'loignc vive- ment.) Ah !... SCENE III. CAROLINE, CLACTOWN, SIR COBRIDGE, endormi. CLACTOWN. Me voila... c'est pret... je... CAROLINE , luifaisant signe. Chut! ( Elle portc Ic gueridon au fond du theatre.) CLACTOWN, a demi-voix. Ah! il dort?... ga ne m'etonne pas... il n'en fait jamais d'autres. .. Quelquefois nous nous endormions tous les deux; et alors il se fachait. .. car il se fache toujours. CAROLINE. Lui, qui est si bon!... c'est que peut-etre vous n'avez pas pour lui les egards... CLACTOWN. Dam ! . . ce n'etait pas comme vous qui etes aux petits soins. . . qui prevenez tous ses caprices... je ne pouvais pas m'y faire... Heureusement nous voila deux aupres de lui... et j'y resterai avec plaisir, quand vous serez la. CAROLINE. Monsieur... CLACTOWN. Vous etes amiable ! et moi aussi. SIR COBRIDGE , revant. Eh ! bien , non , non. CAROLINE. Ciel!... CLACTOW^N. Ne faites pas attention... il reve,.. ( A Caroline.} Je ne veux plus le quitter, puisque vous... La Lectrice. 3 ( 34 ) SIR COBRIDGE , recant. Laissez-moi !.. . ma Glle ! CLACTOWN. Hem! safille! CAROLINE , Jans le. plus grand trouble. Sa fille ! ( Clactovvn I'arrite.) SIR COBRIDGE , revunl. Ma fille !... je 1'aimais tant ! CLACTOWN . Hem!... une heritiere. ( Caroline fail un mouvcmcnl , 11 I'arrcle encore.) SIR COBRIDGE , de merne. Qu'elle ne vienne pas !... un mari... si bon... tue... ma fille... je n'en ai plus... je 1'ai maud... ( Caroline tremblante laisse retomber la chaise snr laquelle file s'appuyait.) CLACTOWN. Silence done! SIR COBRIDGE, ei ti lie en sursaul. Ou'est-ce ?. . . Qui est la ?. . . CLACTOWN. C'est nous , mon oncle , qui vous econtions dorinir... vous disiez des choses... SIR COBRIDGE , >e levant. J'ai parle... Et comment r'... de qui? CLACTOWN *. Vous avez dit : Ma fille. .. ma fille ! SIR COBRIDGE. Ma f. .. non > non... cela ne se pent pas. CLACTOWN. Si fait. CAROLINE , qui s'e'tait e'loignee , allant a mi vlvcnienl. Ou plutot, c'etait sans doute la lecture de tout-a-l'heure qui vous preoccupait. SIR COBRIDGE. C'est cela... Ce ne pent etre que cela. CLACTO\VN. Bah!... au fait, c'est vrai... que je suis bete! vous m'avez fait une peur... Le dejeuner est pret. SIR COBRIDGE , hd prenutit le bras. liien... ecoute-moi... ( F Je la retrouve enfin ... et le roman , Que sans succes je commensal pres d'elle , Peur 1'achevcr ('arrive en ce moment. En la voyant, je me sens plus d'audace : N'a-t-elle pas, pour meriler mes soins , Plus de candeur encore et plus de grace Et son mari de moms ? (II regarde vers la porle a droite. ) La voici... une figure pale melancolique. SCENE V. CAROLINE, ARTHUR. ( Elleenlre en regardant derrieie elle avec effroi; la porlc de droite se ferine. ) ARTHUR , allant a elle. Milady. CAROLINE. Silence, sir Arthur, je viens vous le demander en grace Sortez , sortez de ces lieux , pour n'y rentrer jamais. ARTHUR. Qu'exigez-vous de moi?... oh! non, je reste, vous m'enlcn- drez. ( 37 ) CAROLINE. Malheureux ! . . . vous voulez done m'6ter ma derniere res- source... ma derniere esperance? ARTHUR. Moi, moi!... qui donnerais ma vie pour vous... Oh I dites quel est ce mystere?.. je le respecterai... le passe vous repond de moi. CAROLINE. De vous ? ARTHUR. Oh! ne craignez rien, Caroline... vous savez si je vous aime. CAROLINE. Je sais que vous m'avez avilie ARTHUR. Grand Dieu ! CAROLINE. Je sais que par vous... a cause de vous... j'ai etc condamnee aux larmes... a la misere , a la honte... ARTHUR. Oh! ne parlez pas ainsi. CAROLINE. Vous vous etes joue de mou honneur ARTHUR. Caroline... je ne puis vous comprendre moi qui n'ai jamais fail verser de larmes... qui ai toujours couvert d'un voile discret mes amours , mon bonheur, mes projets. CAROLINE. Et cette nuit fatale... cette nuit ou , vous elevant jusqu'a la fenetre de mon appartement , en 1'absence de mon mari. ARTHUR. Eli bien! vous ne m'avez pas entendu ; ou plutot , toujours inexorable , vous avez repousse mes prieres avec dedain... el cependaiit, depuis quelques jours, votre creur semblait s'atten- drir.. . vos yeux, plus doux, laissaient surprendre aux miens un trouble qui vous trahissait. CAROLINE. Et de quel droit interpretiez-vous ainsi mon silence ? (Muuve- ment d' Arthur.') Fidele a mes devoirs, je ne pouvais vous ai- mer... je ne vous aimais pas: et je vous adjure de le dire ici... Ai-je jamais autorise d'une esperance, d'un mot, cette auclacc qu'il m'a fallu expier , moi, monsieur... oui , moi!... car, on vous avail vu vous glisser jusqu'a mademeure... et plus tard , aux premiers rayons du jour, quand il fallut vous eloigner, on vous vitdescendre de ma fenetre, escalader le mur du jarclin , fuir comme un amant que 1'on croyait heureux... bientot , ( 38 ) ce fut le bruit du quartier... d la ville tout entiere!... On me regardait avec mepris... les societes se fermaient pour moi ou , si parfois j'y etais admise , on s'entretenait de moi tout Las... on se taisait a mon approche ! . . . Sir Preston finit par tout apprendre... j'etais deshonoree, je fus perdue... ARTHUR. O cieli... mais du moins , il fallait m'appeler a vous... il fallait... CAROLINE. II fallait me taire... on ne me croyait pas... Qui done cut voulu vous croire?... et mon mari si fier, si implacable... ARTHUR. Nous nous serious battus. . . C \ROLI\E. C'est ce qu'il voulait... c'est ce que je devais empecher au prix de mon sang , de ma vie tout entiere.. Je 1'aimais non pas d'amour peut-etre... c'etait 1'estime, le respect le plus tendre!... et pourtant, si vous saviez comme il repoussait mes prieres... avec quel!e soif de vengeance il me demandait votre noni!... Je refusal, enpleurant... j'embrassai ses genoux, mais en vain!... il allait partir... lorsque le soir, en passant sur les remparts , il eiitend prononcer mon nom... il s'approclie... un officier racontait a quelques etourdis cette aventure ou j'etais cruellement nominee... Sir Preston s'elance vers lui , et par les mots les plus injurieux le provoque a un combat qui de- vait lui etre fatal... On le rapporta pale, defait la poitrine dechiree! ... il etait blesse a mort!... Je voulus 1'entourer de ines soins; il les rejetait avec horreur Dans Fespoir de prolonger ses jours, on le transporta sur le continent... Je le suivis malgre lui , et il mourut dans mes bras sans m'avoir pardonnee... Son sang etaitretombe sur moi avecla malediction de mon pere. ARTHUR . Yotre pere! CAROLINE. Oui, mon pere, que je n'avais pas vu depuis cinq ans... qui, j usque-la, fier du mari qu'il m'avait donne , comptait sur nous pour embellir sa vieillesse... pour 1'entourer de bonlieur etdejoie?... Mon pere! un dieu pour moi, sir Arthur!... il avait quitte 1'Angleterre ou ma hoiite semblait peser sur jui... il m'avait deslieritee, maudite!... ( Ellc cache sa figure dans ses mains, et s'assied a droile du tlie;1tre.) ARTHUR. Malheureux!... et c'etait moi. ( 39 ) AIR de TCI tiers. Voila ce qu'une ctourderie Apres nioi laissait de malheur .' Livnint mes jours a la folie , J'c'tais en paix avec mon coeur... Du passe qni me d<>'snonore , Sans regret comme sans effroi , En riant, j'oulrageais encore La vertu qni soulfrait pour moi. CAROLINE. Je n'avais plus d'appui sur la terre... sans fortune, sans asile forcee de cacher mon noin, qui m'aurait perdue peut- etre... Je fus trop heureuse de trouver en France lady Brown , qui voulut bien accepter mes services... Soumise, pendant six mois , souuiise a son humeur dure et capricieuse , je la suivis a Edimbourg, ou nousl'avons perdue... et je venais chez votre taufe que j'avais connue a Paris, lui q^emander sa protection lorsque, tout-a-coup, mon pere, dont j'avais perdu les traces... ARTHUR. Votre pere!... dites-moi son nom, sa demeure, et j'irai... CAROLINE, se levar.t. Yous etes chez lui. ARTHUR. Sir Cobridge?... le capitaine !... ah! je comprends sa fureur, quand le nom de mon regiment luS a rappele... mais je cours pres de lui , me justifier... vous justifier vous-meme. ( II fait quelqaes pas pour sortir.) CAROLINE, I'arretant. Ai:>, : Un jeune Grec, etc., etc. Non , arretez... vous nous perdrez tous deux ! II vous tuerait !... Une fois reconnue , II me chassera de ces lieux, Sans qu'a mes pleurs son ame soil < ; mu< ARTHUR. l.aisscz-moi... jc vcux dans son cceur Re'veiller 1'amour, la justice. CAROLINE. (Comment dissiper son erreur ? ARTHUR. On en croit un homme d'honneur. CAROLINE. Mais on n'en croit pas un complice... ( Preiuint In main ti'/lrthur, et uvec une expresssion forte.) VA ii'eles-vous pas moti complice? ARTHUR. Ah! pardon... pardon!... SIR COBRIDGE , e.ti dehors. Miss \ olsev- ( 40) CAROLINE. C'est lui... SCENE VI. Sm COBRIDGE, ARTHUR, CAROLINE, ARTHUR , allant , effrayec , lui f/ifl nn slgne. suppliant.} C'est votre neveu. SIR COBRIDGE. Mon neveu!... et qui done a pu lui apprendre? Mnis tout-a-1'heure , en effet... ce que je viens de lui confier... est- ce qu'il 1'aurait compris ? il faut que je 1'interroge. (Elfroi de Caroline.) ARTHUR , prenant la main de Cobridge et Varretnnt. Doutez-vous de ma discretion ? SIR COBRIDGE. Non pas de la votre... je veux y croire... Vous etes un brave jeune hoinme... vous ne ferez pas rougir un vieux soldat qui n'a pas eu le bonbeur de mourir un jour de bataille... Ce n'esl pas ina faute !... puisque vous savez nos malheurs ; all ! vous ne me les rappelerez jainais, n'est-ce pas, sir Artliur? ARTHUR , faisaut approcher Caroline. Us doivent finir, capitaine... et si lady Preston tombait a vos pieds , et vous dematidait... SIR COBRIDGE , fioidemcnt. Je ne lui dois plus rien , je 1'ai maudite ! ARTHUR. Mais si elle i evenait ? ( 43 ) SIB COBRIDGE , de metne. Je la maudirais ( Caroline recule effraye'e. ) ARTHUR. Si elle se justifiait... si 1'officier qui 1'a offensee.. SIR COBRIDGE. Ah ! qu'il vienne, lui!... qu'il vienne... je 1'attends. ARTHUR. Si, pour reparer sa faute , il vous demandait votre fille... ( Mouvement de Caroline ) SIR COBRIDGE. Lui! inon fils ? 1'infame! Oh! jamais!... plutot le dernier des homines... et s'il osait paraitre devant moi... ARTHUR. Eh bien!... que feriez-vous ? SIR COBUIDGE. Ce que je ferais... je vous demanderais votre epee... ou plu- tot , inon jeune cainarade , je vous confierais la mienne. ARTHUR. Capitaine. (On enteml en dehors un bruit de crosses de fusils et la voix d'Edgar.) EDGAR, en dehors. Eh ! il n'y a personne. ( Caroline va ouvrir la porte a gnuclie , et sort un momonl.) SIR COBRIDGE. Ou'est-ce done ?... qui vient ainsi ? CAROLINE , rentrant. Sir Cobridge, ce sont les jeunes gens... les jeunes chasseurs du chateau. ( E!le est tres-ernue, Arthur lui serre la main.) ARTHUR , las. Du courage. SCENE VII. LES MKMES , EDGAR , JEUNES GENS. ( Edgar el Irs jeunes gens sont en chasseur*-) EDGAR , entrant. Sir Arthur! nous devious le trouver ici. SIR COBRIDGE , encore emu. Messieurs... ARTHUR. Ah ! de grace ?... ( 44 ) SIR COBR1DGE. Qu'est-ce done? EDGAR. Rien , rien. AlR : des flfaris ont tort. Nous venons ici , capitainc , Pour re'clamer un de'sertcur, Qui nous a laisse's dans la plaine Morts de fatigue et de chaleur. C'e'tait a nous mcttre en fureur. Le gibicr, je crois , nous devine : Sur ses traces nous courons tous Sans le Irouver.. Mais, j'imaginc, D'auties sont plus heurtux que nous ! ARTHUR , vivement , passant aupres de sir Cobridge * . Messieurs , je ne voulais pas passer si pres de sir Cobridge sans le saluer... il me parlait de ses campagnes. EDGAR. Oui , je sais... vous veniez pour a... Vous aimez beaucoup les campagnes , et les conquetes. (Rire c'louf e , Arlhur fait un signe suppliant.) SIR COBRIDGE. Soyez les bienvenus , messieurs. . . vous n'etes pas ici dans le chateau de lady Gerald... inais le vieux Cobridge peut encore offrir 1'hospitalite a des cliasseurs malheureux. ARTHUR , bas a Edgar ct auxjeunes gens. Refusez. EDGAR. Du tout... du tout... Nous acceptons avec plaisir, capitaine... AKTHUR. Ces messieurs gagneront bien vite le chateau. EDGAR. Vous en parlez bien a votre aise , vous qui etiez paisiblement a 1'ombre, tandis que le soleil donnait en plein sur nos tetes. SIR COBRIDGE. Ces messieurs ont raison , et je vais donner des ordres (A fjttrf.} J'ai besoin d'etre seul. (A Caroline}. Yenez Sir Artliur et ses amis me pardonneront... Mon neveu doit etre ici... (A sir Arthur,uui , a son nom, lul tend la main. /)5).'Sir Arthur, soyez plus discret que lui... mais je lui parlerai. CAROLINE , a part. Ciel ! comment empecher... * Caroline, Cobridge, Arthur, Edgar, jcuncs gens. ( 45 ) SIR COBRIDGE. Venez , miss Volsey... (11 surl avec Caroline par la porlc a droite; Edgar et les jeunes gens le suivcnt jusqu'a la porle.) ARTHUR , seul sur le devant de la scene. Et c'est une etourderie de jeune homine qui a plonge dans le deuil cette femme... sa famille... Ah! c'est un remords qui me pesela... ( Quand sir Cobridge cst sorti , les jeunes gens re- vienncnt aupres d'Arthur. ) EDGAR *. All ?a ! sir Arthur , quelle diable de physionoinie vous avez ?... On dirait que les campagnes du capitaine ne vous out pas beaucoup egaye... ou que peut-etre la jeune miss est un pen farouche... TOUS , gatmcnt. Oui , oui , c'est cela. ARTHUR. Messieurs , messieurs , pas un mot de plus. . . Songez que 1'honneur d'une femme... sa reputation... EDGAR. Bravo! un sermon... comme votre respectable tante. ARTHUR, a part. Ma tante!... Mais comment prouver au capitaine... Ma tante! je veux la voir... il lefaut... lui parler. EDGAR. Quelle agitation I ARTHUR. Pardon, messieurs., je vous quitte un instant... mais je vous rejoindrai bientot. TOUS, le suwnnt. Comment... EDGAR. Vous nous laissez encore ? ARTHUR. Adieu , adieu... (II sort par la gauche ; au meme instanl Clactown erflre par la droite.) SCENE IX. CLACTOWN , EDGAR , JEUNES GENS. CLACTOWN, deux Icttres a la main. Ah! sir Arthur est ici!... je viens... Eh bien ! eh bien ! sir Arthur s'en va? * Edgar, Arthur, jeunes gens. ( 46 ) EDGAR. On ne pout pas trailer ses holes avec moins de ceremonie. TOUS. C'est tres-mal. CLACTOWN. Et inoi qui avals a lui parler. EDGAR. Quoi done? line lettre a lui remettre? CLACTOWN. Eh! non... Vous ne sa Fez pas. . uhe autrehistoire... je vais voyager. EDGAR. II se pourrait ! CLACTOWN. Encore une idee de mon oncle... II veut que je prenne en secret, et sans me faire connaitre, des renseignemens sur une feinme... je ne sais qui... a laquelle , quoi qu'il eu dise , il m'a 1'air de prendre beaucoup d'interel. TOUS. Pas possible! CLACTO\VN. Mais ce n'est pas tout... II lui fait passer de 1'argent. .. il veut que j'en remette de sa part a un lioinine d'affaires de Lincoln. EDGAR. Comment ! c'est a Lincoln ? CLACTOYVN. Eli! oui... et vous concevez... une inconnue, qui tire a elle 1'argent de la succession... C'est inquietant... pour inoi... seul et unique heritier... seul et unique... EDGAR, lid nt iwr, les aulres. Ab! ab! c'est juste... vous dites que c'est dans le comle de Lincoln ? CLACTOVVM. Que cet argent doit lui parvenir... et comme sir Arthur a habile ce pays-la, il m'aurait donne des renseignemens. EDGAR. Queje vous donnerai peut-etre, aussi bien que lui... j'y ai passe six mortels mois , 1'hiver dernier. CLACTOWN. Vrai!... Alors, vous avez peut-etre entendu parlor de lady Preston ? EDGAR. Parhleu !... C'esl d'elle qu'il s'agit? ( 47 ) CLACTOWN. Eh! oui... cette femme inconnue... vous la connaissez? EDGAR. Non pas elle... niais sa reputation, qui etait detestable Son inari est mort de chagrin .. et le scandale de ses amours. CLACTOWN. Bravo!... vous allez me center 93... c'est charm ant... je vais faire mon voyage sans sortir de chez moi... et si les renseigne- mens sont bons... c'est-a-dire s'ils sont mauvais, je declarerai a mon oncle... Chut! voici le vieux... voici le vieux. SCENE IX. LES MEMES, SIR COBRIDGE , CAROLINE. SIR COBRIDGE , entrant. Pardon , messieurs... Sir Arthur, si vous voulez passer. .. CLACTOWN. Sir Arthur... mais il estsorti... SIR COBRIDGE. Clactown , c'est vous ? CLACTO\V\. Oui , mon oncle, moi et deux lettres a votre adresse... ( II les lui donnc.) SIR COBRIDGE , lui pi'fnunt la main. A demi-i'uix. Clactown , vous m'expliquerez comment il se fait qu'un se- cret... que vous avez penetre... CLACTOWN *. Hein! plait-il?... un secret... SIR COBRIDGE , fie meme. Silence !... Ce que vous avez dit a sir Arthur. CLACTOWN. Moi! CAROLINE , vivemcnt a sir Cob ridge. Sir Cobridge , ces messieurs attendent. SIR COBRIDGE , a Clactown. Allez, allez... mais apres leur depart, vous m'expliquerez ... CLACTOWN , ret i rant son bras. Tout ce que vous voudrez... ( A part. ) 11 m'a demis le poi- .;;net... ( A sir Cobrif/ge. ) Tout ce que vous voudrez... Et quant aux renseignemens que vous me demandez sur lady Preston , vous en aurez, et bientot... et sans sortir d'ici. * Caroline , sir Cobridge , Clactown , Edgar et les jcurics gens dans le load. ( 48 ) SIR COBRIDGE. Que veux-tu dire ? CAROLINE , a part. Ciel! CLACTOWN , allant au fond, et s'adressant ct Edgar et aux jeunes gens.) AIR : Venez , mon pere , ah! vous serez content. De la maison, si je fais les honneurs, Vous, messieurs, qui m'aime me suive Et pour ma part , je vais , joyeux convive , De'fier la soif ties chasseurs. (Revenant aupres de son uncle , et a sa droite.) Avec vous je m'expliqucrai !... ( A part.) Car je suis sur de nia ruine S'il me faut payer 1'arrie're D'un capitaine de marine. ENSEMBLE. CLACTOWN. En attendant , si je fais les honneurs , etc., etc. EDGAR ET LES JEUNES GENS. De la maison puisqu'il fait les honneurs , Allons , et qui 1'aime le suive ; Car, po'ir sa part, il va , joyeux convive, De'fier la soif des chasseurs. SIR COBRIDGE, a part. Que veut il dire ?.-. ah ! dans le fond du coeur , Je sens la crainte la plus vive ; Faut-il qu'ici la honte me poursuive... Et vienne irriler ma douleur? CAROLINE, a part. Que vcut-il dire?... Ah! dans le fond du coeur Je sens la cramte la plus vive; Kaut il qu'ici la honte me poursuive , Et vienne irritcr sa douleur? ( Clactown, Edgar et les jeunes gens entrcnt dans la chambre a droite de 1'acteur.) SCENE X. CAROLINE, SIR COBRIDGE. SIR COBRIDGE. Des renseignemens ! CAROLINE , ii part. S'il apprenait! 6 mon Dieu ! inspire-moi. ( 49 ) SIR COBRIDGE , avec humeur. Miss Volsey... CAROLINE. Me voici , monsieur le capitaine. SIR COBRIDGE. Tenez, ouvrez ces lettres... voyez ce qu'elles renferment. (Brusquement.} Prenez done. CAROLINE. Oui , monsieur le capitaine. SIR COBRIDGE. Lisez-les-moi. CAROLINE. Tout de suite... (Elle ouvre une lettre pendant ce terns.) SIR COBRIDGE , grondant , it port. II m'expliquera comment il a pu apprendre a sir Arthur... CAROLINE , aui Va ecoute. Je suis perdue! SIR COBRIDGE, avec impatience. Eh bien ! vous ne lisez pas ? CAROLINE. Si fait... si fait... celle-ci est de 1'amiraute. . . elle vous an- nonce que votre pension est echue. SIR COBRIDGE. De Fargent, del'argent? que veulent-ils que j 'en fasse main- tenant?... est-ce tout? CAROLINE , ouvrant V outre lettre. Celle-la est d'un vieux marin, John Campbell, qui se recom- mande a vous. SIR COBRIDGE. II fait bien... j'aurai soin de lui... les vieux marins, c'est ma famille ! .. . je n'en ai plus d'autre. . . (A lui-meme.} Clactown ! un fat!... Mais je me sens tourmente, emu... je 1'attends ici... ( A Caroline.} Laissez-moi. CAROLINE, tremblant , sans aulre lettre. C'est que j'ai la... encore... une lettre. SIR COBRIDGE. Ah ! une troisieme ! . . . je croyais... voyons, voyons... (Mo- mrnt de silence.} Vous ne dites rien? CAROLINE. Si fait... je vais vous la lire, si vousvoulez. SIR COBRIDGE , Ires-brusquement. Eh ! parbleu ! qu'avez-vous done ? La Lecliice. & ( 50 ) CAROLINE , effrayee. C'est que vous me parlez avec une brusquerie. . . j'ai peur. SIR COBRIDGE. Ah ! . . . c'est possible ! . . . au fait, j'ai des momens d'humeur... mais avec vous, j'ai tort , miss Volsey... pardonnez-moi... c'est que, voyez-vous , j'ai des chagrins. CAROLINE . Vous! SIR COBRIDGE. Mais cela ne vous regarde pas... Voyons, mon enfant, lisez... de quel pays ? CAROLINE. C'est du comte de Lincoln. SIR COBRIDGE. Du comte de Lincoln... e.t qui peut m'ecrire?... le nom? CAROLINE , hesitant. Caroline... SIR COBRIDGE , tres-agite. Caroline!... Ah! cette lettre... ce papier... donnez... CAROLINE , uvec cmbarras. Monsieur le capitaine!... SIR COBRIDGE. Donnez done... (Caroline se baisse vivement, ramasse une des deux aulres lettres etlalui donne. ) Elle m'ecrit!... elle ose... ( Regardant cetle lettre comme s'M potivail lire, puis la montrant a Caroline?) C'est bien Caroline, n'est-ce pas ? CAROLINE , d'une voix elouffee. Oui , oui... rendez-la-moi. SIR COBRIDGE. Je ne veux pas... une pareille audace!... qui done lui a re- vele ma demeure?... je ne pourrai done pas mourir traii- quille!... (Dechirant la lettre.} Qu'on me laisse!... (Apresun silence.} Mais, dans cette lettre, qvie peut-elle me dire?... quel peutetre son langage?... je veux le savoir... je veux.... CAROLINE. Donnez. SIR COBRIDGE. Je 1'ai dechiree... vous ne pourrez peut-etre pas... CAROLINE. Si fait, si fait... en rapprochant... SIR COBRIDGE. All! bien... tcnez... (Retennnt la leitre.} Mais vous ne savez pas quelle est cette fenune, Caroline?... (L'uttirant a lui et lres~ has.) C'est ma fille... (Mouvement tie Caroline.) Oui, ma fille!..., Silence!... n'en dites rien... elle etait deshonoree... el moi... qui Favais tant aimee... (D'une voix etouffee.'] Je 1'ai... je 1'ai... (Ne pouvant acheoer.) Tenez, tenez... lisez has... bien has. CAROLINE prend le papier , le laisse tomber. . . ei avec un effort. Mon pere ! . . . nion venere pere ! . . . je suis accusee, condamnee sans qu'il mesoit permis de voir mon juge... et cependant, je le sens au fond de mon ame T il se laisserait attendrir par mes prieres et par mes larnies. SIR COBRIDGE. Non , non . . . CAROLINE. Car je ne suis pas coupable du crime dont on m'accuse. SIR COBRIDGE. Si fait. CAROLINE. Non , mon pere, non... je vous le jure par la memoire de ma mere. SIR COBRIDGE. Sa mere!... c'etait une brave et digne feinuie , elle... (A Ca- roline.} Lisez. CAROLINE . Je vous le jure par vos cheveux blancs, que je baise avec respect... je ne suis pas coupable... la calomnie m'a perdue... et apres m'avoir enleve le coeur d'un mari , qui ne sut pas com- prendre le mien... elle a fait tomber sur ma tete votre male- diction , qui me tue. SIR COBRIDGE. Assez , CAROLINE. Ah! retirez-la , mon pere... me voila errante, sans refuge, sans appui. SIR COBRIDGE. Elle doit etre bien malheureuse. (II sc jctte sur son fautcuil.) CAROLINE. Et vous-meme, seul, delaisse... quand votre fille devrait guider vos pas... et vous entourer d'amour et de bonheur. SIR COBRIDGE. Assez... assez... CAROLINE , plus vivemenl. Aussi , je pars... j'arriverai avant cette lettre, peut-etre... je ( 52 ) cours au fond de votre retraite... vous ne me repousserez pas ou je mourrai a vos genoux. SIR COBRIDGE. Oil! Caroline... jainais. CAROLINE , se precipitant a ses pieds avec un cri eclalant. Mon pere ! SIR COBRIDGE , dans le plus grand desordre. Ce cri!... qui done?... qui done? CAROLINE, dune voix etouffee. C'est elle. .. c'est elle... la voila. SIR COBRIDGE. Elle etait ici! CAROLINE, de meme. Oui... elle est a vos pieds... mais elle n'ose se jeter dans vos bras... elle attend un mot de vous... SIR COBRIDGE. Miss Volsey. .. miss Volsey. CAROLINE. Que me voulez-vous?... me voici. SIR COBRIDGE. Vous ! mais elle... elle ? CAROLINE. Elle, c'est moi, mon pere.... SIR COBRIDGE . Mafille! CAROLINE. Mon pere!... (Se relevant vhtment et sejetant a son row.) Oui , c'est moi... moi, qu'on a calomniee, perdue ! ... mais je reviens, digne de vous... mon pere, je ii'ai jamais cesse de 1'etre. SIR COBRIDGE , avec abandon. Toi, Caroline... oui, oui... tu esmafille... que j'ai pleu- ree... ma fille... je t'attendais, n'est-ce pas? CAROLINE. Ah ! revenez a vous. . . ( Au bruit que font Clactown et les jeunes gens qui rentrent , elle s'eloigne.) SCENE XI. LES MEMES , CLACTOWN , EDGAR , JECNES GENS. CLACTOWN. Ah! ah! c'est delicieux... c'est vous, mon oncle... je vous cherchais. SIR COBRIDGE , sans se leper. Qu'est-ce done? qu'avez-vous? CLACTOWN *. Demandez a sir Edgard et a ces messieurs.. . Ah ! vous vou- liez des renseignemens sur lady Preston... CAROLINE. Grand Dieu ! SIR COBRIDGE. Eh bien ! CLACTOW1V. J'en ai a votre service... j'en ai d'excellens... je les tiens do sir Edgar, ici present, qui etait, il y a six mois , a Lincoln... il vous dira si elle a merite vos bienfaits. . . ah ! ah ! ah ! SIR COBRIDGE. Clactown ! CLACTOWN. Une reputation affreuse!... un scandale... sonmari. CAROLINE. Monsieur... SIR COBRIDGE . Et moi , j'allais 1'oublier... ah! c'est trop - d'infamie !... je ne saurais supporter... EDGAR. On disait que , partout repoussee... SIR COBRIDGE. Vous Fentendez , miss Volsey. CAROLINE . Malheureuse ! SCENE XII ET DERNIERE. LES MEMES , SIR ARTHUR , entrant par la gauclie. SIR ARTHUR **. Qu'est-ce , messieurs ?... que se passe-t-il ? CAROLINE. Sir Arthur, ah! venez, venez... ils outragent... ilscondam- nent... ARTHUR. Qui done ? * Edgar , Caroline , Clactown , sir Cobridge. r * Edgar et Ics jeunes gens, Caroline, Arthur, sir Cobridge, Clactovyn. ( 5-1 ) CAROLINE. La fille de sir Cobridge ! TOUS. Sa aile ! CLACTOW1V. Une heritiere ! EDGAR. C'est-a-dire qu'a Lincoln on accusait lady Preston. ARTHUR. Et moi , je la defends , messieurs... c'est la vertu meme, je vous le jure atous... et s'il se trouvait quelqu'un d'assez lache, d'assez infame pour 1'accuser d'un crime dont , sur 1'honneur, je la declare innocente.. . il m'en rendrait raison jusqu'a la der- niere goutte de moil sang. CLACTOWN 7 vwement. Ce n'est pas moi qui Fai dit. SIR COBRIDGE , h Arthur. Bien , jeune honime. ARTHUR. Capitaine , je viens, au nom de lady Gerald , ma tante , vous deinander pour moi , Arthur de Bury , coiate de Gerald > heritier de ses domaines , la main de votre fille. CAROLINE. Grand Dieu! TOUS. Que dit-il ? ARTHUR. Oui , messieurs. A In : C'etait Renaud de Montauban. Je vois partout mes litres envies , Eh bien ! je mets, pour m'elever encore , Mon nom , mon rang, ma fortune a scs pieds... En acceplarit, c'est elle qui m'honore. Oui , messieurs , retenez-le bien , Ainsi que moi,!e respect 1'environnc , Elde'sormais , le nom que je lui clonne Met son honncur sous la garde du mien. CAROLINE. Arthur ! ARTHUR , allant a sir Cobridge. Voila mes preuves , capitaine... ct maintenant , mon pere 7 m'en croirez-vous. SIR COBRIDGE. Oui, j'en crois ce langage, plus encore que ses larmes. (L:i ( 55 ) I'orchestre commence le morceau du premier acle^ CONTRAINTE CRUELLE, qu'il continue jusqu' a la fin.} Caroline, ma fille... CAROLINE *. Mon pere ! ( Elle se jctte a son cou.) SIR COHRIDGE. Venez , sir Arthur. ( II se trouve entre Caroline et Arthur qui le pres- sent dans leurs bras.) CLACTOWN. Hem !... voila bien une autre histoire ! SIR COBRIDGE. Et 1'auteur de sa honte... le miserable... CAROLINE. Grace ! ARTHUR. Vous ne le connaitrez jamais... quand celui qui re'pare vos malheurs rentrera au regiment , celui qui les a causes n'y sera plus. ( Lc rideau tornbe.) FIN. * iidgar, Caroline, Cobridgc , Arthur, C!acto\vn. LA VIEILLE FILLED , " n. i ' : M GOMEDIE-VAUDEVILLE *>' EN UN AC.TE* MM, 6agarlr ft Cl)ab0t Rcpr^senlie , ponr la premiere fois, sur le ThesUre National du Vaudeville^ le 10 novembre i834- PBJX : 1 FH. 50. PARIS, MARCHANT, BOULEVART SAINT-MARTIN, N' 12; BARBA, LIBRAIRE, PALAIS-ROYAL. >v 1834. PERSONNAGES. ACTEURS. M lle WALKER (vieille fille de 45 ans.) M me GUILLBMIK. M. GRAFEN, medecin. M. LEPEINTRE. ALEXIS VANDERTROUN, marechal- des-logis d'un regiment de lanciers luxemLourgeois. M. LAFONT. GEORGES. M. BBIKDBAU, SUZETTE, ni^ce de M" e Walker. M" GECILE JOUVENEAU. MINA , jeune domeslique. M lle CLARA STEPHANY. UN CUJSINIER (personnage muet.) M. BALLARD. AlITRE DOMKSTIQUE. scene se passe a Liege, ckcz mademoiselle Walker. Nota. Les personnagcA sont places en tctc de chaque scene comme il doiv^ut 1'etre an theatre; le premier tient la gauche du spectatetir. nip. DE J.-n. MEVREC, Pas>age du Caire, 5^. COMEDIE-VAUDEVILLE. Le theatre represents un salon simple : entree et croisee an fond. Portes laterales. A droite, table et ce quit faut pour vcrire. SCENE PREMIERE. GEORGES, SUZETTE, M IU WALKER. Au lever du rideau , Suzettc est assise a droite et tient un livre. Georges ecrit du in&me c&te. Mademoiselle Walker est endormie dans uu grand fauteuil a gauche. GORGES, se levant ets'approchantdeSuzette. Air : Taises-vous. A deml-voix. Elle dort !,. SCZETTE. Ah I Georges, silence i GEORGES. Tout i 1'heure je t'admirais!.. Que d'huuieur et d'iinpatience ! Sans rien dire tu 1'dcoutais ! bis. SC2ETTE. C'egt ina tante... jela revere... lit je n'ai quelle au inonde , helati 1 GEORGE3. Eh , ne suis- je pas 14 , ma cherc , Pour t'aimer aussi... SUZETTE. Farle bas... GEORGES. Ne craius rien (it's.) elle n'entend \ as. M llt! WALKER, se retournant. Ah! mon Dieu!.. SUZETTE. Ciel! .. Georges retourne vite a tsa place. GEORGES, reprenant. M&me air. Ce n'est rien... comme elle est *mu !.. Aliens, courage et bon sspoir! uzEiTE, st levant. .Songe done que je serais perdue , Si ma (ante allait tout savuir ! bis. Quelle fautel.. GEORGES. Seche tes formes... suzETxe, regardant sa tanie. Je tic.uible toujours. GEOBGES. En ce cas , Tiens pour dissiper tes larinea., Un baiser! R I'embrasse. SCZETTE, avec effroi. Ah , tu me perdras... GEORGES. Ne crains rien... elle ne voit pas. SCENE II. GEORGES, MINA, SUZETTE, M lle WALKER. MINA , da fond et entrant mvement. Mademoiselle!.. (Georges et Suzetie se scparent vivement.} Ne TOUS derangez pas... Est-ce qu'elle dort ? (A Suzette.) Oh ! quelle figure triste ? est ce qu'elle YOUS a grondee ! SUZETTE. Non, du tout... MINA. Si fait! et cela ne m'etonne pas: voyez-vous, mademoiselle est tres bonne; mais depuis quelques jours, depuis la veille de votre arriyee dans cetto maisan , elle est triste , souffrante, ellc gronde toujours... GEORGES. Et pourquoi, mademoiselle Mina? MINA. Ponrquoi ? M lle WALKER, rexant. Adieu!., adieu!.. Alexis. SUZETTE. Elle revc. GEORGES. Alexis!., qui est-ce done? MINA. Ah! c'est juste! vous n'etiez pas ici non plus... vous ne sa- vcz pas... M llc WALKER, rttant toujours. Reviens! ob ! reviens!.. pas de guerre, de combats. 5 MINA, II lui tieiit au cceur. GEORGES. Mais explique nous done... MINA. C'etait un bon vivant... un marechal-des-logis duregimentde lanciers qui est parti la semaine derniere de Liege pour la fron- tierc de Hollande... ah! le clrole de corps!., le drole de corps... SUZETTE. Le regiment de lanciers ? MINA. Eh non!.. monsieur Yandcrtroun* SUZETTE et GEORGES. Vander... MINA. Vandertroun... ah! ah! ah! SUZETTE et GEORGES, riant. Ah! ah! ah! GEORGES. Quel nomt.. M lle WAtKER , reveillee par le bruit. Heim! qui est-ce qui est la?., ahlc'est vous, Suzette... mon flacon... SUZETTE. Yoici, ma tante; est-ce que vous ne vous sentez pas mieux? M lle WALKER. Non, j'aile cceur malade; mon somineil esthorriblement agite. MINA. Mademoiselle a pourtant une mine charmante. M Ue WALKER. Taisez-vous, vous ne savez ce que vous dites. GEORGES , qui s'etait remis d ecrire. Voici le compte que mademoiselle m'a dit de copier. M Ue WALKER. Merci, merci... je suis bien en etat vraiment de m'occuper, de cela... GEORGES. Madcmosselle n'aplusrien a me donner? M lle WALKER. Non , mon ami, retournez chez votre pere, vous reviendre* domain, j'ai un compte a regler, vous m'aiderez ; pour aujour- d'hui, j'aides vapcurs, des etouffemens, je ne suis bonne arien ! Ah! Mina... MINA. i j -11 Mademoiselle... M" e WALKER. Ledocteurest-il venu? MINA. M. Grafen!.. non, pas encore... il n'etaitpas chfez lui quand vous m'y avez envoyee... et puis, youssavez qu'il n'aime plus & venir ici... depuis que M. Vandertroun... M Ue WALKER, vivement et se levant. Mina, je vous ai dcfendu de prononcer ce nom-la... je vous le defends encore... il me fait mal... il m'agace les nerfs... Su- zette, monflacon... ecoutez-moi, Georges. GEORGES. Mademoiselle?.. M Ue WALKER. En retournant chez votre pere, vous passerez chez M. Gra- fen... mon medecin, vous savez... vous lui direz de venir ce matin... de venir sur-le-champ... je ne suis pas bien... fen 1'at- tendant, je vais desceudre au jardin... j'ai besoin de respirer. .. j'etouffe... SUZETTB. ' i . ' ' ; . ' : ; ).",'. ' ' ' '-''.' ) i : ' . . t ; . ' t Air de Robin-des-Bois Je vous accouipagne ma tan to- M IIe WALKER. Non, mon enfant... j'irai sans toi ; Mon cceurbat, ma t^te est brulante, Je veux etre seule avec moi. . ,, n GEORGES, has a Suzette. Grafen apprendratout, Suzette ; Mouvemcnt d'effroi. M" C WALKER, d Georges. J'attends le docteur. Beau moyen ! Quand le coeur me bat en cachetic, Tons lesdocteurs n'y feraient rien. Ensemble, StJZETTE et GEORGES. 11 faudra tout dire a ' En y songeant je meurs d'effroi. Mon coeur bat, ma tetc est brulante, Queva-t-elle penser demoi? M Us WALKER. de matin je suis trop souffrante, ri.' i Je descends au jardin sans toi. Mon cceur bat, matete est brnlante. Je veux etre seule avcc mo5. MINA. Mademoiselle cst biensouffraote, Hclag, je devioe pourquoi. Son cceur bat, sa tete est brftlante, Elle pense a lui, je Icvoi. Mademoiselle Walker sort par le fond u gauche et ~' , Georges par la droite. SCENE III. SUZETTE, MINA. SUZETTE, apart. Comment prendra-t-il une pareille confidence ?. . et s'il refu- sait de nous seryir... MINA. Eh! mademoiselle, qu'avez-vous done?., toujours 1'air in- quiet... SUZETTE. Moi! c'est possible , c'est la sanle de ma tante. MINA. Ne faites done pas attention , c'est ses vapeurs ; elle ne pent pas yivre sans ca , si elle passait une semaine sans etre malade , vrai , je crois qu'elle ne sc porterait pas bien, etca ne fait qu'empi- rer depuis le depart de M. Vandertroun. SUZETTE. Encore ! mais enfin, quel est done ce 51. Vandertroun , que tu nommes toujours ct a tout propos ? depuis six jours que je suis dans cette residence, je n'entends parler uwMINA,p(m M" WALKER. GRAFEN , immobile. Qu'est-ceque ca vcut dire? GEORGES; entr'ouvrant la porte ddroile. Hum! hum? GRAFEN , sans le voir. Est-elle prude done! (Apercevant Georges qui tousse pour se faire remarquer.J Ah! c'est toi... deja de retour. GEORGES. Je ne suis pa? parti, j'attendais; ou en sommes-nous?.. fa avance-t-il?.. GRAFEN. Oui, joliment!.. GEORGES. Ellc vous a dit?.. GRAFEN. Est-ce que je comprends!.. GEORGES. Elle ne s'est pas expliquee?.. GRAFEN. Est-ce que je sais!.. GEORGES, s'emportant. Mais vous ne voulez done pas nous servir... parler pour nous! apres yotre promesse, c'est indigne! GRAFEN. Va-t-en au diable!.. quand je sue sang et eau pour y com- prendre quelque chose, voila cet imbecile qui vient me faire des reproches... GEORGES. Oh! pardon, M. Grafen... c'est que voyez-vous, Suzette est la toute inquiete. GRAFEN. Et apres?.. GEORGES. Qu'cst-cp qu'il fant que nous fassions ?.. GRAFEN. Rien du tout... si vous m'aviei. toujours demande conseil comme a present... GEORGES. Est-ce quc vous n'avcz rien dit a sa tanle?.. GRAFEN. Eh si fait! jc lui ai dit... il cst meme impossible dc lui en dire davantage... GEORGES. Eh bien?.. GRAFEltf. Eh bicn!... clle s'est sauvec!.. GEORGES. Furieuse!.. GRAFEN. All contraire , et a moins qu'elle n'ait le corvcau derange... dam, a son uge !.. GEORGES. Ah ! iiion Dieu!.. MIXA, accourant. Monsieur le docteur... monsieur le docteur!..* GRAFEN. Qu'cst-ce que tu me veux, toi?.. MIMA. Dans, quel etat vous avez mis mademoiselle !.. GRAFEN. Bah!.. M1NA. En vous quittant, c'ctait a faire pitie ; elle est tombee sur un sopha en s'ecriant : Malheureux Grafen, il m'a tuee!.. GRAFEN. Moi !.. si j'y ai pense seulement. (^ Georges.] Un seul mot dc votre aventure; jugez du resle!.. GEORGES. Vous croyez!.. GRAFEN. Mais je cours la trouver !. . Du tout, n'y allez pas!., elle a dit qu'elle ne pourrait pas vous revoir sans en mourir. . GRAFEN. Ah !.. bah, ils discnt toujours ca. * Mina, Grafen, Georges. La Vielto fille. 3. iS MIX \ , te retentmt. Et veil a un billet qu'elle a griffonne en pleurant. GRAFEN. Ponrmoi, donne done... GEORGES. Ah!., nous aliens savoir au juste ce qui en est. MINA. Oui, voyez, je suis curieuse de savoir. .. Elle se rapprociie de M. Grafen qui ouvre la letlre. GRAFEN. Dam , je ne demande pas mieux. (Jetant les yetix fur le bil- let.} Ah! mon Dieu!.. GEORGES. Qu'est-ce? . MINA. II y a... GRAFEN. Faites-moi le plaisir de me laisser un peu tranquille , et d'aller vous promener adroite et a gauche?.. Eh bien ! (Us s'eloignent tous les deux avec anxicte ; d part.} En voila bien d'un autre. (Li- sant.} Discretion !.. il y va de ma vie ! Diable ! ne badinons pas! (Lisant.} Ah! mon \icilami, permettez-moi encore cc nom si doux. Tiens pourquoi pas?.. (Lisant. ) Vous avez ete bien cruel... me plonger ainsi et sans preparation, un poignard dans le cceur... Comment, je lui ai plonge... 11 regarde i gauche et a droite. GEORGES , a demi-ioix. Y etes-yous ? GRAFEN, idem. Non !.. (A part, lisant.} tcNeme jugez pas sans m'avoir enten- due ; helas ! je suis plus malhenreuse que coupable ! . . Pas pos- sible... (Lisant.} Restez, il faut que je vousparle, vous saurez tout. Je ne demaude pas mieux... (Lisant.} Mais j'exige une chose de vous... c'est de ne pas me regarder .. De ne pas la regarder... (Lisant.} C'est d'avoir pitie de ma position, je vous en prie, au nom de 1'innocente creature que vous avez devinee... et de son infortunee mere, Suzanne Walker. I! reste immobile. MIX A. d demi-roix. Vous y etes? GRAFEN. Oui, oui...* GEORGES. Vraiment... * Georges, Crafen, Mina. '9 GRAFEIf. C'est a dire, non... ca nc se peut pas... Elle qui se croyait deshonor^e un jour, il y a long-temps... parce que je 1'avais embrassee... comment croirequc... Eh! si fait!.. (Regardant la lettre.) gayest!., c'estbien d'elle qu'ils'agit... GEORGES, voulant prendre la lettre. De qui done?.. GRAFEN. Malheureux!.. ne touche pas ce papier... MIMA. Void mademoiselle... GRAFEN. Quel air sombre et reveur!.. Ah! Suzanne!., a son Sge!.. je n'y puis croire encore... et quand elle me 1'aura dit elle- mfime... Je ne sais pas... Mademoiselle Walker entrc & pas lents ct sans voir personne. MINA. CEOUGES , CRAFBN. Air nouveau etc la Leetrice, ENSEMBLE. Quel est ce mystere, Quel trouble est le sien ? Ma foi ! j'ai beau faire , Je n'y comprcnds rien. MIHA, affront unfauteuUd mademoiselle Walker. Voulez-vous, mamzelle ? M 1 " WALKER, avec effroi. Ah! CRAFEN. Va... Laissez nous. GEORGES, d Grafen. Soyez-nous fidele! Nous comptons sur vous!.. ENSEMBLE. Quel est ce mystere, Quel trouble, etc. M 11 ' WALKER. Ah ! quel jour m'eclaire 1 Quel trouble eat le mien ! Mais le ciel, j'cspcre, Sera imm soutien ! Georges et Mina sortcnt tout elonnes par (e fond. Mademoiselle Walker mon- tre d Grafen sans le regarder, la porle du fond qui est restee ouverte; Gra- fen va la fertncr et pousse 10 verroit , pendant que mademoisdU Walker ferme la porle de gauche. so SCENE VIII. M 1 " WALKER, GRAFEN. GRAFEN, apart. Ca va etre gentil. (// descend la scene avec mademoiselle Wal- ker, il la r e garde , elle sc detourne.] C'cst juste !.. Obeissons a sa Icttrc... Ne la rcgardons pas. II Ini tourae le dos. M 11 '- WALKER. Docteur , vous m'avez fait bien du mal. . . GRAFEN, se re to urn ant. Je vous jure... (Elle se detoarne rirement.') C'est juste. II lui tourne le dos. M 1Ie WALKER, se retournant et les ycux baisses. Mais, je ne vous en veux pas... vous etes brutal... ce n'cst pas volrc fautc... GRAFEN, sans se retourner. Merci!.. M lle WALKER. D'aillcurs vous avez du elre si etonne!.. Hclas! je nc 1'etais pa? moins que vous... oh ! vous me croirez quand vous m'aurez ontendue... II me faudra du courage!., maisj'en aurai, je veux, lout expier. Elle essuye des larines. GRAFEN, a part. Pauvre vieille fille!.. M 1Ie WALKER. Autrefois, vous le savez... il y avail la, dans mon cceur, un sentiment de repulsion pour tons les hommcs en general, et en particulier pour les militaires ; 1'approche d'un uniforme me fai- sait tressaillir... a la vue d'une moustache , je tremblais , je baissais les yeux... la fumee d'un cigarre m'aurait fait trouver mal... aussi , quand les lanciers arriverent et qu'on en logea un chcz moi... Je voulais deserter rna maison... on se moquait de moi... vous, le premier... je ne desertai pas. Alexis parut... Vous savez qu'il se nommc Alexis... GRAFEN. M. Vandcrtroun. M 1U VALKER. D'abord jc ne pus pas le souffrir. GRAFEX. Ni moi non plus. M lle WALKER. Mais bicntot, son air de franchise me desarma, je me fis peu a peu a son uniforme , a ses moustaches, et 1'a vouerai-jc , a son 21 cigare ! jc nc vous parle pas dc sa tournure , de sa taille char- mante, dc ses traits qui diirent me frapper , moi qui n'avais vu jusqu'alors que dcs visages assez laids. GRAFEN. Hcin?.. M lle WALKER. Mais il etait aimable, prevenant et d'une gaite fotle!.. je 1'ad- mis a ma table , j'ecoutai avec plaisir le recit de ses batailles, des dangers qu'il avail courus, de la gloire qu'il avait acquise. .. voila par qucl chemin il penetra dans mon cceur. .. Ah! pour- quoi m'abandonnates-vous alors... ' GRAFE1V. La!., je ne me trompais clone pas! vous 1'aimicz... (// se rctoiirne , elle se iait et se delonrne*} C'est juste. II lui tourne le dos M !le WALKER. C'etait le premier, et encore le sais-je? je m'ignorais moi- meme.. GRAFE\. Mais lui! il vous aimait?. . M Ile WALKER. Je le suppose! . je me rappelle ses assiduites... quand je te- nais mon ouvrage et qu'il avait pros de lui une bouteille de cette liqueur que je fais moi-meme, et qu'il buvait avec tant de delicatessc !.. C'est ainsi que nous etions tous les deux... Un soir qu'il me racontait pour la dixieme fois le siege d'Anvcrs , il en etait a la lunette St-Laurent. .. je m'cndormis profonde- mcnt, que vous dirai-je!.. quand je m'eveillai, ma chambre etait en feu, et Alexis .. (Baissant les yeux.'] m'emportiit dans ses bras.., d'ou je me degageai en rougissant!.. (Lui serrant la main.} Docteur, vous savez tout. GRAFEN. Comment!., le miserable auraitose! M 11e WALKER. Grace pour lui, il etait passionne , exalte par tout ce qui 1'entourait... il ne fut pas maitre sans doute... GRAFE1V. Laisscz-moi done tranquille !.. ct vous ne lui avez pas dit... M Ue WALKER. Oublicz-vous que... GRAFEIV. Vous dormiez. M lle WALKER. Mallieureusemenl! GRAFEN. Et apres un pareil abus de confiance, vous ne 1'avez pas chasse puni?.. M lle WALKER. De quoi ? d'une faute que j'ignorais. GRAFEN. Allons done... M lle WALKER. Que j'ignorerais encore. .. sans celte revelation quc vous avez comprise. (Grafenfait un mouvement, elle rtprend ricement.) Doc- teur, c'est un secret qui doit rester entre nous... je vous confie mon honncur, ma reputation, et mon... mon enf. .. ah! je ne pourrai jamais prononcer ce mot-la! CRAFEN, lui iendanl la. main sans la regarder. Air : Vaud, du Jalousie malade. Allons, Suzanne , du courage ! 11 ne sera pas dit qu'ici Au moment oil gronde 1'orage , Vous cherchiez en vain un ami !.. C'est une sceui 1 qui me rappelle , Je reste, et je veux, je le dois, Qu'elle me trouve encur fidele , Quand vous ne 1'eles plus pour moi! Quand je pense que depuis vingt quatre ans, je soupirais, j'es- perais... et qu'en huit jours, un autre... M 11 * WALKER. Ah! docteur, c'est un monstre!.. encore s'il etait la, s'il p( vait donner un nom a cet innocent.. . s'il revenait!.. GRAFEN. II ne reviendra pas... vous abandonnerainsi... 1'infcime! l" e WALKER, pleurant. Helas! c'est le seul reproche que je lui fasse. GRAFEN. Le seul? . . On entend dans le lointain une musiquc militairc. M llc WALKER , pleurant. Partir, me laisser... ah! docteur, je sens lu que j'en mourrai. GRAFEN. Vous n'en mourrez pas. M lle WALKER. Si fait, j'en mourrai!.. Musique plus rapprochee. SCENE IX. MINA, M" e WALKER, GRAFEN, puis SUZETTE. MIX A, frappant d laporte au fond. Mamzelle ! mamzelle !.. M lle WALKER. Silence, c'est Mina. Elle cssuie ses larmes. GRAFEN. Eh!.. 1'onpeul ouvrir? 11 va ouvrir la porle du fund. MINA, en dehors. Mademoiselle... (Entrant.) C'est lui, le voila, il arrive. M lle WALKER. Qui done?.. GRAFEN. Que veux-tu dire?.. MINA. Eli bien, le lancier, le marechal-des-logis. M Ile WALKER. ciel ! MINA. Votre ami, M. Vandertroun. GRAFEN et M llc WALKER. II revient. MINA. II me suit. M 11 *" WALKER, tombant en falblesse. Ah! docteur, j'etouffe... je... je... Mina lui donne un fauteuil. GRAFEN. Ma chere amie! Suzanne... MINA , lui frappant dans les mains. Mademoiselle... SUZETTE, accourant. Qu'est-cc done ma tante?.. ces cris... Elle aper^oit Grafen s'arrSte et baisse les yeux. GRAFEN. Ah! voila 1'autrc. Musique rapprochie. SCENE X, MINA, GRAFEN, M lu WALKER, VANDERTROUN, SUZELTE. VANDERTROUN, en dehors. Eh bien, personne ! M Ile WALKER, allant d lui. Ah! VANDERTROUN , entrant el recevant dans tcs bras mademoiselle J father qui chance tie. II parait que j'arrive comme mars en eareme... Est-ce que vous voustrouvez mal?.. M lle WALKER, .e doivent unappui discret; L'une veille a 1'honneurde 1'autre !.. stzETTE, apart. Dieu !.. saurait-elle mon secret !.. M lle WALKER. Maislaissonscela... soyonsgaies, soyons hcureuses. . . d'abord nous ne nous quitterons plus... tu resteras avcc moi, Suzette... je t'ai fait apprendre la lingerie a Bruxelles,. Eh bicnltu travail- leras ici... SUZETTE. Je nedemande pas mieux... M ile WALKER, legerement. Sais-tu faire de petits bonnets... depetites... (A part se repre- nant.) Ah!., qu'est-ce que je dis la!.. SUZETTE, d part, toute tremblante. Elle sail tout !... SCENE XVIII. SUZETTE, GEORGES, GRAFEN, M llc WALKER, pals ML\A. GRAFEN d la cantonnade. Oui , riez... riez, insolents !.. M 1U WALKER. Qu'est-ce done, M. Grafen... a qui en avez-vous? GRAFEX. A qui?.. mais a tousces droles quim'insultent... qui nous io- sultent tous... Us sont la une vingtaine qui se mettent du Cham- pagne dans la tete... je crois que c'est toute la musique du regi- ment. GEOftGES. Ah!., le fait est qu'ils boivent .. M lle WALKER. Hcureusement, M. Vandertroun est la pour les moderer, GRAFEN. Laisscz done, c'est lui qui les met en train... il fait sauter les bouchons... GEORGES. Je crois bien!.. il voulait nous faire boire a la sante de la vieille. M lle WALKER. Monsieur... GRAFEN , d part, le tirant pea* le brat. Voulez-vous vous taire? SUZETTE, de meme. Maladroit! GEORGES , les regardant axcc surprise. Dam ! je ne sais pas qui... (A part , devinant.} Ah! GRAFEN , a mademoiselle Walker. J'ai fait ce que vous avez voulu... je lui ai parle... le reste vous regarde; mais vous m'avez promis de faire a votre tour quelque chose pour moi. .. eh, bien !je viens vous demander do marier ensemble Georges et Suzette. GEORGES et SUZETTE, effrayts. ciel ! GRAFEN. Qui s'aiment! qui s'adorent!.. et qui -ontbcsoin.de votre con- sentement... et d'une dot... que vous leur donnerez. M 11 * WALKER. Comme vous y allez ! GRAFEN. Dam!., droit au but... nous sommes presses, et je vous conscille de faire les deux noces ensemble. M lle WALKER. S'ils s'aiment, ainsi que vous le dites, docteur, certes, ce n'est pas moi qui m'opposerai a leur manage... ah I Dicu! je sais trop... mais je dois veiller au bonheur de ma niece; voyons, Georges, quel esl ton etatPquclle est ta fortune? .* GEORGES. Pour mon etat, j'en aurai un, je 1'espere... mais pour la for- tune... * Suzette, Grafen , Georges, mademoiselle Walker. La vieille fille. 6. GRAFE1V. Tuasvu ton oncle, le cure. GEORGES. Certaincment, j'en arrive. M 1Ie WALKER. Qu'cst-ce qu'il fera pour toi? GEORGES. II me mariera gratis. GRAFEN. Ca ne le ruinera pas... mais vous etes riche , vous, made- moiselle, et vous ferez a Suzette... M 1Ie WALKER. Rien du tout, je ne suis plus maitresse de ma fortune, elle appartient a mon mari... et a un autre. GRAFEN. Vous leur ferez une dot... pour 1'amour de moi... C'est la seule chose que j'aurai obtenu depuis vingt-quatre ans... (Aux je uncs gens.) Allons, allons... Chauffez done...* GEORGES. Mademoiselle!.. SUZETTE. Ma petite tante!.. M lle WALKER. Mais quand je vous dis que cela ne depend plus de moi seule!. . GRAFEN. C'est de votre mari !.. Je le verrai... je lui parlerai... et tout de suite. (On entend chanter en debars.} Tenez, entendez-vous, il n'engendre pas de melancolie... (Sonnant.) Son consentement d'abord... (A part.) Voila deux enfans qui peuvent se vanter de m'avoir donne du mal... (A Mina quiparait en mcme temps qu'un 'domesiique.} Eh vite, va prevenir M. Vandertroun, que je 1'at- tends ici, que je veux lui parler**. Le domestique sort. MINA. Joseph, a la bonne heure, maiy moi, que j'aille la-bas.,. pour que M. Vandertroun m'embrasse encore. M lle WALKER. Que dites-\ous?.. cerlainement il ne sepermettrait pas. MINA. II se generait bien... calui arrive a chaque bouteille que je lui porte... ils en sont a la quinzieme. * Grafen, Suzelte, mademoiselle Walker, Georges. ** Grafen, Mina, mademoiselle Walker. 43 M 1U WALKER. O ciel!.. MINA. Le service devient trop dur ici... je n'y resterai pas. GRAFEN. Hein! M 1Ie WALKER. Quelle horreur! SCENE XIX. Les Memes, VANDERTROUN, an pen grls , it entre un verre de Champagne d la main.* VANDERTROUN. Que me veut-on?.. que me voulez-vous?.. Ah! c'est le me- decin ; a la sante de yos malades. II boit. GRAFEN. En contient-il! VANDERTROUN. Tiens!.. des dames!.. (A mademoiselle Walker.} Ah! petite mere ! nous gouttons le Champagne... il est bon... (Lui envoyant an baiser.} un vrai bijou!., aussi, pour la pcine. .. II s'approche d'elle. M lle WALKER. Monsieur! monsieur! ne m'approchez pas... quelle con- duite!..** VANDERTROUN. Qu'est-ce qu'elle a done?., ma conduite!... elle cst gentille comme... (ApercevantSuzette.} comme ma niece... c'est un ange, ma niece ; et j'adore les anges!.. II vient it elle. SUZETTE , reculant. Ah! mon Dieu!.. il va m'embrasser. .. GEORGES , se mettant entre eucc. Lui!.. VANDERTROUN. Qu'est-ce que c'est que ce gringalet?. . demi-tour a droite!., GRAFEN. Monsieur!.. GEORGES. Ah ! il sent le vin. VANDERTROUN. Sont-ils droles!.. ils me font appeler, et ils me recoivent * Grafen, Vandertroun, mademoiselle Walker, etc. * Grafen, mademoiselle Walker, Vandertroun, 44 comme un Hollandais. . ah!.. r est commc fa, bonsoir. .. je vais boire du Champagne. GRAFEN. Dutout, )'ai a vous parler... Yestez. .. VANDERTROUN. Encore, il parait quc c'est lui qui est 1'orateur dc la troupe... est-ce que c'est de votre part, mon cceur? II s'approche de mademoiselle Walker. M 11 ' WALKER. Laissez-moi, votre conduite est indigne!.. Elle sort par Je cabinet agauche , Vandertroun lui euvoie des baisers en riant. SUZETTE, has CL Grafen, Oh, surtout he le brusquez pas trop. VADERTROUN, se retournant. Hein?.. ah! la petite, u la bonne heure... GEORGES, tmmenimtSuzette. Adieu, monsieur le soldat... adieu... 11s sortent VANDERTROUN. Adieu, pekin. II donne son verre a Mina qui sort a droite SCENE XX. VANDEUTROUN, GRAFEN. jyjiie Walker entr'ouvre la porte du cabinet pou r ecouter , et la rcferme vile. VAKDERTROUN. A nous, cherubin.. mon amour... GRAFEW- Par exemplc , si j'ai Fair d'un amour !. . VANDERTROUN. Et surtout faites-moi un discours, court... Voyons, qu'est- ce que c'est? depechez, les amis m'attendent... GRAFEN. Soyez tranquillc, je nc vous retiendrai pas long-temps; il s'agit de la petite Suzette. VANDERTROUN. Bah, qu'est-cc qu'clle demande ? . je n'ai rien a lui refuser, an contraire , jc suis bon enfant, et sensible a l'endj?eit de la beaute. 45 GRAFEN. C'est bien... desormais vous allez etre onclejle chef de la fa- mille. VANDERTROUN , chancelant. Oui, le chef... et elle marchera droit, la famille... GRAFEN. Et comme Suzette est en age d'etre mariee... VAtfDERTROUN. J'entends; on lui cherche un ihari... Eh bien! me voila, je la prends avec armes et bagage. GRAFEN. Mais y pensez-vous, malheureux!.. et sa tante... VANDERTROUN. La vieille, c'est juste; jene peux pas epouser deux genera- tions... Eh, mais... touchez la, je YOUS donne la tante; je garde la niece : comme dit la chanson... a 11 faut des epoux assortis , Daiislcs liens (Lui frappant dans la main.} Tope, c'est fait, embrasse-moi... mon oncle. GRAFEN. Mais nonjque diable... il nes'agit pas demoi, mais de lajeune fille qui aime quelqu'un... un jeune hmme qu'elle veut epou- ser... VANDERtROttf. Vrai, ce seraitDieu possible... qui done? ce consent qui etait la?.. GRAFEN Le neveu d'un cure de Lieg'e. VANDERTROUN. G'est ca, un enfant dechceur. .. allons done, c'est sacrifierla petite; moi, a la bonne heure, je la rendrai heureuse. GRAFEN. Vous! quand, pour prix de vo$ inconcevables precedes, ma- demoiselle Walker vous donne son cceur, sa main et sa fortune. VANDERTROUN. D'abord, si elle m'adonise, ce n'est pas ma faute; et en fait de precedes, donnant, donnant... elle egt yieille et fanee , et moi, regardez... il n'y a pas d'affront. GRAFEN. liref, \otre niece veut se marier; il lui faut votre consente- ment et une dot,., unc assez jolie dot... 46 VANDERTROUN. Tout ce qu'elle voudra... je suis bon enfant, pourvu qu'on me laisse la caTe... Aimez-vous le Champagne, ami cheri?.. moi, je 1'idolatre!.. GRAFEN. Pas de plaisanterie , on n'en veut pas tant. VANDERTROUN. Ca m'est egal, apres moi, la fin du monde. GRAFEN. Et vos enfans?.. VANDERTROUN. Hein ?. . vous dites ?. . . GRAFEN. Je dis, vos enfans... VANDERTROUN. Nos enf... (Riant.} Ah! ah! ah!., lui aussi... ah! ah! ah! ah!... GRAFEN. Dam!., quand vous rirez, il me semble qu'il n'y a pas de quoi... etqu'a juger de 1'avenir par le passe... VANDERTROUN. Bah!.. GRAFEN. Ecoutez done, je sais tout, elle m'a tout avoue : cette lecture, ce sommeil, cet incendie et enfin... puisqu'elle se marie, pour reparer votre faute et lui donner un pere... le seul qu'il puisse avoir... VANDERTROUN, riant. Moi, ah! ah! ah! ah!.. GRAFEN. Vous mie direz peut-etre que vous n'avez pas eu 1'audace... VANDERTROUN. Jamais!.. j'en suis incapable, le militaire respecle la vieil- lesse... GRAFEN. Permettez, cependant, ce qu'elle m'a dit... VANDERTROUN. N'a pas le sens commun, ni vous non plus... II a bu le doc- teur! et je vais boire aussi... en attendant que mcs enfans. (Riant.) Ah! ah! ah!... GRAFEN. Mais, ecoutez done. ..* * Grafen, Wandertrouii. 47 VANDERTROUN. Enlendez-vous les amis qui s'impatientent GRAFEN. Mais la dot de cette jeune fille. VANDERTROUN. Qu'ellc prenne 1'argent, Tor, la maison... et ma femme aus- si... qui est-ce qui veut de ma femme... et de mes enfans... ah! ah! ah!... GRAFEN. Mais... II veut le retenir. VANDERTROUN. Aliens done, apothicaire !.. (// rit plus fort.) Ah! ahl ah!.. II sort a droite. SCENE XXI. M" e WALKER, GRAFEN, puis GEORGES el SUZETTE. GRAFEN. Qu'est-ce qu'il a dit cet ivrogne ?.. M lle WALKER, sortant du cabinet . Et moi , qui me croyais aimee !.. GRAFEN. Ah!., ma chere amie!... si vous saviez... M 1Ie WALKER. J'ai tout entendu... GRAFEN. Ce qu'il m'a dit ?... M lle WALKER, montrant la droite. J'etais la... (Lui prenant (a main.) Ah! docteur!., c'est un monstie ! . je sens que je serai bien malheureuse avec lui, moi, si tendre. .. si sensible... ilme luera!.. GRAFEN. Le fait est que ce n'est pas vous qu'il aime... mais votre ar- gent, YOtre care... votre niece J.. M lle WALKER. Assez, docteur!.. asscz!.. GRAFEN. Et enfin , sans respect pour vous , pour lui-meme... il nie tout. M lle WALKER. Ah!., que n'a-t-il ditvrai?.. GRAFE1V. - i Mais, vous savez bien le contraire, vous... 48 M Jle WALKER. Sans doute. . puisque vous me 1'avez dit. . . GRAFEN. Comment!... c'est vous qui m'avez avoue... M" WALKER. Ehldocteur !... moi,pauvre vicillefille sans experience, me .serais-je jamais imagine une pareillc chose. . . sansle mot fatal que vous avez laisse echapper !.. GRAFEN. Plait-il?.. j'ai iaisse echapper un mot... M lle WALKER. Sans doute !.. lorsque vous etiez la, agite, hors de vous... et qu'en me pressant le pouls, vous murmuriez un enf. . GRAFEN. Un enfant!., et c'est sur ce mot que vous avez cru .. M 11 ' WALKER. Eh! mais, n'etait-ce pas assez?.. GRAFEN. Ce n'est pas de vous que je parlais. .. M lle WALKER. II sepourrait!.. et de qui done? GRAFEN. De votre niece et de Georges. Georges et Suzette entrent sans 6tre vus. M 1Ie WALKER. Suzette !.. ah!., je me meurs, je me trouve mal... GRAFE1V , la soutenant. Revenez a vous. Suzette approche un faiiteuit. M 11 ' WALKER. Mais , c'est de joie.. je suis si heureuse !.. ah! mon ami... il disait vrai !.. c'etait... (4 percerant SuzeUe.} Ciel !.. c'est vous, mademoiselle, qui osez paraitre devant moi... Georges recule dans le fond. SUZETTE. Grace!..* GRAFE3I, d rni-voia;. Allons , de Pindulgence , que diable !.. supposez qu'ou lui contaitle siege d'Anvers , que la chambre etait en feu, et... M lle WALKER. Silence !.. Eh ! bien , oui... je pardonne tout. * Suzette, Mile Valker, Grafen. 49 SUZETTE. Ah! ma bonne tante!.. Georges rcdesccnd avec joie pres de Suzette , a gauche^ - : f j.) SCENE XXII. Les Memes, VANDERTROUN , MINA. MINA. Mademoiselle... venez done!., le diner est servi, ces mes- sieurs s'impatientent, il y en a deja dix a table... et huit des- sous... VANDERTROUN, sa serviette a la main. Eh ?. . les autres , vous ne venez. pas !.. a table, voila le no- taire qui vient d'arriver.* M 1K WALKER . Le notaire !.. tant mieux... (A mi-wix dM. Grafen.} Ah! nioti Dieu!.. comment lui (lire, je n'oserai jamais... GRAFEN, de menu. Laissez-moi faire... VANDERTROUJY. Hein!.. qu'est-ce que vous chuchottez tousles deux ?.. GRAFEN, passant entre Mile Walker et lui. 'est mademoiselle, qui me disait combien elle regrette de ne pouvoir signer ce soir votre contrat demariageavec sa niece., qui vous plait tant... VANDERTROUN. Le fait estqu'elle est gentille, la niece... (Georges ae place enlre Suzette et lui.} mais du moment que c'est la tante.. - GRAFEN. Dont YOUS epousiez la/ortune... mais comme e,lle la donne toute entiere a sa niece... VANDERTROUN. Ah! bah!.. M 1U WALKER, de mi-voi.c. Permeltez done... GRAFEN , a dcmi-rou'. Oui, vous lui donnez lout, sans vous separcr de rien .. vous vivrez tous en famille... VANDERTROUN. Comment!., a ce blanc-bec... la cave, le Champagne, les vingt mille livres de rente. ' Georges, Suzette, Vandertroun, Mile Walker, Grafen, Mina. La Vidlle fille. 6 GEORGES, dSu-zette. ( 4 ]a ledegrise. GRAFEN. ,,.. Oui , mais a vous la main et le cceur de M"' "Walker. . - (It le fait passer.] M 11 ' WALKER , vivement. Du tout!.. VANDERTROUN. Elle refuse ! .. Eh! bien, 11 n'y a pas de mal.. (Mile Walker s e refugic pres de M. Grafen.} Le diable m'emporte , nous allion 8 tous faire une betise... et une fameuse... il vaut mieux rester garcon comme nous sommes... MIIVA , qui est pris de lui. Certainement. ,. VANDERTROUN. Hein!., 11 la regarde en suuriant, clle baisse los yeux. GRAFEN, d Mile Walker. C'estcela >t . etenfaitd'enfans... (Montrant Georges et Suzette.) voici les V(5tres.. moins le mari... c'est cent pour cent de be- nefice. Air : Amis> t'honneur nous appel/c. Ensemble. Quc ciiacun de nous oublie Ce projet d'un hymen vraiment Piquant. Gar ce n'ctait qu'unc f'olie. .. Mais faisons ensemble desvceux, . Pour ceux. Dont 1'amour doit former les nceuds. FIN. FRfiTILLON, ou LA BONNE FILLS, VAUDEVILLE EN CINQ ACTES, Be JiUfl. fiauarir a 21. RRPKKSENTg POUR r.A PREMIERE FOIS , SDR LB THK.4TRK DU PA f, Al S- ROY A f I.K 13 DKCKMRRK Eli chemise , a la croisie , II liii faut tendrc sos l.ic- . . Deujs fois clle eut iquipagi- , Bontflles ct diamants... Mais que vient-on ien sans rotillon ! PRIX : 2 FR. 50. PARIS, MARCH ANT, EDITEUR, BOULEVART S. -MARTIN, 12; BARBA, LIBRAIRE, PALAIS-ROYAL. 1 834. Imp. deJ.-R. MKVHBL , Passage du Caire, 54. Beranger, notre Horace, en un tableau facile, A peint de Fretillon la piquante bonte : Le theatre, a son tour, traduit en vaudeville Les strophes du poete et leur verte gaite. Tartuffe , dans son coin , va crier au scandale ! Quelque sot le croira.. . Toi , public sans facon, Qui ne viens pas chez nous faire un cours de morale, Protege tes plaisirs ! . . Gomme dans la chanson , La bonne fille aura son allure un peu vive , Ses humaines verlus, sa charite naive... Rassure-Loi pourtant, car notre Fretillon, Cette fille Qui fretille, Garderu son cotillon. PERSON N AGES. ACTEURS. GAMILLE ou FRETILLON. M 11 - Virg. DEJAZET. ( En grisette au premier acte. Neglige elegant au deuxieme; toilette recherchee au troisieme acte; toilette legere , voile, bijoux et cache- mire au quatrieme ; robe blanche tres simple au cinquieme. ) LUDOVIC. M. ACHARD. Habit rapeet casquette au premier acte; costume plus soigne d'acte en acte.) MURINGO, soldat. M. LBMBNIL. (Habit bourgeois au premier acte; militaire dans les autres.) GODUREAU , courtier. M. SAINVILLE. M. DE CERAN, jeune 6leg-aui. M. ANATOLE. AUGUSTA, jeune danseuse. M"" LEHENIL. (En grisette au premier acte ; tres elegante dans les autres.) JOSEPH, porte-ctesdeSainte-Pelagie. M. BOUTIN. M. LEGRAS, huissier. M. OCTAVE. (i cf acle.) LE JOKEI de Godureau. (a* acte,) JOHN , jokei de M. de Geran. M lle AGLAE. Une femme de chambre. (3 acte.) ANASTASIE, femme de chambre. M 1U AIMEE. Plusieurs Jeunes Gens elegans. MM. VICTOR, etc. Dames invitees chez Gamilie. (4 e acle.) Quatre Jeunes Gens detenus pour dettes. Deux Garcons de fournisseurs. Un Caporal et deux Soldals. La scene se passe d Paris aux i", 2% 3' et 5" acle chez Camille ; au 4* dSainte- Pelagic. VAUDEVILLE. ACTE I. Le theatre represente une rnansarde; au fond, a gauche, une fenetrc ; a droite, la porte d'entree. Porte laterale a gauche. Une armoire, une table , chaises , etc. SCENE PREMIERE. AUGUSTA , CAMILLE. GAMILLE, scale, en j upon, et en train de s'habiller. Que c'est cnnuyeux des'habiller toute seule...la!.. voilamon lacet parti ! (Se retournant, et regardant par lafenetre.) Ah! mon Dieulcc petit monsieur a safenetre... toujours la!., il me salue (Elle croise ses bras sar sa poitrine en saluant. ) Monsieur , j'ai bien 1'honneur... II est gentil! Aliens, en voila un autre qui se met a sa lucarne. Ah! 1'horreur!.. par exemple, si je \eux qu'il meregarde, cclui-la \..(Elle prend un schall et I'atttiche en guise de rldeau. ) J'en suis bien fachee pour le petit. AUGUSTA, entrant pendant qa'elle est monte'e sur une chaise. Camille! Camille! Eh bien! est-ce qu'il n'y a personne iei? CAMILLE, descendant. ' Si fait... Bonjour, Augusta. Tu arrives a propos... agraffe- moi done ma robe. AUGUSTA. Tiens ! qu'est-ce que tu faisais-la ? GAMILLE. Je tirais le rideau; il y a en face, des gens qui, sous pre- texte qu'ils sont plus eleves que moi...ont toujours les yeux sur ce qui nc les regardc pas. AUGUSTA. Ca tc contraric ? GAMILLE. Certainement, quand ils sont laids. Et il y en a un... AUGUSTA, otant le schall. Voyons... Le grand... je sais, il m'envoie aussi des douceurs. Un garcon apothicaire. CAMILLE. Vrai ! Air : De sommeilter encor ma chere. Les sentimens d'apothicairc Ne me tentent pas, j'en convien, Et pourtant, j'en ai vu, ma chere, Qui devaient aimer assez bien. Mais, aveceux,j'ai des scrupules, Get etat-la me fait trembler, Et leurs amours .sont des pillules Qtie je ne peux pas avaler! Et 1'autre, sais-tu ce que c'est? Non... II a un petit air eveille... j'aime mieux ca... AUGUSTA, C aidant. La! c'est fini... et je m'asseois , car, je ne puis plus me tenir sur mes jambes.. . CAMILLE. Est-ce que tu as courn ce matin ? AUGUSTA. II y a deux heures que je fais des battemens et des pirouettes , car, tu ne sais pas... je debute la semaine prochaine dans \c Dieu et la Bayadere... M. Veron me 1'a promis... je n'ai pas dormi de la nuit... Quand je pense que je vais paraitre dnvant ces mes- sieurs de 1'orchestre, qui ont le coup d'osil si difficile! Heureu- sement , j'aile coude-pied delicieux. Elle se met a danser. CAMILLE. Tu as beau dire, c'est un etat que je n'aime pas... sc deman- cher le corps devant tant de monde... AUGUSTA. C'est la qu'ost 1'avantage. CAMILLE. J'aime mieux danser a la Chaumiere... avec quelqu'un tout seul. AUGUSTA. La! encore! M. Alfred peut-etre... il faut avouer que tu as des attaches bien singulieres. Un garcon qui avait mauvais genre... CAMILLE. Oh ! tu dis ca , parce qu'il n'avait pas un tilbury. AUGUSTA. Tiens ! un tilbury... c'est aimable... et , si tu voulais, je con- nais quelqu'un qui nc demanderait pas mieux que det'en donncr nn... il to trouve si gcntille ! M, Godureau. CAMILLE. Ce gros palaud! il a Pair bete! AUGUSTA. II roule sur Por, ma chere... c'est le ncveu d'un marchand de comestibles. CAMILLE. Dieu! moi qui aime tant les dindes truffecs AUGUSTA. Et le vin de Champagne done ! A propos do pa , je viens te demander a dejeGner , et j'apporte mon plat... un fromage de Neuchatel qui est delicieux ! Elle le tire de son panier. CAMILLE. Ca se trouve bien.,. j'en ai un la qui est tout frais. AUGUSTA. Ca fait deux plats... Mais est-ce que 51. Godureau ne t'a pas ecrit? CAMILLE. Je n'ai rien recu. AUGUSTA. II doit te faire part de ses intentions... Quelque cadeau, j'en suis sure... il fait tres bien les choses. CAMILLE , mettant le convert. Ca m'est egal... je n'y tiens pas; ce que je veux, c'est un sentiment. AUGUSTA, faisant des battemens. Un sentiment... mon Dieu! Camille, tu ne pourras done ja- mais avoir de 1'ordre! Tu es d'un decousu, ma chere, qui me fait trembler pour toi... comme me dit mon excellente mere : Quand on est jeune , il faut penser a Pavenir.. . mettre de cote. . . le sentiment tout seul, pa passe et pa ne laisse rien mais, quand il y a quelque chose avec quinze vingt, quarante mille litres de rente, il en reste toujours un peu... c'est ce qui s'ap- pelle plumer Pamour, et avec ces plumes-la, on a des rentes, un hotel, une voiture... voila commc on fait son chemin. Tra , la, la, la. Elle danse. CAMILLE. Oh! je sais... tu fais de rarithmetique... Eh bien! moi, je ne peux pas... le cceur emporte la tete... je partage avec ceux qui n'ont rien... les autres partagent avec moi , j'ai des hauls et des bas... tantot enindienne, tantot en mousselioe... Air de Partic et revanche. L'or, vois-tu bien , jc n'y tiens guere, Jc m'cn passe, mais de 1'atnnur! 8 Jhn'enfaut, il m'esl necessaire ; Par rnallipiir, Icsainans du jonr Sontperfides, pleinsde detour ; 11s nous trahissent ; il me semble Que c'est tous Ics jours plus commun, Et j'en aiine plusieurs ensemble, Pourqu'il m'en restc toujours un ! Oh ! tu ne comprends pas ca, toil AUGUSTA. Si fait! si fait! et tiens, il vient quelquctbis ici un militaire qui a fini son temps... CAMILLE. Marengo .. AUGUSTA. Eh bien, ma chere, il me plait... il me plait beaucoup... j'y pensais encore ce matin , en repetant mon pas de deux toute seule, mais il ne me feraitpas faire desbetises. .. oh! ben oui... CAMILLE. Tu le possedes, toi... tu es bien heureusc. Un billet jete par la fenfire tombe sur la scene. CAMILLE. Tiens, qu'est-ce qu'on jette la? un billet, c'est pour toi. CAMILLE. <^a vient d'enface, pourvu que ce soil du petit. Voyons. .. (Etle I'ouvre et lit.) a Tant pis, m'am'zelle je ne sais pas qui... mais c'est egal. . . je vous aime, je n'y tiens plus. . . ca m'etouffe ! je vous 1'ecris, et je vas chercher la reponse... (S'interrom- pant.} Ah ! mon Dieu ! il va venir. AUGUSTA. Eh bien , comme il y va ! CAMILLE, lisant. Je porte avec moi mon dejeQner, que je vous offre comme un i-compte sur les sentimens d'estime que je vous voue pour tout le temps de votre existence et de la mienne. (S'interrom- pant.} II ecrit bien. (Lisant.} a LUDOVIC Oh! le joli nom ! je n'en ai pas encore rencontre comme celui-la. AUGUSTA. Est-ce que tu vas le recevoir, ma chere ? CAMILLE. Je n'ai jamais refuse a dejeQner a personne. 9 SCENE II. Les Memes, LUDOVIC * LUDOVIC, entrant. Me voila ! CAMILLE. C'cst lui ! LUDOVIC, s'arretant d la vue (TAugusla; Tiens! elle n'estpas seulc... tant mieux! Air : Vivent les griseltcs I Vive un tete-a-tete, Lorsque content ct joyeux, Au lieu d'un' grisette On en trouve deux ! (A CamilleS) Bonjour, tna voisinc... Qu aattraits, quel tresor, Et ce qu'on devine Vaut bien inieuxencor. Vive un tete-a-t^te, etc. CAMILLE. II est un peu leste ! LUDOVIC. Vous avez recu ma lettre , n'est-ce pas ? AUGUSTA. Elle est arrivee d'une drole de maniere, est-ce qu'on jette ainsi,parla fenetre? LUDOVIC. Tiens! tant qu'on ne casse pas les vitres ! et du moment que mademoiselle Camille ne s'en fachc pas. Je viens chercher la re- 'ponse. CAMILLE, allant chercher un couvert dans I'armoire et le mcltant sur la table. La voila, M. Ludovic. LUDOVIC. Mon couvert!.. vrai!.. c'est pour moi!.. vousn'en attendiez pas un autre?.. je vais dejeuner avec vous?. .Dieu! que vous etes bonne!., que vous etes gentille! CAMILLE. Dam!., notre dejeuner n'estpas i deux services, vous conce- vez... une jeunesse qui travaille de son aiguille... AUGUSTA. Et une danseuse qui travaille de ses... Elle Fait des battemens. * Camille, Ludovic, Augusta. Fretillon. 2. LUDOVIC. Et moi, qui nc travaillepas dn lout... comme ca se trouvc !.. Voila mon plat.... un Neuchntel ctpuis.... liens!., il y en a deja deux... (// rit.) Ah ! ah! ah! AUGUSTA, riant. Ah, ah, ah!., c'est drole! CAMILLE, riant. Ah , ah , ah ! ca fait trois plats varies. LUDOVIC. Moi, j'adore le fromage; j'avais bien cnvic de monlcr quel- que chose dc micux avec moi; un dinde, une volaille, un pate; mais, j'etais si presse d'arriver... avec ca que je n'avais pas le sou... AUGUSTA. Vous n'aviez... LUDOVIC. Pas le sou. .. (Frappant sur sa poche.) Personne ! CAMILLE. Eh bien! il ne prend pas en traitre au moins. LUDOVIC. Moi, jarnais! je suis franc comme 1'or... que je n'ai pas... et quand je vous dirais que je suis millionnaire , vous me croiriez joliment, moi qui demeurc dans la mansarde en face , au cin- quieme au-dessus de 1'entresol... cent soixante-trois marches. CAMILLE. Dix de plus que chez nous. LUDOVIC. Bah! vous me faites I'effet d'etre log-ee comme une banquiere. . . et meublec. .. AUGUSTA. C'est bien mesquin! LUDOVIC. Etmoi, done! Air du Petit corsaire. Une table a trois pieds boiteux, Un coflire oil mon linge est & 1'aise, Un lit de sangle oil 1'on tient deux , Et pas de chaise... -.-'.- ^n<> t : .:'' :'ii ~ ti.'i; i,'f, CAMllLE. Pas de chaise... Comment faites-vous done asseoii Cetix qui, chez vous, peuvent serendrc ? LDDOVIC. C'est mon secret... venez me voir, Et je jure de vous 1'apprendre. I 1 AUGUSTA. All! si vous lailes do 1'esprit tie Gymnast-! El Ic dejeuner,.. LUDOV1C, Apart. Elle n'aimc pas les phrases, la danscuse... (Haul.") Oui, oui, dejeunons, ca donne des idees. 11 place des chaises autour dc la table. AUGUSTA , d ml-ioix. Dis done , e'est bien commun ! CAMILLE; id. Tiens! il esl amusant. .. (Haul.} Attends, j'ai la une bouteille de vin blanc ; c'est encore de la provision de Ferdinand; lu sais.*. . LUDOV1C. Ferdinand, ce grand fat qne je voyais loujours a volre fe- netre... avec des moustaches blondes? GAMILLE. Non, non. LUDOVIC. Ah! c'est un autre. .. Dieu ! que ce dejeuner a bonne mine! A table, mesdemoiselles, pendant que c'est chaud! ([Is se met- tent d table, Ludovic toujours entr'eltes.) Dam! je vous previens que je suis presse... excusez-moi, il faudra quo je vous quitte bientot pour aller chez monsieur le maire. Voulez-vous du fro- mage ? GAMILLE. Qu'est-ce que vous avez a faire avec les autoriles ? LUDOVIC. Ah! voila... je suis consent. CAAIILLE. Ah ! mon Dieu ! LUDOVIC. J'ai tire il y a six mois, et comme j- ? ai la main heurcusc, j'ai attrappe Ic numero trois, sur deux cent cinquante-six. Voulcz- vous du fromage? AUGUSTA. Comme ca, vous pourriez partir? LUDOVIC. Je croisqu'oui; il en fautccntcinquanlc... alors... mais nous n'en sommes pas la, je Tcspere bien !.. Par cxemple! m'en aller ,i present... pas si bete ! GAMILLE. Vous n'aimez pcut-C-lre pa? 1'etal mililairo? 12 LUDOV1C. Jc le deteste! je ne fais pas mon service de garde national, ainsi... je voulais bien acheter un remplacant a credit... je n'en ai pastrouve a ce prix-la... j'ai pourtant un oncle qui pourrait m'avancer des pieces de cent sous... uu oncle qui roule sur 1'or, et qui nage dans les pates de foies gras... un fameux marchand de comestibles, qui enfonce M. Corcellet. CAMILLE. Vous le nommez? LUDOVIC. Godureau... M. Godureau. CAMILLE. Le parent de ce jeune Godureau qui fait des affaires a la Bour- se? LUDOVIC. Juste ! c'est le neveu de mon oncle. CAMILLE. Nous le connaissons. LUDOVIC. Mon oncle? AUGUSTA. Non , votre cousin, et on pourrait peut-etre lui parler... LUDOVIC. Lui ! ah ! bien oui , il a encore sur le cceur un coup de poing que jc lui ai donne sur 1'ceil. CAMILLE. Vous I'avezbatlu? LUDOVIC. A plate couture. Pif! pat'l Dieu! lui en ai-je donne ce jour- la! CAMILLE. Et a cause? LUDOVIC. A cause, parce quo c'est un capon, un calin; il fait lacour a mon oncle pour lui faire avaler descouleuvres... Voulez-vous du fromage? CAMILLE. Comme ca vous etes brouille avec votre oncle aussi? LUDOVIC. Moi, je ne suis brouille avec personne, c'est lui qui m'a mis a la porte, pour une betise. Figurez-vous, mesdemoiselles... Si nous buvions un peu, pour faire passer... Dicu ! que ca bourre le pain et le fromage! j'etouffc!.. (Il bolt.} Figurcz-vous que i3 mon oucle elait en voyage... du cote d'Amiens... pour des pa- tes... et il m'avait confie sa boutique, parce que je suis homme d'ordre et d'economie. .. alors, moi, j'ai profile de ca pour don- ner un diner aux amis, un grand diner : en avant les volailles, le gibier, les truffes , les vins fins et les liqueurs. AUGUSTA. Ah ! si nous vous avions connu! LUDOVIC, apart. Est-elle gourmande, la danseuse! (Haut.} BrefSil y avail trois services, sans compter le desserl; aussi, ca s'est prolonge inde- finiment, elle lendemain , nous etions encore a table, c'est- a - dire dessous... pendanl Irois jours, les amis sonl venus manger les resles, et on entamail loujours du nouveau... si bien, qu'a son retour, mon oncle n'a plus trouve que des caisses vides el des bouteilles cassees;il a eu la petitesse de s'en facher,comme si un oncle qui a des entrailles devait tenir a quelques dindes truffees. Moi, je n'y liens pas, je donne tout aux amis. CAMILLE. C'est dans mon genre. Air nouveau. Fair' des lieurcux , c'est ma devise : To n'as rien , moi j'ai ; touche la ! Compter toujours c'est d' la betise ; Bonn' illle, on donne ce qu'on a. Quand d'un peu d'or je suis maitresse, Ou qu' 1'amour seul fait ma richesse, A celui qui soulfre , suudain , Moi, j'ouvre mon coeur ou ma main. Prendre ou donner toujours galment . Voila comm' j'entend L' sentiment. TOUS TBOIS. Prendre ou donner, etc. LUDOVIC. (Parlt.) Eh ben, v'la une femme qui me comprend. CAMILLE. UE1XIEME COfPlET. La fortune est comm' la jcuncssc, C'est un beau jour qui doit passer, Un bien du ciel... et la sagesse Est de savoir le dcpenser. J* trouv' plus d'un ingrat snr ma route, Mais, quimporte!.. coute qui coute, J'fais un heureux...ce bonheur-la Quelqu' jour, un autre me 1' rendra. Prendre ou donner, etc. I (IIS TEOIS. Prendre ou donner, etc. '4 SCENE III. Les Memes, MARENGO, en habit bourgeois. MARENGO, entrant. Bonjour tout le monde. . . bon appetit !. . AUGUSTA. Ah! M. Marengo! MARENGO. Je vous derange, peut-&tre ? GAMILLE. Du tout! du tout! Encore une visite ; il parait que je suis dans mon jour de reception. MARENGO. Encore un olibrius ! LUDOVIC. Qu'est-ce que c'est que ce monsieur ? GAMILLE. Un demes amis, M. Marengo, un brave soldat qui a fini son temps. LUDOVIC. II est bien heureux ! AUGUSTA. Approchez, M. Marengo; les vieilles connaissances ne ge- nent jamais ! CAMILLE. Avez-vous dejeune? MARENGO. Non, je n'ai plus de faim. GAMILLE. Ah ! mon Dieu ! est-ce que vous gtes malade ? MARENGO. Au contraire, je creve de sante ; mais il est des temps ou 1'es- tomac ne fait pas ses fonctions. AUGUSTA. Allons, allons, mettez-vousla, je vas vous servir. LUDOVJC. Voulez-vous du fromage? GAMILLE. Asseyez-vous done. MARENGO, s'asseyant. Merci, mademoiselle Fretillon.* LUDOVIC. Hein ? comment qu'il vous appelle ? * Camille, Ludovic, Augusta, Marengo. i5 MARENGO. Mademoiselle Fretillon. ( A part.} Qu'cst-ce qu'il a done ce pekin-la! LUDOVIC. Fretillon ! est-ce que c'est votre nom de famille ou votre nom de bapteme? CAMILLE. Non , c'est un petit nom d'amitie que son regiment m'atait donne. LUOOVIC. Tiens ! est-ce que vous avezservi? GAM1LLE. Eh non ! est-il bete! c'est quand je demeurais en face de la caserne; c'etait a qui serait de faction a la portc, pour me voir plus long-temps a ma croisee ; je ne sortais pas de fois qu'on ne me portal les armes; et la musique en rentrant a la tete du regiment, ne manquait jamais de me regaler dc sa plus jolie fanfare ; il n'y avait pas jusqu'a ces imbeciles de tambours qui baltaient au champ a me fendre la tete! t Air t/u Carnavat. ; - ,-..OK( :>'ip . ':! 'l/iiul ' Lors, Fretillon fut le nom de bapteme Dont au quartier gaiment on m'appela; Et Marengo, cet autre nom que j'aime, Comme le mien, date de ce temps-la. A ces deux noms d'amour et de vietoire Dans la caserne on devait s'attendrir ; Car, si le sien rappelait une gloire, Le mien , tonjours, rappelait un plaisir. MARENGO , la bouche pleine. Dam ! vous etiez si gentille ! si bonne ! souriant a tout le monde. LUDOVIC. Pour un estomac qui ne fait pas ses fonctions, il a une ma- choire qui ne travaille pas trop mal, le soldat. AUGUSTA. Buvez done un coup, M. Marengo. MARENGO. Merci ! il est des temps ou lego,sier n'est pas avide d'etre hu- mccte. LUDOVIC. C'est ca , comme 1'estomac tout a I'heure ; farceur de soldat, va! CAMILLE. Ah! c'est e"gal, vous ne refuserez pas de boire a ma sante. i6 MARENGO , tendant son verre. Ceci equivaut au commandcment dc porter armcs ! pour vous obeir, purement et simplement. (Apres avoir bu.) Et de rechef. II tend son verre. AUGUSTA. Decidement, M. Marengo, vous avez pris votre retraite? MARENGO. J'ai fait mon temps, et comme mon sabre se rouillait dans le fourreau, j'ai fait demi-tour sk droite, et je suis rentre dans la vie civilisee. CAMILLE. Et vous avez bien fait. Marengo se sett encore a boire. LUDOVIC. Yous serviez dans les pompiers ?. . MARENGO, apres avoir I/ u. Troisieme de ligne... grenadier... mais il y a un autre regi- ment ouc'queje voudrais servir sous le commandement d'un aimable capitaine. LUDOVIG. C'est comme moi. .. et ca me fait penser que monsieur le maire attend 1'honneur de ma visile... Dieu ! quec'est vexant! II seleve. CAMILLE, se levant aussi. Moi, j'ai de 1'ouvrage a reporter... Je vous laisse avec Au- gusta... (Bos.} Dis done, iivate faire sa declaration. (Haut.) Voulez-vous me donner votre bras, M. Ludovic? * LUDOVIG. Avec ravissement, mademoiselle... mademoiselle Fretillon. CAMILLE. Eh bien, vapour Fretillon!... Adieu, M. Marengo... je re- viens bientot. U DO VIC ft CAMILI.B. ' ' .'. > f Air des Gascons. Est-il heureux qu'on 1' laisse ainsi ? Avec un' belle Demoiselle 1 Est-il heureux qu'on 1* laisse ainsi , Hein ! quelle campagae pour lui ! MAEBHGO. Ga m'est bien egal! CAHILL8. C'est dommage ! * Augusta, Mareogo, Gamille, LudoTic. LCDOTIC. Laisser done J.. c'estcomm' I'appettt, It n'cn avail pas, il 1'a dit... Mais , ii ne rest* plus d' frontage ! // rient . ENSEMBLE. CAMH.LK Ct M'DOVK . Est-il heureux , etc. MAR8NGO. Ca m'estegal qu'on in'iaisse ainsi Tete-a-tete avec une belle... Ca m'est egal qu'on m' laisse ainsi... J'aime mieux qu'elle , Dieu merci ! Qu'a-t-elle done a rire ainsi ? Mieux qu'elle Et sans etre infidele, Je ne trahis pcrsonne ici , Je puis bienl'aimer , Dieu merci ! Camille et Ludovic sortent. SCENE IV. AUGUSTA, MARENGO. MARENGO , d part. Encore un ! d'ou sort-il celui-la? AUGUSTA , d part. II a 1'air bon enfant. M. Marengo, et un bel homnie... il me fait 1'effet de M. Albert dans le Dieu Mars. .. (S'approchant.} Comme vous paraissez triste? MARENGO. C'est possible , mam'selle... j'ai la, sur le cceur, un pain d.e munition qui m'etoufife! AUGUSTA. Ah! mon Dieu ! qu'est-ce done ! Pardon, c'est un secret peut- etre. MARENGO. Non, mam'selle... c'est de 1'amouretdu fromage. AUGUSTA, minaudant. De 1'amour!.. eh bien, il n'y a pas de mal... si vous arez bien choisi. MARENGO. Oui, mamzelle , et vouspourriez m'aidertout dc mme. Fretiilon 3. i8 AUGUSTA. Oui! Encecas, voyons, qu'est-ce que je puis faire pour vous? MARENGO. Vous pouvez parler en ma faveur a Fretillon. AUGUSTA. Camille!,. (A part.) AHons, elle n'en manquera pas un ! MARENGO. Oui, mademoiselle, c'est elle que j'aime, que j'idole... sibien que je n'en dors ni jour ni nuit. .. et la nourriture aussi que je m'en prive... enfin, faut qu'elle le sache... faut qu'elle cor- responde a mon sentiment ou je deviendrai fou... et si vous vouliez... AUGUSTA. Mais, dam! vous etes assez grand pour parler de vous- meme, naturellement et en personne. MARENGO. Je ne peux pas... Non, parole!., quand je m'adresse a une particuliere, 1'histoire de rire etde causer, ca vat-encore; mais, quand le cceur est pris, la, serieusement, je suis timide, ainsi quel'enfant qui vient de naitre. AUGUSTA. C'est etonnant, presd'elle, surtout. .. Oh! ce n'est pas pour dire du mal de Camille, nous sommes amies intimes... mais, elle est d'une legerete , d'un laisser-aller... MARENGO. Le fait est qu'elle est furieusement volatile!.. AUGUSTA. Et quand on est aussi aimable que vous, il me semble qu'on pourrait trouver mieux que ca. MARENGO. Mieux que Fretillon!.. mille z'yeux!.. une fille si bonne, si obligeante, qui n'a rien a elle, absolument rien!.. Des qu'on souffre... des qu'on est malheureux, elle est la, pres de vous, et pour obligor les gens , elle donnerait j usqu'a ses hardes. . . Oui , mademoiselle, oui, elle les a mises en gage une fois pour un camarade qui etait a I'hopital... dont il a etc si reconnaissant que ca fendait le cceur... pourquoi il en est mort ainsi!.. et je pourrais trouver mieux que pa... moi, Marengo!.. jamais! jamais !.. AUGUSTA. Ecoutez done, M. Marengo... ce que je vous en dis est par interet, par amitie pour vous... car j'cn ai beaucoup. MARENGO. Oui... Eh Men, je vas vous demander un ser- vice... Dites-moi la en conscience, si je peux me declarer... C'est-a-dire , si je peuxesperer... AUGUSTA. llien du tout. MARENGO. Ah mon Dieu !.. il y en a done un autre?.. AUGUSTA. II ne faut plus y penser. MARENGO. Vrai!.. Alors, si fait, j'y penserai toujours!.. mais je ne la vcrraiplus, pa fait trop de mal... Je m'en irai. AUGUSTA. Qu'est-ce que vous dites ? MARENGO. Qu'on me presse de reprendre du service. 11 y a meme des brocanteurs de chretiens qui m'offrent de me payer comme remplapant... Eh bien, c'est dit!.. AUGUSTA. Y pensez-vous, M. Marengo! Vous etes trop sensible... MARENGO. Et quel cst done celui qui est la en pied? Dieu !.. si je pou- vais rafraichir mon vieux briquet!.. Serait-ce par hasard cc gringalet qui etait ici tout a 1'heure... II ne me revenait pas. AUGUSTA. Non, non... c'est un autre, un Cresus qui cst dans les comes- tibles. MARENGO. Celui qui a paye le dejeuner? En ce cas je concois 1'avan- tagc; moi qui n'ai rien!.. rien du tout! enfant de troupe!.. 11 y a bien un vieux general qui me veut du bien. On a meme pretendu... Le fait est qu'il avail commence par etre soldat, et que ma mere tenait la cantine ous qu'il allait souvcnt... Je lui resscmble comme deux goutles de cassis. AUGUSTA. 11 fera peut-etre quelque chose pour vous. MARENGO. Ma mere me 1'a toujours dit. Bonne et vertueuse femme, va! En attendant je vas ecrire que, moyennant un bon prix*... T a-t-ildel'encre, du papier, quelque part? AUGUSTA. Dans la chambre , la; mais ne prenez pas ce parti... II y a niicux a faire, et je sais quelqu'un... * Marcngo, Augusta. 90 MARENGO. Merci, mademoiselle, merci. Oh mais ! patience. . il y a quel- que chose qui me dit d'esperer. Air : Ah I si man marl me voyait! Quand mon regiment partira, Au Cresus elj* sera fiddle ; Mais bientot, pre'ffere par elle, Un autre lui succedera,. Quand mon regiment marchera. Iliche ou pauvre, commis ou maitre, Au train dont Fretillon y va, Mon tour sera venu, peut-etre, Quand mon regiment reviendra ' AUGUSTA. C'est possible ! MARENGO, sortant. Adieu ! je vas ecrire. // entre a gauche. SCENE V. AUGUSTA, pair CAMILLE. AUGUSTA, stale. Encore one passion pour elle , et celle-la ; j'en ai le coeur serre. Un si brave homme , quo j'avais la faiblesse d'aimer con- tre mes principes, puisqu'il n'a rien. Par exemple, parler a Camille... non ! J'aime mieux qu'ils'enaille...Qame fera moins de mal. D'ailleurs c'estune belise que cet amour-la! pa me de- tournerait de mon etat. (Elle fait des battemens.) line danseuse doit riser a quelque chose de plus eleve. (Elle saute.) CAMILLE, entrant. C*est afireux! c'est une indignite! AUGUSTA. Quoi done!.. Qu'est-cc que tu as? CAMILLE. C'est une lettre de M. Godureau... d'une inconvenancc... AUGUSTA. Bah ! qu'est-ce qu'il to dit ?. . montre un peu. GAMILLE. Oh ! mon Dieu!.. ce qu'ils disent tous. II m'aime... il me de- mande un rendez-vous. (Lisant.) Ce soir, un souper fin que je fais porter chez votre amie Augusta. AUGUSTA. Chez moi, c'est charmant! CAM1LLE. Ua dinde etdu \in de Champagne mousseux pour griser noa amours. (S'interrompant.) Jusque lail n'y a pas grand mal, c'est meme delicat. (Lisant.^ Je ne veux pour reponse, qu'un mot a mon domestique : oui, ou non. (S'interrompant.) II est la! AUGUSTA, prenant la lettre. Ah ca, je ne vois pas ce qui a pu te deplaire... Ah! le post- scriptum... Je joins ici un faible a-compte sur les sentimens res- pectueux avec lesqnets je suis. .. Tiens!.. ( Ouvrant la lettre. ) Des billets de banque ! des billets de 1,000 francs. 11 y en a deux... CAM1LLE. De 1'argent ! de 1'argent ! S'iraaginer qu'il obtiendra de moi , avec ces deux chiffons de papier... AUGUSTA. Et voila ce qui te met en colere ? CAMILLE. Certainement 1'argent est agreable, je ne le dedaigne pas, au contraire. C'est gentrl d'en manger ensemble, mais s*annon- cer par la, c'est insultant!. . C'est d'un Cresus qui n'a pas d'autre moyen d'arriver. AUGUSTA. Par exemple! ecoute done, il y a des endroits oii ca com- mence toujours ainsi. GAMILLE. C'est possible... Mais moi je n'ai pas le cceur dans les jambes. AUGUSTA. Aussi tu iras loin. Et qu'est-ce que tu vas faire a present ? GAMILLE. Lui renvoyer son argent. AUGUSTA. Tu refuses le dinde et le Champagne ?. . CAMILLE. Je ne regrette que ca... D'ailleurs je crois que j'aime quel- qu'un. AUGUSTA. Bah! M. Ludovic, peut-etre. GAMILLE. Ce n'est pas lui qui debuterait par de 1'argent ! AUGUSTA. Je crois bien, il y a de bonnes raisons pour ca. Mais songe done , un jeuue liommc qui n'a ricn.. . qu'un mauvais ton et des 22 manieres tres lestes. Et puis tu peux le reconcilier avec sa fa- mille... Et si tu 1'aimcs, c'est un service a lui rendre. CAMILLE. Laisse done! Air des Scythes. Mon Ludovic s'en passera, j'espere. Et je m'en vais lui renvoyer son bien, Sea deux billets, ADGDSTA. Y penses-tu, ma chcre CAMILLK. Ne donnant rien, moi je n'accepte rien. bis. AUGUSTA. Mais c'est un trait digne d'tpne vestale ! En fait d'argent, de bijoux, de billets, A 1'Opera voili notre morale : On prend toujours et Ton ne rend jamais ! Oui Ton prend et 1'on ne read jamais ! CAMILLE. C'est egal; son jockei attend la, sur Tescalier, et je vais... (Elle vapour sortir et se trouve en face de Ludovic qui entre.) Ah! mon Dieu ! quelle figure ! SCENE VI. LesMemes, LUDOVIC*. LUDOVIC, jetant sa casquette. Que le diable emporte le maire, les adjoints, la mairie et la municipalite! CAMILLE. Qu'est-ceque vous avcz done, Ludovic? LUDOVIC. J'ai. .. que j'ai du malheur! Je suis abime, assomme , assas- sine. CAMILLE. Ludovic ! ciel ! il se trouve mal ! Augusta approche un siege. Ils'assied. LUDOVIC. Le fait est que je ne me trouve pas bien. line tuile , une che- minee, tout ce que TOUS voudrez, qui vient de me tomber sur la tele! AUGUSTA. Ah! ca, est-ce qu'il fait du vent, aujourd'hui? C'est peul- etre un pot de fleurs? * Auguste, Ludovic, Camillc. 25 LUDOVIC. Un pot de fleurs... Est-elle bete, la danseuse. Je parle au figure, ma chere. (Riant.} Ah! ah! ah! CAMILLE. A'llons, le voila qui rit, a pre-sent. LUDOVIC. Je ris, je ris... Oui, je ris, mais de rage , de desespoir. Je ris jaune... II faut que je rejoigne un regiment. CAMILLE. Pourquoi ca? LUDOVIC . Pardine!.. par ce que je suis consent... Imbecile de numero trois, va. II se leve. AUGUSTA. Et il faut que vous partiez bientot? LUDOVIC. Demain... rien que ca. CAMILLE. Demain!... non, ce n'est pas possible! came fait trop dc peine ! LUDOVIC. Et a moi done ! CAMILLE. Vous ne partirez pas. LUDOVIC. Moi, qui esperais cultiver votre connaissance. CAMILLE. Vous la cultiverez*. AUGUSTA, d de'mi voix. Dam!., il n'aurait tenu qu'& toi... si tu avais amadoue sa fa- nille. LUDOVIC. Quoi done? AUGUSTA. Qa ne vous regarde pas. SCENE VII. Les Memes, MARENGO,/3w LE JOCKEI. MARENGO. Ma foi , au petit bonheur ! . . *Ludovic, Camille, Augusta. CAMILLE. Monsieur Marengo, d'ou sorter vous done par la*? MARENGO. D'ecrire ma correspondence, arec votrc permission, made- moiselle. AUGUSTA. TiensJca se trouve bien... il part aussi M. Marengo... vous ferez route ensemble. LUDOVIC. Oh! lui... c'est son metier, ca lui est bien egal. CAMILLE. Comment, vous partez? LUDOVIC. Sans y etre foree .. il est bien bon, toujours. CAMILLE. Ah ca, mais vous disiez que vous etiez amoureux. MARENGO, avec intention. Je voulais me donner, mademoiselle... et maintenant jc veuxme vendre!.. et des que j'aurai trouve un petit bourgeois a remplacer... LUDOVIC. Gratis ? MARENGO. Quelle betise! puisque je pars, autant que ca me rapporte. CAMILLE. Ah! mon Dieu!.. Ludovic!.. quelle idee!.. M. Marengo... MARENGO. Mademoiselle Fretillon?.. CAMILLE. Vous voulez partir? MARENGO. Dam!., a moins que ca ne vous fasse de la peine. CAMILLE. Non... au contraire, et pa vous arrangerait de trouver quel- qu'un a remplacer?.. seriez-vous bien cher? MARENGO. Dam!., c'est selon le tarif... douzc, quinze cents francs. CAMILLE , lui donnant les billets qai sont dans la lettre. En voila deux mille. TOUS. Deux mille francs! * Marengo, Caroille, Augusta, Ludoric. Air: // nc peut s'en defendre. (Bayadere ainoureuse. premier acte des Trois maitresses.) AUGUSTA. Qnel est done ce mystere ?.. Que veut dire ceci?.. Deux inille francs , ma chere. . . Te depouille/ ainsi ! LUDOVIC. Quel est done ce mystere ? Que veul dire ceci , Souffrirai-je, ina chere , Qu'on me rachete ainsi ! MABENGO. Quel est done ce mystere ? Expliqurz-nous ceci. Et pour qui, pourquoi faire , Me payez-vous ainsi ? CAMILLE. Que viens-je done de faire Qui lessurprenne ainsi? Je suis heureuse et Here De sauver un ami ! Al'GUSTA. Elle est folle , vraiment ! MAKER CO. Pour qui done ces billets. CAMILLE. Us sont a Ludovic... et je vous les remcts, t.uDOvic , a part. Deux mille francs I., jamah je ne les eus en caisse CAMILLE, d Marcngo. Prenez , prenez... AUGUSTA. Mais c'est d'une faiblessc !.. CAMILLE. Partez pourlui... voulez-vous? HABENGO. J'y consens, Puisqu'ilssont an consent, volontiersje les prends, Marche conclu... je pars! (A Camille.} Vous, pen- [scz aux absents. Le Jokei cntre et rcsle nu fond. AUGUSTA. Eh! mais. .. le Jokei... il attend... FRETILLON. Ah ! la repouse... je n'y pensais plus!.. Fret it Ion .^ 4 AUGUSTA. Les billets... ct Ic souper qu'il a promis... c'est fini... decide- toi... FR^TILLON , hesitant. Dam!.. AUGUSTA, elerant la volx, au Jokei. Le dindon pent venir! Mouveinent de Marengoet de Ludovic, ENSEMBLE. LODOVIC. Quel cst done ce royslere ? D'oii vientcet argent-ci? Ma fui ! laissons-le fairc, Je reste, Dieu merci ! MARENCO, passant pres de Ludovic. Me voila inl'itairc! II faut partird'ici, Mais, quelque jour, j'espere Avoir uion tour aussi! CAMILLR. 11 restera j'espere ! Je donne tout pour lui ! Je suis heureuse et fiere Oe sa uver un ami ! AUGUSTA. Du courage, ma chere, A lions, prends ton parti, Pour ton bonheup, j'espere , Et pour le sien aussi ! Le Jokei sort, Le rideau tombe, ACTE II. Le theatre represente un petit salon. Appartemcnt a droitc, cutrce au fond. Swr Ic premier plan, a droite, un cabinet ; a gauche , une ar- moirea porte-manteau, table couvcrted'un tapis du memo c6te, canape, i'auteuils, etc. SCENE PREMIERE. CAMILLE, puts LUDOVIC. GAMILLE , entrant par ladroite, une lettre d la main. Encore une lettre du comte de Ceran... pauvre jeune hoin- me. .. il n'y a pas a dire, il m'aime veritablement, c'est sur! cette idee qu'il a ete se mettre dans la t6te, lui si riche , si joli garcon I., a qui toutes les fcmmes font des avances... Eh bicn! non, il ne pense qu'amoi... il ne vcut que moi, il s'en- nuic de faire sa cour dans le grand monde. Air : J'ai vtt le Parnasse des dlhnes. Parmi les dames a la mode , L'usage est de perdre du temps, Pour moi, ce n'est pas ina inethodc, J'ai des principes diflerents : Pourquoi si long-temps faire attcndrc Ce qu'un jour on accordera ? Puisqu'on doit finir par se rcndre, II vaut mieux commencer par la ! All ! ce n'cstpas lui qui se conduirait comme M. Ludovic ! 1'in- grat, il m'a oubliee! LUDOVIC , dans le fond, d la cantonnade. Voulez-vous bien me laisser tranquille... pas un mot, on JG vous lais chasser... CAMILLE, se retournant. Ludovic!.. enfin c'est lui!.. mais, comment osez-yous vous presenter ici, chez moi*?.. LUDOVIC. C'est que je ne peux plus y tenir... c'est que je suis ronge d'a- mour et de jalousie... quand jc souge au bonheur de ce Godu- reau!.. CAMILLE. C'est ca!.. failcs-moi des rcprochcs , il valait pcut-etre rnicux vous laisser partir! * Ludovic, Camille. 28 J i -i f l ' ' fc A LUDOV1C. Ah! les maudits billets! CAMILLE. J'arais accepte... fallait bien tenir compte... LUDOVIC. Pauvre Camille !..j'ai eu tort de te bouder... mais ca n'a pas dure long-temps!., voila quinzc jours que je rode autour d'ici, que je passe devant tcs fenetres... Enfin, j'ai su que mon cousin etait parti pour Rouen, et je me suis dit : Vile, c'est le moment. . . chez ma cousine... car, tu es ma cousine, ou c'est tout comme, de la main gauche. CAMILLE. Et je ne la serai pas long-temps... decidement, Godureau est trop bete!., et sans son tilbury qui est assez commode, et sa table dont je fais part a mcs amis. LUDOVIC. Atesamis... ah! bien, fais-moi done faire un joli diner au- jourd'hui .. mais, pas defromage.. . (Ilsrient.} Ah! ah ! ah ! ainsi, tu as du moins pour te consoler toutes lesjouissances de la vie... CAMILLE. II faut bien se rattraper un peu, et pourtant, je ne serais plusici, si je nem'etais pas mis dans la tete de te faire faire une pension par ta famille. LUDOVIC. Comment, tu aurais pense... es-tu aimable, done!.. Ah!va... que mon oncle me fasse seulement 1'amitie de me laisser sa succession... je te rendrai ca , et avec les interets... les ferons- nous danser, les ecus!., apropos, sais-tu comment il se porte, mon respectable oncle? CAMILLE. On dit qu'il ne va pas bien. LUDOVIC. Tanl mieux!..c'est-a-dire, non... tant pis !.. mais , tachedonc que ma pension ne tombe pas dans 1'eau , hein?.. vois-tu, je suis presse qu'ellc vienne et mon proprietaire aussi... et mon restaurateur aussi, et mon estaminet aussi, etmon tailleuridem, et une foule de gens ennuyeux que j'envoie a tous les diables]et qui ne veulcnt pas y aller... quand recevrai-je le premier quar- tier? CAMILLE. Nous verrons a son retour. .. pourvu qu'il ne sachc pas que tu cs venu ici... Dieii ! avec les idees qu'il a... LUDOVIC. II a dcs idees, mon cousin Godureau... 8 9 CAMILLE. Oui, par extraordinaire... et des idees de jalousie, encore!.. LUDOV1C. Vrai!.. il est jaloux!.. c'est stnpide a lui!.. mais, j'y pense... ca ne pent pas etre dc moi. .. il y en a done un autre?.. CAMILLE. Non, mais, quand cela serait... Nous recevons ici M. le comte tie Ceran, un charmant jeune homme, bien tendre, bien aimable, et bicn pressant !.. car les hommes!.. LUD9VIC, stupefait. Eh bien!.. est-elle franche! CAMILLE. Dam !.. je croyaisque vous m'aviez oubliee, ct demain peut- etre vous seriez arrive trop tard! LUDOVIC. Oui, mais, je suis arrive aujourd'hui, et alors, attention!., pas de plaisanterie !.. CAMILLE. Oh ! moi , je n'ai jamais trompe personne. . . je t'aime , louche la!., tu me deplais, bonsoir!.. voila mes principes ! LUDOVIC. Honnete fille!.. alors, dis done, comme tu as du t'ennuyer avec mon cousin Godureau! CAMILLE. Je crois bien... un hornme qui nevients'asseoir aupresde moi que pour digerer son argent et boire du (Champagne. LLDOVIC. Du Champagne L.pres de toi, quelle ame ignoble!. .Dis-donc, est-il bon votre Champagne? CAMILLE. Excellent! LUDOVIC. Veux-tu m'en faire donncr, seulement. .. pour voir. (// son- ne.) Tu permets?.. CAMILLE. II est temps! LUDOVIC, d la bonne qaiparalt a droite. Du Champagne, petite... et deux verres... Ellesort. CAMILLE*. Air du Charlatanitme. V raiment tu ne te gene pas! * Gamillc , Ludovic. 5o tl'DOVlC. Y penses-tu , ina chere amie ? Se genc-t-on en pareil cas , Entreparens, qu'ellc folie ! Pour lui faire bonneur me voila 1 Ilfautqucla parente brille , Et tout ici m'appartiendra , Son vin, sa table... (L'embrassani.} et [caetera . Ca ne sort pas de la famille! On entcnd parter et rlrcau dehor.t. GAMILLE. Qu'est-cc que j'entcnds la!..quelqu'un qui entrc. ..Cielf c'est Godureau ! LUDOVIC. Mon cousin ! il csl a Rouen. GAMILLE. II parait que non ; Dieu! s'il te voit... avec sa jalousie,.. LUDOVIC. Voila ma pension flambee, II vient! Je me cache!.. II ouvre 1'armoire A gauche. CAMILLE. C'est une armoirc a porte-nianteau. Tu vas etouffer ! LUDOVIC. Bah! quest-ce que ca fait... J'y suis. CAMILLE, refermant la porte. Ah! il etait temps. SCENE II. CAMILLE, GODUREAU, LUDOVIC, cache. GODUREAU, en riant. Ah! ah! ah! me voila... c'est aimable, n'est-cepas? LUDOVIC, dans 1'armoire. Et de deux... CAMILLE. Je vous croyais sur la route de Rouen. GODUREAU. Et jc n'y suis pas... Ah! ah! ah!., pour unc bonne raison;ce pauvre ami, que j'allais voir pour affaires... CAMILLE. Monsieur Dourvillc. .. GODUREAU. Eh Men? il cst morl!.. c'est drolo !-. Ah! ah! ah! >ous avion? rendez-vouspour Ic soir; il ne pouvait peut-etre pas attendre... Ah! ah! ah!,. (\\iii, I.E. Apart. II me parait encore plus bete, depuis que j'ai revu 1'autre. GODUREAU. a m'a fait de lapeine, vrai!.. c'etait un ami! aussi, je me suis dit : Au diable les affaires, il faut que j'organise pour ce soir avec Camille un petit souper gentil et amusant. CAMILLE, inquire. Aujourd'hui!.. ca se trouvebien! GODUREAU. N'cst-ce pas ! (Riant.} Ah! ah ! ah ! LUDOVIC , qui a entr'ouvert laporte. Ah! ah! ah! ' CAMILLE, vivement. Et ce souper... GODUREAU. En avant, j'ai couru chez le amis, tu sais, ces jeunes gens, < omme moi, si aimablcs, si spirituels...qui m'aiment tant, et a qui je prete de 1'argent... il viendront tous... Nous chantejons , nous rirons, nous boirons. GAMILLE, apart. Ah ! mon Dieu ! et Ludovic, et i\l. de Ceran qui doit venir ! GODUREAU. Tiens.. . qu'est-ce que tu as ? CAMILLE. Rien, rien !.. mais, ce souper me coutrarie... j'ai un mal de tete affreux. GODUREAU. C'est egal, tu en seras; il n'y a pas de fete sans toi... A quoi servirait d'avoir une maitresse bien jolie ct bien folle, si ce n'est pour s'en faire honneur devant ses amis et comraissances. CAMILLE. Comme c'est galant. GODUREAU. N'est-ce pas ?.. Ah ! ah ! ah ! LUDOVIC, riant aussi. Ah! ah! ah! CAMILLE, effrayec. Ah! ah! ah!.. GODUREAU. Ah! voila ta gait6 qui revient, a la bonne heure. Quant au souper, ne t'inquiete pas, j'ai tout commande au cafe Anglais; un excellent cafe, ou je dine souvent; c'est le rendez-Tous de tons les gens d'esprit. Hier encore, je m'y tiouvais pres d'un journaliste; un grand homme, qui m'a fait 1'honncur de me pas- ser la carte. Ah! 1'esprit, j'adore ca! 1'esprit! c'est ma passion! <; \ Ml 1,1,1;. apart. C'est une passion diablement malheurcuse! GODUREAU. II me reste encore une invitation a faire... plus tard... A la Bourse. CAMILLE. Ah ! vous irez a la Bourse? GODUREAU. Pour gagner de 1'argent, ma ohere ; 1'argcnt et 1'esprit, je nc sors pas de la ! (// rtf.) Ah ! ah ! ah ! CAMILLE. Prenez garde de vous ruiner! GODUREAU. II n'y a pas de danger; je fais des affaires d'or, ma parole d'hon- ncur! ca vient! ca vient! Tu me portes bonheur; aussi, je suis genereux; tu en sais bien quelque chose. CAMILLE. Pas pour tout le monde; il y a dans votre t'amille des person- nes. . M. Ludovic , par exemple... un bon enfant... GODUREAU. Oui, un bon enfant, qui m'a creve 1'ceil, etmalgre ca, j'ai ob- tenu, pour lui, de mon oncle, une pension dont j'ai la le pre- mier terme. CAMILLE. 11 se pourrait! GODUREAU. Mais il ne 1'aura pas, il a tenu des propos sur moi; il dit par- tout qu'il me fera.. . CAMILLE. Quoi done? GODUREAU. Je suis sur qu'il ment. Wais, c'est egal... il n'aura rien ! LUDOVIC , qui entr'ouvre la porte. Ladre, va! GODUREAU. Hein!.. La bonne entre avec du Champagne. CAMILLE. C'est Elisa, qui apporte... 55 GODUREAU. Ah! ah! ah! dcs raffraichissemens. . . clu Champagne... c'cst aimable a toi d'y avoir pense... ,dis done... si lu venais verser toi-meme... Mercj,.,, _~, un j i f ;, ; i,j. : ifj OPPUREAU- ;) J f)jflo : W'>lt i ':':-'.:[; .-, \ r !t ...iion , (Km CAMILLE, Cttpercewnt. Ah!.. GODUREAU. Eh! monsieur Iq comte de Ceran... par quel hazard...* M. DE C<5RA!i, dpart. Et moi qui le croyais a Rouen... (Haut.} Ma foi, mon cher Godureau, jesuis hcureux de vous trouvcr... car,je h'v comp- 4is guerel (A Camille.] Bonjour, belle Camil'le.L je'tdiiS oe 1 - raandr pardon;, d'entrer ainsi' T fehez vous sans e^tr^ attiehdu/.. mais, j'etais presse de parler "tumonfiteur. " : CAMILLE. Et TOUS savez qu'il cst touiours ici a 1'heure de la Bourse. ^ ' .- l .^-::- f Mi'M , . M. DE C^RAN. C'est 1'heure de ses amours, Jamb; ! : > *-. > ) .. W3i(I aoirt !dO C'est vrai!..vousavezbe6pi9,d*.^o n amitie... M. DI<; GRAN. ' k (nn9'dis a c f aicW Oui. f j'ftijjesoind'argentpourme tirerd'w>fearras. .aifeaoina'ff * Godureau, M. de C^:ran, Camille, etc. Fretillon. 5, CAMILLE, apart. :, r /IJ devraitbien nous en lirer aussi....-;-#hh; <-J.IT aififnY-nl fr. LUDOVIC, dans farmoire. Etdetrois!.. GODUREAU. Je sais cc que c'est... (Riant.) Ah ! ah ! ah ! tenez, monsieur le comte, cette petite Lolotte vous ruinera... ces deesses de I'O- pera mangeraieat lo (liable ! . CAMILLE. Monsieur le comte sait-il ce qu'est devenue Augusta, la de- butante dumois dernier? M.DEGERAN. Sa fortune est faite, elle yient d'entrer dans le corps diplo- matique. Pour moi, j'ai quitte 1'Olympe... je tourne mes vceux d'un autrecote... (Regardant Camilte.] Sur la terre. LUDOVIC. Oui... a gauche. GODUREAU. Vrai!.. une autre passion !.. contez-nous done cela. CAMILLE. II y a peut-etre de l'indiscretion... ;i M.DEC^RAN. Non, non. .. il y adesgens devantlesquels 1'onpeuttout dire, desgensd'esprit... comme Godureau... LUDOVIC. Oh!.. Godureau salue. H. DE CRAN. C'est une adorable fille qui m'a tourne la tete par sa franchi- se, son laisser-aller... la meilleure creature... aussi, jele sens, disormais, je ne pourrais pas vivre sans elle,et si je ne par- viens pas a m'en faire aimer comme je 1'aime, je suis capable de me bruler la cervelle... (A part.) |frayons la... elle est si bonne fille... CAMILLE. >.-IUL-' ! hi -'I' >7;;?rf ! i '.'.'. t1ili'(UOl 1>o li i.ip savr.". '.a-.-.f ^J Comment, monsieur... M. DE CRAX. Oh! mon Dieu !.. c'est tout simple... je neperdraispas grand chose!.. GODUREAU*. Mais c'est absurde ce que vousdites ld...(Mouvement deM. de Ceran.) Pardonnez-moi Texpression , il y a tou jours moyen de s'entendre. 55 M. DE CRAN. Oh! celle-la a des scrupules... elle se croit liee a un certain imbecile... un de vos confreres qu'elle pourrait tromper!.. GODUREAU. Vraiment... CAMILIB. Air de la Petite-Seeur. Mais, s'il est quelque engagement , Des conditions qu'elle ait I'aites!.. Jamais de trahisons secretes... Rompre toujours ouvertement, C'est la probite des grisettes... DCS grisettes. A la bonne heufe !.. malgre cela , Conime moi , vous savez sans donte . Qu'ainsi qu'ailleurs, dans ce corps-la On i'ail quelquefois banqueroute. GAMILLE . regardant M. de (Jeran. . uoZnTirov wn* 'ji , ,')-n-\::i;3T:7. Quelquefois... fa c'est vu! iit r M. DE CERAff. Et moi, je lui offre avec mon cceur, mon hotel, ma voitu- re... mavoiture qui doit-etre en route pour venir... (// se re- prend.) Pour aller la chercher. GAMILLE, d part'. * Ah! mon Dieu!.. M. DE CKUAN. Nous devions faire une promenade... agreable, ou j'esperais la decider. . . GODUREAU. Pendant quel'autre sera a la Bourse!.. (Riant.) Ah! ah! ah! M. DE C'eQt etc drole, n'est-cepas' Ilsrient tous les trois y-,,4ivA \'\ jLUDOVlC, riant aussi. ,;)!7OaUJl Jobard de cousin, va! Ah! ah! ah!.. i .([^ ...! naiti A3. GODUREAU. Vous la deciderez, monsieur le comte... voiis \a dficideriM./.t c'est charmant*!.. dites-donc... un de mes confreres, 'vous me direzson nom!.. Ah! ah! ah!..Tlv6us fautde rargehti.. vb'ulez- vous passer dans mon petit boudoir... Camille varvous donner oe qu'il vous faut pour le billet... la reconnaJ9sencxj4. t .Jiob ol LUDOVIC.! M'yvapas!,. ,,u; (U ! f {.,. Camille, Godurcau, M. de CtSran, etc. CAMIILK. niffH; till' if i-Vi! lA** : On pfelend qu'en ce vqisimge. M(tfr pour irioi ?.. pauVre jeune h6mHie? ' G6DDBBAU. Vous allez me faire un ret u Et je vous apporte la somine.., ^,. -it U - Linq mule francs... GODbBBAC. ..:K3".- , C est convuiu. Je vous les promets et pour cause... Un confrere qu'on dupe ainsi! J'y veux eti-e pour quelque chose. // donnc la main a Camille. M. BE CliKi.N. t moi , j'y compte bien aus.-i. Gl. ".i\au)J 3\j .1L wiiiWi'i - ' L :J.L>i:/.,J. \ttenuez-moi, je sins votre homuic Vous allez nae faire ufl re^u , Et je vou apporte la sotume... Cinq mille francs... c'est convenu. ''^i^a^r Ne Vous pressez pas .. ie brave honj^e i ' Nous allons vous fairt uri rt ?u... Gomptez , recomptez bien la soiume... Cinq mille francs , c'est convenu. CiMlLLH. Et Ludo vie... pauvre ieune homme AhUiGodureaul'avaitvu! ft | . . . . T~. . . * II le traitcrait, Dieu sait commei Plus d'espoir, il serait perdu ! Us sdftent. SCElVfi IV. l . '-!.;'[ 'j-l'f'j i ? oitub 9JJ luf' ' LUDO VIC , puis MARENGO. LUDOVIC , seal, sortant de furitioire qu'il laisse ouverte. Eh bien !... elle m'ecoute jolimentl... podrvu que le J6bard de Godureau ne les fasse pas trop attendre. La probite des gri- settes!.. comptez la-dessus... et cet autre aussi, qui va lui par^ lerde se tuer!.. s'il ne faut que pa, je me jetterai bien par la fenetre... pourvu qu^il y ait un peu de paille dessous. MARENGO en soldat, entrant par le fond. Cedoitetrepw ici. LOW) VIC. ' 'i It i 7 v' \ j, . , MARENGO. Voir Fretillon... LUDOVIC. Ellevous attend?.. Pasdutout! '"WW^ LUDOVIC Vousl'aimez? Comme un fou ! Et de quatrc. MARENGO. Ouand i'ai su qu'elle etait ici, chez monsieur... v ' ^ .;, :., V ! s-vrdn^-*vi r;!;,.rf a/p A. LUDOVIC. Godureau. . .' MARENGO. Un banquier... LUDOVIC. Un imbecille. MARENGQ. Raison de plus... LUDOVIC, ^ Vous YOUS etes mis en route. MAREN64; A raarche forcee. . . . _ _. jau v ,. )iiu LUDOVIC. Et vous arrivez... De la caserne Popincourt... peut-on parler a la bourgeoise ? LUDOVIC. Gardez-vous-en bien!.. MARENGO. Le particulier est jaloux ? r,oJi, J . LUDOVIC. xs'tbuor e r J'~>Y aramoD Commeuncbete! ,. , M1 r,-, |, Marengo, Ludovic. 38 MARENGO. Sortira-t-il bicntut ? LUDOVIC. Dans un instant. MARENGO. Alors,je reste. LUDOVIG, ecoutant. Et moiaussi... silence! (Ilvaregarder dla porte du boudoir.) Ah ! le comte est parti. MARENGO. Quel comte ? LUDOVIC , apercevant la boatellle. Tiens! le Champagne... voulez-vous en boire un coup* ? MARENGO. Volontiers. LUDOVIC. Vous avez eu un conge ? MARENGO. Oui, par la recommandation du general... LUDOVIC. . .ii'-jj-.nth . HWt ijL 11 y entre vite et tire la porte. On cntcnd Go- dureau se disputer avec Gamille. '; O^IOj^JloU 111 i 'OnfiiJ UO-JUJ-.XJ . . .J'tU03ll"|() 1 , SCENE V. . LesMemes, CAMILLE, JOHN. CAMILLE, entrant. Comme vous voudrez, monsieur... Allons... il a des soup- cons sur le comte, a present., il a'fini par comprendre. ., , . , T Ludovic, Marcngo. 59 MARENGO, dans Carmolre a gauche. La guerite est diablement etroite ! CAMILLE. Ah! sans la pension de Ludovic!... LUDOVIC, dans Carmoire a. gauche. C'estelle... II va pour sortir. JOHN, entrant avec mystere. Mademoiselle Camille , nous voila I LUDOVIC. r entrant. Encore un ! CAMILLE. Qu'est-ce que c'est? JOHN. La voiture qui vient vous chercher... M. le comte TOUS at- tend. CAMILLE. Silence! Dieu! s'il le voyait!.. apres ce qu'adit M. de Ceran. GODUREAU, en (ichors. Eh bien! Camille!.. Camille!.. Les deux portes de Tarmoire et du cabinet se referment. CAMILLE, a John. Va-t-en!.. nen, il te verrait!... Godureau entrc. Elle cache le jokei en se placant derant lui, il se baisse et se glisse doucement sous la table. SCENE VI. LesMfimes, GODUREAU , portant un sac d' 'argent. GODUREAU. Oii diable es-tu done?... est-ce que tu m'en veux encore de cette idee*?.. ^yv - CAMILLE. Oh ! cela m'est bien egal... croyez tout ce que vous voudrez. GODUREAU. Eh bien! non, non!.. j'avais tort!., c'est que lorsque je suis rentre, le comte avait un air si tendre... mais je me trompais... tu n'aimes que moi... CAMILLE. Je ne dis pas ca... Qu'est-ce que c'est que ce sac d' argent?., la pension de M. Ludovic? it'" \t ; 'I'lOOa'J .uod :::) t * Marengo cache, Camille, Godnreau, Ludovic, cache. GODUREAU, posa.nl le sac sur le fauteuil qul est pres du cabinet. Que je vais rcndre a mon oncle. LUDOVIC , d part. Cousin maratre... va!.. .tjfc>UJy$ fc GODUREAIJ. Ah fa! raais, sais-tu que tu t'interesses bien a ce drdle-lu 1 .. CAMILLE. Allez-vous en etre jaloux aussi?.^ GODUREAU De Ludovic... par exemple!.. je m'estime trop-pour a,.. un pataud qui n'a ni ma grace ? ni mon esprit... (Ludovic eherche a prendre le sac.) Je te demande un peu s'il est b4tj compue p?... s'il a une jambe, une tournurc comme la mienne. CAMILLE, apercevant Ludovic qui retire son bros sans avoir at- trape te sac. Ah! Q,orao* ? - GAMILLE. Rien... rien!.. j'ai cru que vous alliez tombefiv:* GODUREAU. Oh! je suis solide... Pis done, petite, jc ne t'ai jamais vu si jolie que ce matin !... MAREXGO, a. part. 11 n'est pas beau, le particulier. GAMILLE. Mais partez done, monsieur, partez done!., vous serez trop tard a la Bourse. GODUREAU. Ne crams rien... et d'abord, (Passant d la table.) un verre de Champagne... ca echauffe la conversation... tiens la bou- teillepstamoUie!.;,,{ u j ^ GAMILLE, regardant la porte du. cabinet. Bah!... mais oui... puisque nous 1'avons entamee... LUDOVIC. Oh! M/VJi^NGO/ -.tin ni i-uini. ...o'jiM.13) i* 'iia -uu Ji*i : - L)JiKO> yl t t < !ln-.-'f CAMILLE, d part 9 regardant desd.ttta.cMts. Tiens! il y ade 1'echo ! JJJIM/,.-) GpDJUREAJJ, , .. JjJJUVi" : W -i V ll i' ^ " " Non! le diable memporte, si je:#*e,,Si<>,Uvjieji8... c'est egal, j'en bois encore. (It remplit te verre qui estdu cotfi de t'ornyure.) C'est bon, le Champagne! ca rend amiable! (Allant lui pren- dre la tallle.] Et je veux 1'etre avec toi. MARENGO, entr'ouvrant laperte. J'^touffe!.. H prend le verre , le vide le remet sur la table et rentre dans sa cacbette. GAMILLE, d Godureau. Buvez done votre Champagne, et partez... GODUREAU. Sois tranquille, j'ai bicn le temps. (Rerenant d son em.)Tu meboudes encore ? liens! qu'est-ce qui a vide mon verre? GAMILLE. Yotre verre! (A part.) Par cxemple! GODUREAU. Aliens, fais done 1'etonnee, c'est toi! CAMILLE. Moi! GODUREAU. C'est toi ! ah ! ah ! ah ! GAMILLE. Ah! ah! ah! oui, oui, c'est.... (Apart.) Je n'y suis plus du tout! (Haut.) En voulez-vous un autre ? GODUREAU. Merci! merci! un baiser et je m'en vais. (Ludovic a fini par attraper le sac.) Ah ! et mon argent! Eh bien, il n'y est plus! CAMILLE, stapefaite. II n'y est plus! GODUREAU. Camille! Camille! GAMILLE. Ah! est-ce que votre jalousie va vous reprendre? GODUREAU. Du tout, du tout! mais, il y a ici quelqu'un qui vole mon Champagne, qui boit mon argent... c'est-a-dire... CAMILLE. Est-ce que je sais... Marengo ferme la porte avec bruit. On 1'cntcnd rire dans 1'armoire. GODUREAU. C'est la. . . il y a quelqu'un la-dedans ! GAMILLE, etonnee. Dam! ilparait... c'est possible... mais, si je sais qui.., FrttiUon. 6. GODUREAU. Laissez-donc... c'est quclqu'un que Vous aimez... CAMILLE. Eh bien, quand cela serait! est-ce quc pa m'est defendu, cst- ce que je ne puis pas aimer qui je veux. . . et d'abord ce n'est pas vous... GODUREAU. Ah! vous le prencz sur ce ton-la. Eh bien, nous allons voir. . . Et d'abord, je veux que le miserable qui est la en sorte sur-le- champ, qu'il me rende ce qu'il m'a vole... le scelerat... le la- che ! il a peur ! CAMILLE, entre I'armoire et lui. Monsieur... GODUREAU. Laissez-moi...* qu'il sorte! ou j'enfonce I'armoire. JMARENGO, se monlrant. Air : Me voild. Me voila ! GODUREAU, parlant. Ihi soldat!.. CAMILLE, id. Marengo ! MAIIKNGO, continuant. Me voila ! Pret h vous sati.sfaire 1 Mo voila ! bis. A vos ordrcs, je suis li! CAMILLE Ct GODI'BEAr. ENSEMBLE. J lest la! Qu'est cela ! Quel mystere Est-cc li ! CAMILI.E, courant a ltd. Marengo ! ma veill' connaissancc ! MARBNGO. Quel plaisir! maui'selle Fretillon! GODUBEAIJ. Eli! inais, voyez qu'elle insolence! Us s'embrassent 1^ tout de bon ! Aliens, inorbleu ! sans plus attcndre , Rendez ce que vousin'avezpris! MARBNGO. C'est un baiser ! inais, cntre amis, C' n'est pas ii vous qu' je veux le rendre ! 'Marengo, Goduteau, Camille. 43 GODUREAU. th! garde-le! mais mon argent, voleur! MARENGO, voulant degainer. Mihicux ! CAMILLE. Ce n'est pas lui! GODUREAU. Qui done ? LTJDOVIC, sortant du cabinet. Reprise de fair, Me voila ! GODUREAU. Ludovic! LUDOVIC, continuant. Me voila ! Prut ate satisfaire ! ENSEMBLE. Me voila ! bis. Plus d'colcre, Je sals IA ! 'TODS. II est la ! etc. GODUREAU. Ah ! oa, c'cst done une caverne que eette maison ! LUDOVIC. C'est 1'argent de mon oncle, mon quartier de pension, cou- sin. . . et, si tu veux un recu. GODUREAU. Pas de coups de poing ! MARENGO. Quand vous voudrez... GODUREAU. Je ne vous parle pas...*c'est a mademoiselle qui rn'a trompe, et que je priverai de toutes mes bontes... je lui declare. CAMILLE. Je TOUS declare, moi, qu*il faut que (;a finisse... il y a assez ?ong-temps que je m'ennuieici! GODUREAU, furieux. Me parlor ainsi! apres tout ce que j'ai fait pour toi! CAMILLE. Ah! c'est a cause de Ion tilbury quo lu fats le fier! laisse done, j'ai mieux qucra (Allant a la table ct appelanl.} John ! John!.. . "Godurcau, Marcnjjo, Camillo, Ludovir. 44 JOHJV, m' t ant de dessous la table. Reprise du chant Me voila ! L'air continues sourdine jusqu'd la fin '. GODLTiEAL, I'interrompant- Eh bien, d'ou sort-il celui-la ! MARENGO. Via 1'autre ! CAMILLE. Mon jockei , faites approcher ma voiture. TOUS- Sa voiture ! CAMILLE. Marengo, donnez-moi la main jusqu'a mon equipage. ( A John.] A mon hotel! GODUREAU. M. de Ceran! MARENGO. Ca me recule joliment! Marengo lui donne lamain. Godureau reste stu- pefait & gauche , Ludovic a droite. John s'ar- rfite dans le fond. Le rideau tombe. * Godureau, John, Gamillc, Marengo, Ludovic. ACTE III. Le theatre represents un riche boudoir garni dc meubles elegans. La sallc a manger a gauche. Entree au fond. SCNE PRMIR. CAMILLE, ANASTASIE, ERNEST, ptusieurs Jeunes Gens ri la mode, assis sur les fauteuils et sur le divan autour de Camille, qu.'Anastasie acheve de coiffcr devant ane riclie toilette. GAMILLE. Non, messieurs, non... je suis plus Tranche que vos dames... a present que je suis libre et riche, ma maitresse enfin, je ne re- grette pas le temps ou jc n'avais rien... au contraire... alors, jc ne pouvais rien donncr; au lieu que, maintenant, il y en a un pcu pour tout le monde. 45 TOUS. Vous etes charmante ! CAMILLE. Ah! ce n'est pas qu'en robe d'indienne, ct quand j'arrangeais mes cheveux moi-meme , je ne fusse aussi bien qu'avec cette robe de velours; demandez a Ludovic, votre ami, qui vous fait bien attendre. (A part.} El moi aussi! ERNEST, deboat prts cTelle. Nous ne nous en plaignons pas. CAMILLE. Quand je paraissais a l'ceil-de-bceuf de ma mansarde, au cin- quieme , ce n'etait qu'un cri sur toutes les goullieres des envi- rons... Dieu! qu'elle est jolie !.. aussi, c'etait a qui m'offrirait, non pas son equipage... et pour raison... mais son bras et son parapluie. ERNEST. Quoi!.. ce pied si mignon... CAMILLE. Ah! dam!., il n'a pas toujours etc dans du satin... mais, j'e- tais toujours bien chaussee... j'aime ca.. . et en marchant un peu sur la pointe , j'arrivais au bal de la Chaumiere sans avoir une mouche a mon bas de colon. ERNEST. Vrai ! vous alliez a la Chaumiere ?. . comme un eludianl en dreit? GAMILLE. Et au bal de Sceaux... en coucou... TOUS . riant. En coucou!.. Ah! ah! ah! GAMILLE. Oui, en coucou!,. je suis moins secouee et moins chiffonnec dans ma voiture... mais c'etait plus amusant. ERNEST. Dieu! si j'avais etc la... comme je vous aurais fait danserl GAMILLE. Mais, je le crois bien. (A Anastasie.} Non, mademoiselle... un autre bandeau, je vous 1'ai deja dit... celui-la me rappelle cet imbecile de Godureau.. . Ah! celui-ci, a la bonne heure, ce sont des opales... elles me viennent d'un heros... qui me les a rap- portees d'Alger, de la Casauba, oii il en avail rempli ses mains ct sespoches. ERNEST. Cela devait rctourner aux infidelcs (Regardant, Cecrin.) Oht 46 quo de bijoux !.. quel eclat!., ct surtout, quelle variete ! . . il doit y en avoir pour bien dc 1'argent? CAMILLE. A qui le dites-vous? Air dc la Robe et des Bottcs. Mais de mon bien j'ai le droit d'etre fiere, Car, c'est a moi ; moi seule qu'il est du... Et , je serais, je crois, millionnaire Si 1'avarice cut etc ma vertu ! Mais, au malheur je donnais sans escomptc, Jugez alors par ce qui m'est reate, Ce que j'aurais. si je portais en compte Tous mes actes de charile ! ERNEST. Ah ! qu'on serait heureux de pouvoir ajouter la quelque bril- lant ! CAMILLE. Ah! vous etes venu trop tard... comme ces letties que jo viens de recevoir... des lettres d'amour, j'en suis sure... aussi, je ne les ai meme pas ouvertes. ERNEST. Cela doit etrc curieux! CAMILLE Dam 1 vous pouvez voir. TOUS , se rapprochant. Ah! oui; lisons la oorrcspondancc. CAMILLE. Allons, Ernest... prenez les billets-doux... soyez inon secre- taire, ce matin. Anastasie sort. ERNEST, ouvrant les lettres. Volontiers. Lisant. Air du pot de fleurs. Oh 1 miss Camille, je vous ainie i Hier, vous m'avez plu si fort! J'en suis d'une folie extreme I CAU1LLE. Eh niais, vraiment , c'est un mylord! KKHB8T. .T'ai beaucoup de sterlings, ma chere... CAMILLE. i-iii i que ni'inipoi'le son argent ! J'acceplc tout du continent, Jc ne veux rien dc I'Angleterre . Lul prenant la tttlrc. A nnc autre. 47 ERNEST. Diable ! voila ilu papier un pen gros...et quelle ecrilure ! CAMILLE. Lisez... lisez. .. ERNEST, lisant. Mademoiselle Fretillon, c'est pourquoi je vous ecris, at- tcndu que je ne vais pas vous voir... TO US , riant. Ah! ah! ah! CAMILLE. Qu'est-ce que c'est que ca? ERNEST, continuant. Vous etes riche , u present, et moi, je ne suis toujours qu'un troupier, malgre les promesses dc mon protectcur, le general, qui est bicn malade pour le quartd'heure. La pre- sente est done pour vous dire que je ne vous oublie pas, et que si je n'osc pas aller vous interesser en pcrsonne, je n'en suis pas moins toujours en ligne, en attendant le bonheur... par la grace de Dieu... avec lequel j'ai celui de vous porter armes et d'etre votrc tres humble et tres obeissant scrviteur. MARENGO. CAMILLE. Marengo ! ERNEST , continuant. Soldat , rue de l'Oursine, a la caserne... TOUS, riant. Ah! ah! ah! CAMILLE, se levant. Ce pauvre Marengo! mais je le verrai... j'aurais tant de plaisir !. . ERNEST. On dirait qu'il est plus heureux que moi ! CAMILLE. Lui ! Oh ! le pauvre garcon ! il n'y a jamais songe. DEUXIEME JEUNE I1OMME. Cependant... CAMILLE. Taisez-vous, et oecupez-vous de notre loge pour ce soir. DEUXIEME JEUNE I1OMME. A 1'Opera? ERNEST. Aux Bouffcs ? CAMILLE. Non, non , c'est trop grand seigneur tout ca, c'est enuuycux. 48 comme Ics Francais, Ludovic yjdort toujours...au Palais-Royal, plutot... parlez-moi de ce theatre-la! il n'est pas begueule... une avant-scene... ERNEST. 3'y vais tout de suite, TOUS. Attends-nous done... SCENE II. Les Me-mes, LUDOVIC. LUDOVIC, entrant vivement une cravache d la main. Ah! mon Dieu! je n'ai pas une goutte de sang dans les vei- nes ! TOUS. Ludovic! CAMILLE. Enfin, monsieur, qu'etes-vous done devenu depuis deux jours ?* LUDOVIC. Moi, je ne sais pas... j'ai eu des affaires... (A part.} 11 y a surtout le grand nez... je suis sQr que c'est un garde du com- merce. CAMILLE. Hein ? qu'est-ce que tu dis? LUDOVIC. Rien, rien... (A part.} Arrete! arrete! ERNEST. Mon Dieu! TOUS avez la figure toute bouleversee ! LUDOVIC. Vous trouvez! ce sontles rideaux qui font cet effet-la...** (// les tire el regarde.} Les scelerats y sont toujours ! CAMILLE. Mon ami, ces messieurs dinent cc soir ici... apres diner, nous irons au speais. II entre a gauche. SCENE IV. CAMILLE, AUGUSTA. AUGUSTA , entrant. Eh! bonjour, ma chere... cmbrassoris-nous done. CAMILLE. Ah! qucllc tendrcsse ! 93 t'est done revcnu? 5s AUGUSTA. Ili-iii!.. pourquoi me dis-lu ca?. . parce que je ne viens paste voir... Ah! ma chere, il ne faut pas m'en vouloir, j'ai tant de travaux!.. 1'Opera me tuc!.. tiens, je viens d'etudier, chez notre maitre de ballets, nn pas qtre je ne puis me mettre dans la tete. CAMILLE. C'est-a-dire, dans les jambes. AUGUSTA. Tu es heureusc, n'est-ce pas? J'ai appris que tu etais riche... que tu avais une voiture, des rentes... CAMILLE. Je ne sais pas comment cela s'est fait , je n'ai rich pris... AUGUSTA. Mais , tu as acCepte , c'est une autre maniere, ce n'est pas la mienne... tu sais^ )"ai toujours eu des prihcipes d*sconomie. A propos, tu aimes toujours Ludovic ?.. CAMILLE, Toujours! AUGUSTA, d elle-meme* L'infame t CAMILLE. Tudis?.. AUGUSTA. Rien... je t'expliquerai ca. . c'est un service que j'c TCUX te rendre... a charge de revanche... je \iens t'en deman- der un. CAMILLE. Amoi? AUGUSTA. Laisse-moi le cceur de M. Malbroug? GAMILLE. M. Malbroug... mais, il esl mort! AUGUSTA. Oh ! tu sais bien ce que je veux te dire, cc n'est pas ce- lui-la... c'est lord Malbroug, cet aimable jeune homme, atta- che a 1'ambassade anglaise... je sais qu'il t'a vue a ce bal d'artistes oii tu as eu tant de succes... depuis cettc nuit-la, il t'aime, je le sais, il te Ta ccrit... Oh! tie joue pas la sur- prise... avoue, ne fais pas dc la diplomatic... jc suis plus forte quetoi... jc \is la-dedans... CAMILLE. Ah ! sois tranqnillc, cc n'est pas nion genre. Mais je tc 53 'ure que je n'ai rien rccu... a moins quc ce ne soil le billet de e matin. Passant a la toilette. AUGUSTA*. e bitlet... donne... juste!., c'est cela... une declaration quand il me jurait... oh! que es Anglais sont perfides! CAMILLE. Je ne les ai jamais aimes. AUGUSTA. Ni moi non plus... mais, a n'empeche pas... au contrairc. CAMILLE. Eh bien... je te livre M. Malbroiig. .. je n'y pretends rien... j'ai mieux que pa. AUGUSTA. Un prince russe? CAMILLE. Mieux encore... Mon Ludovic. AUGUSTA. Ah! c'est juste... mais, service pour service... apprends done qu'il te fait des traits, ma chere. CAMILLE. Qui?.. Ludovic ! AUGUSTA. Avec Lolotte, une de nos demoiselles des chceurs. .. unc pe- tite brune , maigre et bancale qui danse comme ca, tiens... lEHe danse d'une maniere ridicule. CAMILLE. Aliens done... c'est impossible. AUGUSTA. II y a deux mois que cela dure, elle lui mange un argent ton. CAMILLE. Ludovic!.. Ludovic!.. Oh! 1'indigne!.. si tu savais ce que j'ai fait pour lui... depuis le remplacant, qui m'a tant coflte!.. AUGUSTA. Ah ! Marengo !.. je 1'ai vu dernierement qui montait la garde rue Grange-Bateliere. CAMILLE. Et pour menager sa delioatesse, cettc pension sous le nom de son oncle... tout u 1'heure encore, j'allais... (Ess uy ant des larmes.) 0>h! les hommes!.. les hommes!.. moi, qui lesaiiant aimes ! 'Augnste, Ludovic. 54 AUGUSTA. Us out du bon!.. mais ce sont des monstres! Tiens, par cxemple, ce vieux general Darcourt qui m'adorait, il devait me laisser toute sa fortune , il n'avait pas d'heritier, a ce qu'il disait... et pas du tout!., il se meurt, et j'apprends qu'il laisse sa fortune a des inconnus... des en fans naturels... un hommc sans moeurs, quoi ! CAMILLE, sans Cecouter. Ah! il lui faut une Lolotte!.. AUGUSTA. J'ai voulu t'ouvrir les yeux en bonne camarade... pour te prouver que je t'aime toujours. CAMILLE, regardant la porte d gauche. Oh! il me tarde de le revoir! AUGUSTA. C'est comme moi, M. Malbroug... dis-moi done, dines-tu chez toi ? CAMILLE. Oui, oui, j'ai du monde encore... AUGUSTA. Eh bien! je m'invite... je n'ai pas d'Opera... (A part.} Je veux savoir si elle me trompe. Elle va pour sortir par le fond. SCENE V. LUDOVIC, AUGUSTS, CAMILLE. LUDOVIC, entrant. Oh! ma foi, je suis presse. .. et je crois qu'ils ne sont plus la! CAMILLE. C'est lui! AUGUSTA, I'apercevant et rentrant. Ah! M. Ludovic!.. LUDOVIC , d part. Encore la danseuse !.. AUGUSTA. Comment ca va-t-il, depuis hier? car je vous ai aperou... a 1'Opera. CAMILLE. Ah ! tu etais a 1'Opera. .. hier. 55 LUDOVIC. Oui, oui , un instant... (A part.} Que le diable 1'emporte! AUGUSTA. Oh! nous voyons quelquefois M. Ludovic dans les cou- lisses, et chcz notre maitre de ballets... est-ce que vous n'y allezpas, en ce moment?.. (Has d Camille.) C'est 1'heure de Lolotte. LUDOVIC. En ce moment... j'ai affaire. CAMILLE. Oui, nous avons un compte a regler. AUGUSTA. Tant pis, moi j'y vais pour un pas nouveau, il est horriblc- ment difficile, mais, je reviens bientot. .. nous dinerons en- semble, adieu M. Ludovic. (A Camille.) Adieu ma petite. LUDOVIC , Caccompagnant. Adieu, mademoiselle. AUGUSTA, d part et en sorianl. Une scene, ca va etre gentil! LUDOVIC , descendant la scene. Bavarde!.. SCENE VI. CAMILLE, LUDOVIC. CAMILLE. Enfm, nous sommes seuls... je te remercie d'etre reste. LUDOVIC. II faut que je sorte... (Mouvement de Camille.} mais pas avec elle. CAMILLE. Sortir! et pourquoi done?., et ce memoire que tu dois me donner. LUDOVIC, prcnant sa cravnche et son chapeau. II est dans ta chambre , adieu ! CAMILLE, le retenant. Ou vas-tu ? LUDOVIC. Chezun ami. CAMILLE. Chez mademoiselle Lolotte... 56 LUDOVie. Lftlotte!.. qoi t'a dil... c'est Augusta! GAM1LLE. Jelesais... casufflt!.. mademoiselle Lolotte, que tu aimes... pour qui tu fais des folies... LUDOVIC. Oh ! ma foi , puisque tu le sais... dam! oui... je vais chez Lolotte , elle est drole. . . mais , pour de Pamour , c'est toi seule. . . ainsi, sois tranquille... II va pour sorlir. CAMILLE. Vous no sortirez pas ! LLDOVIC. Oh! oh! c'est du serieux!.. a ce qu'il parait... CAMILLE. C'est comme j'ai I'honneur de vous le dire. LUDOVIC. Est-ce que tu me prends pour un enfant? CAMILLE. Jc vous prends... je vous prend? pour un ingrat !.. pour un homme sans loyaute et. c'est ce que vous etes... vous ai-je jamais trompe, moi?.. des que je 1'ai pu... n'ai-je pas toutsa- crifie pour vous?.. parce que je t'aime, parce que c'est plus fort que moi , et tu pourrais... mais, voyons!.. qu'avez-vous a dire ? LUDOVIC , roulant .Sen alter. Je te repondrai plus tard. <:\M M.I.I:, le retenant. Non! . tout de suite... il faut que tu t'expliques... tu m'ap- partiens. .. moi aussi, j'ai recu des declarations, des offres bril- lantes... j'ai tout rejete... cc qu'il me fallait, c'etait dc 1'amour,, et le tiens, surtout!..malgre tes brnsqueries, j'ai resiste a tout!., je n'en avais que plus de merite... mon coeur, ma fortune, tout est a toi, et voua, monsieur, voila qu'au premier petit nez d< travers que vous rencontreriez , vous pourriez!.. non pas, no pas, s'il vous plait!., te oeder, te perdre!.. c'est impossible ! EHe jatte dans sea bra? LUDQV*C. Fretillon!.. que c'est bete de s'attendrir comme ca ! CAMILLE. Oh! oui, c'est bien bete !.. Voyons, monsieur... mettez-la volre cravache et votre chapeau, je vous le pardonne pour cettc fois... mais ne recommencez plus... car case gSterait! LUDOViC, tiranl sa montre. C'estbien!.. c'estbicn ... parbleu!.. entrc nous , est-ce qu'on, doit se tourmenter comme ca quand je te di. quc je dinerai avec toi... (// I'embrasse.} mais je suis presse .. CAMILLE. Ludovic!.. je vous defends de sortir!.. Elle rcmonlc. LUDOVIC. Aliens done... tu vas finir par m'impatienter... CAMILLE. Ludovic... tu resteras.,. LUDOVIC. Non .. CAMILLE. Si fait... LUDOVIC. Ah! c'est comme ra !.. II se dispose a sortir. CAMILLE. Je fermerai plutot la porte... Ellc retire la cle. LUDOVIC, remontant. M'enfermer, me trailer comme un enclave!., un valet! don- nez-moi cette cle. CAMILLE. Non, monsieur. LUDOVIC. A 1'instant! je la veux!.. CAMILLE. Vous ne 1'aurez pas! LUDOVIC. Si fait!.. CAMILLE. Non!.. LUDOVIC , levant sa cratache. Fretillon !.. CAMILLE, (e fay ant. Ah! LUDOVIC, jetant arec violence sa cravache par terre. Aussi, tu me fais sortir de mon caractere... CAMILLE. Je crois, au contraire, que vous venez d'y rentrer. LUDOVIC. Mais enfin... ce n'est pas ma fautc... Fretillon. 8 58 < \\iii i.i Tenez, monsieur, voila votre cl<':. (Eile la jette par tern.) Prenez-}a. LUDOVIC, la ramassant. Pourquoi aussi m'y a-t-elle force I.. (Camille est dans unfaa- tenil, un mouchoir sur se. yeux. II la regarde, fait un pas vers elle.) Aliens, voyons, Fretillon. (Fretillon le fixe atec hauteur. II va pour sortir et se retourne.) Hein... (I I se decide.} Ah! ma foi, tant pis. .. 1 1 sort. SCENE VII. CAMILLE, ERNEST. GAMILLE, regardant de cole. Ah! il s'en va! il s'en va! Ah! c'est fini! je nc 1'aime plus!.. ERNEST. Eh bicn!.. ou court-il done comme ca, M. Ludovic? Juste- ment, il y a en has du monde qui le demande. .. (Presentant le billet d Camille.} Voici, mademoiselle, la loge que... Ah! mon Dieu!.. qu'avez-vous, mademoiselle? des larmes! CAMILLE. Rien, rien, M. Ernest; je vous remercie... SCENE VIII. LesMemes AUGUSTA. AUGUSTA. Camille, Camille! Oh! mon Dieu! tu ne sais pas..,* GAMILLE. Qu'as-tu done!., que t'est-il arrive? AUGUSTA. Oh! ce n'est pas a moi, c'est a Ludovic... CAMILLE. Ludovic! AUGUSTA. On vient de I'arreter. . . GAMILLE et ERNEST. L'arrgter! AUGUSTA. Oui, ma chere, comme jVi'ivais avec ces messieurs et ces .Ernest, Camille, Ludovic. dames qui dinentchez toi, j'ai vu des gardes du commerce, des huissiers, que sais-je, moi! des hommes affreuxqui le faisaicnt poliment monter dans un fiacre, et il n'a eti que le temp.* de me crier en m'apercevant : Dites ii Frelillon qu'clle e?t vengec, ct que je Paime toujours!.. CAM1LLE. II a dit cela!.. AUGUSTA. Oui... et maintenantjl roule pour la rue de la Cle... ERNEST, d part . Bon voyage!.. GAMILLE, dans le plus grand desordre. Ah! mon Dieu ! on va le renfermcr, il sera malheureux!.. mais, je ne peux pas 1'abandonner ainsi; non ! c'est impos- sible ! je ne puis pas le laisser en prison' je ne le puis pas! (Sonnant et d Ernest.} Donnez-moi votre bras. ( A Anastasie qui par ait.] Eh vite ! unschall, faites approcher une voiturc; une citadine... (A part.) La! faut-il que ca lui arrive juste qu and je commenoais a ne plus 1' aimer ! SCENE IX. Les Meraes, JErNES GEN , DAMES INVITEES. CHOECH, entrant. Air du Camarade. A table !.. a table! ilfaut qu'on la relicnne... A table ,. . et loin de la laisser pai tir , II fant qu'ici Fretillon appartienne A I'ainitn; qui promct du plaisir. C4MIH.E. Grace, Augusta. Mon Dieu, comment done fair*? De ce repas , ordonnc lesapprets. AUGUSTA. Attends, attends... refleclus done maclierr... CAMILLE. Obliger d'abord , et reflechir apres. Reprise du ch&ur. Quelle folie ,.. il faut qn'on la retienne , etc. Un domestique porait a gauche , (it serviette sons ft bras. Eile met son schatl ct son chapeau , prend It bras d'Esnest, ct sort precipitamment. Lea Jeunex gens donnenl la main aux dames et se dirigent du cute de (a sall-e d manger. Le rideau lombc. { Fin du troisicme nctc. i'i- > : ':> ! ' " , i-i *'. . \ , ;;n~ A C J. I 1 ; IT. . ' '1 ! !.*/).. ;...,-..,{ , I. 1'..rr J '-.I -..k-^i<|-,' iMOICetd .! i p /l!'II ., '.'if'ii i . I'Mfi , J; -< ji . i iKciini Le theatre represente une cour de Saiute-Pelagie. Dans le fond , un nun de cldture et une guerite au milieu. A droite duspectateur , le quartier de la dette, avecun perron; a gauche, celui de la politique. L'entree du debors a gauche. iib--j Jii) u II SCENE PREMIERE. MAKENGO, JOSEPH, M. DE CERAN, GARCONS DE FOURNISSEURS. Au lever du rideau, un factionnaire se prumene dans le fond, On entend des eclats de rire du c6te de la dette. LVDOVIC , en dehors , cole de la dette. Air de E. Tltenard. Joyeux prison niers, coiuinu uous , Champagne quipetilles, Fais nousoublier les verreux, Les geoliers et les grilles. Des creanciers, le verre en main , Nous bravons la colere ! Au diable i egrets et chagrin i Amis, chantons jusqu'a demain . Et buvons a plnin verre, A plcin verre ! CHOEVR; Au diable regrets et chagrin ! etc. JOSEPH , faisant sortir M. de Ceran du quartier de la potitique. lls n'engendrent pas la melancolie, les prisonniers !.. (^ M: de Ceran.} Par ici, monsieur, puisqu'on vons permet dc passer a la dette pour dejeCiner. M. DE CERAX. Merci, Joseph. JOSEPH , le conduiiant , apres avoir ferine la porte. Passez-la , au n 6. (lls passent du. cote de (a dette ; pendant ce temps, on releve la sentinetle. Joseph rentre une lettre a la main. A la cantonnade.} Tout de suite, monsieur, elle va etre portee... allons , qu'est-ce qui nous arrive?.. (Se retournant.} Ah! c'est la sentiuelle dc 1'interieur qu'on releve. PREMIER GAR(;ON, un panier de vin sur la ttte. Du champagne pour le n" 6. JOSEPH, d la wntinclle. Lai^sez pusher... (Au garpon.) A gauche, baisscz la tele... TOUS- allez taifser vo? boutcillcs... AIARENGO , prenant la faction. Allons, m'ea v'la pour deux heures, je vas me depeche>< ' II se promene tres vite. JOSEPH. Quel gaillard que ce n 6, il a mis toute la prison sens des- sus dessous... (Presentant du tabac d Marengo.) En usez-vous, camarade ?. . * MARENGO. Merci, geolier... JOSEPH. Porte-cles!.. MARENGO. Va pour porte-cles ! il parait qu'il y a beaucoup d'oiseaux dans la cage ! JOSEPH. Mais, oui, suffisamment... a la dette ca va assez bien, et du cote de la presse, encore mieux... ca nous amene du monde et des profits... moi, d'abord, en fait de politique, je ne connais que les gros sous. MARENGO. C'est la celle d'aujourd'hui. JOSEPH. C'est la bonne... (A an deuxieme garcon qui entre avec un panier.} Qu'est-ce que tu veux, toi? DEUXIEME GARCOA. C'est une volatile, monsieur, pour len"6, avec un pate. JOSEPH , t'arretant et examinant le panier. Un moment!.. (// le laisse patser.} A gauche, baissez la tele, quelle odeur!.. ca embaume! Oh! les truffes, je les adore... aussi, de temps en temps, je me fais truffer une oie avec des marrons. MARKNGO. II parait, geolier... JOSEPH. Porte-cles. MARE1VGO. Eh bien! porte-cles... il parait qu'on ne jeGne pas du cote dela dette. JOSEPH. On y fait bombancc aujourd'hui... c'est un nouveau qui paye sabien-venue, ils appellent ca une bien-venue!.. c'est un gros prisonnier pour dettes qui m'a 1'air d'fitre furieusement a son aise , ct puis, aimc des dames... il y en a une qui est deja * Marcngo, Joseph. venue hier soir, c'etait trop tard. . elie est revenue ce matin, c'etait trop tot. MARENGO. Le sexe entre done ici ? ,, JOSEPH. Considerabiement... le sentiment donne bcaucoup en pri- son, et voila line lettre que ce monsieur cnvoie a i'adresse d'une demoiselle, c'cst un homme a femmes... il est adore... MARENGO , soupirant. II est bien heureux ! JOSEPH. Hein! quel soupir! est-ce que yous auricz aussi un amour... MARENGO. Une amour! et une Tameuse encore!., louche a mort, quoi JOSEPH. Iln'yapasd'affront!.. . ;) Dbrrun ;;: .i'!-j: i u; *:ii!ii ij .. jy/:;iui o'lU'ray . -.j^mi - MARENGO. .,a:n L ,,: '.IH;[ .OJOUU On s y conformera..; J JOSEPH Faut toujours se contbrmer it I' amour, troupiw fini que pe- lui-lu (On sonne au de/iors.} Ah! voila une visitc... a revoir. MARENGO. Bonsoirl.. (llreprend son fusil.) Pas accelere, je yas peiiscr a elle ; marche!.. II se promene tr6s vite dans le fond. ,tf;ijiu->; .'!':;;; -HJO!] ,"OM?.o;-.) .-A^R^'r '?nn J. SCEIVI: ii. ' j-t' E! .1f>3^id v ., 'Jf{-.i!in^ I '.<:': ' . ''V ,.! JaWtKUffl III Les Meme, GAMILLE. CAMtLLE, d /a cantonnade. Merci. mon ami... tiens, voila pour ta peine... (A Joseph.} C'est vous, Joseph?., le geolier, le porte-cles, n'importe, je demande Ludovic... voila monpermis, je veux le voir... JOSEPH. M. Ludovic... c'est qu'il est bien occupe en ce moment. CAM1LLE. C'est egal, dites lui qu'il vienne, que je 1'attends, moi, Ca- mille. MARENGO , iarretant dans le fdnd. Hein! JftSEPH Mademoiselle Camille.-.. permettez ,- voki ; une lettre que j'al- lais envoycr.. . '65 CAMILLE. Line lottre pour moi, donnez, paufre garcon! il y a pense, if doit etre bien malheureux!.. allez, allez le prevenir. JOSEPH. J'y vais tout de suite. MARENGO , (jui s'est rapproche. Ce nom, cette tournure... CAMILLE, qui a. ourert la letlre, lisant. Ma bonne Camille j'y siis !.. des barreaux aux fenetres, des -> vcrroux aux portes , c'est affreux, je ne coneois pas qu'on puisse vivre la-dedans. ..j'y mourrai, j'cn suis stir... (Essuyant des larmes.} Oh ! non. non!.. (Lisant. ) Mais, j'ai merite mon malheur. CHCEDR, en dehors. J'esp6re Que le vin opete, Oui, tout est bicn, mfime en prison 1 Le vin m'a rendu ma raison. CAMILLE , se tcurnant du cote de la dette. Qu'est-ce que c'est que ca ?. . IUARENGO, laissant iomber son fusil. G'est eile!.. GAMILLE, qui s'est retournee du cote de Marengo. Un soldat!.. je ne me trompe pas, c'est Marengo!..* MARENGO. Je vous ai i'ait peur, mamselle Fretillon... c'est a dire, ma- dame. . . je ne sais pas comment dire. . . CAMILLE. Bah! comme vous voudrez. .. je n'y tiens pas. De faction ici! ah! j'en suis bien coutente!.. il y a si long-temps que je ne vous ai vu!.. MARENGO. Dam! oui, depuis le jour del'armoire, rue de FEchiquier... CAM ILLS. Air : Ces postilions. Qu'avec plaisir toujours je le iclrou ve 1 Bon Marengo!.. Ics amants ontleurtour, Mais, c'est pour moi d' 1 'ami tie qu'il eprouvc. HAHBHGO, d part. Et, c;a resscnibi' diab4emeat ad' 1'ainour ! bit. CAldlLLE. Aussi, j'y tiens plus qu'aux autres, peut-Ctre, Un seul ami, lorsqu'on a tant d'amants , (,la change un peu... puis, qn dit qu* c'est [uioin.H traitre. Et qu Va dur* plus long-temps ! ' Marengo, Camille. 64 Mais, pourquoi n'etes-vous pas venu me voir, Marengo... c'cst mal a YOUS ! MARENGO. Oh! je le voulais bien, mamselle; en arrivant a Paris... je suis etc rue de la Paix... CAMILLE. J'avais change. MARENGO. On m'a renvoye rue do Menars... CAMILLE. J'avais change. MARENGO. De la, rue de Rivoli. CAMILLE. J'avais encore change... MARENGO. Je suis etc comme ca, je ne sais ou, vous aviez toujour> change, c' n'est pas comme mon amitie, qui etait toujours lo- gee au memo numero , invariable comme ma consigne... enfin, j'ai decouvert que vous etiez dans la rue de mon pauvre general qu'est en train de partir pour 1'autre monde, rue du Mont-Blanc, heureuse et riche , une grande dame enfin!.. alors, je n'ai pas ose monter, moi , troupier sans consequence, et je vous ai ecrit. . . CAMILLE. Ah! c'est juste! votre lettre... je 1'ai lue (Marengo se de- lourne.} Elle ma fait plaisir... j'ai vu que vous ne m'aviez pas oublice. MARENGO. Vous oublier ! oh ! jamais ! et il parait mamzelle que vous ve- nez ici. CAMILLE. Oh! pour quelqu'un qui est bien malhenreux! je viens secher ses larmes... lui rendre 1'esperance .. ct... LUDOVIC , en dehors. C'est bienl c'est bien! CAMILLE. Ah! c'est lui... Ludovic... Ellc court a lui. SCENE III. Les Memes, LUDOVIC, M. DE CERAN, ANATOLE, FERDINAND, EDMOND. LUDOVIC , ane serviette d .ta boutonniere et an verve de Champagne a la main. Camille! (// s'arrete.) Attends, que je vide mon verre. GAMILLE. Comment, monsieur... Ludovic a vid6 son verre et le jette. MARENGO, reprenant son fusil avec humeur* Encore lui ! II remonte dans le fond. LUDOVIC. Main tenant, embrassons-nous; tiens... voila des amis, des connaissances... en voila... Us eatrent tons le verre a la main. * Air : C'est le plaisir.. . C'est Fretillon ! bis. Qu'elle vienne, Qu'on nous 1'amene! G'est Fretillon ! bis. Le plaisir arrive en prison ! CAMILLE. Edmond, Frederic, Anatole ! Ferdinand !.. venez tous, venez ! M. I)K CUIA.N. Toujours ainiablc, toujours folle? CAMILLE. Est-ce vous qui m'environnez! Camarades, comme nagueie, Je vous revoistons... Ah, j'espere Que j'ai du bonheur, mes amis, J'en cderche un et j'en trouve six. Hep rise du cliceur. C'est Fretillon ! (bis.'} etc. CAMILLE. Ma foi, je ne m'attendais pas a trouver tant de plaisir sous les. verroux ! M. DE CERAN. Ni moi non plus... LES JEUNES GENS. Ni moi... ni moi! CAMILLE. Jusqu'a ce bon Marengo qui est la en faction; ces pauvres amis!., les voila done mines!.. Vous, Anatole, c'est a la Bourse, je le parierais! toi, Frederic, a 1'Opera, dans ce qu'Augusta appelle le guepier... et Edmond, qui cst-ce qui a pu 1'envoyer rue de la Cle ? a moins que ce ne soil son tailleur. LUDOVIC. Juste ! tu as devine. . " Edmont, M. de Ceran, Camille, Ludovic. Fretillon. q. 66 CAMILLE. Mais, M. de Goran, avecvotre fortune?.. M. DK(ii : :r,.\\. Aussi, mon enfant, ce n'est pas une affaire d'argent qui m'a- mene ici... je suis d'un autre quartier. CAMILLE. Ah! oui... vous faites des brochures, de lapolitique... quellc betise ! de mon temps vous etiez plus drole ! (Ectatant de rtVv.) Ah, ah, ah! c'est original tout de meme, de les voir tous la rassembles autour de moi ! heureusement, ce n'est pas ma faute, car si j'accepte des riches... M DEC^RAN. Vous ne refusez rien aux autres. CAMILLE. Et la preuve , c'est que je viens delivrer quelqu'un. LUDOVIC. Allons, encore! M. DE CKI\A\. J'en etaissOr ! Air de Tenters. O mes amis, c'est nn ange adorable Qui vient ici consoler le malheur. CAMILLE. Un ange...(-h, mais vous etcs bien aimable... A mes vertus vous i'aites trop d'honneur ! N'en croyez rien... car, si j'etais un ange, Qu'au inonde, alors, lescieux enleveraient, Peut-etre, moi, je gagnerais au change, Mais, a coup sur, les mortels y perdraient. (A Ludovic.} Eh vite, monsieur, preparez-vous a me suivre, u quitter si mauvaise compaguie... I/infame! moi qui le croyais dans le chagrin ! M. DE CE R\\, Vous allez nous 1'enlever? LES JEUNES GENS. Ludovic ! LUDOVIC. Moi! est-elle drole! faut de 1'argent pour ca! CAMILLE. J 'attends I'huissier pour compter avec lui. LUDOVIC. Allons done, Fretillon... c'est impossible... ca ne se peut pas! 6? CAMILLE. Comment, tu refuses? Ll'DOVIC. Parole d'honneur, je ne fais pas le difficile; mais il y a des circonstances... CAMILLE. Ah! si tu m'aimes encore... LUDOVIC. Si je t'aime ! apres un trait pareil... quand tu ne m'as pas abandonne... Oui, messieurs, Fr&illon est monange gardien... tout a elle, tout pourelle! Ah! si jc pouvais etre couche sur le testament de mon oncle, si je pouvais faire mapaix avec le cousin Godureau qui est ici ! CAMILLE. Trail Godureau... il y est aussi? en prison ! Je le croyaistrop bete pour pa! LUDOVIC, has a Camillc. Et cette pension que je recevais sous le nom de mon oncle.... tu me trompais! CAMILLE. Silence ! LUDOVIC. Ah! Fretillon! mais il nevient pas me voir. .. il me fuit ! il a refuse mon invitation... CAMILLE. Godureau ! ou est-il? LES JEUNESGEKS, appelant. Godurea\i! Godureau! SCENE IV. Les Memes, GODUKEAL. GODUREAU, paraissant d la portc dela deite. Hein!.. qui esl-ce qui m'appelle? CAMILLE. Comment... est-cc qu'on ne reconnait pas ses amis?.. GODUREAU. Camille !.. (Eda.ta.nt derire.'] Ah! ah! ah!., elle aussi, en prison pour deltes!..c'est eharmant! CAMILLE. Moi , ea prison I. . du tout ! * * Edmont, M. dc Ceran, Luclovi*-, Camillc, :tc. 68 Air dtt Piege, Je f'ais uiieux , j'accours parmi vous , Toujours folle et toujours legere , Quand vous ties sous les verroux, Egayer ce lieu de misere !.. Prodiguant d'egales bontes, Je viens consoler , en amie , Les fideles que j'ai quittes , Les volages qui m'ont trahie. LUDOVIC. Ne parle plus de pa... GODUREAU. Vous me rappelez que je suis des premiers... EDMOIVD. Et moi aussi. ANATOLE. Et moi aussi. CAMILLE. Bah ! quaud c'est tout le monde, ce n'estpersonne. . . d'ailleurs, la Constance, vois-tu, c'est une autre Ste-Pelagie; le plaisir, c'est la liberte... fais comme les autres...Est-ce que^tu me gar- des rancune ? GODUREAU , /at tendant (a main. Moi !. . tu es trop bonne fille pour ca ! CAMILLE. A la bonne heure!.. c'est deja quelque chose... mais, je de- mande mieux encore... c'est votre amitie pour votre cousin, ce bon Ludovic. GODUREAU. Laissez-moi done tranquille. LUDOVIC. II me garde rancune pour les coups de poing. .. CAMILLE. Ah ! ah!., vous lui donnerez la main,vou3 l'einbrasserez,vous ferez sa paix avec 1'oncle aux dindes truffees... GODUREAU. Jamais ! LUDOVIC , a Camitle. * Tu vois bien... CAMILLE. Si fait, morbleu!.. qu'est-ce que ca signifie?.. La haine doit- elle desunir [encore ceux que le malheur a rapproches,et que la prison rend egaux !..cc serait d'un mauvais cceur... d'un petit esprit, et le tien et trop beau. , . (A part. ) II faut le flatter. . . Airrfe la Fieille. Alluus done , un peu de coinage , Et soyez cousins aujourd'hui; Vous voila tous les deux en cage , Qu'il soit boti pour vous , vous pour lui. LUDOVIC. C'est bien dit... lorsqu'on est en cage Devrait-on se Louder ainsi? TOUS ,.except& Godureau. Devrait-on se bonder ainsi ?.. CAMILLB. Imite-moi... dans ces lieux , il me seiuble Que mes ingrats se trouvcnt tous ensemble ; Mais je benis le sort qui nous rassemble, Oui , je benis le sort qui nous rassemble ; Plus de rancun'.. . mcts ta main sur mon cceur II ne bat plus que de bonhem !.. Elfe leur tend la main. M. DE CRAN. C'est ca... paix generate. LUDOVIC. Je ne demande pas mieux ! GODUREAU. Non, Camille, non ! LUDOVIC. II ne reutpas... Eh bien ! tant pis pour lui... AHons , morbleu 1 plus de grimace ! Tous deux approchez-vous d'ici , Et sur-le-champ, quel'on s'embrasse, Gar, c'est moi qui Tordonnc ainsi! TOUS, excepte Godureau. Oni, sur-le-champ, que Ton s'embrasse, C'est elle qui 1'ordonne ainsi ! GODVRBAU. Y pens.ez-vous ? LUBOTIC. Non, sa haine est trop grande ! CAMILLE. II a beau faire, il faudra qu'il se rende! A laprier'faut-il que je descende ? Refuse-t-on quand Fretillon demande ! (Bien tendremenf) Oui, je demande ! (Parie.) Aliens! aliens! Elle prend la main de chacun d'eux. LUDOVIC. Godureau ! Godureau lui tend les bras, ils s'embrassent, 7 o Jc me ictrouve ! aliens, point de rclus, t j'ai fait deox henrcnx de plus! TOU8. Embrassez-vous, alloos, point de reins, Elle a fait deux heureux dcplus ! CA.MILLE. Bravo! nous voila tons amis! tous cousins! M. DE cr,AX. Vite a table!., et le verre a la main, pour cimenter la paix ge- nerale. LUDOVIC. Avec du Champagne. GODUREAU. Sous la presidence de Fretillon. CAMILLE, effray^e. Du Champagne ! non , non ! M. DE CER AX. En attendant votre huissier, laissez du moins a St-Pelagie, pour ceux qui restent, un air de fte et de gaite. GAMILLE. Eh bien, je n'ai jamais refuse de faire une bonne action... au Champagne! LES JELXES GENS. Au Champagne! ltd entreat adroite et entrainent Caniilk*. Cliteur Uei'enlrcc. C'est Fretlllnn ! bit. Faisons-iui fete, Tenons lui tete ! C'est Fretillon I Lin. Le plaisir arrive en prison. SCENE V. JOSEPH, MARENGO, GODUREAU, M. LEGRAS, fuiissier MARENGO. Milzieux! et on n'aimerait pas cette fille-la! la creme des femmes de son sexe!.. elle rapproche les ennemis... elle em- brasse tout le monde, elle boit du Champagne ! creature adoree va... Aht si jamais... Dieu de Dieu !.. JOSEPH, entrant. Qu'est-cc qui lui prend? est-ce qn'il cst fou?.. 7' MARENGO. C'cst qu'elle pense a tout, elle n'oublie personne, personnc, excepte moi , le pauvrc soldatt GODUREAU, rercnani atec une bouteitle et un rerre. Marengo! Marengo! JOSEPH. Marengo, qu'cst-ce que c'est que ca? MARENGO, s'atanfant. Present ! GODUREAU. Eh, mais, Dieu me pardonne, c'est 1'uniformede 1'armoire... Ah! ca, ils se sont done tous donne rendez-rous ici. Tenoz , mon brave, tenez... voilu ce que Fretillon vous prie dc boirc a sa sante. MARENGO. Vrai! elle a aussi pense a moi. Suflit. TOUS, appelantdu, delwrs. Godureau! Godureau! Oodureau rentre. MARENGO. Au milieu des prisonniers, elle envoie la goutte a 1'ancienne connaissance qui a celui de les garder. (S'esmyant les yeux, // bolt.] Obeissance passiye. JOSEPH. Dites done, M. Marengo... c'est unbeau nom de bapteme que vous avez la. MARENGO. N'est-ce pas? Je suis un enfant de troupes... et les anciens m'ont appele Marengo, parce que je suis venu au monde le jour de la bataille d'Austerlitz. JOSEPH. C'est fame uxca... eh, voila M. Legras, Thuissier*. LEGRAS. Moi-meme, monami,moi-meme, je viens pour une affaire... une affaire tres pressee... une dame qui m'a donne rendez-vous pour la creance de M. Ludovic. MARENGO. C'est elle.... toujours elle... du Champagne a 1'un, des gros sous a 1'autre... c'est une ame petrie dans le bieufail, quoi ! LEGRAS. Vous connaissez cette dame ! * Joseph, M. Legras, Marengo. MARENGO, d'un ton sentimental. Si je la connais, 6 huissier! voyez-^vous, j'aimerais micux tou- cher d'amonr une personne favorable a 1'humanite comme cellc que vous allez voir, que toutes les pieces d'un franc cinquante qui dans le courant d'une annee, peuvent vous glisser dans les tloigts, 6 huissier, que AOUS etes... A votre sante. II boit. LEGRAS. Ah! ca, qu'est-ce qu'il medit, ce monsieur? JOSEPH. Venez, M. Legras, venez, je vas TOUS menervers mademoi- selle Camille, ou mademoiselle Fretillon. Les droles de noms qu'ils ont, ces gens-la! Us s'acheminent du cdtede ladettc. MARENGO. Des noms respectables, entends-tu, pekin ! JOSEPH, se retournant. Porte-cles. II sort. MARENGO, seal. II y a quelque chose a dire sur Fretillon , je ne dis pas, mais paregarde ceux qu'elle aime. Dieu si c'etait moi, nefQt-ce que pour vingt-quatre heures!.. je suis jaloux, d'abord... Air : Sans mentlr. ' Si jamais j'ari'ive en ligne, Si j' suis beureux a mon tour, II faudra changer d' consigne ! Voila mon ordre du jour. Je veux qu'eir me soil fidele, Sinon... et quant au galant Qui viendra r6der pres d'elle... Ce s'ra comrne an regiment, Rantan plan i bis. Je 1'men'rai tambour battant ! On entend des eclats de rire d droito. JOSEPH, r entrant. Ah! ah! ah! MARENGO. Qu'est-ce qu'il y a ? JOSEPH. II y a que c'est une bonne fille, tout de meme; ils se rappel- lent la-dedans des choses a mourir de rire. . . on & pleurer comme une bete!., les tours qu'elle a joues auxuns... les services qu'elle a rendus aux autres; il y a un petit pale qui racoute qu'etant pauvre et malade, Fretillon a vendu pour lui absolument tout, quoi! Et la-dessus, ils remplissent son verre et elle le vide en 73 riant, et elle a des yeux quibrillent.comme des diamants, mais, quicont petits... petits. .. MARENGO, vidant son verre. Femme celeste ! JOSEPH. Quand W. Lcgras est entre... elle a jcte sur la table un gros portefeuille, en criant : C'est mon reste... et on lui a donno un verre pour le griser. MARENGO. L'huissier?.. JOSEPH. Et moi aussi. .. Tenez, entendez-vous?.. CHOEUK , en dehors. Air de Ramponneau. Force Champagne A Fre.tillon ! Que sa gaire nous gagne ; Force Champagne A Fr(:tillon ! Mes amis, i'aisons lui raison ! utiiTii.LON , entrant, suivie du chcettr. Non , laissez-moi , je le vcux , Au bruit d' ce vin joyelix, Ma tSte demenage. Je vui-i quitter la prison , Mais je crains qu' ma raison Ne rcsle dai? la cage. e trail's. Force Champagne, etc. SCENE IV. tes M ernes. CAMILLE, LUDOYIC, M. DE CEllAN, ANA- TOLE, EDJ10ND,F11EDEKIC, FERDINAND, LEGRAS. 11s entrent tons sur le chceur. LUDOVIC, off rant un verre d Fretilloii. Encore un verre... CAMILLE, d pea, pres grise. Merci! merci! assez, assez, Dieu que c'est amusant le vin de Champagne! en prison ! pa echauffc le cceur, la Jetc. .. Eh vite. Ludovie, puisque le Champagne t'a rendu raisonnable, par- tons!.. LUDOVIC, ioat d fait gr is. Au fait, puisque tu y tiens... liberte! c'est delidat ce que tu fais la, je crois que le grand air me fera du bien! Frft(llon 10. 74 CAMILLE. Et, pendant quc j'y suis.... ccoute, geolier, mon amour. JOSEPH. Present ! CAMILLE. Je delivre ties prisonniers. (S'interrompant.} C'esl drole, la prison tourne... Je paie pour tous! LEGRAS. Pour tous ! JOSEPH. Votis avez done le budget dans votre sac ? LEGRAS. Mais d'abord, pardon, je suis un honnete homme* MARENGO, dans le fond. II est dedans , 1'huissier. GAMILLE. Qu'est-ce que vous voulez encore, M. Legras? les creanciers, qu'est-ce qu'ils veulent ? (Eclatant de rire.) Dieu que les huis- siers eont laids! c'est le seul corps que je n'aurais jamais pu sonfFrir ! LEGRAS. Vous etes bien bonne; mais, mamzelle, ce n'est pas mon compte. CAMILLE. Comment, Ludovic n'est pas libre! il vous manque... LEGRAS. Quinze cents francs, dont neuf cents pour les frais. CAMILLE. Les frais! et le portefeuille est vide! (Dormant sa chatne, ses bracelets, etc.) mais voila de 1'or, des bijoux; vous etes paye. LEGRAS. Permettez... CAMILLE. Encore! Ah! tiens... (Lui jetant son schall.) pur cachemire, mon cher...mais rien de plus... Dam! la plus belle fille du monde ne peut donner... Quant a toi, Anatole , a toi, Ferdi- nand... a demain, je suis riche, et il ne sera pas dit que je ferai tort de ce que je possede a de pauvres diables qui m'ont aimee; comptez sur moi , tant que je pourrai payer des ran^ons, j'en payerai... Quant a vous, M. de Ceran, demain voussortirezd'ici, je vcrrai les autorites, je les attendrirai, ou j'y perdrai mon nom de Fretillon! *Marengo, Joseph, M. Legras, Camille, etc. Air dtt Cabaret. Ainsi, coin me tine cnchanteresse, Chassanl le malbeur de ces lieux, Sous ces tristes verroux, je Jaisso L'esperance... faute de mieux ! Comme ce Champagne cfficace , Qui, pour nous, vient tout embellir, Je vcux que partout on ]f passe 11 ne reste que du plaisir. Adieu, adieu, partons. 11s vont pour sortir. JOSEPH , se plapant entre eux. A CamlLle. Vous, a la bonne heure; mais, monsieur, ca ne se peut pas. LUDOVIC. Comment, ca ne se peut pas. JOSEPH. 11 fautqu'on leve son ecrou. LEGRAS. Et pour cela, il faut que la somme soil liquide. LUDOVIC. ()u'est-cc qu'il parle de liquide... est-ce qu'il n'en a pas as- sez, 1'huissier? JOSEPH. Faut qu'il reste. CAMILLE. passant d Ludovic. Et moi, je vous dis que Ludovic ne restera pas ici. .. mon Ludovic ! On entend un roulcment de tambour. M. DE CERAN Entcndcz-vous? les portes vont ctre i'ermees; je relourne a la polilique. LUDOVIC. Et moi, je reste a la delte. CAMILLE. Pauvre garcon ! encore tine nuit! ca doitfetre triste unc nuit en prison ; mais clle ne sera pas mauvaise , je 1'espere ; vous re- verez a moi. Allons, a demain, ii demain! A.'irdu Philtre, (Premier acte du Paysan amoureux.) Adieu done, loin de vous Je pars, inais bienfdt, je rcHperr, A ma table vous surez tons; Je vous y donne rendez-vous. Adieu done, loin de nous Elle part, mais bientot, je 1'cperc, A sa table nous serons tous ; Et nous y prcnons rcndez-vous. I la tonl lous pour renlrer d droile tt a gauche et laissent la scene llbre. MABBNGO, la prenant dpa.it, dans (e fond. Mamzell' Fretillon... CAMIM.B. Quel rnysJere. UARKNGO. Le frojd piflce, il fait mauvais temps, c AMH.I.K , monlrant la capote suspendue d la guerlte. Eh bien, ta capote, et j'espere, Te la rendre a toi, viens aussi, viens domain, je [t'attends. Marcnge 'place la. eapolesur les epaules de Camille, TOUS. (Parle.} A demaiii ! CHOGUK el CAMILLE. Adieu done, etc. ACTE VI. Le theatre represento un petit lioudoii tres simple. Dans le fond, unc chaminee, et devant, un gueridon et deux couverts. A gauche, 1'en- ti6c du debors; a droite , porte qui mene a 1'apparteinent. SCENE PREMIERE. CAMILLE, settle. Kile entre pat la gauche, et parlaat a la cantunnade. Eh! mon Dieu!.. je vous abandonne 1'appartement. Prenez, saisissez tout, puisque je ne puis plus payer... Je ne garcfe que ce petit boudoir etcecouvert!.. (Montrant le convert.] pour mon Lutlovic et pourmoi!.. Eh mais, j'y pense, et tous ces mes- sieurs que j'avais invites pour aujourd'hui!.. a une grande table; mafoi, tant pis... bien fachee, messieurs, iln'y a place que pour un. SCENE II. CAMILLE, AUGUSTA. AUGUSTA. Eli bien, persoune pour annoncer, pas un domcstiquc. CAMILLE, gaiment. Commc tu vois; ils sont tous partis,,, avcc la fortune, et ils reviendrontavec elle, quand je descendrai de ma inansarde . od je vais remonter, comme autrefois, tu sais; m'y revoila! AUGUSTA. Ah ! mon Dieu ! que me dis-tu la? Qu'est-ce que cela signifie, ma chere ? CAMILLE. Cela signifie, ma chere, que j'avais de 1'or, de I'argent, des billets qui m'etaient venus, Dieu sail comme, et qui s'en al- laient de mme, je prenais toujours sans compter; si bien qu'a mon retour de Ste-Pelagie, je me suis aperpue que j'etais au bout de mon rouleau... Monproprietaire s'est rappele que je lui devais cinq termes, seulement; il a mis les huissiers partout... et moi, je me suis refugiee ici, dans ce boudoir, en attendant. Air : Rentes , reslez, troupe jolie. Ce soir , pour le cinquieme etage , D'ici , je prendrai mon conge 1 C'est ainsi , deja, sans bagage , Que, trois fois j'ai dem^nage ; Du haut en has j'ai oyag<5. A prendre un parli je suis prompte , Sans oublier, depuis cinq ans, Ni ma gaite , quand je reuionte , Ni nics amis, quand je descends! AUGUSTA. Comment! tu as tout mange? CAMILLE. Mieuxque ca... j'aitout donne. AUGUSTA. Alors, je vois a ta nouvelle fortune, que ce qu'on m'a dit pourrait bien etre vrai. CAMILLE. Qui?.. qu'est-ce qu'on t'a dit? AUGUSTA. Oh!... quelque chose d'inconceyable... ton mariage. CAMILLE , rianl. Mon mariage!.. AUGUSTA. Etnaoi, qui venais t'en detourner, te conseilier de n'en rien faire... un mauvais parti, ma chere... CAMILLE. Un mauvais parti... niais qui done? AUGUSTA. Eh! tu le sais bien... ton Ludovic... puisqu'il 1'a dit.., c'cst 78 avec loi assurement. .. il 1'a annonce a Lolotte!... cette pauvre fille, elle s'est trouveemal! CAMILLE. Mon manage! Ludovic!... as-tu perdu la tele! j<: n'y ai ja- mais pense! AUGUSTA. Eh bien! il y a pense , lui ! CAMILLE. Pas possible ! . . c'est une surprise qu'il me menage. . . une be- tise!... c'est d'un bon coeur... ce cher Ludovic!.. hier, en sor- tant de prison, il m'a bien jure qu'il n'aimeraitque moi, et que jamais une autre... ah, ah, ah! ce serait drole, n'est-cc pas?., mon mariage!.. II me semble que je me vois deja passer avec un voile, et de la fleur d'orange! Tu n'as jamais pense an ma- riage, toi ? AUGUSTA. Si fait, quelquefois, souvent meme, mais avec quelqu'un de riche, decossu... un fils depair de France... un general ou un danseur. Maisun jeunehomme comme ton Ludovic, fi done! CAMILLE. Bah! il fera son chemin. (Riant] Et si j'etais sa t'emme... AUGUSTA. Oh! sa femme!... Lolotte y mettrait bon ordre. CAMILLE. Lolotte, comment ca ? AUGUSTA. Certainement... elle a une lettre de change de mille francs... Elle a jure par tout 1'Olympe de 1'Opera, qu'elle poursuivrait son infidele!.. CAMILLE. AhmonDieu!.. encore... pauvre garcon !.. Mais, il n'en sera rieu... Ah! machere!.. je t'en prie... vois cette Lolotte .. enta qualite de diplomate, arrange cette affaire-la.. . paie et que tout soil fini! AUGUSTA. Desolee!... je n'ai pas d'argent!.. tu ne sais pas, mon vieux general est mort!.. et il ne m'a rien laisse, le traitre! CAMILLE, mysterieusement , tirant un billet de son sein. Tiens!-. tiens!.. c'est mon dernier... jc 1'avais sauTe pour lui... qu'il serve a cela. AUGUSTA. Mais, pense done... CAMILLE. Non... non,.. jc ncvcux pcnscr u ricn.,. ce n'est pas dans 79 mes habitudes... c'est mon ami!...mon amant !.. mon mari ! (Riant.') mon mari!.. la drolc d'idee. Oh! jamais!.. AUGUSTA. Qu'est-ce que j'entendsla! CAMILLE. Chut!., c'estmon proprietaire, peut-etre... avec ses huissi- ers , ses estafiers, que sais-je!.. va vite, va... par ici... je t'at- tends... AUGUSTA. Dam !... tant pis pour toi... ca te regarde... Camille la fait sorlir par la droite , pendant le choeur suivant. ' ; ft I . ' : : ' ; SCENE III. M. DE CERAN, CAMILLE, GODUREAU, FREDERIC, ANA- TOLE , EDMONT. Chez Fretillon, bis. Le plaisir fidele M'appelle. C'est Fretillon Qui gaiment paya ma rancon ! CAMILLE . Ehnon! jc ne me trompe pas., ce sont tous ces messieurs q' j'avais invites a diner. M. DE CRAN. Et , comme vous voyez, nous sommes exats... ce sent des heureux qui yiennent vous remercier de votre visite. GODUREAU. Et vous la rendrc... Eh bien! eh bien!.. et le couvert... oti est-il done? CAMILLE Le voila!.. M. DECEUAX. Bah! il n'y a place que pour deux... et moi!... GODUREAU. Et moi ? TOUS. Et moi ? CAMILLE. Bien fachee... le couvert est pour que'lqu'un qui tarde bien a venir... ce cher Ludovic ! 8o GODUREAU, riant. Et ce manage!., Ludovic?.. CAMILLE. Vous savez..- Silence! entrenous, c'est a la vie et la morl ! GODUREAU , f tonne. Bah! M. DE C^RAN, aux jeunes gens. Eh! Ludovic!.. est-ce qnc ce n'est pas lui qui s'est dispute hier pour elle avec ce soldat... FKDRI. Et qui a du se battre ce matin ? GAMILLE. II s'est battu!... et comment?., pourquoi?.. Dieu! Ludovic! . i LJL i:is^.J SCENE IV. Les M ernes, LUDOVIC. Air Anglais. (Camilla}. Tra, la, la la, la. Bonjour mes camaradcs. Tra, la, la, la, la. Encore un coup je viens grossir VOB joyeuses brigades! . Je viens faire, pour en finir, Mes adieux an plaisir! Tra, la, la, la, la *. GAMILLE. Tu n'as pas ete blesse ? LUDOVIC. Blessv?... Moi!... Ah! par exemple!... et comment ca, done? CAMILLE. Mais .. en te battant. LUDOVIC. Me battre!.. pas si bete!.. Tra, la, la, 1'a, la, Je" n'aime pas la guerre, Tra, la, la, la, la, etc,. M. DE CE"RAN. Comment, ce n'est pas vous qui vous etes battu, ce matin... avec ce soldat?.. LUDOVIC. Ah! oui... ce soldat, un camarade de Marengo qui attaquait *M. de Ceran, Ludovic, Camille, etc. 8i lavertu de Fretillon... (Riant.) Ah, aht... il parait qu'il t'a re- connue... en sortant de Sainte Pelagic... Je lui ai dit que c'etait un manaiit, il m'a repondu que j'etais un imbecile... j'ai passe mon chemin , nous sommes quittes. CAM1LLE. Je te reconnais la... GODUREAU. C'estsingulier! maisons'est dispute... on s'est battu... LUDOVIC. Ce n'est pas moi, ma parole d'honneur!.. quelle betise ! poui 1 la vertu de Fretillon... elle ne le souffrirait pas... elle est trop bonne fille pour ca... Fretillon ne veut que mon bonheur. CAMILLE. Certainement! LUDOVIC. Elle me 1'a dit cent fois... Aussi, je viens lui en apprendre un. .. et un fameux!... a vous aussi... parce que vous files ses amis... et que les amis des amis. GODUREAU., riant. Sont nos amis... LUDOVIC, d Camille. Tu ris... est-ce que tu tedouterais... CAMILLE. Peut-etre... tu es un bon enfant! .-'. (>fvV*T V. : l (Uil ', TOUS. Qu'est-ce done?., qu'est-ce done? CAMILLE. Allons , n'en parlons pas... c'est bete !... LUDOVIC. Bah! tu sais... et ca t'arrange ! tant mieut. CAMILLE , lui prenant la main. On peut bien s'aimer sans cela!... (Souriant.} Oh! tu as de droles d'idees. LUDOV1C. Oh! 1'idee n'est pas de moi... elle est de mon ncle... car me Toila rentre en grace aupres de lui... et il ne yeut plus Toir mon cousin... chacun son tour... (A Godtireau.) Mais je ferai ta paix avec lui, sois tranquille... si bien done que mwi oncle me marie. TOUS. Pas possible! CAMILLE. Quoi!.. c'est ton oncle... Fretillon. 82 LUDOVIC. Liii-meme. D'abord, il paira mes dettes... il me 1'a promis. (Pressant la main de Cnmille, et has.} II lespaiera toutes.... c'est sacre... (Haut. ) et puis ce respectable oncle m'offre tine petite femme qui est rousse. ..cam'est egal... j'ai la vue basse (A Go- dureau.} mademoiselle Josephine, tu sais... GAMILLE tmue. Ah! mademoiselle... et tu acceptes? LUDOVIC. Tiens, si j'accepte... cent mille francs , dans dix-huit mois... et des esperances, comptant.-.d'abord, ca ne pouvait pas durer comme ca, il faut faire une fin , c'est ce que tu m'as toujour* souhaite... et puis, j'ai vu ma future, elle est gentille... je 1'aime deja. GAMILLE. Comment, tu... (A part.] Encore un ingrat ! LUDOVIC. Hein!... ca te fait plaisir... n'est-ce pas?... aussi , je n'ai pas voulu passer sans t'en faire part... et aux amis que j'invite la noce!..* la boutique de 1'oncle y passera!... (Ckantani] Tra, la, la, les liqueurs etles dindes truffees... tra, la, la... (A Camille.} Par exemple!.. toi, tu ne peux pas en etre... parce que, tu con- cois... la morale... mais je t'enverrai quelque chose en cadeau... CAMILLE. A moil... (A /?arf.)Oh!.. LUDOVIC. Mais adieu... adieu !..car, moi, je parle de mon mariage... mais il y a un diable de billet a ordre en circulation... on me me- nace de me poursuivre... une certaine personne... CAMILLE. Oxii, mademoiselle Lolotte... LUDOVIC. Chut... Oh! ce n'est paslasomme, mais j'en deTrais trente fois autant, je n'en serais pas plus vexc... Si la famille de Jose- phine savait que j'ai fait des billets aux danseuses!.. va te pro- mener la dot et le mariage !.. Ah!., c'est qu'elle a des principes, la belle-mere... je vais tScher de ratrapper mon billet. Adieu, les amis... adieu, Fretillon... arevoir... Tra, la, la, la, je me marie!.. TOUS. Adieu, adieu I * Godtireau, Marengo. 85 LUDOVIC, s'eloignant. Tra, la, la, la. On cesse de 1'cntendie pen a peu. SCENE V. Les Meines, hors Ludovic. CAMILLE, apart, axec emotion. Me quitter ainsi!.. moi quil'aimais tant!.. Oh! les hommes!., les hommes ! je crois que je vais les hai'r... GODUREAU, revenant d gauche. Hein!... qu'est-ce que nous avons?.. CAMILLE, essuyant une larme. Rien, rien... M. DE CERAN, revenant ddroite. Bah! Fretillon... est-ce que tu le regretterais ? GAMILLE. Ah! bienoui!.. (A part.}. Mais ce billet qu'il redoute , jc vais 1'avoir, et nous verrons ! GODUREAU. Ahca!.. le couvert du cousin me rcvient de droit. TOUS. Non!.. c'est a moi!.. GODUREAU, s'approckant de Camille. C'est a moi, n'est-ce pas.?.. M. DE Ci';i; \x , meme jeu . C'est a moi! GAMILLE. Eh! que m'importe! a qui le voudra!.. GODUREAU. Ma foi , a moins de le tirer au sort. .. M. DEC^RAN. C'est ca!.. c'est 93!. .. unc loterie !.. TOUS. Bravo!., une loterie !.. GODUREAU. Oh!., nous allons rire... GAMILLE. Hein! que ditcs-vous? 84 Air du premier prix. lei , quoi ! mettre en loterie, Mon souper, TOGS. Oui, oui; c'est charmant 1 CAMILLB. Mais c'est line plaisanterie. .. Vous n'en ferez rien... ions. . ; -j' Si vraiment. CAMILLB. Si , dans le monrtt, 1'a venture Allaitavoir quelques echos?.. GODOBBAU. Oh, dans ce cas, vous seriez sure De placer tons les numeros. CAM1LLE. Mais vous etes fous!.. je nereuxpas!.. M. DE CERAN Si fait, c'est conyenu ! GODUREAU. 11 faut ecrire nos noms. M. DE CER \ V Et le premier qui sortira. . . TOUS. De 1'encre... du papier... M. DECERAiV, montrant la po*te ddroite. La! la!... messieurs... Us sortent. GAMILLE. Mais, messieurs, je ne veux pas ! Godureau lui enroic un baiter. SCENE VI. CAMILLE, AUGUSTA. AUGUSTA, entrant. Me voila, machere, me yoila! GAMILLE. Ah ! c'est toi ! AUGUSTA. J'ai vu Lolotte. CAMILLE. Et le billet ? AUGUSTA. Elle n'y a pas tenu. .. Tiens, le Toici ! 85 GAMILLE, Ie prcna.nl . Donne... Ah! nous verronsmaintenant!..qu'il viennele eher- chcr. AUGUSTA. A propos , tu n'as pas vu Marengo? CAMILLE. Marengo!.. AUGUSTA. Quand je suis sortie, jc 1'ai vu qui causait avec ton proprie- taire , tes huissiers , eten revenant jc ne 1'ai plus trouve... je le croyais ici. SCENE VII. AUGUSTA, MARENGO, CA&1ILLE. MARENGO, arrive entr'elUs. Pardon, excuse. AUGUSTA. C'est lui ! CAMILLE. Marengo!.. MARENGO. Vous m'avez invite, mamzelle. .. et, pour manquer a 1'appel, il faudrait que je fusse etc mort, et je n'en ai pas etc bien loin. AUGUSTA. Comment, ma chere! est-ce qu'il t'aime toujours depuis le temps? CAMILLE. S'ilm'aime... Qui? MARENGO, d Augusta. Chut!., taisez-vous done, mamzelle. AUGUSTA. Pas possible... elle n'en a jamais ricn su... le pauvre garcon! CAUILLE. Maisparle done... qui est-ce qui m'aime?.. AUGUSTA. Mais, lui... Marengo. CAMILLE. Marengo!.. MARENGO, s'en allant. Bonsoir!.. je m'en vas. CAMILLE , le relenanl vivement. Non, non, restez. (Lent erne nt.) 11 m'airnail : c'est une plai- santcric. 86 AUGUSTA. Eh, non... c'est parce que tu en aiuiais un autrc, qu'il s'est refait soldat; et pourtant, il y avail unc personne qui aurait cu un faible pour lui, il n'en a rien su. MARENGO. Si fait, mamzelle, mais ce n'etait pas Fretillon... GAMILLE. Quoi ! Marengo , est-il bien vrai ? MARENGO. Je ne vous 1'auraisjamais dit,je n'auraisjamais ose, quoique, ce matin, je ne vienne pas a autre intention mais, puisque la petite a bavarde. Eh bien ! oui, mamzelle, oui; il y a six ans que ca me tient la. Dam ! le fantassin y est expose tout comme les autres. .. c'etait pour vous revoir quej'avais quitte le servi- ce, c'est pour ne pas voirlebonheurdes autres que jel'airepris... toujours fidele, toujours en ligne, en attendant mon tour, qui n'a pas voulu venir... i'ai etc bien malheureux! 1 ' >' ,li: ;< lil I AUGUSTA. Oh ! si les soldats font du sentiment ! GAMILLE. Pauvre garcon , il m'aimait plus que les autres, et c'est le seul qui ne m'ait rien demande. MARENGO. Aussi!.. Mais, c'est egal... pa n'a fait qu'augmenter la fievre que j'ai la, dans le cceur; si bien, qu'hier soir, quand on m'a dit qu'il m'etait arrive... AUGUSTA. Hein! MARENGO , se reprenant. C'est-a-dire , rien Pour vous, mamzelle, je mejetterais an feu, jeme feraistuer. CAMILLE, luisaisissant le bras. Mon ami! MARENGO, poussant un cri. Ah! AUGUSTA. II se trouve mal! Elle approche uue chaise. GAMILLE. Marengo! qu'est-ce done? qu'avez-vous? cette paleur .. MARENGO, s'asseyant. Rieu... rien .. c'ebtuncoup de sabre... qui est encore tout frai:- C'est de ce matin. CAMILLE. Un coup de sabre! Vous vous etes battu!.. MARENGO. Oui, mamzelle... CAMILLE. Avec un soldat ? MARENGO. Oui, mamzelle... CAMILLE. Qui m'a insultee, devant Ludovic.-. MARENGO. Comment, vous savez? CAMILLE. Oui, tout! et c'est vous qui m'avez vengee! AUGUSTA. II se pourrait ! MARENGO. Et pourquoi pas ! est-ce que vous croyez que je laisseraiin- sultercomme ca une femme que j'aime. (Se levant vivement.) Sacre nom !.. Pardon du mot. CAMILLE. ,, , j i .'i.tnlol -l(!i- Jii,': nO II n y a pas de mal. J r t*:> il , fe."imc !.'! JLHi MARENGO. Etpuis, je voulais etretue. .. j'avaisdu chagrin! j'avais appris un malheur! CAMILLE. Et , lequel *? MARENGO. Ce sera un bonhetir peut-etre... si bien qu'il m'a domic un coup de sabre... je lui en ai donne deux a votre intention. Maintenant il vous respectera, soyez tranquille .. et tant queje vivrai... je ne souffrirai pas qu'on disc, sur votre compte , un mot, un seul qui ne soit pas catholique. CAMILLE. Oh ! mon pauvre Marengo ! Air : Pour le chercher je passe en Atlemagne. Comment jamais pourrai-je reconnaitre Tant de bonte, d'amour , de devoueraent. MAKERGO. Ah, ce matin, je m's'rais faittuer, peut-6tre... Mais,}' sutsheureux d'n'ett' pas mort, a pr6- Si vous in '.limit 1 / mi peu. [sent. * Marengo, Camille, Augusta. 88 C'est in) possible, MABKXCO. I a, rien qu'un pen, Je ne j>nis, car, en fin. Aimer uo peu, voyez-vous, c'est terrible, Je ne sals pas m'arr&ter en cheinin. MARENGO. Eh bien , beaucotip! oui, mamzcllc... c'est ce que j'atten- dais pour vous apprendre.... SCENE VIII. LesMemes, GDLHEAL*. GODUREAU , mysterieuscment. Me voila! me voila! chut, silence, les autres sont de 1'autre cote a dire desfolies. .. et pendant ce temps -la, Fretillon , je viens te center une idee boufonne qui m'est venue. .. tusais, j'ai toujours eu des idees... CAMILLE. Quelle idee? GODUREAU. On fait une loterie. . . ils ont ecrit leurs noms, mais c'est moi que tu aimes , n'est-ce pas ? c'est moi que tu prefere*, j'en suis sur... ettu as raison... parce qoe moi, vois-tu, jeteradore. (A Augusta..} Jelaradore... eh, eh, eh! alors, vo.ila mon projet... c'est d'ecarter les billets qu'ils vont t'apporter, et d'en mettre a la place, d'autres sur lesquelsil n'y auraqu'un nom; le mien! AUGUSTA . Gomme c'est ingenicux, iGODUREAl'. Fameux, hein, eh, eh, eh ! CAMILLE. Excellente idee... donnez cc papier, je vais ecrire volrc nom. Elle va a la table .i droite. AUGUSTA. Comment, tu eonsens. MAREWG'O'. Elle consent! . MT.IST\. Lemarclranrf dc comestibles! * (lamille, Godurcan, Augusta. MARENGO. Encore! ah! a present, je suis fache de ne pas avoir etc tue. GODUREAU, epiant I'arrivee des jeunes gens. Ecrivez, Godureau, Godureau, sept fois Godureau, et je se- rai heureux... tu m'aimes. . . MYUEXGO, apart. Oh! moi qui allais toutlui dire. 11 va s'asseoir sur une chaise a gauche. AUGUSTA. Est-ce qu'elle aurait encore un faible pour les dindons ? GODUREAU. Voila les autres! Gamille sc leve en cachant les billets. SCENE IX. LesMemes, M. DE CERAN, LUDOVIC, FREDERIC, LES JEUNES GENS. TOUS, entrant. Voila les billets!.. AUGUSTA, voyant Ludovic qui entre par la gauche en chantant. Tiens, Ludovic aussi... GAMILLE. Ludovic ! M. DE CRAN. II en sera ! LUDOVIC. Comment, j'en serai, et de quoi*? GAMILLE. Du tout! M. Ludovic se marie, et ilest trophonnete homme pour manquer a ses sermens. LUDOVIC. Comme tu dis cela... quand j'accours te remercier de ce que tu viens de faire pour moi. (Aux autres.] Vous savez bien, cet obstacle a mon mariage... ce maudit billet qui pouvait tout perdre. TOUS Centourant. Eh bien ? LUDOVIC. Elle 1'a retire pour m'empecher d'etre poursuivi. CAMILLE, severement. Et qui vous dil, monsieur, qu'on ne veuille pas vous pour- suivre ? * Marengo , Ludovic , Gainille , Godureau, Augusta , etc. Fretilton. 1 2. 9 LUDOVIC, deconcerte. Ah! CAMILLE. Aliens, vos billets... M. DE CERAX. Oui, vos billets. CAMILLE. Donnez-les tous. (Passant d Marengo. ) Et le votre ? MAREXGO, bos. Je ne mets pas a la loterie. LUDOVIC , remontant aux jeunes gens. Qu'esi-ce que c'est? une lolerie? CAMILLE, bos d Godureau en luiremettant tes billets quon vient d<. lui donner. Faites-les disparaitre. . . avalez-les. GODUREAU. Encore nne idee, et c'est la plus drole ! Pendant que la scene continue il avale les billets. M. DE CERAX. Un chapeau ! MAREXGO , sf levant Je m'en vas. CAMILLE, retenant Marengo. Le schako du soldat. GODUREAU. C'est ca ! secouez bien les billets ! M. DE CERAX. Qui est-ce qui va tirer? GODUREAU, la bouche pleint. Le pins innocent de la compagnie... la danseuse. M. DE CERAX. Mademoiselle Augusta ! AUGUSTA. Mechant. CAMILLE. Non , non, unc personne qui n'y ait aucun inteiet... M. Lu- dovic. TOUS. Ah! oui... Ludovic... Ludovic!.. LUDOVIC. Tirer un billet... tres volontiers!.. (A part.} si c'etait mon billet a ordre... MARENGO, apart. Quelle indignite! 1'epreuve m'a joliment reussi ! LUDOVIC lirant un billet. VoilA! 9' TOUS. Voyo'ns!... CAMILLE. Ln instant!.. Et d'abord. .. il faut faire disparaitre ccs autres bulletins... (A Godureau bas ) Avalez-les... GODUREAU. A Camiile. Merci, j'en ai assez...les autres' sent encore la. (Haut.)Je les brflle ! 11 Its jette dans la cheminee. TOUS. Le billet! le billet!.. AUGUSTA, passant et prenant le billet. Silence!., je vais 1'ouvrir... (Elle le deroule, et lit.} Maren- go !.. MARENGO. Moi!.. TOUS. Marengo! GODUREAU, a gauche d' Augusta. Dutoutldu tout!., c'est Gedureau... lisezbien... M. DE CERAN. prenant lepapier. C'estbien Marengo.. .il a gagne. LUDOVIC. Bah!., mon remplacant?.. MARENGO. Hein!j'ai gagne... maisje n'avais pas... GAMILLE, passant vivement a Marengo. Comment,est-ce que vous refusez votre lot ? GODUREAU, qui a cou.ru. a la droite de Marengo. Voulez-vous vendre votre billet? MARENGO. Moi, mille-z-yeux!.. on ne me 1'arrachera qu'avec la vie... si mademoiselle Fretillon ne casse pas laloterie. II lui tend la main. GAMILLE, se jetant dans ses bras. Moi! bien au contraire... je n'auraispas mieux fait... car, de tousceux qui sontici, personne n'a plusd'amour et n'en merite plus que M. Marengo. GODUREAU, apart. Jesuissur qu'ellen'avait misque des Marengo au lieu jdes Go- dureau dans lechako... (Haut.) Et moi , qui ai eu la betise de brrtler les autres billets... GAMILLE. II n'y en a plus qu'un seul... un seul!.. et le yoici..: 1 A Ludovic. 92 Air : d' Arlstlppc. Tenez , monsieur , pouvez-vous reconaaitrc Ct- billet -la? LIDO vie. Que vois-je !.. c'est le mien... CAMIM.E. Et je devrais vous poursuivre peut-etre... Mouvement de resignation de Ludovlc. Rassurez-vous , car il n'en sera rien. bis. Elle lui presente le billet, II le refuse dugute. Mes mains, pour vous, de bienfaitsetaient pleines ; Jaraais, monsieur... on le salt trop ici... Je ne fuspour rien dans vos peines... Dechlrant le billet. Je ne veux pas commencer aujourd'hui. LUDOVIC. Ah! c'cn est trop !.. il en arrivera ce qu'il pourra!.. je re- viensatoi... a toi seule... et puisqu'il faut te le dire, je n'e- pousais 1'atitre que pour sa fortune; eh bien ,toi , ce sera pour ton amour, ta bonte. GAMILLE, souriant. l)n mariage !.. merci... c'est bien atoi...le fbndsest loujour* bon... ca me i'ait plaisir...mais moi, vois-tu, amour etliberte ! c'est ma devise... va, soisheureux a ta maniere, comme moi, a la mienne. (Tendant lamain d Marengo. ; Et maintenant, je re- monterai gaiment a mon cihquieme. Musique jtisqu'a la fin. MARENGO. Non, morbleu! vous etes une brave fille... vous avez prefere le simple troupier... c'est ce que je voulais; eh bien ! vous etes ici chez vous... GrSce a mon pauvre general , qui est parti , j'ai toutrachete pour toi. GODUKEAU. Oh ! il la tutoie ! MARENGO, lui dormant le bras. Et maintenant, le bonheur, 1'amour, les ecus... pa durera. CAMILLE. Tant que ca pourra! Surles derniers mots, Gamilleet Marengo t'unt un mouvement vers la gauche ; Ludovic en traine par les jeunes gens, se trouve avec eux et Augusta, sur le second plan, pies de la porte a droite; Godureau va les rejoindre. LUDOVIC, regardant Camille are c regret. C'est dommage ! Le rideautouibe. FIN. LA FILLE DE L'AVARE, COMEDIE-VAUDEVILLE EN DEUX ACTES , )Jnr Mill. tt JJaul Ditport, Reprcsentec pour la premiere fois , a Paris , sur Ic theAtrc du Gymnase Dramatique, le 7 Janvier i835. PRIX : 2 fr. 50 c. PARIS , CHEZ MARCHANT , BOULEVAUT SAENT-MARTIN , W 12 ; BARBA, LTBRAIRE, PALAIS-ROYAL. 1833. PERSONNAGES. ACTEURS. GRANDET, M. BOUFFE. EUGENIE , sa Fille M* LEONTIHE VOLNTS. CHARLES , Cousin d'Eugenie M. ALLAN. M. MENU, Notaire M. KLEIN. ISIDORE, son Neveu M. SYLVESTRE. NANON , Servante de Grandet M rac JULIENNE. La scene se passe dies Grandet , dans line cainpagne (In Loiret, a qiielqnes lieues d' Orleans. Imprimcric > Ah ! a , c'est vrai qu'il lui ressemble a la digne fenune ! ISIDORE. Ah ! elle lui a saute au cou , comme 53 ! NANON. Tiensl... et lui , pas fier, il s'est mis a lire et a embras- ser sa cousine sans se facher. ISIDORE. AIR: L'amour qu'Edmond , etc. La ! voyez-vous , le beau merite ! J'en i'erais bien autanl. . . Apres ? NANON. llc etait lioiiteu.se , interdite. ISIDORE. Et lui n'avait point Ac regrets ? NANON. &u contrail e, il semblait plus tendrc ; Ses yeux petillaicnt. . . M'est avis Qu'il aurait bien voulu lui renclre Tous les baisers qu'il avait pris! ISIDORE. Par exemple ! NANON. Je suis sure qu'il n'a pas mieux dormi que mamzelle. ISIDORE. Et moi , done!... quand mon oncle m'a conte 53. SCENE III. ISIDORE, EUGENIE, NANON. EUGENIE , sortant de la cuisine. Eh! vite, Nanon... le chocolat est pret. (A Isidore qui In suit en la saluant.} Bonjour, monsieur Isidore... 9a va bien? ( A Nanon. ) Je viens d'entendre du bruit dans la chambre de mon cousin. .. et le couvert n'est pas mis ! NANON. Dam ! il est la depuis une heure a me causer... EUGENIE. Va done... je 1'ecouterai a ta place. NANON. C'est ^a , relayez-moi. (A part.} Est-elle bonne , mamzelle ! . . . elle ne recule a rien. (Elle entre dans la cuisine.) ISIDORE , regardant Eugenie. Mon Dieu ! mamzelle , que vous etes jolie comme 53 ! (9) EUGENIE. Vous trouvcz ?.. . inerci... ( A Nanon , (juiesl dans la cuisine.) Mets une nappe blanche. ISIDORE. Oui , vous avez des petites couleurs qui font plaisir a voir... Aussi je resterais une journee entiere a vous regarder... et quand inon oncle me dit de venir ici... ja me fait un bien... c'est loin pourtant. ( Nanon apporte une nappe et une tasse brune qu'elle met sur la table.) EUGENIE. Non ; pas cette tasse-la la plus belle, celle a fleurs... (Nanon la reprend ct 1'cmporte.) NANON. Qui n'a pas servi depuis votre mere ? ( Elle rentre dans la cuisine.) . EUGENIE. Eh bien ! pour son neveu. ISIDORE. Vous ne m'ecoutez plus, mamzelle? EUGENIE , arrangeant la table. Si fait, si fait... car, moiaussi, j'aime a vous voir... je sais le plaisir que vous avez a me rendre mille petits services... vous m'etes devoue comme un frere. ISIDORE. Mieux que ca... oil! bien mieux... si vous saviez tout ce qu'il y a la.. . voyez-vous , mamzelle Eugenie , vous me diriez : il faut te mettre dans le feu pour moi... je m'y jetterais tout de suite... ca ne me changerait meme pastrop. .. Car, rien que 1'idee que vous pouvez etre a un autre. . . ca me brule, $a me donne la fievre. EUGENIE. Que voulez-vous dire? ISIDORE. Oh! rien... enfin, qu'est-ce que 93 peut me faire?... moi, simple clerc de mon oncle Menu... je ne peux pas esperer... quoi qu'en disc mon oncle... mais c'est egal... et s'il estvrai que votre cousin ne vienne ici que pour vous epouser... NANON , rentranl. Epouser. . . qui done ?. . . (Ellc apporte une tasse a fleurs, une serviette, une cafetierc et un gros morceau de sucre dans un papier *. ) * Isidore , Eugenic, Nanon EUGENIE. Mon cousin... qui vous fait croire?... ISIDORE. Eh! parbleu! mon oncle... il s'est imagine, a Fair preoc- cupe dont votre pere a lu cette lettre d'hier au soir , que c'e- tait une demande en mariage. NANON. Eh bien! EUGENIE. AIR de Haine aux Homines. Y pensez-vous ? ISIDORE. J'en suis certain. NANON. Je n'en ai pas meme cu 1'idee. ( E/le pose tout ce c/u'elle tient sur la table.) EUGENIE. Ni moi non plus. .. Pour mon cousin, Mon oncle rn'aurait demandee ! ISIDORE. Mon cosur soudain en a saigne , On devine ce qu'on redoute. EUGENIE. Vraiment.. (^part.)C'csl pourcela , sans doutu , Oue je ne 1'ai pas devine ! Mais quelle apparence ' le fils d'un banquier... il est bien trop riche pour nous. ISIDORE. Oh 1 quant a fa , il ne faut pas qu'il s'en fasse trop accroire. . . ces fortunes de finance , comme dit mon oncle , c'est coinine les ballons... a se gonfle, fa s'eleve en un clin-d'osil... mais au moindre accroc , plus rien... tombe a plat! et c'est plutot vous qui seriez trop riche pour votre cousin. (Nanon ct Euge'nie mettent tout ce qu'il faut sur la table. ) EUGENIE. Vous croyez ?. . . vraiment ! . . . . ( Regardant sur la table. ) Oil ! mon Dieu ! qu'est-ce que tu as mis la? NANON. Dam ! c'est le sucre. ISIDORE. Votre pere, qui , outre ses proprietes, a, dit-on, des tonnes d'or. EUGENIE. Mon pere ! ( 11 ) ISIDORE. Oli ! moi , fa m'est bien egal... je ne vous demande que de 1 'ami tie. EUGENIE. Uon Isidore... (Lui presentant le sucre qui estdans un papier.} Voulez-vous me casser du Sucre. ISIDORE. Tout de suite, mamzelle... avec plaisir. (II prend le sucre et va a la table aupres de la cuisine ; mais , ne trouvant rien pour casser le sucre , sur un mot de Nanon, il entre dans la cuisine.) EUGENIE, a N anon. C'est bien... maintenant il faudra le fauteuil de la chambre de mon pere. NANON. Not' maitre ne s'en sert jamais, crainte de 1'user. EUGENIE , a demi-voix. Dis done, Nanon... cequ'Isidore vient de me dire... que mon pere avail beaucoup d'or... NANON. Dam ! c'est possible. EUGENIE , de meme. C'est vrai... car tu ne sais pas... cette nuit , j'entendais re- muer dans la maison... je craignais qu'on ne reveillat mon cousin... je me suis levee pour voir ce que c'etait... j'allais re- monter dans ma chambre , quand j'ai apercu mon pere qui prenait une petite clef, derriere ce vieux tableau enfume. . . la , sous 1'escalier , dans le corridor. (Elle montre 1'escalier du fond.) NANON , effrayee. Bonte de Dieu!... vous avez vu.. EUGENIE , de meme. Alors , il a ouvert tout doucement , a cote du tableau , la petite porte du vieux garde-fruits , qu'il avait pris pour mettre des papiers , a ce qu'il disait... et il s'est assis par terre, a cote d'une valise, ou il y avait del'or... beaucoup d'or, qu'il s'est mis a compter... et puis des billets qu'il a tires d'un grand porte-feuille. NANON. Silence , mamzelle. EUGENIE. II ouvrait de grands yeux... il murmurait des mots en riant... mais d'un rire si singulier... et puis la lumiere de la lanterne qui jetait sur tout cela un jour lugubre... a m'a fait peur. . . et je suis rentree dans mon lit toute tremblante. ( 12 ) IV ANON. Dieu! s'il savait. .. ue pailez jamaisde $a , au moins. ISIDORE , rentrant etpresenta.nl un sucrier plein de sucre a Eugenie. Voila... {lien a un gros morceau a la bouche. ) Ilest tres-bon . CHARLES , en dehors. Nanon... quelqu'un I NANON. C'est lui , mamzelle. EUGENIE. J'entends bien. (Prenant le sucre des mains d' Isidore.} Merci , monsieur Isidore. ( A Nanon. ) Ah ! vite le fauteuil. SCENE IV. LES MEMES, CHARLES, en robe de chambre elegante; un fou- lard autour du cou ; neglige de fashionable , un petit necessaire a la main. CHARLES, regardant I'escalier par lequefyl vient de descendre. Enfin, je suis en bas. .. ce n'est pas sans peine... quel esca- lier ! * ( II pose son petit nc'cessaire sur la table qui est aupres de la porle de la cuisine. ) EUGENIE. Ciel ! vous vous etes fait mal. CHARLES , lui baisant la main . Voila de quoi me guerir... bonjour, ma jolie cousine. .. oh! moins que rien... une erreur de calcul... trois marches que j'ai prises pour une. MANON , montrant I'escalier. II y a pouriant une corde. CHARLES. Vraiment!... eh bien! ce n'est pas de luxe... je ne Fai pas apercue... il fait si sombre... quoique je ne m'en plaigne pas a cause du contraste. Am (TAristippe. Ici tout afflige la vue , Les rours, les meubles , tout est vieux ; Tout semble dire a 1'ame c'mue Que I'cnnui seul regne en ces lieux. Triste sejour, d'ou , j'imagine , On fuirait vite et ut... (Tirant un portcfeuille de sapoche de cote.} Tenez. .. quel- ques pieces de vin que j'ai vendues dans ma matinee... ( Mon- trantdes billets de banrjue. ) Ca sent bon, ce papier... et votre MENU. Au bas du bordereau. GRANDET , le regardant vwement. Ah ! oui... et puis , entre amis... ( // lui donne les billets dc bancjue. ) C'est le compte. MENU. Sauf 1'appoint... 321 fr. 15 centimes. GRANDET, se levant et Jouillant dans le gousset de sa culolte. Voila d'abord les quinze centimes. MENU. A pros? GRANDET , fouillant dans P outre goussef. Voila un franc. MENU. Restent 320 fr. ( 32 ) GRANDET , fuuillant dans une poche dc son gi/et. Voila les vingt francs. (II lui domic quatre pieces dc cent sous.) MENU. Et les trois cents francs ? GRANDET , avec desespoir. Je n'ai plus que de 1'or. MENU. Ca m'est bien egal. GRA\DET. Mais a moi... ( A part. ) II est tres-cher en ce moment. MENU. Parbleu ! vous n'en manquez pas ; et ce qui m'a toujours etonne en vous, c'est qu'un homme d'ordre... un homme qui connait 1'emploi des capitaux , se laisse aller quelquefois a en- tasser chez lui des especes sans les faire rapporter. GRANDET , (]ui s'est rassis. Je le sais bien... mais les voirdonc... les toucher!,., que voulez-vous ? c'est ma seule depense. MENU, appuyant. J'ai idee que si votre neveu tache d'etre votre gendre , ce n'est pas pour se contenter de cette depense-la... et peut-etre des le lendemain du manage. GRANDET. Qui est-ce qui vous parle de manage ? MENU. Ce n'est pas pour vous demander votre fille que son pere vous a ecrit?... Dam! il estriche! GRANDET. Son pere.. . ah ! bien oui. . . tenez , lisez , pendant que je vais compter. ( 11 tire une lettre de sa poche et la donne a Menu.} Et laissez-moi la paix. MENU , se levant et passant a la droite du theatre. La lettre d'hier soir... voyons un peu s'il est question de manage. ( II lit. ) Eh ! mais... qu'est-ce que je vois ! GRANDET , comptant son or sur la table. Toutes pieces neuves. MENU , poussant un cri. Le malheureux ! . . . 6 ciel ! . . , la mort ! ( 33 ) SCENE XII. LES MEMES , EUGENIE , entrant sur le dernier mot. EUGENIE *. La mort!... la mort de qui done? MENU. Peut-etre en ce moment votre oncle. EUGENIE. Mon oncle ! ah ! donnez.. . (Elle prend la lettre que tlent Menu.} Mon oncle... (On enterid fredonner.) GRANDET. Pauvre cher homme^! MENU. C'est M. Charles. GRANDET. Silence au moins. .. jusqu'a ce soil'... c'est dans sa lettre. EUGENIE. Ah ! mon Dieu ! (Elle laisse echapper la leltre.) SCENE XIII. MENU, EUGENIE, CHARLES, en frac , fredormant , GRANDET. CHARLES entre en fredonnant. T/or est une chimere, Sachons nous en servir. GRANDET. Comment ! . . . qu'est-ce qu'il chante-la ? CHARLES. L'or est une chimere. . . Ah! pardon... avez-vous quelqu'un a envoyer jUsqu'a la poste ? GRANDET. C'est trop tard... 1'heure est passee... (A part.} Une chimere! CHARLES. En verite!... la ! est-ce contrariant ! moi qui me suis tant presse d'ecrire mes leltres. (Voy ant cellequ' 'Eugenie a laisse tom- der.) Tiens , a propos de lettre , en voila une que vous laissez trainer... (II va la rartasser.) MENU. Cette lettre... * Menu , Eugenic , Grandet. La Ft lit' fir r/tvare. ( 34 ) EUGENIE , la ramassant viveme.nt. Ah !... elle est a moi. CHARLES , regardant Eugenie. Eh! mais... cette paleur... ma cousine , vous avez du cha- grin. EUGENIE. Moi! CHARLES. J'en suis sur. MENU, a part. Je n'ai pas une goutte tie sang dans les veines. CHARLES, a demi-voix a Eugenie. Oui, vous avez pleure, machere Eugenie. .. qu'est-ce done?... dites un mot , un seul... j'ecriraia mon pere... il viendra trou- verle votre... comptez sur lui.. il est si bon. EUGENIE. Votre pere ! (Apart.} Ah ! qu'il me fait de mal ! * GRANDET , qui a ramasse les pieces d'or qu'il comptait , les remet dans sa poche , et passant aupres de Menu , il lui dit. Tenez, toute reflexion faite... je n'ai que deux cents francs en or... je vous donnerai plus tard... MENU. Comine vous voudrez. GRANDET , a Charles. Eh bien ! qu'est-ce que tu fais la , mon gargon ? CHARLES. Je cherche a consoler ma cousine... elle me cache des lar- mes... que mon pere serait heureux d'essuyer , au prix de sa fortune... ( II passe aupres de Grande.t. **) Oui, mon oncle, au prix de sa fortune... et s'il le fallait, pour vous aider a faire le bonheur d'Eugenie... EUGENIE. Mon cousin I. . . GRANDET. Merci , mon garccm... vois-tu... faut garder ce qu'on a... nous sommes de pauvres gens ; mais on se suffit. MENU, apart. Pauvre millionnaire , va I CHARLES. Mais M. Isidore doit m'attendre avec ses filets !... ( A part. ) Quelque amour , c'est sur. * Menu, Gramlet , Eugenie, Charles. ** Menu. Grandet, Charles, Luge'nie. ( 35 ) GRANDET. (Test a... tu aimes la peche , hein i* CHARLES. Mais oui , mon oncle. . . GRANDET. Eh bien ! va pecher... va t'amuser... tu as encore une heure. C'est au moulin , n'est-ce pas ? Eugenie va te montrer le che- inin... (A Eugenie.} Va, bijou, va... EUGENIE. Moi !... oui , oui , mon pere... et je reviens... (A part.} Oh ! il le sauvera. MENU, Nous ecrirons au vendeur que les quatre cent mille... (Eugenie, qui sortait avec Charles, s'arrete et se retourne en entcndant ces derniers mots.) GRANDET interrompt Menu ct fe.mpeche de continuer. Hum!... ( A Eugenic. ) Va, mon enfant. (Eugenie et Charles sortent.) MENU. Et moi , je vais faire arriver ici la voiture et tout preparer pour le depart de mon neveu. SCENE XIV. GRANDET , seul. L'oreslune chime re... Voila ce que son pere lui a appris... ca porte malheur ! pauvre diable !... ( II porte la table au fond du theatre. ) Tiens , et ce pere Menu qui me laisse mon ar- gent et son reju... il y a des gens qui n'ont pas d'ordre... ( // revient sur le, devant de la scene. ) Oti plutot , c'est un matois , mon compere... il me fait la cour... il croit que je ne vois pas ses finesses... il vise a ma fille et a mes ecus pour son neveu... eh bien! qu'il vise !... je le laisse faire. .. pourquoi le priver d'un p'aisir qui ne me coute rien?... il m'en sert mieux , et il prend moins cher... Par exemple, pas bete!... ma fille a son neveu... c'est qu'elle sera riclie apres moi... et il ne tiendra qu'a elle de briller... d'ecraser les plus huppes du Loiret... d'avoir voiture comme etix... t deschevaux... quatre, si elle veut... c'est-a-dire trois... un de rechange , s'il y en a un de malado (Prenanl lefduleuil pour le porter aufond, pres de la table. ) Encore, en les soignant bien, deux, c'est assez et meme il y en a toujours un qui laisse tirer 1'autre... il suf- fit de prendre celui qui travaille... je lui conseillerai en mourant. .. par bonheur, je ne suis pas presse... (// tire et examine machinal emeriti' or qu'il a mis dans sa poche.J Je ver- rai encore s'arrondir mon avoir. ( 36 ) Am : Connaissez mieiix le grand Eugene. Ces pres, ces champs qu'en cspoir jc devore, Entre mes mains viendront avec le terns ; Voila ces deux I'crmes encore Que je guignais an moins depuis dix ans, Et je les paie en beaux e'cus vaillans , Ah! quel bonheur de pouvoir se rendr* maitre De lous les biens rjue 1'on peut euvier. . . Dam ! je n'en vois qu'un dc plus douxpeut-etre, Ce s'rait de ne pas les payer ! Est-il heureux ce vendeur ! . . . il ne me donne que de la terre... et je lui donne de 1'or... a la verite elle est bon mar- che sa terre... mais tant d'or!... ( Regardant I'escalier. ) Mes pauvres jaunets si bien ranges , si bien etiquetes !... ils me quitteront... ils sont la. ( Muntrant la petite porte qui est sous Vescalier. ) Si j'allais les revoir un petit moment... (II va a la porte de la cuisine et la ferme. ) Me voila seul... allon^!... (II va pour passer sous I'escalier.) SCENE XV. EUGENIE, GRANDET. EUGENIE, entrant par la porte de la cour et regardant en dehors. Tl est dans son chemin. GRANDET , aupres de I'escalier. Le cceur me bat. EUGENIE. Ah ! je ne me soutiens plus. GRANDET , se retournant. Hem! qui est la?... qui m'espionne ? EUGENIE. Mon pere. GRANDET. Eh bien ! mon enfant , qu'est-ce que tu as done ? des larmes! . . . ( Eugenie lui tend la lettre de son oncle.} Cette lettre... je com- prends... tu 1'as lue... EUGENIE. Oui , mon pere , et j'ai cru que j'en mourrais... mais vous , vous ? . . . GRANDET. Eh bien!... moi aussi je la connais. EUGENIE, lisant la letlre de son oncle , et regardant son pere. Au nom de ma digne sceur , c'est a vous que je confie ce que j'ai de plus cher au monde. ( 37 ) GRANDET. Son fils, je sais. EUGENIE. Mes ressources sont epuisees. .. trdmpe, trahi... je vais deposer mon bilan... mais je ne survivrai pas a ma honte... Demain... demain, Charles n'aura plus de pere. GRANDET. Je sais... je sais. EUGENIE. Demain... mais c'est aujourd'hui. GRANDET. Oui , je sais. EUGENIE. Vous savez... depuishier... et vous restez calme, froid, in- sensible... oh! non... vous n'avez pas lu cette lettre... non , mon pere , vous ne 1'avez pas lue. GRANDET. Si fait... mais que veux-tu que j'y fasse ? EUGENIE. Ce que je veux! mais hier... cette nuit... il fallait partir. .. le sauver... il en etait terns encore peut-etre. GRANDET. Tu crois! je n'y ai pas pense. EUGENIE. Aujourd'hui... en ce moment... qui sait ?... tout espoir n'est pas perdu... vite , mon pere... il faut envoyer... il faut courir vous-meme. .. GRANDET. Ah ! il est trop tard. EUGENIE. N'importe , essayez... sauvez-le... sauvez-le. GRANDET , la sontenant dans ses bras. Par exemple! comme si on avait des mille et des cent... tu n'as done pas lu tout ce qu'il doit... puisque rien que pour hier, il lui fallait cent mille ecus... tiens,.. (II prend la lettre et lui montre cette phrase.) EUGENIE. Eh bien? GRANDET. Eh bien... EUGENIE. Tout ce que j'ai, mon pere. .. tout 1'or que vous m'avez donne , reprenez-le ( 38 ) GRANDET. Pauvre enfant... tout ton or!... iriais ga ne fait pas six mille francs. EUGENIE. Helas ! je suis une pauvre fille sans experience... je ne sais pas... GRANDET. Ca viendra... et si tu es curieuse de mes affaires... tu les sauras quelque jour... plus tard... quand je serai bien vieux. .. bien vieux ! ah ! tu as besoin que je vive long-terns encore. EUGENIE. Oh! oui sans doute... et c'est pour cela... lui aussi... hii , Charles, il a besoin que son pere rive... songez done. . si je me trouvais a sa place... si un pareil malheur vous arrivait? GRANDET , en souriant. Amoi!... il n'y a pas de risque... je suis trop fin... et puis, cent mille ecus... je nc euis pas a ca pres. EUGENIE , vioement. Vous avez done plus?... vous pouves done le sauver? oh ! oui , vous , mon pere , on dit que vous etes si riche , que vous avez tant... GRANDET , / ' intsrrogr.ant. Hem... qui est-cequi ditca? qu'est-ce que ga vous fait? EUGENIE. Mais je sais... GRANDET , Vinlerrompant vioement et lui mettant la main sur la bouche. Non... ce n'est pas vrai... tu ne sais rien... tu n'as rien vu. EUGENIE. Mon pere ! GRANDET. Je n'ai rien, que... des terres. .. des fermes... c'est rui- neux!... et puis, quand meme... parce qu'on aurait cent mille ecus... une supposition!... s'il fallait les donner a tous ceux qui ne les ont pas ? EUGENIE. Mais tous ceux-la ne sont pas votre frere. GRANDET. Mon frere!... allons done... celui de mafemme... etdepuis qu'elle est morte... EUGENIE. Ah! elle revit dans mon cousin... les memes traits... ses yeux, son ame mais vous ne Favez done pas regarde , la... quand il m'a dit : Mon pere ferait votre bonheur , au prix de toute sa fortune. > (Grande/, hausse les epaules.) Oh! il 1'a ( 39 ) dit. .. je le crois. . . s'il n'est pas votre frere , il est mon oncle , et a nioi. GRANDET. II ne me demande rien. EUGENIE. Non ; mais. .. oh ! j'en crois 1'idee qui vient la me rassurer, me soutenir... en vous confiant son malheur , il comptait sur vous. .. il attend... Oh! je vous en conjure, au nom de ma mere ecoutez... si c'est trop pour vous de lui donner cet argent... eh bien ! un moyen... pretez-le-lui... ( Mowement de Grandet. } Ah!... lui preter. GRANDET. Et sur quoi ? EUGENIE. Oh ! il vous rendra tout. . . il travaillera pour vous le rendre. . . Charles aussi... il sera si heureux de travailler pour son pere , qui est si bon. GRANDET. Lui!... un prodigue, un vaniteux!... Oh! je le connais je Fai vu , il y a dix ans , a Paris , dans son bel hotel , avec des tapis , des graces , de 1'or partout , que ca donnait la fievre , quoi!... Frere, que je lui disais, vous allez trop vite... les chevaux , les bals , les diners , fa coute ; c'est ruineux ! .. . mais brrrr ! . . . il allait toujours ! . . . et moi , avec ma veste et mes gros souliers , parce que je comptais. . . parce que j'avais' de 1'ordre , sais-tu comment il m'appelait?.. . Avarc ! EUGENIE. Ah! GRANDET. Avare... moi! EUGENIE. II fallait oublier cela. GRANDET. Avare!... c'est un mot que jc nc lui ai jamais pardonne Avare!... Ah! il a tout jete par la fenetre... il avoulu briller, faire le grand... et au bout de tout cela... EUGEME. Grace I sauvez-le... j'embrasse vos genoux. l^Elle se jeltc a genoux.) GRANDET. Allons, aliens, releve-toi. EUGENIE. Non; jusqu'a ce que je vous aie flechi... ou, si je n'y puis parvenir... si vous ctes insensible j'irai , je chercherai... je demanderai a tout le inonde de venir a son secours. ( 40 ) GRANDET. Es-tufolle! EUGENIE. AIR : Un jeune Grec. Oui , je le suis ... oui , ma tete sn perd . . . Charles... ses cris... sa douleur, sa souffrance. .. Son nom dehonte et d'opprobrc couvert, Et son horreur pour notre indifference. . . Ah! je succombe a de pareils combats! Si tant de maux frappent notre famille, . . Non , non , je n'y survivrai pas. . . II n'aura plus de pere , helas ! Mais vous. . . vous n'aurez plus de fille ! GRANDET. Toil... mon enfant mon tresor!... (II la prcsse dans ses bras.) SCENE XVI. LES MEMES, MENU. MENU, en dehors. La , Jean... les chevaux centre la porte charretiere... (// en- tre. A Grandet* . La carriole etles chevaux de poste sont la... J'ai prevenu mon neveu , qui etait avee le votre au bord de 1'e- tang... ils viennent... Pauvre jeune homme! il riait il me serrait le cceur. EUGENIE. Ah! oui, n'est-ce pas?... vous auriez compassion du deses- poir ou il va etre... vous? GRANDET. Ne te desole done pas !... est-ce que je lui refuse de 1'a- mitie a cegarfon!... Je 1'ai regu chez moi... il mange, il boit, sans que j'y regarde... je le consolerai enfin tout ce qui m'est demande dans la lettre. . . MENU. Vous ferez bien car il vous aime tous... II nous disait... GRANDET , / 'inter i ompant . Allons, compere... vous avez a me parler.. MENU. Oui. de ce que j'ecris a votre vendeur... que vous avez les quatre cent inille francs... Menu, Grandet , Eugenie. ( 41 ) GRANDET, vwement et I'interrompant encore. Venez passons la , dans mon cabinet... (Us vont ensemble au cabinet, Menu passe le premier. Grandet va derriere lui. ) EUGENIE , anetant son pere , et a demi-voix. Mon pere, mon pere... vous ne voulez done pas! GRANDET. Laisse-moi , petite... je suis presse. EUGENIE. Vous ne voulez pas ? GRANDET. C'esttrop tard... laisse-moi... il s'agit de choses serieuses... ( A Menu avec impatience.} Allez done, lambin ! allez (Menu entre dans le cabinet.) EUGENIE , arretant encore son pere. Vous paierez pour lui? GRANDET. Eh ! non (II va pour entrcr.) EUGENIE. Mon pere... GRANDET. Jamais. (II tnlre dans le cabinet dont il ferme la porte. Musique. Eugenic reste accable'e... et apres un. moment dc rccueillement , comme frappee d'une idee , elle rcgarde du cole de la porte cache'e sous 1'escalier , fait quelques pas pour y aller Elle s'arrete. ) CHARLES , en dehors, s' arretant a la por/e , et tonrnant le dos. Eli! venez done, venez... (Riant.} Ah I ah! ah! (Euge'me pousse un cri et entre sous Pcscalier.) SCENE XVII. CHARLES, ISIDORE. ( L'obscurite viont par degres.) CHARLES , entrant. Eh ! arrivez done. . . est-ce votre poisson qui est lourd a por- ter? Ah! ah! ah! ISIDORE. Oui ; jolie peche deux barbillons. CHARLES. En trois heures. .. Ce pauvre M. Isidore! ISIDORE. C'est egal... je ne suis pas fache... j'ai cause avec vous. ( 42 ) CHARLES. Vous ue craignez plusque je vienne tourmenter vos amours... quoiqu'entre nous, ma petite cousine en vaille bien la peine... je me sens la , pour elle , une amitie... ISIDORE. Ah ! mon Dieu ! est-ce que fa vous viendrait ? CHARLES. De 1'amour !. . . je ne crois pas. . . Et tenez , pour vous rassurer tout-a-fait, voyez cette adresse; lisez. (II lui montre une lettre.) ISIDORE , lisant. Mademoiselle Elisa d'Herouville. CHARLES. La fille d'un receveur-general... rien que 53... et pour qu'on me permette de lui ecrire... ISIDORE. J'entends (Lui serrant la main.'] Mou cher ami... vous etes un bien honnete homme... Ahca! mais, en ce cas, pour- quoi votre pere vous a-t-il envoye ici? CHARLES. Pourquoi?...le diable m'emporte si je le sais... Eh! mais, j'y pense... AIR du Vaudeville de Partie et Revanche. C'cst pour qu'ici , par 1'exemplc , peut-e'tre J'apprennc enfin la valeur de 1'argent : Dans cet art-la mon onrle est un grand maitre... Entre nous deux le contraste est frappant , Sans que je m'en plaigue vraiment. Si nous prenions, par un echange, Moi, ses vertus qu'il cederait, Lui , mes defauts ; jc crois qu'au change C'est mon oncle qui gagnerait. Quoi qu'il en soit , vous pouvez demander ma cousine a son pere. ISIDORE. Certainement ; dans une quinzaine. . . apres le jour de sa nais- sance... Mon oncle a des idees... il dit qu'alors il aura le moyen d'obtenir le consenteiuent du vieux.. . Je n'en crois rien ; mais c'est egal... d'icila, je ne la quitte plus... c'est-a-dire , je vais partir pour Blois. CHARLES. Ah! c'est juste... vous partez ce soir... vous mettrez mes lettres a la premiere poste. ISIDORE. Tres-volontiers. (43 ) CHARLES. Attendez... je vais les cacheter d'abord... La, chez mon oncle... (II va oers le cabinet de Grandel.) Et s'il y est, il m'ap- prendra peut-etre ce que lui mande mon pere. ISIDORE. C'esta... depechez-vous. CHARLES. Tout de suite. (Reoenanl.} Et, dites done... est-ce qu'elle vous aime , ma cousine? ISIDORE. Dam! je suppose... je ne sais pas. CHARLES. Ah ! ah ! pauvre garjon ! (II enlre dans le cabinet dc Grandet) SCENE XVII. ISIDORE, ensuite EUGENIE ; pen apres GRANDET. Musique jusqu'a la Jin de fade. ISIDORE , sent. Tiens, pourquoi ,pas?... a present surtout. .. et moi qui le craignais!... j'etais bien injuste... EUGENIE , pale , defaite et se soutenant a pelne. Oh! je n'en puis plus je me incurs... 6 ma mere! ma mere ! soutiens-moi ! ISIDORE *. Elle me preferera... elle lie verra que moi. EUGENIE. Mais ou aller? a qui me confier?... a qui? ISIDORE. Hem!... qui est la? EUGENIE. Cette voix. . . Isidore ! ISIDORE. Mademoiselle Eugenie ! EUGENIE. Silence ! . . . Vous etes seul ! . . . et Charles ? ISIDORE. Votre cousin?... Oh! si vous saviez... le meilleur jeune homme je donnei'ais ma vie pour lui. EUGENIE. Pour lui. (A part.} ma mere, merci!... (Haul.') Pour lui Eugenie, Isidore. etpourmoi... vous me 1'avez dit Eh bien! s'il est vrai... votre voiture est la... ( Lui monlrant la cour.) ISIDORE. Mon Dieu! mamzelle... qu'est-ce done? cettte main bru- lante... ce tremblement... GRANDET, en dehors. Oui , reste la, mon garon... il va te center la chose. EUGENIE , a Isidore. Venez, venez... ISIDORE , a partj a Eugenie. C'est que je pars pour Blois. EUGENIE, d' une voix ctouffee. Non,non... pour Paris... venez. (Elle 1'entraine. . . Us sortent ensemble par la porte our sortir.) * Eugenie , Grandct- ( 59 ) EUGENIE. Oh ! demeurez... ne faites arreter personne. GRANDET. Personne... quand on m'a reduit au desespoir... a la mi- sere... heureusement, il y a des tribunaux. EUGENIE. Eh bien! non , non il est innocent. GRANDET. Impossible. EUGENIE. Ce n'est pas lui. GRANDET. C'estlui. EUGENIE , tombant a genoux devant son pere. Non... c'est moi. GRANDET. Toil EUGENIE. Oui , moi , qui vous demande grace a genoux. GRANDET , tombant sur la chaise aupres de la table. Toi qui m'as pris... toi qui in 'as... toi , ma fille!... Oh! non, non... tu mens , ce n'est pas vrai. EUGENIE. C'est moi , mon pere Oh ! je ne savais pas vous faire tant de mal... Mais songez done... mon oncle... vous me refusiez... et il allait mourir... GRANDET. Ettu m'as tue!... (Changeanl de ton.} Mais tu n'as pas envoye (se levant] n'est-ce pas?... oh! non... pas encore? EUGENIE. Si fait. GRANDET , furieux et liors de lui , saisissant une chaise. Miserable ! EUGENIE. Grace... grace... GRANDET , rejetant loin de lui la chaise. Va-t'en... va-t'en...je te desherite... je te maudis!.. va- t'en!.. EUGEME , s'e/oignant. Mon pere!... GRANDET , courant a elle et la retenant. Ou plutot reste... Tu n'etais pas seule tu avais un com- plice *. * Grand ct, Eugenic. ( 60) EUGENIE. Non. GRANDET. Ton cousin ! . . . EUGENIE. II ne savait rien... il ne salt rien encore. GRANDET. Cela ne se peut pas. EUGENIE. Je vous le jure par la memoire de ma mere. GRANDET. Mais mon argent mon pauvre argent , ou est-il done ?.. . A qui l'as-tu reinis?... qui est-ce qui 1'a emporte?... parle... je veux le savoir... EUGENIE. Et pourquoi vous le dirais-je? GRANDET. Pourquoi?... Mais pour poursuivre le traitre... pour le faire arreter... pour le faire condamner... lui, sa famille... tout le monde. EUGENIE. En ce cas, mon pere, je suis seule coupable. GRANDET. Tu nommeras ! EUGENIE. Personne. GRANDET. Prends garde .' EUGENIE. Personne , mon pere. GRANDET. Eh bien ! c'est toi qui seras punie. SCENE IX. NANON, GRANDET, EUGENIE. NANON , arrivant par la porte de I'escalier. Mon Dieu ! not' maitre ces cris. .. GRANDET, allant a elle. Qu'est-ce que tu veux ?... qui est-ce qui te demande ?... tu n'as pas aide ma fille, hein?... ce n'est pas toi? NANON. Quoi? GRANDET, allani a Eugenie. Allons , sois bonne fille... la.,, entre nous... dis-moi a qui tu as confie?... (61 ) EUGENIE. Vous ne le saurez pas. GRANDET. Comment , tu refuses de m'obeir ? NANON. Qu'est-ce qu'il y a done? GRANDET. II y a que vous allez renfermer mademoiselle ici , (montrant la porte laterule a gauche} dans cette chambre, celle de sa mere. . . clle y restera jusqu'a ce qu'elle avoue. .. et sans sortir... je ferai murer la porte.... vous ne lui donnerez rien. NANON. Mais, not' maitre... GRANDET. Rien. EUGENIE. Oh ! mon Dieu ! . . N ANON , allant aupres d' Eugenie * . Comment , mamzelle ! ( Eugenie marche lentement vers la porte de la chambre a gauche. ) GRANDET , a part. Ah! il en est terns encore... c'est peut-etre cache dans la maison... et je vais .. ( II fait quelques pas pour sortir.) EUGENIE , d'u.ie 1'ofx sitppllante. Mon pere ! GRANDET, s'arritant mi moment ou il va sorlir, et regardant Eugenie. Hein ! . . . elle veut avouer. (Eugn'nie se de'tonrne, baissc la te"te et nc re'pond rien.) GRANDET , pret d dcscendre Fescalier. Non?... Renfermez-la. (II descend.) SCENE X. NANON, EUGENIE. NANON. Bonte divine! qu'avez-vous done fait pour le mettre dans cette colere-la? EUGENIE. Oh ! oui. . . elle a ete terrible sa colere ! . . . mais , du moins , elle n'est tombee que sur moi Nan on, il m'a maudite. * Grandel , Nanon , Eug-'nie. NANON. Aliens done , mamzelle , du courage... il n'est pas si me- chant qu'il en a 1'air. EUGENIE. Ah ! il est bien nialheureux... si tu avals vu... il pleurait. .. Oh! j'ai mal fait, je le sens bien... et pourtant , si j'ai sauve la vie a mon oncle... au pere de Charles... NANON. Vrai, mamzelle?... Ah! je ne saispas comment... mais c'est egal... c'est bien a vous, et le ciel vous en recompensera. EUGENIE. Je ne lui demande que le pardon de mon pere. IV ANON. II fera mieux que fa Vous quitierez cette maison et votre cousin qui vous aiine... EUGENIE. Lui!... ah! tais-toi... NANON. AiR : Un page aimait la jeune Adele. Pourquoi done autre. . . ISIDORE. Eli , oui ! avec la fille d'un receveur general , M lle ElLsa. EUGENIE. Elisa! CHARLES , allant vieement a Grandet. Ah! mon oncle! vous avez ma parole, elle est sacree... mon pere lie salt pas tout ce qu'il vous doit... a vous... a Eugenie... et cette main qu'elle accepte... (Musique jusqu'k la fin.) EUGENIE , qui est passe'e aupres de son pere et qui se trouoe entre lui el Charles, d'une voix etouffee. Non, mon cousin, non vous ne nous devez pas tant... mon pere ne met point ses bienfaits au prix de votre liberte. . . de votre amour , qui appartient a une autre .. adieu, Charles, soyez heureux... avec celle que vous aimez. Ah !.. (Elle tombe dans les bras desori pere, tout Ic mondes'empresse autour d'elle. GRANDET. Ma fille! CHARLES. Eugenie ! NANON. Mamzelle ! GRANDET, la tenant dans scs bras*. Ma fille... Eugenie.. . Oh ! rendez-la moi. .. ma fille ! mon en- fant ! ma vie ! ... CHARLES. Eugenie , ah! reviens a toi... ne doute pas de mon cceur il est a toi... a toi seule... ce mariage que je ne renouerai pas, ne me donnait que du luxe, de la vanite, de 1'ambition. .. ce que je veux , c'est de 1'amour , c'est du bonheur.. . Eugenie , me le refuseras-tu? (Tombant a ses genoux.~) Je t'aime. EUGENIE , revenue a elle , regarde Charles un instant en silence , puts fe jetant dans ses bras , dies' eerie : Ah ! Charles ! GRANDET. C'est bien.. . c'est tres-bien... ISIDORE. Oui , c'est bien. .. ( Mouvement de Menu.') Ah fa !. .. et moi ?. .. Eh bien!... tant pis... pourvu qu'elle soit heureuse ! MENU , a Grandet. Hum!... et ledomaine du Champ- Vert. GRANDET. Je 1'acheterai tout de meme. LA TOILE TOMBE. *Menu, Grandet , Eugenie, Cbarles, Isidore, Nanon. OU MOURIR! COMEDIE-VAUDEVILLE EN UN ACTE. I ;; f ., II;. j / PARIS. 1MPRIMEKIE LE NOBMAKT, RUE DK SKIKE , EIRE AIME OU MOURIR! "' ! COMEDIE-VAUDEVILLE EN Ui\ ACTE 5 ; '< ':i -f :-.i - tt. ,'(<> drribc n Slman0tr, REPnESE^TEE POUR LA PREMIERE 1'OIS, A PATtIS, Sl'll r,K THEATRK DU GYMNASE DHAMATigilE, T,E ](( MARS 187)5 PARTS. AIME ANDRE, LTBRAIRE, RUE CHRISTINE, \ PERSONNAGES. ACTEURS. BONNIVET, nolairc tie Paris. M. NUMA. CLOTILDE, sa femmc. m me ALLAN-DESPREAUX. SAUVIGNY. M. ALLAN. HORTENSE DE VARENNES, jeune veuve. M"' e GRASSOT. FERN AND DE RANCE, son frere. M. PAUL. ( La scene se pas** 1 a Huiien ) S'adtesser, pour la musique de cclle piece et de toutes celles qui composent lo repertoire du Gymnase dramatique , a M. HEISSEB , bibliothe'caire et copiste , au theatre, on a M. FEBVII.LB, corresjiondant des spectacles, rue Poissonnicre , 33. EIRE AIME OU MOURIR! COMEDIE-VAUDEVILLE. ( Le theatre representc mic sallc d'hotcl garni. Porte d'entree an fond. De chaque cote , au premier plan, portes avcc dcs nume'ros. Au-dela de la porte _, a droite de 1'acteur, une fenetre ouvrant sur un halcon. Entre la fenetrc et la porte a droite , un secretaire. Pros de la porle a gauche, une table et ce qu'il faut pour e"crire. ) SCENE I. BONiMVET, CLOTILDE*. ( Hi iorit aisis pic d une petite table a droite , et dcjeiiuent. Un garcon les serl. ) BONNIVET. Decidement, ma chere amie, je suis enchante du detour que nous avons fait pour visiter Rouen, que tu no con- naissais pas... Ces nouveaux hotels sur les quais sont d'un luxe tout parisien des salles decorees avee elegance, une vue niagnffique et un excellent dejeuner, parbleu ! (II bolt, et en posant sa lasse , il s'apercoit qne Clolilde est dislraile et ne (oucht: ( .is a la sienne). A qiioi pCnSCS-tll done? Les acteurs sont insciits en tele de chaque scene comrae ils doivent ctre places sin- le theatre ; le premier inicrit tient toujours la gauche du spectatcur , et ainsi do suite : les changemens de position dans le rourant des scenes sont indique's par dr<; notes an l>as des pages. 6 KTRE AIME OU MODIUR ! CLOTILDE , revenant a elle. Moi?.... a rien Dites-moi, mon ami, a quelle heure partirons-nous demain matin ? BOPOTVET. J'ai commande les chevaux pour huit heufes ainsi . nous avons une nuit complete pour nous reposer Mais ca ne m'explique pas pourquoi tu es distraite et reveuse.., Qu'est-ce que c'est?.... Qu'as-tu done?.... CLOTILDE. Mais je n'ai rien. BONNIVET. Si fait Ceia t'a pris deux ou trois jours avant notre depart de Boulogne car auparavant tu etais d'une gaite fort satisfaisante. Air de f^ollaire chez Ninon. Tu me semblais chaque matin A imable , conlente et joyeuse : Quel accident ou quel chagrin Te rend ainsi triste et reveuse? Parle , d'oii vient cet ennui-la?. .. Epoux ct femme , chere amie , Nc font qu'un seul. CLOTILDE. C'est pour cela : ( A demi-voix. ) Quand je suis seulc, jc m'ennuic. (Us sc loveut. } BONNIVET. Je fais cependant tout ce que je peux pour te distraire.-. Tons les etes, un voyage de plaisir ou de sante, ce qui revient au meme Cette nnnee, aux I>ains de nier de Boulogne L'annee precedcnte, en Italic II y a deux ans, aux canx de Bagneres scii\t: i 7 CLOTILDE. \iveraenl. ArretezL. Mon ami, je vous en conjure, ne me parley, jumais des eaux de Bagneres. BONNIVET. C'est juste, et je t'en demande pardon.... Ce souvenir-la m'est aussi penible qu'a toi Ce pauvre jeune honime , avec qui j'herborisais dans les montagnes, et que j'avais pris en amitie CLOTILDE. Finir d'une maniere aussi deplorable!.... BONNIVET. Aussi absurde !.... Aller se tuer!.... et sans dire pourquoi encore! CLOTILDE. On m'a assure, a moi, que c'etait par amour. BONNIVET. Quelle betise ! CLOTILDE. iiein?.... BONNIVET. Je dis : Quelle betise! CLOTILDE Ah! cest que vous ne pouve/ comprendre un pareil devouement Vous ne seriez pas capable de mourir pour une femme. BONNIVET. .lamais! CLOTILDE. Pas meme pour la votre?.... BONNIVET. J en serais bien fache et elle aussi, je lespere Car ji y a un raisonnement bien simple que devraierit fa ire 8 ETRE AIME OU MOURIR! tous ces cerveaux brides Ou celle que j'aime sera deso- lee de ma mort, et je suis trop galant homme pour lui causer un pareil chagrin : on mon trepas lui sera indiffe- rent, et alors je serais bien dupe de lui donner ce plai- sir-la. CLOTILDE. Est-ce qu'on raisonne, quand on aime? BONNIVET. Certainement C'est parce que j'aime ma femme et mes enfans, que je me dis : Je leur serai plus utile en vivant et en travaillant pour eux... Aussi, sois franche, qu'est-ce qui te manque?.... Y a-t-il, dans Paris, une femme de notaire plus heureuse que toi?.... La clef de ma caisse n'est-elle pas a ta disposition?.... Maison de campagne 1'e'te, quatre bals dans Ihiver, et un quart de loge a 1'Opera secondes de cote. CLOTILDE. Je ne dis pas non BONNIVET. Et s'il te faut quelqu'un pour t'obeir les jours de ca- price, ou pour te plaindre les jours de migraine est-ce que je ne suis pas la ?.... Est-ce que je ne te suis pas ne- cessaire?.... J'en suis persuade, et si tu devenais veuve, ma pauvre femme, j'en serais desole pour toi encore plus que pour moi. CLOTILDE. Oui, sans doule, vous etes un hon mari BONNIVET. Je m'en vante, et un mari qui aime a vivre Aussi, ne parlons plus de tout cela ; et pour dissiper tes idees noires, \iens done respirer 1'air frais de la riviere. ( 11 ouvrc la fenetrc ct passe sur Ic Jjakon ^ SCENE II. i> SCENE II. BONNIVET, suriebaicon, CLOTILDE , FERNAND CLOTILDE, apercevant Fernand ;!. ?:) II fait des contrats , c'est bien mieux.. . Centre toi-meme tu conspires : Car pour toi ses actes poudreux Se transforment en cachemires. Un poete ! Dieu ! quel travers ! Tant d'eclat ne vaut pas grand'chose.. . . Ma chere, la gloire est en vers, Mais le vrai bonheur est eri prose. Et si, dans ton menage, tu n'as pas d'autres sujets de chagrin CLOTILDE. C'est ce qui te trompe.... car, depuis quelques jours, j'ai beau redoubler d'efforts pour le cacher a mon mari je suis d'une inquietude !... HORTENSE. Pourquoi done? CLOTILDE. Une aventure , ma chere ! HORTENSE. Vraiment! et tu ne me le dis pas? CLOTILDE, baissant la voii. Un jeune horn me qui m'aime, qui m'a fait une declara- tion, la-bas, a Boulogne; qui nous a suivis jusqu'ici ache- val et qui tout a I heure encore, vient de me repeter en me presentant une lettre HORTEKSE , partant d'un c'clat de rire. Ha! ha! ha!... de quel air tu me dis cela!... Qu'y a-t-il done la de si effrayant?... Quand ces messieurs sont amou- reux de nous , il faut les faire parler et les ecouter c'est tres-amusant. SCENE 'VI. la CLOTILDE , d'un ton grave. Oh! pour moi, c'est bien different, va Pour peu que quelqu'un me regarde, ait 1'air de m'aimer, la peur me prend , et je deviens toute triste. HORTENSE. Pourquoi done cela?... Ah! la crainte de leur faire du chagrin Je te reconnais bien la.... toujours ton bon coeur, que Ton citait an pensionnat... le trepas d'un petit oiseau te faisait pleurer. CLOTILDE , lui pressant la maiu et du ton le plus pe'ne'tre. Ah! ma chere Hortense quand on a deja a se repro- cher la mort d"un homme!... HORTENSE, effray<-e. Ah! mon Dieu! qu'est-ce que tu me dis la?... La mort dun homme!... explique-toi. CLOTILDE. Je crains.... HORTENSE. Nous sommes seules.... parle vite. CLOTILDE , regardant autour d'elle. En effet , personne ne pent nous entendre..... G'etait aux eaux de Bagneres , il y a environ deux ans II y avait la un jeune homme que personne ne connaissait, qui etait venu, on ne sail dans quel but, et sans nom de fa- mille on 1'appelait Edouard, Alfred, que sais-jeP.... Monsieur Bonnivet 1'avait pris en grande amitie, parce qu'il herborisait avec lui, et il ne s'apercevait pas qu'il me faisait la cour. HORTENSE. Et tu n'appelles pas cela un bon mari? CLOTILDE. Mais moi, je voyais bien qu'il m'aimait; car chaque 20 ETRE AIME OIJ MOURIR ! jour il me le disait avec un accent plus vrai, plus pas- sionne Tu sens bien que je ne voulais ni lui repondre, ni meme 1'ecouter. HGRTENSE. Cela va sans dire. CLOTTLDE, s'attcndrissant -peu a peu. Un jour enfin je le vis paraitre pale, agile, en des- ordre II se nn't a mes pieds, et me supplia avec des yeux pleins de larmes, qui me navraient le coeur Eh bien ! je resistai, je fus sans pitie... Alors il se releva, me dit que, repousse par moi, la vie lui devenait a charge, et qu'il allait mourir il s'eloigna , et ma bouche ne s'ouvrit pas pour le rappeler!... Le lendemain, ma cliere Hortense, le lendemain , le journal des eaux nous apprit que ce nial- heureux avait mis fin a ses jours Une lettre adressee a son domestique lavertissait de cet affreux dessein On fit de vaines recherches dans les montagnes, vers lesquelles on 1'avait vu se diriger... on ne retrouva que son chapeau a cote d'un precipice. HORTENSE. Quelle histoire, juste ciel! CLOTILDE. II s'etait tue pour moi!... pour moi!... HORTENSE. Mais c'est affreux II y avait la de quoi te compro- mettre C'est vine grave inconsequence de la part de ce jeune homrne. CLOTILDE , avec feu. Une inconsequence! 1'action la plus courageuse, la plus sublime!... 11 fallait aimer vraiment pour cela il fallait une de ces ames fortes, puissantes, genereuses SCENE VI. 2i HORTENSE. Ah! bon, voila que c'est un heros, a present Toutes les qualites possibles... parce qu'il est mort! CLOTILDE *. Pauvre jeune homme! Ah! si j'avais su ce qui arri- verait! HORTENSE, vivement. Eh bien? CLOTILDE. Eh bien! dame, que veux-tu? on les contente quelquefois avec si peu! HORTENSE , secouaut la tele avec incre'dulite. Si peu, si pen CLOTILDE. Cela vaut toujours mieux que de les laisser inourir. HORTEKSE. Cependant, ma chere CLOTILDE , avec bonte. Ce n'est pas tant pour eux encore; mais songe done qu'ils ont une mere, des soeurs HORTENSE. Oui, mais nous, nous avons des marls. " ' * ' ' 't. CLOTILDE, impatiente'ej. Les maris n'en nieurent pas, eux! HORTENSE. 11 ne manquerait plus que cela! CLOTILDE. Tu dois comprendre quels remords, quelle tristesse cet evenement in a laisses ..'-/I ;.' ! * Clotilde , Hortcnic. 22 ETUE A1ME OU MOU1VIR ! Air : Je ne vous vois jamais reveuse ( de ma Tante Aurorc , Qu'un amant s'enflamme et s'anime , Je tremble... et, craignant ses regards , Je rdve precipice , abime, Et partout je vois des poignards. Un de mort!.. . c'est deja terrible! S'il fallait causer deux lre"pas!. . . Moi , d'abord , je stiis trop sensible , Et si j'etais en pareil cas.... HORTENSE. *-* Que ferais-tu? CLOTILDE. Je ne sais pas Mais , a coup siir, il ne pc 5 rirait pas ; Non , non , ma cliere , il ne perirait pas I L'infortune ne mourrait pas I ( Fernand ouvre doucement la fenetre du balcon , te'moigne par son geste qu'il a tout entendu , et s'esquive sur la pointe des pieds. ) HORTENSE. Ah! ca, mais, et Ion inconnu de Boulogne? J'espere qu'il est plus raisonnable. CLOTILDE. Oh! cl'apres mon accueil de ce matin, je suis sure qu'il y a renonce et qu'il est reparti Dans tous les cas, je ne le menagerai pas, celui-la ! HORTENSE. Tu feras bien... Jaime beaucoup M. Bonnivet, et ca me terait vraiment de la peine si..... CLOTILDE. Que tu es bonne!... Mais je te retiens ici pour te parler de moi, et je t'empeche de reposer HORTENSE. Je n'en ai pas besoin... Je ne rentre dans ma chambre SCENE VI. 25 que pour reparer un peu ma toilette de voyage J'attends mon frere , qui ne peut tarder. CLOTILDE. Des frais de toilette pour un frere? HORTENSE. Et peut-etre pour une autre personne car je ne t'ai pas dit que j'allais au Havre , et il se pourrait bien , quoique je 1'aie defendu, qu'on vmt au-devant de moi jusqu'ici. CLOTILDE. Vingt-quatre lieues pour te voir une heure plus tot! C'est la de 1'ainour! HORTENSE. C'est de 1'impatience , et voila tout... Avant le manage, on ferait deux cents lieues pour voir safemme; apres, on ne ferait pas vingt pas pour la conduire au bal. CLOTILDE. Laisse done ! Monsieur Bonnivet m'y menerait tous les soirs, si je le voulais, HORTENSE. Et tu te plains! (A demi-voix.) Crois-moi, tu ne trou- veras jamais mieux Adieu, adieu Retourne pres de ton marl, et embrasse-le de ma part. CLOTILDE. Je le VCllX bien. (Horlense enli-e dans la chambre k gauche Je 1'acteur.) Aliens, j y vais. 24 ETRE AIME OU MOUttlli! SCENE VII. CLOTILDE, puis FERNAND. Au moment oil elle se dirige vers la porte a droite , elle apercoit Fernand qui entre . la coiffure et les vetemens en de'sordre. ) CLOTILDE. C'est lui! Encore ici! et je suis seule! Hatons- nous. FERNAND. Un seui instant! CLOTILDE. Comme il est def'ait!... FERNAND. J'etais parti, madame, je m'etais eloigne de cette ville.... CLOTILDE. J'en etais sure. FERNAND. De cette ville, on une soeur cherie m'attendait. CLOTILDE. Que dites-vous?... FERNAND. Que je suis le frere d'Hortense de Varennes, de votre meilleure amie... CLOTILDE. O ciel!... Je vais la prevenir. FERNAND , la retenant. C'est inutile.... ce n'est pas pour elle que je suis revenu SCENE VII. 2S sur mes pas.... c'est pour vous, pour vous seule, que j'ai voulu revoir encore une derniere fois... 11 est impossible, me suis-je dit, que tant d'amour ne trouve pas pitie dans son coeur Si elle me repousse comme ce soir, comme hier, comme toujours, eh bien! je m'eloignerai sans mur- mure, et elle n'entendra plus parler de moi Cette fois, ma volonte sera forte, comme la sienne, et mon projet s'executera. CLOTILDE. Je n'ose vous comprendre!... Mais vous save/, monsieur, que je ne puis vous ecouter, que mon mari... FEKNAND. Votre mari!.... Ah! voila ce nom qui m'a exaspere.... ce nom qui tout a 1'heure, apres vos derniers refus, est venu se placer comme une barriere devant le bonheur que j'avais reve La seule femme que je puisse aimer, celie dont depend mon avenir, je la vois au pouvoir d'un autre; et cet autre, elle 1'aime.... car pour lui elle me repousse, elle me condamne a mourir Gette pensee e'tait affreuse..... Alors, je n'ai plus consulte que le desespoir et le deses- poir, madame, ne donne qu'un conseil, n'inspire qu'une resolution. CLOTILDE. Malheureux!... FERNAND. Que m'importe a present une vie sans esperance et sans but?... Ma vie, c'est vous... et vous ne voulez pas que je vive ! CLOTILDE. Calmez-vous , aye/ done un peu de raison... (A pan.) Que lui direr... (Ham et vivementO Oh! tenez, je vous en conjure, au nom de votre soeur qui vous aime larit. 26 ETRE AIME OU MOURIR ! FERNAND. C'est uussi en son nom que, moi, je vous supplie... voulez- vous qu'elle n'ait plus de frere? CLOTILDE, a part. O ciel!... oette pauvre Hortense... qui n'a que lui de i'a- Illllle... (Se retournant et voyanf Fernand ouvrir la Loite de pistolets qui e'tait reste'e sur la table.) Monsieur, que faitcs-vous! FERNAND , 0 ETRE AIME OU MOURIR ! SAUVIGNY. Lequel ? FERNAND. Un moyen dont je viens de faire la decouverte, et qui est d'un effet immanquable aupres des dames. SAUVIGNY, vivement. Air : Du partage de la richesse. Ah! dis-le moi. FERNAND. De sa vertu secrete II faut user sobrement, mon ami : Et. je pourrai te dormer ma recette Mais quand je m'en serai servi. Je veux Lien que lu t'enrichisses DC ce moyen , qui fera ton Lonheur ; Mais apres moi les premiers bdnefices Appartiennent a 1'inventeur. SAUVIGNY. C'est trop juste... Mais tu me promets?... FERNAND. A une condition. SAUVIGNY, vivement. Je 1'accepte d'avance. r , .; FERNAND. Un service a te demander. SAUVIGNY. Est-ce de 1'argent?... ma bourse est a tes ordres. FERNAND. Eh! non, vraiment. SAUVIGNY, allanta la table *. Un bon sur mon caissier?...entre beaux-freres,on nefait pas de facons... * Fern:md , Sauvignj. SCENE VIII. 31 FERNAND. II ne s'agit pas de cela... plus tarcl, je ne dis pas, c'est possible... Mais dans ce moment, ce n'est pas la ce qui me gene... c'est un mari. SAUVIGNY. Un mari? FERNAND. Qu'il faut eloigner, et je compte sur toi. SAUVIGNY. Moi, qui n'ai pas encore vu ta soeur? FERNAND. Elle est a sa toilette, etnepeutte recevoir; et d'ailleurs, ce n'est pas encore maintenant... c'est a quatre heures qu'il faut 1'emmener. SAUVIGNY. Et ou ca? FERNAND. Ou tu voudras... Tu iras avec lui visiter les quais, la ca- thedrale, acheter de la gelee de pommes de Rouen... cela te regard e. SAUVIGNY. Mais ce mari , je ne le connais seulement pas. FERNAND. Qu'importe? tous les maris se ressemblent... Et puis, celui-Ja a un avantage... c'est un notaire... On peut toujours lui parler de ventes, d'achat, de donations... AIR : Vos maris en Palestine. Tu peux broder sur cc texte : Un tel e"poux... c'est de droit , Ne veut pas d'autre pretexte; Car au public il se doit. . . Aliens, tacbe d'etre adroit. 52 ETRE AOIE OF MOURIR ' SAUVIGNY. Puis-je ainsi , je t'en fais juge , Aider a tromper un mari? FERNAND. Tu le peux encore aujourd'hui. . . Jusqu'au moment ou , transfuge, Tu passeras a 1'ennemi . Tiens... tiens, le voila. SCENE IX. BONNIVET, FERNAND, SAUVIGNY. BONNIVET , portant plusieurs paquets. Ma femme et ma petite fille seront contentes... car je leur ai trouve la les deux plus jolies robes.,. (UsaiueFemand, pui s s'avancant et apercevant Sauvigny.) Ah! HlOn Dieu ! qu'eSt-CC qUC J6 vois!... SAUVIGNY, courant a lui*. Monsieur Bonnivet!... FERNAND. Tu sais son nom?... SAUYIGNY. Oui... oui... mon ami. BONNIVET,stupefait. Vous , que j'ai cru mort ! FERNAND. Comment cela? BONNIVET. Votre lettre.... votre disparition de Bagneres.... Bonnivet , Sauvigny, Fernand. SCENE X. 33 SAUVIGNY. Monsieur!.... BONNIVET. Ce n'est done pas vrai?... vous existez encore?... J'en suis ravi car je vous aimais de tout mon coeur, et c'est un grand plaisir de se retrouver ainsi. FERNAND. C'est charmant vous voila en pays de connaissance ( Bas a Sauvigny ) et tu peux le mcncr maintenant aussi loin que tu voudras A quatre heures, n'oublie pas (Haut. ) Adieu , je vais faire tes affaires n'oublie pas les miennes. ( II entre dans la chambre a gauche. ) SCENE X. BONNIVE1Y SAUVIGNY. BONNIVET. Que je vousregarde encore.... Vous que nous avons tons pleure a Bagneres de Luchon!... vous dont le journal a imprime le suicide et la mort bien constatee !... C'est un miracle a crier partout. SAUVIGNY, vivement. Au contraire !... et je vous prie en grace de ne point par- ler de cette aventure.... ici surtout. BONNIVET. Pourquoi done?... un suicide par amour!... SAUVIGNY. Raison de plus.... Cela me perdrait.... cela ferait manquer mon mariage. BONNIVET. Comment cela ? 3i ETRE AIME OU RlOUIllIl! SAUVIGNY. Vous etes un galant homme.... un homme discret? BONNIVET. Un notaire.... c'est raon etat. SAUVIGNY. On peut se fier a vous , et d'ailleurs vous m'avez toujours tenioigne tant d'amitie.... ( Apres un court silence. ) Apprenez done que lorsque je vous ai rencontre aux eaux de Bagneres j'etais attaque d'une maiadie nerveuse qui avail produit sur moi une sensibilite si vive, que j'etais amoureux de toutes les femmes.... une surtout.... BONNIVET. Cette belle Anglaise ?... SAUVIGNY. Non. BONNIVET. La femme du medecin des eaux? SAUVIGNY. Du tout. BONNIVET. Et qui done ?... SAUVIGNY. Ca ne fait rien a 1'histoire. BONNIVET. J'y suis.... cette jolie comtesse? SAUVIGNY. Si vous voulez.... d'autant qu'inflexible et severe, elle me traita avec tant de cruaute, qu'entraine par le delire, le paroxysme de la passion.... peut-etre aussi par cette ma- ladie nerveuse dont je vous parlais.... j'avais pris la reso- lution d'en finir.... mais une bonne et solide resolution.... J'y allais franchement.... Et le genre de mort que j'avais SCETVE X. 3K choisi, comme le plus en harmonic avee 1'etat de mes idees, consistait a me precipiter dans un de ces abimes si frequens sur les Pyrenees.... 11 y avait -la-dedans du gran- diose. BONNIVET. Oui.... en extravagance. SATJVIGNY. C'est possible Or done, apres avoir ecrit a mon do- mestique, pourlui faire cadeau de mes effets et prierqu'on n'inquietat personne a cause de moi.... je me dirigeai vers le lieu adopte.... C'etait le matin.... et, tout en marchant, deja je me calmais.... je me sentais refroidi.... j'avais les pieds dans la neige et il faisait un vent de tous les diables. Air du vaudeville de Turenne. Mais arrive" sur le Lord du cratere, Dont je sondais 1'horrible profondeur, Un mouvement involontaire Me fit reculer de terreur ! . . . Puis , je revins , honteux de ma frayeur... Mais de nouveau sentant mon cceur s'abattre , Je reculai, les yeux trouble's... BONNIVET. Comment! deux fois? SAUVIGNY. Parbleu ! vous qui parlez , Je vous le donrierais en quatre ! Enfiii, bien malgre moi, et par respect humain, j'allais peut-etre m'elancer les yeux fermes.... quand tout a coup, dans la montagne, un grand bruit se fait entendre C'e- tait.... devinez. BONNIVET. Une avalanche?.,. 56 ETRE AIME OU MOURIR ! SAUVIGNY. Non.... Chiirles d'Avernais, un dc rnes amis, et quelqnes jeunes gens de sa connaissance.... des artistes, des peintres, qui faisaient la chasse aux chamois.... Us riaient tant, ils etaient d'une telle gaite, que je n'osai leur raconter mon histoire, de peur qu'on ne se moquat de moi Et quand ils se mirent tous a crier : Viens avec nous, viens avcc nous je me dis : Je me tuerai tantot, a midi, aussi bien que maintenant, et meme j'aurai plus cliand Me voila done chassant le chamois, courant dans les montagnes perdant mon chapeau, mon mouchoir, et arrivant enfin au rendez-vous harasse et mourant de fui.m. BOJMNIVET. Vous aviez faim ? SAUVIGNY. Je devorais!... un appetit de chasseur, on plutot de reve- nant.... car j'avais tout-a-fait oublie I affaire principale J'etais a cent lieues de mon abime, et je me disais : Si le desespoir m'a permis de vivre trois henrcs et demie j'irai bien a quatre , cinq, douze et ainsi cle suite Dans ces cas-la, it n'y a que le premier pas qui coute Voila mon raisonnement, le meilleur, sans contredit, que j'aie jamais fait a mon usage... Mais le plus difficile n etaif. pas de revenir a la vie... c etait de rentrer a Bagneres... Com- ment m'exposer auxbrocards, aux quolibets ?... donner un dementi au journal?... Et puis, aux yeux de celle que j'ai- mais, comment me presenter vivant?... ce n'etait pas pos- sible Aussi, prenant mon parti et une place dans la diligence de Tarbes, je revins a Paris, de la au Havre ou mon pere me mit a la tete de son commerce.... Et depuis ce temps, les sucres, les cafes, les colons j'ai ete si occupe BOJXNIVET. Que vous n'avez plus trouve un moment pour vous tuer... SCENE X. 37 S4UVIGNY. C'est vrai... Et pjnis, j'ai fait fortune.... une belle fortune, ce qui distrait toujours un peu et tlonne d'autres idees des idees de manage. BONNIVET. Je comprends...., cette fortune, vous voulez main tenant Toffrir a votre ancienne passion. SAUV1GNY. Non... a une autre BONNIVET, riant. Desorte que cet amour qui devait etre eternel SAUVIGNY. Existe encore, plus ardent, plus brulant, si c'est pos- sible.... C'est toujours le meme.... seulement il a change d'ohjet. BONNIVET. C'est le phenix qui renait de sa cendre. SAUVIGNY. Voi!a....Une veuve cliarmante, adorable.... mais, malgre p.ion amour, je n'ai pu encore obtenir un conseritement funnel.... elle se deTie de moi et de ni.i Constance. I>O \i\IVET, ii-oiJcnieut. Elle a bien tort. SAUVIGNY. Et comnie elle est ici, dans cet hotel, pour un jour ou deux, si vous vous avisiez de parler devant elle de cette malheureuse histoire de Bairneres.... D BONNIVET. Pauvre jeuiie homnie!... soyez tranquille, je ne vous trahirai pas, et s'il faut meme vou& aider SAUVIGNY. Ah! monsieur! lant de borite, tant de geiHTo.sile! a 58 ETIVE AIME OU MOU1V1R ! ce que j'ai fait!... J'en ai vraiment oles remords.... Car si vous saviez BONNIVET. Quoi done? SAUVIGNY, voyant la porte a gauche qui s'ouvre. Rien.... C'est celle que j'aime.... la voici avec son frere. BONNIVET. Hortense de Varennes ? SAUVIGNY. Vous la connaissez ? BONNIVET. C'est 1'intime amic de ma femme. SAUVIGNY, avec effroi. De sa femme ! SCENE XI. BONNIVET, SAUVIGNY, HORTENSE, FERNAND. ( Fernand et Hortense sortent de la chambre a gauche. ) HORTENSE, saluant. Je viens d'apprendre votre arrivee, monsieur, et j'atten- dais votre visite. SAUVIGNY, trouble. J'ignorais si vous etiez visible et puis j'avais trouve ici un ami tin ami veritable HORTENSE, souriant. Vous en avez beaucoap ; car voici mon frere qui depuis une demi-heure a plaide votre cause avec tant de cha- leur.... SCENE XI. o9 ' FERNAND. J'ai tenu mes proinesses songe aux tiennes. HORTENSE. Quoi done? SAUVIGNY. Rien II vous a dit que mon amour, qtie ma tendresse , ma Constance qui, je le jure, sera eternelle HORTENSE. Eh ! mais, comme vous etes emu !... SAUVIGNY. Ouand je voiis vois et, en outre, je me trouve dans une position BONN1VET, s'avancant. Si genante HORTENSE , 1'apercevant. Ah! monsieur Bonnivet... Eh! mais, ou est done cette chere Clotilde? RONNIVET. Dans sa chambre probablement. HORTENSE , k Sauvigny. Je veux vous presenter a elJe, a ma meilleure amie. SAUVIGNY. O t:iel!... (Bas k Bonnivet.) C'est fait de moi!... sa surprise, .son el'froi BONNIVET. C'est juste. HORTENSE , passant entre Bonnivet et Sauviguy et lui tendant la main *. Venez.... Bonaivct, Floilunsc, .S.-iuvigny, Fcrnand. 40 ETRE AIME OU AIOUR1R ! SAUVIGNY. Pardon une affaire importante dont je parlais a monsieur Bonnivet, et dont il a la bonte de s'occuper FERNAND , Las a Sauvigny. C'est bien. SAUVIGNY. II faut que nous nous rendions ensemble chez un notaire e PU>uen FERNAND , de mme. C'est cela. SAUVIGNY. Dont 1'etude est toujours fermee de bonne heure. FERNAND. Et voila quatre heures qui vont sonner. BONNIVET, prenant son chapeau. Je suis a vos ordres. FERNAND, a part. L'excellent homme ! SAUVIGNY, a Hortense. Vous ne m'eii voulez pas, je pense?...; HORTENSE. De vous occuper de vos affaires?.... au contraire c'est agir en homme raisonnable et sense. D'ailleurs , j'ai aussi mes emplettes a faire...,. chez Cadot-Anquetin.... Vous me conduirez jusque-la je vous laisserai ensuite avec M. Bonnivet, dont j'aime a vous voir prendre les Jecons... et puis, tantot, a diner car nous dmons tous ici en- semble, avec M. Bonnivet et sa femme SAUVIGNY. Sa femme!.... (Apart.) Heureusemeiit que d'ici la nous 1 aurons prevenue. SCENE XI. Air du quatuor du quatriemc actu de Guslave. ENSEMBLE. FERNAND. All ! qucl bonlieur je me promcts, Et que ce jour aura d'attrails! Quelespoir! (bis.) Je pourrai done la voir. Oui,dansrinstam% combien ces lieux Vont lout a coup charmer mes yeux Et soudain s'embellir Par 1'attrait du plaisir ! BONNIVET, a Sauvigny. Je vcux servir vos interets , En cachant vos anciens projets; Aujourd'hui, (bis.) Je serai votre appui. Evitez ma fenime en ccs lieux : Avant dc paraitrc a ses yeux , Je veux la prevenir, Et lout doit reussir. HORTENSE. A pcine je le reconnais : D'ou vienncnt ses regards distrails? Presdemoi, (bis.) Qu'a-t-il done , et pourquoi Get embarras , lorsqu'a mes yeux 11 devrait paraitre joycux ? Craint-il de reussir? *" Je n'en puis revenir. SAUVIGNY. Quand il defend mes interets, Et lorsqu'il sert tous mes projets , Quoi! c'est lui (bis.) Que je trompe aujourd'lmi? Ah ! je lc sens , ah ! c'est affrcux ; Je ne puis rcster en ces lieux; Mais pour lc secourir, Je vcux y revenir. FERiNANU , bas a Sauvigny. Mais va-t'cn done. SAUVIGNY, passant a la droitu. Ah ! quel supplice ! "BONNIVET^-iant. 11 divague , et se croit vraiment 1'oujours an bord du precipice. SAUVIGNY, regardant Bonnivet avcc intc'rcl. Et lui done, lui , dans ce moment! REPRISE DE LEKSESTBT.E. FERNAND. Ah! qncl bonlieur je me promets, Etc. , etc. , etc. HORTENSE. A pcine- je lc reconnais, Etc. , elc. , etc. BONNIVET. Jc veux servir vos interets , Etc. , etc. , etc. SAUVIGNY. Quand il defend mes inleiels , Elc., etc., elc. ( Bonnivtil , Sauviguj <:l Hurtense 501 tunl. N 42 ETRE AIME OU MOITRIU : SCENE XII. / FERNAND, seal. Enfin , ils sont partis tous les trois ; je reste maitre de la place, et seul de ce cote de 1'hoteL. seul avec elle!... Gette fois, il faudra bien qu'elle m'entende; il faudra bien enfin que je m'explique Mais avant tout, de la prudence; et de peur de surprise , empechons Tennemi d'arriver jusqu'a nous (Montrant la porte du fond.) On ne peut venir du dehors que par cette porte et'en la fermant au verrou ( II met le verrou et apercoit Clotildu qui entre par la porte a droile.) C CSt elle ! II etait temps. SCENE XIII. CLOTILDE, sortant de la porte a droite ; FERNAND, au fond du theatre. CLOTILDE, sans le voir. Quatre heures viennent de sonner... heureusement mon mari n'est pas encore rentre Je me soutiens a peine Ah! j'ai Une frayeiir!.... (Elle passe a gauche du theatre ; se retournant et apercevant Fernand. ) Le VOlla ! FERNAKD , s'avaticant pres d'elle *. Oh ! que vous etes bonne!.... Laissez-moi tomber a vos genoux et vous benir comine inon ange gardien A.h ' madame, vous sauvez la vie d'un malheureux! Feruand , Clotildt;. SCENE XIII. ' 43 CLOTILDE , avec candeur. Oh! bien certainement, c'est pour vous sauver la vie sans cela FERNAND. Je n'ose croire encore a tant de bonheur et cepen- dant c'est bien vous, la, pres de moi. et nous somnies seuls, et je puis vous dire que je vous aime, que desor- mais je ne puis vivre loin de vous ! CLOTILDE. Parlez plus bas votre soeur FERNAND. Je 1'ai eloignee. CLOTILDE. Mais mon mari?.... FERNAND. Je 1'ai remis en mains sures. CLOTILDE, effraye'e. Ah ! mon Dieu ! FERNAND, la retenant. Vous m'avez promis de m'ecouter. CLOTILDE. Et qu'est-ce que je fais done ? FERNAND. Oui, c'est beaucoup, sans doute.... mais suffit-il de m'e- couter, si vous vous obstinez a ne pas comprendre tout ce qui se passe au fond de mon ame?.... et pour cela, il ne faudrait pas detourner vos regards que j'implore (II s'approche davantage.) CLOTILDE, voulant s'e'loigner. Monsieur!.... monsieur!.... est-ce la ce que vous m'avez promis?.... Oh! je m'en souviens , moi... . vous m'avez jure que la raison 44 ' ET11E AIME OU MOUUIIl! FERNAND. La raison!.... Et quel empire pourrait-elle conserver snr celui qui ne se connait plus?.... sur celui dont 1 ame est en proie au plus violent desespoir? CLOTILDE , effraye'e , et a part. O ciel ! (Haut.) Certainement , monsieur, je serais desolee d'etre cause d'un malheur vous le voyez bien Mais vous, de votre cote, aidez-vous un peu et soyez raison- nable car, enfin, vous ne demandiez ce matin que juste ce qu'il fallait pour vivre. FERNAND. Et a quoi me servira cette vaine faveur?.... a prolonger de quelques jours mon existence. CLOTILDE. Que dites-vous? FERNAND. Que je ne serai pas mort a vos yeux que vous vous serez epargne un pareil spectacle voila tout (Avec < : S a- rement.) Mais demain , madame, nous serons separes!.... Demain, vous partirez !.... CLOTILUE. Certainement Aujourd hui, si je le peux. FERNAND , avec frcWsie. Et vous voulez que je vive ! CLOTILDE. Eh bien, non, monsieur, non, je ne partirai pas demain, je vous le promets. AIR : On me dit genlille , dc Labarre. Ahi quelle soiillraucc ! II y \a , je pensc, De son existence. . . Point de cruaulc. Te tremble , SCENE XIII. 4i> Voyez, et pour cause, A quoi Ton s'exposc Par humanite. FERNANU. Ah ! si ma voix a su se faire entendre , Si vous avez pitic d'un malheureux, Prouvez-le-moi par un regard plus lendre, Un scul regard! ... on j'expirc a vos yeux! Ou j'expire a vos ycux! CLOTILDE , ; part. Ah ! quelle souflTrance ! II y va , je pense , De son existence.... Point dc cruautc. ( Elle le regarde avec douceur, el dil a par!.) C'est si peu dc chose ! . . . Mais voyez, pour cause , A quoi Ton s'expose Par humanite. ( Se rapprochant de Fernand. ) .Mais desormais vous jurcz dc suspendre Vos noirs projets?... FERNAND. Pour qu'ils soient oublies , Sur cetle main que vous ctaignez me tendre , Un scul haiser . ... ou ]e meurs a vos pieds ! Ou je meurs a vos pieds. CLOTILDE, a part. Ah ! quelle souffrance! II y va, je pense, De son existence Point de cruaute". (Elle lui laisse Laiser sa main , et dit a part.) (Test bien pcu de chose. . . Mais voyez , pour cause , A quoi 1'on s'expose Par humanitc. Vi ETsSEMBLF.. C'est bien pcu de chose, etc. 46 ETRE AIME OU MOURIR ! FERN AND, qui s'est jete a ses pieds. Delire et tendresse ! Sa main que je presse Fait battre d'ivresse Mon coeur enchant^ ! CLOTILDE , se defendant et le rcpoussant. Monsieur ! monsieur !.... (On frappe a la porte.) Silence ! BONNIVET, en dehors. Ma femme, ouvre-moi. CLOTILDE. C'est rnon mari ! FERNAND , a part. Comment diable Sauvigriy 1'a-t-il laisse echapper? CLOTILDE , a voii basse. Partez, de grace! FERNAND, de meme. A condition qu'aussitot son depart nous reprendrons cet entretien Vous me le promettez? CLOTILDE , hors d'elle-mcme. Oui oui, tout ce que vous voudrez, si vous partez a Tinstant. FERNAND , pendant que 1'on frappe encore. Et par ou?.... Ah! la chambre de ma sceur.... c'est uu asile assure. CLOTILDE, voyant qu'il s'y enferme. Surtout, quoi qu'il arrive, n'en sortez pas.... Et moi, allons ouvrir cette porte Mon Dieu ! mon Dieu! que de peine pour lui sauver la vie ! (Elle va ouvrir la porle du fond.) SCENE XIV. 47 SCENE XIV. CLOTILDE, BONNIVET. BONNIVET. Pardon, chere amie, de t' avoir derangee. CLOTILDE , a part. II rue demande pardon encore! BONNIVET. Tu etais dans ta chambre... et tu ne m'as pas entendu... CLOTILDE, trouble'e. C'est vrai C'est pour cela que je vous ai fait attendre. BONNIVET. 11 n'y a pas grand mal pour moi, du moins mais je ne suis pas revenu seul. (A pan.) Usons de precautions oratoires. (Haut.) II y a la , avec moi , quelqu'un pour qui les momens~sont precieux. CLOTILDE. Et qui done?.... BONNIVET. Une personne que tu ne t'attends pas a revoir, et qui desire instamment t'etre presentee. CLOTILDE. Et pourquoi?.... BONNIVET. Pour te demander une grace, que te ne lui ref'useras pas. CLOTILDE. Eh ! mon Dieu , on ne voit aujourd'hui que des gens 48 ETRE AIME OU MOURIIV! qui demandent Qu'il vienne done, qu'il se depeclie , qu'il paraisse. BONNIVET. A condition que tu n'auras pas peur?.... CLOTILDE. Eh! mais!.... voila que vous m'effrayez.... BONNIVET. Que tu ne jetteras aucun cri d'effroi ? CLOTILDE. Mais qu'eSt-Ce done?.... (Apercevant Sauvigny qui vient d'entrer , elle pousse un eri. ) Ah ..... (Bonnivet la soutient.) SCENE XV. CLOTILDE, BONNIVET. SAUVIGNY AIR : L'amour de la patrie. ( Wallace.') EKSEMBLE. CLOTILDE. O cicl ! tcrreur soudaine ! Est-ce un reve imposteur? Je me soutiens a peine , Et tremble de frayeur. BONNIVET et SAUVIGNY. Quelle terreur soudaine S'empare de son cceur ! Elle respire a peine Et tremble de frayeur. SAUVIGNY. Qu'ici votrc coeur se rassure. CLOTILDE. Non , |e ne puis y croire encor. SAUVIGNY. C'est moi , c'est bien moi , je le jure.. . Je veux mourir, si je suis mort ! SCENE XV. 40 KEPIUSE T)E I, EKSEMBT.K. CLOTILDE. O ciel ! terreur soudaine ! Etc. , etc. BONNIVET et SAUVIGNY. Quelle terreur soudaine , Etc. , etc. SAUVIGNY, apart. Quel bonheur qu'Hortense n'ait pas etc la! CLOTILDE , encore trouble'e. C'est bien vous... vous qui existez encore?... SAUVIGNY, d'un air honteux etbalbutiant. / Je... je voudrais en vain le nier. BONNIVET. ' II est meme tres-bien portant. CLOTILDE , d'un ton de reproche. Et comment, monsieur, n'eles-vous pas mort?... SAUVIGNY. Je vous en demand* bien pardon... Ce n'est pas ma faute. BONNIVET. Oui, tu sauras tout... nous te le conterons en detail, ca t'amusera... car, moi, ce matin, ca m'a fait bien rire. SAUVIGNY, d'un air suppliant. Monsieur! BONNIVET , vivement. Vous avez raison... ce n'est pas la ce qui nous amene... II s'agit en ce moment de lui sauver la vie. o CLOTILDE, .-'tonne'e. Eni'ore!... BONNIVET , vivement. 11 y a ici quelqu'un qu'il aime et qu'il va epotiser. 4 SO ETRE AIME OU MOURIR ! CLOTILDE , indigne'e. Lui ! grand (lieu ! SAUVIGNY, baissant les yeu*. Helas! oui. BONNIVET. Ta bonne amie Hortense, madame de Varennes. CLOT1LDE , stupe'faite. O ciel!... ce pretendu, ce jeune homme du Havre dont elle me parlait ce matin ? BONNIVET. C'est lui. CLOTILDE. Get amant a qui elle ne reprochait qu'un exces de pas- sion? BONNIVET. G'est lui. CLOTILDE. Ce coeur qui n'avait jamais aime qu'elle, et qui devait 1'aimer toujours ? BONNIVET. C'est lui. CLOTILDE. Quelle horreur !... elle saura tout... elle connaitra la ve- rite ! BONNIVET. Voila justement ce qu'il ne faut pas faire. SAUVIGNY. Oui, rnadame, je vous en conjure... BONNIVET. Nous to prions en grace de garder le silence. SCENE XV. 81 CLOTILDE Je laisserais tromper ma meilleure amie ! BONNIVET. Mais il ne la trompe pas... il 1'aime reellement, il en perd la raison. CLOTILDE , en hesitant. Et 1'autre?... et la personne de Bagneres?... BONNIVET. II ne 1'aime plus... il ne 1'a jamais aimee... il me la dit. SATJVIGNY, vivement. Je n'ai pas dit cela! BONNIVET. A peu pres. SAUVIGNY. Je vous ai avoue qu'elle meritait toute ma tendresse et que je 1'avais reellement adoree... BONNIVET. Oui, un jour... une matinee... II se fait la plus coupable qu il n'etait...TJne passion de jeune homnie, un caprice, une plaisanterie... CLOTILDE. line plaisanterie!... quand il voulait se tuer!... SAUVIGNY, vivement. Oui, madame,j'y etais bien decide, je vous le jure, et la seule consideration qui m'en ait empechje... I1ONNIVET. C'est un dejeuner qu on lui a offert... des amis ct du vin de Champagne qu il a renco,ntres...et une demi-heure apres, il n'y pensait plus... 11 m'a tout, raconte. S5t ETRE /YIME OU MOURIR ! SAUVIGNY. Monsieur !... BONNIVET. Et vous avez bien fait, et je vous approuve. CLOTILDE. C'est une indignite !... BONNIVET. Du tout... et tu aurais tort de lui en vouloir.... C'est tout simple, tout naturel... celui qui jure d'etre toujours amou- reux est un foil, un insense, qui s'abuse lui-meme... Est-ce que ca depend de lui? est-ce qu'il en est le maitre?... Au- tant vatidrait jurer de toujours se bien porter. CLOTILDE. A la bonne heure... mais menacer de se donner la mort? BONNIVET. Laisse-moi done tranquille... est-ce que tu crois a ca ? CLOTILDE , regardant Sauvigny. Mais... jusqu'a present, j'y croyais. BONNIVET, riant. Ma pauvre femme ! CLOTILDE. Vous riez de moi?... BONNIVET. Sans doute tout le monde le dit et personne ne le fait... Temoiri Monsieur, qui etait de bonne foi.... a plus forte raison, quand ils ne le sont pas, quand ils jouent la comedie. CLOTILDE, poussant un cri d'indignalion. Ah!... BONNTVET. Qu'as-tu done?... SCENfc XV. 83 V. CLOTILDE , passant a gauche. Rien (A pan.) Et moi qui tout a 1'heure, ici nieme!.... (Regardant la porte de la chambre ou Fernand s'est enferme. Haul.) La pre- sence de Monsieur me rend un grand service, et je le re- connaitrai , en gardant le silence qu'il me demande. SAUVIGNY. Est-il possible' BONNIVET. Quand je vous disais que c'etait la bonte meme... GLOTILDE , regardant la porte a gauche. Oui... une bonte... (A part, avec depit) dont on ne se sera pas joue impunement (Haut.) Mais Hortense, ou done est-elle? BONNIVET. Nous 1'avons laissee faisant des emplettes. CLOTILDE , qui s'est mise a la table et qui e'crit. Eh bien! mon ami, il faut tacher de la rejoindre, et de lui donner ou de lui faire parvenir ce petit mot (A Sauvigny. ) Ne craignez rien je ne veux pas vous trahir au contraire. (A Bonnivet. ) Mais il est necessaire que ce billet lui soit remis sur-le-champ ou du moins avant diner. BONNIVET. Sois tranquille II y a un magasin de nouveautes par lequel elle devait finir ses courses Je vais y envoyer uu des commissionnaires de I'hotel. CLOTILDE , lui reraettant la lettre qu'elle vient de cacheter. A la bonne heure. BONNIVET. Et, en attendant son retour, veux-lu que nous fassions une promenade sur les quais? 84 ETRE AIME OU MOURIU' CLOTILDE. Je prefere rester. BONNIVET. Comme tu voudras... Je reste aussi. CLOTILDE. Non, il vaudrait mieux sortir quelques instans, vous promener un peu. BONNIVET. G'est juste, avec ma fille... II fait un soleil superbe... et cette pauvre petite Ninie qui n'a pas pris 1'air d'aujour- d'hui SAUYIGNY, a part. Ah! mon Dieu! elle veut 1'eloigner Serait-ce pour Fernand? BONNIVET. Venez-vous, mon jeune ami?... SAUVIGNY, a part. Ah! 1'honnete homme! Et comment le prevenir? (Haut.)Non, non; j'ai des lettres a e'crire, et je reste ( A part) pour veiller sur lui. (II entre , sans etre vu, dans le cabinet a droite. ) BONNIVET. Adieu , femme. CLOTILDE , 1'embrassant. Adieu, mon ami. BONNIVET. C'esl gentil... 11 y a long-temps que tu ne m'as embras.se ainsi. ( II sort par It: fond, ) SCENE XVI. 88 SCENE XVI. CLOTILDE, FERNAND. CLOTILDE , apres avoir ferme la porte du fond , allanl a la porte a gauche Vous pouvez sortir.... tout le monde est parti. (Elle prend line chaise et son ouvrage, et s'assied au milieu du theatre, ) FERNAND. Ah! Madame, qu'elles m'ont paru longues, ces minutes dattente!... Mon coeur battait avec tant de violence, que je sentais s'epuiser en moi les sources de la vie.... et dans oe moment encore, je me soutiens a peine. CLOTILDE, froidement. Eh bien... il faut vous asseoir. FERNAND, avec chaleur. M asseoir!... quand je suis pres de vous!... quand je vous contemple avec ivresse!... CLOTILDE , s'occupant de son ouvrage; Je vois que les forces vous reviennent. FERNAND. Elles me reviennent pour souffrir.... pour souffrir plus que jarnais. CLOTILDE , faisant du fa tapisserie. Cela serait facheux.... car enfin, apres lout ce que nous avons fait, vous et moi.... s'il n'y avail pas de mieux, il faudrait y renoncer. KKRNAND, c'lonnr. One voulez-vous dire?... i>6 ETUE Al.UE OU MOUIUR! CLOTILDE. Que par interet pour votre soeur, qui est ma meilleure amie.... j'ai voulu sauver son frere. FERNAND. Quoi! ce n'etait pas pour rnoi? CLOTILDE. En aucune facon... Je ne vous connaissais pas... Mais des qu'il s'agit de la vie de quelqu'un.... vous, ou tout autre.... qu'importe la personne?... G'est une question d'humanite. FERNAND. Quoi! nulle affection, nulle tendresse? Ah! ce n'est pas possible Et cette tranquillite, ce sang-froid quand vous voyez aupres de vous le plus malheureux des homines!... (A part.) Allons, c'est une scene a recommencer... Ce que c'est aussi que d'etre interrompu au meilleur mo- ment. (Haut.) Oui, Madame, vous daignerez m'ecouter Vos yeux ne resteront pas eternellement attaches sur votre ouvrage, sur cette tapisserie qui me desespere ; vous jetterez sur moi un regard de pitie... ou ces paroles que vous entendez seront les dernieres de moi qui frapperont vos oreilles et cette croisee, qui donne sur le fleuve Cette Croisee elevee!... (II fait quelquespas vers le balcon, Clotilde reste assise et sans remuer*. A part.) Eh blCn ! elle TCStC tranquille? (Haut.) Cette croisee, d'ou je vais me precipiter! (Apart.) Elle ne me retient pas? ( Haut et revenam vivement. ) Non , ce n'est pas loin de vous.... c'est sous vos yeux, c'est a vos pieds que je veux jeter une existence que vous dedaignez. GLOTILDE , froidement. J'en serais desolee; rnais je ne peux pas vous en em- peeher. Fernanfi , Clotilcl. SCENE XVI. S7 FERNAND. All ! vous parlez ainsi, cruelle , parce que vous savez bien que mon bras est desarme , et que je n'ai d'autre aide que moil desespoir Mais si je pouvais trouver une ariue!.... CLOT1LDE. N'eSt-CC que Cehl , Monsieur? (De'tachant froidementlaclefquieslasa ceinture. ) TenCZ... FERNAND. Qu'est-ce que c'est? CLOTILDE, seletant. Ouvrez ce secretaire... (Voyant qu'ii h&itc. ) Ouvrez.... vous trouverez la une boite. FERNAND, a part. Ah! mon Dieu! (Haut. ) Ou done? CLOTILDE. Sous votre main. FERNAND, prenant la boite. Ah!... ces pistolets... CLOTILDE. Us sont a vous. FERNAND , stupe'fait. O Ciel !... (Haul, ouvrant la boite, prenant un pistolet ut jouant le de'ies- poir.) Vous le voulez done!... Vous le voulez!... CLOTILDE , froidement. Puisqu'il n'y a pas d'autre moyen de vous guerir... C'est pour vous... cela vous regarde. FERNAND. Dites plutot que c'est pour vous-meme , qui etes trop heureuse de vous delivrer aiusi d'un amour qui vous est S8 ETRE AIME OL T MOURIU ! odieux , qui vous importune, qui vous gene peut-etre... Car j'ai un rival... j'en aiun, j'en suis sur. CLOTILDE. liaison de plus pour... FERNAND. Ah! c'est trop fort!... (Eclatant.) Eh bien! non, Madame, je ne me tuerai pas!... Je vous rendrais trop contente, trop joyeuse... Vous osezrire encore!... dans un pareil instant!... CLOTILDE , riant. Oui, vraiment... Allez done, Monsieur, allez done... je n'attendais que ce moment-la pour vous adorer. SCENE XVII. FERNAND, HORTENSE, CLOTILDE. 1IORTENSE entre vivement, apercoil Fcrnand , pousse ua cri et se jette dins ses bras. Ah! nion ami! mon f'rere!... je te revois!... tu respires encore ! FERNAND , cherchant a se degagur do ses bras. Qu as-tu done? morbleu ! HORTENSE. Tu n'es pas blesse?... CLOTILDE. NOM , non , je te 1'atteste. HORTENSE. J etais toute tremblante... car ce billet de Glotilde que vient de rn'apporier un comiiiissionriaire... Lis plutot. SCENE XVII. HO FERNAND , lisant. A in : Fragment de Gustave. Arrive a mon secours ; ton frere, chrc amie , Court dans ccs lieux les dangers les plus grands ! (AClotilde.) Quoi ! madame , c'cst vous? CLOTILDE, riant. Pret a perdre la vie , On est toujours cliarme d'avoir la ses parcns. CLOTILDE et SAUVIGNY , qui entr'ouvre la porte a droitc. / Le bon tour, la bonne folie ! Get amant I Qui faisait serment 1 D'cxpirer aux pieds d'une amie, ! Le voila frais et bien portant. UBLE. / IIORTENSE. I De fray cur ah ! j'etais saisie ! f Mais je vois fort heureusement \ Que mon frere ticnt a la vie , \ Et qu'il est frais et bien portanl . / Ah ! je rirai long-temps de cetlc comcdio 1 (A Fernand. ) Toi , COHSCrVC le JOUT 1 Pour en rire a ton tour. FERNAND. Je nc pardonne point semblablc raillcric; Jc veux d'un pareil tour \ Me vcnger k mon tour. ( A Sauvigny. ) Vous etiez du complot ? SAUVIGNY. Non , j'en elais temoin. FERNAND. '- De me railler dpargnez-vous le soin. A pros uu tcl affront, oui , chacun dans le moiide Va me montrer an doigf ; et , quc Dieu me ronfondc ! ( 1'renant tia pistole I. ) Je me tuerai , si vous ne jurcz pa* Qu'un silence clernel. . . 60 ETRE AIME OU MOURIR ! TOUS. Nous le jurons , helas ! FERNAND. Tcnez bien ce serment ; Sinon, Dieu me confoncle ! Moi, je fais le serment De perir a 1'instant TOUS. Si c'est le seul moyen Pour qu'il reste en ce mondc , Vivez... Nous jurons bien Que nous n'en dirons rien. SCENE XVIII. LES PEECEDENS, BONNIVET. BONNIVET, s'c'lancant et retenant le bras de Fcrnand qui Hunt encore- le piitolel. Jeune homme, jeune homnie, qu'est-ce que ca signifie * !... CLOTILDE , regardant sa main quiest enveloppc'e de noir. Qu'est-ce que c'est done?... qu'est-ce que vous avez la?... BONNIVET. Rien... CLOTILDE. Mais si , vraiment !... BONNIVET. Je te dis que non... Ma petite fille jouait tout a 1'heure dans le jardin de 1'hotel avec uri gros chien noir, et des hommes couraient en criant : Garde a vous , il est en- rage! Je me suis elance alors entre lui et mon enfant... il in'a mordu , c'etait tout simple... TOUS. Enrage!... Sauvigny, llortcnsc, Fernand , Bonnivet, Clotildc, SCENE XVIII. 61 BONNIVET. Eh! non... fausse terreur... car un instant apres, il a bu comme si de rien n'etait. HORTENSE. Mais vous I'avez cru... BONNIVET. Ma foi, oui. HORTENSE. Et malgre cela!... Quelle generosite!... quel devoue- ment ! BONNIVET. Du devouement!... Y pensez-vous?... quand il s'agit de sa fille ou de sa femme!... C'est comrae pour soi... c'est pres- que de I'egoi'sme. FERNAND. Et vous qui ne voulez pas qu'ori expose ses jours?... BONNIVET. Quand il le faut... c'est trop juste... Raison de plus pour s'en abstenir, quand il ne le faut pas... Ah! ca, dt- nous-nous? CLOTILDE , avec attendrissement. Monsieur, vous etes le meilleur des homines. BONNIVET. Tais-toi done. CLOTILDE, deraeme. Le meilleur des maris.... et je vous aime comme jamais je ne vous ai aime. BONNIVET. Tu es bien bonne, et ca me fait plaisir... Ca m'en fera aussi de diner... Moi a cote de ma femme... Madame a cote de son pretendu, qui bientot sera son mari... et tous ensemble, nous boirons aux bons vivans... (AFemand.) Parce que , voyey.-vous , mon cher ami... ETRE AIME OU MOTJRIR ! VAUDEVILLE AIR : Quand on est morl , c'est pour long-temps. Quand on est mort , c'est pour long-temps Disait Desaugicrs , notre maitre; Ce jour va naitre Et. disparaitre : Imprudens , Profitez des instans. TOUS. Quand on est mort, c'est pour long temps , Etc. , etc. , etc. BOJNNIVET. Qui done vous pousse Vers le trepas ? N'avcz-vous pas Le champagne qui mousse :' La vie est douce A caresser, Et sans secousse Tachons de la passer. Car, ici-bas , A chaque pas , N'avons-nous pas , Pour abreger la vie , Peine, chagrin , Et medecin , Dont la voix crie A tout le genre humain : Quand on est mort^ c est pour long-temps , Disait Desaugiers , noire maitre ; Ce jour va naitre Et disparaitre : Imprudens , Profitez des instans. TOUS. Quand on est mort, o'est pour long-temps . Etc . , etc. , etc.. SCENE XVIII. (J3 FERNANDA Sur notrc scene Quc montre-t-on ? Viol , poison , I'orfaits a la douzaine ; Et Melpomene Chaque semaine Part pour la chainc De Brest ou de Toulon Vers ostrogolhs Et visigoths , Des noirs tombcaux Sur vous tinte la cloche ; Sombre roman^ Drame de sang , Votre heure approche ; Hardi ! donnez-vous en ! ... Quand on est mort , c'est pour long-temps , Disait Desaugicrs , notrc maitre. Bicntot YOUS allez disparaitre : Ainsi done, profitcz des instans. TOTJS. Quand on est mort, c'cst pour long-temps , Etc. , etc. , etc. SAUVIGNY. Levant la nuque , Le jeune Franc Traite gaiment Racine de perruque. O siecle eunuque , Disaient-ils tous ,