MBS' l , : m mm. smi 'W ■ Return this book on or before the Latest Date stamped below. A charge is made on all overdue books. U. of I. Library M&Y -5 % * *r\t% l ,fc 10 !3S r L MflR fifRlHs '37 » » Jr- ! 26 -til m 1932 18 ': i s “ i' i * j33 tH'f -s M > V Tj \ ’; H ! 7V * m 2 4 iss -4 1 %T fiPR jj 195 i fcj >R 2 4 1578 4 .^ >1 WAR 2? T ' WP / 22 JS 86 J3h i 6(953 MAY 0 5 1386 " >*►■*»%» ici 21 hi ■ ■mi rn iiwiwirJ «. A wUf / y i ri. FABLES DE LA FONTAINE A SELECTION WITH INTRODUCTION, NOTES, AND VOCABULARY BY LOUIS M. MORIARTY, B.A. LATE ASSISTANT MASTER IN ROSSALL SCHOOL WITH ILLUSTRATIONS BY RANDOLPH CALDECOTT yj iLontioix MACMILLAN AND CO. AND NEW YORK I 887 [All rights reserved] l-rt? H3L1^ i r i CONTENTS. FABLE Introductory Le Renard et les Raisins. ii. Le Chien qui lache sa proie pour Pombre hi. La Poule aux ceufs d’or • • m Le Coq et la Perle Le Lion devenu vieux Parole de Socrate vii. Le Cerf et la "Vigne Les Voleurs et PAne * ‘ ix. L’Ane vetu de la peau du Lion x. La Grenouille qui se veut faire aussi grosse le Basuf ’ xi. Le Geai pare des plumes du Paon xie Le Cheval et l’Ane ^3) Le Loup et la Cigogne xiv. Le Laboureur et ses Enfants XT. La Genisse, la Chevre et la Brebis, en society le Lion Ije Lion et le Rat Le Corbeau et le Renard xviii. Le Renard ayant la queue coupee xix. Les deux Mulets ^e Lion et le Chasseur .. eXxi^ La Mort et le BucherojT)^’| | que avec 5 14 15 vi CONTENTS. FABLE XXII. XXIII. XXIV. XXV. XXVIII. XXIX. XXX. XXXI. XXXII. 0 XXXIII. XXXIV. XXXV. XXXVI. XXXVII. XXXVIII. XXXIX. XL. XLI. XLII. XLIII. Les deux Rats, le Renard et TCEuf Le Lion s’en allant en guerre . Le Cliien a qui on a coupe les oreilles La Belette entree dans un Grenier La Cigale et la Fourmi >r Le Lion malade et le Renard . L’Huitre et les Plaideurs Le Petit Poisson et le Pecheur Le Renard et les Poulets d’Inde Le Lievre et la Perdrix Le Lion et l’Ane chassant Le Paon se plaignant a Junon Le Rat de ville et le Rat des champs Le Renard et la Cigogne Le Villageois et le Serpent Le Loup et l’Agneau . Le Loup, la Chevre et le Chevreau L’Ane et le petit Chien Le Singe et le Chat . Le Berger et son Troupeau Le Renard et le Bouc Le Pot de terre et le Pot de fer Le Chene et le Roseau Le Coche et la Mouche Le Coq et le Renard . Conseil tenu par les Rats Le Renard, le Loup et le Cheval Le Loup devenu Berger Le Gland et la Citrouille Le Cheval s’etant voulu venger du Cer Le Lievre et les Grenouilles . Le Heron CONTENTS. FABLE liv. Le Lievre et la Tortue lv. La Tortue et les deux Canards lyi. Le Vieillard et les trois jeunes Hommes lvii. Les Grenouilles qui demandent un Eoi (£vnjPL’Ane et le Chien lix. L’CEil du Maitre lx? Le Lion et le Moucheron lxi. Le Rat et l’Huitre g Le Lion, le Loup et le Renard Le Loup et le Chien . lxiv. La Laitiere et le Pot au lait (^LX^ Le Chat, la Belette et le petit Lapin . lxvi. Le Depositaire Infidele ^lxvj^. Le Savetier et le Financier lxviii. Le Chat et le vieux Rat ^Ax^NLes Animaux malades de la peste lxx. L’Alouette et ses Petits, avec le Maitre d’un _ champ .... (jlxxj^ Les deux Pigeons Introduction to the Notes . . Notes ...... Vocabulary . Appendix ..... Yll PAGE Et, pour montrer sa belle voix, II onvre un large bee, laisse tomber sa proie. Le renard s’en saisit, et dit: “ Mon bon monsieur, Apprenez que tout flatteur Yit aux depens de celui qui l’ecoute : is Cette le^on vaut bien un fromage, sans doute.” Le corbeau, honteux et confus, Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. XVIII. —Le Benard ayant la queue couple. Un vieux renard, mais des plus fins, Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins, Sentant son renard d’une lieue, Fut enfin au piege attrape. LES DEUX MULETS. 15 Par grand hasard en ctar^ echappe, Non pas franc, car pour gage il y laissa sa queue ; S’etant, dis-je, sauve sans queue, et tout honteux, Pour avoir des pareils (comme il etait habile), Un jour que les renards tenaient conseil entre eux : “ Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile, Et qui va balayant tous les sentiers fangeux ? Que nous sert cette queue ? il faut qu’on se la coupe: Si l’on me croit, chacun s’y resoudra. —Yotre avis est fort bon, dit quelqu’un de la troupe: Mais tournez-vous, de grace; et l’on vous repondra.” A ces mots il se fit une telle huee Que le pauvre ecourte ne put etre entendu. Pretendre oter la queue eut ete temps perdu: La mode en fut continuee. XIX.— Les deux Mulets. Deux mulets cheminaient, l’un d’avoine charge, L’autre portant l’argent de la gabelle. Celui-ci, glorieux d’une charge si belle, hPeut voulu pour beaucoup en etre soulage. Il marchait d’un pas releve, Et faisait sonner sa sonnette, Quand l’ennemi se presentant, Comme il en voulait k l’argent; Sur le mulet du fisc une troupe se jette, Le saisit au frein et l’arrete. FABLES DE LA FONTAINE. Le mulet, en se defendant, Se sent perce de coups ; il gemit, il soupire. Est-ce done la, dit-il, ce qu’on m’avait promis ? Ce mulet qui me suit du danger se retire ; Et moi, j’y tombe, et je peris ! Ami, lui dit son camarade, Il n’est pas toujours bon d’avoir un haut emploi Si tu n’avais servi qu’un meunier, comme moi, Tu ne serais pas si malade. XX.— Le Lion et le Chasseur. Un ianiaron, amateur de la cliasse, Yenant de perdre un chien de bonne race Qu’il soupgonnait dans le corps dun lion, Yit un berger. “ Enseigne-moi, de grace, De mon voleur, lui dit-il, la maison; Que de ce pas je me fasse raison.” Le berger dit: “ C’est vers cette montagne. En lui payant de tribut un mouton Par chaque mois, j’erre dans la campagne Comme il me plait; et je suis en repos.” Dans le moment qu’ils tenaient ces propos, Le lion sort, et vient d’un pas agile. Le fanfaron aussitot d’esquiver ; “ 0 Jupiter, montre-moi quelque asile, S’ecria-t-il, qui me puisse sauver!” LA MOLT ET LE BUCHEROK 17 La vraie epreuve de courage X’est que dans le danger que l’on touche du doigt: Tel le cherchait, dit-il, qui, changeant de langage, S’enfuit aussitot qu’il le voit. XXI.— La Moet et le Bucheeon. Wi, JO „'p.> ■ . V.V.J*. „ Un pauvre bucheron, tout couvert de ramee, Sous le faix des fagots aussi bien que des ans Gemissant et courbe, marchait a pas pesants, Et tachait de gagner sa chaumine enfumee. Enfin, n’en pouvant plus d’effort et de douleur, II met bas son fagot, il songe a son malheur. Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ? En est-il un plus pauvre en la machine ronde ? Point de pain quelquefois, et jamais de repos : Sa femme, ses enfants, les soldats, les impots ,} ' - ^ Jr j Le creancier, et la corvee, Lui font d’un malheureux la peinture achevee. II appelle la Mort. Elle vient sans tarder, Lui demande ce qu’il faut faire. “ C’est, dit-il, afin de m’aider A recharger ce bois; tu ne tarderas guere.” Le trepas vient tout guerir; Mais ne bougeons d’ou nous sommes : Plutot souffrir que mourir, C’est la devise des hommes. 18 FABLES DE LA FONTAINE. XXII.— Les deux Rats, le Renard et l’CEuf. Deux rats cherchaient leur vie; ils trouv&rent un oeuf. Le diner suffisait a gens de cette esp&ce : II n’etait pas besoin qu’ils trouvassent un boeuf. Pleins d’appetit et d’allegresse, Ils allaient de leur oeuf manger chacun sa part, 5 Quand un quidam parut: c’etait maitre renard ; Rencontre incommode et facheuse : Car comment sauver l’oeuf ? Le bien empaqueter, Puis des pieds de devant ensemble le porter, Ou le rouler, ou le trainer, 10 C’etait chose impossible autant que hasardeuse. Necessite l’ingenieuse Leur fournit une invention. Comme ils pouvaient gagner leur habitation, L’ecornifleur etant a demi-quart de lieue, 15 L’un se mit sur le dos, prit l’ceuf entre ses bras ; Puis, rnalgre quelques heurts et quelques mauvais pas, L’autre le traina par la queue. Qu’on m’aille soutenir, apres un tel recit, Que les betes n’ont point d’esprit! 20 XXIII.— Le Lion s’en allant en guerre. Le lion dans sa tete avait une entreprise: II tint conseil de guerre, envoya ses prevots, Pit avertir les animaux. 19 LA CHIEN A QUI ON A COUPE LES OREILLES. Tous furent du dessein, chacun selon sa guise : L’elephant devait sur son dos Porter l’attirail necessaire, Et combattre a son ordinaire; I/ours, s’appreter pour les assauts ; Le renard menager de secretes pratiques ; Et le singe, amuser l’ennemi par ses tours. “ Lenvoyez, dit quelqu’un, les anes, qui sont lourds, Et les lievres, sujets a des terreurs paniques. Point du tout, dit le roi, je les veux employer : Notre troupe sans eux ne serait pas complete. L ane effraiera les gens, nous servant de trompette; 15 Et le lievre pourra nous servir de courrier.” Le monarque prudent et sage Le ses moindres sujets sait tirer quelque usage, Et connait les divers talents. II n’est rien d’inutile aux personnes de sens. 2Q NNIV. La Chien a qui on a coup£ les oreilles. “ Qu’ai-je fait, pour me voir ainsi Mutile par mon propre maitre ? Le bel etat ou me voici ! Levant les autres chiens oserai-je paraitre ? ) rois des animaux, ou plutot leurs tyrans, Qui vous ferait choses pareilles !” ^.insi criait Alouilar, jeune dogue j et les gens, c 20 FABLES DE LA FONTAINE. Peu touches de ses cris douloureux et pedants, Yenaient de lui couper sans pitie les oreilles. Mouflar y croyait perdre. II vit avec le temps Qu’il y gagnait beaucoup ; car, etant de nature A piller ses pareils, mainte mesaventure L’aurait fait retourner chez lui Avec cette partie en cent lieux alteree: Chien hargneux a toujours l’oreille dechiree. 15 Le moins qu’on peut laisser de prise aux dents d autrui, C’est le mieux. Quand on n’a qu’un endroit a defendre, On le munit, de peur d’esclandre. Temoin maitre Mouflar arme d’un gorgerin; Du reste ayant d’oreille autant que sur ma main, U11 loup n’eut su par oil le prendre. XXY._ La Belette entree dans un Grenier. Damoiselle belette, au corps long et fluet, Entra dans un grenier par un trou fort etret: Elle sortait de maladie. La, vivant a discretion, La galante fit chere lie, Mangea, rongea: Dieu sait la vie, Et le lard qui perit en cette occasion! La voila, pour conclusion, Grasse, maflue et rebondie. Au bout de la semaine, ayant dine son soul, Elle entend quelque bruit, veut sortir par le trou, Xe peut plus repasser, et croit s’etre meprise. LA CIGALE ET LA FOURMI. 2 Apres avoir fait quelques tours, C est, dit-elle, l’endroit: me voila bien surprise ; J’ai passe par ici depuis cinq ou six jours. , Un rat, qui la voyait en peine, Lui dit: Vous aviez lors la panse un peu moins pleine, Yous etes maigre entree, il faut maigre sortir. Ce que je vous dis la, Ton le dit a bien d’autres; Mais ne confondons point, par trop approfondir, 2 Leurs affaires avec les votres. XXYI. —La Cigale et la Fourmi. La cigale, ayant chante Tout l’<$te, Se trouva fort depourvue Quand la bise fut venue : Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alia crier famine Chez la fourmi sa voisine, La priant de lui preter Quelque grain pour subsister Jusqu’a la saison nouvelle., u Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l’aout, foi d’animal, Interet et principal.” La fourmi n’est pas preteuse : C’est la son moindre defaut. “ Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle a cette emprunteuse. 5 io 15 FABLES DE LA FONTAINE. —Xuit et jour a tout venant Je chantais, ne vous deplaise. —Yous cliantiez! j’en suis fort aise. Eh bien ! dansez maintenant.” XXVII.— Le Lion malade et le Renard. -u.K' De par le roi des animaux, Qui dans son 4 ntre etait malade, Eut fait savoir a ses vassaux Que chaque espece en ambassade Envoyat gens le visiter; Sous promesse de bien traiter Les deputes, eux et leur suite, Eoi de lion, tres-bien ecrite : Bon passe-port contre la dent, Contre la griffe tout autant. L’edit du prince s’execute : De chaque espece on lui depute. Les renards gardant la maison, Un d’eux en dit cette raison: “ Les pas empreints sur la poussi&re Par ceux qui s’en vont faire au malade leur cour, Tous, sans exception, regardent sa taniere, Pas un ne marque de retour : Cela nous met en mefiance. Que sa majeste nous dispense : Grand merci de son passe-port. Je le crois bon: mais dans cet antre L’HUITRE et les plaideurs. 23 Je vois fort bien comme Ton entre, Et ne vois pas comme on en sort.” —L’Huitre et les Plaideurs. Un jour deux pelerins sur le sable rencontrent Une huitre, que le Hot y venait d’apporter: Ils l’avalent des yeux, du doigt ils se la montrent; A l’egard de la dent, il fallut contester. L’un se baissait deja pour ramasser la proie; L’autre le pousse, et dit: “ II est bon de savoir Qni de nous en aura la joie. Celui qui le premier a pu l’apercevoir En sera le gobeur; 1 ’autre le verra faire. —Si par la l’on juge 1 ’affaire, , Eeprit son compagnon, j’ai Toeil bon, Dieu merci. —Je ne l’ai pas mauvais aussi, Dit 1 ’autre ; et je l’ai vue avant vous, sur ma vie. —He bien ! vous l’avez vue ; et moi je l’ai sentie.” Pendant tout ce bel incident, i Perrin Dandin arrive : ils le prennent pour juge. Perrin fort gravement, ouvre l’huitre, et la gruge, Nos deux messieurs le regardant. Ce repas fait, il dit, d’un ton de president: “ Tenez, la cour vous donne a chacun une ecaille a Sans depens ; et qu’en paix cbacun chez soi s’en aille.” Mettez ce qu’il en coute a plaider aujourd’hui; Comptez ce qu’il en reste a beaucoup de families : Yous verrez que Perrin tire l’argent a lui, Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles. 2. 24 FABLES DE LA FONTAINE. XXIX.— Le Petit Poisson et le Pecheur. Petit poisson deviendra grand, Pourvu que Dieu lui prete vie ; Mais le lacher en attendant, Je tiens pour moi que c’est folie; Car de le rattraper il n’est pas trop certain. Un carpeau, qui n’etait encore que fretin, Fut pris par un peclieur au bord d’une riviere. Tout fait nombre, dit rhomme en voyant son butin; Voila commencement de chere et de festin: Mettons-le en notre gibeciere. Le pauvre carpillon lui dit en sa maniere : Que ferez-vous de moi ? Je ne saurais fournir Au plus qu’une demi-boucbee. LE RENARD ET LES POULETS D’INDE. 25 Laissez-moi carpe devenir; Je serai par vous repechee; i 5 Quelque gros partisan m’achetera bien clier : Au lieu qu’il vous en faut cliercher Peut-etre encor cent de ma taille Pour faire un plat: quel plat! croyez-moi, rien qui vaille. Rien qui vaille! eh bien, soit, repartit le pecheur : 20 Poisson, mon bel ami, qui faites le precheur, Vous irez dans la poele ; et, vous avez beau dire, Des ce soir on vous fera frire. Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l’auras : L’un est sur ; l’autre ne Test pas. 25 XXX.— Le Renard et les Poulets d’Inde. Contre les assauts d’un renard Un arbre a des dindons servait de citadelle. Le perfide ayant fait tout le tour du rempart, Et vu cliacun en sentinelle, S’ecria: “ Quoi! ces gens se moqueront de moi! Eux seuls seront exempts de la commune loi! Non, par tous les dieux ! non.” 11 accomplit son dire. La lune, alors luisant, semblait, contre le sire, Vouloir favoriser la dindonniere gent. Lui, qui n’etait novice au metier d’assiegeant, Eut recours a son sac de ruses scelerates, Feignit vouloir gravir, se guinda sur ses pattes, Puis contrefit le mort, puis le ressuscite. 26 FABLES DE LA FONTAINE. Arlecjuin n’eut execute Tant cle differents personnages. 15 II elevait sa queue, il la faisait briller, Et cent mille autres badinages, Pendant quoi nul din don n’eut ose sommeiller. L’ennemi les lassait en leur tenant la vue Sur meme objet toujours tendue. 20 Les pauvres gens etant a la longue eblouis, Toujours il en tombait quelqu’un: autant de pris, Autant de mis a part: pres de moitie succombe. Le compagnon les porte en son garde-manger. Le trop d’attention qu’on a pour le danger 25 Fait le plus souvent qu’on y tombe. XXXI.— Le Lievre et la Perdrix. Il ne se faut jamais moquer des miserables, Car qui peut s’assurer d’etre toujours heureux ? Le sage Esope dans ses fables Nous en donne un exemple ou deux. Celui qu’en ces vers je propose, 5 Et les siens, ce sont me me chose. Le lievre et la perdrix, concitoyens d’un champ, Yivaient dans un etat, ce sernble, assez tranquille, Quand une meute s’approchant Oblige le premier a chercher un asile: 10 Il s’enfuit dans son fort, met les chiens en defaut, Sans meme en excepter Brifaut. LE LION ET L’ANE CHASSANT. 27 Enfin il se trahit lui-meme Par les esprits sortant de son corps echauffe. Miraut, sur leur odenr ayant philosophe, 15 Conclut que c’est son lievre, et d’u-ne ardeur extreme II le pousse; et Rustaut, qui n’a jamais menti, Dit que le lievre est reparti. Le pauvre malheureux vient mourir a son gite. La perdrix le raille et lui dit: 20 “ Tu te vantais d’etre si vite ! Qu’as-tu fait de tes pieds ?” An moment qu’elle rit, Son tour vient; on la trouve. Elle croit que ses ailes La sauront garantir a toute extremite; Mais la pauvrette avait compte 25 Sans l’autour aux serres cruelles. XXXII.— Le Lion et l’Ane chassant. Le roi des animaux se mit un jour en tete De giboyer; il ceiebrait sa fete. Le gibier du lion, ce ne sont pas moineaux, Mais beaux et bons sangliers, daims et cerfs bons et beaux. Pour reussir dans cette affaire 5 Il se servit du ministere De l’ane a la voix de Stentor. L’ane a messer lion fit office de cor. Le lion le posta, le couvrit de ramee, Lui commanda de braire, assure qu’a ce son 10 Les moins intimides fuiraient de leur maison. Leur troupe n’etait pas encore accoutumee 28 FABLES DE LA FONTAINE. A la tempete de sa voix; L’air en retentissait d’un bruit epouvantable : La frayeur saisissait les hotes de ces bois; Tous fuyaient, tous tombaient au piege inevitable Ou les attendait le lion. “ X’ai-je pas bien servi dans cette occasion ? Dit l’ane en se donnant tout l’honneur de la chasse. —Oui, reprit le lion, c’est bravement crie ; Si je ne connaissais ta personne et ta race, J’en serais moi-meme effraye.” L’ane, s’il eut ose, se fut mis en colere, Encor qu’on le raillat avec juste raison ; Car qui pourrait souffrir un ane fanfaron ? Ce n’est pas la leur caractere. XXXIII.— Le Paon se plaignant a Junon. Le paon se plaignait a Junon. Deesse, disait-il, ce n’est pas sans raison Que je me plains, que je murmure : Le chant dont vous m’avez fait don Deplalt a toute la nature ; Au lieu qu’un rossignol, chetive creature, Forme des sons aussi doux qu’eclatants, Est lui seul l’honneur du printemps. Junon repondit en colere : Oiseau jaloux, et qui devrais te taire, Est-ce a toi d’envier la voix du rossignol, Toi que l’on voit porter a l’entour de ton col LE RAT DE YILLE ET LE RAT DES CHAMPS. Un arc-en-ciel nue de cent sortes de soies; Qui te panades, qui deploies Une si riche queue et qui semble a nos yeux La boutique d’un lapidaire ? Est-il quelque oiseau sous les cieux Plus que toi capable de plaire ? Tout animal n’a pas toutes proprietes. Nous vous avons donne diverses qualites: Les uns ont la grandeur et la force en partage; Le faucon est leger, l’aigle plein de courage ; Le corbeau sert pour le presage; La corneille avertit des malheurs a venir ; Tous sont contents de leur ramage. Cesse done de te plaindre ; ou bien pour te punir, Je t’oterai ton plumage. v/3 NXXIY.— Le Eat de ville et le Eat des champs. Autrefois le rat de ville Invita le rat des champs, D’une facon fort civile, y ji A des reliefs d’ortolans. Sur un tapis de Turquie Le couvert se trouva mis. Je laisse a penser la vie Que brent ces deux amis. FABLES DE LA FONTAINE. Le^regal fut fort honnete ; Eien ne manquait au festin: Mais quelqu’un troubla la fete Pendant qu’ils etaient en train. IO A la porte de la salle Ils entendirent du bruit: v Le rat de ville detale; Son camarade le suit. is Le bruit cesse, on se retire: Rats en campagne aussitot; Et le citadin de dire: “ Acbevons tout notre rot. 20 “ —CTest assez, dit le rustique : Demain vous viendrez chez moi. Ce n’est pas que je me pique De tous vos festins de roi: “ Mais rien ne vient m’interrompre; Je mange tout a loisir. Adieu done. Ei du plaisir Que l^crainte peut corrom] 25 LE RENARD ET LA CIGOGNE. 31 XXXY.— LE EENARD ET LA ClGOGNE. Compere le renard se mit un jour en frarsL Et retmt a diner commere la cisrogne. V, v A . G & f ■> .- ■ 7 .,, Le regal fut petit et sans beaucoup d’apprets : Le galant, pour tout besogne, Avait un brouet clair ; il vivait chichement. Ce brouet fut par lui servi sur une assiette: ^ La cigogne au long bee n’en put attraper miette; Et le drole eut lape le tout en un moment. Pour se venger de cette tromperie, A quelque temps de la, la cigogne le prie. “ Volontiers, lui dit-il; car avec mes amis Je ne fais point ceremonie.” A l’heure dite, il courut au logis De la cigogne son hotesse ; Loua tres-fort sa politesse ; 15 Trouva le diner cuit a point. Bon appetit surtout; renards n’en manquent point. IO 32 FABLES DE LA FONTAINE. II se rejouissait a l’odeur de la viande 20 En un vase a long col et d’etroite embouchure. Le bee de la cigogne y pouvait bien passer; Mais le museau du sire etait d’autre mesure. II lui fallut a jeun retourner au logis, Honteux comme un renard qu’une poule aurait pris, 25 Serrant la queue, et portant bas l’oreille. St- <- - *• ■* . , . Trompeurs, e’est pour vous que j’ecris : Attendez-vous a la pareille. XXXYI. —Le Yillageois et le Serpent. Esope conte qu’un manant Charitable autant que peu sage, Un jour d’hiver se promenant A l’entour de son heritage, Apergut un serpent sur la neige etendu, Transi, gele, perclus, immobile rendu, N’ayant pas a vivre un quart d’heure. Le villageois le prend, l’emporte en sa demeure ; Et, sans considerer quel sera le loyer D’une action de ce merite, 11 l’etend le long du foyer, Le rechauffe, le ressuscite. IO L’animal engourdi sent a peine le chaud, Que l’ame lui revient avecque la colere. 11 leve un peu la tete, et puis sifhe aussitot; LE LOUP ET L’AGNEAU. 33 Puis fait un long repli, puis tache a faire un saut Contre son bienfaiteur, son sauveur, et son pere. Ingrat, dit le manant, voila done mon salaire! Tu mourras I A ces mots, plein d’un juste courroux, II vous prend sa cognee, il vous tranche la bete j 20 II fait trois serpents de deux coups, Un tron^on, la queue, et la tete. L’insecte, sautillant, cherche a se reunir; Mais il ne put y parvenir. II est bon d’etre charitable : 25 Mais envers qui ? e’est la le point. Quant aux ingrats, il n’en est point Qui ne rneure enfin miserable. La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l’allons montrer tout a l’heure. FABLES DE LA FONTAINE. Un agneau se desalterait Dans le courant d’une onde pure. Un loup survient a jeun, qui cherchait aventure, Et que la faim en ces lieux attirait. “ Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage Dit cet animal plein de rage : Tu seras chatie de ta temerite.” “—Sire, repond 1’agneau, que votre majeste Ne se mette pas en colere ; Mais plutot qu’elle considere Que je me vas desalterant Dans le courant, Plus de vingt pas au-dessous d’elle ; Et que, par consequent, en aucune fa 9 on, Je ne puis troubler sa boisson.” “ Tu la troubles ! reprit cette bete cruelle ; Et je sais que de moi tu medis 1’an passe.” “ Comment l’aurais-je fait si je n’etais pas ne ? Pteprit l’agneau; je tette encor ma mere.—” Si ce n’est toi, c’est done ton frere.—” “ Je n’en ai point.”— a C’est done quelqu’un tiens ; Car vous ne m’epargnez guere, Yous, vos bergers, et vos chiens. On me l’a dit: il faut que je me venge.” La-dessus, au fond des forets Le loup l’emporte, et puis le mange Sans autre forme de proces. LE LOUP, LA CHEVRE ET LE CHEVREAU. 35 XXXVIII.— Le Loup, la Chevre et le Cheyreau. i La bique, allant remplir sa trainante mameile, Et paitre l’herbe nouvelle, Ferma sa porte au loqnet, Xon sans dire a son biquet: “ Gardez-vous, snr votre vie, 5 D’ouvrir qne Ton ne vous die, Ponr enseigne et mot du guet : ‘ Eoin dn loup et de sa race!’” Comme elle disait ces mots, Le loup, de fortune, passe; 10 II les recueille a propos, Et les garde en sa memoire. La bique, comme on peut croire, X’avait pas vu le glouton. D^s qu’il la voit partie, il contrefait son ton, r5 Et, dune voix papelarde, II demande qu’on ouvre, en disant: “Eoin du loup !” Et croyant entrer tout d’un coup. Le biquet soupQonneux par la fente regarde : “ Montrez-moi patte blanche, ou je n’ouvrirai point,” 20 S ecria-t-il d’abord. Patte blanche est un point Chez les loups, comme on sait, rarement en usage. Celui-ci, fort surpris d’entendre ce langage, Comme il etait venu s’en retourna chez soi, Ou serait le biquet s’il eut ajoute foi D 25 36 FABLES DE LA FONTAINE. All mot du guet que, de fortune, Notre loup avait entendu ? Deux suretes valent mieux qu’une Et le trop en cela ne fut jamais perdu. XNXIX.—L’Ane et le petit Chien. Np foronns noirit n xo Ne forQons point notre talent; Nous ne feriqns rien avec grace : Jamais un lourdaud, quoi qu’il fasse, Ne saurait passer pour galant. Peu de gens, que le ciel client et gratifie, Ont le don d’agreer infus avec la vie. C’est un point qu’il leur faut laisser, Et ne pas ressembler a l’&ne de la fable, Qui, pour se rendre plus aimable Et plus cher a son maitre, alia le caresser. “ Comment! disait-il en son ame, Ce chien, parce qu’il est mignon, Yivra de pair a compagnon \ Avec monsieur, avec madame; Et j’aurai des coups de baton ! Que fait-il ? il donne la patte ; Puis aussitot il est baise : S’il en faut faire autant afin que l’on me flatte, Cela n’est pas bien malaise.” Dans cette admirable pensee, Voyant son maitre en joie, il s’en vient lourdement, i 15 20 LE SINGE ET LE CHAT. 37 Leve une corne tout usee, La lui porte au menton fort amoureusement, Non sans accompagner, pour plus grand ornement, De son chant gracieux cette action hardie. “ Oh ! oh! quelle caresse ! et quelle melodie ! Dit le maitre aussitot. Hola, Martin-baton !” Martin-baton accourt: bane change de ton. Ainsi finit la comedie. XL.— Le Singe et le Chat. Bertrand avec Baton, Tun singe et l’autre chat, Commensaux d’un logis, avaient un commun maitre. D’animaux malfaisants c’etait un tres-bon plat : Ils n’y craignaient tous deux aucun, quel qu’il put etre. Trouvait-on quelque chose au logis de gate, 5 L’on ne s’en prenait point aux gens du voisinage: Bertrand derobait tout; Baton, de son cote, Etait moins attentif aux souris qu’au fromage. Un jour, au coin du feu, nos deux maitres fripons Begardaient rotir des marrons. 10 Les escroquer etait une tres-bonne affaire: Nos galants yvoyaient double profit a faire; Leur bien premierement, et puis le mal d’autrui. Bertrand dit a Baton : “ Frere, il faut aujourd’hui Que tu fasses un coup de maitre; 15 Tire-moi ces marrons. Si Dieu m’avait fait naitre Propre a tirer marrons du feu, Certes, marrons verraient beau jeu.” 38 FABLES DE LA FONTAINE. Aussitot fait que ciit: Eaton, avec sa patte, D’une maniere delicate, fearte nn peu la cendre, et retire les doigts; Puis les reporte a plusieurs fois, Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque Et cependant Bertrand les croque. Une servante vient: adieu mes gens. Eaton N’etait pas content, ce dit-on. Aussi ne le sont pas la plupart de ces princes Qui, flattes d’un pareil emploi, Vont s’echauder en des provinces Pour le profit de quelque roi. XLI.— Le Berger et son Troupeau. “ Quoi! toujours il me manquera Quelqu’un de ce peuple imbecile ! Toujours le loup m’en gobera ! J’aurai beau les compter! ils etaient plus de mille, Et m’ont laisse ravir notre pauvre Eobin! Eobin mouton, qui par la ville Me suivait pour un peu de pain, Et qui m’aurait suivi jusques au bout du monde! Helas ! de ma musette il entendait le son ; II me sentait venir de cent pas a la ronde. Ah ! le pauvre Eobin mouton!” Quand Guillot eut fini cette oraison funebre, Et rendu de Eobin la memoire celebre, LE RENARD ET LE BOUC. 39 II harangua tout le troupeau, Les chefs, la multitude, et jusqu’au moindre agneau, 15 Les conjurant de tenir ferme : Cela seul suffirait pour ecarter les loups. Foi de peuple d’honneur ils lui promirent tous De ne bouger non plus qu’un terme. “ Nous voulons, dirent-ils, etouffer le glouton 20 Qui nous a pris Bobin mouton Chacun en repond sur sa tete. Guillot les crut, et leur fit fete. Cependant, devant qu’il fut nuit, II arriva nouvel encombre : 25 Un loup parut; tout le troupeau s’enfuit. Ce n’etait pas un loup, ce n’en etait que l’ombre. Haranguez de mediants soldats; Ils promettront de faire rage : Mais, au moindre danger, adieu tout leur courage ; 30 Votre exemple et vos cris ne les retiendront pas. XLIL—Le Benard et le Bouc. Capitaine renard allait de compagnie Avec son ami bouc des plus haut encorn4s : Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez; L’autre etait passe maltre en fait de tromperie. La soif les obligea de descendre en un puits : La, chacun d’eux se desaltere. Aprks qu’abondamment tous deux en eurent pris, ' I 40 FABLES DE LA FONTAINE. Le renard dit an bone: Que ferons-nous, compere ? Ce n’est pas tout de boire, il faut sortir d’ici. Leve tes pieds en haut, et tes cornes anssi; 10 Mets-les contre le mur: le long de ton echine Je grimperai premierement; Puis sur tes cornes m’&evant, A l’aide de cette machine, De ce lieu-ci je sortirai, 15 Apres quoi je t’en tirerai. Par ma barbe, dit l’autre, il est bon; et je loue Les gens bien senses comme toi. Je n’aurais jamais, quant a moi, Trouve ce secret, je l’avoue. 20 Le renard sort du puits, laisse son compagnon, Et vous lui fait un beau sermon Pour l’exhorter a patience. Si le ciel t’eut, dit-il, donne par excellence Autant de jugement que de barbe au menton, 25 Tu n’aurais pas, a la 14 gere, Descendu dans ce puits. Or, adieu; j’en suis hors : Tache de t’en tirer, et fais tous tes efforts; Car, pour moi, j’ai certaine affaire Qui ne me permet pas d’arreter en chemin. 3° En toute chose il faut considerer la fin. XLIII.— Le Pot de terre et le Pot de fer. Le pot de fer proposa Au pot de terre un voyage. LE POT DE TERRE ET LE POT DE FER. 41 Celui-ci s’en excusa, Disant qu’il ferait que sage De garder le coin du feu : 5 Car il lui fallait si peu, Si peu que la moindre chose De son debris serait cause: II n’en reviendrait morceau. “ Pour vous, dit-il, dont la peau 10 Est plus dure que la mienne, Je ne vois rien qui vous tienne. —Nous vous mettrons a couvert, Eepartit le pot de fer : Si quelque matiere dure 15 Vous menace d’aventure, Entre deux je passerai, Et du coup vous sauverai.” Cette offre le persuade. Pot de fer son camarade 20 Se met droit a ses cotes. Mes gens s’en vont a trois pieds Clopin dopant comme ils peuvent, L’un contre l’autre jetes Au moindre hoquet qu’ils treuvent. 25 Le pot de terre en souffre; il n’eut pas fait cent pas Que par son compagnon il fut mis en eclats. Sans qu’il eut lieu de se plaindre. Ne nous associons qu’avecque nos egaux; Ou bien il nous faudra craindre Le destin d’un de ces pots. 3 ° 42 FABLES DE LA FONTAINE. XLIY.— Le Chene et le Roseau. Le chene un jour dit au roseau : “ Yous avez bien sujet d’accuser la nature; Un roitelet pour vous est un pesant fardeau: Le moindre vent qui d’aventure Fait rider la face de l’eau, Yous oblige a baisser la tete; Cependant que mon front, au Caucase pareil, Non content d’arreter les rayons du soleil, Brave l’effort de la tempete. Tout vous est aquilon, tout me semble zephyr. Encor si vous naissiez a l’abri du feuillage Dont je couvre le voisinage, Yous n’auriez pas tant a souffrir; Je vous defendrais de l’orage : Mais vous naissez le plus souvent Sur les humides bords des royaumes du vent. La nature envers vous me semble bien injuste. —Yotre compassion, lui repondit l’arbuste, Part d’un bon naturel; mais quittez ce souci: Les vents me sont moins qu’a vous redoutables , Je plie, et ne r,omps pas. Yous avez jusqu’ici Contre leurs coups epouvantables Resiste sans courber le dos; Mais attendons la fin.” Comme il disait ces mots, Du bout de l’horizon accourt avec furie Le plus terrible des enfants LE COCHE ET LA MOUCHE. 45 Que le nord eftt portes jusque-la dans ses flancs. L’arbre tient bon ; le roseau plie. Le vent redouble ses efforts, Et fait si bien qu’il deracine Celui de qui la tete au ciel etait voisine, Et dont les pieds touchaient a l’empire des morts 30 XLY.—Le Coche et la Mouche. Dans un chemin montant, sablonneux, malaise, Et de tous les cotes au soleil expose, Six forts chevaux tiraient un cocbe. Femmes, moine, vieillards, tout etait descendu : L’attelage suait, soufflait, etait rendu. 5 Une mouche survient, et des chevaux s’approche, Pretend les animer par son bourdonnement; Pique l’un, pique l’autre, et pense a tout moment Qu’elle fait aller la machine; S’assied sur le timon, sur le nez du cocher. 10 Aussitot que le char chemine, Et qu’elle voit les gens marcher, Elle s’en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l’empressee: il semble que ce soit Un sergent de bataille allant en chaque endroit 15 Eaire avancer ses gens et hater la victoire. La mouche, en ce commun besoin, Se plaint qu’elle agit seule, et qu’elle a tout le soin; Qu’aucun n’aide aux chevaux a se tirer d’affaire. 42 FABLES DE LA FONTAINE. Le moine disait son breviaire : 20 II prenait bien son temps ! une femme cbantait: C’etait bien de chansons qu’alors il s’agissait! Dame mouche s’en va chanter a leurs oreilles, Et fait cent sottises pareilles. Apres bien du travail, le coche arrive an hant: 25 Eespirons maintenant! dit la mouche aussitot: J’ai fait tant que nos gens sont enfin dans la plaine. Qa, messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine. Ainsi certaines gens, faisant les empresses, S’introduisent dans les affaires : 3c Ils font partout les necessaires, Et partout importuns, devraient etre chasses. / XLYI.— Le Coq et le Eenard. d’un arbre etait en sentinelle . ~ ^ ™ +- /->+■ TV1 O 4-/-V1 O Sur la branche d’un arbre etait en sentinelle Un vieux coq ndroit et matois. Frere, dit un renard, adoucissant sa voix, Nous ne sommes plus en querelle: Paix generale cette fois. s Je viens te l’annoncer ; descends, que je t’embrasse ; Ne me retarde point, de grace ; Je dois faire aujourd’hui vingt postes sans manquer. Les tiens et toi pouvez vaquer, Sans nulle crainte, k vos affaires. 10 Nous vous y servirons en freres. CONSEIL TENU PAR LES RATS. 45 15 Faites-en les feux des ce soir ; Et cependant viens recevoir Le baiser d’amour fraternelle. —Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais Apprendre une pins douce et meilleure nouvelle Que celle De cette paix; 1 Et ce m’est une double joie De la tenir de toi. Je vois deux levriers, 2Q Qui, je m’assure, sont courriers . Que pour ce sujet on envoie: Us vont vite, et seront dans un moment a nous. Je descends : nous pourrons nous entre-baiser tous. —Adieu, dit le renard, ma traite est longue a faire : 25 Nous nous rejouirons du succes de l’affaire Une autre fois. Le galant aussitot Tire ses gregues, gagne au baut, Mai content de son stratageme. Et notre vieux coq en soi-meme 3Q Se mit a rire de sa peur; Car c’est double plaisir de tromper le trompeur. XLVII.— CONSEIL TENU PAR LES RATS. Un chat, nomme Rodilardus, Faisait de rats telle deconlrture Que l’on n’en voyait presque plus, Tant il en avait mis ■dedans la sepulture. 46 FABLES DE LA FONTAINE. Le peu qu’il en restait, n’osant quitter son trou, 5 Ne trouvait a manger que le quart de son soul; Et Eodilard passait, cliez la gent miserable, Non pour un chat, mais pour un diable. Or, un jour qu’au haut et au loin Le galant alia chercher femme, 10 Pendant tout le safcWE'cpi’il fit avgc sa dame, Le demeurant des rats tint ctiapitre eh un coin Sur la necessite presente. Des l’abord, leur doyen^ personne forte prudente, Opina qu’il fallait, et plus tot que plus tard is Attacher un grelo^au cou de Eodilard ; Qu’ainsi, quand il irait en guerre, De sa marche avertis ils s’enfuiraient sous terre : Qu’il n’y savait que ce moyen. Cliacun fut de l’avis de monsieur le doyen : 20 Chose ne leur parut a tous plus salutaire. La difficulty fut d’attacher le grelot. L’un dit: “ Je n’y vas point, je ne suis pas si sot • Q'V # # L’autre: “ Je ne saurais.” Si hien que sans rien faire On^^cful^fe*^ J’ai maints chapitres vus 25 Qui pour nemftfse sont ainsi te*n!is ; Chapitres, non de rats, mais chapitres de momcs^ Yoire\;hapitres de chanoinesT^ Ne faut-il que deliberer ? La cour en conseillers foisonne : Est-il besoin d’executer ? L’on ne rencontre plus personne. LE RENARD, LE LOUP ET LE CHEVAL. 47 N yXLYIII.— Le Renard, le Loup et le Cheval. Un renard, jeune encor, quoique des plus madres, Yit le premier cheval qu’il eut vu de sa vie. II dit a certain, loup, franc novice : “ Accourez, Un animal pait dans nos pres, Beau, grand ; j’en ai la vue encor toute ravie. 5 Est-il plus fort que nous ? dit le loup en riant. Fais-moi son portrait, je te prie.— Si j’etais quelque peintre ou quelque etudiant, Repartit le renard, j’avancerais la joie Que vous aurez en le voyant. 10 Mais venez. Que sait-on ? peut-etre est-ce une proie Que la fortune nous envoie. Ils vont; et le cheval, qu’a l’herbe on avait mis, Assez peu curieux de semblables amis, Rut presque sur le point d’enfiler la venelle. 15 Seigneur, dit le renard, vos humbles serviteurs Apprendraient volontiers comment on vous appelle. Le cheval, qui n’^tait depourvu de cervelle, Leur dit: Lisez mon nom, vous le pouvez, messieurs ; Mon cordonnier l’a mis autour de ma semelle. 20 Le renard s’excusa sur son peu de savoir. Mes parents, reprit-il, ne m’ont point fait instruire ; Ils sont pauvres, et n’ont qu’un trou pour tout avoir ; Ceux du loup, gros messieurs, l’ont fait apprendre a lire. Le loup, par ce discours flatte, S’approcha. Mais sa vanite 25 48 FABLES DE LA FONTAINE. Lui couta quatre dents : le cheval Ini desserre Un coup; et haut le pied. Voila mon loup par terre ; Mai en point, sanglant, et gate. Frere, dit le renard, ceci nous justifie 30 Ce que m’ont dit des gens d’esprit: Get animal vous a sur la machoire ecrit Que de tout inconnu le sage se mefie. XLIX.—Le Loup devenu Berger. Un loup qui commen^ait d’avoir petite part Xux brebis de son voisinage, Crut qu’il fallait s’aider de la peau du renard, Et faire un nouveau personnage. 11 s’habille en berger, endosse un hoqueton, 5 Fait sa houlette d’un baton, Sans oublier la cornemuse. Pour pousser jusqu’au bout la ruse, 11 aurait volontiers ecrit sur son chapeau : “ C’est moi qui suis Guillot, berger de ce troupeau.” 10 Sa personne etant ainsi faite, Et ses pieds de devant poses sur sa houlette, Guillot le sycophante approche doucement. Guillot, le vrai Guillot, etendu sur l’herbette, Dormait alors profondement; 15 Son chien dormait aussi, comme aussi sa musette: La plupart des brebis dormaient pareillement. LE GLAND ET LA CITROUILLE. 49 L’hypocrite les laissa faire ; Et, pour pouvoir mener vers son fort les brebis, II voulut ajouter la parole aux habits, 2 c Chose qu’il croyait necessaire ; Mais cela gata son affaire : II ne put du pasteur contrefaire la voix. Le ton dont il parla fit retentir les bois, Et decouvrit tout le mystere. 25 Chacun se reveille a ce son, Les brebis, le chien, le gar^on. Le pauvre loup, dans cet esclandre, Empeche par son hoqueton, Ne put ni fuir ni se defendre. 3 o Toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre. Quiconque est loup agisse en loup : C’est le plus certain de beaucoup. L.—Le Gland et la Citrouille. Dieu fait bien ce qu’il fait. Sans en chercher la preuve En tout cet univers, et l’aller parcourant, Dans les citrouilles je la treuve. Un villageois, considerant Combien ce fruit est gros et sa tige menue : s “ A quoi songeait, dit-il, l’auteur de tout cela ? II a bien mal place cette citrouille-la! 50 FABLES DE LA FONTAINE. Eh parbleu! je l’aurais pendue A bun des chenes que voila ; C’eut ete justement 1 ’affaire : 10 Tel fruit, tel arbre, pour bien faire. CTest dommage, Garo, que tu n’es point entre Au conseil de Celui que preche ton cure ; Tout en eut ete mieux : car pourquoi, par exemple, Le gland, qui n’est pas gros comme mon petit doigt, is Ne pend-il pas en cet endroit ? Dieu s’est mepris : plus je contemple Ces fruits ainsi places, plus il semble a Garo Que l’on a fait un quiproquo.” Cette reflexion embarrassant notre homme: “ On ne dort point, dit-il, quand on a tant d’esprit Sous un chene aussitot il va prendre son somme. Un gland tombe: le nez du dormeur en patit. Il s’eveille; et, portant la main sur son visage, Il trouve encor le gland pris au poil du menton. Son nez meurtri le force a changer de langage. “ Oh ! oh! dit-il, je saigne ! Et que serait-ce done S’il fut tombe de l’arbre une masse plus lourde, Et que ce gland eut ete gourde ? Dieu ne l’a pas voulu : sans doute il eut raison; J’en vois bien a present la cause.” En louant Dieu de toute chose Garo retourne a la maison. LE CHEYAL S’ETANT YOULU VENGER DU CERF. LI.— Le Cheval s’etant youlu yenger du Cere. De tout temps les chevaux ne sont nes pour les hommes. Lorsque le genre humain de glands se contentait, Ane, cheval, et mule, aux forets habitait, Et Ton ne voyait point, comme au siecle ou nous sommes, Tant de selles et tant de bats, 5 Tant de barnois pour les combats, Tant de chaises, tant de carrosses: Comme aussi ne voyait-on pas Tant de festins et tant de noces. Or, un cheval eut alors differend u> Avec un cerf plein de vitesse; Et, ne pouvant l’attraper en courant, II eut recours a Tbomme, implora son adresse. L’bomme lui mit un frein, lui sauta sur le dos, bTe lui donna point de repos X5 E 52 ‘ FABLES DE LA FONTAINE. Que le cerf ne fut pris, et n’y laissat la vie. Et cela fait, le cheval remercie L’homme son bienfaiteur, disant: Je suis a vous ; Adieu; je m’en retourne en mon sejour sauvage. Non pas cela, dit rhomme ; il fait meilleur cbez nous Je vois trop quel est votre usage. Demeurez done ; vous serez bien traite, Et jusqu’au ventre en la litiere. Helas ! que sert la bonne chere Quand on n’a pas la liberte ? Le cheval s’aperqut qu’il avait fait folie; Mais il n’etait plus temps ; deja son ecurie Etait prete et toute batie. Il y mourut en trainant son lien : Sage s’il eut remis une legere offense. Quel que soit le plaisir que cause la vengeance, C’est l’acheter trop cher que l’acheter d’un bien Sans qui les autres ne sont rien. 20 25 LE LIEYRE ET LES GRENOUILLES. 53 ✓ LII.— Le LiLvre et les Grenouilles. Un lievre en son gite songeait (Car que faire en nn gite, a moins que l’on ne songe ?), Dans un profond ennui ce lievre se plongeait: Cet animal est triste, et la crainte le ronge. “ Les gens de naturel peureux . Sont, disait-il, bien malheureux ! Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite : Jamais un plaisir pur; toujours assauts divers. Yoila comme je vis : cette crainte maudite M’empeche de dormir sinon les yeux ouverts. « Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle. Eli! la peur se corrige-t-elle ? Je crois meme qu’en bonne foi Les bommes ont peur comme moi.” 54 FABLES DE LA FONTAINE. Ainsi raisonnait notre lievre, 15 Et cependant faisait le guet. II etait douteux, inquiet; Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fievre. Le melancolique animal, En revant a cette matiere, Entend un leger bruit : ce lui fut un signal Pour s’enfuir devers sa taniere. II s’en alia passer sur le bord d’un etang. Grenouilles aussitot de sauter dans les ondes ; Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes. « Ob! dit-il, j’en fais faire autant Qu’on m’en fait faire ! Ma presence Effraie aussi les gens ! je mets l’alarme au camp ! Et d’ou me vient cette vaillance ? Comment! des animaux qui tremblent devant moi! 3° Je suis done un foudre de guerre! II n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre, Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi.” LIIL— Le Heron. Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais ou, Le heron au long bee emmanche d’un long cou : II cotoyait une riviere. L’onde etait transparente ainsi qu’aux plus beaux jours; Ma commere la carpe y faisait mille tours Avec le brochet son compere. Le heron en eut fait aisement son profit: LE HERON. 55 I oiib approcliaient du bord j 1 oisGau n’avait qu 5 a prendre, Mais il crut mieux faire d’attendre Qu’il eut un peu plus d’appetit : II vivait de regime et mangeait a ses heures. Apres quelques moments l’appetit vint: l’oiseau, S’approchant du bord, vit sur l’eau Des tanclies qui sortaie'nt du fond de ces demeures. Le mets ne lui plut pas • il s’attendait a mieux, I5 Et montrait un gout dedaigneux Comme le rat du bon Horace. Moi, des tanclies ! dit-il • moi, heron, que je fasse Une si pauvre chere ! Et pour qui me prend-on ! ” La tanche rebutee, il trouva du goujon. so ' Du goujon! c’est bien la le diner d’un heron ! J ouvrirais pour si peu le bee 1 aux dieux ne plaise 1” Il Touvrit pour bien moins : tout alia de fa^on Quil ne vit plus aucun poisson. La faim le prit: il fut tout heureux et tout aise 25 De rencontrer un lima^on. Ne soyons pas si difficiles: Les plus accommodants, ce sont les plus habiles; On hasarde de perdre en voulant trop gagner. Gardez-vous de rien dedaigner, 30 Surtout quand vous avez a peu pres votre compte. Bien des gens y sont pris. Ce n’est pas aux herons Que je parle : ecoutez, humains, un autre conte; Vous verrez que chez vous j’ai puis4 ces le 9 ons. ’ 56 FABLES DE LA FONTAINE. LIY.—Le LlfeVRE ET LA TORTUE. Eien ne sert cle courir; il faut partir a point: Le lievre et la tortue en sont im temoignage. Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point Sitot que moi ce but.—Sitot! etes-vous sage ? Repartit l’animal leger : s Ma commere, il faut vous purger Avec quatre grains d’ellebore.— Sage, ou non, je parie encore. Ainsi fut fait; et de tous deux On mit pres du but les enjeux. *° Savoir quoi, ce n’est pas l’affaire, Ni de quel juge l’on convint. Notre lievre n’avait que quatre pas a faire; J’entends de ceux qu’il fait lorsque, pres d’etre atteint, Us s’eloigne des cbiens, les renvoie aux calendes, 15 Et leur fait arpenter les landes. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, Pour dormir, et pour ecouter D’ou vient le vent, il laisse la tortue Aller son train de senateur. Elle part, elle s’evertue; Elle se bate avec lenteur. Lui cependant meprise une telle victoire, Tient la gageure a peu de gloire, Croit qu’il y va de son honneur De partir tard. Il broute, il se repose; 25 LA TORTUE ET LES DEUX CANARDS. 57 II s’amuse a tout autre chose Qu’a la gageure. A la fin, quand il vit Que 1 autre touchait presque au bout de la carriere, II partit comme un trait; mais les elans qu’il fit 3 o Furent vains : la tortue arriva la premiere. Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison? De quoi vous sert votre vitesse ? Moi Temporter! et que serait-ce Si vous portiez une maison ? 35 DV.— La Tortue et les deux Canards. Une tortue etait, a la tete legere, Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays. Volontiers on fait cas d’une terre etrangere; Yolontiers gens boiteux haissent le logis. Deux canards, a qui la commere Communiqua ce beau dessein, Lui dirent qu’ils avaient de quoi la satisfaire. “ Voyez-vous ce large chemin? Nous vous voiturerons, par l’air, en Amerique: Vous verrez mainte republique, Maint royaume, maint peuple; et vous profiterez Des differentes moeurs que vous remarquerez. Ulysse en fit autant.” On ne s’attendait guere De voir Ulysse en cette affaire. La tortue ecouta la proposition. Marche fait, les oiseaux forgent une machine Pour transporter la pelerine. 58 FABLES DE LA FONTAINE. Dans la gueule, en travers, on lui passe nn baton. “ Serrez bien, dirent-ils, gardez de lacher prise.” Puis cliaque canard prend ce baton par nn bout. 20 La tortue enlevee, on s’etonne partont De voir alter en cette guise L’animal lent et sa maison, Justement au milieu de l’un et l’autre oison. “ Miracle ! criait-on : venez voir dans les nues 25 Passer la reine des tortues. —La reine ! vraiment oui: je la suis en effet; ISTe vous en moquez point.” Elle eut beaucoup mieux fait De passer son cbemin sans dire aucune chose; Car, lachant le baton en desserrant les dents, 30 Elle tombe, elle creve aux pieds des regardants. Son indiscretion de sa perte fut cause. Imprudence, babil et sotte vanite, Et vaine curiosite, Ont ensemble etroit parentage : 35 Ce sont enfants tous d’un lignage. LYI. —Le Vieillard et les trois jeunes Hommes. Un octogenaire plantait. “ Passe encor de batir; mais planter a cet age ! ” Disaient trois jouvenceaux, enfants du voisinage : Assurement il radotait. “ Car, au nom des dieux, je vous prie, Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir ? 5 LE VIEILLARD ET LES TROIS JEUNES HOMMES. 59 Autant qu’un patriarche il vous fandrait vieillir. A quoi bon charger votre vie Des soins dun avenir qui n’est pas fait pour vous ? He songez desormais qu’a vos erreurs passees : IO Quittez le long espoir et les vastes pensees; Tout cela ne convient qu’a nous. —II ne convient pas a vous-memes, Eepartit le vieillard. Tout ^tablissement Yient tard, et dure peu. La main des Parques blemes i S De vos jours et des miens se joue egalement. Nos termes sont pareils par leur courte duree. Qui de nous des clartes de la voute azuree Doit jouir le dernier ? Est-il aucun moment Qui vous puisse assurer d’un second seulement ? 20 Mes arriere-neveux me devront cet ombrage : Eh bien! defendez-vous au sage De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ? Cela meme est un fruit que je goute aujourd’hui: J’en puis jouir demain, et quelques jours encore; 25 Je puis enfin compter l’aurore Plus d’une fois sur vos tombeaux.” Le vieillard eut raison : l’un des trois jouvenceaux Se noya des le port, allant a l’Amerique; L’autre, afin de monter aux grandes dignites, 3 o Dans les emplois de Mars servant la republique, Par un coup imprevu vit ses jours emportes; Le troisieme tomba d’un arbre Que lui-meme il voulut enter • Et, pleures du vieillard, il grava sur leur marbre 35 Ce que je viens de raconter. 60 FABLES DE LA FONTAINE. LVII.— Les Gkenouilles qui demandent un Roi. Les grenouilles se lassant De l’etat democratique, Par leurs clameurs firent tant Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique. II leur tomba du ciel un roi tout pacifique : 5 Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant Que la gent marecageuse, Gent fort sotte et fort peureuse, S’alla cacher sous les eaux, Dans les joncs, dans les roseaux, Dans les trous du marecage, Sans oser de longtemps regarder au visage Celui qu’elles croyaient etre un geant nouveau. Or c’etait un soliveau, De qui la gravite fit peur a la premiere 15 L’ANE ET LE CHIEN. 61 Qui, de le voir s’aventurant, Osa bien quitter sa taniere. Elle approcha, mais en tremblant. Une autre la suivit, une autre en fit autant: II en vint une fourmiliere; zo Et leur troupe a la fin se rendit familiere Jusqu’a sauter sur l’epaule du roi. Le bon sire le souffre et se tient toujours coi. Jupin en a bientot la cervelle rompue : “ Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue!” 25 Le monarque des dieux leur envoie une grue - Qui les croque, qui les tue, Qui les gobe a son plaisir; Et grenouilles de se plaindre, Et Jupin de leur dire : “ Eli quoi! votre desir 3 o A ses lois croit-il nous astreindre ? Yous avez du premierement Garder votre gouvernement; Mais ne l’ayant pas fait, il vous devait suffire Que votre premier roi fut debonnaire et doux: 35 De celui-ci contentez-vous, De peur d’en rencontrer un pire.” LYIIT.— L’Ane et le Chiex. II se faut entr’aider; c’est la loi de nature. L’ane un jour pourtant s’en moqua : Et ne sais comme il y manqua, Car il est bonne creature. Il allait par pays, accompagne du chien, 62 FABLES DE LA FONTAINE. Gravement, sans songer a rien; Tons deux suivis d’un commun maitre. Ce maitre s’endormit. L’ane se mit a paitre : II etait alors dans un pre % Dont l’herbe etait fort a son gre. « Point de chardons pourtant; il s’en passa pour l’heure: II ne faut pas toujours etre si delicat; Et faute de servir ce plat, Rarement un festin demeure. Notre baudet s’en sut enfin xs Passer pour cette fois. Le chien mourant de faim, Lui dit: “ Cher compagnon, baisse-toi, je te prie: Je prendrai mon diner dans le panier au pain.” Point de reponse; mot: le roussin d’Arcadie Craignit qu’en perdant un moment 2C II ne perdit un coup de dent. II fit longtemps la sourde oreille. Enfin il repondit: “ Ami, je te conseille D’attendre que ton maitre ait fini son sommeil; Car il te donnera sans faute a son reveil 2= Ta portion accoutumee: Il ne saurait tarder beaucoup.” Sur ces entrefaites un loup Sort du bois, et s’en vient: autre bete affamee. L’ane appelle aussitot le chien a son secours. ^0 Le chien ne bouge, et dit: “ Ami, je te conseille De fuir en attendant que ton maitre s’eveille ; Il ne saurait tarder: detale vite, et cours. Que si ce loup t’atteint, casse-lui la machoire: On t’a ferre de neuf; et, si tu me veux croire, 35 L’CEIL DU MAtTRE. 63 Tu 1 etendras tout plat.” Pendant ce beau discours, Seigneur loup etrangla le baudet sans remede. Je conclus qu’il faut qu’on s’entr’aide. LIX.—L’GEil du MaItre. Un cerf, s’etant sauve dans une etable a boeufs, Put d’abord averti par eux Qu’il cherchat un meilleur asile. Mes freres, leur dit-il, ne me decelez pas: Je vous enseignerai les patis les plus gras; Ce service vous peut quelque jour etre utile, Et vous n’en aurez point regret. Les boeufs, a toutes fins, promirent le secret. II se cache en un coin, respire, et prend courage; Sui le soir on apporte herbe fraiche et fourrage, ic Comme l’on faisait tous les jours : L’on va, l’on vient, les valets font cent tours, L intendant meme : et pas un d’aventure X’aper^ut ni cor, ni ramure, Ni cerf enfin. L’habitant des forets IS Pend deja grace aux boeufs, attend dans cette etable Que, chacun retournant au travail de Ceres, II trouve pour sortir un moment favorable. L un des boeufs ruminant lui dit: “ Cela va bien; Mais quoi! 1 ’homme aux cent yeux n’a pas fait sa revue: 20 Je Grains fort pour toi sa venue; Jusque-la, pauvre cerf, ne te vante de rien.” La-dessus le maitre entre et vient faire sa ronde. 64 FABLES DE LA FONTAINE. “ Qu’est-ce ci ? dit-il a son monde; Je trouve bien peu d’herbe en tous ces rateliers. Cette litiere est vieille; allez vite aux greniers. Je veux voir desormais vos betes mieux soignees. Que coute-t-il d’oter toutes ces araignees ? Xe saurait-on ranger ces jougs et ces colliers ?” En regardant a tout il voit une autre tete Que celles qu’il voyait d’ordinaire en ce lieu. Le cerf est reconnu : cbacun prend un epieu ; Chacun donne un coup a la bete. Ses larmes ne sauraient la sauver du trepas. On l’emporte, on la sale, on en fait rnaint repas Dont maint voisin s’ejouit d’etre. Phedre sur ce sujet dit fort elegamment: “ II n’est, pour voir, que l’ceil du maitre.” Quant a moi, j’y mettrais encor l’ceil de l’amant. LX.— Le Lion et le Moucheeon. “ Va-t’en, chetif insecte, excrement de la terre !” C’est en ces mots que le lion Parlait un jour au moucheron. L’autre lui declara la guerre : “ Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi Me fasse peur ni me soucie ? Un bceuf est plus puissant que toi: Je le mene a ma fantaisie.” A peine il acbevait ces mots 25 30 35 5 LE LION ET LE MOUCHERON. Que lui-meme il sonna la charge, Fut le trompette et le lieros. Dans l’abord il se met au large; Puis prend son temps, fond sur le cou Du lion, qu’il rend presque fou. Le quadrupede ecume, et son ceil etincelle; Il rugit. On se cache, on tremble a l’environ; Et cette alarme universelle Est l’ouvrage d’un moucheron. Un avorton de mouche en cent lieux le harcele; Tantot pique Techine, et tantot le museau, Tantot entre au fond du naseau. La rage alors se trouve a son faite rnontee. L’invisible ennemi triomphe, et rit de voir Qu’il n’est griffe ni dent en la bete irritee Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir. Le malheureux lion se dechire lui-meme, Fait resonner sa queue a l’entour de ses flancs, Bat l’air, qui n’en peut mais; et sa fureur extreme Le fatigue, 1 ’abat: le voila sur les dents. L’insecte du combat se retire avec gloire: Comme il sonna la charge, il sonne la victoire, Ya partout l’annoncer, et rencontre en chemin L’embuscade d’une araignee; Il y rencontre aussi sa fin. Quelle chose par la nous peut etre enseignee ? J’en vois deux, dont l’une est qu’entre nos ennemis Les plus a craindre sont souvent les plus petits; L’autre qu’aux grands perils tel a pu se soustraire, Qui perit pour la moindre affaire. 66 FABLES DE LA FONTAINE. LXI.— Le Rat et l’Huitre. Un rat, hote d’un champ, rat de peu de cervelle, Des lares paternels un jour se trouva soul. II laisse la le champ, le grain, et la javelle, Ya courir le pays, abandonne son trou. Sitot qu’il fut hors de la case: Que le monde, dit-il, est grand et spacieux ! Yoila les Apennins, et voici le Caucase! La moindre taupinee etait mont a ses yeux. Au bout de quelques jours le voyageur arrive En un certain canton ou Tethys sur la rive Avait laisse mainte huitre; et notre rat d’abord Crut voir, en les voyant, des vaisseaux de haut bord. Certes, dit-il, mon pere etait un pauvre sire! II n’osait voyager, craintif au dernier point. Pour moi, j’ai deja vu le maritime empire: J’ai passe les deserts, mais nous n’y bumes point. D’un certain magister le rat tenait ces choses, Et les disait a travers champs; X’etant point de ces rats qui, les livres rongeants, Se font savants jusques aux dents. Parmi tant d’huitres toutes closes Une s’etait ouverte; et, baillant au soleil, Par un doux zephyr rejouie, Humait l’air, respirait, etait epanouie, Blanche, grasse, et d’un gout, a la voir, nonpareil. D’aussi loin que le rat voit cette huitre qui bailie : lC Qu’aperQois-je, dit-il; c’est quelque victuaille ? LE LION, LE LOUP ET LE RENARD. Et, si je ne me trompe a la couleur du mets, Je dois faire aujourd’hui bonne chere, ou jamais.” La-dessus maitre rat, plein de belle esperance, Approcbe de l’ecaille, allonge nn peu le cou, Se sent pris comme anx lacs; car l’huitre tout d’un Se r'eferme. Et voila ce que fait l’ignorance. Cette fable contient plus d’un enseignement .* Nous y yoyons preruierement Que ceux qui n ont du monde aucune experience Sont, aux moindres objets, frappes d’etonnement * Et puis nous y pouvons apprendre Que tel est pris qui croyait prendre. kXII.—L e Lion, le Loup et le Eenard. Un lion, decrepit, goutteux, n’en pouvant plus, Youlait que l’on trouvat remede a la vieillesse. Alleguer l’impossible aux rois, c’est un abusT v Celui-ci parmi chaque espece ^ ^ Ma^a des medecins: il en est de tous arts. Medecins au lion viennent de toutes parts ; De tous cotes lui vient des donneurs de recettes. Dans les visites qui sont faites Le renard se dispense, et se tient clos et coi. Le loup en fait sa cour, daube, au coucber du roi, Son camarade absent. Le prince tout a l’heure Yeut qu’on aille enfumer renard dans sa demeure, Q.u’on le fasse venir. II vient, est presente : 68 FABLES DE LA FONTAINE. Et sachant que le loup lui faisait cette affaire: Je crains, sire, dit-il, qu’un rapport peu sincere 15 Mais j’etais en pelerinage, Et m’acquittais d’un voeu fait pour votre sante. Meme j’ai vu dans mon voyage 20 Gens experts et savants; leur ai dit la langueur Dont votre majeste craint a bon droit la suite. Vous lie manquez que de cbaleur; Le long age en vous l’a detruite : D’un loup ecorclie vif appliquez-vous la peau 25 Toute chaude et toute fumante; Le secret sans doute en est beau Pour la nature defaillante. Messire loup vous servira, S’il vous plait, de robe de cliambre. 30 Le roi goute cet avis-la. On ecorclie, on taille, on demembre Messire loup. Le monarque en soupa, Et de sa peau s’enveloppa. Messieurs les courtisans, cessez de vous detruire; 35 Eaites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire : Le mal se rend cliez vous an quadruple du bien. Les daubeurs ont leur tour d’une ou d’autre maniere : Vous etes dans une carriere Oil l’on ne se pardonne rien. 40 LE LOUP ET LE CHIEK 69 LXIII.—Le Loup et le Chien. Un loup n’avait que les os et la peau, Tant les chiens faisaient bonne garde: Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau, Gras, poli, qui s’etait fourvoye par megarde. L’attaquer, le mettre en quartiers, Sire loup l’eut fait volontiers : Mais il fallait livrer bataille; Et le matin etait de taille A se defendre liardiment. Le loup done l’aborde bumblement, Entre en propos et lui fait compliment Sur son embonpoint, qu’il admire. “ II ne tiendra qu’a vous, beau sire, D’etre aussi gras que moi, lui repartit le chien. Quittez les bois, vous ferez bien: Yos pareils y sont miserables, Cancres, heres, et pauvres diables, Dont* la condition est de mourir de faim. 70 FABLES DE LA FONTAINE. Oar, quoi! rien d’assure ! point de tranche lippee ! Tout a la pointe de l’epee ! 20 Suivez-moi, vous aurez un bien meilleur destin.” Le loup reprit: “ Que me faudra-t-il faire ? —Presque rien, dit le chien : donner la chasse aux gens Portant batons, et mendiants; Platter ceux du logis, a son maitre complaire: 25 Moyennant quoi votre salaire Sera force reliefs de toutes les fa^ons, Os de poulets, os de pigeons; Sans parler de mainte caresse.” Le loup deja se forge une felicite 30 Qui le fait pleurer de tendresse. Chemin faisant, il vit le cou du chien pele. “ Qu’est-ce la ? lui dit-il.—Eien.—Quoi! rien ?—Peu de chose. —Mais encor ?—Le collier dont je suis attache De ce que vous voyez est peut-etre la cause. —Attache ! dit le loup : vous ne courez done pas Ou vous voulez?—Pas toujours; mais qu’importe? —II importe si bien, que de tons vos repas Je ne veux en aucune sorte, Et ne voudrais pas meme a ce prix un tresor.” Cela dit, maitre loup s’enfuit, et court encor. 35 40 LE LAITIERE ET LE POT AU LAIT. Pretendait arriver sans encombre a la ville. Legere et court vetue, elle allait a grands pas, Ayant mis ce jour-la, pour etre plus agile, Cotillon simple et souliers plats. Notre laitiere ainsi troussee Comptait deja dans sa pensee Tout le prix de son lait; en employait l’argent Achetait un cent d’oeufs; faisait triple couvee : La chose allait a bien par son soin diligent. “ II m’est, disait-elle, facile D’elever des poulets autour de ma maison; Le renard sera bien habile S’il ne. m’en laisse assez pour avoir un cochon. Le pore a s’engraisser coutera peu de son; II etait, quand je l’eus, de grosseur raisonnable : J’aurai, le revendant, de Targent bel et bon. Et qni m’empechera de mettre en notre etable, Yu le prix dont il est, une vache et son veau, Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?” Perrette la-dessus saute aussi, transports: Le lait tombe; adieu veau, vache, cochon, couvee. La dame de ces biens, quittant d’un oeil marri Sa fortune ainsi repandue, Ya s’excuser a son mari, En grand danger d’etre battue. Le recit en farce en fnt fait; On l’appela le Pot au lait. Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait chateaux en Espagne ? FABLES DE LA FONTAINE. Picrochole, Pyrrhus, la laitiere, enfiii tous, Autant les sages que les fous. Chacun songe en veillant; il n’est rien de plus doux : Une flatteuse erreur emporte alors nos ames; 35 Tout le bien du monde est a nous, Tous les honneurs, toutes les femmes. Quand je suis seul, je fais au plus brave un defi*; Je m’ecarte, je vais detroner le sophi; O11 rn’elit roi, mon peuple m’aime; 40 Les diademes vont sur ma tete pleuvant: Quelque accident fait-il que je rentre en moi-meme : Je suis gros Jean comrne devant. LXY.— Le Chat, la Belette et le petit Lapin. Du palais d’un jeune lapin Dame belette, un beau matin, S’empara : c’est une rusee. Le maitre etant absent, ce lui fut chose aisee. Elle porta chez lui ses penates, un jour Qu’il etait alle faire a l’aurore sa cour 5 Parmi le thym et la.rosee. Apres qu’il eut broute, trotte, fait tous ses tours, Jeannot lapin retourne aux souterrains sejours. La belette avait mis le nez a la fenetre. IO “ 0 dieux hospitaliers ! que vois-je ici paraitre! Dit l’animal chasse du paternel logis. Hola! madame la belette, LE CHAT, LA BELETTE ET LE PETIT LAPIN. 73 Que l’on deloge sans trompette, Ou je vais avertir tous les rats du pays.” * 15 La dame au nez pointu repondit que la terre Etait au premier occupant. C’etait un beau sujet de guerre Qu’un logis ou lui-meme il n’entrait qu’en rampant! “ Et quand ce serait un royaume, 20 Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi En a pour toujours fait l’octroi A Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume, Plutot qu’a Paul, plutot qu’a moi.” Jean lapin allegua la coutume et l’usage: 2 5 “ Ce sont, dit-il, leurs lois qui m’ont de ce logis Eendu maitre et seigneur, et qui, de pere en fils, L’ont de Pierre a Simon, puis a moi Jean, transmis. Le premier occupant, est-ce une loi plus sage ? —Or bien, sans crier davantage, 30 Eapportons-nous, dit-elle, a Eaminagrobis.” C’etait un chat vivant comme un devot ermite, Un chat faisant la chattemite, Un saint homme de chat, bien fourre, gros et gras, Arbitre expert sur tous les cas. 3s Jean lapin pour juge l’agree. Les voila tous deux arrives Devant sa majeste fourree. Grippeminaud leur dit: “ Mes enfants, approchez, Approchez; je suis sourd, les ans en sont la cause.” 4® L’un et l’autre approcha, ne craignant nulle chose. Aussitot qu’a portee il vit les contestants, Grippeminaud le bon apotre, 74 FABLES DE LA FONTAINE. Jetant des deux cotes la griffe en meme temps, Mit les plaideurs d’accord encroquant l’un et 1 * autre. 45 Ceci ressemble fort aux debats qu’ont parfois Les petits souverains se rapportants aux rois. LXYI.— Le Depositaire Infidele. Un trafiquant de Perse, Chez son voisin, s’en allant en commerce, Mit en depot un cent de fer un jour. “ Mon fer ? dit-il, quand il fut de retour. —Yotre fer! il n’est plus : j’ai regret de vous dire 5 Qu’un rat l’a mange tout entier. J’en ai gronde mes gens : mais qu’y faire ? un grenier A toujours quelque trou.” Le trafiquant admire Un tel prodige, et feint de le croire pourtant. Au bout de quelques jours il detourne l’enfant 10 Du perfide voisin; puis a souper convie Le pere, qui s’excuse, et lui dit en pleurant: “ Dispensez-moi, je vous supplie; Tous plaisirs pour moi sont perdus. J’aimais un fils plus que ma vie: 15 -Te n’ai que lui; que dis-je ! helas ! je ne l’ai plus ! On me l’a derobe : plaignez mon infortune.” Le marchand repartit: “ Hier au soir, sur la brune, Un chat-huant s’en vint votre fils enlever; Yers un vieux batiment je le lui vis porter . 20 Le p&re dit: “ Comment voulez-vous que je croie LE DEPOSITAIRE INFIDELE. Qu’un hibou put jamais emporter cette proie ? Mon fils en un besoin eut pris le cbat-huant. —Je ne vous dirai point, reprit 1’autre, comment : Mais enfin je Tai vu, vu de mes yenx, vous dis-je; Et ne vois rien qui vous oblige D’en douter un moment apres ce que je dis. Eaut-il que vous trouviez Strange Que les chats-buants d’un pays Oil le quintal de fer par un seul rat se mange, Enlevent un gargon pesant un demi-cent?” L’autre vit ou tendait cette feinte a venture : II rendit le fer au marcband, Qui lui rendit sa geniture. Meme dispute avint entre deux voyageurs. L’un d’eux etait de ces conteurs Qui n’ont jamais rien vu qu’avec un microscope : Tout est geant cbez eux : ecoutez-les, l’Europe Comme l’Afrique, aura des monstres a foison. Celui-ci se croyait l’hyperbole permise: “ J’ai vu, dit-il, un chou plus grand qu’une maison. —Et moi, dit-l’autre, un pot aussi grand qu’une eglise. Le premier se moquant, l’autre reprit: “ Tout doux; On le fit pour cuire vos choux.” L’homme au pot fut plaisant, Thomme au fer fut babile, 4 Quand l’absurde est outre, Ton lui fait trop d’bonneur De vouloir par raison combattre son erreur: Encherir est plus court, sans s’echauffer la bile. 76 FABLES DE LA FONTAINE. / LXVII.— Le Sayetier et le Financier. Un savetier chantait du matin jusqu’au soir: C’etait merveille de le voir, Merveille de l’ou'ir; il faisait des passages, Plus content qu’aucun des sept sages. Son voisin, au contraire, etant tout cousu d’or, Chantait peu, dormait moins encor: C’etait un homme de finance. Si sur le point du jour parfois il sommeillait, Le savetier alors en chantant l’eveillait; Et le financier se plaignait Que les soins de la Providence N’eussent pas au marche fait vendre le dormir, Comme le manger et le boire. 5 IO En son hotel il fait venir Le chanteur, et lui dit: “ Or 9 ^ 1 , sire Gregoire, Que gagnez-vous par an ?—Par an ! ma foi, monsieur, Dit avec un ton de rieur Le gaillard savetier, ce n’est point ma maniere De compter de la sorte; et je n’entasse guere Un jour sur 1’autre : il suffit qu’a la fin J’attrape le bout de l’annee; Chaque jour amene son pain. > —Eh bien ! que gagnez-vous, dites-moi, par journee ? —Tantot plus, tantot moins: le mal est que toujours (Et sans cela nos gains seraient assez honnetes), Le mal est que dans l’an s’entremelent des jours Qu’il faut chomer; on nous ruine en fetes: V LE CHAT ET LE VIEUX RAT. 77 L’une fait tort a 1 ’autre; et monsieur le cure De quelque nouveau saint charge toujours son prone.” Le financier, riant de sa naivete, 3° Lui dit: “ Je vous veux mettre aujourd’hui sur le trone. Prenez ces cent ecus; gardez-les avec soin, Pour vous en servir au besoin.” Le savetier crut voir tout l’argent que la terre Avait, depuis plus de cent ans, 35 Produit pour l’usage des gens. II retourne chez lui: dans sa cave il enserre L’argent, et sa joie a la fois. Plus de chant: il perdit la voix Du moment qu’il gagna ce qui cause nos peines. 4° Le sommeil quitta son logis : Il eut pour hotes les soucis, Les soup9ons, les alarmes vaines. Tout le jour il avait 1 ’oeil au guet; et la nuit, Si quelque chat faisait du bruit, 45 Le chat prenait l’argent. A la fin le pauvre homme S’en courut chez celui qu’il ne reveillait plus: Eendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme, Et reprenez vos cent ecus. LXYIII.— Le Chat et le vieux Rat. \/ J’ai lu, chez un conteur de fables, Qu’un second Rodilard, l’Alexandre des chats, L’Attila, le fleau des rats, Rendait ces derniers miserables ; 78 FABLES DE LA FONTAINE. J’ai lu, dis-je, en certain auteur, 5 Que ce chat exterminateur, Yrai Cerbere, etait craint une lieue a la ronde: II voulait de souris depeupler tout le monde. Les planches qu’on suspend sur un leger appui, La mort-aux-rats, les souricieres, to N’etaient que jeux au prix de lui. Comme il voit que dans leurs tanieres Les souris etaient prisonnieres, Qu’elles n’osaient sortir, qu’il avait beau chercher, Le galant fait le mort, et du liaut d’un plancher 15 Se pend la tete en bas : la bete scelerate A de certains cordons se tenait par la patte. Le peuple des souris croit que c’est chatiment, Qu’il a fait un larcin de rot 011 de fromage, Egratigne quelqu’un, cause quelque dommage; 20 Enfin qu’on a pendu le mauvais garnement. Toutes, dis-je, unanimement, Se promettent de rire a son enterrement, Mettent le nez a l’air, montrent un peu la tete, Puis rentrent dans leurs nids a rats, 25 % Puis ressortant font quatre pas, Puis enfin se mettent en quete. Mais voici bien une autre fete: Le pendu ressuscite, et, sur ses pieds tombant, Attrape les plus paresseuses. 3 o “ Nous en savons plus d’un, dit-il en les gobant: C’est tour de vieille guerre; et vos cavernes creuses Ne vous sauveront pas, je vous en avertis : Yous viendrez toutes au logis.” LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE. 79 II prophetisait vrai: notre maitre Mitis, 35 Pour la seconde fois, les trompe et les affine, Blanchit sa robe et s’enfarine; Et, de la sorte deguise, Se niche et se blottit dans une huclie ouverte. Ce fut a lui bien avise: 40 La gent trotte-menu s’en vient chercher sa perte. Un rat, sans plus, s’abstient d’aller flairer autour: C’etait un vieux routier, il savait plus d’un tour; Meme il avait perdu sa queue a la bataille. “ Ce bloc enfarine ne me dit rien qui vaille, 45 S’ecria-t-il de loin au general des chats: Je soupgonne dessous encor quelque machine. Eien ne te sert d’etre farine; Car, quand tu serais sac, je n’approcherais pas.” C’etait bien dit a lui; j’approuve sa prudence : 50 Il etait experiments, Et savait que la mefiance Est mere de la surete. LXIX.— Les Animaux malades de la peste. Un mal qui repand la terreur, Mai que le ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre, La peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom), Capable d’enrichir en un jour l’Acheron, 5 Eaisait aux animaux la guerre. Ils n’en mouraient pas tous, mais tous etaient frappes : On n’en voyait point d’occupes 80 FABLES DE LA FONTAINE. A chercher le soutien d’une mourante vie; Nul mets n’excitait leur envie; 10 M loups ni renards n’epiaient La douce et l’innocente proie; Les tourterelles se fuyaient: Plus d’amour, partant plus de joie. Le lion tint conseil, et dit: “ Mes chers amis, i 5 Je crois que le ciel a permis Pour nos peches cette infortune. Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du celeste courroux; Peut-etre il obtiendra la guerison commune. 20 L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents On fait de pareils devouements. Ne nous Hattons done point; voyons sans indulgence L’etat de notre conscience. Pour moi, satisfaisant mes appetits gloutons, 25 J’ai devore force moutons. Que m’avaient-ils fait ? nulle offense; Meme il m’est arrive quelquefois de manger Le berger. Je me devouerai done, s’il le faut: mais je pense 3 ° Qu’il est bon que cliacun s’accuse ainsi que moi; Car on doit soubaiter, selon toute justice, Que le plus coupable perisse. —Sire, dit le renard, vous etes trop bon roi; A^os scrupules font voir trop de delicatesse. 35 Eh bien! manger moutons, canaille, sotte espece, Est-ceunpeche? Non, non. Yous leur fites, seigneur, En les croquant, beaucoup d’honneur; LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE. 81 Et quant au berger l’on peut dire Qu’il etait digne de tous maux, Etant de ces gens-la qui sur les animaux Se font un cliimerique empire.” Ainsi dit le renard; et flatteurs d’applaudir. On n’osa trop approfondir Du tigre, ni de Tours, ni des autres puissances, 45 Les moins pardonnables offenses : Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples matins, Au dire de cbacun etaient de petits saints. L’ane vint a son tour, et dit: “ J’ai souvenance Qu’en un pre de moines passant, 50 La faim, l’occasion, Therbe tendre, et, je pense, Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pre la largeur de ma langue; Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.” A ces mots on cria haro sur le baudet. 55 Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue Qu’il fallait devouer ce maudit animal, Ce pel 4 , ce galeux, d’ou venait tout leur mal. Sa peccadille fut jug 4 e un cas pendable. Manger l’herbe d’autrui! quel crime abominable ! 60 Eien que la mort n’etait capable D’expier son forfait. On le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou miserable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. 82 FABLES DE LA FONTAINE. LXX. —L’Alouette et ses Petits, avec le MaItre d’un champ. Ne t’attends qu’a toi seal; c’est un commun proverbe. / Yoici comme Esope le mit En credit: Les alouettes font leur nid Dans les bles quand ils sont en herbe, 5 C’est-a-dire environ le temps Que tout aime et que tout pullule dans le monde, Monstres marins au fond de l’onde, Tigres dans les forets, alouettes aux champs. Une pourtant de ces dernieres Avait laisse passer la moitie d’un printemps Sans gouter le plaisir des amours printanieres. A toute force enfin elle se resolut D’imiter la nature et d’etre mere encore. Elle batit un nid, pond, couve et fait eclore, A la hate : le tout alia du mieux qu’il put. Les bles d’alentour murs avant que la nitee Se trouvat assez forte encor Pour voler et prendre Lessor, De mille soins divers l’alouette agitee S’en va chercher pature, avertit ses enfants D’etre toujours au guet et faire sentinelle. “ Si le possesseur de ces champs Vient avecque son fils, comme il viendra, dit-elle, Ecoutez bien : selon ce qu’il dira. 25 L’ALOUETTE ET SES PETITS, ETC. 83 Chacun de nous decampera.” Sitot que l’alouette eut quitte sa famille, Le possesseur du champ vient avecque son fils. “ Ces bles sont mhrs, dit-il: allez chez nos amis Les prier que chacun, apportant sa faucille, 3 o Nous vienne aider demain des la pointe du jour.” Notre alouette de retour Trouve en alarme sa couvee. L’un commence: “ II a dit que l’aurore levee, L’on fit venir demain ses amis pour l’aider. 35 S’il n’a dit que cela, repartit l’alouette, Eien ne nous presse encor de changer de retraite; Mais c’est demain qu’il faut tout de bon ecouter. Cependant, soyez gais ; voila de quoi manger. Eux repus, tout s’endort, les petits et la mere. 40 L’aube du jour arrive, et d’amis point du tout. L’alouette a l’essor, le maitre s’en vient faire Sa ronde ainsi qu’a 1 ’ordinaire. Ces bles ne devraient pas, dit-il, etre debout. Nos amis ont grand tort, et tort qui se repose 45 Sur de tels paresseux, a servir ainsi lents. Mon fils, allez chez nos parents Les prier de la meme chose. L’epouvante est au nid plus forte que jamais. —II a dit ses parents, mere ! c’est a cette heure. ... 50 —Non, mes enfants; dormez en paix : Ne bougeons de notre demeure. L’alouette eut raison; car personne ne vint. Pour la troisieme fois, le maitre se souvint De visiter ses bles. Notre erreur est extreme, 55 G 84 FABLES DE LA FONTAINE. Dit-il, de nous attendre a d’autres gens que nous: II n’est meilleur ami ni parent que soi-meme. Retenez bien cela, mon fils. Et savez-vous Ce qu’il faut faire ? II faut qu’avec notre famille Nous prenions des demain chacun une faucille : 60 C’est la notre plus court; et nous acheverons Notre nroisson quand nous pourrons. Des lors que ce dessein fut su de l’alouette: C’est ce coup qu’il est bon de partir, mes enfants! Et les petits, en meme temps, 65 Yoletants, se culebutants, Delogerent tous sans trompette. LXXI.— Les deux Pigeons. Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre.* L’un d’eux, s’ennuyant au logis, Eut assez fou pour entreprendre Un voyage en lointain pays. L’autre lui dit: Qu’allez-vous faire ? 5 Voulez-vous quitter votre frere ? L’absence est le plus grand des maux: Non pas pour vous, cruel! Au moins que les travaux, Les dangers, les soins du voyage, Cbangent un peu votre courage. 10 Encor, si la saison s’avan^ait davantage! Attendez les zephyrs : qui vous presse ? un corbeau Tout a l’heure annonqait mallreur a quel que oiseau. Je ne songerai plus que rencontre funeste, LES DEUX PIGEONS. 85 Que faucons, que reseaux. Helas! dirai-je, il pleut: 15 Mon frere a-t-il tout ce qu’il veut, Bon souper, bon gite, et le reste ?” Ce discours ebranla le cceur De notre imprudent voyageur: Mais le desir de voir et l’humeur inquiete 20 L’emporterent enfin. II dit: “ Ne pleurez point; Trois jours au plus rendront mon ame satisfaite : Je reviendrai dans peu conter de point en point Mes aventures a mon frere; Je le desennuierai. Quiconque ne voit guere 25 N’a guere a dire aussi. Mon voyage depeint Yous sera d’un plaisir extreme. Je dirai: J’etais la; telle chose m’avint: Yous y croirez etre vous-meme.” A ces mots, en pleurant, ils se dirent adieu. 30 Le voyageur s’eloigne : et voila qu’un nuage L’oblige de cbercber retraite en quelque lieu. Un seul arbre s’offrit, tel encor que l’orage Maltraita le pigeon en depit du feuillage. L’air devenu serein, il part tout morfondu, 35 Seche du mieux qu’il peut son corps charge de pluie; Dans un champ a l’ecart voit du ble repandu, Yoit un pigeon aupres : cela lui donne envie; Il y vole, il est pris : ce ble couvrait d’un lacs Les menteurs et traitres appats. 40 Le lacs etait use; si bien que, de son aile, De ses pieds, de son bee, l’oiseau le rompt enfin: Quelque plume y perit; et le pis du destin Fut qu’un certain vautour a la serre cruelle 86 FABLES DE LA FONTAINE. Yit notre malheureux, qui, trainant la ficelle 45 Et les morceaux du lacs qui l’avait attrape, Semblait un format echappe. Le vautour s’en allait le lier, quand des nues Fond a son tour un aigle aux ailes etendues. Le pigeon profita du conflit des voleurs, 50 S’envola, s’abattit aupres d’une masure, Crut pour ce coup que ses malheurs Einiraient par cette aventure; Mais un fripon d’enfant (cet age est sans pitie) Prit sa fronde, et du coup tua plus d’a moitie 55 La volatile mallieureuse, Qui, maudissant sa curiosite, Trainant l’aile, et tirant le pied, Demi-morte et demi-boiteuse, Droit an logis s’en retourna: 60 Que bien, que mal, elle arriva Sans autre aventure facbeuse. Voila nos gens rejoints; et je laisse a juger De combien de plaisirs ils payerent leurs peines. Amants, lieureux amants, voulez-vous voyager^ 6 S Que ce soit aux rives prochaines. Soyez-vous Tun & l’autre un monde toujours beau, Toujours divers, toujours nouveau; Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste. GRAMMATICAL INTRODUCTION. A fair knowledge of the Accidence, including the four Regular C( jugations, is presumed. It is also desirable that the pupil should acquainted with such simple rules as that an adjective gjfieral! follows the noun it qualifies, and that a pronoun governed tu^Lyerb usually precedes it. No work could be better suited than La Fontaine’s Fables t3 be a means for becoming familiarised with grammatical constructions. The Notes have, for the most part, this object in view. Every subjunctive, for instance, should be noticed, and the reason found for its use. Such little words as ‘en,’ ‘y,’ should never be slurred over ; but even if they are left untranslated, it should be felt that they have a certain force and meaning. Attention to detail will prevent the beginner falling into a slovenly and unseholarly style of translation. Before passing on to more special points it may be well to notice the Personal Pronouns. The following is a table of them :— Conjunctive. C Nom. Acc. (1* J e me Sing. -! 2. tu te 13. il, elle le, la fl. nous nous Blur. -| 2. vous vous 13. ils, elles les Rejl. pron. se Adverbial pronouns- Disjunctive. "N Dat. me moi te toi lui lui, elle nous nous vous vous leur eux, elles se soi en, y. N.B .—The disjunctive pronoun is used— i. When standing quite alone— Moi, heron, que je fasse . . . ii. When second member of a comparison — Un bceuf est plus puissant que toi. iii. When antecedent to a relative pronoun — Elle, qui n’etait pas . . . UliAiVIiYIA 1J iv. With impersonal phrase, ‘c’est, fjruillot. . . v. In enumerations—Les deputes, eux et leur suite . . " vi. After all prepositions—A moi, de lui, avec eux, etc. I. Order of Words. These Fables being in verse, and written a long while ago, there are (good many points to notice in connection with the order of the Lrds in the sentence, which in modern prose is much more strictly pilated. i. The adjective is occasionally placed before the noun instead of hter^This (except in certain cases) is a poetic use : "la commune loi, la dindonniere gent, sa trainante mamelle. 'inversion is sometimes employed in prose, e.g., in parentheses, ss dit-il j in exclamations, as—Vive le Roi !; after dout , as—celui dont la poule . . . ; in some hypothetical clauses, as—trouvait-on (= si l’on trouvait); commonly in a dependent clause, as—l’heritage que nous ont laisse nos parents; and after certain conjunctions. Much greater licence, however, is allowed in poetry. i. For instance, the possessive genitive is often placed before the noun on which it depends : Du baudet en cette aventure Ou lui fit porter la voiture (i.e. la voiture du baudet). . . . Enseigne-moi de grace De mon voleur, lui dit-il, la maison. ii. The adjective or participle qualifying a noun is often separated from it, i. e. placed after the remoter complement: Ce chien voyant sa proie en l’eau representee (i.e. repr. en l’eau). —Maitre corbeau, sur un arbre perche. in. The attribute is often placed before instead of after the noun : ... sont pauvres devenus (i.e. sont devenus pauvres). —En lui payant de tribut un mouton (i.e. un m. de tribut). iv. The indirect object before instead of after the verb : De nul deux n’est souvent la province conquise (i.e. la pro¬ vince n’est souvent conquise de nul d’eux). v. The subject is placed after the verb to make the style more vivid : —Arrive un troisieme larron. vi. It was very general, when an infinitive governing a pronoun was accompanied by an auxiliary or semi-auxiliary verb, to put the GRAMMATICAL INTRODUCTION. 89 pronoun before the latter, and not, as is the rule now, immediately before the infinitive governing it: e.g. —Nous l’allons montrer ( i.e. nous all. le montrer). —l’un voulait le garder, l’autre le voulait vendre. vii. Again, when an infinitive is used with the negative, both parts of the negative are now taken together. In the seventeenth century they were often separated : e.g., pour ne lui point mentir (= pour ne point lui mentir). II. The Article. Notice its omission in— i. Proverbial phrases : —Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage. ii. In enumerations : —Femmes, moine, vieillards, tout etait descendu. iii. In some phrases, almost equivalent to a single verb : faire folie, avoir differend, tenir conseil, etc. iv. And more loosely : — Voild commencement de chere et de festin, —tenant la vue Sur mdme objet toujours tendue. Obs. —So, too, the personal pronoun is sometimes left out: —Ainsi/i^ fait.—Et ne sais comme il y manqua. III. Moods — Subjunctive. The following instances (occurring in the text) of the use of the subjunctive in dependent clauses may help the pupil to classify other instances for himself, and may assist him in getting a clear knowledge of the use of different moods. They are classed under ten heads— i. After verbs of wishing, commanding, etc. : a. Car on doit souhaiter, selon toute justice, Que le plus coupable perisse. b. De par le roi des animaux . . . Fut fait savoir a ses vassaux Que chaque espece en ambassade Envoyat gens le visiter. ii. After verbs expressing an emotion of the mind, fear, surprise, etc.: a. Je crains, sire, dit-il qu’un rapport peu sincere Ne m’ ait a mepris impute D’avoir differe cet homage. b. Ceux qui . . . s’etonnaient de voir que Martin Chassdt les lions an moulin. 90 GRAMMATICAL INTRODUCTION. iii. After impersonal verbs, not expressing a fact: a. ... H semble que ce soit Un sergent de bataille . . . b. ... II faut qu’on s’entr'aide. iv. After verbs of thinking , saying, etc., used interrogatively or negatively: — Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi Me fasse peur, ni me soncie ? v. After a relative pronoun preceded by a verb expressing negation, etc., denying or restricting the statement contained in the dependent clause: —Quant aux ingrats il n'en est point Qui ne meure enfin miserable. vi. After a rel. pron. preceded by a superlative, an ordinal number, or an exclusive phrase : a. ... le plus terrible des enfants Que le Nord eM porUs jusque la dans ses flancs. b. . . . Yit le premier cheval qiCil edt vu de sa vie. c. II n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi. vii. After a rel. pron. when the phrase expresses a hope or expecta¬ tion, and not a mere statement: —O Jupiter, montre-moi quelque asile, S’ecria-t-il, qui me puisse sauver. viii. After final conjunctions : —. . . Descends, que je t’embrasse (que = afin que, in order that). ix. After contingent conjunctions of time : —Mais il eut mieux fait d’attendre Qu' il edt un peu plus d’appetit. (Que = jusqu’a ce que, until). —Ne lui donna point de repos Que le cerf ne fUt pris et n’y laissat la vie (que = avant que, before, until). x. After conditional and concessive conjunctions and phrases: a. Petit poisson deviendra grand Pourvu que Dieu lui pr&te vie (provided that . . .) b. Encore qu' on le raillat avec juste raison (encore que = even though). c. jamais un lourdaud quoi qui il fasse . . . (whatever . . .) Of course this collection is not exhaustive, and leaves untouched the independent use of the subjunctive. GRAMMATICAL INTRODUCTION. 91 IY. Negatives. In French the negative usually consists of two words— ne followed by pas, point, rim, jamais, etc. In La Fontaine this rule is not very strictly kept. i. Pas (or point) is left out. This is usual with some verbs—pouvoir, savoir, oser, cesser, bouger ; e.g., Ne bougeons d’oii nous sommes ; comme il n’y pouvait atteindre, etc. But occasionally the pas, etc., is omitted in cases where it would have to be used in modern French : e -9- —bii qui n’etait novice (i.e. qui n’etait pas). —De tout temps les chevaux ne sont nes pour les hommes. ii. Ne is left out: e.g.-Fit-il pas mieux que de se plaindre (i.e. Ne fit-il pas . . .) iii. Instead of pas or point, etc., some other word is used forming a real equivalent, but apparently irregular : —il ?i’en reviendrait morceau. —la cigogne . . . %’en put attraper miette. — chose ne leur parut a tous plus salutaire. iv. Anssi is used in the sense of either in negative phrases where non plus would be used now : —Je ne l’ai pas mauvais aussi. v. Ni is used incorrectly for ou, there being no negative : Penses-tu, lui dit-il que ton titre de roi Me fasse peur, ni me soucie ? V. Words used in different Meanings. En. I. Preposition — i. With nouns: en France, en grosseur, en faute— at fault; il s’habille en berger— like a shepherd ; agir en loup— like a wolf. ii. With present participles : en voulant— whilst wishing; en se saisissant— by seizing. N.B. En in modern French is used in general phrases without the definite article ; with the article, dans is used. In these Fables the older use constantly occurs— en Z’eau, en la machine ronde, etc. etc. II. Pronoun or Adverbial Pronoun — i. Of place : Il en vient—from there. (Often used with verbs of motion—s’en aller, s’en venir, s’en retourner—where it is not trans¬ lated as a rule in English.) iii. With the def. article, used instead of a possessive adj. when referring to an inanimate object: les appartcments en etaient trop petits (its apartments). iv. With a numeral adj. or indef. pronoun (generally not trans¬ lated in English): —en est-il un plus pauvre . . . v. In several vaguer uses, referring to preceding statements : e.g., il en rapporta davantage (en, for it—the digging mentioned in preceding lines). Y. i. Adverb of place : —l’on y tournait a peine—there. ii. Generally as a pronoun = d lui, ct elle, co eux, d cela, etc.: —comme il n ’y pouvait atteindre (i. e. aux raisins). iii. Vaguely, referring to past statements generally : e.g. —Mouflar y croyait perdre (by it, i.e. by having his ears cut off). De. i. Of motion : from, out of —sortir du puits, sauve du trepas. ii. Of the instrument: —puis des pieds de devant ensemble le porter— with. —ils l’avalent des yeux, du doigt ils se la montrent— with. iii. Of manner : mourant de faim— of ; vient ri’un pas agile— with ; plume cTetrange sorte— in a strange way. , iv. Material: un oeuf d' or—a golden egg. v. Quality : de belle taille, un cliien de bonne race, une personne de sens. vi. Quantity: after tant, assez, beaucoup, point, etc. vii. Partitive : des raisins— some grapes ; de secretes pratiques (no article, because adj. precedes noun) ; d’autres—others. Used as a superlative : un renard des plus fins—one of the craftiest of foxes. viii. After certain verbs or adjectives: e.g., Il pria le cheval de l’aider ; converts, charges de —with ; pleine de vrais amis—of; avait raison de trouver, etc. etc. ix. = for, in return for : tu seras chatie de ta temerite ; payez-moi de ma peine, en louant Dieu de toute chose. x. In several adverbial phrases : e.g., de fortune—by chance ; de sa vie— in his life, etc. GRAMMATICAL INTRODUCTION. 93 A. i. Of motion to : retourner au logis. ii. Before a noun to express purpose or use : 1 etable d boeufs ; le panier au pain—the bread-basket. iii. In personal descriptions : la cigogne au long bee with the . . . ; l’autour aux serres cruelles. iv. Of possession : Elle doit etre a moi— mine. v * 0f time or P lace = A ces mots— at these words ; au temps chaud in the . . .; depuis qu’il est an monde— in the world; a toute extremite— in . . . vi. In certain phrases, some noun being understood : a la legere, a l’etourdie, a la longue, a son ordinaire. vii. To mark the indirect object after verbs : toucher a . . .; donner quelque chose a . . . viii. With adverbial complement: le saisit au frein —by . . .; marchait a pas pesants— with. ix. According to : A ce que dit la fable. Que. i. Relative pron. objective case: (geais . . .) que Ton nomme plagiaires— whom. ii. Interrog. pron.: Que nous sert cette queue ? Qu’ai-je fait— what 1 iii. Adverbial : Que vous etes joli, que vous me semblez beau— how! iv. = when: Un jour que . . . v. = than, as, in comparisons: souffrir plutot que mourir. On a souvent besoin d’un plus petit que soi. Aussi fort que nous. vi. Used as a conjunction after verbs : croire que, dire que, etc. etc. vii. Corresponding to ce, and completing its meaning : C’est mourir deux fois que souffrir tes atteintes. viii. Joined to prepos. and adverbs to form conjunctions : e.g., des que, avant que, aussitbt que, etc. ix. Used in place of other conjunctions : — afin que—Descends, que je t’embrasse. = avant que—Ne lui donna point de repos Que le cerf ne fut pris et n’y laissat la vie. = tandis que—Tandis que . . . Et que nos champions son- geaient a, se defendre. 94 GRAMMATICAL INTRODUCTION. VI. Archaisms. Several of these have been alluded to in the preceding paragraphs, and most will be found mentioned in the Notes. Such are : devant que for avant dc; the frequent use of the infinitive as a noun— e.g. II accomplit son dire ; pour with the infin. = parce que with the indica¬ tive ; par with the infin. = en with the present participle ; d for avec, a toute peine, etc.—relics of a time when the rules of grammar were less rigidly fixed than at present. Some of the words La Fontaine uses survive in rustic and familiar language and in old-fashioned phrases, hut have dropped out of literary French : e.g., pati ( = paturage), pcltir (= souffrir), majiu, matois, lippee, frairie, herbette, voire, gent, etc. Occasionally the word is still used, but in a different sense: e.g., partisan, loycr, douteux, enseigne, debris, curieux, sycophante, etc. Sometimes he uses forms once valid, but now entirely obsolete : e.g., treuve (= trouve), die (= dise), etrets (= etroits). NOTES. I.—Le Renard et les Raisins. LINE 1. certain, ‘a certain.’ Here ‘ certain ’ is quite indefinite in meaning, like the Latin word ‘ quidam. ’ gascon . . . normand. Gascony and Normandy were two of the provinces of France as divided before the Revolution. The capital of Gascony was Bordeaux ; that of Normandy, Rouen. The Gascons, full of ‘ blarney, ’ were the Irishmen of France, the ‘canny’ Normands may be called the Scotchmen of France. The fox was shrewd enough to see that he could not reach the grapes, and ready with a plausible excuse. d antres, not des autres. The rule is that Avhen an adjective comes before a noun, used in a partitive sense, the preposition ‘ de is used instead of the partitive article. The full phrase would be ‘d’autres personnes,’ ‘ d’autres gens.’ 2. au haut. The adjective is used as a noun. Cp. ‘ le malade ’ ‘ le riche,’ ‘le pauvre,’ etc. 3. raisins. Notice that the English word ‘ raisins ’ is only used of dried grapes, and the French word ‘grappe’ of a ‘bunch’ of anything. apparemment, not ‘apparently,’ but ‘evidently,’ ‘obviously.’ 5. le galant. A difficult word to translate. It is used in a playful, half-sarcastic way, implying a mixture of cheerfulness and rascality. It may be translated ‘ our fine friend,’ ‘ the festive spark. ’ en, on them, ‘ off them ’; see Grammatical Introduction V. eut fait. Mind the tense. It is an independent subjunctive. 6- y, governed by atteindre—used in its ordinary pronominal sense referring to inanimate objects—‘raisins.’ 7. goujats, ‘ snobs. ’. The word meant originally a lad, then a camp- follower or soldier’s servant, and then became further degraded in meaning. Cp. our English word ‘ knave. ’ 8. Fit-il pas. We should expect ‘ ne fit-il pas,’ but in La Fontaine’s tune people were not so particular as they are now about the use of the negatives ; and besides, rules are not so strictly kept in the poetical or conversational style. 96 NOTES. LINE 8. de need not be translated. It simply brings in or announces tl e infinitive. se plaindre. Notice the difference between the simple verb ‘ plaindre ’ and the reflexive verb. Cp. ‘ battre ’ and ‘ se battre,* etc. II. —Le Chien qui lache sa proie pour l’ombre. ‘ Hold fast is the only dog. ’ Shakespeare, Henry V. 2. courir. In English we should use the present participle. 3. fous. Notice particularly that ‘fou’ does not mean ‘fool,’but ‘ madman. ’ en refers to ‘ fous,’ and is governed by ‘le nombre.’ 5 . Notice the inverted order of the words. In English they would run, ‘ II faut renvoyer les au chien dont Esope parle.’ renvoyer, ‘refer them,’ for a lesson or example. Esope, ‘iEsop,’ the celebrated Greek fabulist, lived about b.c. 570 . 6. en l’eau. In modern French the preposition ‘dans is used when the noun is accompanied by an article ; ‘ en ’ is confined to general phrases, and used without the article, e.g., ‘dans la ville,’ ‘in the town’ ( i.e . some particular town mentioned), ‘en ville,’ ‘ in town,’ generally. 7. pensa se noyer, ‘ was nearly drowned ’; literally, ‘ thought he was drowning.’ 8. tout d’un coup, ‘all of a sudden’; lit. ‘all of a blow.’ The word ‘ coup ’ enters into a great variety of phrases (v. 5). 9. 4 toute peine, ‘a’ = ‘avec,’ an old-fashioned use. Do not confuse it with ‘a peine’ = ‘hardly,’ ‘scarcely.’ 10 ne . . . ni . . . ni. Notice the negative ‘ne’ with the verb in addition to ‘ ni . . . ni ’—contrary to English use. III.— La Poule aux m6 m beil ? g cook< r d > ‘ f aire cuire ’ of the person who {'a? 5 ', 1 /’ etc ' .translate as if it were : ‘ comme ‘Socrate faisait batir (une maison) ; the participle here is in a kind of absolute 3. les dedans, adverb used like a noun ; cp. le dehors, etc. P ' nfo-JS pomt 1 I f\ In modern French the two words forming the point taimentir.’ 6 J ° med *° getller bef ° re 311 infin - ™ 4. un tel p. We alter the order of the words and say ‘ such a p. ’ 5. avis, ‘opinion,’ not ‘advice.’ 6. les app. en . ‘its apartments.’ In speaking of things or inanimate objects, use ‘en’ with the definite article instefd of the possessive adjective. u 01 /. quelle m., ‘what a house . . .’ 8. Pint au ciel! ‘would to heaven!’; literally, ‘might it please heaven ; an independent subjunctive of wish. * de vrais amis, take after ‘pleine ’ d vr:rce«ts. he fou “ d ’-° rder: ceux-14, i. e. ‘ de vrais amis. ’ f ° be Q rmt into ^g ™ 86 i§ ‘ elli P tica V—that is, something must or O-a K qu7 e . am ? ** ‘ (U 6St > f °“ <““> q»i • • se dit, ‘ calls himself.’ • • who trusts to it,’ie. to professions VII.— Le Cerf et la Vigne. 1. 4 la faveur, ‘by the help of,’ ‘thanks to.’ 2. telle . La Fontaine adds this because the ordinary vine in -i French vineyard would hardly have concealed a stag. 7 H 12 2. en (yoit). If translated it would be ‘some,’ i.e. vines, but it need not be expressed in Euglish. en de certains, an old-fashioned construction. climats here = ‘ countries. ’ 4. pour ce coup. Here ‘ coup ’ = ‘ occasion, ’ ‘ fois.’ en faute, ‘ at fault,’ i.e. that they had lost the scent. 8. vient mourir. Notice the construction of ‘venir.’ ‘II vient mourir ’ means ‘ he comes and dies ’; ‘ il vient de mourir, ‘ he has just died’; ‘ s’il vient a mourir,’ ‘should he happen to die.’ ce lieu meme, ‘that very place.’ See v. 10. 10. ingrats. He addresses the warning to ungrateful people generally. 11. en fait curee. ‘ Curee ’ is the technical name fpr that part of a hunted beast which is given to the hounds. ‘ En fait curee ’ means that the hounds begin to ‘ tear him to pieces ’ before the huntsmen come up. 12. pleurer aux v. Hunted deer actually do shed tears. ‘Aux veneurs’ means ‘before the huntsmen,’ i.e. in their presence, in order to move them. 14. conserves. Why plural ? VIII.— Les Voletjrs et l’Ane. 2. le garder . . . le v. v. In the first section the pronoun ‘ le ’ is in the right place, immediately before the infinitive governing it; in the second it is before the auxiliary or quasi-auxiliary verb — a use common in the seventeenth century, but not to be imitated. 3. trottaient, a humorous use—‘a shower of blows.’ 4. que = ‘tandis que’; used to avoid repeating it. Notice. that it is followed by the indicative ; when it is used for ‘ si ’ it takes the subj. 6. Maitre Aliboron, a pompous name for a donkey—‘Master Mokeanna. ’ 7. c’est. ‘ Ce ’ refers to * l’ane,’ placed by itself at the beginning for more emphasis. une p. province, e.g. the banks of the river Congo, New Guinea, etc., at the present day. 8. tel et tel, ‘ such or such a prince. ’ Cp. ‘ monsieur un tel, ’ * Mr. So and So.’ -w- m • *1 _ • _1_ A • a f ^ 1 h 1% ^ f 4-1^ d n TT I A NOTES. 101 LINE 12. Notice the inversion. Take the words : ‘ La province n’est son- vent conquise de ’ (more correctly it should be ‘par’) ‘nul’ (better ‘aucun’) ‘d’eux.’ 13. quart = ‘quatrieme,’ an archaic use. Side by side with the more modern forms : ‘ premier, deuxieme, troisieme, quatrieme cinquieme . . . neuvieme, dixieme, ’ there are older forms generally (except ‘ second ) confined to particular uses or phrases prime, second, tiers, quart, quint . . . none, dime.’ accorde net, i.e. ‘cuts short the dispute.’ The adjective is used like an adverb : cp. parler haut, chanter juste, aller vite, etc. 14. en, ‘by.’ IN.—L’AkE VflTU DE LA PEAIT DU LlON. 1. Mind the inversion. 3. bienqu’an., * although a creature . . .’ vertu, here in its original but unusual sense of ‘ courage,’ ‘ manli¬ ness.’ 5. echappe, ‘protruding,’ ‘sticking out’—escaping, as it were, from the covering he put over it. 6. la fourbe. Notice that ‘fourbe,’ if feminine = ‘deceit,’ ‘impos¬ ture ’; if masculine = ‘ deceiver,’ ‘ impostor.’ Cp. ‘ trompette ’ xxiii. 15. 7. Martin, ‘Toby.] The full phrase is ‘ Martin - baton ’ (lit. the stick of Martin,_ the farm - servant), which may be translated ‘ Toby-tickle -tail.’ The name of the owner (Martin) is here given to the stick itself. 8. la ruse et la malice. Take the two together—‘ the sly trick.’ 10. chassat, subjunctive after the idea of surprise contained in the preceding line (‘s’etonnaient devoir’= ‘voyaient avec etonne- ment ’). moulin, the donkey’s place of business. 11. force gens, plenty of folk. ’ ‘ Gens ’ is the genitive case governed by ‘ force,’ which is a noun (just as the English word ‘ plenty ’). In old French the preposition ‘ de ’ was not needed to mark the genitive. Cp. ‘ Dieu merci.’ 12. cet apologue, rather the moral or application of the fable. rendu. The verb ‘to make,’ followed by an adjective, is trans-* lated in French by ‘ rendre,’ not ‘ faire.’ 13. cavalier. This use of the word springs from the idea that a horse¬ man is more ‘ showy ’ and dashing than a person who goes on foot. ° 14. vaillance, bravery,’ partly in the old English sense of the word —magnificence of dress. ‘aussigrosse . . . que.’ 4. se travaille, ‘strains,’ ‘strives’; lit. ‘works lierself up.’ 6. bien, ‘carefully.’ 7. dites-moi. Notice that with the imperative affirmative the pro¬ noun governed follows the verb ; but ‘ do not tell me ’ would be ‘ ne me dites pas.’, n’y suis-je point. A common but vague use of ‘y.’ ‘ Haven’t I got to it yet ?’ ‘ Am I not right yet V i.e. ‘am I big enough ?’ Cp. ‘y etes-vous?’ ‘Have you got the place?’ (in a book) ; ‘j’y suis,’ I’ve got it (of a sudden discovery) ; ‘Monsieur n’y est pas, ’ ‘ Master is not at home. ’ 8. Nenni, an old-fashioned word. ‘ Nay,’ ‘not a bit of it. voici ... voil& . . . Translate by ‘ now ’ , . . ‘ now ’ emphatically used. ‘ Done ’ merely gives a stress. ‘ Well, am I right now ? Not at all. Am I right now1 ’ etc. Notice that ‘ voici ’ and ‘ voila ’ govern an accusative, which is peculiar. The reason is this: ‘voila’ is formed of two words, the imperative ‘vois,’ ‘see,’ and the adverb ‘la,’ ‘there’; ‘me voila’then means ‘see me there ’—and so too of ‘ voici,’ with the difference that ‘ ci ’ means ‘ here. ’ 10. si bien, ‘ so much.’ There is a touch of sarcasm in the phrase. 12. The ‘bourgeois’ class in oid French society correspond to the middle and ‘ lower middle ’ classes of English society—the com¬ mercial and trading classes generally. 14. The ‘ marquis ’ was the typical dandy or ‘ masher ’ of the day, and a favourite butt—of Moliere in particular. XI.—Le Geai pare des plumes du Paon. ‘ 0 imitatorum servum pecus ! ’ 2. puis, ‘then.’ ‘Puis’ is generally used instead of ‘alors to ex¬ press succession. se, dative. Notice the order of the pronouns. What would their position be if ‘ lui ’ were used instead of ‘ se ’ ? 3. tout tier. ‘ Tout ’ is here an adverb, and when thus modifving an LINE NOTES. 103 ‘ Bafouer ’ means originally ‘ to pout one’s lips ’ at some one • berner, to toss in a blanket; ‘jouer, ’ to make game of. 7. Messieurs les Paons, ‘Messrs. Peacock and Co.’ Notice tbe use of the article. The French word ‘ Messieurs ’ has been borrowed by us as the plural of ‘ Mister.’ de, ‘in.’ 10. il est assez ... Cp. viii. 11. ^ P^ e .^- S ’ £ "’if h two feet, ’ ‘ two - footed, ’ i. e. human beings : (though.jays are not quadrupeds). Notice this use of ‘a’ in descriptions. Cp. liii. 2, ‘ le heron au long bee. ’ 11. d’autrui. This is a peculiar word. It is really the genitive case of ‘ autre, so that ‘ de ’ should not be needed. 12. on nomme. Here as frequently turn ‘ on ’ with the active by a passive verb in English—‘Avho are called . . .’ plagiaire, plagiarist, is an opprobrious term for a writer who borrows and uses the actual work or the ideas of another with¬ out acknowledgment. The word was originally applied at Rome to people who stole and then concealed the slaves of others. 13. ennui, ‘annoyance,’ ‘worry.’ ‘Ennui’ was used with a stronger meaning then than it bears now. 14. Ce ne sont . . . , That s no business of mine.’ ‘ Ce ’ is singular and ‘sont’ is plural. How is this? ‘Ce’ is not really the subject; the subject is the pronoun or noun following the verb ‘ etre. But it is only in the third person plural that the verb agrees with its real subject in this way— e.g., we say ‘c 'est moi, c es t toi, c est nous’ (the real subjects are ‘moi, toi, nous’), but ce sont eux.’ Translate ‘la’ by putting an emphasis on the demonstrative. XII. —Le Cheval et l’Ane. 1. il faut se secourir l’un l’autre. 2. vient k ru. See vii. 8. 5. celui-ci. When referring to things previously mentioned ‘ celui-ci ’ — the latter ; ‘ celui-la ’ = ‘ the former. ’ ne . . . que. See iii. 3. 7. quelque peu = un peu. 8. devant qu’etre k ... , ‘before reaching . . . in modern French ‘ avant d’etre. ’ ‘ Devant ’ = ‘ before, ’ of place ; ‘ avant * — ‘ before, ’ of time ; but the old use was not so strict. 9. en, governed by ‘priere’—the request ‘for it,’ i.e. de l’aider quelque peu. It need not be translated into English. 10. vous, dative. 11. fit une p., ‘kicked up his heels in his face ’—in contempt. 12. tant que here = ‘until.’ Usually means ‘so long as.’ 104 NOTES. LINE 14. du baudet; take after ‘ la voiture.’ Notice the construction of ‘ faire ’ with an infinitive. If the infinitive is followed by an accusative, or direct object, as here, the pronoun governed by ‘ faire ’ is put in the dative. If the infinitive is used absolutely, or governs an indirect object, then the pronoun is put in the accusative— e.g., ‘ on le fit partir,’ ‘ on le fit lire ’ (but, on lui fit lire un livre), ‘ on le fit parler a son frere, ’ etc. 16. par-dessus, ‘besides,’ ‘over and above.’ encor. The ‘ e ’ at the end of ‘ encore ’ is left out for the sake of the metre. For the same reason an ‘s’ is sometimes added to 'jusque,’ and ‘que’ to ‘avec’—‘jusques, avecque.’ XIII. —Le Loup et la Cigogne. ‘ One good turn deserves another.' 2. etant de frairie, ‘in festive mood,’ ‘on banqueting intent.’ The use of ‘ de ’ here is really partitive. The word ‘ frairie ’ originally meant a confraternity or guild (like the city com¬ panies in London). It gradually came to be used exclusively of feeding and luxurious banqueting. 4 pensa . . . Cp. ii. 7. En, ‘from it,’ i.e. from his excessive hurry. 5. lui dem. au gosier, ‘ in his throat.’ When speaking of a part of the body, the dative of the pronoun and the definite article are used in French where we should use the possessive adj.— e.g. ‘ J e me suis casse la jambe,’ ‘ I have broken my leg ’; ‘je lui ai pris la main, ’ ‘ I took Ms hand, ’ etc. avant, here used adverbially. 6. ne pouvait. Notice that the second part of the negative, ‘pas,’ or ‘point,’ is omitted. This is usual with ‘pouvoir,’ ‘savoir,’ ‘oser,’ ‘cesser,’ and sometimes ‘bouger.’ 9. operatrice, fern, of ‘ operateur,’ ‘ the lady-surgeon.’ 10. un si bon tour; the English phrase, ‘such a good turn.’ ‘Tour’ is now seldom used in a good sense. 13. comm&re and ‘compere,’ like the English ‘gossip’ (by which word they may often be rendered), were originally used of per¬ sons who were spiritually related by being godfather and god¬ mother to the same person. Then they are used in a half- affectionate, half-jesting way, without any idea of relationship, like ‘Brer’ Rabbit and ‘Brer’ Fox, in Uncle Remus. 14. Ce n’est pas encor b., ‘Is it not a good deal?’ i.e. ‘Aren’t you lucky enough to ? . . . ’ The wolf means that she has been very fortunate to have got her beak out of his throat when he might have killed her ; to ask for more is impudent and ungrateful. 16. allez, ‘go to,’ ‘get out,’ ‘off with you.’ ingrate. We do not use the adj. alone in this way instead of a noun. We must say ‘an ungrateful thing,’ ‘a thankless creature.’ NOTES. 105 XIV.— Le Labourers et ses Enfants. LINE 2. Ce, ‘That,’ i.e. work, etc. le fonds qui m. le m., ‘the safest investment’ — the fund or resource which is least likely to fail us. 3. laboureur, not ‘labourer,’ hut ‘husbandman/ ‘Labourer’ does not mean ‘to labour,’ but to ‘plough,’ to ‘till.’ 4. fit venir, ‘sent for,’ lit. ‘made to come.’ Notice how this use of ‘faire’ turns a neuter verb into an active one— e.g., ‘mourir,’ ‘ to die ; ’ ‘ faire mourir, ’ ‘ to put to death. ’ 5. Gardez-v. de, ‘ take care not to . . , ’; lit. ‘ keep yourself from . . .’ 6. que . . . Inversion—common with a relative when the subject is longer than the verb. 9. vous. What case is this ? See xii. 14. venir & bout de . . ., lit. ‘ to come to the end of a thing,’ means to complete it successfully, ‘ to succeed in ’ doing it. 10. aout. The word ‘ aout,’ lit. * August,’ is used here for the harvest, generally associated with that month. aura fait. Notice how accurately the shades of meaning are given by the tenses. 11. creusez . . . These words are very similar in meaning. ‘Dig away, rummage about, spade in hand.’ 12. passe et repasse. These verbs are in the subjunctive mood, ‘ou’ being equivalent to a relative pron. and prepos., ‘dans laquelle ’ and a negative preceding. 13. Le p